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ATHLÉTISME CROSS SCOLAIRE ET ENDURANCE PAR J.-C. VOLLMER, P. SIGRIST, M. ANTOINE La pratique compétitive de distances du type endurance, pour les jeunes, est relati- vement récente. Ce n'est que vers le milieu des années soixante qu'apparaissent quel- ques tentatives de la Fédération Française d'Athlétisme pour introduire des compéti- tions de demi-fond (il faut dire qu'entre les années 50/60. ces pratiques étaient encore considérées comme dangereuses pour les enfants). Notons à ce sujet quel- ques rappels historiques pour mieux situer aujourd'hui les fondements de notre dé- marche en milieu scolaire. HISTORIQUE En 63/64, on voit figurer chez les minimes garçons le 600 m et le cross sur des distan- ces de 1 200 à 1 500 mètres. Chez les filles, seules les cadettes courent 500 mètres sur piste, 1 200 mètres en cross. En 69/70, la FFA commence à organiser des compétitions de cross-country pour les benjamins et les minimesfilles(distance de 700 à 1 000 mètres) ; chez les minimes garçons, on peut noter une augmentation des distances (jusqu'à 2 000 m) et chez les cadettes (jusqu'à 1 500 m). Ensuite, on verra la suppression des efforts du type demi-fond court ainsi qu'un allon- gement des distances afin de privilégier la notion de durée pour aboutir progressive- ment à la situation que l'on connaît au- jourd'hui. Cette évolution a été favorisée par les recherches de certains médecins (notamment le docteur Van Aaken) qui ont pu démontrer que les jeunes enfants étaient capables de faire, sans danger, des activités d'endurance. Par ailleurs, à travers leur pratique sur le terrain, les entraîneurs et les enseignants ont prouvé que de très jeunes élèves pou- vaient réaliser de réelles performances dans le domaine des courses en durée. LE CROSS EN MILIEU SCOLAIRE Chacun sait que la pratique du cross ren- contre un écho favorable dans les établis- sements scolaires. Cette activité est souvent l'aboutissement d'un cycle d'entraînement de course en durée, cycle qui apparaît presque immuablement dans la program- mation des séances d'EPS, surtout en dé- but d'année scolaire. Comment développer l'endurance ? Si l'objet essentiel est, ici, l'amélioration de la qualité physique : l'endurance (une des composantes de la condition physique) et si personne n'ignore que le développement de ce facteur est en corrélation avec le facteur santé, il n'en reste pas moins que de nombreux problèmes restent posés à tout enseignant ou entraîneur lorsqu'il aborde cette activité. Pour la majorité d'entre eux, n'y a-t-il pas eu d'abord souvent confusion dans la traduction du sens des mots. Par exemple, on peut noter cette remarque de M. Tribalat (cf. EPS 192) : « la course de longue distance en milieu scolaire est sou- vent traitée comme une qualité physique : l'endurance ; elle l'est rarement comme une discipline. Le moyen s'est susbtitué à la spécialité pour devenir la spécialité elle-même ». Ainsi, la dimension biologi- que est valorisée au point de devenir le contenu essentiel. Les questions qui sont alors généralement soulevées sont les suivantes : Comment peut-on développer cette di- mension biologique, qu'est l'endurance, de la manière la plus efficace ? EPS № 220 - NOVEMBRE-DECEMBRE 1989 57 Revue EP.S n°220 Novembre-Décembre 1989 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

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ATHLÉTISME

CROSS SCOLAIRE ET ENDURANCE

PAR J.-C. VOLLMER, P. SIGRIST, M. ANTOINE

La pratique compétitive de distances du type endurance, pour les jeunes, est relati­vement récente. Ce n'est que vers le milieu des années soixante qu'apparaissent quel­ques tentatives de la Fédération Française d'Athlétisme pour introduire des compéti­tions de demi-fond (il faut dire qu'entre les années 50/60. ces pratiques étaient encore considérées comme dangereuses pour les enfants). Notons à ce sujet quel­ques rappels historiques pour mieux situer aujourd'hui les fondements de notre dé­marche en milieu scolaire.

HISTORIQUE En 63/64, on voit figurer chez les minimes garçons le 600 m et le cross sur des distan­ces de 1 200 à 1 500 mètres. Chez les filles, seules les cadettes courent 500 mètres sur piste, 1 200 mètres en cross. En 69/70, la FFA commence à organiser des compétitions de cross-country pour les benjamins et les minimes filles (distance de 700 à 1 000 mètres) ; chez les minimes garçons, on peut noter une augmentation des distances (jusqu'à 2 000 m) et chez les cadettes (jusqu'à 1 500 m). Ensuite, on verra la suppression des efforts du type demi-fond court ainsi qu'un allon­gement des distances afin de privilégier la notion de durée pour aboutir progressive­ment à la situation que l'on connaît au­jourd'hui. Cette évolution a été favorisée par les recherches de certains médecins (notamment le docteur Van Aaken) qui ont pu démontrer que les jeunes enfants étaient capables de faire, sans danger, des activités d'endurance. Par ailleurs, à travers leur pratique sur le terrain, les entraîneurs et les enseignants ont prouvé que de très jeunes élèves pou­vaient réaliser de réelles performances dans le domaine des courses en durée.

LE CROSS EN MILIEU SCOLAIRE Chacun sait que la pratique du cross ren­contre un écho favorable dans les établis­sements scolaires. Cette activité est souvent l'aboutissement d'un cycle d'entraînement de course en durée, cycle qui apparaît presque immuablement dans la program­mation des séances d'EPS, surtout en dé­but d'année scolaire. Comment développer l'endurance ? Si l'objet essentiel est, ici, l'amélioration de la qualité physique : l'endurance (une des

composantes de la condition physique) et si personne n'ignore que le développement de ce facteur est en corrélation avec le facteur santé, il n'en reste pas moins que de nombreux problèmes restent posés à tout enseignant ou entraîneur lorsqu'il aborde cette activité. Pour la majorité d'entre eux, n'y a-t-il pas eu d'abord souvent confusion dans la traduction du sens des mots. Par exemple, on peut noter cette remarque de M. Tribalat (cf. EPS 192) : « la course de longue distance en milieu scolaire est sou­

vent traitée comme une qualité physique : l'endurance ; elle l'est rarement comme une discipline. Le moyen s'est susbtitué à la spécialité pour devenir la spécialité elle-même ». Ainsi, la dimension biologi­que est valorisée au point de devenir le contenu essentiel. Les questions qui sont alors généralement soulevées sont les suivantes :

Comment peut-on développer cette di­mension biologique, qu'est l'endurance, de la manière la plus efficace ?

EPS № 220 - NOVEMBRE-DECEMBRE 1989 57 Revue EP.S n°220 Novembre-Décembre 1989 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

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• Est-ce que le contenu des séances propo­sées permet des acquisitions notables dans ce domaine ?

Est-ce que le nombre des séances dont on dispose est suffisant ? •• Est-ce que le seuil de sollicitation (inten­sité) des exercices est trop élevé ou trop faible ? »• Est-ce qu'un cycle d'endurance peut préparer les élèves à une compétition de cross scolaire ? En effet, si les données sur la capacité d'endurance de l'enfant et du jeune sont maintenant relativement nombreuses, leur diffusion reste pourtant encore « confiden­tielle » ou réservée à un cercle restreint de spécialistes. Ces informations portent sur les résultats de recherches menées en labo­ratoire et impliquent des paramètres tels que : consommation maximale d'oxygène, fréquence cardiaque, mesure du seuil aé-robie-anaérobie, fréquence respiratoire, débit cardiaque, ainsi que l'évolution de ces paramètres en cours de croissance. Par manque de données utilisables facilement sur le terrain, l'enseignant reste souvent démuni face aux multiples problèmes qui peuvent se présenter concrètement à lui.

Evolution des conceptions de l'endurance (en France)

Notons, aussi, pour ceux qui enseignent ou entraînent, une autre source de difficultés, celle provenant des écrits parfois contra-

EVOLUTION HISTORIQUE DES CONCEPTIONS DE L'ENDURANCE EN FRANCE

Quelques exemples relevés dans la litté­rature consacrée à ce sujet illustrent bien le cheminement de ce concept. ... « L'essentiel par cette préparation cardia­que est de rester dans une certaine prudence et de savoir qu'un enfant n'a pas un potentiel d'adaptation cardiaque important et qu'il ne faut donc pas dépasser des zones d'accéléra­tion cardiaque trop importante. J'estime que pour un jeune, un rythme cardiaque de 140 est largement suffisant car il ne pourra pas tenir trop longtemps et que très rapidement il va se trouver dans des zones de difficulté » (Doc­teur R. Andrivet. in Revue AEFA, n°21, oct.68) [1]. ... « L'endurance se situe dans une zone d'équilibre cardiaque entre 120-130 puls./min. (R. Frassinelli. in Revue AEFA, n° 29, oct. 70) [7]. ... « La course de la santé a pour objectif la pratique de la course à allure modérée dans la fourchette de pouls comprise entre 120 et 140 puls/min. avec plafonnement des durées »... Par ailleurs, il est dit à propos de la prise du pouls : cet aspect est absolument essentiel car l'effet physiologique d'endurance... né­cessite un contrôle rigoureux individuel qui doit être réalisé par les enfants ». (Dossier : « Course de la santé », Revue AEFA. n° 35, 2e

trimestre 1972). ... « Lorsque vous vérifiez les régimes d'endu­rance d'un groupe d'enfants, vous constate­rez de grandes différences. Un critère cardia­que au régime type endurance se situe dans la

fourchette 120-140» (Revue AEFA, numéro spécial « Athlé 73 »). ... « Pour l'endurance, l'effort réel se place dans un régime situé entre 120-160» (J.-P. Brandet, in Revue AEFA, n° 54, 1er trimestre 77) [5]. ... « En ce qui concerne le pouls en endurance, il se situe plus entre 140-160 qu'entre 120-140, puis se stabilise plutôt entre 145-150» (M, Maccagnan. in Revue AEFA, n° 57-59, 2e tri­mestre 78), ... « Il n'est pas souhaitable de demander à l'enfant de ne pas dépasser une allure de 120-130 puls/min., ni de leur faire contrôler leur pouls à tout bout de champ » (G. Verse-puech, in Revue EPS ; n° 174, mars-avril 82) [13], ... « Depuis plus de dix ans, il a été préconisé comme norme pour l'endurance une four­chette de 120-140 puls/min... Or, sur le terrain, tout le monde constate que cette norme ne colle pas à la réalité ! La plupart des enfants et, particulièrement les filles, ont des pulsations de 180-190 : zone définie comme « critique » et de « résistance ». ... On ne doit pas s'inquiéter si chez l'enfant, pour de courtes séances d'entraînement, les pulsations montent à 180-190 puls/min. (chez les plus jeunes en particulier ainsi que chez les filles) à condition qu'ils courent avec facilité (observation des signes objectifs de fatigue) car leur seuil d'endurance ne se situe pas à 120-140 puls/min. comme chez les adultes, mais à 170-180 puls/min. » (R. Chanon, in Revue AEFA, n° 87, 2e trimestre 84) [4].

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dictoires qui ont pu être relevés dans la littérature consacrée à ce sujet. A travers le bref aperçu historique des conceptions de l'endurance en France, présenté dans l'encadré ci-contre, on peut observer que ce concept fait l'objet, en ce qui concerne l'enfant, de divergences et de contradictions quant à la détermination de ses principales caractéristiques. De plus, si les données de référence les plus actuelles restent, comme nous l'avons déjà dit, non vulgarisées, il est normal que l'on constate chez ceux qui sont directement concernés sur le terrain un certain flou dans la com­préhension des processus de l'endurance appliqués à de jeunes scolaires. Pour tenter de mieux cerner la réalité de cette notion et pouvoir en tirer les conclu­sions pratiques sur le plan didactique, nous avons essayé d'analyser le comportement

et la charge de travail réelle enregistrés chez des enfants participant à un cross scolaire (cette activité étant généralement considérée comme significative des activi­tés classées dans la catégorie « endu­rance »).

UN EXEMPLE D'EXPÉRIMENTATION Le dispositif expérimental que nous avons mis en place, lors d'un championnat dépar­temental UNSS, nous a permis de faire porter notre observation et le recueil des paramètres sur les données suivantes : - la répartition générale de l'allure (vitesse) pendant la durée de la compétition ; - l'enregistrement continu de la fréquence cardiaque durant l'épreuve ; - l'appréciation subjective par l'athlète de l'effort fourni. Ces paramètres ont été relevés pour chaque

catégorie d'âge sur deux ou trois concur­rents (sans que le déroulement des compé­titions soit perturbé) de la manière sui­vante : - des chronométreurs ont pris les temps de passage aux 400 mètres, au premier kilo­mètre, à l'arrivée, ainsi que les temps à chaque kilomètre quand cela était possible matériellement (le parcours ayant été me­suré très précisément au moyen d'une roue de géomètre) ; - des opérateurs qui enregistraient au moyen d'un sport tester 3000 la fréquence cardiaque ; la pose du sport tester s'effec-tuant cinq minutes avant le départ. A l'ar­rivée, la lecture des fréquences cardiaques mémorisées par le sport tester s'est faite sur magnétophone afin de permettre la pose rapide du sport tester sur le concurrent de la course suivante. La retranscription des fréquences cardiaques a été effectuée en­suite sur papier millimétré. Par ailleurs, immédiatement après leur arrivée, les coureurs ont été interrogés sur leur appréciation subjective quant à l'in­tensité de l'effort fourni pendant la course. Pour pouvoir disposer de repères tempo­rels précis, chronomètres et sport tester ont été déclenchés en même temps. Enfin, pour repérer facilement les sujets testés, ceux-ci portaient des serre-têtes de couleur vive.

Résultats

Pour chaque concurrent testé, les résultats ont été transcrits sur une courbe (cf. fig. 1) et à partir des résultats de la répartition générale de l'allure, nous avons établi un tableau récapitulatif des allures de course (cf. tableau 1).

1. Profil cardiaque d'un cross pour deux coureurs.

TABLEAU 1

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Interprétation des résultats

L'analyse des allures de course figurant dans le tableau 1 ainsi que celle de varia­tions d'allure (cf. tableau 2) permet de noter : • un déroulement pratiquement identique pour chaque catégorie ; • un départ très rapide ; • une diminution très progressive de la vitesse de course jusqu'à l'arrivée. Cette baisse de régime prend la forme d'une chute brutale chez les benjamines filles ; pendant toute la durée de la course, elle présente encore une diminution très impor­tante chez les minimes filles ainsi que chez les benjamins garçons (cf. fig. 2 et 3) ; • les benjamines et les minimes filles par­tent à la même vitesse que les cadettes et juniors, athlètes déjà expérimentées et dont le profil de déroulement de course est beaucoup plus plat, c'est-à-dire plus équi­libré ; • l'allure initiale chez les garçons est plus élevé que chez les filles. Cette vitesse aug­mente avec l'âge, sauf chez les cadets qui partent beaucoup plus vite que les juniors. Remarque : en observant le profil des cour­ses, on peut noter que celui-ci est, en général, relativement plus plat à mesure que les distances augmentent. En conclusion, on peut dire que tous les concurrents débutent leur course à une cadence beaucoup trop élevée (celle-ci est par ailleurs accentuée, dans ce cas, par le profil initial de parcours qui présente une très légère pente d'environ 0,5 m de déni­velé sur 100 mètres). Si l'on compare ces allures initiales aux résultats obtenus par Polunin [11] qui a fait courir des garçons à 75 % de leur vitesse maximale pour mesurer le moment de leur épuisement, on peut constater que les caté­gories d'âge concernés, 11/12 ans (benja­mins) partent à une vitesse initiale de 19,6 sec. au 100 m, les 13/14 ans (minimes) à 17,7 sec. au 100 m et les 15/16 ans (ca­dets) à 15,7 sec. au 100 m, c'est-à-dire à des allures proches de celles qui amènent un

épuisement rapide de leurs ressources sur le plan énergétique. Cette trop grande vitesse initiale a des conséquences irréversibles sur le plan bio­chimique. En effet, sollicitant de manière prépondérante le système anaérobie lacti­que, il s'ensuivra une acidose métabolique précoce qui rendra la suite du parcours très difficile. Les images, hélas encore trop fréquentes d'enfants qui arrivent titubant, trébuchant, épuisés, en pleurant, en sont une illustra­tion. Ce sont, la plupart du temps, des débutants qui, en raison de leur expérience insuffisante, mais stimulés par des éduca­teurs ou entraîneurs parfois trop ambitieux pour leur équipe de collège, débutent leur course à une allure trop rapide (« pour être bien placés ») et qui, par la suite, se traî­nent, accablés par mille douleurs jusqu'à l'arrivée.

TABLEAU 2

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Les valeurs de la fréquence cardiaque L'exploitation des valeurs de la fréquence cardiaque enregistrée pendant la compéti­tion nous permet de nous faire une idée plus précise de la demande énergétique nécessitée par un cross scolaire. Le tableau 3 montre l'évolution des fré­quences cardiaques après une minute de course jusqu'à la fin de l'épreuve. (Exem­ple : cf. fig. 4 pour les minimes garçons). On peut constater que ces valeurs sont très élevées, supérieures, surtout en fin de course, aux valeurs généralement admises comme indices de l'endurance. La fréquence cardiaque est toujours supé­rieure à 180 pulsations/minute en début de course pour être au-dessus de 190 p/m. sinon toute proche de 200 p/m. en fin de parcours. Ces valeurs élevées, admises

comme étant proches des valeurs maxima­les d'un sujet ou, en tout cas, correspon­dant à celles obtenues lors de tests d'effort maximaux, sont significatives d'un type d'effort maximal et épuisant. Si le paramètre fréquence cardiaque ne peut à lui seul permettre d'estimer la capa­cité de performance d'un sujet ainsi que l'origine aérobie ou anaérobie de l'énergie utilisée, elle peut, par contre, permettre de situer le niveau d'épuisement du sujet lors d'un exercice. La fréquence cardiaque constitue donc un indicateur précieux. Les valeurs généralement admises sont : -fréquence cardiaque de 180 pulsations/ minute : le sujet possède encore des réser­ves ; - entre 180 et 190 pulsations : degré d'épui­sement moyen ; - entre 190 et 200 pulsations : degré d'épui­sement conséquent ; - à 200 pulsations : degré d'épuisement très important. Les résultats relevés à partir de ce cross se sont trouvés confirmés par d'autres résul­tats obtenus lors d'une expérience similaire mise en place au cours de différentes com­pétitions de cross ou de demi-fond sur des distances équivalentes, notamment celle réalisée par Betz et Klimt [2] ; on peut noter ici, en effet, que les valeurs de la fréquence cardiaque relevée à l'arrivée de

la course sont identiques à celles trouvées lors de notre propre expérimentation. Ces deux auteurs ont par ailleurs enregistré, à la fin des courses, les concentrations de lactates (cf. tableau 4) qui se sont révélées très importantes ; ce taux élevé montre bien que si lors d'un cross, le processus de fourniture énergétique est essentiellement aérobie, la part du processus anaérobie est « conséquente » ; une préparation « conséquente » à ce type d'efforts s'im­pose dès lors nécessairement. Si l'on compare donc les valeurs de fré­quences cardiaques relevées lors de cette compétition à celles généralement admises et préconisées dans la littérature spéciali­sée, on voit qu'il existe des différences considérables. On peut en conclure que les sollicitations physiologiques d'un cross dépassent géné­ralement de loin ce qui, la plupart du temps est exigé des élèves lors d'exercices de préparation ou d'entraînement en vue d'un cross scolaire ; il n'y a pas à ce moment-là « adéquation » entre le niveau de préparation et les exigences réelles re­quises en compétition.

* **

Dans un prochain article, nous revien­drons sur les données relatives au dévelop­pement des capacités aérobies chez l'en­fant et le jeune adolescent et proposerons quelques solutions à certains problèmes soulevés dans le cadre de cette étude.

Jean-Claude Vollmer Pierre Sigrist

Maxime Antoine Laboratoire de Psychobiologie

du comportement moteur et des sports UFR-STAPS - Strasbourg

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TABLEAU 3

TABLEAU 4

3. Evolution des fréquences

cardiaques (minimes garçons)

DESSINS : M.-C. PERRODIN PHOTOS : AGENCE SAM

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