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AU SEUIL DE LA FORÊT HOMMAGE À PHILIPPE DESCOLA LANTHROPOLOGUE DE LA NATURE sous la direction de Geremia COMEI, Pierre LE ROUX, Tiziana MANICONE, Nastassja MARTIN

AU SEUIL DE LA FORÊT · 2019-12-30 · au monde dans lequel les contingences historiques nous ont fait naître. Cette distance qui se creuse peu à peu entre nous-mêmes et notre

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AU SEUIL DE LA FORÊThOmmAgE à phILIppE DEScOLAL’AnThROpOLOgUE DE LA nATURE

sous la direction de

Geremia COMETTI, Pierre LE ROUX,Tiziana MANICONE, Nastassja MARTIN

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Ouvrage publié avec le concours de l’Institut d’ethnologie et de la Faculté des sciences sociales de l’université de Strasbourg, du laboratoire SAGE (UMR 7363 CNRS & université de Strasbourg), du laboratoire DynamE (UMR 7367 CNRS & université de Strasbourg), du Laboratoire d’anthropologie sociale (Collège de France, de l’École des hautes études en sciences sociales, du Centre national de la recherche scientifique, l’université Paris-Sciences-Lettres), de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et du GRED (UMR IRD & université Paul Valéry-Montpellier iii), de l’école universitaire de recherche Translitteræ (programme Investissements d’avenir ANR-10IDEX-0001-02 PSL et ANR-17-EURE-0025).

© Tautem - [email protected] graphique : aliceredou.comMirebeau-sur-Bèze (21310)Dépôt légal  : novembre 2019Numéro ISBN  : 979-10-97230-27-2

Illustration de couverture : Anaïs Pitalier, Au seuil de la forêt.

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AvAnt-propospar

Geremia COMETTI, Pierre LE ROUX,Tiziana MANICONE, Nastassja MARTIN

Ce livre, offert par un collectif d’humains et de non-humains amicaux, n’aurait jamais vu le jour sans l’appui et l’enthousiasme d’Anne-Christine Taylor qui nous a accompagnés dans ce passionnant projet. C’est à elle que vont nos premiers remerciements.

Nous remercions chaleureusement tous les contributeurs du présent livre qui ont accepté de participer à cet hommage, avec une mention

Anne-Christine Taylor et Philippe Descola dans leur jardin (photo Eliza Levy, 2018)

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spéciale pour les artistes : Eliza Levy, Alessandro Pignocchi, Anaïs Pitalier et Philippe Ricordel, qui ont souhaité y contribuer à leur façon, apportant couleurs et émotions à l’ensemble d’une façon très originale. Nos pensées émues vont à Michel Serres qui nous a quittés dans la nuit du 1er au 2 juin 2019, sans avoir pu voir ce livre publié alors qu’il fut l’un des tout premiers contactés à répondre à notre appel, avec la simplicité et la grande gentillesse qui caractérisaient ce grand philosophe.

Nos remerciements vont tout particulièrement à Bernard Sellato qui a bien voulu se charger de la relecture des articles écrits en anglais, avec la collaboration de Jean-Yves Bart traducteur à la Maison interuniversitaire des sciences de l’Homme en Alsace (MISHA, Strasbourg). Merci également à notre éditeur, Romain Pigeaud (avec la collaboration de Florian Berrouet et d’Alice Redou), qui a cru dès le premier jour à ce défi : la coordination de soixante-douze contributions dans un délai très court.

Nous remercions encore Marc Rochette, ancien directeur des collections d’ethnologie de la Bibliothèque nationale de France, et Jean-Daniel Boyer, doyen de la Faculté des sciences sociales de l’université de Strasbourg, pour leurs encouragements et leur aide dans l’organisation de la cérémonie de remise à Philippe Descola de cet ouvrage, bouquet interdisciplinaire offert au maître par ses amis, collègues et élèves, les 7 et 8 novembre 2019 à Strasbourg. À cet égard, notre reconnaissance va à Roland Ries, maire de Strasbourg, Michel Deneken, président de l’université de Strasbourg, Jean-Baptiste Gernet, adjoint au maire de Strasbourg chargé de la Culture, Yaël Boussidan, directrice-adjointe de Cabinet du maire de Strasbourg, et Bernard Rohfritsch, chef du service du Protocole de la ville de Strasbourg.

Enfin, nous remercions les institutions qui ont soutenu financièrement ce projet : l’université de Strasbourg, l’Institut d’ethnologie et la Faculté des sciences sociales de cette université, les laboratoires Sociétés, Acteurs et Gouvernement en Europe (SAGE, UMR 7363 CNRS & université de Strasbourg) et Dynamiques européennes (DynamE, UMR 7367 CNRS & université de Strasbourg), le Laboratoire d’anthropologie sociale (Collège de France, EHESS, CNRS, université Paris-Sciences-Lettres), l’Institut de recherche pour le développement et son unité de recherche Gouvernance, Risque, Environnement, Développement (GRED, IRD & université Paul Valéry-Montpellier III), ainsi que l’école universitaire de recherche Translitteræ (programme Investissements d’avenir ANR-10IDEX-0001-02 PSL et ANR-17-EURE-0025).

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IntroductIonPhilippe Descola : l’anthropologue de la nature

parGeremia COMETTI, Pierre LE ROUX,

Tiziana MANICONE, Nastassja MARTIN

Une lumière tamisée filtre par les lucarnes du haut plafond voûté. Vous êtes assis sur une chaise à dossier rond à droite de la porte, vous observez les quelques personnes présentes, penchées sur leurs livres dans la salle de la bibliothèque du Laboratoire d’anthropologie sociale. Le silence est dense, légèrement altéré par le son des pages qui se tournent, des doigts qui pianotent sur le clavier des ordinateurs. Vous attendez. Une porte s’ouvre, des pas feutrés s’approchent sur la moquette bleu nuit. Quelqu’un arrive, quelqu’un vient vous chercher.

Un sourire… «  Suivez-moi.  » Vous vous levez en rassemblant vos affaires et vous engouffrez dans le couloir qui mène à la petite porte blanche tout au bout. « Allez-y, il vous attend. » Vous entrez. Philippe Descola est assis sur un fauteuil de cuir noir derrière son bureau, le sourire aux lèvres. Vous prenez place face à lui sur une petite chaise en bois, salutations, présentations, puis l’inévitable et tant attendu «  Racontez moi ». Vous exposez votre désir : partir sur ce terrain, étudier cette société, approfondir cette problématique, et avoir la chance, peut-être, de le faire sous sa direction. Cela vous paraît de plus en plus brouillon et emmêlé à mesure que vous déployez ce qui vous anime, la petite tête réduite jivaro posée dans la coupelle sur la gauche du grand bureau ne vous aide pas à vous concentrer. Les yeux de l’homme assis en face de vous brillent, peut-être avez-vous éveillé son intérêt. Il prend la parole, se ressaisit délicatement de vos mots, vous pose quelques questions déstabilisantes.

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Vous êtes un funambule sur le fil, cela oscille mais vous ne vacillez pas, vous avez peur de tomber mais vous tenez le cap. Vous vous accrochez à l’assurance tranquille de la personne qui vous fait face, à ce regard où l’érudition et la longue expérience de la discipline anthropologique n’ont pas entamé une once de bienveillance.

Philippe Descola accepte de vous prendre sous sa direction. Vous le remerciez, lui serrez la main en prenant congé. Vous empruntez à nouveau le couloir, accélérant le pas, passez la porte battante sans jeter un regard en arrière. Il vous faut de l’air. Vous descendez les escaliers en courant et débouchez sur le cloître, au cœur du bâtiment. Un carré de verdure, quelques arbres, une poignée d’étudiants et de chercheurs assis lisant, méditant ou devisant sur les bancs épars, les oiseaux qui chantent. Vous cherchez une place libre, vous vous asseyez, réalisez. Votre vie vient de prendre un tournant, c’est confus, c’est effrayant, mais c’est là, c’est maintenant que ça arrive.

Cette expérience, nombre d’entre nous l’ont vécue, déclinée selon le contexte et les trajectoires personnelles de chacun. Si elle est d’abord l’expression de la relation d’un étudiant à un professeur renommé et à l’institution prestigieuse qu’il représente, elle est aussi la concrétisation de ce moment où les tâtonnements existentiels et intellectuels ayant mené jusqu’à cette célèbre bâtisse du 52 rue du Cardinal-Lemoine se précisent ; de cet instant où il devient possible de donner vie à la vocation qui pousse, souvent depuis le plus jeune âge, vers l’ethnologie et l’anthropologie. Philippe Descola lui-même témoigne dans La Composition des mondes (2014) d’une expérience similaire lorsque, il y a près de quarante ans, il est entré dans cette même bibliothèque et dans ce même bureau pour présenter son projet de thèse de doctorat à Claude Lévi-Strauss, alors directeur du Laboratoire d’anthropologie sociale, auquel il succéderait des années plus tard.

Comment et pourquoi décide-t-on un jour de devenir anthropologue  ? Peut-être en réponse à ce «  décalage  » auquel fait référence Philippe Descola (2014, p. 129), à cette étrange inadéquation au monde dans lequel les contingences historiques nous ont fait naître. Cette distance qui se creuse peu à peu entre nous-mêmes et notre propre société, chrysalide de réflexivité, est à l’origine, pour Philippe Descola comme pour nombre d’entre nous, du désir de partir voir plus loin si d’autres mondes existent.

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Philippe Descola décida en 1976 de conduire un terrain de trois années en Amazonie équatorienne sous la direction de Claude Lévi-Strauss, dans le cadre de sa thèse de troisième cycle. Il partit chez les Achuar en compagnie de son épouse, Anne-Christine Taylor, elle aussi engagée dans des recherches doctorales sur cette société. À cette époque, l’Amazonie n’avait pas le vent en poupe au sein de la communauté ethnologique. On dressait le portrait d’un territoire où vivaient des populations « sans foi ni lois ni rois » (ibid., p. 42), plongées dans un état de nature proche de celui décrit par Hobbes. Un véritable «  scandale sociologique  » (ibid., p. 45) ! Il se disait alors de ces sociétés qu’elles étaient le théâtre de guerres sanglantes  ; on comprenait mal leur incorrigible désintérêt pour toute forme de transcendance divine ou historique ; encore moins le fait que ces gens ne s’embarrassaient pas d’une conscience nationale. Pourtant, malgré les siècles de massacres et d’expropriation entraînés par la Conquête, ces « collectifs » – comme Philippe Descola, à la suite de Bruno Latour (2004), nomme ces ensembles d’humains et de non-humains pour eux inséparables – continuaient de vivre sous leurs propres normes. Comment cela était-il possible ? Quel était leur ressort ? Tel est le mystère auquel Philippe Descola s’attela dès ses tout premiers travaux de terrain. Loin de le décourager, le « brouillard anarchique » qui caractérisait l’Amazonie et le fait que rien ne «  tombait sous le sens  » ne firent qu’amplifier son envie d’y travailler (Descola, 2014, p. 45). En entamant une ethnographie minutieuse sur les relations entre les Jivaro Achuar et leur environnement, Philippe Descola se plaça à contre-courant de ce qui intéressait l’anthropologie sociale à l’époque. Cette dernière s’étant, selon lui, forgée dans l’étude des sociétés segmentaires hiérarchisées d’Afrique, d’Asie et de Polynésie, elle ne pouvait expliquer de quoi étaient faits les collectifs d’Amazonie (ibid., p. 54). Son travail allait déboucher sur des avancées théoriques importantes en anthropologie, permettant à beaucoup de chercheurs de lui emboîter le pas dans cette voie.

Philippe Descola, ancien élève de philosophie de l’École normale supérieure de Saint-Cloud, soutint sa thèse de doctorat d’ethnologie en 1983. Après avoir enseigné à l’université de Quito en Équateur, il devint attaché de recherche à la Maison des Sciences de l’Homme à Paris avant de rejoindre l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), où il fut nommé maître de conférences en 1987. Il y développa, année après année, lors de son séminaire hebdomadaire, une anthropologie comparative des rapports entre humains et non-humains  : si la modernité avait postulé

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leur distribution universelle dans deux domaines séparés, nature et culture, l’oxymore « anthropologie de la nature », intitulé du séminaire de Philippe Descola, tout en dévoilant une aporie, suggérait d’emblée une voie pour s’en échapper. En 2000, il fut élu professeur au Collège de France à la chaire « Anthropologie de la nature », succédant à Françoise Héritier (chaire « Étude comparée des sociétés africaines ») qui avait elle-même succédé en 1984 à Claude Lévi-Strauss (chaire «  Anthropologie sociale  »). Comme ses prédécesseurs Claude Lévi-Strauss et Françoise Héritier, Philippe Descola fut d’abord directeur d’études à l’EHESS, nommé en 1989, et le resta après son élection au Collège de France. Au sein de l’EHESS, il coordonna notamment un groupe de recherche sur les « raisons de la pratique : invariants, universaux, diversité ». En 2001, il prit la direction du Laboratoire d’anthropologie sociale, fondé en 1960 par Claude Lévi-Strauss. La même année, il devint membre du conseil d’administration puis président, de 2001 à 2009, du conseil scientifique de la prestigieuse Fondation Fyssen qui, depuis 1979, selon les vœux de son fondateur, s’attache à encourager les recherches relatives à la compréhension des processus cognitifs chez l’homme et l’animal, ainsi que ses fondements biologiques et culturels. Président de la Société des américanistes depuis 2002, entre autres conseils scientifiques dont il fut ou reste membre, Philippe Descola fut nommé en 2014 au Conseil stratégique de la recherche (CSR), organisme créé en 2013 et placé sous l’autorité du Premier ministre français pour proposer les grandes orientations de la stratégie nationale de recherche scientifique et participer à l’évaluation de leur mise en œuvre. Il y présida la section « Sciences sociales et humaines ».

Philippe Descola fut professeur invité dans les universités de Göteborg et d’Uppsala (Suède), de São Paulo, chaire « Lévi-Strauss », et de Rio de Janeiro, chaire « Claude Bernard » (Brésil), de Vienne (Autriche), de Chicago et Cornell (États-Unis), de l’UNAM à Mexico (Mexique), de Buenos Aires (Argentine), de Louvain, chaire « J. Leclercq », au Collège de Belgique, puis à l’Université Saint-Louis de Bruxelles (Belgique), dans les universités de Pékin « Beida » (Chine), de Montréal (Canada) et de Saint-Pétersbourg (Russie), ainsi qu’à la London School of Economics (Royaume-Uni). Il a été Fellow de la Carl Friedrich von Siemens Stiftung de Munich (Allemagne) en 2007-2008 et du King’s College de Cambridge (Royaume-Uni) en 2014-2015, puis Distinguished Visiting Professor au Peter Wall Institute of Advanced Studies de l’Université de la Colombie-Britannique à Vancouver (Canada). Il a donné en outre des conférences

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dans une cinquantaine d’universités ou académies étrangères, et il fait ou a fait partie du comité d’honneur ou de rédaction de diverses revues scientifiques dont L’Homme, Hau. Journal of ethnographic theory, Tracés, Journal de la société des américanistes.

Il reçut nombre de prix prestigieux et décorations nationales ou internationales dont la liste est donnée, avec celle de ses travaux, dans la bibliographie exhaustive mais évidemment provisoire qui suit cette introduction. Il a ainsi, pour ne citer que quelques exemples, été fait chevalier dans l’ordre des Palmes académiques en 1997, reçu en 2012 la médaille d’or du CNRS, plus haute distinction scientifique française, et le prix Cosmos international en 2014, et il a été fait commandeur dans l’ordre de la Légion d’honneur en 2016.

Son premier ouvrage, issu de sa thèse, s’intitule La Nature domestique. Publié en 1986, il représente un remarquable exercice d’ethnologie et d’anthropologie, au travers duquel l’auteur tente de mettre en lumière, chez les Achuar, des caractéristiques générales d’interaction entre une société et son milieu, en décrivant très finement les rapports techniques et symboliques qu’ils entretiennent avec leur environnement naturel.

Les Lances du crépuscule, publié chez Plon en 1993 dans la collection «  Terre humaine  » créée et dirigée par Jean Malaurie, fut le premier livre qui fit connaître Philippe Descola du grand public, en révélant ses dispositions pour l’écriture. Dans le post-scriptum du livre, « Les écritures de l’ethnologie » (1993, p. 479-482), Descola souligne – et il est l’un des rares à l’avoir fait – combien il est malheureux que les règles de l’écriture monographique de l’ethnologie classique contraignent si souvent les ethnologues à un mode d’expression standardisé des formes de description et d’analyse, souvent indigeste pour le plus grand nombre, au prétexte que ce mode d’écriture est celui reconnu par la communauté scientifique. Cela peut sembler normal pour une science qui vise à produire des généralisations à travers l’exercice de la comparaison ; néanmoins, comme l’écrit Descola :

« [...] en proscrivant toute référence à la subjectivité, l’ethnologie classique se condamne toutefois à laisser dans l’ombre ce qui fait la particularité de sa démarche au sein des autres sciences humaines, c’est-à-dire un savoir fondé sur la relation personnelle et continue d’un individu singulier avec d’autres individus singuliers, qui n’est pas pour autant dépourvu de légitimité, mais dont les profanes ignorent presque toujours dans quelles conditions il a été acquis » (1993, p. 480).

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Les règles canoniques de l’écriture en ethnologie et en anthropologie induisent, selon Descola, non seulement une limitation d’ordre épistémologique dans la production de la connaissance, mais aussi une limitation de l’audience, dès lors bornée à la seule communauté des chercheurs, «  la lassitude des éditeurs et du public aidant » face à une écriture trop souvent d’apparence absconse et par là même rebutante au plus grand nombre.

C’est en partie pour restituer son cheminement subjectif à la discipline que Philippe Descola décida de rédiger Les Lances du crépuscule, ethnographie réflexive dans laquelle la description, tant du collectif achuar que, symétriquement, du travail de l’ethnographe sur le terrain, est à l’honneur. En amont de cette écriture à la fois sobre et généreuse, il y a la reconnaissance que l’ethnologue se trouve dans une situation très particulière de production du savoir : là où les historiens mentionnent leurs archives, où les psychologues présentent leurs protocoles expérimentaux et où les sociologues décrivent leurs procédures statistiques et leurs questionnaires, les ethnologues se sentent libres d’expliquer comment, à partir de leur unique expérience, ils ont tiré un ensemble de connaissances

Fig. 1. Philippe Descola chez les Achuar (photo Anne-Christine Taylor, 1978)

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dont ils demandent aux lecteurs d’accepter la validité. Comme le dit Philippe Descola (2014, p.  123)  : «  un tel privilège devient exorbitant s’il n’est pas tempéré par le souci d’exposer les situations qui ont rendu possible l’éclosion d’un savoir si particularisé ». C’est donc en s’attachant à chaque détail de la vie quotidienne des Achuar et sans jamais s’en exclure en tant qu’ethnographe que l’auteur déploie son écriture dans Les Lances du crépuscule. On y lit ses efforts pour ne pas surimprimer sa propre pensée sur le monde qui l’accueille ; on y sent le péril qui le menace à chaque instant de se dissoudre dans l’objet de son étude ; on y comprend ce en quoi peut consister le travail quotidien de l’ethnographe ; on y voit la manière dont il compense l’opacité des longs premiers mois en consignant jour après jour dans ses carnets un maximum d’informations, très mystérieuses et assez incompréhensibles au début. Les Lances du crépuscule sont exemplaires de ce travail par lequel passe tout ethnologue au retour d’un long terrain, qui consiste à se replonger dans la matière brute et touffue de ses notes : avec le recul et le temps écoulé, elles s’agencent peu à peu en une constellation de points dans laquelle on distingue enfin une forme, que l’on tente de rendre, par l’écriture, intelligible et partageable.

La Nature domestique comme Les Lances du crépuscule permettent de mettre en lumière que ce que l’on appelle «  anthropologie  » est le plus souvent de l’ethnologie. Pourtant, comme le fait remarquer Philippe Descola, on considère aujourd’hui dans les pays anglo-saxons que le projet, partagé par les grands anthropologues du xxe siècle, consistant à mettre « en lumière des propriétés formelles de la vie sociale au moyen de la méthode comparative, est au mieux suranné, au pire impérialiste et raciste  » (Descola, 2014, p.  117). Tout un pan de l’ethnologie et de l’anthropologie mondiales contemporaines dit être revenu des tropiques, c’est-à-dire des anciens empires coloniaux et de leurs poussières, non sans une certaine hypocrisie, puisque les zones d’influence et pays sous gouvernance éclairée demeurent aujourd’hui plus que jamais une réalité. Pourtant, si l’ethnologie comme l’anthropologie sont bien filles ou parentes des anciennes épopées, découvertes et exploitations coloniales, pour une large part elles étaient également, dans le même temps et dès leurs débuts, marquées au sceau de la curiosité humaine, scientifique et intellectuelle le plus souvent imprégnée d’une forte empathie de la part de leurs acteurs sur le terrain. Ce grand retour sur l’histoire coloniale et ses implications a quelque part tué l’idée qu’il était encore possible de

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produire du savoir sur autrui. En se dissolvant dans nos sociétés, le sujet et l’objet décomposés ont emporté avec eux une bonne part de ce qu’il restait du désir de dire quelque chose de ce qui n’était pas nous-mêmes. À la source de ce renoncement, Philippe Descola voit plutôt la paresse et la pusillanimité qui se cache derrière les bons sentiments, une « justification narcissique  » (Descola, 2001, p.  4) qui, in fine, paralyse plus qu’elle ne libère.

Quoique le recueil des données de terrain auquel se livre Philippe Descola soit méthodique et rigoureux – en témoignent les mesures précises par lesquelles il démontre l’«  autocontention  harmonieuse  » (Descola, 1986, p.  403) des Achuar dans La Nature domestique par exemple –, il a toujours assumé qu’il existait des raisons profondément individuelles et parfois mystérieuses qui présidaient au choix d’un terrain particulier. Une personnalité peut «  résonner  » avec un terrain, ce qui confirme que le savoir anthropologique est toujours, avant tout, le produit d’une relation située et historicisée. L’ethnographe face au terrain est en lui-même une sorte de «  phénomène social total  » au sens de Marcel Mauss, à travers lequel se croisent, s’entrecoupent et s’expriment des cosmologies différentes et des trajets historiques singuliers  ; c’est pour cette raison précise que le savoir anthropologique n’a de valeur que s’il est, chaque fois, resitué dans cette origine. Cela dit, et c’est là l’une des beautés de sa pensée, Philippe Descola a montré, par la progression même de son travail, qu’il était possible de s’immerger dans la description minutieuse des réalités locales, des affres et bonheurs du terrain qui tourmentent et enchantent l’ethnographe, sans pour autant perdre de vue un éventuel projet anthropologique, c’est-à-dire l’ambition d’offrir des modèles de compréhension de la diversité de composition et d’habitation des mondes.

Son dernier grand ouvrage en date, décisif, tant au sein de la communauté scientifique que de la société civile, s’intitule Par-delà nature et culture. Professeur au Collège de France, Philippe Descola a profité de chaque cours donné pour déployer sa pensée et l’articuler dans la trame de ce qui devint, dès sa sortie en 2005, un ouvrage de référence qui fit définitivement bouger les lignes de l’anthropologie. Si Par-delà nature et culture représente bien la synthèse de son parcours réflexif sur la question des relations entre humains et non-humains, Philippe Descola ne part pas ici directement du terrain (comme le font généralement les

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ethnologues, et comme il l’a fait jusque-là), mais d’hypothèses quant à des dispositions de la nature humaine. Il explore comment elles sont actualisées dans des institutions très diverses, en se livrant à un exercice d’ontologie structurale d’où naîtront ses quatre ontologies : l’animisme, le naturalisme, l’analogisme et le totémisme. Philippe Descola pose d’abord l’existence d’un invariant hypothétique, un «  noyau  » depuis lequel déployer des combinaisons  : le rapport entre intériorité et physicalité. Dans Par-delà nature et culture, la comparaison devient un dispositif de vérification et le moyen d’avérer le déploiement concret des potentialités contenues dans l’invariant, et non le point de départ de l’analyse inductive qui caractérise généralement l’ethnologie. Une phrase qui fait écho à ce qu’écrivait Marcel Mauss revient régulièrement sous la plume de Philippe Descola (2005, p. 163) : « […] l’homme s’identifie aux choses et identifie les choses à lui-même en ayant à la fois le sens des différences et des ressemblances qu’il établit ». Ce sont les formules régissant ces «  processus d’identification  », divers mais non infinis, que Philippe Descola recherche  : les quatre ontologies deviennent un tableau permettant d’explorer leurs connexions. Il redéfinit par là même la mission de l’anthropologie sociale, qui s’attache dès lors à les rendre intelligibles, tout en inventant des outils analytiques moins dépendants de la conception anthropocentrique des rapports entre humains et non-humains.

Il est indéniable que de nombreux étudiants et chercheurs ayant la fibre théorique se sont saisis de Par-delà nature et culture comme d’une sorte de bible : ce programme, tout en restant fidèle au terrain et à tout ce qu’il représente pour l’anthropologue, permet de dépasser à la fois l’ethnographisme et l’anthropocentrisme constitutifs de la formation de l’anthropologie en tant que science à part entière au xixe siècle, en même temps que de l’eurocentrisme de la philosophie occidentale lorsqu’elle traitait de la question de l’ontologie. En effet le terme ontologie avait déjà acquis dans l’anthropologie contemporaine, depuis l’article d’Alfred Irving Hallowell (1960) sur l’ontologie ojibwa – définie comme une « ethno-métaphysique  » –, un usage distinct de son acception philosophique traditionnelle. Alors que l’ontologie au sens classique désignait la «  science des êtres  » telle qu’elle prend forme dans les dialogues du Sophiste de Platon, cherchant d’abord à endosser un discours général sur l’être en tant qu’être, puis à s’occuper de la classification de ces êtres, la définition beaucoup plus pragmatique qu’en a donnée Descola

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dans Par-delà nature et culture a eu pour originalité principale de se voir incarnée dans la diversité et non plus seulement dans l’unicité d’une voix philosophique occidentale. Les ontologies – puisqu’à présent elles sont multiples – peuvent être définies comme des façons diverses mais non infinies de structurer notre expérience des êtres, humains et non-humains, ou encore, pour reprendre les termes de Philippe Descola, comme des « systèmes de propriétés des existants » (2005, p. 176). Les conséquences concrètes du déploiement théorique de Par-delà nature et culture furent majeures. Quelque chose redevenait possible ; la perspective d’un monde diversifié et accueillant, tout en restant structuré et perceptible, s’ouvrait enfin à ceux qui se dirigeaient vers l’ethnologie et l’anthropologie. Grâce à ce structuralisme renouvelé, ils étaient enfin munis, pour aller sur le terrain, plus que de concepts opératoires bien ficelés, d’un outillage à tester, à éprouver au contact des réalités auxquelles ils se confronteraient. Les quatre ontologies n’ont jamais été figées ou rigides, comme certains détracteurs ont pu l’affirmer  : elles représentent des outils heuristiques d’une grande fécondité, forgés pour se donner les moyens de mieux rendre compte de la diversité des usages du monde ; elles deviennent sensibles et flexibles dès lors qu’on en fait un usage exploratoire et non dogmatique.

Depuis ses premiers travaux jusqu’à Par-delà nature et culture, l’originalité de Philippe Descola est très certainement d’avoir su exploiter le plus finement possible cette spécificité inhérente à la science anthropologique  : être la seule qui permette une si grande variété de focales et d’expositions. La nécessité d’équilibre entre la description fidèle des détails très minutieux de la vie quotidienne qu’exige l’ethnographie et les synthèse et modélisation que requièrent l’ethnologie régionale comme l’anthropologie sociale s’exprime pleinement sous sa plume.

Philippe Descola a souvent dit qu’il se sentait quelque peu comme un géographe contrarié, raison pour laquelle, sans doute, sa leçon inaugurale au Collège de France s’ouvre sur un hommage à Alexander von Humboldt. Il évoque l’arrivée du naturaliste prussien au Venezuela en 1799, sa description minutieuse et attentive des milieux amazoniens alors que l’explorateur remonte le fleuve Orénoque. Ce faisant, il regrette que von Humboldt n’ait jamais accédé à sa chaire, puisqu’il avait l’intuition marquée et pionnière que l’histoire naturelle était inséparable de l’histoire humaine de la nature. Comme Descola le fait remarquer, c’était probablement trop tôt ou trop tard, puisque le Collège de France avait déjà entériné la césure entre nature et culture : le xixe siècle ne traita en

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effet que de cela, du «  grand partage de méthodes entre sciences de la nature et sciences de la culture » (Descola, 2001, p. 2). Il faudra attendre deux siècles avant que les précieuses intuitions du naturaliste soient consacrées par l’institution, avec l’arrivée de Philippe Descola à la chaire d’anthropologie de la nature au Collège de France. Il faut dire que l’idée de nature est coriace, même pour les ethnologues menant des terrains sur lesquels, pourtant, la nature n’existe pas à proprement parler. Nombre d’entre eux continuent, inconsciemment souvent et bon gré mal gré, de voyager, d’observer et de réfléchir avec ce conditionnement dans leurs bagages.

Cette nature indélogeable que l’ethnologue emporte un peu partout avec lui, c’est ce que Philippe Descola a baptisé l’«  universalisme clandestin  », régnant sans partage sur le monde, comme une évidence désormais incontestable. Il existerait une nature homogène, universelle et régie par les lois de la matière, sur la base de laquelle les cultures pourraient, potentiellement, varier. Si aujourd’hui tout un chacun accepte relativement bien l’idée de la diversité des cultures, une grande majorité de personnes en Occident, comme les institutions qui les gouvernent, continuent de concevoir les cultures autochtones comme autant de « points de vue », de « filtres » (Descola, 2001, p. 6) nécessairement erronés puisque la « réalité naturelle », mise au jour par la vraie science, est une et indivisible. Or, non seulement cette vision du monde est relativement tardive, comme l’a montré Michel Foucault dans Les Mots et les choses (1966), mais elle est de plus loin d’être partagée par tous les collectifs, comme le montre Philippe Descola dans son travail, et comme continuent de l’expliquer les auteurs qui contribuent à ce volume.

C’est précisément là, dans cet interstice laissé vacant et inhabité, ouvert par et pour cette césure entre l’universelle nature et les relatives cultures, que ce que l’on pourrait qualifier de militantisme se manifeste chez Philippe Descola. S’il n’est plus trotskyste comme dans ses jeunes années, son engagement concret et théorique, se déployant désormais depuis l’intérieur de l’institution scientifique, constitue l’une des formes de lutte les plus vivaces et les mieux armées contre l’universalisation de la dichotomie nature/culture. Philippe Descola a toujours déploré le fait que les collectifs proposant d’autres versions du monde que celle à quoi devrait correspondre l’organisation du réel soient condamnés. Pour y faire face, il propose de se départir, au sein même de la science anthropologique, de ce voile dualiste qui a marqué la création de la

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discipline, en changeant définitivement de focale pour aborder la question des rapports entre humains et non-humains. Repeupler le monde de manière pluraliste, ce n’est pas redéfinir les êtres de la nature ou ceux de la culture : c’est repeupler l’entre-deux-mondes, où de nouvelles connexions entre les uns et les autres redeviennent, comme aux premiers temps de l’humanité, non seulement possibles mais nécessaires. Conjointement à ce changement radical de vision, et presque pour l’accompagner, Philippe Descola réaffirme la nécessité d’un regard éloigné, comme l’avait déjà recommandé Claude Lévi-Strauss, et l’impératif de la connaissance elle-même. En effet, l’attention aux centaines de monographies de ses prédécesseurs et de ses successeurs n’a peut-être pas d’effets pratiques immédiats, mais constitue pour lui des pièces de « première importance dans le projet de comprendre qui nous sommes » (Descola, 2012, p. 2). L’érudition et les savoirs spécialisés, colonne vertébrale de la recherche pour Philippe Descola, doivent donc être préservés à tout prix.

Aujourd’hui, la situation écologique dramatique dans laquelle nous sommes plongés, seul présent collectif de la planète, allant main dans la main avec le triomphe progressif du marché, ne fait qu’amplifier la préconisation de Philippe Descola (2001, p. 6) :

«  L’analyse des interactions entre les habitants du monde ne peut plus se cantonner aux seules institutions régissant la société des hommes, ce club de producteurs de normes, de signes et de richesses où les non-humains ne sont admis qu’à titre d’accessoires pittoresques pour décorer le grand théâtre dont les détenteurs du langage polissent la scène. »

Nous tous dans ce livre, chacun et chacune à sa façon, sommes partie prenante de ce mouvement de métamorphose au sein des sciences dites « sociales », préoccupés par l’idée de traduire d’autres manières de faire monde, a fortiori depuis que nous sommes tous impliqués dans l’époque instable et incertaine qui caractérise l’Anthropocène. Non, Philippe Descola, comme son ancien directeur de thèse, n’a jamais cherché à « faire école ». Pourtant si, il a fait école ! En témoigne le présent hommage.

Les contributeurs de cet ouvrage sont des étudiants que Philippe Descola a dirigés et guidés, des collègues avec lesquels il a travaillé et échangé, des chercheurs et des artistes qu’il a inspirés. Chacun à sa mesure, ils ont été marqués par leur rencontre avec Philippe Descola, en personne

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19INTRODuction des éditeurs scientifiques

ou par l’intermédiaire de ses ouvrages et travaux. Ce recueil de textes a pour objectif d’assembler toutes ces voix en une polyphonie amicale et puissante, esquissant – comme, à l’issue de ses terrains, l’ethnographe le pressent dans ses carnets élimés mais bien remplis – une constellation généreuse et inclusive qui puisse relier harmonieusement cette myriade de points lumineux singuliers. La forme que cette constellation renvoie est celle, métastable mais reconnaissable, du professeur Philippe Descola ; sol accueillant et terreau fertile propices aux futurs jeunes ethnographes et anthropologues.

Au seuil de la forêt, c’est un accès, une invite à entrer, pour trouver, se trouver aussi, découvrir en tout cas, se perdre parfois. Tout est permis à l’approche de cette ouverture entre les mondes. Rien n’est encore défini ni certain. C’est la frontière et la porte de la découverte humaine et de l’avancée scientifique, ethnographique, linguistique, géographique et botanique. C’est une image parlante pour tous ceux qui ont un jour vécu ou rêvé du « contact » avec l’Autre. De l’Europe à l’Asie du Sud-Est, de l’Asie centrale à l’Océanie, des Andes à l’Afrique, de la Terre de Feu au Grand Nord, en passant par l’Amazonie, anthropologues, archéologues, artistes peintres, conservateurs, épistémologues, économistes, écrivains, ethnographes, ethnologues, dessinateurs, documentalistes, géographes, gestionnaires, historiens, juristes, naturalistes, philosophes, photographes, poètes et sociologues joignent leur voix, leurs carnets, leurs outils, leurs appareils et leur plume à travers le temps. Ceci, en amical et respectueux hommage à un homme dont l’action et la pensée ont pu influer sur eux, sans doute ici simples porte-parole de bien d’autres, connus et inconnus.

Certains des contributeurs ont voulu simplement remémorer une anecdote à son propos, significative pour eux  ; d’autres lui ont écrit un billet tout bonnement amical  ; d’autres encore ont tenté une sorte d’exégèse portant sur tout ou partie de son œuvre  ; plusieurs ont opté pour ouvrir une discussion critique avec lui ou lui proposer une réponse portant sur un point particulier ; quelques-uns ont choisi de lui offrir le simple présent d’un joli morceau de leur propre production disciplinaire issu, soit de leurs enquêtes et recherches, soit de leurs réflexions synthétiques résultantes  ; d’aucuns ont préféré lui livrer en cadeau une création inédite, comme un dessin, une photographie ou un tableau… Mais tous ont donné le meilleur d’eux-mêmes, exprimé dans un simple petit éclat taillé issu de la pierre brute et protéiforme mais précieuse de leurs connaissances, réflexions, actions, savoirs ou savoir-faire. Qu’ils

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en soient tous ici remerciés. En raison du nombre et de la diversité des contributions du présent ouvrage, difficiles à agencer par thèmes équilibrés en volume, les éditeurs ont choisi de présenter celles-ci au plus simple, par ordre alphabétique, à l’exception de la dernière, qui illustre l’ultime « leçon » donnée par Philippe Descola au Collège de France le 27 mars 2019 dans le cadre de la chaire « Anthropologie de la nature ».

Philippe Descola a dit que Les Lances du crépuscule (2014, p.  123) représentait pour lui un monument célébrant une culture humaine, un collectif dont la découverte a bouleversé sa vie. Il dédie souvent son travail aux Achuar et à la brume montante de la Haute-Amazonie, pour avoir secoué ses évidences et interrogé ce qu’il avait jusque-là tenu pour des vérités incontestables. Qu’il nous soit permis, ici et aujourd’hui, au seuil de la forêt toujours mystérieuse et attirante et au nom d’un collectif bienveillant et reconnaissant, de dédier ce livre à Philippe Descola, à son « évidence tranquille » propre, et d’honorer cet homme qui a contribué à l’avancement de la science, et pour certains à changer leur vie.

BIBLIoGrApHIEDESCOLA, Philippe, 1986, La Nature domestique. Symbolisme et praxis dans l’écologie des Achuar, Paris, Fondation Singer-Polignac et Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 450 p.—, 1993, Les Lances du crépuscule. Relations jivaros, Haute-Amazonie, Paris, Plon (« Terre Humaine »), 506 p.—, 2001, Anthropologie de la nature. Leçon inaugurale prononcée le jeudi 29 mars 2001, Paris, Collège de France (« Leçons inaugurales du Collège de France »), 13 p. (traduction en allemand, Mittelweg 36, 22, novembre 2013, p. 4-26).—, 2005, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard (« Bibliothèque des sciences humaines »), 623 p.—, 2012, «  Apologie des sciences sociales. Discours prononcé le 19 décembre 2012 à l’occasion de la remise de la médaille d’or du CNRS », La vie des idées, Collège de France, 5 p. (texte en ligne : https://laviedesidees.fr/Apologie-des-sciences-sociales.html).—, 2014, La Composition des mondes. Entretiens avec Pierre Charbonnier, Paris, Flammarion, 378 p.

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FOUCAULT, Michel, 1966, Les Mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines, Paris, Gallimard (« Bibliothèque des sciences humaines »), 404 p.HALLOWELL, Alfred Irving, 1960, «  Ojibwa ontology, behaviour and world view  », p. 19-52 in Stanley Diamond (ed.): Culture in History. Essays in honor of Paul Radin, New York, Columbia University Press, 1014 p.LATOUR, Bruno, 2004, Politiques de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La Découverte (« Poche sciences »), (1re éd. : 1999), 392 p.TESTART, Alain, 1991, Pour les sciences sociales. Essai d’épistémologie, Paris, Christian Bourgois (« Epistémè Essais »), 174 p.

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tABLE dEs mAtIèrEsAvant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 5Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 7Travaux de Philippe Descola . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 23Olivier Allard, « Le palmier des marais.

Remarques sur les usages d’un environnement inhabitable » . . . . . . . . . . . . . . p. 52Esteban Arias, « L’angoisse des animistes.

La nature sera intentionnelle ou ne sera pas. Des personnes et des maîtres dans la cosmologie matsigenka (Amazonie péruvienne) » . . . . . . p. 65

Hélène Artaud, « La mer que cachait la forêt. Anthropologie d’une nature discrète dans l’œuvre de Philippe Descola » . . . . . p. 81

Sophie Assal, « Des archives d’ethnologues au Laboratoire d’anthropologie sociale » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 91

Noël Barbe, « Devant la figuration » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 101 Maurice Bloch, « Crayfish and participant observation » . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 117Julien Bonhomme, « L’individu et le collectif. Parcours africaniste » . . . . . . . . . . p. 123Jean-Daniel Boyer, « Nature de l’économie, économie de la nature » . . . . . . . . . . p. 135Robert Brightman, « Lynx Head’s bear: animism and wild pets

in the Algonquian Subarctic » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 147Pierre Charbonnier, « Vertiges de la symétrie.

Remarques tardives sur l’anthropologie de la nature » . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 169Bernard Charlier, « Du territoire parcouru au paysage figuré.

Se relier au pays natal quitté à travers la peinture et la photographie parmi des éleveurs nomades de Mongolie » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 177

Gilles Clément, « L’acceptation de l’autre » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 191Paul Codjia, « Structure et sentiment ?

Quelques réflexions à propos de l’affectivité dans un collectif amazonien » . . . p. 195Geremia Cometti, « Non humain, trop non humain ? » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 211

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1130 AU SEUIL DE LA FORET. HOMMAGE A PHILIPPE DESCOLA.

Hiav Yen Dam, « Par-delà la dichotomie entre anthropologie et écologie : Un maître, un pionnier, un visionnaire » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 229

Pierre Déléage, « Oniromancie sharanahua » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 243Mireille Delmas-Marty, « L’humanité n’est pas le centre de la Terre » . . . . . . . . . . p. 249Grégory Deshoullière, « C’est l’intention qui compte. Variations sur le thème

de la malignité en pays shuar (piémont amazonien de l’Équateur) » . . . . . . . . p. 257Salvatore D’Onofrio, « L’échange par le don » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 283Philippe Erikson, « L’animisme anodin d’animaux anonymes.

Humour et dérision dans quelques chants cynégétiques amazoniens » . . . . . . p. 297Carlos Fausto, « La diversité en petits intervalles.

Logique de variation en Amazonie » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 315Laurent Gabail, « Du pedigree au clone.

Les enjeux de parenté du clonage des chevaux » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 329Pierre et Françoise Grenand, « Le guerrier, le jaguar et l’anthropophage.

Variations sur trois figures wayãpi » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 345Jacques Grinevald, « De Lévi-Strauss à Descola à l’heure de l’Anthropocène » . . . p. 357Vanessa Grotti & Marc Brightman, « Comparison and difference.

Kinship, nurture and personhood in Amazonia and the Mediterranean » . . . . p. 379Jean Guilaine, « De la biologie à la culture. Retour sur une recherche pluridisciplinaire

peu connue : la RCP 323 « Anthropologie et écologie pyrénéennes » . . . . . . p. 391Philippe Hamman, « Heuristique de l’anthropologie de la nature

pour la sociologie et les humanités environnementales » . . . . . . . . . . . . . . . . p. 409Miriam F. Hartung et Márnio Texeira-Pinto, « Continuités, discontinuités et ontologie

des formes sociales. Notes comparatives sur deux cas amazoniens » . . . . . . . . p. 433Vincent Hirtzel, « Le sarcoramphe enchaîné » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 455Tim Ingold, « Confession of a semiophobe » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.471José Isla, « Antérieurs, distants et différents.

Les maîtres des lieux (ngen) chez les Mapuche » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 485Luc Jallot, « Le bruissement des pierres.

À la recherche des non-humains minéraux » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 503Frédéric Keck, « Les formes du stockage chez les chasseurs de virus » . . . . . . . . . p. 529Eduardo Kohn, « A genuine vocation: The concept-work of Philippe Descola

in times of planetary fragmentation » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 537Nicolas Lainé, « Pourquoi les peuples d’Asie n’ont-ils pas domestiqué l’éléphant ?

L’apport de l’anthropologie de la nature » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 555Bruno Latour, « Ce cheval ne tient plus dans le cadre

ou les nouveaux avatars de l’analogisme » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 573

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1131TABLE DES MATIÈRES

Frédéric Laugrand, « L’inua, des âmes-tarniit et des noms (atiit). Trilogie onto-cosmologique chez les Inuit du Canada » . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 585

Jean-Loïc Le Quellec, « Pourquoi graphier dans des grottes ? » . . . . . . . . . . . . . . p. 597Pierre Le Roux, « À la lisière de la forêt, de l’autre côté de la frontière.

Une minorité ethnique, un conservatoire culturel. Vers une loi anthropologique générale ? » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 612

Pierre Lemonnier, « Condensation rituelle et matérialité. Diversité des non-humains dans les initiations anga (Papouasie-Nouvelle-Guinée) » . . . . . . . . . . . . . . . . p. 645

Geoffrey E. R. Lloyd, « Celebrating connections. Methodological implications of crossing disciplinary boundaries » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 667

Tiziana Manicone, « Découverte et observation du paysage des humains et des non-humains » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 673

Marie Mauzé, « L’énigme de la représentation du blason de la chèvre de montagne chez les Haïda de la côte Nord-Ouest » . . . . . . . . . p. 677

Nastassja Martin, « Demain tu reviendras autre » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 691Martin Michalon, « Par-delà la protection de la nature et la “culture touristique” :

le territoire ? La nature comme levier politique dans la région du lac Inlé (Birmanie) » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 703

Bernard Moizo, « Les boomerangs de l’aurore (Australie) » . . . . . . . . . . . . . . . . p. 719Baptiste Morizot, « Les épistémologies chimériques » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 743Éric Navet, « Le mythe et l’investiture du premier chamane. Clé de voûte du mode

d’être, de penser et d’agir des peuples traditionnels ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 761Emiko Ohnuki-Tierney, « The Japanese monkey.

Shifting nature/culture boundaries » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 778Alfonso Otaegui, « Au-delà des simplicités trompeuses.

Philippe Descola et les heureuses frustrations d’un terrain au Chaco » . . . . . . p. 794Romain Pigeaud et Romain Lahaye, « Vers une ontologie des Paléolithiques ?

L’apport de Philippe Descola à l’étude de l’art paléolithique » . . . . . . . . . . . . p. 808Alessandro Pignocchi, « Cours d’histoire » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 828Sylvain Piron, « Nature et surnaturel » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 837Anaïs Pitalier, « Au seuil de la forêt. De l’ombre à la lumière » . . . . . . . . . . . . . . . p. 855Perig Pitrou, « La voie des techniques et la découverte des théories de la vie

chez les Achuar » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 859Philippe Ricordel, « Des images pour la vie. Le beau pour sauver le monde » . . . . p. 881Stéphen Rostain, « Les promesses de l’aube » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 891Marshall Sahlins, « On the political economy of the enchanted universe » . . . . . . p. 911Fernando Santos-Granero, « A chap called Philippe Descola » . . . . . . . . . . . . . . p. 953

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1132 AU SEUIL DE LA FORET. HOMMAGE A PHILIPPE DESCOLA.

Geoffroy de Saulieu, « Un fil d’Ariane dans les tourbillons, méandres et labyrinthes de la haute Amazonie précolombienne » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 959

Bernard Sellato, « Le domestique et le sauvage, les morts et les dieux : le sacrifice à Bornéo » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 965

Michel Serres, « Pour Philippe Descola : Le moindre vent qui, d’aventure fait rider la face de l’eau… » . . . . . . . . . . . . . . . p. 979

Carlo Severi, « Antigone oiseau qui gémit. Entre théâtre et action rituelle » . . . . . . . p. 982Romain Simenel, « Par-delà l’imaginaire et le réel : Pessoa chez les Achuar » . . . . p. 993Charles Stépanoff, « La quête de l’os corbin. Esquisse d’ontologie bouchère » . . . p. 1007Marilyn Strathern, « Generating plants and people » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 1019Lucienne Strivay, « Vie des formes ou formes de vie.

L’instabilité ontologique de la taxidermie » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 1029Alexandre Surrallés, « Le “séminaire” » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 1041 Florencia Tola, « Les Qom, le Français et un anent au Gran Chaco.

Exercice d’anthropologie inversée » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 1048Eduardo Viveiros de Castro, « Aucun peuple n’est une île » . . . . . . . . . . . . . . . p. 1063Cédric Yvinec, « “Cette nature-ci, est-ce qu’elle te plaît, à toi ?”

Interprétations du concept de nature dans le contexte d’un projet de reforestation en Amazonie indigène (Brésil, Rondônia) » . . . . . . . . . . . . . . p. 1081

Eliza Levy, « Une conclusion. Extraits de la leçon de clôture de l’enseignement de Philippe Descola au Collège de France » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 1091

Liste des contributeurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 1099Table des matières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 1129

Achevé d’imprimer