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This article was downloaded by: [George Mason University]On: 18 December 2014, At: 04:30Publisher: RoutledgeInforma Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954 Registeredoffice: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH, UK
European Review of History: Revueeuropéenne d'histoirePublication details, including instructions for authors andsubscription information:http://www.tandfonline.com/loi/cerh20
Austerlitz de W.G. Sebald. Une vuepoétologique sur l'histoire des campsJudith Kasper aa Université de Munich , Munich , GermanyPublished online: 06 Jul 2012.
To cite this article: Judith Kasper (2012) Austerlitz de W.G. Sebald. Une vue poétologique surl'histoire des camps, European Review of History: Revue européenne d'histoire, 19:3, 367-376, DOI:10.1080/13507486.2012.676387
To link to this article: http://dx.doi.org/10.1080/13507486.2012.676387
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Austerlitz de W.G. Sebald. Une vue poetologique sur l’histoire descamps
Judith Kasper*
Universite de Munich, Munich, Germany
Cet article analyse le roman Austerlitz en posant la question de l’influence del’Holocauste sur la langue et les representations geographiques jusqu’au XXIe siecle.La these principale est que le procede poetique utilise par Sebald est inspire du conceptde « ressemblance familiale » forge par Wittgenstein (Investigations Philosophiques,1953). Ce procede a ete utilise dans l’apprehension de l’histoire de l’architecture et del’histoire des camps de concentration. Cela conduit a la creation d’espaces qui doiventetre imagines comme des superpositions de realites divergentes s’excluantmutuellement. Cet article analysera ces geographies dans le but de susciter un interetepistemologique envers cette methode poetique pour rendre pregnants les dislocationset les deformations du langage et des concepts apres Auschwitz.
Mots-cles: resemblance familiale; trauma; catastrophe; inversion; superposition;transfer; transmission
In this essayW.G. Sebald’s novel Austerlitz is analysed, and the question to what extentthe Holocaust has had a cryptically lasting effect on language and the conception oflocalities up to the twenty-first century is discussed. The main thesis is that the poeticproceeding is due to Wittgenstein’s concept of “family resemblance” (PhilosophicalInvestigations, 1953) applied by Sebald to the history of architecture and the history ofconcentration camps. In this way spaces are created which must be imagined assuperpositions of differing realities that normally exclude each other. In the essay suchlocalities are analysed with the aim of exciting an epistemological interest in thispoetical method as a way of becoming aware of the dislocations and deformations oflanguage and concepts after Auschwitz.
Keywords: family resemblance; trauma; catastrophe; inversion; superposition; transfer;transmission
Au premier abord, Austerlitz est l’histoire du personnage eponyme qui, enfant, avait ete
transporte de Prague en Angleterre ou il a survecu les annees de la terreur nazie chez un
predicateur et sa femme, tandis que ses parents avaient ete deportes et tues par les nazis.
Austerlitz, c’est aussi l’histoire d’un oubli: le protagoniste n’apprend son vrai nom,
Austerlitz, qu’a l’age de 15 ans, et c’est beaucoup plus tard encore qu’il partira a la recherche
de son passe et des traces de ses parents. Avant d’entreprendre ces recherches, il voyage des
annees durant a travers l’Europe en tant qu’historien et expert de l’histoire de l’architecture
du XIXe siecle. Quelques soient les lieux ou il se rend, Austerlitz ne manque jamais de
visiter les edifices monumentaux locaux: forteresses et fortifications, prisons, cimetieres,
gares etc. Le XXe siecle est comme exclu de son parcours. L’association de son nom propre
avec la celebre bataille d’Austerlitz conduite par Napoleon en 1805 semble determiner
ISSN 1350-7486 print/ISSN 1469-8293 online
q 2012 Taylor & Francis
http://dx.doi.org/10.1080/13507486.2012.676387
http://www.tandfonline.com
*Email: [email protected]
European Review of History—Revue europeenne d’histoire
Vol. 19, No. 3, June 2012, 367–376
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l’interet historique du protagoniste. Samemoire est entierement occupee par le XIXe siecle,
alors qu’il semble se desinteresser tout a fait des evenements historiques qui concernent son
propre destin, dont il ignore tout pendant longtemps. Peut-etre est-il permis de voir dans cet
interet pour le XIXe siecle une anticipation de la catastrophe a venir. Quoi qu’il en soit, c’est
precisement la coıncidence entre un savoir historique eminemment elabore et un oubli de sa
propre histoire qui caracterise Austerlitz. Cette coıncidence fait emerger dans le roman un
imaginaire de la destruction qui frappe surtout par sa dimension spatiale. Cet article propose
d’aborder d’un point de vue poetologique la facon sebaldienne d’explorer le temps et
l’espace de la transgression sans precedent qu’a ete la destruction des juifs d’Europe.
Le lieu symbolique
Dans cette perspective poetologique de l’histoire, perspective qui sera developpee et precisee
tout au long de cet article, la chose qui frappe immanquablement le lecteur attentif
d’Austerlitz est l’absence d’enonciation dans le livre de tout mot convenu du discours
politique, historique et culturel elabore au cours des dernieres six decennies en reference a ce
qui s’est passe entre 1933 et 1945. Le mot central notamment, le nom du lieu symbolique de
la destruction en est absent, ou si l’on veut omnipresent dans la mesure ou Austerlitz le porte
litteralement crypte dans son nom. Le refoulement de la part du protagoniste trouve sa
transposition et son prolongement dans la diegese du roman. Car, pour reprendre une formule
de Lacan, « [c]’est autour d’une relation du sujet au signifiant que s’organise la position
fondamentale du refoulement »1. Ce qui nous interessera ne sera donc pas la « psychologie »
du protagoniste du roman, mais precisement la dynamique du refoulement au niveau de la
narration. L’articulation manquante du nom du lieu symbolique de la destruction des juifs
d’Europe, Auschwitz, ce trope, ou plus encore, cette synecdoque de la destruction, est l’un
des moments ou le travail poetique autour du probleme du refoulement se revele au lecteur.
Le simple fait dementionner le nom d’Auschwitz ne resoudrait naturellement en aucun cas le
probleme. Par la mise en place d’un jeu complique de substitutions et de deplacements, cette
omission choisie par le narrateur ouvre au contraire un espace linguistique et, plus
specifiquement, poetique qui permet la reflexion, le questionnement et la recherche la ou,
precisement, le nom d’Auschwitz risquerait de les refouler.
Austerlitz n’est plus seulement le nom de la ville morave actuelle de Slavkov ou eut
lieu, en 1805, la memorable bataille napoleonienne (memoire a laquelle le roman fait
longuement allusion), mais c’est aussi, non par une logique de la reference, mais par une
logique de l’inscription, un support materiel dans lequel devient lisible la trace d’A – u –
s – . . . - i – t – z2. Toutefois, le lieu de cette inscription n’est pas seulement d’ordre
geographique, mais concerne directement le patronyme du protagoniste. Une recherche
historique sur l’onomastique juive revele que les noms de famille juifs derives des noms de
villes sont le resultat d’un processus administratif commence au XVIIe siecle, qui classe
les citoyens juifs selon leur lieu d’origine3. Le nom Austerlitz nous apprend donc que les
ancetres de ce patronyme ont recu leur nom lors de leur deplacement dans un autre lieu. Le
nom Austerlitz temoigne par consequent de deux choses antithetiques: le fait que, jusqu’au
XVIIe siecle, il a existe a Austerlitz une communaute juive importante4, et la confirmation
d’un deplacement de ces populations, le temoignage d’une appartenance s’accompagnant
donc ici du temoignage d’une irremediable privation.
Dans les references geographiques s’inscrit le destin biographique d’un individu et
vice versa: a la marque linguistique de la genealogie – le nom de famille – s’est depuis
toujours superpose le registre geographique. Le nom ici ne refere donc pas a un ancetre
fondateur commun, mais a un deplacement, a une appartenance locale qui n’est plus. En
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d’autres mots, on pourrait dire que le nom fait reference a un deplacement et regroupement
forces de personnes qui, s’agissant de juifs expulses d’Austerlitz, ne constituent pas
une famille au sens strict du terme, mais sont liees par une « ressemblance familiale ».
Le patronyme Austerlitz est donc etroitement attache a une expropriation dont il subsiste
une empreinte linguistique, des lors que la geographie a remplace la genealogie dans le
nom. Cette appartenance, qui coıncide depuis toujours avec une alienation, s’instaure
exactement la ou le diktat de la geographie s’impose au detriment de la genealogie.
Quand on associe aujourd’hui le destin des juifs d’Europe a un lieu, ce n’est pas
Austerlitz, mais presque. Ce nom qui ne se laisse ni separer des autres, ni ne se confond a
eux, ce troisieme nom a la fois present et absent, est irremediablement venu s’ajouter aux
autres. Ainsi le nom du lieu symbolique de la destruction est-il partiellement inscrit dans le
patronyme, ce nom de lieu qui permet l’identification civile de la personne. Le
protagoniste porte en lui ce cryptogramme. Son errance a travers l’Europe a la recherche
de son histoire et de celle de ses parents est aussi une errance autour de ce point aveugle
inscrit dans son nom.
Centralite deplacee
L’un des defis poetologiques du roman, qui reside dans la contrainte de ne jamais prononcer le
mot central du discours public autour de la destruction et ne jamais prononcer les autres mots
usuels qui servent a designer cet evenement, sert une transposition precise, parce que litterale,
d’autres contraintes qui sont l’expulsion, le deplacement et la deportation, au niveau
linguistique et poetique5. Malgre ce deplacement, tout ce qui n’est pas dit reste pourtant
central, non comme « sujet manifeste »,mais comme une inscription latente et insistante dans
tout cequi est dit quand« la chose elle-meme»n’est pas dite. Eneffet, le romanneparle que de
ca tout en parlant de tout autre chose. Lesmots du discours ont subi et continuent de subir une
sorte de contamination de la part du mot absent. Ce dernier s’inscrit avec son champ
semantique de maniere plus ou moins evidente dans tous les autres mots manifestement
presents. Si nous avons des difficultes a determiner exactement cette dynamique discursive,
nous n’en sommes pas moins en mesure de conclure qu’un tel deplacement semantique
implique necessairement une autre comprehension des mots, des noms et des concepts.
La signification aura toujours lieu ailleurs qu’au lieu ou va la chercher la raison.Ainsi, comme
cela se verifie dans l’ecriture du roman, la signification se produit-elle tres souvent dans la
litteralitememedesmots. Le nomde famille d’Austerlitz enest le premier exemple6. Le terme
« naufrage », recurrent dans la rhetorique des victimes de la Shoah, en est un autre, qui fait
naıtre dans le roman tout un univers subaquatique. Selon les mots de Vera, la bonne d’enfant
retrouvee a Prague, – seule survivante de son enfance et dont le nom constitue egalement tout
un programme – la mere de Jacques Austerlitz, Agata, avait anticipe sa propre mort par la
promesse d’emerger de nouveau dans l’eau noire des etangs (p. 257)7.
Un effet ulterieur de ce deplacement force des signes me semble etre le fait que des
realites, d’ordinaire bien distinctes, commencent a se ressembler de plus en plus, notamment
dans la perception qu’en aAusterlitz, qui ne cesse d’associer des faits qui n’ont a priori rien en
commun. Mais cela se produit aussi au niveau de l’ecriture du roman meme.
Pour verifier ce que cela implique, il s’avere du plus grand interet d’appliquer le
concept wittgensteinien de la « ressemblance familiale » au roman de Sebald, qui s’y
refere du reste a plusieurs reprises de maniere implicite8. Dans la mesure ou les «
ressemblances familiales » doivent etre pensees au niveau linguistique (et non au niveau
des « choses »), elles impliquent l’idee jakobsonienne de la structure du langage selon
deux axes: l’un paradigmatique, l’autre syntagmatique9. Au niveau de ces deux axes, ou
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les effets metaphoriques et metonymiques se produisent d’un point de vue poetologique,
interviennent constamment des effets d’association, des effets de contamination qu’une
conception taxonomique des concepts ne reussira jamais a entendre. C’est pour faire
emerger cette zone de fluctuation de la signification que Sebald, en s’inspirant de l’idee
wittgensteinienne, met en scene un jeu avec le mot Lager qui, dans son roman, ne refere
pas seulement aux camps de concentration et d’extermination, mais bien au-dela de cette
premiere designation, a d’autres Lager. Nous proposons de le montrer a partir d’un
passage des Recherches philosophiques de Wittgenstein qui illustre parfaitement ce
principe des « ressemblances familiales », dans lequel nous nous permettrons de remplacer
le mot jeu par le mot Lager, c’est-a-dire de prendre a la lettre « le jeu linguistique » avec
l’insertion de Lager. Voyons ce qu’il en resulte:
« Regardons par exemple ce que nous appelons Lager. Je pense a Belagerungskunst [l’artd’occupation] (22), Belagerung [occupation] (25), Befestigungs- und Belagerungswesen [l’artde la fortification et de l’occupation] (25), Auffang- und Straflager [camp d’internement et depunition] (28), Haupt- und Nebenlager [camp central et camp annexe] (33),Belagerungszustand [etat de siege] (44), Lager des hebreux dans le desert du Sinaı (81),[Bett]Lager [le lit de Gwendolyn, la mere adoptive, malade] (90), Lagerplatz [emplacementd’un camp] (310, 404), Barackenbestandteillager [camp des ustensiles des baraques] (334),Lumpenlager [depot des chiffons] (337), Lagerhauser [grands magasins] (382), Lager Gurs(406). Cette liste pourrait se poursuivre avec les mots Arbeitslager [camp de travail],Durchgangslager [camp de transit], Konzentrationslager [camp de concentration],Vernichtungslager [camp d’extermination] etc. Qu’ont-ils en commun ? Nous ne pouvonsdire: il faut qu’ils aient quelque chose en commun, sinon ils ne seraient pas appeles Lager,mais il faut regarder de pres si tous ont quelque chose en commun. Car en y regardant de pres,nous ne decouvrirons rien qu’ils aient tous en commun, mais nous constaterons toute une seriede ressemblances, de parentes. [ . . . ] Et cette observation nous permettra de conclure: nousvoyons un reseau complexe de ressemblances, dans l’ensemble et dans le detail, qui sechevauchent et s’entrecroisent. [ . . . ] Comment expliquer alors a quelqu’un ce qu’est unLager? Je crois que nous lui decririons des Lager et ajouterions a la description: « on appellececi et ce qui y ressemble Lager. En savons-nous du reste plus nous-memes ? Sommes-nousseulement incapables de communiquer a un tiers ce qu’est un Lager ? Ce n’est pas del’ignorance. Nous ne pouvons pas cerner les limites parce qu’elles ne sont pas tracees. Nouspouvons – pour un besoin precis – tracer une limite. Mais cela permet-il de rendre le conceptutilisable ? Absolument pas ! A moins que, pour ce besoin precisement [ . . . ] Mais si leconcept de Lager est a ce point incernable, alors nous ne savons pas nous-meme ce que nousentendons par Lager. [ . . . ] On pourrait dire que le concept de Lager est un concept auxcontours flous. Mais un concept flou peut-il etre un concept ? »10
Cette operation fait apparaıtre la poiesis du roman: par l’usage recurrent de ce meme mot
dans des contextes tres differents, le roman met en scene un glissement de sens et
demontre l’impossibilite de delimitation. Ce faisant, il pousse a l’extreme les implications
du jeu logico-linguistique wittgensteinien. Car, Sebald porte le mot Lager jusqu’a son
point d’inversion litterale, le transformant en « R-e-g-a-l », les « etageres », cette «
architecture » de la mise en ordre des livres et classeurs qui, dans l’exemple donne dans le
roman, conservent la memoire des prisonniers de Terezin (398–9). Cet acte de lecture du
Lager opere par le roman conduit le protagoniste a la conclusion que cet endroit la – les
etageres, situees dans la « petite forteresse » de Terezin ou moururent tant de prisonniers –
aurait ete son « vrai lieu de travail » (397).
C’est par le biais de cette inversion anagrammatique du mot Lager en Regal (dans
laquelle emerge du reste aussi le signifiant « egal ») que le recit sur la nouvelle
Bibliotheque nationale de France, construit sur le site de l’ancien camp d’Austerlitz
(pp. 400–5), trouve sa motivation strictement poetique. Ce qui nous fait entendre encore
une fois que cette partie finale du roman ne doit pas etre apprehendee dans un sens «
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realiste » (bien que cette superposition existe, le camp et la bibliotheque n’en restent pas
moins deux realites bien distinctes d’un point de vue « realiste »11), mais plutot au niveau
de l’inscription linguistique et litterale suscitant un effet de reel. Ceci non pas dans le but
de minimiser le probleme, mais pour demontrer au contraire comment et jusqu’a quel
point l’etre humain, dans la mesure ou il est un etre doue de langage, est aussi un etre «
afflige du langage »12.
Espace de la destruction
L’operation poetique qui transgresse la rationalite du discours comporte evidemment un
risque, a savoir le risque du pathologique. Or, s’il y a une tache epistemologique de la
litterature, elle se situe precisement aux confins de ce qui partage et unifie en meme temps
le discours rationnel de la raison et celui de la folie. La litterature transforme ces confins en
une zone dans laquelle s’elabore sa propre logique poetique, sorte de troisieme espace qui
ne coıncide ni avec la raison ni avec la folie.
Expliquer ce glissement de sens du mot Lager par le caractere melancolique, voire
pathologique des personnages sebaldiens, notamment du personnage Austerlitz, ne suffit
donc pas. Une telle approche supposerait chaque fois une subjectivite traumatisee a
laquelle pourraient etre reconduites les perceptions etranges et inquietantes mises en scene
dans l’œuvre de Sebald. Dans cette perspective, ces perceptions de la realite paraıtraient
essentiellement deformees, fortes tout au plus d’une verite subjective. La psychiatrie,
institution qui occupe un role discret mais recurrent dans les romans de Sebald –
Austerlitz lui-meme est hospitalise a la Salpetriere apres un effondrement psychique
(pp. 377–82) –, contesterait categoriquement a ces perceptions un statut de verite, les
classant comme un delire de malade.
Le concept de « ressemblance familiale » rendu operationnel par mon analyse du
roman, permet en revanche d’elaborer une autre perspective quant a ce phenomene, a
savoir une perspective poetico-linguistique sur l’histoire. De fait, suivant cette dynamique
inherente au langage, nous decouvrons – avec le voyage a travers l’Europe du
protagoniste Austerlitz – que la localisation en apparence stable des lieux commence a
vaciller. D’autres realites viennent s’y superposer a la maniere d’un dessin-devinette. Cela
n’est pas sans effet sur la conception spatiale, ou plus precisement, sur la topographie de la
catastrophe et de sa memoire. C’est dans cette perspective qu’il s’averera radicalement
impossible de limiter la destruction a un temps et a un ou plusieurs lieux precis.
Le discours historiographique base sur les categories de la rationalite de sa discipline –
categories qui se fondent essentiellement sur le critere de l’exactitude, sur l’idee de l’unite
temps-espace, c’est-a-dire sur le principe topologique classique selon Aristote –
n’arrivera jamais a approfondir et a analyser la transformation profonde de l’espace
europeen consecutive a cette destruction sans mesure qui a eu lieu et continue de hanter les
lieux ou nous vivons. Ainsi pouvons-nous observer dans l’historiographie meme des
tentatives timides de revision de ses propres methodes et concepts. Quant a
l’historiographie allemande sur le national-socialisme, c’est surtout en face des crimes
nazis commis dans l’est de l’Europe que les historiens admettent depuis quelques annees
que « les categories de description qu’ils ont a disposition s’averent inadequates quand ils
cherchent a porter lumiere dans ces zones obscures de l’histoire»13. Les historiens sont en
outre de plus en plus confrontes a la pluralite des types de camps, a leur temporalite et
dissemination dans l’espace, ce qui a contribue a l’emergence de neologismes tels que
lagerisierte Region [region en quelque sorte a jamais marquee du sceau des camps14],
expression qui dit assez bien les limites floues des concepts et des realites.
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Austerlitz – le sismographe
Quittons donc la perspective pathologique sur le personnage d’Austerlitz et attribuons une
valeur de verite a ses observations et ses sensations. Ceci nous oblige a renverser le rapport
entre Austerlitz et les lieux qu’il visite. Nous n’avons dorenavant plus a faire a un phantasme
projete par Austerlitz sur une realite, mais plutot a un enregistrement precis des affects qui
s’y inscrivent. Un tel postulat implique une conception de l’histoire qui tient compte de
l’impact emotif des evenements sur la psyche des individus qui les ont vecus et y ont
survecu. Austerlitz, en tant qu’historien, le dit a sa maniere. Il parle des « traces que laissent
les douleurs passees et qui se manifestent, pretendait-il savoir, sous la forme d’innombrables
lignes tenues sillonnant l’histoire. Etudiant l’architecture des gares, [ . . . ], il ne pouvait
s’empecher de penser, bien que cela n’ait rien a voir avec le sujet, au tourment des adieux et a
la peur de l’inconnu »15. Austerlitz dit cela a un moment ou il ne sait encore rien de sa propre
histoire, a un moment ou tout le XXe siecle constitue pour lui, historien du XIXe, une terra
incognita. Cet aspect indubitablement invraisemblable du roman n’en est pas moins d’une
grande importance epistemologique: Austerlitz est comme un dispositif qui, ayant d’une part
accumule de vastes connaissances, est completement prive de savoir historique de l’autre.
Mais par le fait meme de cette coıncidence entre le plein et le vide, Austerlitz fait preuve
d’une sensibilite tres particuliere pour le substrat historique qu’il n’a pas encore elabore.
C’est dans ce sens que je le qualifierai de « sismographe », dispositif extremement sensible
permettant de mesurer et enregistrer les perturbations les plus infimes resultant par exemple
d’un tremblement de terre dont l’epicentre se trouve tres eloigne.
Austerlitz: un sismographe, un dispositif. C’est a dire « une machine » (307), comme le
dit une fois son amie Marie de Verneuil, qui enregistre des sensations. Cet enregistrement
est d’autant plus significatif que les lieux ne revelent pas immediatement leur passe violent.
Il faut preciser que le roman presente deux series de lieux: premierement, les lieux des
crimes, reconnus comme tels et institutionnalises comme lieux de memoire (quelques
exemples: le camp nazi du Fort Breendonk en Belgique, rendu tristement celebre par le
temoignage bouleversant de l’ecrivain juif-autrichien Jean Amery qui y fut torture16; le
ghetto Terezin (Theresienstadt) en Boheme, lieu de deportation de la mere d’Austerlitz17; le
Fort IX a Kaunas en Lituanie, camp visite par le narrateur a la fin du roman). Une deuxieme
serie beaucoup plus importante regroupe des lieux ou la violence s’inscrit de maniere plus
indirecte (le Palais de Justice de Bruxelles, batiment gigantesque et labyrinthique construit
dans l’esprit colonialiste belge; les gares de Londres et Paris, constructions industrielles
majeures de la fin du XIXe siecle; la nouvelle Bibliotheque nationale de France, dernier des
« grands travaux » de l’ancien president Francois Mitterrand; le Musee veterinaire de
Maisons-Alfort, la celebre station thermale Marienbad etc.). A l’aide de son sismographe
Austerlitz, le roman tisse des liens entre l’une et l’autre serie jusqu’a contaminer la
deuxieme par la premiere; comme si la deuxieme derivait de la premiere, la prolongeait.
Cette imbrication est le fruit de la « memoire topographique hautement developpee »
d’Austerlitz (282), unememoire topographique qui ne se limite pas a indiquer les lieux,mais
devient litteralement topographie, graphie, ecriture, ligne et reseau de lignes, une memoire
qui genere une geographie de la catastrophe etrangere a notre culture des lieux de memoire.
Austerlitz, en tant que figure extreme de la topographie, fait exploser ce principe. Il se revele
etre un « topographiste » qui n’apprehende plus les lieux selon leur definition classique avec
un debut et une fin. L’itineraire de son errance etablit des liens qui transforment un espace
apparemment stable en un espace dynamique de memoire dans lequel sont non seulement
pris en compte les lieux d’extermination, mais aussi et surtout le systeme de transport et de
deportation des Juifs a travers l’espace europeen, et la dissemination de leurs cendres sur
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tout ce territoire. C’est pourquoi les lieux evoques dans le roman ne sont pas des lieux de
memoire au sens classique, mais plutot des zones affectees, des zones traversees par une
intensite inquietante et insaisissable. Cela suscite chez le sismographeAusterlitz unmalaise
mal defini qui ne se laisse jamais materialiser dans un souvenir raconte ou racontable.
L’effet en est que l’image que nous nous faisons d’un lieu, ainsi que sa representation
officielle commencent a vaciller et a se superposer a d’autres images.
Effets de miroir
C’est en 1972 a Marienbad precisement, lors d’un sejour dans ce lieu qui devrait lui faire
du bien, qu’Austerlitz eprouve un tel malaise. Et ce n’est que vingt-cinq ans plus tard
qu’Austerlitz apprend (le lecteur l’aura en partie devine) qu’il avait fait un voyage a
Marienbad avec ses parents quelques jours avant le depart de son pere, avant son propre
transport a Londres et la deportation de sa mere a Theresienstadt – camp dont on sait, et le
roman nous le rappelle, que les nazis l’avaient baptise pour le camoufler en « agreable
station thermale » pour les juifs18.
Malgre la connaissance que nous avons de ce savoir historique, le malaise d’Austerlitz a
Marienbad, la sensation que quelque chose d’inconnu et trop connu a la fois lui etreint le cœur
(304), nous demeure enigmatique a la premiere lecture. Ce renversement inattendu d’humeur
devient lisible grace au sismographe capable d’enregistrer ces « traces de douleur, de
souffrance » qui proviennent du ghetto et du camp de Theresienstadt et se perpetuent a
Marienbad. C’est comme un reflet altere de Theresienstadt dans Marienbad, et vice versa. A
cela s’ajoute pour le protagoniste le detail – ni negligeable, ni contingent, voire essentiel pour
entendre la souffrance d’Austerlitz comme une souffrance de la langue – de l’observation
dans la station thermale d’un groupe de pensionnaires constamment occupes a boire l’eau de
source d’Auschowitz (309). Auschowitz est l’ancien nom des sources de Marienbad dont la
qualite therapeutique a ete decouverte par l’imperatrice austro-hongroise Marie-Therese
(qui reunissait dans son nom les deux realites ici rapprochees comme pour confirmer
ulterieurement cette « ressemblance familiale ») vers la fin du XVIIIe siecle. Marienbad,
Theresienstadt, Auschwitz se superposent dans cette scene en une inextricable combinaison
phonetique et litterale. Les curistes se soignent avec une eau dont le nom, comme celui
d’Austerlitz lui-meme, est eponyme d’un lieu de la destruction, comme si la therapie les
condamnait a jamais a boire le poison qui les rend malades. Austerlitz lui-meme passe des
heures et des heures dans les bains, confiant dans l’effet curatif de l’eau, tout en craignant que
la cure ne le rende plus sensible encore aux perturbations de la memoire cryptique qui hante
ce lieu. La cure devient ici, selon l’expression freudienne, veritablement « interminable »19.
Si le concept wittgensteinien de la « ressemblance familiale » nous permet d’enoncer
une liste des traits communs et des differences entre deux realites, les rapports sont plus
complexes dans Austerlitz, parce qu’instables. C’est comme si deux realites – celle de
Marienbad et celle de Theresienstadt – pivotaient continuellement autour d’un axe de
reflexion. A chaque moment, l’une bascule dans l’autre, provoquant une dynamique qui
induit des images symetriques dont l’une est le simulacre altere de l’autre.
L’effet de miroir, la simulation, la chimere ne sont pas de simples artifices poetiques,
mais des consequences traumatiques de la catastrophe, qui se sont inscrites au cœur de notre
perception. Si la destruction a pu avoir lieu, c’est notamment parce que les nazis
maıtrisaient parfaitement le jeu du simulacre. Austerlitz – et avec lui les lecteurs –, en
restent stigmatises. L’un des symptomes de cette marque traumatique est qu’Austerlitz – et
avec lui le lecteur – ne parvient jamais a dire qu’une chose « est », mais seulement « il me
semble que ».
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La metaphore du miroir est, du reste, recurrente dans le roman: pensons aux ternes
miroirs dans la salle d’attente de la gare d’Anvers (11); aux reflets d’Agata naufragee dans
l’eau (257); au reflet de l’arbre sur la vitrine d’un magasin de bric-a-brac a Terezin (279);
aux « mirages » dans Paris « desert » (358); aux oiseaux qui heurtent mortellement les
vitres de la Bibliotheque nationale de France dans lesquelles se refletent les arbres (394).
Moins evidents sont par contre les axes de reflexion qui structurent le roman dans sa
dilatation apparente et incontrolee. Mieux: ce sont les axes de reflexion qui, justement,
produisent l’impression de l’infini dans ce recit: l’impression que les batailles
napoleoniennes s’installent dans un rapport typologique avec l’occupation nazie; que
Prague se reflete dans Londres et Austerlitz dans Paris; que ces lieux gravitent autour d’un
miroir qui n’est autre que l’Allemagne, ce centre de l’Europe banni de la memoire
d’Austerlitz; qu’une station thermale puisse coıncider avec un camp et un camp avec une
station thermale, et que le je-narrateur soit l’exacte image refletee d’Austerlitz. La liste est
infinie et n’a pas de centre. Ce sont ces multiples reflexions precisement qui font
infiniment reculer tout debut et tout centre, et suscitent cet abıme vers l’infini.
Au lieu de chercher une logique dans toute cette ramification, dans ce « labyrinthe »
(autre mot-cle du roman) d’images et de reflets20, comme le fait vainement Austerlitz, il
conviendrait peut-etre de porter le regard sur la dynamique de l’inversion meme qui se
produit quand nous refletons une chose. C’est sans doute le seul moyen de sortir de la
dynamique fatale du simulacre initie par les nazis. La catastrophe est precisement cela, cet
inversion. L’ancienne bonne d’enfant d’Austerlitz l’exprime litteralement quand elle
evoque dans ses souvenirs de l’occupation nazie de Prague le detail apparemment
anecdotique de l’inversion de la circulation de gauche (particularite que la
Tchecoslovaquie partageait avec l’Angleterre) a droite, imposee du jour au lendemain
par l’occupant (246). C’est, a la lettre, le sens du terme grec katastrophe, la catastrophe:
renversement, retournement, bouleversement.
La recherche des traces de douleur continue
Le principe d’inscription et de deplacement se retrouve aussi a la fin dans le reseau
intertextuel qui fonde le roman qui multiplie les references philosophiques et litteraires a
Celan, Amery, Adler, Simon, Benjamin, Wittgenstein, Adorno et Ingeborg Bachmann de
maniere explicite parfois, la plupart du temps implicite. Dans ce sens, Austerlitz peut etre
considere comme une sorte de summa de l’ecriture du desastre.
L’un des grands merites de Sebald est d’avoir pousse la sensibilite pour les traces de cet
indefectible passe au-dela du seuil du XXIe siecle. Dans ce sens, son œuvre sert egalement de
relais pour convier les lecteurs a devenir sismographes a leur tour. Et, aussi surprenant que
cela puisse paraıtre, le lecteur endosse la tache jusqu’a prendre la place du « je-narrateur », ce
dispositif vide qui rencontre JacquesAusterlitz un peu partout au hasard de ses peregrinations,
sympathise avec lui, le suit et adopte progressivement ses attitudes. Ce qui a lieu ici n’est pas
une simple identification avec le heros d’un recit, mais plutot un transfert, une transmission –
notion qui nous ramene a la genealogie – au-dela du terme restreint de la famille, transmission
non seulement d’un savoir, mais plus encore d’une sensibilite. Considerant la litterature
critique foisonnante autour de l’œuvre de Sebald, on peut effectivement constater que la
critique, souvent, interrompt l’interpretation pour continuer le travail commence par lui. Le
texte litteraire devient ainsi le pre-texte pour evoquer d’autres coıncidences mysterieuses
entre des dates, des lieux, des symboles et des noms. Ainsi la critique se transforme-t-elle en
ecriture, poursuivant fidelement le patient travail archeologique commence par Sebald, elle
continue de tisser le reseau infini et incommensurable des effets desastreux de la Shoah.
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Notes
1. Lacan, Le Seminaire livre VII. L’ethique de la psychanalyse, 57.2. Une logique de l’inscription analogue s’annonce egalement dans les recherches
anagrammatiques de Ferdinand de Saussure (voir Starobinski, Les mots sous les mots. Lesanagrammes de Ferdinand de Saussure), recherches qui, bien qu’abandonnes par Saussure lui-meme, ont eu une enorme influence sur la critique litteraire post-structuraliste (Julia Kristeva,Paul de Man, Michael Riffaterre, pour en nommer quelques protagonistes) et ont permisd’elaborer, surtout par le lien fait entre la linguistique et la psychanalyse, l’idee selon laquelledans chaque enonce est a l’œuvre une sorte d’auto-dynamique du langage meme, due au jeuincommensurable entre signifiant, signifie et referent.
3. Voir pour cet aspect la recherche de Weiss, The Origin of Jewish Family Names.4. Cette indication precieuse se trouve chez Atze, “Die Gesetze der Wiederkunft der
Vergangenheit. W. G. Sebalds Lekture des Gedachtnistheoretikers Maurice Halbwachs”,195–211, 203. Atze cite abondamment l’article de Heller, “Austerlitz”, colonnes 736–7.
5. Voir pour le principe poetique de la contrainte, Oulipo, Atlas de litterature potentielle. Lacontrainte comme principe poetique a ete appliquee de maniere radicale a la question de lamemoire de la Shoah par Georges Perec, notamment dans La Disparition (Paris: Denoel 1969)et dans W ou le souvenir d’enfance (Paris: Denoel 1975). Voir a ce propos Kasper, Sprachendes Vergessens, 140–2.
6. Meme si une poetique de la litteralite dans Austerlitz (notamment l’insistance de la lettre A) aete soulignee par la critique (voir notamment Denneler, “Am Anfang A. Spuren vonFamilienahnlichkeiten in W. G. Sebalds Werk”, 139–56) la question de l’inscriptiond’Auschwitz dans le patronyme du protagoniste n’a pas encore ete elaboree dans toutes sesimplications.
7. L’indication de page se refere a Sebald, Austerlitz.8. A propos de Wittgenstein et Sebald voir Pelikan Straus, “Sebald, Wittgenstein, and the Ethics
of Memory”, 43–53. Pelikan Straus montre dans le detail comment le protagoniste Austerlitz aete forge sur le personnage de Wittgenstein, faisant ainsi apparaıtre l’impact de cette referencebiographique sur la poetologie du roman.
9. Voir Jakobson, “Linguistique et poetique”, 213–22.10. Application libre des paragraphes 66–71 des Recherches philosophiques (1953) deWittgenstein.11. En ce qui concerne la question de la Bibliotheque nationale et du camp d’Austerlitz, voir, d’un
point de vue historique Dreyfus et Gensburger, Des camps dans Paris. Austerlitz, Levitan,Bassano, juillet 1943 – aout 1944, 289–302, et d’un point de vue linguistico-psychanalytiqueKasper, “Die Bibliotheque Nationale de France und das Phantasma eines Lagers”, 101–18.
12. Lacan, “Yale University, Kanzer Seminar”, 18.13. Voir Wildt, “Die Lager im Osten. Kommentierende Bemerkungen”, 1: 508.14. Voir Weisbrod, “Entwicklung und Funktionswandel der Konzentrationslager 1937/38 bis
1945. Kommentierende Bemerkungen”, 354–9.15. La version originale dit: « Schmerzensspuren, die sich [ . . . ] in unzahligen feinen Linien
durch die Geschichte ziehen. Bei seinen Studien uber die Architektur der Bahnhofe [ . . . ]bringe er [Austerlitz] nie den Gedanken an die Qual des Abschiednehmens und die Angstvor der Fremde aus demKopf, obwohl dergleichen ja nicht zur Baugeschichte gehore » (20–1).
16. Amery, Jenseits von Schuld und Suhne. Bewaltigungsversuche eines Uberwaltigten17. L’intertexte principal est fourni par la monographie de Adler, Theresienstadt. Das Antlitz einer
Zwangsgemeinschaft [1955] dont Sebald cite de longs passages (voir Austerlitz, 331–8). Voiraussi Atze, “W.G. Sebald und H.G. Adler. Eine Begegnung in Texten”, 87–97.
18. A propos de cet aspect de camouflage, voir Adler, Theresienstadt. Das Antlitz einerZwangsgemeinschaft, 108–9. L’effet reussi de ce camouflage se confirme dans le fait quede nombreux juifs ont paye des sommes considerables – jusqu’a 500 000 Reichsmark etplus–pour s’assurer un droit de sejour perpetuel dans ce qu’ils consideraient comme leur futur« maison de retraite ».
19. Il est fort possible que ce passage soit une allusion a l’ironie avec laquelle Freud a considere lescures hydrotherapiques.
20. Voir aussi Loquai, “Vom Beinhaus der Geschichte ins wiedergefundene Paradies. Zu Werkund Poetik W. G. Sebalds”, 244–56. Loquai parle de la mise en scene d’un « jeu de simulacretroublant » et du fait que le lecteur risque de se perdre dans un « labyrinthe linguistique boise demille miroirs » (244).
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Notes on contributor
Judith Kasper, nee en 1970 a Esslingen, enseigne la litterature francaise, italienne et comparee al’universite de Munich. Elle travaille notamment sur des questions de la memoire et de l’oubli dansune perspective transdisciplinaire qui reunit litterature, historiographie et psychanalyse. Parmi sespublications soient mentionnees: Sprachen des Vergessens. Proust, Perec und Barthes zwischenVerlust und Eingedenken, Munchen, Fink 2003; Trauma e nostalgia. Per una lettura del concetto di«Heimat», Milano, Marietti 2009.
Bibliography
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———. “Die Gesetze der Wiederkunft der Vergangenheit. W.G. Sebalds Lekture desGedachtnistheoretikers Maurice Halbwachs.” In Sebald. Lekturen, edited by Marcel Atze andFranz Loquai. Eggingen: Edition Isele, 2005: 195–211.
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Kasper, Judith. Sprachen des Vergessens. Proust, Perec und Barthes zwischen Verlust undEingedenken. Munchen: Fink, 2003.
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