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Attrape-moi si tu l'oses - ekladata.comekladata.com/5E3GtOHaJXiAyVzAa0G9BKKnr8k/Attrape-moi_.-si-tu-l... · Les yeux rivés à l’écran, il cliqua sur deux nouveaux messages, et

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Chapitre1

www.1FemmeAvertie.comNevouslaissezplusmarcherdessus!MarredesdonJuandepacotille?Vérifiezquevotrederniercoupdecœurnefaitpaspartiedenotrelistenoire!Etprofitezaupassagedenosconseilsdeséduction…1FemmeAvertie-Sujetno1862:3RencardsetBye-ByeDameCafeine-postéà15:49EthanRushestunsalauddepremière.Ilestcanonetillesait.Ilal’airspontané,maischezluitoutestcalculé.Ilvousemmènedînerdansunendroitquienjette,vouscomplimenteàvousfaireperdrelatêteetvousfaitl’amourcommeundieu.Vousavezàpeineatterriqu’ilvousjettecommeunvieuxmouchoir!Pasd’explication,justeunpetitmotdustyle«c’étaitfun».Le lendemain,vous lecroisezavecuneautre fille :ce typeneperdpas son temps.Attention, serial lover.Sivous tombezdans lepanneau, trois rencardsavec luiet c’est laporte.MinnieM-postéà18:23MDRjesuis sortieavec luietc’estvrai, il vousbalanceaprèsdeuxou trois rendez-vousgalants.Vouspassezduseptièmecielaufonddutrou.Unvraienfoiré,méfiez-vous.Bella-262-postéà21:38Ilm’ainvitéedanscesuperrestaurant,c’étaitlaplusbellesoiréedemavie.Qu’est-cequipeutbiensepasserdanssatête?Vousn’avezpasletempsdecomprendrecequivousarriveque c’est « ciao, à laprochaine». Je crois qu’il essaie juste debattreun record. J’étaisraidedinguedelui.Jemesenscomplètementidiote.DameCafeine-postéà07:31@Bella:ilaeucequ’ilvoulait,ilestpasséàautrechose.C’estunséducteur-né,tutombesamoureuseetilteplantesansuneexplication.Lerésultat,c’estquetuteremetsencause,tutedemandescequetuaspufairedemal.MinnieM-postéà9:46Jemedemandetoujourspourquoiilacessédem’appeler.Jecroyaisqu’ilyavaitvraimentquelque chose entre nous. J’ai eu droit à un bouquet sublime. Tu parles, comme si çachangeaitquelquechose!DameCafeine-postéà10:22Ah,toiaussi,tuasreçudesfleurs?Çadoitêtresasignature,alors.Jepariequ’onn’estpaslesseules.Eh,lesfilles,c’estluiquiaunproblème,pasnous.Nevouslaissezplusavoirpar

sonnumérodecharme.

EthanRushsentitsapeausehérissersoussonjeanetsonT-shirt.Uneboufféedechaleurl’envahitàlalectureduforum,viteremplacéeparunecrisedesueursfroides.Ilavaitd’abordcruquelelienquesasœurluiavaitenvoyéouvriraitunevidéoouunephotocomique,commed’habitude.

Mais le site sur lequel il était tombé n’avait rien de comique. Au contraire, son contenu était às’étranglersurplace.

Furieux,«3RencardsetBye-Bye»décrochasontéléphone.—Polly,fit-ilsitôtquesasœurdécrocha,dis-moiquec’estuneblague.—Désolée…maisnon.Asavoix,sasœurparaissaitmi-navrée,mi-amusée.—Tuesunecybercélébrité!renchérit-elle.—Jenemeserspasdesfemmes!luirépliquaEthan,surladéfensive.Commesasœurnerépondaitrien,ilajouta:—Oualors,autantqu’ellesseserventdemoi.Jemesuistoujoursmontrégénéreux,jelesemmène

danslesmeilleursrestaurants,toutlemondeestcontent.—Ilfautcroirequenon,Ethan.Ellesontraison:tunesorsjamaisplusdetroisfoisd’affiléeavec

lamême.Ettun’espasconnupourtonabstinence.Tuenastoujoursuneàtonbras.—Etalors?Jenevoispasoùestleproblème.—Leproblème,c’estqu’iln’yaqu’uneseulechosequit’intéresse.Ethanserembrunit,piquéauvif.Ilaimaitlacompagniedesfemmes,d’accord,maisçanefaisaitpas

deluiunsatyrepourautant!—Tutetrompes.Jenecouchepassystématiquementavecunefillesousprétextequenoussortons

ensemble.Unsilenceincréduleluirépondit.Génial.Sapropresœurnelecroyaitpas.Ilfixal’écrandeson

ordinateuravecunregaind’irritation—commentcesfillespouvaient-ellesdéversertoutcefielsurlui?—Nemedispasquetuesd’accordaveccequetulis,quandmême!Lesgenspeuventraconterce

qu’ilsveulentsurleNet.Quivérifie?—Lecoupdesfleurs,jesuisbienplacéepoursavoirquec’estvrai.Ethangrimaça.Evidemment,Pollyétaitsafleuristeattitrée…—Çaneveutpasdirequelerestel’estaussi.Denouveau,sasœurgardalesilence.C’étaitstupide,maislaréactiondePollyleblessait,unpeu

commelorsqu’unemicroscopiquecoupureàcaused’unefeuilledepapiervousfaitmonterleslarmesauxyeux.Ilfixaavecagacementlelogoridiculeetcolorédusite.

— Qui est derrière ce forum ? Quel genre de personne a pu concevoir un site pareil ? Il estouvertementdestinéàdesfemmesfrustrées,contentesd’ydéverserleurtrop-pleind’amertume.

Unefemmedédaignéeétaitcapabledupire,illesavait,etcelle-cidevaitenavoirgrossurlapatate.EllevendaitmêmedesT-shirtsaulogodesonsite,histoiredepouvoirfairedel’argentsurledosdesfrustréesquilefréquentaient!

—Laissecouler,Ethan,fitsasœur,sansdoutepourcalmerlejeu.Jen’auraispasdût’envoyercelien.

Puiselletentaunemanœuvredediversion.—Tuviensaubaptême?Seul?—Oui,grommelaEthan.Commeça, jeserviraide tamponentremamanet ladernièreendatede

papa.Maistuaseuraisondem’envoyercelien.Tonseultort,c’estdecroiretoutcequetulis.

Lesyeuxrivésàl’écran,ilcliquasurdeuxnouveauxmessages,etlàilsemitcarrémentàbouillirdecolère.Iln’étaitqu’unnomparmiunelistepeureluisantedebrascassés,dementeursetd’arnaqueursàlapetitesemaine.Amoinsquelesaccusationsvis-à-visdecestypesnesoientcomplètementinventéesellesaussi?Ilyavaitdequoiêtresceptique,vuquelesgriefsàsonégardétaientdepuresaffabulations.Safureurmontaencored’uncran.

—C’est de la diffamation pure et simple. Je suis pour la neutralité duNet,mais ce forumn’estqu’unramassisdemensonges.

Non,riendetoutcelan’avaitdesens.Cequ’illisaitpouvaitnuireàtousceuxdontlesnomsétaientcités.C’étaitmêmepotentiellementdangereux.Untelsiten’auraitmêmepasdûexister.Quelqu’undevaitagiravantqu’unpauvretypeneperdesonboulotoupire,toutçaàcaused’unebandedeharpiesdécidéesàsalirsonnom.

Ethancrispalamâchoire.Quelquepart,quelqu’unvoulaitlaguerre.Trèsbien.Ilnerefusaitjamaisundéfi.

Et,quandonluidonnaituncoup,illerendait.

***

Nadiaparcourutsamessagerie,lesyeuxbrûlants.Elleavaiteulamauvaiseidéedepasserlanuitàmodérer son forum. Elle avait également essayé de mettre son blog à jour mais elle avait fini parrenoncer.A3heuresdumatin,difficiledesemontrerinspirée!Sonsiteavaitconnuunsuccèsinattendu—cequiétait fabuleux—maisellecommençaitàavoirdumalàseconcentrersursonvéritable job.Malheureusement, c’était le job en question qui payait les factures. C’était aussi grâce à lui qu’ellegagneraitl’estimeetlegenredevieauxquelselleavaittoujoursaspiré.Ellen’avaitdoncpasl’intentiondetoutgâcher.

Lasse, elle ferma les yeux et prit une profonde inspiration. Elle était passée au club de gym, encheminpourlebureau,maisellen’avaitpaseusadosehabituelled’endorphines.Ilallaitluifalloirunautrestimulantsiellevoulaitsurvivreauxhuitprochainesheures.Mais,avantqu’ellepuissefaireunraidsur le distributeur automatique pour y choisir un délicieux snack — sucré, industriel, débordant decaloriesetdecolorants—,sontéléphonesonna.

—Nadia?J’aiunmonsieuràlaréceptionquisouhaitetevoir.LavoixdeSteffi,laréceptionniste,étaitétonnammentenjouée.Sourcilsfroncés,Nadiaconsultason

agenda.Elledisposaitd’uneheureavantsonpremierrendez-vousdelajournée.—Pourmoi?Tuessûre?—Oui.Ilinsiste.Ilveuttevoirenpersonne.Enpersonne?Nadiafitlagrimace.Elleendoutaitfort.Steffiluirefourguaitàcoupsûruncandidat

à l’embauche dont elle n’arrivait pas à se débarrasser. Beaucoup voulaient travailler chez HammondInsurance,elleétaitbienplacéepourlesavoir:elleavaitfaitdespiedsetdesmainspouryentrer.

—Ilesttrèsinsistant.Dois-jelefairemonter?Aprésent,Nadian’endoutaitplus :Steffi lui refilaituncassocialdontellenesavaitquoi faire.

Avecunsoupir,ellecapitula.—C’estbon.Salleno5danstroisminutes.—Fantastique!gloussaSteffi.Intriguée,Nadiabaissalavoixetmurmuradanslecombiné:—Stef,tuessûrequetoutvabien?

—Maisoui,pourquoi?—Tuasl’airunpeu…crispée.—Ohnon!serécriaSteffid’untonunpeutropaigu.Jevaisbien!Trèsbien,même!Mouais.Nadiaraccrocha,dubitative.S’éloignerunpeudesonécrand’ordinateurneluiferaitpas

demal.Elles’armad’unpackderecrutementetsedirigeaverslessallesderéunion.S’il s’agissait d’un demandeur d’emploi, Steffi aurait dû lui donner un dossier elle-même.Mais

certains visiteurs se montraient extrêmement insistants et ne se satisfaisaient pas de parler à uneréceptionniste.Oh ! et, après tout, pourquoi s’en faire ? décidaNadia.C’était une bonne occasion detraîner un peu des pieds avant de commencer sa journée de travail. Elle passerait au distributeurautomatiqueunefoissonrendez-vousterminé.

Elles’installadanslapièceet,pourpatienter,ouvritledossier.Ellesepréparamentalementàfaireson laïushabituelsur lesmerveilleusesopportunitésoffertesparuneentrepriseà l’histoireaussi richequecelledeHammond,sanspourautantsusciterunespoirexagéréchezlecandidat.Hammondneprenaitquelesmeilleurs,lacrèmedelacrème.Et,unefoisdanslaplace,ilfallaittravaillerdurpouryrester.Quatre-vingt-dixpourcentdespostulantsnepassaientmêmepaslapremièreétapedelasélection.

ElleredressalatêteenvoyantSteffiapparaîtredansl’encadrement.Laréceptionnistesouriaitd’unair un peu ahuri, comme si elle venait de boire plusieurs coupes de champagne d’une traite. Elle seretournapours’adresserd’unevoixunpeutropforteàlapersonnequilasuivait.

—Etvoilà,nousysommes!Puisellefitunpasdecôtépourlaisserpasserl’hommequil’accompagnait.Arrêtsurimage.Waouh.Nadiaclignadesyeux—etespéraquesamâchoiren’avaitpastouchéle

sol.Elles’étaitattendueàunjeunediplômémaldanssapeauetcouvertd’acné,commec’étaitengénérallecas.Pasàcemâlesûrdelui,immense,vêtud’uncostumequidevaitcoûtertroismoisdesonsalaire.Lecostumeenquestionemballaituncorpsathlétique,etlesouriredel’hommedisaitqu’ilenétaittoutàfaitconscient.Nadian’avait jamaisvuunvisagesiparfaitdesavieentière,àpartpeut-êtredans despublicitéscopieusementretouchées.Saufquecetypeavaitquelquechosedeplus,commeunparfumdedanger,que l’onnevoyait jamaisdans lespublicitésenquestion.Nadiacomprenaitmieux,maintenant,pourquoiSteffisemblaitsur lepointde tournerde l’œil.Sonpropreestomacsenouaetellese trouvaincapabled’articulerlamoindreformuledebienvenue.

PuisSteffidisparut.Lesouriredel’inconnuaussi.Unfrissoncourutsurl’échinedeNadiaetelletentaderecouvrersesesprits.Ellefitdesonmieux

pouroublierlabeautédesonvisiteuretpourréévaluerlasituation.Iln’avaitpasl’airdequelqu’unquicherchait un travail.Au contraire, il évoquait plutôt un hommequi avait lemonde à ses pieds, et quipouvait y piocher tout ce qu’il désirait. Ou claquer des doigts pour qu’on lui apporte avec forcecourbettessurunplateaud’argent.Enmêmetemps,Nadiacroyaitdécelerquelquechosedevaguementmenaçant, presque sauvage, derrière cette façadede séductionpure.Quelque chosequ’elle n’était passûredevouloiridentifier.

L’homme s’arrêta un instant sur le seuil, après avoir franchi la porte, puis referma doucement lebattant.Iln’avaitpasquittéNadiadesyeuxetelleserenditsoudaincomptequ’elleleregardaitfixementdepuisunelongueminute.

Enfin,ilsedécidaàparler.—Alorscommeça,NadiaKeenan,c’estvous?Lagorgesèchecommedupapierdeverre,elleseforçaàdéglutir.—Çavoussurprend?

Elle avait répondu d’une voix froide et composée dont elle fut la première surprise.D’un gesteaffable,elledésignalesiègesituédel’autrecôtédelatable,faceàelle.Elleallaitfinirparattraperuntorticolisàforcedeleverlatêtesisonvisiteurnes’asseyaitpas.Biensûr,elleauraitdûseleverpourl’accueillir, mais ses jambes s’étaient transformées en guimauve. Une petite voix lui soufflait quemanifesterlamoindrefaiblessedevantuntypepareilétaitunetrèsmauvaiseidée.

Ilprit enfinplace.Malgré sa tailleet saconstitution, il sedéplaçaitavec lagrâced’un félin.Denouveau,Nadiafrissonna.C’étaitdel’appréhension,elleenétaitsûre.Del’appréhensionetautrechose,mais elle n’avait pas envie de savoir quoi. Comment cet homme connaissait-il son nom et pourquoil’avait-ildemandéeenpersonne?Carilétaitclairàprésentqu’ilétaitvenupourelle.Pouruneraisonprécise. Que pouvait-il bien vouloir à une simple assistante des ressources humaines ? Son nom nefiguraitmêmepassurlesitedel’entreprise.Alorspourquoielle?

Lesilenceretomba,plombant.Nadiadétournaleregardpoursereposerlesyeuxettentadecalmerlesbattementsdesoncœur.Deuxdesmursdelapièceétaientfaitsdeverredontseulelapartieinférieureétaitdépolie,etellesedétenditunpeu.N’importequipouvaitlesvoir,ellen’avaitdoncpasderaisondesesentirisolée,oumenacéeparcetindividu.Ellen’avaitpasdavantagederaisonderespirercommesil’oxygènemanquait.

Elledéglutitdenouveau,puisinspiraprofondément.—Quepuis-jefairepourv…—QuelleestlapolitiquedeHammondenmatièred’utilisationd’internet?coupal’inconnu.Nadiapinçaleslèvresetdécalalégèrementlepackderecrutementafindeleplacerentreeux.Elle

évitadeleregardercommeelleessayaitderecomposersespensées.—J’imaginequ’elleestplutôtsévère, reprit sonvisiteursans lui laisser le tempsdepréparersa

réponse.Aprèstout,Hammondestuneinstitutiontrèsrespectable.—Oùvoulez-vousenvenir,monsieur…Ellelaissasaphraseensuspens,lesyeuxtoujoursrivéssurlatable.—Rush.EthanRush,répondit-ilavecunflegmedignedeJamesBond.Monnomvousditquelque

chose,peut-être?—Ildevrait?—Jecrois,oui.Nadiaclignadesyeuxettrituraledossierposédevantelle,histoiredegagnerunpeudetemps.Le

problème, c’était qu’elle était incapable d’aligner deux idées.Elle avait déjà dumal à respirer ! Soncœurs’étaitremisàbattreàunrythmefurieuxdanssapoitrine.Poum-poum.Poum-poum.

—Désolée,monsieurRush,maisçanemeditrien.Vousallezdevoirm’expliquer.—Pourtant,onvousamiseengardecontremoi.—Ahbon?Cette fois, la surprise lui fit redresser la tête et fixer son vis-à-vis. Il avait des yeux étranges,

magnétiques,d’unecouleurfauveavecdesinclusionsdorées.Sonregardétaitd’uneduretéeffrayante.—Oui.Sur1FemmeAvertie.Cenomvousest-ilfamilier,mademoiselleKeenan?Nadia hoqueta de surprise, et des picots d’alarme lui hérissèrent la peau. Tout son corps était

devenu ultra-sensible, ses cellules, électrisées par une incroyable quantité d’adrénaline. Elle laissapasseruneseconde,puisdécidadefeindrel’ignorance.Et,sicettestratégienemarchaitpas,ehbien,ellenieraitenbloc.

—Jenecomprendspascequevousvoulez,monsieurRush.—Jevoulaism’enquérirde lapolitiquedeHammondenmatièred’utilisationd’internet, etvous

êtesapparemmentl’expertemaison.

Il paraissait presqueavoirgrandidans son siège,même si c’était une idée ridicule.Nadia auraitpourtantjuréqu’iloccupaitunespacedeplusenplusgrand.Oualors,c’étaitellequirétrécissait.

—Dites-moi,votreemployeursait-ilquevousêteslawebmasterdel’undessiteslesplusminablesetdiffamatoiresduNet?

Acesmots,lagorgedeNadiasecontracta.Elleauraitjuréqu’unnœudcoulantvenaitdeseserrerautourdesoncouetl’empêchaitdeparler.

—Ceneseraitpas trèsbonpourvotre imagesivospatronsétaient informésdecepasse-temps,n’est-cepas? Il estdifficileà tolérer, surtoutde lapartde lapersonnechargéede superviser l’usaged’internetdansl’entreprise.C’estunpeul’hôpitalquisemoquedelacharité,non?

Nadiacrispalamâchoire,galvanisée.C’étaitidiot,maislemot«passe-temps»lavexait.EthanRush,pendantcetemps,avaitsortiunefeuilledepapierdesapoche.Illadéplialentement,

puis la lissa.Nadian’avaitguèrebesoindelire le textequis’y trouvait.Elle leconnaissait—elleenétait l’auteur. C’était le règlement interne concernant l’usage d’internet et des réseaux sociaux. Ellel’avaitrédigéavantdelefaireapprouverparleservicejuridiqueetparsessupérieurs.

—Ouavez-voustrouvéça?Etsurtout,commentl’avait-iltrouvée,elle?—Ilestparticulièrementironiquequevousdonniezdesleçonsd’étiquetteetdebonneconduiteaux

autres,alorsquevousêtessivicieuse…—Unenouvellefois,quevoulez-vous?Nadiaserraitlespoings,luttantcontrelapanique.Ellebrûlaitd’enviedepartirencourantmaiselle

s’yrefusait.Elledevaitcomprendrepourquoiilétaitlà.Ellesemorigénadoncensilenceetserépétaderestercalme.Ellen’avaitrienàcraindre.Ellenes’étaitjamaisservied’unordinateurdeHammondpourtravailler sur son site. Son travail était trop important et, quand elle s’y trouvait, elle s’y consacraitpleinement.Non,ellen’avaitrienàsereprocher.

—Qu’enpensez-vous,Nadia?Quepensez-vousquejeveuille?—Sijelesavais,jenevousposeraispaslaquestion,répondit-elleavecunhaussementd’épaules.

AmoinsquevousnesouhaitiezpostuleràunemploichezHammond, j’aibienpeurdenepaspouvoirvousaider.

Il sourit tout en la dévisageant.Adossé à sa chaise, il semblait désormais parfaitement à l’aise,commesic’était luiquimenaitcetentretien.Malgrésonarrogance,oupeut-êtreàcaused’elle, ilétaitd’unebeautéàcouperlesouffle.

Oh,oui,cegenred’hommeétaitlamatièrepremière,laraisond’être,de1FemmeAvertie.Ilavaitdûêtredénoncépard’anciennesconquêtesetsonegoenavaitsouffert.Lepauvre.

Ilgardalesilence,continuantdeladévisagerdeceregardétrangepiquéd’éclatsdefeu.IlladéfiaitetNadiadécidadel’affronter.

—Vousavezbeaufairedeuxfoismataille,vousnemefaitespaspeur.Vouspouvezremballervosaffairesetvosmenaces.

—Mesmenaces?fit-ilavecunéclatderireinquiétant.Jenesuispasvenuvousmenacer,Nadia.Jesuisvenuvousarracherunepromesse.

L’idéedesefaire«arracher»quoiquecesoitn’étaitpaspourlarassurer.Duboutdelalangue,ellehumectaseslèvresdesséchées.

—Ladiscussionmeconcernantestdelapurecalomnie,reprit-ild’untonplusbrusque.— La meilleure défense contre la diffamation, c’est la vérité, fit valoir Nadia avec un sourire

crispé.—Exactement.

—Vousêtesentraindemedirequecequifiguresurmonsiteestmensonger?—Exactement,répéta-t-il.Nadiahaussadenouveaulesépaules.—Prouvez-le.Six secondes s’écoulèrent. Six secondes exactement. Elle le savait parce que ses sens s’étaient

aiguisésetqu’elleauraitjuréentendrelatrotteusedesamontre.—Vousn’avezpas l’impressiondeprendre leproblèmeà l’envers,Nadia ?Vousn’avez jamais

entenduparlerde laprésomptiond’innocence?Biensûr,ellenes’appliquepeut-êtrepasdans lepetitmondequevousvousêtescréé,etdontvousêtesledictateurenjupons?

Nadialefusilladuregard,maisilencaissalasalvesansbroncher.—Tousleshommesnomméssurmonsitesontcoupables.Aleurtour,lesyeuxd’EthanRushouvrirentlefeu.Elleeutunlégermouvementderecul.—Vousnepensezpasquevotresiteestlaporteouverteauxabusetauxapproximations?Qu’une

femmeéconduitepuissevouloirsevenger?—Lafemmevengeresse?Ah!Epargnez-moicegenredestéréotype.C’estuneinventiondetypes

telsquevous.—Vousn’avezdoncpaseulecœurbrisé,etcesiten’estpasunefaçondeprendrevotrerevanche

surlavie?Cen’estpaspourçaquevousl’avezcréé?Cettefois,Nadiaselaissagagnerparlacolère.—J’aicréécesitepourpartagerdesinformations.Toutessortesd’informations.—Parcequetousleshommessontdessalauds?—Desinformationssurlesrencontresetlaséductiondanslasociétécontemporaine,précisaNadia.Cettediscussionétaitfutile,ellelesavait.L’egogigantesqued’EthanRushavaitprisuncoup,etil

neluipardonneraitpas.—Jen’aipasàmejustifier,renchérit-elle.Surtoutpasdevantvous.—Oh!jepensequesi.Ilsepenchaverselleavantdereprendre:— Je pense que vous devez répondre de vos actions. Pourquoi ne pas jouer cartes sur table ?

Pourquoi vous dissimuler derrière cet anonymat si pratique ? Vos employeurs ne savent rien de vosactivités.

Nadiajetauncoupd’œilnerveuxendirectiondesvitres—elleregrettaitdésormaisqu’ellessoienttransparentes ! Bien sûr, que ses employeurs ne savaient rien, pour la simple et bonne raison qu’ilsn’approuveraientpascequ’ellefaisait.Ilsétaienttrèsàchevalsurlacyber-étiquette—qu’elleavaitétéchargéed’implémenteretd’enseigneràchaquenouvellerecrue!Nadian’avaitpasl’intentiondeperdresonemploi,elleavaittravaillétropdurpourarriverlà.

— Je ne mens à personne, reprit Ethan. Je n’ai jamais dépouillé une pauvre innocente. Alorsj’aimeraisbiensavoircequejefaissurvotresite.

—Sivousyêtes,c’estquevousavezdûfairesouffrirquelqu’un.Ellebrûlaitd’enviedesavoirdequellefaçon,etsejuradelirelesujetquiluiétaitconsacrédès

quepossible.—Qu’enest-ildemondroitderéponse?—Vouspouveztoutàfaitvousexprimersurleforum.Ilsuffitdevousinscrire.—Sousunfauxnom,commelesharpiesquiydéversentleurfiel?Oh!non.Ilesttempsquevous

assumiezvosresponsabilités.Vousavezcrééunsite remplidecontre-vérités,etcesdernièrespeuventfairebeaucoupdemal.

Elleledévisagea,dubitative.Ilavaitl’airinvulnérable.—Enquoimonsitevousa-t-ilfaitdumal?—Laréputationd’unhommeestchoseprécieuse,répondit-ilaprèsuninstant.Nadianepritpaslapeinedelenier—ellelesavait.—Qu’est-cequevousattendezdemoi?EthanRushs’adossadenouveauàsonsiège,lesdoigtsjointscontreseslèvres.Deslèvrespleines

etsensuellesqu’ellefitdesonmieuxpournepasregarder.Lui,en revanche,neseprivaitpasde l’étudier.Sesyeuxdescendirentsursabouche,soncou,sa

poitrine.Ellevitunfeus’allumerdansleursprofondeurs,etunbrasiers’allumaauplusprofonddesonpropreventre.Evidemment,ilfallaitqu’elleréagisseaucharmedecetype…C’étaitelletoutcraché!

Lentement,lesyeuxd’EthanRushremontèrentpourplongerdanslessiens.—Sivraimentjedoisprouvermoninnocence,déclara-t-il,jesuisprêtàlefaire.—Comment?demanda-t-elled’unevoixétrangementbasse.—Troisrendez-vous,répondit-ildumêmeton.—Pardon?—Vousetmoi,nousallonssortirtroisfoisensemble.Vousêtesbienjugeetbourreau,non?Comme

ça, vous pourrez me juger sur pièces. Je vous prouverai que les affirmations de votre site sontmensongères.

Nadianeputretenirunéclatderireaigu.Undemi-tonplushautetc’étaitl’hystérie.—Jen’aipasl’intentiondesortiravecvous.—Soitvoussortezavecmoi,soitvousappelezvosavocats.Ils’interrompitletempsdeluidécocherunregardnarquois,puisenchaîna:—Vous avez sans nul doute beaucoup d’argent à consacrer à un procès, n’est-ce pas ?Oh non,

j’oubliais,vousn’êtesqu’unepetiteassistantemalpayée.— Les utilisateurs de mon forum signent une clause dérogatoire, fit-elle valoir, tentant

désespérémentderegagnerleterrainperdu.Jenesuispasresponsabledesproposquiysonttenus.—Commec’estpratique.Maisjedoutequevotrepetiteclauseaitlamoindrevaleurauxyeuxd’un

tribunal.Et leprocèsvaprendredesmois.Tout lemondeseraaucourant,Nadia.Voscollègues,votrefamille, vos amis… Parce qu’ils ne savent rien non plus, n’est-ce pas ? Vous allez avoir besoin debeaucoupdetempsetdebeaucoupd’argent,princesse.

Elleledévisageaavecunmélangedefrayeuretd’incrédulité.—Vousavezdonctellementd’argentàperdre?—Jenecroispasquecesoitdel’argentperdu.Etpuis,àpropos,jesuisavocat,jepeuxdoncme

représentermoi-même.Çanevapasmecoûtertrèscher.Avocat. Evidemment. Il en avait bien l’attitude— l’agressivité, la minutie. Eh bien, elle ne se

laisseraitpasintimider!Elleravalalabilequiluibrûlaitlefonddelagorge.—Jen’aipasl’intentiondefermerlesujetvousconcernant.C’estdelalibertéd’expression.—Oh !mais jenevousdemandepasde le fermer.Une foisqu’une informationest sur laToile,

impossibled’empêchersapropagation.Cequejeveux,c’estunerétractationenbonneetdueforme.—Danscecas,adressez-vousàvotreaccusatrice,pasàmoi.Qu’avait-ilbesoindel’entraînerdanscetteaffaire?Sortiraveclui?Troisfois?C’étaitridicule.—Ellessontanonymes.Jeneconnaispasleuridentité.Elles,aupluriel?Encoremieux!—Etvousnepouvezpaslesidentifierparcequ’ilyatropdecandidatespotentielles,jesuppose?

Soyezhonnête,enchaînaNadia,passantàl’attaque.Toutcequevousvoulez,c’estunpetitlaïusquivous

metteenvaleuretvantevosperformancesaulit.—Vousvousproposezdecoucheravecmoiafindepouvoirfaireuncompterenduplushonnête?LesjouesdeNadias’enflammèrent.Lerestedesoncorpsaussi.—Jene suispasenquêtedevalidation,Nadia. Je sais ceque jevauxcommeamant.Ceque je

veux,c’estundémentiauxaccusations.Et,àterme,quevousmettiezfinàcesiteordurier.—N’ycomptezpas.—Parcequevousaimezjouerlesgarces?Nadiadétournal’accusationd’unhaussementd’épaulesindifférent.—Simettreengardedesfemmesinnocentescontrelesabusd’hommestelsquevousfaitdemoiune

garce,danscecas,jesuisravied’enêtreune.—Maiscommentsavez-vousquecequiestpubliésurceforumestexact?—Pourquoicesfemmesmentiraient-elles?Ellesontétéhumiliées,ellesontsouffert,c’esttout.—Commevous,c’estça?Nadiasefigea,l’espaced’unenanoseconde.—Monsiten’estpaslefruitd’unedémarchepersonnelle.—Benvoyons.Laminesombre,Nadiacachasespoingsserréssouslatable,tentantdésespérémentdetrouverune

échappatoire.Maiselleétaitacculéeetlesavait.—Trèsbien.J’acceptedesortiravecvous.Troisfois.Etnouspartageonstouslesfrais.Il fitunegrimace théâtralequipeinaàdissimulersasatisfaction.Nadiapointaundoigt tremblant

danssadirection.—Jeneveuxpasvousdevoirquoiquecesoit,monsieurRush.Etjeneveuxpasnonplusquevous

vousfassiezdesidéessousprétextequevousm’invitezàdînerdansunrestauranthorsdeprix.—Oh!maisjemefaisdéjàdesidées,Nadia.Etappelez-moiEthan.Elleselevasansunmotpoursedirigerverslaporte.Sielles’attardait,sacolèrefiniraitparavoir

raisond’elle.Asontour,EthanRushseleva.Ellelevitregardersesescarpinsetcomprit:ilcalculaitmentalementsatailleréelle.

—Cequi estpetit est…dangereux,déclara-t-elledepuis le seuil, avecun sourirequi sevoulaitinsolent.

Ethansouritluiaussi,decetaircomplaisantetvaguementpaternalisteauquel—petitetailleoblige—elleavaitdûfairefacetoutesavie.

—Jeferaiattention,promit-il.Nadia tourna les talons et s’éloigna sans se soucier de l’accompagner vers la sortie. La colère

l’aveuglaitpresque.Lacolèreetunautresentimentqu’ellenepouvaitdéfinir.Ohoui,EthanRushméritaituneplaced’honneursur1FemmeAvertie.Ildevaitbriserdescœursàtourdebras,sansciller.

Maiss’ils’imaginaitbriserlesien,ilpouvaitrepasser.

Chapitre2

1FemmeAvertieVouscherchezl’hommeidéal?Leschosesànepasfairelapremièrefois.Nebuvezpas—entoutcas,pastrop.L’alcoolaltèrevosfacultésdejugement.Vousdevezgarderlatêtefroidesivousvoulezéviterlesmauvaisesdécisions.Nevousjetezpasdanssesbras—sivousêtesàlarecherched’unerelationdurableetpasseulementd’unenuitdeplaisir,pensezàgarderunepartdemystère.Ildoitvousprendreausérieux.Ne parlez pas de vos échecs amoureux, de vos problèmes ou de votre idiot de patron.Montrez-voussousvotremeilleurjoursouspeinedelefairefuir.N’allezpasaucinéma,c’estlasolutiondefacilité.Lebut,c’estd’apprendreàseconnaître!Difficilequandonpassedeuxheuresassiscôteàcôteensilencedanslenoirabsolu.Nevousmettezpaslapression.Détendez-vousetsoyezvous-même.

Avachisursoncanapé,sonportableenéquilibresursonventre,Ethanponctuaitsalectured’éclatsde rire narquois.Ehbien !MissCynique— l’avatar en ligne deNadiaKeenan—avait vraiment desidéesbienarrêtées!Sonblogétaitremplidecegenredeconseils,deperlesdesagessepourcélibatairesenquêtedel’âmesœur.Commesielleétaitexperteenlamatière!

Experte,monœil,songeaEthan.Cettefilleavaitbesoind’unebonneleçon—voiremêmedeplusieurs—delapartd’unmaîtreen

lamatière.Lui.Et il savait exactement comment s’y prendre : en l’attaquant sur sonpropre terrain. Ilallaitcombattrelefeuparlefeuettoutletralala.N’importequipouvaitlancerunblog,pasvrai?C’étaitdonccequ’ilallaitfaire.

Dieumerci,lecabinetd’avocatsdontilétaitl’undesassociésn’employaitpasd’assistantecoincéetelle queNadiaKeenan.Son entreprise ne s’était jamais dotée d’un arsenal de règlesmorales rigidesdestinéesàcontrôlerlavieprivéedesessalariés.Cesderniersétaienttraitésenadultes.Tantqueleursactions n’avaient pas d’impact sur les affaires, ou ne ternissaient pas la réputation du cabinet, ilspouvaientfairecequ’ilsvoulaientdeleurtempslibre.Etsid’aventureunclienttombaitunjoursurcequ’ils’apprêtaitàécrire,songeaEthan,quelleimportance?Lesgensqu’ilfréquentaitavaientlesensdel’humour.

Non,cen’étaitpasàcausedesontravailqu’ilenvoulaitàNadia.C’était l’injusticeconsistantàdevoirprouversoninnocencequilefaisaitsortirdesesgonds.C’étaitlaviolationd’unprincipededroit

fondamental.Bon,d’accord,sonegoenavaitprisuncoup,luiaussi.Siquelqu’undanslafamilleRushméritaitunteldéferlementdehaine,cen’étaitpaslui.Lesalaud,c’étaitsonpère.Ethanmettaitunpointd’honneurànesemontrerniinfidèle,nimenteur.Séduireétaitunjeu,ill’admettaitbienvolontiers,maisillepratiquaitavecl’accordetlacomplicitépleineetentièredesesconquêtes.Ilétaithonnêteetcorrect.

SaufavecNadiaKeenan.Ohnon.Avecelle,touslescoupsseraientpermis.Iltapotasursonclavierets’inscrivitsurunsitespécialisédanslacréationdeblogs.Parfait.Restait

àtrouverunnomaccrocheur.HommeAFemmes?Fantastique—ilétaitdisponible.Etsadevise?Reconnaîtreetéviterlescinglées!Satisfait,ilentrepritderemplirlasection«Aproposde».

Ethan Rush — plus connu sous le surnom de « 3 Rencards et Bye-Bye » sur le site1FemmeAvertie.Lebutdemonblogestdemettreleshommesengardecontrelesfollesquivouspourrissentlaviesousprétextequevousnelesavezpasdemandéesenmariageaprèsla première nuit. Elles existent, j’en ai rencontrées ! Profitez-en pour glaner quelquesconseilsdedragueetréveillerledonJuanquisommeilleenvous.

SiMissCyniquepouvaitsepermettrededonnerdesconseilsdeséduction,alors luiaussi—et ilcomptaitbienleluifairesavoir.Avecungloussementdeplaisir,ildécidad’attaquerlepremiermessagedesonblog.Riennevalaituneprovocationdirectepoursechauffer.Unsourirecarnassierauxlèvres,ilseremitàtaper.

HommeAFemmesLacomédieromantique,votremeilleurealliéeA en croireMissCynique, le gourou autoproclamé qui règne sur 1FemmeAvertie, aller aucinémalorsd’unepremièrerencontreseraitunanathème.Faux!Unesalledeciné,c’estl’endroitidéalpourappuyersurlatouche«décongélation»etfairefondreleblocdeglaceleplusendurci,commeMissCyniqueenpersonne.Vous pouvez améliorer vos chances en emmenant votre compagne dîner juste avant. Unepizzasuffit—pasàemporter,biensûr!Pourunepremièrefois,inutilededépensertrop.Onlesaittous,riendepirequedeseretrouvercoincédansunrestauranthorsdeprixavecunefille qui ne vous plaît pas, à attendre deux heures un steak gros comme une pièce demonnaie,perdu suruneassietteblanchegéante à côté d’une feuille de salade et de troisgouttesdevinaigrebalsamique.Unfilmvousdonnel’occasiondepasserdeuxheuresensemble.Vousêtesprochesmaispasconcentrés uniquement l’un sur l’autre. Après coup, le film vous fournit un sujet deconversation rêvé. Et, quand une fille se met à parler, elle ne peut plus s’arrêter. Ellesadorentça.Encouragez-les.Ecoutez-les.Règle d’or de la drague : plus vous écoutez une fille, plus elle aura envie de passer dutempsavecvous.C’estaussisimplequeça.Mêmesiçavousdonnedel’urticaire,riendetelqu’unecomédieromantiquepourbriserlaglace.Optezpourlacombinaisonfatale:comédieromantique+dessert.Lafillevafondre

commelemoelleuxauchocolatqu’ellenemanquerapasdecommander.Croyez-moi,iln’yapasquelefilmquivaavoirdroitàune«happyend»…D’ailleurs,c’est lastratégieque jecompteappliqueravecMissCynique.Riende telpourassouplirlesrelationsavecvotrefutureconquêtedèslepremiersoir.Etnousleshommes,lasouplesse,onaimeça!

Ethans’interrompit,lesdoigtsau-dessusdestouches.Unfrissond’excitationluicourutlelongdelacolonnevertébrale.

Dansnotreprochainsujet:commenttransformerl’essaidèsledeuxièmesoir.

Ilcliquasur«envoyer»sansselaisserletempsderéfléchir.Aquoibonréfléchir,d’ailleurs,vuleniveaudecequ’ontrouvaitsurinternet?Etpuis,NadiaKeenanavaittraînésonnomdanslaboue.C’étaitsafaçonàluideredresserlestorts.Ilsemoquaitcomplètementdecequedesinconnuesàl’autreboutdumonde pensaient de lui, ce n’était pas le problème.Mais il n’était pas l’homme que 1FemmeAvertieprésentait. Si la séduction était un jeu pour lui, ses compagnes s’amusaient tout autant.NadiaKeenann’avaitqu’àbiensetenir…

Sonpoulss’accéléraàcetteidéemaisilfermadélibérémentsonespritàtoutepenséelubrique.Ilavaitencoredutravail.Ils’inscrivitsurlesite1FemmeAvertie—soussonvéritablenom—,dénichalefilquiluiétaitconsacréetréponditauderniermessage.

EthanRush—Apparemment,personneicinesesouciedemaversiondesfaits.Cesiteest-ilmodéré, les allégations qui y sont postées, vérifiées ? Non. C’est le festival de lamalveillanceetdudénigrement.Alorsquediriez-vousd’undéfi,mesdemoiselles?Lafemmede1FemmeAvertie,MissCyniqueenpersonne,aacceptédesortiravecmoi,«3RencardsetBye-Bye»,etdemedonnermachance.Troissoirs,biensûr.Ellejoueraàsafaçon,moiàlamienne.Nousvoustiendronsaucourantdurésultat,etvouspourrezdéciderparvous-même.Quiesthonnête,quinel’estpas?Quisortiravainqueur?

Lecommentaireapparutaussitôtàlasuitedesautres.Voilàcequis’appelaitlancerundéfi,hein!Toutcequ’illuifallait,maintenant,c’étaientdesréponsespourlesoutenir.Ilavaitassezd’amispourleurdemanderuncoupdepouce.Leshommesavaient l’espritd’équipe,etsescamaradesne le laisseraientpastomber.Ilfituncopier-collerduliensurtouslesréseauxsociauxqu’ilutilisait,puisrabattitl’écrandesonordinateuretfermalesyeux.

Alorsseulementilpritconsciencedecequ’ilvenaitdefaire.C’étaitde ladémence.Cen’étaitpascommeçaqu’il auraitdûagir.Non, il auraitdû foncer tête

baisséeettoutdémolirsursonpassage.IlauraitdûexigerdeNadiaKeenanqu’ellefermelelienquiluiétaitconsacréetsonsitetoutentier.Ilauraitdûlamenacerd’unprocès.

Bon,d’accord,ill’avaitmenacéed’unprocès.Maisseulementaprèsavoireuuneidéebienplusexcitante.Lamenaceavaiteupourseulbutdela

forcer à accepter l’idée en question. Il s’était attendu à trouver une femme austère et entre deux âgesderrièrelepseudonymedeMissCynique,pasunefilleaussidélicatequ’unepoupéedeporcelaine.Tout

enelleévoquaitlafragilité,leraffinementetlabeauté,desonvisaged’angeàsescheveuxsoyeuxquiseterminaientenaccroche-cœur.Ill’avaittrouvéetrèsséduisante,illereconnaissait.

Ilallaitdevoirfaireattentions’ilnevoulaitpass’attirerdesennuis.Saspécialité,c’étaitlecharme,laséduction.Paslesproblèmes.

IlallaitsevengerdeNadiaKeenan,ça,oui.Il luidonneraituneleçonqu’ellen’oublieraitpasdesitôt.Maiscoucheravecelleétaithorsdequestion. Ilnecouvriraitpassoncorpsdebaisers, ilne luimurmureraitpasdesmotsdouxàl’oreilleenluifaisantl’amour.Oh!ilenavaitenvie.Latentationétaitbienlà.Ilferaitmonterlasaucejusqu’àcequeNadiaKeenanlesupplie.Et,àcemomentprécis,ilseconduiraitenparfaitgentleman.Ilrefuseraitdecoucheravecelle.Aprèsça,elleledétesteraitvraiment.

Ilconsidéradenouveausonadversaire.D’oùvenaitcetteétrangecontradictionentresonapparencedélicateetlaharpievindicativequidirigeait1FemmeAvertie?Quidoncavaitbienpuluifairedumal,etdequellefaçon?Elleprétendaitquesadémarchen’étaitpaspersonnellemaisilendoutait.Unhommeluiavaitàcoupsûrbrisélecœur.Mêmesonpseudonyme,MissCynique,tendaitàconfirmercettethéorie.

Il rouvrit son portable, se rendit de nouveau sur 1FemmeAvertie, et entreprit de consulter lesdiscussionsarchivées.Pourgagner,ilfallaitsepréparer—etconnaîtrelespointsfaiblesdel’ennemi…

***

Nadiaregrettaitamèrementl’absencedeMegan,partietroissemainesenGrècepouryrencontrerlafamilledeSam,sonpetitami.L’appartementqu’ellespartageaientétaittropvide,tropcalme.EtsurtoutilnepouvaitpaslaconseillercommelefaisaitMegan.Lesmursnerépondraientpasàsesquestions,eux.

Elle fit défiler les cintres dans sa penderie, à la recherche de la tenue idéale, tout en sachantd’avancequ’ellenelatrouveraitpas.

Ellefinitparrenoncer,lemoralenberne.EthanRushétaitunadversairedetaille.Beau,intelligentetriche—lacoupedesesvêtementsetsonarroganceenattestaient—,ildevaitfacilementobtenirtoutcequ’ilvoulait.Ilavaitmêmeréussiàlaconvaincredesortirtroisfoisaveclui—etsansgrandeffort,en prime ! Elle mourait d’envie de le déstabiliser, de le faire tomber de son fichu piédestal. Maiscomments’yprendre?

Sontéléphonesemitàsonnerdanslesacàmainqu’elleavaitabandonnésursonlit.C’étaitMeganquilarappelait.Hourra!Nadiaseprécipitapourdécrocher.

—Meg!Qu’est-cequejedoismettrepourunrendez-vousgalantauqueljen’aipasenvied’aller?demanda-t-elletoutdego.

—Un rendez-vousgalant? fit sonamie sanschercheràcacher sa surprise.Pourquoin’as-tupasenvied’yaller?

—Parcequec’estavecuncrétinquim’aforcélamain.—Nadia,personnenet’ajamaisforcélamain.Dixheuresplustôt,Nadiaauraitétéd’accordavecelle!—Sijenesorspasaveclui,ilmenacedemepoursuivreenjusticeetderévéleraumondeentier

quejesuisderrière1FemmeAvertie.—Onparledeluisurtonsite,jesuppose?—Oui.Unsujetentierluiestconsacré:«3RencardsetBye-Bye».Beauparleur,obsédésexuel,

passe d’une fille à l’autre comme il change de chemise. Plusieurs de ses victimes ont laissé descommentairespeuélogieuxsursoncompte.

—Etc’estjustepourçaqu’ilt’aconvaincuedepasserunesoiréeaveclui?—Troissoirées!

—Trois?Megangloussaavantdereprendre:—Ilestdoué,ilfautlereconnaître.—Doué?Displutôtqu’ilestfou.—Tucroisvraimentqu’ilvagâchersonargentàtefaireunprocès?Aupire,tun’asqu’àprendre

lesdevantsetannonceràHammondquetuascréélesite.Ilss’enficheront.Cequetufaisdetontempslibreneregardequetoi.

—C’esttroprisqué.J’aitravaillédurpourobtenirceposte.Sacarrière,sonindépendance,c’étaittoutesavie.Ellen’allaitpaslesmettreenpérilalorsqu’elle

venait de se dégotter un appartement— prouvant par lamême occasion à sa famille qu’une « petitechose » comme elle était capable de réussir. Depuis son enfance, on la traitait comme un vase deporcelaine fragile !Par esprit de contradiction, elle avait donc choisi la plusgrandeville dupays, etl’unedesesplusgrossesentreprises,pourfairementirlesrabat-joie.

—Jesuisentraindeparcourirtonforum,repritMegan.Ilal’airintéressant,cetype.Nadial’entenditmarmonneràmesurequ’ellelisait,puislâcherunsifflementadmiratif.—Apparemment,c’estundieuaulit.C’estquand,ladernièrefoisquetuasfaitl’amour?Duboutdupied,Nadiarepoussalaportedesapenderie.Evidemment,pourMegan,c’étaitfacile.

Sametelleenétaientautoutdébutdeleurrelationetnepouvaientpassepasserl’undel’autre.LaviesexuelledeNadia,encomparaison,ressemblaitaudésertdeGobi.

—Eh,repritsonamied’untonsoudainplussérieux.Tuasvusaréponse?LesangdeNadiasefigealittéralementdanssesveines.—Non.Elleseprécipitadanslesalon,lecœurbattant,pourouvrirleportableposésurlatable.Sapagese

chargeaenunefractiondeseconde—merci la fibreoptique—pourdéballer ladernièreprovocationd’EthanRush.

Horreur!—Ilarenduçapublic…Nostroisrendez-vous.Pourquoi?Pourquoi?Toutlemondevasavoirque

noussortonsensemble,maintenant!Il avaitmême eu le culot d’employer lemot « vainqueur ». Elle avait donc vu juste. C’était la

guerre!—Personnenesaitquitues,déclarasonamie.Ilutilisesonvéritablenommaisnerévèlepasle

tien.Attends,ilyaunlienversunautresite…Oh!ilaunblog,luiaussi?—Premièrenouvelle,marmonnaNadia,quiavaitcliquésurlelienenquestionetdécouvraitàson

tourlesited’Ethan.Auboutdufil,Meganéclataderire.—J’aihâtedevoircommentilva«transformerl’essai»dèsvotresecondrendez-vous.—Quelcrétinarrogant!Ilnevarientransformerdutout,c’estmoiquiteledis.Entoutcas,pasavecelle!Etlefrissonqu’elleéprouvaàcetteidéen’étaitpasdel’excitation.Oh

non.Rienàvoir.C’étaitunfrissondecolère.—Ilestbeau?s’enquitMegan.Ildoitl’êtrepoursemontreraussisûrdelui.—Situaimeslegenremacho,jesupposequeoui.Moi,cen’estpasmonstyle.Ets’ilyavaitunechosequeNadiaappréciaitencoremoins,c’étaitlecomportementcondescendant

dontleshommesdecetacabitfaisaientengénéralpreuveenverslesfemmes.—C’esttrèsalléchant,toutça,repritsonamie.Alors,qu’est-cequetuvasmettre?

Nadiaréprimaungrognementd’irritation.Meganvoulaitsonbonheur,ellelesavait.Maiscen’étaitpas avec un rustre tel qu’EthanRush qu’elle le trouverait. Par conséquent, elle ne voulait surtout pass’habillerdefaçonséduisante.Cedontelleavaitbesoin,c’étaitunecuirasse.Dieumerci,untriplebipsonoreluifournitl’excuserêvéepourmettrefinàlaconversation.

—Quelqu’unessaiedemejoindre,Meg.Rappelons-nousplustard.Elleappuyasurunetouchepourfairebasculerl’appeletrepritlecombiné.—Allô?—Nadia.Voilàcequis’appelaittomberdeCharybdeenScylla!Pasdechance.—Ethan.Desfrissonsdésormaisfamiliersluihérissèrentlapeau.Elleserefusaenrevancheàidentifierle

brasierquis’étaitalluméaucreuxdesesreins.—Mercredisoir,çavousconvient?Pasde«bonjour»,paslamoindreformuledepolitesse.Maissavoixétaitdoucecommedumiel.Mercredi.Cettedate lui laissaitdeux jours—pasassezpoursepréparer.Etpuiselleavaitbien

l’intentiondenepasluifaciliterlatâchesiellepouvaitl’éviter!—J’aidéjàdesprojets,prétenditNadia.—Jeudi,alors?Ellefitmined’yréfléchir,puisacquiesça.—Jeudi,c’estbon.—Jepensaisallervoirunfilm.Un film.Ahoui, c’était sonpland’attaque.Maisellen’allaitpas luidirequ’elle le savaitparce

qu’ellel’avaitlusursonsite.Undoutesubitl’assaillit.Ets’ilapprenaitqu’elleavaitparcourusonblog?Iln’avaitqu’àanalyser

sesstatistiquespour identifiersonadresseIP.Lamanœuvren’étaitpasà laportéedupremiervenu—maisEthanétaittoutsauflepremiervenu.Enhâte,ellefitunecaptured’écranetsedéconnecta.Apartirdemaintenant,elleneconsulteraitsonblogquedepuisdescafésoudesbarséquipésd’unaccèsinternet.

— Formidable, répondit-elle avec un enthousiasme flirtant avec le zéro absolu. J’ai le droit dechoisirlefilm?

—Bienentendu.—Commentavez-vouseumonnuméro?reprit-elleaprèsunepause.— De la même manière que j’ai découvert qui se cachait derrière 1FemmeAvertie. On trouve

beaucoupdechosessurleNet,voussavez.—Mesdonnéessontsécurisées.—Pasautantquevouslecroyez,apparemment.Jepasseraivousprendrechezvous.—Voussavezoùj’habite?Là,c’étaitvraimentinquiétant.—Biensûr,raillaEthan.Al’angledelarueduFieletduboulevarddel’Amertume,non?—Ah,ah,trèsdrôle.Etsivousalliezvousyfairevoir?—Envoyez-moivotreadresse,luiréponditEthanavecunriregrave.Jevousconfirmerail’heureen

retour.—Ouh,jemeursd’impatience!minaudaNadia,justepouravoirlederniermot.Elleraccrochaaussisecetlançaletéléphonesursoncanapé.Puiselleétudialetextefigésurson

écran d’ordinateur. Reconnaître et éviter les cinglées ? La moutarde lui monta au nez. Espèce desalopard.Ilallaitvoircequ’ilallaitvoir.

Elle abattit sonpoing sur la table.Samission, si elle l’acceptait : shopping !Elle allait allumerEthanRushcommepersonneavantelle.Elleluiferaitsortirlesyeuxdelatêteetleforceraitàluifairedes avances. Il en avait déjà envie— le regard qu’il avait posé sur elle dans la salle de réunion enattestaitassez.L’étincelleétaitlà,ilsuffisaitdel’attiser.Elledevraitjustefaireattentionànepassefaireengloutirensuiteparlesflammes…Et,lorsqu’ilpasseraitenfinàl’attaque,ellesedéroberait.

Nadia n’était pas imbue d’elle-mêmemais elle était consciente de ses atouts. Elle avait ce petitquelque chose qui attirait les hommes. En l’occurrence, le mot « petit » résumait bien la situation.Beaucoupd’hommesaimaientlesfemmesmenues.D’ailleurs,plusilsétaientgrands,plusilssemblaientapprécier son gabarit, sans doute parce que la différence de taille renforçait leur virilité. Ces idiotsaimaientregarderlesgensdehaut.Ausenslittéral.

Elle mettrait donc sa féminité en valeur, une tactique éprouvée depuis la nuit des temps. Maisauparavantelledevaitserenseignersurl’ennemi…Elleserassitdevantsonordinateuretserenditsur1FemmeAvertie pour y parcourir les commentaires de ses anciennes conquêtes. Elle était curieuse deglanerunmaximumd’informationssurEthan.Sibesoin,ellepouvaitaussienvoyerunmessageprivéàl’unedecesfilles.

Unechoseétaitsûre:d’aprèscequ’ellelisait,EthanRushnepourraitprobablementpass’empêcherde lui sauter dessus, quoi qu’elle décide de porter. C’était un prédateur sexuel, il draguait comme ilrespirait.Cen’étaientpassesproiesquil’intéressaient,c’étaitlaconquête.

Maisjustehistoired’enfoncerleclou,del’humiliercommeilleméritait,Nadiaferaittoutpourêtrelaplusdésirablepossible.

Elleallaitluidonneruneleçonqu’iln’étaitpasprèsd’oublier.

Chapitre3

Nadiaavaittrouvélarobeparfaite—pastrophabillée,ultraféminine.Elleluiavaitcoûtélesyeuxde la tête mais le jeu en valait la chandelle. Les chaussures ? Une paire de ballerines afin de bienaccentuer sadifférencede tailleavecEthan.Nadiane sortait jamaisdechezelle sansdes talonsd’aumoinscinqcentimètresmaiselleétaitprêteàfaireuneentorseàlarèglepourl’occasion.Aprèsquelquesessais, elle décida de porter ses cheveux relâchés, un chouchou en guise de bracelet au cas où il luiprendrait l’envie de les nouer. Une étole légère et un petit sac àmain complétaient l’ensemble. Côtémaquillage,elleavaitfaitsimple:dumascara,unpeud’eye-liner,dubrillantàlèvres,c’étaittout.

Fraîche,féminine,avecunetouched’ingénuité—c’étaitlelookqu’elleavaitdécidéd’adopterpourcettesoirée.

Commeelles’yétaitattendue,ilarrivapileàl’heure.Ellefutprised’unefurieuseenviedefairelamortequandellel’entenditfrapper,maisellerejetasescheveuxenarrièreetaffichaunsourireéclatantpourallerouvrir.

Son sourire s’évanouit sitôt qu’elle vit Ethan. Comment osait-il être si beau ?Mâchoire carrée,regardfauveetcarrureathlétique,ilétaitabsolumentparfait.Presqueirréel.Evidemmentqu’ilenchaînaitlesconquêtes ! Ilnedevaitmêmepas le faireexprès.Lesfemmes tombaientcommedesmoucheset ildevaittrouverçanormal!

Saconfianceenellepritduplombdansl’aile.Commentpourrait-elleluirésister?Elleétaitprêteàjoueraveclefeu,d’accord,maispasavecunbidondenitroglycérine!

— Je pensais que nous pourrions manger une pizza avant le film, suggéra-t-il, un mélanged’amusementetdesatisfactiondanslesyeux.

SonarrogancefitàNadial’effetd’unedouchefroide.Elleserappelasonpland’action—etsonenviedeluidonnerunebonneleçon.

—Oh!j’auraisadoré…Ellelaissasaphraseensuspensetfronçaunsourcil,laminesongeuse.—Mais?—Eh bien, voyez-vous, il y a un film que je veux voir depuis une éternité, et il passe dans un

cinémalocal.Ilfautpartirtoutdesuitesinousnevoulonspasmanquerlaséance.Ellelevadegrandsyeuxverslui,puissemordillalalèvreinférieure.—Çavousennuie?Elleavaitparlédesavoixlaplussuave,façonMarilynMonroe.Entoutcasellel’espérait.Ethanne

réponditpaspendantunlongmoment.Lalueurd’amusementavaitdisparudesonregard,souffléecommeunebougie.

—Euh…non,cen’estpasunproblème,dit-ilenfin.Ilfitunpasversl’escalieret,voyantqu’ellenebougeaitpas,seretournaverselle:—Onyva?—Oh!maisentrezdonc.Jenevaispasvousfaireattendresurleseuil.Jedoisprendremonétole.C’étaitunenuitd’été,ellen’avaitpasvraimentbesoindel’étoleenquestion.Pourêtrehonnête,elle

mouraitdechaud.Mais,auboutd’unedemi-heuredansuncinéma,laclimatisationrisquaitdeluidonnerfroid. Et la dernière chose qu’elle souhaitait, c’était de devoir se blottir contre Ethan Rush pour seréchauffer.Ellenevoulaitpasprendrelemoindrerisque.

Ilparutd’abordsurpris,puisacquiesça.—D’accord.Nadias’écartapourlelaisserentreretl’étudiaàladérobéependantqu’ilregardaitaveccuriosité

autourdelui.L’appartementqu’ellepartageaitavecMeganétaitspacieuxetélégant.Maislesalonparutrétrécirduseulfaitdelaprésenced’Ethan.SonauraétaittellequeNadianepouvaitpaslequitterdesyeux.

—C’estjoli,commenta-t-il.Non sans effort, elle s’arracha à sa contemplation béate pour ramasser l’étole qu’elle avait

abandonnée,avecunenégligenceétudiée,surledossierdusofacontemporain.—Vouspensiezquejevivaisdansunsquat?Comme la vieille fille solitaire et aigrie qu’il se représentait, sans doute ? Elle était sûre que

c’était l’image qu’il avait d’elle. C’était pour cette raison qu’elle avait mis, en guise d’économiseurd’écran,desphotosd’unvoyageparticulièrementdébridéqueMeganetelleavaienteffectuéenFrance.Pourquoi diable les gens se faisaient-ils des idées sur son compte ? Ses propres parents lui avaientdéconseillédedéménageràLondres.«C’estunevilletropintimidantepourtoi»,luiavaient-ilsdit.Laseule chose intimidante, avait-elle découvert, c’était le loyer. Mais elle travaillait pour une boîteformidableetpartagercetappartementavecMeganvalaitbienquelquessacrifices.

Lesourired’Ethans’élargitlorsqu’ilavisalesimagesquidéfilaientsurl’écrandesonordinateur.—J’apprendsvite,Nadia.Et,encemoment,j’apprendsquevousêtesunefemmesurprenante.—Vraiment?—Vraiment.Vousêtesprête?Ivred’adrénaline,ellelesuivitjusqu’àlaporteetrefermaderrièreelle.Apeinedanslarue,Ethan

arrêtauntaxiquipassait.Nadianeputcachersasurprise.Iln’avaitpasdevoiture?—Vousn’aimezpasprendreletaxi?Non,c’étaitplutôtqu’ellen’avaitpasenviede s’asseoir à l’arrièreavec lui !Une telle situation

était trop intime à son goût. Elle aurait préféré prendre place dans un siège séparé du sien par unaccoudoir. Partager lamême banquette lui évoquait le genre d’activités pratiquées depuis la nuit destempsàl’arrièredesvoitures—oudumoinsdepuisl’inventiondel’automobile…

Ellechassacetteidéedesonespritets’installaleplusloinpossibledanssoncoin,jambescroisées.Tandisqu’elleluttaitpourcalmersonimaginationsurchauffée,Ethanpritplaceàsontour.Iln’empiétaitpassursoncôtémaisNadiaavaitunefoisencorel’impressionqu’ilenvahissaittoutl’espace.Ellesentaitqu’illadévisageaitetfitdesonmieuxpournepasleregarder,mêmesiellesavaitquec’étaitcequ’ilvoulait.Aprèsquelques instants, lapressionse fit trop forte.Ellecapitulaet tourna la têtevers lui. Ilsouriait.

—Vousêtestrèsenbeauté,remarqua-t-ildesavoixveloutée.Vraimentmagnifique.—Merci, répondit-elleavec raideur.Vousn’êtespasmalnonplus.Mais je supposequevous le

savezdéjà.

—Voussavezquevousêtestrèsbelle,vousaussi.Maisc’estquandmêmeagréabledel’entendre,non?

Nadialevalesyeuxauciel.—Vousn’aimezpaslescompliments?repritEthand’unairréjoui.—Pasdevotrepart.Prendsçadanslesdents.Ellementaitmaisilnepouvaitpaslesavoir.—Cette idée de sortir trois fois ensemble est complètement stupide, s’exclama-t-elle. Comment

puis-jecroireàvosbellesparoles?Votreseulbutestdem’amadouer,afinquejepuissedireaumondeentierquetoutescesfemmesonttortetquevousêtesuntypeformidable.

—Oubliez un peu les circonstances. Je suis sûr que vous ne vous laissez pas impressionner sifacilement,mêmeentempsnormal.

—Qu’est-cequivousfaitdireça?s’enquitNadia,recroquevilléedanssoncoindelabanquette.Leregarddesoncompagnonseverrouillasurelle.Nadiaseraiditsouslaforcedel’examenglacial

auquelillasoumettait.—Jecroisquevousvivezvotrevieselondesrèglestrèsstrictes,dit-ilenfin.Commecesconseils

quevousdistillezsurvotreforum.«Faitesceci,nefaitespasça.»Ondiraitquevousavezdesloispourtout,enbonnepetiteassistanterigidedesressourceshumaines.Votreexistencenelaissepaslamoindreplaceàl’erreur.

—C’estfaux.Lapreuve,l’histoiredesavieétaitjonchéed’erreurs—lessiennespourlaplupart!Ethanesquissaunsourire.—Ahbon?Vousvoulezdirequevousnesuivezpasvospropresconseilsdeséduction?—Lesquelquesconseilsque j’offresont le fruitdemonexpérience.Jeseraisstupidede répéter

meserreurs.Ilacquiesça,commesiellevenaitdeconfirmersessoupçons.—Vousêtesdoncdevenuelâche.Le sangdeNadiane fit qu’un tour.Maispourqui seprenait-il, à lui lancerdes accusations à la

figure?—Jenesuispaslâche,justeprudente!Etjen’aipasl’intentiondemejustifierdevantvous.—Nadia.Vousmedonnezl’impressiond’êtreunefemmecapableettrèsintelligente.Vousdevriez

peut-êtreavoirunpeuplusconfianceenvous.—Encoredescompliments?Elleneseleurraitpas,toutcelafaisaitpartied’uneoffensivedecharme.—Non,jesuissérieux.Vousdevriezsuivrevotreinstinct.Vouslâcherunpeu.—Evidemment,çaferaitvosaffaires.Vousn’aspirezqu’àunechose:quelesfemmesselâchent…

dansvosbras!Ellesecoualatête,unsouriresarcastiqueauxlèvres,avantdereprendre:—Vousflattez,vousfaitessemblantd’écouter,voussouriez,etpaf,ellestombenttoutescuitesdans

votrelit.Maisaufondvousn’êtesqu’uneillusion.Unfaussaire.Ethanladévisageabouchebée.Avait-ellemisdanslemillesanslesavoir?—Trèsbien,fit-ilaprèss’êtreéclaircilagorge.Jen’essaieraipasdevousimpressionner,alors.Nadiaauraitdûs’enréjouir.Leproblème,c’étaitqu’Ethann’avaitpasàessayerdel’impressionner.

Illefaisaitsanslevouloir,parlesimplefaitd’exister.Lanaturel’avaitdotéd’unphysiquedivin.Sansparlerdecettevoixdeveloursquirendaitchaquemotqu’ilprononçaitcaptivant.Unequalitéquidevaitluiêtretrèsutiledanssonmétier.

Mais pourquoi son radar interne semblait-il se verrouiller uniquement sur ce genre d’homme,tellement chargé de testostérone qu’il ne pouvait s’empêcher de séduire tout ce qui passait ? Si elleécoutait son instinct, commeEthan le suggérait, elle lui tomberait dans les bras.Elle allait donc faireexactementlecontraireetréprimersespulsionsdetoutessesforces!

—Parlez-moidufilm,demanda-t-il,aiguillantlaconversationenterrainneutre.—Oh!çafaittrèslongtempsquejemeursd’enviedelevoir.C’estunclassique.Jepréfèrenerien

dévoiler.Letaxilesdéposaquelquesinstantsplustarddevantlepetitcinémad’artetessai,oùonleurindiqua

la plus petite salle. A l’exception d’un autre homme quelques rangées devant eux, ils étaient seuls.Parfait.NadiaavaitfaitunerecherchepousséepourtrouverlepirefilmdeLondres.Troisminutesaprèsledébutdugénérique,ellesutqu’elleavaitviséjuste.

Lefilmétaitfrançais,avecdessous-titresinterminablesetillisibles.Ilrelataitlavied’unpeintrepris dans un triangle amoureux. Une véritable torture. La plupart des scènes consistaient à regarderl’acteurprincipalpeindre.C’étaitmortel.

Après seulement dix minutes, Nadia mourait d’ennui. Elle espérait qu’Ethan aussi. Et en mêmetempsellesesentaitagitée,douloureusementconscientedesaprésencemassiveàquelquescentimètresd’elle.Ilsétaienttropproches.Leplusgrave,c’étaitquelefilmduraittroisheures,raisonpourlaquelleellel’avaitchoisi.Troisheuresqu’elleétaitcondamnéeàpassertoutprèsd’unhommequiaffolaitsoncorpsautantqu’ilhérissaitsonesprit.Ausecours!

Sur l’écran, l’artiste continuait de peindre.L’expérience était éprouvantemais le jeu en valait lachandelle.Ethanensortiraitfurieux.Voilàquiluiapprendraitàcroirequ’ilpouvait«l’assouplir»avecuneséancedecinéma.

Un gloussement l’arracha à sa torpeur. Ethan riait. Il riait ?Avait-ellemanqué quelque chose àl’écran ? Nadia avait cessé de lire les sous-titres depuis longtemps.Mais son compagnon paraissaitcaptivé,commes’iltrouvaitfascinantderegarderl’acteurprincipalpeindresestoiles.Detempsàautre,ilmurmurait quelque chose en français.Quoi ? Il parlait français ?Etait-ce pour cela qu’il paraissaitapprécierlefilmàcepoint?Saisissait-ildessubtilitésquiluiéchappaient?

Lesinterminablesscènesdepeinturefurentenfininterrompuesparunescèneérotiqueentrel’artisteetsamaîtresse.ElleétaitsuggéréemaisassezpassionnéepourmettreNadiamalà l’aiseet luidonnerl’impression d’être un voyeur. Elle se tassa dans son siège, réprimant une furieuse envie de partir encourant.Ellefinitparfermerlesyeuxmais,enl’absenced’image,lessonsenflammèrentsonimagination.Elle vit lamême scène se dérouler sur l’écran noir de ses paupières, à ceci près qu’Ethan et elle enétaientdevenuslesprotagonistes.

Ohnonnonnon…Inutile de dire qu’elle éprouva un vif soulagement lorsque le héros se remit à peindre. A tout

prendre,c’étaitpréférable.Soncœursecalmaitàpeine,dixminutesplustard,lorsqu’ilseurentdroitàunenouvellescèned’amour,beaucoupplusvisuellecettefois.Cerisesurlegâteau,l’estomacdeNadiase mit à gargouiller, suffisamment fort pour être entendu par-dessus les soupirs d’extase de l’actriceprincipale.

Idiote ! Bien que déterminée à refuser l’invitation à dîner d’Ethan, elle n’avait pas pris laprécautiondemangerunmorceauavantdesortir—sonestomac,nouéparlestress,l’enavaitempêchée.Ellefitminedetousserpourcouvrir lebruitdesiphonquimontaitdesonventre,presquepirequeleshalètementsducoupleà l’écran.Elle finitparenfouirsonvisagedanssesmains,horrifiée.Elleauraitvouludisparaîtredansuntrou.Pourquoin’avait-ellepasvérifiélaclassificationdufilmavantdevenir?Acoupsûr,ildevaitêtreinterditauxmoinsdedix-huitans,cequiluiauraitmislapuceàl’oreille!

—Vousnevoussentezpasbien?chuchotaEthanensepenchantverselle—unpeutropàsongoût.—Jevaistrèsbien,merci,répondit-ellesansdesserrerlesdents.Elleluijetaunregarddebiaiset,àsongranddam,lutdel’amusementdanssesyeux.Décidément,riennesepassaitcommeprévu!Lemot«fin»apparutaprèsuneéternité—alléluia!—maisEthanfaisaitapparemmentpartiede

cesspectateursquiaimentresterjusqu’auboutdugénérique.Lorsqueleslumièresserallumèrentdanslasalle,presqueagressivesaprèstroisheuresd’obscurité,ilsouriaitdetoutessesdents.

—Lefilmétaitàlahauteurdevosattentes?s’enquit-il.—Ohoui,prétendit-elleenselevant.Alorscommeça,vousparlezfrançais?—Maisoui,biensûr.Pasvous?—Non…Ethans’effaçapourlalaissersortirlapremièredelasalle,puisluiemboîtalepas.—Dommage.Vousauriezsaisipleindepetitsdétailsauxquelslesous-titragenerendaitpasjustice.

J’aitrouvélefilmtrèsréussi.—Vraiment?—Biensûrquenon,jemesuisennuyécommeunratmort.Maisc’étaitbienlebutdelamanœuvre,

non?Ilsavait.Biensûr.Aucunepersonnenormalenes’infligeraitintentionnellementunsupplicepareil.

Entoutcas,s’ilavaitsouffertautantqu’elle,c’étaitbienfaitpourlui.Elleluiavaitjouéunsacrétour.Pasvrai?—Allonsmangerunmorceau,proposa-t-il.Vousêtesaussiaffaméequemoi.Nadias’étaitimaginérentrersitôtlaprojectionterminée.Maiselleavaittellementfaimqu’elleen

avaitlamigraine.Ellehésita.—Vousavezdéjàsciélabranchesurlaquellevousétiezassise,fitvaloirEthan.Nerecommencez

pas.Aquoibonprotester?Ilavaitvuclairdanssonjeuetelleavaitl’estomacdanslestalons.—D’accord.— Formidable, s’exclama Ethan en hélant un taxi. C’est moi qui choisis l’endroit, cette fois.

J’insiste.Il donna au chauffeur l’adresse d’un restaurant français. Lorsqu’ils arrivèrent, Nadia eut

l’impressiond’entrerauparadis.Unpandemurentierétaitoccupéparunevitrinerempliedepâtisseriesalléchantes — choux à la crème, tartes aux fruits, gâteaux au chocolat. Elle les étudia en salivant,incapabledepenseràautrechose.Mais,lorsqu’elles’arrachaàsacontemplationpourétudierlasalle,elledéprimaaussitôt.

—Ohnon…C’estplein.Nousn’auronsjamaisdetable.Ethanbaissaleregardsurelleet ladévisageaavecuncalmequicontrastaitavecledésespoirde

Nadia.—Nousavonsdéjàunetable.

Chapitre4

Nadiacrutdéfaillirdesoulagementàcettenouvelle.Ethanluiposaunemainaubasdudospourlaguider à la suite du maître d’hôtel. Elle tressaillit comme si elle venait de recevoir une déchargeélectrique.Le choc lui coupamomentanément le soufflemais lui autorisa aussi unmoment de luciditéaussi soudain que bref. Avait-elle bien fait d’accepter son invitation, alors qu’il suffisait à soncompagnondelatoucherpouraffolersonrythmecardiaque?

Maisavait-ellevraimentlechoix?Elleétaitauborddel’hypoglycémie.Etcespâtisseriesétaientdiablementtentantes.Ellejetauncoupd’œilverslavitrineavantdes’asseoir,lesnerfsenboule.Peut-êtreyavait-ilmoyende retourner la situationen sa faveur…Leshommesaimaient les femmesdotéesd’unsolideappétit,non?Ellen’avaitqu’àcommanderunéclairetlemangerdefaçon—commentdire?—provocante, comme elle l’avait vu faire dans un film.Ethanne pourrait pas rester indifférent.Ellen’éprouveraitqueplusdesatisfactionàdouchersesardeurslorsque,tremblantdedésir,illuiferaitdesavances.Ohoui,c’étaitsameilleureidéedelasoirée!

—Qu’est-cequivousferaitplaisir?demanda-t-il.Ellehésita, tentéeparunerepartiebiensentie,maisdécidadejouersurduvelours.Surtoutaprès

l’épisodedupirefilmdumondequi,ellelereconnaissait,n’avaitpasétéunfrancsuccès.— J’aimerais juste prendre deux desserts et pas de plat principal, si vous n’y voyez pas

d’inconvénient.Levisagedesoncompagnons’éclaira.—Biensûrquenon.Unsilenceconfortableretombaentreeuxpendantqu’ilsétudiaientlemenu.Ethandevaits’imaginer

qu’ill’avaitamadouéeetellenecomptaitpasledétromper.Ellepritsontempspourchoisir—parcourirlacarteluidonnaituneexcusepournepasleregarder.Touteslesfoisqu’elleposaitlesyeuxsurlui,elleavaitl’impressiondedevenirgaga.

—Ilsontuneexcellentesélectiondevins,luiapprit-ild’untonaffable.Çavoustente?—Paspourlemoment,maisnevousprivezpaspourmoi.Dufaitdesapetitetaille,Nadiaencaissaitmall’alcool.Undéàcoudred’uneboissonquelconque

suffisaitàluifairetournerlatête:ellen’étaitpasidioteaupointdeboiremaintenant,quandelleavaitbesoindetoutessesfacultésmentales.Elleattenditdoncavecpatiencequelesommelierpartechercherlabouteillequ’Ethanavaitcommandéesansmêmeregarderlacarte,puisposalaquestionquiluibrûlaitleslèvres.

—Commentavez-vouseucettetable?

— J’ai téléphoné depuis le cinéma, quand vous êtes allée vous repoudrer le nez juste avant laséance.

Elleconsidérasaréponseensilence,profitantdurépitoffertparleretourdusommelier.Ethanavaitdoncsuavantmêmeledébutdufilmcombiendetempsildurait.Ellerougit,furieused’avoirétédoublée.Elle devait absolument reprendre lamain sur ce petit jeu, se comporter en adulte.Elle jeta unœil auverred’Ethanetsedécidaenunefractiondeseconde.

—Toutbienréfléchi,jenediraispasnonàunpeudevin.Justeunverre.L’alcoolluiredonneraitdel’énergie.Elleenavaitbienbesoinaprèslesémotionsde

cette soirée — le film-marathon et ses scènes érotiques, la surprise de découvrir qu’Ethan parlaitparfaitementfrançaisetlafaimdeloupquiluitordaitleventre.

Aprèsl’avoirservie,illaregardaprendreunepremièregorgéeensouriant.—Levinvousplaît?Silevinluiplaisait?Ilétaitsublime!Riche,longenboucheetvelouté.Elles’adossaàsachaise

avecunsoupird’aise,soudainbeaucoupplusdétendue.Laperspectived’undélicieuxrepasajoutaitàsabonnehumeur.

—Vousvoussentezmieux,ondirait.—Beaucoupmieux,confirmaNadia.Elle le vit sourire et se retint de faire de même. Elle savait exactement à quoi il pensait. Il

s’imaginaitdéjàqu’elleallait…Commentl’avait-ilformulé,déjà?Ahoui:«fondrecommelemoelleuxauchocolatqu’elleavaitcommandé».Là,ilallaitavoirunegrossesurprise.

—Vousvousêtesbienamuséehiersoir?reprit-il.Laquestionladérouta,puiscelaluirevint:elleavaitprétenduêtreoccupéelaveille…—Oh!oui.J’aijusterevuquelquesvieuxamis.—Çan’apasdûfinir très tard.Vousavezmisvotreblogà jourvers21h30.Acroirequevous

passezlamoitiédevotrevieenligne.Affectantleplusparfaitdétachement,Nadiaavalaunenouvellegorgéedevindansl’espoirdefaire

descendresonthermostatinterne.—Vousm’espionnez?—Vuquevotreforumestpublic,jenevoispascommentonpeutappelerçadel’espionnage.—Ilmesemblequevousn’avezpasnonplusétéinactif,enparlantdeforum?—Ah.Ethans’installaplusconfortablementdanssachaise,lesyeuxdanslessiens.—Vousêtesfâchéeparcequej’airendunostroisrendez-vouspublics?—Fâchée,non.Disons…surprise.Jevousimaginaisplussoucieuxdevotrevieprivée.—Jelesuis.Maisnotredéfin’ariendeprivé.Vousvousimaginiezquec’étaitunsecret?Sic’était

lecas,cettepetiteexpérienceneserviraitàrien.—Parcequec’estuneexpérience?Pardonnez-moi,maisj’aitoujoursdumalàcomprendreàquoi

ellesert.Ilsemitàrire,puishaussalesépaules.—Pourlemoment,àsepayerdubontempsdansl’undesmeilleursrestaurantsdelaville.Avec un timing parfait, un serveur apparut et déposa leurs assiettes devant eux. Nadia attaqua

aussitôtsesdessertsetfermalesyeuxensentantlessaveursexplosersursonpalais.Bonsang,cegâteaudevaitêtreremplidesucre,debeurreetdetoutcequ’ilyavaitdepirepourlasanté.C’étaitdivin.Dubonheuràmanger.Lepâtissierétaitungénie.

Elle constata après quelques instants qu’Ethan n’avait pas touché à son plat. Bras croisés, il laconsidéraitavecunamusementvisible.

—J’endéduisquec’estbon?—Bon?répondit-elleenriant.Letermeesttropfaible.C’est…c’est…iln’yapasdemotspour

l’exprimer,conclut-elleenfin.Une chose était sûre, elle n’avait pas à feindre son plaisir. Il était sincère, impossible à cacher.

Ethansouritetsemitàmangeràsontour—uneviandequelconquequi laissaitNadiademarbre.Sesdesserts,ça,c’étaitquelquechose!

Ellerenonçabienviteàfairelaconversation.Lesdeuxgâteauxrequéraienttoutesaconcentration.Elle les attaquait tour à tour, une bouchée de l’un, une cuillerée de l’autre. Elle paniqua presquelorsqu’ellesedemandalequelterminerenpremier.Pourundilemme…

Etnon,ellenesesentaitpas«fondre»enprésenced’Ethan,mercibeaucoup.Ellen’étaitpassaisied’une soudaine bienveillance à son égard sous prétexte qu’il l’avait emmenée dans cet endroitmerveilleux.C’étaitunrustre,ellenel’oubliaitpas.Elleneprenaitpaslemoindreplaisiràpartagercesinstantsaveclui.Ohnon.

—Aquoipensez-vous?questionna-t-ilaprèsquelquesinstants.Vousêtesbiensilencieuse, toutàcoup.

Etpourcause.Elleavait labouchepleinedecrèmepâtissière.Mais le sucrecommençaità faireeffet et à lui redonner l’énergie qui lui faisait défaut. Sa langue se délia en même temps que sacombativitéresurgissait.

—Jerédigementalementmoncompterendudecettesoirée,luirépliqua-t-elle.Une expression énigmatique passa sur les traits d’Ethan mais s’évanouit aussitôt. Il reposa ses

couvertsetrepoussasonassiette.—Que comptez-vous endire ? demanda-t-il d’unevoix plus doucereuse que la garniture de son

mille-feuille.—Vousverrezbien.Etj’aihâted’êtreànotresecondrendez-vous.Voussavez,celuioùvousallez

«transformerl’essai».Ethanluiadressaunsourireinsolent.—Pasautantquemoi.—Maisc’estmoiquichoisis leprogrammede la soirée, cette fois.Après tout, alleraucinéma,

c’étaitvotreidée,paslamienne.—Pasdeproblème.Quevoulez-vousfaire?La capitulation était un peu trop rapide pour être honnête.Nadia décida qu’elle s’en inquiéterait

plustard.—Ehbien…nouspourrionssortirdanslajournée,plutôtquelesoir?Oui,c’étaitplussûrcommeça.Elleluidonneraitrendez-vousdansunendroitpublic,làoùellene

risquaitrien.Ellenevoulaitpasl’envoyerpaîtreavantleurrendez-vousfinal,cequil’obligeaitàfaireprendrelamayonnaisedoucementaucoursdesdeuxpremiers.

—Dans la journée ? répétaEthan, remerciant d’un signede tête le serveur venu récupérer leursassiettes.

—Oui.Dimanche,çavousconvient?Aquoibontraîner?Plusvitecetteaffaireseraitterminée,mieuxelleseporterait.—Dimanche,c’estparfait.Illeurresservitduvinavantd’ajouter:—Jesuisimpatientd’yêtre,moiaussi.Jedoisavouerquej’appréciebeaucoupvotrecompagnie.

Nadiaréprimaunpetitrire—l’ironied’Ethanétaitévidente.Elleportasonverreàseslèvres.—Vousavezditquevousn’essaieriezpasdem’impressionner,luirappela-t-elle.Ilhaussalesépaules,maissonsourirecharmeurcontinuad’irradiercommeunsoleil.—Pardon.Leshabitudesontlaviedure.—Vousfaitestoujoursdescomplimentsauxfemmesaveclesquellesvoussortez?—Toujours.Vousyvoyezuneobjection?—Non.Saufsivousn’êtespassincère.—Maisjesuissincère.—Toujours?insistaNadia,reposantsonverreenfronçantlessourcils.—Biensûr.—Çanevousarrivejamaisdefaireuncomplimentenl’air,justepourfaireplaisir?—Etsic’étaitlecas,ceseraitmal?—Commejevousl’aidit,sicen’estpashonnête…Ethanl’interrompitd’ungesteetsepenchaverselle.—Trèsbien.Vousvoulezquejesoishonnête?Alorsvoilà:jevoustrouvesublimedanscetterobe.

Vousêtes incroyablement séduisante.Çaneme ravitpas,parceque les choses seraientbeaucoupplusfacilessicen’étaitpaslecas,maisjepensehonnêtementquevousêtes…quevousêtes…

—Quejesuisquoi?—C’est comme votre dessert : il n’y a pas demots pour l’exprimer.Vous devriez plutôt sentir

l’effetquevousmefaites,c’estplusparlant.Vif comme l’éclair, il lui agrippa lamain et la plaqua contre son torse avant que Nadia puisse

réagir.Atraverslecotondesachemise,elleperçutaussitôtlachaleurdesapeauetlesbattementsdesoncœur.Elle prit soudain consciencede son cœur à elle— il cognait à l’unisson.Undrôledebruit luiemplissaitlesoreilles,peut-êtrelerugissementdesonsangdanssesveines.Sarespirations’accéléraet,àsongranddam,unelangueurfamilières’éveillaaucreuxdesonêtre.

Impossibledes’yméprendre.SoncorpssepréparaitpourEthan.Elle resta pétrifiée pendant cinq longues secondes, puis le brouhaha du restaurant pénétra de

nouveausessensetluifitreprendreconsciencedesonenvironnement.Elleétaitallongéeoupresquesurlatabled’unrestaurantgastronomique,hypnotiséeparleregardcannelled’unhommequin’étaitlàquepourluidonnerunebonneleçon.

Alorselleserappelasesrègles.Nevousjetezpasdanssesbras.Gardezunepartdemystère.Elleinspiraprofondément,tentantdereprendrelecontrôledesesmuscles.Ethanétaitunvéritable

aimantàfemmesetillesavait.Ilétaittrèsdifficile,ensaprésence,defairepreuvederetenue.Telleunepailledemétal,elleétaitirrésistiblementattiréeverslui.Maiselleserait,serépéta-t-elleavecunregaindedétermination,cellequiluiéchapperait.

Avecuncalmequ’elleétaitloinderessentir,elleôtasamaindelasienneetlacachasouslatable,agitantlesdoigtspourenchasserlesfourmillements.

—Vousêtesdoué,jeleconcède.Vousaimezêtredésiré,n’est-cepas?C’estsûrementpourçaquevousmaniezsibienlecompliment.Poursatisfairevospropresbesoins,pasceuxdevosconquêtes.

Ethan lui adressa un regard impassible. Mais, lorsqu’il parla, sa voix trahissait une certaineirritation.

—Etvousêtestrèsdouéepourvousfairedesidées.Pourmapart,jepréfèrem’entenirauxfaits.Figurez-vousquejemesuisrenseignésurvotrecompte.

— Et quels faits pensez-vous avoir découverts ? lui demanda Nadia, qui sentait sa colère seranimer.

—Ceux que vous avez rendus publics en lesmettant sur internet.Ça n’a pas été très difficile àtrouver.Lepremiersujetsur1FemmeAvertie…

Ilmarquaunepause,ménageantseseffetsavantd’assenerlecoupdegrâce.—RafeBuxton,c’estbiencommeçaqu’ils’appelait?Elleévitaderépondreenpiquantdunezdanssonvin.Satêtes’étaitmiseàtourner.Commentosait-

ilévoquercetépisodedesavie?C’étaitpersonnel.—Qu’est-cequivousaprisdesortiravecuntypequis’appelle«Rafe»?Çaauraitdûvousmettre

lapuceàl’oreille,raillaEthan,remplissantsonverresitôtqu’elleleposa.— Je n’ai pas l’intention d’en discuter avec vous.Vous êtes totalement incapable de lamoindre

empathie.Toutcequivousintéresse,c’estdegagner.—Paslemoinsdumonde.J’essaiejustedecomprendrecequiafaitdevousquivousêtesetcequi

vousmotive.Nadialefusilladuregardensilence,cequin’eutpasl’airdel’intimideroutremesure.— Alors comme ça, Rafe aimait les femmes vierges ? On peut même dire que c’était un

collectionneur?Nadia s’empourpra sous l’effet d’un mélange de fureur et d’embarras. Oui, elle s’était montrée

stupide.Ellelesavaitetn’avaitpasdutout,maisalorspasdutoutenvied’enparler.Ellenevoulaitpasévoquerseserreurspasséesavecunautreprédateursexuel.Elleavalauneénièmegorgéedevin,laplusgénéreusepossible.

—Bon,votrepremieramantétaitunabruti,résumaEthan.Paslapeinedelaisserunesimpleerreurvoustraumatiseràjamais.

Cettefois,Nadiasevoyaitmalnepasrépondreàl’accusation.—Jerefusequ’ils’entireàsiboncompte,expliqua-t-elle.C’esttout.Ilchoisitsesproiesparmi

desjeunesfillesnaïves,quigoûtentàlalibertépourlapremièrefoisaprèsavoirquittélenidfamilial.Assistantprofesseuràl’université,RafeBuxtonépataitfacilementlesétudiantes.Sonphysiqueétait

agréable,soncharmeinspirait laconfianceetsescapacités intellectuelles—oudumoins levernisdeculturequientenaitlieu—achevaientd’impressionnerlespluscrédules.Lorsqu’ellesdécouvraientsavéritablepersonnalité,ilétaitsouventtroptard.

—Maisnousfaisonstousdeserreurs,déclaraEthan.C’esthumain.Nadiasecoualatête,agacée.—Ilyaunedifférenceentrefairedeserreursetêtrevictimed’unpervers.Oui,unevictime,c’étaitbiencequ’elleétait.Elleetdesdizainesd’autres.—Personnenedevraitperdresesillusionsdecettefaçon,murmura-t-elle.—Mais tout le monde doit faire face à la réalité un jour ou l’autre. Accepter la mort de ses

illusions.C’estunprocessusnormal.—Parcequevouspensezquec’estça, laréalité?ripostaNadia,ulcérée.LestypescommeRafe

Buxton?Vousnepensezpasquel’amourexiste?—L’amourcommedanslescontesdefées?Non.Soncynismeétaitblessant,mêmes’iln’auraitpasdû la surprendre.Et elledevaitbienadmettre,

aprèssonexpérienceavecRafe,qu’iln’avaitpascomplètementtort.Les faits remontaient à sa première annéed’université.Elle avait grandi dans unepetite ville du

norddel’Angleterreoùelleavaitmenéuneexistencecalme,protégée.Sesparentsetsesfrèresl’avaient

couvée avec une affection qui était vite devenue étouffante. Quand Nadia avait enfin quitté le coconfamilial,ellen’étaitqu’unejeunefillecandide,guèrepréparéeàaffronterlespiègesdelavie.

—Soyonsclairs,jenecherchaispasl’âmesœur.Justeàprendredubontemps,dansunminimumderespectmutuel.Aufinal,j’aiététraitéecommeunnuméro.

Pireencore:commeunobjet.Lesfemmes,pourRafeBuxton,n’étaientqu’unjeupervers.Unefoisqu’ilavaitdécrochéletrophéequil’intéressait—lavirginitédeNadia,enl’occurrence—,ilpassaitàlasuivante,parfoisdanslamêmesemaine.

Etlasuivante,danscecasprécis,avaitété…Megan.Aucunedesdeuxn’avaiteuconsciencedel’existencedel’autre.Ouplutôtdesautres.—Vousvouliezdurespect,répétaEthancommes’ilenregistraitl’information.—Etdel’honnêteté.Oui, Rafe Buxton s’était joué d’elles. Lorsqu’elles s’en étaient aperçues, au détour d’une

conversationanodinependantunesoirée,Meganetelleétaientdevenueslesmeilleuresamiesdumonde.C’était le seul point positif de ce naufrage. C’était de leur mésaventure commune qu’était né le site1FemmeAvertie.

—L’honnêteté,c’estvraimentimportantpourvous,ondirait.Leregardd’Ethans’étaitassombri—l’ambreavaitviréàl’onyx.Nadiaacquiesça.—C’estprimordial,oui.Sanshonnêteté,pasdeconfiance.Et,sansconfiance,commentconstruireunerelationdurable?—Pourtant,vousn’êtespastrèshonnête,fitvaloirsoncompagnon.Nadiaseredressasursachaise,horrifiée.—Biensûrquesi,jelesuis!Ilsecoualatêtemaissouritpouradoucirl’accusation.—Menteuse.Vous vous dissimulez derrière votre site.Derrière votre petite taille et vos grands

yeux.Vousvoulezfairecroirequevousêtesunepetitechosefragiledépasséeparlesévénements.Elle le fixa en silence, stupéfaite.Comment pouvait-il se tromper à ce point ?Elle détestait être

perçuecommefaible,ouvulnérable,sousprétextequ’elleétaitpetite.Alorsjouerdesataille?Elleavaitpassésavieentièreàlafaireoublier!

—C’estfaux.Onaabusédemoimaisjen’aijamaisfuimesresponsabilités.C’estmoiquimesuismontréestupide,jeneleniepas.

—Vous avez donc décidé de ne jamais reproduire cette erreur. Et, si possible, de l’épargner àtouteslesfemmesdumondegrâceàvotresite.

Nadia but coup sur coup deux gorgées de vin, le temps de remettre un semblant d’ordre dans lechaosémotionnelqui faisait rageenelle.Ethanvoyait leschosesdemanière simpliste.Lavéritéétaitinfinimentpluscomplexe.Lenezdanssonverre,elleinspiraprofondémentetlaissalesvapeursd’alcoolsaturersessens.

— Parlez-moi de votre travail chez Hammond, reprit Ethan, changeant de sujet de manièreinattendue.Est-ceaussiformidablequetoutlemondeledit?

Nadiarefusacetteinvitationtaciteàsedétendre.Commeellevenaitdes’enrappeler,celafaisaitpartiedesastratégie.Faitesparlerlesfemmesetellesvoustomberontdanslesbras.

Paselle.— Mon travail n’est pas très intéressant. Parlons plutôt du vôtre. Comment êtes-vous devenu

avocat?Puisquetoutcelan’étaitqu’unjeupourlui,trèsbien,elleallaitjouer,décidaNadia.Maisselonses

règlesàelle.

—Cen’estpastrèsintéressantnonplus,luirépliqua-t-il.Elle redressa la tête et se rendit compte qu’il l’observait avec attention. Lorsqu’elle voulut

détournerleregard,elleconstataqu’elleenétaitincapable.Lapièces’étaitestompéedansunbrouillardindistinctdontémergeaientuniquementlevisaged’Ethanetsesyeuxardents.

Nadiaavaitlatêtequitournait—uneffetcombinédusucre,duvin,delachaleurdel’endroit.Non,Ethann’yétaitpourrien,serépéta-t-ellefarouchement.Ellesecoualatêtepours’éclaircirlesidées.

Dieumerci,soncompagnonrompitdelui-mêmelamagieensetournantpourhélerleserveuretluidemanderl’addition.

—Ilesttard.Rentrons.LetrajetentaxiparutbienpluscourtàNadiaqueceluiquilesavaitconduitsaurestaurant.Cette

fois,ellenesesouciaitplusdepartagerunebanquetteavecEthan—letaxiétaitpourtantpluspetitqueleprécédent.Soncœurbattaitlachamade,sespaumesétaientmoites.Elletremblaitpresqued’impatienceetd’excitation.Dansquelquesinstants,Ethanallaitfaireexactementcequ’elleattendaitdelui.Iltenteraitdel’embrasser.

Etellesedéroberait.D’interminables secondes s’écoulèrent mais rien ne se passa. Etrange… Ethan était silencieux,

perdu dans ses pensées.Nadia lui jeta un regard de biais, impatiente, dans l’espoir de déchiffrer sonexpression.Iltournalatêteverselleetluisourit.

Elleeutl’impressionderecevoirunseaud’eauglacialeenpleinefigure.Elleclignadesyeux,prisedecourt:iln’yavaitpaslemoindredésirdansleregardd’Ethan,paslamoindrechaleur.Sajolierobeneuve,sonsourireetsesœilladeslangoureuseslelaissaientdemarbre,malgrécequ’ilavaitaffirmé.Encetinstantprécis,ilparaissaitamuséplutôtquetroublé.Elleprofitad’unviragepoursepencherverslui,justeaucasoùilauraitbesoind’encouragements.Ilneréagitpas.Ouplutôtsi:ils’écarta.

Maisquesepassait-il?Ellenecomprenaitplusrien.N’était-ilpascenséluifairedesavances?Oùétait le don Juan compulsif dont toutes ces femmes parlaient sur son forum ?Ou alors, c’était que leproblèmevenaitd’elle.Etsiellen’étaitpasàsongoût?

Letaxis’arrêtaenfin.Ethanmitpiedàterrepourpayer.—Jevousraccompagnejusqu’àvotreporte,expliqua-t-ilenréponseauregardsurprisdeNadia.Je

rentreraichezmoiàpied.—Jevouspréviens,jenecomptepasvousinviteràprendreundernierverre,riposta-t-elle,blessée

parsapolitesse.Ilhaussalesépaules,indifférent.—Jen’ycomptaispas.Nadiaselaissagagnerparlacolère.Illuifallaitadmettreladouloureusevérité:ellen’intéressait

pasEthan.Elleauraitsimplementvoulusavoirpourquoi,puisqu’ilavaitlaréputationdesautersurtoutcequibougeait!

Denouveau, il luiposaunemaindans ledospour la conduire jusqu’à son immeuble.Comme lapremière fois, unedécharge électriquepartit dupoint de contact pour irradier dans tout son corps.Lagorgenouéeparunerageimpuissante,Nadiaseforçaàmettreunpieddevantl’autre.

Puis elle le sentit : c’était un mouvement presque imperceptible, mais elle ne pouvait pas seméprendre.Dupouce,illuicaressaitl’échine.

Victoire!C’était lesignal tantattendu.Uneintensesatisfactions’emparad’elleà l’idéequ’Ethanallaitbientôttentersachance,commeellel’avaitespéré.Elleralentitl’allurepoursavourerl’instant,unsourireauxlèvres.Elleimaginaitdéjàlatêtequ’ilferait lorsqu’ellelerepousserait.Ellesemontrerait

fermemais taquine,histoirede luidonner l’illusionmalgré toutquequelquechoseétaitpossibleentreeux.Ellenevoulaitpasledécouragercomplètementalorsqu’ilsdevaientserevoirencoredeuxfois.

Parvenuedevantsaporte,elleglissalaclédanssaserrure,ouvritetallumaàl’intérieur.Lalumièrebaignad’unhalodorélepalieroùilssetenaient.C’étaitparfait,romantiqueàsouhait.NadiasetournaversEthanpourluisouhaiterbonnenuit,incapabledecontenirsonsourire.

Ilétaitvraimenttrèsgrand.Lesyeuxbaissésverselle,ilsouriaitluiaussi.Maisdenouveauellefutfrappée par l’absence totale de désir sur son visage. Il paraissait… goguenard, ce qui acheva de ladéstabiliseretd’ébranlersescertitudes.

—Mercipourcettesoiréetrèsinstructive,Nadia.Del’ironie.Impossibledel’ignorer.Oui,ilsepayaitsatête.Elleavaitsansdoutemalinterprétésongestequandelleavaitcruqu’illui

caressaitledos.Iln’étaitpassurlepointdel’embrasser.Nadiaenfutvexée.Etdéçue.Etfurieuse.Maisellen’allaitpaslelaissers’entireràsiboncompte.

—Adimanche,alors,reprit-il.Avantqu’ilpuisseseretourner,elleagrippaledevantdesachemiseetsedressasurlapointedes

pieds.Puisellel’embrassa.Ethansefigea.Ilnesedérobapasmaisneluirenditpaspourautantsonbaiser.Pasassezsensuel,

peut-être?Elledécidad’ymettreunpeuplusd’ardeuretluimordillalalèvreinférieure.Cettefois,ellecrut sentir une réaction, comme un frémissement. Puis plus rien. Nadia finit par capituler, consciented’avoircommisuneterribleerreur.

—C’étaitquoi,ça?demandaEthand’unevoixsourde.—Simplecuriosité,répondit-elleavecundétachementfeint, improvisantunelignededéfense.Je

voulaisvoirsivousétiezaussimerveilleuxqu’onledit.S’était-ilrapprochéd’elleouétait-cesonimagination?Elleauraitjurésentirlachaleurquiémanait

desoncorps.—Quelestleverdict?—Bof.—Jecroyaisquel’unedevossacro-saintesrègles,c’étaitdenepasvousjeterdanslesbrasd’un

hommelepremiersoir?—Jenesavaispasquenousobservionsmesrègles.Iléclataderire,uneondegravequienveloppaNadiacommeunventchaud.—Jenejouecertainementpasselonlesmiennes,luirétorqua-t-il.Et,sivouscroyezquec’estce

quej’attendsd’unefemme,vousvoustrompez.Vousavezbeaucoupàapprendre,croyez-moi.—Oh,parpitié,nemetraitezpascommeuneenfant.—Désolé,princesse,maisvousnepouvezpassautersurunhommeetluifourrervotrelanguedans

labouche.Çanesefaitpas.Mortifiée,Nadarougitjusqu’àlapointedesoreilles.—Vousvoulezdirequej’embrassemal?Quelcrétin.Elleneluiavaitpas«fourrésalanguedanslabouche»etillesavait.Ilsemontrait

délibérémentvulgaire.—Disonsqu’unepetiteleçondeséductionnevousferaitpasdemal.Cettefois,elleenétaitsûre:ilvenaitdefaireunpasverselle!Ellevoulutlerepousser,maisautants’attaqueràunemontagne.Ilnebougeapasetellesepétrifia,

sesmainsenapparenceminusculescontresontorse.D’instinct,ellerefermalesdoigtssurletissudesa

chemise.—Pourcommencer,dit-ild’untonnarquois,lasobriétéestlaclédusuccès.—Oh!vraiment?Nadiaredressa lementon,vexée,etposasur luiunregardfurieux.Elleplantasesonglesdanssa

peauavecunplaisirpervers.Apparemmentinsensibleàladouleur,Ethancontinuad’avancerjusqu’àlacoincercontrelemurdu

couloir,surlequelilpritappuidesdeuxmains.—Toutleplaisirrésidedansl’attente,vousnelesaviezpas?—Seulementsilerésultatfinalestdécevant,rétorqua-t-elle.S’ilestaussiextraordinairequ’onle

dit,enrevanche,l’attentedevraitpâlirencomparaison.—Oh!vousvoustrompez.Ilfautvivrechaqueinstantcommesic’étaitledernier.C’estbienplus

agréable.Ethans’immobilisa,sonvisageàquelquesmillimètresdusien,pourexpliquer:—D’abord,vouscommencezpareffleurerleslèvresdelafille,sansappuyer…Ilillustrasesproposparl’exemple.Sabouchecaressalasienne,presqueimperceptiblement.Elle

voulutprotestermaisilrecommença,encoreetencore.Cen’étaitpasunvéritablebaiser,justeunavant-goût incroyablementsensueldedélicesàvenir.Nadiasoupiraetentrouvrit les lèvres, incapable de seretenir.EllevoulaitdavantagemaisEthanreculaitàchacundesesassauts.

— Tss-tss, fit-il, taquin. Faites-vous désirer. Ne passez à l’étape suivante que lorsqu’on voussupplie.

Samaindroitejouaitd’ellecommed’uninstrument,traçantdeslignesinvisiblesdanssoncou.Illatouchaitàpeine,avecunedélicatesseinfinie,maisellesentaitlaforcequipulsaitderrière.

Etellebrûlaitd’envied’endevenirl’esclave.—Vouscontinuezcommeça,toutdoucement, jusqu’àcequelafillenepenseplusqu’unechose:

«encore,encore,encore».Ilponctuasesparolesdebaiserstaquins,sursespommettesetsamâchoire,explorantsonvisage.

Ellefinitpartournerlatête,ivredefrustration,pourremettreseslèvressurletrajetdessiennes.Ellecomprenaitmieux,àprésent,lapuissancedesoncharme.Ilenvoûtaitsesvictimesparlamagie

desavoix,parsescaressestoutenretenue.Illeurembrouillaitl’espritetleurdonnaitenviedefairelepremierpas.Nadiabrûlaitdeselivreràluicorpsetâmemaisunrestederaisonlaretenaitencore.Ellenevoulaitpasdevenirsonjouet.

Ses conseils de séduction marchaient dans les deux sens, songea-t-elle en un éclair de géniesalvateur.Elledéployalesdoigtssurletorsed’Ethanetiltressaillit.Sapeau,soussachemise,paraissaitenfeu.Elleeffleuraàsontourseslèvresavantdeglisserlelongdesamâchoire.

Ethanétait immobilecommeunestatue.Samaingaucheappuyait toujourssur lemur, ladroite luienveloppaitlanuque.Maisilnel’embrassaitplus.

Unepeurpaniqueexplosaenelle.Ilallaitlarepousser,c’étaitsûr.Puisellel’entenditprendreuneinspirationrauque,unsonétrangléquitémoignaitdesontrouble:illuttaitpournepasperdrelecontrôle.

Ellesouritetaccentuasapressionsursontorse,sursajoue.Leproblème,c’étaitquepluselleletourmentait,plusellesemettaitendanger.

Ethan finit par interrompre sa contre-attaque en lui agrippant les poignets et en les immobilisantdanssondos.Elles’arc-boutaparréflexe,plaquantsonbassincontrelesien.

Ilss’embrassèrentdenouveau.Cettefois,iln’étaitplusquestiondetaquineroudesuggérer.C’étaitunassautfrontal,undéferlementdepassionanimale.EthanpesaitdetoutsonpoidssurelleetNadiapritconscience du moindre centimètre carré de son corps. Ses nerfs chantaient comme un câble à haute

tension, un brasier invisible la consumait tout entière. Elle retourna le baiser d’Ethan avec la mêmefureur. Au diable les conséquences ! Leurs passions fusionnèrent pour donner naissance à une forceprimitivequilesbalayatousdeux.C’étaitdelafolie.Nadias’agrippaàlui,haletante,certainequ’ellemourrait s’il la relâchait.Dieumerci, ilneparaissaitpasenavoir l’intention. Il lui tenait toujours lespoignetsetvenaitmêmedeglisserungenouentresescuisses.D’unejambe,elle luicrocheta lemollettelle une liane s’enroulant autour de lui. Il était dur comme de l’acier— de partout. Nadia était auseptièmeciel.

Puis il se détacha sans crier gare, le souffle court. Son étreinte, sur ses poignets, se raffermit aupointd’endevenirdouloureuse.

—Jen’aipasl’intentiondevousfaciliterlatâche,princesse.Oh!biensûr,nouspourrionspasseràlasuite.Ilsuffiraitd’allerdansvotrechambrepourfinircequenousavonscommencé.Maisàquoibon?

Ilavaitl’airfurieux.Plaquéecontrelui,Nadiaoscillaittoujoursentreextaseetagonie.—Sinousfaisonsl’amour,reprit-il,vousleregretterezdemainmatin.Vousvouspersuaderezune

nouvelle fois qu’ungoujat s’est servi devous.Vous confirmerez toutes leshorreursqu’ondit surmoncompte.Vousmetraiterezdeséducteurmaladifalorsquec’estvousquiavezcommencé.Etc’estmoiquidisstop.

Acontrecœur,Nadialaissaglissersajambeàterre.Toutsoncorpspalpitait,elleauraitjurésentirla course impétueuse de son sang dans ses veines. Ethan la libéra enfin et fit un pas en arrière. Elles’adossaaumurcommepours’yfondre,incapabled’affrontersonregard.Mortifiée,ellesecontentadefixersesmains—ouplutôtsespoingsserrés.

—Jen’aipasl’intentiondeprofiterd’unefemmequiabuunverredetrop.—Jen’aipas…Elle s’interrompit. Mais oui ! L’alcool lui fournissait une excuse rêvée pour justifier son

comportement.D’ailleurs,peut-êtrequ’elleétaitvraimentivre!Elleavaitl’espritembrumé,lesjambesflageolantesetlatêtequitournait.Avecseulementdeuxgâteauxenguisededîneretplusieursverresdevin…Oui,c’étaitça.Elleétaitcomplètementpompette.Ellen’étaitpasunefemmefacile,ça,non.Justeunpeuéméchée.

Déjà, les regrets l’assaillaient. Qu’avait-elle fait ? Elle avait été à deux doigts de devenir sadernière conquête. Et il avait raison, c’était elle qui s’était jetée dans ses bras. Elle s’était imaginépouvoircontrôlerlasituation,contrôlerEthanlui-même.Elleavaitéchoué.Etdefaçonspectaculaire.

Illadévisageaitavecundemi-sourire,commes’ilavaitludanssespensées.—Vousvoulezattribuervotreconduiteàl’alcool,Nadia?Ceseraitpratique,n’est-cepas?Ohqueoui!Maisauboutducompteellen’enferaitrien.Elleledésiraitdepuisqu’elleavaitposé

lesyeuxsurlui.Elleavaitbeauleconsidérercommeunabruti,l’attractionétaitbeletbienlà,puissanteettraîtressecommeunelamedefond.Satanéeshormones.

—J’aimeraisquevousmelaissiez,maintenant.Ethansecoualatête.—Non.Vousavezaffirméquevousétiezdugenrehonnête.Alorssoyez-leetreconnaissezqueje

vousplaisautantquevousmeplaisez.Nadianeréponditpas.Commentlepouvait-elle?Biensûr,qu’illuiplaisait,c’étaitbienlàtoutle

problème ! Quelque chose en lui la rendait folle. Aux yeux d’Ethan, en revanche, elle n’était qu’unefemmeparmid’autres.Iln’avaitmêmepasessayédel’embrasser!Ilnel’avaitfaitquelorsqu’elles’étaitofferteàluisurunplateaud’argent.Bonsang,quellehumiliation…

Sanscriergare,ilfitunpasenavantpourlacoincerdenouveaucontrelemur.

—Voussavezquec’estvrai,reprit-ild’unevoiximpérieuse.Etmaintenantvotreimpatienceestàsoncomble,parcequevousavezgoûtéaufruitdéfendu.Voussavezcequipourraitsepasserentrenous.Vousavezentrevuunavenirpossible…

Ilapprochasonvisagedusien,àtelpointquesonsoufflecaressaseslèvres.—Vousn’allezpasenfermerl’œildelanuit.Vousallezvousretournerdansvotrelit,àpenseràce

quenouspourrionsfairetouslesdeux.Moi,entoutcas,j’aiuneidéeassezprécisedecequej’aimeraisvousfaire…

Tremblante,Nadiaessayadelerepousser.Envain.Elleétaitbeletbiendégrisée,àprésent.Ethanétaituncrétindepremière,unmonstred’arrogance,etelles’envoulaitdes’êtrelaisséprendreaupiègedesoncharme.

C’est vrai, elle avait été flattée de se sentir désirée. Mais, de la part d’un tel homme, était-cevraiment un compliment ? Ce n’était pas elle en particulier qui l’intéressait, c’étaient les femmes engénéral.Elleétaitjustelapremièrereprésentantedel’espèceàportéedemain.

— Vous n’avez pas de raison de m’en vouloir, lui rappela-t-il. Je me suis conduit en parfaitgentleman.

Nadia en avait assez entendu. Elle se précipita sans répondre à l’intérieur et claqua la porte detoutessesforces.

Atraverslebattant,elleentenditleriregraved’Ethans’éloignerdanslecouloir.

Chapitre5

Nadiabuttroisgrandsverresd’eauglacéed’affilée—elleavaitlevisageaussibrûlantquesiellevenaitd’avalerdupiment—et lâcha leverredans l’évier.Ellene réagitmêmepasen l’entendant sebrisercontrelacuveeninox.Levisagedanslesmains,ellesemorigénatantetplus.Elleavaithontedesoncomportement.Toutça,c’étaitlafauted’Ethan.Etilallaitpayer.Ohoui,elleallaitluifaireregretterdes’êtremoquéd’elle.

D’unpasdécidé,ellesedirigeaverssonordinateuretseconnectaaublog1FemmeAvertie.Sanss’accorderletempsderéfléchir,ellelaissalacolèreguidersesdoigtssurleclavier.

Vousaveztouteslu,danslesujet«TroisRencardsetBye-Bye»,queM.TroisRencardsenpersonnem’alancéundéfi:sortiràtroisreprisesavecluiafinqu’ilmeprouvequ’iln’estpas le crétin insensible que de nombreuses femmes ont décrit.Une idée intéressante, pasvrai?Elleenditlongsurlebonhomme.Quelqu’unadit«prétentieux»?Ilfautvraimentqu’ilsoitimbudelui-mêmepours’imaginerqu’ilvameconquérirentroisjours.Ilesttellementsûrdesoncharmequ’ilpensepouvoirmeconvaincrequ’ilestvictimed’unecabaleetqu’enréalitéc’estunhommeadorable.Ridicule?Sansdoute.Maisjesuis fair-playet jesuisprêteàluiaccorderlebénéficedudoute.J’aidoncacceptédesortiravecluietdeluidonnersachance.Parlons-endonc,decepremierrencard.Ilm’aemmenéeaucinéma.Commevousleverrezsur sonblog,HommeAFemmes, il pensequ’unecomédie romantiqueest l’outil idéalpour«assouplir»unefemmedèslepremierrendez-vous.Jepenseexactementlecontraireetillesait.Preuveque,malgrétoutcequ’ilprofesse,iln’estpassiàl’écoutequeça!Jel’aiconvaincudemelaisserchoisirlefilm,unpensumdetroisheures.Ilavitecomprisquenousn’allionspasensortirenroucoulant!Detoutefaçon,lescomédiesromantiques,cen’estpasmontruc.Jesuisplutôtbranchéethrillersoufilmsd’horreur,avecunetouchedegore,s’ilvousplaît.J’aimel’adrénaline.Maisjen’avaispasl’intentiondeluimâcherletravailenallantvoirunfilmquim’intéressait.Aprèstout,c’étaitàluidemeséduire,non?Donc, leçonno1pourM.TroisRencards : vousnepouvezpas ranger toutes les femmesdanslamêmeboîte.Nousavonstoutesdesgoûtsdifférents.Tiens,sivousétiezuneglace,vousneseriezpasmonparfumpréféré!Oh!vousêtesséduisant,jelereconnais.Maisya-t-ilquoiquecesoitderrièrecettebellefaçade?Jenecroispas.C’estundécordecinéma.Alors,mesdemoiselles,voicienrésumécequej’aiappriscesoir:

—M.TroisRencardsestlegenred’hommequiremplitvotreverrequandvousavezledostourné.—M.TroisRencards s’imagineque, sousprétextequ’il vous emmènedansun restaurantchic,iln’apluslemoindreeffortàfournir.—M.TroisRencardsestlegenred’hommequiéludelesquestionspersonnelles,commes’ilredoutait de révéler la moindre information susceptible d’être utilisée contre lui. En susd’être une forme de gibier, les femmes sont aussi et surtout, à ses yeux, des ennemiespotentielles.Vous l’avez compris : pour lemoment,M. TroisRencardsmérite largement la réputationqu’il s’est forgée.C’est un séducteur invétéré. S’il veut prouver le contraire, la balle estdanssoncamp.Monévaluationaprèscepremierrendez-vous?Recalé.

Ethanparcourutlemessagequiétaitdéjàenlignelorsqu’ilarrivachezluiaprèsavoirtraversélamoitié de la ville d’unpas vif.L’effort n’avait pas suffi pour dissiper la tension qui lui raidissait lesmuscles.Dedépit,ilalladroitverssonbaretseservitunwhiskysecqu’ilavalad’untrait.L’alcoolluibrûlalagorge,maispasautantquelesinsultesdeNadia.Quoi,c’étaitsafautesiellebuvaitcommeuntrou?Dèsqu’illaservait,ellevidaitsonverre!

Sasoifneselimitaitd’ailleurspasauvin,commeils’enétaitrenducomptedevantlaportedesonappartement.Leproblèmeaveccettefille,c’étaitqu’ellevivaitdansundénitotaldelaréalité,dansunmondequ’elles’étaitfabriquédetoutespièces.

Laréalité,ilallaitlaforceràl’affronter.Biensûr,ilcomprenaitpourquoiellesecomportaitcommeellelefaisait.Sonexavaitprofitédesanaïvetéetluiavaitbrisélecœur.Maisiln’étaitpasRafeBuxton.Cecrétinetluin’avaientabsolumentrienencommun.Ethan,pourcommencer,respectaitlesfemmes.

Qu’yavait-ildemalàlesemmenerdansunbonrestaurant?sedemanda-t-ilenrelisantlemessagevengeurpourlaénièmefois.Ilneméritaitpasunteldéferlementdehaine.D’autantquelecompterendudeNadiaomettaitunebonnemoitiédelasoirée—laplusintéressanteàsongoût!Plusfuribondqu’ilnel’auraitcrupossible,ils’installaàsonordinateur.NadiaKeenann’allaitpass’entireràsiboncompte.

Rendez-vousno1:Rappeldesfaits:MissCyniqueetmoisommessortisensemblecesoir.Jeluiaifaitleplancinéma.Al’amourcommeàlaguerre,MissCyniqueavait lumonblogets’étaitpréparée.Ellearefuséd’allermangerunepizzaetaditnonàlacomédieromantique.Elleaprétenduqu’ellevoulaitvoirdelonguedatel’undecesfilmsd’auteurinterminablesetj’aiaccepté.Amagrande surprise, jene l’aipas trouvé simauvais,maisMissCynique s’est retrouvéepriseàsonproprepiègeetagigotédanssonfauteuilpendanttoutelaséance.Tiens!Ellevienttoutjustedepublieruncompterendusursonblog.Apparemment,elleaimelesfilmsd’horreur.Çanem’étonnepas.Puisquelefilmétaitfrançais,j’aieul’idéedecontinuersurcethèmeetdel’emmenerdansl’undesmeilleursrestaurantsdelaville.Jelesaiappelésdepuislecinéma,justeavantlaséance,pourréserverunetable.Leçonno1:soyeztoujoursprêtàrebondirpourremettreunesoiréequitournemalsurlesrails.Et,aupassage,jeprécisequejepréconisetoujoursd’allervoirunecomédieromantique,mêmequandlamissvousditqu’ellepréfèrelesfilmsd’horreur!

Mais jem’égare.Retourau restaurant.A lire le blogdeMissCynique, onpourrait croirequ’elleenestressortiedéçue.Déçuedemoi,peut-être,maispasdecequ’elleyamangé!J’aicruqu’elleallaitavoirunorgasmeendévorantsesdeuxdesserts.Oui,deux,vousavezbienlu.Mais le plus intéressant reste à venir. Sur son blog, vous trouverez ses cinq règles pourréussirunpremierrendez-vousgalant.DevinezcombiendesespropresrèglesMissCyniqueabafouéescesoir?Jevousledonneenmille…Ehoui,touteslescinq!Elleestalléeaucinéma.Elleabu(etc’estellequim’ademandédelaservir,aufait!).Elleaparlédesonex.Etonnepeutpasdirequ’elleaitessayédegardersapartdemystère.Oh,bonsang!Oserais-jesuggérerque…Oui.Elles’estjetéedansmesbras.Maisvoilà:jesuisquelqu’undebien.Leçonno2:ungentlemanveilleàraccompagnersacompagned’unsoirchezelleetmetunpointd’honneurànepasprofiterdesafaiblesse.Ungentlemansaitfairepreuvedediscrétion.Apparemment,MissCyniqueaussi,carjenelisriendececharmantépisodesursonblog.Jel’avouesansdétour,jenesuispassurpris.Jen’attendsriend’autred’unefemmequisecachederrièreunpseudonymepourlancersesattaques.MonnomesttraînépubliquementdanslabouesursonsitemaisMissAigrie,pardon,MissCynique,secachederrièreunécrand’ordinateur. Je suis nommé, comme des dizaines d’autres hommes, sur un site où lesfemmessedéchaînentsouscouvertd’anonymat.Voustrouvezçanormal?Vais-je révéler l’identité de MissCynique ? Je le pourrais. Je sais que vous en mourezd’envie.Maisj’aifaitunepromesseet,contrairementàcequ’endisentcertaines,jesuisunhommedeparole.Je sais aussi ce que vous vous demandez d’autre. MissCynique est-elle une vieille filleaigrie,commesonpseudolelaissesupposer?Toutcequejepeuxvousdire,c’estqu’ellen’estpasvieille.Sij’étaisvous,mesdemoiselles,j’yregarderaisàdeuxfoisavantdesuivreaveuglémentlesconseilsd’unegaminesansexpérience.Lasuiteauprochainépisode…

Nadiamitdixminutesàlirelaréponsed’Ethan,enpartieparcequelacolèrel’aveuglaitetfaisaitdanserdespointsrougesdevantsesyeux.Ilavaitentrepris,avechabileté,elledevaitlereconnaître,desapersapositionetderendresonanonymatintenable.Lasituationtoutentièredevenaitintenable.D’ungestebrusque,elle refermasonportable sans se soucierducraquementdeprotestationdescharnières.Puiselleluitournaledosetallaprendreunedouche.

Mêmeglaciale,l’eauneparvintpasàfairedescendrelafièvrerageusequiladévorait.Chaquefoisqu’il abattait une carte, Ethan gagnait lamanche. Le pire, c’était que tout ce qu’il écrivait était vrai.C’étaitjustesoninterprétationdesfaitsquiétaitbiaisée.Biensûr,qu’elles’étaitjetéedanssesbras,maispasparcequ’elleletrouvaitirrésistible.Elleavaitsimplementessayédelepousseràlafaute—etillesavaitpertinemment.

Bon,d’accord,elles’étaitpeut-être laisséemporter.Mais luiaussi,non? Iln’avaitpas feintsondésirquandill’avaitembrassée.Ilnes’étaitpasforcé.Alorsdequeldroitprenait-ilcesgrandsairs?Commentosait-ilseprésentercommeunparangondevertuqu’elleavaitessayédedévoyer?

Deslarmesdecolèreluiroulèrentsurlesjoues.Ellesavaitmaintenantqu’ellenegagneraitjamaiscette guerre. Pas quand elle désiraitEthan comme elle n’avait jamais désiré un homme.Pas quand sa

seuleprésencelapoussaitàagirdefaçoninexplicable.Ilsemblaitprovoquerenelleuneétrangeréactionchimique,unenébuleusede frustrationetde lubricité. Iln’yavaitdoncqu’une façonde lecombattre :c’étaitdenejamaislerevoir.Ellenevoyaitpasd’autresolution.Leurpetitjeuétaitterminé.Sadignité—sansparlerdesasantémentale—endépendaient.

Nadiadétestaits’avouervaincue.Maisellen’avaitpaslechoix:elleallaitdevoirfermerlesujetconsacréàEthanRush.

Lebourreaudescœurs,ledonJuan,l’hommequ’elledétestait.Etqu’elledésirait,àsagrandehonte,plusquetoutaumonde.

***

Ethanpassaunenuitblanche,revivantmentalementsasortieavecNadia,pensantdéjààlasuivante.Il riait tout seulquand il songeait à la têtequ’elle avaitdû faireen lisant sonblog.Oh ! elleallait ledétester.Ilavaithâtedelarevoir,elleetsesjolisyeuxbrûlantsdecolère.

Ill’avouaitsansdétour:elleluiavaitpludèsl’instantoùilavaitposélesyeuxsurelledanssonbureau. Mais quand elle était apparue sur le seuil de son appartement la veille…Waouh. Pour lapremièrefoisdesavie,unefemmeluiavaitcoupé lachique.Elle luiavait reprochésescompliments,maisàvraidire sonéloquencehabituelle lui avait faitdéfaut.C’était tout juste s’iln’avaitpas tiré lalanguecommeunloupdedessinanimé.

Oui,elleétaittrèsséduisante,mêmelorsqu’ellepoussaitlebouchonunpeuloinpourleprovoquer,ouvrantdegrandsyeuxousemordantlalèvred’unairquisevoulaitingénu.Oulorsqu’ellesegavaitdepâtisseries.Ilavaitaimélaregardermanger,surprisparlajoiedevivrequ’elledégageait.Ilavaitluunvéritableplaisirsursonvisage.Ilauraitbienvouluenêtrelasource.

Malgrésonenvied’allerplusloinavecelle,ils’étaitretenu.Ilavaitvitecomprisqu’ellen’étaitpashabituéeàboire,qu’ellenel’avaitfaitqueparcequ’elleétaitàcran—unconstatquiavaitréjouiEthan.Maisilsevoyaitmalfairel’amouràunefemmequin’étaitpasenpleinepossessiondesesmoyens.Ilrefusaitdeprofiterdesafaiblesse.L’alchimieentreeuxétaitbienréelle,maisNadian’étaitpasprêteàl’accepter.Iln’étaitpassûrdel’êtredavantage,d’ailleurs.

Le hic, c’était queMissCynique avait bien failli tout faire capoter. Il avait été à deux doigtsd’oublier ses grands principes lorsqu’elle l’avait embrassé avec une telle passion. Ce n’était qu’enfeignantl’amusement,pourdissimulerletroublequ’elleprovoquaitenlui,qu’ilavaitreprislamain.Dejustesse.Ill’avaitembrasséeàsontour,maisdemanièrejoueuseettaquine.

Làencore,ilavaitétéprisdecourt.Satêtes’étaitmiseàtourneretilavaitfailliluifairel’amourdanslecouloir,àmêmelaportedesonappartement.Lachoseauraitétéfacile.Incroyablementexcitante.Maisellen’auraitpasduréassezlongtempsàsongoût.

Non,cequ’ilvoulait,c’étaitunenuitentièreavecelle,dansunvrailit.Elledevaitsedonneràluidesonpleingré,entouteconscience,pasparcequ’elleétaitàmoitiéivre.

Ethan sentait qu’il s’aventurait en terrainmouvant.Les recettes etmillepetits trucsqu’il utilisaitsansréfléchirpourséduireétaientsanseffetsurNadiaKeenan,sansdouteparcequ’elleétaitsidifférentedesesconquêteshabituelles.Pourcommencer,ilensavaitdéjàdixfoisplussurellequesurlesfemmesqu’ilfréquentaitengénéral.Riendepirepourplomberunerelation.

Ilaimait lesrapportsfaciles,superficiels :bonjour,mercipour toutetaurevoir. ImpossibleavecNadia, il enavait conscience.Acausede la rivalité fondamentalequiexistait entreeux, rienneseraitjamaisfacile.Touteslesfoisqu’ilpensaitàelle,unesirèned’alarmestridenterésonnaitdanssonesprit.

Mais il la faisait taire presque aussitôt. Il voulait réduireNadia à l’état de pantin ivre de désir.L’entendre avouerqu’elle avait enviede lui.Sous sesdehorshostiles,MissCynique était un véritablevolcan.Ethann’avaitqu’unbut:lafaireentrerenéruption.Aprèsquoiilluiferaitl’amourcommeelleleméritait. Il cueillerait ses soupirs de plaisir à même ses lèvres, corps contre corps sous des drapsfroisséspardelonguesheuresdepassion.Iln’avaitjamaiseuenvied’unefemmecommeilavaitenvied’elle.Ilneselaisseraitpasrepoussersanscombattre.

Il se leva de bonne heure le lendemain, épuisé par le manque de sommeil. Après une doucheglaciale destinée à calmer ses ardeurs, il se rendit à son travail et s’efforça de se concentrer.Bonnechance,Ethan.

N’y tenantplus, ilcapitulaetdécrochason téléphone.Denouveauxcommentairesétaientapparussursonblogentretemps.Sesamis—etpasforcémentlesplusraffinés—avaientdécidédelesoutenirenforce.Ilgrimaça,quelquepeuembarrasséparcertainesdeleurssuggestions.Cen’étaientpastantleursidéesquilemettaientmalàl’aise—lesmêmesluiavaienttraversél’esprit—quelatournurepubliqueprise par cette affaire.Un autre commentaire apparut sous ses yeux à la suite des autres, franchementvulgaire,celui-ci.Ethansedétournadel’écran,attendantpatiemmentqueNadiadécroche.Heureusementqu’iln’avaitpasdévoilél’identitédelajeunefemmeàlablogosphère…

—HammondInsurance,Nadiaàl’appareil.Ethanresserrasonétreintesurlecombiné,réagissantauquartdetouràl’autoriténaturelledansla

voixdeNadia.Unevéritabletigressesecachaitsoussesdehorsfragiles,illesentait.—Bonjour.Il ne prit pas la peine de se présenter, il savait par avance que c’était inutile.Une intuition que

confirmalesilencepesantquis’ensuivit.—Commentçavacematin?reprit-il.Vousavezlagueuledebois?Un peu de rentre-dedans ne pouvait pas faire demal ! Lui-même avait une légèremigraine, une

douleur lancinante qui semblait pulser dans tout son corps, comme si ce dernier protestait contrel’abstinenceforcéequ’Ethanluiavaitimposéelaveille.

—Jen’aipasl’intentiondevousrevoir.Notreaccordnetientplus.Ilavaiteubeaus’attendreàsaréaction,ilsecrispaplusencorequ’ilnel’étaitdéjà.—Jevois.Vousvousdégonflez,dit-il,ironique.—Non.C’est justeque jeneveuxpasperdremon temps.Vousêtes telqueces femmesvousont

décrit.—Pasdutout.Ethanserenversadanssonsiège,unsourireauxlèvres.Soncôtéillogiqueetsadéterminationàlui

résisterl’amusaient.—Sivraimentj’étaisleprofiteurqu’ondécrit,j’auraissautésurcequevousm’avezoffertsurun

plateaud’argentlanuitdernière,vousnecroyezpas?Et,soyezhonnête,vousétiezprêteàtout.Malgréça,jemesuisconduitdemanièreexemplaire.Unvraigentleman.Jecroisquejemériteunemédaille.

—Unemédaille?Vousêtes ledémon incarné ! lui répliqua-t-elled’un tonglacialmasquant tantbienquemalsacolère.L’affaires’arrêtelà.

—Vouscomptezdoncrévélervotreidentité?Fermervotreblogetleforum?—Jefermerailesujetquivousconcerne,c’esttout.Faitescequevousvoulez,jem’enfiche.—Vousêtesprêteàrisquervotreemploi?Ethan fronça les sourcils, perplexe. Allait-elle vraiment déposer les armes aussi facilement ?

Quelque chose ne collait pas. Et puis il ne voulait pas la voir capituler alors que l’affrontementcommençaitàpeineàdevenirintéressant.

—Vousêtesàcepointassoiffédevengeancequevousvoulezmemettreàlarue?luirétorqua-t-elle.

Ethanseraidit.Ellelemettaitaudéfi—etelleavaitraison.Biensûrquenon,ilnevoulaitpaslamettreauchômage. Ildevait trouverunautremoyendepression.Heureusement, ilpensait enavoirunsouslecoude.

—Votre site est important à vos yeux, non ? demanda-t-il tout en rafraîchissant sa propre pageinternet.Vousavezvulenombredevisitesquej’aireçuesdepuiscematin?Ettouslescommentairessurvotreblog?

Nadia ferma les yeux et enfouit son visage dans ses mains. Elle aurait préféré être sourde qued’entendrecettevoixsuave.Mêmesanslevoir,ellel’entendaitsourire.Lepire,c’étaitlefourmillementd’excitationquiluicouraitsurtoutlecorps.

—Nadia?Mêmelafaçondontilprononçaitsonnomlatroublait.Ill’infusaitd’unesensualitétorride.Peut-être

avait-elleundéséquilibrehormonalouquelquechosedugenre?Oualorsc’étaittoutsimplementqu’ellen’étaitpassortieavecunhommedepuistroplongtemps.Elleétaitenmanque.Oui,c’étaitça.Touscesfacteurs contribuaient à expliquer pourquoi elle éprouvait ce désir presque inconscient pour un typequ’elledétestait.

Presqueinconscient?Ilclignotaitcommeunnéondanslanuit,oui!—Alors,vousavezvu?demandadenouveauEthan.—Non.Pour la première fois depuis une éternité, elle n’avait pas allumé son ordinateur au réveil. Et

maintenantelleétaitautravail.Lesseulsemployésquiavaientaccèsauxréseauxsociauxétaientceuxdesressourceshumaines,afindepouvoircontrôlerl’activitéenlignedesautressalariéset,parfois,defairedesvérificationssurunpostulant.Hammondn’employaitpasd’individusquiseridiculisaientsurinternetouavaientlalanguetropbienpendue.Bref,ellepouvaitserendresurleblogd’Ethansiellelevoulait…

Uncoupd’œilderrièreelle—personne—etelletapal’URLdesonsite.Lapagesechargeaenquelquessecondes.Nadias’arrêtaderespirerenconstatantqu’unecentainedecommentairesavaientétépostésàlasuiteducompterendud’Ethan.

—C’est bien pour ça que vous avez un site, non ?Parce que ça vous donne le sentiment d’êtreimportante?Populaire?Avoirleplusdeclicspossible,cen’estpasexactementcequevouscherchez,parhasard?

Non,cen’étaitpascequ’ellecherchait.Etpuisilyavaitclicetclic.Certainsdescommentaires,surlesited’Ethan,étaienttoutbonnementaffreux.Personnels,insultants,humiliants.Letempsdechargerunedeuxième page pour en lire davantage, et deux nouvelles réponses s’ajoutèrent aux précédentes, plushorribles encore.LesyeuxdeNadia semirent à lui brûlermais elle battit furieusementdespaupièrespourchasserseslarmes.

—Jevousdéteste,dit-elled’unevoixbrisée,incapabledecontenirsonémotion.—Cen’estpastrèsagréable,n’est-cepas?susurraEthanauboutdufil.—Vousdevriezmodérercescommentaires.—Commevousmodérezletasdemensongessurvotreforum?Ethanpartitd’unrireglacialavantdereprendre:—Voyezleboncôtédeschoses:toutcetraficsurmonsitefaitdelapublicitéauvôtre.Nadianeréponditpas.Ellecliquasur1FemmeAvertieetvitquelenombredecommentairesavaitlà

aussiaugmenté,àceciprèsqu’ilsétaient infinimentpluspositifs—solidaritéféminineoblige.Elleseremitàrespirer,unpeurassérénée.

—Vousvoyez,quecen’estpasfini?repritEthan.Ilestimpossibledefairemachinearrièresansdécevoir notre public. Et puis j’ai hâte de savoir ce que vous m’avez concocté pour notre prochainrendez-vous.

Oh,vraiment?Nadiaesquissaunsourire,encouragéepar lesdernierscommentairesquivenaientd’apparaîtresursonsiteetluirecommandaientde«donneruneleçonàcecrétin»,pourneciterquel’undespluspolis.

—Jen’aipaslamoindreenviedevousrevoir,prétendit-ellepourgagnerdutemps.Enhâte,ellerevintsurleblogd’Ethanetytapaunmessageàlasuitedesélucubrationsdesaclique

masculine.

Leshommestoutcrachés…Incapabledepenserau-dessusdelaceinture.

—Voussavezquevousn’avezpaslechoix.Quevousnepouvezpasrésister.Le doigt deNadia se figea sur sa souris— il avait raison.Elle n’arrivaitmême pas à réfléchir

quandilluiparlait.—Danstroisjours,jevaisvousrabattrelecaquetunebonnefoispourtoutes,promit-elle.—J’aihâted’yêtre.Nadialuiadressalaréponsequiluiparutlaplusappropriée.Elleluiraccrochaaunez.

Chapitre6

1FemmeAvertieQuandlesecondrendez-vouss’annonce…Touts’estbienpassélapremièrefois—entoutcaspourvous,chèreslectrices.Maisquefairelorsd’unsecondrendez-vous?Et si vous vous revoyiez dans la journée plutôt que le soir ? C’est le meilleur moyend’apprendreà se connaître sans semettre trop lapression, commec’est souvent le cas sivousdînezensemble.C’estdoncuntrèsbonchoixpoursedécouvrirl’unl’autreetdéciderdelasuiteàdonneràvotreromancenaissante.Ouàcequis’annonceêtreunecatastrophe!Quelquessuggestionsd’activitéspourlerendez-vousno2:—Unpique-niquedansunparc.—Unepromenadedansunjardinbotaniqueouautrelieupropiceàladétente.—Visiterunmusée.—Alleràlaplage.—Partager une activité ludique— faire du canoë par exemple, ou du paintball si c’estvotretruc.Un conseil : choisissez une activité où vous êtes tous les deux à l’aise, ou tous les deuxdébutants.Sil’unestmeilleurquel’autre,fuyez!Riendepirequedeseridiculiserdevantquelqu’unquevousessayezdeséduire.Résistezaussiàl’enviedeluiprésentervosamies.Biensûr,vousadoreriezavoirleuravis.Maisvotrecompagnonn’apprécierapeut-êtrepasd’être jaugécommeunchevalde foire.Repoussezlesprésentationsàplustard.Quantàvotrefamille,jen’enparlemêmepas!

Ethanétudialalisteetsedemandalaquelledeces«activités»Nadiaallaitluiinfligerledimanchevenu.Réflexionfaite,larevoirenjournéeluiparaissaituneexcellenteidée.Ellen’auraitd’autrechoix,àla lumière du jour, que d’affronter la vérité— l’attraction qui existait entre eux, par exemple. Plusquestiondesecacherderrièresonverredevin.

Ilsoupiraetouvritsonpropreblog.Ildevaitpublierquelquechose,maisfranchementilnesavaitpasquoi.Alavuedunombredecommentaires—ilavaitencoreaugmenté—,unfrissonleparcourut.Oui, il comprenait mieux ce qui motivait Nadia, à présent. Il était excitant d’avoir un public captif,suspenduàseslèvres.Bonsang,allait-ilsetransformerenégocentriquedepremière,commesonpère?Ilespéraitbienquenon.

Ilprituneinspiration,puistapaletitredesonnouveaubillet.

Transformerl’essaidèslesecondrendez-vous…

Bon.C’étaitcequ’ilavaitpromisàsesfans.Jusque-là,c’étaitfacile.Etmaintenant?Commenttenirsespromesses?Ladifficultéétaitdenepasdécevoirtoutenévitantdeverserdanslavulgarité.

Jemarchesurdesœufs,chersamis.Noussavonstous,eneffet,queMissCyniqueconsultemonblog—ellesepermetmêmed’ypublierdescommentaires.Bienvenue,trèschère,nousapprécions vos interventions.Mais ça signifie que je ne peux pas dévoiler mon plan debataille.

Denouveau, ilmarquaunepause.Pourêtrehonnête, iln’avaitpas lemoindreplandebataille. Ilnageait en pleine improvisation. Mais, puisqu’il avait recommandé à Nadia de suivre son instinct,pourquoinepasfairedemême?

Cequejepeuxdéjàvousdire,c’estqueMissCyniquesecharged’organisernotreprochainrendez-vous.Effrayée sansdoutepar la sensualité de lanuit, elle a choisi deme voir enjournée.Elleespèresansdoutem’empêcherde« transformerl’essai».Maisa-t-ellebiencompriscequejevoulaisdireparlà?Jesuispeut-êtreunhomme,maisjenesuispasunanimal,n’endéplaiseàcertaines!

Menteur, lui souffla une petite voix. Il n’arrêtait pas de penser à Nadia, et en des termes quifaisaientdelui,sansl’ombred’undoute,unanimaldelapireespèce!

Quand je parle de transformer l’essai, je ne fais pas allusion à une quelconque avancéephysiquemaisémotionnelle.Transformerl’essai,çasignifiecapturerl’attentiondelabelle.Fairequ’elles’intéresseàvous,vraiment,aupointdenerienpouvoirvousrefuser.Leresteestentrevosmains…Comment,donc,vousrendreintéressantauxyeuxd’unejeunefemme?Onn’attrapepaslesmouchesavecduvinaigre,c’estbienconnu.Alorssoyeztoutmiel!Etsurtoutintriguez-la.Suggérezplutôtquederévéler.Conservezunepartdemystère,commediraitMissCynique.Pourunefois,c’estunbonconseil!Bref,jouezlesdifficiles,montrez-vousinaccessible.Çarendlesfemmescomplètementfolles.

Ethanavaitvu juste, songeaNadiaavecamertume.Ellen’arrivaitpasà trouver le sommeil.Ellen’arrêtaitpasdepenserà lui…etàcequ’elle souhaitait lui faire.Correction : à cequ’ellenedevaitsurtoutpasluifaire,siellevoulaitpréserversasantémentale.Maisledésirétaitbeletbienlà,logésoussapeaucommeuneécharde.Ilviraitpeuàpeuàl’obsessionàmesurequelesjourspassaient.

Nadiaconnaissaitsesfaiblesses.Elleavaittoujoursétéenclineàl’excès,elles’enflammaitpourunrien.Quanduneidéeluiplaisait,ellefonçait têtebaissée.MaisEthanRushn’étaitpasunebonneidée.C’étaitmêmelapirequ’elleaitjamaiseue!

Elle s’étira dans son fauteuil et relut les provocations qu’il venait de publier sur son site. Lesparolesdesonadversairejouaientdanssatêtecommeundisquerayé.Elledevait«suivresoninstinct»etnepas se«montrer lâche».Oh ! elle enmouraitd’envie.EthanRush l’ignorait,mais il avaitdéjà« transformél’essai»,pourutilisersaridiculemétaphoresportive.Touten lui fascinaitNadia,desoncharmeàsoncorpsderêve.Sansparlerdesonexpérienceaveclesfemmes,acquisegrâceàdelongues

annéesdepratique.Elleétaitégalementsensibleàsonintelligence,unequalitéqu’elleappréciaitchezunhomme. Alors s’il s’imaginait qu’elle allait lui tomber dans les bras juste parce qu’il jouait lesdifficiles…Nadiaéclataderire.Bonsang,quellearrogance!

Ilavaitraisonsurunpoint,concéda-t-elleensonforintérieur.Elleétaitlâche.Queredoutait-elle,aprèstout?Qu’illuibriselecœur?Ellesemitàriretantc’étaitcocasse.Non,soncœurn’avaitrienàcraindredelapartd’unhommetelqu’EthanRush.

Etsoudainlalumièresefitdanssonesprit.Maisbiensûr!Elleavaitabordétoutel’affairesouslemauvaisangle.Elles’étaitlaisséguiderparlapeur—cellededevenirsonjouetcommeelleavaitétéceluideRafeBuxton.Plusquetout,elleredoutaitdedevenirlavictimeimpuissanted’unautreprédateur.

Maisquiavaitditqu’elleétait impuissante?Rienne l’empêchaitdeprendre leschosesenmain,aprèstout.Ellepouvaitfairecequ’ellevoulait,contrôlerlasituationetsespropresréactions.Suivresoninstinct,pourquoipas?Elleenétaitcapable,toutenrestantmaîtressedesondestin.

EthanRushaimaittailleruneencochesursatêtedelitàchaquenouvelleconquête?Trèsbien.Aulieudelecritiquer,aulieudegémiretdesetordrelesmains,elleallaitfairedemêmeetluirendrelamonnaie de sa pièce.Elle avait droit elle aussi à unpeude plaisir sans lendemain.Cette prérogativen’étaitpasréservéequ’auxhommes.

Elleétaitune femmedechair etde sang, avecdesbesoinsdontellen’avaitpasà rougir.Et elleplaisaitàEthan,ellelesavait—mêmesic’étaitparcequ’ilavaitunelibidodesatyreetqu’ilétaitsansdouteattiréparn’importequellefemmepastroplaide.Peuimportait,ellenerecherchaitpasl’amourouunequelconquecommunionprofondeaveclui.

Ellecomprenait,aveclerecul,àquelpointelles’étaitmontréenaïveavecRafeBuxton.Sesbellesparoles luiavaient fait espérerdavantagede leur relationqu’iln’étaitprêtàoffrir.AvecEthan,aucunrisque.Elle n’attendait riende lui.Nada.Dumoins, riend’autre que son corps et son expertise en lamatière.Elleaimaitcequ’elleressentaitensaprésence.C’étaitunsentimentqu’ellevoulaitexplorer.

Elleleméritait,non?Elleaussiavaitdroitàcettepassionbrûlantedontparlaientlesromans.Et,puisqu’unhommes’étaitservid’elleautrefois,àsontourdeseservird’unhomme!Cen’étaitpascommesiellerisquaitdefairesouffrirEthanRush.Tantqu’ellenesemettaitpasàfantasmersurundénouementdecontedefées,tantqu’ellesecontentaitdevivredansleprésent,toutiraitbien.

Elle éclata de rire, amusée par les acrobaties intellectuelles qu’elle devait faire pour justifierquelquechosesimplementparcequ’elleenavaitenvie.Oui,elleméritaitdes’amuserunpeu.Aprèsça,c’enseraitfinidesonobsessionpourEthan.

Maisquiddesonbutoriginel,danstoutça?Pouvait-elleencoredonneruneleçonàcegoujat?Lescénario selon lequel il tombait éperdument amoureux d’elle et où elle l’envoyait paître, évidemment,devenaitdumêmecoupirréaliste.Pourtant,ildevaitbienyavoirmoyendedégonflersonego…Tantpis.Elleyréfléchiraitplustard.

Sonproblèmeleplusimmédiat,c’étaitqu’Ethans’obstinaitàluirésister.Ils’étaitlaisséemporter,quelques jours plus tôt, mais il s’était arrêté à temps. Il y avait fort à parier, désormais, qu’il semontrerait méfiant. Elle allait devoir jouer sur du velours pour parvenir à le dévoyer. Qu’à cela netienne!Ellesaboteraitsonplan—passerpourleparfaitgentleman—enforçantsalibidoàprendreledessus.

Elleallaitleprovoquer,etleforceràagir.

***

Ethan filtrait en général ses appels.Mais, lorsqu’il vit le nom qui s’affichait sur l’écran de sontéléphonelesamedimatin,ildécrochaaussitôt.

—Prêtepourdemain,princesse?—Pasencore.Maisjeleserai.J’aihâtedevousrevoir.Ilsourit,séduitparletimbrerauquedesavoix.Acroirequ’elleronronnait.Ilnes’étaitpasattendu

àçaaprèslafaçondontilss’étaientquittés.Ils’étiradanssonlitavecunsoupirdeplaisir—celuidufélinquis’apprêtaitàsemettreenchasse.

— J’ai regardé la météo, reprit Nadia. Il devrait faire beau. Nous pourrions nous retrouverdirectementsurplace.

—Oùça?—HydePark.AcôtédelaSerpentineGallery.—Enpublic?—Etenpleinjour.Asavoix,ilcompritqu’ellesouriait.Ilsemitàrire.—Trouillarde.—Pasdutout.Habillez-vouspourfairedel’exercice.Lecorpsd’Ethanavaitréagiauquartdetour.Lesous-entendu,ilenauraitjuré,étaitintentionnel.—Quelgenred’exercice?—Vousverrezbien.Assurez-vousjusted’êtrelibredevosmouvements.En cet instant précis, il était tout sauf libre de ses mouvements. L’impatience lui raidissait les

musclesetl’empêchaitderespirer.Bonsang,ilallaitdevoirfairedusportdèsaujourd’huis’ilvoulaitdépenserl’énergiequibouillonnaitenlui.Parcequ’apparemmentNadiaavaitdécidédel’emmenerfaireunepromenadedansleparc,programmed’unennuisouverain.

Maispeut-êtreétait-ceexactementsonintention.

***

Ethanparvintàgrand-peineàcontenirsonimpatiencejusqu’aulendemain,etdutfaireungroseffortpourmarcherplutôtquedecourirpourserendreàleurpointderendez-vous.Lesoleilluicuisaitledoset leshabitantsdeLondresétaient sortis ennombre,attiréspar lebeau temps.Lesvendeursdeglacesdevaientfairedesaffairesenor.

Ethanauraitbienvoululeschasser,tousautantqu’ilsétaient.IlauraitpréféréêtreseulavecNadia,avoirHydeParkjustepoureux.

Ilarrivaavecquelquesminutesd’avance.PasdeNadiaenvue.Ildéambulasurlarivedulac.Ellen’allaittoutdemêmepasluiposerunlapin?Ledoutelepritsoudain.Sielleosait,illeluiferaitpayer.Etcher.

Unchuintementsefittoutàcoupentendrederrièrelui,deplusenplusfort.Ileutàpeineletempsdeseretournerquequelqu’unluirentradedans.Uncorpssoupleetfin.Unepeaubrûlante.Ils’agrippaparréflexepournepasperdrel’équilibre.

—Oups!s’exclamaNadiaavecunsourireradieux.Désoléepourleretard.Ethanlaissasesmainss’attardersurlatailledelajeunefemme.—Pasdeproblème.Etrange.Ellesemblaitplusgrandequedanssonsouvenir.Lorsqu’ilbaissalesyeux,ilencompritla

raison:Nadiaétaitmontéesurdesroller-blades.Malheureusement,elleneportaitpaslegenredeshort

ultracourtouledébardeurmoulantqu’ilassociaitdanssesfantasmesauxpratiquantesdecesport.Elleavaitopté,àlaplace,pouruncaleçondeLycranoiretunT-shirttoutsimple.

Comprenantsoudainlegenred’exerciceauquelelleavaitfaitallusion,ilserembrunit.—Vousvousêtesvraimentsurpassée,cecoup-là.C’estçaquevousaviezentête?Fairedupatin

dansHydePark?Sic’étaitlecas,ellepouvaittoujoursrêver!Nadialuiadressaunregardfaussementtimideavantdedemander:—Çanevoustentepas?—Dois-jevousrappelerque,selonvotrepropreblog,ilvautmieuxéviteruneactivités’ilyaune

différencedeniveautropimportanteentrelesdeuxpartenaires?Ohquenon,riennipersonneaumondeneluiferaitchaussercesengins.Iln’avaitpasenviedese

tuer.Nadiaécarquillalesyeuxdesonairleplusinnocent,uneexpressionqu’ilcommençaitàconnaître.—Maisc’estvousquim’avezditquejedevaiscesserdesuivremespropresrègles.Jen’aifaitque

vousécouter.—Nevouspayezpasmatête.LesouriredeNadias’élargit,mélangedesatisfactionetd’ironie.—C’estvousletrouillard,ondirait.Touché.Avecunhochementde tête, il la relâcha enfinpour sedirigerd’unpas furibondversun

standdelocationdepatins.Nadia,évidemment,possédaitsaproprepaire—unmodèlederniercriquineressemblaitenrienàceux,démodésetabîmés,proposésàlalocation.Mêmechaussée,elleavaitdespiedsminuscules.Lui,enrevanche,allaitressemblerauYéti.

Iléchangeaquelquesmotsavecl’hommeauguichet,puisrevintversNadialecœurplusléger.—Jesuisdésolédevousdécevoir,maisiln’apasmataille.Ellefronçalessourcils,ouvertementdubitative,etétudial’étalderrièrelui.—Çam’étonne,ilatouteslestaillesengénéral.—J’aidesgrandspieds.Nadiabaissalesyeuxpourvérifier,puisEthanlavitrosirtandisquesonregardremontait—très

lentement—verssonvisage.Ilsavaitqu’ellesedemandaitsid’autrespartiesdesonanatomieétaientàl’avenant.

Etlaréponseétaitoui.—Bon,euh,qu’est-cequevousvoulezfaire,alors?Elle paraissait déstabilisée, et une satisfaction presque sadique envahit Ethan. Ce qu’il voulait

faire?Oh!ilavaitsapetiteidée.Maisilluifaudraitfairepreuvedepatience.—Mon appartement n’est pas loin.Nous pourrions peut-être aller cherchermonvélo et revenir.

Vouspatinez,jepédale.Aprèsquoinouspourrionsnousacheteruneglaceetnousasseoirdansl’herbe.Çavoustente?

—D’accord,réponditNadiaavecunhaussementd’épaules.Allons-y.Ilsemitenmarche,précédéparlajeunefemme.Plusrapidesursespatins,ellefaisaitdemi-touret

revenaitrégulièrementàsahauteurquandelles’éloignaittrop.Satenued’exercicecommençaitàplaireàEthan,quiappréciaitlafaçondontsoncaleçonnoirsoulignaitsesfessesrondesetsesjambesfuselées.Elle étaitmincemais elle avait des formes exactement là où il fallait. Il aimait aussi lamanière dontl’effortluirosissaitlesjoues—lacouleurfaisaitressortirl’éclatdesesyeux.

—Vousfaitessouventdupatin?luidemanda-t-il.—Touslesjours.Pouralleretrevenirdutravail.

—Quoi?Ils’arrêtaaubeaumilieuduchemin,attendantqu’ellerevienneverslui.—VousallezchezHammond…enpatins?—Oui,répondit-ellecommesic’étaitlachoselaplusnaturelledumonde.Quaranteminutesaller,

lamêmechoseauretour,cen’estpasleboutdumonde.—Enpleindanslapollutionetlacirculationlondonienne?—JetraverseHydeParketj’enéviteunebonnepartie.—Aquelleheuretraversez-vousleparc?—Jenesaispas.Auxenvironsde7heures.Jemedoucheetjemechangeautravail,puisjeprends

monpetitdéjeuneràmonbureau.Çafonctionnebien.—Toutel’année?Mêmeenhiver?—Oui.Saufs’ilpleut,biensûr.—Mais il doit faire noir et vous devez être seule dans le parc, d’aussi bonne heure.Vous vous

faitesaccompagner,aumoins?Cettefois,Nadialedévisageacommes’ilétaitdevenufou.—Non!—Vousnedevriezpasvousbaladertouteseule,protestaEthan,animéd’uninstinctprotecteuraussi

farouchequ’inexplicable.C’estdangereux.—Pasdutout.—Jevousdisquesi.N’importequeltarépourraitvoussauterdessus,vousattirerdanslesbuissons

ets’amuseravecvous.—Vousoubliezunechose,Ethan:surmesroues,jesuisrapidecommel’éclair.Elles’étaitarrêtéetoutcontrelui,siprochequesapoitrinetouchaitpresquelasienne.Ilcrispales

poings,déterminéànepasselaisserdistraireparsesprovocations.—Oh!vraiment?—Vraiment.Voussavez,d’aprèsmonexpérience…—Votreimmenseexpérience,coupa-t-il,narquois.Nadialefusilladuregardavantdepoursuivre:— D’après mon expérience, donc, il y a deux catégories d’hommes : les prédateurs et les

protecteurs.Jen’auraisjamaiscruquevousapparteniezàladernière.Puiselleposaunemainsursontorseetajoutad’unevoixrauque:—Jen’aipasbesoinqu’onmeprotège,Ethan.Ilinspiraprofondément,sentantsonsang-froidluiéchapperpeuàpeu.—Vouspréférezêtrevictimed’unprédateur?Vousêtessûre?—Non,maisjeneveuxpasêtreconsidéréecommeunepetitechosefragilequinepeutpassortir

sansgardeducorps.—Oh.Parcequevousêtescapabledevousdéfendretouteseule,c’estça?Ilcroisalesbrassursapoitrinepourcacherlatensionquiluiraidissaittoutlecorps,etdontelle

était entièrement responsable.Puis il la regardadehaut—au sens littéraldu terme—,chosequ’elledétestait.

—Exactement.La voix deNadia était doucemais ses yeux brillaient d’une lueur belliqueuse. Elle était prête à

sortirsesgriffes.Ilsourit,excitéparlecombatquis’annonçait.Elleméritaitquequelqu’unluidonneunebonneleçon.Lui,depréférence.

—Vouscroyezvraimentquevouspourriezéchapperàuntypetelquemoi,enimaginantquejevousveuilledumal?

—Sansl’ombred’undoute.—Prouvez-le,alors.Vousmelaissezprendrevingtpasd’avance,puisvousmedépassezenpatins.

Voyonssivousêtesaussirapidequevousledites.Un éclat jubilatoire illumina les yeux de Nadia, accentuant leur extraordinaire couleur vert

émeraude.—Trèsbien.Allez-y.Ethanobéit, s’éloignant enmarche arrièrepournepas rompre le contact visuel avec elle.Nadia

attendit,mainssurleshanches,affrontantsonregardsansciller.Lapauvren’avaitpaslamoindreidéedecequiallaitluitomberdessus,songeaEthan.Ilavaitjouéauposted’ailierdansl’équipederugbydesonécole,puisdesonuniversité.Ilsavaitcourir,etilsavaittacler.

Vingtpasplusloin,ilseretournaenfin.PasdeNadiaenvue.Sesautressensprirentlerelaiscommeilsemettaitàmarcher.L’oreilletendue,ilguettaitlechuintementreconnaissableentremilledepatinssurle goudron.Après quelques instants, il l’entendit.Amesure qu’elle approchait,Nadia accélérait. Il lepercevaitauxchocsdeplusenplusagressifsetdeplusenplusrapprochésdesrouessurlerevêtementduchemin.Ilpressal’allureàsontouretsemitàcourir.Lorsqu’elleledépassaenflèche,ilpuisaunsursautd’énergiedanssesmusclesetpiquaunsprint.

Iln’étaitpasstupide:lesentierétaitétroit,bordéd’herbe,etilavaitaussitôtperçusonavantage.Sielle quittait le goudron, Nadia ne pourrait pas conserver sa vitesse. Il lui donna donc un léger coupd’épaule quand elle passa à sa hauteur, la forçant àmordre sur le gazon. Freinée dans son élan, ellebascula.Illasaisitparlatailleetachevadelapoussersurlecôté,sibienqu’ilstombèrenttousdeuxsurlegazon.Ilsroulèrentl’uncontrel’autreetEthanenprofitapourl’attirercontrelui.Illabâillonnad’unemainquandilss’immobilisèrentenfinetluiagrippalesdeuxpoignetsdesamainlibre—ilsétaientassezfinspourluipermettredelefaireaisément.Sajambecouvritlessiennesetpesadetoutsonpoidsdessuspourl’empêcherdesedébattre.

Ellefrissonnaviolemmenttoutcontrelui.Unplaisirférocetétanisalesmusclesd’Ethan.—Vousavezperdu,murmura-t-il,lesdentsserrées.Personnen’estvenuvoussecourir.Etpersonne

nepeutnousvoirderrièrecesbuissons.Son instinct de chasse reprit soudain ledessus lorsqu’il constataqu’il disait vrai.Elle était à sa

merci.Ilfitdesonmieuxpournepasjubiler.Envain.L’adrénalineluicouraitdanslesveinescommeunedrogue.Ilsentait,soussonbiceps,lapoitrinedeNadiasesouleveretretomberrapidement.Ilsongeauninstantàôtersamaindesabouchemaisseravisa.

—C’estlemilieudelajournéeetjepeuxfairetoutcequejeveuxdevous.A7heuresdumatin,ilyaencoremoinsdemondedansleparc.Sionvousagressait,vousn’auriezpaslamoindrechance.

De nouveau, un frisson la parcourut. Le vert de ses yeux s’assombrit sous le coup d’une intenseémotion—maiscen’étaitpasdelapeur.

Oh-oh.Cetteémotion,illaressentait,luiaussi.Ellemontaitenlui,étouffaitsaraisonetluifaisaitoublier

toutessesbonnesintentions.Ilessayadeserappelercequ’ilfaisait,allongésurl’herbeavecelle.Ilavaitvoulu luiprouverquelquechose…Mais il avaitdéjàoubliéquoi. Il savait justequ’il avait trèsenviede…

Non,iln’enferaitrien.Ilôtatoutàcoupsamaindesaboucheetl’embrassa.

C’était justeunbaiser sansconséquence,unpetit rappelaprès l’autre soir.Mais iloubliaenunesecondelemondeextérieurpours’abandonneràladouceurdeseslèvres.Soncerveausemitenveille,puisseconsumadansunbrasiertorride.Aprèsuneminutequiparutdureruneseconde,ilredressaenfinla têtepourétudier la jeune femme.SonT-shirt,dans sachute, était remontéet révélaitunpeude sonabdomen.Duboutdudoigt,Ethansuivitl’élastiquedesoncaleçondeLycranoir,enivréparladouceursatinéedesapeau.

Il nota sa réaction avec un frisson de plaisir— l’accélération de son pouls, la liquidité de sonregard—ets’enhardit.Ilposalamainàplatsursonventreetexerçaunelégèrepression.Ellehoquetaetsemitàtrembler.Ohoui,elleaimaitça.

Oserait-il…?Samaindérivaetsesdoigtsglissèrentsousl’élastiquedesoncaleçon.LeslèvresdeNadias’arrondirentenun«oh»silencieux.Ellefermauninstantlesyeuxetilenprofitapourdescendreplusbasencore.

Nadiatressaillit,plusviolemmentencorequelesfoisprécédentes.Ils’immobilisa,lecœurbattant,tandisqu’elles’arc-boutaitpourseplaquerplusétroitementcontre

samain.Aenjugerparlamoiteurbrûlanteaucœurdesonêtre,elleavaitenviedelui.— Inutile de vous réjouir, lui dit-elle, haletante. J’ai toujours très chaud après avoir fait de

l’exercice.—Jevoisça,susurraEthan.Ellehaussalesépaulesmaissonregards’étaitfaitvague,pareilàceluid’unejunkie.Ilglissaplus

profondément en elle, explorant sa chair brûlante etmoite.De nouveau, elle bougea les hanches pouraccentuerlecontact.

—Çanemefaitriendutout,gémit-elletoutensemordantlalèvre.Ilfaillitéclaterderire,maisilétaitluiaussisérieusementperturbéparleplaisirqu’illuiprocurait.

Ilneserappelaitpasavoirdésiréunefemmeàcepointdepuissapremièreexpérience.—Çavient?demanda-t-il.—N…Non.Sa respiration était lourde, et Ethan exulta en sentant la passion quimontait en elle. Il augmenta

l’intensitédesescaresseset,àsasurprise,lafitbasculerinstantanémentdansl’abîme.Nadiarenversalatêteenarrièrepuis,lesyeuxclos,laissaéchapperunlonggémissement.

Illadévisageaavecincrédulité.Sonpropretroubleaugmentaitdesecondeensecondeetildutfaireuneffortdeconcentrationpournepasseridiculiser.

—Jerêveouc’étaitunorgasme?demanda-t-ilenfin.Jevousaiàpeinetouchée!Elleouvritlesyeux,pantelante.Ilsbrillaienttellementqu’Ethanétaitincapabled’ylirelamoindre

émotion.—Jevousaiditquel’exercicemedonnaitchaud.J’avais lesangenébullition,n’entirezpasde

conclusiontrophâtive.Luiaussiétaitenébullition!Maisilserappelaqu’ilssetrouvaientdansunendroitpublic,mêmesi

quelquesbuissonsplacésavecbonheurlesprotégeaientdesregardsindiscrets.Ilsavaitqu’ilnepouvaitpas céder aux forces primitives qui lui tordaient l’estomac. En tout cas pas dans les cinq prochainesminutes.Ilserraitlesdentssifortquesamâchoireluifaisaitmal.

Unechoseétaitsûre,NadiaKeenansepayaitsatête.Oualorselleétaitdevenuefolle.— Vous essayez de me faire croire que vous avez eu un orgasme parce que vous avez fait de

l’exercice?Ellehaussa lesépaulescommesic’était lachose laplusévidentedumonde.Ethan ladévisagea,

bouchebée,avantd’éclaterderire.Ilvoyaitclairdanssonjeu:elleessayaitdeminimiserleschosesen

s’inventantununiversalternatifoùiln’avaitpaslemoindreeffetsurelle,mêmes’il luifallaitpourçanierl’évidence.

—Si je comprends bien, cinqminutes de patin et vous avez un orgasme ? Jem’en souviendrai.C’estdoncçaquevousvouliezdireenaffirmantquesurdesrouesvousalliezvite?

LesyeuxdeNadiacherchèrentlessiens,deuxcerclesvertémeraudeauxprofondeursinsondables.Lesjouesencorerosesdeplaisir,elleréponditdansunsoupir:

—Oui.Oh! iln’encroyait rien. Ilseconcentrasurelle, remarqua lafaçonéloquentedontellevenaitde

s’humecter les lèvres du bout de la langue. Elle le provoquait sansmême s’en rendre compte.Nadiabaissalesyeuxenprenantconsciencedel’examenauquelillasoumettaitets’empourpradavantage.

Acontrecœur,ilretiralamaindesonnouvelendroitfavori,puisportasesdoigtsàsaboucheenunbaiser.Ils’allongeaensuitedetoutsoncorpssurNadiapourluifairesentirlaforcedesonpropredésir.Il se demandaun instant s’il l’écrasait avant dedécider qu’il s’enmoquait.L’important, c’était de luifairepasserlemessage.

Aenjugerparlafaçondontelleécarquillalesyeux,etparlerythmepresquehystériquequepritsarespiration,l’objectifétaitatteint.

—Vous pensiez pouvoirme donner une leçon, princesse ? susurra-t-il.On dirait que je vous aicoupé l’herbesous lepied.Et,aucasoùvousendouteriez,cen’étaitqu’unéchauffement.Lemeilleurresteàvenir…

Chapitre7

Nadia était bien en peine de dire ce qu’elle voulait — elle l’ignorait elle-même. Elle étaitincapable,encetinstant,deprendrelamoindredécisionoud’établirdespriorités.Ellen’avaitpasenviedebougermaisenmême tempsellebrûlaitde le faire.Elleadorait la sensationducorpsd’Ethan toutcontrelesienmaiselleavaithâtedetrouverunendroitoùcontinuercequ’ilsavaientcommencé.Ellelevoulaitsurelle,souselle,debout,àgenoux.Elleledésiraitavecuneviolencequiluicoupaitlesouffleetaltéraitsérieusementsesfacultésmentales.

Elleavaitgoûtéà lamagied’EthanRushetnepouvaitpas feindre l’indifférenceplus longtemps.Unepartiedecettemagierésidaitdanslephysiqued’Ethan,maisl’essentielvenaitdesaconfianceenlui.Ellecomprenaitmieux,àprésent,pourquoiilétaitaussiarrogant:ilenavaitledroit.Etpuisqu’est-cequiétaitleplusimportant?Dégonflersonegoous’éclaterentresesbras?

Solutionno2,sansl’ombred’unehésitation!Ildutpercevoirsaredditiondans lafaçondontellesedétendit,presqueimperceptiblement,entre

sesbras.Oualorsillalutdanssesyeux,mêléeàuneconvoitisequasidésespérée.Ilsourittoutàcoupet,seredressantd’unbondsouple,luitenditlamainpourl’aideràselever.

Nadiasedirigeaverslechemin,lesjambesflageolantes.Elletenaitàpeinedebout.Dieumerci,sesmusclesseraffermirentaprèsquelquespas.Unrestededignitél’aiguillonna—ellerefusaitdeluilaisservoiràquelpointcetépisodedansl’herbel’avaitébranlée.Retrouvantunsemblantdecoordination,elleseremitàpatiner.Ethanlarejoignitentrottinantetsemaintintàsahauteursanseffortapparent.

—Nousallonsnousenteniràmonplan,annonça-t-il.Prendremonvéloetrevenir.Ni savoixni sonvisagene trahissaient lamoindre émotion.C’était à croirequ’il ne s’était rien

passé.Nadiaseremitàdouter.S’était-elleimaginéledésirpurqu’elleavaitludanssonregardpendantqu’illacaressaitaussiintimement?

Elleseconcentrasurlerubandegoudronquidéfilaitsoussespieds.Ellenedevaitsurtoutpasluimontreràquelpointelleétaitdéçueparl’indifférencequ’ilaffichait.Peut-êtrequ’ilavaitretrouvésesespritsetqu’ilregrettaitdéjàcequis’étaitpassé.Ilsemblaitêtreredevenuunparfaitgentleman,àmillelieuesduvoyouqu’ellevenaitd’entr’apercevoir.Leproblème,c’étaitlafascinationqu’ellesedécouvraitpoursoncôtémauvaisgarçon.Pourl’hommequi,lorsqu’ilavaitenviedequelquechose,leprenaitsansdemanderlapermission.

Elledésirait,plusquetout,redevenirl’objetdesaconvoitise.Frustrée,ellepoussasursespatinsavecdeplusenplusd’énergie.Asongranddam,Ethanaccéléraenmêmetempsqu’elleetsemaintintàsahauteur.Ilneparaissaitmêmepasessoufflé,lemufle!Ilsfendaienttousdeuxlafouledespassantsà

viveallure,seséparant teluntorrentquandunobstacleseprésentaitpourseretrouverde l’autrecôté,commes’ilscommuniquaientparunlientélépathique.

Ethancouraitavecaisance,plusfélinencorequ’àl’accoutumée.Pourunhommedesataille,ilétaitétonnamment rapide et gracieux. Mais l’effort, finit-elle par comprendre, lui coûtait plus qu’il ne lelaissaitparaître.Sespoingsétaientserrés,sesphalanges,blanches,etsesbiceps,plusdéfinisquejamais.Uneboufféed’excitationenveloppalecorpsdeNadiatelleunelanguedefeu.

Sanscriergare,Ethanrefermaunemainsursonbras.Bienmalgréelle,Nadiaeffectuaunevolte-facebrutalepourvenirs’écrasercontresontorse,solidecommeunmur.Ilglissaaussitôtsonautremainautourdesataillepourl’immobilisercontrelui.

—Nousysommes,annonça-t-il.Sansluilaisserletempsderépondre,illasoulevaetmontad’unpasviftroismarchesquimenaient

àlaported’uneélégantemaisondeville.Ilgrimaçaquandleboutd’unpatinballantpercutasontibiaparaccident.Nadia était hors d’haleine, trop excitée et troublée pour songer à s’excuser. Il la déposa ausommetduperronmaisnelalâchapaspourautant.Unesériedebips,dansledosdeNadia,luilaissasupposerqu’ilvenaitdecomposeruncode.Une fractionde secondeplus tard,uncliquetisde serrureconfirmacetteintuition.

—C’estduparquet,lespatinsnedevraientpasvousposerdeproblème.Une nouvelle fois, il n’attendit pas sa réponse. Il la déposa après le seuil et, d’une poussée,

l’envoyaroulerdoucementenmarchearrière.Laported’entréeclaquaderrièrelui.D’uncoupdehanches,Nadiafitdemi-touretbifurquaverslaportelaplusproche.Elledonnaitsur

unimposantsalondécoréavecgoût.Ellen’eutguèreletempsdel’étudier.Ethanlarejoignitpresqueaussitôt,lasaisitparleshancheset

secollatoutcontresondos.Seslèvresplongèrentverssoncou,queNadiaexposaàsesbaisersavecunsoupirdeplaisir.

Elleenoubliapresquequ’elleavaitdesrouesauxpieds,etnes’ensouvintquelorsquesesjambessedérobèrentsoudain.Ethanlaserraplusétroitementcontrelui,puisglissaungenouentresescuisses.

—Vos jambes s’entrouvrent d’elles-mêmes,murmura-t-il. J’ai l’impressiondevivreun fantasmeadolescent.

Ellenepritpaslapeinedeprotester.Ilavaitraison:rouesoupasroues,elleavaitbienl’intentiondes’offriràlui.

Lesmainsd’Ethanexploraientàprésentsoncorpscommepourlecartographier.Desmainslarges,rassurantes.Ellesglissèrent sur ses seins,descendirent le longde sonventre.La respirationdeNadias’accéléraetelleselaissaallersansvergognecontrelui,confiantedanssaforce.Ellenetenaitdeboutqueparcequ’illaretenait.Leslèvresd’Ethandérivèrentsursanuque,moitesetbrûlantes.

—Jen’avaispasl’intentiondefaireça,confessa-t-ild’untonétrange,commes’ilétaitencolèrecontrelui-même.

—Vouspouveztoujoursvousarrêter,dit-elle,taquine,plaquantsesfessescontresonbassin.—Voussavezbienquec’estimpossible.Il exhala un long soupir et accentua encore l’intimité de leurs corps. Nadia se mordit la lèvre,

haletante,toussesmusclesinfusésd’unedélicieuselangueur.—Vousêtessûrequevousn’allezpasrepartirenlarmes?Jeneveuxpasvousbriserlecœur.—Pourquoirepartirais-jeenlarmes?demanda-t-elled’unevoixtraînante.—Cen’est pas le but.Mais à en croire votre site ça arrive souvent,même si ce n’est pasmon

intention.J’aidonc,commentdire?Ledevoirmoraldevousprévenir.

Amuséeparsesscrupules,Nadiadécidadeleprovoquerensefrottantlascivementcontrelui.—C’estpeut-êtrevousquiallezfinirenlarmes,luisusurra-t-elle.—Cen’estpasmoiquiaicrééunsitedédiéauxdéceptionssentimentales, luirappela-t-il.Alors

non,çanerisquepasdem’arriver.— J’apprécie votre honnêteté, Ethan. Mais laissez-moi vous rappeler que je suis une femme

avertie!Nevousinquiétezpaspourmoi.Commes’iln’avait attenduquecet instant, il glissa lesmains sous l’ourletde sonT-shirt.Nadia

levalesbraspourluipermettredeleretirer.Ill’avaitrelâchéeetsespatinsseremirentàroulerd’eux-mêmes.Ethanmarmonnaunjuronmais,au

lieudelaretenir,lapoussajusqu’àunimposantfauteuilChesterfieldquiarrêtasonélan.Enunefractionde seconde, il fut derrière elle. Nadia se courba sur le dossier pour mieux sentir sa présence, puisplongea deux doigts dans le bonnet de son soutien-gorge pour en sortir le préservatif qu’elle y avaitglissé.ElleletenditàEthanpar-dessussonépaule,sansseretourner.

— Je vois que vous savez ce que vous voulez, fit-il avec un rire rauque. Vous êtes une femmesurprenante.

Avecunepassionpresqueféroce,ildégrafasonsoutien-gorge.Mais,aulieudeluiôter,ilseservitdesbretellescommed’unebridepourcontrôlersesmouvements.IltiradessusetNadiagémitdeplaisiraucontactabrasifdutissucontresesseins,devenushypersensibles.Deshanches,Ethancontinuaitdelatourmenter,appuyantsonbassincontreellepourluifairesentirsonexcitation.Seslèvressepromenaientsursesépaules,s’arrêtantparfoisquelquessecondes,justeletempsdelamordilleravecsensualitéavantde reprendre leur course folle. Incrédule,Nadia sentitmonter en elle une lame de fond—un secondorgasme?Non,c’était impossible.Ellen’étaitmêmepasdéshabillée !EthanRushétaitbeletbienunmagicien.

Detoutessesforces,ellecontrôlaletourbillonquisedéchaînaitenelle.Ellerefusaitdeselaisserallerunenouvellefois.Dumoins,pastantqu’iln’étaitpasenelle.

Elle oscilla contre lui, plus vite, plus fort, tentant désespérément de lui faire perdre soninsupportablesang-froid.Pourquoineluiarrachait-ilpassesvêtements?Pourquoinesedéshabillait-ilpaspourlapossédericietmaintenant,contrecefauteuil?

Commesielleavaitformulécesquestionsàvoixhaute,Ethanlasoulevasoudaindanssesbras.Agrandesenjambées,ilretraversalesalonavecelleendirectiondel’entrée.Aprèsunmomentdestupeur,Nadiasedébattitet se tortilla si furieusementqu’ildut la relâcher.Sespatinspartirentchacunde leurcôtéquand ils touchèrent le solet elle s’effondraà sespiedsavec l’éléganced’un sacdepommesdeterre.

Ethans’agenouillaàcôtéd’elle,sourcilsfroncés.—Qu’est-cequivousprend?—Jen’aipasenviedevoirvotrechambre,serécria-t-elle,seremettanttantbienquemalàquatre

pattes.Jesuissûrequevousfaitesdesencochessurvotrelitchaquefoisquevousramenezunefille.—Jen’aipaslesmœursaussilégèresquevoussemblezlecroire,luirétorqua-t-il,furieux.D’ungestevif,ilcapturalepoignetdeNadiaetl’attirasansdouceur.—Detoutefaçon,qu’est-cequeçapeutbienvousfaire?C’estleprésentquicompte,paslepassé

oul’avenir.Et,encemomentprécis,jesuiscélibataire.Jenecoucheavecpersonned’autre.Jenevousferaispasunechosepareille.

—Çanechangerien.Jeneveuxpasvoirvotrechambre.Jeveuxjuste…juste…Nadianeterminapassaphrase.Elleavaittantdemalàrespirerqu’ellearrivaitàpeineàparler.—Vousenvoyerenl’air?suggéraEthan.

Ellenepritmêmepaslapeinedenier,oudejouerlesoffusquées.Aquoibon?—Oui.Maintenant.—Commevousvoulez.Maisvousdevriezpeut-êtrevousdébarrasserd’aborddevosroller-blades.—Trèsbien.Ilss’attaquèrentchacunàunpatin,puisEthan lesenvoyavolerdans lecouloirde l’entrée,où ils

atterrirent avec un choc sourd. D’une main ferme, il allongea Nadia et roula sur elle. Au lieu de lachoquer,sarudessed’hommedescaverneslarendaitfolled’excitation.

—C’estbiencequevousvoulez,pasvrai?demanda-t-ilavecunsourireentendu.Vousaimezêtredominée,princesse?

—Faitesattentionàvous,Ethan.Vousêtesplusvulnérablequevousnelepensez.—Vouscroyez?Duboutd’unongle,Nadialuicaressalamâchoire.Sonautremainglissaentreeuxetdescenditvers

son bassin pour envelopper son sexe. Lorsqu’elle exerça une légère pression, Ethan tressaillit et seredressa à quatre pattes au-dessus d’elle. Il souriait toujoursmais il était tiraillé entre la colère et ledésir.Ellelevoyaitdanssesyeux.

Cettefois,illadébarrassadesonsoutien-gorge.PuisilfitdescendresoncaleçonenLycrajusqu’àsesgenouxetétudiasaculottedecotonblanche.

—C’estcequ’ilyadepluspratiquepourfairedel’exercice,expliqua-t-elle,s’efforçantdenepasrougir.

Ethancrochetal’ourletàl’entrejambepourrévélersaféminité.Ilsepencha,l’effleuraduboutdelalangue,puislarecouvritetappuyaseslèvrescontrelecotonmoite.Lachaleurdesabouche,toutcontreelle,fitsuffoquerNadia.

—Bonsang,Ethan,vousmerendezfolle…—Follecomment?murmura-t-il.—Folledecolère…Etdedésir…—Pasétonnant,répondit-ilencontinuantsescaressesàtraversletissu.Vousmefaitesexactement

lemêmeeffet.Nadiarenversalatêteenarrière,lacognantsurleparquet,etbattitdesmainsenunevainetentative

pour repousserEthan.Trop tard.Lesdentsserrées,elle laissaéchapperun longgémissement, lecorpsagitédespasmesdeplaisir.

Lorsqu’elle ouvrit enfin les yeux, Ethan la dévisageait avec une satisfaction non dissimulée. Ilachevadeladénuderavantdesedéshabilleràsontour.Ilenfilaensuitelepréservatifqu’elleluiavaitdonné,redressalatêteetlevaunsourcilmoqueurensurprenantleregardavidedeNadia.

—Quevoulez-vousfairemaintenant?luidemanda-t-ild’unairinnocent.—J’aidéjàeudeuxorgasmes,répondit-elleavecunehonnêtetébrutale.J’aienviedevous.Il hésita. Une tension bien réelle émanait de lui tandis qu’il prenait appui sur ses coudes et se

présentait,imposantetrigide,auxportesdesonintimité.Toutdoucement,ils’immisçaenelle.—Çava?demanda-t-il,presqueinquiet.—Çan’ajamaisétéaussibien,murmuraNadia,étonnéedeconstaterqu’ellelepensait.Jenesuis

pasfaitedeporcelaine.Vouspouvezyaller.—D’accord.Maisiln’avançapas.Aulieudeseperdreenelle,ilsepenchasursesseinsetlesembrassaavec

uneferveurmêléedesensualité,touràtour,samains’occupantdel’unpendantqueseslèvrestaquinaientl’autre.

Ivredefrustration,Nadialuiagrippalatêtepourleforceràlaregarder.

—Allez-y.Maintenant!Jen’enpeuxplus!—Çafaitplaisiràentendre.Malgré son air bravache, Nadia sut qu’elle avait gagné. Elle le vit au frémissement des narines

d’Ethan,àlacrispationdesamâchoire.Ilplissalespaupièrespourconcentrersonregardsursonvisageet,enfin,plongeaenelled’unseulcoupdereins.

Ellegémit—unsonquiparutmonterduplusprofonddesonêtre—et ils’immobilisa.Lecœurd’Ethan battait à tout rompre contre le sien, boum, boum, boum, pareil à un tambour de guerre. Elleinspiraprofondément,laissantsoncorpss’adapteràEthan,puisrelâchal’airqu’elleretenaitetsourit.

—C’estbon.Encore.Plusfort.—Vousêtesexigeante,fit-ild’unevoixétranglée.Trèsexigeante.—Nemeditespasqueçavousdéplaît.—Non,cen’estpascequejedirai.—Pourquoivousarrêter,alors?—Parcequej’aimeça.Unpeutrop,sivousvoyezcequejeveuxdire…—Ethan…—Laissez-moirespirer,bonsang.Sijebouged’uncentimètre,jenevaispaspouvoirmeretenir.Et

jen’aipasenviequetoutfinissesivite.Asontour,ilavalaunelonguegouléed’airetfermalesyeuxpournepluslavoir.Uneexpression

torturéefroissaitsonbeauvisage,mélangedefrustrationetdedétermination.—Oh…,murmura-t-elleavecunpetitrire.Sesavoircapabled’unteleffet,sesentirdétentriced’untelpouvoir,faillitbienlafaireexploser

unetroisièmefois.Elleexultait.Mais,siellenevoulaitpasnonplusenfiniraussivite,elleavaitbienl’intentiondeluifairepartagercesentimentd’extasequiluidonnait l’impressiondeflottersurunpetitnuage.

—Cen’estpasdrôle,grommela-t-ilenseretirantavecprécaution.Nadianeputretenirungémissementdedépit.—Maisqu’est-cequevousfaites?Ethanlafoudroyaduregard,commesilaréponseétaitévidente.—Avoirunorgasmeenquelquessecondes,c’estparfaitpourvous.Paspourmoi.Jeneveuxpasme

précipiter,etquel’undenousdeuxfinissefrustré.Ilseredressa,serepositionnaentresesjambesetsepenchapourl’embrasserdenouveauauplus

intimede sonêtre.Lorsqu’elle semit à trembler, il replongeaenelle,plusdoucementcette fois. Il sefigeapresqueaussitôtetpassasesdeuxmainssursonvisage,inspirantprofondément.

Nadiaseredressasurlescoudes,méduséedelevoirsouffriràcepoint.—Vousavezpeurpourvotreréputation,Ethan?C’était ridicule !Si quelqu’unn’avait pasbesoinde s’inquiéter, c’était bien lui. Il lui avait déjà

offert lameilleure expérience sexuelle de sa vie entière. S’imaginait-il qu’elle avait un orgasme sitôtqu’unquasi-inconnuluiglissaitunemaindanslaculotteaubeaumilieud’unparcmunicipal?

—Non, répondit-il enfin. C’est juste que j’ai l’impression de perdre le contrôle de moi-mêmequandjesuisavecvous.

—Etjesupposequ’engénéralcen’estpaslecas?Ilgrognaenguisedeconfirmation.Nadiasourit,raviedelevoirtourmentéparuneimpatiencedont

elleétaitlacause.Voilàquiétaitflatteur!—Jememoquequevousvouscontrôliezoupas.Jememoquedecombiendetempsçadurera.Je

veuxvousavoirenmoi.Jeveuxvoussentirbougerenmoi.

Illadévisagead’unairincrédule,puisdéclarasansdesserrerlesdents:—Sivouscroyezm’aiderendisantça,c’estraté.Vousfaitesexactementlecontraire!—Vouspréférezquejemetaise,alors?Il ladévisageapendantun longmomentensilence.Toutàcoup,unsourire inattenduvintéclairer

sonvisage,pareilàun rayondesoleildissipantune tempête.Sa tensionparuts’émousserpour laisserplaceàuneexpressionespiègle.Avait-ilremportésoncombatintérieur?

—Vous taire ? Très bonne idée. Si vous preniez ce que vous voulez au lieu de me supplier ?Servez-vous.

Unedécharged’adrénalinetorditl’estomacdeNadia.Elleacquiesça,ivred’excitation,seremitàgenouxetpoussaEthansurledosavantdeprendreplaceàcalifourchonsurlui.

Illuisaisitleshanchesetplongealesyeuxdanslessiens.Danssespupilles,ledésirtourbillonnaitcommedumagma.Elle prit position juste au-dessusde lui et s’immobilisa, savourant l’instant.Mêmedans ses rêves les plus fous, elle ne s’était pas attendue à une expérience aussi intense, mélange desensualitépure,decolèreretenueetdecomplicité.

Elle étala sesmains sur ses épaules, les doigts écartés.Elles étaient trop larges pour queNadiapuisselesagripper.Peuimportait,ellesluifourniraientl’appuidontelleavaitbesoin.Puiselledescenditsurlui.

Un filet de sueur apparut sur le torse d’Ethan. Nadia remonta avant de redescendre lentement,conscientedeseffortsqu’ilfaisaitpourcontrôlersarespiration.Ellelevitquiregardaitsesseinsavecavidité,commes’ilhésitait.Puisilseredressasoudain,sansmêmeprendreappuisursesmains,pourlesembrasser tour à tour.Elle lâchaun rirede jubilationpure et glissa sesdoigts dans ses cheveuxpourattirerseslèvrescontrelessiennes.Leurslanguessemêlèrentenunbaisersauvage.

EllesemitàgémirquandEthancambrasonbassinpourveniràsarencontre.Unrugissementdistantsefitentendre,semblableausonduressac.Ledéferlementdesonsangdanssesveines?songea-t-elleconfusément.Elleavaitladistincteimpressiond’êtreballottéesurunocéanenfurie,vagueaprèsvague,chacune plus haute et plus puissante que la précédente. Sa raison céda telle une digue sous un flotd’extase.Ellecriaquandlesbrasd’Ethanserefermèrentsurelleaumomentoùleplaisirlafauchait.

Ilneluilaissapasletempsdeseremettre.D’unsimplecoupdereins,ilseretrouvadenouveauau-dessusd’elle. Il lapossédaavec l’énergiedudésespoir, seperdantenelle jusqu’à lagarde.Achaquenouvelassaut,Nadiaavaitl’impressiondeserapprocherdel’abîme.Ellehoqueta,incrédule.Encore?Larespirationd’Ethansifflaitàsesoreilles,mêléeauxsupplicationsrauquesqu’elle luiadressaitsanss’enrendrecompte.Iln’étaitplusquestiondepudeur,deséduction,dejeu.Justedesensationsà l’étatpur.

Desavie,ellen’avaitjamaisétéaussiexcitéequeparlespectacledecethommequilachevauchaittel un guerrier furieux, le front barré d’une ride de concentration, les muscles perlant de sueur. Ill’emplissait d’un bonheur dont elle n’avait pas soupçonné l’existence. C’était une expérience quasimystique.

Avecuncrid’agonie,illaplaquaunedernièrefoiscontreluietlaissaenfinlibrecoursàsonpropreplaisir.Stupéfaite,Nadiavituneintenselumièreblancheapparaîtredevantsesyeux.

Lalumièregrandit,grandit,etl’absorbatoutentière.

***

LorsqueNadia revint enfinà elle, ellegarda lespaupièrescloses,unbras jeté en traversde sonvisagecommepoursecacherquelquesinstantsdeplus.Ethanétaittoutproche,gisantàmoitiésurelle.

Maisilavaitglissésurlecôtéetnel’écrasaitplus.Ellepouvaitdoncrespirerlibrement.Du moins en théorie. Son cœur cognait dans sa poitrine et elle sentait celui d’Ethan tonner à

quelquescentimètresd’elle.Sontorsesesoulevaitetretombaitàtouteallure.Ilessayaitdereprendrelecontrôledelui-même,leplusvitepossible.Ellelesavait,parcequ’elles’efforçaitdefaireexactementlamêmechose.

Elle avait l’impression qu’elle n’y parviendrait jamais. Son corps tout entier vibrait, résonnaitcommeuninstrumentdemusique.Sapeauétaitluisantedesueuretelleavaitl’impressionqueseslèvresavaientdoublédevolume.

Untremblementincontrôlables’emparad’elle,commeaprèsuntraumatisme.Ethandutlesentircaril tressaillit, puis se figea. De longues secondes s’écoulèrent mais la tension, entre eux, continua demonter.

Enfin,ilpritappuisursesmainsetsemitàgenoux.—Excuse-moiuninstant,maugréa-t-il.Elleneréponditpas,etnebougeapasdavantagelorsquesespass’éloignèrent.Quandellefutsûre

qu’elleétaitseule,ellerisquauncoupd’œilpar-dessussonbras.Personne.Elleserassitetd’ungestefébrileellesaisitsonT-shirt,qu’elleenfilaleplusvitepossible.Uneétrangesensationdefroidlaglaçaitjusqu’àl’âme,commesiunemachineinvisibleavaitaspirétoutelachaleurdelapièce.

Quel idiot avait prétendu que faire l’amour avait des vertus apaisantes ? C’était exactement lecontraire.Ellesesentaitplustendueencorequequandelleétaitarrivée.Tendue,etterrifiée.Maisquellemouchel’avaitpiquée?Commentavait-ellepusecomporterainsi?Sonpouls,quiavaitunpeuralenti,repartitdeplusbelle.Elleétaitàdeuxdoigtsdecéderàlapanique.

Elleseredressaentitubant,fourrasaculottedansl’undesespatinsetfitdesonmieuxpourremettresoncaleçonà l’endroitet l’enfiler leplusvitepossible.Bonsang,elledevaitabsolumentpartird’ici.Ellenesupportaitpas laperspectived’affronterEthan,pasaprèscequis’étaitpassé.Ellecomprenaitmieux,àprésent,pourquoitoutescesfemmesl’avaientmiseengarde.Ilétaitextraordinaire,irrésistible.C’étaitunsorcier.Etleseulmoyendeluiéchapper…

—Tuasdéjàdesregrets?Elle sursauta. Ethan la dévisageait depuis le seuil, apparemment intrigué par ses mouvements

erratiques.Uneservietteautourdesreins,ilavaitl’airdesortirdeladouche.Ilfronçaitlessourcils.—Dois-jeterappelerquec’esttoiquit’esfrottéecontremamaindansunparcmunicipal?Nadialedévisagea,bouchebée.Sabrutalitéluicoupaitlaparole.Elleavaitdumalàleregarder

danslesyeux—ouailleurs.Elleseconcentradoncsurunpointentresespiedstoutenessayantdeserhabilleravecleplusdedignitépossible.

—C’esttoiquiasmislamaindansmoncaleçonenpremierlieu,luirappela-t-elle.—Tuenmouraisd’envie.—Toiaussi.—Jen’aijamaisprétendulecontraire:c’estladifférenceentrenous.Nadiasautillasurunpiedpourpasserlasecondejambedanssoncaleçon—bonjour, ladignité.

Ellenesesentaitpaslaforcedeluitenirtête.Pascettefois-ci.—C’estbon,tum’asprouvéquetuétaisàlahauteurdetaréputation.Tuescontent,jesuppose?—Pasparticulièrement,non.Perplexe, elle se tut et lui décocha un regard méfiant. Son visage était sombre comme un ciel

d’orage.Al’évidence,ilétaittoutaussiébranléqu’elleparcequis’étaitpassé.—Net’avisepasdesuggérerquej’aiprofitédetoi,gronda-t-il.Parcequecen’estpaslecasettu

lesaispertinemment.

La seule façon de s’en sortir la tête haute, c’était de feindre l’indifférence. Elle devait paraîtresophistiquée,mêmesisoncœurcognaitcommeunmarteau-piqueur.

—Oh!maisjen’enavaispasl’intention,déclara-t-elle.J’avaistrèsenviedetoi.Etj’aiprismonpied,commetuasput’enrendrecompte.

Puisellesefenditd’unhaussementd’épaulesdétaché,commes’ils’agissaitd’unepeccadille.—Jedoisyaller,àprésent.—Parcequetuaseucequetuvoulais?demandaEthanavecuneamertumequilapritdecourt.Tu

ashâted’allertoutracontersurtonblog?Nadia,quicherchaitdésespérémentsonsoutien-gorge,sefigea.Bonsang,elleavaitpresqueoublié

leursblogsrespectifsetleurpetiteguéguerreenligne.S’ils’imaginaitquec’étaitcequ’elleavaiteuentêteens’offrantàlui,ilétaitàcôtédelaplaque.Elleavaitétécomplètementdépasséeparlatournuredesévénements.

Il dut prendre son silence pour une confirmation de ses soupçons, car une ride de colère barrasoudainsonfront.

—Jeneveuxpasquetuécrivesunelignesurcequis’estpassé.C’estpersonnel.Nadiasedétournapourrécupérerl’undesespatins.Sanss’enrendrecompte,ilvenaitdeluifournir

uneéchappatoire,unmoyend’enfinirunebonnefoispourtoutes.Elles’yraccrochadésespérément.—Maislapopularitédemonblogmonteenflèche.Jenepeuxpasdécevoirmonpublic.—Tonpublicestdoncsiimportantpourtoi?—Monblogl’est,oui.—Etcequis’estpasséentrenous?—Çan’apasd’importance.—Alorstuvastoutraconterendétail,c’estça?—Tuverrasbien.—Situcontinuesdepublier,alorsmoiaussi.Nadiadéglutitavecpeine,puisacquiesça.—Ceserasimplementmaperspectivesurlesévénements.Ethanfitunpasenavant,visiblementfurieux,unemaincrispéesurlenœuddesaserviette.—Tuvasdoncavouerquetum’asprovoqué?—Oh!parcequec’estlecas?—C’esttoiquiasfaitlepremierpas,princesse.Pasvraiment,maisellecomprenaitcequ’ilvoulaitdire.Elleavaittoutfaitpourlepousseràagir.—Tun’attendaisqueça,protesta-t-ellepourlaforme.—Jevoisque tu t’obstines à refuser toute responsabilité.Quandcomptes-tu être enfinhonnête ?

Reconnaître que je ne me sers pas des femmes ? Je prends juste du bon temps avec des adultesconsentantes.Desfemmescommetoi,martela-t-ilendétachantchaquemot.

Commeelle,oui.Malheureusement,ellefaisaitdorénavantpartiedelamultitude.— Je ne doute pas du fait que toutes tesmaîtresses soient consentantes, lui répliqua-t-elle avec

humeur.C’estjustequ’elless’imaginentquetuasdavantageàleuroffrirque«dubontemps»,commetudis.Sansquoimonforumneseraitpasaussiactif.

—Jenesuisniunmenteurniunprofiteur.Jen’aijamaisrienlaissémiroiteràcesfilles.—Ohsi.Maistulefaissansmêmet’enrendrecompte.Illeuroffraitlesoleil,lesétoiles,lalune,toutel’excitationdel’univers.Puisilpartait,nelaissant

derrièreluiqu’untrounoirbéant.Leregardd’Ethans’assombritbrusquement.

—Qu’est-cequetuveuxdire?Quejesuisunsalaudparnature?Cen’est toutdemêmepasmafautesiunefemmeentendlaMarchenuptialesousprétextequ’elleapassélanuitavecmoi!

En toutcas, c’étaituneerreurqu’ellenecommettraitpas.Et,pourça, elledevaitdéguerpir.ElleoublieraitEthan,ellenelereverraitplusjamais.Comments’était-elleimaginéuneseulesecondequ’ellepourraitcoucheravecluietensortirindemne?

—Lesfemmessontengénéralplusromantiquesqueleshommes.Est-cequetuleurdisdèsledépartquetunelesverraspasplusdetroisfois?

—Jetel’aiditàtoi,entoutcas!— Mais notre situation est différente. Complètement artificielle. C’est un défi que nous nous

sommeslancé.Entempsnormal,nousnenousserionsjamaisrencontrés.Avec un haussement d’épaules, il laissa tomber sa serviette. Nadia ferma aussitôt les yeux.

Lorsqu’elleosalesrouvrir,ilavaitenfilésoncaleçonetelleseremitàrespirer.—Jepariequetun’asjamaisditàunefemme«Eh,amusons-nousunpeujusqu’àcequejemelasse

detoi».—Jenesaispasàl’avancesijevaismelasser.—Etpourtant,c’estsystématiquementlecas.S’ilessayaitdeluifairecroirequ’ilétaitàlarecherched’unerelationdurable,ilpouvaitrepasser!

Ellen’étaitpasnéedeladernièrepluie.— Je suis honnête, répéta-t-il comme un mantra. Je n’ai jamais fait croire à quiconque que je

cherchaisquelquechosedesérieux.Toutenessayantde justifier l’injustifiable, ilenfilasachemiseet la reboutonna.Sesmouvements

saccadéstrahissaientsacolère.—Jen’aimepaslescomplications,c’esttout,renchérit-il.—Pourquoi?—Parce qu’elles conduisent à ce genre de discussion et çam’insupporte. Pourquoi les femmes

sont-ellessicompliquées?—Touslesêtreshumainssontcompliqués,Ethan.Toilepremier.—C’estfaux.J’aidesbesoinstrèssimples.—Parcequetuesimmature.Turefusesd’affronterleproblèmefondamental.—Quelproblème?—Celuiquiexpliquetapeurpaniquedel’engagement.Nadia tenta d’enfoncer son pied dans un patin mais se rendit compte que quelque chose l’en

empêchait.Elleplongealamainàl’intérieuretenretirasaculotte.Rougissantfurieusement,ellelafourrasousl’élastiquedesoncaleçonetchaussaleroller-blade.Ethanlaissaéchapperunjuronétouffé.

—Qu’est-cequetufais?—Çanesevoitpas?—Tunerentrespascheztoienpatins.C’esthorsdequestion.—Trèsbien.Nadiaseredressa,sedéchaussantd’unmouvementsec.—Jevaisprendreuntaxi,alors.—Non.Jeteraccompagne.Pieds nus, il récupéra des clés qui traînaient par terre et se dirigea vers la porte. Après une

hésitation,Nadialuiemboîtalepas.Sa voiture, constata-t-elle, était aussi impressionnante que sa maison. Comme il connaissait le

chemin,ilseffectuèrentletrajetenunriendetemps,sanséchangerunmot.

Ethannerompitlesilencequelorsqu’ilss’arrêtèrentdevantlepetitimmeubleoùhabitaitNadia.—Nousavonsencoreunrendez-vous,luirappela-t-ilsèchement.Vendredi,çateconvient?Etait-il devenu fou ? Elle ne sortirait pas avec lui même si sa vie en dépendait ! Cette affaire

ridiculeétaitterminée.—Vendredi,jenepeuxpas,luirépliqua-t-elledumêmeton.Jevoisquelqu’und’autre.—Oh,vraiment?—Jenesavaispasquenousavionsunerelationexclusive.Ouunerelationtoutcourt.Aquoibon

nousinfligerunnouveaurendez-vous?Nousn’avonspasassezsouffertcommeça?—Ah,parcequec’étaientdescrisdesouffrance?raillaEthan.Nadia ferma les yeux,mortifiée. Elle voulait en finir au plus vite avec cettemascarade. «Deux

rencardsetbye-bye»luisuffisaientlargement.Etsiellesouhaitaitsedébarrasserdeluiunebonnefoispourtoutes,c’étaitlemomentoujamais.Elledevaits’assurerqu’ilnereviendraitpasàlacharge.

Avecuneindifférenceétudiée,ellemitpiedàterreets’éloignasansunmot,serrantsespatinscontresoncœurcommepourl’empêcherdesefracasserenmillemorceaux.

—Alors,commeça,lançaEthandepuislafenêtredesavoiture,tuasobtenucequetuvoulais?Tuétaisseulementmotivéeparlacuriosité?

Malgrélesarcasme,malgrélemépris,ellecontinuad’avancer.Ellen’avaitrienàperdre.Ethanneladétesteraitjamaisautantqu’ellesedétestaitencetinstant.

Denouveau,savoixclaqua,pareilleàunfouet,dansledosdeNadia.—Dis-moiunechose,princesse:quis’estservidequi,aujuste?

Chapitre8

Ethanécrasal’accélérateur.Dansuncrissementdepneus,savoitures’écartadutrottoiretsefonditdanslacirculation.Luiquidétestaitlessituationscompliquées,ilétaitservi!Pourtant,entempsnormal,ilétaitravidevoirunerelationseterminerparunerupturenette.C’était justequ’ilyavaiteuquelquechosedevicieux,d’impitoyable,danslafaçondontNadial’avaitcongédié.Oui,c’étaitça.Elleauraitaumoinspuymettrelesformes.

C’est vrai, il aimait les femmes. Il en avait connu beaucoup, mais jamais comme ça. C’était lapremièrefoisqu’iléprouvaitàlafoisdelacolère,del’excitationetdelajubilationenfaisantl’amour.C’étaitlapremièrefoisqu’ildevaitsecontenirpournepasexplosersitôtqu’onletouchait.Ledésirqu’iléprouvaitpourNadiaétaitd’uneviolencetellequ’illuitordaitlestripes.Leplusinquiétant,c’étaitqu’aulieud’êtrerassasiéilavaitdeuxfoisplusenvied’ellemaintenantqu’ilavaitgoûtéaufruitdéfendu.

Sonplan,enarrivantàHydePark,avaitpourtantétéclair:illaséduirait,illaprovoquerait,maisilprendraitgardedenepasrépéterleserreursdeleurpremierrendez-vous.C’était,aprèstout,lebutdeceparistupide:luiprouverqu’iln’étaitpasunanimal.Oui,ilavaitenvied’elle.Maisilseretiendrait.Entoutcas,c’étaitl’idéeavantquelasituationn’échappeàsoncontrôle.

Deretourchezlui,ilsedirigeadroitverslasalledebains—ilavaitbienbesoind’unedouche.Ilfutaccueillipar le spectaclede sabaignoirequidébordait, répandantun flotd’eausavonneuse jusquedans le couloir. Il se rappela, mais un peu tard, qu’il avait fait couler un bain juste après avoir faitl’amouràNadia,dansl’espoirderenouvelerl’expériencedansunenvironnementplusconfortable—eauchaudeetbullesparfumées.Ilnes’étaitpasattenduàlatrouverfurieuseethostilequandilétaitrevenudanslesalon.Sacolèrel’avaitcomplètementprisdecourt.Qu’avait-ilfaitpourlamériter?Ill’ignoraittoujours.Enattendant,unechoseétaitsûre:ilavaitoubliédefermerlerobinetavantderaccompagnerNadia.

Réprimantunaccèsd’humeur, il s’employaà réparer lesdégâts,puis s’accordaunedouchequ’ilpassaà ressasser lesévénementsdesdernièresheures.Nadiaavaitatteint sonbut—coucheravec luipourprouveraumondeentierqu’ilnepensaitqu’àça.Ellen’avaitpaslamoindreenviederecommenceret ne voulait pas le revoir.L’affaire tout entière semblait avoir été un simple jeu à ses yeux.Le pire,c’étaitqu’ilnepouvaitpasluireprocherd’avoirmenti.Elleluiavaitclairementditcequ’elleattendaitdelui—unebonnepartiedejambesenl’airàmêmelesoldusalon.

Bref,conclutEthan,pasdequoisemettredanstoussesétats.C’étaitexactementcequ’ilrecherchaitquandilramenaitunefillechezlui.Pourquoialorssesentait-ilsiamer?Pourquoiavait-ill’impressiond’avoirététrahi?

Parce qu’il voulait davantage, voilà pourquoi. Il la désirait encore. Plus qu’avant, si c’étaitpossible. Et ce n’était pas tout. Il adorait leurs joutes verbales, il adorait le défi permanent qu’ellereprésentait.Ilaimaitsacompagniepresqueautantquesoncorps.Ilfrissonnaàcetteidée,malgrélejetd’eauchaudequiluibattaitlesépaules.

Secouantlatêteavecincrédulité,ilsortitdesadouche,seséchaetallaseprépareruncafémalgrélachaleurdecettefind’après-midi.Unvirus.C’étaitça,sonproblème.Ilcouvaitquelquechose,c’étaitsûr. Un genre de grippe estivale. C’était pour ça qu’il avait mal partout. Il ne voyait pas d’autreexplication.

***

Nadia se terraitdans samaison,volets ferméscommeunvampire fuyant la lumièredu jour.Elleguettaitetredoutaitlecompterenduqu’Ethannemanqueraitpasdepubliersursonblog.Querévélerait-il ? Et que révélerait-elle à son tour ? Elle ne regrettait rien de ce qui s’était passémais elle savaitqu’elle avait commis une erreur. Une erreur qu’elle comptait bien ne pas répéter, en dépit desfrémissementsd’excitationquiluicouraientsurlapeauquandellepensaitàlui.

Autantdireenpermanence.Pourlaquarantemillièmefois,ellecliquasurl’icône«rafraîchir»desonnavigateurpourmettreà

jourleblogd’Ethan.C’étaitdésormaisofficiel:ellesouffraitdetroublesobsessionnelscompulsifs!Lapagen’avaitpaschangé.C’étaitlesilenceradioabsolu.

Pours’occuper,NadiapritunedoucheetenfilaunT-shirtfrappédulogodesonsite.Elleenavaitfaitfabriquercinqcents—lacommandeminimum—,quiattendaientsagementdansdesboîtesencartonempiléesdansuncoindesachambre.Elleenavaitvenduquatre.Maisc’étaitundébut,non?

Tuparles. Elle leur tourna le dos et retourna dans le salon pour voir s’il y avait par hasard dunouveau sur le blog d’Ethan. Rien. Par ennui, elle regarda ses e-mails. La plupart étaient des alertesautomatiquesl’informantquedenouveauxmessagesavaientétépostéssur1FemmeAvertie.Ellelesliraitplustard,sepromit-elle.

Ilyavaitaussiune-maildeMegan.CettedernièreluienvoyaitunephotodesonpéripleenbateauautourdesîlesgrecquesencompagniedeSam.

Salut,machérie,Sam et moi— et le reste de la planète— suivons à distance ta guerre avec ce type, Ethan, via vos blogsrespectifs.Tropdrôle.Tul’assacrémentremisàsaplace.Ilal’airtrèssexy,celadit.Dommagequecesoituntelcrétin,sinontuauraispuprendreunpeudebontempsaveclui.

Euh,oui,c’étaitexactementcequ’elleavaitfait.Avecsuccès,si lesuccèssemesuraitaunombred’orgasmes.Maislesdoutesl’avaientassailliedèsquelesbrumesduplaisirs’étaientdissipées.Quantàle remettreà saplace…C’étaitbien l’intention initiale.Une intentionquiavaitdérailléquand ilavaitposéleslèvressurelle…

Nadia replia ses jambes dans sa chaise de cuir pivotante et étudia le blog d’Ethan avec plusd’attention.Lapolicedecaractère,lesgraphismesqu’ilavaitchoisispoursonsiteneluiapprenaientriensursapersonnalité.Après l’avoirvudeuxfois,après luiavoir faitpassionnément l’amour,quesavait-ellevraimentdelui?Qu’ilétaitvif,drôle,qu’ilavaitunrirecommunicatifetque,quandillaregardait,elleavaitl’impressiond’êtrelafemmelaplusimportanteaumonde.Maisàpartça?

Sourcilsfroncés,elleserapprochadesonclavier.Elleouvritsonblogetsemitàtaper.

EthanRushetmoiEpisode2D’accord, je le reconnais, j’ai de nouveau brisé certaines demes règles, comme lors denotre premier rendez-vous. La dernière fois, ça s’est retourné contre moi. Ce coup-ci,j’espéraisreprendrel’avantage.Làencore,fiascototal.Çam’apprendraàjoueraveclefeu.Queçavousservedeleçonàvousaussi,chèreslectrices.Cesrèglessontfaitespourêtrerespectées.Pourêtrehonnête—etjem’efforcedel’êtredanstoutecetteaffaire—,Ethanestunchictype.Ilfaitdesefforts,ilestgénéreuxet,oui,ilsaitparlerauxfemmes.Ilestpoli,galant,protecteur.Ah,j’oubliais:ildraguecommeilrespire.Maisilestdifficileàcerner.S’iln’apaslemoindreproblèmeavecl’intimitéphysique—aucasoùceseraitcequevousrecherchez—,émotionnellement,c’estautrechose…Là, vous entrez en territoire inconnu. Interdit,même. J’en sais toujours aussi peu sur luiqu’avantnotrepremierrendez-vous.Dansmonderniermessage,jem’interrogeaissurcequ’ilyavaitderrièrecetteséduisantefaçade.Aprésent,jemedemandeplutôtpourquoiilestàcepointdéterminéànouscacherl’enversdudécor.Est-cesafaçondeconserversapartdemystère?Sic’est lecas, je lui tiremonchapeau.Rien de tel pour enflammer la curiosité d’une femme. Oui, sa technique « j’appâte lepoisson,puisjeleferre»,détailléesursonblog,fonctionneàmerveille.Maisunefoissaproiecapturéeilrestemuetsursonpassé,safamille,sesgoûts.Or,pourlaplupartd’entrenous,l’amourphysiquenesuffitpas.Jeposedonc laquestion:qu’a-t-ilsipeurderévéler?Le faitqu’iln’yarienàrévéler,peut-être ? Et s’il était juste superficiel ? Ça aurait le mérite d’expliquer pourquoi sesrelationsaveclesfemmesnedépassentjamaistroisrencards.Ilconnaîtseslimites.Au-delà,onrisquedes’apercevoirdelasupercherie!

Ethanparcourutcesligneslespoingsserrés,tentantderéprimerleflotd’indignationquimontaitenlui. Une réaction, il en avait conscience, que ne justifiaient pas les propos de Nadia. Avait-elle étémauvaiselangue?S’était-ellemontréeindiscrète?

Non.Elleavait faitpreuved’honnêtetéetd’éléganceenmême temps.Ellesuggérait sans révéler.Ellen’essayaitpasdenierlesfaitsmaisn’éprouvaitpaspourautantlebesoindelaversonlingesaleenpublic.Ethansupposaitqu’àlaquestion«Tutel’esfait?»—questionquenemanqueraientpasdeluiposersesamies—ellerépondraitdefaçonévasive.Ilcomptaitfairedemêmequandonl’interrogerait.

Bref,iln’avaitpasderaisondeluienvouloir.Alorsd’oùvenaitsacolère?Ilfulminait.Ethanestunchic type?D’abord, qui disait encore« chic type»denos jours ?Et pourquoi cequalificatif luidéplaisait-ilàcepoint,luiquiavaitpassétoutesavieàessayerdepolirsonimage?C’étaitsansdouteque la remarque sonnait presque compatissante, comme siNadia lui avait désespérément cherché unequalité et qu’elle n’en avait pas trouvé. « Chic type », à qui savait lire entre les lignes, rimait avec«médiocre».C’étaituncomplimentpardéfaut. Iln’aimaitpaspasserpourun loser,mercibeaucoup.Elleallaitvoircequ’elleallaitvoir!

Ah,autrechose.Ellefaisaitmined’endosserunepartderesponsabilité—leminimumsyndical—pourmieux luien faireporter laplusgrandepartie.Qu’est-cequec’étaitquece tissud’âneriessur lethème«Jenesais riende lui»?Sic’était lecas,ellenepouvaitpas l’enblâmer.Quandau juste luiavait-elle posé lamoindre question personnelle ? Elle avait passé leur premier rendez-vous à parler

d’elle—mêmesi c’était luiqui l’avait encouragée,d’accord.Quant au second, ellen’avaitouvert labouchequepourgémir.Et,aumomentoùilsauraientpudiscuterunpeu,elleavaitprissescliquesetsesclaquesetelleétaitpartie.Ellenes’étaitpasattardéeunesecondedeplusquenécessairechezlui.Ilsavaientfaitl’amouretelleavaitprislapoudred’escampette.Alorsoùallait-ellechercherl’idéeque,sielle ne le connaissait pas, c’était qu’il avait quelque chose à cacher ? C’était de la mauvaise foicaractérisée.

D’abord,quevoulait-ellesavoirexactement?Sacouleurpréférée?Sessouvenirslespluschers?C’étaitcomplètementidiot.Sielleavaitenviedeleconnaître,ellen’avaitqu’àpasserdutempsaveclui.

Ilterminasoncaféd’unetraite—avalantaupassageledépôtdemarcaufonddelatasse.Avecunegrimace,ils’installadevantsonordinateuretsemitàtapercommes’ilvoulaitdéfoncerchaquetouche.

Essaitransformé?

Il s’arrêta aussitôt.C’était pitoyable. Il n’avaitmême pas envie de répondre à la question. Il nesavaitpascommentlefairesansavouercequis’étaitpassé,choseàlaquelleilrépugnait.Iln’étaitpasdugenre à tout déballer. Il regrettait désormais d’avoir créé ce blog et entamé les hostilités avecNadia.C’étaitune idée stupide. Il avait ladistincte impressiond’avoir creuséun troudont ilnepouvaitplussortir.Unesolutionauraitétédetouteffaceretdefermersonsitemaisils’yrefusait—iln’enavaitpasfiniavecelle.Leurcontratdedépart—sortirensembleàtroisreprises—étaitlemeilleurmoyendelaharponnerdenouveau.Ilnes’étaitpasencorelasséd’elleetilcomptaitbienleluifairesavoir.

Lepoissonamorduàl’hameçon!Missionaccomplie.Dans un étonnant accès d’honnêteté, MissCynique en personne l’avoue : ma techniquefonctionne.Maiscommeellelesoulignecettetechniqueaundéfautmajeur:sonefficacitéestlimitéedansletemps.C’estvrai,jesuislepremieràlereconnaître.Laquestionestdesavoircombiendetempsvous voulez garder votre proie. Pour beaucoup d’hommes, tout le plaisir réside dans laconquête—oudevrais-jedirelacapture?Et,disons-leclairement,unemajoritédefemmesadorent ce petit jeu et sont ravies de s’y livrer. Sitôt attrapé, sitôt relâché, notre petitpoissonestlibred’allermordreàunautrehameçon.C’estlàquerésidel’excitation.C’estunjeubieninnocenttantquesesparticipantsenconnaissentlesrègles.Et c’est là le problème. Pour nous, les hommes, ces règles sont claires. Mais de tropnombreuses femmesnousaccusent denous servir d’elles sousprétexte qu’elles n’ont pasvraimentréfléchiàcequ’ellesfaisaientquandellesontdécidédejoueraveclesallumettes.Sivousvousbrûlez,mesdemoiselles,cen’estpastoujoursnotrefaute.Pensez-y.JenotequeMissCyniques’interrogesurmonéventuellesuperficialité.Ilvafalloirqu’ellem’explique ce qu’elle attend de moi, au juste. Parce que je ne suis pas du genre àphilosophersurlapolitiqueoulareligionquandjesorsavecunefille.Désolé,maisjesuislàpourm’amuser.MissCynique et moi devons nous revoir une dernière fois, voyons ce que l’avenir nousréserve.Ilestévidentquejevaisdevoirluimontrermoncôtésensible.Maischut,jenepeuxrienrévélerdelasurprisequejeluiréserve.Toutcequejepeuxvousdire,c’estqu’ellenes’yattendrapas…

Ethan regardasoncurseur traverser l’écran, laissantderrière luiune traînée fantomatiquepour seposersurlebouton«publier».Iln’étaitpassatisfaitdecequ’ilvenaitd’écriremaisilnepouvaitpasfairemieux.Ilpestaittoujours,ensonforintérieur,contreletraitementqueluiavaitréservéNadia.Ellevoulaitleconnaître?Trèsbien,ilallaitluiouvrirengrandlesportesdesavieprivéeetlapousserdirectàl’intérieur.

Ilvenaitd’avoiruneidéesidiaboliquequ’ilfaillitéclaterderire.Pourleconnaître,elleallaitleconnaître !Elle l’avait bien cherché, après tout. Son seul regret, c’était qu’il lui faudrait attendre unesemaineentièreavantdemettresonplanenmarche.

Il cliqua enfin sur « publier » et, d’un coup de pied, fit rouler sa chaise loin du bureau. Laperspectivededevoirpatienterseptjoursravivasoudainsacolère.Maisilpourraitpeut-êtremettrecesquelquesjoursàprofitpourreprendrelecontrôledeseshormones.Tiens,ets’ilsortaitluiaussivendredisoir, puisque c’était ce que Nadia comptait faire ? Elle avait été claire : leur relation n’était pasexclusive. Il était libre de s’amuser avec une autre femme, une femme qui lui poserait sans nul doutebeaucoupmoinsdeproblèmes.Iln’avaitqu’àappelersesamisetleurproposeruneviréedansleurbarpréféré.Peut-êtrequelachanceluisourirait.

Son estomac se tordit denouveau, tandis qu’ungoût âcre de café lui brûlait le fondde la gorge.Cettefois,c’étaitsûr.Sil’idéedesortirluidonnaitdesnausées,c’étaitvraimentqu’ilétaitmalade.

***

Lundi,mardi,mercredis’écoulèrentavecunelenteurquiavaitunavant-goûtd’éternité.Nadiaétaitsurlesnerfs,tressaillantaumoindrebruit.Sonsommeils’enressentait,sansparlerdesonappétit.Ellen’avaitmêmepas souffert à ce point quand elle avait découvert, bien des années auparavant, que sonmerveilleuxpetitamidéfloraitlesétudiantesdepremièreannéeàtourdebras.Non,àcôtédecequeluiinfligeaitEthan,c’étaitdelarigolade.

Ellepassaitlamoitiédesesnuitsdebout,àlirelescommentairesquicontinuaientd’apparaîtreavecunerégularitéalarmantesurleursblogsrespectifs.C’étaitaffreux.Sursonsite,Ethanétaitsaluécommeunmessiedelagentmasculine.Lesspéculationsabondaientsurcequis’étaitpassélorsdeleursecondrendez-vous.Laplupartmettaientdans lemille, certainesde façonvulgaire.Curieusement, aucunedesfemmesquiavaient lancé le sujetdedépart sur1FemmeAvertien’était intervenuedepuis.Nadiaen futsurprise—elleauraitjuréqu’ellesseraientintéresséesetamuséesparleurdéfi.

L’affairetournaitàl’obsession—Nadias’enrenditcomptequandellesemitàsurfersurinternetdepuisletravail.Elledevaitvraimentprendresurellepournepasrafraîchirleblogd’Ethantouteslesdeuxminutes.Engénéral,elleyparvenait.Unefoissurdix,ellecédaitàsapulsion.Maisilnepostaplusdenouvelleinterventionetneréponditpasauxmessagesquis’ajoutaientquotidiennement.Ellel’imita—c’étaitlapolitiquelaplussage.Ellen’avaitd’autrechoixqued’attendre.

Lapatiencen’étaitmalheureusementpassonfort.LesjourspassaientetEthannel’avaittoujourspasrecontactée.Elleattendait,encoreetencore,sursautantchaquefoisqueletéléphonesonnaitouqu’une-mailarrivait,s’asseyantsursesmainspours’empêcherde l’appeler.Etdirequ’elles’était imaginénejamaislerevoir…Cetteperspectiveluiparaissaitàprésentinsupportable.Ellevoulaits’excuserdesoncomportement, ravaler les mots amers qu’elle avait prononcés cet après-midi-là, même si ellesoupçonnaitqu’ils’enmoquaitcommedel’anquarante.Toutcelan’étaitqu’unjeupourlui.Unjeuqu’ilferaittoutpourgagner.

Puis lemoment tantespéréarriva—son téléphonesonnaet lenomd’Ethans’affichasur l’écran.UnesueurfroidebaignalefrontdeNadiaetelles’arrêtauninstantderespirer.L’excitationlaparalysait.

Restaitàespérerqu’ellepourraitrépondred’unevoixnormale.—Allô?dit-elledansuncouinementsuraigu.Pasdechance.Elleattenditdésespérémentqu’Ethandisequelquechosemaisilsemblaitprendreun

malinplaisiràfairedurerlesuspense.Nadian’entendaitquelechuintementdelaligneetlesbattementsdesonproprecœur.Quelquessecondess’écoulèrentquiluiparurentdurerdesheures.

—J’appelleausujetdenotreprochainrendez-vous,annonça-t-ilenfin.—Lesdeuxpremièresfoisnet’ontpassuffi?Tuveuxrecommencer?Nadiasemorditlalèvreenprenantconsciencedudoublesensbieninvolontairedesaquestion.La

prochainefois,elletourneraitseptfoissalanguedanssaboucheavantdeparler,sepromit-elle.—Tucroisquejevaistelaissert’ensortircommeça?Uncontratestuncontrat.Tutedégonfles?—Pasdutout.Nouspouvonsnousvoirunedernièrefois,commeconvenu.—Jesaisquetusorsvendredisoir.Est-cequetueslibresamedi,danscecas?—Oui.Inutiledeluidirelavérité—ellen’avaitrienàfairevendredi.Maispasbesoinnonplusdetirer

davantageenlongueur.Cen’étaitplusunjeumaisunequestiondesurvie.Evidemment,poursurvivre,leplusprudentétaitdenejamaislerevoir…Malheureusement,elleen

était incapable.Ellenepouvaitpasluidirenon,quandbienmêmeellelevoudrait.Ellesavaitqueseslèvresrefuseraientdeformercemot.

—Jepasseraiteprendredansl’après-midi,annonça-t-il.—L’après-midi?s’étonna-t-elle.Elle rougit en songeant à ce qui s’était passé la dernière fois qu’ils s’étaient vus en journée.La

visionfutsibrutalequ’ellecrutsentirl’odeurdel’herbefraîche,lecoussinmoelleuxqu’elleformaitsoussondos.

—Oui.Maiscette foispasd’exerciceauprogramme.Ceseraunesortieunpeuplus…formelle.Metsquelquechosed’élégant.Tiens,commelarobequetuportaislesoirducinéma,parexemple.

—Net’enfaispaspourmoi.Jetrouverai.—Parfait.Jepasseraià1heure.Ilraccrochasansmêmedireaurevoir.Lerésultat,cefutqueNadiaeuttouteslespeinesdumondeà

seconcentrersur son travailpendant le restede la journée.Elleauraitpréféréêtrechezelle, librederuminersurleurconversationoudespéculersurcequeleweek-endluiréservait.

Elleprofitadesapause-déjeunerpourallermarcherunpeu.Elles’achetauneglace—elleavaitbesoindeserafraîchirdel’intérieur—etsedonnaunemigraineenlamangeanttropvite.Bonsang,elledevaitvraiment se ressaisir.Ellenevoulaitpas ruiner sa réputationchezHammondàcaused’un typequ’elle n’avait vu que deux fois dans sa vie, et qu’elle ne reverrait plus après ceweek-end. Elle sesermonnadoncintérieurementet,quelquepeurassérénée,regagnasonbureau.Elleseplongeadanssontravail, rattrapason retardet s’accorda la satisfactionmasochistede fairedesheures supplémentaires.Elleparvintmêmeànepasserendreuneseulefoissurinternet.

Sitôtrentréechezellecesoir-là,elleenvoyauntextoàMegan.Ethanavaitparléd’unévénementformel.Ausecours !Faireélégantmaispas trophabilléen journéen’étaitpaschosefacile.Elleallaitavoirbesoind’aide.Heureusement,sonamieréponditpresqueaussitôt.

Robeobligatoireetcheveuxattachés.Sers-toidansmesaffaires.

Lesamedivenu,Nadiasuivitlesconseilsdesonamie.Ellenouaunepartiedesescheveuxenunenattefinequ’elleattachaavecleresteàl’aided’unebarrette.Elleauraitbienvouluemprunterunepairedechaussuresdansl’extraordinairecollectiondeMeganmaiscettedernièrechaussaitdeuxtaillesdeplus

qu’elle. Elle se maquilla un peu plus que d’habitude, essentiellement pour cacher les cernes dus aumanquedesommeil.

A1heurepile,elleouvritlaporte.Engourdieparunmélangedepanique,d’excitationetdetimidité,elleéchangeaunlongregardavecEthan.Aucundesdeuxneparla.Lesilences’étiraetdevintsipesantqu’ellefutsurlepointdepaniquer.

—Est-ceque…quelquechosenevapas?bredouilla-t-elle.C’estmatenue?—Tatenueestparfaite,répondit-ild’unevoixrocailleuse.Ils’éclaircitlagorgeetajoutad’untonplusnormal:—Tuessplendide.Il étaitvêtudemanièredécontractéemaisélégante, etNadia fut soudain ravied’avoirchoisiune

robedesoiegriseetunepairedesandalesàtalons.Unebrumeopaqueengluaitsonesprit,unetorpeuràlaquelle ellen’arrivaitpas à s’arracher.Ellevoulait s’excuser, le supplierde luidonnerunenouvellechance.Elledésiraitaussideschosesbienplusinavouables.

Quelquesminutesplus tard, ils traversaientLondresendirectionde l’ouestdans leconfortde savoiture.Unedélicieuseodeurflottaitdansl’habitacle,mélangedecuiretd’après-rasage.

—Vouspouvezchangerlamusiquesiellenevousplaîtpas,dit-ilendésignantlaradio.Nadiasecoualatête.Elleaimaitlegroupequipassait—unrocknerveuxetangoisséquireflétait

sonétatd’esprit.—Oùallons-nous?—Oh!voussavezquej’aimegarderunepartdemystère,répondit-il.Ilavaitl’airréjouid’unchatquivenaitd’avalerunesouris.Nadialuijetaunregarddebiaismaisil

avaitlesyeuxrivéssurlarouteetnesemblaitpasdésireuxd’entamerlaconversation.Trèsbien,puisquec’étaitcommeça,ellenonplus!

Quaranteminutesplustard—quaranteminutesd’unsilenceoppressant—,ilsarrivèrentdansl’undecesvillagespittoresquesqu’affectionnait la jet-set anglaise.Ethan semblait savoir exactementoù ilallait et, quelquesminutes plus tard, se gara dans l’allée d’unmanoir majestueux. Des ballons rosesornaientleportailetdesvoituresdeluxeoccupaienttoutelarue.

LatensiondeNadiamontaenflècheàcespectacle.Cettefois,iln’étaitplusquestiondegarderlesilence.Quediable faisaient-ils là, dans ce carré idylliquede la campagne anglaise ?Lentement, ellesortit de la voiture et suivit Ethan jusqu’à la porte d’entrée. A travers les grandes fenêtres qui laflanquaient,elleapercevaitunefouled’invitésàl’intérieur,tousplusélégantslesunsquelesautres.

Alorsellecomprit.—C’estunesortederéuniondefamille,c’estça?Horrifiée,ellemontalesmarchesduperron.Unechoseétaitsûre,ellen’avaitpluslamoindreenvie

des’excuseroudesupplierEthan.Plutôtdeluiarracherlesyeux!—Lebaptêmedemonneveu,oui.Ils’amusaitcommeunfou,c’étaitévident.LacolèredeNadiaexplosa.—Ramène-moitoutdesuiteàLondres.Maplacen’estpasici.Jerefusedemelaissermanipuler.—Oh?Delapartd’uneexperteenmanipulationtellequetoi,c’estunpeul’hôpitalquisemoque

delacharité,tunetrouvespas?—Jen’aijamaismanipulépersonne!—D’uncôtétumetraitescommeunmoins-que-rien,del’autre,tum’allumesàm’enfaireperdrele

sommeil.Tuappellesçacomment?LecerveaudeNadia,quifonctionnaittoujoursauralenti,n’enregistraqu’unepartiedesaphrase.—Te…tefaireperdrelesommeil?Tuveuxdireque…tuastoujoursenviedemoi?

D’ungestebrusque,Ethanluienveloppalatailleetl’attiracontrelui.—Pourquoicettequestion?Tuasenviedemoi,toiaussi?Unemaindescenditsursesfessesetyexerçaunepressionsensuelle.Nadiaeutl’impressionqu’un

tisonlabrûlaitàtraversletissudesarobe.Unviolentfrissonlaparcourut.Sans crier gare, elle eut envie de pleurer. Elle était lasse. Elle en avait assez du désir presque

désespéréqu’elleéprouvaitpourlui.Assezdenejamaissavoirsurquelpieddanser.—Jen’aijamaisessayédetemanipuler,répondit-elleàmi-voix.Bonsang,elleavaitpresquel’airdes’excuser,maintenant.C’étaitpathétique.—Monœil,répliquaEthan.Ilsrestèrentunlongmomentimmobiles,lesyeuxdanslesyeux,s’affrontantenuncombatsilencieux.

Ethan tremblaitmaisellen’aurait sudire si c’étaitd’unecolère trop longtemps réprimée,dedésir,oud’unmélangedesdeux.Cesémotions,ellelesressentait,elleaussi.Ellelevalesyeuxsurlui,presquesuppliante. Elle se moquait bien, en cet instant, de révéler sa vulnérabilité. Elle avait besoin de luicommeelleavaitbesoind’oxygène,c’étaitaussisimplequeça.

Leregardd’Ethans’assombritbrusquement.Ilprituneinspirationsifflantepuis,commes’ilétaitlaproie d’une force qui le dépassait, pencha le visagevers elle.Nadia redressa la tête et entrouvrit leslèvres.Unsoupirtremblantluiéchappa.Jamaisellen’avaitattenduunbaiseravecunetelleimpatience.Lesmainsd’Ethansecrispèrentsursataille,puissantescommedesserres,accentuantencorel’excitationdeNadia.

Seslèvresn’étaientqu’àuncentimètredessienneslorsqu’ilsefigeabrusquement,puisredressalatête.Nadias’aperçutunpeutardquelaported’entréevenaitdes’ouvrir.

Sanslarelâcher,Ethanadressaunsourireéclatantàlafemmequivenaitd’apparaîtresurleseuil.—Oh.Bonjour,maman.

Chapitre9

—Ethan!C’esttoi.Toiet…Samères’interrompit,visiblementstupéfaite.Sonregardpassadel’unàl’autreetNadiaseraidit,

horrifiée.Elleprit soudainconsciencede lapositiondans laquelleelle se trouvait, accrochéeàEthancommeunesangsue.Ellepesaitdetoutsonpoidssurlui.

Elle essaya de reculer mais un vrai cerceau de métal autour de sa taille — le bras de soncompagnon—l’enempêcha.Désespérée,elles’humectaleslèvresetaffichasonplusbeausourire.Puisellesetournaverslafemmequ’ellenes’étaitjamais,augrandjamais,attendueàrencontrer.Elleouvritlabouchemaisfutinterrompueavantdepouvoirseprésenter.

—Ethan?Deuxfemmesplusjeunesapparurentàcôtédesamère.Laressemblancephysiqueentreellesétait

frappante.—Maman, je te présenteNadia.Nadia, voicimamère,Victoria, etmes deux sœurs, Jessica et

Polly.Lesvisagestournésverseuxexprimaientuneviveincrédulité.SoitEthannel’avaitpasremarqué,

soit ils’enmoquait—ilétait l’expressionmêmede ladécontraction.Nadia luttaitcontreunefurieuseenviedes’enfuirencourant—cequ’elleauraitsansdoutefaits’ilnel’avaitpasretenue.

Ellesecoualégèrementlatêtepourdissiperlesbrumesquitroublaientsavision.Mauvaiseidée:sonstressmontaencored’uncranquandellevitsafamilleplusclairement.Sessœurs—elleauraitdûs’y attendre— ressemblaient à deuxmannequins. Elles exsudaient lamême grâce éthérée et lemêmeraffinementqueleurmère.Nadia,encomparaison,sesentaitgodicheetprovinciale.

—Nous sommes ravies de vous rencontrer, fit Polly après avoir échangéun coupd’œil entenduavec sa sœur. Je comprendsmieuxpourquoi c’estmoi qui ai dûpasser cherchermaman, et pasEthancommec’étaitprévu.

—Evidemment,cen’estpastoiquirisquaisdeveniraccompagnée,fitvaloirl’intéressé,resserrantsonétreintesurNadia.

—Nousnepensionspasdavantagequetuleserais,luirétorquaPolly.Cinqsecondesinterminabless’écoulèrentavantqu’elleneprenneconsciencedesagaffe.Ellerougit

etadressaàNadiaunsourirepenaud.—Maisnoussommesenchantéesdefairevotreconnaissance,biensûr,ajouta-t-elleenhâte.Soyez

labienvenue.Nadia,pendantcetemps,continuaitdetirersurlachemised’Ethandansl’espoirdelerepousser.En

vain.Autantessayerdedéplacerunemontagne.Plaquéecontrelui,ellesentaitsontorsesesouleversous

sajoueetajouteràsontrouble.—Oh!euh,mercibeaucoup,bredouilla-t-elleavecunsouriredestinéàdissimulersonembarras.Je

suisvraimentdésoléed’arriveràl’improviste.J’espèrequeçanevousdérangepas.Sivousvoulez…—Entre,coupaEthan.Tunedérangespersonne.Illaforçaàavancer,toutenayantl’airdesimplementl’accompagner.Lestroisfemmess’écartèrent

etNadiapénétradansuneentréeauxdimensionsmajestueuses.—Jetepréviens,murmura-t-ellesansdesserrerlesdents,jenecomptepasrestericiuneseconde

deplusquenécessaire.—Oh!maistun’aspaslechoix.Il sourit avec la satisfaction d’un homme qui voyait ses plans se dérouler comme prévu, et

enchaîna:—Quelmeilleurendroitpourapprendreàmeconnaître?C’estbiencequetuvoulais,non?Tuvas

rencontrerma famille et découvrir une foule de détails surmoi, tous ces petits trucs dont les femmesraffolent.Messœursserontraviesdeterévélertousmessecrets.

Ainsi,c’étaitdoncsafaçonderépondreàsesdernièrescritiques?Nadiasecoualatête,éberluée.Ilétait incroyable. Mais, qu’elle le veuille ou non, elle était bel et bien coincée là, virtuellementprisonnièrejusqu’àcequ’ildécidedelarameneràLondres.

Alorspourquoinepasenprofiter?Iln’avaitpastort.Ellemouraitdecuriosité.Et,àenjugerparleregardamuséqu’ilposaitsurelle,Ethanlesavait.Laréactiondesamèreetdesessœursindiquaitdéjàquecen’étaitpastouslesjoursqu’illeurprésentaitsesmaîtresses.Nadian’étaitpasstupideaupointd’ylireunsenscaché—ellesavaitqu’ils’agissaitsimplementd’unemanœuvrestratégiquedanslaguerrequilesopposait.

Ellefittoutdemêmeunedernièretentativepours’échapper,justeaucasoù.—Cen’estpastrèspolidem’imposeràtafamillesansleuravoirdemandéleuravis.—Jen’aipasdeleçondepolitesseàrecevoirdetapart.Nadiadéglutitavecdifficulté,ébranléeparlavirulencedecettecontre-attaque,avantdefairevaloir

d’unevoixmoinsassurée:—C’esttoiquim’astenuecolléecontretoidevantlaported’entrée,jeterappelle.Lesourired’Ethanréapparut,malicieux.—Jepensequemamèreetmessœursauraientétébienpluschoquées,si je t’avais relâchée,de

découvrirl’effetquetuproduissurmoi…Nadiarougit,horrifiéeetexcitéeàlafois.—Tu…tucroisvraimentquemaprésencenechoquerapersonne?Elle leva vers lui un regard interrogateur. Malgré l’ironie affichée sur ses traits, des ombres

dansaientdanslesprofondeursdesesyeux.Iln’étaitpasaussiàl’aisequ’ilvoulaitbienlefairecroire.—Tant que tu ne te frottes pas contremoi en public, ça ne devrait pas poser de problème, lui

chuchota-t-il.UnbruitdepassurlesoldemarbreempêchaNadiaderépondre.Pollytraversaitl’entréedansleur

direction.— Le baptême sera célébré à l’église juste au bout de la rue, annonça-t-elle. Après quoi nous

reviendronsicipourunbuffetdanslesjardins.Nadiarositetsouritàlasœurd’Ethan.—Est-cequejepeuxfairequelquechose?Donneruncoupdemain?—JesuissûrqueJessetPollyonttoutplanifiéavecuneprécisionmilitaire,déclaraEthanenriant.

Tun’asqu’àservirdedécoration,commemoi.

Puisilsetournaverssasœur,soudainplusgrave,etenchaînadanslemêmesouffle:—Ilestlà?Pollyacquiesça,avecunhaussementd’épaulesfataliste.—Oui.Seul.Ilséchangèrentunregardlourddesensquin’échappapasàNadia.Dequiparlaient-ils?—Eh,jen’aipaseul’occasiondeteféliciterpourtesderniersrésultats!repritPollyd’untonplus

enjoué.J’aicrucomprendrequetuétaisdevenulapouleauxœufsd’ordetoncabinet?Bravo,c’est…— Ne te fatigue pas à essayer d’impressionner Nadia, coupa son frère. Elle connaît déjà ma

cyberréputation.Pollyrougit,puissecoualatête.—Cen’estpasellequejevoulaisimpressionner.C’estplutôtàluiquetudevraisvantertaréussite.Ethansecontentadegrogner.Avecunsoupir,PollysetournadenouveauversNadia.—Venez,nousferionsbiend’yallersinousnevoulonspasêtreenretard.L’église n’était qu’à quelques minutes de marche de la maison. Les invités entrèrent en une

processionjoyeuseetprirentplace.GuidéeparEthan,Nadian’eutd’autrechoixquedesedirigerversledevantdelanef.

Lamainqu’ilposaitdanssondosluidonnaitdesboufféesdechaleuretellefutsaisied’unsentimentd’irréalité.Quefaisait-ellelà,enpleinmilieudecemomentd’intimitéfamiliale?Oh!ils’étaitbeletbienjouéd’elle.Quelquepart,telleunevoixdistantedanslabrume,saraisoncriaitvengeance.Mais,deplusenplus,ellesedemandaitsielleétaitdetailleàaffronterunteladversaire.Elleavaitl’impressiondeneplusriencontrôler,d’avoirentaméunjeudontellenemaîtrisaitpaslessubtilités.

Dansl’espoird’arrêtersesruminations,elleseforçaàseconcentrersurunepetitefilleassisenonloin.Vêtued’uneroberose,ellegigotaitsursonsiège,incapabledetenirenplace.

—C’estIsabella,lafilleaînéedeJess,luiconfiaEthanàl’oreille.Ainsidonc,ill’observait,songeaNadia.Etlesautresinvités,àleurtour,semblaientlesobserver

touslesdeuxenuneétrangemiseenabyme.Son impression se confirma lorsqu’ils se réunirent autour des fonts baptismaux et qu’elle surprit

plusieursregardscurieuxbraquéssureux.Lesgenslesétudiaient,spéculantsansdoutesurlafaçondontEthan lui tenait lamain— pas par tendresse, elle le savait, mais pour l’empêcher de s’éloigner. Ungroupedefemmes,unpeuenretrait, lorgnaitEthanavecavidité.Mêmecellesquiétaientencoupleluiglissaient de temps à autre un regardbrillant !Nadia se sentit plus inexistante que jamais et se prit àredouterlebuffetquiallaitsuivre.Elleétaitsûrequ’elleyseraitmisesurlasellette,etpasforcémentdemanièresubtile.

***

Elleavaitvujuste.«JevousprésenteNadia.»Danslesheuresquisuivirent,elleentenditEthanrépétercettephrase,encoreetencore,devantun

nombreétourdissantd’inconnus.Jamaisiln’ajoutadequalificatifoudedescriptifàcesquelquesmots.Ni«uneamie»ou«macompagne»oumême«lareinedesgarces».Non,juste«Nadia».Malgrélacuriositégénérale,personnen’étaitassezimpolipourposerdequestion.

Oh oui, il était maître dans l’art d’entretenir le mystère. Elle rencontra une flopée d’oncles, detantes,decousins,d’amisdelafamille,unflotininterrompudegensquijouaientunrôleplusoumoins

importantdanslavied’Ethan.Maiselleétaitbientropperturbéeparsaprésence,toutcontreelle,poursongeràglanerlamoindreinformationsursoncompte.

—Jevaistechercherunautreverre,luisouffla-t-ilunpeuplustard,toutenladélestantdesacoupedechampagne.Jesuggèrequenouspassionsàlalimonade.Ilnefaudraitpasquel’alcoolnousmonteàlatête.

Nadia fit de sonmieux pour ignorer son regardmalicieux.Une fois seule, elle se tourna vers lejardinetempruntauncheminquiserpentaitentredesmassifsderosesdansl’espoird’éviter lesautresinvités. Les fleurs étaientmagnifiques, épaisses et odorantes. Admirative, elle ralentit le pas pour encaresserquelques-unes.

—Ellessontbelles,n’est-cepas?Nadiatressaillitetredressalatête.Unhommed’unesoixantained’annéessetenaitdel’autrecôté

du buisson chargé de roses écarlates devant lequel elle s’était arrêtée. Il lui tendait une coupe dechampagneàtraverslesbranches.Asasurprise,ellecrutreconnaîtresavoixalorsqu’elleétaitsûredenel’avoirjamaisvu.

Elleaccepta leverrequ’il luioffrait avecunsourirede remerciement.Puis ellehocha la tête enréponseàsaquestion.

—Trèsbelles,eneffet.—C’estmavariétépréférée,déclaral’hommeendésignantlesrosesrouges.GrussanTeplitz. Je

m’appelleMatthew,aufait.La lumière se fit dans son esprit. Bien sûr !MatthewRush, le journaliste politique. Elle l’avait

entendu à de nombreuses reprises à la radio pendant que ses parents se préparaient à aller travailler.Combiendefoisluiavait-onordonnédesetairequandMatthewRushétaitsurlesondes!Sacuriosités’éveilla.QuelétaitsonliendeparentéavecEthan?

—Enchantée.Jem’appelleNadia.Elleseforçaàavalerunegorgéedechampagne.Ethanavaitraison—elleavaitassezbu.Maiselle

nevoulaitpasparaîtreimpolie.—J’aimecelles-ci, ajouta-t-elleencaressantune fleurd’un rose sipâlequ’elleenétaitpresque

blanche.Matthewhochalatêted’unairappréciateur.—SouvenirdelaMalmaison.Excellentchoix.PollylesaplantéespourJessilyadeuxans.Ellea

faitdubeautravail.—Oui,c’estsplendide,réponditNadiaenreprenantsonexploration.Matthewfitdemême,del’autrecôtédel’allée,ets’arrêtapourdésignerunbosquet.—Sentez-moiça.MadameAlfredCarrière.—Nadia?Ellesetournaenentendantlavoixd’Ethanclaquerdanssondos.Ils’étaitarrêtéaudébutdusentier

herbeux,commes’ilrefusaitd’allerplusloin.Malgréladistance,ellepercevaitlesvaguesd’hostilitéquiémanaientdelui.Nadiajetauncoupd’œilrapideàMatthewRushpourvoirs’ilenétaitlacause,maiscedernierarboraitunemineparfaitementimpassible.

—Bonjour,Ethan,fit-ild’unevoixcalme.—Papa.Ethanavaitrépondud’untonglacial—MatthewRushétaitdoncsonpère?PuisilfitfaceàNadia.

Sonvisageexprimaitunetensionpresqueeffrayante.—Viens.Jevaistefairevisiterl’ancienhangaràbateau.Jessvientdelefaireredécorer.—Oh.D’accord.

D’un signe de tête, elle saluaMatthew et s’éloigna, complètementmédusée.Que s’était-il passéentrecesdeuxpourjustifierunetelleanimosité?

—JenesavaispasqueMatthewRushétaittonpère,dit-ellepourmeublerlesilence,quandilsseretrouvèrentseuls.

Il ne répondit pas, se contentant d’avancer à grands pas furieux. Il ne s’arrêta que lorsqu’ilsatteignirentunecharmanteconstructiondeboisprèsd’unerivière,unancienhangaràbateautransforméenhabitation.Alorsseulementilsetournaverselle.

Nadiafaillitfaireunpasenarrièrelorsqu’elleavisasonexpressioncireuse,laligneblêmedeseslèvres.Ilétaithorsdelui.Plusencore,sic’étaitpossible,quelejouroùilavaitdébouléchezHammondetmenacédeluifaireunprocès.Sespropresmusclessecrispèrent,commepourseprépareraucombat.Saufqu’elleignoraitpourquoiellesebattait.

—Qu’est-cequej’aidit?Toutlemondeleconnaît,ajouta-t-elle,désemparée.Jel’aientendudenombreusesfoisàlaradio.Etilaécritunlivre.

— Oui, j’aurais dû me douter que vous vous entendriez à merveille, tous les deux. Vous avezbeaucoupdechosesencommun.Lebesoindereconnaissance,parexemple.Oud’êtreadulé.

Ethanavaitpresquecrachécesmots.Bon,songeaNadia,illuimanquaitàcoupsûrunélémentdupuzzle.Maisellen’allaitpasselaissermarchersurlespiedsjusteparcequ’ilétaitdemauvaisehumeur.

— Il y a une petite faille dans ton analyse,Ethan.Tonpère est célèbre parce que tout lemondeconnaît son nom. Alors que mon site, comme tu l’as maintes fois souligné, est anonyme. Non, je necherchenilagloire,nilacélébrité.Justeàaiderlesautres.D’ailleurs,c’esttoiquiasrendunotredéfipublic.

Illafixa,silencieux.IlfulminaittellementqueNadias’étonnaitdenepasvoirdelafuméesortirdesesoreilles.

Ellecontre-attaqua:—C’estpeut-êtretoiquiressemblesàtonpère.C’esttoiquiveuxêtrepopulaire.Ethans’empourprainstantanément.—Luietmoin’avonsrienencommun.Rien,tum’entends?Intriguéeparsavéhémence,Nadialuidécochaunregardprovocateur.—Vraiment?Jeneleconnaispasassezpourenjuger.Commentest-il?—Jepensaisquec’étaitévident.Bonsang,tucroisqueçamefaitplaisirdelevoirdraguerlafille

quim’accompagne?Nadiaenrestauninstantbouchebée.—Quoi?articula-t-elleenfin,avantd’éclaterderire.Ethan,ilnemedraguaitpas.Nousparlions

desroses.Maisluinesemblaitpasamuséparcetteméprise.Ils’étaitmêmerembruniencoreplus—sic’était

possible.— Fais-moi confiance, je le connais depuis bien plus longtemps que toi. J’ai déjà vu cette

expressionsursonvisage.Nadiasecoualatêteaveceffarement.C’étaituneidéeridicule.—Tuasbutropdechampagneenpleinsoleil.Tuasdeshallucinations.Sonamusementdisparutquandellevitqu’ilnesedéridaittoujourspas.Ils’imaginaitvraimentque

sonpèreavaitessayédelaséduire?Sonproprepère?Et,pireencore,qu’elleseseraitprêtéeaujeu?—Tusais,jemesensunpeuinsultéequetupuissespenserunseulinstant…—Cen’estpasdetoiquejedoute.Jesaistrèsbienquetun’asrienfait.Leproblème,c’estlui.

Nadiaconsidéracettesituationpourlemoinsétrangeensilence.Maintenantqu’elleypensait,elleneserappelaitpasavoirvuMatthewaveclamèred’Ethanàl’église.Ellen’avaitpasnonplusvuEthanlui parler.Elle se remémora également les remarques sibyllines dePolly dans le hall d’entrée, sur laprésenced’unmystérieuxpersonnagevenu«seul».Iln’étaitpassorcierd’endéduirequeleursparentsétaient séparés— et que la rupture ne s’était pas faite à l’amiable. Il y avait sans doute une histoired’adultère là-dessous.Aprésentqu’elleypensait,Matthews’étaitmontrécharmeur,oui,eneffet.Ellen’avaitpassoupçonnéunseulinstant,danssanaïveté,qu’ilaitpuvouloirlaséduire.Etait-celecas?OuEthanfaisait-ilunecrisedeparanoïa?

Elle l’étudiaavecperplexité touten semordillant l’intérieurde la joue. Ilparaissait étrangementvulnérable,unadjectifqu’ellen’auraitjamaiscruluiaccolerunjour.Sentantsonregardpesersurelle,ilsedétourna.LacolèredeNadias’envolaalorspour laisserplaceàunefaroucheenviede le rassurer.Elleauraitvoulucomprendrequellevieilleblessurevenaitdeserouvrirenlui.

—Tonpèreétaittrèsaimable,c’esttout.Jet’assurequetun’aspasderaisondetemettredansuntelétat.

—Ohoui.Ilsaitserendreaimableauprèsdesfemmes.Nadianeputretenirunsourire.—Toiaussi,fit-ellevaloird’unevoixdouce.Ilpivotabrusquementmaisneréponditrien.Peuàpeu,lalueurrageusedanssonregards’éteignit

pourlaisserplaceàunepulsationsourde—deladouleur.Pendantunlongmoment,ilsecontentadefixerNadiasansriendire.Pluslessecondespassaient,pluslasouffrancedanssesyeuxsemblaitcroître.

Puisilouvritlaboucheetprituneinspirationsifflante.Lecœurbattant,elleattenditcequ’ilallaitdire.

Elle ne le sut jamais. Des cris perçants, au même instant, les firent bondir et s’écarter l’un del’autre.

—Ethan,tupeuxm’aider,s’ilteplaît?Jessicas’approchaitd’euxd’unpasvif,unnourrissonsurunbras,lapetiteIsabelladansl’autre.—Jedoisdonnersonbiberonaupetit.J’aibesoindequelqu’unpourgarderBella.Jesuisnavrée

de vous interrompremais je ne sais pas à qui d’autrem’adresser. Tom s’occupe des invités et Pollyveilleàcequemamanetpapanesecroisentpas.

—Biensûr.Jem’enoccupe.Avecuneapparentesérénité,EthanpritIsabelladesbrasdesasœur.—Jesuisvraimentdésolée,répétaJessavecunsourired’excusepourNadia.Qu’est-cequevous

devezpenserdenous?Nadiaseposaitjustementlamêmequestion…Ellecherchaittoujourslaréponse.—JecroisqueBellaestunpeudépasséeparlesévénements,soupiraJessquandsafillesemità

hurlerdenouveau.— Elle n’est pas la seule, marmonna Ethan lorsqu’ils furent hors de portée de voix, quelques

secondesplustard.Tusaisquoifaireavecuneenfantenlarmes?Parcequemoinon.—Moinonplus.Ilscontournèrentledaisoùlebuffetavaitétédressé,longèrentlafouledesinvitésetsedirigèrent

verslamaison.Lorsqu’ilsl’atteignirent,lescrisdelapetitefilles’étaientunpeucalmés.Elleécoutaitd’unairperplexecequesononcleluisoufflaitàl’oreille.

Nadiaouvrituneportequ’Ethanluidésignaetentraàsasuiteavantderefermerderrièreelle.Ilsétaientdansunsalondemusiquedominéparunmagnifiquepianoàqueue.

—Ilfautquetuarrêtesdepleurersituveuxm’aideràjouer,expliquaEthanàsanièce.Tusaisquejenepeuxpasappuyersurlestouchessanstoi.

Ils’installaaupiano,Bellasurlesgenoux.Ilplaçasesmainssurleclavieret lapetitefilleposaaussitôtsesmainssurlessiennes.C’étaitàl’évidenceunjeuqu’ilsavaientpratiquédenombreusesfois.

Unechoseétaitsûre:l’enfantsouriaitenfin.Ethanaussi.Ilsemitàjouer,arrachantàl’instrumentquatremesuresd’unemélodieunpeudiscordante,niveauétudiantdepremièreannée.Nadiasemorditlalèvrepournepas semettre à rire—c’était un spectacle attendrissant—et se rendit soudain comptequ’elleappréciaitdeplusenpluslacompagnied’Ethanetsesétonnantescontradictions.Requinoutontongâteau,lequelétait-ilvraiment?

Bienvite,Bellal’interrompit.—Non,non.Pascelle-là.L’autremusique.—L’autre?Tuessûre?Nadiareconnut,autondeleurvoix,unéchangemaintesfoisrépété,commeunritueldontilnefallait

pasdévier.Bellaacquiesçavigoureusement.Laminegrave,Ethansepenchadenouveausurlepiano.Cette fois, Nadia en resta pétrifiée de stupeur. Malgré les petites mains qui appuyaient sur les

siennes,iljouaitdemanièrespectaculaire.Lesnotesperlaientetexplosaientcommedesbullesdesavon,ses doigts couraient sur les touches à une vitesse hallucinante.Bella irradiait littéralement.C’était unmorceaudeRachmaninov,emportéetromantique.Oùavait-ilapprisàjouersibien?

—Encore!Encore!s’écrialapetitefillealorsmêmequeladernièrenoterésonnaitdanslapièce.Avecunsoupiràfendrel’âme,EthansetournaversNadia.—Vienst’asseoiravecnous.Nousnepouvonspasjouersanstoi.Nadiahésita.Unfrémissement,surlalèvredelapetitefille,eutraisondesesderniersdoutes.En

hâte,elleselevaetlesrejoignit.Ethansedécalaenriantpourluifairedelaplace.—Tusaisjouer?—Pasaussibienquetoi.J’aidûmelimiteràMozart.J’aidetroppetitesmainspouraffronterles

grandsromantiques.—C’estdéjàpasmald’être«limitée»àMozart.Puisilattiralapetitefillecontreluietajouta:—Vas-y,jouepournous.Sonhumeur s’était amélioréede façonplus spectaculaire encorequecellede l’enfant. Il étaitde

nouveaudrôle,pétillant—Nadiaétaitcomplètementsouslecharme.—J’insiste:jenesuispasaussidouéequetoi.Etjen’aipasjouédepuislongtemps.—Jerejettelapremièreobjectionetjeprendsbonnenotedeladernière.—Tuesobligédeparlercommeça?repartit-elle,unpeuirritéeparlesentimentqu’ilsemoquait

d’elle.—Déformationprofessionnelle.—Joue,joue,joue!luienjoignitBella,inconscientedelatensionquipulsaitentreeux.—Oui,Nadia.Joue.Elle soupira, puis plaça ses mains sur les touches. Vraiment, elle n’avait pas joué depuis une

éternité.Maisonn’oubliaitpasaussiaisémentdesannéesdepratique.Ellecommençaàs’amuseraprèsquelques mesures à peine, pouffant lorsqu’elle commettait une erreur, vite emportée par la musique.C’étaitsonmorceaupréféré,unesonateadagiodontl’humeurméditativeétaitàl’opposédudéferlementrageurd’Ethan.

—Continue,luisouffla-t-ilàl’oreille.

Nadiajetauncoupd’œildecôté.Belladormaitàpoingsfermésdanslesbrasdesononcle.C’étaitunspectaclemerveilleuxettouchant.Quen’aurait-ellepasdonnépourpouvoirs’endormirainsi,enunefractiondeseconde,aveclaconfianceabsoluedel’enfance!

Avecd’infiniesprécautions,Ethanseleva.Ellecontinuadejouer,conformémentàsesinstructions,toutenlesuivantduregard.Ildéposalapetitefillesuruncanapéprèsd’uneimposantecheminée,jetauncoupd’œilverselleetformadenouveaulemot«continue»duboutdeslèvres.

Elle acquiesça, plus émue qu’elle ne l’aurait cru possible par le spectacle qu’il offrait. Elle nel’aurait pas imaginé capable d’une telle tendresse. Elle recommença la sonate pour la troisième fois,pianissimo,ets’abandonnaàlamusiqueenattendantqu’illuidisequ’ellepouvaitarrêter.

Lesmots ne vinrent pas. Elle sentit, en revanche, de largesmains couvrir ses épaules avant deglisserlelongdesesbras.Nadiasemitàtrembleretcessadejouersuruncouac.

—Tuestrèsdouée,murmura-t-il,sonsouffledanssoncou.Ellen’avaitqu’àtournerlatêtepourl’embrasser.Mais,siellelefaisait,ellenerépondraitplusde

rien.Paruneffortdevolonté,elleparvintàseretenir.Unangepassa,puisEthansoupira.—Nous ferions bien d’aller retrouver les autres, déclara-t-il comme si c’était la dernière chose

qu’ilsouhaitait.Elle acquiesça, déçue et soulagée à la fois. Ils sortirent sur la pointe des pieds et refermèrent

doucement la porte. Nadia s’immobilisa sur le seuil, répugnant presque à regagner les jardins. Ethanpivotapourladévisager.

—Nadia…Ellevoyaitbienqu’ilavaitenviede l’embrasser.Pourêtrehonnête,elleenmouraitd’envie,elle

aussi.Cen’étaitplusunjeu,justel’attirancenormaleentreunhommeetunefemme.Leplaisir,s’ilssetouchaient,seraitexplosif.Maisquelquechoseleretenait—Nadiaignoraitquoi.

Lesentimentétranged’êtreobservéelafitseretourner.Jessvenaitd’apparaîtreauboutducouloir,lamineinquiète.

—Bella?s’enquit-elle.D’unsignedetête,Ethanindiqualesalondemusiqueàprésentsilencieux.Lesoulagementquise

peignitsurlevisagedesasœurrévélaparcontrastelatensionqu’elleavaitressentie.Ethanluidonnaunebourradefraternelleetl’attiradanssesbras.

—Calmerlesfillescolériques,c’estmaspécialité.Nadian’auraitsudires’ils’agissaitd’unmessagecodé.Luiétait-ildestiné?Sic’étaitlecas,elle

n’avaitpasbesoind’être«calmée».Aucontraire,ellevoulaitêtreaiguillonnée,émoustillée…Jess discuta quelques minutes avec son frère. Lorsqu’elle s’éloigna enfin, l’expression mutine

d’Ethandisparutpourlaisserplaceàuneintenselassitude.Pasétonnant.Nadiaavaitvuàquelpointils’efforçaitdecachersonproprestressàsafamille,projetantuneimagedecalmeentoutescirconstances.Ils’étaitoccupédeJessetdeBellasanshésiter,oubliantsespropresproblèmes.

Maisc’étaitlui,àprésent,quiavaitl’aird’avoirbesoind’aide.Pourquoineluiparlait-ilpas?sedemanda Nadia. Parce qu’il redoutait de se confier à son adversaire en plein milieu du champ debataille?Ellesavaitquesonproblèmeétait,d’unefaçonoud’uneautre,liéàsonpère.Elleauraittoutdonnépourenconnaîtrelanatureexacte.

— Je ne t’aurais jamais cru capable de jouer du piano comme ça, dit-elle pour détendrel’atmosphère.Jet’imaginaisplutôtjoueraurugbysurtontempslibre.

SonbadinagearrachaenfinunsourireàEthan.—Lesfillesontprisdescoursquandellesétaientpetites,j’aijustesuivi.Ellesontarrêtétrèsvite.

—Maispastoi?—J’aimaisça,répondit-ilavecunhaussementd’épaules.Allez,viens.Tuasassezsouffert.Les premiers invités prenaient congé quand ils regagnèrent les jardins. Nadia fut ravie de cette

occasiond’effectuerundépartdiscret.—Tut’essurpassée,commentaEthanenétreignantJessica.Mercidenousavoiraccueillis.Asontour,Nadiaremercialeurhôtesse.—C’étaitunecérémoniemerveilleuse.Etquelcadrepouruneréception!Elle était sincère. Le décor, le buffet, l’élégance du lieu, tout avait été parfait. Elle devait

reconnaîtrequ’elleavaitpasséunexcellentaprès-midi,choseàlaquelleellenes’étaitpasattendue.—Nousseronsraviesdevousrevoir!lançaPollylorsqueEthanetelles’éloignèrent.Nadia continua d’avancer vers la voiture, ignorant la tristesse inexpliquée qui lui alourdissait le

cœur,etfitminedenepasavoirentendu.Commeellenesesentaitpasdetailleàaffronterdenouveauquaranteminutesdesilenceabsolu,elledécidadefairelaconversation.

—Parle-moidetontravail.Pollyaditquetuétaislastardetoncabinet.Jesaisquetuesavocat,maisdansqueldomaine?

Ethanresserrasonétreintesurlevolant.C’estvrai,ilneluiavaitjamaisparlédesonboulot…Ilrechignaitàlefairemaintenant.Iln’étaitpaslegenred’avocatquidéfendaitlaveuveetl’orphelin.Avecsesgrandsprincipesetsondésirprofondémentancrédesauverlemonde,Nadiaseraitdéçue.Maisilyétaithabitué,elleneseraitpaslapremière.Sonpèreluiavaitassezreprochéd’avoircédéauxsirènesdes affaires et renoncé à une brillante carrière au pénal,même siEthan gagnait dix foismieux sa viequ’avant. Pour son père, tout était question de prestige.Mais, pour Nadia, ce serait un problème demorale.

—Jene suispasavocat.Enfin, si,maispasausensoù tu l’entends. Jene travaillepasdans lestribunaux.

—Ah?Qu’est-cequetufaisalors?—Avocatd’affaires.Ethansavaitqu’iln’avaitpasàrougirdesonmétier.Ilétaittrèsdemandéet,sansfaussemodestie,il

étaitdoué.D’aucunsdisaientmêmequ’ilétaitlemeilleur.—Jesuisspécialisédansl’aviation.—L’aviation?répétaNadiaavecunfroncementdesourcils.Evidemment,pasdequoisouleverlesfoules…— Je m’occupe des contrats entre les fabricants et les compagnies aériennes, je monte des

financements,jefaisduleasing,ettoutletralala.—Ilfautêtreavocatpourça?—Vulessommesenjeu,lescontratsdoiventêtreenbétonarméettoutprévoirpourpareraupire.

Oui,ilfautêtreavocat.—Jevois.—C’esttrèsintéressant,jet’assure.Bonsang,pourquoisejustifiait-il?Iln’avaitpasbesoindel’approbationdeNadia.Iladoraitson

travail.C’étaitpourçaqu’illuiconsacraitlamajeurepartiedesontemps.—J’ensuissûre.—C’estplusexcitantquelesressourceshumaines,entoutcas.Ohnon…Pourquoiavait-ilditça,justequandleursrapportscommençaientàs’améliorer?Contretouteattente,Nadiaéclataderire.

—J’espèrebien!Toutestplusexcitantquelesressourceshumaines.Est-cequeçaveutdirequetuvoyagessouventenjetprivé?

—C’estlaquestionquetoutlemondemepose,fitEthanenlevantlesyeuxauciel.Tupeuxmieuxfaire.Maislaréponseestoui,parfois.Passouvent.

—Tudoisaimerlesavions?—Depuistoujours.J’aimevoler.—Parcequetuesaussipilote?—Amesheures.Iladoraitaussisauterenparachute.Riendetelpourstimulerlecœur…—J’aibienconsciencedefaireunmétierunpeuparticulier, reprit-il.Cen’estpasceàquoi les

genss’attendentquandjeleurdisquejesuisavocat.—Etalors?Tuaslachancedefaireunboulotquetuaimes.C’estformidable.Tesparentsdoivent

êtretrèsfiers.Ethan luicoulaunregardnoirmaiselle fixait la routeavecungrandsourire,d’unairdeparfaite

innocence.Raté,ilnetomberaitpasdanslepanneau.Ilsavaitqu’elleprêchaitlefauxpoursavoirlevrai.Biensûrquenon,sonpèren’étaitpasfierdelui.

— Tu veux dire que tu n’aimes pas les ressources humaines ? demanda-t-il pour détourner laconversation.Pourtant,çatedonnel’occasiondemartyriserdepauvresgens.

Nadialefusilladuregard.—Arrête,jemetordsderire.Ethanluiadressaunsourireinsolentquifinitparadoucirl’expressionfroisséedeNadia.—Pourquoit’êtrelancéedanscedomainesiçaneteplaîtpas?—Parcequejevoulaistravaillerdansunegrosseboîte.Etquetouteslesgrossesboîtesontbesoin

degensauxressourceshumaines.—Pourquoivouloiràtoutprixtravaillerpourunegrandesociété?—Lesraisonshabituelles:l’argent,lasécuritédel’emploi.Puisellesecoualatête.—Assezparlédemoi.J’étaisraviederencontrertafamille.Ilssontsympas.Sympas?Après« chic type», elle n’aurait pu fairepire !Et puis il était impossiblequ’elle ait

passéunbonmomentdanscerepairedefous—desfousqu’iladorait,maisdesfoustoutdemême.Non,elleessayaitunenouvellefoisdelefaireparler.Ilregrettaitdéjàdeluiavoirentrouvertlesportesdesavie privée. Qu’allait-elle raconter aux hystériques qui l’adulaient sur internet ? Il allait sûrement enprendrepoursongrade.Maisavait-ellevulegenredefamilleaveclaquelleildevaitcomposer?S’ensouciait-elleseulement?

EtBella?Cesmomentsaupiano,quil’avaientenchantésurlecoup,lefaisaientmaintenantgrincerdesdents.Atouslescoups,Nadialesoupçonnaitd’avoirorchestrécettescène.Ellelecroyaitcapabledupire.

Il réprimaunegrimace. Ilauraitvoulueffacercette journéed’uncoupdegomme, fairecommesiellen’avaitjamaisexisté.Prétendrequeleurtroisièmerendez-vousétaitencoreàveniretquecelui-cinecomptaitpas.MaiscelasignifiaitrevoirNadia.Etait-cebiensage?Lejeuétaitdevenudangereux.Ettrèscompliqué.

Ilcompritqu’ildevaitaborderlesujetaumomentmêmeoùilsegaradevantchezelle.—Neparlepasdecequis’estpasséaujourd’huisurtonblog.Savoixétaitrauqued’émotion,etcettemanifestationdevulnérabilitél’irrita.Ilrepritd’untonplus

sec:

—Jeneveuxpas voirmavie privée étalée sur leNet.Lire quoi que ce soit surmonpère, parexemple.Etjen’aipasorganisécettepetitescènetouchanteavecBella,aucasoùtu…

—Tucroisquejenelesaispas?s’exclamaNadiad’unevoixperçante.Ettut’imaginesquejevaistoutraconter?

Ethan garda le silence. Nadia avait l’impression, dans l’étroitesse de l’habitacle, que sa proprecolèrel’étouffait.

—Maispourquitumeprends?enchaîna-t-elle,blessée.Tunemeconnaisvraimentpas,hein?Tun’asrienécoutédecequejet’aidit.

Sansluilaisserletempsderépondre,elleouvritlaportièreetsedirigeaencourantverslaportedesonimmeuble.Ethanlaregardas’éloigner,lecœurlourd.Ils’envoulaitplusencore,encetinstant,qu’iln’envoulaitàsonpère.C’étaitdire.

Nadiaavait raison :d’unecertaine façon, il ressemblaità l’hommequ’ilméprisaithautet fort. Ilétaittoutaussiégoïste,insensible.Unparfaitcrétin,etilvenaitdeleprouver.

Avecunjuron,ilmitpiedàterreetcourutàsasuite.—Nadia!Il larattrapaaumomentoùelleouvrait laported’entrée.Elles’arrêtamaisneseretournapas.Il

hésitait à la toucher, elle si frêleet éthérée, commes’il redoutaitde labriser. Ilbrûlaitd’enviede seperdreenelle,deretrouverl’oublibienfaisantqu’elleluiprocurait.

Il se contenta de courber la tête et de lui embrasser les cheveux. Il en profita pour emplir sespoumonsdeleurparfumfloralenespérantqu’elleneleremarqueraitpas.

—Jesuisdésolé,murmura-t-ilenfin.—Aucuneimportance.—Si.Elletremblait,illesentait.Lorsqu’elleparla,savoixétaitpresqueinaudible.—Jenet’enveuxpassitumecroiscapabledefaireunechosepareille.Ilsavaitqu’ellen’enferaitrien.Ill’avaittoujourssu.Avecsesgrandsyeuxvertsetsonvisageen

forme de cœur, Nadia n’était pas là pour faire souffrir les gens. En cet instant, c’était elle qui étaitblessée.Parsafaute.

—J’aimeraisquetumeparles,dit-elletoutbas.Ethansefigea.Sonsangs’étaitglacédanssesveines.—Pourdirequoi?Cen’estpasparcequetuasrencontrémafamillequetusaisquoiquecesoitde

moi.—Cen’étaitpaslebutdecettevisite?Ilserralesdents.Sonintentioninitialeavaitétéd’embarrasserNadia,unplanquiluiavaitexplosé

enpleinefigure.Siquelqu’unavaitétéembarrassédansl’affaire,c’étaitbienlui!—Toncomportementenprésencedetafamilleestéloquent,déclara-t-elle.Ethansecouafarouchementlatête.Non,ellenesavaitrien—neserait-cequeparcequ’ilvenaittout

justedecomprendrecertaineschosesmoinsdedeuxheuresauparavant.Ilcrispalesdoigtssurleboutondelaportepours’empêcherdeprendreNadiadanssesbras.

—Tujoueslesdursmaistuasungrandcœur,renchérit-elle.Tuaimestafamille,çasevoit.C’était ironique, vraiment. Au moment où elle lui découvrait une soi-disant noblesse d’âme, il

comprenaitqu’ilenétaitcomplètementdénué.—Tuignorestoutdemoi,Nadia.Crois-moi,c’estmieuxcommeça.Elleavaitvujuste,depuisledépart.Derrièrelafaçadeaimablequ’iloffraitaumonderôdaitcette

même indifférence qu’il reprochait à son père. Une indifférence aux autres, à la vie de couple, au

mariage.Oui,ilétaitpassionnéparsonmétier.Maisfonderunefamille?Fairelebonheurd’unefemme?Trèspeupour lui,merci. Iln’avaitpasbesoind’un tel fardeau. Il avait toujoursévité les relationsdelonguedurée,parcequ’ilfiniraitparfairesouffrirunefemmecommesonpèreavaitfaitsouffrirsamère.

Nadiaétaitauxantipodesdelui.Idéaliste,romantique,sansdouteunpeunaïveaussi,ellecherchaitson prince charmant. Pour une raison perverse, ces qualités le séduisaient. Elles la rendaient pluscharmanteencoreàsesyeuxalorsqu’ilauraitdûlafuir.Carilreprésentaitundangerpourelle.Iln’étaitpas son prince charmant. Il n’était le prince charmant de personne, d’ailleurs. Il devait prendre sesdistancesavantqu’ilsoittroptard.

Ilprituneprofondeinspirationdansl’espoirdesedonnerducourage—grossièreerreur.LeparfumdeNadial’enveloppatelleunebrised’été.Iln’avaitqu’àtendrelamainpourlatoucher,pourrallumerlapassionextraordinairequ’ilavaitconnueentresesbras.Latêteinclinéesurlecôté,ellenebougeaitplusetrespiraitàpeine,commeunfaoneffrayéattendantlecoupdegrâce.

Ilhésitaunedernièrefois,puisluiouvritlaporteetfitunpasenarrière.Sansunmot,Nadiaavançaàl’intérieur.Ethanfitalorslachoselaplusdifficiledetoutesavie:ilnelasuivitpas.

Pour une fois, il était certain d’avoir pris la bonne décision.Alors pourquoi n’en tirait-il pas lamoindresatisfaction?

Chapitre10

Nadiafixaitl’écrandesonordinateur,enproieàunetorpeurdontelleneparvenaitpasàs’extraire.Aprèsunlongmoment,ellecliquasurlecoindelafenêtrepourlafermer.Troisjourss’étaientécoulésdepuissadernièrerencontreavecEthan,troisjoursdurantlesquelsellen’avaitrienpubliésursonblog.Pas lamoindre ligne. Pour un site tel que le sien, autant dire une éternité. Le nombre de visiteurs netarderaitpasàdécliner.Déjà,certainsmembresspéculaientsurlesraisonsdesonsilence.Maisellenevoulaitpasrépondreàleursquestions.

Lorsque son téléphone portable sonna, elle regarda aussitôt l’écran : numéromasqué. Ce n’étaitdoncpasEthan.Soncœurs’accéléramalgrétoutquandelledécrocha.

—Allô?—Tun’aspasmistonblogàjour.Ahsi,c’étaitlui!—Toinonplus,luirépondit-elledumêmeton.Feindre la décontraction lui coûtait un effort surhumain. A juste titre ! Elle n’avait pas eu de

nouvelles de lui — ni coup de téléphone, ni courrier électronique, ni texto — depuis trois jours.Soixante-douze interminables heures. La seule chose qui l’empêchait de devenir folle, c’était qu’ellen’avaitpasreçuleredoutablebouquetdel’Adieu,lesfleursqu’ilenvoyaitàsesmaîtressesaprèstroisrendez-vous,àencroiresesprécédentesvictimes.D’unautrecôté,peut-êtren’éprouvait-ilpaslebesoin,avecelle,d’adoucirlarupture?Leur«relation»,fauted’unmeilleurtermepourladécrire,n’étaitqu’unparidontl’issueavaitétéfixéedèsledépart.

—Unhommegalantlaissetoujourspasserlesfemmesenpremier,répondit-il.—Jenesuispasprêteàécrire.—Etpourquoiça?Nadia se détourna de son écran et ferma les yeux. Elle compta mentalement jusqu’à trois,

rassemblantlecouragedeluidirecequ’elleavaitrépétéensilencependanttroisjoursettroisnuits.—Ilyaunproblème.—Quelproblème?Elleappuyaunemaintremblantesursapoitrine,commepourempêchersoncœurd’enbondir.—Jenepeuxpasréfuterlesaccusationsàtonencontre.Dumoinspastoutes.L’uned’entreellesest

vraie.—Laquelle?—«Troisrencardsetbye-bye».C’estlecas.C’estcequim’arrive.Ellel’entendit,auboutdufil,prendreuneinspirationsifflante.

—Tuenveuxunquatrième?Tuasenviedemerevoir?Oh!ellevoulaitbiendavantagequeça.Mais,pourlemoment,ellesecontenteraitdesmiettesqu’il

étaitprêtàluijeter.—Çadépenddetoi,répliqua-t-elle.Situveuxquejeréfutecetteaccusationprécise,c’estdanston

intérêtdemerevoiraumoinsunefois.—Dois-jeendéduirequetucomptesréfuteraumoinslesautresaccusations?Ilnesemblaitpasaussisatisfaitparcetteperspectivequ’ellel’avaitsupposé.D’ailleurs,siNadia

avaiteu lechoix,ellen’auraitplus jamaisécritunmotsurcetteaffaire.Leschosesétaientallées troploin.

—Tusaiscequisepasserasinousnousrevoyons,repritEthand’unevoixsourde.Ellegardalesilence,semordantlalèvresifortqu’ellefitlagrimace.—Dois-jedéduiredetonmutismequec’estunrisquequetuesprêteàprendre?LecœurdeNadiabattaitsivitequ’elleenavaitdesvertiges.Elleseforçaàrespirerpluslentement.—Sansrisque,lavieseraitd’unennuimortel,fit-ellevaloir.—Ilyaunedifférenceentre«risqué»et«suicidaire».J’aiessayédemeconvaincrequejene

devaispasterevoir,justement.Laclaque.Nadiaredressalementon.Surtout,nepass’effondrerautéléphone.—Riennet’yoblige.Ilyeutunsilenceinterminableauboutdufil.—Jecroisbienquesi,grommelaenfinEthan.Jenepeuxpasm’enempêcher.Allonsdînercomme

desgensnormaux.Malheureusement, jesuisendéplacementà l’étranger. Jenepourraidoncpasavantvendredi.Çat’irait?

Vendredi?LesoulagementdeNadiasetransformaendépit.C’étaitàpeinequelquesjoursplustardmaiscelaluiparaissaitdesmois.

—D’accord.Oùes-tu?—EnAllemagne.—Qu’est-cequetufaislà-bas?—J’essaiedenepaspenseràtoi.—Etçamarche?—Vuquejet’aitéléphoné,ilfautcroirequenon.Ungrand sourire illumina levisagedeNadia, tandisqu’unevaguedebonheur l’envahissait.Elle

entenditdubruitenfondetEthanannonça:—Jedoistelaisser.Tuferaisbiendemettrequelquechosesurtonblogoutuvasperdretoutestes

lectrices.—Toiaussi.—Jen’aipasletemps.Avendredi,alors.Nadiaraccrochaetsetournaverssonordinateur,d’humeursoudainlégère,pourtravaillerunpeu.Le lendemainmatin, elle ouvrit le blog d’Ethan pour voir s’il avait publié quelque chose.Rien.

Maiselleremarquaquecertainsdescommentaireslesplussalacesavaientétéeffacés.Ilyavaitunenoted’Ethan spécifiant qu’ilmodérerait personnellement le forum à partir demaintenant.Apparemment, ilavait fait une crise de galanterie.Amoins qu’il ne soit seulement préoccupé de ce que ses collèguesrisquaientdepenserdelui?

Non,c’étaitlegenred’hommequisemoquaitdecequelesautrespensaient.Cequinerendaitqueplusétonnantsondésirpremierd’identifierNadiaetdelaforceràfermersonsite.Qu’est-cequiavaitpulegêneràcepoint?

Sous ses dehors de play-boy arrogant, Ethan était quelqu’un de bien. Il aimait les femmes et lestraitaitavecrespect.Sonseulproblème,c’étaitqu’ilrefusaittouteformed’engagement,uneattitudequiavaitsansdoutefleuritelleunemauvaiseherbesurlesruinesdelarelationdesesparents.Leurdivorceluiavaitdonnéuneimageterribleducouple,etexpliquaitsansdouteleconflitouvertentresonpèreetlui.

Nadia savait donc qu’elle ne serait jamais qu’unemaîtresse parmi d’autres.A ceci près qu’elleavait réussi à lui arracher de le voir une quatrième fois. Pour lui, c’était un saut dans l’inconnu.Ellel’avouaitvolontiers:ellenepouvaits’empêcherd’espérerquecelasignifiaitquelquechose.

Les jourspassèrent trop lentementà songoût.Ellealla fairedushopping,patinadansHydeParkpourdépenser—envain—letrop-pleind’énergiequil’empêchaitdedormir.Levendredivenu,elleseréveilla à l’aube, presque tremblante d’impatience. Elle passa la journée à attendre, alternant desexercicesrespiratoiresdestinésàl’apaiseravecdesphasesdefébrilité.Ellefitdesonmieuxpournepasregarderl’heuretouteslescinqminutesetparvintmêmeàbattresonproprerecord—unquartd’heure!N’ytenantplus,ellefinitparsedébarrasserdesamontreetparlafourrerdansuntiroir.Ellemitsaplusbellerobe,sefitunemanucure,etsebrossalescheveuxjusqu’àlesfairebrillercommedel’or.

Elleétaitprête.L’heuredurendez-vousarrivamaislecarillonrestadésespérémentsilencieux.Lesoleilsecoucha

sur une belle journée d’été. Ses derniers rayons caressèrent Nadia, figée dans son fauteuil, avant dedisparaître.

Enfin,sontéléphoneémitunbip.C’étaitunSMS.Elleendevinalanatureavantmêmedel’avoirregardé.Iln’avaitmêmepaslapolitessedeluiparlerdevivevoix.Deslarmesroulèrentsursesjouesetelle fut soudainheureusequeMegannesoitpas làpourassisterà sonhumiliation.Commeelle s’étaitmontréenaïve!Aencroireletexto,Ethanavaitdû«travaillerplustardqueprévuetratésonvol».Ilprendraitlesuivant,cequileferaitarrivertroptardpourledîner…

Naïvepeut-être,maisellen’étaitpascomplètementstupide.Ellesavaitqu’ilavaittoutsimplementchangéd’avis.Iln’avaitjamaiseul’intentiondelarevoirets’étaitjustelaisséconvaincreparcequ’elleavaitinsistéautéléphone.Iltentaitdésormaisdes’entirerparunepirouette,delafaçonlaplusindolorepossible—bref,satechniquehabituelle.

***

Ethanavait tout faitpour l’oublier. Ilsétaientsortisensembleà troisreprises,commeconvenu. Ilétait donc libre de penser à autre chose.De regarder d’autres femmes et de les désirer.De travaillerquarante-huitheuresd’affilées’ilenavaitenvie.

Iln’avaitpasregardélamoindrefemme.Enrevanche,ilavaittravaillé.Pourlaénièmefois,ilregardasontéléphone.Toujourspasderéponse.Ilrechignaitàappeler—il

soupçonnaitqueNadianeseraitpasd’humeuràl’écouter.Bonsang,lasituationétaitvraimentdevenuecompliquée.Larevoirétaitladernièrechoseàfairemaisilnepouvaitpass’enempêcher.Nisoncorpsnisonespritneluilaissaientlemoindrerépit.Ilpensaitàelle.Ilavaitenvied’elle.

Lemieux,c’étaitencoredeluiprésentersesexcusesenpersonne.Mais,puisqu’ilnepouvaitpaslefaire dans l’immédiat, il devait actionner la procédure d’urgence. Presque fébrilement, il composa unautrenuméro.

—Polly, j’aibesoinque tumerendesungrosservice. Il fautabsolumentque tu fasses livrer tonplusbeaubouquetàNadia.Maintenant.

—Oh!Ethan,geignitsasœur.Onl’aimaitbien,cettefille…

—Figure-toiquemoiaussi.Alorsoccupe-toideces fichues fleurs,d’accord?Etmarqueque jesuisdésolésurlacarte.

—Désolépourquoi?—Cenesontpastesoignons.Faisjustelivrerlebouquet.—Alorscen’estpasfinientrevous?—Çaleserasitunefaispascequejetedemande!—C’estbon,c’estbon!Tupeuxcomptersurmoi.

***

Le carillon de l’entrée retentit. En allant répondre, Nadia aperçut son reflet dans le miroir ducouloir,etétouffaungémissement.Sonmaquillageavaitcouléetluifaisaitdesyeuxdepanda.Maiselles’enfichait—àcetteheuredelasoirée,ilnepouvaits’agirqued’unvoisinquisesoucieraitpeudesonapparence.

Raté.Cen’était pas un voisinmais un livreur qui se tenait sur le seuil. Il lui tendit le plus grosbouquetqu’elleaitjamaisvu.

Nadia le prit sans un mot et claqua la porte. Une carte accompagnait les fleurs. Un seul mot yfigurait,imprimédansunepolicedecaractèremanuscrite.

«Désolé.»Elleabandonnalesfleurssurlatableetdéchiralacarteendeux,puisentrois,avantdelancerles

morceauxdanslapiècecommes’ils’agissaitdeconfettis.D’étrangesquestionspratiques tourbillonnaientdanssonesprit.Parexemple,commentavait-ilpu

lui faire livrer un bouquet à une heure pareille ? Les fleuristes étaient tous fermés, ce qui ne pouvaitsignifierqu’unechose:ilavaittoutplanifiédesheuresplustôt—pournepasdiredesjours.Ill’avaitpiégée.Ill’avaitforcéeàluidemanderunquatrièmerendez-vouspourmieuxl’humilier.

Son regard dériva vers les fleurs. Elles étaient magnifiques mais Nadia les détestait. C’était leredoutablebouquetdel’Adieu, telquelesmembresde1FemmeAvertie l’avaientdécrit.Elleécrasadenouvelleslarmesd’unreversdelamainetrenifla.Commentavait-ellepucroireunseulinstantqu’elleseraittraitéedifféremment?Qu’elleétaitspéciale?

Etdirequ’elleavaitéprouvédelacompassionpourlui…Qu’elleavaitvoulucomprendrepourquoiilévitaitl’intimité,lesémotionstropviolentes,leconflit.Ildevaitbienrired’elle.Ellel’imaginaitdéjàdansunbar,racontantàsesamiscommentilavaitbernél’idiotequiavaitoséledéfier.

Sacolèreseranimant,ellesemitàarpenter lapièce.Elledevaità toutprixfairequelquechose,s’occuper lesmainset l’esprit.ElleauraitpuappelerMeganmaisellen’avaitguèreenviedepartagercettevexation avec sonamie.Ellepréféra se rendre sur1FemmeAvertie, dont elle explora la basededonnées. Elle y dénicha rapidement les adresses des femmes qui avaient contribué au sujet original«TroisRencardsetBye-Bye»etleurenvoyadesmessagesprivés.EllesevoyaitmalétalercequivenaitdesepassersurleNetmaisellepouvaitaumoinsdemanderconseilauxprécédentesvictimesd’Ethan.Ellegeindrait,elles’arracheraitlescheveux,maisseulementavecdesinconnuesquinelajugeraientpas.

Denouveau,ellefixasursonbouquetunregardhaineux.Qu’enfaire?Lejeteràlapoubelle?EllefutuninstanttentéemaisseravisaetleplaçadanslachambredeMegan.Deretourdanslesalon,ellevérifiasese-mails—rien.

Directionlasalledebains.Ellepritunedouchebrûlantepoursedébarrasserdesonparfumetdesesyeuxdepanda,sortitunT-shirt1FemmeAvertietoutneufdesonemballageetpassaunshortdecoton.Ilavaitbeauêtretard,ellesevoyaitmalallersecoucher.Ellenepourraitpasdormir.

Ellejetaunderniercoupd’œilàsonordinateur—saboîtederéceptionétaittoujoursaussivide—avantderenoncer.Sisessœursd’infortunerépondaient,ceneseraitsûrementpasavantlelendemain.Ilnerestaitqu’unechoseàfaire:boireets’affalerdevantlatélé.

Unbonfilmd’horreur,voilàcequ’illuifallait.Avecdusangetdesmonstresbienmoches.Tiens,elle n’avait qu’à se refaire toute la série des Freddy. Peut-être qu’après ça elle relativiserait plusfacilement laperversitéd’Ethan.Elledécidad’accompagner le filmd’unchiliconcarneavec doubledosedepiment, histoirede stimuler sespapilles enmême tempsque son imagination.Uneexpériencesensorielleextrêmepourluifaireoublieruneagonieextrême…

Elleavaitregardévingtminutesdutroisièmevoletdelasérielorsquel’onsonnadenouveauàlaporte—troptardpourunelivraisonoupourunequelconquevisite.Lecœurbattant,ellemitlefilmenpause.Ellen’allaittoutdemêmepasselaissereffrayerparuneinventiondeHollywood.Ilétait2heuresdumatin,d’accord,maiscelanevoulaitpasdirequ’untypeavecdeslamesàlaplacedesdoigtssetenaitdel’autrecôtédubattant.

Elle l’entrouvrit d’un centimètre, puis engrandquand elle s’aperçut—non sans soulagement—qu’ilnes’agissaitpasdeFreddy.

—Qu’est-cequetufaislà?Un cocktail d’émotions explosif l’envahit,mélange de soulagement et d’incrédulité, de plaisir et

d’incertitude.—Jeviensd’atterriràGatwick.—Tonavionavraimentétéretardé,alors?—Tunemecroyaispas?Ethanlâchasonsacdevoyageavantdesoupirer.—J’enétaissûr.C’estpourçaquej’aidemandéàPollydet’envoyerdesfleurs.Malgréça,tun’as

pasrépondu.—Jemesuisditque,situétaisdansl’avion,tunerecevraispaslemessage…—Menteuse.Tunem’aspascru.Oufaitconfiance.Ou…—Ouquoi?coupaNadia,soudainsurladéfensive.Tum’asenvoyélebouquetdel’Adieu.Ethanfronçalessourcilsetsecoualatête,visiblementdérouté.—Lebouquetde…?Ildevaityavoirunmotdisantquej’étaisdésolé.—Oh!ilétaitbienlà.— Je vois. Bon, je n’aurais peut-être pas dû venir. Il est tard, nous sommes tous les deux de

mauvaisehumeur…Ilramassasonsac.Retrouvanttoutàcoupsesesprits,Nadialeretintparlebrasquandilfitminede

seretourner.—Non.Tuasl’airépuisé.Viensprendreuncafé.Elleeutbeautirerdetoutessesforces,Ethannebougeapasd’unpouce.—Tun’aspaschangétesplanspourlasoiréequandjet’aiditquej’étaisforcéd’annuler?—Si,répliqua-t-elleentirantplusfortencore.Jemangedelaglacedevantunbonfilmd’horreur.Enfin,ilsedécidaàavancer.Uneétincelleparutseranimerdanssonregardéteint.—Iln’yapersonned’autredansl’appartement,alors?Nadialelâcha,soudainméfiante.—C’estçaquitepréoccupe?C’estlaraisondetavisite?Tuviensvérifiersijesuisseule?—Tuasdittoi-mêmequenotrerelationn’étaitpasexclusive.Avecunsoupir,ellerefermalaporte.—Quevoulais-tuquejedised’autre?J’aimafierté,moiaussi.

—Jem’ensuisaperçu.Ilsefenditsoudaind’unsourireavantdereprendre:—Quelgenredefilmturegardes?—Unfilmd’horreur.—Brrr,jedétesteça.Ilsmefonttournerdel’œil.—Jetetiendrailamaindanslespassagesquifontpeur,situveux.Ethanparvintàsouriredenouveaumalgrélafatiguequiluialourdissaitlesmuscles.Iln’avaitpas

prévudevenirmais il s’était surpris àdonner l’adressedeNadiaquand le chauffeurde taxi lui avaitdemandéoùilallait.Maintenantqu’ilétaitlà,l’épuisementlerattrapait—aupiremoment.Etrangement,il éprouvait aussi une forme de soulagement face au regard vert de Nadia, lumineux et plein depromesses.

Soncanapéétaitimmense.Ils’yenfonçaavecunsoupird’aise.Ilavaitenvied’elle,ça,oui,maisilpouvaitàpeinebougerougarderlesyeuxouverts.

—Jen’aipasdormidepuisuneéternité,marmonna-t-il.—Pourquoiça?—Beaucoupdeboulot…Aumoins, c’était vrai. Il avait travaillé d’arrache-pied pour finaliser un important contrat. Et il

avaitpassésesraresheuresdereposàs’agiterdanssonlit,obsédéparNadia.Plusils’efforçaitdenepaspenseràelle,moinsilyparvenait.C’étaitpourçaqu’ilavaitdécidédelarevoir,afindel’évacuerune bonne fois pour toutes de son esprit. Il ne savait pas comment s’y prendremais il comptait bienessayer.

—Displutôtquetuaspassétesnuitsdanslesstrip-clubsdelaville.Ethansemitàrire,puisgrognalorsqu’ilconstataquecetactetoutsimplerequéraituneénergiequ’il

étaitincapabledefournir.—Jesuisdésolé, je suisdebienmauvaisecompagniecesoir. Jen’aiplusde forces. Jedevrais

rentrerchezmoi.C’étaitlasolutionlaplusraisonnable.Et,accessoirement,ladernièrechosedontilavaitenvie.Ilne

voulaitpasdécevoirdenouveauNadia.—Tais-toi,fit-elled’untonsansréplique.Tum’empêchesderegardermonfilm.Commepourleprouver,ellemontalevolumed’uncran.Ethansouritmalgrésesyeuxfermés.Ilsesentaitbien.Ilaimaitlamanièredontelleprenaitsoinde

lui,àsafaçon.Ilavaitjustebesoindequelquesminutesdereposetilluisauteraitdessuspourluifairel’amourcommeelleleméritait.Ohoui,ils’enréjouissaitdéjà.

—Ethan?Nadia étudia son compagnon avec ahurissement. Il s’était allongé, les pieds dépassant de

l’accoudoird’uncôté,latêtesursesgenouxdel’autre.Unesituationagréableetfrustranteàlafois,carilne répondait plus. Comment pouvait-on s’endormir devant un film d’horreur ? Et en moins de troisminutes?

Ellelevalamainpoursuivre,d’unecaressehésitante,letracédesamâchoire.Undébutdebarbeombrait ses joues râpeuses. Il était épuisé, c’était évident.Constatantqu’il ne se réveillait pas,Nadias’installaleplusconfortablementpossiblesursoncanapéetseconcentrasurlesmalheureusesvictimesquisefaisaientéventreràl’écran.

Uneheureplustard,lemot«fin»apparut.Pourêtrehonnête,ellen’avaitpasvraimentprofitédufilm.Elle l’avait passé à regarderEthandormir, fascinéepar ses longs cils couleur charbon et par le

rythmedesa respiration.Dieumerci, ilne ronflaitpas,unedécouvertequi la ravissait.Pourquoi,ellel’ignorait.Cen’étaitpascommesielleallaitpasserlerestantdesesjoursàdormirprèsdelui!

Malgrétout,elleétaitheureuse.Etunpeuinquiète,parcequ’ilrisquaitd’attraperuntorticoliss’ilrestaitdanscettepositiontroplongtemps.

Avecdouceur,elleluicaressalatempe.L’intimitédecegestel’enivrait.Ethannebougeatoujourspas.Nadiahésita.Devait-elleinsister?Unechoseétaitsûre:ellen’avaitpasdutoutsommeil.

—Ethan,réveille-toi,chuchota-t-elle.Tuvasfinirpartetordrelecou.Maisilcontinuadedormiràpoingsfermés.Ellen’eutpaslecœurd’insister,d’autantqu’unepetite

voix lui soufflait qu’il n’avait peut-être pas aussi envie qu’elle de faire l’amour.Elle lançaune radioclassique via le menu de sa télévision et attendit patiemment, tout en continuant de lui caresser lescheveux.Parjeu,elleessayadecalersarespirationsurlasienne.Avecunpeudechance,cetexerciceluipermettraitdesedétendre…

—Nadia?Elle soupira, perdue dans un rêvemerveilleux oùEthan lui rendait visite à l’improviste au beau

milieudelanuit.—Hmm?—Nadia!Elletressaillit,ouvritlesyeuxetserenditcomptequ’ellenerêvaitpas.Ethanétaitbeletbienlà,

allongésurelle. Il la regardaitensouriant.La lumièrequiprovenaitde l’écrande la télévisionfaisaitbrillersesyeux.

—Qu’est-cequ’onfaitlà?demanda-t-il.—Tuestroplourd,jenepouvaispasteporterjusqu’aulit.—Tum’invitesdanstonlit?murmura-t-il,roulantsurlecôté,sibienquesonvisageseretrouva

toutcontreleventredeNadia.Lesmusclesdecelle-ciseliquéfièrentaussitôt.—Euh,je…je…—Tum’asmanqué,luiconfia-t-ild’unevoixétouffée.Ilseblottitplusétroitementcontreelle,remontantunemainsursacuissepourlaglissersousson

short.Nadiaretintsonsouffle.Soncorpsentiersemblaitavoirprisviesouslescaressesd’Ethan.Ellese

laissa aller avec un soupir, ouvrant par réflexe les genoux pour lui permettre d’approfondir sonexploration.

Illatouchaavecdouceur,aucreuxdesonêtre,etluiarrachaungémissementdeplaisir.Soudain,ilseredressaetfixaunpointderrièreelledanslapièce.

—Qu’est-cequ’ilya?demanda-t-elleensetordantlecoupourregarderelleaussi.—Rien.Jecherchejustetontapisdecourse.Ladernièrefois,tum’asbienditquequandtuétais

dansuntelétatc’étaitparcequetuvenaisdefairedusport,non?Tuesbrûlante…NadialâchaunrirenerveuxenserappelantleursortieàHydeParketl’épisodedanslesbuissons.—C’esttoiquim’asdonnéchaudendormantsurmesgenoux.—Jevois.C’estdoncmoiquisuis responsable,cette fois?Jesupposequec’estunprogrès.Tu

aimesça?renchéritEthan,accentuantsapression.—Ou…oui…—Pasdeculotte,pasdesoutien-gorge…Suis-jeréveilléousuis-jetoujoursentraindedormir?La tête renversée contre les coussins, Nadia respirait lourdement. Le plafond, au-dessus d’elle,

s’estompait à mesure que le plaisir montait en elle. Elle avait soif d’Ethan. Son corps tout entier

l’attendait,moiteetbrûlant.Lesmouvementsrythmiquesdesesdoigtseurentsoudainraisond’elle.Elleserra lescuisseset luiemprisonna lamain, lecorpssecouédeconvulsionsd’extase.La jouissancefutbrutale,intense—ettropcourte.

—Jevoisquejetefaisdel’effet,soufflaEthan.C’esttrèsexcitant.Ettrèsfacile.Nadia,quitentaitdereprendresesesprits,sentitunvifembarraslagagner.Evidemment,quec’était

facile!Ill’attiraittellementqu’elleexplosaitdèsqu’illatouchait.Ilselevaetentrepritdesedéshabiller.Sesmainstremblaientd’impatience,elleleconstataquandil

sortitunpréservatifdesapoche.Rassérénéeparcedétail—ilétait toutaussiesclavequ’elledesondésir—,ellesemitàgenouxsurlecanapépourleregarderfaire,lecœurbattant.Quelspectacle!Sesmuscles—etilenavait—roulaientsoussapeauaumoindredesesmouvements.Ilétaitmagnifique.

Il fronçasoudain lessourcils, fixantsonT-shirt1FemmeAvertiecommes’il le remarquaitpour lapremièrefois.

—Qu’est-cequetuportes?C’estvraimentinsultant.Retire-le.Nadianesefitpasprier.Ethan,pendantcetemps,déboutonnasonjeanetl’envoyavalserd’uncoup

depied.—Mets-toideboutsurlecanapé,ordonna-t-il.Elletressaillit,surpriseparsarequête.—C’estparcequejesuispetite,c’estça?Ilétouffaunjuronet,enunefractiondeseconde,futtoutcontreelle.—Non,souffla-t-ilenl’attirantdanssesbras.C’estparcequejeveuxpouvoirt’embrasserici…Salangueeffleuralapointedel’undesesseins.—Etlà…Ilinfligealamêmedélicieusetortureausecondavantdefaireglisserseslèvresjusqu’àsonventre.—Oh!d…d’accordalors…IllaissaéchapperunriregravequidonnaàNadial’impressiondefondre.Deuxmainspuissantes

enveloppèrentsescuisseset lasoulevèrent.Elles’agrippaàsoncouavecunhoquetdestupeurqui setransformaenlonggémissementdeplaisircommeils’enfonçaitenelle.

C’était trop bon… Un bref instant, elle décolla son bassin du sien pour s’y replaquer presqueaussitôt et l’accueillir plus profondément encore, position on ne peut plus érotique, étrange mélanged’inconfortetdeplaisir.ChaqueassautstimulaitlaperleengorgéequicommandaitàsondésiretNadiasentitbienvitemonterenellelalamedefondquiannonçaitl’orgasme.Sesseins,écraséscontreletorsedurdesoncompagnon,ajoutaientencoreautourbillondesensationsquifaisaientrageenelle.

Maisl’étincellequimitlefeuauxpoudres,cefutlafaçondontilssetenaient—nezànez,lesyeuxdans les yeux, leurs souffles semêlant à chaque nouvel estoc.Nadia avait l’impression de lire en luicommedansunlivreouvert.Iln’étaitplusquestiondedissimulation,decalculs,destratégies.Ethanladésiraitavecuneviolencequ’ilnecherchaitmêmepasàcacher.Elleétaitd’unetelleintensitéqueNadiafinitparfermerlesyeux.Cebrasierquibrûlaitdanssespupilles,c’étaitpourelle?Elleavaitpresquedumalàlecroire.

—Regarde-moi,gronda-t-ilaussitôt.Jeveuxtevoir.Elleobéit.Sonexcitationétaittellequ’elleneputcontenirpluslongtempsleplaisirquienflaiten

elle.Elle se crispa, agitée de spasmes qui semblaient ne plus vouloir s’arrêter.Avait-elle crié ?Ellen’auraitsuledire.Ethanlaregardaitaveclasatisfactionduprédateurvoyantsaproiecapituler.Lesdentsserrées,ilessayaitdecontrôleretderepousserl’instantoùluiaussis’oublierait.

Les mouvements de son bassin s’accentuèrent, empêchant Nadia de reprendre son souffle. Elleglissalesdoigtsdanssescheveuxtrempés.Elleriaitetgémissaitenmêmetemps,presqueétourdieparla

passion.La tensiond’Ethanse lisaitdans samâchoirecrispée,dans sesveinesqui saillaientdans soncou.Soudain,sespupillessedilatèrent.Auplusprofondd’elle-même,ellelesentitquis’abandonnaitenlonguessaccades.

—Ohoui,soupira-t-elle.Oui!Ilgrondaetseplaquaunedernièrefoiscontreelle.Ilsrestèrentensuiteenlacés,horsd’haleineet

immobiles.Nadiaavaitlatêtequitournaitetladrôled’impressiond’avoirlesjambesenguimauve.Lecœuraussi.

—Tunemereposespas?demanda-t-elleaprèsunelongueminute.—Non.Avecuneforcesurprenante,Ethanglissaunemainsoussescuissesetlasoulevadanssesbras.Puis

ilsebaissaetseservitdesonindexetdesonmajeurpourextraireunnouveaupréservatifdelapochedesonjean.

—Oùesttachambre?—Laportededroite.Quelquessecondesplustard,illadéposasursonlit.Ils’allongeasurelle,appuyésursescoudes

pournepas l’écraser.Nadiaavait l’impressiond’êtreemportéeparune rivièreen furie. Ilétaitprêtàrecommencer?Déjà?Elleauraitvoulus’accorderquelquesinstantsderéflexion,s’interrogersurlesensdecequipassait,surlasuiteàdonnerauxévénements…C’étaitimpossible.

Ethansepenchapour l’embrasserdans lecou.LecerveaudeNadias’éteignitcommeunevieilletélévision,irradiantundernierpointlumineuxbientôtengloutiparlesténèbresduplaisir.Ellecollasonbassincontrelesien,avecunelubricitédontelleneseseraitpascruecapable.Sesmainsglissèrentsurle dos d’Ethan et vinrent envelopper ses fesses. Il la regarda se trémousser, une lueur d’intensesatisfactiondanslesyeux.

Seslèvresdoucesetcruellesàlafoiss’entrouvrirentenfin.Lavoixquiensortitétaitrauque,lourdedepromesses.

—Cesoir,pasquestionquetut’enfuiesencourant…Tum’appartiens.

Chapitre11

Unsoleilmatinalpénétraitàflotsparlafenêtre.Nadiasoupira,cédantàcontrecœurauxsirènesduréveil.Ellesavaitqu’illuifallaitdésormaisaffronterlaréalité.Roulantsurlecôté,elledécouvritEthanappuyécontreuncoussin,plongédansunlivrequisemblaitlecaptiver.

Uneparfaiteimagedubonheurdomestique.Puisqu’iljouaitlacartedelanormalité,elledécidadefairedemême.

—Qu’est-cequetulis?s’enquit-elled’untonquisevoulaitbadin.Sa voix dérailla et anéantit aussitôt l’effet « badin ». Avec un sourire, Ethan lui montra la

couverture.—Jel’aitrouvésurtesétagères.C’esttrèsprenant.Rougissantquelquepeu,Nadiatenditlamainverssontéléphone,posésurlatabledechevet.Elle

devaitàtoutprixvérifierl’heured’arrivéedeMeganetSam.Matin,après-midi?Ellen’étaitplussûrederien.Ellefrémissaitàl’idéedelesvoirdébarqueralorsqu’elleétaittoujoursaulitavecEthan.Megannemanqueraitpasd’enfairetoutunfromage—chosequ’elleavaitdéjàdumalànepasfaireelle-même.

—Qu’est-cequetufabriques?Lavoixd’Ethanétaitunpeuenrouéeelleaussi,signequ’iln’étaitpasaussicaptivéparsonlivre

qu’ilvoulaitbienlefairecroire.—Jemetsmonprofilàjour,prétendit-elle.—Monœil.Pourdirequoi?Nadiaabandonnaenfinsontéléphone,rassurée.Megann’arriveraitpasavantlafindelajournée.—Riendespécial.D’ungestethéâtral,ill’imitaetlançasonlivresurlatabledechevetavantdeluifairedenouveau

face.Lesdrapsglissèrentjusqu’àsataille,révélantsontorselargeetbronzé.—Alors,qu’est-cequ’onfaitmaintenant?Nadian’enavaitpaslamoindreidée.Elledécidadoncdebluffer.—Onprendunedouche?Quaranteminutesplustard,ilyavaittellementdevapeurdanslasalledebainsquelaventilation

renditl’âme.Elledisjonctaitrégulièrementquandelleétaittropsollicitée.—Saletédemachine,marmonnaNadia.Elleagrippaletabouretquiluipermettaitd’atteindrelesfusibles.Enriant,Ethanlabouscula,tendit

lebrasetremitlecontactàsaplace.Poingssurleshanches,ellelefusilladuregard.—Nemetraitepascommesij’étaisuneincapable.J’auraispulefairetouteseule.

Ethannesedépartitpasdesabonnehumeur.Ilparaissaitmêmes’amuser.—Cen’étaitpasmonintention.Inutiledeprojetertescomplexessurmoi.Ill’avaitpriseparlesépaules,commepourasseoirencoresadomination,mêmes’illeniait.Ellese

tortillapourselibérer,envain.—Jen’aipasdecomplexes.Mais lesgenss’imaginentquesousprétexteque jesuispetite jene

peuxrienfairetouteseule.—Princesse,j’aibienconsciencedetoutcequetupeuxfairesansaide.—Tantmieux.Jenesuispasunegamine.—Biensûrquenon.Maisçaneveutpasdirequetun’aspas,commetoutlemonde,deslimites.Et

cen’estpasunemauvaisechose.—Si.Jerefused’être«limitée».MesparentsnevoulaientpasquejeviennevivreàLondres,ils

pensaientquejenepourraisjamaissurvivredansunegrandeville.Ehbien,jel’aifait!Ilsnem’auraientpasnonpluscruecapablededécrocheruntravaildansunesociétécommeHammond.Jenesuispeut-êtrepastrèsgrandemaisjesuisintelligente.

—Ettuleprouvesparl’intermédiairedetonblog,jesuppose?Ilsecoualatête.Illadésapprouvaitetnelecachaitpas.—Pourquoiest-cesiimportant?reprit-il.—Onvoit que tun’aspas eu à tebattre contredespréjugésdepuis taplus tendre enfance, sous

prétextequetuétaispluspetitquelesautres.—Peut-être.Mais tun’espasobligéed’êtreseulepourprouvercedont tuescapable.Certaines

chosesnepeuventêtrefaitesqu’àdeux.Etill’attiracontrelui,illustrantsesproposparl’exemple.—Tutriches,marmonnaNadia.Cen’estpasjuste.—La vie n’est pas juste.Oui, je suis plus fort que toi. Et alors ?Ça a certains avantages.Des

avantagesdonttuprofites.Elle savait qu’il la taquinait, qu’il essayait de désamorcer sa colère par l’humour. Il y parvint

d’autantplusfacilementqu’ilavaitraison.Aquoibonluttercontrel’évidence?C’étaitàcroirequ’elleétait programmée pour désirer l’homme le plus viril, le plus imposant qui soit. Ethan correspondaitparfaitementàcecahierdescharges.

— Je sais que ça te rend folle quand tu sens toutmonpoids sur toi…Quand je te soulève sanseffort…Maismêmeuntypecommemoiasesfaiblesses.Toutlemondeena.

Nadia n’en doutait pas un seul instant. Elle regrettait juste de ne pas savoir quelles étaient lesfaiblessesenquestion.

—Dis-m’enplus…—Pourtedonnerdupouvoirsurmoi?fit-ildansunéclatderire.Certainementpas.—Tunecroispasquej’aidéjàdupouvoirsurtoi?repartit-elledutacautac.Leursregardssecroisèrent,sedéfièrentuninstantensilence.—Prouve-le,luienjoignit-ilavecunsourirefélin.Ilramenaittoutausexe.C’étaitsadéfense,invariablement.Dèsquelaconversationserapprochait

d’unsujetsensible,dèsqu’elledevenaittroppersonnelle,tropintimepourlui,ilbottaitentouche.Maisencetinstantpréciselleétaitraviedelelaisserfaire.

***

Uneheureplus tard,Ethan ressortitde la salledebainsaprèsunenouvelledouche,uneservietteautourdelataille.IltrouvaNadiainstalléedevantsonordinateur,sesdoigtsdansantsurleclavier.Iltiraunechaisepours’asseoirprèsd’elleetétudiasanslamoindregênecequ’ellefaisait.

—Sacréemachine,commenta-t-ilenconsidérantl’énormeécran.Nadiafitunegrimacecomique.—Oui.Ellem’acoûtélesyeuxdelatête.Elleétaitoccupéeàtrierlese-mailsqu’elleavaitreçuslaveille,àrépondreàsesmessagesprivés

et à lire les dernières contributions à son forum. Elle était incroyablement organisée, nota Ethan. Denombreux dossiers occupaient son bureau. Les noms de certains l’amusèrent, en particulier les deuxintitulés«Commentaires-Excellents»et«Commentaires-Insultants».

—Lequelestleplusrempli?demanda-t-ilenlesdésignantdudoigt.Nadiapartitd’unéclatderirecristallin.—Atonavis?Puiselleselevapourallerrépondreàsontéléphone,quis’étaitmisàsonnersurunetablenonloin.—Oh!bonjour,Megan…Ethan fit la sourde oreille à sa conversation et se tourna de nouveau vers l’écran. Incapable de

résisteràlacuriosité,illutl’e-mailqu’elleétaitentraindeparcourir.

Est-cequevouspourriezcréeruntop10despiressalaudssur1FA?Ouencoremieux,est-cequenouspourrionsvoter?J’ailecandidatparfait,ilméritelapremièreplace…

Formidable,encoreuneenragéequiavaitlabaveauxlèvres…Ethanréprimal’envied’appuyersur«Effacer»et,grandseigneur,tiral’e-maildansledossier«Suggestions»,commeilavaitvuNadialefaireavecuncourriersimilaire.

Puisilentrepritdelirel’e-mailsuivant.

Bonjour,jetenaisàvousdireàquelpointj’apprécie1FemmeAvertie.Pasparcequejepensequetouslesmecssont des mufles, comme celui avec lequel je viens de sortir, mais parce que c’est un lieu pour partager desexpériences parfois difficiles. Dans mon cas, un viol. Je n’ai pas su pendant longtemps si j’avais le droit del’appeler commeça. J’ai longtemps cruque c’étaitma faute.Grâce àvotre site, j’ai compris quenon.Que jen’avaisrienfaitdemal.Jen’enai jamaisparléàpersonnedans lavraievie,alorsmercidem’avoirdonnéunevoixetunendroitpourlefaire.

Nadiasepenchasoudainpar-dessussonépaulepourtirerl’e-maildansundossieràpart.—Certainsdesmessagesnesontpaspubliéssurleforum,expliqua-t-elled’unevoixdouce.—Biensûr.Ethansedétournadel’écran,l’estomacnoué.Ilserenditcompteseulementalorsqu’ilretenaitson

souffleetexpulsal’airbloquédanssespoumonsd’unseulcoup.—C’estaffreux,murmura-t-il.Nadias’assitprèsdelui,laminegrave.—Oui.—Qu’est-cequeturépondsàquelqu’unquiavécuunteltraumatisme?—Jeneprétendspasoffrirdesolution.Jeveuxdire,queveux-tuquejeréponde?Cenesontpas

quelquesmotscompatissantsquivontarrangerleschoses.Toutcequejepeuxfaire,c’estexactementcequ’elledécrit:luioffrirunespaceoùs’exprimer.Jefournisparfoisdesliensversdessitesspécialisés.Oualors,desfemmesquiontvécudestraumatismessimilairesviennentdonnerdesconseils.Maisjenesuispaspsychiatre.Jemecontentede…faciliterleschoses.Jemetslesgensencontact.Unechoseestsûre,ilyaplusgravedanslaviequed’avoireuuncollectionneurdeviergescommepremierpetitami.

Elleavaitraison,biensûr.MaiscequiétaitarrivéàNadian’enétaitpasmoinsregrettable.SiEthantombaitunjoursurRafeBuxton,ilseferaitunplaisirdeluicollerunebonnecorrection.Encoreque,s’ilassommaitBuxton,ilsoupçonnaitqueNadialeluireprocheraittantelleétaitdéterminéeàsedébrouillersansl’aidedepersonne.Commes’ilyavaitquoiquecesoitdemalàaccepteruncoupdemain!C’étaitd’autantplusridiculequ’ilneparvenaitpasàcontrôlercetinstinctprotecteurquis’emparaitdeluiquandilétaitavecelle.

Il retintunsoupirdefrustration.Leschosessecompliquaientencore.AuxcernesquisoulignaientlesbeauxyeuxvertsdeNadia,ilvoyaitbienqu’elleavaitbesoinderepos.Luiaussi,d’ailleurs.Quandilparlaitderepos,ilvoulaitdirepsychologiqueetémotionnel,passimplementphysique.Toutétaitallésivitequ’ilnesavaitplusquepenser.

Ilprituneinspiration.—Jeferaisbiend’yaller.Aumomentoùilprononçaitcesmots,ilespéraqu’elleessaieraitdeleretenir.MaisNadiahochala

têteetcontinuad’étudiersonécranavecattention.—D’accord.Macolocatairerentrecesoir,j’aiprévudedîneravecelle.Ethanfitdesonmieuxpourréprimersadéception,envain.Ilseforçaàsourire.—Biensûr.Puisilétudialemessagequ’elleparcouraitavecunetelleconcentration.

Croyez-vousquecertainsdéfautssoienthéréditaires?Parcequej’enaipeur.Mamèreestrestéeavecmonpèrependantdesannéesalorsqu’illatrompaitàtourdebras.Jemesuisjuréquejeneseraisjamaiscommeelle—assezstupidepourtolérercegenred’attitude.Maisvoilà, jemeretrouvedanslamêmesituation.Monpetitamim’atrompéeetjeneveuxpasqu’ilmequitte…

Ethanselevabrusquement,allarécupérersesvêtementsetserhabilladanslachambre.IlnevoulaitpassavoircequeNadiaallaitrépondre.Unmonstredepèreengendrait-ilnécessairementunmonstredefils?Bonnequestion.

—Ethan?Ilseretourna.Nadiasetenaitsurleseuil,laminesoucieuse.Ilfitaussitôtsemblantdeseconcentrer

surseschaussures,qu’illaçait.—Monpèretrompaitmamère,luiaussi,déclara-t-ilsansréfléchir.Ilafiniparpartiravecl’unede

ses«assistantes»,qu’ilatrompéeàsontour.Chaquefoisqu’ilaunenouvellecompagne,c’estlamêmehistoire.Mais Jess a fini par semarier avecTom,un typequi ne ferait jamais une chose pareille.Tudevraisécrireàcettefillepourleluidire.Cen’estpasunmalhéréditaire.

Entoutcas,ill’espérait…Trèstôt,ilavaitrésoludenepasdevenircommesonpère.Aujourd’hui,ilavaitréussi.Maisvalait-ilmieuxqueluipourautant?Cetteinterrogationlehantait.

—D’accord,réponditNadia,visiblementsurpriseparsatirade.Ellefitunpasdanslachambreavantdedemander:—Quandtesparentsont-ilsdivorcé?Ethanseredressaetladépassapourregagnerlesalon,oùilrécupérasonsacdevoyage.—J’avaisquatorzeans.Çaaétéunvéritablesoulagement.—Pourquoi?—Nadia,jen’aipasenvied’enparler.Quevoulait-ellequ’illuiraconte,aujuste?Qu’ilavaitentendusamèrepleurer,lanuit,pendantdix

ansaprèslesfaits?CommentJess,Pollyetluiavaientdésespérémenttentédemériterl’affectiondeleur

père, sans jamaispouvoir rivaliser avec lesbimbosde la stationde radiooù il travaillait ?Que, s’ilavaitbossésidur,c’étaitdansl’espoirderevoirsamèresourireunjour?

—Jesaisbienquetun’aspasenvied’enparler.Etc’estpeut-êtrepourçaquetudevraislefaire.Sa détermination faillit arracher un sourire à Ethan. Mais il resta silencieux. Non, il ne lui

raconteraitpassonhistoireàfairepleurerdansleschaumières—unvraitue-l’amour.Ilétaitbienplusdouépourlafairerire.

Ensilence,ellel’accompagnajusqu’àlaporte.Ilséchangèrentunlongregardsurleseuil,répugnantàseséparer.Entoutcas,Ethanyrépugnait,lui.

—Aurevoir,fitenfinNadia.C’était…—Surtout,nedispas«sympa»,bougonna-t-il.Amuse-toibienavectacolocataire.—Merci.Elleacquiesça—ilvoyaitbienqu’elleravalaitunefouledequestions.Ethanétaitàdeuxdoigtsde

rester pour y répondremais il ne voulait pas empiéter sur sa vie. Entre son siteWeb, ses amis et untravailqu’elleadorait,ellen’avaitpasvraimentdetempsàluiconsacrer.Pasautantqu’ilsesurprenaitàlevouloir.

Alorsquoi?Ilétaitjaloux,maintenant?Non,décida-t-il,justeenmanquedesommeil.Nadias’étaitassoupie sitôt après qu’ils avaient fait l’amour et avait dormi du sommeil du juste. Lui, en revanche,s’étaitréveilléàl’aube.Ilavaitattendupendantdesheuresqu’elleouvreenfinlesyeux.Ilavaitmêmeététenté—honteàlui—delasecouerpouraiderunpeulanature.Enlavoyantsifatiguée,ils’étaitravisé.

Iln’avaitpasledroitdeluiimposersesdiktats,oumêmesaprésence.Ethansavaitseretireravectactquandillefallait,mêmesilachoseluiparaissaitaujourd’huiétrangementdifficile.

Ilfinitparsepencherpourl’embrasserunedernièrefoisavantdepartir.Elleappuyaseslèvressurles siennes un peu plus longtemps que nécessaire, une attention qui fit aussitôt monter son désir.L’alchimiesexuelle,entreeux,étaitbienréelle.Explosivemême.

C’étaittoutcequil’intéressaitchezunefemme,pasvrai?Plusmaintenant.Ivredefrustration,Ethandécidaderentrerchezluiàpied.Iltravailladelonguesheures,téléphona

àquelquesamis,etdécidadepassersonsamedisoiràlamaison—unepremière!Ill’employaàredonnervieàsonblog,troplongtempsnégligé.

***

Meganétaitaffaléesurlecanapé,l’expressionrêveuseetdistante.Nadiaétaitpresquesurprisedenepasl’entendreronronner.

—C’étaientlestroisplusbellessemainesdemavie,soupira-t-elle.Unvéritablerêve.Nadiasemitàrire.Troissemainesàsillonnerlesîlesgrecquesavecsonamoureux?Ellevoulait

bienlecroire!—Maisparle-moiplutôtdetoi,repritsonamie,plissantsoudainsesyeuxdechat.NadiaavaittoutfaitpourforcerMeganàparlerd’elle,maiscettedernièren’étaitpasstupide.Son

iPadsurlesgenoux,elleparcouraitdéjàleblogd’Ethanàlarecherchedumoindreindice.—Oh!tusavaisqu’ilavaitpostéunnouveaumessagecesoir?LecœurdeNadiabonditdanssapoitrine.—Vraiment?Elleavaitespéré,ensecret,quec’enétaitfinidecetteguerrevirtuelle.Elles’étaitmêmepréparée

mentalementàlaperspectivedefermersonpropreblog.Unpeuvite,apparemment…

Eneffet,Ethanavaitajoutéunnouveaumessage.

Bon, j’avoue avoir pris du retard dans les comptes rendus de mes aventures avecMissCynique.C’estparceque laréalitéestunpeupluscompliquéequecequenosblogsrespectifsenlaissenttransparaître.Pourlemoment,jeveuxjustefairepasserunmessageàtouteslesfemmesquimelisent.Vousvoulezmieuxcomprendreleshommes?Voilàuntrucpourvous.Contrairement aux femmes, qui adorent parler et partager leurs émotions, les hommesdétestentdisséquerouanalyser.Nousaimonsl’action.Alorslaissez-nousagir.Laissez-nousnouscomporterenhommes.

Nadiafronçalessourcils,perplexe.Quevoulaitdirececharabia?—Enparlantdepartager,ditMegan,situmeracontaiscequis’estpasséenmonabsence?MaisNadiasecoua la tête.Aucoursdesdernièresvingt-quatreheures,elleavaitdéjà tropdonné

d’elle-même—àEthan.

Chapitre12

Ledimanche passa sans nouvelles de lui.Ni coupde fil, nimessage ou e-mail. Pas de nouvelleentrée sur son blog. Nadia décida de l’imiter et observa le silence radio le plus total, ce qui nel’empêchait pas de penser à lui dès qu’elle avait le malheur de laisser son esprit vagabonder. Pours’occuper,elleconsacraunebonnepartiedelanuitàtravaillersursonsite.

Le lundi matin de bonne heure, alors que Nadia finissait de se préparer, elle entendit Meganl’appelerdepuislesalon.

—Ilyaquelqu’unpourtoiàlaporte!A7heuresdumatin?Nadiadépassasonamie,intriguéeparsonexpressionespiègle.Elleencompritlaraisonendécouvrantl’identitédeleurvisiteur—Ethan.Ilétaitaussisoignéet

élégantqu’àl’accoutumée,mélangededécontractionetd’assurance.Unvéritablecanon.Elleenrestauninstantsansvoix.

—Que…qu’est-cequetufaisici?articula-t-elleenfin.—J’aipenséquejepourraist’accompagnerauboulot.Elle remarquapour la première fois leVTT flambantneuf appuyé contre lemurdu couloir juste

derrièrelui.—Mais…monbureauestplusloinqueletien.—Pasgrave.J’aibesoind’exercice.—Tuessérieux?—Onnepeutplussérieux.Nadiaplissalesyeux.Ilétaitlà,oui,maispourlesmauvaisesraisons.Lemomentétaitmalchoisi

pourendiscuter—ducoinde l’œil, ellevoyaitMegan faireminedechercherquelquechosedans lesalonpourmieuxétudierEthan.

—Jevaischerchermonsac.Attends-moiici.Ellerefermapresquecomplètementlaporte,puissetournaverssonamie.Meganladévisageabras

croisés,unsourirelargecommel’Australieauxlèvres.—Oh!Nadia.Nadia,Nadia,Nadia.—Nocomment, d’accord ?Et, quoique tu entendesdans lesdixprochainesminutes, restedans

l’appartement,compris?Meganécarquillalesyeux,visiblementsurprise.—Euh,compris.Encourant,Nadia regagnasachambreetachevade sepréparer.Quelques instantsplus tard,elle

sortitdeleurappartementpatinsauxpieds,claquantlaportederrièreelle.ElleregardaEthandroitdans

lesyeuxtoutenattachantsoncasque.Ilavaitdéjàenfourchésonvéloetn’attendaitquesonsignalpourdémarrer.

Nadias’approchadelui,puisfitlapetitedémonstrationsurprisequ’elleluiréservait.Unhurlementépouvantablemontadenullepartetlesassourdittouslesdeux.—Maisqu’est-cequec’estqueça?criaEthan,regardantautourdelui.Nadiadésignaleboîtierdeplastiquenoircoincédanslaceinturedesoncaleçon.—Unealarme,cria-t-elleenretour.Jen’aiqu’àtirersurlecordonetvoilàlerésultat.Commetule

vois,jen’aipasbesoind’ungardeducorpspourmerendreautravail.Jepeuxprendresoindemoi.—Cen’estpaspourçaquejesuisvenu!hurlaEthanpar-dessuslesonstrident.Ellefittairesonalarmeetlefusilladuregard.Iln’allaitpass’entireràsiboncompte.—O.K.,concéda-t-ildansunsoupir.Peut-êtrequejesuisunpeulàpourça.Nadiaattendit,sourcillevé.Ethanaffrontasonregardensilencepuis,n’ytenantplus,explosa.—Pourquoias-tuàcepointbesoindecataloguerleshommes?Tadivisionentrelesprotecteurset

lesprédateurs,parexemple…Çanetevientpasàl’idéequejepuisseêtreunpeudesdeux?Jesuissûrquetuescapabledetedébrouillerseule,Nadia.Mais,mêmesituétaisceinturenoiredekaratéetquetutetrimballaisavecunbazooka,jeseraisinquietent’imaginantdansHydeParkdesibonneheure.Qu’ya-t-ildemalàça?Jeneveuxpast’empêcherdelefaire.Mêmesijelevoulais,jenepourraissansdoutepas.Maispourquoinepasfairequelquechoseensemble,justepourleplaisir?Pourquoias-tucebesoinpermanentd’indépendance?

Ils’interrompitpourmarmonnerquelquechosequiressemblaitfortàunjuronavantdereprendresatirade.

—Franchement,sijesuisvenucematin,c’estjustequej’aienviedepasserunpeudetempsavectoi.C’estunmoyendegratterunedemi-heuredeplus.C’estuncrime?

—Non.Souffléeparsaconfession,Nadiasemitàpatinerpourluicachersonsourirebéat.—C’estmêmetrèsbien,luilança-t-ellepar-dessussonépaule.Elleneput résisterà l’enviedese retourner. Il souriait, sicharmeurque les jambesdeNadiaen

flageolèrent.C’étaitunematinéemerveilleuse,propiceàl’activitéphysique.Sursespatins,ellesesentaitlibre,

rapidecommelevent—dessensationsquelaprésenced’Ethansemblaitdécupler.Ilavaitraison:lefaitd’êtreensemblemagnifiaitlequotidien.Etiln’étaitpaslàpourl’empêcherdefairecequ’elleaimait,ouparce qu’il la croyait incapable de se défendre, mais par pur plaisir. Un mélange d’adrénaline etd’impatiencel’étourditetfitmontersonpoulsdansdessommets.

Ethan pédalait à vive allure, étonné par la rapidité de Nadia. En sus d’être sportive, elle étaitincroyablement sexy. Elle portait son caleçon de Lycra, un débardeur en coton, un casque et desprotectionsdepoignets.Riend’affriolant, rienquisoitdenatureàexciterunhomme—en toutcasenthéorie.

Il s’était forcé, la veille, à ne pas la contacter. Le résultat ? La journée avait été une véritabletorture.Cematin,ilavaitcessédelutteretétaitvenuchezellepourluifaireunesurprise.Cequ’iln’avaitpascalculé,c’étaitàquelpointsacompagniel’affectait.Ilavaitenvied’ellecommeiln’avaitjamaiseuenviedepersonne.Unepetitevoixluisoufflaitmêmequ’ilspouvaientfairedavantagequejusteprendredu bon temps ensemble.Mais il ne savait ni quoi, ni comment faire. C’était incroyablement frustrant.Qu’étaitdevenuesoninsouciancehabituelle?

Il descendit de son vélo et se plia en deux, hors d’haleine, quand ils arrivèrent enfin devantl’immeubledeHammond.

—Jevaisfinirparavoiruneattaquecardiaque,àfaireduvéloavectoi.IlappuyasonVTTcontrelemur,tentantdereprendresonsoufflependantqu’ilétudiaitlebâtiment

debrique.—Onpeutsedoucherlà-dedans?Nadiaôtasoncasqueetsecouaseslongscheveuxavantdehocherlatête.—Oui.—C’estouvertauxgensdel’extérieur?—Non.Presqueaussitôt,uneexpressionmalicieusetraversasonregard.Ellesepenchaversluietmurmura

d’unevoixsuggestive:—Tuascequ’ilfautsurtoi?Ethan réfléchit un instant, puis s’assombrit.Comment avait-il pu sortir sanspréservatif ?Mais il

avaitbeaus’envouloirdecetoubli,cen’étaitpaspourçaqu’ilétaitvenutrouverNadiacematin.Etrangement,elleparutseréjouirdesondépit.—Ilyaunesallederepospasloindel’entrée.Etalors?Aquoibon,quandilnepouvaitpasfairecedontilrêvait?Illasuivitnéanmoinsquand

elleluipritlamain.Ilétaittoutbonnementincapabledefaireautrement.Acetteheurematinale,lehalld’entrée était vide à l’exception d’un agent de la sécurité qui ne fit rien pour arrêter Ethan.Nadia leconduisittoutdroitàlasalleenquestion,dontelleverrouillalaportesitôtqu’ilsfurententrés.Puisellelepoussacontrelebattant.

—Tunepeuxpasrepartirdansuntelétat,souffla-t-elle,s’attaquantàsabraguette.—Net’enfaispaspourmoi,grommela-t-il.Jesurvivrai.Vraiment,tun’espasobligéede…Oh.Oh.Oh.Soncœurs’arrêtalorsqu’elletombaàgenouxpourleprendreenelle.Ilfrémitetglissalesmains

danssescheveuxsoyeux.Soncrâneheurtalebattantquandilrenversalatêteenarrièreetdeslumièressemirentàdanserdevantsesyeux.

Sarespiration,dontilvenaitàpeinedereprendrelecontrôle,s’emballadenouveau.Nadiaétaitunevéritable dynamo, elle lui donnait vie et énergie dès qu’il s’approchait d’elle. Tout son être, en cetinstant,étaitinfuséd’uneforcequasisurnaturelle.Unevitaliténouvellecouraitdanssesveines,untorrentqueriennepouvaitplusarrêter.

—Nadia,gronda-t-il,tentantdésespérémentdelaprévenir.Nadia,jevais…Ellel’ignora.Ilvoulutlarepoussermaisilétaitdéjàtroptard.Unplaisirintensesedéversadelui

ensaccadesbrûlantes.IlremitNadiasursespiedsetlaserradanssesbras,levisagedecelle-cicontresontorse,jusqu’au

momentoù,quelquesinstantsplustard,ils’avisaqu’ilétaitpeut-êtreentraindel’étouffer.Ilvoulaitjustela tenir et se nourrir de cette ardeur, de cet enthousiasme qu’elle irradiait. Son cœur cognait dans sapoitrinecommeunmarteausuruneenclume. Ilétait incapabledeparleroud’articuler lemoindreson.Maiscequiluiétreignaitlagorge,cen’étaitpasleplaisir.C’étaitunsentimentbiendifférent,aussivaguequeterrifiant.

Enfin, elle se tortilla pour se dégager de son étreinte et leva vers lui un regard pétillant. Ethandéglutitavecdifficulté,siébranléqu’ilpeinaitàreboutonnersonpantalon.

—Je feraisbiend’allermechanger, annonçaNadiaendésignant laporte contre laquelle il étaittoujoursappuyé.

—Jeveuxterevoircesoir,fit-ild’unevoixpâteuse.Ellerougitlégèrement,puisacquiesça.

—MeganserachezSam.—Parfait.Jepasseraicheztoi,alors.

***

Dixminutesplustard,Nadias’installaàsonbureauaprèsavoirprisunedouchefroide.ElleappelaMeganpourluidemanderdedéménagertemporairementchezSametd’yresterjusqu’ànouvelordre.

Lejeudivenu,ellen’avaittoujourspasappelésonamiepourluidirequelavoieétaitlibre.Etpourcause:ellenel’étaitpas!Ethanlaraccompagnaittouslessoirsetluifaisaitl’amourcommeunpossédéla porte à peine refermée. Sur le sofa.Dans la chambre.Amême lemur du salon. Ils se préparaientensuite un dîner improvisé avant de s’effondrer devant un film d’action, genre sur lequel ils s’étaientaccordésaprèsundébatpassionné.Pastropsanguinolent—pourEthan—maispasennuyeuxpourautant—pourNadia. Ilsparvenaient rarement à en regarderund’une traite, l’interrompant souvent le tempsd’unentracteérotique.Entrelesfilms,lanourritureetlesexe,illeurarrivaitdetravailler,chacunsursonordinateur. Jusqu’au moment où Ethan la persuadait de venir se coucher — pour dormir. Ils étaientépuisés.

—Tutravaillestrop,luidit-ilunsoir.Deboutderrièresachaise,ilnouasesbrasautourd’elle,l’empêchantdetaper.—Tunepeuxpascontinueràcerythme.Ildutlasentirseraidir,parcequ’ilsemitàrire.—Enfin,tupeuxsituveux.Maiscen’estpastrèssain.C’estcommesituavaisdeuxjobsàplein

temps.—Jesais,marmonnaNadia.Maisçameplaît.—Est-cevraimentnécessaire?Pourquoinepas laisser tomberHammondet teconsacreràplein

tempsàtonsite?— Je ne vois pas comment je pourrais.Et je veux continuer chezHammond. Je veuxmonter les

échelons,leurprouverquejesuisàlahauteurdelaconfiancequ’ilsontplacéeenmoi.—Tuesassezdouéepourréussirtoutcequetuentreprends.N’importequelidiotverraitça.Tun’as

rienàprouver.CettepreuvedeconfiancefitrougirNadiadeplaisir.Ilméritaitbienunepetiterécompense,décida-

t-elle,etellefitpivotersonsiègepourluiadresserunsourireespiègle.—Allonsnouscoucher.

***

LesjourspassèrentmaisNadiarefusaitdepenseràl’avenir.Seulcomptait leprésent.Ellesavaitqu’ellen’avaitpasàs’inquiéterd’unenouvelletrahisonfaçonRafeBuxton.D’abord,oùEthantrouverait-illetemps?Ilspassaientchaquesecondedeleurtempslibreensemble.Etpuisc’étaitunhommehonnête,loyal.Ellel’avaitconstatéquandellel’avaitvuavecsafamille.

Mais,vuqu’ellenefaisaitpaspartiedesafamille,ellepréféraitévitertoutediscussionsurlanaturedeleurrelationetsursondevenir.Ellesavaittrèsbiencequ’illuirépondrait—«profitons-entantqueça dure », ou quelque chose du genre— et ne voulait pas l’entendre.Au fond, elle avait conscienced’allerdroitdans lemur.Leurhistoire,pour lui, reposaituniquement sur leplaisirphysique.Mais ilsavaientbeaufairel’amourconstamment,ledésirdeNadianediminuaitpasenproportion.Aucontraire,

ilsemblaitgrandir.SonaffectionpourEthanmenaçaitdesetransformerenunautresentiment,beaucoupplusdangereux,quicommençaitluiaussiparlalettreA…

Sonanxiétés’accrut.Lafissurequis’étaitouverteenelles’élargit,setransformaenuntrounoirquimenaçaitde l’engloutir.Plusgraveencore : le sentimentde satiété etde satisfactionqu’elle éprouvaitaprès avoir fait l’amour avec Ethan durait de moins en moins longtemps, la forçant à en réclamerdavantage.Maisellesavaitqu’ilnepouvaitpasluioffrirceque,aufond,elledésiraitvraiment.

Vendredilatrouvadansunétatdenerfsconfinantàl’épuisement.Quelquestassesdecafésucréluipermirentdetenirlecoupautravail,maiselleattendaitavecimpatiencelafindelajournée.

Puis sa supérieuredirecte et le supérieurde cettedernière, le bigboss, la convoquèrent pourunentretienurgent.Ilsluidemandèrentdefermerlaportesitôtqu’elleentra.LorsqueNadiaposaunregardinterrogateursursachef,celle-cidétournalesyeux.Unterriblepressentimentluiglaçalecœur.Quelquechosen’allaitpas.

—Nousavonsparcourulescomptesrendusd’activitédecesdernièressemaines,annonçaBigBosstoutdego.Jeparledel’activitéinformatique.

Nadia sentit une salive bileuse lui brûler le fond de la gorge. Elle déglutit mais le goût âcredemeura.

— Nadia, nous savons que vous avez accédé à des sites qui ne sont pas liés à votre activitéprofessionnelle.Desréseauxsociauxetdesforums,plusprécisément.

—Uneoudeuxfois.Ettrèsrapidement.JustequandEthanl’avaitappeléeetqu’elleavaitessayédesesoustraireaurendez-vousqu’il lui

proposait.Etaussiquandelleavaitvouluvoirs’ilavaitréponduàsesprovocations.Etaussi…Bon,d’accord,pleindefois.Lesjouesrougesd’embarras,elleacquiesçafaceàsessupérieurssilencieux.—Vousallezmedonnerunavertissement?—Nadia,lecontenudecessitesétaitdenature…explicite.Ils lesavaient lus?Oups.Elle comprenaitmieuxpourquoi sa supérieuren’osaitpas la regarder.

Certains commentaires, sur le site d’Ethan, étaient classés X. Nadia ne savait que trop ce que celasignifiait:fautegrave,licenciementimmédiat.

—Vous…vousallezmerenvoyer,alors?demanda-t-elled’unfiletdevoix.Elle connaissait déjà la réponse.Mais elle n’allait pas les laisser faire sans se battre ! Elle ne

pouvaitpasregardersacarrière,saréputation,toutcequ’elleavaitbâticoulersoussesyeux.Elleavaitun poste dans la plus grosse société de la plus grosse ville du pays— chose dont personne dans safamillenel’auraitcruecapable.

Commeelleouvraitlabouchepoursedéfendre,lesdeuxautresladevancèrent.—Noussommesdésolés,Nadia.Voussavezquenousn’avonspaslechoix.Biensûr,qu’ellelesavait.Elleavaitrédigécesfichuesrègleselle-même!—Mais comment avez-vous pu vous montrer si imprudente ? lui demanda sa supérieure quand

toutesdeuxseretrouvèrentdanslecouloir.Vousn’ignorezpasquenousavonsunetolérancezéropourcegenredechose?

—Oui,jesais,murmuraNadia,essuyantsespaumesmoitessursajupe.C’estmafaute.Ellementait.C’était la fauted’Ethan et depersonned’autre.Ethan et sa stupideguerrevirtuelle,

Ethanetlesrustresquiluitenaientlieud’amis.Moinsd’uneheureplustard,ellequittaitlebâtimentetprenaituntaxi,unepetiteboîtecontenantses

maigreseffetssouslebras.Elleavait tenumoinsdesixmois.Et,siellenesetrouvaitpasunnouveau

job,ellenepourraitpluspayersonloyer,d’autantqueMeganallaitsansdoutebientôtemménageravecSam.Evidemment,puisqu’ilsétaientamoureux.

Etelle,quefaisait-elle?Elleperdaitsontempsetgâchaitsavieavecunhommequines’intéressaitqu’àsoncorps.Ilsétaientensemblesansêtreensemble,etilsn’étaientcertainementpasamoureux.Lafindesacarrièremarquaitaussilafindeleurhistoire.

Tremblantedecolère,elleluienvoyauntexto.

Paslapeinedevenirmechercherautravail.Jesuisrentréedebonneheure.

Sontéléphonesonnatroissecondesplustard.—Çava?Pourquoies-turentréesitôt?demandaEthandèsqu’elledécrocha.—Jen’aipaschoisi,ricana-t-elle.—Commentça?—J’aiétévirée.—Quoi?—Fauteprofessionnelle.«Consultationdesitesinappropriéspendantlesheuresdetravail.»Ton

blog,end’autrestermes.Ilyeutuncourtsilenceauboutdelaligne.—Oùes-tu?—Alamaison.Jeneveuxpastevoir.Maisilavaitdéjàraccroché.Vingtminutes plus tard, il tambourinait à sa porte et l’appelait à travers le battant.Elle finit par

céderetallaluiouvrir.Illadépassapoursedirigerdroitverslesalon,oùilétudialecartond’affairesqu’elleavaitrapportédechezHammond.

—Nadia…Savoixétaitdouce,veloutée. Il essayaitde laconsoler et elle était tentéede le laisser faire.Sa

colères’étaitévanouiedèsqu’elleavaitposélesyeuxsurlui.Ellevoulaitl’entendredirequeriendetoutcelan’avaitd’importance.Qu’ilétaitlàpourelle.

Maisellesavaitqu’iln’enferaitrien.—Jen’aipasenviedetevoir,prétendit-elle.Elleavaittropchaud,elletremblait,etelles’envoulaitd’espéreràcepointunsoutienmoralqu’il

nepouvaitpasluioffrir.—Tum’enveux?Amoi?demanda-t-ild’unevoixd’oùtoutedouceuravaitdisparu.—Aquid’autrepourrais-jeenvouloir?Asastupeur,ellelevitsourire.—Laisse-moiréfléchir…Atoi-même,parexemple?LesyeuxdeNadias’emplirentdelarmesacidesquimenaçaientdedéborder.Elleluitournaaussitôt

ledospourlescacher.—Nadia…Deuxmainsluienveloppèrentlesépaules.D’unmouvementbrusque,ellesedégagea.—Jetedéteste.—Non,tunemedétestespas.Cequetudétestes,c’estàquelpointtumedésires.Elle hoqueta, stupéfaite. Parce que ce désir n’était pasmutuel, c’était ça ?C’était exactement ce

qu’elleavaitredouté.—Tuesletypeleplusarrogantquej’aiejamaisrencontré.

Ilavançaverselle,lesyeuxbrûlantcommedessoleils.Déterminéeànepascéder,Nadianebougeapas.

—Tupensespouvoirtoutarrangerparlesexe?Unebonnegalipetteetaurevoir?Bien sûr, elle enmouraitd’envie, sansdoutemêmeplusque lui.Ladifférence, c’étaitqu’ellene

voulaitpasqueça.Lesdoutesetlestressdelasemaines’agrégèrentetfirentdanserlapiècedevantsesyeux.

—Non, répondit simplementEthan.Cen’estpasceque jepense.Ceque jepense,c’estque tonrenvoin’estpeut-êtrepasunecatastrophe.

—Pasune…?Elles’interrompit,s’étranglantpresqued’indignation.—Biensûrquesi,c’estunecatastrophe!Tuasruinémavie!Jesupposequetuessatisfait?—Nadia, sois honnête. Ce travail ne te plaisait pas. Tu l’as pris pour prouver que tu en étais

capable,àdesgensassezstupidespournepass’enrendrecompte.Lagravitésoudaineduvisaged’Ethanavaitquelquechosedemagnétique.Malgréelle,Nadiatendit

l’oreille.—Tonjobn’estpasépanouissantettulesais.Tuperdstontempslà-bas.Tuymetstouttoncœur,

parcequetuesincapabledefaireleschosesàmoitié,maistupréféreraist’occuperautrement.Tuesjustetroppeureusepouressayer.Tuaspeurdel’échec.C’estpourçaquetun’asjamaisrévélétonidentitésur1FemmeAvertie.Tueslâche.

Neserendait-ilpascomptedumalqu’illuifaisaitendisantcela?Etpourquoin’acceptait-ilpassapartde responsabilitédans cedésastre ?Ellevoulait levoir souffrir autantqu’elle.Ellevoulait qu’ils’excuse, qu’il lui prouve à quel point elle comptait à ses yeux, sans recourir au sexe. Mais c’étaitimpossible.Aprèstout,peut-êtrequ’ellen’étaitpasaussiindépendantequ’ellelecroyait.Elleavaitbeletbienbesoind’êtreprotégée—d’elle-même!

—Tumetraitesdelâche,toi?hurla-t-elle.Toi,l’hommequineprendjamaislemoindrerisque?Toiquinenaviguesqu’eneauxcalmes,quiévitesleconflitenfermantlaporteàtoutsentiment?

Ellelevittressaillir.Touché!Teluntaureaufurieux,Nadiarepartitàlacharge.—Tunesorsjamaisavecunefemmeassezlongtempspourlaconnaître.Tun’accordestaconfiance

àpersonneettunet’investispas.Tupassesd’unefilleàl’autreent’assurantjustequelaprécédentenetedétestepastrop.Tum’accusesd’êtreobsédéeparmonsite,maisc’estmieuxqued’êtreobsédéparsoi-mêmeetdemépriser le restedumonde.Tu imagines lenombredefemmesque tuas laisséesdans tonsillage,quisedemandentcequ’ellesontfaitdemal?Tucroisqu’unbouquetarrangetout?

—Ellesn’ontrienfaitdemal!s’emportaEthan,élevantlavoixàsontour.Maisjet’aidéjàditquejen’aimaisnilesscènes,nilescomplications!

—Displutôtquetuaspeurdet’engager,etquetudétalesavantqu’onpuisseteledemander.Tunevauxpasmieuxquetonpère.

—Jen’airienàvoiravecmonpère!Jen’aijamaistrompépersonne!—Maistufaissouffrirlesfemmes.Jesuisbienplacéepourlesavoir.—Tucroisquejenem’enrendspascompte?Tucroisquejen’aipasprisconsciencedecertaines

chosescesdernierstemps?Accorde-moiunpeudecrédit,Nadia.—Pourquoi?Jesuisdanslamouisejusqu’aucouettuneveuxmêmepasreconnaîtrequetuenes

partiellementresponsable.Ethansecoualatête,puislevalesmainsenungestedepurefrustration.—Qu’est-ce que tu attends demoi, au juste ? Je suis là, non ? J’ai été là toute la semaine.Ça

comptepourdubeurre?

—Tuétaislàpourquoi,aujuste?Pourquoies-tuvenuaujourd’hui?C’estça,lavraiequestion.Etnousconnaissonstousdeuxlaréponse.

—Laréponsen’ajamaiseul’airdetedéplaire,riposta-t-il.Jediraismêmequetuesinsatiable.—J’aisimplementtentédefaireleschosesàtafaçon.Devivresansmesoucierdulendemain.—Sanstesoucierdulendemain?Tuplaisantes,jesuppose?Tuesparalyséeparlapeur.Tuestout

aussi incapablequemoide faireconfianceàquiconque.Mais lapersonnedont tu teméfies leplusaumonde,c’esttoi.Tumanquestellementd’assurancequetunepeuxmêmepasaccepterqu’untyperemetteunfusibleenmarcheàtaplace!

Acesmots,Nadiajetasesdernièresforcesdanslabataille—etsapireinsulte.—Moi,aumoins,jemesouciedesgensquim’entourent.Jeneseraijamaiscommetoi,unfantôme

quitraversel’existencesansjamaistoucherpersonne,secontentantd’unplaisirbonmarché!Ethansefigea.Sespupillesavaientviréaunoiretsemblaientdévorersesyeux.—C’estdonccequenouspartageonsàtesyeux?demanda-t-ilenfin.Duplaisirbonmarché?—Etc’estencoretropflatteur,riposta-t-elle,laissantlacolèrelafairebasculerdansl’exagération

pure.Jenetedemandequ’unechose,maintenant:sorsdemavieetnereviensplusjamais.

Chapitre13

Lebutdeceblogétaitdedonneruneleçonauxfemmes.Ironiedusort,siquelqu’unavaitbesoind’une leçon, c’est bien votre serviteur.Mesdames, vouspouvez vous réjouir—M.«TroisRencardsetBye-Bye»aprislaclaquequ’ilméritait.Ellearompuavecmoi,etc’estl’enfer.

Ethanfixa lescaractèresnoirsquiscintillaientsur l’écran,si longtempsqu’ilssemirentàdanserdevantsesyeux.Ilavaitmalpartout.Savieétaitunéchectotaletilnesavaitpascommentlaremettresurles rails. Depuis sa rencontre avec Nadia, rien ne s’était passé comme prévu. Il était frustré, irrité,déboussolé,etcessentimentssemélangeaientenunsacdenœudsauquelilnecomprenaitplusrien.

Apparemment,ellen’avaitpassaisilemessagequ’ilavaitpubliésursonblogl’autrejour,celuioùil lui demandait de juger un homme sur ses actions. Il ne pouvait pas vraiment lui en vouloir d’avoirmanquélesensprofonddecequ’ilvoulaitexprimer—iln’étaitpassûrdelesavoirlui-même.Ilavaitl’impressiond’avancerdanslenoir,à tâtons.Maisaumoins ilavaitessayéd’allerplus loinavecellequ’avec aucune autre femme. Il lui avait consacré chaque instant de son temps libre, n’était-ce pas unsigne?Quevoulait-elledeplus?Nevoyait-ellepasqu’ilnejouaitplus?Quel’aspectphysiquedeleurrelationétaitunbonus,passonbutultime?

PourNadia,enrevanche,leurhistoiren’avaitétéqu’unepassade,unplaisircoupable.Ellesemblaitvouerplusd’intérêtà sonsite internetqu’à lui.Pourquoi?Etait-il simoralement répugnantqu’aucunefemmenel’aimeraitjamais?

Aufond,c’étaitcequ’ilavaittoujoursredouté.Nadiaavaitapprisàleconnaître,cesderniersjours,etelleavaitétédéçue.Commeellel’avaitécritsursonblog,ellen’avaitrientrouvéderrièrelafaçade—queduvide.

Depuissonadolescence,Ethansebattaitpours’assurerquepersonned’autre—aprèslatrahisondesonpère—nel’abandonneraitplusjamais.Ilétaitdevenuunfilsetunfrèremodèle.Aveclesfemmesaussi,ilétaitcharmant.Illesquittaitjusteavantqu’ellespuissentlefaireelles-mêmes.

Saufque,danslecasdeNadia,cetteroutineéprouvéeavaitdéraillé.Riennes’étaitpassécommeprévu.Cequiavaitcommencécommeundéfiavaitpris,peuàpeu,uneimportancedémesuréedanssavie.

Ilavaitbeauressasser lesévénements, ilnecomprenaitpasbiencequis’étaitpassé lorsde leurdernièreentrevue.Ebranléparlatristesseévidentedanssesgrandsyeuxverts,ilavaitsimplementvoulula serrer dans ses bras et la consoler. S’était-ilmontré trop sensuel ?Quand elle l’avait repoussé etattaqué avec une telle virulence, il n’avait pu contrôler sa colère. Il avait riposté avec une violence

aveugle,prononcédesmotsqu’ilregrettait.Asontour,elleluiavaitditsansfardcequ’ellepensaitdelui—impossibled’êtreplusclaire.

Pourlapremièrefoisdesavie,Ethanavaitétéplaquéparunefemme.Etilensouffraitd’autantplusqu’ilavaitoffertdavantageàcettefemme-làqu’àtoutescellesquil’avaientprécédée.Asafaçon—unpeumaladroitepeut-être—,ils’étaitlivrétoutentier.Maisilavaitapparemmentsipeuàoffrirqu’ellenes’enétaitpasaperçue.

Ilcontinuad’étudierlesmotsqu’ilvenaitdetapersurl’écrandesonordinateur.Ilssemblaientsemoquerdelui.Oh,etpuis,àquoibon?Nadianecroyaitmêmepasenlui.Alors,debellesparoles…

Après une dernière hésitation, il appuya sur la touche « effacer », une fois, dix fois, cent fois,jusqu’àfixerunécranvide.

***

Recroquevillée dans son fauteuil, Nadia serrait ses genoux contre sa poitrine et lisait, pour lacentième fois, les messages qu’Ethan avait publiés sur son blog une semaine auparavant pour laprovoquer.Iln’yavaitpluslamoindreactivitésursonsitedepuis.Ill’avaitsansdoutedéjàoubliée.

Leurrelations’étaitconstruitesurdusable.Alapremièretempête,lesmurss’étaienteffondrés.Sice désastre lui avait appris quelque chose, c’était qu’elle n’était pas faite pour les histoires sanslendemain.Ah,etaussiqu’ellenepouvaitpasfaireconfianceàsonproprejugementpuisque,aprèsRafe,c’étaitledeuxièmeéchecdesacourtecarrièresentimentale.

Unsonlaprévintdel’arrivéed’e-mailsetellesepenchasursonécranpourlesconsulter.Ilyavaitdenouveauxmessagessur1FemmeAvertie—tantpis,ilsattendraient.Puiselletressaillitetseredressasursachaiseenavisantdeuxe-mailsnoyésdanslamasse.Uneboufféed’adrénalinel’électrisa.

DameCafeineet,unpeuplusloin,MinnieM—deuxdesfemmesquiavaientlancélesujetdedépartconsacréàEthan.Ellesavaientenfinréponduà labouteilleà lamerqu’elleavait lancéelesoiroùcedernier lui avait posé un lapin. Elle hésita, le cœur battant à cent à l’heure. Elle ouvrit le premiermessage.

Grossedéception.Sonauteurrépétait lesmêmesaccusationsacerbesqu’elleavaitpubliéessurlesite.Pasdenouveauxdétails,encoremoinsderéponseauxquestionsprécisesdeNadia.Ellefronçalessourcilsetouvritlesecondcourrier.

Mêmechose.Maisàquois’était-elleattendue?Asefairedenouvellesamiessousprétextequ’ellesavaientétélarguéesparlemêmehomme?Ellefixal’écranunlongmoment,songeuse,regardantd’unairabsentledétaildesdeuxe-mails—heured’envoi,date,nom,adresse…

Ohnon…Mueparunpressentiment,NadiarevintaumessagedeDameCafeine.Unfrissonglacialluicourutle

longdel’échine.MinnieM,DameCafeine…Unerechercherapidedanslesstatistiquesdusiteconfirmasaterribleintuition.Impossibledes’ytromper:l’adresseIPétaitlamême.Lesdeuxidentitéscachaientlamêmepersonne.

Nadiaenfouitsonvisagedanssesmains.Lesramificationsdecettedécouverterésonnaientenelletelunéchoinfernal.Elles’étaitmontréestupide.Naïve.Imprudente.

Elle repensa à sa première entrevue avecEthan. Il lui avait dit— elle s’en rappelait comme sic’étaithier—que son site était laporteouverte à toutes sortesd’abus.Elle l’avaitnié farouchement.Pourtant,ilavaiteuraison.

Ettoutcequ’elleavaitfaitdepuis,c’étaitluicrierdessusoul’accablerdereproches.Ellel’avaitblessé.Tout ça pour quoi ?Parcequ’elle lui envoulait denepas lui retourner les sentiments qu’elle

éprouvaitpourlui.Maisça,c’étaitsonproblème,pasceluid’Ethan.Ellel’avaittraitéd’unefaçoninadmissible.Ilne

méritaitsansdoutepasdavantagelesaccusationsdecetteinconnue.Bonsang…Elledevaitleluidire.Elledevaitallerletrouveretluiprésentersesexcuses.

Etelledevaitlefairemaintenant.

***

Entroisclicsdesouris,Ethaneffaçal’intégralitédesonblog.Aprèstout,c’étaitenpartieàcausedeluiqueNadiaavaitperdusonemploi.Jamaisiln’avaiteul’intentiondeluifairedumal.Biensûr,ilavaitvoululuidonneruneleçon,maispasdétruiresavieentière.

C’étaitl’arroseurarrosé.Laleçon,c’étaitluiquil’avaitreçue.Nadial’avaitforcéàreconsidérersapropreexistenceet iln’aimaitpascequ’ilavaitdécouvert.Toutcequ’ilvoulait,désormais,c’était lareconquérir.Elles’étaitsiprofondémentimmiscéeenluiqu’iln’arrivaitplusàladéloger.C’étaitbienlapremièrefoisqu’unetellechoseluiarrivait.

Luienvoyerdesfleurs?Hmm,mauvaiseidée.Iln’avaitpas lechoix: ildevaitdevenir l’hommeidéaldeNadia.Unhommequin’avaitpaspeurdeprendredesrisques,des’engager.Unhommequiavaitlecœursurlamain.

Trèsbien.Ilallaitprendredesrisques.Ilallaitmettresatêtesurlebillot.Une demi-heure plus tard, il frappait à sa porte. Il n’était pas trop tard, se répéta-t-il. La

connaissant,elleétaitencoredebout.Unejeunefemmevintluiouvrir,maispascellequ’ilespérait—ils’agissaitdesacolocataire.—Megan,sijemesouviensbien,c’estça?Sil’intéresséefutsurprisedelevoir,ellen’enmontrarien.Elleacquiesçasanssedonnerlapeine

desourire.—Ellen’estpaslà,annonça-t-elleavantmêmequ’ilpuisserouvrirlabouche.Ethansentitsonestomacplonger.Unaffreuxpressentiment,celuid’arrivertroptard,luicoupales

jambes.—Oùest-elle?—Elleestpartievousvoir.Ouf.Ethanseredressa,safaiblessepassagèresedissipantdéjà.—Chezmoi?C’est tout justes’il lavitacquiescer—déjà, ilcouraitdans la ruepour rattraperson taxiau feu

rouge.Unefoismontéàbord,ilordonnaauchauffeurd’écraserl’accélérateuretdeleramenerchezlui.IltrouvaNadiaquiarpentaitlapetitealléemenantàsaporte,l’airindécis.Ilignoraitsielleavait

déjàtoquéounon,maiselleparaissaitsurlepointdedétaler.Ils’avançadoncverselle,luipritlamainetl’entraîna,seservantsansvergognedesasupérioritéphysique.Ils’aperçutaussitôtquecen’étaitpasnécessaire—ellelesuivaitdocilementetledevançamêmesurlesderniersmètres.

Il ne parla qu’une fois à l’intérieur, quand il fut certain qu’elle n’allait pas décamper.Elle avaitmauvaisemineetuneboufféedepaniqueétranglaEthan.

—Tuvasbien?—Jesuisdésoléedetedéranger,dit-elled’untond’automate.Tuasuneminute?—Qu’est-cequisepasse?Ilvoulaitsavoir.Maintenant.Carellen’étaitpasvenuepourrenoueraveclui,c’étaitévident.Elle

étaitpâleettremblante,àcroirequelecielvenaitdeluitombersurlatête.

Ellesemordillalalèvre,hésitante,puisannonça:—J’aifaitdesrecherches.Desrecherchesquej’auraisdûentreprendrebienplustôt.Elle s’interrompitpour laisserune larmesolitaire rouler le longdesa joue.L’inquiétuded’Ethan

montad’uncran.—Maisquellesrecherches?Illuttaitdetoutessesforcespourgardersesdistancesetnepaslaprendredanssesbras.Cettefois,

ildevaitl’écouter.Etquandsontourviendrait,làseulement,parler.—J’aienvoyéune-mailauxfemmesquiontlancélesujet«TroisRencardsetBye-Bye».Ilsefigeaetbaissa lesyeuxpourfixerunpointausol, le tempsd’enregistrer l’information.Ilne

s’étaitpasattenduàça.Maisalorspasdutout.—C’étaitlesoiroùjepensaisquetum’avaisplantée,ajouta-t-elleenhâte.J’étaisencolèrecontre

toi.—Etellesontrépondu?demanda-t-ilavecuncalmequ’ilétaitloinderessentir.LavoixdeNadiasebrisa.—Ellearépondu.Iln’yenavaitqu’une.Depuisledébut.Touslesmessagesontétérédigésparune

seuleetmêmepersonne.J’aivérifié,çacolle.Ethann’arrivaittoujourspasàlaregarder.Lavoirsouffriràcepointétaitau-dessusdesesforces.

S’ilposait lesyeux sur elle, il nepourrait pas résister à l’enviede laprendredans sesbras.Et il nevoulaitpastoutgâcher.

—Bref,jesuisvenuetedirequetuavaisraison.Elleavaitparléd’unevoixsibassequ’ill’entenditàpeine.Ilsefourralesmainsdanslespoches,

émuparladétressequiémanaitd’elle.— Combien d’autres menteuses y a-t-il sur mon site ? Combien de faussaires qui lancent des

accusationsinfondées?Ellen’attendaitapparemmentpasderéponsecarelleenchaînaaussitôt:—J’yaicru.J’yaivraimentcru.—Jesais.—Jesuisnavrée,Ethan.J’aidéjàsupprimélesujet.Etjevaisfermermonsite.Ilfautjustequej’en

préviennelesmembres.Ceuxquiexistent,entoutcas.Elleétaitbrisée.Unesemaineplustôt,ilauraitsautéenl’air,danséetcriévictoire.Jamaisiln’avaiteumoinsenviededanserqu’encetinstant.—Jeneveuxpasquetufermestonsite.Nadiaétaitunevéritableidéaliste,toujoursprêteàfaireconfiance—saufàunhommecommelui,

bien sûr. Elle croyait pouvoir rendre lemondemeilleur. A sa grande surprise, Ethan avait découvertqu’elleenétaitcapable.Maissonidéalismeétaitaussiunefaiblesse,encequ’illarendaitvulnérable.

—Nefermepastonsite,répéta-t-il.—Jen’aipaslechoix.Cetincidentestrévélateur.1FemmeAvertienevautrien.—Détrompe-toi.Jenetelaisseraipastoutgâcherpoursipeu.Rappelle-toiquej’ailucertainsdes

e-mailsque tureçois.Et jesuissûrque tesdossiersensontpleins.Tuaidesbeaucoupdefemmes.Cen’estpasparcequ’unetaréeaabusédusystèmequetudoispunirtouteslesautresenfermanttonsite.Delamêmemanièrequetunedevraispasteméfierdeshommessousprétextequ’unimbécilet’afaitsouffrirautrefois.

—Maislapremièrevictimedecettetarée,c’esttoi.Ellet’acalomnié.—Etc’estpire?demanda-t-ild’unevoixaussidoucequelasienne.—Oui.

Lecœurd’Ethancognaitfollement,sesyeuxpiquaientcommes’ilavaitdesgrainsdesablesouslespaupières.Ilserralespoingsdanssespoches,déterminéàs’exprimerautrementqueparlegeste.

—Nadia,toutcequiaétéditsurtonsiteàmonsujetétaitvrai.—Non.— Si, insista-t-il. Et je crois que c’est ce quim’amis à ce point en colère quand je l’ai lu la

premièrefois.Vasavoirsijesuisvraimentsortiaveccettefille.Peuimporte.Lefaitestqu’ellearaison.Jesuis…J’étaissuperficiel.Etarrogant.

Ils’interrompit,letempsdelâcherunrireameretdereprendresonsouffle.—Tuavaisraison,toiaussi.Jemesuiscontentépendantlongtempsd’unevietranquille,d’oùtout

risque était absent. Je fuyais les relations parce que je ne voulais pas y mettre l’énergie qu’ellesrequièrent.J’avaispeurdefinircommemonpère,denégligerlesfemmesàforcedetroptravailler,oudememontrerinfidèle.Jemesuisditquej’étaisquelqu’undebiensousprétextequejen’étaisjamaissortiavecdeuxfemmesenmêmetemps,quejen’avaisjamaisunmotplushautquel’autre.Aufond,jen’étaispas si différent demon père… Je profitais des femmes autant que lui, juste d’une autre façon. Jemeservaisd’ellestoutenmerépétantquejenefaisaisdemalàpersonne.

Ilhésita,faillitredresserlatêtemaisseravisa.Ilnepouvaitpaslaregarder—pasmaintenant.Ilnesupporteraitpasleméprisqu’illiraitàcoupsûrdanssonregard.

—Tuveuxsavoirlepire,Nadia?Tuveuxsavoirpourquoijerefusaisdesortirplusdetroisfoisavec lamême femme?Parceque jenevoulaispas souffrir.Tu sais,monpèreestparti et…et jemedemandetoujourspourquoi.Pourquoiilnevoulaitplusdenous.Pourquoijen’aijamaispuméritersonaffection, ou simplement retenir son attention. Je ne suis plus un gamin, je sais que ce n’est pas aussisimple que ça. Mais c’est ce que je ressentais, profondément. J’avais peur d’être abandonné. Je nevoulaisplusjamaisressentircela.Jenevoulaispasdonnercepouvoiràquelqu’und’autre.Puisjet’airencontréeettoutachangé.Tum’asfaitdésirercedontjem’étaisméfiétoutemavie.

Nadiafitunpasverslui,émue.Ellemouraitd’enviedeletouchermaisilavaitlesyeuxrivésausoletlesépaulesvoûtées,enuneattitudedereplipresqueintimidante.

—Ethan…—N’approchepas.Si je te touchemaintenant, jene tedirai jamaisceque j’aià tedire. Je suis

désolé,je…—Tun’espascommetonpère,coupaNadia.Tuesunfils,unfrère,unonclemerveilleux.Tues

loyal, honnête. On peut compter sur toi. Tu sais comment redonner le sourire aux gens et soigner lespetitesblessuresde lavie.Tues lesoleilde tafamille,Ethan,etcen’estpasrien.C’estmoiquisuisdésolée.Jen’auraispasdût’accuserd’êtresuperficiel.Jen’enpensaispasunmot.

Ethancontinuaderegarderparterre,lecœurlourd.—Jen’aijamaisressenticequej’éprouvepourtoi,murmura-t-il.Pourpersonne.Etjeneparlepas

desexe.Nadiasefigea.Avait-ellebienentendu?Unpicotementfamilierlaparcourutetluidonnalachairde

poule.Trèslentement,Ethanredressalatête.SesbicepsgonflèrentdanssonT-shirt,commes’ilbandaittoussesmusclesenprévisiond’uneffort.

—Jet’admire,Nadia.Tutedonnestoutentièreàcequetuentreprends.Biensûr,ilt’arrivedefaireune erreur de temps à autre, et alors ? Tu déplaces desmontagnes. Je veux être comme toi. Je veuxpartagercetteénergie.

Soudain,ilsortitlesmainsdesespochesetavançaverselle.—Maisj’aiparfoisl’impressionquetun’asbesoindepersonne,ajouta-t-ildansunsouffle.Quetu

esdéterminéeàavancertouteseuledanslavie.

Nadialefixasansciller,médusée.Etait-cevraimentcequ’ils’imaginait?— Tu as besoin de quelqu’un, reprit-il avant qu’elle puisse protester. Demoi. Pour t’aimer. Je

t’aime,Nadia.Cettefois,ellen’essayapasderetenirseslarmes.Maisellesecoualatête.—Non.Ellesavaitquec’étaitimpossible.Ilnepouvaitpasl’aimer.Ethans’assombritet lapritpar lesépaulespourlasecouer légèrement,commes’ilessayaitdela

réveiller.—Jet’enprie.Croisenmoi.Entoi.Ennous.Jesaisquetuenescapable,quetuenaslecourage.

Fais-moiconfiance.—Maisjemesuismontréehorribleenverstoi.Injuste.Commentpourrais-tuéprouverquoiquece

soitpourmoi?Ledésespoir, sur levisaged’Ethan,parut s’adoucir.Lamorsurede sesdoigts sur lesépaulesde

Nadiaaussi.—C’estvrai,ilyapeut-êtreeudeuxoutroisoccasionsoùj’aieuenviedet’arracherlesyeux,mais

çanechangerienaufaitquejet’aimeetquejet’aimeraitoujours.Nadia était incapable de parler— des émotions grosses comme unemontagne lui bloquaient la

respiration. Elle n’arrivait pas non plus à réfléchir. Elle ne pouvait que se laisser envahir par unemerveilleusesensationdechaleur.

—1FemmeAvertie estun site indispensable. Il te suffit justede lemodérerde façonunpeuplusstricte.Au lieude le supprimer,améliore-le.Et laisse-moi t’yaider.Pasparceque jepenseque tuesincapabledelefaireseule,maisparcequej’enaienvie.Jeveuxêtrelààtescôtés.Tesoutenir.

Nadiasourit.L’étauquiluiserraitlagorgeserelâchadoucement.—Tuveuxt’impliquerdans1FemmeAvertie?Toi?—Oui.Parcequejesaisl’importancequecesiteapourtoi.Etj’aiquelquesidées.Peuimportece

que ces femmes pensent demoi. Tout ce qui compte, c’est ce que toi tu penses, acheva-t-il d’un tonpresquehésitant.

Nadia eut l’impression qu’un arc-en-ciel s’épanouissait en elle, emplissait sa vie de lumière, decouleurs—et,oui,decourage.Lecourage,enfin,desebattrepourceenquoiellecroyait.

—Ethan,tusaistrèsbiencequejepensedetoi.Tuesmonsoleil,l’airquejerespire.Tuestoutpourmoi.Jet’aime.

Ilsourit,maisuneexpressiond’angoissebrûlaittoujoursdanssesyeux.—Vraiment?—Jenevoispaspourquoituastantdemalàlecroire.Ellefitcourirsesdoigtssursontorseetajoutadansunsouffle:—Maisjesuisdisposéeàteleprouver.Aussitôt,lamaind’Ethancouvritlasienneetl’arrêtadanssonmouvement.—Jeneveuxpasquetut’imaginesquenotrerelationreposesurlesexe.Jeveuxdire,jen’aijamais

prisautantdeplaisiravecunefemme,c’estvrai,maisilyabiendavantageque…Nadiaposaundoigtsurseslèvrespourlefairetaire.—Jelesais.Fais-moil’amour,Ethan.Montre-moitachambre.—Jecroyaisque…Quetunevoulaispas…Sachambre.Oui,elleserappelait,àprésent.Elleavaitrefusétoutnetd’ymonterladernièrefois

qu’elleétaitvenue.

—Ces femmes appartiennent à ton passé, répondit-elle. Même si ça ne me fait pas plaisir, jel’accepte.Delamêmefaçonquetuasfaitlapaixavec1FemmeAvertie.

—Contrairementà ceque tucrois, iln’yapas tantd’encochesqueça surma têtede lit.Tumeprêtesuntableaudechasseplusimpressionnantqu’ilnel’est.

Leregardd’Ethansemitàbriller,malicieux,commeilajoutait:—Etpuisj’aiachetéunnouveaulitlasemainedernière.—Jevois.Unefaçonpourtoidetournerlapage?—Exactement.—Jeseraidonclapremièrefemmedanscelit?—Etladernière.Lorsque Ethan la souleva, elle noua aussitôt ses jambes autour de sa taille. Ils s’embrassèrent

fébrilement,sedéshabillèrentavecpassion.Maisquandilss’allongèrentenfinsursonmatelas,d’instinct,ils ralentirent l’allure. Ils firent l’amour d’une façon toute simple, face à face, dans les bras l’un del’autre.A l’apogée de leur étreinte,Nadia serra les jambes autour de lui pour l’emprisonner en elle.L’espaced’uninstant,ilsnefurentplusqu’unseulêtre.

—Jet’aime,répéta-t-il.Elleluirépondit,encoreetencore,jusqu’àêtreemportéeparunplaisirinouï.Enfin,elleposalatête

sursontorse,épuiséeetheureuse.—Etsitum’invitaisàsortir?suggéra-t-elletoutàcoup.Nouspourrionsallerdanser.—Jen’aipas l’intentionde« sortir»avec toi, si tuentendspar làun rendez-vousgalant.Nous

avonsdépassécestade.Noussommesencouple.—V…Vraiment?—Tueslafemmedemavie,Nadia.Jeferaitoutpourteleprouver.Jesuisprêtàm’engager.Elleplaquasamainsursabouchepourétoufferungloussementd’incrédulité—etd’excitation.Car

ellenedoutaitplusdesasincérité.Ethanluiagrippalepoignetpourdécouvrirseslèvresetembrassersonsourire.—Dès l’instant où nous nous sommes rencontrés, nous avons su que nous finirions au lit, dit-il

d’unevoixrauque.Cequenousnesavionspas,c’estquenousresterionsensemblejusqu’àlafindenosjours.

—Aulit?Ethanlevalesyeuxauciel.—Etc’estmoiquetuaccusesdenepenserqu’àça?Mais il lui saisit leshanchesàpleinesmainspour l’attirercontre luiet luimontrerque,oui, ily

pensaitdéjàdenouveau…Nadia referma ses bras autour de son cou et le serra de toutes ses forces, presque étourdie de

bonheur.Lajoiel’envahissait,menaçaitdedéborder.Parsesactionsetparsesparoles,Ethanluidonnaitlaconfianceetl’optimismedontelleavaittoujoursmanqué.Ellecomprenaitseulementmaintenantqu’ilavait toujours été là pour elle. Dès leur rencontre, il l’avait provoquée et encouragée, attaquée etconsolée, il l’avaitfaitpleureret il l’avaitfaitrire.Ilavaitétéàsescôtés,àchaqueinstant.Aveclui,Nadiasesentaitcapabledeconquérirlemonde.

Ilétaitsien,etelleétaitsienne.—Jenetedécevraipas,murmura-t-ilaumêmemoment,posantsurelleunregardfervent.Emue,elleencadrasonvisagedesdeuxmains.— Je sais.Moi non plus, je ne te décevrai pas. Et, quoi que nous réserve l’avenir, nous allons

profiterdelavie.

Ilsourit,plusséduisantetcharmeurquejamais.—Quoiquenousréservel’avenir,nousseronsdeuxpourl’accueillir.

Sujet:1HommeEt1Femme!Je suis Nadia Keenan, anciennement MissCynique sur 1FemmeAvertie. Je sais que vousétiez toutes impatientes de découvrir le nouveau lookde notre site, je suis donc ravie devousledévoileraujourd’hui.Mais,d’abord,jesupposequevousavezremarquénotrechangementdenom?J’aiabandonnél’ancienenmêmetempsquemonpseudonyme.Jenesuispluscynique.L’ai-je jamais été, d’ailleurs ? C’était juste une façon de me protéger, je l’ai compris cesdernièressemaines.D’ailleurs,j’aiencorebeaucoupàapprendre,etjesuissûrequejenesuispaslaseule.Alorspourquoinepaslefaireensemble?Bienvenuedoncsur1HommeEt1Femme.J’espèrequelenouveauformatvousplaît,jepensequel’interfaceesttrèsréussieetquevousretrouverezfacilementvosrepères.Nousyavonsincorporénombredevossuggestionsauxquellesnousavonsajoutéquelquesidéesdenotrecru.Leformulaired’inscriptionestjusteunpeuplusdétailléqu’avant,maisjepensequeçavautlapeined’yconsacrercinqsecondesdeplus.Etrappelez-vousquevotrevieprivéeestau cœur de nos préoccupations— nous ne vendrons ou partagerons jamais vos donnéespersonnelles.Parmi les innovations, notre page Boutique. Vous pourrez y acheter nos T-shirts, vous ytrouverez également une petite alarme très facilement dissimulable dans un sac à main,ainsiquepleind’autresgadgetsutiles—oujustefun!Nousvousoffronsaussiunenouvellesectionoùpostervosidées,conseilsderestaurantsoudestinations romantiques, et une section où partager vos plus grandes réussites. Vouspouvezd’oresetdéjàydécouvriruneréjouissantehistoired’amour.Vousenavezpeut-êtredéjàentenduparler—toutavaitcommencéparuneguerreentreblogs…LOL!Chercher l’âmesœurpeutêtreuneexpériencemerveilleuse…oudouloureuse.Parfois, leschoses ne tournent pas comme nous l’espérons. Alors écoutons, partageons, et allons del’avant.Apprenonsdenoserreurspournepaslesreproduire.Notresiteestlàpourça.Atoutescellesquil’ontréclamé—M.«3Rencards»aacceptédepublierrégulièrementunbilletd’humeurafindenousdonnerlepointdevueducôtéobscurdelaForce!Jesaisquesesopinionssontdevenuespopulairesauprèsdenoslectrices.Et,puisquevousvouleztoutsavoir,luietmoiensommesànotre128erendez-vous.Ehoui,trois mois déjà se sont écoulés depuis notre désastreuse soirée au cinéma. Ethan insistemême pour dire que nous sommes un couple. Pour le prouver, il m’a offert un énormediamant!Jeluirépondsquenousnouscontentonsdenousvoirsansnouspréoccuperdulendemain,parce que comment pourrais-je diriger un site consacré à la séduction et aux rencontresamoureusessij’étaiscasée?Bon,jel’avouepourcalmersesangoisses,j’aibienl’intentiondelevoirtouslesmatinsenmeréveillantjusqu’àlafindemesjours…Lamorale de l’histoire ? La fille la plus échaudée et le play-boy le plus éhonté peuventtrouver lebonheuretchangerdutoutautout. Il faut juste tombersur labonnepersonne.Maiselleexiste.Elleestlà,quelquepart.Ellevousattend.Maiscettepersonne,vous risquezde la rencontreraumomentoùvousvousyattendez le

moins.Alorssortez,dansez,prenezlavieàbras-le-corps—toutenexerçantunminimumdeprudence,biensûr.Laissezledestinvousguider.Et,danslesmomentsdifficiles,rappelez-vousquenoussommestouteslàpournousentraider,nousécouter,pourrireetpourpleurerensemble.Messieurs,nousvoilà!Affectueusement,Nadia.

TITREORIGINAL:DATINGANDOTHERDANGERS

Traductionfrançaise:JEAN-BAPTISTEANDRE

&H®estunemarquedéposéeparHarlequin

Levisueldecouvertureestreproduitavecl’autorisationde:

Homme:©4x6/GETTYIMAGES/ROYALTYFREE

Femme:©DIGITALVISION/GETTYIMAGES/ROYALTYFREE

Homme:©GEBER86/GETTYIMAGES/ROYALTYFREE

Réalisationgraphiquecouverture:NINETEENGROUPE

Tousdroitsréservés.

©2011,NatalieAnderson.

©2015,Harlequin.

ISBN978-2-2803-3796-0

Tousdroitsréservés,ycomprisledroitdereproductiondetoutoupartiedel’ouvrage,sousquelqueformequecesoit.Celivreestpubliéavecl’autorisationdeHARLEQUINBOOKSS.A.Cetteœuvreestuneœuvredefiction.Lesnomspropres,lespersonnages,leslieux,lesintrigues,sontsoitlefruitdel’imaginationde l’auteur, soit utilisés dans le cadre d’une œuvre de fiction. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, des entreprises, desévénementsoudeslieux,seraitunepurecoïncidence.HARLEQUIN,ainsiqueHetlelogoenformedelosange,appartiennentàHarlequinEnterprisesLimitedouàsesfiliales,etsontutiliséspard’autressouslicence.

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