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Spiritualités

Aurobindo Ghose - Le Guide Du Yoga

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Etude sur le Yoga de Shrî Aurobindode Nolini Kanta Gupta

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  • Spiritualits

  • LE GUIDE DU YOGA SHRI AUROBINDO

    Quatrime de couverture

    Depuis son clbre ashram de Pondichry, Shr Aurobindo dirigeait un grand nombre de disciples de toutes cultures, de toutes religions et de tous ges. Aux questions nombreuses et infiniment varies poses par ses disciples, il rpondait toujours par des explications et des instructions prcises, par l'intermdiaire de lettres. Malgr leur caractre personnel, ces indications avaient une porte suffisamment gnrale pour qu'Aurobindo dcide de les publier afin d'clairer le chemin de ceux qui dsirent comprendre et intgrer l'esprit du yoga. Ce Guide du yoga, dont la traduction a t entrine par l'auteur lui-mme, a depuis longtemps acquis le statut de classique. Il reste un ouvrage de rfrence pour quiconque veut pratiquer un yoga vivant.

  • Prface

    Du fond de sa retraite, dans son Ashram de Pondichry, Shr Aurobindo, lhomme en qui Romain Rolland a salu le plus grand penseur de lInde daujourdhui , dirigeait un grand nombre de disciples de toutes races, de toutes religions, de tous ges, se consacrant entirement au dveloppement spirituel tel que le concevait le Matre. Aux questions nombreuses et infiniment varies poses constamment par tous ces disciples, Shr Aurobindo rpondait toujours par des explications et des instructions prcises, envoyes dans des lettres personnelles. Bien que toutes ces indications fussent donnes spcifiquement pour le disciple qui les demandait titre individuel, beaucoup dentre elles ont cependant une porte suffisamment gnrale pour quon ait jug utile de les publier. Cest ainsi que quatre rcents volumes de Shr Aurobindo: The Riddle of the World (1933), Lights on Yoga (1935), Bases of Yoga (1936) et More Lights on Yoga (1948) sont des recueils dextraits de ces lettres aux disciples. Dans chaque cas, les extraits ont t choisis et groups par lauteur de manire former un ensemble. Dans The Bases of Yoga , dont nous donnons une traduction complte faite par La Mre et approuve par lauteur, sont traits plus particulirement certains problmes immdiats devant lesquels se trouvent un jour ou lautre tous ceux qui veulent pratiquer un vrai yoga. Dans Lights on Yoga , dont nous donnons ci-aprs une traduction complte par Lizelle Reymond et Jean Herbert (revue et approuve par l'auteur lui-mme), Shr Aurobindo expose les principes fondamentaux, mtaphysiques et psychologiques, du but que l'on propose et du chemin que l'on suit dans son Yoga. More Lights on Yoga , dont la traduction a t faite par Jean Herbert, vient complter Lights on Yoga . Il faut rapprocher du prsent recueil les trois volumes de Lettres de Shr Aurobindo rcemment publis1 (1) Traduction par Jean Herbert. Paris, Adyar.. Nous avons mis en tte de ce volume l'tude de Sj. Nolini Kanta Gupta qui servait d'introduction aux premires ditions franaises de Les Bases du Yoga . Cette tude, revue et approuve par Shr Aurobindo, a t traduite en franais par Suryakumar. Comme dans l'original anglais, nous avons t obligs de conserver dans le texte un certain nombre de termes sanskrits parce qu'ils n'ont pas d'quivalents dans les langues europennes. Le lecteur se familiarisera sans doute facilement avec ceux qui reviennent le plus souvent, sdhan et sdhak, nanda, prakriti et purusha, gunas. Les deux glossaires de Lights on Yoga et de The Bases of Yoga ont t

  • fondus en un seul. Les termes figurant dans More Lights on Yoga y ont t ajouts. Jean Herbert

  • Etude sur le Yoga de Shr Aurobindo

    de Nolini Kanta Gupta

    I On parle souvent de la conqute de la Nature. On dit mme que l est la raison dtre de ltre humain. Quentendons-nous donc par ce terme? La science moderne europenne conquiert la nature dune certaine manire. Elle a atteint quelque espce et quelque capacit de contrle et de conqute, et mme dans certains domaines une grande capacit ; mais si grande ou frappante quelle puisse tre sur son propre terrain, elle ne touche pas lhomme dans sa plus profonde ralit et ne lui apporte pas de changement vrai dans sa destine ou dans son tre, car la partie la plus vitale de la nature est la rgion des forces de vie, les pouvoirs de maladie, de lge et de la mort, de lutte, davidit, de convoitise, tous les instincts de la brute dans lhomme, toutes les forces sombres et primitives, les forces de lignorance qui forment le vrai fondement de la nature et du monde et de lhomme. Ensuite, lorsque nous nous levons dans le monde du mental, nous trouvons une rgion claire-obscure o le mensonge se masque en vrit, o les prjugs circulent comme des ralits, o de simples notions gouvernent comme autant didals. Telle est la nature actuelle de lhomme, avec son triple noyau du mental, de la vie et du corps, qui est l pour tre combattu et conquis. Cest la nature infrieure, dont parlent les anciens, qui maintient lhomme en bas, inexorablement dans un dharma infrieur, un mode de vie imparfait, la vie qui est et a t lordre humain ordinaire jusqu aujourdhui. Aucune action humaine, quelle soit intresse ou dsintresse, ne peut mouvoir cette roue de la nature, mme de lpaisseur dun cheveu, hors du sentier qui a t trac jadis. La nature et la socit humaines ont t construites et sont gouvernes par les forces de cette nature infrieure, et quels que soient les maniements et remaniements que nous puissions faire dans ces facteurs et ces lments apparents, le schma gnral et la forme fondamentale de la vie jamais ne changent. Pour dplacer la terre (et conqurir la nature ne signifie rien moins que cela) et lui donner une autre orbite, on doit trouver un point dappui en dehors de la terre. Shr Aurobindo ne prche pas la fuite de la vie et une retraite dans linfini passif et silencieux, comme certains activistes dans lInde len accusent ; le but de la vie nest pas, selon lui, lextinction de la vie. Il ne se contente pas non plus dadmettre, pour cette mme raison, quil vaut mieux vivre la vie dans la ronde ordinaire de son dharma non rgnr. Si la premire solution est une impasse, la seconde est un cercle vicieux ; ni lune ni lautre ne mne nulle part.

  • La sdhan de Shr Aurobindo part de la perception dun pouvoir qui est au-del de la nature ordinaire et pourtant son matre invitable, un point dappui, ainsi que nous lavons dit, en dehors de la terre. Car ce qui est requis dabord est la dcouverte et la manifestation dans lhomme dune nouvelle conscience qui accomplira par la pression mme et laccomplissement de sa loi un renversement absolu de la nature de lhomme. Ce sont les asuras qui, en ce moment, sont matres de lhumanit, car il y a bien longtemps que lhomme se laisse crer limage de lasura ; pour dloger les asuras, les dieux, dans leur souveraine puissance, doivent tre forgs dans ltre humain et entrer dans le jeu. Cest une tche prodigieuse, quelques-uns diraient impossible ; mais elle est fort loigne du quitisme ou du passivisme. Shr Aurobindo est dans la retraite, mais cest une retraite seulement du champ extrieur ds activits physiques prsentes et de leurs actualits apparentes, non pas des forces et des actions vraies de la vie. Cest la retraite ncessaire celui qui doit rentrer en lui-mme pour conqurir un plan nouveau de pouvoir crateur, pour assurer une entre directe dans le monde des forces de base, ou des ralits fondamentales, dans le cur flamboyant des choses o toutes les actualits sont nes et prennent leur premire forme, cest la dcouverte dune dynamo dnergie prodigieuse et des moyens de la mettre au service de la vie terrestre.

    II Quand Shr Aurobindo dclara : Notre yoga nest pas pour nous-mme, mais pour lhumanit , un grand nombre de nos compatriotes moderniss et occidentaliss poussrent un soupir de soulagement et pensrent que la grande me ntait pas, aprs tout, entirement perdue pour le monde, et que son nom ntait pas un nom de plus ajouter la longue liste des sannysins que lInde a produits au cours des sicles. On comprit que son yoga tait un yoga moderne, ddi au service de lhumanit. Et si ce service ntait pas toute la somme, toute la substance de sa spiritualit, cen tait tout au moins la fin profitable et la consommation. Son yoga tait une sorte dart destin explorer, harnacher certains pouvoirs invisibles afin de rendre la vie humaine meilleure par un moyen qui russirait mieux que ne peuvent esprer le faire les simples mthodes rationnelles et scientifiques. Shr Aurobindo vit que le cur mme de son enseignement tait fauss par cette interprtation ordinaire de ses paroles. Aussi changea-t-il sa formule et dit-il : Notre yoga nest pas pour lhumanit, mais pour le Divin. Je crains que ce changement de front, cette volte-face apparente, ne soit pas bien accueilli dans certains milieux qui croient devoir abandonner tout espoir de le voir revenir travailler pour le pays ou pour le monde et en viennent le considrer de nouveau, irrvocablement, comme un mtaphysicien rveur, loign des choses physiques, et mme aussi strile que lAbsolu (Brahman)

  • Immuable. Afin de mieux nous approcher de lidal pour lequel travaille Shr Aurobindo, nous pouvons runir avec avantage les deux formules quil nous a donnes, et dire que sa mission est de trouver et dexprimer le Divin dans lhumanit. Le service quil veut rendre lhumanit, cest de faire que le Divin sy manifeste et sy incarne. Son but nest pas seulement une amlioration, mais un changement total, une transformation complte : la divinisation de la vie humaine. Ici aussi lon doit se garder de certains malentendus possibles. La transformation de la vie humaine ne signifie pas ncessairement que lhumanit entire sera change en une race de dieux ou dtres divins ; cela veut dire lvolution ou lapparition sur terre dun type suprieur dhumanit de mme que lhomme a volu hors de lanimalit en un type suprieur danimalit, sans que pour cela le rgne animal tout entier ne soit transform en humanit. En ce qui concerne la possibilit dune telle consommation et Shr Aurobindo dit quelle nest pas seulement possible, mais invitable, on doit se souvenir que la force qui accomplira ce rsultat, et qui est dj au travail, nest pas un pouvoir humain individuel, si grand quil puisse tre, mais le Divin lui-mme ; cest la propre Shakti du Divin qui travaille pour le but prdtermin. Cest l le cur vritable du mystre, la cl matresse du problme. La venue de la race supra-humaine ou divine si prodigieux ou miraculeux que puisse paratre le phnomne peut devenir une chose dactualit pratique, prcisment parce que ce nest pas linstrument humain qui la entreprise, mais le Divin lui-mme dans sa Puissance, sa Sagesse et son Amour suprmes. La descente du Divin dans la nature humaine ordinaire afin de la purifier, de la transformer et de sy loger est tout le secret de la sdhan dans le yoga de Shr Aurobindo. Le sdhak doit seulement rester tranquille et silencieux, plein dune aspiration calme, ouvert, consentant, rceptif la force unique ; il na pas besoin, et il ne doit pas essayer, de faire des choses par un effort indpendant et personnel, mais les faire faire ou les laisser faire dans la conscience consacre, par le Divin Matre ou Guide. Tous les autres yogas ou disciplines spirituelles dans le pass envisageaient une ascension de la conscience, sa sublimation dans la conscience de lEsprit, sa fusion et sa dissolution finales en lui. Si mme on y envisageait la descente de la Conscience divine, pour prparer sa demeure dfinitive dans la nature humaine dynamique et pragmatique, ce ntait pas le thme principal des efforts et des ralisations. De plus, la descente dont il est parle ici est la descente, non pas dune conscience divine, car il y a beaucoup de varits de consciences divines, mais de la conscience mme du Divin, du Divin lui-

  • mme, avec sa Shakti, car cest elle qui uvre directement pour la transformation volutive de notre poque. Je nai pas dessein ici dentrer dans les dtails quant au sens exact de la descente, son processus, aux lignes dactivit employes et aux rsultats obtenus. Car il se produit vraiment une descente relle : la Lumire divine pntre dabord dans le mental et commence l son travail de purification, bien que ce soit toujours le cur intrieur qui reconnaisse le premier lessence divine et donne son assentiment l'action divine. Le mental, cest--dire le mental suprieur, est en effet le sommet de la conscience humaine ordinaire et reoit plus facilement et promptement les radiations qui descendent. Du mental, la Lumire filtre dans les rgions plus denses des motions et des dsirs, de lactivit de la vie et du dynamisme vital finalement elle descend dans la matire grossire elle-mme, dans le roc dur et obscur du corps physique, qui lui aussi doit tre illumin et prendre les vraies formes et aspects de la lumire suprme. Le Divin dans sa grce qui descend est le Matre Architecte, qui btit lentement mais srement ldifice aux multiples chambres et tages qui sont la nature et la vie humaines dans le moule de la divine vrit, avec son jeu parfait et sa Suprme expression. Mais cela ne peut tre considr de prs que lorsquon est dj bien engag dans le mystre du sentier et quon a acquis les premiers lments essentiels dun initi. La ralisation sur la terre dune vie spirituelle ou divine est par-dessus tout un acte de beaut, une uvre dart ; car du point de vue des ralits essentielles et intrieures il apparatrait que la spiritualit, si elle nest pas lart le plus haut, est au moins la base des arts. Si art signifie exprimer lme des choses, puisque lme vraie des choses est llment divin en elles, il faut certainement accorder la spiritualit, la discipline, de se mettre en contact avec lEsprit, le Divin, la place royale dans la hirarchie des arts ; car cest lart de la vie. Faire de la vie un travail parfait de beaut pure dans ses lignes, sans dfaut dans ses rythmes, rempli de force, iris de lumire, vibrant avec dlices une incorporation du Divin, en un mot est lidal le plus haut de la spiritualit. Vue ainsi, la spiritualit celle que pratique Shr Aurobindo est le nec plus ultra de la cration artistique.

    III Le yoga de Shr Aurobindo est dans la ligne directe du yoga propre de la nature. La nature a un yoga quelle suit infailliblement et invitablement, car il est la loi la plus secrte de son tre. Yoga signifie essentiellement un changement ou une transformation, une lvation et un largissement de la conscience qui sont effectus par la communion ou lunion ou lidentification avec une conscience plus haute et plus vaste. Ce procd dun dveloppement dune conscience dans la nature est

  • prcisment ce quon appelle volution. Cest un principe de conscience de plus en plus haut, jusqu prsent envelopp et cach derrire le voile, qui est apport et fix dans la conscience terrestre comme un facteur dynamique dans le travail manifeste de la nature. Ainsi la premire phase de lvolution est ltat de la matire inconsciente, des lments physiques sans vie. La deuxime phase est celle de la vie demi-consciente dans la plante, la troisime, celle de la vie consciente dans lanimal ; et finalement la quatrime phase, o nous sommes prsent, est celle de la vie consciente de soi incarne dans lhomme. Le cours de lvolution nest pas arriv un point final avec lhomme. Selon Shr Aurobindo, la prochaine phase que la nature envisage, et quelle travaille faire apparatre et tablir, est la vie, prsent supraconsciente pour nous, incarne dans un type encore suprieur dtres crs, celui du surhomme ou de lhomme-dieu. Le principe de conscience qui dterminera la nature et la construction de cet tre nouveau est un principe spirituel au-del du principe mental que lhomme incarne maintenant : on peut lappeler Supramental ou Gnose. Car jusqu prsent le mental a t le dernier terme de la conscience voluante ; le mental, tel quil est dvelopp dans lhomme, est linstrument le plus haut, construit et organis par la nature, travers lequel ltre conscient de soi peut sexprimer lui-mme. Cest pourquoi le Bouddha a dit : le mental est le premier de tous les principes, le mental est le plus haut de tous les principes, en vrit le mental est ce qui constitue tous les principes. Le mental prcde tous les dharmas (lois, principes). Mono puvvangama dhamma. La conscience au-del du mental na pas encore t rendue un lment visible et dynamique dans la vie sur terre ; les saints et les voyants en ont eu des aperus ou y ont pntr des degrs diffrents et de faons varies ; elle a jet ses illuminations drives dans les activits cratrices des potes et des artistes, dans les plus beaux et plus nobles lans des hros et des grands hommes daction. Mais, lextrme de ce qui a t accompli, le sommet qui ait t atteint dans cette direction, et quon peut donner comme exemple dans les disciplines spirituelles, oblige un retrait hors du cycle dvolution, une immersion et une absorption dans ltat statique qui est entirement au-del de lui et qui demeure pour ainsi dire lextrme oppos, lEsprit en soi, Atman, Brahman, Sachchidnanda, Nirvna, le premier sans second, le zro sans unit. Le premier contact que lon obtient avec cette superralit statique est travers les plus hauts domaines du mental : une communion plus directe et intime stablit travers un plan qui est juste au-dessus du mental le surmental ainsi que le nomme Shr Aurobindo. Le surmental dissout ou surpasse la conscience de lego qui limite ltre sa formation individualise, lie par une structure ou gaine extrieure troite du mental, de la vie et du

  • corps ; il rvle le Soi et lEsprit universels, la divinit cosmique et ses myriades de forces projetant des myriades de formes ; l, lexistence du monde apparat comme un jeu de voiles toujours changeant, sur la face dune ineffable ralit, comme un cercle mystrieux de cration et de destruction perptuelles ; cest lcrasante vision donne par Shr Krishna Arjuna dans la Gt. Dautre part lexprience initiale et plus intense quapporte cette conscience cosmique est lextrme relativit, la contingence et le transitoire de tout le flux, et il y a une ncessit qui semble logique et psychologiquement imprative, cest celle dchapper dans lternel substratum, qui est lineffable absolu. Telle a t la plus haute consommation, le but suprme que la plus pure exprience spirituelle et laspiration la plus profonde de la conscience humaine ont gnralement cherch atteindre. Mais de cette manire, le monde ou la cration ou la nature en vinrent finalement tre considrs comme fondamentalement un produit de lignorance ; lignorance, la souffrance, lincapacit et la mort furent dclares tre lestampille mme des choses terrestres. La lumire qui demeure au-dessus et au-del peut rpandre pour un temps un certain clat sur lobscurit mortelle, mais jamais ne peut lliminer ni la changer entirement. Vivre dans la pleine lumire, tre en elle et en faire partie veut dire passer au-del. Non quil ny ait eu dautres voies ou types dexpriences et aspirations spirituelles, mais celle que nous considrons a toujours frapp la corde majeure et domin et noy tout le reste. Il nest pas ncessaire que la conscience illusoire initiale du surmental amne la connaissance statique brahmique ou shnyam, nant (strile, statique) seul. A dire vrai, il y a dans ce processus particulier de conscience une lacune entre les deux, entre My et Brahman, comme si lon ne pouvait passer de lun lautre que par un saut. Cette lacune est comble dans le yoga de Shr Aurobindo par le principe du Supramental, non synthtique et analytique1 (1) Le Supramental nest pas seulement synthtique. Le Supramental est synthtique dans les plus basses sphres de lui-mme, o il doit prparer les principes du sur mental. La synthse est ncessaire seulement quand lanalyse a eu lieu et quon a dissqu, mis en pices toutes choses (analyse) ; alors on doit regrouper. Mais le Supramental est unitaire et na jamais divis ; aussi na-t-il pas besoin de runir les parties ou fragments pars ; il a toujours maintenu les conscients multiples ensemble dans lunique conscient. (Shr Aurobindo.) dans sa connaissance comme le surmental et lintelligence mentale la plus haute, mais invitablement unitaire, mme dans lextrme diversit. Le Supramental est la conscience qui est la vrit, la fois statique et dynamique, existant en soi et crative ; dans le Supramental, la conscience brahmique Sachchidnanda est consciente de soi et toujours manifeste

  • et incarne dans les pouvoirs fondamentaux de vrit et dans les formes de vrit pour le jeu de la cration ; le Supramental est le plan o lUnique spanouit dans le Multiple et o le Multiple cependant reste un, ntant lui-mme que des expressions varies du soi, de lUnique ; et le sachant il dveloppe les archtypes spirituels, les noms et formes divins de toutes les individualisations dune existence qui volue. Les Upanishads parlent de sentiers solaire et lunaire dans la conscience spirituelle. Peut-tre font-elles allusion ces deux lignes lune, travers la conscience myique du surmental, pntre dans la flicit statique, dans le nant extatique, et lautre monte encore plus loin, vers ltat solaire, qui est une masse, une mer, une infinit de cette lumire et de cette extase, mais qui, au mme moment, peut sexprimer et sincarner dans la Vrit-Conscience crative (Srya savitri). Dans le Supramental les choses existent dans leur parfaite ralit spirituelle ; chacune est consciemment la ralit divine dans son essence transcendante, son extension cosmique, son individualit spirituelle ; on y trouve la diversit dune existence manifeste, mais la sparation mutuellement exclusive na pas encore paru. Lego, le nud de la sparation, apparat comme une phase plus tardive et plus basse de linvolution. Ce quil y a ici, cest le nud invisible de centres individualisateurs de lternelle vrit de ltre. L o le Supramental et le surmental se rencontrent, on peut voir les multiples divinits, chacune distincte dans ses propres vrit, beaut et pouvoir, et pourtant toutes ensemble formant lunique conscience suprme infiniment compose et inalinablement intgrale. Quand on remonte au Supramental on voit quelque chose de plus : lunit amasser en elle toutes les diversits sans les dtruire, mais annuler et repousser la conscience sparative qui est le commencement de lignorance. La premire ombre de la conscience illusoire, la possibilit initiale du mouvement de lignorance se prsente quand la lumire supramentale entre dans la pnombre de la sphre mentale. Le mouvement du Supramental est le mouvement de la lumire sans obscurit, directe, non vacillante, fixe, absolue. La force ici contient et maintient dans leur unit de ralit les lignes nombreuses, mais non spares, de la vrit essentielle et inaltre ; sa marche est la progression invitable de chacune des vrits, dont chacune pntre et soutient toutes les autres, et pour cela sa cration, son jeu ou action nadmet ni preuve, ni faux pas, ni ttonnement, ni dviation ; car chaque vrit repose sur toutes les autres et sur Cela qui les harmonise toutes et nagit pas comme un pouvoir en divergence, ni mme en concurrence avec les autres pouvoirs de ltre. Dans le surmental commence le jeu des possibilits divergentes, les certitudes simples, directes, unies et absolues de la conscience supramentale se retirent, pour ainsi dire, dun pas et commencent se raliser par linteraction

  • de forces dabord sparment individualises et ensuite contraires et contradictoires. Dans le surmental se trouve une unit consciente sous-jacente ; nanmoins chaque pouvoir, chaque vrit, chaque aspect de cette unit est encourag accomplir ses possibilits comme si ctait suffisant pour lui-mme, et les autres sont employes par lui pour son propre enrichissement, jusqu ce que dans les rgions plus denses et plus sombres au-dessous du surmental cela tourne en conflits et batailles aveugles, et semble-t-il, en slection par le hasard. A lorigine, cration ou manifestation signifie la concrtisation ou la dvolution des pouvoirs de ltre conscient dans un jeu de diversits unies ; mais la ligne de la cration qui se termine dans la matire pntre de plus en plus des formes et des forces obscures, et finalement se produit lclipse virtuelle de la lumire suprme de la conscience divine. La cration descendant vers lignorance devient une involution de lEsprit dans la matire, travers le mental et la vie lvolution est un mouvement en arrire, un voyage de retour de la matire vers lEsprit, elle est le droulement, la dcouverte et la dlivrance graduels de lEsprit, lascension et la rvlation de la conscience involue travers une srie de rveils ; la matire sveillant la vie, la vie sveillant au mental et le mental cherchant sveiller quelque chose au-dessus du mental dans un pouvoir de lesprit conscient. Le rsultat apparent ou rel du mouvement de nescience dinvolution a t une ngation croissante de lEsprit ; mais son but cach est finalement dincarner lEsprit dans la matire pour exprimer ici dans le temps et lespace cosmiques les splendeurs de la ralit hors du temps. Le corps matriel en apparaissant apporte avec lui, invitablement, semble-t-il, la mortalit ; il a lair mme dtre faonn de mortalit afin que dans ce cadre et champ de la mortalit, lImmortalit, lternel Esprit-Conscience qui est la vrit et la ralit secrtes, dans le Temps lui-mme aussi bien que derrire lui, puisse tre tablie et que le Divin puisse tre possd, ou plutt se possde lui-mme, non de la faon invariable de la conscience statique, comme il le fait mme maintenant derrire le jeu cosmique, mais dans le jeu lui-mme et dans ses modes multiples de lexistence terrestre.

    IV Le secret de lvolution, ai-je dit, est un lan vers la libration et lpanouissement de la conscience hors dune inconscience apparente. Dans les premiers degrs le mouvement est trs lent et graduel, cest le procd primitif inconscient de la nature. Dans lhomme il acquiert la possibilit dtre conscient et par suite plus rapide et concentr. Cest en ralit la fonction du yoga mme : accomplir lvolution de la conscience en acclrant le procd de la nature par la volont consciente de soi de lhomme.

  • Un organe de ltre humain a t spcialement dvelopp pour devenir linstrument effectif de ce procd acclr yoguique. La conscience de soi, dont jai parl comme tant le caractre distinctif de lhomme, est une facult de cet organe. Cest lme de lhomme, son tre psychique ; lorigine, cette me est ltincelle de la conscience divine qui descendit et sinvolua dans la matire, et qui depuis sefforce de se librer par la marche en avant de lvolution ; dans lhomme elle a atteint une croissance et un pouvoir suffisants pour arriver, de derrire le voile, si prs de la surface, quelle puisse maintenant conduire et mouler sa conscience extrieure. Elle est aussi le canal travers lequel la conscience divine peut se dverser dans les niveaux infrieurs de la nature humaine. Elle est ltre pas plus grand quun pouce, toujours assis au-dedans du cur dont parlent les Upanishads. Elle est aussi la base de la vraie individualit et de lidentit personnelle. Pour lindividu, elle est de plus la rflexion ou lexpression dans la nature voluante de son soi essentiel jvtman qui est au-dessus, ternelle portion du Divin, un avec le Divin sans pourtant tre dissous ni perdu en lui. Ltre psychique est ainsi, dune part en contact direct avec le Divin et la conscience suprieure et dautre part le soutien secret et le contrleur (bhart, antarymin) de la conscience infrieure, le noyau cach autour duquel le corps, la vie et le mental de lindividu sont construits et organiss. Le premier pas dcisif dans le yoga est franchi quand on devient conscient de ltre psychique, ou, regard de lautre ct, quand ltre psychique passe devant et prend possession de ltre extrieur, commence initier et influencer les mouvements du mental, de la vie et du corps et graduellement les libre de la ronde ordinaire de la nature ignorante. Lveil de ltre psychique signifie, comme je lai dit, non seulement un approfondissement et une lvation de la conscience et sa dlivrance de lobscurit et de la limitation de la Prakriti infrieure, enferme dans le triple tat infrieur, dans ce qui est derrire et au-del ; il signifie aussi un retour de la conscience profonde et suprieure sur lhmisphre infrieur et en consquence la purification, lillumination, la rgnration de ce dernier. Finalement, quand ltre psychique est en pleine possession de soi et de son pouvoir, il peut tre le vhicule de la conscience supramentale directe qui pourra alors agir librement et absolument pour la transformation entire de la conscience extrieure, sa transfiguration dans un corps parfait de la Vrit-Conscience ; en un mot, sa divinisation. Voici donc le secret : la transformation, et non labandon ou lanantissement de la nature humaine ordinaire ; dabord et avant tout sa psychicisation cest--dire la faire mouvoir, vivre et exister en communion et identification avec la lumire de ltre psychique, et deuximement, travers lme, et travers le mental, la vie et le corps, qui vivent de lme et dans lme, ouvrir le

  • passage la conscience supramentale et laisser celle-ci descendre ici-bas pour travailler et accomplir. Lme, ou tre vrai, dans lhomme lev la conscience supramentale et en mme temps savanant pour possder un mental, une vie et un corps diviniss, comme instrument et canal de lexpression de soi, et une incarnation de la volont divine et de son dessein tel est le but que la nature cherche raliser prsent par son lan dvolution. Cest ce travail que lhomme a t appel afin que, en lui et travers lui, la transcendance et la transformation dcrtes puissent avoir lieu. Il nest pas facile nanmoins, et pas ncessaire non plus, denvisager en dtail, pour le moment, quelle apparence extrieure pourrait avoir cet homme divinis, le mode de son tre et sa vie extrieure, kim sta vrajeta kim, comme le demandait Arjuna ; ni comment la vie collective de la nouvelle humanit pourrait fonctionner ou quelle serait la composition de son difice social. Car ce qui se droule est un procd vivant, une croissance organique qui slabore travers les actions et ractions de multitudes de forces et dtats, connus et inconnus ; la configuration prcise de ce qui adviendra finalement ne saurait tre prdite avec exactitude. Mais le pouvoir qui est au travail est omniscient ; il choisit, rejette, corrige, faonne, cre, coordonne les lments, en accord avec la loi inviolable de la vrit et de lharmonie, et par la force de cette loi, qui rgne dans la demeure mme de la lumire, sve-dame, le Supramental. Il faut observer que, tout comme le mental nest pas le dernier degr dans la marche de lvolution, de mme le progrs de lvolution ne sarrtera pas avec la manifestation et lincarnation du Supramental. Il y a encore dautres principes suprieurs qui sont au-del, et il est prsumer queux aussi attendent leur manifestation et leur incarnation sur terre. La cration na pas commenc dans le temps (andi) et elle na pas non plus de fin (ananta). Cest un processus ternel de dveloppement progressif des mystres de linfini. Seulement on peut dire quavec le Supramental la cration sengage dans un ordre diffrent dexistence. Avant lui, ctait le domaine de lignorance, aprs viendra le rgne de la Lumire et de la Connaissance. Jusqu prsent la mortalit a t le principe dirigeant de la vie sur la terre ; elle sera remplace par la conscience de limmortalit. Lvolution sest ralise par des luttes et souffrances ; dsormais elle sera une floraison spontane, harmonieuse et heureuse. Quant au temps que prendra probablement la phase actuelle dvolution pour son accomplissement, puisque llan et la force spcifiques sont manifests et arrivent la surface, on peut prsumer daprs ce fait que le problme est devenu un problme dactualit, et mme quil peut tre abord comme sil devait tre rsolu maintenant ou jamais. Nous avons dit que dans lhomme, avec pour instrument la conscience de soi

  • ou la conscience de ltre psychique, lvolution est devenue susceptible dun procd concentr plus prompt qui est le procd du yoga. Plus linstrument crot, amasse de pouvoir et est infus de souffle divin, plus le procd deviendra rapide et concentr. En fait, lvolution est, depuis le commencement, lobjet dune acclration graduelle. Les phases primitives, par exemple la phase de la matire morte, du jeu des seules forces chimiques, fut une longue, trs longue phase ; il fallut des millions et des millions dannes, pour arriver au point o la manifestation de vie devint possible. Mais la priode de vie lmentaire qui a suivi et sest manifeste dans le monde des plantes, bien quelle ait dur plusieurs millions dannes, fut beaucoup plus courte que la prcdente ; elle se termina avec la venue de la premire forme animale. Lge de la vie animale jusqu larrive de lhomme fut beaucoup plus bref encore que celui de la vie des plantes. Et lhomme est dj vieux de plus dun ou deux millions dannes ; il est pleinement temps pour lui de se laisser transformer en un tre dordre suprieur. Et pourtant, si lon pense limmensit du travail, on peut dire avec raison que lternit est l devant nous, et quil ne faut pas marchander un sicle ou mme un millnaire pour un tel labeur ; car il sagit rien moins que de dfaire dinnombrables millnaires passs et de construire un avenir qui se perd dans linfini du temps. Cependant, nous le rptons, puisque cest le travail du Divin lui-mme et puisque le yoga propose un procd daction concentr et involu, effectuant en une minute ce qui aurait peut-tre pris des annes accomplir dans le cours naturel des choses, on peut sattendre ce que le travail sachve dans un avenir plutt proche que lointain. En vrit, cest un idal immdiat, ici sur notre terre dexistence matrielle et maintenant dans cette vie, dans ce corps mme, non pas dans lau-del ou ailleurs. Combien de temps, exactement? Cela dpendra de beaucoup de facteurs, mais quelques dizaines dannes de plus ou de moins nont pas grande importance. Quant lextension de la ralisation, nous dirons encore que ce nest pas une affaire de premire importance. Ce nest pas la quantit, mais la substance qui compte. Mme sil nexistait quun petit noyau, ce serait suffisant, au moins pour commencer, pourvu que ce soit la chose pure et vritable. Svalepamapyasya dharmasya tryate mahato bhayt. Mme un tout petit peu de Cela nous dlivre dune grande terreur. Mais, si lon demande la preuve de tout cela, et comment on peut tre sr de ne pas courir aprs un mirage, une chimre, nous pouvons seulement rpondre par le sage dicton anglais : On a la preuve du pudding quand on le mange. Nolini Kanta Gupta

  • PREMIERE PARTIE

    Les bases du Yoga Traduction franaise par La Mre

    Chapitre premier

    Calme - Paix - Equanimit Il nest pas possible de construire un fondement au yoga si le mental est agit. La premire chose requise est le calme dans le mental. De plus, la dissolution de la conscience personnelle nest pas le premier but du yoga ; le premier but est douvrir cette conscience une conscience spirituelle suprieure, et pour cela aussi un mental calme est de premire ncessit. La premire chose faire dans la sdhan est dtablir dans le mental une paix et un silence stables. Autrement vous pouvez avoir des expriences, mais rien ne sera permanent. Cest dans un mental silencieux que la vraie conscience peut sdifier. Un mental tranquille ne signifie pas quil ny aura pas du tout de penses ou de mouvements mentaux, mais que ceux-ci resteront la surface et que vous sentirez au-dedans votre tre vritable spar deux, observant sans se laisser entraner, capable de les surveiller et de les juger, de rejeter tout ce qui doit tre rejet, et daccepter et de conserver tout ce qui est vraie conscience et exprience vraie. La passivit mentale est bonne, mais veillez ntre passif qu la vrit et lattouchement de la divine Shakti. Si vous tes passif aux suggestions et aux influences de la nature infrieure, vous ne serez pas capable de progresser ou bien vous vous exposerez des forces adverses qui peuvent vous mener trs loin du vrai chemin du yoga. Aspirez ce que la Mre vous donne cette tranquillit et ce calme bien tablis dans le mental et ce sens constant de ltre intrieur en vous, se tenant lcart de la nature extrieure et tourn vers la lumire et la vrit. Les forces qui font obstacle la sdhan sont les forces de la nature infrieure, mentale, vitale et physique. Derrire elles se trouvent des pouvoirs adverses des mondes mental, vital et physique subtil. Cest seulement aprs que le

  • mental et le cur ont pris une orientation unique et se sont concentrs dans une aspiration exclusive vers le Divin que lon peut lutter avec succs contre ces pouvoirs adverses. Le silence est toujours une bonne chose ; mais par tranquillit du mental je ne veux pas dire un silence complet. Je veux dire un mental libre de trouble et dagitation, ferme, lger et content, pour pouvoir souvrir la force qui changera la nature. Limportant est de se dbarrasser de linvasion habituelle des penses troublantes, des sentiments faux, de la confusion dans les ides et des mouvements malheureux. Tout cela trouble la nature et lobscurcit et rend difficile la tche de la force ; quand le mental est tranquille et en paix, la force peut agir plus facilement. Il devrait vous tre possible de voir, sans en tre boulevers ni abattu, les choses quil faut changer en vous ; le changement en serait facilit. La diffrence entre un mental vide et un mental calme est celle-ci : lorsque le mental est vide, il ny a pas de pense, pas de conception, pas daction mentale daucune sorte, sauf une perception essentielle des choses sans ides formes ; dans le mental calme au contraire, cest la substance de ltre mental qui est tranquille, si tranquille que rien ne la trouble. Si des penses ou des activits se produisent, elles ne slvent pas du tout du mental, elles viennent du dehors et traversent le mental comme un vol doiseaux traverse le ciel dans lair immobile. Il passe, ne trouble rien, ne laisse aucune trace. Mme si un millier dimages ou les vnements les plus violents traversent le mental, sa tranquillit paisible demeure, comme si le tissu mme dont il est fait tait une substance de paix ternelle et indestructible. Un mental qui a acquis ce calme peut commencer agir, mme intensment et puissamment, mais il conservera sa tranquillit fondamentale, ne produisant rien de soi-mme, mais donnant une forme mentale ce quil reoit den haut, sans y rien ajouter du sien, avec calme et impartialit, et pourtant dans la joie de la vrit, et la puissance et la lumire heureuses de la transmission. Il nest pas indsirable pour le mental de devenir silencieux, dtre libre de toute pense et immobile, car cest le plus souvent quand le mental tombe dans le silence que se produisent la complte descente dune vaste paix venant den haut et, dans cette vaste tranquillit, la ralisation du Soi silencieux qui est au-dessus du mental partout dploy dans son immensit. Seulement, ds quil y a paix et silence mental, le vital du mental essaye de se prcipiter pour occuper la place, ou bien le mental mcanique sefforce, dans le mme dessein, de soulever sa ronde de pense habituelle et triviale. Le sdhak doit avoir soin de rejeter et de faire taire ces intrus afin que, au moins pendant la

  • mditation, la paix et la quitude du mental et du vital soient compltes. Le meilleur moyen de le faire est de garder une volont forte et silencieuse. Cette volont est celle du Purusha derrire le mental ; quand le mental est en paix, quand il est silencieux, on peut devenir conscient du Purusha, silencieux lui aussi et spar de laction de la nature. tre calme, ferme, tabli dans lesprit, dhra sthira, avoir cette quitude du mental, cette sparation du Purusha intrieur et de la Prakriti extrieure, cela est trs utile, presque indispensable. On ne peut pas tre ainsi calme et fix dans lesprit tant que ltre est soumis au tourbillon des penses ou au tumulte des mouvements vitaux. Sen dtacher, sen retirer, les sentir spars de soi est indispensable. Pour dcouvrir la vraie individualit et lriger dans la nature, deux choses sont ncessaires : dabord, la conscience de son propre tre psychique derrire le cur, et ensuite, cette sparation du Purusha et de la Prakriti. Car le vritable individu est derrire, voil par les activits de la nature extrieure. Une grande vague (ou mer) de calme et la constante conscience dune vaste et lumineuse ralit, tel est prcisment le caractre de la ralisation fondamentale de la vrit suprme dans son premier contact avec le mental et lme. On ne peut pas demander un meilleur commencement ni un meilleur fondement ; cest comme un roc sur lequel le reste peut tre bti. Cela signifie certainement, non seulement une prsence, mais la Prsence, et ce serait une grande erreur daffaiblir lexprience par un refus ou par quelque doute sur son caractre. Il nest pas ncessaire de dfinir cette Prsence et lon ne devrait mme pas essayer den former une image, car elle est infinie dans sa nature. Quoi que ce soit delle-mme quelle ait manifester ou extrioriser, elle le fera invitablement par son propre pouvoir, pourvu quil y ait acceptation continue. Il est tout fait vrai que cest une grce qui est envoye, et la seule manire de rpondre une telle grce est de laccepter avec gratitude et, en se gardant ouvert, de laisser le Pouvoir qui a touch la conscience dvelopper dans ltre ce qui doit y tre dvelopp. La transformation totale de la nature ne peut se faire en un instant ; elle prend ncessairement longtemps et procde par tapes ; lexprience actuelle est seulement une initiation, une base pour la nouvelle conscience dans laquelle cette transformation deviendra possible. La spontanit automatique de lexprience devrait delle-mme montrer quil ny a l aucune construction du mental, de la volont ou des motions ; elle vient dune vrit qui est au-del deux. Trs certainement, le rejet des doutes implique la matrise des penses. Mais la matrise de nos propres penses est aussi ncessaire que la matrise de nos

  • passions et de nos dsirs vitaux ou celle des mouvements de notre corps pour le yoga, et aussi en dehors du yoga. On nest mme pas un tre mental pleinement dvelopp si lon ne domine par ses penses et si lon nest pas leur tmoin, leur juge et leur matre, le Purusha mental, manomaya Purusha, skshi, anumant, shvara. Il ne sied pas davantage au mental dtre la balle de tennis de penses drgles et impossibles matriser, que dtre un vaisseau sans gouvernail dans lorage des dsirs et des passions, ou un esclave, soit de linertie, soit des impulsions du corps. Je sais que cest plus difficile, car lhomme, tant avant tout une crature de la Prakriti mentale, sidentifie avec les mouvements de son mental et ne peut pas subitement se dissocier et se tenir labri des tourbillons et des remous de la tempte mentale. Il lui est relativement facile de matriser son corps, au moins pour une certaine partie de ses mouvements. Il est moins facile, mais encore trs possible, dacqurir par une lutte, une matrise mentale de ses impulsions et de ses dsirs vitaux ; mais sasseoir au-dessus du tourbillon de ses penses, comme le yogin tantrique sur la rivire, est moins facile. Nanmoins, cela se peut. Tous les hommes mentalement dvelopps, ceux qui sont au-dessus du commun, doivent dune faon ou dune autre, tout au moins pendant un certain temps et pour certains desseins, sparer les deux parties du mental, la partie active qui est une fabrique de penses, et la partie calme et matresse qui est la fois un tmoin et une volont, observant, jugeant, rejetant, liminant ou acceptant les penses, imposant les corrections et les changements, le matre dans la maison du mental, capable de lempire sur soi, smrjya. Le yogin va encore plus loin. Dans ce domaine il nest pas seulement le matre ; mais tout en demeurant dune certaine manire dans le mental, il le dpasse pour ainsi dire, et se tient au-dessus, ou compltement en arrire, et libre. Pour lui limage de la fabrique de penses nest plus tout fait valable ; car il voit que les penses nous viennent du dehors, du mental universel ou de la nature universelle, parfois formes et distinctes, parfois informes et dans ce cas elles sont faonnes quelque part en nous. La principale occupation de notre mental consiste rpondre soit par un accueil favorable, soit par un refus ces vagues de penses (aussi bien quaux vagues vitales et aux vagues dnergie du physique subtil), ou encore faonner en forme mentale personnelle la substance des penses (ou des mouvements vitaux) de la nature-force environnante. Les possibilits de ltre mental ne sont pas limites ; il peut tre le libre tmoin et le matre dans sa propre maison. La libert progressive et lempire sur son mental sont parfaitement dans les moyens de quiconque possde la foi et la volont dentreprendre cette conqute.

  • Le premier pas est davoir un mental tranquille. Acqurir le silence est le pas suivant ; mais la quitude doit tre l dabord. Et par mental tranquille, jentends une conscience mentale au-dedans qui voit les penses venir vers elle et se mouvoir, mais qui, elle-mme, ne sent pas quelle pense, ne sidentifie pas avec les penses, et ne les appelle pas siennes. Des penses et des mouvements peuvent traverser le mental comme des voyageurs apparaissent, venant dailleurs, et passent travers une contre silencieuse ; le mental tranquille les observe ou ne prend pas la peine de les observer, mais, dans lun et lautre cas, il ne devient pas actif et ne perd pas sa tranquillit. Le silence est plus que la quitude. Il peut tre acquis en bannissant totalement du mental intrieur les penses, en les gardant muettes ou compltement lcart. Mais il est plus facilement tabli par un influx den haut ; on le sent descendre, pntrer et occuper, ou entourer la conscience personnelle, qui tend alors simmerger dans le vaste silence impersonnel. Les mots : Paix, calme, quitude, silence , ont chacun leur nuance de signification, mais il nest pas facile de les dfinir. La paix shnti. Le calme sthirat. La quitude achanchalat. Le silence nishchala niravat. La quitude est un tat dans lequel il ny a ni agitation ni trouble. Le calme, lui aussi, est un tat inbranlable quaucun trouble ne peut affecter ; cest un tat moins ngatif que la quitude. La paix est un tat encore plus positif ; elle porte en elle le sens dune dlivrance et dun repos stable et harmonieux. Le silence est un tat dans lequel il ne se produit pas de mouvements du mental ou du vital, ou bien dans lequel rgne une grande immobilit quaucun mouvement de surface ne peut pntrer ou altrer. Restez dans la quitude et ne vous inquitez pas si cest pendant un certain temps une quitude vide ; souvent la conscience est comme un rcipient qui doit tre vid de son contenu mlang ou indsirable ; elle doit rester vide momentanment jusqu ce quelle puisse tre remplie par des choses nouvelles et vraies, droites et pures. Il faut seulement viter de remplir le vase avec son ancien contenu bourbeux. Dans lintervalle attendez, ouvrez-vous vers le haut, appelez trs tranquillement et fermement, sans ardeur trop impatiente, pour que la paix pntre le silence, et, lorsque la paix sera l, demandez la joie et la prsence. Le calme, mme quand il semble au dbut tre une chose ngative, est si

  • difficile atteindre que den avoir tant soit peu doit tre considr comme un grand pas en avant. En ralit, le calme nest pas une chose ngative ; il est la nature mme du Sat-Purusha et la fondation positive de la conscience divine. Quoi quon cherche, quoi quon atteigne, il faut conserver le calme. Mme la connaissance, le pouvoir, lnanda, sils viennent et ne trouvent pas ce fondement, sont incapables de rester et doivent se retirer jusqu ce que la puret et la paix divines du Sat-Purusha soient tablies de faon permanente. Aspirez au reste de la divine conscience, mais dune aspiration calme et profonde. Elle peut tre ardente aussi bien que calme, mais elle ne doit pas tre impatiente, agite, ni pleine de vhmence rajasique. Cest seulement dans un tre et un mental tranquilles que la vrit supramentale peut difier sa vraie cration. Dans la sdhan lexprience ne peut manquer de commencer par le plan mental ; tout ce qui est ncessaire, cest que lexprience soit saine et authentique. La pression de lentendement et de la volont dans le mental et la pousse motionnelle dans le cur vers Dieu sont les deux premiers agents du yoga, et la paix, la puret et le calme (avec un assoupissement de lagitation infrieure) sont prcisment la premire base qui doit tre pose. Il est beaucoup plus important dacqurir cela au dbut que dentrevoir les mondes supraphysiques, davoir des visions, dentendre des voix ou dobtenir des pouvoirs. La purification et le calme sont de premire ncessit dans le yoga. On peut avoir sans eux une grande richesse dexpriences de ce genre (mondes, visions, voix, etc.) ; mais ces expriences, survenant dans une conscience impure et agite, sont le plus souvent pleines de dsordre et de mlange. Au dbut la paix et le calme ne sont pas continus ; ils viennent et repartent, et dordinaire il faut longtemps avant quils ne soient tablis dans la nature. Il est donc prfrable dviter limpatience et de poursuivre rsolument ce que lon fait. Si vous dsirez avoir quelque chose en plus de la paix et du calme, que ce soit lpanouissement complet de ltre intrieur et la perception du pouvoir divin qui est luvre en vous. Aspirez cela avec sincrit et une grande ardeur, mais sans impatience, et cela viendra. Vous avez enfin le vrai fondement de la sdhan. Ce calme, cette paix et cette soumission forment latmosphre approprie pour que tout le reste arrive : connaissance, force, nanda. Laissez cet tat stablir compltement. Il ne persiste pas pendant que vous travaillez parce quil est encore confin au mental propre qui vient seulement de recevoir le don du silence. Quand la

  • nouvelle conscience sera forme entirement et aura pris totalement possession de la nature vitale et de ltre physique (le vital jusquici nest que touch ou domin par le silence, il nest pas possd par lui), alors ce dfaut disparatra. La tranquille conscience de paix que vous avez maintenant dans le mental doit tre non seulement calme, mais vaste. Vous devez la sentir partout, vous sentir en elle et sentir tout en elle. Cela aidera aussi faire du calme une base de laction. Plus votre conscience deviendra vaste, plus vous serez capable de recevoir den haut. La Shakti pourra descendre et apporter dans lorganisme la force et la lumire aussi bien que la paix. Ce que vous sentez en vous dtroit et de limit est le mental physique ; il peut slargir seulement si la lumire et cette conscience plus vaste descendent et prennent possession de la nature. Linertie physique dont vous souffrez ne diminuera et ne disparatra probablement que par la descente dans lorganisme de la force den haut. Restez tranquille, ouvrez-vous et demandez la divine Shakti de confirmer le calme et la paix, dlargir la conscience et de lui apporter autant de lumire et de pouvoir que la conscience peut prsent en recevoir et en assimiler. Ayez soin de ne pas tre trop impatient, car cela pourrait troubler de nouveau la quitude et lquilibre qui ont dj pu stablir dans la nature vitale. Ayez confiance dans le rsultat final et donnez au Pouvoir le temps de faire son uvre. Aspirez, concentrez-vous dans lesprit qui convient et, quelles que soient vos difficults, vous tes certain datteindre le but que vous vous proposez. Cest dans la paix intrieure et dans ce quelque chose de plus vrai en vous que vous devez apprendre vivre, et cest cela que vous devez sentir tre vous-mme. Il vous faut considrer le reste comme ntant pas votre vrai moi, mais seulement un flux de mouvements superficiels, qui changent et se rptent et sont srs de disparatre mesure que le vrai Soi merge. La paix est le vritable remde ; se distraire au moyen dun dur travail ne donne quun soulagement temporaire, bien quune certaine somme de travail soit ncessaire pour le bon quilibre des diffrentes parties de ltre. Sentir la paix au-dessus et autour de votre tte est le premier pas. Il vous faut entrer en rapport avec elle, et elle doit descendre en vous, remplir votre mental, votre vie, votre corps, et vous entourer de telle sorte que vous viviez en elle ; car cette paix est le seul signe de la prsence du Divin auprs de vous, et une fois que vous lavez, tout le reste commencera de venir. La vrit dans la parole et la pense est trs importante. Plus vous pourrez sentir que le mensonge ne fait pas partie de vous-mme, mais vous vient du dehors, et plus il vous sera facile de le refuser et de le rejeter.

  • Persvrez, et ce qui est encore tordu sera redress et vous connatrez et sentirez constamment la vrit de la prsence du Divin ; ainsi votre foi sera justifie par lexprience directe. Aspirez dabord et priez pour que la Mre vous donne la tranquillit dans le mental, la puret, le calme et la paix, une conscience veille, lintensit de la dvotion, la force et la capacit spirituelle de faire face toutes les difficults intrieures ou extrieures et daller jusquau bout du yoga. Si la conscience sveille et que la dvotion et lintensit daspiration soient l, il sera possible au mental, pourvu quil apprenne la tranquillit et la paix, de crotre en connaissance. Ceci est d une conscience et une sensibilit trs vives de ltre physique, spcialement du vital physique. Il est bon pour le physique dtre de plus en plus conscient ; mais les ractions humaines ordinaires dont il prend conscience ne devraient pas le dominer, ni l'affecter grivement, ni le bouleverser. Il doit venir, dans les nerfs et le corps aussi bien que dans le mental, une vigoureuse galit, une matrise et un dtachement qui permettent au physique de connatre ces ractions et davoir un contact avec elles sans en prouver aucun trouble. Le physique doit savoir et tre conscient, et aussi repousser et rejeter la pression des mouvements qui se produisent dans latmosphre, au lieu de seulement les sentir et en souffrir. Reconnatre ses faiblesses et ses faux mouvements, et sen retirer est le chemin qui mne la libration. Ne juger personne que soi-mme, jusqu ce quon puisse voir les choses avec un mental et un vital calmes, est une rgle excellente. De plus, ne permettez pas votre mental de former des impressions htives, sur la base de quelque apparence extrieure, ni votre vital dagir en consquence. Il y a un endroit dans ltre intrieur o lon peut toujours rester calme et de l considrer avec quilibre et jugement les perturbations de la conscience de surface et agir sur elle pour la changer. Si vous pouvez apprendre vivre dans ce calme de ltre intrieur, vous aurez trouv votre base stable. Ne vous laissez pas branler ni troubler par ces choses. Ce quil faut toujours faire, cest rester ferme dans votre aspiration vers le Divin et affronter avec quanimit et dtachement toutes les difficults et toutes les oppositions. Pour ceux qui veulent mener la vie spirituelle, le Divin doit toujours passer dabord ; tout le reste doit tre secondaire. Restez dtach et regardez ces choses avec la calme vision interne de celui qui

  • est profondment consacr au Divin. Pour le moment vos expriences sont sur le plan mental ; mais cest ainsi que cela doit tre. Beaucoup de sdhaks ne peuvent progresser parce quils souvrent sur le plan vital avant que le mental et le psychique ne soient prts. Aprs le commencement de quelques expriences spirituelles vraies sur le plan mental, il se produit alors dans le vital une descente prmature causant beaucoup de confusion et de trouble. On doit tre en garde contre cela. Cest encore pire quand lme vitale de dsir souvre aux expriences avant que le mental nait t touch par les choses de lesprit. Aspirez toujours pour que la conscience et lexprience vraies pntrent le mental et ltre psychique et les rendent prts. Vous devez spcialement aspirer la tranquillit, la paix, une foi calme, un largissement stable et croissant, de plus en plus de connaissance, une dvotion profonde et intense, mais tranquille. Ne vous laissez pas dranger par votre entourage et Son opposition. Ces conditions sont souvent imposes au dbut comme une sorte dpreuve. Si vous pouvez demeurer tranquille et imperturbable, et continuer votre sdhan sans permettre ces circonstances de vous troubler intrieurement, cela vous aidera acqurir une force trs ncessaire ; car le chemin du yoga est toujours sem de difficults intrieures et extrieures, et pour leur faire face le sdhak doit dvelopper une force tranquille, ferme et solide. Le progrs spirituel interne ne dpend pas tant des conditions extrieures que de la manire dont nous ragissons du dedans leur contact tel a toujours t le verdict ultime de lexprience spirituelle. Cest pourquoi nous insistons sur la ncessit de prendre la bonne attitude et de la conserver, dobtenir un tat intrieur qui ne dpende pas des circonstances extrieures, un tat dquanimit et de calme si ce nest tout de suite un tat de bonheur intrieur , de se retirer de plus en plus profondment pour regarder du dedans vers le dehors, au lieu de vivre dans le mental de surface qui est toujours la merci des chocs et des coups de la vie. Cest seulement dans cet tat intrieur que lon peut tre plus puissant que la vie et ses forces de bouleversement, et que lon peut esprer vaincre. Rester tranquille au-dedans, ferme dans sa volont daller jusquau bout, en refusant dtre troubl ou dcourag par les difficults ou les fluctuations, cest l une des premires choses apprendre sur le chemin. Faire autrement, cest encourager linstabilit de la conscience et la difficult, dont vous vous plaignez, de garder lexprience. Cest seulement si au-dedans vous demeurez calme et rsolu, que les lignes dexprience peuvent se dvelopper avec quelque rgularit, quoiquelles ne soient jamais sans des priodes

  • dinterruption et de fluctuation ; mais si ces priodes sont convenablement utilises, elles peuvent devenir des priodes dassimilation qui puisent les difficults, plutt que des dmentis la sdhan. Une atmosphre spirituelle est plus importante que les conditions extrieures ; si on peut lobtenir et aussi crer son propre air spirituel pour y respirer et y vivre, cela est la vraie condition du progrs. Pour tre capable de recevoir la puissance divine et de la laisser agir travers vous sur les choses de la vie extrieure, trois conditions sont ncessaires : 1 - Le calme, lquanimit, ne pas vous laisser troubler par quoi que ce soit qui arrive, garder le mental immobile et ferme, qui observe le jeu des forces, mais reste lui-mme tranquille. 2 - Une foi absolue, la foi que cest le meilleur qui arrivera, mais aussi que, si vous russissez devenir un vrai instrument, le fruit sera celui que votre volont, guide par la lumire divine, voit comme la chose qui doit tre faite, kartavyam karma. 3 - La rceptivit, la capacit de recevoir la force divine et de sentir sa prsence et la prsence de la Mre en elle, et de lui permettre de faire son uvre, en guidant votre vision, votre volont et votre action. Si ce pouvoir et cette prsence peuvent tre perus et que cette plasticit devienne habituelle pour la conscience dans l'action mais une plasticit la force divine seule, sans admission daucun lment tranger le rsultat final est sr. Lquanimit est une partie trs importante de notre yoga. Il est ncessaire de la conserver dans la douleur et la souffrance, et cela signifie endurer celles-ci avec fermet et calme, ne pas tre agit, troubl, dprim ou dcourag, et avancer avec une foi inbranlable dans la volont divine. Mais lgalit dme nimplique pas une acceptation inerte. Si, par exemple, vous chouez momentanment dans certaine tentative de la sdhan, vous devez garder une me gale, sans vous inquiter ni vous dcourager ; mais il ne faut pas accepter linsuccs comme une indication de la volont divine et abandonner la tentative. Vous devez plutt dcouvrir la raison et le sens de linsuccs et avancer plein de foi vers la victoire. Il en est de mme pour la maladie : ne soyez pas inquiet, troubl ou agit ; mais nacceptez toutefois pas la maladie comme une expression de la volont divine ; considrez-la plutt comme une imperfection du corps dont il faut vous dbarrasser comme vous essayez de le faire des imperfections vitales et des erreurs mentales. Sans lquanimit, samat, il ne peut y avoir aucun fondement ferme pour la sdhan. Quelque dplaisantes que soient les circonstances, quelque dsagrable que soit la conduite dautrui, vous devez apprendre tout recevoir

  • avec un calme parfait et sans raction troublante. Ces choses servent de pierre de touche lgalit dme. Il est facile dtre calme et serein quand tout va bien et que les gens et les circonstances sont agrables ; cest quand ils sont tout loppos que la plnitude du calme, de la paix et de lgalit est prouve, fortifie, perfectionne. Ce qui vous est arriv montre quelles sont les conditions de ltat dans lequel le pouvoir divin prend la place de lego et dirige laction, faisant son instrument du mental, de la vie et du corps. Un silence rceptif du mental, un effacement de lego mental, la rduction de ltre mental la position de tmoin, un contact intime avec le pouvoir divin et une ouverture de ltre cette influence et nulle autre, telles sont les conditions requises pour devenir un instrument du Divin, m par lui et par lui seul. Le silence mental namne pas de lui-mme la conscience supramentale ; il y a beaucoup dtats, de plans on de niveaux de conscience entre le mental humain et le Supramental. Le silence ouvre le mental et le reste de ltre des choses plus grandes, quelquefois la conscience cosmique, quelquefois lexprience du Soi silencieux, quelquefois celle de la prsence ou de la puissance du Divin, quelquefois une conscience plus haute que celle du mental humain ; le silence mental est la condition la plus favorable pour que se produise lune quelconque de ces expriences. Dans notre yoga cest la meilleure condition, mais non pas la seule, pour que le pouvoir divin descende, dabord sur la conscience individuelle, puis en elle, afin dy faire son uvre pour transformer cette conscience, lui donner les expriences ncessaires, changer sa faon de voir et tous ses mouvements, et la conduire dtape en tape jusqu ce quelle soit prte pour la dernire transformation, la supramentale. Lexprience de la sensation dun bloc solide indique la descente dune force et dune paix substantielles dans ltre extrieur, et surtout dans le vital physique. Cest toujours cela qui est le fondement, la base stable sur laquelle tout le reste, nanda, lumire, connaissance, bhakti, peut ensuite descendre, sappuyer ou jouer en scurit. Lengourdissement tait prsent dans lautre exprience parce que le mouvement tait tourn vers le dedans ; mais ici la Yoga-Shakti se meut vers le dehors dans la nature extrieure pleinement veille, premier pas pour y tablir le yoga et ses expriences. Aussi ny a-t-il pas cet engourdissement qui tait le signe de la conscience tendant se retirer des parties extrieures. Souvenez-vous dabord que la premire condition dune sdhan sans danger est la tranquillit intrieure rsultant de la purification dun mental et dun

  • vital agits. Souvenez-vous ensuite que de sentir la prsence de la Mre pendant quon agit extrieurement est dj un grand pas qui ne peut tre fait sans un progrs intrieur considrable. Ce dont vous sentez avoir si grand besoin, mais que vous ne pouvez dfinir, est probablement une perception constante et nette de la force de la Mre travaillant en vous, descendant des hauteurs et prenant possession des diffrents plans de votre tre. Cela est souvent un tat prliminaire au double mouvement dascension et de descente ; et cela viendra srement en son temps. Ces choses peuvent prendre longtemps avant de commencer dune faon visible, surtout quand le mental est trs actif lordinaire et na pas lhabitude du silence. Lorsque le voile de cette activit est l, beaucoup de travail doit se faire derrire lcran mobile du mental, et le sdhak croit que rien ne se passe tandis quen fait une grande prparation seffectue. Si vous voulez un progrs plus rapide et plus visible, cela ne se peut quen amenant le psychique la surface par un constant don de vous-mme. Aspirez intensment, mais sans impatience. Une Vitalit, un mental et un corps forts sont ncessaires dans la sdhan. On doit tout spcialement prendre des mesures pour rejeter le tamas et pour apporter la vigueur et la force dans le cadre de la nature. La voie du yoga doit tre une chose vivante et non un principe mental ou une mthode fixe quoi lon saccroche en dpit de toutes les variations qui seraient ncessaires. Ne pas tre troubl, demeurer tranquille et confiant est la vraie attitude ; mais il est ncessaire aussi de recevoir laide de la Mre ; sous aucun prtexte il ne faut se soustraire sa sollicitude. On ne devrait pas se complaire dans des ides dincapacit, dinaptitude rpondre, ni trop insister sur les dfauts et les checs, ni permettre au mental dtre cause deux dans la douleur et la honte ; car ces ides et ces sentiments deviennent la fin des sources de faiblesse. Sil y a des difficults, des faux pas ou des insuccs, on doit les regarder tranquillement et, pour sen dfaire, appeler avec calme et persistance laide divine ; mais il ne faut pas se laisser aller au dcouragement, au bouleversement, au chagrin. Le yoga nest pas un chemin facile, et le changement total de la nature ne peut se faire en un jour. Le conflit vital et la dpression sont sans doute la consquence dun dsir trop ardent dans votre effort prcdent et dune tension en vue du rsultat. Aussi quand une chute se produit dans la conscience, cest un vital dsol, du et perplexe qui vient la surface, ouvrant largement la porte aux suggestions de doute, de dsespoir et dinertie venant du ct adverse de la nature. Vous devez vous diriger vers une base ferme de calme et dquanimit dans le vital

  • et le physique aussi bien que dans la conscience mentale. Que la pleine descente de pouvoir et dnanda seffectue, mais dans un dhra solide, capable de les contenir ; cest la complte quanimit qui donne cette capacit et cette robustesse. Le calme et lampleur sont le fondement de la conscience yoguique et la meilleure condition pour la croissance et lexprience internes. Si un vaste calme peut tre tabli dans la conscience physique, occupant et remplissant le corps lui-mme et toutes ses cellules, cela peut devenir la base de sa transformation ; en fait, sans ce calme et cette ampleur, la transformation nest gure possible. Cest le but de la sdhan que la conscience slve hors du corps et se fixe au-dessus, se dployant en extension partout, sans tre limite au corps. Ainsi libr, on souvre tout ce qui est au-dessus de cette position, au-dessus du mental ordinaire, on y reoit tout ce qui descend des hauteurs, on observe tout ce qui est au-dessous. Il est alors possible dtre, en toute libert, le tmoin de ce qui est plus bas et de le matriser, de recevoir et de transmettre ce qui descend et simpose au corps, afin de prparer celui-ci tre linstrument dune plus haute manifestation et de le transformer en une nature et une conscience suprieures. Ce qui vous arrive est un essai de la conscience de se fixer dans cette libration. Quand on est dans cette position plus haute, on y trouve la libert du Soi, le vaste silence et le calme immuable ; mais ce calme doit tre amen aussi dans le corps, dans tous les plans infrieurs, et y tre instaur comme se tenant en arrire de tous les mouvements et les contenant. Si votre conscience slve au-dessus de la tte, cela signifie quelle monte au-del du mental ordinaire vers le centre plus haut qui reoit la conscience suprieure, ou bien vers les degrs ascendants de cette conscience suprieure elle-mme. Le premier rsultat est le silence et la paix du Soi qui forment la base de la conscience suprieure ; celle-ci peut ensuite descendre dans les plans infrieurs et dans le corps lui-mme. La lumire et la force peuvent aussi descendre. Le nombril et les centres au-dessous de lui sont ceux du vital et du physique ; quelque chose de la force suprieure peut tre descendu en eux.

  • Chapitre deuxime

    Foi - Aspiration - Soumission Notre yoga exige une totale conscration de la vie laspiration vers la dcouverte et lincorporation de la Vrit divine, et rien dautre. Il est inadmissible de partager sa vie entre le Divin et quelque but ou activit extrieurs qui nont rien faire avec la recherche de la vrit. La moindre division de ce genre rend impossible tout succs dans le yoga. Vous devez vous retirer en vous-mme et vous engager dans une conscration complte la vie spirituelle. Si vous voulez russir dans le yoga, il faut renoncer vous cramponner aux prfrences mentales, cesser dinsister sur les fins, les intrts et les attractions du vital et faire disparatre tout attachement goste la famille, aux amis, au pays. Quoi que ce soit qui ait sexprimer comme nergie et action, doit procder de la vrit qui a t dcouverte et non pas des motifs infrieurs du mental et du vital, de la volont divine et non pas du choix personnel ou des prfrences de lego. Les thories mentales nont pas une importance capitale, car le mental labore ou accepte les thories qui soutiennent le penchant de ltre. Ce qui importe, cest ce penchant et lappel en vous. Savoir quil y a une existence, une conscience et une flicit suprmes, et quelles ne sont pas simplement un nirvna ngatif, ni un absolu statique et amorphe, mais quelles sont aussi dynamiques, percevoir quelles peuvent tre ralises, non seulement dans lau-del, mais ici-mme, et par suite accepter la vie divine pour but du yoga, tout cela nappartient pas au mental. Bien que cette faon de voir puisse se soutenir intellectuellement aussi bien quune autre, sinon mieux, ce nest pas une question de thorie mentale, mais dexprience, et, avant que lexprience ne vienne, de foi de la foi de lme entranant ladhsion du mental et de la vie. Celui qui est en contact avec la lumire suprieure et a cette exprience, peut prendre ce chemin, si ardu soit-il, pour les parties infrieures de son tre. Celui qui est touch par la lumire, sans avoir lexprience, mais en percevant lappel, la conviction, lobligation qui proviennent de ladhsion de lme, celui-l peut aussi prendre ce chemin. Les voies du Divin ne sont pas celles de lesprit humain ; elles ne se conforment pas nos plans. Il est donc impossible de les juger ou de dcider pour le Divin ce quil devra faire ou ne pas faire, car il le sait mieux que nous. Si lon admet le moins du monde lexistence du Divin, il me semble que la vraie raison sunit la bhakti pour exiger une foi et une soumission compltes.

  • La vraie attitude de sdhan est de ne pas imposer son mental et sa volont vitale sur le Divin, mais daccueillir la volont divine et de la suivre. Le mieux nest pas de dire : Jai droit ceci, jen ai besoin, je le demande, je le rclame, cela mest ncessaire ; pourquoi ne lai-je point? mais de se donner, de sabandonner et de recevoir avec joie, sans saffliger ni se rvolter, tout ce que le Divin vous octroie. Alors ce que vous recevrez sera justement ce quil vous faut. La foi, la confiance en Dieu, la soumission et le don de soi au pouvoir divin sont ncessaires et indispensables. Mais avoir confiance en Dieu ne doit pas tre une excuse pour sabandonner lindolence, la faiblesse et aux impulsions de la nature infrieure ; il faut en mme temps une aspiration infatigable et un rejet persistant de tout ce qui fait obstacle la vrit divine. De la soumission au Divin on ne doit pas faire une excuse, un prtexte ou une occasion pour se soumettre ses propres dsirs, ses mouvements infrieurs, son ego ou quelque force dignorance ou dobscurit qui faussement se donne lapparence du Divin. Vous navez qu aspirer, vous garder ouvert la Mre, rejeter tout ce qui est contraire sa volont, et la laisser travailler en vous tout en accomplissant pour elle tout votre travail, dans la foi que cest par sa force que vous pouvez le faire. Si vous restez ouvert de cette manire, la connaissance et la ralisation viendront vous en temps voulu. Dans notre yoga tout dpend de la capacit de souvrir linfluence. Si laspiration est sincre et quil y ait une patiente volont datteindre la conscience suprieure en dpit de tous les obstacles, louverture, sous une forme ou une autre, ne manquera pas de se produire. Mais cela prend plus ou moins de temps suivant ltat du mental, du cur et du corps, et leur degr de prparation. Si donc lon na pas la patience ncessaire, les difficults du commencement peuvent faire abandonner la tentative. Il ny a pas dautre mthode dans notre yoga que de se concentrer de prfrence dans le cur et dappeler la prsence et le pouvoir de la Mre pour quelle se charge de ltre et que, par laction de sa force, elle transforme la conscience. On peut aussi se concentrer dans la tte ou entre les sourcils ; mais pour beaucoup ceci est une ouverture trop difficile. Quand le mental se tranquillise, que la concentration devient forte et laspiration intense, cela indique le dbut de lexprience. Plus grande est la foi, plus on peut sattendre un rsultat rapide. Pour le reste, on ne doit pas dpendre seulement de son propre effort ; il faut russir tablir le contact avec le Divin et la rceptivit au pouvoir et la prsence de la Mre.

  • Peu importe quels dfauts vous pouvez avoir dans votre nature ; la seule chose qui importe est que vous vous gardiez ouvert la force. Personne ne peut se transformer par son propre effort, sans aide. Cest la force divine seule qui peut vous transformer ; si vous vous gardez ouvert, tout le reste sera fait pour vous. Presque personne nest assez fort pour surmonter sans aide, par son aspiration et sa volont propres, les forces de la nature infrieure. Ceux-l mmes qui le font nobtiennent quun certain genre de contrle et pas la matrise totale. La volont et laspiration sont ncessaires pour faire descendre laide de la force divine et pour que ltre se range de son ct pendant quelle agit sur les pouvoirs infrieurs. La force divine, accomplissant la volont spirituelle et laspiration psychique du cur, peut seule effectuer la conqute. Faire quoi que ce soit par le pouvoir du mental est toujours difficile, quand ce que lon essaye va rencontre de la tendance de la nature humaine ou de la nature personnelle. Une forte volont, dirige vers son objet avec patience et persvrance, peut effectuer un changement, mais gnralement cela prend longtemps, et au commencement le succs peut ntre que partiel et mitig de beaucoup dchecs. Pour transformer automatiquement toute action en acte dadoration, la matrise de la pense nest pas suffisante ; il faut dans le cur une forte aspiration qui produise une perception ou un sentiment de la prsence de Celui qui ladoration est offerte. Le bhakta ne se fie pas son seul effort, mais la grce et au pouvoir du Divin quil adore. Vous avez toujours trop compt sur laction de votre mental et de votre volont propres ; cest pourquoi vous ne pouvez pas progresser. Si vous pouviez prendre lhabitude de vous confier silencieusement au pouvoir de la Mre et non pas seulement de lappeler pour soutenir votre propre effort lobstacle diminuerait et finirait par disparatre. Toute aspiration sincre produit son effet ; si vous tes sincre vous crotrez dans la vie divine. Pour tre entirement sincre, il faut vouloir seulement la vrit divine, se soumettre de plus en plus la Mre divine, rejeter toute exigence personnelle et tout dsir autre que cette unique aspiration, offrir au Divin toute action de la vie et accomplir cette action comme le travail qui vous est dparti, sans permettre lego dintervenir. Telle est la base de la vie divine. On ne peut pas devenir tel tout dun coup ; mais si lon aspire sans cesse et

  • que lon fasse appel tout moment laide de la divine Shakti, avec un cur sincre et une volont droite, on est sr de crotre de plus en plus dans cette conscience. Une soumission complte nest pas possible en si peu de temps, car une soumission complte implique que le nud de lego est coup dans toutes les parties de ltre, qui sera offert, intgral et libre, au Divin. Le mental, le vital et la conscience physique et mme chacune de leurs parties, dans tous ses mouvements ont se soumettre successivement, abandonner leurs voies propres et accepter la voie du Divin. Mais ce que lon peut faire ds le dbut, cest prendre une rsolution centrale de conscration et excuter cette rsolution de toutes les manires qui se prsentent, en saisissant chaque pas toute occasion de complter le don de soi. La soumission dans une direction rend les autres plus faciles, plus invitables ; mais delle-mme elle ne coupe ni ne dlie les autres attaches. Celles surtout qui sont trs intimement lies la prsente personnalit et ses formations les plus chres prsentent souvent de grandes difficults, mme aprs que la volont centrale est fixe et que les premiers sceaux de la pratique ont t apposs sur sa rsolution. Vous demandez comment rparer le tort que vous paraissez avoir fait. En admettant quil en soit comme vous le dites, il me semble que la rparation consiste justement faire de vous-mme un rceptacle pour la vrit divine et lamour divin. Et les premiers pas dans ce sens sont une conscration et une purification compltes, une complte ouverture de soi au Divin et un rejet loin de soi de tout ce qui peut se dresser sur le chemin de cet accomplissement. Dans la vie spirituelle il ny a pas dautre rparation dune faute, il ny en a aucune autre qui soit pleinement efficace. Au commencement on ne doit demander aucun fruit ou rsultat autre que cette croissance et ce changement intrieurs ; sinon lon sexpose de svres dsillusions. Cest seulement quand on est libre quon peut librer les autres, et dans le yoga, cest de la victoire intrieure que sort la conqute extrieure. Il nest pas possible de se dbarrasser immdiatement de cette insistance sur leffort personnel et ce nest pas toujours dsirable, car leffort personnel est prfrable linertie tamasique. Leffort personnel doit tre progressivement transform en un mouvement de la force divine. Si vous tes conscient de la force divine, appelez-la de plus en plus pour quelle gouverne votre effort, quelle ladopte et quelle le transforme en quelque chose qui nest plus vous, mais la Mre. Il se produira en quelque sorte un transfert, une prise en main des forces qui

  • agissent dans l'dhra personnel, un transfert qui ne sera pas soudainement complet mais progressif. Mais lquilibre psychique est ncessaire. On doit dvelopper le discernement qui voit clairement ce qui est la force divine, ce qui est llment deffort personnel et ce qui sintroduit comme mlange des forces cosmiques infrieures. Et jusqu ce que le transfert soit complet ce qui prend ncessairement du temps il doit toujours y avoir, comme contribution personnelle, un consentement constant la force vraie et un constant rejet de toute immixtion infrieure. Pour le moment ce quil faut nest pas cesser leffort personnel, mais appeler de plus en plus le pouvoir divin pour quil gouverne et guide cet effort. Au dbut de la sdhan il nest pas recommander de laisser tout au Divin et de tout attendre de lui sans quil soit besoin dun effort personnel. Cela est possible seulement quand ltre psychique est au premier plan et quil influence toute laction (et mme alors, une vigilance et un sentiment constants sont ncessaires), ou bien plus tard, dans les dernires tapes du yoga, quand une force supramentale directe, ou presque directe, se saisit de la conscience ; mais ce dernier tat est encore trs loign. Dans dautres conditions, cette attitude risque de mener la stagnation ou linertie. Ce sont seulement les parties les plus mcaniques de ltre qui peuvent avec vrit dire quelles sont impuissantes. En particulier, la conscience physique matrielle est inerte dans sa nature et elle est mue, soit par le mental ou le vital, soit par les forces suprieures ; mais on a toujours le pouvoir de mettre au service du Divin la volont mentale ou llan vital. On ne peut pas tre sr du rsultat immdiat, car lobstruction de la nature infrieure ou la pression des forces adverses peuvent souvent contrarier avec succs pendant un temps, et mme pendant longtemps, le changement qui est ncessaire. On doit alors persister, garder toujours sa volont du ct du Divin, en rejetant ce qui doit tre rejet, en souvrant la vraie lumire et la vraie force, en invoquant le Divin avec tranquillit et constance, sans se lasser, sans dpression ni impatience, jusqu ce quon sente la force divine luvre et les obstacles commencer cder. Vous dites que vous tes conscient de votre ignorance et de votre obscurit. Si cest seulement une conscience gnrale, ce nest pas assez. Mais si vous en tes conscient en dtail, dans leur action effective, cest suffisant pour commencer. Vous devez rejeter rsolument les mouvements faux dont vous tes conscient, et faire de votre mental et de votre vital un champ clair et tranquille pour laction de la force divine. Les mouvements mcaniques sont toujours les plus difficiles arrter par la

  • volont mentale, parce quils ne dpendent pas du tout de la raison ni daucune justification mentale, mais quils sont bass sur des associations ou bien simplement sur la mmoire et lhabitude mcaniques. La pratique du rejet finit par triompher ; mais par leffort personnel seul, cela peut prendre trs longtemps. Si vous pouvez sentir le pouvoir divin luvre en vous, cela devient plus facile. Il ne doit rien y avoir dinerte et de tamasique dans le don de soi cette direction, et aucune partie du vital ne doit en faire une excuse pour ne pas rejeter les suggestions des impulsions et des dsirs infrieurs. Il y a toujours deux manires de faire le yoga. Lune est par laction dun mental et dun vital vigilants, qui voient, observent, pensent et dcident ce qui doit ou ne doit pas tre fait. Bien entendu, cette action sappuie sur la force divine, attire ou appele car autrement on ne peut pas grand chose. Mais cest encore leffort personnel qui prdomine et se charge de la plus grande partie du fardeau. Lautre manire est celle de ltre psychique : la conscience qui souvre au Divin, qui non seulement ouvre ltre psychique et lamne au premier plan, mais ouvre aussi le mental, le vital et le physique, reoit la lumire, peroit ce qui doit tre fait et le sent et le voit fait par la force divine elle-mme, tout en aidant constamment au travail du Divin par son propre consentement et son appel, vigilants et conscients. Dordinaire il y a forcment un mlange de ces deux manires jusqu ce que la conscience puisse souvrir et accepter compltement que le Divin soit lorigine de toutes ses actions. Cest alors que toute responsabilit cesse et que disparat des paules du sdhak tout fardeau personnel. Que ce soit par la tapasy ou par la soumission, cela na pas dimportance ; la seule chose qui importe est de garder fermement la face tourne vers le but. Une fois que lon a pos les pieds sur le chemin, comment peut-on sen dtourner pour retomber dans des voies infrieures? Si lon reste ferme, les chutes ont peu dimportance ; on se relve et on va de lavant. Pour celui qui est rsolu atteindre le but, il ne peut y avoir dchec dfinitif sur le chemin qui mne au Divin. Et sil y a en vous quelque chose qui vous pousse en avant ce qui est srement le cas les dfaillances, les chutes et le vacillement de la foi ne font la fin aucune diffrence. Il faut persister jusqu ce que le conflit soit pass et que vous ayez devant vous le chemin libre, droit et sans pines. Le feu est le feu divin daspiration et de tapasy intrieure. Quand le feu descend maintes reprises, avec une force et une puissance croissantes, dans lobscurit de lignorance humaine, il semble tout dabord absorb et englouti

  • par cette obscurit, mais la descente rpte change lobscurit en lumire, et lignorance et linconscience du mental humain en une conscience spirituelle. Pratiquer le yoga implique la volont de surmonter tous les attachements et de se tourner vers le Divin seul. Lessentiel dans le yoga est de se confier chaque pas la grce divine, de diriger sa pense constamment vers le Divin et de soffrir, jusqu ce que ltre souvre et que lon puisse sentir la force de la Mre luvre dans l'dhra. Le principe mme de notre yoga est de souvrir linfluence divine. Elle est l au-dessus de vous, et si vous parvenez en tre conscient, vous navez qu lappeler en vous. Elle descend dans le mental et le corps comme paix, lumire, force luvre, prsence divine avec ou sans forme, nanda. Avant dobtenir cette conscience, il faut avoir la foi et aspirer vous ouvrir. Laspiration, lappel, la prire ne sont que des formes diffrentes dune seule et mme chose, et toutes sont efficaces. Vous pouvez adopter la forme qui se prsente vous ou celle qui vous est le plus facile. Lautre manire est la concentration ; vous concentrez votre conscience dans le cur (certains le font dans la tte ou au-dessus de la tte) et l vous mditez sur la Mre et vous ly appelez. On peut suivre lune ou lautre mthode, ou les deux des moments diffrents : ce qui vient vous naturellement ou que vous tes pour linstant port faire. La grande ncessit, au commencement surtout, est de tranquilliser le mental, de rejeter pendant la mditation toute pense et tout mouvement internes trangers la sdhan. Dans le mental tranquille il se fera une prparation progressive pour lexprience. Mais vous ne devez pas vous impatienter si tout ne se fait pas immdiatement ; il faut du temps pour tablir dans le mental une tranquillit parfaite ; vous devez persister jusqu ce que la conscience soit prte. Dans la pratique du yoga, le but que lon se propose ne peut tre atteint que par louverture de ltre la force de la Mre et le rejet persistant de tout gosme, de toute exigence, de tout dsir, de tout motif sauf laspiration vers la vrit divine. Si cela est fait comme il convient, la lumire et la puissance divines se mettent luvre et instaurent la paix et lquanimit, la force interne, la dvotion purifie, la conscience et la connaissance de soi croissantes toutes choses qui sont les fondements ncessaires la siddhi du yoga. Pour vous la vrit est de sentir le Divin en vous-mme, de travailler pour Lui et de vous ouvrir la Mre jusqu ce que vous la perceviez dans toutes vos

  • activits. Il faut tre conscient de la prsence divine dans votre cur et de la direction divine dans vos actes. Cela, ltre psychique, sil est pleinement veill, peut le saisir aisment, rapidement et profondment, et une fois que le psychique l'a peru, la perception peut se transmettre aussi au mental et au vital. La seule vrit de votre autre exprience qui vous parat, dites-vous, si vraie sur le moment est quil est impossible pour vous, ou pour quiconque, de sortir de la conscience infrieure par leffort personnel et sans aide. Aussi lorsque vous sombrez dans cette conscience infrieure tout vous semble dsespr, car pour un temps vous perdez contact avec la vraie conscience. Mais cette suggestion est mensongre, parce que vous avez une ouverture vers le Divin et que vous ntes pas oblig de rester dans la conscience infrieure. Lorsque vous tes dans la vraie conscience, vous voyez que tout est possible, mme si pour le moment il ny a quun petit commencement ; mais un commencement suffit une fois que la force et le pouvoir sont l. Car en vrit ils peuvent tout, et seuls le temps et laspiration sont ncessaires pour le changement total et laccomplissement de lme. Les conditions requises pour suivre la volont de la Mre sont : vous tourner vers Elle pour la lumire, la vrit et la force ; aspirer ce quaucune autre force ne vous inspire ou ne vous guide ; ne permettre au vital ni exigences ni conditions ; tenir le mental calme, prt recevoir la vrit, et ninsistant pas sur ses ides et formations propres ; enfin garder le psychique veill et au premier plan, afin dtre en contact constant avec Elle et de savoir vraiment quelle est Sa volont, car le mental et le vital peuvent prendre pour la volont divine dautres impulsions et suggestions, tandis que le psychique, ds quil est veill, ne se trompe pas. Une perfection totale dans le travail nest possible quaprs la supramentalisation ; mais on peut accomplir un travail relativement bon dans les plans infrieurs si lon est en contact avec le Divin et que lon soit vigilant, soigneux et conscient, dans le mental, le vital et le corps. Cet tat est dailleurs prparatoire et pour ainsi dire indispensable la suprme libration. Celui qui a peur de la monotonie et qui veut toujours du nouveau ne sera pas capable de faire le yoga, ou en tout cas ce yoga-ci, qui demande une persvrance et une patience inpuisables. La peur de la mort tmoigne dune faiblesse vitale qui elle aussi est contraire laptitude au yoga. De mme, celui qui est sous la domination de ses passions trouvera le yoga difficile, et, moins quil ne soit soutenu par une vraie vocation intrieure et une aspiration sincre et forte pour la conscience spirituelle et lunion avec le Divin, il pourra

  • trs facilement faire une chute fatale qui rendra son effort strile. Quant au procd, cela dpend de ce que vous entendez par ce mot. Le dsir mne souvent un effort excessif qui implique beaucoup de travail pour un rsultat limit et provoque la tension et lpuisement et dans le cas de difficult ou dinsuccs le dcouragement, le doute ou la rvolte. Ou bien le dsir conduit tirer sur la force . Cela peut se faire ; mais, bien que souvent trs efficace, ce nest pas toujours sans danger, sauf pour ceux qui ont la force et lexprience yoguiques. Ce nest pas sans danger, dabord parce que cela peut amener de violentes ractions ou faire descendre des forces contraires, mauvaises ou mlanges, que par manque dexprience le sdhak ne peut distinguer des vraies. Et aussi parce que cela peut substituer au don libre et la vraie direction du Divin, le propre pouvoir dexprience qui est limit du sdhak ou les constructions mentales ou vitales de celui-ci. Les cas sont diffrents ; chacun a son propre chemi