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© 2010 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - NOVEMBRE 2010 - N°426 // 39 A A A A A A V V V A A A N N N N T T T T - - - P P P P P R R OPOS a Unité d’hygiène de lutte contre les infections nosocomiales (UHLIN) Hôpital Saint-Antoine (AP-HP) 184, rue du Faubourg Saint-Antoine 75571 Paris cedex 12 * Correspondance [email protected] L ittéralement le mot iatrogène vient du grec et signifie « qui est engendré par le médecin » (iatros : médecin ; génès : qui est engendré). Le Haut conseil de la santé publique définit comme iatrogène « les conséquences indésirables néga- tives sur l’état de santé individuel ou collectif de tout acte ou mesure pratiqués ou prescrits par un professionnel habilité et qui vise à préserver, amé- liorer ou rétablir la santé ». Par extension, une mala- die, un état ou un effet secondaire sont considérés comme iatrogènes lorsqu’ils sont provoqués par le traitement médical. La fréquence des complications iatrogènes a été estimée en 2004 par le CCEQUA (Comité de coor- dination de l’évaluation clinique et de la qualité en Aquitaine) au cours d’une enquête appelée ENEIS (enquête nationale sur les événements indési- rables liés aux soins). Les principaux résultats de cette enquête, qui fait référence en la matière en France, sont rapportés dans le premier chapitre de ce numéro. Les EIG (effets indésirables graves) liés aux soins occasionnent 3 à 5 % de l’ensemble des séjours hospitaliers, dont les deux tiers sont générés suite à une prise en charge en médecine de ville, le reste étant consécutif à une hospitalisation antérieure. Par ailleurs, la densité d’incidence des EIG survenant pendant l’hospitalisation est évaluée à 6,6 pour 1 000 journées d’hospitalisation et 35,4 % de ces EIG sont considérés comme évitables. Les EIG touchent surtout des patients fragiles, âgés et présentant souvent une situation clinique considé- rée comme grave. Ce numéro de RFL consacré à la iatrogénie (ou iatrogenèse) met l’accent sur deux grandes causes d’EIG : les infections nosocomiales et la iatrogénie médicamenteuse. Florence Espinasse et coll. nous rappellent que 60 % des infections nosocomiales sont liées à la présence et la durée de maintien d’un dispositif invasif chez le patient. Ces auteurs nous décrivent la physiopathologie, les méthodes diagnostiques et les principales mesures de pré- vention des infections urinaires sur sonde vésicale, Frédéric Barbut a, * Iatrogénie

Avant-Propos

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Page 1: Avant-Propos

© 2010 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - NOVEMBRE 2010 - N°426 // 39

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a Unité d’hygiène de lutte contre les infections nosocomiales (UHLIN) Hôpital Saint-Antoine (AP-HP)184, rue du Faubourg Saint-Antoine 75571 Paris cedex 12

* [email protected]

Littéralement le mot iatrogène vient du grec et signifie « qui est engendré par le médecin » (iatros : médecin ; génès : qui est engendré).

Le Haut conseil de la santé publique définit comme iatrogène « les conséquences indésirables néga-tives sur l’état de santé individuel ou collectif de tout acte ou mesure pratiqués ou prescrits par un professionnel habilité et qui vise à préserver, amé-liorer ou rétablir la santé ». Par extension, une mala-die, un état ou un effet secondaire sont considérés comme iatrogènes lorsqu’ils sont provoqués par le traitement médical.

La fréquence des complications iatrogènes a été estimée en 2004 par le CCEQUA (Comité de coor-dination de l’évaluation clinique et de la qualité en

Aquitaine) au cours d’une enquête appelée ENEIS (enquête nationale sur les événements indési-rables liés aux soins). Les principaux résultats de cette enquête, qui fait référence en la matière en France, sont rapportés dans le premier chapitre de ce numéro. Les EIG (effets indésirables graves) liés aux soins occasionnent 3 à 5 % de l’ensemble des séjours hospitaliers, dont les deux tiers sont générés suite à une prise en charge en médecine de ville, le reste étant consécutif à une hospitalisation antérieure. Par ailleurs, la densité d’incidence des EIG survenant pendant l’hospitalisation est évaluée à 6,6 pour 1 000 journées d’hospitalisation et 35,4 % de ces EIG sont considérés comme évitables. Les EIG touchent surtout des patients fragiles, âgés et présentant souvent une situation clinique considé-rée comme grave.

Ce numéro de RFL consacré à la iatrogénie (ou iatrogenèse) met l’accent sur deux grandes causes d’EIG : les infections nosocomiales et la iatrogénie médicamenteuse. Florence Espinasse et coll. nous rappellent que 60 % des infections nosocomiales sont liées à la présence et la durée de maintien d’un dispositif invasif chez le patient. Ces auteurs nous décrivent la physiopathologie, les méthodes diagnostiques et les principales mesures de pré-vention des infections urinaires sur sonde vésicale,

Frédéric Barbuta,*

Iatrogénie

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La coordination de ce dossier a été assurée par le Dr Frédéric Barbut (Unité d’hygiène de lutte contre les infections nosocomiales (UHLIN), Hôpital Saint-Antoine (AP-HP), Paris.

Sommaire thématique

Épidémiologie des événements indésirables graves liés aux soins ... p. 41

Risques infectieux associés aux dispositifs médicaux invasifs ............... p. 51

Risques infectieux au laboratoire .... p. 65

Risques infectieux et prévention des accidents exposant au sang et aux liquides biologiques .................... p. 71

Transfusion et risques résiduels ........ p. 79

Iatrogénie médicamenteuse .................. p. 85

Les diarrhées post-antibiotiques ..... p. 93

Enfin aux confins de l’infectiovigilance et de la phar-macovigilance, Catherine Eckert nous décrit la physiopathologie des diarrhées post-antibiotiques qui surviennent chez 5 à 25 % des patients au cours ou au décours d’une antibiothérapie. Clostridium difficile représente de loin l’étiologie infectieuse la plus fréquente des diarrhées post-antibiotiques et la plus préoccupante de part ses complications potentielles.

La iatrogénie, qu’elle soit médicamenteuse ou infec-tieuse, n’est pas une fatalité et reste en grande partie évitable. Sa maîtrise s’inscrit dans le domaine de la qualité des soins et de la sécurité sanitaire. La survenue d’EIG liés aux soins est un thème de préoccupation majeure à la fois pour les usagers, les professionnels de santé et les décideurs. Des objectifs ambitieux de réduction d’un tiers de la fré-quence des événements iatrogènes graves ont été fixés par le ministère de la Santé en 2003. L’enquête ENEIS 2 qui s’est terminée en juin 2009 nous dira si le pari a été tenu.

des pneumopathies chez le patient intubé et des infections sur cathéters vasculaires. Les infections nosocomiales peuvent également toucher le per-sonnel soignant. Sylvie Touche et Odile Bajolet se sont intéressées aux risques potentiels d’infec-tions acquises au laboratoire et nous rappellent que l’évaluation des risques au laboratoire constitue désormais une obligation réglementaire. Parmi les risques infectieux encourus par les personnels soi-gnant et de laboratoire, les accidents exposant au sang (AES) et aux liquides biologiques sont particu-lièrement redoutés de par la transmission potentielle des virus de l’hépatite B, de l’hépatite C et/ou du VIH. Dominique Abiteboul et coll. nous précisent la conduite à tenir face à un AES et nous rappellent l’importance de la formation des personnels et de la généralisation de l’utilisation des systèmes de prélèvement sous vide pour prévenir ces AES.

Marie-Hélène El Ghouzzi et Danielle Rebibo abor-dent le cas particulier de l’hémovigilance et des risques liés à la transfusion de produits sanguins labiles (PSL). Les risques transfusionnels sont clas-sés en deux principales catégories immunologiques (allergie, incompatibilité ABO et autres groupes, le TRALI (transfused related lung injury)), et infectieux (viraux, bactériens, parasitaires et prions). L’éva-luation des risques résiduels de la transfusion en France est basée sur le recueil permanent, organisé et systématisé, des accidents déclarés par les cor-respondants d’hémovigilance des établissements de soins et de l’établissement français du sang.

Sous la terminologie « iatrogénie médicamenteuse », sont habituellement regroupés la pharmacovigilance, les erreurs dans le circuit du médicament et les inefficacités thérapeutiques. Michel Biour et coll. décrivent l’organisation au quotidien de la pharma-covigilance au travers de la surveillance des effets indésirables des médicaments. Ils nous rappellent que le but principal de la pharmacovigilance est de dépister rapidement les nouveaux problèmes de santé publique liés aux médicaments, de les évaluer afin de prendre les mesures nécessaires. Le plus souvent, ces mesures portent sur des modi-fications des rubriques de la monographie afin de réduire l’incidence et la gravité de l’effet indésirable.