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LE DEVOIR, LE VENDREDI 2 MARS 2007 B 10 À titre de moumoune officielle de la TDLG, la Traversée de la Gaspésie, chaque kilomètre parcouru par ces skieurs de fond aguerris est une source d’effarement à mes yeux qui prennent froid rien qu’à l’idée. Le 18 février dernier, cette cin- quième équipée de 220 skieurs entamait son par- cours de 300 kilomètres dans les Chic-Chocs, au cœur du parc de la Gaspésie, pour se terminer six jours plus tard par une arrivée triomphale à la baie de Gaspé. Chaque soir à 18h, les consignes servies aux dis- ciples de la glisse ressemblent à un sermon; on vous décrit l’enfer pavé de bonnes intentions, aménagé avec un soin sadique par les motoneigistes pour le lendemain: «Surtout, ne skiez pas tout seul, c’est dan- gereux. La dernière boucle de 20 “kilos” est à vos risques: il n’y a pas de neige sur le mont Jacques-Car- tier, donc cinq kilomètres à faire à pied. Et on ne peut pas aller vous chercher en motoneige! On annonce des vents du sud-ouest de 45 km/h sur les sommets. La bon- ne nouvelle: vous les aurez dans le dos. Mettez-vous des “hot shots” dans le derrière!» Envoyé comme ça, en prenant une bière, le co- casse l’emporte sur la dose de courage nécessaire pour braver les intempéries. Mais il faut avoir par- couru les 60 kilomètres proposés (même en mo- toneige, j’ai trouvé ça difficile!) pour comprendre que toute la richesse du chapelet d’injures em- ployées par Pierre Falardeau — un des fidèles participants avec sa femme Manon et son fils Jéré- mie — n’y suffira pas. La TDLG représente une occasion unique de sor- tir de sa zone de confort. Et chaque skieur flirte avec le déséquilibre inhérent à l’exercice. «Les skieurs viennent pour ça: ils trouvent ça diffi- cile et recherchent cette difficulté», dit Christian Ber- nier, Montréalais, Gaspésien d’adoption, cinq Grandes Traversées à son actif. «Notre vie est telle- ment planifiée, sans surprises. Ici, première zone d’inconfort: on se lève à 5h du matin. Ensuite, on n’est pas déterminé par notre statut social, on doit ex- plorer d’autres aspects de soi. Des mécaniciens cô- toient des médecins, et la première chose qu’on de- mande, ce n’est pas “que fais-tu dans la vie?” mais plutôt “as-tu fait du beau ski aujourd’hui?”. Et finale- ment, il y a un challenge. Les humains s’épanouis- sent davantage quand on les met au défi.» Christian, un skieur aguerri dans la cinquantai- ne, souhaite donner des cours de ski de fond à sa retraite. Comme grimpeur, il a déjà un 8000 mètres au Pakistan dans les mollets. Il a dormi sur des glaciers, campé 40 jours dans les Chic-Chocs en hiver. Il faudrait davantage que 300 kilomètres de pistes abruptes pour le faire détaler: «On se sous-exploite tout le temps. Et pourtant, il y a une fierté dans la vie à traverser des difficultés. Les gens sont contents d’aller au bout d’eux-mêmes. Et c’est vrai dans tous les domaines, pas seulement sportifs. Le consumérisme, qui nous fait croire que notre zone de confort ne dépend pas de nous mais de ce que nous achetons, nous a fait oublier une chose: nous sommes adaptables!» L’enfance de l’art Sur les pistes, quelques enfants, pré-ados pour la plupart, font le parcours avec les «vieux». Clovis, le fils de Christian et de l’initiatrice du projet, Claudine Roy, n’a que 11 ans et participe à la Traversée depuis l’âge de six ans, affichant un sourire contagieux pour le même prix! «Des fois, j’ai le goût de zapper la scène et de me retrouver à l’autre bout du monde; je voudrais crier! Mais je me retiens et je termine mes journées! Le plus difficile, ce sont les Chic-Chocs, mais c’est aussi le plus beau. C’est beaucoup plus le fun que souffrant!», dit le jeune adepte. Toute menue et timide, Delphine, dix ans, faisait la Traversée pour la première fois cette année. Les deux premières journées ont été ardues. «Le décou- ragement, c’est pas quand tu n’es plus capable, obser- ve-t-elle. C’est quand tu es tannée! Je me fixe des objec- tifs: dans deux kilomètres, je m’arrête pour manger.» Son frère Laurent, 16 ans, six pieds quatre pouces, l’accompagne lui aussi, distribuant des petits cœurs à la cannelle aux skieurs qu’il croise: «Le fait d’avoir ma petite sœur, ça me motive. Si je craque, elle craque aussi! L’orgueil me fait avancer, sans oublier le soutien des motoneigistes qui décrochent ta tasse dans ton dos et te servent un bouillon de poulet. Au fond, ça se fait bien, chacun à son rythme. Quand je suis moins moti- vé, je pense à mes amis qui sont à l’école… je me trou- ve chanceux!» C’est dans la tête qu’on est beau La comédienne Marie-Joanne Boucher partici- pait à sa première Grande Traversée cette année, sans grande expérience de skieuse et sans entraî- nement acharné au préalable. «J’ai voulu arrêter le deuxième jour. J’avais la nausée. Puis, j’ai pris une décision: ou tu rentres en motoneige, ou tu arrêtes de te plaindre et tu termines le parcours. Quand je suis arrivée au bout, j’étais tellement fière! Ça ne m’était pas arrivé depuis mon enfance! Tout se passe dans la tête. Tu es drogué aux endorphines, tu fais le vide, t’es en état de survie; ça aide à se rendre jusqu’au bout. Thierry Petry, le grand manitou, m’avait dit: “Un pas à la fois.” Et c’est vrai. Et puis, on est entou- ré de monde pas ordinaire, ici. J’ai beaucoup appris sur la vie: surtout, ne pas se comparer. Si tu tombes, tu te relèves et tu continues... C’est tout!» Sharon Braverman, une habituée de la TDLG, était blessée cette année: luxation du bras. Il en aurait fallu davantage pour qu’elle abandonne ses vacances an- nuelles en Gaspésie: «J’ai modifié un peu le parcours, je descends de côté pour économiser mon bras. Et puis, j’ai eu recours à “sœur bobo” et “sœur physio”; quelqu’un m’a prêté une attelle. Avec le soutien de l’équipe et des moto- neigistes, j’ai pu le faire. L’entraide te permet de te sur- passer à la TDLG. Sur les pistes, je m’arrête pour les autres, parce que j’aime qu’on le fasse pour moi. Ça te permet de dépasser tes limites. J’ai eu beaucoup de dou- leur dans ma vie, notamment à la suite d’un accident d’auto en 1998, et, à un moment donné, il faut décider si on se laisse définir par ses blessures et ses problèmes ou par ce qui nous reste à découvrir de la vie.» Même héroïsme ordinaire pour François Fortier, 50 ans, un nouveau venu sur les pistes avec 500 kilo- mètres d’entraînement et de multiples ampoules aux pieds avant de débarquer dans les Chic-Chocs. Les épaules voûtées par différents types d’arthrite, ce diabétique qui traîne son insuline sur les pistes cou- rait un risque supplémentaire pendant ce projet spor- tif. «Je ne veux pas tomber dans le coma sur mes skis. Je dois utiliser mon glucomètre dix fois par jour et compo- ser avec la douleur. Mais il y a les endorphines… le buzz! Tu ne redescends pas! Et puis, ce n’est pas une course. Je suis marqué à vie par cette expérience. C’est ce que j’ai vécu de plus puissant depuis l’âge de cinq ans», lance-t-il, les yeux brillants. Je laisse le mot de la fin à mon amie «La Marie Chânioon», sortie de sa zone de confort (le ski de fond) pour s’occuper de mon B durant toute la semai- ne: «Finalement, quand on naît, on sort de notre pre- mière zone de confort. Et chaque fois qu’on sort de notre zone de confort, une petite partie de nous renaît à nouveau.» [email protected] Une traversée de soi Sortir de sa zone de confort au cœur de la Gaspésie Même sur une carte postale, on peut sortir de sa zone de confort et se planter dans le décor. Joblo, moumoune officielle de l’événement sportif, se bidonne devant le célèbre rocher Percé. Chanté: pour les skieurs de la TDLG, Je m’envole- rai, interprétée par Daniel Lavoie sur le disque Quand le country dit bon- jour... Si j’ai décidé de mettre un ter- me définitif à ma carrière internatio- nale de chanteuse, je vous encourage à vous procurer ce disque aux hori- zons variés qui cé- lèbre la musique si chère à nos Gaspé- siens. Juste pour entendre Mara Tremblay chanter Un coin du ciel ou Dany Bédar Un amour qui ne veut pas mourir, ça vaut le coup! Adoré : la pièce Avaler la mer et les poissons, écrite par Sylvie Drapeau et Isabelle Vincent. Le titre évoque la Gaspésie mais, en fait, il y est question d’amitié, d’amour, de la mort, de pas- sion et de réconci- liation sur une note à la fois poétique et très contemporai- ne. À la fin, tout le monde pleure, les deux comédiennes- auteures aussi. En reprise à La Licor- ne jusqu’au 24 mars et en tournée régionale après... Trouvé: dans le dernier numéro de Géo Plein Air (fé- vrier 2007), un modèle de raquette qui épouse la dé- marche féminine! www.atlassnowshoe.com. Et une nouvelle cire liquide de fartage (Swix) qui ne néces- site pas... de fartage! Aussi, tout un article sur le cam- ping d’hiver et les choses essentielles pour ne pas trop se les geler... Et un programme d’entraînement pour le ski de fond. Frémi: en parcourant le reportage sur la séduction dans le dernier numéro de L’actualité. Même si le su- jet me passionne, associer Marc Boilard, cette PME de la drague cheap et vulgaire, à l’idée même de la séduction m’apparaît comme une insulte à un art qui se pratique depuis les Romains (sinon bien avant). Le fanfaron de la touche facile est aussi dégarni que l’ensemble de son crâne côté subtilité. Quand vous voudrez prendre des cours de flirt, vous irez voir nos amis Gaspésiens, dont c’est le sport national. Ils le font sans vous culbuter dans les bancs de neige, mais ça donne un p’tit frisson dans le dos! La raquette chic S ublime découverte cette année à la TDLG: les Chic-Chocs sous la neige. Quand je pense qu’il y en a pour s’émouvoir de perdre «leurs» Rocheuses advenant la «séparation». Quand tu as vu les Chic- Chocs, tu peux t’en passer. André Boisclair devrait al- ler là-bas tourner une adaptation convaincante de Brokeback Mountain... J’ai aussi découvert le sport le plus chic à pratiquer dans cet endroit paradisiaque: la raquette. Non, ce n’est pas pour les tapettes, ni pour la retraite, c’est pour le frette! Et j’avoue qu’entre le ski de fond et la raquette, mon cœur balance. On peut même glis- ser sur le derrière en s’assoyant des- sus. J’ai rencontré des jeunes, sur les sentiers, qui me di- saient avoir aban- donné le ski de fond pour ce sport non performant et plus zen. Je n’oublierai pas de sitôt le som- met du mont Olivi- ne, une dizaine de kilomètres aller-re- tour et un p’tit lun- ch avalé rapido sous le soleil et le vent, avec une vue fabuleuse qui m’a rappelé la Chartreuse préalpine. La dernière édition du magazine Canadian Winter (Canada’s Coolest Magazine, www.canadianwinter.ca) vous fait un joli résumé de l’expérience: «It’s chic to snowshoe the Chic-Chocs.» En passant, le directeur du parc de la Gaspésie (800 km 2 pour s’épivarder) m’a appris qu’il y avait as- sez de neige pour se perdre jusqu’à la mi-avril et que la saison creuse commence en mars... Él Pére L e père Lacroix a eu droit à de nombreux surnoms durant la TDLG: «Él Pére» et «Ben the Cross», pour ne mentionner que ceux-là. Grâce à son charisme et à son humanité, il s’est attaché tout un peuple en l’es- pace d’une semaine. «Nous n’avons pas visité la Gaspé- sie, m’a-t-il glissé. Nous avons “vécu” avec les Gaspésiens cette semaine.» Chaque halte dans les villages lui a don- né l’occasion d’aller visiter les enfants à l’école. Dans une classe de Bonaventure où le père La- croix racontait qu’il avait fait le tour du monde, un bambin de six ans a levé la main: «Moi aussi, j’ai fait le tour du monde. Je suis allé à Percé et à Gaspé!» Vous pourrez entendre l’entrevue qu’a donnée le père Benoît Lacroix à Marie-Claude Lavallée sur RDI le 23 mars à 22h, le 24 mars à 11h30 ou le 25 mars à minuit trente. www.chatelaine.com/joblo Josée Blanchette PHOTOS NATHALIE MONGEAU Laurent et Delphine Duvernay-Tardif, deux jeunes participants à la cinquième édition de la TDLG. «Chialer à la Traversée, c’est trop pas ça», dit Laurent, 16 ans, très à l’aise avec sa zone d’inconfort. C’ est la V ie! «En vérité, la soif de confort assassine la passion de l’âme et va en ricanant à son enterrement.» – Khalil Gibran

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L E D E V O I R , L E V E N D R E D I 2 M A R S 2 0 0 7B 10

À titre de moumoune of ficielle de laTDLG, la Traversée de la Gaspésie,chaque kilomètre parcouru par cesskieurs de fond aguerris est une sourced’effarement à mes yeux qui prennent

froid rien qu’à l’idée. Le 18 février dernier, cette cin-quième équipée de 220 skieurs entamait son par-cours de 300 kilomètres dans les Chic-Chocs, aucœur du parc de la Gaspésie, pour se terminer sixjours plus tard par une arrivée triomphale à la baiede Gaspé.

Chaque soir à 18h, les consignes servies aux dis-ciples de la glisse ressemblent à un sermon; on vousdécrit l’enfer pavé de bonnes intentions, aménagéavec un soin sadique par les motoneigistes pour lelendemain: «Surtout, ne skiez pas tout seul, c’est dan-gereux. La dernière boucle de 20 “kilos” est à vosrisques: il n’y a pas de neige sur le mont Jacques-Car-tier, donc cinq kilomètres à faire à pied. Et on ne peutpas aller vous chercher en motoneige! On annonce desvents du sud-ouest de 45 km/h sur les sommets. La bon-ne nouvelle: vous les aurez dans le dos. Mettez-vous des“hot shots” dans le derrière!»

Envoyé comme ça, en prenant une bière, le co-casse l’emporte sur la dose de courage nécessairepour braver les intempéries. Mais il faut avoir par-couru les 60 kilomètres proposés (même en mo-toneige, j’ai trouvé ça difficile!) pour comprendreque toute la richesse du chapelet d’injures em-ployées par Pierre Falardeau — un des fidèlesparticipants avec sa femme Manon et son fils Jéré-mie — n’y suffira pas.

La TDLG représente une occasion unique de sor-tir de sa zone de confort. Et chaque skieur flirte avecle déséquilibre inhérent à l’exercice.

«Les skieurs viennent pour ça: ils trouvent ça diffi-cile et recherchent cette difficulté», dit Christian Ber-nier, Montréalais, Gaspésien d’adoption, cinqGrandes Traversées à son actif. «Notre vie est telle-ment planifiée, sans surprises. Ici, première zoned’inconfort: on se lève à 5h du matin. Ensuite, onn’est pas déterminé par notre statut social, on doit ex-plorer d’autres aspects de soi. Des mécaniciens cô-toient des médecins, et la première chose qu’on de-mande, ce n’est pas “que fais-tu dans la vie?” maisplutôt “as-tu fait du beau ski aujourd’hui?”. Et finale-ment, il y a un challenge. Les humains s’épanouis-sent davantage quand on les met au défi.»

Christian, un skieur aguerri dans la cinquantai-ne, souhaite donner des cours de ski de fond à saretraite. Comme grimpeur, il a déjà un 8000mètres au Pakistan dans les mollets. Il a dormi surdes glaciers, campé 40 jours dans les Chic-Chocsen hiver. Il faudrait davantage que 300 kilomètresde pistes abruptes pour le faire détaler: «On sesous-exploite tout le temps. Et pourtant, il y a unefierté dans la vie à traverser des difficultés. Les genssont contents d’aller au bout d’eux-mêmes. Et c’estvrai dans tous les domaines, pas seulement sportifs.Le consumérisme, qui nous fait croire que notrezone de confort ne dépend pas de nous mais de ceque nous achetons, nous a fait oublier une chose:nous sommes adaptables!»

L’enfance de l’artSur les pistes, quelques enfants, pré-ados pour la

plupart, font le parcours avec les «vieux». Clovis, lefils de Christian et de l’initiatrice du projet, ClaudineRoy, n’a que 11 ans et participe à la Traversée depuisl’âge de six ans, affichant un sourire contagieux pourle même prix! «Des fois, j’ai le goût de zapper la scèneet de me retrouver à l’autre bout du monde; je voudraiscrier! Mais je me retiens et je termine mes journées! Leplus difficile, ce sont les Chic-Chocs, mais c’est aussi leplus beau. C’est beaucoup plus le fun que souffrant!»,dit le jeune adepte.

Toute menue et timide, Delphine, dix ans, faisait laTraversée pour la première fois cette année. Lesdeux premières journées ont été ardues. «Le décou-ragement, c’est pas quand tu n’es plus capable, obser-ve-t-elle. C’est quand tu es tannée! Je me fixe des objec-tifs: dans deux kilomètres, je m’arrête pour manger.»Son frère Laurent, 16 ans, six pieds quatre pouces,l’accompagne lui aussi, distribuant des petits cœurs àla cannelle aux skieurs qu’il croise: «Le fait d’avoirma petite sœur, ça me motive. Si je craque, elle craqueaussi! L’orgueil me fait avancer, sans oublier le soutiendes motoneigistes qui décrochent ta tasse dans ton doset te servent un bouillon de poulet. Au fond, ça se faitbien, chacun à son rythme. Quand je suis moins moti-vé, je pense à mes amis qui sont à l’école… je me trou-ve chanceux!»

C’est dans la tête qu’on est beauLa comédienne Marie-Joanne Boucher partici-

pait à sa première Grande Traversée cette année,sans grande expérience de skieuse et sans entraî-nement acharné au préalable. «J’ai voulu arrêter ledeuxième jour. J’avais la nausée. Puis, j’ai pris unedécision: ou tu rentres en motoneige, ou tu arrêtes dete plaindre et tu termines le parcours. Quand je suisarrivée au bout, j’étais tellement fière! Ça ne m’étaitpas arrivé depuis mon enfance! Tout se passe dans latête. Tu es drogué aux endorphines, tu fais le vide,t’es en état de survie; ça aide à se rendre jusqu’aubout. Thierry Petry, le grand manitou, m’avait dit:

“Un pas à la fois.” Et c’est vrai. Et puis, on est entou-ré de monde pas ordinaire, ici. J’ai beaucoup apprissur la vie: surtout, ne pas se comparer. Si tu tombes,tu te relèves et tu continues... C’est tout!»

Sharon Braverman, une habituée de la TDLG, étaitblessée cette année: luxation du bras. Il en aurait falludavantage pour qu’elle abandonne ses vacances an-nuelles en Gaspésie: «J’ai modifié un peu le parcours, jedescends de côté pour économiser mon bras. Et puis, j’aieu recours à “sœur bobo” et “sœur physio”; quelqu’un m’aprêté une attelle. Avec le soutien de l’équipe et des moto-neigistes, j’ai pu le faire. L’entraide te permet de te sur-passer à la TDLG. Sur les pistes, je m’arrête pour lesautres, parce que j’aime qu’on le fasse pour moi. Ça tepermet de dépasser tes limites. J’ai eu beaucoup de dou-leur dans ma vie, notamment à la suite d’un accidentd’auto en 1998, et, à un moment donné, il faut décider sion se laisse définir par ses blessures et ses problèmes oupar ce qui nous reste à découvrir de la vie.»

Même héroïsme ordinaire pour François Fortier,50 ans, un nouveau venu sur les pistes avec 500 kilo-mètres d’entraînement et de multiples ampoules auxpieds avant de débarquer dans les Chic-Chocs. Lesépaules voûtées par différents types d’arthrite, cediabétique qui traîne son insuline sur les pistes cou-rait un risque supplémentaire pendant ce projet spor-tif. «Je ne veux pas tomber dans le coma sur mes skis. Jedois utiliser mon glucomètre dix fois par jour et compo-ser avec la douleur. Mais il y a les endorphines… lebuzz! Tu ne redescends pas! Et puis, ce n’est pas unecourse. Je suis marqué à vie par cette expérience. C’estce que j’ai vécu de plus puissant depuis l’âge de cinqans», lance-t-il, les yeux brillants.

Je laisse le mot de la fin à mon amie «La MarieChânioon», sortie de sa zone de confort (le ski defond) pour s’occuper de mon B durant toute la semai-ne: «Finalement, quand on naît, on sort de notre pre-mière zone de confort. Et chaque fois qu’on sort denotre zone de confort, une petite partie de nous renaîtà nouveau.»

[email protected]

Une traversée de soiSortir de sa zone de confort

au cœur de la Gaspésie

Même sur une carte postale, on peut sortir de sa zone de confort et se planter dans le décor. Joblo, moumoune of ficielle de l’événement sportif, sebidonne devant le célèbre rocher Percé.

Chanté: pour lesskieurs de laTDLG, Je m’envole-rai, interprétée parDaniel Lavoie surle disque Quand lecountry dit bon-jour... Si j’ai décidéde mettre un ter-me définitif à macarrière internatio-nale de chanteuse,je vous encourageà vous procurer cedisque aux hori-zons variés qui cé-lèbre la musique sichère à nos Gaspé-siens. Juste pourentendre MaraTremblay chanterUn coin du ciel ouDany Bédar Unamour qui ne veutpas mourir, ça vautle coup!Adoré: la pièceAvaler la mer et lespoissons, écrite parSylvie Drapeau etIsabelle Vincent.Le titre évoque laGaspésie mais, enfait, il y est questiond’amitié, d’amour,de la mort, de pas-sion et de réconci-liation sur une noteà la fois poétique ettrès contemporai-ne. À la fin, tout lemonde pleure, lesdeux comédiennes-auteures aussi. Enreprise à La Licor-ne jusqu’au 24mars et en tournée régionale après...Trouvé: dans le dernier numéro de Géo Plein Air (fé-vrier 2007), un modèle de raquette qui épouse la dé-marche féminine! www.atlassnowshoe.com. Et unenouvelle cire liquide de fartage (Swix) qui ne néces-site pas... de fartage! Aussi, tout un article sur le cam-ping d’hiver et les choses essentielles pour ne pastrop se les geler... Et un programme d’entraînementpour le ski de fond.Frémi: en parcourant le reportage sur la séductiondans le dernier numéro de L’actualité. Même si le su-jet me passionne, associer Marc Boilard, cette PMEde la drague cheap et vulgaire, à l’idée même de laséduction m’apparaît comme une insulte à un art quise pratique depuis les Romains (sinon bien avant).Le fanfaron de la touche facile est aussi dégarni quel’ensemble de son crâne côté subtilité. Quand vousvoudrez prendre des cours de flirt, vous irez voir nosamis Gaspésiens, dont c’est le sport national. Ils lefont sans vous culbuter dans les bancs de neige, maisça donne un p’tit frisson dans le dos!

La raquette chic

S ublime découverte cette année à la TDLG: lesChic-Chocs sous la neige. Quand je pense qu’il y

en a pour s’émouvoir de perdre «leurs» Rocheusesadvenant la «séparation». Quand tu as vu les Chic-Chocs, tu peux t’en passer. André Boisclair devrait al-ler là-bas tourner une adaptation convaincante deBrokeback Mountain...

J’ai aussi découvert le sport le plus chic à pratiquerdans cet endroit paradisiaque: la raquette. Non, ce n’estpas pour les tapettes, ni pour la retraite, c’est pour lefrette! Et j’avoue qu’entre le ski de fond et la raquette,mon cœur balance.On peut même glis-ser sur le derrièreen s’assoyant des-sus. J’ai rencontrédes jeunes, sur lessentiers, qui me di-saient avoir aban-donné le ski defond pour ce sportnon performant etplus zen.

Je n’oublieraipas de sitôt le som-met du mont Olivi-ne, une dizaine dekilomètres aller-re-tour et un p’tit lun-ch avalé rapido sous le soleil et le vent, avec une vuefabuleuse qui m’a rappelé la Chartreuse préalpine.

La dernière édition du magazine Canadian Winter(Canada’s Coolest Magazine, www.canadianwinter.ca)vous fait un joli résumé de l’expérience: «It’s chic tosnowshoe the Chic-Chocs.»

En passant, le directeur du parc de la Gaspésie(800 km2 pour s’épivarder) m’a appris qu’il y avait as-sez de neige pour se perdre jusqu’à la mi-avril et quela saison creuse commence en mars...

Él Pére

Le père Lacroix a eu droit à de nombreux surnomsdurant la TDLG: «Él Pére» et «Ben the Cross»,

pour ne mentionner que ceux-là. Grâce à son charismeet à son humanité, il s’est attaché tout un peuple en l’es-pace d’une semaine. «Nous n’avons pas visité la Gaspé-sie, m’a-t-il glissé. Nous avons “vécu” avec les Gaspésienscette semaine.» Chaque halte dans les villages lui a don-né l’occasion d’aller visiter les enfants à l’école.

Dans une classe de Bonaventure où le père La-croix racontait qu’il avait fait le tour du monde, unbambin de six ans a levé la main: «Moi aussi, j’ai faitle tour du monde. Je suis allé à Percé et à Gaspé!»

Vous pourrez entendre l’entrevue qu’a donnée lepère Benoît Lacroix à Marie-Claude Lavallée sur RDIle 23 mars à 22h, le 24 mars à 11h30 ou le 25 mars àminuit trente.

www.chatelaine.com/joblo

Josée Blanchette

PHOTOS NATHALIE MONGEAU

Laurent et Delphine Duvernay-Tardif, deux jeunes participants à la cinquième édition de la TDLG.«Chialer à la Traversée, c’est trop pas ça», dit Laurent, 16 ans, très à l’aise avec sa zoned’inconfort.

C’est la Vie!«En vérité, la soif de confort assassine la passion de l’âme et va en ricanant à son enterrement.»

– Khalil Gibran