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Audrey Hepburn

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Un extraordinaire travelling photographique retraçant le talent, la séduction,la sympathie, la persévérance et l’humanité d’une actrice-symbole qui a inspiré pendant de nombreuses années les femmes du monde entier.

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qu’il lui a été possible, l’Éditeur a tenté deretrouver les auteurs de toutes les photospubliées dans cet ouvrage, pour les signaler àl’attention des lecteurs. Ses recherches n’ayanthélas pas toujours été couronnées de succès, illes prie de bien vouloir lui pardonnerd’éventuelles erreurs, lacunes ou omissions, etse déclare prêt à apporter des complémentsd’information lors de nouvelles rééditions de celivre. Il est également disposé à reconnaître lesdroits afférents aux clauses de l’article 70 de laloi n° 633 de 1941.

95, 96, 100, 101, 104, 107, 110, 117, 119 (enbas), 123, 124, 128, 130 (en haut), 132 (en bas),134, 135, 136 (en bas), 137, 138, 139, 142, 146,147, 148, 152, 153, 156, 169 (en bas) ; AudreyHepburn Estate Collection : 62, 184 ; BobWilloughby : p. 10-11, 60 (à gauche), 102, 103,129, 140, 141 (en bas), 145 ; CameraPress/Terry O’Neill : 150, 151, 158 (en haut) ;Douglas Kirkland : 176 ; E.T. Archive : 16 ; EileenDarby : 43 ; Gamma/Frank Spooner Pictures : 12(à droite), 172 (à gauche), 173, 180, 181 ;Granata Press Service, Milano : 8 ; HultonDeutsch Collection : 29 ; Joel Finler : 66, 144 (àdroite) ; John Isaac : 162 ; Katz Pictures/PeterCharlesworth : 172 (à droite), 183 ; KobalCollection : 39 (en haut), 42, 56-57, 78, 79, 93(en bas), 106, 112, 118, 127, 136 (en haut), 170 ;Moviestore Collection : 159 ; New York PublicLibrary : 64, 65 ; Paramount Picture : 190 ;Paramount Picture/Bud Fraker : 7 ; Photofest :19, 25 (à droite), 33, 35, 37, 39 (en bas), 40, 41,45, 50 (en haut), 52, 53, 58, 59, 76, 83, 89, 92,(en bas), 94, 98, 99, 105, 108, 109, 116, 120,121, 130, 132 (en haut), 133, 143, 157, 166, 167,171, 175, 179 (à gauche) ; Popperfoto : p. 12 (àgauche), 22, 23, 26, 30, 34, 50 (en bas), 161 ;Rex Features : 24, 25 (à gauche), 27, 54, 155 (enhaut), 158 (en bas) ; Richard Avedon, Inc., NewYork : 13 ; Ronald Grant Collection : 32, 38, 74,75, 81, 93 (en haut), 119 (en haut), 125, 160 (enhaut) ; Sam Shaw : 14 ; Tiffany & Co. : 182 ;Warner Brothers Pictures Ltd. : 111, 126. Autant

L’auteur remercie la Hodder & Stoughton Limitedpour avoir autorisé la publication de nombreuxextraits de la biographie Audrey de CharlesHigham (New English Library), ainsi que IanWoodward, la Rupert Crew Limited et Virgin pouravoir autorisé la publication de nombreux extraitsde la biographie Audrey Hepburn: The Fair Ladyof the Screen, copyright © Ian Woodward 1984,publiée en 1993 (Virgin).

Titre original : A Star Danced. The Life ofAudrey Hepburn(Bloomsbury Publishing Limited, Gran Bretagna,1993)1993 © Robyn Karney

Couverture et conception graphique : La MelaVerde s.n.c. ([email protected])

Mise en pages : Graphic Art 6 s.r.l. – Rome

Photo de couverture : Paramount Pictures (1956)

Recherches iconographiques complémentaires :Enrico Lancia

Crédits photographiques : Aquarius : 28, 57, 71,113, 141 (en haut), 144 (à gauche), 154, 155 (enbas), 160 (en bas), 164 (à droite), 165, 178, 179(à droite) ; Archives Advertising : 46 ; ArchivioCentro Studi Cinematografici : 48, 51, 55, 69, 72,73, 80, 82, 84, 85, 86, 88, 90, 91, 92 (en haut),

AUDREYHEPBURNLa princesse de Tiffany

Impression : D’Auria

Printing S.p.A. – Asc

oli Piceno

Copyrightde l’édition

française:

GREMESE

Premièreédition, 19

94 ©Gremese

Nouvelle édition revu

e et corrigée,

2011 ©E.G.E. s.r.l.– Rome

Tous droits réservés

. Aucune partie

de ce livrene peut êt

re reproduite,

enregistrée ou trans

mise, de quelque

façon quece soit et

par quelque moyen

que ce soit, sans le co

nsentement préalable

de l’Éditeur.

ISBN 978-88-7301-731-8

À HELEN BOURNE

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… LÀ OÙ UNE ÉTOILE PALPITAIT,

LÀ JE SUIS NÉE.

BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN, ACTE II, SCÈNE I

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Ce livre a été commandé par Bloomsbury alors qu’Audrey était encore en vie. Sa morttragique et prématurée allait transformer ce projet passionnant en un triste devoir nondépourvu de difficultés, car elle m’a empêchée de consulter non seulement le sujet mêmede cette biographie, mais également un grand nombre de personnes pour qui sa mortconstituait un événement par trop récent et douloureux. J’ai cependant tenté de rendre

compte aussi fidèlement que possible de sa vie ainsi que de ses qualités hors du commun, et j’ai dumoins eu la possibilité de revoir ses films, qui constituent son testament. Je me dois d’exprimertoute ma gratitude à un certain nombre de personnes. Mon chercheur, David Oppedisano, aaccompli les aspects les plus ingrats de ce travail sans jamais se départir de son habituelle bonnehumeur ; Bernard Hrusa-Marlow et Tom Vallence m’ont prêté leur inestimable assistance demultiples manières, m’aidant également à accéder aux films dont j’avais besoin. Clive Hirschhorn amis sa librairie à ma disposition, et Tim Wilson m’a envoyé du matériel filmé ou imprimé de NewYork. J’adresse des remerciements tout particuliers à Fred Zinnemann, qui a si généreugementconsacré une grande partie de son temps à mon égard, et à John McCallum qui m’a écritd’Australie ; et enfin à Andrew Thomas de Avedon Studio, New York, et à Avedon lui-même qui m’apermis d’utiliser ses clichés. Marion Hume, rédactrice de la rubrique de mode de l’Independent,Tasha Hudson de Caroline Neville Associates (qui représente Hubert de Givenchy), Jane Pritcharddu Ballet Rambert et Terry Charman de l’Imperial War Museum m’ont beaucoup aidée, ainsi queSue Sharp qui a traduit les interviews du français en anglais, Robin Cross, Angie Errigo, TrevorWillsmer, Patrick Palmer et Vivien Heilbron. Ma collaboratrice, Delayne Aarons, s’est appliquéeavec un rare dévouement à la correction du manuscrit, et j’ai eu beaucoup de plaisir à travailleravec Anne-Marie Ehrlich aux recherches iconographiques. Mon agent Tony Peake m’a épaulée toutau long de mon travail. Je remercie spécialement David Reynolds de Bloomsbury pour sesencouragements continus, son soutien et son assistance concrète, ainsi que Penny Philips.

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NOTE DE L’AUT

EURE

ET REMERCIEM

ENTS

Robyn Karney

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9 Introduction

77 BonjourParis

97 Actes de foi

115 Une nouvelle vie

131 Fair Lady

149 Hors Lady

163 Voyages

177 Épilogue

185 Filmographie

187 Index

15 Qui est-elle? Qu’est-ce

qu’Audrey?

21 Force et fragilité

31 Premierspas dans

le monde

47 Willy, Billy, Bill et M

el

63 Guerre et paix

SOMMAIRE

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omme Margot Fonteyn, son alter egoidéal dans le monde de la danse, Au-drey Hepburn a toujours été accompa-gnée d’un halo de magie qui la suivait oùqu’elle aille, aussi bien sur l’écran qu’endehors.

Audrey Hepburn – un phénomène aussi rarequ’une « girafe bleue », pour reprendre l’ex-pression de Rex Reed – est sans conteste unpersonnage hors du commun. Certes, on aconnu des actrices à la beauté plus frappante,plus éclatante, et aux prestations profession-nelles plus brillantes ; mais sa personnalité –qui mêlait la fragilité de l’adolescence à la pres-tance de la jeune femme élégante, l’esprit à lagrâce, la poésie et la vulnérabilité à la grandeclasse – était unique.Elle a été l’une des stars du cinéma les plusconnues du monde entier, et sans aucun doutela plus aimée (ainsi que la mieux payée, si l’on

considère ses cachets astronomiques, compa-rables uniquement à ceux de Liz Taylor). Etpourtant, le début de sa carrière cinématogra-phique est plus le fruit du hasard que d’un choixdélibéré. Mais Audrey Hepburn, promptementrebaptisée la « Princesse » par Frank Sinatra,allait rapidement passer d’un anonymat relati-vement obscur à un premier rôle aussitôt primépar l’Oscar, comme dans les plus beaux contesde fées modernes.Les millions de mots, plus ou moins extrava-gants, qui ont été écrits sur elle, ainsi que les in-terviews qu’elle accordait avec tant de réticence(mais toujours avec une grande courtoisie) re-viennent toujours sur les mêmes événements etles mêmes faits, ceux-là même que l’actrice re-prenait pour communiquer à la fois ses opinionset ses ambitions, parfois contradictoires.Les rares détails qu’elle accepta de révéler surson passé, surtout ceux qui ont trait aux an-

nées de la guerre, reviennent sous forme in-changée dans les interviews qu’elle accordait,exception faite du choix de certains termes et lestyle de celui qui les rapportait. La rigueur pro-fessionnelle et la recherche de la perfection nelui firent jamais défaut, non plus que sa ten-dance à minimiser ses dons, son dévouementpour ses proches, pour ses enfant, et enfinpour tous les enfants dans le besoin du mondeentier.Elle ne dut sa célébrité qu’à ses mérites per-sonnels, aussi bien en ce qui concerne sesfilms que son élégance qui influença le stylevestimentaire de deux générations ; elle suts’assurer à la fois l’estime du public et celle deses collègues, estime qui ne faiblit jamais,même durant ses longues absences de l’écran,et atteint des proportions universelles quandelle décida d’interpréter le rôle, avec la géné-rosité et le dévouement que l’on sait, d’ambas-

9AUDREYHEPBURN

INTRODUCTION« Ma vie

a été bienplus qu’u

n conte de fées.

J’ai eu ma part de

momentsdifficiles…

mais

toutes les épreuve

s que j’aiaffrontée

s se sont

concluespar un su

ccès. » AUDREY HEPBURN

« Je suiset serai t

oujours profondém

ent troublé par la

présenced’Audrey

Hepburndevant m

on appareil photo.

Je ne

peux pasl’amélior

er. Elle est toujours

elle-même, toujour

s là.

Je ne peux que l’en

registrer,je ne peu

x pas l’interpréter.

On

ne peut exalter ce

qu’elle est déjà. Ell

e porte en

elle-même son por

trait le plus parfai

t. »RICHARD AVEDON

C

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Sieste à trois : Audrey, le faon Ip et le petit chienFamous.

AUDREYHEPBURN

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sadrice de l’UNICEF. Ce fut son dernier rôle,sur la grande scène du monde entier, et son in-terprétation fut, comme dans tous ses films,exemplaire.La carrière d’Audrey Hepburn connut un dé-roulement assez insolite. Après une enfance,pour le moins traumatisante, dans la Hollandede l’occupation nazie, elle partit s’installer enAngleterre où elle se consacra à la danse. Sagrande taille ainsi que des difficultés financièresfirent obstacle à sa carrière de danseuse, etelle commença à tourner ses regards vers lemonde du cabaret et du cinéma. En trente-huitans de carrière, elle a interprété un nombre defilms plutôt restreint, vingt-six en tout.Dans ses six premiers films, nous la voyonsdans des petits rôles et des seconds rôles mi-neurs qui, tout en attirant sur elle l’attention del’industrie cinématographique anglaise, ne sus-citent aucun intérêt particulier dans le grand pu-blic. Il fallut attendre 1953 pour que celui-ci, à lasuite de sa prestation dans Vacances romaines(Roman Holiday, États-Unis, 1953), rende enfinhommage à son grand talent. Elle avait 24 anset c’est à cette occasion qu’elle remporta sonpremier Oscar comme meilleure actrice.C’est alors que naquit sa relation idyllique avecla presse internationale, sous forme d’un dé-luge de critiques cinématographiques dont lestermes et la teneur relevaient plus de la décla-ration d’amour passionnée que du compte-rendu objectif et pondéré. Partout dans lemonde, des cinéphiles que son charme avaitenvoûtés attendaient son prochain film avecimpatience. L’« establishment » hollywoodienétait à la fois étonné et séduit par cette actricepareille à aucune autre.Quand l’actrice, venue du néant, « aborda » enterre hollywoodienne, il régnait en ces contréesun ordre bien établi qui distribuait les différentstypes de personnages féminins, d’héroïnesconventionnelles codifiées selon des catégo-ries étanches et bien définies : la diva du sexe,

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Audrey Hepburn, 24 ans, reçoit l’Oscar de la meil-leure actrice principale pour Vacances romainesdes mains de l’acteur Jean Hersholt. Presque qua-rante ans plus tard, en 1993, le prix humanitaireJean Hersholt lui sera décerné (à titre posthume).

Avec Givenchy, le styliste qui modelason image et devint songrand ami.

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de l’humour qui ressort aux moments les plusheureux de ses films ; elle était d’ailleursconnue pour sa prédisposition au rire. L’actricecomique Lucille Ball disait d’elle : « Elle est à lafois un véritable garçon manqué et une grandeactrice comique. On n’aurait jamais imaginéqu’elle pouvait jouer le genre de comédie queje joue. Et pourtant … Mais elle était tellementbelle, tellement éthérée que c’eût été un sacri-lège que de la pousser dans ce genre. »Le garçon manqué le plus célèbre du monde setransforma en une radieuse jeune femme d’uneélégance distinguée, qui laissa le souvenir inou-bliable de sa grâce sublime et de son extraordi-naire personnalité dans des films commeSabrina (États-Unis, 1954), Drôle de frimousse(Funny Face, États-Unis, 1957), Au risque de seperdre (The Nun’s Story, États-Unis, 1959), Dia-mants sur canapé (Breakfast at Tiffany’s, États-Unis, 1961), Charade (États-Unis, 1963), My Fair

Cecil Beaton décrivit sa coupe de cheveux de lamanière suivante : « On aurait dit que sa cheve-lure avait été rongée par les souris. » En outre,elle parlait un drôle d’anglais avec un curieuxaccent anglo-européen tout à fait intrigant. Ellese mouvait avec une grâce aérienne qui en-chantait chacun de ses gestes et ravissait parson sourire à la fois radieux et mélancolique.Ses yeux étaient ce qu’elle avait de plus remar-quable, deux immenses lacs sombres incroya-blement expressifs qui reflétaient les nuancesles plus subtiles de l’émotion – elle aurait pu êtreune très grande actrice du cinéma muet.Le style et la personnalité d’Audrey Hepburnpulvérisèrent les paramètres qui déterminaientle succès d’une actrice sur les écrans améri-cains ; comme le prophétisa Billy Wilder : « Àelle seule, cette fille va faire mettre au rebut l’at-tention qu’on prêtait jusqu’ici aux mensurationsd’une femme. » Parallèlement, la façon dontelle conduisait à la fois sa vie privée et son mé-tier d’actrice déjouait toutes les règles. Sa dis-crétion, sa modération, sa classe, son style, sachaleur, son sens de l’humour, sa recherchecontinue de la perfection en firent rapidementune véritable idole.Habillée par Givenchy – à qui son image finira pars’identifier – à la fois sur l’écran et en dehors duplateau, les stylistes et les photographes les pluscélèbres l’adoraient. Michael Korn disait d’elle :« Année après année, Audrey Hepburn a toujoursprojeté d’elle-même une image de style, declasse, qui n’a rien à voir avec la mode. » IsaacMizrahi, confronté à l’entreprise désespérée detraduire sa magie par des mots, confiait : « L’émo-tion érotique qu’elle suscite passe plus par lecœur que par le bas-ventre. Elle conquiert à lafois le cœur, l’esprit et l’âme. En d’autres termes,elle tient de l’élévation et de l’illumination. » Au-drey Hepburn fut photographiée à l’envi, et tou-jours avec d’excellents résultats, par les plusgrands photographes contemporains : NormanParkinson, Cecil Beaton, Karsh of Ottawa, An-thony Armstrong-Jones, et bien sûr, Avedon.Grâce, dignité, charme et chaleur humaine, al-liés au dévouement total qu’elle apportait àtoute entreprise à laquelle elle s’attelait, consti-tuaient les traits saillants de la personnalitéd’Audrey Hepburn. Aimable, prévenante, pro-fonde, elle était douée d’un extraordinaire sens

la femme fatale, la féline, la femme d’à côté, lajoyeuse luronne, la starlette déchaînée, la starde comédies musicales et la dame de bonnefamille.Voici donc quelle était la situation à Hollywoodquand elle entra en scène. C’est ainsi qu’aubeau milieu de cet océan de blondes, de vampset de beautés mûres, provenant pour la plupartdes endroits les plus reculés des États-Unis,s’introduisit une petite marchande d’allumettes ;une femme-enfant gracile et mystérieuse,longue, à la mâchoire proéminente, aux sour-cils arqués et aux narines dilatées.

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Richard Avedon : Audrey Hepburn, 20 janvier 1967, New York.

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Lady (États-Unis, 1964) et Voyage à deux (Twofor the Road, États-Unis, 1967).Au cours de la cérémonie de la remise desOscar à Hollywood du 29 avril 1993, l’OscarJean Hersholt lui fut attribué (ainsi qu’à Eliza-beth Taylor) en hommage à son activité huma-nitaire. À la grande douleur de tous ceux qui yassistaient, elle n’avait pas vécu assez long-temps pour pouvoir le retirer elle-même.Tandis qu’il remettait la statuette à Sean Hep-burn Ferrer, le fils d’Audrey, Gregory Peck – àla fois son partenaire dans le premier film im-portant qu’elle tourna et un grand ami qui l’ac-compagna toute sa vie – se fit le porte-parole demillions de personnes en déclarant : « Duranttoute sa carrière, elle a été un symbole de grâceet de beauté, de grande classe et de finesse, deprofonde spiritualité et d’innocence malicieuse.Aux yeux de tous ceux qui ont eu le bonheur detravailler avec elle, elle est toujours apparuecomme une artiste aussi belle que sensible.Il y avait cependant tout un pan de sa vie quil’intéressait plus encore que sa carrière d’ac-trice. Comme ambassadrice spéciale de l’UNI-CEF, elle a voyagé sans répit à travers lemonde pour défendre les pauvres, les déshéri-tés, les affamés, tous ceux qui ne l’avaient ja-mais vue resplendissante de beauté sur unécran de cinéma et qui ne l’y verraient proba-blement jamais…L’Oscar Jean Hersholt est remis aux personnesde l’industrie cinématographique qui se sont dis-tinguées par des œuvres humanitaires dont l’éclatrejaillit sur nous tous. Si l’un d’entre nous a jamaisété à la hauteur des idéaux auxquels se réfèrecet Oscar, aussi bien par ses convictions que parson dévouement, c’est bien Audrey Hepburn. »Comme l’a écrit un journaliste américain : « Au-drey Hepburn a nourri notre insatiable imagina-tion de spectateurs de manière inégalée ; ellen’a jamais déçu nos attentes, même après delongues absences. Quand elle a pris conscienced’avoir suffisamment donné au cinéma, elle acommencé à vivre uniquement en tant que per-sonne, et c’est ainsi qu’elle s’est employée à in-suffler l’espoir à des êtres qui ignoraient toutd’elle et de sa légende ».Cette histoire est celle de cette légende, de cettevie et de cette carrière qui font désormais partiedes grands mythes de l’histoire du cinéma.

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QUI EST-ELLE ?QU’EST-CEQU’AUDREY ?

« J’étais une petite fille tout à fait ordinaire :maigre,

osseuse, les cheveux raides, un peu timide. »

AUDREY HEPBURN « AudreyHepburn

ne correspond à

aucun cliché etil ne s’en

trouve

aucun qui puisse s’adapt

er à elle. »

TIME MAGAZINE

AUDREYHEPBURN

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Guyane hollandaise (qui prit le nom de Suri-nam après l’indépendance) qu’il assuma de1921 à 1928.Né en 1896, il avait épousé Elbrig van Asbeck,une baronne dont l’arbre généalogique remon-tait jusqu’au XIIe siècle et qui comptait des Hon-grois, des Français et des Juifs parmi sesaïeux. Aarnoud et Elbrig eurent six enfants,dont cinq filles (l’une desquelles fut la dame decompagnie de la reine Juliana) et un garçon.Toute cette joyeuse nichée d’enfants vécut laplus grande partie de son enfance à Doorn,près d’Utrecht, dans un splendide château ceintd’un fossé et de plusieurs hectares de vertecampagne.L’Het Kasteel De Doom, comme on l’appelaitalors, se nomme aujourd’hui plus simplementHuis-Doom, et est devenu un musée ouvert aupublic. Les manuels d’histoire y situent la der-nière résidence de l’empereur Guillaume II, qui

bien assise de tombeur de ces dames, et labaronne Ella van Heemstra, une aristocratehollandaise de haut lignage, divorcée elleaussi, mère de deux enfants, mais encorejeune et belle.Les van Heemstra étaient une vieille famillenoble hollandaise de propriétaires fonciers quicultivaient des liens étroits avec la familleroyale, qu’un grand nombre de ses membresavaient servie selon les manières les plus di-verses. Les hommes s’étaient distingués dansla carrière militaire, la politique, la magistra-ture ou l’administration. Ils étaient réputéspour leur fierté, leur loyauté, leur rectitude etleur grande culture. La mère d’Audrey était latroisième fille du baron Aarnoud van Heems-tra, un célèbre et estimé magistrat de la courde la reine Wilhelmine. Il avait occupé lesfonctions de bourgmestre d’Arnhem, et on luiconfia ensuite la charge de gouverneur de la

i l’on s’attarde sur les circonstances etévénements qui précédèrent la naissanced’Audrey Hepburn, le 4 mai 1929, ontrouve déjà des éléments peu banals quipréludent à une personnalité originale.

Ses parents, pour reprendre les termes del’écrivain Charles Higham, commirent une « re-grettable aussi bien qu’inconvenante allianceentre aristocratie et bourgeoisie ». Le bébé,baptisé Edda Kathleen van Heemstra Hepburn-Ruston était « tout en longueur » avec les yeux« les plus beaux et les plus rieurs qu’on eût ja-mais vus ». Elle avait une apparence délicate,calme et timide. Une exception dans une familleoù l’on était plutôt du genre robuste et vigou-reux !L’« alliance inconvenante » à laquelle se ré-fère Higham avait pour protagonistes J. A.Hepburn-Ruston, un banquier haut placéd’origine irlandaise, divorcé, à la réputation

S

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l’acheta à la baronne Elbrig van Heemstra justeaprès sa fuite de l’Allemagne vaincue, à la finde la Première Guerre mondiale. C’était en1918, et la famille van Heemstra avait installéses quartiers aux alentours d’Arnhem. C’est làque la jeune Ella unit son destin, en 1920, àcelui du noble Jan van Ufford, lui aussi un aris-tocrate de haut rang au service de la familleroyale.Leur union fut orageuse et s’est conclue par undivorce cinq ans plus tard, après la naissancede deux enfants. La baronne Ella van Heems-

tra, comme elle se fit appeler après son di-vorce, partit avec ses deux fils Alexander et Ianpasser quelque temps auprès de ses parents,au Surinam, où elle fit la rencontre de JosephHepburn-Ruston, le directeur de la filiale bruxel-loise de la Banque d’Angleterre qui, en tant quetel, était étroitement lié à l’administration du pa-trimoine mobilier et immobilier des van Heems-tra.Ils se marièrent à Batavia (rebaptisée Djakartaentre-temps) en 1926 et vinrent s’installer auxalentours de Bruxelles. C’est là, dans une belledemeure du XIXe siècle vaste et élégante, queleur unique enfant vit le jour. En dépit de sesantécédents familiaux, la petite Edda n’héritani de la robustesse proverbiale de la fibre hol-landaise ni de la personnalité désinvolte etpleine d’assurance qui dérivait de son haut li-gnage.

La vie d’Audrey devait ensuite être profondé-ment influencée par les conséquences d’uneenfance et d’une adolescence vécues dans unmélange contrasté de privilèges et de priva-tions.On lui inculqua les bonnes manières, la culture,la discipline et l’histoire de la famille vanHeemstra (dont les portraits ornaient, outre lesmusées et les galeries du pays, les murs desdemeures raffinées). Son enfance se dérouladans un monde idyllique, elle n’avait aucundésir à exprimer qui ne fût déjà satisfait. Elles’entendait à merveille avec ses deux demi-frères. En leur compagnie, elle mettait sa timi-dité de côté et devenait un véritable garçonmanqué.Elle était très attachée à sa mère, à tel pointqu’elle déclara un jour que l’influence la plusforte qu’elle ait subie lui venait justement d’elle.

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Huis Doorn, propriété de la famille van Heemstra,vendu en 1918 au Kaiser Guillaume II qui en fit sadernière demeure.

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Elles conservèrent des liens très étroits jusqu’àla mort d’Ella, en 1984.Si la baronne possédait un grand pouvoir deséduction, elle avait également une volonté defer. Elle fut toujours le défenseur le plusacharné des intérêts de sa fille, et son désac-cord quant à certains choix de celle-ci surtout àpropos des hommes de sa vie, fut la cause depériodes de rupture entre elles.

Dès sa plus tendre enfance, Audrey manifestaun grand amour pour les animaux et, d’une ma-nière générale, pour la campagne toute entière.Quand elle ne jouait pas avec ses demi-frères,elle devenait une enfant solitaire qui, à la com-pagnie d’autres enfants, préférait s’amuseravec des chatons, des lapins ou des chiots. So-

litaire, hypersensible, elle réagissait assez malaux tensions et aux infortunes, bien qu’elle sûtégalement se montrer joyeuse et malicieuse etfaire preuve d’un irrésistible sens de l’humour.C’était une rêveuse dotée d’une grande sensi-bilité musicale et qui aimait s’habiller avec lesvêtements de sa mère. Dès qu’elle sut lire, ellese mit à dévorer d’impressionnantes quantitésde livres, très influencée en cela par son demi-frère Ian.Cet enthousiasme partagé pour la lecture estl’un des quelques souvenirs personnels qu’Au-drey évoqua en détails des années plus tard aucours d’une interview de l’Evening News de

Londres : « Ian était un véritable rat de biblio-thèque, et quand nous étions enfants, il adoraitKipling. Je l’admirais tellement que je me suismise à lire tous les livres de Kipling rien quepour lui ressembler… et le résultat fut que, à13 ans, j’avais déjà lu tout Edgar Wallace ettout E. Phllipps Oppenheimer. Ça oui, c’étaientdes romans d’aventure ; et la fascination qu’ilsexerçaient sur moi était bien supérieure a cellequ’opéraient des livres comme par exempleTopsy va a l’ecole.Le grand intérêt que la petite Audrey vouait àla littérature allié à son refus de jouer à la pou-pée – elle les trouvait stupides – sont des in-dications précoces des paradoxes qui, dansun avenir encore indéfini, allaient caractérisersa personnalité et l’image qu’elle donneraitd’elle-même. La petite fille qui délestait lespoupées allait apprendre à aimer les enfants,puis à éduquer les siens ; son enthousiasmepour les récits d’aventures et les romans poli-ciers allait, sans rien perdre de sa force ni desa profondeur, se tourner vers le monde mer-veilleux des fées, de la magie. Audrey Hep-burn déclarait, dans l’interview mentionnéeplus haut : « S’il me fallait souligner un aspectparticulièrement important commun à tous lesspectacles, j’évoquerais sans doute l’élémentfantastique. Les gens vont au théâtre et au ci-néma simplement parce qu’ils appartiennentà l’univers du fantastique – parce qu’ils ont lesentiment d’assister à quelque chose d’irréel.À mon avis, le fantastique est l’essence mêmedu spectacle. »La prime enfance d’Audrey se déroula sous lesheureux auspices et dans l’aisance conforta-ble d’un milieu particulièrement protégé ; ce futune période privilégiée de jeux en plein airdans un cadre naturel à la splendeur inégalée,sous l’œil attentif et la tendre sollicitude d’unearmée de nourrices, gouvernantes et précep-teurs aux soins dévoués. Le temps s’écoulaitentre les demeures estivales que la famillepossédait en Hollande et en Belgique, et leshivers en Angleterre dès qu’Audrey eut atteintquatre ans. Cependant, une ombre commen-çait à se préciser et à altérer l’harmonie de cecadre parfait : une mésentente incessante etdes tensions de plus en plus fréquentes mi-naient la vie conjugale de ses parents. Il sem-

17AUDREYHEPBURN

Dans les dernières années de sa vie, Audrey,qu’une incessante quête d’amour et d’affectionavait habitée, évoquait sa mère dans uneinterview du professeur Richard Bown pour latélévision : « C’est vrai, j’ai eu une mère extra-ordinaire. Mais elle n’a jamais été affectueuse,dans le sens que j’attribue à ce mot aujourd’hui.L’affection ! J’ai passé des années à la cher-cher… et je l’ai trouvée. Certes, elle a été unemère fabuleuse, mais elle appartenait à uneautre époque – elle était née en 1900 – uneépoque encore sous l’influence de la reine Vic-toria, une époque imprégnée d’un profond sensde la discipline et d’une grande rigueur morale.Il y avait beaucoup d’amour en elle et pas lamoindre capacité de l’exprimer. Elle était vrai-ment sévère. »À l’époque de la jeunesse d’Ella, son père par-tageait la traditionnelle opinion du milieu où ilévoluait, selon laquelle il était absolument in-concevable qu’une jeune fille de bonne famillefréquentât le monde du théâtre, que l’on esti-mait fort peu digne de considération. La ba-ronne cependant, dont la mentalité était assezindépendante pour se démarquer de l’opinioncommune, ne fut pas longue à s’éloigner decelle-ci. En dépit du mode autoritaire selon le-quel elle interprétait son rôle de mère, elle fa-vorisa dès le début la passion de sa fille pour lamusique et la danse et encouragea ses ulté-rieures ambitions artistiques.

On lui inculqua les bonne

s manières, la culture, la

discipline etl’histoire de

la famille van Heemstra (dont

les portraitsornaient, out

re les musées et lesgaleries du

pays, les murs des demeures raffiné

es). Son enfance se

déroula dansun monde idylliqu

e, elle n’avait aucun dési

r

à exprimer qui ne fûtdéjà satisfait

.

Audrey enfant. Pas de signe de la beautéfascinante qui doit encore se manifester.

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18

vasion de l’Angleterre, exigea le retour im-médiat de sa fille en Hollande où elle pensaitqu’elle serait plus en sécurité. Elles s’instal-lèrent à Arnhem, une petite ville à proximitéde la frontière allemande qui allait bientôtconnaître les plus graves conséquences del’occupation nazie.Les malheureux effets de cette décision intem-pestive ne se firent pas sentir jusqu’au prin-temps suivant. En septembre 1939, Arnhemétait en effet un bourg médiéval à l’architectureraffinée, plein des vestiges d’un riche passéhistorique, entouré de forêts profondes et decollines aux courbes harmonieuses, un pay-sage très différent de celui, plat et monotone,que la Hollande offre habituellement. Outre desmusées, des galeries d’art et des abbayes sé-culaires, on y trouvait de nombreux parcs quela belle saison recouvrait d’un tapis de tulipesaux couleurs vives. Il y avait même un orches-tre symphonique municipal, et puis le pont, biensûr, le pont appelé à devenir tristement célèbrepour la sanglante défaite que les alliés y subi-raient cinq ans plus tard.Arnhem comptait également une nombreusecommunauté anglaise. Un grand nombre de fa-milles britanniques s’y étaient installées aucours du XVIIe siècle, et c’est là qu’était mort lecélèbre poète et condottiere anglais, Sir PhilipSidney. La baronne van Heemstra devint pré-sidente de la section locale de la British-Ne-therlands Society. Pendant la guerre, cetteassociation deviendra le théâtre de la résis-tance, à laquelle la baronne apportera unelarge contribution personnelle.Quand Audrey rejoignit sa mère et ses frères àArnhem, elle se retrouva dans un magnifiquedomaine que la famille possédait aux environsde la petite ville. On inscrivit Audrey à l’écolepublique d’Arnhem pour qu’elle puisse pour-suivre ses études, ce qui était tout à fait natu-rel pour une petite fille de 10 ans, mais qui luicréa de grandes difficultés, du moins tout letemps qu’elle ne fut pas en mesure de s’expri-mer correctement en hollandais. Audrey Hep-burn évoque ainsi ses premiers jours d’école :« J’étais assise à ma place, complètement per-due. Pendant un certain temps, je rentrai tousles jours en larmes à la maison. Mais je savaisqu’il fallait absolument que j’y arrive. Je n’avais

drey dans un collège pour filles sélects des en-virons de Londres ; Audrey qui n’avait pas en-core 10 ans, avec sa timidité, son tempéramentinquiet, son attitude critique envers son appa-rence (dont elle était parfaitement consciente)et sa personnalité si peu préparée aux rigueursde l’éducation anglo-saxonne dut pourtant s’yadapter. La ferme détermination à envisager lesévénements sous un aspect positif, mêmequand ils sont négatifs, qui a toujours caracté-risé ses déclarations publiques, la poussera àconfier, des années plus tard que cette expé-rience l’avait « terrorisée » mais qu’« elle y avaitgagné une salutaire leçon d’indépendance ».Et en effet, son séjour relativement bref au col-lège eut une profonde influence sur son avenir.Les sévères exigences de la discipline du col-lège alliées aux contraintes de la vie commu-nautaire et académique auraient pu traumatiserune enfant aussi sensible que l’était Audrey.Elle était par ailleurs de santé délicate ; c’estjustement là qu’elle commença à souffrir desfortes migraines qui l’affligèrent toute sa vie.Ses problèmes d’adaptation furent bientôt com-pensés par le plaisir qu’elle prenait aux leçonsde danse qu’elle débuta au collège. Quand labaronne van Heemstra vint rendre visite à safille à la fin du premier semestre, elle se trouvaen présence d’une Audrey inconnue : pleine devie, enthousiaste et éprise de danse. À partirde ce moment, la danse devint sa grande pas-sion, Anna Pavlova son héroïne et la célébritéson plus cher désir.Londres lui entrouvrit d’autres horizons. Ellevisita les monuments les plus importants,comme par exemple la Tour, où plusieursreines avaient été enfermées toute leur viedurant ; elle se rendit à la National Gallery etdevint une visiteuse assidue du zoo de Re-gent’s Park (sa mère louait un appartementdans les environs), alla admirer le musée decire de Madame Tussaud et se prêta avec en-thousiasme aux préparatifs typiquement an-glais qui accompagnent la représentation dumystère de Noël.La vie d’Audrey semblait ainsi tracée pour denombreuses années encore quand, le 3 sep-tembre 1939, la Grande-Bretagne déclara laguerre à l’Allemagne d’Adolf Hitler. La ba-ronne van Heemstra, dans la crainte de l’in-

blerait, aux dires de tous, que la cause princi-pale des différends qui opposaient les Hep-burn-Ruston résidât dans la manière dont lemari administrait le patrimoine familial et lesaffaires financières de sa femme. Les disputeset divergences d’opinion finirent, avec letemps, par dégénérer en un véritable conflitouvert entre les deux époux, qui pesait lour-dement sur l’atmosphère de la maison et trou-blait profondément l’hypersensible Audrey.Pendant les absences de son père, que sesaffaires appelaient souvent à l’étranger, on lavoyait, dans la mesure où le lui permettaientsa timidité et son tempérament mélancolique,manifester une certaine joie de vivre que ve-nait perturber le retour de son géniteur. Elle seretirait alors dans sa coquille et allait se réfu-gier dans la campagne environnante où elles’abandonnait au plus classique de tous lessyndromes d’angoisses, la boulimie. Sa préfé-rence allait aux chocolats et pendant une cer-taine période, elle devint une petite fille poteléeaux joues bien rondes, en dépit de la légen-daire minceur qui l’accompagna presque toutesa vie.En 1935, alors qu’elle avait à peine atteint ses6 ans, son père quitta la maison sans préavis etsans explication, pour n’y plus jamais revenir. Ilalla s’établir à Londres. Il fréquentait les clubsprivés où se retrouvait la haute société et où ilcôtoyait des personnages comme Sir Oswaldet Lady Diana Mosley, ainsi que Unity Mitford,qui était alors la petite amie de Hitler. Il appro-fondit et resserra ses liens avec ces relations etdevint un fervent supporter du mouvement fas-ciste de Mosley, allant même jusqu’à défileravec les Chemises Noires anglaises. Le pointde vue de sa fille sur ces événements n’a ja-mais été rendu public. Il semblerait qu’à la finde la Deuxième Guerre mondiale Hepburn-Ruston vivait en Irlande. On ne sait si Audrey arevu ou non son père après le début du conflit ;les informations recueillies à ce propos secontredisent toutes.Toujours est-il que quand le divorce des pa-rents d’Audrey fut prononcé (bien après le dé-part de Hepburn-Ruston) et contrairement àtoute attente, celui-ci insista pour obtenir undroit de visites régulières à sa fille. Il l’obtint, etceci eut pour conséquence l’inscription d’Au-

Page 17: Audrey Hepburn

« Je n’entre en rie

n dans letalent d’A

udrey. Sitalent il

y a, seulDieu en a

le mérite. Autreme

nt, je pourrais

m’enorgueillir de l

a même manière d’

un ciel bleu ou

des tableaux cons

ervés à laRoyal Ac

ademy. »

BARONNE VAN HEEMSTRA

Maman Ella avec lapetite Audrey.

AUDREYHEPBURN

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de la demeure des van Heemstra) et le va-carme de l’artillerie le long de la frontière bri-sait le silence de la campagne à intervallesréguliers. Ce printemps-là, malgré le péril im-minent, le Sadler’s Wells Ballet qui poursuivaitsa tournée en Hollande arriva un soir à Arn-

1940 virent s’amasser dans le ciel de Hollandeles nuages lourds de menaces de la guerre quipénétrait à l’intérieur du pays. On voyait défilerdes soldats en uniforme dans les rues, deschevaux de frise recouverts de fil barbeléétaient éparpillés par toute la campagne hol-landaise (on en apercevait depuis les fenêtres

qu’à apprendre la langue le plus vite possible.Et je finis par l’apprendre. »À la grande joie d’Audrey, sa mère s’arrangeapour qu’elle continue à prendre des cours dedanse au Conservatoire de Musique et deDanse d’Arnhem. Bien que le niveau des le-çons ne fût pas des meilleurs, celles-ci lui per-mirent tout de même d’apprendre correctementles positions de la danse classique, de renfor-cer sa colonne vertébrale et de se débarrasserde la rigidité de ses mouvements, qui aurait puconstituer un obstacle de taille pour une futuredanseuse. Elle avait les pieds et les chevillesplutôt délicats, mais à force de ténacité et depersévérance, elle réussit à les renforcer suffi-samment pour pouvoir danser sur les pointes.Les premiers mois du printemps de l’année

Page 18: Audrey Hepburn

Sa préférenceallait aux choc

olats et pendant une certaine

période, elle devint une petite

fille potelée aux joues bien

rondes, en dépit de la légenda

ire minceur qui

l’accompagna presquetoute sa vie.

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séminée dans le public, de sympathisantsnazis, en conséquence de quoi elle avait dé-cidé d’adopter une attitude volontairementnon provocante à l’égard des Allemands, don-nant au contraire l’impression qu’elle se sou-ciait peu de la sécurité de ses visiteursanglais, C’était le premier acte d’une vastemise en scène que la baronne interpréteradurant toute la guerre, qui avait le rôle de lais-ser supposer de manière à la fois subtile etexplicite que les antiques liens entre sa fa-mille et le dernier empereur impliquaient desa part une position favorable à l’égard de lacause allemande. Parfaitement consciente dela présence de sang juif dans ses veines, ellene pouvait se permettre le luxe de s’opposerouvertement à l’ennemi.Le 10 mai 1940, après une longue nuit entrecou-pée d’alarmes aériennes, de rugissements de si-rènes et hantée par le vacarme des armes à feu,les Allemands franchirent le Rhin et envahirent laHollande, tandis qu’un renfort nazi parachuté noir-cissait le ciel du pays des moulins et des tulipes.Le 15 mai, les Hollandais furent contraints à ca-pituler. Arnhem et toute la Hollande se trouvaientà présent dans les mains des forces armées d’oc-cupation du Troisième Reich.

çait à oppresser la salle, elle se lança dansune introduction aussi longue qu’ennuyeuse.En plus des remerciements et hommages derigueur en pareille circonstance, elle contrai-gnit les danseurs dont les nerfs étaient tenduscomme les cordes des violons de l’orchestre àécouter un interminable historique du Sadler’sWells Ballet, ne leur faisant grâce d’aucun dé-tail. Quand, enfin, elle eut terminé son dis-cours de bienvenue, elle annonça qu’un dînerles attendait à la sortie du spectacle et invitatoute la troupe à y prendre part ; Audrey futégalement de la partie et put ainsi faire laconnaissance de ses idoles et leur offrir demagnifiques bouquets de fleurs.Dès qu’ils purent s’esquiver sans paraître im-polis, les danseurs se précipitèrent dans leurautocar en direction de la côte ; il leur restait àaccomplir un dangereux voyage de retour. Ilsdurent ainsi abandonner et sacrifier tous les dé-cors, costumes, et divers objets dont ils se ser-vaient sur scène à la fuite désespérée devantl’imminente invasion de la Hollande.L’étrange comportement de la baronne vanHeemstra à cette occasion n’était pas sansune explication fondée ; en effet, elle avaitparfaitement conscience de la présence, dis-

hem, où il devait se produire. La courageusecompagnie, sous la direction de la célèbre cho-régraphe et professeur de danse Ninette de Va-lois (nommée ensuite Dame de l’Empirebritannique) et du chef d’orchestre ConstantLambert, comprenait Margot Fonteyn, RobertHelpmann et Frederick Ashton comme pre-miers danseurs. Leur répertoire présentaitentre autres The Rake’s Progrus, La Façade deWalton et Les Patineurs.Cette représentation fut sans aucun doutel’événement le plus extraordinaire qu’ait vécula toute jeune Audrey jusqu’alors ; le caractèreexceptionnel de cette soirée fut encore accrupar le fait que sa mère, en tant que présidentede la British-Netherlands Society, fit office demarraine à ce mémorable spectacle, et dutdonc présenter la troupe au public. Il y a à cepropos une anecdote particulièrement évoca-trice de l’atmosphère que l’on respirait ce soir-là pendant ce spectacle hors du commun.Debout devant le lourd rideau baissé, la ba-ronne van Heemstra présenta donc au publicla troupe qui allait danser devant ses yeux.Alors qu’on entendait au loin résonner le ton-nerre de l’artillerie en action, apparemmentignorante du danger imminent qui commen-