1

Click here to load reader

AU PIED DU MUR SANS PORTE - LAZARE (article Libération)

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Article Libération AU PIED DU MUR SANS PORTE

Citation preview

Page 1: AU PIED DU MUR SANS PORTE - LAZARE (article Libération)

THÉÂTREABagnolet, l’auteur etmetteur en scène Lazare propose«Aupieddumur sans porte», vision onirique de la banlieue dont on ressort bluffé.

La cité sans cécitéAUPIEDDUMURSANSPORTE deLAZAREms.de l’auteur. Théâtre de l’Echangeur,59, av. du Général-de-Gaulle,Bagnolet (93). M° Gallieni.20h30, jusqu’au 22 janvier.Rens.: 01 43 62 71 20.

D e Lazare, auteur-metteur en scène, onsait qu’il a vu le jouren 1975 à Fontenay-

aux-Roses (c’est indiqué en uneligne à la fin de sa pièce publiéeaux éditions Voix navigables) etqu’il est passé par l’école duThéâtre national de Bretagne.Le programme mentionne aussiqu’il a déjà écrit et mis en scènedeux pièces en 1999-2000, plusune troisième, Passé-je ne saisoù, qui revient, créée en fé-vrier 2009. Sur la «résurrec-tion» qui a pu l’amener à choi-sir son pseudonyme, on n’ensaura pas plus et cela n’a pasd’importance.Refondateur. D’une certainemanière, les spectateurs qui re-partent de l’Echangeur de Ba-

gnolet à l’issue de la représen-tation sont aussi des Lazare. Aupied du mur sans porte est unspectacle refondateur, dont onsort avec la sensation d’avoirentendu et vu quelque chosequi ne ressemble à rien de fa-milier. Non que la trame soitétrangère : il est question del’itinéraire de Libellule, ungosse de banlieue élevé par samère. Educateurs, dealers ouflics, tous les personnages d’unthéâtre de la cité (Lazare a écritsa pièce après être retournédans un quartier de Bagneuxqu’il connaissait bien) sont là.Sauf qu’aucun cliché n’est aurendez-vous: pas une trace deparler caillera, nulle pulsionhip-hop, rap ou slam, ni l’om-bre d’un discours militant, labanlieue de Lazare est une réin-vention qui n’emprunte àaucun folklore. C’est vrai dansla langue, où les dialogues,même quand ils ont un fond deréalisme (la mère oublie sou-vent la première voyelle et dit«il est tourdi» au lieu d’étourdi

et «scabeau» à la place d’esca-beau), s’évadent toujoursailleurs. Un art de la divaga-tion,ou de la distorsion, que lesindications scéniques résumentbien. Ainsi cette «description»de salle de classe : «Les tables,investies d’immatérialité, setransforment en petites tombes,les rangs en carrefours avec fleursdu paradis à demi fanées modi-fient totalement l’effet vivant dulieu. Eloignée, l’aiguille de l’hor-loge se bloque dans une sorted’agitation. Ignoré des autres,Libellule voit la classe comme uncimetière au clair de lune. Les pa-roles des enseignants sont pro-noncées comme la dictée scolaire,leurs voix résonnent dans un échoprofond.»Cette «modification de l’effet vi-vant» est sensible sur le pla-teau. Lazare joue de la profon-deur scénique et de lajuxtaposition d’éléments dispa-rates – cube en verre, toilespeintes naïves, panneaux detaille variables, tables basses–aux usages fluctuants. Il règne

une forme de folie douce, quitourne à l’occasion au loufoque,quand un acteur se déguise enjambon géant. Une fantaisie quipasse par la capacité des huitcomédiens à refuser le passageen force.Suicidés. La violence est làpourtant, assourdie et jamaisanecdotique. Le déploiement defantaisie habille un doute exis-tentiel que relaie le personnagedu double, «jumeau mort avantd’être né» et qu’alimente la lita-nie des suicidés –noyé dans laSeine au cours d’une poursuite,surdose de cachets, mère que lapetite sœur a surprise en équi-libre sur le balcon criant «Fautdébarrasser ma race !»Le dernier mot revenant à Li-bellule, l’enfant bigleux devenudealer avant de prendre la fuite,qui cite Hamlet et les TroisSœurs, sans même qu’on le re-marque: «Qui voudrait supporterce que nous supportons/ Partirpartir partir une bonne fois pourtoutes».

RENÉ SOLIS

FAITSD’HIVER,DANSESD’AUTEURSJusqu’au 11 février.Rens.: www.faitsdhiver.com.Ce soir à 20h30, L’homme qui plongede Samuel Mathieu à l’Etoile du Nord.

A fin de continuer à défendre ladanse de création, en accompa-gnant ses acteurs et en la diffu-

sant, des structures parisiennes sont àl’initiative de temps forts ou de festi-vals, auxquels elles collaborent.Ainsi le festival Faits d’hiver, dansesd’auteurs, conçu par ChristopheMartin, responsable du projet parisienMicadanses et de l’Association pour ledéveloppement de la danse à Paris(ADDP), qui réunit sept structures, dontle WIP Villette, dernier partenaire endate. Cela ne résout pas la question dela capitale, moins axée sur la créationque sur la diffusion, la plupart des outils(centres chorégraphiques nationaux oucentres de développement) se situant enprovince. Mais la profession semble dé-terminée et relativement soudée poursoutenir plus que jamais les projets quin’aboutissent pas toujours ou ont unedurée de vie dérisoirement courte (uneà trois dates est monnaie courante). Ily a donc urgence.Dans ce cadre, l’invitation de la choré-graphe Perrine Valli, qui œuvre enFrance comme en Suisse, trouve sa ré-sonance. En fin de semaine dernière,elle est revenue naturellement àMains-d’œuvres, à Saint-Ouen, unedes structures associées à Faits d’hiveroù elle a été en résidence pendant troisans. Sa création, Myouto, est un trio surle couple. Composée de mini-tableaux,elle expose le processus de création endonnant à voir le mouvement commeune matière brute, dénuée de son enve-loppe théâtrale. Cela n’a rien d’austère,mais plutôt sensuel, nonobostant le ca-dre noir. Pour l’instant, faute d’être an-noncée ailleurs, Perrine Valli devra secontenter de ses deux représentationsdu début de Faits d’hiver.On notera également dans ce festival dedécouvertes, la double présence de Pas-cal Quignard. Il a écrit Medea pour etavec la chorégraphe japonaise CarlottaIkeda, héritière féminine du mouve-ment butô. Au centre du dispositif de cenouveau spectacle, l’image du volcanqui ramène à la première pièce de lacréatrice de Mesu Kasan («Volcan fémi-nin»). Samuel Mathieu, lui, s’inspire deBoutès, un livre du même auteur, pourprésenter ce soir un solo, L’homme quiplonge, une déambulation guidée par lechant des sirènes, «errance laissée àl’imaginaire», selon le chorégraphe.

MARIE-CHRISTINE VERNAY

DANSEAxé sur lacréation, le festivalréunit sept structuresparisiennes.

Faitsd’hiverfait dates

Un art de la divagation,ou de la distorsion, parmi des éléments disparates aux usages fluctuants. PHOTO HÉLÈNE BOZZI

LIBÉRATION JEUDI 20 JANVIER 201126 •

CULTURE