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Avancement des travaux de l’axe "Interfaces Nappe-Rivière" Nicolas Flipo 1,* , Amer Mouhri 1 1 Centre de Géosciences, Mines ParisTech, UMR 7619 Sisyphe, 35 rue Saint-Honoré, 77 305 Fontainebleau * [email protected] 1 Objectifs quadriennaux Les travaux de l’axe se focalisent sur les interfaces nappe-rivière afin d’étudier la relation com- plexe entre les processus hydrologiques basse fréquence se développant à l’échelle des aquifères de grande extension spatiale et les processus hydrologiques haute fréquence se développant dans les cours d’eau. De ce point de vue, cet axe constitue la clé de voute du couplage entre les travaux de l’axe " Quelle Agriculture pour demain ? " et " Biogéochimie de l’axe fluvial ". Les travaux du thème ont pour objectif de mieux simuler le fonctionnement hydrologique des plaines allu- viales en prenant en compte, d’une part, leur complexité structurelle et fonctionnelle (Fig. 1), et, d’autre part, la forte anthropisation de ces systèmes, et par là même de mieux estimer les pertes de polluants diffus (notamment les nitrates) qui se produisent dans ces sous systèmes hydrologiques. FIGURE 1 – Schéma simplifié d’une interface nappe-rivière constituée d’une nappe alluviale hété- rogène en contact avec un aquifère régional et le réseau hydrographique. 1

Avancement des travaux de l’axe Interfaces Nappe-Rivière

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Page 1: Avancement des travaux de l’axe Interfaces Nappe-Rivière

Avancement des travaux de l’axe "Interfaces Nappe-Rivière"

Nicolas Flipo1,∗, Amer Mouhri1

1 Centre de Géosciences, Mines ParisTech, UMR 7619 Sisyphe, 35 rue Saint-Honoré, 77 305 Fontainebleau∗ [email protected]

1 Objectifs quadriennaux

Les travaux de l’axe se focalisent sur les interfaces nappe-rivière afin d’étudier la relation com-plexe entre les processus hydrologiques basse fréquence se développant à l’échelle des aquifèresde grande extension spatiale et les processus hydrologiques haute fréquence se développant dansles cours d’eau. De ce point de vue, cet axe constitue la clé de voute du couplage entre les travauxde l’axe " Quelle Agriculture pour demain ? " et " Biogéochimie de l’axe fluvial ". Les travauxdu thème ont pour objectif de mieux simuler le fonctionnement hydrologique des plaines allu-viales en prenant en compte, d’une part, leur complexité structurelle et fonctionnelle (Fig. 1), et,d’autre part, la forte anthropisation de ces systèmes, et par là même de mieux estimer les pertes depolluants diffus (notamment les nitrates) qui se produisent dans ces sous systèmes hydrologiques.

FIGURE 1 – Schéma simplifié d’une interface nappe-rivière constituée d’une nappe alluviale hété-rogène en contact avec un aquifère régional et le réseau hydrographique.

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2 Stratégie d’étude des interfaces nappe-rivière

Mouhri et al. (2012b) ont montré que l’étude des échanges nappe-rivière requiert une approchepluridisciplinaire (Andersen and Acworth, 2009; Bendjoudi et al., 2002; Sophocleous, 2002; Win-ter, 1998; Woessner, 2000) et multi-échelle (Scanlon et al., 2002) afin de limiter les erreurs d’esti-mation et de valider ces dernières (Fleckenstein et al., 2010). Cette analyse avait conduit à la miseen place d’un dispositif expérimental d’échantillonnage des échanges nappe-rivière sur le bassindes Avenelles (Mouhri et al., 2012a). L’année 2012 a permis de rationaliser la méthodologie gé-nérale d’étude des interfaces nappe-rivière en intégrant, à la source, la multi-dimensionnalité duproblème (Fig. 2). Cette méthodologie couple des stratégies d’échantillonage multi-échelle, avecdes analyses, des interprétations, des interpolations de données spatio-temporelles, et des modèlesmécanistes distribués.

Cette stratégie d’étude des interfaces nappe-rivière est appliquée au bassin de la Seine (Flipo,2012). L’analyse de la géologie du bassin montre que de nombreuses plaines alluviales consti-tuent le milieu d’interface entre les nappes et les rivières pour les trois principales formationshydrogéologiques de l’Oligocène, l’Eocène et la Craie du Crétacé respectivement (Fig. 3). Cesplaines alluviales sont corrélées avec les zones humides qui recouvrent 6 à 10 % du bassin de laSeine (AESN, 2006). Cependant, les systèmes alluviaux présentent des types de configurationsdifférentes suivant qu’ils se situent au contact des formations géologiques de l’Oligocène et del’Eocène ou de la formation de la Craie. Pour aborder les échanges nappe-rivière à l’échelle desformations Oligocène et Eocène, nous nous appuyons sur le continuum hydrologique bassin desAvenelles - Orgeval - Grand Morin - Marne qui a pour objectif de caractériser le fonctionnementhydrologique de systèmes emboîtés depuis les plateaux agricoles jusqu’aux fonds de vallée. Pource qui est des échanges nappe-rivière à l’échelle de l’aquifère de la Craie, nous nous appuyons surl’étude de la zone humide de la Bassée, et plus largement du réseau hydrographique de la Seine en

FIGURE 2 – Stratégie d’étude des échanges nappe-rivière. 1,2 Échelles définies par Blöschl andSivapalan (1995).

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FIGURE 3 – Description des interfaces nappe-rivière mises en contexte de la structure géologiquedu Bassin de Paris

amont de sa confluence avec l’Yonne. Les études locales de ces sites privilégiés sont ensuite misesen contexte global du bassin de la Seine en s’appuyant sur les travaux de modélisation régionalede l’interface nappe-rivière (Saleh et al., 2012).

3 Travaux réalisés en 2012

Dans la continuité de la conceptualisation d’une méthodologie multi-échelle d’étude des in-terfaces nappe-rivière (Fig. 2), Flipo et al. (2013c) ont poursuivi le travail de recherche biblio-graphique et de formalisation des échanges nappe-rivière entrepris par Mouhri et al. (2012b).Les auteurs montrent la pertinence du concept d’interfaces emboîtées (Flipo, 2012), qui offre uncadre conceptuel intéressant permettant d’identifier la rivière comme le point d’accroche entreles échelles locale, permettant de caractériser les processus de mélange des eaux de surface etdes eaux souterraines, et régionale, qui correspond à l’échelle de gestion des masses d’eau. Si,aujourd’hui, l’interface nappe rivière peut être modélisée à ces deux échelles par des approchesdistinctes (modèle de conductance aux échelles intermédiaire et régionale, calcul de continuité auxéchelles locale et intermédiaire), le principal enjeu des années à venir sera de trouver les métho-dologies de changement d’échelle permettant de passer des émergences tridimensionnelles localesaux propriétés macroscopiques régissant les flux à l’échelle régionale. Une des pistes de réflexion,envisagée par les auteurs, est la mise en cohérence de ces cadres formels via la notion d’interfacesemboîtées, permettant, d’une part, de circonscrire géographiquement les objets à traiter, et d’autre

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part, d’affiner les modélisations en leur sein.Les trois autres rapports d’activité de l’axe sont axés sur les sites expérimentaux. Tout d’abord,

Mouhri et al. (2013) rapportent les premières estimations de flux d’eau échangés entre les nappeset les cours d’eau pour le point amont du dispositif expérimental d’échantillonage de variableshydro-géophysiques implanté sur le bassin de l’Orgeval (Mouhri et al., 2012a). Grâce à l’utilisationd’un modèle hydro-thermique couplé, les auteurs ont pu interpréter la température comme untraceur des écoulements. Cela leur a permis de faire une première estimation, qui restera à valider,d’un échange d’eau au droit du dispositif d’environ 10 L.s−1. La spatialisation de ces donnéespour estimer les flux échangés à l’échelle du bief sera un des enjeux forts des travaux à venir quimettront en oeuvre des mesures de terrain et des modèles.

Ensuite, l’année 2012 a vu le démarrage des travaux sur le secteur de la Bassée. Cette inter-face nappe-rivière a des caractéristiques significativement différentes de la précédente puisqu’elles’étend sur une soixantaine de kilomètres avec une emprise de 5 à 6 kilomètres. De plus le mi-lieu est fortement anthropisé, avec de nombreux aménagements hydrauliques et la présence demultiples gravières. Afin d’étudier cet interface, l’axe prévoit de travailler sur les hétérogénéitésstructurelles de la plaine alluviale. En effet, le système de la Seine supérieure (en amont de laconfluence avec l’Yonne) ne repose pas directement sur le substratum rocheux, mais évolue ausein d’une vallée active où les s’accumulent sur plusieurs mètres d’épaisseur depuis la fin de ladernière période glaciaire (Fig. 1). Le fonctionnement hydrologique de la Seine supérieure, et plusparticulièrement les échanges nappe-rivière, est donc fortement lié à la nature et à la distributionspatiale des sédiments au sein de la vallée active. Weill et al. (2013) ont réalisé une étude de fai-sabilité de la caractérisation de ces hétérogénéités à l’aide de la mesure par géoradar. Les auteursmontrent que Le géoradar est donc d’une utilité limitée pour une prospection « à l’aveugle »surles routes et chemins parcourant la plaine alluviale de la Bassée. Par contre, il fournit des don-nées de qualité exceptionnelle sur les terrains composés exclusivement de sables et de gravierspropres, même avec un niveau de nappe affleurant. Les gravières en cours d’exploitation offrentun excellent terrain de jeu, puisque de grandes surfaces sont décapées de la terre végétale par lesexploitants. Au vu de ces premiers résultats encourageants, le géoradar restera un outil privilégiépour l’étude des hétérogénéités sédimentaires, sur des terrains appropriés. L’étude de l’architec-ture complexe des barres de méandres enchevêtrées permettra de caractériser un certain nombrede paramètres du paléo-système fluvial et de son évolution au cours du remplissage de la vallée.Ces paramètres permettront de renseigner le modèle numérique FLUMY pour la simulation deshétérogénéités à plus grande échelle. Finalement, un résumé des différents travaux réalisés par lePIREN SEINE est proposé par Flipo et al. (2013a) afin de mieux appréhender les enjeux du siteen termes de compréhension des processus hydrodynamiques en action dans cette interface nappe-rivière, et plus particulièrement le rôle tampon joué par la plaine alluviale entre l’aquifère régionalet le réseau hydrographique. Les auteurs poursuivent en rappelant les opportunités métrologiquespour la compréhension de la dynamique de stockage de l’eau dans la plaine via le couplage de lamise en place d’un dispositif de mesure in situ, dérivé du savoir-faire acquis sur l’Orgeval (Mouhriet al., 2012a, 2013), et des campagnes aéroportées AirSWOT (Biancamaria et al., 2012), qui au-ront lieu en 2014 et qui offrent l’opportunité de suivre à nouveau la propagation de l’onde généréepar un lâcher de barrage.

Pour finir, l’axe a bénéficié en 2012 d’un soutien exceptionnel de l’AESN qui a financé une

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étude sur l’estimation des échanges nappe rivière à l’échelle régionale (Flipo et al., 2013b). Cetteétude, téléchargeable sur le site du PIREN SEINE, dans la rubrique des études associées auxtravaux du programme, a permis, sur la base d’une modélisation multi-modèle du bassin de Paris,de quantifier la vulnérabilité des MECE (Masse d’Eau Cours d’Eau) et des MESO (Masse d’EauSOuterraines) aux échanges nappe-rivière pour 14 000 km de réseau hydrographique. A cet effet,elle s’inscrit dans la démarche de rapportage imposée par la DCE. Les estimations des échanges,fournies jusqu’à l’échelle mensuelle, et couvrant plusieurs contextes anthropiques (avec et sanspompage) et hydrologiques (estimations pluriannuelles sur 17 ans, année sèche, année humide),constituent une véritable avancée dans le domaine de l’hydrologie continentale, et ouvrent la porteà une meilleure compréhension du fonctionnement général du système hydrologique de la Seine.Il apparaît qu’à l’échelle du réseau hydrographique de la Seine l’exfiltration des nappes vers lesrivières est estimée à environ 160 m3.s−1, la réinfiltration des eaux des rivières vers les nappes àenviron 30 m3.s−1, portant le bilan net à 130 m3.s−1. Ces estimations sont extrêmement variablesspatialement et temporellement. Ces travaux se poursuivront en 2013-2014 par l’implémentationexplicite dans les modèles des plaines alluviales, qui ne sont actuellement simulées que par uneparamétrisation locale spécifique des modèles. Cette méthode peut engendrer des biais de calcul.Les travaux à venir permettront de lever ces incertitudes, tout en précisant, à l’échelle régionale,le fonctionnement hydrologique de ces zones tampons.

Références

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