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26/11/12 1 Montréal 4, 5 et 6 octobre 2012 Christine Mannoni Ethnopsychologue Directrice de l’association EMETIS Paris 2012 Dans chaque société la question de la mort vient prendre sens autour des rites et des codes imposés par le groupe d’appartenance. La Culture est une sorte de carte intériorisée inconsciente qui a pris racine dès la petite enfance par un long travail d’interactions et de relations au groupe d’appartenance Elle est cet item qui procède de la compréhension du sens de la vie et de la mort, du sens du passage dans le ou les mondes invisibles Un premier exposé didactique nous plongera dans les pensées religieuses juives Une étude ethno-clinique d’un enfant issu de la migration maghrébine, de confession musulmane

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Montréal 4, 5 et 6 octobre 2012

Christine Mannoni Ethnopsychologue Directrice de l’association EMETIS Paris 2012

Dans chaque société la question de la mort vient prendre sens

autour des rites et des codes imposés par le groupe d’appartenance.

La Culture est une sorte de carte intériorisée inconsciente

qui a pris racine dès la petite enfance par un long travail d’interactions

et de relations au groupe d’appartenance

Elle est cet item qui procède de la compréhension

du sens de la vie et de la mort, du sens du passage dans le ou les mondes invisibles

Un premier exposé didactique nous plongera dans les pensées religieuses juives

Une étude ethno-clinique d’un enfant issu de la migration maghrébine,

de confession musulmane

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Rites et codes autour de la mort dans le judaïsme

« CE MONDE-CI RESSEMBLE A UN VESTIBULE DEVANT LE MONDE FUTUR : PRENDS TES DISPOSITIONS DANS LE VESTIBULE POUR ÊTRE EN MESURE

D’ACCEDER AU PALAIS »

RABBI YAACOV

Loi juive, Halakhah, si la personne est seule …, son âme solitaire se perdrait

sérénité et paix

tout le monde va au séjour des morts nommé le Shéol

Mitsva, un commandement, une bonne action que d’assister le mourant

Devant la mort, la religion juive préconise dans sa généralité

La Loi juive interdit de hâter la mort

l’accompagnement spirituel se fait par les psaumes et prières hébraïques.

La famille doit donc être présente

il est défendu de toucher l’agonisant

durant l’agonie, toutes les parties du corps sont recouvertes

et les pleurs de la famille sont interdites dans la chambre

normalement aucun préparatif funéraire n’ait entrepris avant la mort

les priants…, proclament à haute voix la prière de sanctification,

le Kaddish

sur le dernier mot de cette prière … l’âme se sépare du corps physique pour rejoindre le monde céleste

la bouche et les yeux doivent être fermés à ce moment précis par un proche de la famille

(pour les enfants se sont souvent les pères)

on ne doit pas fermer les yeux avant la mort prononcée

on ne peut toucher au corps durant les prières rituelles

le mort est source d’impureté

la mort … Pour certains, se définit par l'arrêt de la respiration (dernier souffle)

pour d'autres, par l'arrêt du pouls.

Le visage est immédiatement recouvert d’un drap

Les mains ouvertes sont placées le longs du corps

La famille peut pratiquer une déchirure rituelle d’un vêtement en signe de deuil

On allume des bougies ou des petites lampes électriques

Lorsque le décès se fait à domicile, le défunt est posé à même le sol et recouvert

Avant leur transfert à la morgue, les soignants pourront ôter les dispositifs médicaux de drainage, cathéters et appareils divers ;

les pansements seront renouvelés et les plaies suturées

Quand la toilette rituelle sera effectuée, on ne pourra plus intervenir chirurgicalement.

veiller le mort jour et nuit … il faut permettre au moins la lecture du Livre des Psaumes, une fois,

qui dure 3 heures

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la Tahara qui est la purification et toilette rituelle funéraire est confiée aux membres de la confrérie Hévra Kadicha.

Les membres de la famille n’y assistent pas

en Diaspora, il est d’usage de mettre un petit sachet de terre d’Israël sous la tête

pour la mort d’un frère, d’une sœur, d’un de ses enfants ou du conjoint, le deuil est observé un mois

(contrairement au deuil d’un parent qui est d’un an)

Pour les enfants en bas âge, la Tahara est plus simple mais les gestes, les rites et les prières à l’hôpital

sont identiques pour la famille

Spécificité pour les nourrissons ou les fœtus :

L’âme d'un enfant mort avant trente jours de vie révolus, … est pure selon la Loi juive.

C'est pourquoi les communautés orthodoxes n'observent aucun deuil. Ce point de vue n'est pas suivi par les courants moins traditionnels qui pratiquent tous les rituels comme pour les adultes, à l’hôpital

Les garçons doivent être circoncis à huit jours de la naissance et souvent les parents demandent la circoncision

alors que l’enfant est en fin de vie

s'il n'est pas né vivant, au moment de la Tahara, la circoncision sera faite et consiste davantage à réaliser un "signe"

qu'une circoncision réelle.

Les filles, même mortes-nées sont nommées avant l'enterrement

on peut allumer une petite "bougie pour l'âme" … même si on ne porte pas son deuil en raison de son âge

Réflexions pour le professionnel : des parents d’obédience juive ne pratiquant qu’une partie des concepts

Chaque famille compose avec ses origines culturelles.

repères théologiques et généraux sur l’approche de la mort.

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la grande implication du groupe familial qui entoure les parents

Le rôle des ainés

Ce qu’il faut retenir

Les grands interdits tels que l’accélération de la mort

Les échanges avec le groupe élargi

Laisser agir ses rites permet une capacité de deuil possible et concret.

Mohamed petit garçon de 3 mois atteint d’amyotrophie spinale

Le pronostic vital est engagé

demande une intervention

ethno-clinique

problématique

culturelle importante

une symptomatologie spécifique est apparue chez la mère

tremblements

elle est tombée

avait fait la même crise la veille au soir,

en sa présence

s’était « réveillée  de son état»

Anamnèse :

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jeunes parents algériens

marié traditionnellement et

civilement dans son pays

Mme K … enceinte … fait une fausse couche prématurée dans son pays

traitée par la thérapie traditionnelle

jalousie d’un membre de la famille

seul enfant

montre

dès le début de sa vie, des symptômes inquiétants

Le diagnostic

confirme une AS1

hospitalisé en réanimation

Première consultation ethno-clinique 

possibilité d’une transe chez Mme K : manifestation qui

connote une présomption de dialogue avec le monde

invisible

le réanimateur, l’infirmière, l’aide soignante,

le stagiaire psychologue, l’ethnopsychologue sont présents

Mme K affirme son mal-être par des éléments culturels

les « transes sauvages » doivent être traitées pour trois raisons :

elles ne s’arrêtent pas d’elles-mêmes

ne soit pas orientée dans un service de psychiatrie

Pour que l’on trouve le message et la négociation à faire avec l’invisible

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Deuxième consultation ethno-clinique 

Mme K a encore fait une transe chez elle

parlent de la dégradation de la santé de leur bébé

Mr K me dit qu’il a téléphoné au pays, à sa famille, pour expliquer

aller consulter la guérisseuse

« c’est la volonté d’Allah, nous devons l’accepter »

Il affirme que la mère de l’enfant ne doit pas être présente lors de la mort

le bébé va la chercher

et demander

son sein et son lait

l’enfant

pourrait décider de ne pas « partir »

et de rendre sa mère

très malade

Mr K. voudrait que quelqu’un s’occupe de sa femme dans le salon des parents

les femmes en âge de procréer se chargeraient de la mère

les grands-mères seraient présentes près de l’enfant ainsi

que les hommes proches de la famille

Les prières seraient faites par le groupe des hommes pour que l’âme de son bébé soit bien accompagneée

et surtout que les parents soient protégés de cette mort spéciale

le père veut mettre en place un cadre culturel et religieux cohérent

Troisième consultation ethno-clinique 

La thérapeute traditionnelle a vu la mort de Mohamed

mais Allah protège la famille

La thérapeute traditionnelle demande que la mère de l’enfant

revienne en Algérie

Il faut absolument que le corps de Mohamed

retourne au pays

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La mort de Mohamed  

la maman de Mohamed est présente dans la chambre

toujours avec son mari

Elle montre une tristesse très forte et

ne parle plus

Elle n’approche plus son bébé

Quelques notions importantes repérées dans cette famille traditionnelle

L’enfant ne doit pas être en présence de sa mère au moment de la mort

La mère ne peut pas pleurer en présence de l’enfant

La toilette ne peut être faite par la mère ou le père

mais par un religieux ou un membre de la famille

La toilette rituelle est toujours faite

en présence des membres proches de la famille

La mort d’un enfant est toujours suspecte

La mort suspecte d’un enfant met en danger tout le groupe familial

Le groupe sert de support aux rites autour du deuil

La pensée traditionnelle est évoquée comme une étiologie à la mort de l’enfant

même si les parents ont bien compris la maladie génétique

Les symptômes de la mère sont la représentation de la douleur psychique

Comme on ne sait pas soigner les transes il faut les renvoyer aux fonctionnements familiaux

et aux thérapeutes traditionnels

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Après l’enterrement de Mohamed :

réunion familiale

Mme K avait été « lavée et purifiée » par la guérisseuse

sorcellerie d’attaque sur le couple

Une dette en argent a été remboursée par la grande tante

pour la mort de Mohamed

la guérisseuse a évoqué aux parents l’idée de « la maladie qui pourrait revenir »

Mr et Mme K demandent donc

un bilan génétique

injonction traditionnelle

en rapport avec la médecine

En conclusion

Le fait d’avoir évoquer un diagnostic d’étiologie traditionnelle

a permis un processus de deuil

Le cadre ethno-thérapeutique ne peut se mettre en place que par un processus de pluridisciplinarité

et des transmissions des éléments culturels

Les réponses par le traitement culturel aux transes de Mme K ont permis le suivi du deuil et surtout le suivi médical

Ici la pensée traditionnelle a pris le dessus sur la religion musulmane

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Les morts d’enfants dans les familles maghrébines

sont souvent des liens entre la culture vécue et la religion

Merci de votre écoute

Vos questions