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Cahiers de Alternatives - n°7- Décembre 2006 Publié avec le soutien de la DGCD Denis Horman

autre forme de dumping, avec les aides directes aux revenus des agriculteurs. En effet, l’OMC défi-nit le dumping par le fait d’exporter en dessous du prix du marché intérieur

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KKiinnsshhaassaa eettlleess iimmppoorrttaattiioonnss aavviiccoolleess

EEnn ffiinniirr aavveecc llaa ccaattaassttrroopphheessaanniittaaiirree eett ééccoonnoommiiqquuee

Cahiers de Alternatives - n°7- Décembre 2006

Publié avec le soutien de la DGCD

DDeenniiss HHoorrmmaannCChhaarrggéé ddee RReecchheerrcchhee aauu GGrreesseeaa

Page 2: autre forme de dumping, avec les aides directes aux revenus des agriculteurs. En effet, l’OMC défi-nit le dumping par le fait d’exporter en dessous du prix du marché intérieur

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GRESEA asbl

Groupe de Recherche pour une Stratégie économique al-ternative

Rue Royale 11, 1000 Bruxelles, Belgique

Tél. 32.2/219.70.76 - Fax 32.2/219.64.86

Email: [email protected] - site: www.gresea.be

Editeur responsable: Erik Rydberg c/o GRESEA

Dépôt légal: D/4307/2006/1

Décembre 2006

Prix de vente: 3 euros

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En octobre 2006, le Gresea effectuait une missiond’une quinzaine de jours en République Démocra-tique du Congo, à Kinshasa et dans le Bas-Congo(Matadi et Kimpese).

Cette mission se situait dans le prolongementd’une campagne d’information et de sensibilisationmenée en Belgique, par S.O.S. Faim, avec le soutiendu Gresea et en France, à l’initiative de l’associa-tion Agir Ici.

Cette campagne “pour le droit et la protection desmarchés agricoles” voulait surtout attirer l’atten-tion sur les conséquences néfastes, sur les planséconomique, social et sanitaire, dans la plupart despays d’Afrique subsaharienne, des importations dedécoupes de poules/poulets congelées et d’œufs,en provenance de l’Europe. Le Gresea allait contri-buer à cette campagne en publiant “ChickenConnection, Le poulet africain étouffé parl’Europe”1.

L’objectif de la mission en RDC était double. Ils’agissait d’abord de cerner le mieux possible surplace les conséquences des importations avicolessur la filière et l’économie locales, sur la santé despopulations. Ensuite, cette mission allait devoir setraduire, ici, par un travail d’information et des dé-marches pour susciter un appui financier aux orga-nisations kinoises décidées à se mobiliser. C’estl’objet de cette publication.

Sur place, à Kinshasa et dans le Bas-Congo, unevingtaine de contacts ont été pris avec des ONGD,des organisations paysannes, des aviculteurs, desfermiers, des institutions publiques (les ministèresde l’Agriculture, de la Santé, l’Office congolais deContrôle, l’Office des douanes…), des organisa-tions internationales (FAO), des personnes-res-sources…

Parmi ces organisations rencontrées figurent leCAVTK (Centre agronomique et vétérinaire tropicalde Kinshasa), partenaire du Gresea ; le CENADEP(Centre national d’appui au développement et à laparticipation populaire) ; le RAUKIN (Réseau d’agri-culture urbaine de Kinshasa) qui regroupe une cin-quantaine d’ONG ; l’UNAGRICO (Union des agricul-teurs et éleveurs du Congo) ; le CIVAK (Centred’information et de vulgarisation agroalimentairede Kimpese). Une des personnes-ressources ren-contrées, Alain Huart, est un vétérinaire belge, at-taché à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Uni-versité de Liège et expert auprès du ministère del’Agriculture à Kinshasa.

De ces contacts et interviews ressortent une sériede constats et de propositions concordantes.

Il y a d’abord l’évocation d’un paradoxe. La RDC anon seulement un sous-sol extrêmement riche enminerais ; elle a aussi d’énormes potentialités cli-matiques favorables à la production annuelle de

toutes les cultures. Qu’à cela ne tienne ! Le blé uti-lisé en RDC est quasi exclusivement du blé importé.Plus de 90% de protéines animales consommées àKinshasa (volaille, poisson, porc, bœuf…) sont im-portées.

La question sanitaire, surtout en rapport avec lesimportations avicoles, fut systématiquement évo-quée. En 2004, l’UNAGRICO lançait un cri d’alarme.De son côté, la FAO (l’Organisation des Nationsunies pour l’alimentation et l’agriculture) signalait,dans une étude publiée à Kinshasa, que plus de80% des aliments vendus dans les lieux publics,via le secteur informel, étaient contaminés, princi-palement par le Bacillus cereus, Salmonella, Shi-gella, Escherichia coli et même Vibrio cholerae.Fin septembre 2006, RAUKIN organisait, à Kins-hasa, un séminaire pour analyser les conséquencesdes importations avicoles, ainsi que les facteurs quibloquent le développement de la filière locale.Cette rencontre entre ONG locales (liées auCNONGD), organisations paysannes, représentantsde ministères, OCC, … allait également pointer lesatouts et établir des stratégies, des actions àmener pour une (re)lance de la production locale.

En ce qui concerne les blocages, plusieurs élémentsétaient évoqués : le dumping alimentaire, le coûtélevé des intrants (alimentation, produits vétéri-naires…), le délabrement du réseau routier, l’ab-sence de politique incitative (micro- crédit, subven-tions, régime fiscal approprié, etc.) pour lapromotion et le développement de la filière locale.

Pourtant, les atouts ne manquent pas : un person-nel congolais formé, compétent, avec des vétéri-naires, des agronomes ; l’existence à Kinshasa etdans le Bas-Congo d’une filière “poules pondeuseset œufs de consommation”, avec des fermes deplus ou moins grande dimension.

Un soutien concret des pouvoirs publics à cette fi-lière pourrait, à moyen terme, déboucher sur l’arrêtdes importations d’œufs de consommation pour lacapitale. Dans le Bas-Congo déjà, la production lo-cale peut, dans une très large mesure, satisfaire lademande des populations.

Par contre, c’est loin d’être le cas pour les pouletsde chair. Il ne viendrait à personne l’idée de de-mander aujourd’hui l’arrêt immédiat ou la limita-tion drastique des importations de découpes depoules et poulets congelées, vendues à bas prix, àune population kinoise de 8 millions d’habitants,dont plus de 70% se trouvent sous le seuil de pau-vreté.

Comme l’ont rappelé les animateurs du séminairede Kinshasa, il s’agit plutôt de prendre un ensem-ble de mesures immédiates pour le développementde la filière avicole et de la production locales. Me-sures qui peuvent se combiner avec le renforce-ment du contrôle sur les importations fraudu-leuses, sur des produits importés impropres à laconsommation, en particulier les œufs venant de

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AAvvaanntt--pprrooppooss

1 Denis Horman, Chickenconection, Agrobusiness, dum-

ping, souveraineté alimen-taire, Le poulet africain

étouffé par l’Europe, Gresea,octobre 2004.

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Belgique, des Pays-Bas, d’Argentine et mêmed’Inde, en concurrence directe avec une productionlocale.

Ainsi, le développement de la filière locale pourraitaller de pair avec une diminution progressive desimportations.

Suite à ce séminaire, la décision fut prise de lancer,à Kinshasa et dans le Bas-Congo, une campagne surla sécurité et la souveraineté alimentaires, avec, enpriorité, le développement de la filière avicole lo-cale.

A l’instar de la campagne menée au Cameroun –qui a un grand impact sur plusieurs associations ki-noises-, la première tâche que se donne RAUKIN, leréseau coordonnateur de cette campagne, est l’éla-boration d’un “livre blanc” sur la filière avicole :les conséquences économiques, sociales et sani-taires des importations, les obstacles et atouts dela filière locale, les mesures politiques indispensa-bles pour encadrer et développer la production lo-cale, etc.

Pour mener à bien ce travail, support indispensableà la campagne de sensibilisation et de mobilisa-tion, les moyens financiers sont un atout majeur.

C’est, à coup sûr, une des concrétisations de notresolidarité !

Denis Horman, chargé de recherche au Gresea.

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Message de soutien de Kinshasa

RAUKIN, le Réseau d'agriculture urbaine de Kinshasa a fêté en 2006 ses dix ans d'existence.

C'est aujourd'hui un réseau d'une cinquantaine d'ONGD partageant une double préoccupation: la sécurité et la sou-veraineté alimentaires.

"Consommons sain et local", tel est le leitmotiv de notre action! Nous avons reçu la tâche de piloter une campagnede grande envergure sur la filière avicole à Kinshasa et dans le Bas-Congo, avec des relais dans tout le pays.

Notre préoccupation est de promouvoir la production locale dans le secteur avicole (poulets de chair et œufs deconsommation) face aux importations massives, incontrôlées, aux conséquences économiques, sociales et sanitairesnéfastes pour nos populations.

C'est pour nous une des manières de lutter contre la pauvreté, un des huit objectifs du Millénaire.

Nous avons eu la chance de faire connaissance avec le Gresea et d'accompagner, en octobre 2006, à Kinshasa et àMatadi, son représentant, Denis Horman. Sa mission était précisément de procéder à une enquête sur des impor-tations avicoles et leur impact sur les paysans producteurs, l'économie et la santé des populations.

La présente brochure du Gresea, intitulée "Kinshasa et les importations avicoles, En finir avec la catastrophesanitaire et économique" est pour nous un précieux outil pour mener à bien notre travail.

Nous avons donné mandat au Gresea pour représenter RAUKIN auprès des organismes belges, ONGD, associations,syndicats, institutions politiques, etc. afin de susciter la solidarité la plus large possible avec notre campagne d'in-formation, de conscientisation et de lobbying.

Pour RAUKIN, Pierre Ongala Lopema, Secrétaire permanent

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SSoommmmaaiirree

11.. LL’’AAffrriiqquuee eett lleess rraavvaaggeess ddeess iimmppoorrttaattiioonnss aaggrroolliimmeennttaaiirreess::lleess mmuullttiipplleess ffaacceetttteess dduu dduummppiinngg aalliimmeennttaaiirree 66

22.. LLee ssoojjaa ccoonnttrree llaa vviiee 88

33.. LLaa RRDDCC:: rriicchheesssseess eett mmiissèèrree 1100

44.. SSééccuurriittéé eett ssoouuvveerraaiinneettéé aalliimmeennttaaiirreess eenn RRDDCC:: uunn ééttaatt ddeess lliieeuuxx 1122

55.. IImmppoorrttaattiioonnss aavviiccoolleess eett ffiilliièèrree llooccaallee 1155

66.. KKiinnooiiss,, vvoouuss aavveezz llee bboonnjjoouurr ddee CChhaarrlleess DDoouuxx 1177

77.. LLaa ccaattaassttrroopphhee ssaanniittaaiirree 1188

88.. CCaammeerroouunn:: uunnee ccaammppaaggnnee eexxeemmppllaaiirree 2222

99.. CCaa ccoommmmeennccee àà bboouuggeerr àà KKiinnsshhaassaa 2244

1100.. AAggiirr iiccii 2266

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Dans son dernier rapport sur la situation agricoledans le monde2, l’Organisation des Nations uniespour l’alimentation et l’agriculture rappelle que laproduction vivrière3 par habitant a régressé enAfrique subsaharienne. Après deux décennies decroissance très faible, voire de stagnation, elle estsur le continent noir inférieure au niveau enregis-tré en 1970.

Ce même rapport indique que près de 73% de lapopulation de la République Démocratique duCongo se trouvent dans une situation d’insécuritéalimentaire, soit près de 42 millions de sous-ali-mentés sur une population totale estimée à 60 mil-lions de personnes.

Et, situation paradoxale, en RDC, comme ailleurs,70% des pauvres sont des paysans : ils n’ont pasde revenus suffisants pour manger correctement,envoyer les enfants à l’école ou encore assurer dessoins de santé décents.

UUnn bbiillaann aaccccaabbllaanntt !! UUnnee ssiittuuaattiioonn qquuii nnee rreellèèvvee ppaass dd’’uunneesseeuullee eexxpplliiccaattiioonn

EExxppoorrttaattiioonnss ssuubbssiiddiiééeess

On pense d’emblée à la hausse des importations àbas prix en provenance de l’Europe, mais égale-ment des Amériques et de l’Asie (les céréales, lesviandes, le poisson, le lait, les légumes…).

Depuis les années ‘90, les plans d’ajustementstructurel, imposés par le FMI et la Banque mon-diale, puis les règles de l’OMC, ont contraint lespays en développement à ouvrir davantage leursfrontières. La concurrence entre producteurs du Sudet du Nord est d’autant plus inégale que ces der-niers sont largement subventionnés. Les prix devente de denrées exportées sont ainsi loin de re-fléter la réalité de leurs coûts de production dansle pays d’origine. L’exemple des produits laitiers,dont l’Union européenne est le principal fournis-seur pour l’Afrique, est à ce titre significatif :l’Union européenne consacre chaque année 2,5 mil-liards d’euros pour subventionner l’exportation deses excédents dans ce secteur. Des soutiens finan-ciers qui permettent de combler la différence entrele prix intérieur payé aux acteurs de la filière(2.050 euros pour la tonne de lait en poudre en juil-let 2006) et le prix mondial (1.623 euros).

Jugées contraires à “la libre concurrence”, ces sub-ventions directes aux exportations (restitutions)

devraient disparaître en 2013, comme le prévoitl’accord signé au sein de l’OMC, en décembre 2005.Mais c’est l’OMC elle-même qui cautionne uneautre forme de dumping, avec les aides directesaux revenus des agriculteurs. En effet, l’OMC défi-nit le dumping par le fait d’exporter en dessous duprix du marché intérieur (même si celui-ci est main-tenu artificiellement bas en raison des aides di-rectes au revenu des agriculteurs) et non en des-sous des coûts de production4.

AAiiddeess ddiirreecctteess eett iinnddiirreecctteessaauuxx ggrrooss eexxppllooiittaannttss aaggrriiccoolleess

Ainsi, les subventions à l’exportation ne sont pas,et de loin, les seules aides dont bénéficie le sec-teur laitier, même si elles sont les plus visibles. Enplus des 2,5 milliards d’euros de soutien à l’export,13,5 milliards d’euros supplémentaires sont, selonl’OCDE, dépensés chaque année par l’UE pour ap-puyer la filière lait (aides directes aux exploitantsagricoles, aides indirectes en services techniqueset vétérinaires, etc.). Dans cette filière, ce sontavant tout les grandes multinationales agroalimen-taires –Nestlé, Lactalis, Bongrain- qui sont à la foisles grandes bénéficiaires de la baisse des prix inté-rieurs européens payés aux agriculteurs et dessubventions à l’exportation5.

Les pays de l’OCDE (le club des pays riches) ontconsacré 225 milliards d’euros en 2005 pour soute-nir leur agriculture (29% du produit agricole), soitcent fois plus que les Etats africains, qui n’y avaientconsacré que 2 milliards d’euros en 1999, alors que60% de la population africaine dépend de l’agricul-ture pour assurer leur subsistance.6

IInnééggaalliittééss aaggrriiccoolleess eett ppaauuvvrreettééppaayyssaannnnee

Le problème des soutiens aux exportations et desaides directes aux revenus, surtout des gros exploi-tants agricoles et aux multinationales agroalimen-taires, ne doit pas occulter celui, plus large, de lamise en concurrence d’agricultures dans le monde,jouant à armes extrêmement inégales.

Au cours de la seconde moitié du XXème siècle,l’écart de productivité du travail entre les agricul-teurs les moins performants et les plus perfor-mants du monde a véritablement explosé : il estpassé de 1 contre 10, dans l’entre-deux guerres, à1 contre 2000 à la fin du XXème siècle.

Au cours de cette période, dans les pays dévelop-pés et dans quelques secteurs limités des pays endéveloppement, il y eut ce qu’on a appelé la “révo-lution agricole contemporaine” : grande motorisa-tion, mécanisation, sélection de variétés de planteset de races d’animaux à fort potentiel de rende-ment, semences sélectionnées génétiquement,large utilisation des engrais minéraux, pesticides,aliments concentrés pour le bétail et produits detraitement des plantes et des animaux domes-tiques, etc.

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11.. LL’’AAffrriiqquuee eett lleess rraavvaaggeess ddeessiimmppoorrttaattiioonnss aaggrrooaallii--mmeennttaaiirreess:: lleess mmuullttii--pplleess ffaacceetttteess dduudduummppiinngg aalliimmeennttaaiirree

2 “L’Etat de l’insécurité ali-mentaire dans le monde”,FAO, 2005 (www.fao.org)

3 Les cultures vivrières four-nissent des produits alimen-

taires destinés principalementaux populations locales.

4 Denis Horman, Chicken Con-nection, chap. II, le dumping

alimentaire, Gresea, 2004, pp.51-72 (www.gresea.be).

5 Alternatives Economiques,Des subventions aux effets

dévastateurs, n° 251, octobre2006. Voir également Défis

Sud, dossier: S’alimenter sou-verainement, utopie ou objec-tif réaliste?, n° 75, octobre-

novembre 2006.6 Alternatives Economiques, Le

Sud a besoin de politiquesagricoles, n° 254, janvier

2007.

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A partir des années 1960, dans certains pays endéveloppement, les agriculteurs, qui avaient lesmoyens d’investir, se sont lancés dans “la révolu-tion verte”, une variante de la révolution agricole.Cela étant, une majorité de paysans des pays dé-veloppés et a fortiori des pays en développementn’a jamais eu accès aux moyens de production del’une ou l’autre de ces révolutions7.

C’est le cas de l’Afrique subsaharienne. Les rende-ments céréaliers moyens y sont de 12,3 quintauxpar hectare contre 30,3 en Asie ou 54 en Europe.

EEuurrooppee –– FFMMII-- BBMM :: mmêêmmee ccoommbbaatt !!

L’Union européenne n’est pas la seule à demanderaux pays du Sud d’ouvrir davantage leurs fron-tières. Dès les années ‘80, pour contraindre lespays du Sud à rembourser la dette, le FMI et laBanque mondiale leur ont imposé les plans d’ajus-tement structurel, les obligeant ainsi à couper dansleurs dépenses publiques, à délaisser les produc-tions vivrières pour “le tout à l’exportation” et àabaisser radicalement leurs droits de douane. Sibien qu’aujourd’hui, la plupart de ces pays –etd’abord les PMA (pays les moins avancés !)– appli-quent dans les faits des tarifs douaniers bien infé-rieurs à ceux qu’ils seraient théoriquement en droitde pratiquer. Les pays en développement avaienten effet obtenu, lors des négociations à l’OMC, lapossibilité d’avoir des tarifs plus élevés (tarifsconsolidés) que ceux des pays de l’OCDE. Sur le pa-pier, les pays africains peuvent ainsi taxer leursimportations agricoles à des taux moyens comprisentre 79% pour le Bénin et 230% pour le Came-roun.8

De tels niveaux auraient pu, par exemple, permet-tre à ces pays de se protéger efficacement contreles invasions de bas morceaux de poules de ré-forme, de poulets, bradés, n’ayant quasi plus de va-leur marchande sur les marchés européens.9

La réalité est toute autre. Ainsi, le tarif douanierextérieur appliqué par l’Union économique et mo-nétaire ouest-africaine (Uemoa) est en moyenne de10,8%. En RDC, selon l’Ofida (Office des douanes etaccises), le nouveau tarif des droits et taxes à l’im-portation, entré en vigueur depuis le mois d’avril2003, se situe entre un minimum de 3% et 5% etun maximum de 13% et 20%.

Certains pays, comme le Nigeria, la Tanzanie, leKenya, … ont fait de la résistance. Mais la pluparthésitent à engager le bras de fer avec les bailleursde fonds, craignant des représailles, mais aussi lacolère de consommateurs urbains qui bénéficientainsi d’une alimentation moins chère.

AAccccoorrddss ddee PPaarrtteennaarriiaatt EEccoonnoommiiqquuee((AAPPEE)) oouu AAccccoorrddss ddee PPaauuppéérriissaattiioonnEEccoonnoommiiqquuee

L’Accord de Cotonou entre l’Union européenne etles pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique), qui asuccédé en 2000 à la Convention de Lomé, est à labase des Accords de Partenariat Economique (ACP),qui doivent être conclus fin de cette année.

“Les accords de partenariat économique sont la clépour revitaliser la relation de développement entrel’Union et les pays ACP”, indique Peter Mandelson,le commissaire européen pour le Commerce.

Nombre de mouvements sociaux, au Sud et au Nordsont bien loin de partager cette vision des choses.Et c’est le cas également de pays ACP directementconcernés.

Ces pays devront supprimer l’essentiel des taxeset réglementations qui freinent les importations enprovenance de l’Europe et de leurs voisins, ce quirevient concrètement à supprimer l’essentiel deleurs instruments de politique commerciale, deprotection de leur économie locale, de perceptionde recettes fiscales.11

Réunies à Niamey en juin 2006, de nombreusesorganisations membres du réseau francophoned’Afrique de l’Ouest et du Centre (dont la RDC)signaient une déclaration indiquant, à propos desAPE: “le démantèlement tarifaire induira delourdes pertes de recettes tarifaires qui nepourront être compensées que par desaugmentations de TVA, au détriment despopulations; le Tarif Extérieur Commun (TEC)envisagé ne protège par les produits agricoles etmenace de ruiner la souveraineté alimentaire”.

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7 Marcel Mazoyer et LaurenceRoudart, La fracture agricole

et alimentaire mondiale, nour-rir l’humanité aujourd’hui et

demain, Universalis 2005.Samir Amin, Le virus libéral,

La guerre permanente etl’américanisation du monde,

Ed. Le temps des cerises,2003.

Denis Horman, Pouvoir etstratégie des multinationalesagroalimentaires, site Gresea 8 Alternatives Economiques,

Du droit des peuples à senourrir, n° 253, décembre

2006.9 Denis Horman, Chicken

Connection, Dumping dans lesecteur avicole, pp. 61-66.10 Gresea Echos, Commerce

Nord-Sud, l’Accord de Cotonouet ses zones de libre-échange,n° 46, avril-mai-juin 2006, p.

6.11 Voir Erik Rydberg, EPA ou

PAS ? Introduction critique auxaccords de partenariat écono-

mique, Gresea, Les Cahiersders Alternatives, n°6, no-

vembre 2004. Voir égalementCommerce Nord-Sud,, Gresea

Echos, n°46, avril-mai-juin2006.

“Nous avons beaucoup de mal à comprendre la cohé-rence de nos décideurs politiques qui parlent de sou-veraineté alimentaire et qui par après adoptent untarif douanier extérieur à un niveau plancher de 5%.Comment peut-on promouvoir une souveraineté ali-mentaire en réduisant la dépendance vis-à-vis des pro-duits importés sans un minimum de protection des pro-duits alimentaires locaux? C’est pour nous uneaberration pure et simple”.10

Ibrahim Coulibaly, Président de la Confédération na-tionale des organisations paysannes du Mali (CNOP).

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La campagne “le soja contre la vie”, menée enFrance dans le courant de l’année 2006 par quatreorganisations (le Comité catholique contre la faimet pour le développement, la Confédération pay-sanne, le Groupe de recherche et d’échanges tech-nologiques, le Réseau cohérence et le Réseau agri-culture durable), tenait à dénoncer les nombreusesdérives et les excès d’un “modèle” agricole produc-tiviste et spécialisé – aux conséquences plané-taires- et non le soja en tant que tel.12 Riche etconnu pour ses vertus médicinales, le soja se subs-titue avantageusement à la viande et aux produitslaitiers. Son utilisation dans l’alimentation humainese développe peu à peu. Par contre, l’extensionfoudroyante du soja en Amérique du Sud est avanttout destinée à l’alimentation animale (farine, tour-teaux à partir des graines de soja).

““SSoojjaattiissaattiioonn”” ddee ll’’AAmméérriiqquuee dduu SSuudd

Actuellement, 50% des terres arables argentineset 47% des terres cultivées en grains au Brésilsont plantées en soja.

Le Brésil et l’Argentine pourvoient à eux seuls à58% des échanges internationaux en soja (59%avec le Paraguay et la Bolivie).

Eldorado des multinationales de l’agro-industrie, lafilière soja est, en ce qui concerne lesnégociants/transformateurs/exportateurs (grains,farine, huile de soja) dominée par trois groupesétasuniens (Cargill, Bunge, ADM) et un Français(Dreyfus). Ces 4 sociétés assuraient, en 2005, 61%du total des exportations brésiliennes. Les troisgroupes américains possèdent des usines de tritu-ration en Europe (notamment à Brest pour Cargill).

Cette culture d’exportation se fait au détriment del’agriculture vivrière. Hyper-mécanisée, elle estéminemment destructrice d’emploi. Pour ouvrirtoujours plus d’espace au soja, les appropriationsillégales de terres se multiplient, les déforesta-

tions s’accélèrent. Au Brésil, rien qu’en 2002,700.000 ha de forêts ont été détruits pour laisserla place au soja.

L’environnement et les ressources naturelles sontde plus en plus malmenés par cette agriculture in-dustrielle: les sols s’érodent, s’appauvrissent etcanalisent les épandages massifs de produits chi-miques vers les cours d’eau, tandis que les orga-nismes génétiquement modifiés (OGM) contaminentles variétés traditionnelles.

LL’’UUnniioonn eeuurrooppééeennnnee:: pprreemmiieerriimmppoorrttaatteeuurr mmoonnddiiaall ddee ssoojjaa

Aujourd’hui l’Union européenne à 25 pays importe80% des oléo-protéagineux nécessaires aux éle-vages. Pourtant l’UE ne manque pas d’espace culti-vable. Avec 4 millions d’hectares en jachère etl’équivalent de 4 millions d’hectares de blé ex-porté, l’Europe dispose de 8 millions d’hectaresqu’elle pourrait consacrer à la production d’oléo-protéagineux (cette conversion couvrirait près de70% des importations) ou d’autres productionsriches en protéines.

Mais, dès l’après deuxième guerre mondiale, l’Eu-rope s’est placée dans un autre scénario.

Les Etats-Unis utilisent le plan Marshall, qui imposel’achat de marchandises américaines, comme che-val de Troie pour pénétrer le marché européen.

Depuis le début des années 1960, la CommunautéEconomique Européenne (CEE), puis l’UE, et celadans le cadre de la Politique Agricole Commune(PAC), ont opté pour un élevage (porc, volaille…)industriel, intensif et surtout hors sol, dépendantlargement d’aliments importés.

En 1962, l’Europe signe les accords de Dillon round:en contrepartie de la mise en place d’un systèmede protection efficace des céréales dans le cade dela PAC, elle laisse entrer librement sur son marchéintérieur les oléagineux, dont le soja des Etats-Unis. Début des années ‘70, des récoltes de sojacatastrophiques poussent les Etats-Unis à décréterun moratoire sur ses exportations. C’est ainsi quele Brésil et l’Argentine en ont profité pour prendrepied en Europe.

TToouujjoouurrss pplluuss dd’’eexxccééddeennttss……àà eexxppoorrtteerr

Embarquée dans une orientation productiviste àoutrance et une industrialisation des élevages horssol, liées à la consommation croissante de viande,l’Union européenne produit aujourd’hui bien au-delà de ses besoins. En 2002-2003, l’UE produisait104% de sa consommation de lait en poudreécrémé, 106,7% de sa consommation de porc,102% de sa consommation de volaille, 96,2% desa consommation de viande bovine, 104,4% de saconsommation de céréales.13

8

22.. LLee ssoojjaa ccoonnttrree llaa vviiee

“L’objectif de notre campagne “le soja contre la vie”est de pointer les nombreuses dérives et excès d’unmodèle agricole productiviste, spécialisé et de plus enplus concentré. La filière soja, en lien avec l’élevageindustriel, illustre de manière emblématique ce “mo-dèle” que nous dénonçons (…). L’Europe pourrait pro-duire ses propres protéines végétales ou réduire sesbesoins pour ne plus inciter à l’expansion du soja enAmérique du Sud. Mais elle fait le choix d’importer,pour intensifier ses élevages et en exporter les excé-dents. Or ces exportations font parfois des ravages:les excédents laitiers ou de volailles, exportés à trèsbas prix, concurrencent les producteurs locaux despays du Sud, détruisant de nombreux emplois et affai-blissant le potentiel de développement d’activités liéesà l’agriculture.”

Campagne “le soja contre la vie”

12 CCFD, Cohérence,Confédération Paysanne, GRET,

RAD, Le soja contre la vie,rapport février 2006. Voir

également AlternativesEconomiques, n°250,

septembre 2006.13CCFD, 2006, ibid., p. 36.

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Etant donné que la libéralisation croissante deséchanges agricoles mondiaux l’oblige à s’ouvriraux importations, ces dernières (importation deviande, de lait, d’œufs) augmentent de manièrecontinue sur un marché européen déjà largementsaturé. Alors, les excédents augmentent d’autant.

La PAC encourage donc une production industriellegénératrice d’excédents qu’il faut écouler sur lesmarchés mondiaux.

LL’’AAffrriiqquuee,, uunn nnoouuvveeaauu mmaarrcchhéé ppoouurrlleess vvoollaaiilllleess

Les entreprises agroalimentaires tirent leur princi-pal bénéfice de la vente des blancs ou des cuissesde volailles dans l’Europe. Les découpes de volailleexportées vers l’Afrique sont donc des sous-pro-duits, vendus à des prix très bas, l’essentiel étantde couvrir les frais d’emballage et de transport.

9

14 CCFD, 2006, ibid.

Les conséquences des évolutions récentes du marchédu soja sur l’agriculture africaine sont indirectes. Lesoja qui sert à nourrir notre élevage industriel contri-bue à la production de surplus que l’on exporte ensuitevers l’Afrique, au prix d’une déstructuration des filièreslocales, d’un appauvrissement accru avec des paysansqui viennent grossir les périphéries des villes. Le tout,sans aucune perspective de développement pour lespays concernés14

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La RDC recèle d’immenses potentialités. Elle pos-sède un sous-sol extrêmement riche en minerais :le diamant, le cuivre, le cobalt, l’or, le coltan,l’étain. Elle a encore bien d’autres ressources natu-relles : le gaz naturel, le pétrole qui, avec le dia-mant, concentre à l’heure actuelle près des troisquarts des recettes en devises du pays.15

La RDC a des potentialités hydrauliques, avec lefleuve Congo, avec le barrage d’Inga, dans le Bas-Congo. Ce barrage fournit de l’électricité aux minesdu Katanga auxquelles il est relié par une ligne àhaute tension de 2.000 kilomètres, mais sans ali-menter en électricité les villages traversés. “Or, sinous avions eu ce courant”, souligne Victor NzuziMbembe, animateur d’une organisation paysanne,“nos mangues, oranges, papayes, avocats, to-mates… seraient conservés et transformés”.16 Deplus, deux tiers des turbines du barrage d’Inga nesont pas fonctionnelles, ce qui donne une produc-tion annuelle actuelle évaluée à 650 mW sur un po-tentiel de 40.000 à 45.000 mW.17 Il y a les forêts quireprésentent près de la moitié de celles de tout lecontinent africain. La RDC abrite 12,5% de la forêthumide tropicale mondiale. Seuls le Brésil et l’Indo-nésie en abritent une plus grande part. Sur 2,3 mil-lions de kilomètres carrés que compte la RDC, envi-ron la moitié est couverte de forêts, ce quicons titue un potentiel sylvicole énorme.

Et puis, et avant tout, il y a l’agriculture. La RDC estprobablement le pays le plus riche de l’Afriquesubsaharienne du point de vue agricole. Sa superfi-cie est de 230 millions d’hectares, dont 80 millionsd’hectares de terre arable avec un bon potentiel defertilité en général. Le pays produit toute unegamme de denrées vivrières : haricots, manioc,pomme de terre, maïs, bananes, riz… ; mais, surl’étendue agricole, 10 millions d’hectares seule-ment, soit moins de 15%, sont consacrés aux cul-tures et (aux) pâturages. Et, d’une manière géné-rale, moins de 3% des terres sont cultivées.18 Plus

de 80% de la population congolaise est paysanneet vit de l’agriculture.

Et pourtant, la RDC est un des pays les pluspauvres du monde. Le rapport du PNUD2006 le classe 167ème, à 10 places du Niger,la lanterne rouge.

Plus de 75% des Congolais vivent avec moins d’undollar par jour. La pauvreté frappe indistinctementet à des degrés divers toutes les couches sociales.On trouve plus de 75% de pauvres dans la paysan-nerie, plus qu’en milieu urbain (61,50%). Oncompte plus de 40% de pauvres chez les cadres dedirection. Les salariés de l’Etat touchent enmoyenne un dollar par jour. Après une grèvemenée en 2005, les enseignants ont obtenu uneaugmentation et toucheraient aujourd’hui 50 dol-lars par mois, prime de transport comprise.

Un enfant sur dix meurt avant l’âge d’un an. Prèsd’un sur deux ne va pas à l’école primaire ; 22% dela population seulement ont accès à l’eau potable,alors que le pays dispose d’un immense réservoiret d’une pluviosité abondante. A peine 7% de lapopulation a accès à l’électricité.

La grande majorité de la population survit grâceaux activités informelles, l’emploi formel ne tou-chant que 4% de la population active et 8% de lamain-d’œuvre masculine.19

10

33.. LLaa RRDDCC:: rriicchheesssseess eett mmiissèèrree

“Il est inacceptable que des millions de Congolais nepuissent pas manger chaque jour dans un pays où ilpleut pendant 9 mois sur les 12 de l’année et où les ri-vières, les lacs et les fleuves sont très poissonneux. Ilest inacceptable que 22% seulement de la populationaient accès à l’eau potable dans un pays où l’hydro-graphie est hors du commun dans le monde, où lefleuve Congo est le 2ème au monde. Il est inacceptableque l’électricité soit un luxe pour la majorité desCongolais, alors que nous avons un des plus grandsbarrages hydroélectriques au monde. Il est inaccepta-ble que des élèves s’assoient à même le sol dans lessalles de classeclasses, alors que les pupitres peuventêtre fabriqués à partir du bois de nos forêts qui repré-sentent la moitié des réserves forestières du monde.”

B. Lutuala Mumpasi, démographe,recteur de l’Université de Kinshasa.

15 OCDE 2006, Perspectiveséconomiques en Afrique 2005-

2006, la RDC(www.oecd.org/dev/publica-

tions/perspectivesafricaines).16 Confédération paysannefrançaise, Campagnes soli-daires, n°201, novembre

2005. 17 FAO, table ronde sur l’agri-culture en RDC, Kinshasa, 19-

20 mars 2004.18 J.-M. Kinkela, La RDC dansl’étau de la mondialisation :regards sur la situation avi-

cole, Gresea Echos, n°45, jan-vier-février-mars 2006.

19 J.-M. Kinkela, ibid. ; OCDE,perspectives économiques enAfrique, ibid. ; B. Lututala, Laréférence Plus, n°3760, 22

août 2006 ; Faustin K., Le Po-tentiel, 10 octobre 2006 ; FAO,

Document stratégique de lacroissance et de la réduction

de la pauvreté, RDC, juin2006.

Le deuxième atout de la RDC - après le potentiel hu-main -, ce sont les richesses naturelles. Je parled’abord de sa terre, de son eau, de son climat. C’estune richesse pérenne qui ne s’épuisera jamais, contrai-rement aux richesses minières (or, diamant, cuivre…).C’est la générosité de la nature qui a été donnée à cepays en matière de pluviosité, de richesse des sols, devégétation. La position de la RDC, à cheval sur l’Equa-teur, jouissant ainsi de l’alternance des climats, permetau pays de produire des cultures sur toute l’année. Ils’agit donc de mettre tout ce potentiel en route pourque ce pays puisse être autosuffisant pour nourrir ses60 millions d’habitants et même une bonne partie del’Afrique.

Max Muland, secrétaire général du CAVTK (Centreagronomique et vétérinaire tropical de Kinshasa).

La situation est catastrophique. Le budget de la RDC, unEtat aussi grand que toute l’Europe occidentale, tourneautour d’un1 milliard de dollars, dont la moitié provientde prêts et dons extérieurs. Cela correspond au budgetd’une petite ville en Belgique. Le budget est pour l’es-sentiel alimenté par l’économie minière de rente, lediamant en premier lieu. Les salaires des agents del’Etat atteignent à peine 20 à 30 dollars par mois. Ilssont bien souvent versés en retard ou pas du tout,entre autres dans des zones occupées par la rébellion.Après 30 ans de dictature de Mobutu, nous en sommesarrivés à un niveau de démolition incroyable. On doitreconstruire ce pays. En commençant par donner uncoup d’arrêt à la “culture” de corruption, de vol desressources de l’Etat, d’impunité.

Baudouin Hamuli Kabarhuza, directeur général duCENADEP.

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Créature de la conférence de Berlin, la RDC n’a étéen fait qu’une zone d’exploitation, soumise, depuissa création, à des décisions de prédation, d’exploi-tation, de spoliation. Situation qui n’a fait qu’empi-rer avec la longue dictature mobutiste d’une tren-taine d’années, avec l’échec des programmesd’ajustement structurel des années ‘80, initiés parle FMI et la Banque mondiale, avec les deux pil-lages des années ‘90 (1991 et 1993), les deuxgrandes guerres dans le pays de 1996 à 2002 quiont, entre autres, provoqué le déplacement des po-pulations vers les grands centres urbains.

Kinshasa en est l’exemple le plus impressionnant :entre 1990 et 2006, la population kinoise est pas-sée de 3 millions à plus de 8 millions d’habitants.

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Le Sommet mondial de l’Alimentation, organisé àRome en 1996 par la FAO (l’Organisation des Na-tions unies pour l’alimentation et le développe-ment), s’est fixé comme objectif la réduction demoitié du nombre de sous-alimentés d’ici 2015. Il aréaffirmé “le droit de chaque humain à une nourri-ture adéquate”. La mise en œuvre de ce droit sup-pose la possibilité pour tous et partout de bénéfi-cier d’une véritable sécurité alimentaire que laFAO définit comme le fait que, où que l’on soit,“tous les habitants, à tout moment, aient accès àune nourriture qualitativement et quantitativementsuffisante pour mener une vie saine et active”.

A ce même Sommet mondial de la FAO, Via Campe-sina lançait le débat sur la souveraineté alimen-taire, c’est-à-dire sur “le droit pour chaque commu-nauté de produire sa propre nourriture ; le droit dedéfinir ses propres politiques agricoles et alimen-taires, de protéger et de réguler sa production inté-rieure agricole et de protéger son marché intérieurdu dumping des surplus agricoles des autres pays.Cela implique aussi que chaque communauté nefasse plus du dumping sur ses produits agricoles etalimentaires, c’est-à-dire qu’elle ne les vende plussur les marchés internationaux à un prix inférieurau coût de production”.

A Dakar, en mai 2003, des représentants d’organi-sations paysannes et de producteurs agricolesd’Afrique, d’Amérique(s), d’Asie et d’Europe si-gnaient “la Déclaration de Dakar”. Cette déclara-tion, basée sur la souveraineté alimentaire, préciseque “pour assurer les droits humains fondamen-taux en agriculture (droit à l’alimentation, accèsaux ressources -terre, semences, eau, crédit…-),des instruments sont indispensables, en particulierune protection à l’importation et la maîtrise de l’of-fre”20.

UUnn sseecctteeuurr aaggrriiccoollee eenn ddéécclliinn

Lors d’une table ronde, tenue en mars 2004 à Kins-hasa, la FAO soulignait le potentiel agricole énormede la RDC : 80 millions d’hectares de terresarables ; 4 millions d’hectares de terres irrigables ;la diversité climatique et l’importance du réseauhydrographique permettant de pratiquer unegamme variée de cultures ; un potentiel de pâtu-rages pour l’élevage d’environ 40 millions de bo-vins.

Malgré ce potentiel, le secteur agricole est en dé-clin. “La production agricole accuse une tendance àla baisse depuis 1998”, souligne la FAO.21 “Moins20% pour les céréales ; moins 12% pour les ra-cines et tubercules ; moins 6% pour les légumes.Le cas le plus frappant est celui du manioc, alimentde base qui couvre 70 à 80% des apports nutrition-nels des Congolais, mais dont la production a chutéde 20% à cause des maladies et des ravageurs(…). D’autre part, la production des principalescultures de rente (café, huile de palme, coton,cacao, hévéa et tabac) connaît un déclin rapide dû àl’état des infrastructures routières, de l’organisa-tion des marchés d’achat et des cours mondiaux(…). Le PIB du secteur agricole (l’agriculturecongolaise représente quelque 50% du PIB) abaissé de 3,4 milliards de $ US en 1990 à 2,2 mil-liards de $ US en 2000, soit une diminution de38%“.

IImmppoorrttaattiioonnss aalliimmeennttaaiirreess

Aujourd’hui, moins de 10% des protéines animalesconsommées à Kinshasa sont produites localement(porc, bœuf, poisson, volaille, œufs de table…). En2003, les importations couvraient 93% des pro-téines animales d’élevage consommées à Kins-hasa, en porc, volaille et bœuf. Et si on ajoute les114.697 tonnes de poissons congelés importés aucours de la même période, la production nationalene représentait plus que 3% des besoins du mar-ché.22

L’exemple du poisson est éclairant. Alors que laRDC possède le 2ème plus grand fleuve au monde,c’est le poisson congelé importé, le mpiodi, “pois-son chinchard” non trié et non éventré, qui envahitles marchés de Kinshasa. Ce poisson est pêché pardes bateaux industriels, dans les eaux territorialesde la Namibie, et, dans une moindre mesure, de laMauritanie. Presque tous les ménages urbainsconsomment le mpiodi, qui est ancré durablementdans les habitudes alimentaires.

Les importations agricoles, elles aussi, n’ont faitqu’augmenter ces dernières années. Le blé utiliséau Congo – RDC – est exclusivement du blé im-porté, en provenance de l’Union européenne et des

12

44.. SSééccuurriittéé eett ssoouuvveerraaiinneettééaalliimmeennttaaiirreess eenn RRDDCC:: uunn ééttaatt ddeess lliieeuuxx

Près de 73% de la population de la RDC se trouventdans une situation d’insécurité alimentaire, soit prèsde 42 millions de sous-alimentés.

FAO, Kinshasa, mars 2004.

20 Denis Horman, Chicken Con-nection, chap. VI : La souverai-neté alimentaire, un droit fon-

damental pour chaquecommunauté, pp. 105-128.

21 FAO, Table ronde sur l’Agri-culture, Kinshasa, mars 2004.

22 Alain Huart, Diagnostic mul-tifactoriel du secteur élevage,canevas de conception de pro-

jets de production animaledans les pays en développe-ment. Cas type de la RDC. Fa-culté de médecine vétérinaire,

Institut vétérinaire tropical,Université de Liège, année

académique 2004-2005.

En 1986-1987, la compétitivité de l’agriculture congo-laise face aux produits agricoles importés a été étu-diée par le consortium ZTE-Groupe COGEPAR. On peutconclure qu’à cette époque, l’agriculture congolaiseétait généralement compétitive face aux importations(…). Dans la conjoncture actuelle de la RDC, la pro-portion des importations alimentaires augmente sanscesse. Si ces importations aident à stabiliser l’appro-visionnement des villes, à maîtriser l’inflation et à ré-duire le coût d’achat du “panier de la ménagère”, ellesfont également grande concurrence à la production lo-cale, qui reste largement déficitaire pour des produitsclés comme (le) riz, sucre, huile végétale, viande, pois-son, etc. qu’on peut facilement produire dans le pays.

Eric Tollens, professeur à l’UCL–KUL (Leuven).

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USA. Le riz est surtout d’origine asiatique (Thaï-lande, Vietnam, Inde).

Ces importations ont entraîné un recul sensible desdeux principales productions locales, le manioc etle maïs ou encore d’autres productions comme leriz, le sucre, l’arachide, l’huile végétale…23

Tableaux des importations alimentaires(en tonnes) : 2001-2005Les importations alimentaires (en tonnes)

Source: Service des statistiques de l’ OFIDA, service des im-portations de l’OCC

Les importations alimentaires (en tonnes)

Source: OFIDA

Jusque début des années 60, les grandes planta-tions d’huile de palme appartenaient à des famillescoloniales. Suite à la zaïrisation dans les années‘70, l’ensemble de ces plantations est passé dansles mains des nouveaux responsables politiques duZaïre. “Ceux-ci n’avaient pas la compétence suffi-sante, ni le temps pour gérer cette production”,souligne Baudouin Hamuli du Cenadep.”Inévitable-ment, après un certain temps, les infrastructures,les machines ont commencé à rouiller”.

Le directeur du Cenadep s’insurge en particuliercontre les importations de riz : “L’ampleur de cesimportations est scandaleuse. A 400 km de Kins-hasa, nous avons un bassin rizicole important.Mais, à Mbandaka, vous trouverez une seule décor-tiqueuse appartenant à une vielle religieuse belge.Et le peu de riz de cette région qui alimente Kins-hasa coûte plus cher que le riz importé de Thaï-lande, qui nous vient pourtant de l’autre côté de laplanète. C’est un élément pervers qui hypothèquenotre sécurité et notre souveraineté alimentaires.C’est très grave, quand on sait que pratiquement60% de la population congolaise consomme le rizcomme aliment de base, à côté du manioc”.24

Bien que la demande du manioc soit entièrementcouverte par la production intérieure, les besoinssont immenses pour une ville comme Kinshasa (8millions d’habitants). Le programme gouvernemen-tal “manioc” ne prévoit pas de dispositif pour in-tensifier la production. Certes, des efforts sont réa-lisés dans le Bas-Congo, mais quasiment pas dansles provinces reculées.

En ce qui concerne la production vivrière et maraî-chère, les choses se présentent un peu différem-ment. “Heureusement qu’il y a encore cette produc-tion qui permet de maintenir des échanges entreles campagnes et les villes”, souligne Max Mulanddu CAVTK (Centre agronomique et vétérinaire tropi-cal de Kinshasa). “Autour des grandes villes, a puse développer, ces dernières années, une activitédynamique de maraîchage. Une bonne partie deslégumes qu’on trouve à Kinshasa vient non seule-ment des zones maraîchères de la ville et de sa pé-riphérie, mais, pour certains de ces produits commeles oignons, des provinces voisines, notamment duBas-Congo. Le maïs, produit au nord du Katanga,approvisionne Lubumbashi et les grandes villes duKasaï. Je pense surtout au manioc qui est produit

13

Denrées 2001 2002 2003Farine/Blé 119 541 223 340 179 478

Maïs/Farine 4 690 67 451 7 904Viande de bœuf, de porc 8 126 82 469 184 658Volaille 8 812 49 164 27 763Poisson 75 127 149 426 94 669Sel iodé 35 110 28 588 64 553Lait; produits laitiers/beurre 6 220 18 400 10 378Pomme de terre 93 1 034 541Tomates/conserves 3 349 11 213 6 517Oignon, ail 78 3 635 3 315Haricot 3 666 4 032 3 536Riz 46 678 273 794 115 265Huile végétale 2 900 95 790 8 876Sucre 150 50 816 39 887

Produits 2004 2005

Sucre 60 030 16 066Viande et abats 25 160 128 357

Poulet 352 3 269Poissons congelés

(mpiodi)5 966 6 142

Pommes de terre 115 454 37 926Oignons 15 977 31 129Légumes 58 158 89 025

Maïs grains semences 15 397 20 386

Riz 106 504 366Farine de froment 2 349 3 486

Farine de maïs 3 815 106 763Huile végétale 26 857 6 181

Blé dur 17 516 55 727

L’huile de palme

La RDC était jusque fin des années ‘50, le plus grandexportateur d’huile de palme au monde. Aujourd’hui,elle importe de grandes quantités d’huile végétale(50.000 à 60.000 t/an), surtout d’origine malaise viaSingapour ou de l’Union européenne (huile de colza).Cette huile importée est le plus souvent raffinée et necontient plus les vitamines A et D, que l’on trouveabondamment dans l’huile de palme brute. Cela posedonc un problème nutritionnel pour la population.

Eric Tollens.

23 Eric Tollens, Table ronde“Agriculture et sécurité

alimentaire”, Kinshasa, mars2004.

24 Interview de Baudouin Ha-muli Kabarhuza, Kinshasa,

octobre 2006.

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en grande partie dans la province de Bandundu etqui approvisionne en grande partie Kinshasa”.25

PPrrootteeccttiioonn ddoouuaanniièèrree eettssééccuurriittéé aalliimmeennttaaiirree

Acheminées surtout dans les grandes villes dupays, les importations alimentaires sont souventde moindre qualité, bon marché et subventionnéesdirectement ou indirectement. De plus, elles bénéfi-cient de tarifs douaniers de plus en plus bas.

Les droits de douane à l’importation sont assis surla valeur CAF (l’ensemble de la valeur du coût duproduit, de l’assurance maritime et du fret mari-time).

A première vue, on pourrait conclure qu’une cer-taine protection à l’importation des produits agri-coles et alimentaires existe en RDC. Des taux de24,3% dans la plupart des cas et même de 35,6%pour le sucre et l’huile végétale ne sont pas négli-geables26

Mais, en réalité, les droits et taxes à l’importationsont bien plus bas. En août 2003, l’OFIDA, l’Officedes douanes et accises, sortait une circulaire ayanttrait à un nouveau tarif des droits et taxes à l’im-portation. Ce tarif, entré en vigueur depuis le 28avril 2003, se distingue par le recadrage des tauxdes droits appliqués aux marchandises importées,fixés au minimum à 3% et 5% et au maximum à13% et 20%.

Le chiffre de 3% est confirmé par Jean-Marie Kin-kela, enseignant à la Faculté des Sciences sociales,administratives et politiques de l’Université deKinshasa : “les importations alimentaires, cellesdestinées à l’agriculture en général, et celles deproduits animaux, jugées de première nécessité enparticulier, bénéficient d’un régime douanier extrê-mement favorable aux importateurs, avec un droitsymbolique et dérisoire de 3% à l’entrée : encou-ragement exorbitant aux commerçants et aux im-portateurs, mais finalement lourdement payé parle consommateur et le producteur congolais, parl’étouffement de l’élevage national, incapable derésister à une telle concurrence. Par contre, les pro-duits destinés à l’agriculture, ou provenant decelle-ci, commercialisés à l’intérieur des frontières,sont frappés d’une taxe de 18% (CCA –contributionsur le chiffre d’affaires). Les intérêts payés sur lesemprunts sont également taxés à 18%. Ces me-sures fiscales frappent et pénalisent toute lachaîne de production animale”.27

Que répondre à ceux qui disent : “pourquoi devrait-on privilégier la production locale, alors que ce se-rait beaucoup mieux de favoriser une grande ou-verture à des importations à bas prix pour unepopulation qui vit dans la pauvreté”?

Max Muland du CAVTK répond à la question : “Sil’on se met à la place des dirigeants du pays, sou-cieux de la paix sociale, on peut comprendre, sansles excuser, qu’ils n’hésitent pas à favoriser les im-

portations. Mais, c’est se voiler la face sur la survieéconomique du pays. Pour importer autant, nousavons besoin d’énormément de devises. La Banquecentrale devait déjà, il y a quelques années, mobili-ser 60 à 70 millions de dollars par mois pour satis-faire les importateurs. Alors, n’y aurait-il pasmoyen de travailler à court, moyen et long termespour mettre ces capitaux à la disposition de l’agri-culture, de la production locale, des familles pay-sannes, d’un soutien aux denrées debase…Certes, nos productions sont tombées telle-ment bas qu’entre-temps, il faut bien nourrir lespopulations avec les produits importés. Mais nosgouvernements doivent respecter ce à quoi ils ontsouscrit. En 2003, au Sommet de l’Union africaine àMaputo, ils ont convenu, par une déclaration com-mune au sein du NEPAD de consacrer 10% desdépenses publiques à l’agriculture et au dé-veloppement rural, afin de soutenir la sécu-rité alimentaire dans le continent et cecidans les cinq années à venir. Or, actuelle-ment, je pense que le secteur agricole re-çoit de l’Etat à peine 0,5% à 1% du bud-get”.

14

25 Interview de Max Muland,Kinshasa, octobre 2006.

26 Eric Tollens, Les importa-tions alimentaires et la pro-

tection douanière en RDC,2006.

27 J.-M. Kinkela, La RDC dansl’étau de la mondialisation :regards sur la situation avi-

cole, Gresea Echos, n°45, jan-vier-févier-mars 2006.

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LLee sseecctteeuurr aavviiccoollee eenn RRDDCC

Malgré ses nombreuses carences, l’inorganisationindividuelle ou collective, la filière avicole existe enRDC.

A Kinshasa et dans le Bas-Congo, on trouve essen-tiellement la filière “poules pondeuses“, une filièrerelativement importante. Deux grosses fermes in-dustrielles (Mino Congo Dokolo et San Giro conces-sion Belliard) possèdent à elles deux plus de lamoitié des “pondeuses” sur un total de quelque600.000. Le reste est détenu par des fermesmoyennes et des fermes de “parcelles” (petitesunités familiales).

L’élevage de poulet a également existé dans la ré-gion, dans les années ‘80. Personne n’a oublié lecélèbre exemple de la “ferme présidentielle” (Mo-butu), une immense ferme moderne, avec l’équipe-ment complet de la filière “intégrée” (du couvoir àl’abattoir). Cette ferme est aujourd’hui à l’abandon.C’est qu’on ne s’improvise pas éleveur. C’est unmétier à part entière, avec une gestion technico-fi-nancière rigoureuse qui ne fait pas bon ménageavec les prébendes, les spoliations, les impré-voyances.

A l’inverse de Kinshasa et du Bas-Congo, on trouveà Lubumbashi la filière “poulet de chair“. La régionimporte les œufs fécondés de la Zambie, du Zim-babwe et produit localement les poulets, sans unitéd’abattage, de conservation ou de vente de dé-coupes congelées.

C’est une chaîne d’une certaine importance avecune entrée de quelque 40.000 poussins de chairpar semaine. Le poulet local est vendu essentielle-ment sur pied (en vif) sur les marchés ou à laferme ; il est abattu et directement cuisiné. Mais,sans unité d’abattage, de conservation de découpeet d’installation frigorifique, il est extrêmementdifficile de vivre de son exploitation avicole. Pourcela, il faudrait vendre en grande quantité le pouletde chair en “vif”, ce qui s’avère impossible. Unefois la période d’élevage terminée (une quaran-taine de jours), le fermier peut vendre une partiedu lot. Mais il devra continuer à nourrir celle quireste, pendant qu’il entame un nouveau cycle d’éle-vage. Cela coûte doublement de l’argent. Il estalors contraint à augmenter le prix de vente… !

IImmppoorrttaattiioonnss mmaassssiivveess……

L’importation en RDC de viande congelée, du pouletde chair en particulier, remonte en fait à l’indépen-dance du pays. C’est le gouvernement du premierministre, Cyrille Adoula qui, le premier, ordonna cesimportations. D’où la dénomination “Ebembe yaAdoula”, accolée déjà à l’époque à ces produitsd’importation.

C’est à partir des années ’80 et surtout ’90 que lesimportations avicoles prirent largement le dessus.La dégradation accélérée de l’économie, les pil-lages en règle (1990-92), l’explosion démogra-phique de Kinshasa, l’Accord sur l’Agriculture del’OMC, accélérant le démantèlement des protec-tions douanières, l’adhésion de la RDC à l’OMC en1997 furent autant d’éléments explicatifs de cettemontée en flèche des importations de pouletscongelés.

EEvvoolluuttiioonn ddeess iimmppoorrttaattiioonnss ddee ppoouu--lleettss ccoonnggeellééss ““eeuurrooppééeennss””

Source: SOS Faim, Campagne contre les importations de pou-lets congelés au Cameroun, 2004

Initialement, ces importations se composaient depoulets entiers congelés. Par la suite, avec l’exten-sion de la misère, de la baisse du pouvoir d’achatet des nouvelles habitudes culinaires urbaines, cesproduits entiers furent progressivement supplantéspar les découpes de poulets congelées, puis les dé-coupes (les parties les plus diverses) de poules deréforme (poules en fin du cycle de ponte): gésiers,pattes, cuisses, cous, ailes, croupions, peau.

Ces importations, qui atteignent 30 à 50.000tonnes par an, proviennent en ordre décroissant du

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55.. IImmppoorrttaattiioonnss aavviiccoolleess eett ffiilliièèrree llooccaallee

Les Ets LON’ILEKO à KIN :première entreprise “intégrée” en RDC !

Nous sommes une petite exploitation avicole, mais lapremière entreprise “intégrée” en RDC, installée àKinshasa, avec ferme parentale, couvoir, élevage depoulets de chair et abattoir.

Ce que nous produisons en poulet de chair, c’est encoreune goutte d’eau dans l’océan. On produit 3.500 pous-sins par semaine : on vend sur pied et, avant la fin del’année 2006, l’abattoir sera prêt pour les découpesde poulet, car la population est habituée à consommerle poulet en découpe. On arrive à vendre quasimentau même prix que le congelé importé, alors que celui-ci, poules de réforme et autres “rebuts”, n’a rien à voiravec notre produit qui est du poulet presque “fermier”.

Anicet Lokenyo, administrateur de LON’ILEKO.

2003 2005 Evolution

République duCongo

18 505 9 650 52%

RDC 11 346 20 578 181%

Cameroun 16 528 2 100 13%

Côte d’Ivoire 5 991 1 900 32%

Ghana 13 840 21 800 158%

Sénégal 9 327 1 600 17%

Togo 3 619 5 300 146%

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Brésil (Frangosul, une des entreprises de la multi-nationale avicole française, Charles Doux, etc.), deBelgique (l’abattoir Wilki en Flandre…), de Hol-lande, d’Espagne, d’Italie, de France, des USA, d’Al-lemagne…

Ces dernières années, la RDC s’est retrouvée égale-ment face à des importations d’œufs de consomma-tion, alors que la filière “poule pondeuse” était etreste relativement développée à Kinshasa et dansle Bas-Congo. Ces œufs de consommation provien-nent respectivement des Pays-Bas, de Belgique,d’Allemagne, mais aussi d’Argentine, du Brésil etmême d’Inde.

L’impact de ces importations sur l’emploi et l’éco-nomie nationale est indéniable. Mais il est difficiled’obtenir des statistiques. On sait que dans le Bas-Congo, à Boma, Matadi, Kimpese, Kwilu Ngongo, Ki-tomesa, Mbanza Ngungu, Kinshasa…, de petitsexploitants ont dû arrêter leur exploitation avicole,avec, en cascade, la perte de nombreux emplois di-rects et indirects liés à l’élevage et à la vente depoulets de chair et d’œufs de consommation.

IImmppoorrttaattiioonnss iinnccoonnttrrôôllééeess……

Au port de Matadi, des importateurs passent à tra-vers les mailles des services portuaires. Le nombrede containers déclarés est parfois loin de refléterles volumes réels.

Il y a des astuces pour éviter le contrôle. Par exem-ple, un importateur du Congo Brazzaville fait venirsa marchandise via le port de Matadi. Il n’y a aucuncontrôle sur cette marchandise qui est en transit.Ce contrôle doit se faire dans le pays de destina-tion. Mais en fait, il arrive que cette marchandisesoit déversée sur les marchés de Kinshasa.

AAuu rraabbaaiiss

En ce qui concerne tout particulièrement les œufs, iln’est pas rare de faire passer à la douane des œufsde consommation pour des œufs fécondés destinésaux couvoirs. La raison est simple : les taxes per-çues sur les œufs fécondés sont plus basses quesur les œufs de consommation.

Quant aux découpes de poulet et surtout poules deréforme congelées importées, elles sont venduessur les marchés de Kinshasa à des prix deux fois etjusqu’à trois fois moins chers que la production lo-cale. Il faut compter 1 $, 1,5 $ le kg de découpe im-portée par rapport à deux dollars, deux dollars etdemi le kg de production locale vendue en vif.

Par contre, pour ce qui est du poulet entier, le pou-let local pourrait être presque compétitif par rap-port au poulet importé, ce qui était le cas il y aquelques années : 2 dollars ou 2 dollars et demicontre 2 dollars pour l’importé.

En RDC, comme dans les autres pays d’Afrique sub-saharienne, la viande de volaille importée ne béné-ficie plus tellement de restitutions à l’exportation,et cela depuis 2003. Dans ce secteur, nous connais-sons cependant un dumping “indirect” qui alimenteune concurrence “déloyale” avec le prix de la pro-duction avicole locale. D’abord, ces produits impor-tés sont les bas morceaux, abats et sous-produits,résidus des marchés européens et américains etqui n’ont donc quasiment plus de valeur marchandedans les pays d’origine. D’autre part, les alimentspour bétail (céréales, soja, oléagineux et protéagi-neux), qui représentent plus de 50% du coût deproduction de ces viandes, continuent à entrer dansl’UE sans droit de douane. Aux Etats-Unis et davan-tage encore au Brésil, l’approvisionnement en maïsou en soja est bon marché, associé, au Brésil enparticulier, à un faible coût de la main-d’œuvre.

En RDC, comme dans bien d’autres pays subsaha-riens, le coût élevé des intrants (aliments, produitsvétérinaires…), l’absence de politiques gouverne-mentales incitatives, la non protection du marchélocal contre l’importation avicole, massive et incon-trôlée, sont autant d’éléments qui se surajoutent àla nature des produits importés.

EEtt lleess iimmppoorrttaatteeuurrss,, qquuii ssoonntt--iillss ??

A Kinshasa et dans le Bas-Congo, les deux plusgros importateurs sont : le belge Orgaman (la fa-mille Damseaux) et le libanais Congo Futur.

Le groupe familial Orgaman, dont Jean-ClaudeDamseaux est directeur général, est installé auCongo depuis une trentaine d’années. Il est surplace le n°1 dans l’importation de produits alimen-taires congelés, avec quelque 35% des parts demarché. Il importe les poules de réforme congeléesde l’abattoir Wilki. Il importe également le poissoncongelé “chinchard” (plus de 40% des parts). Maisil est également présent dans l’élevage (bovin, por-cin, avicole), dans l’immobilier à Kinshasa et mêmedans le secteur minier, l’or du Katanga.

Congo Futur est arrivé avec la vague des “Liba-nais”, dans les années ‘90 (Socimex, Sokin,Atcom…). Il y a quelques rares importateurscongolais, dont Ledya.

16

Si les frais de dédouanement étaient régulièrement etcorrectement payés en ce qui concerne les œufs deconsommation importés, il serait très difficile de ven-dre moins cher que la production locale. Le premiermémorandum de l’UNAGRICO le démontre : sans lafraude douanière, les œufs importés ne peuvent êtrevendus moins cher.

Docteur Bisimwa

Opacité, passe-droit… !

Chez les importateurs, c’est l’opacité totale, les pré-bendes, le passe-droit… Ils ont mis dans leur pocheles circuits de contrôle. Ils paient des taxes symbo-liques. Elles représentent au bas mot le 5ème des vo-lumes réellement importés.

Docteur Bisimwa

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DDoouuxx//FFrraannggoossuull aauu BBrrééssiill

En 1998, Doux rachète la 3ème entreprise avicolebrésilienne, Frangosul, qui possède cinq unités in-dustrielles. Aujourd’hui, plus de la moitié des em-ployés de Doux à l’échelle mondiale sont des Brési-liens (8.000 employés au Brésil sur un total de14.000).

Dans le secteur de la volaille, 80% de laproduction de Doux/Frangosul (essentielle-ment des découpes de poulet) sont destinésà l’exportation : Amérique Centrale, Moyen-Orient, Union européenne, les pays africains via lesports de Luanda (Angola) et Matadi (RDC). Les pro-duits exportés en Afrique sont le bas de gamme :cuisses, tête, cou, pattes de poulets. La principaleunité de poulets de Doux/Frangosul est localisée àPasso Fundo, dans le Rio Grande do Sul. De cetteunité, qui abat environ 380.000 poulets/jour, prèsde 95% de la production va à l’exportation.

RReessttrruuccttuurraattiioonn eenn FFrraannccee

Le rachat de l’entreprise brésilienne est une au-baine pour Doux: l’approvisionnement en matièrespremières (soja, maïs) réduit fortement les coûtsde production; les réglementations sanitaires etenvironnementales sont beaucoup plus souples ; lamain-d’œuvre est bon marché : un travailleur del’entreprise brésilienne touchait en 2005 un salaired’environ 409 reals par mois, ce qui correspond à111,7 euros.

Depuis 2000, Doux restructure en France. Aprèsl’achat de l’entreprise brésilienne, il a commencé àfermer des unités en Bretagne et sur le territoirenational. Il s’est endetté pour cet achat au Brésil,mais il n’a rien perdu en chiffre d’affaires. Progres-sivement, une partie de la production brésilienneest arrivée en France pour desservir la clientèle deDoux, avec des produits écoulés 33% moins chersque la production réalisée en France. Doux s’auto-concurrence en quelque sorte. 80% des travailleursde Doux/France sont au SMIG (980 eurosnets/mois).29

17

66.. KKiinnooiiss,, vvoouuss aavveezz llee bboonnjjoouurr ddee CChhaarrlleess DDoouuxx

28 Souveraineté alimentaire,Doux/Frangosul au Brésil,

Gresea Echos N°45, janvier-février-mars 2006, pp. 22-23.29 Voir interview de Raymond

Gouiffes, délégué syndicalchez Doux “Père Dodu”, àQuimper, www.gresea.be.

Un géant du secteur avicole

Groupe français, créé en 1955, Maison mère à Château-lin dans le Finistère.

Premier producteur européen (et 5ème au niveau mon-dial) de volailles et produits transformés à base de vo-laille ; premier exportateur mondial de volailles ; 2,5millions de volailles produites chaque jour dans lessites du groupe Doux ; des produits commercialisésdans plus de 130 pays.

Plus de 14.000 collaborateurs/effectifs.

Les effectifs, au Brésil, ont augmenté de 62% depuis1998.

80% du personnel de Doux est au SMIG.

Depuis novembre 2004, Doux a passé un accord avecMaersk Sealand, premier transporteur maritime mon-dial : 17.000 conteneurs sont acheminés sur une cin-quantaine de corridors internationaux reliant les cinqcontinents28

Brésil : premier exportateur de poules,poulets congelés et œufs en RDC

Le Brésil, premier exportateur mondial de volailles en2004, exporte en RDC des poules et poulets à bouillir(entiers et en morceaux congelés), des dos de poules,des abats de volaille, des œufs de consommation…

Les importateurs sont Congo Futur, Sokin, Socimex,Atcom, Orgaman…

D’après les statistiques de l’OFIDA et de l’OCC, le totaldes importations en provenance du Brésil s’élève à2.881.713 KGS pour l’année 2004 ; 2.269.085 KGS pour2005 et 364.323 KGS pour les 3 premiers mois de 2006.

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“Le Congo Démocratique a-t-il le choixentre la mort par la faim et la mort parl’empoisonnement ?”

R. P. Charles Kusika Nzau, Kimpese.

“Dans le secteur informel de l’alimenta-tion, plus de 80% des aliments vendus dansles lieux publics sont contaminés.”

FAO, Kinshasa, 2004.

“Les gens s’intoxiquent à longueur de jour-née. Poisson(s), viande, poulet, eau dufleuve consommée, contamination, par ma-nipulation sans précaution, de la farine demanioc, de maïs…, c’est l’ensemble dutraitement des aliments consommés par lapopulation qu’il faut revoir !”

Jean-Baptiste Ruhanu, vétérinaire, OCC Matadi.

SSiiggnnaauuxx eett ccrriiss dd’’aallaarrmmee

En juin 2004, un représentant de la FAO à Kinshasapubliait une étude qui n’est pas passée inaperçue.Elle pointait l’ampleur de la catastrophe sanitaire:“Bien que les statistiques sur les intoxications ali-mentaires ne soient pas disponibles, une étude duCEPLANUT, conduite avec le concours de la FAO, surles dangers et le contrôle des points critiques dansle secteur informel de l’alimentation en 1995 déjà,avait montré que plus de 80% des aliments vendusdans les lieux publics étaient contaminés, principa-lement par le Bavillus cereus, Salmonella, Shigella,Escherichia coli et même Vibrio cholerae.Par ailleurs, les nombreux cas de salmonellose, deshigellose, de fièvre typhoïde, certains types decancers, certaines pathologies endémiques tellesque le goitre, le crétinisme myxoedémateux, ren-contrés aujourd’hui en RDC, trouvent vraisembla-blement leur origine dans une alimentation souil-lée par des microbes, des contaminants, desadditifs ou des substances naturelles toxiquescomme les goitrigènes”.30

Cette étude souligne encore “qu’en juillet 1999, legouvernement de la RDC, avec la collaboration de laFAO, a mené une enquête sur les poulets et pro-duits dérivés contaminés par la dioxine. Cetteétude a révélé que la RDC avait importé de Bel-gique, au premier semestre 1999, 2.191,7 tonnesde viande de poulet, 24,72 tonnes de mayonnaiseet 1,7 tonne de poussins contaminés à la dioxine;57,6% de la quantité de viande précitée et 42% dela quantité de mayonnaise indiquée était déjàconsommée au 7 juin 1999, date à laquelle le gou-vernement congolais avait décidé de suspendre lesimportations des produits précités en provenancede l’Union européenne”.

En mai 2005, dans une lettre ouverte adressée aux

ministères de l’Agriculture et de la Santé, et dont lePhare, un des quotidiens de Kinshasa, s’est faitl’écho, l’Union Nationale des Agriculteurs du Congo(UNAGRICO) relatait le fait suivant: “Le 3 juin 2004,alors que la société d’importation et de distribu-tion, Congo Futur, écoulait déjà des saucisses dequalité douteuse dans ses chambres froides deKinshasa, l’AFSCA de Belgique rendait publique lamesure de suspension d’agrément à l’exportationbelge de l’entreprise de produits de viande, CSFF –Delirein, localisée à Stekene en Flandre Orientale,suspension intervenue après constatation d’unesérie d’infractions graves mettant en danger lasanté publique. Selon l’AFSCA, les fameuses sau-cisses de volaille vendues en RDC auraient été éla-borées à base de déchets d’animaux destinés auxaliments pour chiens et chats et provenant d’entre-prises non agréées. No comment”.31

En avril 2006, un membre des services judiciairesde Kinshasa faisait le constat suivant: “Les irré-gularités, les falsifications, les discordanceset les contradictions des documents d’im-portation renforcent les présomptions del’existence d’un réseau international deblanchiment d’argent par le biais des pro-duits alimentaires pourris”.

Le document souligne que “l’Administrateur délé-gué Général de l’Office Congolais de Contrôle(OCC), organe officiel de surveillance et de sécuritéalimentaire, ainsi que le Secrétaire Général del’Union des Agriculteurs et Eleveurs du Congo (UNA-GRICO), qui ont alerté l’Autorité judiciaire, avaientconstaté que, chaque fois qu’une crise ani-male se déclarait à travers le monde(dioxine, ESB, fièvre aphteuse, grippeaviaire, etc.), les produits incriminés en pro-venance des pays ou régions touchés sontdéversés sur le marché congolais. Ces per-sonnalités sont convaincues de l’existenced’un réseau international qui collecte desproduits alimentaires de qualité douteuse,qui échappent à la destruction dans lespays d’origine à l’instar de l’affaire “res-taurant Buffalo Grill” en France”32

Ce même document formule des demandes de ren-seignements adressées à plusieurs pays dont laBelgique, la France et le Brésil.

18

77.. LLaa ccaattaassttrroopphhee ssaanniittaaiirree

30 A. Spijkers, RDC, Appui à lamise en place d’une stratégiede contrôle et de surveillance

de la qualité des aliments,FAO, juin 2004.

31 Le Phare, La RDC au centred’un trafic de blanchiment de

vivres frais, 9 mai 2005.32 Victor Tshitenge Bumpanya,

document 21/04/2006.

Ouverture d’une enquête judiciaire

Le document rédigé par ce fonctionnaire précise“qu’une enquête judiciaire est ouverte au cabinet deMonsieur le Procureur général de la République sous lasupervision du premier Avocat général de la Répu-blique, Monsieur Tsibambe Kia Mpungwe, concernantles importations frauduleuses des produits alimen-taires d’origine animale de qualité douteuse, presqueen décomposition avec des dates de péremptionproches ou expédiées par un groupe d’importateursinstallés en République Démocratique du Congo, encomplicité avec leurs filiales à l’étranger faisant decette dernière un dépotoir”.

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En ce qui concerne la Belgique, il s’agit “d’obtenirdes précisions sur les exportations de saucissescancérigènes par les entreprises CSFF et Delirein etsur la suite des investigations y relatives”.

Pour ce qui est de la France, il s’agit d’obtenir dela multinationale Charles Doux -Chateaulin France-,des explications concernant “la discordance des do-cuments sanitaires des produits vendus par elleaux importateurs congolais”; des explications éga-lement à propos de “l’inscription sur l’emballagede poule à bouillir made in France, alors que ceproduit vient du Brésil, dont les additifs sont répu-tés cancérigènes et interdits en France, tels queE250, E621”.

La demande de renseignements s’adresse égale-ment au Brésil: “Nous communiquer la réglemen-tation en vigueur au Brésil concernant la produc-tion, l’inspection et l’exportation des produitsalimentaires, les noms des services, ministères etpersonnes habilitées à délivrer les documents telsque certificats vétérinaires et d’origine ou toutautre document devant accompagner les produitsalimentaires en provenance du Brésil; nous faireparvenir les spécimens des certificats vétérinaireset d’origine ou tout autre document exigé à l’expor-tation des produits alimentaires d’origine animale;etc.”.

LLeess œœuuffss ddee llaa mmoorrtt

“La RDC au centre d’un trafic de blanchi-ment de vivres frais”, tel est le titre de l’articleparu, le 9 mai 2005, dans le quotidien Le Phare, etsigné par l’Union des Agriculteurs et Eleveurs duCongo (UNAGRICO).

“Après nous avoir habitués aux vieilles poules deréforme congelées, Wilki et Pluvera”, relatel’article, “les importateurs ont tout essayé et réussià nous faire manger les tripes de bœufs de touteorigine, les croupions de dinde, oreilles, pattes decochon de toute la planète, capa, cotis, queues deboeuf, queues de buffle, mbanga (babine), lolemu(langue)… C’est une véritable ruée vers tous lesdéchets alimentaires (…). Et depuis 2002, lesimportateurs ont décidé de s’occuper aussi de notrepetit déjeuner, en nous amenant pour notreomelette tous les vieux stocks d’œufs réfrigérés dela terre”.

Ces œufs de consommation arrivent au port deMatadi en provenance de l’Allemagne, de laHollande, de la Belgique, de l’Argentine, et mêmede l’Inde.

“On n’a pas besoin d’un laboratoire pour constaterque des œufs réfrigérés embarqués à partir d’unport indien arriveront à Matadi après 45 jours”,déclare l’UNAGRICO. “Il en est de même pour desœufs embarqués à partir de n’importe quel porteuropéen. Entre la ponte et la remise auconsommateur de Kinshasa, il se passera plus d’unmois… Or la réglementation de l’Unioneuropéenne en matière de commerce des oeufs

entreposés est claire et ne prête à aucuneinterprétation particulière. Les directiveseuropéennes stipulent un délai maximum de 21jours entre la date de ponte et la livraison desœufs au consommateur. Il n’y a donc pas lieud’ergoter sur la qualité et la fraîcheur des œufs“vieux” de plus de 45 jours qui, aussitôt dépotés,subissent en plus une rupture de la chaîne du froidet partant constituent un danger réel de santépublique”.33

Comme le rappelle opportunément Max Muland duCAVTK, “il est du devoir des autorités, judiciaires etpolitiques, de prendre des mesures pour arrêtercette catastrophe alimentaire: le Gabon parexemple, qui était aussi sous forte menace de cesoeufs-là, a pu résoudre le problème enpromulguant une loi; est considéré comme œuffrais tout œuf produit en moins de 7 jours. Celaprotège complètement la production locale, la seuleà pouvoir être réalisée dans ces conditions”.

L’UNAGRICO place les importateurs devant leursresponsabilités: “Si les importateurs d’œufsvoulaient réellement aider les Congolais àaméliorer leur bol alimentaire, pourquoi ne font-ilspas de l’élevage avicole localement, à l’exemple dela société Minocongo qui exploite actuellement uneferme avicole dont les effectifs se chiffrentactuellement à plus de 300 000 pondeuses dans lavallée de Lukaya à Kinshasa”.

La question est d’autant plus pertinente, qu’àl’inverse de la filière des poulets de chair, la filière“poules pondeuses” est relativement développée àKinshasa et dans le Bas-Congo et, qu’à cet égard,ces importations d’œufs de consommation sont nonseulement des “déchets de la mort”, mais viennentsaper la réalité et les potentialités d’une filièrelocale.

RRuuppttuurree ddee llaa cchhaaîînnee dduu ffrrooiidd

Il n’y a pas que les œufs importés qui posent desproblèmes sérieux sur le plan sanitaire. C’est le caségalement des importations de morceaux de pouleet poulet congelés.

RDC, Sénégal, Cameroun…, tous les paysd’Afrique subsaharienne, aux prises avec cesimportations, sont confrontés à la rupture de lachaîne du froid. Si des importateurs commeOrgaman sont équipés en chambres froides àMatadi, Kinshasa et le long de la route entre cesdeux villes, il n’en est pas de même pour pas malde petits commerçants. Sur les marchés, vousverrez des dames qui vendent ces cuisses depoulet, exposées en pleine chaleur. Le soir, leproduit non vendu ira éventuellement dans unfrigo. Le lendemain, il sera ré-exposé à la chaleur.Il y a donc congélation, décongélation, re-congélation, décongélation, et ainsi de suite.

Il y a également les coupures régulières decourant, les économies sur le courant.

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33 Le Phare, ibid.

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“Le problème, il est surtout ici sur place”, souligneCésar Bisimwa. “J’ai visité le Brésil, l’Argentine. Leproblème n’est pas tellement dans les abattoirsdes pays d’origine. Il est ici. Comptez le nombre decamions frigo qui maintiennent la chaîne du froidentre Matadi et Kinshasa. Ça coûte cher et letransit dure six heures au minimum. A Kinshasa,c’est la vente au détail, avec rupture de la chaînedu froid. Le petit détallant, qui prend 10 ou 20kg dedécoupes, n’a pas d’équipement frigorifique pour lestock qu’il écoule au fur et à mesure”.

EEtt qquuee ffaaiitt ll’’OOCCCC??

C’est l’OCC, l’Office congolais de contrôle, qui joueun rôle central par rapport à la traçabilité,l’étiquetage et l’analyse des produits importés.Une tâche qui porte sur toute une série d’éléments:identification du fournisseur, du pays d’origine duproduit, de la quantité, de la date de production etd’expiration des cartons, du numéro de l’abattoir,du certificat vétérinaire d’origine, etc. Ce quinécessite compétence, équipement approprié (pourles analyses organoleptiques, physico-chimiques,micro-biologiques) et, last but not least,dégagement de multiples pressions politiques.

Opérer par exemple la traçabilité sur la dated’émission et la durée d’un produit, à partir desdocuments d’importation, n’est déjà pas choseaisée. Victor Tshitenge cite l’exemple del’importateur Socimex qui avait importé d’Inde cinqcontainers d’œufs réfrigérés, avec le “bill oflaoding” émis à Anvers et indiquant Sallalah(Emirat d’Omman) comme premier port dechargement. Il en est de même pour l’inscriptionsur les emballages de la firme Charles Doux,“made in France”, alors que ses poules de réforme,introduites en RDC, proviennent du Brésil.

L’équipement de l’OCC n’est pas à la hauteur de latâche à accomplir. “J’ai vu le labo principal de l’OCCà Kinshasa”, relate César Bisimwa.” C’est unemisère. Pour délivrer le document de mise enconsommation pour les oeufs importés, l’OCCprocède encore au test de l’eau salée. En fait l’OCCn’a pas d’équipement fiable pour établir lafraîcheur de l‘œuf”.

Au port de Matadi, quand l’importateur –et il nes’en prive pas– sollicite la procédure d’urgencepour le débarquement de la marchandise, sousprétexte qu’il importe des denrées périssables,l’OCC n’a pas de chambres frigorifiques pour fairepatienter l’importateur, le temps de procéder à

l’analyse. Il arrive alors que le résultat du labo sortaprès que la marchandise soit déjà vendue etdistribuée.

Une fois sur les marchés, la marchandise subit unerapide contamination (rupture de la chaîne du froid)qui la rend quasiment impropre à la consommation.A cette étape, l’OCC n’intervient plus pour contrôlerle produit. Ce n’est plus de son ressort, mais decelui du ministère de la Santé… qui n’est paséquipé pour ce genre de travail.

Les tensions entre l’OCC et les ministères, en parti-culier le ministère de la Santé, ne manquent pas.

Un exemple! Le 6 février 2004, l’OCC (départementprovincial du Bas-Congo, division laboratoire deMaradi) envoie une lettre à la société Socimex, luiannonçant la consignation particulière de ses im-portations d’œufs de consommation en provenancede l’Inde (date de production: 19/12/2003; dated’expiration: 19/6/2004).

Le lettre indique: “Suite à l’épizootie qui sévit enAsie et nous référant au message du Service deproduction et santé animale du ministère de l’Agri-culture, nous vous informons que ces deux contai-ners ne peuvent pas sortir du Port en attendantune décision finale de la haute hiérarchie de l’Of-fice Congolais et du Ministère de l’Agriculture”.

Le lendemain, l’OCC recevait une lettre du Minis-tère de la Santé (secrétariat général, direction de laQuarantaine internationale).

La consigne communiquée à l’OCC de Matadi, dansla lettre datée du 7 février 2004, est claire: “Jetiens tout simplement à vous fixer que les deuxcontainers ne sont pas concernés par les mesuresédictées par le message du Service de productionet santé animale du ministère de l’Agriculture pourdeux simples raisons: l’Inde n’est jusqu’à ce jourpas touchée par l’épizootie de la fièvre aviaire; lecargo a été expédié deux mois avant la déclarationde l’épizootie qui secoue quelques pays d’Asie,l’Inde non concernée. Je ne vois donc aucun incon-vénient à ce que ces deux containers soient enle-vés après toutes les formalités habituellesd’usage”.

20

“Il y a des pays africains qui se protègent beaucoupmieux que nous. Un pays comme le nôtre, dontl’administration est complètement détruite et où, dansle chef de certains responsables, il n’y a pas la volontéde changer les choses, est très vulnérable face à auximportations avicoles et les problèmes sanitairesqu’elles posent.”

Baudouin Hamuli Kabarhuza

L’OCC est en mesure de garantir plus ou moins laqualité de la marchandise. La plus grande difficultén’est pas de dire si c’est bon ou mauvais; c’est depouvoir résister aux pressions.

Baptiste Ruhanu, vétérinaire, OCC Matadi.

La RDC a-t-elle le choix entre la mort par lafaim et la mort par l’empoisonnement?

Je sais que ce qui vient de l’extérieur, c’est de l’em-poisonnement. Mais un ventre affamé, ce qui est de-vant lui, il le consomme. Je vois ce qui rentre dans leBas-Congo et surtout à Kinshasa qui consomme 10.000kilos de charcuterie de volaille par jour. Personnen’ignore l’impact micro-biologique des aliments qui

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rentrent. Je vois ce que fait Orgaman, je vois la rupturede la chaîne du froid. On est allé enterrer des contai-ners entiers de poulet sur 6 km, à la sortie de Matadi.Et pendant qu’on enterrait, il fallait que la police cein-ture les containers: la population locale voulait récupé-rer le stock. Quand j’étais enfant à Matadi, personne nemangeait le “chinchard”. C’était pour les chiens. Per-sonne ne mangeait les croupions, les pattes de poulet.Mais, aujourd’hui, la population mange ce qu’elletrouve, tant que cela ne tue pas et que cela engraisse.Bien sûr, il faut produire et consommer local. Mais, laquestion à se poser est simple: comment pousser laproduction locale pour qu’elle puisse combattre et rem-placer progressivement l’importation de produitscongelés du “tout venant”?

Père Charly Kusika Nzau, Kimpese.

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La campagne menée au Cameroun, à propos desimportations de poulet congelé, a inspiré des asso-ciations d’autres pays africains, dont la RDC, im-pressionnées par la manière dont cette campagnefut menée et par les résultats obtenus.

UUnnee ccaattaassttrroopphhee ééccoonnoommiiqquuee eettssaanniittaaiirree

Entre 1996 et 2003, on est passé au Cameroun de978 tonnes de découpes de poulet congelé impor-tées à 22.153 tonnes, la majorité des ces importa-tions provenant d'Espagne (9.779 tonnes) et de Bel-gique (9.559 tonnes), pour l'année 2003.

Les importations avicoles, vers le Cameroun etl'Afrique subsaharienne, ont sensiblement aug-menté dès 1995, avec l'entrée en vigueur, le 1erjanvier 1995, de l'Organisation mondiale du com-merce. Via l'Accord sur l'Agriculture, l'OMC a im-posé une réduction drastique des tarifs douanierspour les pays du Sud, membres de l'OMC, tout enpermettant aux Etats du Nord (Union européenne,Etats-Unis…) de continuer à payer des subven-tions massives à l'agrobusiness.

Ces importations massives ont provoqué le déman-tèlement de la filière avicole camerounaise, une fi-lière qui était déjà bien structurée. C'est ainsiqu'entre 1996 et 2003, selon l'Association ci-toyenne de défense des intérêts collectifs au Came-roun (ACDIC), "la concurrence des poulets congelésimportés d'Europe a provoqué, chez près de 92%des petits producteurs camerounais, la perte deleur principale source de revenu".

De plus, ces importations ont entraîné une catas-trophe sanitaire. En 2003, le Centre Pasteur deYaoundé avait déjà indiqué qu'environ 83,5% despoulets congelés importés étaient impropres à laconsommation pour avoir fait l'objet de congélationet de décongélation successives.34

UUnnee ccaammppaaggnnee eexxeemmppllaaiirree

Au mois d'août 2004, deux associations camerou-naises (l'ACDIC –association citoyenne de défensedes intérêts collectifs– et le SAILD –service d'ap-pui aux initiatives locales de développement-) lan-çaient une grande campagne d'information, de sen-sibilisation (surtout vers les consommateurs) et delobbying destinée à limiter les importations, à pro-mouvoir l'aviculture locale et à construire un largeréseau de défense des intérêts de la population.35

Pour cette campagne, l'ACDIC a élaboré un "livreblanc", une étude menée pendant 9 mois pour cer-ner, chiffres et statistiques à l'appui, l'ampleur desimportations de poulet congelé, leur impact écono-mique, social et sanitaire et établir un argumen-

taire précis.36

Plusieurs séminaires, ateliers, et mêmes rencontresinternationales (avec des représentant/e/s des or-ganisations paysannes et sociales d'autres paysafricains -dont la RDC- et européens) se sont tenusà Yaoundé.

Une campagne européenne (France, Belgique, avecS.O.S. Faim et le Gresea) a relayé l'information etles objectifs des associations camerounaises. C'estainsi que S.O.S. Faim allait récolter plus de 62.000signatures dans le cadre d'une pétition "Mon pou-let, ma poule", pétition présentée à la Commissioneuropéenne. Cette pétition demandait que "danstoute négociation internationale, l'UE défende ledroit pour chaque Etat ou chaque région de définirsa politique agricole"; que "spécifiquement dans lecadre de l'OMC et des négociations des Accords departenariat économiques avec les pays ACP, les in-térêts des populations agricoles priment toujourssur les objectifs de libéralisation du commerce".

Au Parlement européen également, le président del'ACDIC, Bernard Njonga, soutenu par plusieurs or-ganisations, est intervenu devant un panel de par-lementaires.

DDeess rrééssuullttaattss ccoonnccrreettss

La campagne, menée au Cameroun, a porté sesfruits.

Le contingentement des importations a fortementdiminué. Depuis 2005, environ 2.600 tonnes de dé-coupes de poulet congelé sont encore importées auCameroun, soit 10% de ce qui arrivait dans le paysen 2003.

Cela s'explique par la mise en place d'un systèmede surveillance des quotas et surtout l'augmenta-tion importante de la TVA sur les produits importés,le gouvernement camerounais l'ayant fait passerde 27% à 43%.

Sur les marchés locaux, le rapport s'est inverséentre le prix de vente du poulet local et le produitimporté. Auparavant, les cuisses de poulet impor-tées se vendaient environ 900 francs CFA le kilo(soit 1,37 euro) contre 1.300 francs CFA (1,98 euro)pour la production locale. Aujourd'hui, le kg de dé-coupes importées est passé à 1.600 francs CFAcontre les 900 francs pour la production locale.

L'impact sur la production locale ne s'est pas faitattendre: entre mars et novembre 2005 déjà, laproduction nationale de poulet a augmenté de57%. Aujourd'hui, elle se situe autour de 30.000tonnes, au lieu des 10.500 tonnes (année 2003).

Le gouvernement camerounais a également prisdes mesures pour la relance de la production lo-cale, par exemple en supprimant la TVA sur les in-trants: poussins, nourriture, médicaments, …

22

88.. CCaammeerroouunn:: uunnee ccaammppaaggnnee eexxeemmppllaaiirree

34. Voir Denis Horman,Chicken Connection, pp. 36-38.

35. Ibid., pp. 122-124.36. ACDIC, Importations mas-sives et incontrôlées, Poulets"congelés", danger de mort

pour la santé des populations,pour les paysans-producteurs,

pour l'économie nationale,Comprendre le phénomène au

Cameroun, mars 2004.

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RRiieenn nn''eesstt ddééffiinniittiivveemmeenntt aaccqquuiiss

La contrebande est une réalité. Des importationspeuvent être acheminées dans le pays via les portsde pays voisins, la Guinée Equatoriale par exemple.D'où l'importance de la mise en place d'un systèmede contrôle permettant d'établir la traçabilité desproduits importés, comme l'a demandé l'ACDIC.

Il y a également des mesures politiques indispen-sables pour le renforcement de la filière avicole lo-cale. "Le gouvernement camerounais doit mettreen place un mécanisme permettant d'assurer unsuivi efficace entre la production et la consomma-tion", souligne Christian Penda Ekoka, économisteet membre du mouvement démocratique du peuple,"sinon, il y aura un vide que la population locale nesera pas en mesure de combler. Cela concerne parexemple la mise en place de chaînes d'abattage auniveau des grandes zones de production".

Et puis, il y a la discussion sur les Accords de parte-nariat économique, les "fameux" APE. "Si les APEsont signés tels quels", constate Jean-Jacques Gro-dent de S.O.S. Faim, "le Cameroun ne pourra proba-blement plus pratiquer une taxation élevée sur lespoulets congelés".

CCaapp ssuurr llaa ssoouuvveerraaiinneettééaalliimmeennttaaiirree

En avril 2005, l'ACDIC décidait d'initier une cam-pagne pour la souveraineté alimentaire. Au vu desdifficultés de la filière avicole locale à satisfaire lademande, après la réduction drastique des importa-tions de découpes de poulet congelé, il s'avérait ur-gent d'enquêter sur les méfaits des importationsagroalimentaires et leurs conséquences sur les fi-lières locales, en particulier sur les trois produitsles plus consommés: le riz, le maïs et le blé. Enpréparation de cette campagne, l'ACDIC sortait unnouveau dossier "Aidons-les à nous nourrir".37

Ce dossier fourmille de chiffres qui font réfléchir:"on importe 87% de nos besoins en riz, essentiel-lement de Chine; 15% de nos besoins en maïs, es-sentiellement des USA; et 100% de nos besoins enblé, essentiellement d'Europe. La tomate, le lait etl'oignon font aussi l'objet d'importations dont l'im-portance s'accroît au fil des ans et au détriment denombreux producteurs".

Fin novembre 2006, après 4 mois de campagne,l'ACDIC récoltait 620.000 pétitions pour le soutiendirect à l'agriculture.38 Le texte de cette pétition,adressée au Premier Ministre et au Président del'Assemblée Nationale, souligne un constat: "Plu-sieurs autres produits que le riz, tomate, oignon,blé, maïs, huile, sucre, fruits, etc. font l'objet d'im-portations massives, alors que l'on pourrait en pro-duire abondamment au niveau local". La pétitiondemande des mesures et décisions politiques, "nonseulement dans l'optique de la reconquête de notresouveraineté alimentaire, mais, et surtout, dansl'optique des subventions à la production.

Les producteurs en ont besoin".

"Pour nous, souligne Bernard Njonga, le maintiend’une agriculture locale est la clé de voûte de notredéveloppement, mais nous considérons qu’il fautdépasser les intérêts des seuls agriculteurs. Nousessayons aussi de développer l’ACDIC en associa-tion sous-régionale, avec le Tchad, la Centrafrique,le Congo–Brazzaville et la République Démocra-tique du Congo".39

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37. ACDIC, Campagne Souverai-neté alimentaire, "Aidons-lesà nous nourrir", Le Camerounperd sa souveraineté alimen-

taire… et pourtant, 2006.38. Voir la brochure de l'ACDIC,Souveraineté alimentaire, LesCamerounais parlent: 620.000

pétitions pour le soutien di-rect à l'agriculture, analyse etinterprétation, janvier 2007.

39. Bernard Njonga, Il faut dessubventions pour que les pay-sans investissent, in Le Monde

du 16 janvier 2007.

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Au mois d’août 2006, RAUKIN, le Réseau d’Agricul-ture Urbaine de Kinshasa, effectuait une enquêtesur la production locale de poulets de chair etd’œufs de consommation. Quelque 300 enquêtesétaient distribuées aux différents acteurs de la fi-lière avicole : les producteurs, les importateurs, lesdistributeurs et les consommateurs. Il s’agissait demieux cerner les obstacles et les atouts de la fi-lière avicole, mais également les stratégies, les ac-tions à mener et les mesures à prendre pour la re-lance et le développement de la production avicolelocale.

Les 27 et 28 septembre 2006, le Réseau organisaitun séminaire pour dégager les grandes tendancesde cette enquête.

Au regard des conclusions des travaux en carrefour,des échanges et des réalités quotidiennes de la fi-lière, les participant/e/s de ce séminaire prirenttrois décisions importantes : le lancement d’unecampagne nationale sur la sécurité et la souverai-neté alimentaires en RDC ; la création d’un cadred’échanges et de concertation de tous les acteursde la filière avicole ; le pilotage et l’animation decette campagne par le Réseau RAUKIN.

Le séminaire, organisé fin septembre 2006 à Kins-hasa, a identifié les blocages et les atouts de la fi-

lière avicole à Kinshasa et dans le Bas–Congo. Il aégalement, à l’exemple des organisations camerou-naises, suggéré une série de mesures pour boosterla production locale.

DDeess oobbssttaacclleess àà ssuurrmmoonntteerr

Le dumping des produits importés (poulets etœufs), le coût élevé des intrants (poussins, alimen-tation, produits phytosanitaires…), la vétusté duréseau routier et la difficulté d’accès aux marchésruraux, l’absence d’organisation de ramassage,d’abattage et de congélation des poulets fut évo-quée comme autant d’obstacles sur le plan écono-mique. Au niveau politique, le séminaire mettaitl’accent sur l’absence de politiques gouvernemen-tales pour la promotion et le développement de lafilière locale, l’absence de politique incitative (cré-dit, micro-crédit, régime fiscal approprié) et, lastbut not least, la non protection du marché localcontre les importations massives des produits avi-coles subventionnés (de manière indirecte), debasse qualité et à des prix défiant toute concur-rence.

Et qu’en est-il de l’organisation des producteursavicoles ? "Dans le secteur de l’élevage, il n’y a pasde véritables organisations", constate le docteurBisimwa, "chacun travaille un peu dans son coin".

DDeess aattoouuttss àà ddéévveellooppppeerr

Les atouts ne manquent pas. C’est d’abord l’exis-tence d’un personnel formé et compétent. "Nousn’avons pas besoin d’agronomes installés à Kins-hasa", déclare Baudouin Hamuli. "Ils doivent allerdans les centres de renforcement agricole, à l’inté-rieur des provinces, là où les gens travaillent surdes résultats concrets et clairs".

La filière avicole –d’abord la filière poules pon-deuses dans le Bas – Congo et à Kinshasa- peutêtre relancée. Il existe toujours de grandes fermeset une série de petits producteurs ; les bâtimentssont toujours là, mais ils sont vides ; des machinesaussi, des meuneries, etc. A Kimpese, le PèreCharly Kusika a créé un institut de transformationagroalimentaire ; à Kinshasa, Anicet Lokenyo a missur pied la première entreprise avicole intégrée enRDC, depuis la ferme parentale jusqu’à l’abattoir.

Et puis, il y a le potentiel agricole, avec en particu-lier le maïs, la principale céréale en RDC, qui agagné en importance ces dernières années et quiest un des principaux aliments pour le bétail, pourla filière avicole. "Mais il est clair que la culture demaïs ne peut se développer chez nous que si la de-mande augmente considérablement", soulignePierre Ongala du KAUKIN ; "la croissance de la de-mande en maïs, grâce à l’évolution de la filière avi-cole, peut conduire à l’émergence des plantationsindustrielles et semi-industrielles, où le maïs peutêtre produit de façon plus rationnelle et à moindrecoût, le rendant plus abordable pour tous".

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RAUKIN, le Réseau d’agriculture urbainede Kinshasa

RAUKIN a été créé en 1996 par huit ONGD, membresdu Conseil régional des ONGD de Kinshasa, "CRONGD".C’est aujourd’hui un réseau d’une cinquantaine d’ONGDqui intervient dans plusieurs secteurs d’activité tou-chant à la sécurité alimentaire : la production agricole,les cultures maraîchères et vivrières ; la transforma-tion des produits alimentaires ; l’élevage de la volaille,du petit bétail et des alevins ; la commercialisation etla diffusion des produits agro-pastoraux ; la formation,le plaidoyer et le lobbying.

Dans le cadre de la campagne "Consommons sain etlocal", Raukin va mener une action de grande enver-gure sur les importations avicoles et la production lo-cale. Des T-shirts imprimés par le Réseau donnent latonalité de la campagne : "poulets importés, congeléset recongelés, intoxication, chômage, fermeture desélevages, fuite des capitaux".

Tous les maillons de la filière du poulet importé ou pro-duit localement ont la lourde charge de définir des stra-tégies appropriées et de proposer des solutions renfor-çant la production locale d’œufs de consommation et depoulets de chair. Il s’agit de favoriser la production lo-cale pour faire diminuer progressivement les impor-tations.

Pierre Ongala Lopema,Secrétaire permanent du RAUKIN.

99.. CCaa ccoommmmeennccee àà bboouuggeerr ààKKiinnsshhaassaa

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Le tourteau de soja est importé, mais on peut culti-ver le soja sur place, ce que l’on ne fait pas actuel-lement.

Il existe deux gros producteurs d’aliments pour bé-tail dans le Bas–Congo et à Kinshasa. D’abord laMIDEMA, une entreprise à 51% de capitaux améri-cains. C’est un véritable monopole, la plus grosseusine de production d’aliments pour bétail, à basede soja et de maïs. Cette multinationale, implantéedans presque tous les pays de l’Afrique centrale(côte ouest), importe le blé et une grande partie dumaïs et du soja. Midema est une minoterie, société-filiale de Seaboard Corp, une multinationale im-plantée dans presque tous les pays d’Afrique cen-trale (de la côte Ouest à l’Est: Nigeria, Sierra Leone,RDC, Congo Brazzaville, Angola, Zambie, Mozam-bique, Kenya). En RDC, elle importe le blé pour lameunerie et une grande partie du maïs et du sojapour les aliments pour bétail.

L’autre producteur d’aliments, CDI Bwamanda, a untaux d’incorporation de matière première locale al-lant jusqu’à 90%, en utilisant des formules maïs etsoja produits localement dans l’Oubangui.

Mais il y a d’autres alternatives dans la formulationet l’approvisionnement en intrants avicoles pourl’alimentation. "Cultiver les légumineuses poursubstituer le maximum de matières premières im-portées, c’est possible", constate le docteur Bis-imwa. "Aussi, quand le maïs n’est pas disponibleen quantité suffisante, toutes les provenderiespourraient utiliser le manioc-tubercule râpé et pel-letisé. Celui-ci est mélangé à des feuilles de ma-nioc séchées et le mélange donne des granulés quiont presque la même valeur nutritive que le maïs.Or le manioc, peut être cultivé toute l’année".

DDeess mmeessuurreess àà pprreennddrree

Surmonter les obstacles, valoriser les atouts, celaimplique la mise en place de politiques et de me-sures d’encadrement pour encourager et dévelop-per la filière avicole locale.

La priorité des priorités porte sur la relance et ledéveloppement de la filière avicole et de la produc-tion locales. Comme le souligne Pierre Ongala,"l’objectif n’est pas de supprimer du jour au lende-main les importations de découpes de poulet, maisbien de favoriser la production locale pour faire di-minuer progressivement les importations".

La filière "poules pondeuses", dans le Bas–Congoet à Kinshasa, est relativement développée. Lesimportations d’œufs de consommation sont, à cetégard, non seulement catastrophiques pour lasanté, mais en concurrence déloyale avec la pro-duction locale. Il appartient donc au gouvernementde limiter les importations d’œufs de consomma-tion, en concurrence directe avec la production lo-cale qui, "boostée" par des mesures de soutien,pourrait tendre vers l’autosuffisance. A cet égard,comme le demande RAUKIN, des taxes importantespourraient être prélevées sur ces produits concur-

rentiels importés.

De même, s’avère-t-il indispensable de renforcerles mesures et les outils de contrôle sur les impor-tations frauduleuses et les produits impropres à laconsommation. Il y va de la santé de toute une po-pulation.

A l’inverse, l’Etat peut utiliser plusieurs méca-nismes pour venir en soutien à la production locale.Rien ne l’empêche de diminuer -ou même de sup-primer- les taxes sur les produits importés utilisésdans la filière élevage, et cela afin de réduire lescoûts de production. Cela concerne par exemple lesintrants : poussins, nourriture, médicaments, etc.

De même, l’Etat peut apporter des aides directes(subventions) aux éleveurs qui s’installent, encou-rager un système de crédit et micro-crédit à destaux préférentiels pour encourager les producteurslocaux, veiller à l’encadrement technique des pay-sans pour la production de maïs, de soja, ou encoremettre en place des chambres frigorifiques et deschaînes d’abattage au niveau des grandes zones deproduction et de distribution.

Sans oublier le réseau routier, les voies navigableset le chemin de fer. Dans plusieurs provinces, desproduits locaux pourrissent à cause du délabre-ment de ces moyens de transport.

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FFoonnddeemmeennttss ddee llaa ssoolliiddaarriittééNNoorrdd--SSuudd

Que ce soit en Afrique, en Europe, en Amérique la-tine, en Asie, aux Etats-Unis, les paysannes et lespaysans, travaillant dans le secteur avicole, commedans les autres secteurs agroalimentaires, sont vic-times des intérêts des firmes transnationales, dudumping de l'UE et des USA, des "avantages com-paratifs" de l'industrie avicole.

Comment mieux résumer cette solidarité et "com-munauté d'intérêts" entre paysan(ne)s de ces dif-férents continents qu'en rappelant l'Appel interna-tional du 24 mai 2004, signé à Bruxelles par denombreuses associations paysannes.40

Cet Appel pose comme droit fondamental, fonda-teur des revendications communes des organisa-tions paysannes du Nord et du Sud de la planète, lasécurité et la souveraineté alimentaires.

Ces droits sont bien malmenés dans le secteur avi-cole. La viande de poulet fait l'objet d'une féroceguerre commerciale au niveau international entrequelques grands groupes industriels implantés à lafois dans les pays développés et les pays en déve-loppement. L'industrialisation de la production,

l'intégration des filières et l'intensité de la produc-tion des aliments ont permis de baisser les coûtsde production. Une concurrence acharnée s'instaureentre élevages des pays développés et de paysémergents.

Quant aux producteurs des pays les plus pauvres,leurs produits ne trouvent plus preneur(s) sur lemarché local, tant les prix des productions impor-tées sont inférieurs à ceux des productions plustraditionnelles, et ceci sans recours aux subven-tions. Ces produits importés, sans valeur mar-chande sur le marché européen (ailes, croupions,cous, carcasses…), sont des sources de revenussupplémentaires pour les agro-industries euro-péennes et exposent les populations d'Afrique sub-saharienne en particulier à des dangers sanitairesextrêmement graves (absence d'équipements frigo-rifiques efficaces, rupture de la chaîne du froid).41

Les fondements de la solidarité Nord-Sud, entre or-ganisations paysannes, syndicales, consuméristes,environnementalistes, ONGD…, reposent finale-ment sur des intérêts communs face à l'agrobusi-ness (firmes de production, de transformation, decommercialisation), les multinationales agroali-mentaires, l'agriculture productiviste et indus-trielle, orientée vers l'exportation, privilégiant laproduction maximale et la compétitivité dans laguerre économique du marché mondial et du libre-échange.42

"Cette agriculture relègue au second plan, voireconteste radicalement, les autres aspects de lamultifonctionnalité de l'agriculture que sont l'em-ploi, le respect de l'environnement, l'occupation duterritoire et aussi la qualité des produits et la sa-tisfaction des consommateurs".43

Une des manifestations les plus visibles de l'agri-culture industrielle productiviste -tant au Nordqu'au Sud– se concrétise dans la "malbouffe". "Lamalbouffe, souligne José Bové, c'est le fait de man-ger n'importe quoi. Pour moi, c'est d'une part l'ali-mentation standardisée que McDo symbolise à sou-hait, un goût uniforme d'un bout à l'autre de laplanète, et, d'autre part, c'est la sécurité alimen-taire, avec les problèmes des hormones, des OGM,des résidus de pesticides, tout ce qui touche à lasanté. Donc, l'aspect culturel et l'aspect santé. Lamalbouffe vise également l'agriculture industrielle,c'est-à-dire l'alimentation produite à la chaîne, pasnécessairement sous forme de produit fini commeles McDo, mais les produits de masse tels le cochonindustriel, le poulet en batterie, etc. A travers leconcept de malbouffe, c'est en fait toute la chaînede l'agriculture et une forme d'alimentation quisont remises en cause".44

MMaaîîttrriissee ddee llaa pprroodduuccttiioonn eettggeessttiioonn ddee ll''ooffffrree

L'élimination des subventions à l'exportation, desnouvelles formes de dumping (aides directes auxproducteurs payées par le contribuable, pour com-

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40.Cet appel a été signé par laCoordination paysanne euro-péenne (CPE), Via Campesina,le Movimento Sem Terra du

Brésil (MST), le Réseau des or-ganisations paysannes et des

producteurs de l'Afrique del'Ouest (ROPPA), le NationalFamily Farm Coalition des

Etats-Unis (NFFC), le Mouve-ment d'action paysanne deWallonie (MAP), le Vlaams

Agrarisch Centrum en Flan-dre(s) (VAC) et bien d'autres

mouvements paysans dans lemonde.

41.D. Horman, Chicken connec-tion, ibid. Voir également De-main Le Monde, Le monde au-trement et d'autres mondes,Nourrir la planète n'a pas deprix! CNCD-11.11.11 et CRID.

42.D.H. Quelques éclairagessur le pouvoir et la stratégie

des multinationales del'agroalimentaire, site Gresea.

43.Déclaration du Mouvementd'Action Paysanne (MAP), or-ganisation paysanne de dé-fense professionnelle pay-sanne en Wallonie, membrede la Coordination PaysanneEuropéenne et de la Via Cam-

pesina44. José Bové et François Du-four, Le monde n'est pas une

marchandise, des paysanscontre la malbouffe, La Décou-

verte, 200.

Appel international de Bruxelles

"Nous, paysannes et paysans d'Europe, aujourd'huimenacés de disparition par la Politique Agricole Com-mune (PAC) de l'Union européenne élargie; nous, ci-toyennes et citoyens européens, victimes, en tant queconsommateurs et contribuables, des dégâts de cettepolitique au point de vue de la qualité des produits (in-dustrialisation de la production agricole), de l'environ-nement, du bien-être des animaux (élevage industriel),de l'emploi et du monde rural (volonté de l'Union eu-ropéenne de diminuer fortement le nombre d'exploita-tions et concentration de la production agricole danscertaines régions), du financement (budget agricole eu-ropéen réparti injustement entre exploitation, secteurset pays);

Nous, paysannes et paysans des Etats-Unis, victimesd'une politique agricole similaire, engagée dans lamême course au dumping que l'Union européenne;

Nous, paysannes et paysans d'Afrique, d'Amérique la-tine et d'Asie, empêchés de produire notre alimenta-tion à cause d'importations à bas prix en provenancede l'UE ou des USA, et premier groupe à souffrir de lafaim, de la pauvreté et de l'émigration forcée;

Nous, paysannes et paysans de la planète, jouets desurproductions encouragées pour faire chuter les prixagricoles, lésés par des niveaux de prix maintenus ar-tificiellement très bas sur les marchés internationaux,et victimes de la dérégulation des marchés, aujourd'huifonction des intérêts de firmes transnationales;

Déclarons qu'ensemble, les paysannes/paysans et lescitoyennes/citoyens pourront forcer leurs gouverne-ments à changer de politique agricole."

1100.. AAggiirr iiccii

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penser partiellement les prix indûment bas dontprofitent l'industrie agroalimentaire et la grandedistribution) et l'arrêt du bradage des surplus surles marchés internationaux sont les deux condi-tions principales qui permettront aux pays en déve-loppement –et singulièrement les plus pauvres- deprotéger leurs agricultures de la concurrence “dé-loyale” et même “loyale” (sans soutien de l'Etat oude la PAC) entre systèmes de production inégaux.

Il s'agit donc de maîtriser la production agricoledans les pays industrialisés et d'obtenir des prixrémunérateurs pour les producteurs, reflétant lescoûts de production.

La maîtrise de la production peut impliquer unecertaine protection à l'importation, au sein del'Union européenne contre les importations d'ali-ments pour bétail par exemple. Cette protection àl'importation permettrait à l'UE de réduire forte-ment ses excédents exportables de céréales, deviandes et des produits laitiers. Cela permettraitd'avoir une agriculture moins intensive en intrants,et de ce fait protégeant mieux l'environnement, laqualité des produits et de l'emploi. En particulier,cela conduirait à remplacer au maximum le couplemaïs-soja par l'herbe, dans l'alimentation des ru-minants.45

PPAACC,, OOMMCC,, FFMMII,, BBMM,, AAPPEE……::mmêêmmee ccoommbbaatt!!

“La meilleure solidarité Nord-Sud que peuvent met-tre en œuvre les agriculteurs belges et européensest de travailler à un changement profond de la PACet des règles du commerce international, qui per-mettront à l'agriculture familiale durable de vivrede son travail dans toutes les régions du monde”.46

Les Accords de partenariat économique, négociésentre l'UE et les pays ACP, s'inscrivent dans la phi-losophie de la Politique Agricole Commune (PAC) del'UE.

Comme le souligne le ROPPA (Réseau des organisa-tions paysannes et des producteurs agricoles del'Afrique de l'Ouest), "les APE, contrairement auxaccords précédents qui octroyaient des accès préfé-rentiels aux ACP, privilégient en premier lieu l'UE,qui pourra accroître des exportations alors que lesACP auront à abaisser unilatéralement leurs bar-rières douanières et de devenir compétitifs en dixans".

C'est pourquoi “le ROPPA en appelle à la mobilisa-tion des organisations paysannes, des ONG et detoute la société civile, tant africaine qu'européenne,en vue d'empêcher la mise en place des APE en2008. Il faut convaincre nos Chefs d'Etat sur la ca-tastrophe qui attend nos pays si nous ne nous mo-bilisons pas pour arrêter les négociations en courstant à Bruxelles, à Genève que dans nos pays”.

Ici également, il s'agit de continuer les mobilisa-tions contre l'OMC et les institutions financières in-ternationales (FMI et Banque mondiale). “Ces insti-

tutions, rappelle Via Campesina47 ont mis en œuvreles politiques néo-libérales, dictées par les intérêtsdes firmes transnationales et des grandes puis-sances politiques qui donnent la préférence aucommerce international et non à l'alimentation despopulations. Elles participent à l'augmentation desexportations en direction de l'Afrique subsaha-rienne. Elles contraignent ces pays à réduire leursbarrières commerciales et à diminuer leurs sou-tiens à l'agriculture”.

EEtt ssii llaa RRDDCC rreeffuussaaiitt ddee ppaayyeerrssaa ddeettttee

Le 20 décembre 2006, à l’invitation du sénateurPierre Galand, le Comité pour l’annulation de ladette du tiers monde (CADTM) organisait, dans leslocaux du Sénat belge, un colloque consacré à l’au-dit de la dette de la République démocratique duCongo. Cette initiative était soutenue par le Centrenational de coopération au développement (CNCD),le Gresea et d’autres ONGD belges et congolaises.Elle tombait à point nommé: quelques jours avant,le premier ministre, Guy Verhofstadt annonçait de-vant les parlementaires son intention de remettrela dette bilatérale du Congo vis-à-vis de la Bel-gique.

La dette extérieure de la RDC dépasse les 10 mil-liards de dollars: les deux tiers sont dus aux créan-ciers bilatéraux (majoritairement au Club de Parisdont fait partie la Belgique, 5ème plus gros créan-cier bilatéral de la RDC) et un tiers aux institutionsmultilatérales (FMI, Banque mondiale). Pour ali-menter ce colloque, il y avait l’expertise duCADTM49, ainsi que l’étude réalisée avec la collabo-ration d’un groupe de Congolais, étude intitulée “Etsi le Congo-Zaïre refusait de payer sa dette ? Essaianalytique des preuves d’une dette odieuse”.

27

45. Denis Horman, ChickenConnection, ibid, pp. 111-118.

46. Gérard Choplin (CPE), Iln'est pas trop tard pour chan-

ger de politique agricole, inDemain Le monde, nourrir la

planète n'a pas de prix,CNCD/CRID.

47. Via Campesina est un mou-vement international composéd'organisations paysannes depetits et moyens agriculteurs,de travailleurs agricoles, de

femmes ainsi que des commu-nautés indigènes d'Asie,

d'Afrique, d'Amérique et d'Eu-rope. Via Campesina défend

le droit fondamental à la sou-veraineté alimentaire (site:

http://www.viacampesina.org)48.ROPPA, Forum régional surla souveraineté alimentaire à

Niamey, Niger, novembre2006, synthèse (site:

www.roppa.info).49. www.cadtm.org

Comment arriver à la souverainetéalimentaire?

Un pays peut-il le faire seul, en refusant d'accepter les“conseils” du FMI, en abandonnant l'Accord sur l'Agri-culture de l'OMC ou l'OMC? Cela pourrait entraîner biendes risques. Cela étant, est-ce que plusieurs pays es-saieront de le faire ensemble? Comment les persuader,et comment préparer une telle action? Quels effortsfaut-il entreprendre pour persuader les plus puissantsdes pays développés –persuader soit leurs gouverne-ments, soit au moins leur société civile- que la souve-raineté alimentaire est nécessaire? Comment éviterles actions de représailles de la part de l'UE et desUSA? Si toute l'Afrique partait en même temps, il seraitdifficile à ceux-là de s'y opposer. Ceci entraînerait laperte de toute autorité morale à l'OMC, et peut-êtremême l'effondrement de l'OMC elle-même. Mais si cen'était qu'un petit groupe de pays qui la quittait, com-ment éviterait-il les mesures de revanche et les effortsde pays riches pour exploiter les divisions entre paysafricains, ceux qui veulent rester dans l'OMC et ceuxqui voudraient en sortir?

Tom Lines, consultant, Royaume-Uni, au Forum régio-nal sur la souveraineté alimentaire à Niamey48

Page 28: autre forme de dumping, avec les aides directes aux revenus des agriculteurs. En effet, l’OMC défi-nit le dumping par le fait d’exporter en dessous du prix du marché intérieur

Il n’est un secret pour personne que la dette exté-rieure de la RDC a été contractée par le régime dic-tatorial et corrompu du Maréchal Mobutu. Le montant des biens mals acquis par Mobutu varieentre 4 et 8 milliards de dollars! Comme le souligneJoseph Stiglitz, ancien vice-président de la Banquemondiale, “quand le FMI et la Banque mondialeprêtaient de l’argent à Mobutu, ils savaient (ou au-raient dû savoir) que ces sommes pour l’essentielne serviraient pas à aider les pauvres de ce pays,mais à enrichir Mobutu. On payait ce dirigeant cor-rompu pour qu’il maintienne son pays fermementaligné sur l’Occident. Beaucoup estiment injusteque les contribuables des pays qui se trouvaientdans cette situation soient tenus de rembourser lesprêts consentis à des gouvernements corrompusqui ne les représentaient pas”.50

Aujourd’hui encore, le remboursement des intérêtsde cette dette pèse lourdement sur le budget del’Etat congolais (29% du budget en 2004, selon lesestimations du FMI).

“C’est une dette odieuse, elle doit être absolumentannulée au FMI, à la Banque mondiale, au Club deParis et de Londres. On a bien besoin de cet argentpour redresser le pays, réparer l’outil économique,donner des salaires décents aux fonctionnaires,rencontrer les besoins les plus urgents de la popu-lation, et ça ne manque pas !”. Cette réflexion dudirecteur général du CENAPEP à Kinshasa est parta-gée par bien des acteurs et actrices de la société ci-vile de la RDC.

A nous d’agir ici pour que notre premier ministrerespecte sa parole et que le gouvernement annulepurement et simplement, et sans conditions, ladette bilatérale vis-à-vis de la RDC.

SSoouuttiieenn àà RRAAUUKKIINN

Comme suite au séminaire de fin septembre 2006 àKinshasa, RAUKIN a reçu la mission de préparer leplan de campagne nationale sur la sécurité et lasouveraineté alimentaires en RDC.

Cette campagne va avant tout mettre l’accent sur lafilière avicole, à Kinshasa et dans le Bas-Congoface aux importations massives et incontrôléesd’œufs de consommation et poulets de chair.

A l’instar de la campagne menée au Cameroun etqui a impressionné bon nombre d’organisations ki-noises, RAUKIN tient à mettre en évidence la catas-trophe sanitaire et économique engendrée par lesimportations avicoles. Des T-shirts, imprimés par leRéseau des ONGD, donnent la tonalité : “pouletsimportés, congelés et recongelés, intoxication, chô-mage, fermetures des élevages, fuite des capitaux”.

“Nous avons amorcé un défi qui va prendre dutemps pour que la population congolaise com-prenne l’importance de l’enjeu”, souligne PierreOngala Lopema, secrétaire permanent de RAUKIN,dans le rapport d’enquête sur la problématiqueconcernant la production locale des poulets à Kins-

hasa. “Mais avec le concours du pouvoir public, desentreprises étatiques et privées, des personnesressources et de la société civile, il y a lieu d’espé-rer et d’arriver à de bons résultats”.

RAUKIN se donne comme première tâche l’élabora-tion d’un “livre blanc”, suivant ainsi l’exempledes organisations camerounaises.

C’est un outil indispensable pour mener à bien lesactivités que se fixe le Réseau, à savoir la sensibi-lisation, la conscientisation et le lobbying.

C’est une lourde tâche qui demande beaucoup d’in-vestissement, d’investigation, de contacts et demoyens financiers.

Mais, c’est une tâche incontournable et une pre-mière concrétisation de notre solidarité.

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50. J. Stiglitz, La grande désil-lusion, Fayard, 2002.