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AUDIT DES FINANCES LOCALES

L'heure des choix

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12 GRAND ANGLE

Auditdesfinanceslocales: l'heuredeschoix Uncontextenationaldéfavorable Unbudgetaucordeauendépitdeseffortsdesservices L'inévitabilitédesmesuresfiscales

16 EN COULISSE

Géothermie:leréseauvertueuxdelachaleurhumaine

18 SORTIR

Événement:LaFlûteenchantée,l'opéraenbasdechezsoi LaLudochouette,25ansd'éducationparlejeu CinéRegardsAfricains:l'Afriqueaucœur

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2_ PANORAMA # 162 / NOVEMBRE 2017

Sommaire

AUDIT DES FINANCES LOCALES

L'heure des choixFin 2016, la municipalité a chargé le cabinet Partenaires Finances Locales de réaliser un audit des finances de la ville. Objectif : avoir une vision claire de la situation après plusieurs années de bouleversements institutionnels et à la veille d'un plan pluriannuel d'investissements ambitieux. Le rapport a été remis peu avant le changement de municipalité et rendu public en septembre. Décryptage.

Dossier réalisé par Noa Chartois. Graphiques : Partenaires Finances Publiques.

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12_ PANORAMA # 162 / NOVEMBRE 2017

GRAND ANGLE

-31 %de dotations de l'État entre 2013 et 2016.

Une pression fiscale à

1,05 contre 1,19 de moyenne pour les villes de même importance.

-24 % d'encours de la dette entre 2013 et 2017.

C'est une présentation Power-point d'une soixantaine de pages. Le rapport d'audit sur les

finances de la ville de Fresnes, qui syn-thétise plusieurs mois de travail, est clai-rement un document plutôt austère, au caractère technique, empli d'acronymes et d'abréviations. Pas vraiment le type de volume dont on a envie de faire son livre de chevet...

Pourtant, il est riche d'enseignements sur notre ville et ses perspectives d'avenir. Organisé en deux parties, il dresse d'abord un état des lieux, avant d'examiner la prospective à l'échéance 2020. Le bilan est sans appel : pas de mauvaise gestion, mais une situation néanmoins intenable en l'état, du fait notamment de la sup-pression continue de ressources tandis que les charges continuent de progresser.

Un contexte national défavorableComme toutes les collectivités territo-riales, Fresnes souffre d'abord et avant tout de la politique de l'État en matière de redressement des finances publiques, qui passe notamment par une baisse dras-tique des dotations (cf. glossaire p. 15).

De 35 % du produit intérieur brut au dé-but des années 60, les dépenses pu-

bliques sont passées à plus de 50% à partir des années 90, du fait essentielle-ment de la progression des dépenses sociales. Cette évolution forte fait de la France le “vilain petit canard” de la zone euro.

Les politiques mises en place depuis une dizaine d'années visent donc à réduire la part de la dépense publique dans l'uti-lisation de la richesse nationale. Un gros effort est ainsi demandé aux collectivités territoriales, notamment par le biais d'une baisse cumulative des dotations et la mise en place, depuis 2014, d'une contribution au redressement des fi-nances publiques (CRFP) – sorte de taxe sur les dotations. Elles se trouvent donc doublement ponctionnées.

Dans le cas de Fresnes, cela représente une baisse de ressources de 2,4 M € en 2017 par rapport à celles de 2013, soit - 40 % de dotations, et une perte cumulée sur la période de près de 5,7 M €...

Comment cet audit a-t-il été mené ?Nous nous sommes basés sur les documents officiels de la collectivité, compte administratif et compte de gestion. Nous avons ensuite échangé avec les services et le maire. Il est à noter une volonté assez rare de transparence totale de la part de la nouvelle maire, qui nous a amenés à présenter cet audit à l'ensemble des élus et cadres administratifs.

D'autres collectivités se trouvent- elles dans des situations similaires ?Fresnes n'est clairement pas un cas isolé : toutes les collectivités sont confrontées à des problèmes nés notamment de la baisse des dotations. C'est la raison pour laquelle beaucoup de villes avaient fait le choix d'augmen-ter la fiscalité au cours des dernières années, à la différence de Fresnes.

À quelle échéance peut-on espérer voir la situation se redresser ?Il y a aujourd'hui un risque réel que le budget de la ville pour 2018 soit voté en déséquilibre, ce qui conduirait à une tutelle par le préfet et la Chambre régionale des comptes – une situation qu'il faut à tout prix éviter. Toutefois, la prise par le conseil municipal de certaines décisions, parfois difficiles, devrait permettre de sortir de la zone critique en 2018. À paramètres constants, un retour dans une zone saine pourrait se faire à moyen terme, sous deux ou trois ans. Mais le manque de visibilité sur les questions fiscales et d'intercommunalité risque malheu- reusement de mettre à mal les efforts réalisés par la collectivité. ■

CLÉMENT BOUSQUET,CONSULTANT,

CABINET “PARTENAIRES FINANCES LOCALES”

L'évolution des dotations de l'État à la commune, de 2013 à 2016. Pour 2017, les dotations avant minorations (somme attendue) s'élèvent à 5 752 k¤ et la ponction de la contribution au redressement des finances publiques (CRFP) à 345 k¤, pour une dotation forfaitaire nette de 3 801 k¤ (somme reçue).

Dotation forfaitaire (en k¤)

Les dotations, qui représen-taient plus d'un dixième des recettes des collectivités, sont doublement ponctionnées.

PANORAMA # 162 / NOVEMBRE 2017 _13

3 questions à

Un budget au cordeau en dépit des efforts des servicesCes dernières années, la municipalité a pressé les services communaux d'optimi-ser au maximum leurs dépenses, afin de boucler le budget de la collectivité sans toucher aux services offerts à la popula-tion. Le cabinet auteur de l'audit a d'ail-leurs loué les efforts réalisés, dans tous les domaines : fonctionnement courant, heures supplémentaires, tarifications...

Il faudra toutefois faire encore mieux. La note concernant l'élaboration du budget 2018 vient d'être transmise aux respon-sables de service ; l'objectif qui leur est donné est de rentrer dans le budget 2017... moins 23,5 %. Soit près de 40 % de coupe budgétaire rien que sur les deux dernières années ! Un effort dont l'encadrement est bien conscient qu'il peut paraître « très important, voire irréalisable », mais sou-ligne qu'il est indispensable pour la san-té financière de la collectivité.

Dans ces conditions, la politique de maî-trise des dépenses dans laquelle la Ville s'est inscrite depuis plusieurs années déjà, atteint vite ses limites. « Trop de baisse des dépenses de fonctionnement, cela finit inéluctablement par se traduire par une baisse de qualité du service pu-blic, constate Philippe Lecomte, conseil-ler municipal délégué au Budget et aux Finances. Et cela ne nous semble pas dans l'intérêt des Fresnois. »

Car la Ville a fait des choix politiques forts : gratuité des temps d'activités péri-éducatifs (TAP) au départ, de l'étude, de la biblio-thèque, temps périscolaires et restauration collective très fortement subventionnés, soutien financier important aux associa-tions, politique d'abattements fiscaux im-portante ou encore non-hausse des taux communaux d'imposition locale ces 8 der-nières années. Conséquence directe de cette dernière mesure : Fresnes affiche des taux inférieurs à la moyenne nationale des com-munes de la même strate (voir ci-dessous).

Une épargne brute exsangueLes dépenses continuent donc d'augmen-ter à un rythme régulier, cependant que les recettes s'érodent de façon substan-tielle. Les mathématiques sont simples : la collectivité s'appauvrit, malgré une gestion saine, avec une baisse de la dette. « Aujourd'hui, la ville ne dispose plus de ressources durables suffisantes pour fi-nancer le redressement de son épargne brute, et donc de sa capacité à investir, résume Clément Bousquet, consultant en finances locales chez Partenaires finances locales. Le seul levier restant à sa dispo-sition est celui de la fiscalité. »

L'inévitabilité des mesures fiscalesUne conclusion à laquelle la municipali-té s'est résolue. D'abord en revoyant la politique d'abattements : les deux abat-tements facultatifs qui étaient appliqués jusqu'ici sur la taxe d'habitation (TH)équivalaient en effet à un manque à ga-gner annuel de 2,4 M €. Leur modifica-tion a été votée par le conseil municipal

* À partir de 2016, dans le cadre de la réforme territoriale, la commune collecte la taxe d'habitation pour le Territoire. Le taux nominatif passe donc à 24,36 % : 16,45 % de part ville, 7,91 % de part intercommunalité.

Évolution des dépenses réelles de fonctionnement (DRF) Recettes réelles de fonctionnement (RRF) et dépenses réelles de fonctionnement (DRF)

en base 100

L'évolution des dépenses réelles de fonctionnement est caractérisée par une maîtrise des charges à caractère général et des frais de personnel. Elle reste toutefois plus soutenue que la croissance des recettes sur la période.

Évolution des taux d'épargne de la collectivitéFiscalité locale comparée

(chiffres 2015)

Impôt Fresnes Moyenne de la strate

Taxe d'habitation * 16,45 % 18,41 %

Taxe sur le foncier bâti 23,21 % 23,42 %

Taxe sur le foncier non bâti 46,49 % 59,04 %

Effort fiscal 1,05 1,19

14_ PANORAMA # 162 / NOVEMBRE 2017

GRAND ANGLE

le 28 septembre (lire aussi p. 23). « Nous étions confrontés à la nécessité de voter la modification des abattements avant le 30 septembre pour qu'ils puissent s'ap-pliquer en 2018, explique Philippe Lecomte. Cela ne nous a malheureuse-ment pas laissé le temps d'expliquer les raisons de cette décision aux Fresnois comme nous aurions souhaité le faire. »

Si nécessaire et en dernier recours, les taux pourraient également être revus à l'occasion de la préparation du budget, au printemps prochain. « Nous espérons toutefois que nous n'aurons pas à le faire », insiste la maire Marie Chavanon.

Dans un cas comme dans l'autre, Clément Bousquet souligne « un choix subi » pour la collectivité : « Les projections montrent que la poursuite du fonctionnement ac-tuel est tout simplement irréalisable », clarifie le consultant. Avant de rappeler que la pression fiscale à Fresnes est ac-tuellement bien inférieure à celle des communes de taille similaire : 1,05 contre 1,19 en 2015, ce qui laisse un peu de marge de manœuvre à la ville.

L'étalement des investissementsEnfin, la commune devra se résoudre à étaler ses investissements dans le temps. Objectif : stabiliser les finances pour se donner les moyens de reconstituer de l'épargne. Et ce, d'autant que le plan plu-riannuel d'investissement 2017-2020 était particulièrement ambitieux. Parmi les priorités, ne resteront dans un premier temps que les projets déjà enga-gés (ZAC Charcot-Zola, enfouissement des réseaux, crèche et gymnase des

Frères-Lumière...) ou auxquels la Ville est légalement contrainte (Ad'ap...). « Solder certains investissements prévus, tels le Centre d'arts, nous permet par ailleurs de récupérer des subventions », rappelle Ca-therine Goupil, directrice générale adjointe en charge des ressources.

La municipalité mise donc sur une ap-proche combinée pour redresser les comptes de la ville de la manière la moins brutale possible. Outre les efforts budgétaires consentis par les services, des mesures de maîtrise des dépenses ont déjà été prises : économies d'énergie et de carburant avec l'acquisition de véhi-cules électriques et l'utilisation d'éclai-rages LED, suppression des illuminations de Noël, relocalisation du marché de Noël dans la ferme de Cottinville pour limiter les coûts...

Reste toutefois à voir quel impact auront sur les moyens financiers de la commune l'intercommunalité au sein du Grand Paris et les réformes engagées par l'État sous ce nouveau quinquennat... ■

En brefLa commune se trouve actuellement dans une impasse budgétaire liée essentielle-ment, non à une mauvaise gestion, mais à l'impact de la politique de l'État en matière de dotations. Pour rétablir l'équilibre finan-cier de la ville, il faudra très certainement combiner les leviers : poursuite de la maî-trise des dépenses, action sur la fiscalité et étalement du plan pluriannuel d'investis-sement. Le tout dans un contexte marqué par un manque de visibilité, tant sur l'inter-communalité que sur les décisions de l'État concernant les ressources (dotations, réforme de la TH...).

L'organisation du budgetDotationsFonds émanant de l'État, pour l'essentiel. Le principal est la dotation globale de fonction-nement (DGF).

Fonds de roulementL'excédent global de clôture, c'est-à-dire la variation de la trésorerie de la collectivité. Il correspond à la différence entre les ressources durables de la collectivité (fonds propres + dettes financières à long terme) et les emplois stables (immobilisations).

La dette Capacité de désendettementRatio encours de la dette (montant restant dû) sur épargne brute. Ce ratio mesure l'endettement en nombre d'années d'épargne brute.

L'épargneÉpargne de gestionDifférence entre les recettes réelles de fonctionnement (RRF) et les dépenses réelles de fonctionnement (DRF), hors les intérêts de la dette (qui entrent normalement dans le compte des dépenses de fonctionnement).

Épargne bruteL'épargne de gestion, moins le financement de l'intérêt de la dette. C'est l'excédent de fonctionnement, assimilable à la “capacité d'autofinance-ment brute” (CAF brute) utilisée en comptabilité privée. Elle permet de faire face au remboursement du capital de la dette et conditionne également la capacité d’inves-tissement de la collectivité : par le recours à l’emprunt, elle permet un effet de levier important (rapport de 1 à 10).

Épargne netteL'épargne brute, moins le remboursement du capital de la dette (c'est-à-dire des emprunts). Elle correspond à la capacité d'autofinance-ment nette des opérations d'investissement.

Glossaire financierÉvolution prospective des dépenses et recettes de fonctionnement

L'analyse prospective des données permet de mettre clairement en évidence l'impossibilité de maintenir le système actuel en l'état pour les années à venir.

À paramètres globaux constants, il faudra combiner maîtrise des dépenses, levier fiscal et étale-ment des investissements pour rétablir l'équilibre.

PANORAMA # 162 / NOVEMBRE 2017 _15