Avocats engagés pour un Etat de droits

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  • 7/25/2019 Avocats engags pour un Etat de droits

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    Groupe de travail

    Accs au droit et la justice

    Avocats engags pour un

    Etat de droits

    47 propositions

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    Article 6 de la Convention europenne des Droits de lHomme: Toute personne a droit ce que sa cause soit entenduequitablement,publiquementet dans un dlai raisonnable, par untribunal indpendant etimpartial, tabli par

    laloi [].

    Article premier alina 1 de la Constitution du 4 octobre 1958: LaFrance est une Rpublique indivisible, laque, dmocratique et sociale. Elle assure

    l'galit devant la loi de tous les citoyens sans distinction dorigine, de race ou de

    religion.

    https://fr.wiktionary.org/wiki/%C3%A9quit%C3%A9https://fr.wikipedia.org/wiki/Tribunalhttps://fr.wiktionary.org/wiki/impartialhttps://fr.wikipedia.org/wiki/Loihttps://fr.wikipedia.org/wiki/Loihttps://fr.wiktionary.org/wiki/impartialhttps://fr.wikipedia.org/wiki/Tribunalhttps://fr.wiktionary.org/wiki/%C3%A9quit%C3%A9
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    SOMMAIRE

    Pages

    AVANT-PROPOS .... 7

    TITRE 1 - UN ACCES AUX DROITS GARANTI POUR TOUS...... 15

    1. La ncessit de structures adaptes............. . 16

    1.1 Une relle diversit des structures et des acteurs de laccs aux droits....... 16

    1.1.1 Le Conseil dpartemental de laccs au droit

    1.1.2 La profession davocat

    1.1.3 Les structures daide aux victimes dinfractions pnales1.1.4 La dmatrialisation et lmergence de nouvelles structures

    1.2 Un bilan mitig de lefficience de laccs aux droits........... 21

    1.2.1 La gouvernance, la composition et le fonctionnement des CDAD

    1.2.2 Le rle des barreaux

    2. Lexigence de rponses nouvelles.............. ... 27

    2.1 Rpondre aux besoins de droits des personnes vulnrables...... 272.2 Rpondre aux situations collectives durgence...... 30

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    TITRE 2 - UN ACCES A LA JUSTICE EFFICIENT........ . 33

    1. Une justice accessible tous.............34

    1.1 Le systme de laide juridictionnelle..........341.1.1 Ladmission laide juridictionnelle

    1.1.2 Les mcanismes de recouvrement des frais avancs par lEtat et de retrait de laide

    juridictionnelle

    1.2 Le recours lassurance de protection juridique............ 42

    2. Une dfense pnale effective pour tous............ 45

    2.1 Des avocats volontaires et forms.............46

    2.2 Un contrle effectif par les ordres davocats............. 492.3 Des critres lisibles pour des protocoles simplifis............ 49

    TITRE 3 - LA PROFESSION DAVOCAT PARTENAIRE DUN ETAT

    ENGAGE........................ 51

    1. Un constat et un pralable.............. ... 52

    1.1 Un constat : des ambitions affiches sans moyens........ 521.2 Un pralable : la reconnaissance de la valorisation conomique de la prestation de

    lavocat.......................541.2.1 Lavocat : une fonction, une entreprise

    1.2.2 Qualit et rmunration

    2. Une exigence : agir................. 57

    2.1 Un Etat tenu dassurer laccs la justice............... 57

    2.1.1 La solidarit nationale2.1.2 Le recours des mcanismes dallgement sociaux ou fiscaux

    2.1.3 La correction des ingalits fiscales

    2.1.4 La responsabilisation citoyenne du bnficiaire de laide juridictionnelle

    2.1.5 Les mcanismes de recouvrement du budget de laide juridictionnelle

    2.2 Des partenaires engags pour laccs aux droits.......... .. 692.2.1 Des instances publiques mobilises

    2.2.2 Des partenaires privs sollicits

    2.2.3 Des professionnels impliqus

    2.2.4 Des avocats solidaires

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    AVANT-PROPOS

    Il y a certainement de linsouciance, peut-tre mme un peu dinconscience sengager

    dans une rflexion pour tenter de dfinir ce que pourrait tre une politiqueprofessionnelle de laccs au droit et la justice dans notre pays, en prtendant mmeformuler quelques propositions !

    Le sujet a occup nombre de rapporteurs. Leurs travaux, bien souvent rdigs l initiativedes gouvernements ou du Parlement, sont aujourdhui soigneusement rangs dans lestiroirs dun Etat sans volont, refusant de choisir et donc de consacrer les moyensindispensables une politique ambitieuse daccs au droit et la justice1.

    Nous connaissons, parce que nous y avons particip, les travaux du Conseil national desbarreaux, institution reprsentative des avocats. Mais ceux-ci se sont souvent limits laspect structurel et budgtaire de ces questions2. Notre objectif est diffrent mais peuttre complmentaire parce que nous avons voulu nous affranchir de ces seules rflexions.

    Aujourdhui, les avocats et leurs btonniers paraissent dsabuss. Ils le sont3. Ils nosentplus imaginer quelque perspective que ce soit parce qu ils ne croient plus la loyaut dunEtat qui les considrerait pour ce quils sont, des professionnels comptents et

    indpendants, indispensables acteurs de sa politique.

    Trop rgulirement, les avocats doivent manifester,au risque de donner deux-mmes uneimage caricaturale ou errone. Dans ce mme temps, ils ne parviennent pas se satisfairedactions et de propositions qui se limiteraient lexpression de seules revendications.

    Le groupe de travail mis en place l initiative de la Confrence des btonniers lors des

    manifestations de lautomne 2015 rassemble des anciens btonniers qui, aprs avoirassum la responsabilit de leur ordre, ont prolong leur investissement grce cetteassociation qui regroupe tous les barreaux de province.

    Parce quils sont avocats, ces btonniers ont t linitiative et ont accompagn lesrevendications de leurs confrres. Issus de barreaux diffrents par leur taille, leurs moyenset les difficults auxquelles ils sont confronts, les membres de ce groupe se sont efforcsdimaginer des propositions adaptes lensemble du territoire.

    1Bibliographie n 15 25.2Annexes n 4 et 5.3Annexe n 3.

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    Des responsables de lUnion nationale des Carpa (UNCA) et de la Dlgation desBarreaux de France Bruxelles (DBF) ont partag notre dmarche et y ont apport leursprcieuses comptences.

    Ce groupe na eu dautre objectif et ambition que dengager une rflexion, ouvrir

    des perspectives et proposer quelques initiatives pouvant participer de

    llaboration dun projet de la profession.

    Nos rflexions sont le fruit dexpriences, de rencontres et de dbats avec des acteurs delaccs aux droits et la justice, du monde judiciaire, du monde associatif, des instancesprofessionnelles nationales ou europennes et des reprsentants de nombreux barreauxqui ont mis en place des solutions novatrices et adaptes leurs problmatiquesspcifiques.

    Ce rapport tente de prsenter des propositions parfois innovantes et a pour objectif detirer profit dun certain nombre de bonnes pratiques dclines lchelle locale et dontles ordres pourraient sinspirer lavenir.

    Nous avons imagin que les avocats pourraient tre fiers de signifier leur place

    dacteurs dune authentique politique daccs au droit et la justice de lEtat

    rpublicain.

    Peut-tre avons-nous rv ? Mais, confronts quotidiennement aux difficults de notrejustice, son absence de moyens et donc de considration lui permettant dassurer safonction socitale, confronts galement aux difficults de nombre davocats, vritablesmilitants de laccs aux droits, nous avons eu envie dimaginer pour proposer desvolutions, des inflexions porte de mains parce qu porte de moyens.

    Bien sr, on nous rtorquera sans doute que ce nest pas le moment. Ce nest jamais lemomentdepuis trop longtemps ! Mais en dfinitive, au regard des chances politiques

    et conomiques qui sannoncent, peut-tre est-ce bien le moment dinviter lEtat redonner souffle, perspective, voire renaissance une politique ambitieuse d accs audroit et la justice digne des fondements de notre Rpublique.

    Nous savons que le sujet en lui-mme comme lnonc de propositions ne manquerontpas de susciter la foudre des critiques. Quimporte, nous prenons le risque en mesurantlimpasse dans laquelle se trouverait une profession qui revendiquerait sans projet.

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    Le sujet mrite que lon sattache linstruire : laccs aux droits et la justice fondelEtat de droit rpublicain proclam depuis la Dclaration des droits de lhomme

    et du citoyen.

    Les besoins de droit nont jamais t aussi forts que dans notre socit contemporainedont les volutions et rvolutions conomiques et technologiques lchelle du mondemodifient les repres.

    Tandis que sexprime lexigence constante de plus de justice, plus dquit et plus delibert pour assurer chacun un accs effectif aux droits et la justice, l objectif poursuiviparat sans cesse sloigner.

    Fidles un serment qui les runit par-del leurs diffrents exercices professionnels, lesavocats participent de lEtat de droit rpublicain,lequel doit assurer chacun quelle

    que soit sa situation - et bien souvent quelle que soit sa situation de fortune - un accs auconseil, lassistance et la dfense, ncessairement libres et indpendants. Dans cecontexte, sa place, lavocat contribue aux quilibres qui garantissent la paixsociale.

    LEtat garantit lEtat de droit. Il en va de ses fonctions rgaliennes dassurereffectivement toutes et tous, en tous lieux et en tous moments, le droit fondamental

    laccs aux droits et la justice. Cest donc dabord lEtat quil appartient de mettreen uvre les moyens dune politique qui relve de la solidarit nationale .

    Les grands principes de cette politique sont proclams. Fidle la tradition rpublicaineduniversalit et de gratuit du service public, la politique daide juridictionnelle est fondesur un accs universel des personnes la justice, en ne conditionnant son bnfice qu unsystme de seuil de revenus. Paralllement, laccs aux tribunaux est gratuit, hormis laparenthse durant laquelle a t introduit le droit de timbre. Par ailleurs, lEtat ne tireaucun bnfice du fonctionnement du systme judiciaire.

    Pourtant, si les principes sont clairs, en dpit des proclamations et autres slogans, ilnous est apparu difficile de discerner le projet de l Etat. Certes, nous avons apprcides dispositifs, des structures, des intervenants, parfois des partenaires, mais nous navonspas peru un projet construit, cohrent et lisible pour tous les citoyens.

    Labsence de moyens suffisants ne sinscrit-elle pas justement dans la logique de

    labsence de projet ?

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    Imageons le propos : le budget consacr par lEtat laccs au droit et la justice - cefameux programme 101 - slve en 2016 366 millions deuros en autorisationdengagement4. Laide juridictionnelle en absorbe plus de 91 %, soit 336 millions. Si londduit de cette somme ce qui revient lEtat au titre de la TVA collecte, le budgetconsacr laide juridictionnelle reprsente le prix de lA330 prsidentiel, le prix dunaronef ; un bel et utile aronef, issu dune exemplaire coopration europenne, mais niplus, ni moins quun aronef !

    Ce budget parat condamn ne pouvoir voluer que bien faiblement et douloureusementpour un Etat qui, dans le mme temps, assume des choix - quil arrive aux citoyens dediscuter - concurrence de sommes bien plus considrables.

    Ainsi, en dpit dune augmentation de moins de 2 millions deuros en 2016, les crditsaffects au programme 101 ne retrouvent mme pas leur niveau de 20145! LEtat

    annonce pourtant il y a quelques semaines une revalorisation salariale des enseignantsportant sur une somme trois fois suprieure lensemble du budget de laccs aux droitset la justice dici 20206, assure les agriculteurs de rallonges financires sur 3 ans pourun montant de 3 milliards deuros7 et consacre pour lorganisation de lEuro 2016 unbudget 20% suprieur8. Il ne sagit pas de comparer, certainement pas de stigmatiser, maisde replacer des sommes en perspective des enjeux.

    En dcidant dassumer des choix dans lesquels laccs aux droits et la justice

    nest jamais une priorit, lEtat renonce lexercice dune solidarit qui lui

    incombe. Il ne peut alors dcemment appeler une profession librale une solidaritconomique sans limite qui affecte dsormais sa survie.

    A dfaut dun projet politique port par lEtat avec des moyens adquats, linvestissementquotidien des avocats pourrait se rduire une prestation strictement marchande livreaux seuls oprateurs et concurrents conomiques.

    En sengageant comme ils le font quotidiennement, les avocats se mettent en danger sansparfois le raliser, oublieux des considrations conomiques qui simposent eux par-del

    le serment qui dfinit les valeurs quils portent.

    Ils deviennent alors, sans lavoir toujours dcid, pour les uns des militants de laccs auxdroits et la justice tandis que dautres pourraient tre tents de renoncer leurscomptences ou leur indpendance, imaginant survivre en sacrifiant ce qui fonde notreprofession jusqu lidentifier.

    4Annexe n6.5Loc. cit.6 Le coup de pouce salarial du gouvernement aux professeurs, article paru dans Les Echosdu 31 mai 2016.

    7Manuel Valls promet de nouvelles aides aux agriculteurs, article paru dans Le Mondedu 3 septembre 2015.8Ce budget slevant 450 millions deuros (Football : lEuro 2016 rapporterait 1,2milliard deuros la France, articleparu dans Le Mondedu 29 janvier 2016).

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    Si nous nous laissions aller sans ragir de telles perspectives, nous en viendrions douterde ce que nous sommes.

    Les avocats entendent tre considrs pour ce qu ils sont : des professionnels

    comptents et indpendants assurant leurs fonctions en dirigeant les entreprises

    que sont leurs cabinets.

    Ces qualits exigent considration et donc rmunration. Elles ne se galvaudent pas. Ellessont incompatibles avec la gratuit non rmunre qui caractrise encore certainesinitiatives collectives de la profession. Ces qualits ont leur place dans un march o lesavocats ne sont pas seulement des marchands et o le droit et la justice ne sont passeulement des produits.

    Les avocats ne peuvent pas tre les variables d ajustement dun Etat qui en vient lescontourner, en imaginant des dispositifs dvitement alors quils sont les piliers naturelsdune telle politique. Ils ne peuvent envisager dabandonner leur rle dacteurs dunepolitique daccs au droit et la justice digne de ces mots et entendent simposer enrevendiquant leur identit ;non en se voyant condamns renoncer ce qu ils sont.

    En initiant ce travail, nous avons mesur sa juste et exacte valeur l implicationde nos confrres et les ralisations de la profession, commencer par celles desbarreaux : par leurs multiples initiatives, les ordres adaptent localement des dispositifs etorganisent un accs effectif de tous aux droits et la justice adapt la diversit deterritoires qui ne se rsument plus leur seule dimension gographique.

    Pour autant, quelles que soient la pertinence et la multiplicit des initiatives collectivesordinales, quel que soit linvestissement individuel de chaque confrre, la somme de cesinitiatives et investissements ne peut caractriser elle seule un projet de la profession.

    Nous ne nous sommes pas satisfaits dun relev de lexistant et des constats partags.Nous avons voulu signifier quil tait possible de faire voluer des perspectives tropsouvent dcrites comme sombres et des mentalits ou attitudes de confrres prompts dbattre en se neutralisant lorsquil sagit de proposer.

    Nous avons imagin une profession et des avocats qui portent avec fiert leur

    participation un projet politique ambitieux pour laccs aux droits et la justice

    au bnfice de tous les citoyens.

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    Notre dmarche sest articule autour despostulats suivants :

    - Nous avons dabord considr que la loi du 10 juillet 1991 et le dcret du 19dcembre 1991 demeuraient des textes pertinents. Aussi avons-nous tentdapprcier les conditions dans lesquelles ils taient aujourdhui appliqus et ce

    quils pouvaient permettre galement dambitionner.

    - Les acteurs dune effective politique daccs au droit et la justice doivent

    tre replacs face leurs exactes responsabilitsen redonnant sens aux mots,aux fonctions et aux missions. Nous avons donc port un regard critique et libresur les ralisations ou dmissions des uns et des autres.

    - Nous nous sommes obligs imaginer librement, proposer des dispositifsqui nous sont apparus accessibles. Nous avons pu dcouvrir que des concurrents

    dhier devaient tre nos partenaires de demain et, sans nous laisser aller quelquesmirages, nous avons cherch dterminer de possibles financements.

    - Nous navons pas lud le dbatque lEtat entend initier avec la profession endes termes culpabilisants parce que lappelant une prtendue solidarit financiredont nous navons toujours pas peru lexact fondement. La solidarit est un motqui rsonne auprs de lavocat. Il rsonne si bien que celui qui participe de laccsaux droits et de laccs la justice la met quotidiennement en pratique. Nousvoquerons donc la solidarit, et dj la solidarit de lEtat.

    En dfinitive, nous ne nous sommes interdits quune chose : penser laccs aux

    droits et la justice en postulant la faiblesse des moyens.

    Sagissant de laccs aux droits et la justice, la fin doit justifier des moyens. Ce ne sontpas les moyens - et donc leurs insuffisances - qui doivent dicter une telle politique. Nousavons pris le parti dimaginer et de proposer sans limiter notre rflexion la gestion de lapnurie et aux seules contributions de ceux qui se dvouent.

    Le financement na pas t le pralable notre rflexion. Il peut en tre la

    consquence. Nous avons postul quun vritable projet et une ambition politiquejustifieraient des choix et donc des moyens.

    Nous ne nous sommes mme pas interdits dinviter lEtat recourir au juge et auxdispositifs judiciaires en ces temps o ses capacits dimagination sont mises au service destratgies dvitement et de dilution de lautorit judiciaire !

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    Le droit fonde et organise la socit rpublicaine. Il ne se dfinit pas par rapport

    aux moyens. Il dicte des choix y compris budgtaires ce qui ninterdit pas, bien aucontraire, de rflchir son exacte place, lexacte place de la justice et des juges dans lasocit nouvelle que nous devons construire pour que les citoyens nen viennent pas lasubir.

    Nous revendiquons donc pour lEtat lentire responsabilit des fonctions quil doitassumer et pour les avocats la pleine responsabilit des missions qu ils doivent assurer aubnfice dune politique de laccs au droit digne de ce nom.

    Nous navons postul ni la faiblesse des moyens de l Etat, ni la faiblesse de la

    profession.

    En ralit, nous avons voulu inverser la faon daborder un mme sujet en nonant

    dabord ce que devrait tre laccs aux droits et la justice efficient dans un Etatrpublicain, revendiqu, non comme une histoire dpasse ou une utopie sans avenir,mais comme un dfi que nous devons relever aujourdhui.

    Dans cette approche,

    - nous avons explor les initiatives et dispositifs mis en place hors de

    lhexagone et notamment en Europe pour tenter den tirer tous enseignementsutiles. Nous avons pu mesurer les limites de cet exercice tant l accs aux droits et

    la justice est dpendant de lorganisation politique et judiciaire propre chaquepays.

    - nous avons galement apprci les considrables apports des nouvelles

    technologies de linformation et de la communication et les indispensablesrationalisations quelles permettent. Nous avons pu aussi en considrer les limites,lintervention de lavocat exigeant de garantir la qualit et lhumanit quidfinissent une authentique prestation de droit et de justice.

    Les membres de notre groupe ont contribu ce rapport avec leurs convictions et leursides.

    Nous navons pas toujours t daccord, mais nous nous sommes toujours

    accords sur le fait que le sujet tait trop important pour nous inviter de fades

    compromis. Chacun dentre nous sest trouv sa place, complmentaire et enrichie dansun groupe mobilis autour dun objectif ambitieux auquel nous tentons simplement

    dapporter notre pierre.

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    Plus que jamais au terme de ces mois de travail, de rencontres, de rflexion, de dbats,dauditions, de rdaction, nous prenons conscience de nos imperfections et insuffisances.Si ce travail ne devait avoir quune utilit, ce serait dengager la profession dans un dbatconstructif.

    Nous tenons particulirement remercier les prsidents Marc Bollet et Yves

    Mahiu qui ont initi et soutenu cette dmarche . Nous voulons aussi remercier lesacteurs de la profession commencer par les btonniers et membres des conseils

    de lordre qui nous ont toujours accueillis chaleureusement en prsentant leurs

    contributions et ralisations.

    La loi du 10 juillet 1991 distingue laide juridictionnelle, laide laccs au droit -au singulier et nous avons eu laudace de les considrer pluriels - et enfin, laide lintervention de lavocat dans les procdures non juridictionnelles.

    Il nous est apparu pertinent daborder en premier lieu laccs aux droits pour voquerensuite laccs la justice en distinguant alors les dispositifs relevant de l accs au systmejudiciaire de dispositifs qui assurent lassistance et la dfense confronts au systmejudiciaire.

    Notre dernier dveloppement sest ainsi logiquement inscrit comme une consquencepermettant souvent de dfinir des partenariats, mais exigeant que lEtat sengagersolument dans la construction dune vritable politique daccs au droit et la justice qui

    disposerait des moyens permettant, au-del des vux et slogans, de parvenir deffectivesralisations.

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    TITRE 1 - UN ACCES AUX DROITS GARANTI POUR

    TOUS

    Plan

    1. La ncessit de structures adaptes

    1.1 Une relle diversit des structures et des acteurs de laccs aux droits

    1.1.1 Le Conseil dpartemental de laccs au droit

    1.1.2 La profession davocat

    1.1.3 Les structures daide aux victimes dinfractions pnales

    1.1.4 La dmatrialisation et lmergence de nouvelles structures

    1.2 Un bilan mitig de lefficience de laccs aux droits

    1.2.1 La gouvernance, la composition et le fonctionnement des CDAD

    1.2.2 Le rle des barreaux

    2. Lexigence de rponses nouvelles

    2.1 Rpondre aux besoins de droits des personnes vulnrables2.2 Rpondre aux situations collectives durgence

    La loi n 91-647 du 10 juillet 1991 relative laide juridique, en son article 53, dfinit ainsilaccs au droit :

    Laide laccs au droit comporte :

    1 Linformation gnrale des personnes sur leurs droits et obligations ainsi que leur orientation vers

    les organismes chargs de la mise en uvre de ces droits ;

    2 Laide dans laccomplissement de toute dmarche en vue de lexercice dun droit ou de lexcution

    dune obligation de nature juridique et lassistance au cours des procdures non juridictionnelles ;

    3 La consultation en matire juridique ;4 Lassistance la rdaction et la conclusion des actes juridiques .

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    Cette dfinition illustre lvidence la multiplicit des droits et laccs pluriel qui enrsulte ; la loi consacrant sans distinction les personnes susceptibles de faire valoir cesdroits.

    Laccs aux droits procde de multiples dispositifs que lEtat a confi au gr du temps des acteurs de natures diverses. Sans vision densemble, le constat se caractrise dj parlabsence dvaluation de limplication des intervenants.

    La ncessit de structures adaptes (1) apparait indispensable pour apporter des rponsesnouvelles aux besoins de droits (2) en tout lieu du territoire national.

    1.

    LA NECESSITE DE STRUCTURES ADAPTEES

    1.1 Une relle diversit des structures et des acteurs de laccs

    aux droits

    1.1.1

    Le Conseil dpartemental de laccs au droit

    Larticle 54 de la loi du 10 juillet 1991 prvoit l institution, dans chaque dpartement, dunConseil dpartemental de laccs au droit (CDAD).

    Les 101 CDAD, groupements dintrt public chargs de recenser les besoins, de dfinir unepolitique locale, de dresser et diffuser linventaire de lensemble des actions menes , assurent unecouverture gographique sur lensemble du territoire national. Il leur revient dorganiserlaccs aux droits dans les dpartements.

    Les CDAD runissent les reprsentants de lEtat et du dpartement, lordre des avocatsou lun des ordres en cas de pluralit de barreaux dans un mme dpartement, la Carpa, lachambre dpartementale des huissiers, la chambre dpartementale des notaires et uneassociation uvrant dans le domaine de laccs aux droits (articles 55 et 56 de la loi).

    Chaque CDAD est prsid par le prsident du tribunal de grande instance du chef-lieu dudpartement, le procureur y exerant la fonction de commissaire du Gouvernement. Unerforme lannonce en qualit de vice-prsident9.

    9Article 1erdu projet de loiportant application des mesures relatives la justice du XXIme sicle.

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    Les moyens de ces structures sont assurs par un cofinancement de leurs membres etnotamment de lEtat, du dpartement, des organismes professionnels, dont les ordresdavocats et leur Carpa10. Il peut ltre en numraire ou en nature.

    Les professionnels qui assurent une permanence pour dispenser informations etconsultations juridiques peuvent percevoir du CDAD une rtribution horaire qui ne peutexcder trois fois lunit de valeur de rfrence en matire daide juridictionnelle (article69-1 de la loi, complt par le dcret n 2000-4 du 4 janvier 2000 fixant la rtribution desconsultations juridiques en matire daccs au droit), soit un montant de 79,5 (sur la base du

    montant de lUV qui slve aujourdhui 26,5 ).

    Afin dassurer une prsence largie dans le dpartement, les CDAD ont dvelopp diversdispositifs daccs au droit et ainsi cr 1 200 Points daccs au droit (PAD).

    Les PAD sont des lieux daccueils gratuits et permanents pour le public. Ils ont pourmission dapporter une information juridique de proximit sur les droits et devoirs descitoyens, par la mise en place de consultations juridiques.

    Ils sont crs en milieu essentiellement urbain et peuvent tre gnralistes ou spcialiss(PAD jeunes, en tablissements pnitentiaires, en hpitaux psychiatriques etc.). Ils sontanims par des professionnels du droit, dont les avocats, et par des juristes du secteurassociatif.

    Par ailleurs, des Maisons de la Justice et du droit (MJD), tablissements judiciairesplacs sous lautorit du prsident du tribunal de grande instance et du procureur de laRpublique, ont t cres avec pour objectif de rapprocher la justice des citoyens, enparticulier dans les zones sensibles ou les zones rurales, afin de pallier la suppression desjuridictions11.

    Les interventions en matire daccs aux droits sont assures par le personnel permanent

    des MJD (63%), les associations (20%) et par les professionnels du droit (17%).

    1.1.2

    La profession davocat

    Les 164 ordres davocats contribuent activement laccs aux droits par divers moyens :

    10En 2013, le budget des CDAD est de 10,5 M, 45% de cette somme provenant du Min istre de la Justice, 13% du

    conseil gnral, 7% du conseil rgional, 3,3% des professionnels du droit, 0,5% des CARPA et 0,06% desassociations membres de droit (bibliographie n16, p.21).11En 2014, il existait 137 MJD au sein de 29 cours dappels couvrant 60 dpartements (bibliographie n16, p.22).

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    - En premier lieu, par leur participation la constitution et au fonctionnementquotidien des CDAD.

    La place centrale quils occupent dans les divers dispositifs mis en place au sein desCDAD ainsi que leur investissement sont incontestables12. Toutefois, ils peuvent parfois

    avoir le sentiment dtre relgus au rang de simples contributeurs financiers, mettant disposition des avocats pour assurer des consultations rmunres - ou non - selon desusages locaux alatoires.

    - Par ailleurs, les ordres dveloppent galement des initiatives autonomes endehors des CDAD.

    Ces initiatives peuvent prendre la forme de partenariats avec des entreprises ou destablissements publics. Pour ne citer que quelques exemples : Mercredi, jen parle avec mon

    avocat (barreau de Lyon), consultations, souvent non rmunres, dans les chambres desmtiers, chambres de commerce et dindustrie, en cabinet (barreau de Tarascon), auconseil de prudhommes (barreau de Saintes), en milieu scolaire (barreau de Saint-MaloDinan), au sein mme de grandes entreprises (barreau de Toulouse avec Mto France etla Direction de laviation civile), dans le cadre dmissions de radio locales (barreau deBourges), la CGPME, au MEDEF, ple emploi, dans les hpitaux etc.

    On peut aussi voquer le bus barreau Paris solidarit que le barreau de Paris fait stationneraux portes de la capitale. Ce type dinitiatives mriterait dtre promu et financ par les

    CDAD avec lappui des collectivits locales (emplacement de stationnement, affichagedinformation, mise disposition de personnel).

    Il doit tre galement mentionn dautres initiatives annuelles telles que la journePrison initie par la Confrence des btonniers ou encore la journe des fiscalistes laquelle participent galement les professions du chiffre, qui sont organises par denombreux barreaux.

    Signalons enfin lassociation davocats bnvoles Initiadroit cre en 2005 et dont la

    mission est douvrir le droit aux jeunes notamment par des interventions dans les collgeset lyces partir de cas pratiques ; 1 000 avocats rpartis dans 17 barreaux se sont cejour associs cette initiative citoyenne.

    12A titre illustratif, pour lanne 2014, au sein du CDAD de la Haute-Garonne (compos de 53 structures daccs audroit), 9 300 consultations juridiques gratuites ont t dlivres par des professionnels du d roit, dont 8 500 lont t

    par des avocats (92%). Au CDAD de Versailles (compos de 18 structures daccs au droit), ce chiffre slve, pourlanne 2015, 96% (sur un total de prs de 3000 consultations juridiques). Cette proportion est sensiblement lamme dans tous les CDAD.

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    De nombreux barreaux ont aussi conclu des conventions avec les associations de victimespour rappeler et parfois organiser la complmentarit de leurs actions respectives.

    1.1.3

    Les structures daide aux victimes dinfractions pnales

    Les victimes dinfractions pnales font lobjet dune attention particulire. En effet, leursituation ne pouvant se rduire une simple rponse judiciaire, des dispositifs spcifiquesont t mis en place pour accompagner matriellement et psychologiquement cespersonnes jusqu indemnisation.

    Ces dispositifs sont dissmins entre plusieurs ministres, principalement le ministre dela Justice, mais aujourdhui galement le secrtariat dEtat daide aux victimes rattachauprs du Premier ministre.

    Pour le ministre de la Justice, laide aux victimes est une action bnficiant dun budgetspcifique au sein du programme 101.

    Jusquen 2009, cette action reposait essentiellement sur un rseau dassociations localesdaides aux victimes. Celles-ci sont aujourdhui au nombre de 166 sur tout le territoire13.

    Depuis lors, pour amliorer laccueil des victimes, le gouvernement a progressivement misen place, partir de 2009, les bureaux daide aux victimes (BAV) implants dans les

    tribunaux. Ces structures se sont gnralises partir de 2012.

    Elles ont pour objectif daccueillir, de soutenir et dorienter les victimes tout au long de laprocdure pnale.

    Organises rglementairement entre la juridiction et les associations, laction de laConfrence des btonniers a permis dassocier les ordres davocats aux conventionsconstitutives des BAV, afin que la protection des victimes soit assure par lactionconjugue de la juridiction, du parquet, des avocats et du monde associatif.

    Au 31 dcembre 2015, 160 tribunaux de grande instance taient dots dun bureau daideaux victimes14, le gouvernement souhaitant les tendre aux cours dappel.

    1.1.4

    La dmatrialisation et lmergence de nouvelles structures

    La numrisation simpose au monde juridique.

    13Bibliographie n15, page 9.14Bibliographie n15, page 10.

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    La profession davocat sest engage trs rapidement dans cette voie, tant au niveau descabinets, largement quips de logiciels mtiers, quau niveau institutionnel, endveloppant en concours avec la Chancellerie la dmatrialisation des changes.

    Cependant, lmergence rcente des plateformes numriques, lapparition de nouveauxintervenants et dune manire gnrale, les nouveaux comportements des consommateurs,interpellent la profession davocat sur les outils dont elle doit se doter pour demeurer uninterlocuteur pertinent sur le march de laccs aux droits.

    Sans beaucoup de cohrence, les CDAD comme les ordres tentent aujourdhui derpondre ces nouveaux dfis.

    En effet, la profession davocat ne peut laisser les seuls acteurs privs rpondre lademande du march, au dtriment parfois de la comptence, souvent de lindpendance et

    en saffranchissant de toute dontologie.

    Pour faire face ces risques et assurer la place des avocats dans ce qui est aujourd hui unmarch concurrentiel, le Conseil national des barreaux vient de mettre disposition desavocats uneplateforme nationale de consultations juridiques en ligne15.

    Dautres structures et mcanismes daccs aux droits, dorigines et dinitiatives diverses, sesont dvelopps.

    Les boutiques du droit, le plus souvent organises sur le mode associatif etcomposes de juristes, avocats ou non, mais aussi de non juristes, entendent participer lavie locale en proposant des services le plus souvent gratuits. Elles se prsentent commeune alternative au cabinet davocat.

    Lintervenant y agit comme un mdiateur et un tacticien du droit. Elles sont installesdans des quartiers sensibles, parfois prsents comme des zones de non-droit.

    Elles ambitionnent dtre accessibles tous par la gratuit, leur proximit et leur souplessede fonctionnement. Toutefois, certaines demandent une contribution aprs service ouexigent au pralable ladhsion de la personne lassociation.

    Enfin, les cliniques du droit sont des dispositifs de formation dans le cadre desquelsdes lves-avocats ou des tudiants en droit reoivent les justiciables et, sous la tutelledun professionnel, les orientent et les informent sur leurs droits16.

    15Communiqu de presse du CNB du 25 mars 2016 : le CNB annonce le lancement de la plateforme officielle de consultations

    juridiques distance des avocats ds mai 2016. Ouverte au public depuis le 15 juin 2016, cette plateforme est accessible ladresse suivante:https://consultation.avocat.fr.16Ces cliniques du droit, cres au sein duniversits, sont aujourdhui au nombre de 8 en France (annexe n12).

    https://consultation.avocat.fr/https://consultation.avocat.fr/https://consultation.avocat.fr/
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    1.2 Un bilan mitig de lefficience de laccs aux droits

    1.2.1

    La gouvernance, la composition et le fonctionnement des

    CDAD

    La gouvernance, telle quelle est prvue par les textes, rduit laccs aux droits au seulprisme de lactivit judiciaire et plus encore, dune seule juridiction.

    Par ailleurs, lactivit et linvestissement des magistrats diffrent considrablement selonlintrt personnel quils portent ces questions et cette structure, cet inconvnient tantaccentu par le fait que la fonction nest pas assure de manire prenne.

    Limage ainsi renvoye nest pas fidle la ralit tant des missions dvolues par la loi aux

    CDAD que de la diversit des actions quils doivent ambitionner de mener. Par ailleurs,elle ignore les orientations politiques tendant djudiciariser les contentieux et promouvoir les modes alternatifs de rglement des conflits.

    En outre, la prsence exclusive dune seule association membre de droit du CDAD, auxtermes de larticle 55, peut constituer un obstacle au dynamisme du tissu associatif local.

    Enfin, en privilgiant le financement dassociations par le truchement des CDAD, lespouvoirs publics peuvent avoir tendance contourner les professionnels du droit, dont

    les avocats, pour assumer pourtant des missions qui leur incombent.

    Ils organisent ainsi une relation conomique dsquilibre entre associationssubventionnes et professionnels libraux, crant une concurrence conomiquement trsdiscutable.

    Ils contribuent galement accentuer une regrettable dfiance plutt que de favoriser dencessaires et utiles rapports de complmentarit entre partenaires.

    Afin damliorer lefficacit du fonctionnement et de laction des CDAD, leurcomposition doit tre reconsidre pour les ouvrir de nouveaux partenaires tantpolitiques quassociatifs ou culturels. En effet, de tels partenairessont dj inscrits dans lepaysage urbain et participent de laccs aux droits, voire supplent aux carences desinstitutions. Ainsi, la lgitimit des CDAD serait renforce et leur permettrait de sinvestirpleinement pour dfinir une politique daccs au droitcohrente et efficiente lchelle dudpartement.

    Proposition 1 : Ouvrir les conseils dpartementaux de laccs au droit dautres

    partenaires politiques, associatifs et culturels.

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    Pour organiser un accs aux droits adapt aux diversits territoriales et sociologiques etpour impliquer et solliciter linvestissement de tous les acteurs, il convient dassurer chacun une place essentielle dans les dispositifs de gouvernance de la structure.

    Le prsident du tribunal de grande instance nous est en dfinitive apparu le plus mmede prserver lquilibre et limpartialit de la structure. Cependant, le groupe de travailprconise une implication plus forte des acteurs se traduisant par une vice-prsidencecollgiale confie au prsident du Conseil dpartemental, au prsident de la communauturbaine et au btonnier de lordre des avocats.

    Proposition 2 : Assurer au prsident du conseil dpartemental, au prsident de la

    communaut urbaine, et au btonnier une fonction de vice-prsidents du CDAD.

    Les CDAD doivent assurer un accs aux droits en tout lieu du territoire. Cette ncessitsimpose de plus fort dans les zones gographiques les plus sensibles o la rponse certains conflits peut aujourdhui sorganiser en marge des rgles de droit de laRpublique.

    Les conseils dpartementaux de laccs au droit doivent donc dvelopper des dispositifsinnovants, dynamiques et parfois mobiles pour aller au plus prs des personnes et desdifficults quelles rencontrent, sans attendre que celles-ci se manifestent.

    Proposition 3 : Inciter les CDAD investir les zones de non-droit avec desmoyens adapts.

    De plus, lefficacit de dispositifs htrognes et souvent peu lisibles nest passrieusement value, ce qui provoque un sentiment de confusion ressenti non seulementpar les ordres mais aussi par certaines collectivits locales ou autres professionnels tentsde se dsintresser des actions ou de se dsengager financirement du CDAD.

    Chaque CDAD rdige annuellement un rapport dactivit dcrivant ses actions et unrapport financier relatif lutilisation de son budget. Ce document transmis lEtat a pourfonction premire dassurer la transparence de la structure et de mesurer les implicationsfinancires des acteurs.

    En retour, il est regrettable quaucun document national annuel ne soit tabli. Un teldocument permettrait dapprcier limpact rel sur le terrain des fonds et moyens mis disposition des CDAD et damliorer les pratiques et la diffusion dinitiatives novatrices.

    Proposition 4 : Exiger la rdaction dun rapport annuel sur lactivit des CDAD etsur leurs financements.

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    Laccs au droit concerne galement les victimes dinfractions pnales ; ces derniresdoivent en effet tre informes, orientes et conseilles pour exercer par exemple uneaction en rparation.

    Dans ce contexte, il parat ncessaire dtendre la comptence des CDAD laide auxvictimes17.

    A ce titre, les bureaux daide aux victimes pourraient tre conus comme des pointsdaccs au droit dpendants des CDAD. Ceux-ci seraient ainsi incits dvelopper desPAD dans des lieux spcifiques afin de rpondre des situations de souffrance, defragilit ou de vulnrabilit (hpitaux, commissariats etc.).

    Linstitution des BAV comme points daccs au droit dpendants des CDAD permettraitgalement de remdier au contournement actuel des avocats au profit de membres

    dassociations dont il peut tre difficile dapprcier la formation et la comptence, gagesdun accs effectif aux droits.

    Proposition 5 : Instituer les BAV en tant que point d accs au droit dpendants des

    CDAD.

    1.2.2

    Le rle des barreaux

    a.

    Une prsence sur le territoire

    Lordre des avocats est naturellement ouvert sur la cit. Il est essentiel pour garantir touset en tout lieu un accs effectif aux droits.

    La maison des avocats, pour les barreaux qui en sont dots, constitue un point daccs auxdroits et la justice. Cest en ce lieu que certains citoyens et justiciables se dirigentspontanment lorsquils sont en demande de droit. Il arrive nanmoins quelle soit trop

    peu utilise cette fin ; il en est de mme des locaux des ordres au sein des palais dejustice.

    Lorsque linfrastructure matrielle le permet, lordre des avocats doit tre le lieudaccueil des professions juridiques et judiciaires(experts, huissiers, notaires, avocats,conciliateurs et mdiateurs, etc.) pour dvelopper une information concerte sur les droitset les modes alternatifs de rglement des litiges.

    17Cette proposition figure larticle 1erdu projet de loiportant application des mesures relatives la justice du XXIme sicle,qui modifie larticle 55 de la loi de 1991 pour que les associations daide aux victimes deviennent membres de droitdes CDAD.

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    Les locaux des ordres ou les maisons des avocats pourraient devenir des PAD spcifiquescoordonns avec le CDAD, assurant des consultations gratuites rmunres pour leprofessionnel.

    Cette perspective prsenterait, dune part, dincontestables atouts en termes decommunication externe et de visibilit dans la vie de la cit et dautre part, conforteraitlavocat sa place dinterlocuteur privilgi de laccs aux droits, considr comme leprofessionnel qui conseille et oriente dans un dispositif global cohrent.

    Proposition 6 : Promouvoir les locaux des ordres des avocats comme de vritables

    points daccs aux droits accueillant lensemble des acteurs des dispositifs

    judiciaires, juridiques ou alternatifs.

    Malgr linvestissement incontestable des avocats dans les structures daccs aux droits,les barreaux sont encore trop souvent perus comme de simples contributeurs du CDAD.De telles situations participent dun climat de mfiance, parfois de dfiance dans larelation entre les ordres et le CDAD auquel ils appartiennent.

    Par ailleurs, le champ daction des CDAD trouve ses propres limites. En effet, lesfinancements limitativement noncs par les articles 57 et 68 de la loi du 10 juillet 1991 nepermettent pas dassocier naturellement des partenaires privs.

    Ds lors, certains barreaux concluent des partenariats privs ou publics spcifiques nedpendant pas des CDAD, situation qui participe lillisibilit de dispositifs daccs auxdroits qui peuvent se concurrencer.

    Enfin, dans certaines situations, des besoins de droit spcifiques peuvent merger,appelant une rponse financire et juridique immdiate.

    Cette rponse peut notamment impliquer la mise en place de partenariats privs avec desentreprises ou lappel au mcnat. Celles-ci peuvent y gagner en dveloppant des actions

    de communication autour de valeurs qui rsonnent dans la cit et que la profession porte(solidarit, partage, vivre-ensemble, humanit). LEtat favorise dailleurs indirectement detelles initiatives en y associant un avantage fiscal pour le mcne.

    Il ne faut pas ignorer lapport que constituent ces divers partenariats qui

    rpondent des besoins effectifs de droit.

    Ces initiatives mritent dtre dveloppes car elles permettent de multiplier des actionscibles daccs aux droits au bnfice du plus grand nombre, conformment aux principesde responsabilit sociale des entreprises qui les guident.

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    procdures en matire civile et pnale et notamment les dpts de plainte en ligne paravocat18, ainsi que la gestion systmatique de la mise en tat.

    Ce mode de connexion hautement scuris - qui reprsente un cot pour les cabinetsdavocats et un investissement considrable pour la profession - doit, en outre, permettredaccder de nombreux services publics en ligne afin deffectuer des formalits :

    cadastres, hypothques, tat civil, greffes, etc.

    Le recours par les avocats aux outils lectroniques doit galement tre tendu afindassurer une meilleure communication avec leurs clients et une gestion plus rapide et

    efficiente des dossiers : GED (gestion lectronique de documents), cloud priv, actesdavocats dmatrialiss, archivage lectronique, signature lectronique, factureslectroniques etc.

    Par ailleurs, des socits innovantes ont pu se dvelopper depuis quelques annes dans ledomaine du droit (les legal start-up ). Elles permettent dautomatiser la saisine dejuridictions, de rdiger des contrats, de constituer des socits ou de donner desconsultations. Elles rfrencent galement les avocats, les notent ou leur fournissent desplates-formes de consultation en ligne.

    Si les avocats doivent sadapter cette nouvelle concurrence, ils doivent aussi et surtout

    ne pas hsiter faire valoir leurs comptences comme leur dontologie. Ces valeurs sontseules lgitimer la confiance que les consommateurs de droit peuvent et doivent exiger.

    Proposition 8 : Intgrer les nouvelles technologies de linformation et de la

    communication ainsi que la dmatrialisation.

    Le dveloppement des plateformes de consultations juridiques

    Dans un contexte marqu par un besoin toujours croissant de droit conjugu auxbouleversements rsultant du dveloppement des nouvelles technologies, les barreaux

    doivent sadapter pour devenir galement de vritables points daccs au droitdmatrialiss.

    Face lubrisation du droit qui voit se multiplier les initiatives dacteurs privsmarchands, les avocats, auxiliaires de justice et acteurs essentiels de laccs aux droitsdoivent faire voluer leurs pratiques ; ces volutions passent notamment par ledveloppement et la promotion, par la profession, de plateformes de consultationsjuridiques.

    18Il sagit dune proposition dj formule par le Conseil national des barreaux dans son Livre Blanc sur le projet deloi Justice du XXIme sicle (bibliographie n29, proposition 22).

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    Cest dans ce cadre que sinscrit lheureuse initiative du Conseil national des barreaux decrer une plateforme de consultations juridiques, qui permet chaque avocat d investir lemonde numrique en assurant une prestation de qualit et donc concurrentielle sur lemarch, justement parce quelle se diffrenciera ainsi de sites pour lesquels le droit nestconsidr que comme un seul produit.

    Les ordres doivent tre les promoteurs de ces plateformes afin den garantir ledveloppement et lappropriation par les avocats.

    Mais surtout, les ordres doivent tre les seuls assurer, sans filtre, le contrledontologique mme de garantir la qualit de la consultation par un professionnel dudroit comptent et indpendant.

    Ainsi, les barreaux qui organisent et doivent dvelopper plus encore un accs physique

    aux droits, doivent galement investir sans dlai les accs numriques pour assurer uneproximit qui ne se rsume plus la seule gographie territoriale.

    Proposition 9 : Inciter les ordres dvelopper des plateformes de consultations

    juridiques et en assurer leffectif contrle dontologique.

    2. LEXIGENCE DE REPONSES NOUVELLES

    2.1 Rpondre aux besoins de droits des personnes vulnrables

    Les personnes physiques les plus fragiles ou vulnrables, quelles soient mineures, seniors,trangres, incapables, en situation de handicap mais encore les personnes moralesconfrontes des difficults conomiques, bnficient de multiples services pour lesaccompagner dans la vie sociale.

    2.1.1

    Les personnes en situation de vulnrabilit

    Des dispositifs efficaces sont mis en place par les barreaux pour assurer aux mineurs unaccs aux droits et une dfense judiciaire effectifs19. Certains barreaux ont aussi pudvelopper des permanences spcifiques dans dautres domaines, par exemple pour lespersonnes malentendantes ou ncessitant lintervention dun traducteur20.

    19De trs nombreux barreaux dispensent des consultations juridiques gratuites pour les mineurs dans les locaux delordre. Cest notamment le cas dans les barreaux dAngers, de Toulon, de Rennes, de Bayonne et de Saint-Etienne.20Ce qui est notamment le cas au barreau de Paris.

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    De tout temps, la profession davocat sest investie pour laccs aux droits des personnesen situation de handicap et notamment pour leur assurer une accessibilit aux ordres etaux cabinets, lavocat pouvant se dplacer chez son client lorsque cela savre ncessaire.

    Pour autant, les dispositifs daccs aux droits napparaissent pas toujours adapts

    toutes difficults, fragilits ou vulnrabilitset sont encore trop peu organiss par laprofession elle-mme.

    Ainsi, on estime aujourdhui 800 000 le nombre de personnes bnficiaires dunemesure de protection juridique en France. Dici 2050, on prvoit une hausse de 80% despersonnes ges de 60 ans ou plus, par rapport leur nombre en 2005. De 6 8 millionsde personnes pourront tre atteintes de maladies dgnratives.

    Le droit des majeurs protgs ou des personnes vulnrables prend, la lumire de ces

    chiffres, une acuit toute particulire. La profession doit rpondre ces besoins de droitscroissants, en troite relation avec les associations qui accompagnent gnralement cespersonnes.

    Dune manire gnrale, la profession doit apporter des rponses adquates ces

    situations de fragilit, qui exigent des comptences spcifiques et un accompagnementprenne aux cts des structures sociales.

    Il convient dj dadapter la formation des avocats aux situations sociologiques ou

    conomiques spcifiques qui ne se rsument pas des seules situations de droit.

    Mais encore, la cration de groupes davocats forms au sein de chaque barreau ou lchelle des cours dappel, rpondrait lexigence de qualit laquelle les ordres sontattachs. Elle permettrait en outre un trs utile retour sur exprience pour les confrres.

    Un certificat de spcialisation droit des situations de vulnrabilit pourrait mmeconsacrer une telle formation.

    Proposition 10 : Organiser au sein des barreaux le regroupement davocatsvolontaires forms pour rpondre aux besoins spcifiques des personnes

    vulnrables.

    De nombreuses bonnes pratiques au sein des barreaux ont pu tre identifies. Parmicelles-ci, la mise en place dun avocat rfrent auprs de la personne mineure21.

    21Cest le cas notamment dans les barreaux de Seine-Saint-Denis et de Lille, o le mme avocat suit le mineur jusqusa majorit.

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    Le groupe de travail prconise le dveloppement de lavocat rfrent afin dassurer un

    accompagnement des personnes tout au long des priodes de vulnrabilit ou dedifficults qui les affectent.

    Cet accompagnement, gage de scurit pour la personne, permettrait lavocat rfrent

    dassurer une assistance et une protection plus efficaces grce une meilleureconnaissance de lensemble des difficults rencontres par elle, en intervenant en relationavec les structures sociales ou les associations sollicites.

    Cet avocat rfrent saurait au besoin et sur un sujet ncessitant une connaissancespcifique, orienter son client vers un avocat spcialis.

    Proposition 11 : Permettre la mise en place dun avocat rfrent pour assurer

    laccompagnement des personnes en situation de vulnrabilit.

    2.2.2.

    Les professionnels en situation de vulnrabilit

    Ces situations de fragilit des particuliers ne sont pas exclusives de celles desprofessionnels, particulirement en charge des TPE ou PME. Leurs besoins de droit sontplus prgnants au moment de leur cration ou lorsquelles sont confrontes desdifficults conomiques.

    Le rpertoire des aides publiques recensent plus de 3 000 dispositifs, que ce soit desmesures dallgement ou exonration dimpt, des aides directes, des report s de dlais etc.De plus, les intervenants sont divers et varis selon la nature de lentreprise (chambresconsulaires, Etat, comit dpartemental).

    Cette complexit peut dissuader ces professionnels en besoin de droits.Les socits coopratives dintrt collectif (SCIC) pourraient rpondre ces difficults,en runissant :

    -LEtat et/ou les collectivits territoriales ;

    - Les professionnels du droit et du chiffre ;- Les reprsentants des TPE/PME ;- Les chambres consulaires.

    Ces SCIC regrouperaient les dispositifs existants en les uniformisant au plan national etassureraient une rmunration des interventions des professionnels.

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    Par ailleurs, le CNB a adopt, le 19 janvier 2012, un utile dispositif assurance sant delentreprise en partenariat avec le Conseil suprieur de l ordre des experts comptables22.Beaucoup dassurances reprennent ce dispositif au titre de leurs garanties. Nanmoins, ilreste encore dans les faits trop mconnu des bnficiaires. De plus, cette prescription duCNB ntant pas obligatoire pour les assureurs, tous ne proposent pas une telle garantie.

    Le groupe de travail est favorable rendre obligatoire ce dispositif.

    Proposition 12 : Crer un fonds gr par une SCIC mme de rpondre aux

    besoins de droits des professionnels en rmunrant les intervenants professionnels

    et rendre obligatoire lassurance sant de lentreprise.

    2.2

    Rpondre aux situations collectives durgence

    Les situations collectives durgence se multiplient, laissant les btonniers et leurs ordresqui y sont confronts souvent dmunis face des vnements qui ncessitent unemobilisation immdiate et adapte.

    La profession davocat sest toujours organise dans lurgence pour faire face descatastrophes naturelles, cologiques, industrielles (tempte Xynthia, tunnel du Mont-Blanc, AZF), ariennes ou maritimes. Les attentats auxquels notre pays est confront

    dmontrent malheureusement la terrible ncessit dune rponse plus adapte.Laccroissement et lvolution des flux migratoires nous confrontent galement dessituations qui ncessitent dautres rponses.

    Individuellement, lavocat sait sinvestir et apporter son assistance aux personnesdmunies et en dtresse dans de telles circonstances.

    Toutefois, ces investissements mritent dtre structurs au niveau local mais aussi

    national pour en amliorer lefficacit.

    Une telle organisation de la profession davocat aurait le mrite dune prsencecoordonne, cohrente et protectrice des victimes, en des moments o lmotion est forteet o la prsence de lavocat savre indispensable pour viter tout abus organis par despersonnes peu scrupuleuses pouvant profiter de la faiblesse, de la souffrance et de ladtresse des personnes.

    22Voir plaquette de prsentation du dispositif assurance Sant de lentreprise sur le site du CNB (juillet 2012).

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    Tout barreau confront une situation exceptionnelle ncessitant une mobilisationcollective et solidaire doit savoir quil nest pas seul.

    Un numro national durgence mis en place par la Confrence des btonniers pourraitpermettre dorganiser linformation et la mobilisation des ordres dans le cadre duneprocdure adapte et pralablement prouve.

    Ce dispositif serait galement mis la disposition des autorits publiques, des services delEtat, des collectivits locales et des associations, qui auraient ainsi la possibilit d alerteret de solliciter la profession sur une situation durgence ncessitant une ractionimmdiate.

    Proposition 13 : Mettre en place un mcanisme dalerte et dintervention entre les

    barreaux pour rpondre, en concours avec les services de lEtat et tous

    intervenants, aux situations collectives durgence.

    Un vade-mecum du barreau confront une situation durgence pourrait tre rdig linitiative de la Confrence des btonniers, en prenant appui sur lexprience des barreauxqui ont dj t confronts ces situations.

    Proposition 14 : Rdiger un vade-mecum destin aux barreaux confronts une

    situation collective durgence.

    Concernant plus spcifiquement les victimes de telles catastrophes, il convient deconcevoir des partenariats permettant dapporter des rponses adaptes et dassurer leurprise en charge jusqu indemnisation, tout en vitant chaque fois que cela sera possibleun recours massif aux tribunaux, lesquels sont bien souvent dans lincapacit de rpondredans des dlais adapts.

    Au-del dune formation juridique spcifique, il convient de dvelopper une formationcomportementale, organisationnelle et mthodologique, afin que la profession et lesavocats apprennent travailler en partenariat avec les associations qui uvrent sur placeen relation avec les dispositifs sociaux dploys par lEtat et les collectivits locales.

    Dans un cadre gographique dterminer - et qui pourrait recouvrer les cours d appel oules confrences rgionales de la Confrence des btonniers - ces groupes davocatsseraient immdiatement mobilisables pour assister un barreau confront une demandeurgente et collective de droit.

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    A cet gard, il convient de signaler la signature, le 24 mai 2016, dune convention departenariat relative laccs au droit et laccompagnement juridique des exils sur le territoire des

    dpartements du Nord et du Pas-de-Calais. Cette convention, laquelle sont parties la courdappel de Douai, les CDAD du Nord et du Pas-de-Calais, les ordres davocats deBoulogne-sur-Mer, Dunkerque et Lille, la Confrence des btonniers, lcole des avocatsainsi que plusieurs associations, a pour objet dorganiser laccs aux droits etlaccompagnement juridique des exils, notamment par des formations destination desbnvoles et salaris associatifs, des avocats, des magistrats mais galement des lves-avocats.

    Si cette convention a le mrite de rpondre la situation durgence indite que constituelafflux des rfugis aujourdhui dans le Nord-Pas-de-Calais, sa mise en place tardive et endfinitive accessoire met en avant la ncessit pour la profession de sorganiser pourapporter des rponses plus rapides et adaptes sur lensemble du territoire.

    Proposition 15 : Structurer des groupes davocats spcifiquement forms pour

    dispenser les premiers secours juridiques en rponse toutes situations

    collectives durgence.

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    TITRE 2 - UN ACCES A LA JUSTICE EFFICIENT

    PLAN

    1. Une justice accessible tous

    1.1 Le systme de laide juridictionnelle

    1.1.1 Ladmission laide juridictionnelle

    1.1.2 Les mcanismes de recouvrement des frais avancs par lEtat et de retrait de

    laide juridictionnelle

    1.2 Le recours lassurance de protection juridique

    2. Une dfense pnale effective pour tous

    2.1 Des avocats volontaires et forms2.2 Un contrle effectif par les ordres davocats2.3 Des critres lisibles pour des protocoles simplifis

    Laccs la justice constitue une mission rgalienne de lEtat. Il appartient enconsquence celui-ci den organiser la mise en uvre et den assurer les financements.

    Laccs la justice par laide juridictionnelle est un sujet essentiel et prioritaire. Toutcomme sagissant de la dfense pnale, les avocats en sont des acteurs incontournables.

    Nous avons distingu laccs la justice des conditions dune dfense effective. Si cettedistinction ne recouvre pas exactement celle qui a trait l accs la justice civile etadministrative dune part, de la dfense qui doit tre mise en uvre sagissant de ladfense pnale souvent durgence dautre part, elle sy rfre nanmoins souvent.

    LEtat doit non seulement assurer laccessibilit de la justice tous (1), mais galement

    leffectivit et la qualit de la dfense pnale (2).

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    1.

    UNE JUSTICE ACCESSIBLE A TOUS

    Tout individu doit pouvoir accder la justice pour faire valoir ses droits dans un dlai

    raisonnable.

    Pour atteindre cet objectif, de ncessaires efforts dadaptation et de rationalisation desdispositifs existants simposent, afin que chacun bnficie dun accs la justice selon sesmoyens et ses besoins.

    1.1 Le systme de laide juridictionnelle

    1.1.1

    Ladmission laide juridictionnelle

    Aux termes de larticle 2 de la loi du 10 juillet 1991, les personnes physiques dont les ressourcessont insuffisantes pour faire valoir leur demande en justice, peuvent bnficier dune aide juridictionnelle.

    Cette aide est totale ou partielle.

    Laide juridictionnelle peut tre octroye tout demandeur, tant en matire civile,quadministrative ou pnale. De mme, laide juridictionnelle peut tre octroye en

    matire contentieuse comme en matire gracieuse.

    La France est le seul pays du Conseil de lEurope, avec le Luxembourg, garantir de telsprincipes duniversalit et de gratuit daccs la justice en matire daide juridictionnelle.

    Le rapport 2014 de la Commission europenne pour l efficacit de la Justice (CEPEJ)portant sur les donnes de 2012 dmontre que la France a accord laide juridictionnelle 915 563 demandeurs, ce qui reprsente un montant moyen de 337 au titre de laidejuridictionnelle par affaire23.

    La France a donc fait le choix dune politique daide juridictionnelle extrmementtendue.

    Alors que lEtat ne cesse de rappeler que son budget est contraint, conserver un teldispositif daccs la justice par laide juridictionnelle en toute matire peut tre discut.

    23Voir extraits du rapport de la CEPEJ, Annexe n7.

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    Faute de disposer de ressources budgtaires suffisantes pour assurer luniversalitproclame et nonce par les textes, lEtat fait peser sur les avocats la charge de sespropres absences de choix. La profession devient alors la variable dajustement dunepolitique qui ne dispose pas des moyens de ses ambitions.

    Il est temps que lEtat sinterroge sur la ncessaire adaptation de sa politique au

    regard de ses moyens, ou plutt des moyens quil choisit daffecter sa politique

    daccs au droit et la justice.

    LEtat doit faire des choix sagissant des litiges susceptibles de bnficier de laide

    juridictionnelle.

    La profession na pas rpondre ces questions la place de lEtat. Cependant, il est desa responsabilit de les lui poser pour sadapter ensuite aux choix raliss et non pour

    subir les consquences dune absence de choix.

    Une approche plus raisonnable et plus adapte - et dont on notera quelle se dveloppe enEurope - pourrait inviter distinguer les conditions daccs au processus judiciaire ou derglement des conflits en fonction de lintrt qui est dfendu ou quil convient de faire

    valoir.

    A cet gard, la distinction entre les droits lis aux personnes et les droits lis aux

    biens parait intressante. Alors que la socit doit, en toutes circonstances, assister les

    individus faire valoir leurs droits intimement lis leurs identits (famille, tat despersonnes), des conditions plus restrictives quant la possibilit de bnficier de laidejuridictionnelle pourraient tre mises en place dans le cadre de contentieux lis desrclamations dordre patrimonial. On pourrait encore imaginer distinguer les litiges ayanttrait lEtre de ceux qui concernent lAvoir.

    Trs concrtement, lEtat na-t-il pas exercer prioritairement son rle deprotection des personnes confrontes des situations de vulnrabilit, de fragilit

    et de prcarit en leur assurant la possibilit de bnficier de l aide

    juridictionnelle ?

    A linverse, les litiges de nature patrimoniale, de responsabilit ou les procdures mises enuvre lgard de personnes physiques ou morales solvables, pourraient permettre ledveloppement dautres modes de financement de laccs la justice.

    De telles distinctions trouvent certainement leurs limites, mais mritent dtre apprciespar un Etat qui na pas les moyens de sa politique et qui devrait avoir pour ambition dedvelopper un dispositif daccs la justice responsable.

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    a.

    Les bureaux daide juridictionnelle

    Aux termes de larticle 12 de la loi du 10 juillet 1991, ladmission laide juridictionnelle estprononce par un bureau daide juridictionnelle.

    Les bureaux daide juridictionnelle ( BAJ ) sont institus auprs des juridictions (articles13 et 14). Ils sont chargs, dune part, de procder au traitement des demandesdadmission laide juridictionnelle et, dautre part, de recouvrer les montants allouslorsque ladmission celle-ci ne se justifie plus (articles 18 et suivants).

    Aux termes de larticle 25, le bnficiaire de laide juridictionnelle a droit lassistance dun avocatsoit choisi par le bnficiaire, soit dsign par le btonnier.

    En pratique, il est fait le constat de dlais de traitement des demandes variant

    considrablement dun bureau lautre (de 2 180 jours) selon linvestissement humainmis en place par la juridiction. De mme, les conditions daccs la justice par laidejuridictionnelle sont apprcies de faon diffrente selon les BAJ sollicits.

    Il devrait tre mis fin de tels dysfonctionnements qui constituent des injustices et uneingalit daccs des citoyens la justice par la mise en place du portail Portalis et parla gnralisation de la dmatrialisation.

    Lligibilit laide juridictionnelle est soumise des critres de deux types : outre des

    critres relatifs aux ressources, la loi du 10 juillet 1991 nonce des critres qualitatifs .

    b.

    Les critres de ressources

    Depuis le 1er janvier 2016, en application de larticle 4 de la loi du 10 juillet 1991, ledemandeur sans personne charge doit justifier de ressources mensuelles infrieures 1 000 euros pour pouvoir prtendre une aide juridictionnelle totale et infrieures 1 500euros pour bnficier de laide juridictionnelle partielle.

    Jusqu cette date, ces montants taient infrieurs au seuil de pauvret.

    Par ailleurs, larticle 5 numre lensemble des ressources que les bureaux daidejuridictionnelle doivent prendre en compte : le salaire, les ressources de toute nature dontle demandeur a directement ou indirectement la jouissance ou la libre disposition,lexistence de biens, meubles ou immeubles, mme non productifs de revenus, ainsi queceux de son conjoint ou des personnes vivant habituellement son foyer.

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    En dpit de ces prescriptions relatives la prise en compte de lensemble des ressourcesdu justiciable, de nombreux bureaux daide juridictionnelle ont rduit leurs propresmodalits dinstruction aux seules ressources salaries du demandeur.

    Une valuation uniforme des ressources des demandeurs ne se fondant que sur le revenufiscal de rfrence assurerait une homognit des pratiques des bureaux daidejuridictionnelle et donc une effective galit daccs.

    Ds lors, lavis dimposition et la consultation du site www.impots.gouv.frajouts unedclaration sur lhonneur dabsence de patrimoine pourraient permettre dapprcierlligibilit du demandeur laide juridictionnelle partielle ou totale en fonction de sesressources.

    Cette proposition invite reconsidrer le rle actuel des BAJ qui pourraient voir leurmission limite lexercice desrecours.

    Proposition 16 : Mettre en place un dispositif unique dvaluation de la situation

    financire du demandeur partir du revenu fiscal de rfrence et dune dclaration

    sur lhonneur.

    Malgr la trs rcente revalorisation et la prise en compte des charges de famille, les seuils

    dadmission ne permettent toujours pas une grande majorit des justiciables de financerleurs procdures.

    Aujourdhui, laide juridictionnelle partielle ne reprsente que 10% du total des missions24.

    Parce que son champ dapplication est en dfinitive restreint, laide juridictionnellepartielle ne joue pas son rle de sas . La question de lefficience et la pertinence de cedispositif se pose donc.

    Larticle 35 dispose quen cas daide juridictionnelle partielle, lavocat a droit de la part dubnficiaire un honoraire complmentaire librement ngoci, prvu par une conventioncrite pralable soumise au btonnier dans les quinze jours de sa conclusion. Cethonoraire complmentaire laide de lEtat doit tenir compte de la complexit du dossieret des diligences imposes par la nature de laffaire, mais doit aussi tre compatible avecles ressources et le patrimoine du bnficiaire.

    24Bibliographie n15, page 17.

    http://www.impots.gouv.fr/http://www.impots.gouv.fr/http://www.impots.gouv.fr/
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    Des barreaux ont tabli des mthodes dvaluation de lhonoraire complmentaire (article35 alina 4) sans uniformit entre eux : certains ont instaur des plafonds, dautres unrfrentiel bas sur le nombre dunits de valeur de la mission concerne et le tauxdadmission laide juridictionnelle. Dans dautres barreaux encore, lavocat dfinitlibrement lhonoraire avec son client, sous le contrle de son btonnier25.

    Un cahier des charges au sein de chaque barreau, voire un rfrentiel national, nonantdes critres de dtermination de lhonoraire complmentaire assurerait une meilleurelisibilit et transparence du dispositif, faciliterait la tche de lavocat, viterait nombre deconflits avec les clients et permettrait un effectif contrle cohrent par le btonnier.

    Proposition 17 : Restaurer un rle effectif laide juridictionnelle partielle par un

    encadrement des conventions dhonoraires complmentaires sous le contrle du

    btonnier.

    Certaines procdures permettent aisment de concevoir une issue amenant le client delavocat une situation de meilleure fortune ou, en tous cas, lui permettant de participerau paiement du prix de son procs.

    La possibilit pour les intresss de conclure en amont une convention d honoraires dersultat doit permettre de compenser linsuffisance de lindemnit daide juridictionnelle.

    Proposition 18 : Dvelopper la possibilit de fixer un honoraire de rsultat par

    convention pralable en matire daide juridictionnelle totale ou partielle.

    c.

    Les autres critres

    Linstruction des demandes dadmission ne peut se fonder sur les seuls critres deressources.

    Or, les articles 6 et 7 de la loi prvoient la possibilit pour les bureaux d aidejuridictionnelle dapprcier aussi des critres qualitatifs .

    Larticle6 prvoit que les personnes ne remplissant pas les conditions fixes larticle 4(ressources) peuvent bnficier de laide juridictionnelle si leur situation apparat comme

    particulirement digne dintrt au regard de lobjet du litige ou des charges prvisibles du procs.

    25Sur ce sujet, il convient de signaler linitiative de la Confrence des btonniers qui a lanc au dbut de lanne 2016une enqute sur les pratiques des barreaux en matire dhonoraires complmentaires dans le cadre de laidejuridictionnelle partielle, aux fins dlaborer une mthode dvaluation qui puisse servir de rfrence.

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    Larticle 3 de la loi vise dailleurs cette mme possibilit pour les personnes de nationalittrangre ne rsidant pas rgulirement et habituellement en France.

    Larticle 7, quant lui, dispose que laide juridictionnelle est accorde la personne dontlaction napparat pas manifestement irrecevable ou dnue de fondement.

    Ces critres sont trop rarement mis en uvre par les bureaux daide juridictionnelle, djparce que ces structures ne disposent pas des moyens permettant dapprcier avecexactitude le bien-fond de laction envisage, mais encore parce quelles fonctionnentdiffremment selon linvestissement et lintrt des greffiers et du personnel dans la miseen uvre de ces critres.

    Pour permettre quil soit statu en opportunit comme la loi le prvoit, il convient deconfier aux avocats un rle de filtre par l tablissement dune consultation

    pralable crite et rmunre, qui rpondrait un cahier des charges spcifiquenormalis permettant dassurer un traitement facilit des informations fournies26.

    Ainsi, lavocat se devrait dapprcier :

    - le bien-fond en droit de la demande du client ;- lexistence ventuelle dun autre mode de prise en charge du rglement du litige

    notamment par une compagnie de protection juridique, ce qui permettraitdassurer une effectivit la subsidiarit nonce par la loi de 2007 ;

    -lorientation possible du litige vers un mode alternatif de rglement afin d viter,lorsque cela apparait de lintrt du client, le recours au juge ;

    - la possibilit de solliciter un mode de rmunration diffrent de lavocat (article 37par exemple) et lincidence dun ventuel retour meilleur fortune permettantdenvisager la possibilit dun honoraire de rsultat.

    La prise en charge de cette consultation pralable rmunre pourrait tre assure dans lecadre des CDAD, assurant ainsi le lien entre laccs aux droits et laccs la justice parlaide juridictionnelle.

    Dans une perspective comparable cette proposition, le CDAD des Landes a, au mois demai 2016, suggr aux barreaux de Dax et de Mont-de-Marsan la mise en place depermanences davocats dans les locaux ou proximit du BAJ, afin de rpondre auxdemandes des usagers du BAJ qui prouvent des difficults identifier leurs besoins, formuler clairement

    leur demande et rassembler les pices ncessaires.

    26Cette ncessit dune consultation davocat pralable au dpt dune demande daide juridictionnelle a t formule

    dans la plupart des travaux de ces dernires annes : voir notamment le rapport Bouchet (bibliographie n25), lerapport Darrois (bibliographie n23), le rapport dinformation des dputs Gosselin et Pau-Langevin (bibliographien21), ou encore le rapport du Haut conseil des professions du droit (bibliographie n20).

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    Grce cette consultation pralable, les avocats deviendraient de vritables filtres delapprciation de la recevabilit et du bien-fond de la demande des usagers, rle que laprofession appelle de ses vux parce que rpondant prcisment au rle de lavocat dansun processus daccs efficient aux droits.

    LEtat lui-mme prend conscience de lintrt dune telle consultation puisque la loi definances 2016 a prvu une dotation nouvelle de 2 millions deuros27destine financer lerecours aux consultations juridiques pralables la saisine du juge afin danalyser larecevabilit et le bien-fond de la demande du citoyen, de faciliter le cas chantlinstruction de sa demande daide juridictionnelle et de proposer, si ncessaire, uneorientation vers dautres intervenants, et notamment un mdiateur.

    Cette consultation pralable sera mise en uvre dans le cadre de conventions concluesentre les CDAD et les tribunaux de grande instance28.

    Toutefois, de nos changes, il semble que les prsidents de CDAD aient t destinatairesdune circulaire dbut janvier 2016, prconisant en ralit de confier ces consultationspralables dautres intervenants que les avocats. Une telle information, si elle taitconfirme, tmoignerait dune absence de reconnaissance et de confiance en la profession

    davocat.

    Proposition 19 : Instaurer une consultation pralable, crite et rmunre par un

    avocat rpondant un cahier des charges spcifique.

    1.1.2

    Les mcanismes de recouvrement des frais avancs par l Etat

    et de retrait de laide juridictionnelle

    La loi prvoit diffrents mcanismes permettant de rduire la charge financire supportepar lEtat. Il sagit du retrait de laide juridictionnelle, du recouvrement de lindemnit

    verse, ou encore la possibilit pour lavocat de demander au juge quil dtermine unesomme qui sera mise la charge de la partie qui succombe.

    a.

    Pour lEtat

    Larticle 50 autorise lEtat recouvrer le montant vers l avocat de laide juridictionnelleen cas de retour meilleure fortune si lavocat na pas fait usage de larticle 36 vis ci-aprs. Larticle 64-1-2 en est le pendant pour la garde vue.

    27Sous-programme n2 du programme 101 - loi de finances 2016.28Bibliographie n 15, page 8.

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    Les articles 42, 43 et 75 traitent de la condamnation et du recouvrement des dpens.

    Pour envisager un effectif fonctionnement de ces dispositifs, il est dj indispensable deles simplifier afin de permettre aux magistrats et auxiliaires de justice parmi lesquels lesavocats den avoir une parfaite comprhension. Ainsi, les clients seraient effectivementaviss de telles perspectives qui peuvent contribuer significativement une utilisation plusrationnelle des ressources affectes laide juridictionnelle.

    Un mode de communication efficace entre magistrats, greffes, bureaux d aidejuridictionnelle et avocats serait ainsi minemment pertinent.

    Dans la pratique, ces mcanismes de recouvrement ne sont pas ou trop peu appliqus, cequi porte atteinte la philosophie mme du systme daide juridictionnelle tout en grevantson budget29.

    Proposition 20 : Rationnaliser les dispositifs de recouvrement.

    b.

    Pour les avocats

    La loi a prvu deux mcanismes permettant aux avocats de solliciter une somme autre quelindemnit daide juridictionnelle correspondant au nombre dunits de valeur affect lamission accomplie.

    Larticle 37 permet aux avocats de poursuivre contre la partie condamne aux dpenset non bnficiaire de laide juridictionnelle le recouvrement des moluments auxquels ilspeuvent prtendre.

    Ce dispositif suppose une dcision expresse du juge. Pour quil soit efficient, le juge doitaccorder une somme qui ne doit pas tre infrieure lindemnit laquelle lavocatrenonce.

    Malgr les multiples rformes, le dispositif demeure mal compris, et gnre un surcrot detravail pour lavocat qui apprhende le risque dun recouvrement toujours alatoire30. A cetitre, nombreux sont les barreaux qui demandent ce que ce dispositif soit mieux

    valoris31.

    29Sagissant de larticle 50, le rapport MAP (bibliographie n19) indique que la pratique du retrait tait en 2012 quasi-nulle (0,1%). Sagissant de larticle 43, ce mme rapport rappelle quen 2012, 4 M seulement ont t mis enrecouvrement par lEtat, pour 11 M attendus.30Il en rsulte un trs faible recours cet article puisque comme le soulignent le rapport MAP (bibliographie n19)

    ainsi que lavis de la Commission des lois sur la loi de finances pour 2016 (bibliographie n15), moins de 0,1 % desmissions dAJ en 2012, 2013 et 2014 ont fait l objet dune telle procdure.31Voir synthse de la consultation des barreaux (annexe n3).

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    Proposition 21 : Assurer lefficacit du dispositif de larticle 37 par sa simplification

    et sa vulgarisation auprs des acteurs judiciaires, commencer par les avocats.

    Larticle 36 permet aux avocats, lorsque la dcision a procur au client des ressources

    telles que, si elles avaient exist au jour de la demande daide juridictionnelle, celle-ci ne luiaurait pas t accorde, de lui demander des honoraires aprs que le bureau d aidejuridictionnelle ait prononc le retrait de laide juridictionnelle.

    La lourdeur et lala lis la procdure de retrait nuisent l encore la mise en uvre dudispositif.

    Proposition 22 : Permettre le retrait de laide juridictionnelle en cas de retour

    meilleure fortune sur simple instruction de lavocat, ds lors que cette possibilit a

    t contractuellement prvue dans la convention pralable vise par le btonnier.

    1.2

    Le recours lassurance de protection juridique

    Le march de lassurance de protection juridique affiche une spectaculaire progression.Entre 2002 et 2014, son chiffre daffaires a en effet doubl pour atteindre plus dunmilliard deuros.

    En 2010, on estimait que 40% des particuliers en France taient couverts par uneassurance de protection juridique contre 20% seulement pour les professionnels32.

    Le potentiel de dveloppement reste donc encore trs significatif.

    On constate galement une extension du champ dapplication des garanties de lassurancede protection juridique, ce qui parat confirmer tant lintrt des assureurs que lexistence

    dune effective attente des consommateurs de droit.

    Les assureurs relvent une augmentation du nombre de sinistres, dont le taux se situe 7% depuis 200833, laquelle ils rpondent en premier lieu par le dveloppement desplateformes tlphoniques animes par des juristes, puis par la gestion amiable desconflits, et, en dernier ressort, par le recours lintervention de lavocatdans le cadre dunprocs.

    32 Interview de Marie-Emmanuelle Schiltz, directrice gnrale de Juridica dans lArgus de l'assurance - juin 2012,

    0841.33Hubert Allemand, Directeur de CIVIS cit dans l'Argus de l'assurance, dossier protection juridique - 16 mai 2014,n 7362.

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    Il apparait toutefois que de trs nombreux assurs mconnaissent la nature prcise desgaranties auxquelles ils sont ligibles, voire ignorent lexistence mme de ces garanties.Cette situation, si elle savre trs profitable pour les professionnels, est anormale etpnalisante pour les assurs mais aussi pour lEtat !

    En effet, la loi n 2007-308 du 5 mars 2007portant rforme de la protection juridique des majeursa introduit, larticle 2 de la loi du 10 juillet 1991, le principe selon lequel l aidejuridictionnelle nest pas accorde lorsque les frais couverts par cette aide sont pris encharge au titre dun contrat dassurance de protection juridique ou dun systme deprotection.

    Ds lors, les bureaux daide juridictionnelle se doivent de vrifier, au moment delinstruction de la demande dadmission, lexistence dun tel contrat. Or, le demandeur laide juridictionnelle qui ignore ltendue des garanties de protection juridique auxquelles

    il est ligible (bien souvent parce que celles-ci sont comprises titre accessoire dans uncontrat principal du type multirisque habitation, automobile etc.), ne pourra pas toujoursfaire tat du bnfice de la couverture de protection juridique.

    Le jeu de la subsidiarit voulu par le lgislateur est ainsi fauss.

    De surcrot, lorsque lassur a connaissance de son contrat, il doit pouvoir en apprhenderles clauses et apprcier notamment la porte des exclusions ou limites de garanties

    Dans ces conditions, il est apparu que, faute dune information complte, lassurance deprotection juridique nassurait pas efficacement son rle de subsidiarit laidejuridictionnelle.

    Proposition 23 : Elaborer un contrat-type de protection juridique intelligible et une

    fiche standardise dinformation nonant les conditions de mise en uvre du

    contrat.

    Par ailleurs, aussitt que survient un dsaccord, mme si celui-ci ne se transforme pas enlitige, un avocat indpendant doit pouvoir intervenir pour dfendre les intrts de lassur.Cette consultation doit tre rmunre en application du barme contractuellement arrtavec la compagnie. Lassureur devra informer son assur de lexistence de ce droit.

    Proposition 24 : Insrer au sein de chaque contrat de protection juridique une

    clause permettant une consultation rmunre auprs dun avocat librement

    choisi par lassur en cas de dsaccord avec son assureur.

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    Les assureurs ne recourent lavocat quen cas dchec dun rglement amiable du conflitavec lassur. Nanmoins, lassur doit pouvoir consulter un avocat ds quil le souhaite, ycompris avant toute tentative de rglement du conflit, afin de connatre ses droits et decomprendre les enjeux du diffrend. De la mme manire, lavocat peut intervenir dans lecadre du litige, cest--dire devant un tribunal, mais aussi par le biais des modes alternatifsde rsolution des conflits.

    Quil intervienne titre de conseil, au pralable, ou dans le cadre d une procdure amiableou contentieuse, lavocat doit tre rmunr selon les barmes de protection juridiqueprvus par lassurance.

    Proposition 25 : Systmatiser la rmunration de la consultation pralable et de

    lintervention de lavocat ayant recours aux modes alternatifs dans les barmes de

    protection juridique.

    En outre, afin de garantir le libre choix de l avocat, il est souhaitable que lassureur selibre entre les mains de lavocat du montant de prise en charge quil garantit son clientcontractuellement, le solde tant pay soit par le client, soit au travers de laidejuridictionnelle sil en bnficie.

    Proposition 26 : Rendre obligatoire le paiement direct des honoraires dus par

    lassureur lavocat qui en fait la demande.

    La protection juridique participant de la politique de djudiciarisation mise en uvre parle Gouvernement, lEtat ne peut continuer la promouvoir sans y intresser les auxiliairesde justice et notamment la profession davocat, seule garante de lindpendance et durespect des rgles dontologiques (particulirement en matire de conflits dintrts).

    Cette intervention doit aussi porter sur le montant de prise en charge des honoraires.

    Il serait choquant quen vertu du principe de subsidiarit, lavocat peroive une

    rmunration infrieure au montant de lindemnit daide juridictionnelle.

    LEtat a dj consenti une intervention de ce type en modifiant la rdaction de larticle

    37 de la loi du 10 juillet 1991. Une rforme du 29 dcembre 2013 a impos auxjuridictions qui font usage de ce texte de condamner la partie adverse au rglement dunesomme au titre des frais qui ne soit pas infrieure au montant de () la part contributive delEtat.

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    Ces propositions permettent de garantir une effective subsidiarit de la protectionjuridique laide juridictionnelle et de rpondre aux besoins de droits des classesmoyennes.

    Proposition 27 : Exiger de lEtat quil implique les acteurs de la protection

    juridique dans une dmarche de fixation dune rmunration approprie afin degarantir une effective subsidiarit entre aide juridictionnelle et protection

    juridique.

    Enfin, larticle 38 du dcret n 91-1266 du 19 dcembre 1991 confre la demande daidejuridictionnelle un effet interruptif de prescription entre le dpt de laide juridictionnelleet la dcision dadmission ou de rejet.

    En cas de dsaccord entre lassureur de protection juridique et lassur, seule la saisinedun arbitre visant proposer une solution suspend le cours de la prescription jusqu cequilformule sa proposition. En revanche, la prescription nest pas interrompue en cas decontentieux sur le principe mme de la garantie devant les juridictions du fond.

    Cette diffrence de traitement est incohrente au regard du principe de subsidiarit.

    Un justiciable oppos son assureur de protection juridique voit la prescription courircontre lui pendant le temps de rglement de ce litige avant mme de pouvoir dposer une

    demande daide juridictionnelle qui sera, elle, suspensive. Mieux (ou pire !) encore, laprescription de son action principale peut tre acquise avant qu il nait pu dposer sademande auprs du bureau daide juridictionnelle.

    Proposition 28 : Harmoniser les rgimes