31
DONATIEN AVELE Doctorant en Sciences de gestion CRECCI (Centre de Recherche en contrôle et comptabilité internationale) IAE de l’Université Montesquieu Bordeaux IV 35, Avenue Abadie 33072 Bordeaux Cedex – France [email protected] Résumé : Les collectivités locales en l’occurrence les communes au Cameroun sont un champ de recherche peu exploité en Sciences de Gestion notamment en contrôle de gestion. Ce travail qui se veut exploratoire, propose un état de l’art à la fois sur le contrôle de gestion et sur l’évaluation de la performance des services publics communaux. En revanche, l’étude tente de poser la mesure de la performance car, lorsque l’on veut mesurer la performance d’une organisation, il faut déterminer les dimensions qui sont nécessaires pour la décrire. Toutefois, la recherche fournit une explication sur le comportement des élus (hommes politiques) et des fonctionnaires par rapport à la gestion des services publics dont ils ont la charge. Auparavant, l’étude présente une approche historico- juridique des collectivités territoriales au Cameroun. Mots clés : collectivités territoriales, service public communal, performance, contrôle, dimensions de la performance, ville camerounaise. Abstract: The local collectivities, in this case, the townships in Cameroon are a not enough exploited research field in Management Sciences, notably, management control. This work CONTROLE DE GESTION ET PERFORMANCE DES SERVICES PUBLICS COMMUNAUX DES VILLES CAMEROUNAISES

AVELE Donatien

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: AVELE Donatien

DONATIEN AVELEDoctorant en Sciences de gestion

CRECCI (Centre de Recherche en contrôle et comptabilité internationale) IAE

de l’Université Montesquieu Bordeaux IV35, Avenue Abadie

33072 Bordeaux Cedex – [email protected]

Résumé : Les collectivités locales en

l’occurrence les communes au Cameroun

sont un champ de recherche peu exploité en

Sciences de Gestion notamment en contrôle

de gestion. Ce travail qui se veut exploratoire,

propose un état de l’art à la fois sur le

contrôle de gestion et sur l’évaluation de la

performance des services publics

communaux. En revanche, l’étude tente de

poser la mesure de la performance car,

lorsque l’on veut mesurer la performance

d’une organisation, il faut déterminer les

dimensions qui sont nécessaires pour la

décrire. Toutefois, la recherche fournit une

explication sur le comportement des élus

(hommes politiques) et des fonctionnaires par

rapport à la gestion des services publics dont

ils ont la charge. Auparavant, l’étude

présente une approche historico-juridique des

collectivités territoriales au Cameroun.

Mots clés : collectivités territoriales, service

public communal, performance, contrôle,

dimensions de la performance, ville

camerounaise.

Abstract: The local collectivities, in this case,

the townships in Cameroon are a not enough

exploited research field in Management

Sciences, notably, management control. This

work that intends to be explorative, proposes

a state of art both on the local public service

management control and

performance assessment. On the other hand,

the survey aims to measure the performance

because, whenever one wants to measure

the performance, it is necessary to determine

the criteria needed to describe it. However

this research provides an explanation on the

elected (politicians) and civil servant

behavior, regarding the management of the

public services they have to carry on.

Beforehand, the survey presents a legal-

historical approach of the territorial

collectivities in Cameroon.

Key words: territorial collectivities, local

public service, performance, control,

performance measurements Cameroonian

city.

CONTROLE DE GESTION ET PERFORMANCE DES SERVICES PUBLICS COMMUNAUX DES VILLES

CAMEROUNAISES

Page 2: AVELE Donatien

Introduction

En contrôle de gestion, les systèmes de mesure de performance ont très peu

évolué. D’essence largement comptables, ils sont restés focalisés sur les données d’un

contrôle de gestion traditionnel : coûts internes et externes, ratios de productivité, ratios

financiers généralistes. Tournés vers une mesure de la performance passée [chiffre

d’affaires, bénéfices, stocks, retours sur investissements etc.], ils sont de peu d’utilité pour

piloter la mise en œuvre d’une stratégie.

Par ailleurs, la plupart des organisations doivent faire face aujourd’hui à des

contraintes nouvelles et sont conduites à se justifier de façon accrue devant les opinions

publiques, qu’il s’agisse de qualité, d’équité, de transparence des coûts, d’efficacité à

l’égard des objectifs qui leur sont fixés [ALECIAN S. et FOUCHER D., 1994]. Les

collectivités locales n’échappent pas à cette obligation de légitimer leur action car le

caractère public qui a longtemps suffi à légitimer le service ne remplit plus cette fonction ;

il leur faut désormais démontrer l’efficacité des services publics. Ainsi, la structure des

communes est-elle marquée par l’obligation de réactivité face aux sollicitations des

usagers. Le contrôle et l’évaluation de la performance dans les services publics

communaux visent ainsi à réhabiliter le service public local en proie aujourd’hui à une

double crise de légitimité et d’identité.

Ainsi, au Cameroun, les exigences des usagers consommateurs sont de plus en plus

fortes. Ils se voient dans le rôle de client : le client qui attend à un guichet, celui de l’état

civil ou des services techniques. De plus, les conséquences sociales et urbaines de la

situation politico-économique au Cameroun vont faire émerger des besoins nouveaux

lourds auxquels les collectivités locales devront répondre. Aussi, les citoyens camerounais

acceptent de plus en plus difficilement la médiocrité et se montrent pointilleux sur

l’utilisation de l’argent public. Par ailleurs, au moment où la loi organique aux lois de

finances (LOLF), expérimentée début 2003 et opérationnelle en 2006 en France vise à

moderniser la gestion publique tout en marquant la transition d’une logique de moyens à

une logique de budgets par objectifs, le système de tutelle au Cameroun est celui du

contrôle à priori. Le pouvoir de tutelle est exercé par le ministre chargé de l’administration

territoriale et sous son contrôle par les gouverneurs et les préfets. Dans cette mission de

contrôle, les autorités de tutelle disposent à l’égard des organes municipaux et des actes

pris par ces derniers, d’un pouvoir de sanction et de contrôle qu’elles exercent par voie

d’approbation, d’annulation, de substitution, de suspension et de révocation.

2

Page 3: AVELE Donatien

Toutefois, nous partons d’un constat sur la gestion des collectivités locales au

Cameroun. Tout d’abord, en se référant aux modes de gestion et de fonctionnement des

communes des pays développés à l’instar de la France, on constate tout simplement qu’il

y a une différence significative dans les pratiques de gestion des collectivités locales

Françaises et Camerounaises. La gestion des communes dans les pays comme la France

est quasiment autonome. En revanche, pour le cas du Cameroun, il n’existe presque pas

d’autonomie sur la gestion communale. Ceci peut s’expliquer par le fait que la

décentralisation telle que stipulée par la loi n° 96/6 portant révision de la constitution du 02

juin 1972 n’est pas encore effective. Or, celle-ci suppose un transfert de compétences de

l’Etat aux collectivités locales.

Ainsi, Il s’agira dans le cadre de cette communication aux secondes rencontres

internationales CIDEGEF/VILLE management de répondre aux questions suivantes :

Comment les élus (hommes politiques), fonctionnaires et électeurs se comportent-ils face

au rôle que joue l’Etat dans le fonctionnement des communes camerounaises ? Comment

fonctionnent ces communes ? Quel est le mode de gestion des services publics

communaux des villes Camerounaises ? Comment évaluer la performance de ces

services ? En revanche la performance des services publics communaux des villes

camerounaises a fait l’objet de peu de réflexions théoriques ou d’études empiriques. La

présente recherche tente de combler cette lacune en proposant une étude sur la

performance organisationnelle des communes dans les pays francophones. Elle est

fondée sur une démarche historique visant à saisir le phénomène dans son contexte

social. L’intérêt du cas camerounais est double, en raison de son état de développement

économique (pays en voie de développement) et de son histoire contemporaine (ancienne

colonie française). Ainsi, il s’agit pour nous :

- d’examiner les voies d’amélioration de la performance des services publics communaux

des villes camerounaises.

- de permettre aux élus et fonctionnaires des organisations municipales camerounaises de

mieux comprendre les raisons qui justifient l’évaluation de la performance des services

publics communaux pour qu’ainsi, ils puissent effectuer des choix éclairés concernant les

services à rendre. Par ailleurs, la présente étude se divise en deux parties. La première

présente une approche historico-juridique des collectivités territoriales camerounaises (I). La seconde quant à elle, est consacrée au cadre théorique de la recherche. (II)

3

Page 4: AVELE Donatien

I. APPROCHE HISTORICO-JURIDIQUE : genèse et contours des collectivités territoriales

I.1. Fondement et évolution de l’institution communale au Cameroun.

L’institution communale au Cameroun est très ancienne et est même antérieure à la

création de l’Etat. Son fondement ainsi que son évolution procèdent de l’héritage colonial.

Le régime juridique des communes obéit néanmoins au droit commun même s’il existe

des entités communales qui relèvent d’un régime dérogatoire défini toutefois par la loi.

En effet, l’institution coloniale est introduite au Cameroun dès l’époque coloniale.

Seulement, il est important de souligner à la lumière de l’histoire des institutions et des

faits sociaux du Cameroun que les populations d’expression anglophone ont connu

une expérience différente de celle qu’ont vécu les populations de la zone d’influence

francophone avant que le législateur Camerounais n’intervienne pour tenter de

promouvoir l’harmonisation d’une organisation commune.

I.1.1.Le vécu des populations francophones.

L’autorité coloniale française organise pour la première fois le régime des communes par

le décret du 23 avril 1941 qui reconnaît au Gouverneur la faculté de créer des communes

mixtes. Le gouverneur de la France au Cameroun crée ainsi deux communes

respectivement à Douala et à Yaoundé dans la foulée de ce texte. Cette application

connaîtra une évolution avec le décret 47/2235 du 19 novembre 1947 portant

réorganisation du régime municipal dans les territoires sous zone d’influence française. Ce

texte prévoit en effet que le haut-commissaire de la République française au Cameroun

est habilité à créer des communes et à modifier le régime des communes françaises déjà

existantes par arrêté pris après avis de l’assemblée représentative compétente.

Cependant, il faudra attendre la loi 55/1489 du 18 novembre 1955 relative à la

réorganisation municipale en Afrique occidentale française, au Togo, au Cameroun et à

Madagascar pour assister à une accélération de ce mode de décentralisation au

Cameroun. Cette loi détermine en effet les modalités de création et fixe le statut juridique

de deux types de communes ; les communes de plein exercice et les communes de moyen exercice. La série de dispositions modificatives adoptées tant à la veille qu’au

lendemain de l’indépendance ne bouleversera pas pour l’essentiel l’architecture ainsi mise

sur pieds. Tout au plus, l’on assistera plutôt à une diversification du régime municipal

qu’accompagnera un mouvement expansif de multiplication des communes de sorte qu’en

4

Page 5: AVELE Donatien

1972, on pouvait dénombrer au Cameroun 150 communes et 04 syndicats de communes.

En 1974, le législateur camerounais procédera à un réaménagement du dispositif en

adoptant une nouvelle loi portant organisation communale

Ainsi, le Cameroun compte aujourd’hui 2 communautés urbaines, 9 communes urbaines à

régime spécial, 11 communes urbaines, 11 communes urbaines d’arrondissement et 305

communes rurales. Le tableau 1 résume l’organisation administrative et territoriale au

Cameroun.

Tableau 1. Organisation administrative et territoriale au CamerounDécoupage territorial

Collectivité

territoriale

Circonscription

Administrative

Nom de

l’organe

délibérant

Nom de

l’organe

exécutif

Organe

décontracté/

de tutelleDénomination Nbre

Région* 10 Oui Non Conseil régional Maire Gouverneur

Département 58 Non Oui Préfet

Communauté

urbaine02 Oui Non

Conseil de

communauté

Délégué du

gouvernementGouverneur

Arrondissement 268 Non Oui Sous-préfet

Commune rurale 305 Oui NonConseil

municipalMaire Préfet

Commune

urbaine11 Oui Non

Conseil

municipalMaire Préfet

CUA* 11 Oui NonConseil

municipal

Commune à

régime spécial09 Oui Non

Conseil

municipal

Délégué du

gouvernementPréfet

District 58 Non Oui Chef de district

* Commune urbaine d’arrondissement*Pour l’instant, la région n’est pas encore installée. Les provinces continuent de fonctionner comme des circonscriptions administratives.

I.2. Le Régime communal de droit commun.

Ce régime détermine l’organisation et le fonctionnement des communes urbaines

et des communes rurales. Selon la loi de 1974, la commune est urbaine ou rurale selon

que son ressort territorial se réduit à une agglomération urbanisée ou qu’il s’étend à la

fois sur des agglomérations urbanisées ou non et sur des zones rurales. Le ressort

territorial constitue donc pour le législateur camerounais la clef de voûte de la

décentralisation communale même s’il reste mal aisé de distinguer parfois compte tenu de

l’élasticité des critères, le caractère urbain ou rural de certaines agglomérations par

rapport à d’autres.

5

Page 6: AVELE Donatien

Les communes sont créées en principe par décret du président de la République

toujours dans la marge de son pouvoir discrétionnaire. Outre la soumission à une tutelle

rigide, leur régime juridique réside essentiellement dans la combinaison de deux traits

principaux à savoir, l’aménagement d’une compétence de principe pour la gestion des

affaires locales et la désignation démocratique de leurs organes.

I.3. Les collectivités à statut dérogatoire.

La loi communale de 1974 consacre un titre particulier à un régime communal

qu’elle qualifie de spécial et auquel ont été soumises dès le départ les villes de Douala,

Yaoundé et Nkongsamba, principales agglomérations du moment. En 1977 par la suite, la

ville de Bamenda qui abrite une importante frange de la communauté anglophone du

Cameroun fut également soumise à ce régime spécial qui sera étendu par décret

présidentiel à sept grandes villes gagnées pour la plupart par l’opposition à l’issue des

élections municipales du 21 janvier 1996 en l’occurrence Bafoussam, Limbé, Edéa,

Ebolwa, Garoua, Maroua et Kumba. Entre temps, les villes de Douala et de Yaoundé

avaient été érigées en communautés urbaines par la loi du 15 juillet 1987 et obéissent

depuis lors au régime particulier qui en découle. De la sorte, il existe aujourd’hui 11

collectivités territoriales soumises à un régime dérogatoire au droit commun de la

décentralisation.

I.4. Le régime spécial des communes urbaines.

Le fait distinctif de ces collectivités réside dans la structure de leurs organes

municipaux car ici l’essentiel des attributions dévolues aux maires des communes relevant

du droit commun incombe à un délégué du gouvernement nommé par la président de la

République qui est seul compétent pour le révoquer selon la même procédure en vertu du

principe du parallélisme des formes.

Le délégué du gouvernement est donc soumis au pouvoir hiérarchique de l’Etat. Or dans

le même temps, il préside le conseil municipal, dirige les services de la commune,

représente celle-ci en justice, assure la police municipale et exécute le budget communal.

Il agit donc en véritable maire et ses actes sont soumis au contrôle de tutelle exercé par

les organes territoriaux compétents de l’Etat.

I.5. Le cas des communautés urbaines de Douala et de Yaoundé.

Les communautés urbaines sont composées en effet des communes urbaines

d’arrondissement. Ces dernières sont nées par ségrégation des anciennes communes

6

Page 7: AVELE Donatien

urbaines relevant du régime spécial de Douala et de Yaoundé qui a entraîné la création de

six (06) communes urbaines d’arrondissement à Yaoundé contre cinq (05) à Douala.

Paradoxalement, les actes de création de chacune de ces collectivités territoriales ont

simultanément fait des personnes morales de droit public dotées de la personnalité

juridique et de l’autonomie financière. Il en a donc résulté deux conséquences en ce qui

concerne respectivement la détermination du ressort territorial de chacune dans

l’ensemble d’abord, la gestion des finances de l’ensemble de ces collectivités ensuite.

I.6. Le modèle d’organisation et modes de gestion des services communaux des villes camerounaises.

I.6.1. Le modèle d’organisation des services publics municipaux.Dans les milieux urbains, les populations attendent essentiellement des communes la

fourniture des équipements et services indispensables pour l’amélioration du cadre et des

conditions de leur vie. Les communes sont ainsi appelées à assurer des prestations

techniques et sociales principalement et devraient alors pouvoir exercer les compétences

suivantes : l’entretien et la réalisation des voiries municipales, l’assainissement et le

drainage des eaux pluviales, le ramassage et le traitement des déchets en particulier les

ordures ménagères, l’hygiène, la salubrité et l’esthétique publiques, la construction,

l’entretien et la gestion des points d’eau, la création et la gestion des marchés, gare

routière et abattoirs, l’urbanisme et l’habitat en terme de gestion foncière et

d’aménagement urbain, etc…

I.6.2 Différents modes de gestion dans l’administration des services publics communaux.

Avant de présenter de manière succincte les modes de gestion dans les mairies, il

convient de définir d’abord ce qu’est un service public d’une part et, d’autre part un service

public communal.

a) Notion de service public.

La notion de service public est une contrainte spécifique pour la gestion publique.La notion

de service public a été introduite à la fin du 19 ème siècle et au début du 20 ème siècle dans

le vocabulaire juridique et politique. Elle a constitué depuis l’un des socles du droit

administratif français et l’un des fondements de l’intervention de l’Etat et des collectivités

publiques dans la vie économique et sociale. On entend par service public, d’après la

jurisprudence, toute activité d’une collectivité publique visant à satisfaire un besoin

7

Page 8: AVELE Donatien

d’intérêt général. La notion d’intérêt général est donc fondamentale. Elle est au demeurant

suffisamment vaste pour que les collectivités publiques puissent en fait intervenir dans

tous les domaines.

b) Définition d’un service public communal.

Selon J.P.REY [1991, p.11], « Par service public communal, on entend une prestation

physique ou de service, assurée en fonction d’un rapport qualité/prix de revient donné et

sans but lucratif, destinée à un marché local, ayant un caractère d’intérêt général,

partiellement ou totalement financée par la fiscalité »

Bien que cette définition soit distincte d’un service public d’Etat et d’un service privé, on

note tout de même qu’elle a un caractère général et s’applique aussi bien à l’entretien de

la voirie qu’à la gestion des ordures ménagères.

C). Modes de gestion des services publics communaux.

En nous appuyant sur les travaux de J.CARLES et J. DUPUIS [1989], nous distinguons

deux grandes tendances en matière d’administrations des services publics locaux d’une

manière générale :

- la gestion directe (services municipaux, régies et structures intercommunales) : les

services sont alors directement subordonnés par la mairie ;

- la gestion déléguée (concession, affermages, associations, sociétés d’économie

mixte) : la mairie n’a qu’un rôle de donneur d’ordres.

Ainsi, au cours du premier trimestre de l’an 2006, un premier questionnaire a été

administré par voie postale auprès des différentes mairies de la ville de Douala. Il

s’agissait là d’un pré-test en vue de vérifier la clarté des questions et leur cohérence dans

toutes les communes. Un seul type de questions a été utilisé : des questions fermées

simples ou plus complexes à choix multiples. Son objectif premier n’était pas d’être

exploité pour ces secondes rencontres de Douala mais de faciliter la connaissance du

terrain afin de mieux préparer la deuxième enquête qui nous servira dans le cadre de

notre recherche doctorale. Ce questionnaire portait sur les points suivants :

- l’identification de la commune (nom, taille, régime juridique, rattachement, date de

création…)

- le profil des responsables (âge, ancienneté, niveau de formation…)

- relation élu-encadrement dans la mairie (rôle des élus, rôle des cadres territoriaux)

- relations Feicom (Fonds spécial d’équipement et d’intervention intercommunale)-

communes

- l’organisation communale

- méthode de gestion, systèmes d’informations comptables, sources de financement

8

Page 9: AVELE Donatien

- l’évaluation de la performance organisationnelle.

Identification de la commune. Dans un premier temps, nous cherchions à identifier la

commune. L’élément majeur est sa taille. Ainsi, la population totale de la ville est estimée

à environ 3000000 d’habitants. Cette première enquête révèle que la commune urbaine

d’arrondissement de Douala III est la plus peuplée avec environ 1.200.000 habitants et

dispose 115 employés contre157 à Douala I et 200 à Douala II à titre d’exemple.

Profil des responsables. Une municipalité est avant tout composée d’hommes, élus ou

fonctionnaires, qui la dirigent et donnent à la politique communale sa véritable impulsion. Il

est donc significatif de connaître ces individus par leur âge, leur ancienneté et leur

formation. Chacun agit en fonction de son environnement, également de sa propre

histoire, et peut donc avoir une influence sur le développement du contrôle de gestion et

de la performance communale. Après enquête, il ressort que l’âge moyen des chefs de

service est de 40 ans ; par contre celui des maires et maires adjoints est de 45 ans. Le

plus jeune chef de service est situé dans la tranche d’âge de 25à 35 ans. Aussi, la même

enquête s’attache à caractériser l’organisation générale des municipalités enquêtées et le

mode de gestions des différents services publics communaux. Elle offre un panorama

intéressant des diverses solutions choisies par les responsables municipaux : gestion

directe et gestion déléguée.

Tableau 2. Mode de gestion des différents services publics municipaux.

Mode de gestion

Services

Gestion directe

Gestion déléguée

Protection contre incendie non oui

Bibliothèque oui Non

Police municipale oui Non

Action sanitaire oui Non

Assainissement non oui

Etat-civil oui Non

Enlèvement et traitement des ordures ménagères

non Oui

Approvisionnement en eau

potable

non Oui

Eclairage public oui non

Traitement des eaux usées non Oui

Sports et loisirs oui Non

Entretien et nettoyage des voies communales secondaires

oui non

9

Page 10: AVELE Donatien

Quelles informations pouvons nous tirer de ce tableau ?

Des services techniques lourds, souvent délégués : les services de l’eau, de

l’assainissement, de la protection contre l’incendie, de l’enlèvement et du traitement des

ordures ménagères sont essentiellement assurés par des entreprises privées à l’instar

d’HYSACAM (hygiène et salubrité du Cameroun). Ce sont des services techniques qui

demandent des compétences précises. Ils nécessitent des infrastructures lourdes, dont les

investissements ne peuvent pas être supportés par une seule mairie. Les résultats de

notre première enquête montrent que ces activités sont le plus souvent soit gérées par les

communautés urbaines, soit déléguée à la société HYSACAM ou à toute autre entreprise

privée.

En revanche, dans la même enquête, la majorité des élus et cadres territoriaux interrogés

déclarent tenir une comptabilité d’engagement. Ce qui est d’ailleurs une très bonne chose

pour les mairies camerounaises car, l’absence d’une tenue de comptabilité d’engagement

révélerait une insuffisance de la maîtrise financière de la collectivité. La comptabilité

d’engagement est de pratique courante dans les collectivités locales [collectif, « gestion

publique gestion privée ? », la lettre du cadre territorial, 1993]. Elle se répand grâce au

développement de l’informatique. La notion d’engagement permet de mettre en réserve

les crédits nécessaires au paiement des dépenses certaines pour lesquelles les factures

sont reçues ultérieurement. C’est à partir de la procédure de comptabilité par engagement

que le contrôle de l’exécution des commandes et des ordres de services sera le plus

performant. En effet, cette procédure consiste à débiter les comptes concernés avant que

l’acte générateur d’une créance au profit d’un tiers soit passé. Elle évite ainsi

l’engagement d’une dépense alors que les crédits du compte sont épuisés ou que le solde

disponible est inférieur au montant de la facture qui suivra [SCHMITT D., 1988].

Par ailleurs, en ce qui concerne l’existence ou pas d’un poste de contrôleur de gestion, la

quasi-totalité des élus et cadres déclarent ne pas disposer d’un poste de contrôleur de

gestion dans les services de leurs mairies. Ainsi, le tableau ci-dessous résume l’existence

ou pas des outils de contrôle dans les services municipaux selon les résultats de

l’enquête.

Tableau 3. Existence d’outils de contrôle dans les services municipaux de la ville Douala Outils de contrôle de gestion Existence

Comptabilité analytique

Comptabilité d’engagement..........................

Budget base zéro (BBZ)....................................

Tableau de bord prospectif.................................

non

oui

non

non

10

Page 11: AVELE Donatien

Le Budget base zéro (BBZ) est une méthode d’élaboration du budget. Elle se présente en

trois grandes phases :

1. Une phase de réflexion sur le fonctionnement du service, les coûts des prestations

qu’il fournit et la recherche des gains de productivité.

2. Une phase de réflexion sur la qualité des prestations à travers le recueil des points

de vue des clients du service.

3. Enfin une phase de choix du niveau des prestations souhaité par les élus. Dans

cette 3ème phase, les élus décident de la répartition des ressources de la mairie en

fonction de leurs priorités.

Dans la pratique, le BBZ est une méthode de mobilisation des services souples et

adaptables. Il est possible de ne réaliser que la première phase ou les deux premières ;

mais aussi de faire avancer l’ensemble des services en même temps ou travailler par

groupes. Enfin en fonction de la situation financière de la ville, il est possible de mettre

l’accent sur la maîtrise des coûts ou l’amélioration de la qualité des prestations. L’intérêt

de la méthode réside dans la rigueur et dans la formalisation des différentes étapes qui

permettent au directeur général de bien maîtriser l’action et dans le fait qu’elle prend appui

sur les chefs de service. Le BBZ devient un langage commun de la mairie.

Malheureusement, notre première enquête révèle l’inexistence de gestion dans les

services publics municipaux de la ville de Douala.

II. Cadre théorique.II.1.  Analyse micro-économique appliquée à la politique du management des services publics communaux

Les outils classiques de la micro-économie permettent-ils d’expliquer le

comportement des élus et leurs décisions ? Les finalités du management communal

peuvent-elles être mises en évidence à l’aide des instruments habituels de l’analyse

économique ?

Pour tenter de répondre à ces questions, de nombreux chercheurs et universitaires,

notamment aux Etats-Unis se sont appuyés sur l’école du « public choice » tout en

approfondissant les travaux de quelques précurseurs comme ARROW, DOWBS ou

TIEBOUT. Il s’agit pour nous d’expliquer le comportement des acteurs municipaux à

travers les théories du choix public et de l’agence.

11

Page 12: AVELE Donatien

II.1.1.. Comportement des acteurs communaux : explication à travers les théories du choix public et de l’agence.

La théorie du choix public est une branche de l’économie expliquant le rôle de l’Etat

et le comportement des électeurs, hommes politiques et fonctionnaires. Le texte fondateur

de ce courant est : « The calculs of consent » publié en 1962 par JAMES M. BUCHANAN

[« prix Nobel d’économie », 1986] et GORDON TULLOCK. Ici, les hommes politiques et

les fonctionnaires se comportent de la même façon que les consommateurs et

producteurs de la théorie économique tout en sachant que l’argent en jeu n’est pas le leur

[problème principal-agent]. La motivation principale d’une partie du personnel politique est

alors de maximiser son propre intérêt, plutôt que de rechercher l’intérêt collectif. Ainsi, les

hommes politiques souhaitent maximiser leurs chances d’être élus ou réélus, et les

fonctionnaires souhaitent maximiser leur revenu ou leur pouvoir. Pour J.BUCHANAN, « Le

public choice n’est autre chose qu’un essai de formulation d’une théorie générale de

l’Economie Publique qui permette de faire dans le domaine des choix collectifs ce qui a

été fait depuis longtemps au niveau de la micro-économie des marchés.

En revanche, des auteurs comme TULLOCK, STIGLER ou BECKER ont souligné

l’importance des groupes de pression ou groupes d’intérêts qui agissent sur la vie de la

commune par le biais d’associations, de groupes, de syndicats. Ces auteurs indiquent que

les décisions relatives à la commune, décisions prises par les élus du peuple, peuvent être

remises en cause par une partie des électeurs. L’intérêt étant de connaître l’étendue des

pouvoirs de ces groupes de pression et l’efficacité de leurs actions.

Toutefois, la politique menée par les élus locaux, et donc la gestion et les pratiques

qui en découlent, ont été à la base décidées par les habitants de la commune, les

électeurs. Les choix économiques sont ainsi déterminés par les choix politiques qui sont

amenées à varier en fonction des élections, et il est difficile d’envisager une continuité

dans les pratiques de gestion, ou tout au moins une cohérence parfaite lors des

changements de majorité. Cette logique n’est pas, à ce jour, unifiée dans un cadre

théorique parfaitement homogène. Des voies différentes, aux résultats parfois

contradictoires, coexistent. En revanche, selon la théorie de l’agence [JENSEN et

MECKLING, 1976], les conflits vont naître au sein des mairies car, les maires dirigeants

peuvent ne pas gérer les services publics communaux dans l’intérêt de la population. Ils

vont plutôt chercher à maximiser leur propre intérêt personnel au détriment de la

population et donc des électeurs. Pour clarifier en quelques sortes la finalité de la

commune, on peut considérer que c’est le vote, pierre angulaire de la démocratie locale

qui détermine si les objectifs attendus ont été atteints. Les électeurs expriment ainsi leur

12

Page 13: AVELE Donatien

satisfaction ou leur désappointement vis-à-vis du bilan des élus. Comme le signale

F.MEYSSONIER, « la satisfaction des électeurs ne tient pas uniquement à des facteurs

objectifs matériels ; la fonction de préférence des citoyens est elle-même difficile à

cerner ».

Peut-on faire un lien entre la théorie de l’agence précédemment évoquée et la

performance des villes camerounaise ? En réalité, le mode de décentralisation (loi du 18

janvier 1996) est en vérité conçu à l’intention des grandes métropoles urbaines en raison

du caractère cosmopolite des populations qui les composent et procède également du

souci d’assurer la protection des populations autochtones en général minoritaires dans la

composition sociologique des principales villes. Il est dès lors patent que dans un tel

contexte, toute élection aboutirait à l’éviction d’un autochtone comme chef de la

municipalité et, c’est sans doute pour prévenir pareille éventualité aux risques politiques

incalculables que le législateur a laissé au pouvoir exécutif une totale liberté de manœuvre

dans ce domaine. Ainsi, le chef de l’Etat nomme dans chacune ces communes : un

délégué de gouvernement (autochtone), un secrétaire général, un receveur municipal, un

comptable matière…Dans un tel contexte, ces responsables n’étant pas des élus, seront

épargnés de la sanction par le vote municipal dont la durée du mandat est fixée à 5 ans.

Le chef de l’Etat et leurs tutelles respectives étant les seuls habilités à les révoquer et /ou

sanctionner. Au final, le contexte dans lequel fonctionnent les communes camerounaises

va empêcher la réalisation des objectifs et donc la performance communale car ces

responsables nommés ne vont pas souvent agir dans l’intérêt général de la population

mais plutôt dans leur propre intérêt personnel. L’importance de la latitude managériale ne

les incitera pas à l’atteinte des objectifs escomptés et donc à la performance

communale dès lors qu’ils n’ont pas de compte à rendre aux citoyens.

II.2. La notion de performance.

II.2.1. Essai de définition

L’exercice est périlleux : la définition de la performance doit reconnaître le caractère

polysémique. Ainsi, BOURGUIGNON [1995] propose la définition suivante : « En matière

de gestion, la performance est la réalisation des objectifs organisationnels ». D’après cette

définition, la performance serait une réalité de la réalisation des objectifs d’une

organisation. A notre avis, cette définition ne tient compte que de la réalisation des

objectifs organisationnels mais ne prend pas en considération les moyens mis en œuvre

pour les accomplir. Ainsi, nous proposons la définition suivante : La performance est la

13

Page 14: AVELE Donatien

capacité ou le degré d’une organisation d’atteindre ses buts, ses objectifs, ses plans ou

ses programmes qu’elle s’est donnée aux moindres coûts et dans les meilleurs délais.

II.2.2. Raisons qui justifient une évaluation périodique de la performance des services publics communaux.

Trois ordres de raisons justifient une évaluation périodique de la performance des

services municipaux. Tout d’abord, une telle évaluation est une condition préalable à

n’importe quel effort de rationalisation de la gestion des services. En deuxième lieu, elle

permet aux décideurs politiques d’améliorer leur contrôle sur la gestion et de prendre des

décisions adéquates dans le cadre de la mise en œuvre de la politique choisie. Enfin, elle

favorise la transparence de l’action publique. En ce qui concerne la rationalisation de la gestion des services publics locaux, le suivi de la performance assure aux

gestionnaires la maîtrise des informations nécessaires pour définir les stratégies de

production appropriées (en terme de variété, qualité et quantité des services à fournir).

Il s’agit là, tout simplement, de mieux connaître la situation du service et, donc, de pouvoir

détecter plus rapidement les défaillances. Il s’agit également de mieux observer les

réactions des usagers aux choix effectués et l’évolution des besoins qu’ils expriment, pour

réorienter à temps l’action du service et en assurer la cohérence avec ces besoins.

L’évaluation périodique de la performance donne un contenu aux échanges d’informations

et d’expériences entre services de collectivités différentes. Des tels échanges – et donc la

comparaison des opérations retenus, des méthodes utilisées et des résultats obtenus –

favorisent la rationalisation, puisqu’ils offrent aux services moins performants la possibilité

d’acquérir le « savoir-faire » qui leur manque.

En outre, le suivi de la performance rend effectif le contrôle des autorités sur la gestion des services dont elles sont responsables par le biais d’une utilisation ex post

du système de mesure de la performance. Mais en même temps, il permet aux décideurs

politiques de prendre des décisions avisées sur les options politiques qui ‘ouvrent en

matière de services publics locaux. Cette utilisation ex ante des indicateurs de

performance a une influence certaine sur le comportement des décideurs politiques du fait

qu’elle permet la définition de cycles et la fixation des priorités. En effet, grâce aux

informations que l’évaluation de la performance rend disponibles, notamment en termes

d’adéquation des prestations fournies aux atteintes de usagers, les autorités locales sont

en mesure de déterminer en connaissance de cause les priorités en matière de politique

des services publics locaux et, en conséquence, l’allocation des ressources disponibles.

14

Page 15: AVELE Donatien

Ces informations sont fort utiles lorsque les responsables politiques sont appelés à

déterminer les modalités de gestion de services publics locaux et, en particulier, à vérifier

l’opportunité de confier la gestion à une entreprise privée plutôt que de maintenir une

gestion directe.

Le choix même de l’entreprise, le renouvellement du contrat ou sa rénovation

devrait se fonder sur les résultats de gestion et leur comparaison avec ceux obtenus par

des services ouvrant dans des conditions analogues.

Par ailleurs, les autorités locales ne sont pas les seules intéressées, car une meilleure

connaissance des services publics locaux, des besoins auxquels ils répondent et de ceux

qui ne sont pas encore satisfaits, ainsi que des ressources qu’ils utilisent, peut servir de

guide aux autorités nationales lors de l’attribution d’aides ou de subventions.

Enfin, le suivi de la performance favorise la transparence de l’action publique. En

effet, de par les sens que le mot performance acquiert s’agissant de services publics

locaux, toute démarche qui vise son amélioration doit tenir compte des exigences des

usagers et implique une meilleure information des usagers ainsi que leur association aux

choix.

Le suivi de la performance et la politique de l’information se soutiennent

mutuellement. Le suivi de la performance fournit aux citoyens des informations concernant

les buts, les coûts et les résultats des services locaux. Ces informations permettent aux

citoyens d’exercer une influence concrète sur la fourniture des services et génèrent un

feed-back de la part des usagers.Aussi le suivi de la performance intensifie les rapports

entre usagers et leurs services et la transparence devient un moyen d’accroître la qualité

de ces services. En somme, l’évaluation de la performance sert à l fois les intérêts des

gestionnaires, des décideurs politiques et des citoyens : bien conduite, elle contribue à

renforcer la démocratie locale.

II.2.3. Mesure de la performance des services publics municipaux.

Pour mesurer la performance organisationnelle, il faut choisir des critères

observables, mesurables ou définis de manière opératoire. Par exemple, la flexibilité d’une

organisation est sans doute un critère de performance, mais sa mesure demeure encore

difficile à définir ; par contre, la rentabilité financière est un critère qui est bien défini et qui

fait un large consensus parmi les experts en évaluation. Les critères choisis doivent être

capables de discriminer entre différents écarts de performance. En d’autres mots, mesurer

un critère qui donne toujours le même résultat, période après période, ne nous donne

15

Page 16: AVELE Donatien

aucune information sur l’amélioration ou la détérioration de la performance de

l’organisation.

La performance de l’organisation peut se mesurer à différents niveaux, les plus

fréquents étant le niveau individuel (des mesures d’employés), le niveau groupal (des

mesures de service), le niveau organisationnel (des mesures de l’entreprise) et le niveau

environnemental (des mesure sectorielles par exemple). En revanche, tout modèle de

mesure comporte trois niveaux d’abstraction [Morin, Guindon et Boulianne, 1996] : 1. les

dimensions du concept à mesurer, 2. les critères qui définissent les dimensions et 3. les

indicateurs qui servent à mesurer ou à apprécier les critères.

II.2.4. Les dimensions de la performance.

Morin, Savoie et Beaudin [1994] ont identifié quatre dimensions de la performance

organisationnelle qui sont définies par des critères et qui se mesurent à l’aide d’indicateurs

de performance. Ces dimensions sont les suivantes : la pérennité de l’organisation,

l’efficacité économique, la valeur des ressources humaines et la légitimité de l’organisation

auprès des groupes externes. Le tableau 3 montre ces quatre dimensions ainsi que les

critères qui les définissent. Lorsqu’on veut mesurer la performance d’une organisation, il

faut d’abord déterminer les dimensions qui sont nécessaires pour la décrire. En d’autres

termes, il faut choisir un nombre minimal de composantes principales, suffisantes pour

rendre compte, le mieux possible de la performance organisationnelle.

TABLEAU 3. DIMENSIONS ET CRITERES D’INDICATEURS DE PERFORMANCE

PERENNITE DE L’ORGANISATION EFFICIENCE ECONOMIQUE

- Qualité du produit - Rentabilité financière - Compétitivité

- Economie des ressources - Productivité

VALEURS DES RESSOURCES HUMAINES

LEGITIMITE DE L’ORGANISATION AUPRES DES GROUPES EXTERNES

- Mobilisation des employés - Rendement des employés

- Satisfaction des bailleurs de fonds Satisfaction de la clientèle- Satisfaction des organismes régulateurs- Satisfaction de la communauté

II.2.5. Les critères de la performance

Les dimensions de la performance sont définies à l’aide de critères, c'est-à-dire des

conditions ou des signes qui servent de base au jugement. C’est ici que les règles de base

16

Page 17: AVELE Donatien

de la mesure s’appliquent spécialement. En revanche, les critères doivent être des

caractéristiques concrètes et observables de l’organisation. Ils doivent pouvoir aussi offrir

suffisamment de variance pour permettre de discriminer différents degrés de performance.

Il faut aussi respecter la règle de parcimonie dans le choix de critères : l’idée ici n’est pas

de chercher un

modèle exhaustif de tous les aspects d’une organisation, mais de choisir un nombre

minimal de critères, suffisants pour rendre compte d’une façon satisfaisante, de la

performance organisationnelle.Il faut également rechercher des critères qui soient

facilement mesurables et peu coûteux, tout en demeurant fidèles et valides.

II.2.6. Les indicateurs de performance

Les critères nous informent sur ce qu’il faut savoir à propos de la performance

organisationnelle, mais leur niveau d’abstraction est tel qu’il faut encore déterminer les

indicateurs qui les représentent. Un indicateur de performance est défini par un ensemble

d’opérations portant sur des données concrètes, tangibles ou intangibles, qui produit une

information pertinente sur un critère. En revanche, l’indicateur reste l’outil le plus utilisé en

contrôle de gestion. Selon H.BERGERON [2002], l’objectif fondamental de la mise en

place d’un tel outil est de permettre l’amélioration de la performance de l’organisation à

court et à long terme.Toutefois, les indicateurs non financiers sont le plus souvent

appréhendés par opposition aux indicateurs financiers, en fonction de leur finalité ou de

manière contextuelle. Peut-on définir les indicateurs non financiers ? Wegmann et

Poincelot [2005] proposent la définition synthétique suivante : par opposition aux

indicateurs financiers, les indicateurs non financiers ne sont pas « agrégeables ». Ils ne

fournissent pas une évaluation arithmétique globale de la création de valeur de

l’entreprise. Par ailleurs, Bessire [1999] et Bourguignon [2000] soulignent que la notion de

création de valeur et de performance sont des concepts polysémiques, c'est-à-dire non

clairement délimités. Pour Guindon [1996], un indicateur de performance est un ensemble

d’opérations portant sur des données concrètes produisant une information pertinente.

II.2.7. Systèmes de mesure de performance applicables à l’évaluation de la performance des services publics municipaux.

Les systèmes traditionnels de la performance s’appuyaient sur des indicateurs

financiers. Plusieurs auteurs ont souligné l’insuffisance de ces indicateurs parce qu’ils ne

permettent pas d’établir de liens entre les opérations et la stratégie. Ces indicateurs

17

Page 18: AVELE Donatien

n’expliquent aucunement les problèmes d’amélioration des activités liés à la qualité, à

l’innovation, au service à la clientèle, à la satisfaction du client, etc. En fait, ils ne reflètent

pas la stratégie, mais plutôt les résultats finaux visés par celle-ci. Ils n’indiquent pas quand

et où intervenir pour améliorer une situation donnée. Selon Guindon M, «  pour que la

performance organisationnelle puisse être améliorée, le système doit fournir des

renseignements sur les éléments qui conditionnent le succès de l’organisation. Ces

éléments peuvent être propres à un secteur d’activité. Pour être véritablement utiles, ils

doivent toucher l’ensembles des dimensions de l’organisation ».Toutefois, l’ouvrage de

Morin, Guindon et Boulianne sur le sujet est un guide simple et bien structuré. Ces auteurs

ont retenu un modèle de mesure de la performance comportant trois niveaux

d’abstraction et se présente ainsi :

Par ailleurs, les dimensions de la performance sont définies à l’aide de critères. Ce sont

des caractéristiques concrètes et observables de l’organisation. Il faut rechercher des

critères facilement mesurables et peu coûteux à mesurer et valables. L’élaboration de ces

concepts est présentée au schéma suivant :

Schéma 1. Processus d’établissement d’un indicateur de performance.

ETAPE 1 : DIMENSIONDélimiter l’espace dans lequel une organisation municipale évolueETAPE 2 : CRITEREEtablir des caractéristiques observables qui vont définir les dimensionsETAPE 3 : INDICATEURFournir un ensemble d’opérations sur des données qui produisent une information pertinente sur les critères

18

Fonctions/Activités

Objectif/Plan stratégique

DimensionVitalité

DimensionEfficience économique

DimensionValeur des ressources H.

DimensionRelation avec les groupes de référence

CritèreQualité du service

CritèreEconomie des ressources et productivité

CritèreMobilisation, climat, rendement, développement

CritèreSatisfaction du citoyen et de la communauté

INDICATEURS INDICATEURS INDICATEURS INDICATEURS

Page 19: AVELE Donatien

Conclusion. Ce travail a non seulement permis de restituer la richesse des réflexions en

contrôle de gestion notamment sur la performance des services publics communaux des

villes camerounaises, mais il a aussi proposé un cadre théorique permettant de mieux

cerner le comportement des élus, fonctionnaires et citoyens au sein de la commune. Par

ailleurs, nous avons montré à travers une approche historico-juridique la genèse et le

contour des collectivités territoriales au Cameroun. Toutefois, l’évaluation de la

performance à l’aide d’indicateurs appropriés reste un exercice crucial, ainsi, elle permet

d’assurer le succès des organisations quels que soient les secteurs d’activité. Mais malgré

les transformations qui subissent aujourd’hui, nombreuses sont des organisations qui

continuent d’évaluer la performance à l’aide d’indicateurs conçus pour répondre aux

besoins passés. Des auteurs comme KAPLAN et NORTON [1998] dont les indicateurs

non financiers constituent le sujet central expliquent qu’ils complètent les indicateurs

financiers qui focalisent trop d’attention sur le pilotage des actions à court terme. En

revanche, pou mesurer la performance d’une organisation, il faut d’abord déterminer les

dimensions qui sont nécessaires pour la décrire. L’évaluation de la performance étant un

exercice crucial, nous envisageons dans les recherches à venir mener des enquêtes au

sein des communes camerounaises dans le but d’observer et de décrire les spécificités de

la performance communale.

BIBLIOGRAPHIE.

ALLECIAN S. et FOUCHER D. [1994], Guide du management dans le service public, Editions d’organisations, Paris.

ALLEGRE H. Et MOUTERDE F. [1989], Le contrôle de gestion dans les collectivités locales : méthodes, outils, tableaux de bord, Editions du moniteur

ANTHONY R.N. [1965], Planning and control system, a frameword for analysis, Division or Research, Harvard Business School, 180p.

ARROW K.J. « Choix collectifs et préférences individuelles » (traduction française de social choice and individual value, 1951), Diderot, Editeur, Paris, 1997.

BERGERON.H [2002] « la gestion stratégique te les mesures de la performance non financière des PME », 6ème congrès international francophone sur la PME, octobre, HEC Montréal.

BESSIRE D. [1999], « Définir la performance », comptabilité-contrôle-audit, vol.5 T.1, Septembre, pp. 416-424

19

Facteurs d’influence

Page 20: AVELE Donatien

BOUQUIN H. [1991], Le contrôle de gestion, Paris, PUF.

BOURGUIGNON A. [1995], « Peut-on définir la performance ? », Revue française de comptabilité, juillet-août

BOURGUIGNON A [2000], « Performance et contrôle de gestion », in Encyclopédie comptabilité-contrôle-Audit, p. 931-941, Paris, Economica.

BUCHANAN J.M. et G. TULLOCK [1962], “The calculus of consent”

BRULE J. [1997], contribution à l’élaboration d’un contrôle de gestion dans les collectivités locales, thèse de doctorat en Sciences de gestion, CENAM, Paris.

CARLES J. et DUPUIS J. [1989], Service public local, gestion publique, gestion privée, Editeur, Levallois-perret

DOWNS A. [1957], « An Economic Theory of democracy », Harper, New-york

GIBERT P. [1980], « Le contrôle de gestion dans les organisations publiques », Editions d’organisations, Paris.HOFSTEDE G. [1981], Management control of public and not-for-profit activities, Accounting, Organizations and society, vol.6, n°3, p1993-211.

JENSEN et MECKLING [1976], « Theory of the Firm : Managerial Behavior, Agency costs and owenership structure », Journal of Financial Economics, vol. 3, october, p.305-360

JONCOUR Y, “Moderniser la gestion et les financements publics: des priorités à contresens”, Pol et Management, n°2, juin 1993.

MORIN, SAVOIE, BEAUDIN [1994], « L’efficacité organisationnelle : théories, représentations et mesures », Gaétan Morin, Editeur, Québec.

MORIN E., GUINDON M., BOULIANNE E. [1996], les indicateurs de performance, Editeur Guérin Montréal.

KAPLAN R.et NORTON D., Le tableau de bord prospectif, Paris, les éditions d’organisations, 1998.

KAPLAN R.et NORTON D [2004], Strategy Maps: converting Intangible Assets into Tangible Outcomes, Harvard Business School Press.

LEDUFF et PAPILLON [1988], “Gestion publique”, Editions d’organisations, Vuibert, Paris.

LE DUFF R. et RIGAL J.J. [1999], maire, entrepreneurs, emploi : deuxièmes rencontres Ville-management, (Bayonne, Pyrénées Atlantiques, Septembre, 1998). Editions Dalloz.

LORINO P. [2003], Méthodes et pratiques de la performance. Le pilotage par les processus et les compétences, Les éditions d’organisations, Paris.

20

Page 21: AVELE Donatien

MEYSSONIER F. [1992], «Stratégie et style de contrôle de gestion dans les communes », 13ème congrès de l’AFC Bordeaux mai 1992, 31 pages 

NANGA C. [2000], La réforme de l’administration territoriale au Cameroun à la lumière de la loi constitutionnelle n°96/06 du 18 janvier 1996, mémoire du Master en administration publique, ENA, Paris.

« Performance des services publics locaux », colloque Paris IX 24 avril 1989, Litec, Paris 1990.

POINCELOT E. et WEGMANN G. [2005], Utilisation des critères non financiers pour évaluer ou piloter la performance : analyse théorique

REY J.P. [1991], «  Le contrôle de gestion des services publics communaux », Editions Dunod

ROUSSARIE O. [1994], Les outils de contrôle de gestion utilisés dans les services publics urbains, thèse de doctorat Sciences de gestion Université de Poitiers.

SCHMITT D. [1988], « le contrôle budgétaire interne », Politiques et Management, n°3, Septembre 1988.

THIEBOUT [1956], « A pure theory of local Expenditures », Journal of political Economy, 64 pp. 416424.

21