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Barbarin Georges - Dieu Est-il Tout Puissant

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OUVRAGES DU MÊME AUTEUR

GEORGES BARBARIN

Ir" Partie : MYSTICISME EXPERIMENTAL

La Clé, 40" mille (Astra).L'Invisible et Moi, 13" mille (Astra), traduit en hollandais.Le Règne de l'Agneau, Il' mille (Oliven).L'Ami dell heures difficilell, 14" mille (Nidalls), trmluit l'n italien.Les Clés de l'Abondance, 11" mille (Nidalls).Les Clés du Bonheur, Hl" mille (Astra).Je et Moi (Astra).La Peur Maladie N" l, fi" mille (Editions de l'Ermite).Il y a un trésor en toi (Omnium).Demande et tu recevrall (Omnium).Le Jeu passionnant de la vie (Astra).Vivre divinement (Astra).Affirmez et YOUS obtiendrez (Nic1aus).Petit Traité de Mysticisme expérimental (Niclaus).Comment on soulève les Montagnes (Niclaus).La Réforme du Caractère.

2" Partie : RECHERCHE ESOTERIQUE

Le Secret de la Grande Pyramide, 50" mille (Adyar).Le Livre de la Mort douce, traduit en six langues (Adyar), 11"

milIe.Qu'est-ce que la Radiesthésie ? 16" milIe (Astra).La Danse sur le Volcan, 10' mille (Adyar).Les Clés de la Santé, 13" mille (Astra).Dieu est-il Mathématicien? 12' mille (Astra).L'Enigme du Grand Sphinx, 10- mille (Adyar).Les Destins occultes de l'Humanité (Astra) .L'Initiation sentimentale, 9' mille (Niclaus).""rance fille aînée de l'esprit, 10" milIe (Olivcn).L'Antéchrist (Dervy).L'Œil de la Tempête (Les deux Sirènes). Epuisé.Qui sera le Maître du Monde? (Editions de l'Ermite).L'Après-Mort (Astra).

3' Partie : DIVERS

La Vie agitée des Eaux dormantes, H}"mille (Stock).La Sorcière (Astra), 8' mille.A travers les Alpes françaises (11 jours chez les Grands Guides)

(L'Ermite).Apprenez à bien parler (Nic1aus).La vie commence à cinquante ans (Aubanel).

DIEU EST-Il

TOUT-PUISSANT?

association :Les Amis de Georges •• IIt ••••

1.)Jf/( les ouches ROMENEr~ 18100M~:==• WtNW .georgesbarbarin .com

Page 3: Barbarin Georges - Dieu Est-il Tout Puissant

Tous droits de traduction et de reproductionréservés pour tous pays

Copyright by Editions Astra

AVERTISSEMENT

CI! livre n'a plU été écrit ,eulement pour no, lec­teur, habituel" qui n'ont pa' be,oin d'explicatiom nide rai,onnt~men" pour comprendr~ l'E,prit qui le, ha­bite. La logique n'a rien à voir chez celui qui vit c Dieu :.dan, ,on cœur.

Le pré,ent ouvrage ell également de,tiné aux e,prit,rationnell et po,itiville. que choque l'anthropomor­phi,me et l'imperfection de, dieux.

Nou, le dellinonl ,pécialement aux athée, par prété­rition, c'e,t-à-dire à ceux qui, n'ayant pa' rencontré leDivin dam le, philo.ophie. et dan, le. culte., ,ont cho­qué. par la co-exiltence du Mal et d'un c Dieu Tout­Puillant :..

Bien loin d'être l'œuvre d'un négateur, ce qui .uit e,tun acte de foi réfléchie, hommage aux dieux bon, quicherchent à perfectionner le monde, dan, le ,ein duDieu ,an. forme, indicible et imper,onnel.

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1

l'J1

i1."

CHAPITRE 1

Pourquoi le mal ?

Ce qui heurte le plus ceux qui ont besoin de croire enDieu mais n'arrivent pas à le faire, c'est l'incohérenceapparente de l'administration divine dans certains do­maines évidents.

L'esprit de l'homme est naturellement frappé parl'harmonie et l'équilibre qui président, dans l'ensemble,à la distribution et au mouvement des astres. Par contre,il répugne à reconnaître l'action divine dans tous lescomportements instinctifs de la vie organisée et l'étatsocial des êtres vivants.

Ceux-ci lui paraissent en proie à leurs propres besoinscomme aussi aux phénomènes de la Nature et, de quel­que côté qu'elle se tourne, la créature semble menacéepar les autres créatures et par les événements.

Cette interprétation est surtout le lot de l'être humain,auquel son intelligence permet de s'interroger lui-mêmeet de questionner l'Univers.

Le minéral ne c souffre) pas, le·végétal souffre peu,l'animal souffre beaucoup pour sa vie et pour sa lutte.L'Homme a le tragique privilège de souffrir à la fois enhomme et en animal.

SI TU ES JUSTE ET BON...

De là à douter de l'existence d'un Pouvoir Organisa­teur il n'y a qu'un pas, car, en présence de la douleur,

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-10 -de l'injustice, de la haine, tous les hommes de toutes lesreligions adressent à leur Dieu la même supplicationangoissée :

c Si tu es juste et bon, comment permets-tu ces ini­quités ? •

II n'y a pour ainsi dire pas un être intelligent qui,dans une heure tragique de sa vie, ne se soit élevé au­dessus des choses visibles, pour en appeler il la Chosequ'on ne voit pus. Les uns le font sous forme de prière,les autres sous forme de blasphème, mais tous, cons­ciemment ou non, tendent leurs mains vers En-llaut.

Combien de fois leur appel scmble incntendu ct leurDieu incompréhensif ou inexomhle ! On voit des justesfrappés dans leur chair et dans leur cœur, des fourbesglorifiés et triomphants. Les fléaux ont l'air de sévirau hasard, n'épargnant berceaux ni vieillards, maturiténi jeunesse. Le malheur et lu mort n'ont jamais l'air dechoisir.

Pourquoi cet assaut perpétuel, cette embuscade obsti­née ? Pourquoi cette coalition des forces d'ombre et debruit ? Pourquoi les séismes, les inondations, les épidé­mies ? Pourquoi la fatigue, la faim et la soif? Pourquoila laideur, l'impureté, la haine et l'envie ?

Pourquoi la souffrance ?Pourquoi le MAL ?

LA THAGIQUE INTEnnOGA 'l'ION

Sans doute philosophes, théologiens, réformatcUl's ontfait des réponses subtiles : si nous souft'rons c'est parsuite de nos fautes présentes ou du péché originel ; l'in­justice actuelle serait compensée dans le futur, soit parun paradis, soit par unc autre existence.

Mais le Mal n'en a pas moins été, disent les Hommesct ce au cœur du Dieu Tout-Puissant.

c Puisque Tu es Tout-Puissant, articulent les plus« audacieux, comment supportes-tu le 1\Ial, même pro­« visoire ? »

-11-Et les docteurs de répondre : c Parce que le mal est le

fruit de vos mauvaises interprétations •.Hélas ! Comment Dieu Parfait aurait-il produit des

créatures imparfaites ? Celles-ci ne sont-elles pas uneexpression de lui-même et telles, en somme, qu'il lesfit .?

Si Dieu Tout-Puissant voulait des hommes justes, illui suffisait de les créer justes. En les créant pécheurs nefut-il pas la cause du péché ?

De quelque manière qu'on retourne le problème duMal, cclui-ci est proprement insoluble, tant qu'on luifournit comme base la notion d'un Dieu Omniscient etOmnipotent.

Que dévots et mystiques ne s'indignent point ! La so­lution que nous entendons proposer n'est ni impie niblasphématoire. Elle semble, bien qu'inadmise et im­prévue, celle qui touche de plus près la réalité.

Et les esprits libres admettront que la réponse ne peutêtre qu'universelle, c'est-à-dire susceptible de s'adapterà toutes les inquiètudes humaines par-dessus les théolo­gies et les religions.

LA FOIRE AUX DIEUX

Il y a eu tant de dieux dans l'Humanité - même avecla majuscule - que l'homme est bien excusable d'êtreperdu parmi ses dieux.

Chaque dieu prétend être le meilleur, sinon l'unique.C'est du moins ce que disent ceux qui en vivent, en vertud'infaillibles et d'ailleurs contradictoires révélations.

Cela dure depuis qu'il y a des hommes pour penser etcette immense foire aux dieux a engendré l'athéisme.

L'athée est, essentiellement, l'homme qui n'a pas en­core trouvé son dieu.

Mais comment faire pour se reconnaître dans l'arméedes dieux, si dense depuis les origines, à travers les lieuxet les races, qu'un jour viendra sans doute où il y auramoins d'hommes que de dieux ?

Page 6: Barbarin Georges - Dieu Est-il Tout Puissant

-12 -Comment identifier les authentiques dieux ? Com­

ment les concilier avec un Dieu unique ?C'est précisément le but de cette étude impartiale,

car nous avons eu les mêmes doutes et nous noussommes posé les mêmes questions que vous.

CHAPITHE II

Les dieux sont-ils d'anciens hommes ?

On peut dire qu'il a existé autant de dieux que de peu­ples et même de tribus et même d'hommes. Car, uusein de la même religion, il n'y a pas deux fidèles quise fassent une représentation identique du même dieu.

Une liste complète des divinités remplirait les pagesdu Larousse et nous n'avons nullement l'intention defaire revivre tous ces concepts.

Mais de la tourbe des dieux un certain nombre degrandes figures se dégagent et c'est sur elles seulementque notre attention doit se porter.

Ceux des hommes qui croient en un dieu unique etlui prêtent néanmoins un caractère anthropomorphesont au même étage que les polythéistes dont les idolestombent sous les sens.

Lu plurulité des dieux ne doit choquer personne etsurtout point les chrétiens des diverses églises puisquelu Bible, qui est leur Livre par excellence, y fait allusiondès le début.

LE DIEU-PLURIEL

Lu Bible dit littérulement :c En Genèse (1) les Alhéis (2) générèrent le ciel et la

terre ).

(1) Mot hébreu qui veut dire : commencement, gésine.(2) Mot hébreu qui veut dire: les Forces.

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-14 -Plus tard, on substitua au terme c Alhéïs ~ celui d'Elo­

him qui, comme le premier, est un pluriel.Ce pluriel est confirmé par les textes modernes eux­

mêmes. D'après la traduction de Segond :c L'Eternel Dieu dit : Voici, l'homme est devenu

c comme l'un de NOUS, pour la connaissance du bien etdu mal ~. (Genèse III - 12).

Ce singulier, qui parle de lui au pluriel, est l'aveu dela dénaturation initiale, puisque la version hébraïquecomporte, ce qui est logique ;

c Les Alhéïs dirent : Voici, Adas est devenu commel'un de nous ~.

En ce qui touche la désignation des dieux bibliques ladivergence devait s'accuser d'une autre manière. A latroupe des Elohim vint se superposer le dieu Un :Jahveh.

c El Elohim dit ces mois, disant: Je suis Jahveh tonElohim qui t'a tiré du pays d'Egypte, de la demeure desesclaves. Il n'y aura plus pour loi d'autre Elohim devantma face ~. (Exode XX - 1, 3).

Ce dernier texte semble dÙ à la fusion de deux ver­sions : une Elohimique, une Jahvehique, qui s'emboi­tèrent en dépit de la grammaire et du sens véritable desmots.

Depuis, les traducteurs ont purement et simplementsupprimé Jahveh et Elohim, dont la majesté leur sem­blait incertaine, pour y substituer une appellation plusvague, telle que Dieu ou l'Eternel.

LUI-LES-DIEUX

Quelle était la véritable nature des Elohim ? On aformé lil-dessus de nombreuses hypothèses, de la plusélevée il la plus modeste.

Myer estimait, dans la Qabbalah, que le terme Elohim,traduit dans la Bible par le mot Dieu, correspondait àla désignation la plus basse des dieux, celle de la Divi­nité dans la Nature.

-15 -Selon d'autres, les Elohim étaient les Sept Régent,

d'Hermès Trismégiste.On a allégué par ailleurs que les c Esprits du début •

étaient chargés de c fabriquer ~ l'univers objectif avecla matière inorganisée, mais il n'apparaît pas qu'on lesait considérés comme de purs esprits.

Suivant la Cabale, les Elohim, les Chérubins, les Dé­vas, les Richis et les Agnis sont identiques.

Enfin, le judaïsme lui-même évoluant, le Créateurévolua aussi. Le dieu un peu fruste des premiers tempsse concentra, si l'on peut dire. La troupe des Elohim,tendant vers l'Unité, se résuma dans ce mot du textehébreu : Lui-les-dieux.

Puis ce ful enfin Ihewhé, c'est-à-dire l'Eire. c Je Suiscelui qui Suis ~, condensation du Dieu Un.

Personne n'a d'ailleurs jamais su la prononciationexacte de Ihewhé, connu seulement du Grand Prêtre etque, de bouche à oreille, le pontife de l'Innommablemurmurait à son successeur lorsqu'il lui passait les pou­voirs.

Ainsi l'on arrivait au voisinage de l'Absolu, du Sans­Forme, de ce qui, d'après les théologiens de l'antiquité.ne peut non seulement être nommé, mais même pensé.

Evidemment la pluralité initiale du Dieu de la Genèsepeut paraître choquante aux héritiers de la Bible. Maisn'est-ce pas Saint Paul lui-même qui a laissé entendre ­et nous y reviendrons plus loin en détail - qu'il y aréellement c plusieurs dieux et plusieurs seigneurs. ?

DIVINITES A FACE HUMAINE

Envisager la pluralité des dieux, c'est évoquer toutesles théologies primitives.

Il existe bien des mythologies : celles des Egyptiens.des Hindous, des Perses, des Grecs, des Latins, des Ger­mains, des Slaves, des Celtes, des Scandinaves, desPeaux-Rouges et même des Nègres, sans compter les hié­rarchisations proto-historiques de la Divinité.

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Toutes se ressemblent, par la muItiplicitl~ des acteursdivins. Toutes admettent l~galement un Dieu préi~minentdont l'autorité s'exerce sur les autres. Toutes enfin, dansune certaine mesure, conçoivent un antagonisme et par­fois même une identité (ce qui n'est pas si contradic­toire qu'on l'imagine il premiÔre vue) entre Puissancedu bien et Puissance du mal.

Si nous prenons Zeus, Dieu des Grecs, maître des im­mortels dans l'Olympe, il nous faut le dégager en partiede ce que la poésie et la tradition ont dit de lui. Tel qu'ilnous est présenté par Homère, le grand aéde des tempsanciens, Zeus n'a qu'une majesté relative. Jupiter n'estpas moins contestable dans son panthéon romain. Oncn pourrait dire autant de tous les dieux d'autrefois ilqui les hommes ont ingénument prêté leurs passionscharnelles, mais qui, tous, plus ou moins, ont fini parse transformer.

Considéré à travers le christianisme d'aujourd'hui, lepaganisme peut sembler futile. Il le fut, en partie,comme les religions modernes le sont aussi par endroits.Le trait commun des religions de tous les temps estl'adhésion de fait il un cuIte anthropomorphe (c'est-il­dire oit les dieux sonl il l'image des hommes), mnis quitend il évoluer vers un concept idéal.

Les dévots de Zeus ou d'Artémis n'étaient pas néces­sairenH'nt exclus du myslidsnH'. Disons seulement qu'ilsavaient plus de difficuJtl~ il y pl'nétrer - el d'ailleurspeut-être plus de mérite - que le disciple du Christ,orienté congénitalement par celui-ci vers une voied'Amour.

Il ne faut pas prendre au sérieux toutes les divaga­tions poétiques. Encore moins doit-on envisager au senslittéral la partie anecdotique de l'univers olympien. Ainsique nous l'avons vu dans Dieu est-il mathématicirn ?(1) les textes mythologiques et bibliques recouvrent unelettre cachée dont, au demeurant, peu d'esprits se sontavisés.

(1) Editions Astra.

-17 -Ce que nous disons de la théogonie grecque ou ro­

maine n'est pas moins évident pour les autres théo­gonies, oit le symbolisme tient la première place et dontles mythes ont tous un caractère d'allégorisation.

Il n'en reste pas moins que l'humanité ancienne, puisactuelle, a toujours commencé par se reconnaître dansses dieux en les représentant sous une forme humaine.On ne voit pas, en effet, la différence qui existe entrele Zeus barbu de Phidias et le Père Eternel de Michel­Ange au plafond du Vatican.

D'où vient donc cette obstination des hommes àassigner à leurs dieux une apparence d'homme ?

Comment a-t-on pu constamment traduire la Divinitéau moyen de contours humains ?

C'est là une question que le croyant ne formule pascommunément, si ce n'est à l'égard des religions qui nesont pas la sienne. C'est là une recherche négligée parles anthropologisles et les théologiens.

Question et recherche méritent cependant d'être poséeet poursuivie. Car elles tournent l'une et l'autre aux ori­gines mêmes de l'Humanité.

Nous allons donc tenter d'entrer dans ce domaine,vierge encore, où la religion se récuse et où la sciencebalhutie. Pour tout dire nous allons examiner si les dieuxne sernient pas d'anciens hommes, hypothèse encore plushardie que celle des hommes anciens dieux.

TELS HOMMES, TELS DIEUX

Le caractère de toutes les religions du début étantl'anthropomorphisme, c'est-il-dire la représentation desdieux sous une apparence et des attributs humains, onest nécessairement amené à se demander pour quel mo­tif les hommes de tous les temps ont eu cette conceptionuniverselle, qui semble à nos esprits religieux plus évo­lués une caricature de la Divinité.

Cela tient d'abord à la difficulté de penser par abs­traction qui caractérisait l'homme rudimentaire. Il est

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évident quc la conception de Dieu par le pithécanthropeou l'homme de Cro-Magnon ne pouvait avoir qu'un pla­fond très bas.

Très proche de la bête physiquement, et pas très éloi­gné d'elle moralement, l'habitant des cavernes nc pou­vait guère imaginer qu'une repl'ésentation bestiale.

Les Eléates avaient coutume de dire : « Si les hœufsimaginaient des dieux, ils leur lH'Ôteraient des comes ».Si donc l'homme préhistorique se repl'ésentait un dieu,ce ne pouvait êlre qu'une réplique agl'andie de lui.

Toutefois l'universalill; el la eonlinuili' de semblablesIl'adilions ne doit pas l;l1'e n('gligi~e ; ll's dieux (lue nousprésenlent les mythologies l'I ks livres san('s sont t1"Opimpr(~gn('s de ressemblance humaille et tous les hommesde tous les peuples de loule la fl'ITe, l'omnw aussi fousles fidi'ies dl' toutes les l'digions de toule l'hisloil'c n'ontpoint pens(' paralli'lement sans motif.

LES ANGES PHEMIEHS ETAlENT CHAHNELS

Si nous nous penchons sur les lexles les plus anciensnous remonlons ù la source de cel anlhropomorphismeet la vieille lettre de la Genèse est singulièremenl expli­cite ù cel égard.

c Les Alhéis, dit le mot h(·bn·u, générèrent Adas il/t'tI r image ».

Et comme si celle afl'il'lltation ne sullïsait pas, il lari~pète dans la phrase qui suit :

« Ils It~ g('n('l'i'rent il lem' imagl·. Ils /t's g('n('l'i~l'l'nl mÙleel femelle»,

El la demihe phrase identifie l'Andl'Og)"lw premier.Mais le vCI'scl que lIOUSvcnolls de cilet' amènc unc

aull'C hypolhèse. Cet Adas, tantÔl un ct tantÔt deux,cngclldri~ il l'imagc des dieux, IICsuggi'rc-t-il pas la pos­sibilité d'un dieu andl'Ogyne, millc et fcmelle lui aussi ?

Les Elohim, dans cc cas, auraienl pu n'être que dell:t~Elohim, de l'un et dc l'aull'c sexe, s'il ('st permis desexuel' les dieux,

-19 -Si curieux que puisse paraître ce rapprochement, il

ne résiste d'ailleurs pas à l'examen des textes génésia­ques figurant au début de ce chapitre et dans lesquelsla jalousie des Elohim sc manifeste à l'endroit de leurnouvelle créature, dès que celle-ci approche de la con­naissance et peut entrer en concut'rence avec eux,

Cette jalousie n'est d'ailleurs pas exclusivement réser­vée nu premier homme-femme. Elle s'exerce entre lesElohim eux-mêmes,

Une autorité chrétienne difficilement récusable, celledl~ Saint Grégoil'e de Nysse, le souligne expressl'ment :

« L'autorité suprême, ('cdl ce dernier, assigna à cha­« l'une des puissances angéliques son rôle dans l'admi­« lIistmtion de l'Univers. A l'unc de ces puissances fut« confii'e la lert'e. Ensuite ful formée une créature ter­« reslre il l'image de la puissance divine .., L'Etre chargé« du gouvel'llement du globe se jugea offensé et humi­e lié quand, dc la Nature soumise à ses lois et à sese ordres, il vit sortir une substance faite à l'image de lae puissance divine .,

Confirmant ainsi la ressemblance de l'Homme et dela Divinité, le Père de l'Eglise reconnaît implicitementla ressemblance de la Divinité et de l'Homme, Or cetteressemblance n'élait pas seulement de forme mais desubstance ainsi que la Genèse le conslate amèrement :

« Lorsque les hommes eurenl commencé, dit la ver­e sion de Louis Segond, ù se multiplier sur la face de la« terre, et que des filles leur furent nées, les fils de Dieu« virenl <lue les filles des hommes étaient belles, et« ils en prirent pour femmes parmi toutes celles qu'ilse choisirent »,

Ainsi il n'y avait pas seulement identité de substancemais identité de genre el de famille, sinon d'espèce, Demême qu'on voit, dans la nature animale, le loup secroiser avec le chien mais ne pouvoir se croiser avec lelion, de même les c Fils de Dieu» ou entités angéliquesn'auraient pu se croiser avec les hommes s'ils n'avaientappartenu au même genre et à la même famille qu'eux.

Page 10: Barbarin Georges - Dieu Est-il Tout Puissant

-20-Inévitablement le produit de cette alliance dans la

chair devait engendrer des créatures monstrueuses.

c C'est pourquoi, continue la Bible, les géants étaient« sur la terre cn ces temps-là, apres que les fils de Dieu« furent venus vers les filles des hommes et qu'elles leur« eurent donné des enfants ... ~.

Même conception de la collusion charnelle dans laplupart des mythologies et l'occultisme assigne le mêmetitre de « fils de Dieu. aux Asouras, Ahriman, Elohimet autres « Anges Premiers •.

sun VIVANTS D'HUMANITES ETEINTES

Déduisant les conséquences positivistes de cc qui pré­cède des chercheurs modernes sont arrivés à celle con­clusion que les dieux créateurs de la Bible et des mytho­logies seraient des hommes ou des aréopages d'hommes,nés dans des temps très reculés et dont la science, infi­niment supérieure à celle de l'humanité présente, étaittellement développée qu'elle leur permit de découvrirle secret de la vie et d'assujettir tous les éléments à leurjoug.

Hypothèse majeure, si on la considère du point de vuerationaliste. Hypothèse mineure si on la considère dupoint de vue spirituel.

Reconnaissons toutefois que, pour les cerveaux posi­tifs, il y a là un terrain d'explication scientifique, d'au­tant plus que beaucoup admettent aujourd'hui l'éven­tualité de civilisations bien plus avancées que la nôtrcet qui auraient devancé les iiges préhistoriques de l'hu­manité.

Nous sommes, pour notrc part, d'autant plus disposéà rcconnaÎtre l'existence de ces pré-civilisations que nousleur avons consacré des chapitres spéciaux, à propos dela Lémurie, de Mû, de l'Atlantide, dans La Danse surle Volcan (1).

(1) Editions Adyar.

-21-L'existence d'une race humaine très ancienne de

Géants est attestée, non seulement par la Genèse, commenous venons de le voir, mais encore par la Mythologieet par l'occultisme.

Les plus récentes explorations dans la région du lacTchad ont permis de découvrir les restes fossilisés deses derniers rameaux, abâtardis et dégénérés selon toutevraisemblance, puisque les investigateurs n'assignentque deux mètres trente il la taille de leurs possesseurs.

C'est vraisemblablement à ces géants primitifs qu'estduc l\~rection des mégnJithes, improprement nomméspar certains pierres druidiques, alors que leur transportet leur pose remonte aux premiers âges de l'Humanité.

UNE HYPOTHESE c LOGICIENNE.

Dans quelles conditions ces hommes-dieux auraient­ils accédé au pouvoir ? Par suite de quelle sélectionauraient-ils dominé la masse commune?

Autant de questions insolubles, dans l'état actuel de laconnaissance, même occulte, car il ne semble pas que lesPuissances Supérieures soient décidées à livrer leurssecrets aux humains d'aujourd'hui.

Ceux-ci, c'est-à-dire la société humaine à laquelle nousappartenons présentement, sont, de toute évidence, dansun état de régression civilisatrice par rapport aux hu­manités disparues. Les sociétés lémuriennes, atlantidien­ne et de Mû avaient atteint vraisemblablement un stadedont nous sommes fort éloignés.

Les conquêtes actuelles de la science, y compris labombe atomique, ne sont que des balbutiements parrapport il la connaissance d'autrefois.

Si les hommes du début sont parvenus à un état phy­sique et mental très avancé, ceux d'entre eux qui c cre­vèrent le plafond :t écrémèrent littéralement le meilleuret le plus subtil des possibilités de leur époque.

C'est vraisemblablement à cette sélection des pou­voirs que fait allusion la mythologie asiatique quand

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elle présente les dieux comme effectuant le « barattagede la mer de lait •.

Or quel aurait été le premier soin de ces super-hom­mes vis-il-vis des hommes OI'dinaires ? Probablementcelui de se rendre invisible, du moins au commun desmortels.

Ayant capté le secret de la vie avec le secret de lamatière, ils se seraient évadés de l'une et de l'autre, aumoins sous la forme que nous leur assignons.

Mais tout porte à croire que ces hommes divinisés neprésentèrent pas, au début, les marques d'une évolutionspirituelle correspondante et ne durent qu'à une lentetransformation, au COUl'Sd'innombrables millénaires, dese promouvoir sur de plus hauts plans.

Ils aumicnt utilisé leurs frères inférieurs pOUl' l'édi­fication de leur puissance et se seraient alimentés des(~nergies naturelles d,)nt il disposaient le plus commodl~­ment.

Puis une nouvelle s(~lection se serait opél'ée pm'mi cesnouveaux dieux eux-mênH'S selon un processus que nousexaminerons dans les chapitres suivants.

ToujoUl's selon l'hypothi'se ,'ationaliste envisagée ci­dessus, « la création sel'3it une œuvre scientifique préa­« lablement conçue et calculée, par une assemhll-e de« dieux immortels ~,

Et cette assemblée l-voluerait sous la direction d'un« chef suprême dont l'id('al l'si de se l'approcher de« Dieu, suprême perfection et création de leur esprit.,

On ne peut nier qu'une telle conception soit la seuleadmissible par des logiciens terrestres, parce qu'elle sup­prime la harrière ahrupte dressée par les théologiensentre Dieu et l'Homme. Toutefois nous sommes loin del'accepter sous cette forme qui rapetisse le Divin,

Pour des raisons que nous exposerons plus loin, il y a,si nous pouvons dire, une certaine qualité de Dieu.absolument incompatihle avec la quantité humaine, Etl'explication finale de Dieu Il'' [Jf'llt être logique. souspeine de n'être pas.

Le seul fait d'interpréter Dieu avec nos limites céré-

-23-braIes équivaut à assigner à Dieu les dimensions de notrecerveau, Or si nous sommes un morceau de Dieu, Dieun'est pas un morceau de nous, Nous tenterons, au der­nier chapitre, d'esquisser ce qu'il nous est permis d'enconnaître avec les moyens infimes dont nous disposons,

POURQUOI LES DIEUX SONT -ILS INVISIBLES ?

Par contre, rien ne s'oppose nécessairement à ce quela Création soit l'œuvre de dieux secondaires, ou d'ori­gine humaine, ou d'expression de l'Humain,

Mais ceci mérite d'être examiné spécialement avec uneattention désintéressée et l'unique souci d'aboutir à d'im­partiales conclusions.

Pour l'heure nous dirons seulement ceci : si les dieuxétaient d'anciens hommes, pourquoi n'est-il jamais don­né de les voir? sans doute on nous parle de visitations etd'nppal'itions, mais celles-ci sont toutes contestables et,surtout, n'ont d'existence réelle que dans le subjectif,

En effet, Jeanne d'Arc est seule à entendre ses voix,Sainte Catherine de Sienne est seule à converser avec leSeigneur, Bernadette Soubirou est seule à voir la Vierge,Aucun de ceux qui entourent les voyantes ne perçoitle moindre bruit ou la moindre image dans le mondeohjectif. Ce n'est donc pas non plus dans le monde objec­tif que Jeanne, Catherine et Bernadette « réalisent :t ladivine présence mais sur le plan subjectif. Pour que tousles t.émoins enregistrent subjectivement l'apparition ilfaudrait que tous fussent accordés spirituellement à lamême minute, ce qui est presque impossible et, en touscas, très rare dans notre état actuel d'évolution.

Ceci tend à montrer que la pénétration dans le Divin,ne fût-ce qu'à la frontière, dépasse les moyens de la con­dition humaine d'à-présent.

Observons cependant qu'au dire des anciens textes leshéros et les patriarches entraient jadis en communica­tion directe avec leur dieu. Celui-ci, qu'il fût Jupiter ouJéhovah, ne répugnait pas à des conversations fami-

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- 24-

Hères, comme il J'ésulle pal' exemple de l'aventure sen­timentale avec Alcm(~nc, dt's entretiens nautiques avecN(}t~ou des marchandag('s avec Abraham.

y EUT-IL UN HOMME STELLAIHE OU GAZEUX?

La tradition occulte, non entravée par une révélationou un dogme, enregistre l'existence, aux temps les pluslointains du monde, de races d'hommes ayant une forme,mais dépourvus d'un corps solide, inorganique en unmol.

Elle admet, en outre, qu'aux périodes géologiques pre­mières, ces hommes firent souche de dynasties organi­satrices et d'inslrucleurs divins,

Celle allégation ne manquera pas de hél'Îsser les pré­historiens du xx· siècle, dont les plus hal'dis n'envisagentque l'Homme teJ'tiaire, cc qui reprl~sente déjà quelqueséons,

Or l'existence de l'homme non formel a pu précéderles périodes géologique elles-mêmes, c'est-à-dire être an­térieure non seulement au sl~condaire mais cncore auprimaire et dater même de l'état gazeux.

De même qu'il n'est pas interdit d'imaginer une Vieintelligente dans le soleil, ni des être éthérés qui puisentleur nourriture dans la flamme, de même rien ne prouvequ'à la formation du monde une race supéricUl'e etimpalpable n'a pas précéM nos humanités.

Il n'est pas téméraire, dès lors, d'assigner il ces êtres,dégagés du poids de la matière dense, des moyens supé­rieurs et, à nos yeux, presque illimités.

PHOBLEME A L'ENVEHS

Certains matérialistes de notre temps, si invraisem­blable que cela paraisse, ont la hantise du même pro­bll~me, mais, chose curieuse, ils l'abordent par le sensopposé.

- 25-Le plus puissant d'entre eux, Gaston de Pawlowski,

dans son colossal effort de synthèse (1) du début de cesiècle, a émis, au futur. l'hypothèse suivante que l'oc­cultisme (et la religion dans une certaine mesure) con­sidère au passé.

e Un jour, écrivait-il, dans des millénaires peut-être,e un premier homme viendra qui, ayant eu la force vé­e ritable de penser, possédera la science absolue de l'uni­e vers et des sources de la vie. Il faut nous contenter, àe notre époque primitive, de jouer, vis-à-vis de lui, lee rôle très humble, mais encore très enviable d'un Sainte Jean-Baptiste.

e Cet homme-là et ceux de sa race, suivant l'antique« prophétie, seront dieux et vivront éternellement.

e Sera-t-il le Dieu des hommes, le Dieu de la terre,e: le Dieu des immensités célestes ? Peu importe puis­e qu'il saura tout ce qui concerne notre univers. Il saura« quelle est la constitution intime de la matière, il pour­e: ra provoquer la vie, il reproduira les mystères du mi­e métisme et tous les autres prodiges de l'histoire na­e: turelle, il saura ce qu'est l'électricité, il pourra trans­e muer les corps simples au moyen d'un seul déplace­e ment moléculaire, il utilisera pour ses besoins lese: forces prodigieuses de la matérialisation, il déchiffrerae: les pensées il distance, ressuscitera les morts, guérirae les malades, voyagera dans le passé et dans l'avenire: en interrogeant sa conscience ... Ce sera, en somme,e un ingénieur fort distingué.

e Il sera tout, relativement à la science ... en réalitée: il ne sera rien. Car ce jour-là au fond de sa conscience,e se posera de nouveau l'angoissant mystère du l'on­e traire.

e: Connaissant l'univers jusqu'à ses extrêmes limites,e dans sa vie intime et dans sa construction, le Dieue nouveau comprendra cependant qu'il ne le connaîte: que par l'intérieur, c'est-à-dire par lui-même, et qu'il

(1) Voyage au Pays de la Quatrième Dimension (1912)[Fasquclle éd,].

1

L1

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-26 -

e n'en a point cette vision par l'extérieur que pourraite avoir, par exemple, un Dieu supérieur, Et, commen­e çant à douter de lui, le Dieu savant s'agenouillera bien­e tôt comme ses ancêtres humains devant le grand mys­e tère, Pensif, tournant anxieusement son regard verse les Cieux, le Dieu nouveau cherchera Dieu .,

Fnute d'avoir retourné le pl'ohlème et inversé la solu­tion, quel splendide aveu d'impuissance ! et n'est-cc pasle même accent que nous retrouvons, il Cl'lte heuremême, chez Jean Rostand, dans 1:Avenir (It~la /Jiologie(1), oir l'auteur envisa~c la création d'un nouveau typed'homme au moyen cie tntÏl<'mcnts hormonaux et pare supel"fœtalisation ~.

« Comment l'homme se ('omj>OI·tel'ait-i1 en j>l'l~sence« d'un êtr'e surhumain ? Quels sel'aient ses sentiments« il l'('gard du frère supérieur ? La pensée d'avoir créé« mieux que soi-même et de s'être dl'passé en autruie suffimil-elIe il rassurer son orgueil ? Se félicÏlrrait-iIe d'avoir enfin un compagnon il sa solitude et de pou­e voir attendre d'un cerveau mieux pensant la solutione des grandes énigmes oil son front s'est huté jusque­e là ? Ou connaîtrait-il le dépit du crt~ateur en facee d'une cl'éature qui le dépasse et qui le juge ? •

Comhien émouvantes sont de pareilles lignes sous laplume d'un biologiste que son mtionalisme conduit ill'impass(' ('1 am('ne ail piecl clu mur' !

•• •Est-il besoin d'ajouter que nous ne nous satisfaisons

pas d'hypothèses divines aussi élémentaires et que nousIle I('s mentionnons (IU'ilmison de leur path(·tique d('ses­péré.

Bien d'autre couloirs 1)lu8 fructueux, plus larges aussi,nous seront offerts au cours de la présente étude et nouscroyons que même un certain nth('isme de grande classey trouvera prétexte à méditation,

(1) Nouvelles Littéraires du lor novembre 1945.

CHAPITRE III

Nourritures d'immortalité

La grande préoccupation des hommes de tous lestemps a été de découvrir le secret de la vie et de s'assu-rer l'immortalité.

Celle-ci commande les autres pouvoirs. Elle absente,les plus grands demeurent inutiles, car, seule, la conti­nuité permet la réalisation des hauts desseins.

A plus forte raison les surhommes ont-ils cherché laréalisation d'une immortalité même conditionnelle, Nousdirions : même temporaire si le mot n'était pas exclusifd'immortalité. Et cependant nous constaterons bientôtque les premiers dieux durent se contenter d'une pro­lougatÎon indéfinie de la vie, liée ù certaines pratiquesou certains rites gardés jalousement secrets.

Ces dieux mortels sont-ils morts physiquement ? Ouexistèrent-ils sous une autre forme plus subtile ? Em­ployèrent-ils des moyens de se survivre que le vulgairene connaît pas ?

Avaient-ils un séjour spécial ? Celui-ci se trouvait-ildans l'air ou au centre de la terre? Les dieux se tenaient­ils sur d'autres planètes ou bien dans d'autres systèmes ?

Etaient-ils, plus simplement, sur un autre plan ?Voilà ce qu'il n'est pas permis d'élucider aisément.

Mais peut-être, à la suite de nos investigations, quelquesréponses seront-elles permises,

Page 14: Barbarin Georges - Dieu Est-il Tout Puissant

- 28-

LES SENS EXQUIS DU GOUT ET DE L'ODORAT

La magie a dû jouer un rÔle considérable dans la pro­longation de la vie des dieux matériels. Même de nosjours, il est permis de croÜ'e que des magiciens ont puéluder temporairement la mort organique ou se recréerune existence l\(·tifjcielle il l'aide des pires i.·léments del'Astral.

Inutile de dire que ces pratiques ne pouvaient êtrequ'odieuses aux divinités supérieul'es, celles-ci ayant illeur usage de plus sûrs et plus nobles moyens. Mais, detout temps, les c génies. subalternes ont eu reCOUl'Sauxcontraintes magiques qui visent il tromper la Nature ou illa violenter dans ses lois.

Dans Les Clés de la Santé (1) et, plus explicitement en­core, dans L.es Clés du Bonheur (1) nous avons montrécomment on c nourrit • et comment on c aère • sonâme pur les procédés de l'alimentation et de la respira­tion divines, en insistant sur l'importance capitale desfonctions c essentielles. - mais inconnues des physio­logistes - qui ont été imparties au goût et il l'odorat.

Ces notions, étrangères il la science moderne, (~taientfamilières il la connaissance antique, comme elles le sontd'ailleurs il la connaissance orientale.

Le \rel'set cinq de la troisième question de la Pl'ashno­panishad dit : « La vie supérieure s'établit par la boucheet par le nez •.

Le golÎt ri.·side dans la combinaison des éthers subtilsdes aliments avec le prâna.

Sans cette alliance intime avec l'uir vital le golÎt estaboli comme il est aisé de s'en assurer soi-même enmungeant la hou che fermée et le nez clos. Il en est demême pour la boisson. L'infusion la plus caractéristi­que n'a de goM qu'au contact de la première lampée

(1) Editions Astra.

-29-

combinée avec l'air extérieur. La saveur disparaît (1)pendant tout le temps de l'acte de boire si celui-ci estcontinu et ne laisse place, entre deux gorgées, à aucunerespiration. Par contre, dès que le geste de boire s'inter­romp et que l'air frappe à nouveau les papilles ner­veuses du palais et de la langue (2), le sens du goût re­paraît, plus uvivé et plus fOl·t.

Pendant cette syncope du goÙt peut-on dire que lerÔle gustatif de la langue et du palais est interrompu ?Nullement. Ces organes s'acquittent exactement de leurtàche, mais le défaut d'ussociation des éthers alimen­taires avec le prâna abolit le sens du goût. Donc le goûtne réside pas dans la langue ni le palais mais dans lacombinaison des essences. Autrement dit le goût' cons­titue un acte et non un lieu.

Par analogie cela ne rappelle-t-il pas le mélangegazeux qui s'opère dans le carburateur des automobiles,où l'air ne peut rien sans l'essence et l'essence ne peutrien sans l'air ? Seule, une heureuse combinaison desdeux éléments permet d'engendrer le dynamisme.

ROLE OCCULTE DE L'ETERNUEMENT

Le souhait populaire : c Dieu vous bénisse ! • n'estque la survivance d'un hommage - jadis conscient, maisdevenu aujourd'hui inconscient - rendu il la fonctionexcitatrice, qui se détermine par alerte des épanouis­sements du trijumeau.

La médecine officielle ignore à peu près tout du mé­canisme réel et surtout des buts véritables de l'éternue­ment, considéré comme un simple et banal réflexe, alors

(1) Le malade avale d'un trait, et lanl relpirer, les potionsnauséeuses et amères pour n'en point sentir le goQt.

(2) Les dégustateurs professionnels n'admettent dans leurbouche qu'une petite quantité de vin et font claquer la languecontre le palais, en respirant par la bouche, afin d'obtenirl'union intégrale du liquide et de l'air, c'est-à-dire le maximumde goQt.

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que son rÔle est celui d'une soupape éthériquc chargéede diminuel' la pression des influx vitaux. Cela est tel­lement vrai que les sér'ies d'éternuements, surlout quandelles sont inhabituelles, semblent vider la c pile ner­veuse :t du sujet. En réalilé, le dommage est beaucoupplus grand, puisque ]e jeu immodéré de ]a soupape laissefuir les énel'gies subtiles et que l'incoercibilité de ]'(.ter­nuement - comme d'ailleurs l'l'Ile du hoquet, autreexutoire - entraîne habituelIeml'nt ]n mort.

LES MANGEUHS D'ODEURS

Toutes les doctrines occultes reconnaissent que lesodeurs sont l'unique émanation directe de la matièrequi franchisse les bornes du monde ohjectif.

Il est g("nl'l'lIlement admis par Jt·s daÎl'voyants que lesêlres du hus-Astral sonl sensihles il l'erluines odeurs quiexaspl'I'l'nl leurs désir's.

Dans J'Apl'ès-Morl (1) nous avons cilé des ohser\'alionsdu DI', T.D. Crolhers et du Dr. Curliss relatives il unevéritable succion fluidique exercéc, au moyen des va­peurs d'alcoo], par le!! ivrognes défunts.

La mythologie houddhique reprl~senle ]es Gandharvasou fl~es hindoues comme des « mangeuses d'odeurs :t.Et ceci est il rapprocher de ]a conceplion de nos conteseuropéens touchant l'alimentation des fées occidentales,qu'on disait se nourrir de goulles de rosée, de la diapl'Uredes papillons et de ]a pruine des fruits.

c Comme ]es fées et ]es esprits des morts de ]ac croyance celtique ou les daim ons des anciens Grecs,« les habitants du Bardo sont dits vivre d'essences l~thé­criques invisibles qu'j]s extraient soit de la nourriturec qui leur est offerte sur le plan humain, soit dl's ré­c serves naturelles gl~nérales de la nature. Dans les Sixc Doctrines, Mjà citées, on dit des habitants du Bardo:

(J) (Astrll).

- 31-c Ils vivent des odeurs (ou essences spirituelles des cho­c Sl'S matl'rielles) :t (1).

)lowel écrit, d'autre part :c ...Sur ]e plan aslral, non seulement ]e tabac introduit

c des impuretés, mais il a tendance à tuer ]a sensibilitéc du corps ... C'est sans doute un grand ma] au point dec vue des corps astral et mental :t,

Et, plus loin :c ...Presque toutes les drogues (telles que l'opium, ]a

c cocaïne,]a caféine du café et du thé, etc ..,) ont un effetc destructif sur les véhicules supérieurs :t,

N'est-cc point en vertu de la même correspondancemystérieuse que ]e professeur Edouard Arnaud a puécrire dans Recherche de la Vérité (2) :

c Un simple parfum peut susciter une émotion, ou bienc une pensée, ou, chcz ]es très grands sensitifs, une ex­c lase spirituelle.

c De même certains aliments ont une répercussion surc les états d'âme et d'esprit :t,

De son côté, Addison fait allusion aux c ponts :t invi­sibles de l'odorat et du goût, dans son étude eschatolo­gi que (3) et il écrit :

c L'Hindou expliquera sa façon d'agir (]'offre aux an­c cêtl·cs de petites boules de riz et de farine) en disantc que le corps subtil de ]'àme ne saurait acquérir, àc moins de nourriture, cette substance plus grossièrec dont il a besoin pour la vie posthume :t,

Et encore du Bardo- Thodo] :

c Tant que l'on reçoit les personnes en deuil - ce quic dUl'e usuellement deux ù cinq jours - on offre àc l'esprit du mort sa part de nourriture solide et liquidec il chaque repas. La Nourriture est placée dans un bol

(1) Le Bardo-Thodol (A. Maisonneuve éd,),(2) Leymarie, "éd,

(3) Qui a trait aux fins dernières de l'Homme,

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- 32-« en face du corps, el, après que l'esprit du mort p.rtrait« la subtile pssence invisible de III nourriture. cdle-ci estc jetée •.

Cette liaison des basses divinités avec le monde orga­nique est enfin admise par le Uvre des Morts Egyptiens.Le chapitre XVII, rappelant le mot Aanrou. précise quecelui-ci s'applique au champ des moissons divines, c'est­à-dire celui de l'alimentation des dieux « qui sont der­rière le sarcophage •.

LE VAMPIHISME DES DIEUX

Le sous-lih'e qui précède n'est pas exagéré si on l'ap­plique aux dieux innombrahles qui se repurent de lafumée ahjecle des sacl'ifices c.harnels.

AUCUIW, pour ainsi dire, des divinités anciennes n'yéchappe el cela seulles condamne car une puissance fon­dée SUI' l'émanation du sang animal ne pouvait être qued'Ol'dre infédeur.

L'évocation des mol'ts s'e1fectuait, dans l'antiquité, aumoyen de pratiques sanglantes.

Homère peint Ulysse creusant avec son glaive unefosse profonde sur laquelle il fait des libations. Puisle héros égorge les victimes, et les ombres d{'s défunts,atlirécs par le sang noirÙtre, accourent en foule pour ('nhumer les vapeurs.

Que des dieux recourent aux mêmes procédés que lesêtres sous-astraux, pour asseoir leur puissance magique,voilà qui est révélateur de leur bassesse et de leur den­sité.

Le dieu des Hébreux n'échappe point à ce reproche,loin de là. Une frénésie de sang le domine. Dès lespremii'res pages de la Genèse, il préfère le sang et lesgraisses du tueur de bêtes Abel aux offrandes végéta­riennes de Caïn.

- 33-

HOLOCAUSTES SANGLANTS

Les sacrifices culturels ont été de tous les lieux et detous les temps.

Joseph de Maistre (1) nous montre e l'homme persua­e dé ... de cette effrayante vérité : qu'i! vivait 'OUI lae main d'une puillance irritée, et que cette puillance nee pouvait être apaisée que par de, sacrifices •.

Ailleurs il précise que e l'homme étant donc coupablec par son principe sensible, par sa chair, par sa vie,e l'anathème tombait sur le sang ; car le sang était lee principe de la vie, ou plutôt le sang était la vie •.

Ces vues sont exactes en ce qui concerne la croyance del'Homme lui-même. Mais on sait que l'Homme a géné­ralement des vues courtes et que le sens caché deschoses lui échappe le plus souvent. Cette notion congé­nitale de culpabilité qui mettait l'Homme dans· l'obli­gation de racheter le sang par le sang n'avait pu lui êtreinculquée que par les dieux inférieurs eux-mêmes oupar ceux qui vivaient du culte et des présents.

La vérité masquée était qu'une divinité de mauvaisaloi recherchait les égorgements à cause de la libéra­tion du principe de vie, objet de sa convoitise et dont ellenourrissait sa fausse immortalité.

Que dit Porphyre (2) des Esprits inférieurs ?

e Ces esprits ne sont occupés qu'à tromper par toutese sortes d'illusions et de prestiges ... Leur ambition est dee passer pour des dieux et leur chef voudrait qu'on lee prit pour le Grand Dieu. Ils prennent plaisir aux sacri­e fices sanglants et ce qu'il y a de corporel en eux s'ene engraisse, car ils vivent de vapeurs et d'exhalaisons ete se fortifient par les fumées du sang et des chairs. C'estc pourquoi un homme prudent et sage se gardera bienc des sortes de sacrifices qui attireraient ces génies. Il

(1) Traité sur les sacrifices.(2) Traité de l'Abstinence des Viandes.

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« en face du corps, et, après que l't'sprit du mort r.rlrait« la sublile rssence invisible de la nourriture, celle-ci est« jetée •.

Cette liaison des basses divinités avec le monde orga­nique est enfin admise par le Uure des Maris Egyptiens.Le chapitre XVII, rappelant le mot Aanrou, précise quecelui-ci s'applique au champ des moissons divines, c'est­il-dire celui de l'alimentation des dieux « qui sont der­rière le sarcophage :1>.

LE VAMPIHISME DES DIEUX

Lc sous-litl'c qui précède n'est pas exagéré si on l'ap­pli1lue aux dieux inJlomurahles qui sc repurent de lafumée ahjecte des sucrifiCl'S dwrnels.

Aucune, pour ainsi dire, des divinités unciennes n'yéchappe el cela seulles condamne car une puissance fon­dée SUI' l'émanation du sang animal ne pouvait être qued'ordl'e inférieur.

L'évocation des mol'ts s'effectuait, dans l'antiquité, aumoyen de pratiques sanglantes.

Homère peint Ulysse creusant avec son glaive unefosse profonde sur laquelle il fait des libations. Puisle héros égorge les victimes, et les ombres des défunts,attirées par le sang noirtltre, accoUl'ent en foule pOUl'enhumer les vapeurs.

Que des dieux recourent aux mêmes procédés que lesêtres sous-astraux, pour asseoir leur puissance magique,voilà qui est révélateur de leur bassesse et de leur den­sité.

Le dieu des Hébreux n'échappe point à cc reproche,loin de là. Une frénésie de sang le domine. Dès lespremii-res pages de la Genèse, il préfère le sang et lesgraisses du tueur de bêtes Ahel aux offmndes végéta­riennes de Caïn.

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HOLOCAUSTES SANGLANTS

Les sacrifices culturels ont été de tous les lieux et detous les temps.

Joseph de Maistre (1) nous montre c l'homme persua­c dé ... de cette effrayante vérité : qu'il vivait .ou. lac main d'une puillance irritée, et que cette puillance nec pouvait être apai.ée que par de•• acrifice. ~.

Ailleurs il précise que c l'homme étant donc coupablec par son principe sensible, par sa chair, par sa vie,c l'anathème tombait sur le sang ; car le sang était lec principe de la vie, ou plutôt le sang était la vie ~.

Cl'S vues sont exactes en ce qui concerne la croyance del'Homme lui-même. Mais on sait que l'Homme a géné­ralement des vues courtes et que le sens caché deschoses lui échappe le plus souvent. Cette notion congé­nitale de culpabilité qui mettait l'Homme dans' l'obli­gation de racheter le sang par le sang n'avait pu lui êtreinculquée que par les dieux inférieurs eux-mêmes oupar ceux qui vivaient du cuIte et des présents.

La vérité masquée était qu'une divinité de mauvaisaloi recherchait les égorgements à cause de la libéra­tion du principe de vie, objet de sa convoitise et dont ellenourrissait sa fausse immortalité.

Que dit Porphyre (2) des Esprits inférieurs ?

c Ces esprits ne sont occupés qu'à tromper par toutesc sortes d'illusions et de prestiges ... Leur ambition est dec passer pour des dieux et leur chef voudrait qu'on lec prit pour le Grand Dieu. Ils prennent plaisir aux sacri­c fices sanglants et ce qu'il y a de corporel en eux s'enc engraisse, car ils vivent de vapeurs et d'exhalaisons etc se fortifient par les fumées du sang et des chairs. C'estc pourquoi un homme prudent et sage se gardera bienc des sortes de sacrifices qui attireraient ces génies. Il

(1) Traité sur les sacrifices.(2) Traité de l'Abstinence des Viandes.

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Page 18: Barbarin Georges - Dieu Est-il Tout Puissant

-34 -e ne cherchera qu'à purifier son âme, parce qu'il n'y ae aucune sympathie entre une âme pUl'e et eux».

De Maistre, déjà citi~, a fait cette curieusl' observa­tion :

« Il faut l'l'marquer que, dans les sacdfices propl'e­e ment dits, les animaux camassiers ou stupides, oue étrangers à l'homme, comme les bêtes fauves, les ser­e penIs, les poissons, les oiseaux de proie, cIe... n'l~laiente point immolés. On choisissait toujoUl's parmi les ani­e maux, les plus précieux pm' leUl' ulilili', les plus doux,« les plus innocents, les plus cn rapport avec l'hommee par leul' instinct el lcurs habitudes. Ne pouvant enfine immolel' l'homme pOUl' sauver l'homme, on choisis­c sait dans l'espèce animale les victimes les plus llll­c mllinc,~,s'il est permis de s'exprimer ainsi ».

L'Eucharislie clle-mt'me n'est qu'une trunsposilionidéalisée du sncrifice de la victime innoccntl', c'est-;\-dit'ede l'Agneau,

LA BOUCHEHIE HELIGIEUSEDES TEMPLES ANCIENS

Mais, avant d'en arriver à celle allégol'isalion, les tem­ples furent pendant longtemps des SUccuJ'salcs dc bou­(·IH'I'Îl'.CC'sl fOI"jllsll'IIH'III !fliC'Vollaire Jt·s a sliglllalisl'sCil disalll (Ju'on n'y voyait « (Jue des l~taux, des ln'oches,« des grils, des couteaux de cuisilll', de longues four­e chelles de fl'r, des cuillèl'es il pol, de g1'alldes jan'cse pour mettre la graisse et lout cc qui peut inspÏ1'cr lee mépl'is et l'horreur ».

Ce tahleau est loin d'être poussé nu noir et, s'il pêche,c'est par indigence. Voici ce que raconte Hi'rodole, il pro­pos des sacrifices égyptiens à Isis :

e LOI'sque (les prêtres) ont i'corché un bœuf, ils prient« et rctin~nt ses inlestins creux, mais ils laissenl dans lee corps les viscères et ln graisse. Ils coupent les jambes,« l'extri'milé de la queue, les l~paules et le cou ; cela

-35-c fait, ils remplissent ce qui reste du corps de pains bien« nets, de miel, de raisins secs, de figues, d'encens, dec myrrhe et d'autres parfums, Quand il est ainsi remplic ils ll~ brûlent sur l'autel, l'arrosant d'huile à grands« flols »,

Il l'n l'sI de même chez les Chaldéens et chez les Grecs,Il sl'mhle, loutefois, qU'il Home les sacrifices sanglantsavaicntlieu en dehol's du temple,

Les sacrificateurs n'en pUl,ticipaient pas moins à dehideuses séances de meurh'e qui, lors des hécalombes,pal' exemple, exigeaient l'immolation collective de centbœufs.

Imagine-t-on l'intarissable fleuve de sang, l'odeur detunl d'entrailles répandues, l'odieuse fumée des chairsgrilli'es et l'atmosphère bestiale des c lieux saints :t ?

Les dieux païens, hélas 1 n'avaient point la spécialitéde ces riles immondes. Toute une partie de l'AncienTestament est consacrée à l'ordoimance des sacrificessanglants.

Les textes sont sans détours :

« Si son offrande est un holocauste de menu bétail,e d'agneaux ou de chèvres, il offrira un mâle sans dé­« faul. Il l'égorgera au côté septentrional de l'autel, de­« vant l'Eternel et les sacrificateurs, fils d'Aaron, en« l'l~Jlal1dl'Ontle sang SUI' l'autel tout autour. Il le cou­« Jll'J'a l'HI' morceaux; d le sacdficateur les posera, avece la têle et la graisse, sur le bois mis au feu sur l'autel.« C'esl un holocauste, un sacrifice consumé par le feu,« d'une agréable odeur à l'Eternel,

« Si son offrande à l'Eternel est un holocauste d'oi­e seaux, il offrira des tourterelles ou des jeunes pigeons.c Le sacrificateur sacrifiera l'oiseau sur l'autel ; il luic ouvrira la tête avec l'ongle ... et il exprimera le sangc sur un des côtés de l'autel. Il ôtera le jabot avec sesc plumes et il le jettera près de l'autel, vers l'orient, danse le lieu où l'on met les cendres. Il déchirera les ailesc sans les détacher ; et le sacrificateur brûlera l'oiseaue sur l'autel, sur le bois mis au feu. C'est un holocaullte,

Page 19: Barbarin Georges - Dieu Est-il Tout Puissant

- 36-

c un sacrifice consumé par le feu, d'une llgrt1able odeurc à l'Eternel ~.

(Lévitique, l, 10 il 17 et la suite).Par eonlrc le Livre spécifie formellemenl

e C'est ici une loi perp(~tuellc pour vos des('('ndanls,c dans tous les lieux oiI vous habiterez : lJOWI ne Tl/an­

e gerez ni graisse ni sang ~.Graisse et sang étaient la part de c l'Eternel » qui,

seul, s'arrogeait le droit de humer l'<-manatioll salissouillure.

LES SACRIFICES HUMAINS

Mais là ne pouvaient se borner les excès de l'Hommedans sa tentative de servir les mauvais dieux. De vic­time en victime il devait arriver à sacrifier l'homme lui­même.

Il faut reconnaître toutefois que sauf chez les Phéni­ciens, les Tyriens, les Chananéens, les Carthaginois, lesacrifice humain demeura exceptionnel dans l'antiquité.On n'y avait recours que dans certaines grandes occa­sions, lorsqu'il fallait sauver un peuple, une flotte ouune armée. Encore la victime était-elle parfois volon­taire ainsi qu'il arriva plus tard chez les Druides, autémoignage de César. Dans ce cas, et en vertu de lamême croyance indiquée plus haut, les dieux se c réga­laient ~ de la victime la plus innocente. Le sacrificedes coupables n'avait pas la même valeur d'échangeet ne constituait qu'une faible monnaie d'expiation.

Dans notre ère, les sacrifices publics de caractèrereligieux n'utilisèrent de victimes humaines qu'auMexique oil, jusque vers la fin du xv' siècle, on immolades prisonniers et même des enfants. Dans ce cas, leprêtre arrachait lui-même le cœur vivant et le pressaitsur la bouche de l'idole pour la gorger d'influx vital.

Pratiques véritablement infâmes et d'une magie aber­rante que peuvent seuls utiliser des imaginations per­verses et des êtres dégénérés.

-37-Mais nous en avons dit assez pour juger les dieux

d'une certaine sorte. Certains se dégagèrent des excèsmèmes de leurs fidèles et ambitionnèrent une nourrituredigne d'eux.

ALIMENTS DE LONGUE VIE

Les hommes mortels songèrent, dès le début, à s'im­morlaliser par le choix d'une nourriture appropriée.La e gelée royale ~ permet bien aux abeilles de produireune reine, personnage divin de la ruche, en nourrissantune larve commune sortie elle-même d'un œuf banal.

On rapporte qu'un pêcheur d'Anthédon, nomméGlaucos, poursuivant un lièvre épuisé, vit celui-ci man­ger une herbe d'une certaine sorte et repartir ensuiteavec une nouvelle vigueur. Ayant cueilli l'herbe à sontour, puis l'ayant goûtée, Glaucos parvint, dit la légende,il se rendre immortel.

Il s'agit là, comme nous l'avons dit plus haut, nond'une acquisition définitive mais seulement d'un moyende prolonger la vie et qui, nous le verrons tout à l'heure,l~chut il l'ensemble des dieux.

Suivant les Zoroastriens, les hommes primitifs au­raient partagé la nourriture des Yazatas ou Esprits cé­lestes, gouverneurs des Eléments.

Ceci est il rapprocher du c barattage de la mer delait~, d'où naquit l'élément solide et que les dieuxiraniens absorbèrent à l'effet de s'incarner matériel­lement. De là cette race de c procréateurs divins ~auteurs de races nouvelles.

Si l'on s'en rapporte à la Genèse, l'aliment d'immorta­lité des Elohim était un fruit. Ce fruit n'était pas celuide l'arbre de la connaissance du bien et du mal, au con­traire, puisque c'est à partir du jour où ils mangèrentle fruit défendu qu'Adam et Eve devinrent mortels.Ceci laisse donc entendre que le premier homme etla première femme usaient habituellement du fruit portépar l'arbre de vie, car, à l'exception de l'arbre de la con-

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-38-

naissance, l'Eternel avait permis de manger c librementde tout arbre du jardin ~.

Ce n'est qu'après la désobéissance que « l'EternelDieu ~ dit : c Voici, l'homme est devenu comme l'un dec nous, sachant le bien et le mal. Mais maintenant il faut« prendre garde qu'il n'avance sa main, el ne prennec aussi de l'arbre de vie, el qu'il n'en mange et ne vive« à toujours ~.

Tout démonlre donc que l'immortalité des Elohimétait, elle aussi, conditionnelle et ne s'entretenait quepar l'usage rMtéré du fruit de l'arhre de vie dans le jar­din d'Eden. (1)

LE SAN(~ DES nIEUX

L'imlllorlalil('~ des dieux olympiens Ile semble pasmoins précaire. Elle n'l~tail certainement pas absoluepuisque Sai urne, ayant déll'onl' Ouranos, avait convenuavec les Titans que ceux-ci reprendraient le pouvoircélesle après sa mort.

Que dit, au surplus, la myl hologie Larousse touchantla complexion des dieux ?

« Si l'existence des dieux ressemble à celle des hom­e mes, c'est qu'en apparence du moins, leur nature n'este pas différente. Leur corps, semblable â celui des mor­e Iels, ne s'en distingue (lue par la laille, ln fOl'ce et ln« henull'. Le corps d'Arès l'tendu SUI' le sol couvre unee l-Iendue de sept plélhres (210 mètres).

« Toulefois, ehez les dieux, le sang est l'emplncé par« une sOl'te de liqueur plus fluide, l'icJlOr, (1) qui rend

(1) Le Livre d'Hénoch donne la promesse post-lI\essianiqued'Un « arbre de vie :t réservé aux justes, exhalant ulle odeur au­dessus Ile lout parfum el donl les feuilles. les fleurs el le boisne sc dessécheront jamais. Il ressemblera au caroubier. Sonfruit, semblable il. celui du palmier et Ù une grappe de vigne.donllefll la .,agesse à ceux qui Cil mangeront et cOlI\lIJulliquel'l\la /lie? llUX élus.

(t) Particularité curieuse: la médecine moderne a choisi

-39-e le corps impérissable et incorruptible. Ce qui n'em­c pêche pas les dieux d'êtres vulnérables aux armese des hommes. Mais leurs blessures, si douloureusese qu'elles soient, guérissent toujours et leurs corps con­e servent une éternelle jeunesse ~.

AMBROISIE ET NECTAR

Ce qui résulte de plus clair des textes mythologiques,c'est que les dieux de l'Olympe ne se nourrissaient pascomme les mortels. Leur aliment liquide était le nectar:leur aliment solide l'tait l'ambroisie. L'une et l'autrede ces nourritures avaient un goût délicieux et un admi­rahle parfum.

C'est la raison pour laquelle Tantale, roi de Lydie, filsdl' .Jupiler l'l d'Une morlelle, ayant été admis ù la tablede son père, déroba une certaine quantité de nectar etd'ambroisie afin de devenir immortel. La tentativeéchoua, d'abord parce que le larcin fut découvert etcruellement châtié, ensuite parce qu'il fallait proba­blement absorber contimiment les aliments divins ou,du moins, les ingérer pendant une certaine période.Rien n'indique, au demeurant, que l'assimilation divineélait identique à celle de l'espèce humaine et s'effectuaitpar le tube digestif.

Quelle était exactement la nature et la compositiondu nectar et de l'amhroisie ? On comprend que ce devaitêtre le secret majeur des dieux. Ces aliments toutefoisne devaient pas être purement objectifs. Ils pouvaientêlre aussi de nature éthérique ou fluidique. Dans notreouvl'age précité e Les Clés du Bonheur ~, (1) nous avonsfaitressorlir le rôle primordial des essences alimentaireset respiratoires, dans l'entretien des e corps ~ supérieurs.

l'acception la plus basse du mot grec t;(Wp. qui veut direaussi partie séreuse du sang, lymphe, puis enfin, en dernier lieu,sang corrompu, sanie, pus.

(1) Editions Astra.

Page 21: Barbarin Georges - Dieu Est-il Tout Puissant

-40-Mais dans l'imposibilité de connaître les éléments com­

posants de la nourriture olympienne, nous avons cepen­dant la faculté d'opérer certains recoupements.

BHEUVAGE D'IMMORTALITEET NOUHRITUHE DE JEUNESSE

La Mythologie spécifie, à maintes reprises, que lesdieux se procuraient, au moyen du nectar et de l'ambroi­sie, la jeunese et l'immortalité. Tout indique que c'estl'ambroisie qui empêchait de mourir et le nectar quipermettait de conserver lu jeunesse.

Malgré leur caractère divin les nymphes n'(·taient pasimmortelles. Selon PlutarqUt·, la durée habituelle del'existence Ilymphale était d'environ U.600ans. Mais ellesavaient le pouvoir de demeurer helles et jC'unes, aussilongtemps que l'ambroisie (·tait il la base de leul' uli­mentation.

Une autre preuve résulterait du cas d'Eos, troisième fil­le des Titans. Celle-ci ayant obtenu des dieux l'immortali­té pour son amant Tithon, avait omis, en même temps, desolliciter pour lui la jeunesse. A mesure que Tithon de­venait vieux, Eos lui faisait absorber de l'ambroisie pourlui assurer l'incorruptibilill~. En dépit des soins de sadivine amante, THhon l'immortel, faute de nectar, som­bra dans la décrépitude. Même aventure survint d'ail­leurs dans l'ile de Laputa aux Lubdhruggs de Swift.

Qui servait aux dieux de l'Olympe les mets habituels?Il semble qu'au début Hébé assumait seule les fonctionsde pannctière et d'échanson ne. Hébé, fille du Ciel et dela Terre, selon Hésiode, de Zeus et d'Héra suivantHomère, était la déesse de la Jeunesse. EUe avait desautels à Athènes, à Sicyone, et Phlionte l'honorait dansun bois sacré. Elle circulait parmi les dieux, versant lenectar et servant l'ambroisic'. Or, dit la Mythologie, Hébé,vierge idéale, fit une c chute :t devant les dieux. Et ceux­ci, l'ayant vue dans une posture indécente, l'exclurentde leur présence. Qui ne voit, dans cette c chute :t de la

-41-déesse, une perte de sa virginité ? En effet, ensuite, char­gée d'atteler le char d'Héra, Hébé devint l'époused'Hercule, c'est-à-dire s'unit à l'un des plus puissantshéros du monde charnel.

On peut inférer de ceci qu'Hébé n'était pas seulementchargée d'offrir le nectar et l'ambroisie mais que safonction principale et c essentielle :t était de les prépa­rer. Or mets et breuvages divins n'acquéraient d'effica­cité que sous la main d'urie vierge. C'est la raison pourlaquelle Hébé fut remplacl~e par Ganymède, adolescenttroyen d'une rare beauté.

Les poètes disaient l'ambroisie neuf fois plus douceque le miel. Homère dépeint le nectar comme uneJiqlll'Ur rouge. Cette liqueur rouge était-elle l'émanationdu sang des sacrifices, si cher uux dieux? (1)

LE SOMA

Il existe une répliclue hindoue de l'ambroisie olym­pienne. C'est le Soma (Haoma avestique) dont la Mytho­logie Générale (2) dit ceci :

c Le Soma est tout d'abord une plante, l'ingrédientc essentiel des anciennes offrandes. C'est aussi le suc dec la plante, obtenu par le pressurage de celle-ci entrec deux meules de pierre. Et c'est ensuite le nectar doré,c le breuvage des dieux ; cette précieuse ambroisie, quic confère l'immortaJih.~, assure effectivement à ceux qui« en boivent la victoire sur la mort :t.

c Les Hymnes védiques tardifs et les Pouranas indi­c quent la transition entre le Soma ambroisie et le Soma·c lune : c Lorsque, disent-ils, la plante est broyée, celui« qui en boit le suc lu considère comme le Soma. Mais« celui que les prêtres considèrent comme le Soma, per­e sonne ne peut en boire :t.

(1) Le cacao a été appelé théobroma, c'est-à-dire aliment desdieux, sans qu'on puisse savoir si ce vocable est autre chosequ'une allégorie.

(2) Larousse, éd.

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-42-Lcs brahmanes unciens prétendaicnt, en effet, d(,tenir

scu]s ]c privilège de hoirc ]c liquide cnivl'ant, hoissondivinc, symboliséc par' ]a liqucur du sacrifice rituel.

e Soma, ajoute la Doctrinc Sccrète, (1) est ]a Lune aue point de vue aSh'onomique, c'est uussi ]e nom du hreu­e vage sacl'é quc buvaicnt ]es BrahmalH.'s et ]es Initi(~se pendant ]eurs mystèl'cs et ]es cérémonies de leurs sa­c crifices,

e La p]antc Soma est /'Asclepias acida qui foumit une jus d'oir est tiré ]e breuvage mystique, la boissone appe]ée]e Soma. Les descendants des Richis, des Agni­« hot ris, ou Prêtres du Feu des grands mystères, con­e naissaient scu]s tous ]es pouvoirs de ce breuvage, maisIl: ]a r('ellc propri(,t(~ du 111"ai Soma était (et ('st encore)« de fai.'e un Il: nouvel homme • de ]'Initié aprl's saIl: Il: n'naissance », c'est-:'t-c1ir'c ]OI'squ'i] comnwncc il vi­« vl'e dans son COl'pS Il: Astral » (2).

Dans la Ihéogonie hindou(' la Lune (Varouna) ('si ("on­sid('I'éc cOlllme élant ]e r('servoil' du Soma, Il semblchien que l'cfficacit(~ de cclle liqueur du sacrificc (~Iaitliée aux phases ]unail'cs, qui avaÎt'nt aussi unl' influencesur sa conscl'vation,

01' ]a lune est assimil('e, pm' les mêmes croyanc('s, auséjoUl' des défunts. L'astrc est donc, ù ]a fois, ]e d('posi­tair'c des morts ct ]e l'l~scrvoir dc l'amhl'oisie. On ne peutIlllllHluer, une fois de plus, d'NI'l' fl'llpp(~ pHI' le l'aplH'o­chemcnt, souvent fait par nous et que nous déve]op­perOllS encore davantage dans un auh'e livre, de ]a mort

(t) Editions Adyar.

(2) c Celui qui participe au Soma se trouve à la fois rnttachéc à son corps extérieur et pourtant séparé de ce corps sous lac For!lle Spirituelle. Libéré du premier, il plane alors dans lesc régions supérieures éthérées, llevenant virtueIll'l11ent commec un des dieux, mais conservant cependant dans son cerveaue physique le souvenir de ce qu'il voit et apprend. A clairementc parler le Soma est le fruit de l'Arbre de la connaissance dé­c fendu par Il' jaloux Elohim à Adam et à Eve (de peur quec l'homme devienne comme l'Un de nous :t.

-43-et de ]a vie, de la liquéfaction organique et de ]a nour­riture d'immortalité,

Mais n'abandonnons pas lc Soma, dont le dieu Indrasc gorgeait perpétuellement, sans avoir noté que sonappellation correspond au grec ÇllfL<J (Somatos) qui veutdire corps. Et rapproc.hons cc mot de la Cène eucharis­tique : e Mangez, ceci est mon corps ; buvez, ceci estmon sang :t (1),

LE HAOMA

Une autre variante du Soma nous est proposée par latradition védique :

e Au même fond ardent se rattache, .. le haoma de« ]'Avesta coïncidant avec ]e Soma védique, Ici et là,e ml'Ille si, de pur lu diffl'rence d'habitat, la plante dif­e fère, une herbe sacrée, pressée dans une passoire,e donne unc liqueur, qui, fermentée, passe pour exaltere la spiritualité, Les incantations prononcées lors du sa­c cl'Îfice haomique écartent les génies malfaisants etIl: ouvl'cnt le règne du bien, (Yasnu, X, 1),

e El'Îgé en personnage mythologique, fIaoma (à la« foi correcte et adversaire de la mort) proclame ce quee ]ui doit l'humanité mortelle : Viuan/wat fut le pre­e miel' mortel du monde corporel qui me prépara, Lee smt qui lui fut impnr'li, lc sort qui lui fut octroyé,e furent d'avoir pour fils Yéma, le splendide, le bone pasteur, le plus glorieux de ceux qui naquirent, le« seul morte] possesseur de l'œil solaire; et, en raison dee sa puissance, de rendre non mortels hommes et bêtes,« excmptes de desséchement l'eau et les plantes, de sortee quc l'on peut consommer des aliments soustraits àe tout mali-fice. Dans le royaume du potentat Yéma, il« n'y cut ni froid ni chaud, ni vieillesse ni mort, ni envie,e œuvre des démons :t, (Mytho]ogie Générale Larousse),

(1) Il n'est pas inutile d'ajouter que le soma, comme le ViD del'Eucharistie, est un liquide alcoolique, dont les éthers facilitentle passage vers l'astral.

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-44-

L'ASA-Fa~TIDA

Les diverses nourritures d'immortalité dont nous avonsparlé ci-dessus reposent à peu près entièrement, du pointde vue de leur assimilation, sur le goût et l'odorat, sensde transmission d'Un c véhicule ~ à l'autre.

Il n'est donc pas sans intérêt de clore ce chapitre parl'étude d'une plante à la fois prônée et honnie, désiréeet repoussée et qui n'est autre que l'Asa-fœtida des Occi­dentaux.

La Ferula Asa-Fœ/ida est une gomme résine de ln fa­mille des ombellifères. L'européen la décrit comme ayantune odeur puissante, vireus(', désagréable, qui rapp<,lleun peu celle de l'ail ; sa saveur, toujours d'apri's lapharmncorH"e d'Occident, est licrc, amèr<" nallsl'('lISe.C'est une suhstance compacte, molle, partiellement jauneet l'OUsse, parfois blanche il l'intl~rieur, qu'on extraitpar incision de la racine de férule dans les montagnesde Syrie et surtout de Perse ml;ridionale, oil elle tl'Ouveson principal emploi.

Le commerce de nos pays la vend soit en larmes, soitcn sortes.

Ses propriétés médicamenteuses sont celles d'un antis­pasmodique puissant. Aussi la médecine officielle s'cnest-elle servie sous forme de pilules et de lavements,dans les affections nerveuses et les cas d'hystérie oud'ypocondrie. Ce serait également un vermifuge dechoix.

L'analyse lui attribue soixante et une parties de ré­sine, trente-six de gomme et de bassorine et trois d'huileessentielle. Nous en avons assez dit précédemment pourfaire entendre que ces 3% représentent à eux seuls lavaleur réelle de l'Asa-fœtida, en temps que super-plante.D'ailleurs le principe volatil qui fait sa richesse cachéedisparaît très vite au contact de l'air.

Or n'est-il pas singulier que l'Asa-fœtida, auquel notredégoût a imposé le nom de s/ercus diaboli (excrément du

-45-diable), était recherchée comme assaisonnement par lesHomains et a toujours été considéré par les Asiatiques,comme le c manger des dieux ~ ? (1)

Persans et Indiens mâchent l'Asa-fœtida et lui trouventun goût délicieux, ce qui tendrait à démontrer que le té­moignage des sens est une affaire de latitude, mieuxencore : que goût et odorat sont surtout des sens subjec­tifs.

Il est possible que l'ambroisie et le nectar eussent eu,pour notre sensibilité occidentale, un goût et une odeurnbjcctes, sans que leur exquisité diminuât au regard desImmortels. La plus délicate créature de nos climatsc scnt le cadavre ~ au dire des mendiants de Chine.Quand nous sommes choqués par les émanations ex­trt-mc-orientales, c'est peut-être nous qui avons tort.

L'ALIMENTATION SUPERIEURE DES DIEUX

Tout ce que nous venons de voir suppose des dieuxmatl'riels, quelle que soit la subtilité de la matière ingé­rée.

En effet, on a beau raffiner sur les odeurs et sur lesessences, celles-ci n'en sont pas moins des émanationsobjectives et les fluides ou les radiations eux-mêmesappartiennent aux plans inférieurs.

Les dieux de toutes les Ecritures ont fini par évoluer,du moins en ce qui toucha la nourriture dont ils ali­mentent leur puissance. C'est ainsi que les meilleurs oules plus avisés d'entre eux furent amenés, peu à peu, àse repaître de pensées humaines, les plus basses et lesplus impures suscitant l'énergie des dieux vils, les plushautes et les plus pures générant la force des dieuxsaints.

Au moyen des pensées les dieux ingérèrent les inten-

(1) Chose troublante, c'est dans une tige de '~rule que Pro­m~th~e transporta du ciel sur la terre une parcelle de Vie, c'est·à-dire une ~tincelle du Feu Divin.

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- 4(j-

tions, les tendances, les sentiments des hommes, parune osmose spit'itucllc de chaque instant.

Ainsi sc produisit une sublimation des saerifices char­nels, d'ahOJ'd par la suhstitulion de rites alh~goriqUl's nonsanglants il l'ancienne houcherie sacl'ée, puis dans lafonne mystique par la pUI'(~ el simple adomtion,

On peut mesurer le chemin parcouru depuis l\loÏse etson Ll~vilique jusqu'à la Cèlle euchUl'istique mOdel'lIl', ouabsOll>tioll d'une nourritm'e schématisée, en vue d'aequé­rÎl' spirituellement l'immortalité,

Ainsi égalemenl, et dès l'origine, les dieux ont engagl~les hommes à se niulliplier en vue de constituer le ré­servoir où ils puisent.

Ils ont commellcé par sc lIourdr des effJuves de lachah' et du sang (animaux le plus souvent à cause de la

rl'pugnance de l'homme à servir physiquement de pâ­ture), ensuite de virginités màles et femelles (Le l\1ino­talll'e), puis de la contrepm'til' des actes humains, ellfindes pensl'es et des sentiments: les UlIS de haine, d'envie,de colèl'(~, de stupre, de gOlll'lllandise ; les llUtres de pu­l'etl', de hOllti', dl' nohksse, de sacrifice l't d'amoul',

Lc Iroupeau des hommes ('ollslilua ainsi ulle vasteétable divine peupll~e de hêtes il lait. On pOlll'l'Uit aussile compal'l'I' aux pucemns agglomi'l'l~s SUI' les tiges etles feuilles d'llI'hrisseaux l't que ks fOUl'mis Pl'CSSl'lI1 etSUCl'1I1POlll' l'II extrai,'c Il's jus SUl'J'I~S.Ik nll~IIIl' qUl' leshOl'liculll'lII'S p,'i~tl'IJ(lcnt (Ille sc son! les fourmis qui en­seml'ncellt le rosiel' de pucel'ons, de même Ile pouvons­1I0USl'mire <{ue, dans ml<.' idelltique intl'ntioll, les dieuxpl'imitifs ensemenc<'rellt la Terre en hommes '!

NOUHRITUHES SUBJECTIVES

L'une des plus anciennes bibles du monde, la Bhaga­vad-GilÙ s'exprime de la façoll suivante :

« Pm' le sacrifice nourr'issez les Dl'vas el que les« Dévas il leur tour vous 1I01lrrissen t ! Ainsi vous nour-

-47 -

« rissant mutuellement, vous atteindrez le bien suprê­« me :t,

Elle dit aussi :

« (/)'aull'l's) se nourrissant de cette ambroisie qui« fOl'me les restes du sacrifice, s'unissent à l'immuable« Etel'llcl :t,

C'est dOllc à une véritable métamorphose des dieuxque 1I0US assistons au cours des temps ultimes, Maisavant d'en arriver là d'aull'es conceptions se sont faitjour.

LE MYSTERE DE L'AMOUR

L'une des plus curieuses est celle de l'amour, consi­dérl~ depuis ses formes grossières jusqu'à ses formessubtiles, Nul homme réfléchissant ne peut manquerd'être frappé du cUl'actère impérieux et tragique del'amour, Tous les autres besoins humains sont subor­donnés ù celui-là dont la véhémence est si terrible qu'elleculbute et entraîne l'instinct comme la raison, Tout cequi vit lui est soumis dans une large mesure, Les bêtesle subissent sans avoir conscience, les hommes y obéis­sellt, consciemment parfois, mais d'ordinaire inconsciem­ment. Toute créatUl'e SOllS l'influence de l'amour sembleamlllltl'c de son Iihl'l'-U1'bitl'l'. Dans 1'[llilialiOll Scntimen­lai,' (1) nous avons assimilé son ivresse ù l'ivresse alcoo­liqlle, en raison de son caractère irrationnel. On peuttout aussi bien dire de l'amoureux que de l'ivrogne qu'ilssont privés de raison, tant que l'un et l'autre sont por­tetll's du feu qui les bl'ûle, Mais on ne saurait en amourpr<.~tendre qu'un des amants subit la loi de l'autre quandl'homme et la femme sont également épris, C'est doncd'ailleurs que d'eux et de plus haut que vient la sollicita­tion invisible, Et celle-ci, jusqu'à réalisation de finsinconnues, semble croître en obsession,

Le dynamisme produit par l'amour, dans l'âme et le

(t) Editions Niclaus,

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corps humain, est, on le sait, considérable. De vraisamants sont prêts à braver la souffrance physique oumorale et même il affronh'r la mort.

Qui profite de cc dynamisme ? Qui utilise <.'Clicélec­tricité sup('rieure ? Poser s('ul<'nH'nt la queslion suffit àl'orien 1er.

L'un des plus remarquahlt·s chercheurs de laquatrième dimension, Oupensky, a écrit, dans sonTertium Organum (1) ces lignes Iroublantes

c Peut-être l'amour est-il un monde d'esprits {.tran­c ges qui fixent leur demeure dans les homml's, assu­c jellissant ceux-ci à eux et en faisant les instrumentsc d'inscrutables desseins. Peut-être est-cc dans quelque« région particulière du monde intériem' que les ftmesc des hommes entrent parfois et oÙ ils vivent selon lesc lois de ce monde-là, tandis que leurs corps rl'stent surc terre, liés par les lois de ce monde-ci. Peut-être est-ccc le travail alchimique de quelque Grand Maître où« les (llnes et les corps des hommes jouent les rôles« d'('U'ments en dehol's desquels sc compose une pierre« philosophale, ou un élixir de longue vic ou quelquec mystl'ri('use force magn{·tique indispensahle à la n~a­« lisalion d'un incompr('hensihle dessein •.

N'l'st-ce pas là un élément supérieur de nourriturepour les dieux et qui alimente les pires s'il est unique­ment grossier et charnel, ('omnle llussi les llH'iII('urs s'ilest 1ranspos{~ cn l~lans purs et cn force hautes '!

Nous ne faisons ici qu'effleurer un problème halluci­nant et à quoi l'humanité est liée toute entière. Il néces­sitera plus tard un travail de longue haleine auquel nousne nous déroberons pas.

LA MORT ET LA VIE

Mais, dès maintenant, une hypothèse encore plus re­doutable sc fait jour ct nous l'abordons sommairement

(1) Londres.

-49-car elle Il('cessiterait tout un livre. Nous y avons fait uneallusion voill~e dans l'Après-Mort (1).

l'\os pages sur lcs sacl'Ïtï('CS sanglants ont soulignésUl'toul le •.Ùle des cf1'luyes organiques nés de la chairimll1oJl;c comme du sang I·l~pandu. Il est vraisemhlabletoull'fois qu'à la mort, surtout par ('gorgemenl, une brus­que quantité d'influx "ital (dans les hécatombes celadevenait une flmnbée) était mise à la disposition desdieux.

Les sacrifices humains formels ayant été peu répan­dus, par rapport il ln mnsse des populations humaines,est-il téméraire d'envisager que la mort de l'homme,même non rituelle, libt're une énergie précieuse dontle vampirisme des dieux inférieurs s'empare avidement.

})t·s lors, les cataclysmes, et les guerres surtout, pren­nent leur véritable sens. Les mauvaises divinités, nepouvant esp(~rer conduire par la persuasion les hommesà s'immoler eux-mêmes, les contraignent, par obsessioninfl~rieure et en utilisant la sottise et la méchanceté hu­maine, à leur offrir des holocaustes collectifs.

Qui ne voit l'immense bénéfice vital que purent tirerles dieux anciens des pyramides de têtes coupées, celuiqu'en retirèrent les dieux plus modernes en se penchantsur les champs de hataille d'Eylau ou d'Austerlitz, deVerdun ou des Eparges, de Normandie et de Stalin­grad ?

Mais qui ne comprend aussi toute l'énorme moissonde vie fraîche que les plus hmohles des dieux l'écoPe­ront pOl' le moyen de la hombe otomique sur les char­niers futurs, de nouveaux Onchau et de nouvelles Hi­l'oshima?

Ceci est exactement dans la tradition du Jéhovah, Sei­J(neur des Armées, qui ordonnRÎt de passer au fil del'épée tous les habitants des villes conquises, y comprisles femmes et les enfants.

(1) Editions Astra.

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Non, non ! Les dieux de proie ne sont pas morts. Lastupidité humaine les ressuscite. Et il en sera toujoursainsi jusqu'à ce que l'Humunilé se voue aux Dieuxd'Amour.

CHAPITRE IV

Les dieux personnels

On peut dire sans crainte d'erreur que les dieux an­tiques curent un car'actère humain et des passions an­tlll·opomOl'phes.

Le même caractère de personnalité fut assigné auxdieux égyptiens, chaldéens, syriens, grecs, hindous, ger­mains, scandinaves, celtiques, etc ..,

Râ-Osiris, Mardouk-Ister, Baal-Moloch, Zeus-Jupiter,Vichnou-Siva, Odin-Loki, Teutates-Aesus, autant de su­per-hommes à gestes d'hommes, sculptés à l'image deshumains.

Par conséquent tous ces êtres, allégoriques ou effec­tifs, n'ont rien de la Divinité dans son essence car ilssont avant tout des dieux personne/s,

DIEUX BOURGEOIS DE LA MYTHOLOGIE

Le Jupiter latin, réplique du Zeus hellène, est le typede la personnalité divinisée. Il naît, grandit, détrône sonpère, fait la guerre à ses oncles, se marie, trompe sonépouse, a des scènes de ménage, se plaint de la migraine,mange et boit. Sa vie n'est pas seulement celle d'unmédiocre bourgeois, mais aussi celle d'un mauvais fils,mauvais époux, mauvais père. Il a toutes les complai­sances pour sa bru Vénus, la plus dissolue des déesses

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- 52-et, d'un coup de pied, projette SOIl fils Vulcain sur laterre oi! il reste difforme et boiteux.

On en peut dire autant des dieux et déesses de l'Olym­pe, c panier de crabes ~ antique où chacun est mLi parun égoïsme étroit.

De temps à autre, les poètes, sc souvenant qu'il s'agitdes maîtres du monde, restituent à leurs divinités pé­chel'csses une allure de majesté. Mais, à la premièreoccasion, colère, jalousie, luxure, gourmandise repl'en­nent le dessus et consacrent dans la mémoire des hom­mes le souvenir de dieux eorrompus.

Mt~nH' si, comme nous le croyons et l'avons souli­gnl~ (1) dl'jil, les mythes antiques ne sont que des sym­holes d'une vl'dtl~ cachl'e, OJIcOllvicndru que l'alll'godel'Lit pu sc montrer plus haute el exclusive des vices hu­mains.

Les autres mythologies II(' le cèdent en rien, pour laplupart, il la Fable grecque. Nous pourrions multiplierles exemples mais presque tout le monde les connaît.

Hares furent les conceptions de dieux sans person­nalité et ('ncore, dans leur impuissance à se les repré­senter, leurs fidèles les dotèrent tous d'un corps et d'unephysionomie. Les moins anthropomorphes furentBrahm, Dieu suprême de l'Inde primitive, le Destin desGrecs, et surtout le Zervane-Akèréne des Persans.

JEIIOV AH, TYPE DU DIEU NATIONAL

On aurait tort, au surplus, de croire que les dieuxpersonnels sont exclusivement mythologiques. La Biblede Moïse révéla un dieu non moins personnel que sesprédécesseurs.

Comme c'est sur lui que les textes fournissent le plusd'informations, c'est lui aussi qui apparaît comme dotéde la personnalité la plus accusée, ainsi qu'il est aisé des'en rendre compte par la lecture du c livre saint ~.

(1) Dieu est-il mathématicien ? (Editions Astra).

-53-La critique moderne n'a pas ménagé le dieu de lu

Bible, tel qu'il apparaît à travers la loi et les prophètes.D'Hooghes de la Gauguerie (1) a pu faire de cette

divinité locale qui, au temps d'Abraham, c n'était qu'unpetit dieu de douar nomade ~, un portrait peu sédui-sant:

_ « L'Iaveh de Moïse, des Juges et des Rois n'étaitc ni bon, ni juste, ni grand, ni large, ni miséricordieux.

« 11 voulait la victoire et la fécondité de son peuple,« mais il les voulait pour lui, pour sa gloire, pour son« culle, comme le juif voulait la santé et la fécondité« POl\l' son bHail. 11les avail créés pour l'honm'cr et le« Sl'I'vir et le leur rappelait durement, âpl'ement, énu­« IIll'rant ses bienfaits comme des reproches entremêlés« de nH'IHICes.

« (J.U'OIllise l'Evullgile l't que l'on compare la figure« du Dieu de Jésus, Pi're des hommes, tout amour et« misl'I'icorde pour le pécheur même, avec celle du di,eu« de Josué, de David et d'Elie. L'amour de Dieu pourc l'homme et de l'homme pour Dieu, l'amour de l'hom­« me pour l'homme, lu pitié pour la souffrance, le res­c l'cet du droit d'autrui pour l'amour de la justice et« non par crainte de la colère divine et d'un tabouc violé, rien de tout cela n'est même imaginé comme« possible.

« Mais, tout au long de la Genèse, de l'Exode, du Lévi­c tique, du Deutéronome, des Juges, des Rois, des Chro­« niques d'Esdras, d'Isaïe roule le tonnerre monotone« des r(~criminations, des malédictions, rappel des cbâ­« timents passés, menace de châtiments plus atroces.

« On se demande pnr quelle aberration, pour les na­c liolls anglo-saxon cs, la nible demeure un livre saint etc qu('l aliment moral les colons de la prairie américaine« ('t du veldt africain, qui n'emportaient pas d'autresc livres dans la solitude, ont pu y trouver, si ce n'est unc encouragement il traiter les Peaux-Rouges et lesc Cafres comme Israël en usait avec les Cbamméens.

(1) Le Fruit de l'Arbre (Editions Adyar).

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e Les catholiques au moins ont, pour vénérer la Bi­e hIe, cette excuse qu'ils ne la lisent pas.

e Il faut la lire tout d'Un lI'ait, d'affilée, sans cédere il l'ennui ni au dégoût, depuis la Genèse jusqu'à Mala­e chie. Alors on a l'impression d'habiter un hÔtel garnie de dernier ordre et d'enlendl'l" jouI' et nuil, il lI'averse la cloison trop mince, un mm'i jaloux reprocl1l'r il unee femme incurablement légèrt" le salaire qu'il lui rap­e porte et les amants qu'elle s'offre, lui rappeler d'oùe il l'a tirée et le trottoir qui l'attend, l'injurier, la hat­e tre, la traîner par les cheveux, On entend le bruit mate des coups, les supplications, les promesses qui ne se­c ront pas tenues et les réconciliations plus écœurantese que les violences. Tout cela pour les Israélites d'il ye a trois mille ans, c'étnit la parole de Dieu, la pluse haute eXI)J'ession de leur plus haut idéal. Et il se trou­e ve des penseurs pOUl' pr('tendre que, depuis les ori­e gines, l'homme n'a point fonci(>r-ement changé danse son cœur ! ~

Jéhovah est évidemmenl le mod':'le du dieu nationalet des t'épliques de cc prototype divin existent encore,Voici comment le juge im,HlI'lia/{'ment le t1H;ologit'nam(;I'Îeain Addison (1),

« Dès le début des lemps lointains qui Se résumente: dans le nom de Moïs(', le dieu des .Juifs avail (;1('connu« comme un dieu qui avait choisi pOUl' sien le peuple« d'lsl'Ui:1. Considt~I'l~d'ahOl'd co nIlnt' un simple dieu dee: clan ... pendant longlemps il n'cuI de rnpport qu'avecc la nation - ou s'il en eut avec des individus, ce nee: fui qu'en lant que ceux-ci l'Iaient partie de la na­e: tion - et conséquemment ks promesses de Dieu tellese: que les intel'prétèrent les gt'ands proph,:,tes s'appli­e: qui>rent au peuple tout enlier. C'est la nntion qui,e: toujours et toujours de nouveau, fut chàtit;e de sone: péché, l'l'compensée de sa "et'tu, c'est ln nation quie: s'entendit prédire une destinée splendide ».

(1) La Vic après la Mort (PaY0l).

-55-Depuis, nous avons vu, en passant par les Germains et

les Gaulois, d'uutres dieux nationaux chercher à subju­guer les peuples qui les entourent et, partant, les dieux deceux-ci. Le Got mit uns de Guillaume II et la Providen­ce casquée d'Hitler ne sont pas une spécialité allemande,Chaque patrie a son dieu national qui, cela va de soi,est au-dessus de tous les dieux nationaux, Les pires souf­flets du destin ne déterminent pas les fidèles de cesdieux il nbandonner leurs idoles. On s'en détourne par­fois, mais on y revient toujours, Jusqu'au moment oùla nation e: élue • venant à son déclin et même étantrayée de la carte du monde, le dieu national s'écrouleavec le peuple qui lui servait de piédestal.

LE DIVIN EXTERMINATEUR

Tous ces gdefs, bien loin d'être exagérés sont fortau-dessous de cc que suggère le texte du Pentateuquelui-même, La Bible mosaïque, considérée ù travers leSermon sur la Montagne, est un véritable réquisitoireanti-divin, L'Adonaï Sabaoth, le dieu sanglant des Ar­mées nous est dépeint par le Cantique de Moïse,

e Je me vengerai de mes adversaires et je puniraie: C('UX qui me haissent ; mon (;pée dévorera leur chair,e et j'cnivremi mes flèches de sang, du sang des blessése: et des captifs, de la tête des chefs de l'ennemi •.

(Deutéronome 32-41, 42),

Des Mongols de Tamerlan aux purs Aryens d'aujour­d'hui on voit que la tradition s'est conservée, LorsqueJosul' coupait les pouces des mains et les pieds d'A do­ni-Bézek, il ne fuisnit que lui rendre la pareille, Maisquand s'emparant de Jéricho, il dévouait à l'Eternele: par interdit, au fil de l'épée, tous ce qui était danse la ville, hommes et femmes, enfants et vieillards,e jusqu'aux bœufs, aux brebis et aux ânes • (Josué6-21), il anticipait sur Buchenwald,

Mais cet aspect matériel des dieux dévorants suffit,

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- 56-

Point n'cst besoin d'ajouter à un témoignagc qui sc suf­fit à lui-même.

LE DEVOIlANT

C'est pourquoi nous ne suivrons pas jusqu'au boutPaul Richard qui, dans un livre, par ailleurs clairvoyantet quelquefois remarquable (1) tente d'alourdir encorele dossier, déjà chargé, du Jéhovah primitif.

Pour lui le dieu biblique se résume en une immenseconvoitise : e épuiser, au profit d'un gouffre d'insalia­e ble personnalité, la vie cosmique dans sa croissantee manifestation ..

e Tout son effort, pOUl'suit l'auteur, tend il absorbere en lui, pour les faire siennes, les forces libres et vi­c vantes, et parmi ecs forces surtout celles qui dans lae substantialité la plus grande proviennent des sourcese les plus profondes : celles de l'homme ..

« Se nourdr de l'homme chaque jour, il chaque mi­e nute, inlas.,ablement, de l'homme qui résume en luie toutes les formes accumull~es, toutes les possibilitése synthétiques, tous les devenirs merveilleux :t.

Au début de ce chapitre et dans les chapitres précé­dents nous avons nOlls-même suggéré l'hypothèse desdieux absorbants, mais cc besoin d'absorption n'est pasle monopole du Jéhovah de la Bihle. Il est, au contraire,l'apanage dc tous les dieux personnels.

UNE THESE OUTRANCIERE

Toutefois Paul Richar'd va plus loin encore, au-delàdu dieu-sacrificateur vers qui monte l'encens des grais­ses. Il le montre comme unc Puissance de ruse qui chcr­che il ravir l'âme même de ses dévots

(1) Les Dieux (Librairie Fischacher).

- 57-e Car si pour détruire cette Îlme, il l'avait fait souf­

e frir comme le corps, elle se serait à son tour mise ene garde et même en révolte. Mais c'est par les plus ex­e quises jouissances qu'il la conquiert.

e Il lui promet, si elle consent au grand abandon, lese suprêmes félicités. Il lui fait entrevoir les délices due jour où elle acceptera de se perdre en lui, de se ré­e sorber dans son sein. Ce n'est pas seulement par dee simples promesses qu'il la pousse ainsi au suicide :e c'est par le don des arrhes célestes, par les joies mys­e tiques du renoncement, et les voluptés sans rivales due sacrifice toujours plus complet.

e Alors, cédant enfin au formidable amour dévorante qui l'attire, dans une extase elle s'abandonne, et trom­e pée, vaincue, consentante, elle s'épuise jusqu'à lae mort en l'étreinte du terrible amant :t.

Est-il besoin de dire qu'ici la méprise de l'auteur estcomplète. Les lignes qui précèdent ne sauraient s'appli­quer ni au Jéhovah brutal et fruste de la Bible ni auPère bon du Talmud: Le premier, en effet, n'a faimque d'aliments grossiers comme lui. Le second, par con­tre n'a qu'un but infiniment noble : celui d'unir à luil'Homme qu'il a cr~é.

Cette dernière ambition est la plus haute qui puisseêtre conçue, par Dieu comme par les hommes. Vers saréalisation converqent toutes les mystiques et la c1air­vovance de tous les inspirés. C'est aussi bien le Nirvanabouddhique que le Paradis de Saint Jean de la Croix,l'illumination du Soufi musulman que le Grand Œuvrede l'alchimiste.

Et l'erreur de Richard est d'autant plus redoutablequ'il fait de Jéhovah un super-Moloch, nourri du renon­cement, de l'héroïsme, du sacrifice et dépouillant leshommes de leurs plus beaux actes pour alimenter sapuissance, sans profit pour eux.

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-58-

C'EST D'EGOISME QUE S'ALIMENTENTLES DIEUX PERSONNELS

Les Jéhovah, comme les Moloch, sont des dieux per­sonnels qui, dans le désir d'accroître leur personnalité,s'alimentent des sentiments les plus personnels (doncégoïstes) des hommes. Seuls les dieux bons se nourris­sent du renoncement humain.

On est le fils de ce que l'on absorbe. Les alimentsvils font un mangeur vil ; les aliments nobles font unmangeur noble. Les hommes de stupre alimentent lesdieux de stupre; les hommes d'Amour alimentent lesdieux d'Amour.

Les dieux personnels (c'est-à-dire limités) s'écartent duDieu Impersonnel (ilJimih\) à mesure que leur person­nalité augmente.

Les dieux impersonnels se rapprochent du Dieu Uni­versel à mesure qu'ils abdiquent leur personnalité.

Une religion, une philosophie mauvaises se reconnais­sent à ce qu'elles servent un dieu ou un concept person­nels. D'où les persécutions de tous les âges.

On n'est jamais sectaire ni jaloux quand on tend versl'Impersonnel.

Nous sommes, par conséquent, à nouveau d'accordavec l'auteur des e Dieux _ lorsqu'il écrit :

e Ceux qui, par ignorance ou par affinité spéciale,e de parti pris ou de bonne foi, se font les serviteurs due dieu personnel, égoïste, du dieu jaloux, reçoivent dee lui la même inspiration despotique dont il est formée toùt entier; ils sont sectaires, ils condamnent tout cee qui n'est pas leur croyance, leur culte, leur foi ; ilse combattent même la pensée qu'ils servent si elle re­e vêt des formes différentes dont ils ne peuvent pluse reconnaître le sens ; et pour détruire ce qu'ils nom­e ment l'erreur et l'impiété, ils détruiraient aussi, s'ilse le pouvaient, ceux qui les professent _.

-59-LES SACRIFICES PERDUS

Mais comment ne pas reconnaître aussi que tous lessacrifices de l'âme l1'ont. pas la même valeur, selon quel'esprit de désintéressement y fait défaut ou bien lesanime.

C'est dans ce sens seulement que pourrait se justifierla thèse anti-Jéhoviste touchant les c sacrifices perdus :t.Les sacrifices perdus sont ceux que l'homme consent ousubit pour une cause intéressée : égoïsme familial, égoïs­me national, égoïsme racial, égoïsme social, égoïsmereligieux.

Le sacrifice des parents pour leurs enfants exclusifs,des soldats pour léur patrie exclusive, des tenants d'unecaste unique, des fidèles d'une religion donnée est enta­ché d'intérêt. La religieuse qui soigne des pestiférésuniquemement par obéissance et pour gagner le cielde son dogme, ou le moine qui se fustige pour acquérirdes indulgences ne font pas un bien meilleur placementque l'amoureux qui se tue pour une femme. Les uns etles autres sont partiellement les dupes de dieux per­sonnels.

Et, au delà de la mort physique, i'étonnement et ladéconvenue de ces sacrifiés sont parfois considérableslorsqu'ils constatent que leur longue épargne a été sur­tout constituée en c assignats _ spirituels.

LE CHRISTIANISME ET LES DIEUX PERSONNELS

L'existence de dieux personnels et inférieurs n'estpas contestée par les religions même chrétiennes. Lathéologie catholique n'a-t-elle pas fait du e diable _ undieu redoutable et immortel ? Comme ce personnagemythique était primitivement sans forme, on l'identi­fia d'abord avec le serpent de l'Eden, puis avec Lucifer,l'un des plus grands Anges. Ce n'est que, par la suite,et plus particulièrement au Moyen Age, qu'on le pourvutd'une queue, de pieds fourchus et de cornes, en rémi-

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- 60-niscence du faune païen. Le démon chrétien est si bienune divinité - fût-ce du mal - que l'église lui recon­naît des pouvoirs égaux à ceux de Dieu lui-même, puis­qu'il tient l'Eternel en échec jusqu'à la fin des Temps.

Saint Paul - nous y faisons allusion plus haut - aété le premier à légitimer l'existence de dieux infé­rieurs. Il écrit dans la première Epitre aux Corin­thiens : « Car, s'il est des êtres qui sont appelés dieux,« soit dans le ciel, soit sur la terre, comme il e:x;isteréel­« lement plusieurs dieux et plusieurs seigneurs. nélln­« moins, pour nous il n'y a qu'un seul Dieu, le Père, de« qui viennent toutes choses et par qui nous sommes, et« un seul seigneur, Jésus-Christ, par qui sont toutes cho­« ses et par qui nous sommes ~. (VIII - 5. TraductionSegond).

La traduction Ostervald n'est pas moins précise :« Cur, quoi qu'il y en ait, soit dans le ciel, soit sur la« terre, qui sont appelés dieux, comme, en effet, il y a« plusieurs dieux et plusieurs seigneurs ; toutefois nouse n'avons qu'un seul dieu, etc... ~.

Enfin la traduction de Lemaistre de Sacy corroborela même opinion sous une troisième forme : e Car,e encore qu'il y en ait qui soient appell~s dieux, soite dans le ciel, ou dans la terre, et qu'ainsi il y ait plu­e sieurs dieux et plusieurs seigneurs, il n'y a néanmomse pour nous, etc... (1).

(1) Pour plus de sQreté nous avons recherché le texte latinde la Vulgate (d'après l'exemplaire du Vatican). seul qualifiéc pour servir de preuve. au dire du Concile de Trente (1546).

Il dit : c Nam etsi sunt, qui dicuntur dii sive in coclo, sive in .c terra (siquidem sunt dii mulli et domini multi) •.

Or deux mots donnent lieu à une interprétation légèrementdifférente en ce sens qu'ils peuvent conférer au texte un carac­tère d'incertitude au lieu d'un caractère d'affirmation.

Etsi peut se traduire : quoique, bien que, même si. Siquidempeut se traduire : puisque, vu que, si toutefois. En répudiantles deux premières interprétations de chaque mot pour ne re­tenir que la troisième, on aboutit encore au texte suivant :c Car même s'il y en a qui sont appelés dieux, soit dans le ciel,soit Imr la terre (si toutefois il y a plusieurs dieux et plusieursseigneurs) ...•

-61-On remarquera avec quel soin ces différentes versions

différencient Dieu et les dieux par l'usage délibéré dela majuscule. Nous n'entendons pas suggérer autrechose et nos conclusions le démontreront.

LA VIERGE ET LES SAINTS

La Vierge lI4arieet les saints du christianisme sont desdieux mineurs, au moins dans l'esprit de l'orthodoxie.Car il arrive, en certaines régions, et précisément dansles pays d'obédience catholique, que la croyance dans lessaints ou dans la Mère obnubile la crovance en Dieu.

L'église espagnole, avec ses statue~ chargées d'ori­peaux, oublie la voûte du ciel et se limite au plafonddes rites.

Pour ce qui est de la e Madonna ~ italienne, celle-ciéclipse totalement le christ italien. Dès ~ors, pour unpratiquant normal, Dieu le Père n'est qu'une concep­tion abstraite, incapable de retrouver un objet perdu OU

de sauver l'homme du choléra.Est-ce pour cette raison et afin ,d'amener le peuple à

se rapprocher de e l'image :t divine que, dans la e Créa­tion de l'homme :t, fresque de la Chapelle Sixtine, Mi­chel-Ange a représenté l'éternel de la Bible sous les traitset avec l'anatomie humaine d'un robuste vieillard '/

Ce dieu en chair et en os a reçu l'approbation de laplus haute autorité ecclésiastique puisque le peintre cé­lèbre n'opérait que sur l'ordre du grand pape Jules Il.

Ceci dit, loin de nous la pensée de restreindre à unsi pauvre objet la haute pensée catholique, pas plusd'ailleurs que celle des autres religions.

Après les réserves ci-dessous, nous sommes bien àl'aise pour affirmer qu'une puissante transformations'opère dans toutes les églises et, par suite, dans lesdivinités dont elles se réclament, ainsi qu'il apparattraau chapitre e Evolution des dieux •.

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- 62-

DIEUX EGREGORIQUES

L'occultisme désigne sous le nom d'egrégores les as-,sociations d'influences invisibles qui jouent un si grandrôle dans l'humanité.

Il existe des egrégores de toutes dimensions. Le coupled'humains unis est un spécimen réduit d'egrégore. La fa­mille est un egrégore plus considérable. La patrie, le peu­ple, la nation, la race, sont des âmes collectives toujoursplus vastes, ayant des personnalismes accusés. Les philo­sophies, la Science, les religions sont des egrégores. Egré­gores aussi les arts, la musique. L'Humanité est egrégore.Aussi le système solaire, l'Univers.

La Peur, le Doute, l'Amour, la Foi sont d'immensesegrégores.

Or on doit croire que ces puissants champs magné­tiques on fluidiques, ces monstrueux courants de penséene sont pas laissés au hasard.

Même dans notre monde physique certains hommesde chair en découvrent le maniement partiel. Mais com­me ils ne connaissent pas les lois essentielles de ln Vieet que la brièveté de leur existence corporelle leur inter­dit de I,ong desseins, c'est empiriquement, autrement dità l'aveuglette, que les tribuns, prophètes, conducteursde peuples, etc ... se servent de l'agrégation des champshumains.

Les dieux personnels qui, eux, ne meurent point ou,du moins, ne meurent qu'à la fin d'une ère, utilisentsurtout les forces egrégoriques mauvaises, même s'il enrésulte échec ou erreur. L'ingénieur qui dirige le fonc­tionnement d'un marteau-pilon se trompe parfois aussinettement que la fourmi transportant un grain de sa­ble. Mais les conséquences de l'erreur sont beaucoup plusgraves à mesure qu'on gravit l'échelle des valeurs.

Tout ceci ne diminue en rien notre faculté de libre­arbitre individuel sur le plan ou nous nous trouvons.Encagés comme nous le sommes dans la chair, notre

-63-libre-arbitre se limite aux barreaux de notre cage. Noussommes donc parfaitement libres d'alimenter les egré­gores bons ou mauvais et même ceux-ci de préférence àceux-là. C'est justement là-dessus que comptent les dieuxpersonnels, à cnlculs rétrécis et à passions d'hommes.Mais nous sommes maîtres aussi d'alimenter d'actes etde pensées nobles les egrégores qui font les dieux supé­rieurs.

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CHAPITRE V

Les dieux ne sont pas tout-puissants

A la lumière de nos considérations sur les dieux per­sonnels, même les plus formidables, on s'achemine, iné-.vitablement, vers la négation de l'omnipotence divine,devenue aujourd'hui dogme universel.

LA NOTION D'OMNIPOTENCEEXCLUT LA NOTION DE JUSTICE

Rien n'a fait d'avantage pour déconsidérer les dieuxque cette foi dans leur toute-puissance absolue. Celle-ciest incompatible avec l'idée de justice que les hommesportent en eux. On ne peut être, à la fois, tout-puissantet injuste sous peine de n'être point parfait. e Or, disente les athées, vous croyez à la perfection de Dieu. Dieue imparfait n'est plus Dieu. Dieu parfait serait sou­e verainement juste _.

Toutes les subtilités théologiques se sont émousséessur ce dilemme de granit.

Sans doute les ergoteurs n'ont pas manqué de prouverpar la dialectique que le noir est blanc, que l'ombre est

. lumière. Mais quand l'injustice est flagrante, que le-triomphe du Mal est il ce point apparent qu'il ·violenteles fois les mieux assises, que reste-t-il des affirmationsspécieuses des théologiens ?

Ne nous y trompons pas. C'est justement cette fragi­lité de leur argumentation qui les conduit à l'affirma-

I

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-66-tion impérative. Le mystère n'a été proclamé à proposdu dogme que pour cacher l'inexistence des fondations.

Tout chancelle dès qu'on projette une lumière cruesur les décisions des conciles et des synodes. Jamais lematérialisme n'a pris tant de force que du jour où leVatican a proclamé son infaillibilité.

Cette impuissance absolue des plus grands interpré­tateurs ecclésiastiques découle de l'impuissance rela­tive des dieux qu'ils servent.

Et, ici, nous désirons souligner que cette impuissancedivine ne doit pas être considérée comme une non-puis­sance, mais bien comme une Ïwn toute-puissance. ce quilaisse encore de grands moyens d'actions aux dieux.

La plupart des dieux sont puissants et il est facile,pour qui scrute la marche de l'univers, d'en acquérirdes preuves nombreuses. Certains d'entre eux sontmême très puissants c'est-ii-dire que leurs moyens d'ac­tion sur les hommes, les êtres et les choses ont un carac­tère impérieux. Mais aucun des dieux n'est tout-puilisant,autrement dit ne dispose de la puissance absolue, celle­ci étant l'apanage exclusif de l'Universel Innommé.

LES DIEUXNE SONT QUE LES SOUS-MULTIPLESDE DIEU

Il y a bien des échelons entre l'homme et les dieux. Ily a encore plus de degrés entre les dieux et Dieu. Et celaa été pressenti par quelques hommes.

Un savant aussi éminent que Russel Wallace, l'un despères de la sélection évolutive, n'a pas craint d'écrire,en parlant de l'intelligence suprême qui règle le fonc-tionnement de l'Univers : '

c L'ensemble du monde est... une manifestation de sonc pouvoir, peut-être de sa personne elle-même, mais,c par l'intermédiaire de ses messagers, les Anges. agis­c sant selon leur degré d'intelligence et de puissance •.

Il a écrit aussi :c Il ne peut y avoir un abîme infini entre l'homme et

-67 -c le grand esprit de l'Univers. Une telle supposition me ,c paraît au plus haut degré improbable •.

Nul être sérieux ne s'y arrête, au demeurant. Quelhomme a jamais eu la prétention de c comprendre •Dieu, en d'autres termes de le c saisir ., de c l'environ­ner ., de c l'absorber • sans personne interposée ?

Les plus grands mystiques n'ont pu dépeindre quel'éblouissement qui les frappe aux confins de l'Eternel.Et, encore, rien ne prouve qu'ils sont arrivés au cœur del'Eternité ; tout indique qu'ils sont seulement parvenusau voisinage d'un grand Sous-Multiple.

L'Absolu est inaccessible, intraduisible, non spéculatif.L'homme le plus pur ne peut que tendre indéfinimentà se résorber en Lui, à s'identifier avec la Cause dont,éternellement, il ne sera que l'effet.

FAIBLESSE DES DIEUX MYTHOLOGIQUES

Il serait trop aisé de souligner la non toute-puissancedes dieux mythologiques. Toute leur histoire démontreà quel point Jupiter et sa foudre, Minerve et sa sagesse,Vénus et sa beauté, Neptune et son trident, Vulcain etson industrie, Mercure et sa ruse doivent lutter, com­battre, user de diplomatie pour maîtriser partiellementles hommes et les autres dieux.

Jupiter triomphe malaisément des Géants qui le fonttrembler jusque dans l'Olympe. Il est berné par Promé­thée qui, malgré sa vigilance, lui dérobe le feu du Ciel.

Que dire d'Osiris, le plus grand dieu égyptien, persé­cuté par Typhon, partagé en douze morceaux, contraintde livrer sans cesse'bataille ?

Brahmâ lui-même ne fut-il pas jeté dans l'abîme parla puissance suprême hindoue, Baghavat ? ,

Vichnou-Rama est très puissant, mais doit surmonterautant d'obstacles que le héros Hercule en surmontedans le mythisme romain.

Ormuzd se bat sans cesse contre Ahriman. Il a l'avan­tage sur lui mais au prix de combien d'incertitudes 1

Page 35: Barbarin Georges - Dieu Est-il Tout Puissant

-68-Odin, le dieu des dieux scandinayes, est condamné,

après des luttes incessantes, à su'ccomber et à périr.Aussi n'y a-t-il pas lieu de s'attarder à ces divinités

archaïques dont il semble que certaines furent seule­ment de l'ordre des demi-dieux.

LES TATONNEMENTS ET LES MEPRISESDU DIEU CREATEUR

Autrement fertile est l'étude du dieu, plus proche denous, de la Genèse et que plusieurs religions contem­poraines identifient avec le Créateur.

Cette même idée de non-omnipotence nous frappe àchaque ins.tant dès que nous ouvrons la Bible. Biend'autres que nous s'en son avisés. Voici ce qu'en ditKerneiz dans son Karma-Yoga (1).

e Que voyons-nous, en effet, dans la Genèse ? Une Dieu créateur aux prises avec les difficultés de sonc entreprise, un Dieu créateur qui tâtonne, qui n'est pase satisfait de ses essais, qui revise et corrige son travail ;e qui fait d'abord l'Homme mâle et femelle, puis séparec les sexes, parce qu'il juge qu'il en est mieux ainsi ;c qui se repent d'avoir donné naissance à l'Homme etc décide son extinction totale par le Déluge ; qui sec ravise encore une fois, consent à sauver Noé et sese enfants pour donner à l'espèce humaine une chancec d'amélioration. C~est le concept du Mieux. et non lee concept du Bien absolu qui a inspiré le Dieu créateurc que nous représente la Genèse ~.

On ne saurait mieux dire. Les meilleurs dieux person­nels ne sont que les dieux du Mieux. Et c'est déjà trèsbeau qu'il en soit ainsi par opposition aux dieux du pire,qui figurent, eux aussi, parmi les dieux personnels.

Le Bien absolu ne peut être l'œuvre que du DieuAbsolu vers qui nous tendons nos mains lointaines etqu'il ne nous sera permis d'approcher - sinon d'attein­dre - que lorsque nous serons assez épurés.

(1) Editions Tallandier.

-69-L'ERREUR JUDICIAIRE D'ADAM ET EVE

e L'Anthropogénèse ~ a démonté le mécanisme de lasoi-disant Toute-Puissance et plaidé habilement lacause du premier couple d'hommes et l'erreur judiciairedu péché originel :

e Malgré tous ses efforts pour atteindre le but opposé,e la théologie chrétienne - qui a assumé le fardeau due compte-rendu ésothérique hébreu de la création dee l'homme, qu'elle interprète littéralement - ne peute décou vrir aucune excuse raisonnable pour expliquere son c Dieu Créateur ~ qui produit un homme dépour­e vu de mental et de sens et ne peut, non plus, justifiere le chàtiment d'un acte pour lequel Adam et Eve pour­e raient plaider non-coupables. En effet, si l'on admete que ce couple ignorait le bien et le mal avant de man­e ger le fruit défendu, comment pourrait-on le supposere capahle de comprendre que c'était mal de désohéir ?e Si l'homme primordial était destiné à rester un êtree à moitié intelligent, ou plutôt intelligent, il en résul­e terait que sa création était sans but, et même cruelle,e si elle était due à un Dieu omnipotent et parfait; maise dans la Genèse elle-même, on nous montre Adam ete' Eve créés par une classe inférieure d'Etres divins, lese Elohim, tellement jaloux de leurs prérogatives per­e sonnelles, en leur qualité de créatures raisonnablese et intelligentes, qu'ils ne veulent pas permettre quee l'homme devienne e semblable à l'un d'eux ~. Cecie est évident, même en s'en tenant à la lettre morte de lae Bihle. Les Gnotisques avaient donc raison de considé­e rl'r le Dieu des Juifs comme appartenant à une classee inférieure, mfltérielle et pas très sainte, des habitantse du monde invisible ~.

IMPERFECTION DES DIEUX

Ainsi l'écroulement du dogme d'omnipotence entraine,ipso facto l'effondrement du dogme de perfection.

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-70-Le Jéhovah biblique, comme l'a souligné plus haut

d'Hooghes de la Gauguerie, est véritablement un dieu­homme, avec la psychologie et les réflexes d'un homme,bien plus : d'un homme i~parfait. Il s'irrite, veut toutbriser, puis le regrette et se met de nouveau en colère,jure d'exterminer le peuple choisi par lui jusqu'à laNième génération. Tantôt il déclare : « C'est monpeuple élu que je me suis fait ~. Tantôt il dit : « Je lesdétruirai, ce n'est plus mon peuple ~. Jusqu'au jour où,son ire étant tombée, il se souvient qu'il fi fait allianceéternelle avec Abraham et sa postérité.

Pareille attitude chez un prince mortel suffirait à clas­ser celui-ci parmi les faibles et les médiocres. A plusforte raison cette médiocrité et cette faiblesse sont-ellesindignes d'un dieu imortel.

Aussi comment ne verrait-on pas dans ces dieux encorepeu évolués l'expression humaine de leurs fidèles, à tra­vers les dires de leurs poètes, de leurs prophètes et deleurs législateurs ?

LES DIEUX SONT SOUMIS AUX LOIS

Nous avons dit aileurs que nul ne peut se soustraireimpunément à la loi, même s'il a lui-même édicté celle­ci ? Il Y a là un extraordinaire mécanisme qui lie au­tomatiquement la cause il l'effet.

Au-dessus des lois partielles et imparfaites des dieux,sous-dieux et demi-dieux, existent des lois sublimes etuniverselles auxquelles doivent se plier non seulementles choses, les événements, les bêtes et les hommes maisaussi les dieux personnels.

« Les peuples, dit Géruzez (1), qui avaient perdu la« cOl1nnissancedu vrai Dieu ne crurent pas cependant« que le monde fût abandonné au hasard ou livré au« caprice des dieux, pleins de vices et de passions, qu'ils« adoraient dans leur aveuglement ; et comme s'ils eus-

(1) Origines de la Mythologie (Op. cil.).

-71-« sent conservé une idée obscure de la Providence, ils« placèrent au-dessus d'eux et des dieux mêmes une« divinité toute puissante mais aveugle et inflexible.« Ils l'appellèrent le Destin ... Le Destin commande à tous« les dieux et tient dans ses mains le sort de tous les« mortels; ses décrets sont inscrits sur un livre d'airain« et nulle puissance ne saurait les effacer ~.

En réalité, le Destin n'était ni aveugle ni inflexible,mais il apparaissait tel aux hommes parce que ceux-cientendaient interpréter logiquement ses arrêts.

Le Karma hindou est la réplique approfondie du Des­tin des Grecs. Il s'engendre perpétuellement lui-mêmeet c'est pourquoi on l'appelle la loi des causes et deseffets. Tout effet a une cause; toute cause engendre uneffet. Le sort des êtres est automatique. Chacun ordonnesa destinée et en subit les conséquences sans pouvoir lesimpu.ter à autrui. Ce processus d'apparence enchevêtrée,qui récompense les uns au moyen de la punition desautres et punit les mauvais grâce à la récompense desbons, qui répartit idéalement les responsabilités et fonc­tionne sans intermédiaires, parait, lui aussi, inflexibleet aveugle aux commentateurs ignorants. En fait aucuneadministration divine ne comporte moins d'aveuglementet plus de flexibilité. Mais le procédé de répartitiondépasse la raison humaine, autant que l'automatismed'une turbine ou le self-control d'une machine à calculerdépassent la logique de la fourmi.

RELATIVITE DU MIRACLE

Oui, nous le rappelons encore une fois : « On doitsubir les conséquences d'une loi que l'on a soi-mêmeétablie ~. Toute transgression est sévèrement punie et lesprinces de la terre, si enclins à se considérer au-dessusdes lois qu'ils édictent, en fournissent, au long del'Histoire, des exemples malheureux.

Le Créateur n'est pas libre d'aller contre ses lois et

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-72-nous trouvons là une preuve supplémentaire de non­omnipotence.

Les dieux personnels n'agissent objectivement quedans l'ordre des phénomènes naturels. Jésus lui-mêmen'a pas restitué un œil crevé ni une jambe coupée. Sese miracles • sont sur le plan de tous les miracles, ycompris ceux de Lourdes et ceux des guérisseurs.

Pourtant qui dit miracle dit : e fait contraire aux Joise de la nature • (Larousse). Autrement dit, le miracleserait la réalisation d'une chose impossible dans J'ordredes phénomènes naturels.

Si le miracle était le fait d'un Dieu omnipotent, au­cune limite à ses pouvoirs Ile lui serait opposée. Lesdieux donc, quels qu'ils soient, ou leurs serviteurs, ouleurs intermédiaires ne peuvent, par conséquent, manierle monde et ses phénomènes que suivant des lois défi­nies et dont ces mêmes dieux peuvent être les auteurs.Mais Jes pouvoirs des dieux personnels s'accroissent enmême temps que la conscience que nous avons desnôtres, car les prolongements subjectifs de J'Homme sontle réservoir inépuisable où puisent les dieux immortels.

NECESSITE DES DIEUX INTERMEDIAIRES

Ce qui vient d'être dit n'est désobligeant que pour Jesdieux mauvais, c'est-ô-dire intéressés et égoïstes. Lanotion d'impuissance relative des dieux bons, bien loinde Jes abaisser, Jes rehausse dans Jeur action évolutive,les exalte et, en même temps, les rapproche de nous.

Maurice Magre, trop tôt disparu, est arrivé ô la pres­cience de cette métamorphose sublime et J'a même ad­mise chez la Puissance Infinie, dans le domaine des sur­dieux:

e C'est supposer à J'esprit divin une grande puérilitée et aussi une certaine cruauté que de penser qu'il ae lancé pour se jouer des créatures conscientes dans une monde de douleurs. II est plus raisonnable de voirc chez lui une contrainte, d'imaginer que c'est malgré

A~o

-73-e lui que s'exerce tant de misère, qu'il est soumi, à unec loi d'effort qui le dépasse, une loi qu'il comprendc peut-être, lui, à cause de la vastitude de sa pensée,e °mais qui peut très bien lui échapper comme elle nouse échappe.

e L'être infini a peut-être une obligation divine dec souffrir dans les parties de lui-même que nous som­e mes et, grâce à notre lent perfectionnement, il ac­e quiert des béatitudes qui seront aussi les nôtres. L'en­e semble de la souffrance est peut-être une nécessitée dont la totalisation est indispensable à quelque grande œuvre inconnu. L'immensité de l'être divin J'empêchee d'entendre nos plaintes quand nous souffrons et ilc souffre peut-être avec l'ensemble de nos douleurs.e S'iJ a la perception de nos plaintes, il les traite com­e me nous traitons les souffrances de notre organismee quand nous avons fait, par exemple, une trop longuee marche et que, pour atleindre le but où nous nouse reposerons, nous maîtrisons la souffrance de nos piedse blessés ou de nos reins fatigués.

e Sa perfection se réalise par la nôtre et l'élévatione toujours plus grande de nos pensées est le produite sublime vers lequel tend l'effort cosmique.

e L'aide que réclame le faible au milieu du mal dee la vie ne peut lui venir que des êtres supérieurs, dese hiérarchies qui s'étagent entre lui et Dieu et qui sonte lil~es il l'homme par une fraternité analogue à cellee qui joint l'homme à l'animal. II faut souhaiter que cese aides supérieurs, pour J'aide que nous leur deman­e dons, ne prenn('nt pas ex('mple sur le traitement quee nous faisons subir à la hiérarchie placée au-dessouse de nous. (1).

EXISTE-T-lI .• UN PLAN DIVIN?

Le même auteur dit encore ceci :e L'existence d'une Providence comporte un plan pré-

(1) Interventions surnaturelles (Fasquelle 6diteur).

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-74-e établi par un esprit divin qui a en vue la perfectionC' ou plutôt une perfection conçue par lui.

e Il y a des traces de ce plan. Mais on ne voit pase qu'il y ait certitude de la réussite du plan.

e Il semblerait plutôt qu'il y eut tentative divine,e essai énorme dont le résultat est inconnu et dépende d'éléments divers, parmi lesquels la pensée humainee est un des plus importants ~.

Une des preuves que ce plan d'ensemble n'est pasparfait ni complètement au point résulte de la considé­ration et de l'observation de l'univers stellaire.

On a coutume de célébrer la merveilleuse harmoniedu monde sidéral dont, cependant, le fonctionnementn'est pas exempt d'irrégulm·iti's, de ratés, de bavures(mort des astres, éclatements, collisions, astéroïdes, etc...).

De même, dans le microcosme animal, l'admirableorganisation cellulaire n'est pas absolument sans repro­ches (maladies, accidents, perversions, etc.).

M.F.C.H., notre correspondant d'Eveils, auteur de laMéthode du Partenaire, insistait, dans sa méditationsurprenante, sur l'erreur humaine du plan préétabli.

Après lui nous disions dans l'Invisible et Moi (1).

e Cette idée du Plan Invisible hante depuis toujourse la cervelle enfantine des hommes. Impuissants à pen­e ser et à agir sans ces béquilles provisoires, ceux-ci nee peuvent admettre que Dieu évolue en dehors de leurse médiocres procédés et de leurs petits calculs.

LE PERPETUEL DEVENIR

e Déjà, depuis un assez long temps, je pressentaise qu'il y avait plusieurs étages en Dicu, tout au moinse quant à l'idée qu'une créature humaine peut s'ene faire. Et j'avais fini par admettrc quc la part de Dieue qui nous est le plus accessible, c'est-à-dire le Père.c n'cst pas maîtresse absolue des événements.

(1) Editions Astra.

-75-C'est ce que M.F.C.H. nous confirmae Dieu, dit-il, est un océan spirituel homogène en train

e de devenir un océan spirituel plus grand et plus vi­c vant par l'individualisation progressivement comcien­e te et harmonieuse de toutes les gouttes qui le compo­e sent •.

Admirable et souple définition, qui laisse bien loinderrière toutes les élucubrations des théologiens et desphilosophes. Maurice Magre en avait été frappé et con­fessait dans le dernier livre publié avant sa mort :

e Dans sa simplicité cette théorie est peut-être la pluse plausible de toute celles qu'on a faites, depuis le com­e mencement du monde, sur Dieu. Dieu fait ce qu'ile peut. La souffrance du monde est une nécessité sure laquelle il n'a pas la haute main. Une transcendancee plus haute l'enveloppe et le commande par des loise inéluctables. Mais il se perfectionne au moyen dese êtres qu'il crée. Et ces êtres, dès que la compréhensione leur vient, après des millénaires d'effort, ne doivente pas avoir d'autre loi que de se perfectionner, collabo­e rant ainsi au progrès de Dieu et à sa perfection •.

e Il n'y a donc, concluait à son tour M.F.C.H.,pas dee lois permanentes mais une Grande Aventure dont cha­e cun de nous est activement partie prenante, un peue comme chaque globule de notre sang est partie pre­e nante de l'aventure de notre corps physique •.

Nous reviendrons sur ces trois dernières lignes quiappellent une sorte de réserve complémentaire, mais,dès maintenant, nous nous associons de toute notreâme à cette idée d'un Dieu jamais arrivé, toujours sus­ceptible d'accroissement, de virtualité, de puissance,Dieu du Perpétuel Devenir (1).

(1) Ceux de nos lecteurs qui désireraient approfondir cetteidée d'un dieu évolutif, admise aujourd'hui ou, tout au moins,envisagée par une fraction avancée du monde catholique, pour­ront se reporter à notre prochain livre : .c Réhabilitation deDieu ».

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CHAPITRE VI

La guerre des dieux et des hommes

Quand les dieux supérieurs, en marche dans le sein del'Absolu vers la compréhension du Dieu Unique, sontparvenus à nourrir exclusivement d'encens spirituel l'es­prit de leur divinité, les dieux inférieurs, eux, tournantle dos, dans le sein de l'Absolu, à l'intelligence du DieuUnique, persistent à alimenter de vapeurs sanglantes lamatière de leur divinité.

DIEUX DE COMBAT

Ce sont les dieux inférieurs qui provoquent les guerreset les font durer parce que le sang des hommes constitueleur plus grand festin. Aussi ceux d'entre les hommesqui aident à la guerre entre les peuples, les races, lescustes, les familles, les individus, sous quelque prétexteque ce soit, sont les auxiliaires efficaces des divinitésdu Mal. Les prétextes invoqués pour tuer, individuelle­ment ou collectivement, offensivement ou défensive­ment, au nom d'une idole ou d'un drapeau, d'une con­fession ou d'un système; d'un signe ou d'une allégorie,sont des mensonges suggérés par les plus avides desdieux.

Les dieux impurs aident les hommes impurs dans leurlutte contre les dieux purs et, ce faisant, provoquent ladéchéance rapide des proies humaines nécessaires àleur alimentation.

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-78 -Ce sont aussi les dieux inférieurs qui provoquent les

maladies, avec l'aide inconsciente des mortels peureux.La Peur est, en effet, le grand moyen d'action des divi­nités abjectes.

LA TEHRIBLE DEESSE DE LA PEUR

Avec son aide, elles paralysent d'avance leurs vi~­times et les soustraient à l'action bienfaisante des dieuxsupérieurs. Sans la sottise des hommes les dieux bas se­raient impuissants à faire souffrir les hommes, mais laplupart des hommes se font les complices inconscientsde leurs persécuteurs. Les grandes épidémies, les grandsfléaux naturels sont organisés de toutes pièces au moyende la Peur congénitale des hommes, qui est elle-mêmela plus grande épidémie et le plus grand fléau du genrehumain.

Ceux qui servent les mauvaises divinités se reconnais­sent à ce qu'il enseignent la Peur aux hommes. Dès leurnaissance ceux-ci sont élevés dans la crainte et non dansl'amour des dieux. Il s'ensuit que de tels dévots sontmÎlrs pour toutes les tyrannies et prêts à s'immoler ­chair et âme - sur les plus sanglants des autels.

Les hommes stupides et méchants luttent contre lesdieux intelligents. et bons. Les hommes intelligents etbons luttent contre les dieux méchants et stupides. Desorte que les hommes combattent aussi les hommes etque les dieux combattent aussi les dieux.

Cette bataille a lieu non seulement dans le monde vi­sible mais aussi dans le monde invisible. Les phases réel­les du combat nous sont cachées et bien des hommessont aussi ignorants des dieux qui les actionnent que lesont des joueurs les pions d'un échiquier.

Une telle lutte ne finit jamais. Quand la paix est si­gnée entre deux nations ou deux groupes de nationshumaines, on ~'étonne que l'appréhension de la Vie per­siste et que la Peur continue de planer sur le mondedégrisé. C'est qu'en réalité l'effroyable bataille invisi-

-79-ble se poursuit sur les autres plans, dans les autres di­mensions, au-dessus et au-dessous de nous. La' guerre esttoujours installée en nous, guerre entre nos atomes,guerre entre nos cellules, guerre entre nos tendances,guerre entre nos égoïsmes, guerre entre nos erreurs.L'humanité est un champ de bataille perpétuel où, tourà tour, nos corps, nos âmes, nos sentiments servent d'en­jeu aux puissances mystérieuses que nous sommes con­damnés à entretenir.

Et cela durera tant qu'il y aura des hommes pour fa­voriser l'antagonisme des dieux, forces hautes et forcesbasses, celle-ci tentant de replonger l'homme dans saboue originelle, celles-là s'efforçant de l'élever jusqu'ausouffle de l'Esprit pur.

FEDERATEURS DES JE ET FEDERATEURS DES MOI

Dans JE et MOI (1) nous avons fait la distinctionentre les deux parties de l'homme-amphibie: d'une part'le Moi, sa personnalité objective, d'autre part le JE, sonindividualité subjective, la première s'abolissant à lamort physique, la seconde s'épanouissant· à la sortie dela chair.

L'une est mortelle, l'autre immortelle ; l'une est char­nelle, l'autre divine.

Les JE et les MOI sont, comme toutes les forces, sus­ceptibles d'agrégation.

Les dieux inférieurs cherchent.à fédérer les instincts;les dieux supérieurs cherchent à associer les nobles pen­sées.

Mais il n'y aura pas toujours opposition entre les JE etles MOI. Quand le JE, parcelle'du feu divin dans chaquehomme, aura une conscience suffisante de lui-même, ildomptera, corrigera son MOI, puis se l'unira par intel­ligence et amour. Ce jour-là le MOI cessera d'être auservice des dieux inférieurs et le MOI des MOI, ou esprit

(1) Editions Astra.

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- 80-collectif du Mal, qui ne doit son existence qu'aux mau­vais instincts des hommes, perdra, avec chaque naturehumaine évoluée, une nouvelle unité de son pouvoir.

Par contre, toute perte enregistrée pur le MOI desMOI, ou esprit collectif du mal, enrichira le JE des JEou fédération de toutes les hautes parties humaines,dieu supérieur lui-mème, en évolution constante versl'Absolu.

On voit par là combien palpitante et passionnante estla partie engagée entre les entités d'en haut et d'enbas. Les humains y participent tous inconsciemment. àla façon dont les soldats participent à la guel're maté­rielle. On ne leur demande ni leur avis ni leur préfé­rence mais leur vie, leur peine et leur sang.

Il appartient aux hommes d'y participer consciem­ment. en se faisant les auxiliaires avertis des puissancesimmortelles les meilleures, par amendement de leurexistence et rectification de leurs erreurs.

La seule bataille qui dépend exclusivement de l'Hom­me c'est celle qu'il se livre il lui-même pour dominerses vices et exalter 'ses vertus. Ce faisnnt il devient np­paremment le dieu qu'il est en réalitè, c'est-il-direl'auxilliaire délihéré du Divin.

LE MALENTENDU AVEC LES DIEUX

Il faut remonter bien loin dans l'Histoire des hommespour découvrir l'origine de leur malentendu avec lesdieux.

Celte époque, au dire des mythologues, fut précédéepar celle de l'Age d'Or, période bénie où, sous le gou­vernement paternel de Saturne, la race d'or connut laprospérité.

« Les hommes d'alors, dit Géruzez, vivaient comme« des dieux, exempts de guerres, de maladies et de cri­« mes, la vieillesse n'altérait pas la vigueur de It~ur« corps; ils se livraient à la joie des festins mais sans« intempérance. La mort était pour eux un doux som-

- 8r-« meil et la vie la jouissance de tous les biens. Les ri­« cllCsses que la terre produisait sans culture étaient« partagées également entre tous ses habitants.

« Cette race privilégiée s'éteignit ; tous ceux qui la« composaient descendirent dans le sein de la terre et« devinrent des génies protecteurs de l'Humanité :t.

On ne peut signifier plus clairement que ces ancienshommes devinrent des dieux.

La race d'airain qui leur succéda ne s'entendit pointavec les maîtres de l'Olympe et le malentendu s'accentuaavec la race de fer. Dès la disparition de Saturne leshommes cessèrent de collahorer avec les dieux et lesdieux de collaborer avec les hommes. Sans doute leshommes semblent les plus coupables, mais les dieux,en l'espèce, furent-ils les plus innocents ?

La même scission se produisit après l'ère paradisia­que où les premiers hommes adamiques vécurent enfamiliarité avec les Elohim. Puis les hommes furent chas­sés de l'Eden, à la suite d'une querelle assez obscuredont on ne saurait dire qu'elle est toute à l'honneur desimmortels.

Le dieu biblique refit alliance avec les fils d'Adamjusqu'à ce que la Tour de Babel lui semblât une menace.Ce pour quoi le lieu fut frappé de confusion. Dès lorscommença une période de méchanceté collective que lesdieux résolurent dans le déluge universel.

Nouvel accord avec Noé. Nouveau divorce avec leshommes. Et rien n'indique encore que le malentendudoive finir. Dans !.JeSerret de la Grande Pyramide (1)nous avons fait remarquer que le décalage du systèmede chambres et de couloirs de Khéops, par rapport auxdeux plans verticaux-centraux de l'édifice et qu'on RP­pelle le « facteur-déplacement :t de Davidson, à causedu savant qui le mit en valeur, correspond sans douteà ce malentendu humano-divin. Et comme le facteur­déplacement est mesurahle (en le retrouve, en effet, àchaque instant dans les calculs de la Grande Pyramide)

(t) Editions Adyar.6

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-82-on a pu dire d'une manière assez curieuse que l'épais­seur du malentendu entre Dieu et les hommes est exac­tement de 286,1 pouces pyramidaux.

Les 286,1 pouces pyramidaux représentent, cntre au­tres, la mesure de la partie manquante de l'axe pyrami­dal. On sait que la Grande Pyramide est découronnéeet que l'édifice ne sera parfait que si la pierre d'angleest restituée en son lieu.

Cette valeur géométrique du malentendu entre l'Hom­me et les Dieux n'est pas un des éléments les moins trou­blants de la grande énigme scientifique que le Sphinxpropose aux générations d'Adam.

Il résulte de tout ceci que les dieux, après avoir faitde l'Homme leur auxiliaire, redoutèrent que celui-cin'eût trop d'initiative et ne devînt un rival dangereux.C'est là l'origine des dieux jaloux, qui veillent sur lessecrets de la Vi~ et interviennent férocement dès queces secrets leur semblent menacés.

On a vu, dans c Dieu est-il Mathématicien ? • com­ment ceux qui, depuis Prométhée, tentèrent de s'appro­prier les formules divines furent persécuh~s et retran­chés des mortels. Adam, les Géants, Laocoon, etc., etplus près de nous Pascal, Gallois, Lichtenstein, Liapou­nof, Cantor, Curie et tant d'autres, furent évincés de lascène du monde dès que leur connaissance des chosescachées menaça d'aller trop loin.

La Tour de Babel et le Pélion sur Ossa des Géantsreprésentent toujours la même tentative d'escalader leCiel contre la volonté divine. L'occultisme nous dit quepareille aventure survint aux Lémuriens et habitantsde l'Atlandide, parvenus aux sommets de la magie etque submergèrent l'eau et le feu.

LES LEVIERS INVISIBLES DU MONDE

Les dieux ont évidemment des moyens d'action infi­niment supérieurs à ceux des hommes. Il semble que

-83-leurs procédés soient à l'échelle astronomique et cons­tituent de formidables leviers.

Dans l.a Danse sur le Volcan (1) nous avons longue­ment étudié, au cours de l'avant-dernier chapitre, lamanœuvre de l'axe de la terre, qui constitue précisé­ment un de ces leviers divins.

Jadis la Terre n'était pas de travers, comme il apparaitaujourd'hui à la simple vue d'un globe terrestre. Au lieud'être inclinée sur le plan de l'écliptique, elle étaitd'aplomb, comme tant d'autres astres et la durée del'année était de 3:50jours. Les saisons n'existaient pas.Alors la vigne croissait aux pôles. Cette période coïnci­da probablement avec l'âge d'Or, rappelé ci-dessus.

Depuis, il apparaît que cet axe a été volontairementdéplacé par les dieux et ceci ne résulte pas seulement desdonnées de l'occultisme contemporain, mais aussi desconfidences des prêtres égyptiens à Solon, rapportéespar Platon dans Le Timée. Chose inouïe, une telle hy­pothèse est confirmée par les travaux célèbres du savantcontemporain Wegener.

On voit de quelle possibilités disposeraient les dieuxpuisque le moindre déplacement de l'axe de la terre pro­voque nécessairement le déséquilibre de notre globe,avec tout ce que eela suppose de séismes et de boulever­sements.

Là ne se borne pas la puissance des dieux. Les tra­vaux des astronomes modernes, basés sur l'étude de lamasse solaire, ont permis d'établir que l'exagération desprotubérances de l'astre (vulgairement les taches) amèneune recrudescence des passions et des cataclysmes del'Humanité. Toutes les fois, suppose-t-on, que le soleiljette vers nous des flammes inhabituelles, tous les êtresvivants réagissent en dépit de l'éloignement. Aux pé­riodes de sécheresse intense, c'est-à-dire de culminationdes éruptions solaires, correspond une vague de guerre,de révolution, de suicides, d'épidémies, et~ générale­ment, de cruauté.

(1) EdiUODS Ali,.ar.

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-84-Il est infiniment vraisemblable que les dieux ont la

main sur les manettes essentielles et, selon qu'ils les ma­nœuvrent, excitent ou dépriment à volonté les hommesordinaires, ces robots.

LA SCIENCE AU SEHVICE DES DIEUX INFERIEURS

Il n'est pas douteux que, présentement, nous vivonsl'époque la plus difficile du monde, celle où la guerreentre les dieux et les hommes atteint son maximumd'acuité. Parce que les dieux sont partagés en deuxcamps, les hommes sont dressés également les uns contreles autres.

L'Humanité atteinte de frénésie, semble aller elle­même vers sa fin.

Qui oserait nier la correspondance troublante des der-niers temps ?

1° Quatre des plus grandes années de guerre.2° Quatre des plus dures années de persécution.3° Quatre des plus rigoureux hivers de l'histoire.4° Quatre des plus dures années de sécheresse.Toutes ces choses sont liées intimement et révèlent un

dessein concerté d'avance et appliqué par d'inclémentsexécuteurs.

c Dans l'immense drame qui précède l'accouchementc prochain, a pu écrire notre correspondant SISYPHE,c nous agissons comme des automates sous l'injonc­c tion d'ondes magnétiques sur lesquelles nos cerveauxc sont accordés. Nous ne jouissons, à présent, que d'unec liberté restreinte, indispensable d'ailleurs au dévelop­c pement de nos aspirations naturelles, en vue d'unc sélectionnement final ».

La dernière invention humaine, dite bombe atomique,basée sur la désintégration de la matière et qui sembleaux esprits faibles le triomphe de la Science moderne,va précisément être la cause de sa perdition.

-85-Les hommes ont pénétré par là dans la fameuse zone

interdite que gardent des chérubins à l'épée de feu.Déjà nous avons signalé l'avertissement donné aux

chercheurs de la radio-activité par les dieux qui bri­sèrent le crâne de Pierre Curie. Le coup de semonceétant demeuré inutile, les possesseurs invisibles du mon­de ont tendu un piège aux hommes présomptueux. Mais,cette fois, ce n'est pas dans une simple impasse ni devantles butoirs d'une voie de garage que les dieux ont con­duit l'invraisemblable orgueil humain.

La porte de la connaissance a été entrebaillée devantles apprentis-sorciers et ceux-ci y ont engagé la tête enpleine innocence.

Le résultat premier de cette irruption dans les terresdéfendues a été la découverte du plus considérable detous les moyens de destruction. C'est précisément là queles dieux personnels voulaient conduire leur outrecui­dante créature, pour l'amener à préparer elle-même sonchâtiment. Si inintelligente que soit l'Humanité, celle-ciappréhende le péril de sa découverte. Elle a obscuré­ment conscience du sort tragique qui lui est destiné.Mais nul secours ne lui viendra de la Science Mentale,engagée dans le mensonge des apparences, ni de la Phi­losophie cartésienne limitée au monde formel, ni de laReligion mise au service du dogme, ni de la Politiquequi tourne le dos au réel.

Ainsi, ne parvenant pas à s'assurer le concours déli­béré des hommes, les dieux les contraignent à les servirmalgré eux.

Mais ce triomphe ressemble à .ceux de Pyrrhus. Ilaffaiblit les vainqueurs eux-mêmes. Rien de bon, riende grand ne peut être obtenu par la violence et le mal.

Tant que les dieux auront recours à des procédésbrutaux qui rappellent ceux des hommes, aucune révo­lution véritable ne sera obtenue tant chez les hommesque chez les dieux.

Il existe heureusement des dieux supérieurs quin'usent ni de brutalité ni de contrainte. De même jl

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-86-existe des hommes que ne déterminent ni ]a force ni ]adureté.

C'est de l'alliance de ces êtres élevés que r~sulteral'amélioration du monde. C'cst d'eux et des conditionsde leur entente que nous reparlerons dans les chapitresci-après.

CHAPITRE VII

Coopération avec les dieux

Or tous les hommes ne sont pas fous, ni les dieux tous·pervers.

Nous l'avons dit précédemment, le monde est unesélection continue. Les règnes inférieurs de la Vie ac­cèdent aux étages supérieurs par la voie d'une gran­diose et incessante évolution. Sans cesse de nouveauxpromus enrichissent les classes supérieures.

Nous savons bien que l'Humanité n'est pas seulementcomposée d'imbéciles et de méchants Loin de là, ellecompte des individuulités et même des personnalitésadmirables dont l'existence suffit à légitimer la Créa­tion.

Mois, dédaigneux du monde formel et jamais dupesdes apparences, les êtres bons demeurent cachés il lafoule et jouent leur rôle en secret.

Les hommes de peu, au contraire, aspirent à la noto­riété et font retentir les trompettes objectives. Beaucoupd'entre eux croient être des chefs et ne sont que desesclaves déguisés. Les passions enchainent ]a plupartmois comme leurs chaines sont invisibles à la multitude,ceJJe-ci les porte, les exalte et en fait des dieux person­ne]s.

De même les dieux supérieurs ne s'imposent pas àl'aide d'événements brutaux ou d'injonctions impé­rieuses. Leurs moyens sont puissants et doux.

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-88-C'est d'eux qu'on parle le moins dans le monde ba­

vard des hommes. Les dieux inférieurs agissent sur latête ; les dieux supérieurs agissent sur le cœur.

POURQUOI LES DIEUX ONT-ILS CREELES HOMMES?

Les dieux ont créé l'Homme afin de se mieux connaire.Pawlowski répond comme suit lorsqu'il se demande:

Pourquoi la Création ?

c Pour des raisons qui nous sont cncore inconnues, cec que nous appellerons, faute de mieux, l'Intelligencec Universelle semble animée d'un prodigieux désir dec sc connaÎtr·c soi-mêmc, c'est-il-dire de se réaliser. Ilc lui faut pour cela un miroir el ce miroir est le monde.c Une conscience de soi-même demeure, en effet, parc elle-même obscure, continue, immobile, éternelle etc indiscernable. Elle ne peut agir et se réaliser que parc la contradiction, l'opposition, la réaction, la limita­c tion dans un temps et dans un espace ~.

Une c conscience universelle qui cherche des moyensd'expression ~ voilà sans doute la plus raisonnable expli­cation du Créateur en quête de créatures.

LES DIEUX ONT BESOIN D'ETHE ADOBES

Chaque fois que, dans la Genèse, le Créateur bihliqueréalise une nouvelle création, on a l'impression qu'il serecule et juge ce qu'il a fait, comme un artiste.

c Dieu dit ; Que la lumière soit ! Et la lumièl'e fut.c Dieu vit que la lumière était lJonne, elc ... ».

Il en est de même pour les caux et le sec, pour lesluminaires et les bêtes. c Dieu oit, dit le texte, que celaétait bon ~.

Enfin a lieu la création de l'homme et de la femme,le sixième jour et la satisfaction de Premier Artiste est

-89-à son comble : c Dieu vit tout ce qu'il avait fait et voici,c cela était très bon ~.

Le Popol-Vuh, qui est la Bible des peuples Mayas­Quichés, narrant la création de l'Homme, s'exprime dela manière suivante :

c Les dieux primordiaux existaient de toute éternité,c mais pour vivre ils ont besoin que leurs noms soientc prononcés. Ils se décident, par conséquent, il formerc l'homme qui sera leur soutien ~.

Et c'cst dans le Coran que nous relevons cette phrasesubstantielle :

c Crois-tu que j'ai créé par plaisanterie l'Univers etc la terre et tout ce qui est entre eux ? ~

Selon toute vraisemblance les dieux veulent être glo­rifiés et c'est de leur glorification par l'Homme qu'ilstirent au moins une partie de leur puissance. Si l'Hom­me les glorifie insuffisamment, il est possible que leurpuissance diminue et qu'il en résulte des dérèglementsdans la marche de l'Univers.

Toutefois il ne semble pas que les dieux aient eu unbesoin absolu, c constitutionnel ~ des humains pour êtredes dieux.

Le dieu de la Bible, comme les autres dieux créateurs,existait avant la création de l'Homme au moins adami­que. Celui-ci fut donc utile mais non totalement indis­pensable il l'existence des dieux ..

Toutefois ceux-ci durent s'apercevoir de bonne heureque leur propre évolution était subordonnée à cellesde créatures subalternes résultant elles-mêmes d'unelongue évolution.

LA CONSCIENCE DE L'HOMME ELARGITLA CONSCIENCE DES DIEUX

Dans l'Après-Mort nous avons envisagé en face l'ef­froyable hYPQthèse matérialiste d'après laquelle nousserions au sein du Dieu Infini mais incompréhensif

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-90-comme sont nos propres cellules au sein de notre corps.Autrement dit notre conscience, notre souR'rance, notrevolonté ne compteraient pas plus que ne comptent lesort et les vicissitudes d'une cellule de l'Homme parmiles milliards de ces cellules. Dieu nous contiendrait etagirait sans même soupçonner notre présence ou, dumoins, sans y porter le moindre intérêt.

Maurice Magre à dit à ce propos :

e Cela n'est qu'une hypothèse et la plus affreuse. Ellee est loin d'être la plus vraisemblable. Il est probablee que nos rapports avec l'esprit infini sont tout-à-faÏtc différents. Mais y a-t-il entre nous et lui une commu­e nicntion possible ? On est tenté à priori de faire unec réponse négative. Et celle réponse sera différente s'ilc s'agit de communication alJPC les puissances intermé­e diairl's qui s'échelonnent entre nous et l'esprit infinie dans la création ~.

Calmer une telle inquiétude est exrêmeml'nt facile,car il n'y a aucune mesure entre les cellules de l'Hommepar rappOl·t à lui et l'homme par rapport à l'Espl'it In­fini.

Ce qui distingue l'Homme, en tant que partie de Dieu,d('s ~imples parties de l'Homme c'cst la Comcience. at­tribut divin.

Si les lltomes constitutifs de l'Homme ~tnient intel­lig<,nts. c'('sl-il-dire avaient conscience de leur existence,l'Homme Total, l'Homme Central percevrait nécessai­rement leurs appels. Mois le courant consch'nt n'existepns entre eu:'!:('t l'Homme. ni même vraisemblahlemententre eux, Peut-être même n'y a-t-il pas appel, versl'Homme. snit de l'atome, soit de la cellule quand ceux­ci sont ('n difficulté. en péril. Ou alors la p<,rception dece recnurs n'est enregistrée que par l'inconsci('nt del'Homme. centrale de tous les inconscients inr~rieurs.

Toute l'évolution spirituelle repose sur l'Mnt de cons­cience ('fui diff(~rencie le minéral du végétal et le végé­tai de l'nnimal. Inexistante aux premiers échelons, toutau moins sous forme individuelle, rudimentaire chez

-91-la bête la plus humanisée, la conscience revêt chezl'Homme une grande ampleur.

C'est précisément cette conscience qu'il a de lui-mêmeet de ce qui l'entoure qui met l'être humain au-dessus detous les êtres objectifs.

C'est aussi dans cette conscience humaine, étoffée parle libre-arbitre, que les dieux puisent les éléments deconscience supérieure qui font leur supériorité.

Mais c'est également cette même conscience qui mérited'être étendue et affinée, de manière à promouvoirl'Homme et les dieux eux-mêmes vers une plus hautedivinité.

Cela n'est pas du goût des dieux inférieurs qui nedésirent nullement voir l'Homme enrichir sa conscienceet, par libérations successives, s'évader de leur zone d'at­traction.

Cela correspond, au contraire, au désir des dieux su­périeurs qui est de s'élever sans cesse eux-mêmes et,par exaltation constante de l'Homme, de se hisser versles nouvelles hauteurs.

TOUT FAIT PARTIE DE L'ETRE SUPREME

Toute la création semble avoir été agencée dans lebut d'améliorer et de perfectionner la race humaine,tirée du limon et, au début, précaire en dépit du soufTledivin.

Mais la créature pensante a dépassé les intentions desCréateurs, en malice mentale sinon en progression "pi­rituelle, Et ceci expliquerait en partie les décourage­ments et les colères de l'Elohim primitif, submergé parla rebellion et la mauvaise volonté des hommes que, dieuhabile, mais non tout-puissant, il avait créés imparfaits.

Nous reviendrons là-dessus à propos de l'évolutiondivine. Dès maintenant toutefois, soulignons cet effortconstant des meilleurs dieux pour se réaliser harmo­nieusement.

Dieux humains ou terrestres, ils ne le pouvaient qu'encréant l'Homme, échelon terminal de la matérialité.

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-92-Les Pouranas disent

c Le Dieu Unique, songeant à devenir multiple, sec leva du lit de la méditation et créa au moyen de Mayac une semence d'or divisée en trois portions:

c La Divinitéc La Spiritualitéc La Matérialitéc Voilà l'Etre Suprême ~.

Les dieux tant inférieurs que supérieurs, passent obli­gatoirement par cette filière dans leur ascension en Dieu.

L'ECHANGE ENTHE LE HAUT ET LE BAS

Dans les Upanishads il est écrit : c Celui qui com­prend Dieu devient dieu ~. Evidemment il ne s'agit làque d'une compréhension relative et le relatif ne peutcomprendre l'Absolu.

Mais comprendre les dieux supérieurs, même person­nels, c'est s'acheminer vers une plus haute attitude di­vine et le procédé qui permet de gravir les degrés suc­cessifs de la Connaissance ne varie pas, toutes choseségales, pour les hommes et les dieux.

Si les dieux ont pour tâche de spiritualiser davantageles hommes en les déifiant, les hommes, eux, ont pourtâche de spiritualiser davantage en les humanisant ceuxdes êtres inférieurs qui les entourent. Chaque règne estun degré vers l'autre. Chaque évolution d'un dieu oud'un homme est une marche vers l'Absolu.

Shri Aurobindo s'est écrié :c Il faut essayer de diviniser la Vie en faisant des­

c cendre en elle les forces divines ~.La vérité est que les forces divines y sont déjà, même

dans les formes les plus basses de la matière, mais que.ni la matière, ni les êtres inférieurs, ni les hommes eux­mêmes n'en ont une suffisante perception.

De la conscience que l'Homme a de la présence duDivin résulte une compréhension divine de la Vie.

-93-Et cela crée un courant double: celui qui, par l'inter­

médiaire des dieux inférieurs et de la Nature, ramènel'Homme aux plans grossiers de la matière ; celui qui,par l'intermédiaire des dieux supérieurs, attire l'Hom-me vers l'Esprit. '

Il Y a donc échange perpétuel, et incroyablement fé­cond, entre le haut et le bas, entre l'harmonie et le dé­sordre, celui-ci d'ailleurs étant la condition inévitablede celle-là.

c Une seule chose, a pli dire Schuré, prouve Dieu ouc les Dieux, c'est la réponse des forces cosmiques àc l'appel de la volonté humaine ~.

LE SURHOMME DEPASSE LES SOUS-DIEUX

Cette attitude spontanée de l'Homme qui, athée oucroyant, s'élève, dans le péril, vers le Surnaturel, estun réflexe normal de son organisation amphibie. Lacréature de chair en appelle d'instinct à la créature d'es­prit qui est en elle et d'où peut lui venir le secours.

Sans le savoir l'Homme qui demande le secours d'En­Haut émeut les hautes régions de lui-même, celles quisont en contact et presque au niveau de la Divinité.

Est-ce à dire que tout appel, même entendu, mêmeenregistré est exaucé par les dieux? Non certes, ou, dumoins, pas dans la forme où l'entend la conscience en­core incomplète des hommes. La non-omnipotence desdieux s'y oppose ainsi que la logique humaine à troisdimensions. L'idée du Mal, telle que l'Homme la conçoitest exclusivement humaine. Les dieux l'ignorent souscette forme et c'est pourquoi il y a si souvent incom­préhension entre hommes et dieux.

Plus un dieu est inférieur, plus la conscience normaledes hommes est rapprochée de la sienne. Plus un dieuest supérieur, plus il s'éloigne de la compréhension del'Homme moyen.

L'homme supérieur, c'est-à-dire évolué spirituelle­ment, dépasse non seulement logique et conscience des

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- 94-

hommes ordinaires mais aussi logique et conscience desdieux inférieurs.

D'un bond spirituel le surhomme est capable de pas­ser par-dessus tous les sous-dieux et de se frayer unchemin direct vers le Père, cette forme la plus accessiblede l'Esprit Absolu.

Mais tous les hommes, il s'en faut, ne répondent pasà ces fins. C'est pourquoi les dieux supérieurs contra­rient et éliminent ceux qui leur résistent et favorisentou appellent à eux ceux qui coopèrent sciemment avecla Divinité.

BON MAÇONS ET BONS MATERIAUXSONT INDISPENSABLES AU BON ARCHITECTE

Pourquoi sommes-nous sur la terre, séjour apparentdu mal, de la douleur et l'injustice, sinon pour aider lesdieux bons à faire évoluer la Terre en même temps quel'Humanité ? Ce pour quoi nous sommes composés dematière, d'âme et d'esprit.

Nous avons trouvé dans une publication quaker (1)cette pensée :

c Ne disons pas, révoltés en face d'un monde plongéc dans la souffrance et le désordre : c Pourquoi Dieuc a-t-il permis cela? :., mais plutôt : c Bénissons Dieuc car Il a fait ce qu'Il a pu ! •. Le meilleur architectec du monde n'élève qu'une maison imparfaite avec de lac pierre qui s'effrite, maniée par des mains maladroitesc ou paresseuses. Que Dieu continue inlassablement ilc bâtir en se servant de nos erreurs. voilà ce qui doitc nous remplir d'une confiance et d'une reconnaissancec éperdues :..

(Dieu le Fit) E. B.

Que les hommes deviennent donc des matériaux intel-

(1) c Lettre fraternelle • de Novembre 1942.

-95-ligents, que chacun d'eux soit une pierre consciente etl'édifice tout entier se divinisera, comme ces cathédralesgothiques dont chaque élément était humanisé 1

Quand, dans la communion des hommes et des dieux,un homme a pris conscience de sa valeur et du sensprofond de son échange. il est bien près d'être admisdans le cercle des dieux.

LA SOCIETE ANONYME HUMAINE

Nous avons comparé, ù maintes reprises, l'Homme àun iceberg dans l'océan. Une partie seulement émergepour huit ou neuf parties immergées. Or c'est seulementde la partie émergeante que l'Homme se préoccupe et,avec lui, ses philosophes et ses savants. Le reste, c'est­à-dire ce qui est dans la quatrième dimension et lesdimensions plus élevées, échappe à sa conscience nor­male, le plus souvent.

La partie quadri-dimensionnelle de chaque homme in­carné est reliée (amarrée) à la chair tri-dimensionnelle etpeut-être même à des parties (ou instincts) à deux di­mensions. La conscience c claire :. n'a que très rare­ment des IUèurs, perceptions tronquées, de son domainequadri-dimensionnel dont l'étendue est immense.

Aussi l'homme conscient il trois dimensions est-il com­parable ù tel espagnol misérable d'un faubourg de Bar­celone qui serait propriétaire sans le savoir de dizainE'de milliers d'hectares et de troupeaux innombrables auPérou. De temps en temps une communication réticentedu régisseur éveillerait son intérêt puis les ponts seraientil nouveau coupés entre le fabricant d'espadrilles cata­lan et l'énorme domaine d'Amérique.

Mais qu'advient-il de tous les territoires inconscientshumains à quatre dimensions ? Ceux-ci s'interpénètrent,se conditionnent, se multiplient et l'ensemble forme uneénergie considérable qui embrasse peut-être-le systèmesidéral tout entier.

Quelques rares Etres administrent cette force fabu-

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-96-leuse d'une manière consciente. Ce sont évidemmentceux-là qui sont les dieux.

Deviennent demi-dieux (à mi-chemin des dieux) ceuxdes hommes qui commencent à le comprendre ou àl'entrevoir et facilitent la tâche d'administration divine.

Il en serait ainsi du monde de la quatrième dimen­sion comme d'une société anonyme terrestre. Les capi­taux, bien qu'appartenant à la foule des petits action­naires, seraient administrés souverainement et sans qu'ilsoit rendu de comptes authentiques, par un conseil d'ad­ministration tout-puissant (1).

Le commun des hommes est aussi ingénu que le com­mun des petits porteurs de parts, d'actions et d'obliga­tions, celles-ci représentant les apports de fluides, demagnétisme, de radiations, de sentiments, de pensées,qui seraient pratiquement perdus pour tout le mondesi un Conseil d'Administration (encore plus lointain etinaccessible que ceux de la terre) ne les exploitait pourle compte des hommes et en leur nom.

Mais il se passe dans ce capitalisme subjectif ce quise passe dans les sociétés capitalistes objectives. LeMonde dit supérieur renferme une « finance :t honnêteet d'infidèles banquiers.

LE CHOIX ENTRE LES DIEUX

Les dieux inférieurs ne voient dans le maniementdes forces inconscientes des hommes que le moyen d'ac­croître une puissance inférieure et d'assurer une injustedomination.

Les dieux supérieurs, il l'opposé, ne mobilisent lesaspirations spirituellIes des hommes que dans l'inté­rêt supérieur de ceux-ci et afin de les amener il uneplus noble condition.

L'intérêt des premiers est de maintenir l'Homme dans

(1) Ce qualificatif étant pris dans le sens de c qui se réservetoutes les décisions :t.

-97-l'obscurité et l'eselavage par ignoranc~ ou par crainteet pour masquer leurs frauduleux calculs.

L'intérêt des seconds est d'élever l'homme à la com­préhension de ses fins dernières et de le hausser peu àpeu Jusqu'au voisinage du plan dIVin.

Les dieux inférieurs ont tout à redouter de l'éléva­tion de l'Homme ; les dieux supérieurs ont tout à enattendre.

Comment, dans ces conditions, la lutte ne serail-ellepas permanente entre ces deux sortes de dieux ?

Les dieux funestes agissent-ils sur l'Humanité par voied'ondes électro-magnétiques, au moyen de rayons cos­miques ou encore de plus subtiles radiations ? Peu im­porte ! Ce qui est certain, c'est que l'immense majoritédes êtres humains y sont sensibles, dans la proportion deleur matérialisme et de leur subordination aux instincts.Et il est de fait que trop d'hommes ont l'habitude decéder aux injonctions de leurs sens et perdent tout con­trôle sur eux-mêmes. Ils deviennent ainsi de véritablesmarionnettes entre les mains des dieux du dessous.

Par contre, l'homme entraîné à se défendre contre lessollicitations de l'instinct devient, dans la mesure de cetentraînement, de plus en plus réfractaire aux ondesmaléfiques et son libre-arbitre s'accroît proportionnel­lement au progrès de son évolution.

Peut-être est-ce quand il s'abandonne volontairementaux dieux supérieurs que l'Homme se soustrait au dé­terminisme. Reste à démontrer de quelle façon et parquels moyens, conscients et volontaires, les hommes peu­vent se délivrer des soi-disant « Puissances du Mal :t qui,sans eux. pour eux ne sont rien.

COMMENT COOPERER AVEC LES DIEUX DU BIEN

Réprimer ses défauts, ses instincts, ses vices, réformerses erreurs, éteindre ses doutes, voilà la plus efficacemanière de contrarier les dieux mauvais. Puisqu'ilsn'ont d'existence que par les hommes et au moyen de

7

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-98 -l'énergie que ceux-ci leurs fournissent, il suffit de fairetaire en soi les basses sollicitations.

Il est évident que cela ne peut être accompli d'uncoup et que, pour y réussir complètement, on n'a pastrop de toute une vie. Certains prétendent même quemille vies sont indispensables avant l'ère de pel·fection.Mais point n'est besoin d'être parfait pour se refuser,même partiellement, à l'cmpire des divinités les plusviles. Chaque mauvais désir maîtrisé, chaque colèreavortée, chaque incompréhension dissipée, chaqueégoïsme refoulé amputent la puissance des dicux infé­rieurs et rendent ceux-ci plus débilcs. Les dieux im­mondes de la guerre auraient moins de force si chaquehomme dressait en lui un autel de paix.

Mais la plus efficace manière de neutraliser les dieuxinférieurs est d'exalter les dieux supérieurs. Ceux-ci nepeuvent grandir qu'au détriment de ceux-là. Plus la lu­mière s'étend et plus les ténèbres diminuent.

C'est là le véritable objet de cette étude, uniquementconçue pour aider l'action des grands dieux. Notre livrene peut déplaire qu'aux petits dieux de l'ombre et dumal dont les desseins y sont dévoilés.

Dans cet antagonisme nécessaire et inévitable entre lemagnétisme supérieur et le magnétisme infél'ieur, nousépaulons le premier et ébranlons le second.

Nous allons voir comment, en s'améliorant, l'Hommespiritualise, toujours un peu plus. l('s dieux qu'i1 ('stimcet qu'il aime.

L'HOMME ET SES CLOISONS ETANCHES

Nous nous étions souvent posé une question.Comment se fait-il, disions-nous, que l'homme appa­

rent soit séparé de l'homme invisible par une cloison siétanche, d'ordinaire, que la plupart des humains nesoupçonnent pas l'étendue ni, surtout, la hauteur de leurHumanité?

Voici quelle réponse nous fut donnée.

-99 -C'est parce que l'homme apparent n'est pas assez

évolué spirituellement pour être admis à faire com­muniquer entre elles les différentes parties de lui-même.Sans cette cloison étanche les hauts pouvoirs et leshautes manifestations de l'homme seraient à la mercid'individualités grossières mais audacieuses et des mé­chants comme des bons.

Ne « passent la frontière ~ que les héros spirituels,les saints, les demi-dieux, les poètes, les artistes et lespetits enfants.

C'cst donc parmi ceux-ci qu'il nous faut rechercher lespoints de contact avec le divin, dans ce que celui-ci ade plus élevé et de plus noble.

LA ROUTE DE SIMPLICITE

Il n'est pas donné à tous d'égaler d'emblée les êtresadmis à c l'audience :), mais il importe et il suffit des'engager dans la même voie qu'eux.

Le seul fait de prendre une direction plutôt qu'uneautre « détermine:) tout ce qui doit suivre. Sans doute,tout le monde peut faire demi-tour et même rebrousserchemin, mais c'est là un effort énorme pour les mortels.Le propre de l'Homme formel est, en effet, de suivre unevoie toute tracée et il ne lui est pas tellement plus dif­ficile de suivre la route du bien. Le tout est de s'y enga­ger une bonne fois, puis de marcher sans tourner la tête.Peu importe qu'on s'arrête, qu'on trébuche et mêmequ'on tombe, pourvu qu'on garde les yeux vers le but.Il n'y faut donc qu'un héroïsme banal, qu'une saintetérestreinte, qu'une divinité sans apprêt, qu'une poésie ru­dimentaire et même qu'un art mineur. En revanche lasimplicité de l'enfant est exigée toute entière car l'Hom­me qui n'est pas simple peut. encore moins que le riche,pénétrer dans le royaume de Dieu.

Les hommes devront donc s'efforcer d'être héroiques,saints, divins, poètes et artistes seulement dans la me­sure où le sont les tout petits enfants. ~ans doute est-ce

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- 100-

là précisément le plus grand don, celui qui rapproche leplus des anges, mais aussi le plus facile pour qui ouvresincèrement son âme et son cœur.

Tout ce qui advient à l'Homme, dans le haut commedans le bas, est fonction de l'intention première.

e Ceux qui adorent les Etres Radieux, dit la Baghavade Gifa, vont vers les· Dévas ; ceux qui adorent les nn­e cêtres vont vers les ancêtres ; ceux qui adorent lese Elémentaux vont vers l('~ esprits de la nature ; maise ceux qui M'adorent viennent à Moi ».

Orientons-nous vers Lui, le Dieu Idéal au-delà des for­mes, et nous serons, par le fait même, dans l'axe de tousles dieux supérieurs.

LA COURTE ECHELLE

Les hommes ne pourraient pas aisément accéder auplan divin si les hommes et les dieux ne se faisaient lacourte échelle.

Les dieux nous tirent après eux et nous, de toutes nosforces, nous les poussons. Ils nous hissent d'en bas etnous les soulevons vers le haut.

Ce faisant nous ne faisons que remonter dans les hau­teurs de nous-mêmes et gravir notre escalier intérieur.

Celui-ci, à proprement parler, n'a point de fin, pasplus que l'échelle intérieure d~s dieux en quête de l't~che­Ion suprême ; et cette ascension indéfinie se poursui­vra dans les siècles des siècles, toujours vers plus dehauteur. Et sans cesser d'être éternellement présent, leDieu Suprême s'élèvera, à mesure de nos efforts, tou­jours davantage sans que, spatialement ni temporelle­ment, ou puisse assigner de limite à cette élévation.

Car il n'y a pas de terme aux vertus dont l'Homme estsusceptible : héroïsme, mysticisme, pureté, sacrifice,amour.

Qu'on se figure l'apport fait aux dieux par des musi­ciens tels que Mozart, Beethoven, Bach, Haëndel, deSaints tels que Vincent de Paul et François d'Assise.

-- 10.1-

Les martyrs de toutes les persécutions ont ouvert uneroute directe dans le ciel.

Quand aux héros ce ne sont ni les plus spectaculairesni les plus connus qui survolent l'Humanité adamique,mais bien ceux dont l'héroïsme est resté doux et se­cret.

Les grands poètes ne sauraient être ceux que la mul­titude encense. Souvent les plus purs gisent dans l'om­bre, sans langue pour s'exprimer. Ce sont tous lesamants du Beau en qui réside le sens d'harmonie maisqui n'arrivent pas à la formuler. De même les hérosobscurs pullulent dans le monde des hommes. Mais leurshumbles sacrifices, pour être ignorés du monde de laforme n'en fulgurent pas moins dans l'éternelle réali­té.

LE DOGMEIMPIE DE LA e CRAINTE ~ DE DIEU

Pour étayer vraiment les dieux et jeter tout le poids del'Humanité dans la balance, les hommes doivent se dé­faire préalablement de leurs folles idées de Peur.

L'attente du châtiment, l'appréhension de la colère,la crainte de la vengeance, l'effroi du supplice, voilà parquoi les faux dieux ont dominé les hommes, depuis lesorigines jusqu'à nos jours.

L'Homme a été enchaîné dans e la crainte de Dieu.et cela s'expliquait aux temps de la barbarie, alors queles dieux du Mal triomphaient des dieux du Bien.

A mesure que l'Homme a évolué et que ses facultésd'Amour ont contrebalancé ses facultés de Haine, le cal­me visage des dieux bons surgit d'entre les rictus desdieux mauvais.

La stature des hommes a grandi en face du Seigneurdes Bienveillances, et les plus évolués d'entre eux ontosé le regarder sans frayeur.

C'est seulement alors que l'homme naquit à la vraievie spirituelle. On devient e homme ~ dès que la c craintede dieu ~ est remplacée par son Amour. Car, à partir

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- 102-

de cet instant, l'Homme est délivré d'une partie de sesentraves.

LES DIEUX, MEME SUPERIEURS, NE PEUVENTRIEN .POUR L'HOMME SANS L'HOMME

Il ne faut· pas conclure de tout ce que nous venonsde dire que les dieux en général sont dépourvus de puis­sance propre. Autrement dit on s'abuserait grossière­ment en pensant que la puissance des dieux dépend ex":clusivement de nous.

Seule, la puissance des faux dieux humains est entière­ment sous la dépendance des hommes. Qu'un cataclysmegénéral abolisse l'Humanité et les dieux humains s'abo­liront du même coup.

Par contre la puissance dcs vrais dieux cst, sinontotalc, comme nous l'avons vu, du moins très considé­rable. Mais, quelle que soit cette puissancc, les plusgrands dieux ne peuvent rien pour nous sans nous.

Nous doutons de Dieu parce que nous lui attribuonsla toute-puissance et, qui pis est, la puissance de toutfaire dans le sens qui nous semble préférable.

C'est là une prétention à la fois énorme et ridicule.Imparfaits comme nous sommes, nous ne pouvons mon­trer la voie à plus parfait que nous.

Mais il 1 a plus. Nous avons dit ailleurs que c lac conscience divine ne peut humainement se manifesterc à l'Homme que par le canal de l'être humain ).

En d'autres termes, il y a impossibilité totale pour leDivin de se manifester à nous hors de nous. c'est-à-diresans nos facultés de perception intime et au moyen de lapartie divine de nous-même.

Même ln traduction que nous faisons des spectaclesde ln Nature est une opération individuelle qui nous estpropre et ne peut s'effectuer qu'à travers nous.

Rien de ce qui nous semble apporté de l'extérieurn'est vraiment extérieur à nous puisque tout ce quiest ct tout ce qui vit doit obligatoirement être enregis-

-103 -

tré puis interprété par notre conscience. C'est donc laconscience individuelle de chaque homme qui est sonunique porte d'entrée et de sortie sur Dieu et surl'Univers.

C'est ce qui explique que chaque homme a une per-ception de Dieu différente et que nul ne peut traduireDieu pour un autre. Ceci est la condamnation de toutesles théologies, ou dissection arbitraire de Dieu par desêtres humains. L'explication théologique la meilleurevaut tout au plus pour celui qui l'a conçue. Celle d'uneécole ou d'un concile vaut pour une école ou un concileet celle d'une religion pour une religion. Cela n'empêcheen rien mille autres explications différentes, toutesaussi valables (et toutes aussi restreintes) comme l'a sinoblement compris l'esprit hindou.

Mais lorsqu'une fois pour toutes l'Homme s'avise qu'ilconstitue lui-même l'intermédiaire unique entre lui etDieu, la seule voie claire et directe, c'est en lui-mêmequ'il cherche sa Vérité, sa Vie et son Dieu..

Voilà le sens dans lequel il faut interpréter le fameuxadage de Delphes : c Connais-toi toi-même et tu serasdieu ).

Etre dieu, c'est entrer en rapport avec le Divin par lemeilleur de soi-même. A ce stade on devient réellementun collaborateur des dieux d'organisation.

Disons-le bien haut : cette collaboration est toute lareligion de l'Homme, car la religion doit être dynami­que, non statique, sous peine de n'être pas.

Certes le pouvoir des dieux bons s'exerce activementsur le monde, parce qu'ils ont la Force, l'Intelligence, laBonté. Mais ces grands dons sont insuffisants à procurerà l'Homme tout ce qu'il demande, tant que, celui-ci n'yapporte pas sa participation. C'est ainsi que la divinitéassiste impuissante aux maux et aux fléaux qui assaillentl'Humanité, parce que ces maux et ces fléaux sont lefruit direct de la méchanceté des hommes. Si ceux-cichangent de cœur, la Nature changera d'écorce. Qu'ilspensent Amour au lieu de Haine, Compréhension aulieu d'Intolérance, Confiance au lieu de Doute, Courage

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-104-au lieu de Peur et leur vie individuelle et sociale semétamorphosera.

L'Age d'Or n'est-il pas celui pendant lequel les hommessemaient l'Amour dans le monde et, par suite, récol­taient l'Amour ?

L'Age de fer est celui durant lequel les hommes. seméfiant les uns des autres, ont fermé la porte de leurcœur.

Les dieux donc, même d'Amour, ne peuvent êtrt' utile,à l'Homme qu'avec son aide. e Aide-toi, le Ciel t'aide­ra • est la formule-pivot de la grande loi.

Beaucoup s'en sont avisés et ont cherché, dans unmysticisme pratique, les procédés idéaux d'une fruc­tueuse coopération.

L'EFFICACE METHODE DU PAHTENAIRE

Qu'il y ait, à travers nous, de nombreux intermédiairesentre nous et le Divin voilà qui ne fait pas de doute.On leur donne des noms qui varient avec les temps et lespays. Dieux, demi-dieux, prophètes ou saints, vierges oumessies, tout ce symbolisme s'applique au même Divinqui fuse en nous.

n existe diverses méthodes pour aller à la rencontrede Dieu. Toutes les religions en ont une. Chaque fidèlemême a la sienne d'une plus ou moins grande efficacité.Mais peu sont basées sur l'absence de Peur, sur l'idéesereine de Justice, sur le désintéressement et surl'Amour.

Voici quelques années nous avons, dans ['[nvisible etMoi (1), proposé l'admirable solution expérimentale d'ungrand mystique ignoré qui, dans son opuscule e Eveils.n'a voulu signer que des initiales M.F.C.H.

e L'Invisible est en fait Notre Partenaire personnel,e direct, intime et effectif dans cette Grande Aventuree dont, au même titre que chacun de nous, il fait partie.

(1) (Op. cit.) et dans Le Jeu passionnant de la Vie (Astra).

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e La grande découverte de Jésus est là : chacun de nouse est potentiellement Fils de Dieu, c'est-à-dire Fils dee l'Homme ou Surhomme, et pour le devenir actuelle-e ment, il suffit, comme Jésus, de prendre résolumente conscience de cette formidable potentialité, et de lae vivre. A l'inverse de l'Autorité, pour l'Invisible notree seule valeur personnelle c'est notre spontanéité. Ae nous de risquer le premier pas. Et là notre choix este libre, mais ses conséquences ne le sont plus. A ce pre­e miel' mouvement spontané de notre part répond tou­e jours Notre Partenaire en développant à l'infini toute ce qui tend il rendre notre vie plus abondante et ene suprimant le reste. A ce reste, si nous nous attachonse aveuglément, nous souffrons, et de plus en plus. Aue contraire, si nous savons guetter et interpréter cettee réponse de notre Partenaire, alors notre bonheure croît avec notre efficacité. Nous avons joué e pique .,e par exemple, et voici que Notre Partenaire, ouvree e cœur • ; à nous de comprendre et de combinere notre prochain coup en conséquence, comme au brid­e ge. Et cette partie, directe et intime, de plus en pluse fascinante, se poursuit même à travers le Voile, à tra­c vers toute l'Eternité. Certains imaginent que c'est àe leur Partenaire de jouer le premier et tout le temps ;e d'autres que c'est à eux-mêmes d'en agir ainsi. Ni lese uns ni les autres ne comprennent rien à ce jeu de lae vie. Entre atrophie et Anarchie, il est une autre alter­e native, la seule viable et progressive: jouer soi-mêmee sa partie avec l'Invisible. Ainsi se satisfait pleine­e ment notre besoin inné de self-expression, et en mêmee temps toutes nos spontanéités se trouvent constam­e ment harmonisées. Il n'est pas d'autre solution mon­e diale aussi bien qu'individuelle. Mais qui donc est cee Partenaire' Invisible ? Autant demander : Qu'est-cee donc que l'électricité ? Nous l'ignorons, cela nous em­e pêche-t-il d'en user de plus en plus? La question n'este pas de spéculer sur l'Inconnaissable et, de ces spécu­e lations illustres, de déduire logiquement théologiese et dogmes. La question est d'USER pratiquement de

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« cet Inconnaissable t't ainsi, peu Ü peu, il se pourru« qu'il nous dcviellnc un peu moins inconnu person­« nellemenl... Passel' ainsi, comme le fil Jésus, de la« Religion :\ la Vic, en collaboration directe el intime« avec l'Invisihle, c'est passer Loul simplement de l'en­« combranle carapacc extéricure dc la torlue au souple« squelette-Ïntéricur ou vertébré. C'cst un changement« d'ordrc spiritucl, c\'st entrer nu Ciel sur la Terre ~.

Et M.F.C.H. ajoutc ces deux lignes, qui sont à la foisle commentaire et ln conclusion de son exposé :

« Ce qui précède n'cst nullement unc doctrine intel­« lectuelle, mais du l1l!/slicisme pratique à vivre ~,

Ainsi l'Homme ne serait plus un pion inconscient dansle jeu des dieux. Pm" évolution et par compréhension,il se hausse lui-même au rang de partenaire conscientde la Force Intelligente ct joue la Grande Partie de lavie avec ellc, SUl"un pied d'égalité.

EVOLUTlO:-\ DES SAVANTS MODERNES

Cette découverLe'prodigieuse n'eslp:ts l'apanage exclu­sif des temps modernes. A toute époque de l'Humanité ily eut de simples mysliques qui « jouèrent :t familière­ment avec les dieux. En dehors de ceux des patriarcheset des hommes mythologiques que nous avons déjà cités,tel sage de J'Antiquité eut son « daïmon :t familier com­me Socl"ate. Depuis, de François d'Assise à Sainle Thé­rèse d'Avila, combien n'ont cessé de s'entretenir avecleur Dieu.

Mais c'est aux lemps modernes qu'il appartenaitd'élargir le procédé et de mettre il la pOI"téed'élites spi­rituelles chaCJue jour plus vasl('s \cs possibilités d'unecollaboralion dirccle avec le Divin.

Ce qui l'si I"emarquable, et ll'ouhlnnt aussi, c'est quela Science moderne, Ù mesure qu'dIe progresse dansl'étude de \a 1lI:1lii~l'e,se spil"itu:1lisc Inus les jours da­vantage clans la pCI"sonne oe ses c!I('l"chcurs les pluséminents.

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Le savanl vraiment moderne ne sc satisfait plus d'Unrationalisme intégral. Ce qu'il sait lui permct d'entrc­voir l'cxistcnce d'une hiérarchie plus haule ct de terri­toires de plus en plus infinis.

C'est ainsi qu'on est frappé de trouver sous la plumede l'anthropologiste R. Broom, ancien professeur à l'Uni­versité de Stellenoosck (Afrique du Sud), en tête de sonouvrage posilif e Les origines de l'Homme :t (1), la sai­sissante et grnndiose introduction que voici :

COMMENT U:-\ ANTHROPOLOGISTE D'AUJOURD'HUIE~VISAGE LA COLLABORATION

ENTRE HOMMES ET DIEUX

« Commc presque tous les grands changements danse l'évolution de l'homme ont eu lieu avant l'âge du mio­e cène et qu'il n'yen a eu que fort peu depuis le débute du pléistocène, c'est-à-dire au cours du dernier mil­e lion d'années, cela donne l'apparence que les influen­« ces qui ont dirigé l'évolution ont crssé leur activitée sur terre ou du moins l'ont mooific"'e. Peut-être ne« s'intéressent-elles plus aux modifications des corps,e mais s'occupent-elle du trayail plus important dee l'évolution des types suprêmes de la personne humai­cne. Pcut-êlre ce que nous appelons la conscience n'est­e il que l'ensemhle des suggestions ci des plaidoyel"s duc plus é!('\"é el du plus noble de l'CS pouvoirs; et ce quee nous appelons le péché peut n'être que le rejet déli­e héré ou la l1l;gligence insouciante oes :!ppels des agentsc Supél'ieul's, ell même temps que rol}('~issance aux sug­c gestions des agents inférieurs .•

c Dans lin avenir prochain l'homme commencera sansc doute Ü comprendre la situation importante qu'il oc­c cupe SUl' la l'el"re ; de Il"ès grands changements se« produir'()111 quand il rcconnnÎll":1 ncllel11ent que, t:1n-

(1) Pnyol, Ed ileur.

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e dis que l'évolution de son corps est à peu près termi­e née, l'évolution de sa personnalité ne· fait que com­e mencer et qu'elle peut évoluer jusqu'à des hauteurse inimaginables.

e Peut-être l'évolution ultérieure de sa personnalitée sera-t-elle provoquée par la connaissance plus nette dee l'existence d'autres pouvoirs spirituels supérieurs, pare consentement à se mettre en harmonie avec eux, à see laisser guider par eux.

e A des époques relativement récentes nous avons vue des cas nombreux d'hommes et de femmes qui sem­e blent avoir été ep contact avec ces pouvoirs spirituelse et qui ont été transformés. Ils paraissent avoir cessée d'être des humains pour n'être plus que des agents dee ces puissances supérieures ).

CHAPITRE VIII

L'évolution des dieux

Depuis la naissance de l'Homme il y eut une évolutionconstante de ses dieux.

Ceux-ci s'alimentèrent d'abord grossièrement, puissubtilement, puis animiquement.

Les dieux anciens réclamaient des offrandes brutales.Ils ne mangeaient pas les chairs des victimes mais enassimilaient les fluides. Cela fit des dieux cruels et vin­dicatifs. Puis leur sens s'affina à mesure qu'ils nour­rirent leur immortalité de nectar et d'ambroisie car à lafumée vulgaire des sacrifices se mêlèrent les prièresintéressées des mortels. Peu à peu, celles-ci constituèrentle principal aliment des dieux dont la condition devintainsi de plus en plus spirituelle.

Cette évolution fut commune à tous les dieux de l'uni­vers.

METAMORPHOSEDU DIEU BIBLIQUE

D'Hooghes de la Gauguerie a écrit :e Le Jéhovah universel, paternèl, souverainement bon

e du Talmud n'est-il pas, épuré par les prophètes,e l'Iaweh chauvin et jaloux de la conquête de Chanaan,e élu par la faveur de Moïse dans la troupe confuse dese Elohim ? Allah, son frère Ismaélite, ne s'est-il pas dé­e gagé de même d'entre les dieux sabéens du troisièmee âge? )

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e Cependant qu'en Egypte se formait, grandissait,e s'épurait cette figure d'Osiris, ébauche du Dieu uni­e que, infini, lout-puissant, el souverainemenl bon, due Dieu-Providence, du Dieu-Conscience, du Dieu-Ré­e dempteur du Quatrième âge •.

La notion même de Soma, liqueur de vic, à laquellenous consacrons quelques pages d'un précédent chapitreavait elle-même évolué. Selon les dernières inlerpl'l'ta­tions boudhiques Soma esl devenu e l'époux et l'amant­de la prière •.

Une Loi Divine, plus haute que tous les dieux, mèneceux-ci en direction du Parfait.

La Mundakopanishad affirme :

e Grâce à la vérité, s'élargit le sentier que suivent lesdieux •.

On a vu combien Jéhovah avait changé depuis Moïseet Josué.

Entre les dieux sanglants du Lévitique et le Père Supé­rieur d'Isaïe, il y a un abîme immense.

Les Gnostiques enseignaient déjà que l'Univers visibleet spécialement la Terre étaient l'œuvre d'anges ouElohim inférieurs, au nombre desquels se trouvait ledieu d'Israël. Mais le Jéhovah imparfait du début fut,par la suite, transfiguré dans l'esprit des hommes parle désintéressement, l'amour et le sacrifice.

LE DIEU D'ISA lE COUTRE LE DIEU DE JOSUE

Isaïe, le premier parmi les. prophètes, lraduit l'écœu­rement progressif de e l'Eternel •. A mesure qu'il mon­tait dans le ciel, celui-ci ne pouvait se satisfaire d'hom­mages abominables et tels que les concevait un peupled'hommes violents.

Ce qui est inouï, c'est qu'Israël ait attendu le VII" siècleavant Jésus-Christ pour rompre avec des pratiques ri­tuelles déshonorantes.

La condamnation est d'ailleurs formelle et jure avecles prescriptions du Lévitique citées précédemment :

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11. e Qu'ai-je faire, dit l'Eternel, de la multitude de vose sacrifices ? Je suis rassasié d'holocaustes de moutons.e et de graisse et de bêtes grasses ; je ne prends pointe de plaisir au sang des taureaux, ni des agneaux, nie des boucs •.••••••••••••••••••••••••••••••• 10 ••••••••• Il._ •••••••••

13. e Ne continuez plus de m'apporter des oblationse de néant; leur parfum m'est en abomination •.

15. e C'est pourquoi lorsque vous étendrez vos mainse je cacherai mes yeux de vous ; même lorsque vouse multiplierez vos requêtes, je ne les exaucerai point ;e vos mains sont pleines de sang.

16. e Lavez-vous, nettoyez-vous, ôtez de devant mese yeux la malice de vos actions ; cessez de mal faire ...

17. e Apprenez à bien faire; recherchez la droiture.e protégez celui qui est opprimé, faites droit à l'orphe-­e lin, défendez la cause de la veuve •.

(Isaïe 1, 11, 13, 15, 16, 17)Combien nous sommes loin, avec ces nobles paroles.

des chairs grillées c en bonne odeur à l'Eternel ! •

CONCEPTION SUPERIEURE DU c JE SUIS.

L'ancien Elohim réclamait du sang. C'était une puis­sance matérielle et déshonnête. L'exil à Babylone, met­tant les Hébreux en contact avec une civilisation trèsévoluée, leur permit d'accéder à la notion d'un Dieuélevé. C'e~t à partir de là que le dieu des juifs se trans­forma pour devenir un dieu plus considérable, mais enqui le juste se mêlait encore à l'injuste et qui demeuravindicatif.

C'est cette survivance de Divinité jalouse et cruelleque le Christianisme a héritée en partie, de sorte que leschrétiens sont aujourd'hui encore partagés entre deuxconcepts de Dieu, proprement inassociables : celui duPère infiniment bon et celui du Justicier.

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La notion du dieu' supérieur est cependant incluse dansla Genèse elle-même. Mais elle y est souillée par deséléments grossiers. Derrière la transcription étroite etanthropomorphe du dieu personnel on retrouve, par ins­tants, des bribes du Dieu Impersonnel, lorsque celui-cidit à Moïse: c Mon nom est JE SUIS :t.

A ce moment on touche le plafond de la Divinité etquand l'Eternel ajoute : c Votre Dieu est JE SUIS etvous n'en connaîtrez aucun autre :t, cela veut dire que,en dehors du dieu que chacun se représente à travers soi,il n'y a de dieu pour aucun.

La haute parole est reprise par Jésus à propos duPère, Divinité de pure essence, qui se nourrit d'abnéga­tion et d'amour. C'est pourquoi Jésus a raison de dire;c Moi, Fils de l'Homme, Je Suis Un avec le Père. Je Suisc dans le Père et le Père est en moi :t.

LE JE ET LE MOI DES DIEUX

Les prêtres égyptiens distinguaient déjà le Ka de leursdieux, autrement dit leurs dieux étaient doubles et lamultitude adorait le Ka plutôt que l'essence des dieux.

Ernest Bosc"mentionnant (1) le fait après deux égyp­tologues, MM. Golémischeff et 'Viedmann, dit notam­ment que le Ka (ou double) de Ptah était adoré à Mem-phis.· .

Il ajoute : c Ceci prouve donc bien que les Juifs Ka­balistes c adoraient le Ka de Jéhovah plutôt que Jého­vah lui-même ).

N'oublions pas que le dieu de la Bible est pourvu par'celle-ci de hien des noms, correspondant chacun il unealtitude différente de vénération.

O'Elohah (Dieu), Elohim (dieux), Elohim-Jéhovah(lui-les dieux), J éhovah- Tsahnolh, Elohim- Tsahnoth(dieux des armées), Elohaï (mon dieu), Adonaï (monseigneur), Ja Jehovah (qui fut, qui est, qui sera), à Ehyeh

(1) La Doctrine Esotériqul' (Channel, éditeur).

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(je suis), s'étage toute une hiérarchie dont le sommet estEI-Schaddaï, le nom qu'on ne prononçait- jamais.

Cette duplication divine est normale pour toutes lesentités, même supérieures. Nous avons, dans JE et MOI(ou le dédoublement spirituel), dissocié l'iIidividualitédivine de la personnalité humaine de Jésus, c'est-à-direson JE de son MOI.

De même tous les dieux supérieurs ont leur JE et leurMOI, l'un parfait et d'essence divine, l'autre imparfaitet d'essence matérielle, l'un tirant l'autre des abîmesvers les hauteurs.

LA NATUHE N'EST PAS DIEU

Et c'est à ce propos qu'il convient d'identifier la Na­ture que certains persistent à confondre avec le Pèredont elle n'est qu'un instrument.

Bien loin d'être Dieu, la Nature s'oppose fréquemmentà lui par tout ce qu'il y a de rudimentaire et d'instinctifen elle ..

Une certaine partie de la Nature. tend sans cesse àramener l'Homme vers plus de forme, plus de matière,ce qui veut dire toujours plus bas.

Le Père tend sans cesse à nous extraire de la forme,à nous retirer de la matière et à nous élever plus haut.

Il y a donc aussi un JE et un MOI de la Nature etcette dualité naturelle explique les rôles contradictoiresque nous lui attribuons.

Tantôt par la faim, la soif, la sexualité, le chaud, lefroid, les parasites, les cataclysmes, la Nature nous metbrutalement sous la domination des forces instinctives.Tantôt, par sublimation de cet instinct, nous idéalisonsla Nature, et, par l'Art, le Sacrifice, nous transcendonlses pièges (grâce de la femme, variété des fleurs et desfruits, douceur du climat, couleur des choses formelles)en Amour et en Beauté.

Un courant de la Nature asservit l'Individu à L'Espèce.Un autre courant, que l'Homme peut utiliser, permet à

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celui-ci l'effort libératoire. En somme, l'être humain estdans la Vie comme un nageur au milieu de courantscontraires. Selon qu'il les subit ou les utilisl', il est perduou sauvé.

Les dieux supérieurs aident puissamment l'Individuà se dégager. Les dieux inférieurs le maintiennent obsti­nément dans la servitude. Et cela se fait non seulementpar intention définie mais aussi en vertu de lois obscuresqui courbent les hommes et les dieux.

DES SUPER-HOMl\ŒS AUX SUPEH-DIEUX

Ces lois régissent l'inconscient dans l'Univers et cet in­conscient existe aussi bien chez les dieux que chez leshommes. La conscience des dieux est infiniment plusconsidérable que la conscience humaine. Lellr non-cons­cience, découlant de leur non-toute-puissance, est l~gale­ment de première grandeur.

Or, si les dieux administrent l'inconscient des hommes,qui donc administre l'inconscient des dieux ? Il est nor­mal de supposer que l'inconscient divin est utilisé etrégi par des Entités encore plus hautes, elles-mêmesserves, dans leur partie inconsciente, d'êtres toujoursplus élevés.

En cultivant les hommes les dieux bons n'ont d'autresobjet que de faire deR surhommes et la culture des dieuxbons n'a pour but que de réaliser des super-dieux.

N'est-ce pas, en effet, pour créer cette race de super­dieux que les dieux cherchent à diviniser les hommes et,en se haussant eux-mêmes d'un nouvel étage, il appro­cher, de superdimension en superdimension, le Dieu in­connaissable et Innommé.

NOTION DU SUPER-HOMME

Dans sa préface du Tertium Organum d'Ouspensky,son traducteur, Claude Bragdon, a résumé en quelqueslignes la notion de super-homme :

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« Les êtres de ce monde qui appartiennent aux di­e mensions Supél'ieurcs, ou qui héritent véritablem«.>ntc de la conscience cosmique, contrôleront et gouverne­c ront les affaires humaines en raison de leur sagessec et de leur pouvoir supérieur. Là et là seulement ré­c side le salut du monde. Le super-homme est « le justec devenu parfait ~ de l'Evangile. La lutte pour la mai­c trise du monde entre les forces aveugles et incons­c dent es du matérialisme d'une part, et les illuminés spi­c rituels d'autre part, est déjà sur nous et tous les con~c flits entre nations, peuples et classes doivent être,c dès à présent, considérés comme l'expression de cettec guerre entre « deux races ~ d'hommes, où la minoritéc supérieure vaincra ou disparaîtra.

c Ces êtres ù ·1 dimensions sont dans le monde mais« non de ce monde, leur domaine est, de loin, au-dessus« de la notion d'espace.

« En eux nos facultés dormantes sont alertées. Commec les oiseaux de l'air, leur symbole, ils sont « chez eux ~« dans des régions où les autres ne peuvent entrer, bien« qu'Us y soient déjà. Ces aigles ne sont pas enfermés« dans l'étroite prison de la chair. Leurs corps sont« comme des outils qu'ils peuvent prendre ou laisser« à volonté. Notre monde phénoménal, qui nous sem­« ble si réel, est pour eux aussi dépourvu de substance« que le reflet d'un paysage dans un lac. Tel est le« super-homme ouspenskien ~.

D'ECHELON EN ECHELON

Ainsi les dieux personnels peuvent-ils être d'ancienshommes, qui auraient eu sur notre globe une existencematérielle. Toutefois ces surhommes auraient appartenuà des civilisations depuis longtemps disparues, de loinpré-atIantidiennes ou prélémuriennes et dont le souvenirou la tradition seraient totalement abolis.

Nous avons émis, au début, l'hypothèse d'hommes dusecondaire et du primaire. Il n'est pas interdit non plus

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de supposer une humanité contemporaine de l'état ga­zeux. Les facultés de vie de cette humanité auraient,dans ce cas, été moins formelles que les nôtres et, parsuite, infiniment plus riches en possibilités.

Les dieux peuvent aussi être extérieurs à l'Hommeet ne pas fonder sur lui leur naissance. Mais alors pour­quoi la plupart tirent-ils leur substance de l'Homm(',tout au moins partiellement ?

Enfin les dieux egrégoriques n'auraient pas d'mds­tence propre et mourraient avec l'adoration qui les sus­cite, tout en gardant la possibilité de renaître nu moyend'egrégores plus actuels.

Les adorateurs des dieux inférieurs changent, en effet,volontier d'idoles. Témoin le Veau d'Or des Hébreux,qui tombait davantage sous les sens que l'Invisible duSinaï.

Par opposition, les adorateurs des dieux supérieurs,fidèles de l'Amour, leur sont acquis à jamais.

Là est la pierre de touche. Le Dieu d'Amour ne con­naît point de renégats. Ceux qui l'ont confessé une foisle possèdent en eux-mêmes définitivement comme il lespossède en lui. Et quelle que soit la forme d'adoration,de culte, d'expression qu'ils utilisent pour le reconnaître,c'est toujours le même Dieu auquel ils se sacrifient pardon absolu et idéal.

L'ESCALADE DES DIEUX VERS L'ABSOLU

Cette échelle ininterrompue des hommes et des dieuxà la recherche de la Vérité Suprême est, comme l'échel­le de Jacob, apparue en songe à bien des initiés.

Fabre d'Olivet l'a exprimé comme suit dans son Isisdévoilée:

e Comme Pythagore désignait Dieu par 1 et la ma­e tière par 2, il exprimait l'Univers par le nombre 12e qui résulte de la réunion des deux autres, le nombree se formait par la multiplication de 3 par 4, c'est-à-diree que ce philosophe concevait le Monde universel comme

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e composé de trois mondes particuliers, qui s'enchaînante l'un à l'autre au moyen de quatre modifications élé­e mentaires, se développaient en douze sphères concen­e triques.

e L'Etre ineffable qui remplissait ces douze sphères,e sans être saisi par aucune, était Dieu. Pythagore luie donnait pour âme la vérité et pour corps la lumière.e Les intelligences qui peuplaient les trois mondese étaient, premièrement les Dieux immortels propre­e ment dits, secondement les Démons terrestres.

e Les Dieux immortels, émanations directes de l'Etree incréé et manifestations de ses facultés infinies, étaiente ainsi nommés, parce qu'ils ne pouvaient jamais tom­• ber dans l'oubli de leur Père, errer dans les ténèbrese de l'ignorance et de l'impiété ; au lieu que les âmese des hommes qui produisaient, selon leur degré dee pureté, les héros glorifiés et les démons terrestres,e pouvaient mourir quelquefois à la vie divine par leure éloignement volontaire de Dieu, car la mort de l'es­e sence intellectuelle n'était, selon Pythagore, imité ene cela par Platon, que l'ignorance et l'impiété.

« D'après' le système des émanations on concevaite l'unité absolue en Dieu, comme l'âme spirituelle de

.e l'Univers, le principe de l'existence, la lumière dese lumières : on croyait que cette Unité créatrice, inac­e cessible à l'entendement même, produisait par éma­e nation une diffusion de lumière qui, procédant due centre à la circonsférence, allait en· perdant insensi- .e blement de son éclat et de sa pureté, à mesure qu'ellee s'éloignait de sa source jusqu'aux confins des ténèbrese dans lesquelles elle finissait par se confondre ; ene sorte que ses rayons divergents devenant de moins ene moins spirituels, et, d'ailleurs, repoussés par les té­e nèbres, se condensaient en se mêlant avec elles et,e prenant une forme matérielle, formaient toutes lese espèces d'êtres que le Monde renferme.

e Ainsi l'on admettait entre l'Etre suprême et l'hom­e me une chaîne incalculable d'êtres intermédiaires dont

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c les perfections décroissaient, en raison de leur éloi­c gnement du Principe créateur •.

Si l'on considère l'évolution du monde par rapportaux dimensions de la pensée, on est amené à dire quela dimension supérieure est le contenant, par rapportà la dimension inférieure, qui est le contenu.

Par suite, cette même dimension-su péri eure-contenant.devient elle-même dimension-inférieure-contenue, parrapport aux dimensions plus élevées.

De sorte que l'univers constituerait un emhoîtage infinidont chaque étage connaîtrait les étages du dessous etignorerait les étages du dessus.

Il n'y aurait pas de fin dans ln progression des dime~­sions et, par conséquent, pas de limite dans le Divindont le plafond dimensionnel reculerait et sc hausseraità mesure qu'on l'explore ..

Si bien que les plus grands dieux seraient éternelle­ment à la poursuite du Dieu Idéal, Celui de l'InaccessibleDimension.

Combien, en effet, est pauvre et humaine (c'est-à-direlogique) la conception d'un Univers limité 1

En réalit~ il n'y a aucun raison pour que l'univers aitdes limites.

JI y a probablement un dieu Terre, puis un dieu So­laire, puis un dieu Galaxie formé de l'innombrablepoussière des étoiles visibles, puis un dieu X formé del'agglomération de tous les astres visibles et invisibles,etc ... etc ... à l'infini sans qu'il y ait jamais de terme àcet agrandissement des dieux relatifs en direction duDieu Absolu.

Par en bas, chacun de nous est le dieu homme, fédé­ration d'atomes, de cellules, d'organes, qui a incom­plètement conscience du monde qui vit en lui. Maisc'est probablement parce que ses atomes, cellules. or­ganes n'ont pas eux-mêmes de vie consciente et ne sontpas en union intelligente avec lui.

Dès que le Dieu collectif est habité par des êtres intel­ligents et qui connaissent son existence, lui-même a cons­cience de la leur.

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Quand les hommes deviennent conscients des dieuxsupérieurs, les dieux supérieurs les comprennent, au sensle plus élevé du vocable, et les associent au gouverne­ment du monde, en fonction de leur spiritualité.

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CHAPITRE IX

Le Christ type de l'Homme-Dieu

Toutefois, jusqu'à présent, c'est en vain que les philo­sophes du mental ont cherché à réaliser le surhomme.Et non seulement à l'obtenir, mais même à le préparer.

Les théories les plus audacieuses ne sont, dans cedomaine, qu'un balbutiement, une tentative inefficaceet la pensée de Nietzsche n'a engendré que des carica­tures surhumaines et des tyrans monstrueux.

Cependant l'homme-dieu est sorti, voici bientôt deuxmille ans, de la chair des hommes ordinaires avec lacollaboration de l'Esprit.

Déjà le Bouddha de la Sagesse et Krishna, huitièmeincarnation de Vichnou, avaient préfiguré le dieu-en­fant. Mais c'est à Jésus le Nazaréen qu'était réservéel'union capitale des idéalismes d'Europe et d'Asie parfusion de leurs virtualités.

UN MODELE DANS LA CHAIR

Le lieu de la naissance et de la vie de Jésus est à luiseul symbolique. L'enfant divin ouvre les yeux à la li­mite d'Orient et d'Occident. Il naît, dit la légende, blondavec les yeux bleus, ce juif d'une race brune. Parmi sescontemporains violents, excessifs, partiaux, il est toutemesure, impartialité et compréhension.

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Quand l'Esprit se pose SUI' lui dans le Jourdain ilest virtuellement le Surhomme. Toutes les potentialitésdivines se sont, durant trente ans, amassées en lui. Etil est tellement homme que, dans ce laps de temps, rienne l'a distingué des autres enfants de la race humaine.L'histoire des évangélistes est muette sur ces trente an­nées de simplicité, ou à peu près.

C'est donc bien d'un homme véritable et normal qu'ils'agit et non du Dieu descendu directement dans la ma­tière. Du moins ne diffère-t-il pas, au premier abord, deceux en qui s'incarnèrent des êtres supérieurs.

Et c'est bien ce qui fait la valeur d'une telle manifes­tation. lésu., a été envoyé comme modèle de l'actionque peut réaliser dans la chair un homme ordinaire afinde coopérer avec les dieu:r:.

En devenant dieu lui-même, par évolution intérieurecontinuelle, il constitue l'itiJl(~raire direct de l'Hommevers l'Absolu.

Pour qu'il n'y ait pas de méprise, s'il s'appelle quel­ques fois Fils de Dieu (en subordonnant ce nom il sajonction avec le Père) il se nomme continuellement leFils de l'Homme. pour bien marquer qu'il émerge de lachair.

Jésus, Fils de l'Homme et Fils de Dieu, est à la foisla personnification divine de la nature humaine et lapersonnification humaine de la nature divine.

Comme nous l'avons dit plus haut et ailleurs, sa per­sonnalité et son individualité, son JE et son MOI se com­battent comme il est de règle en tout être h!lmain.

C'est la nature humaine de Jésus qui le pousse il fusti­ger les vendeurs du Temple, il maudire les pharisiens,à menacer ses auditeurs de la géhenne, il suer le sangd'angoisse au Jardin des Oliviers.

C'est la nature Divine de Jésus qui le pousse il absou­dre la femme adultère, fi prononcer le sermon sur lamontagne, à consommer sa Passion.

Ceux qui doutèrent de lui le firent à cause de son ap­parence humaine alors que c'est précisément cette enve­loppe formelle qui conditionnait son rôle divin.

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D'ailleurs les hommes ne reconnaissent pas les dieuxlorsque ceux-ci sont sur terre. Ils les réduisent en esc.la­vage, comme Apollon et Saturne, ou les mettent à mortcomme le Christ.

UNIVERSALITE DU CHRIST

Le Christ Jésus est la démonstration péremptoire del'homme-dieu et du dieu-homme. La puissance de cettedémonstration est si grande qu'elle a rejailli sur le mon­de entier. Même des religions postérieures, comme l'isla­misme, admettent Jésus au rang des plus grands pro­phètes. Même des systèmes religieux modernes d'inspi­ration orientale, comme la théosophie, s'inclinent devantsa grandeur.

L'Anthropogénèse de la Doctrine Secrète dit expres­sément :

« A la lueur qui émane du Logos, le Sauveur Chré­« tien ... peut être considéré comme ayant sauvé de la« mort éternelle • ceux qui croyaient aux Enseigne­« ments Secrets et comme ayant conquis le Royaume« des Ténèbres, ou Enfer •.

Et, plus loin, elle ajoute :« Parce que le Logos est ChristOB •.

INCARNATION DE L'AMOUR SACRIFICE

Les hommes-dieux sont préfigurés par le Christ, seul­dieu complet proposé en exemple aux hommes et queles hommes ont si longtemps méconnu. Il est venu surterre non pour racheter la faute originelle (1), telle que

(1) Le vrai péché originel fut sans doute l'orgueil de ceux desanges qui ne voulurent point tomber dans l'incarnation. Lafaute d'Adam « tombant dans la génération:. n'est qu'accessoire.Les dieux avaient, en effet, besoin que les anges et les hommestombâssent au plus creux de la matière pour les attester ensuitepar leur ascension.

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l'entend l'Eglise chrétienne, mais pour montrer à l'Hom­me comment il peut se sortir de sa condition d'hommepar le sacrifice et devenir dieu.

Swedenborg le voyant a écrit cette phrase presqueorthodoxe:

e L'homme est la fin suprême de la création ... Dieue a créé l'homme pour réaliser son royaume célestee éternel dont la vie terrestre est la préparation •.

C'est pourquoi Jésus-Christ ne meurt pas. Seul Jésusexpire sur la croix tandis que le Christ renaît de lui­même. Ce qui mourut, sous Tibère, dans le Christ, c'estle Grand Pan qui ne se connaissait pa' encore commeétant l'Amour.

La double existence du Christ Jésus et de Jésus leChrist engendra la dualité de son Eglise, dont l'œuvre,tour à tour, fut de douceur et de meurtre, de lumière etde corruption.

Les persécutions religieuses et les bûchers dressés parles chrétiens sont les enfants des colères de Jésus, de sesindignations, de ses impatiences. Les admirables réali­sations chrétiennes sont filles du Christ de St Jean.

Le Christ est devenu, par ses justes et ses martyrs,l'incarnation de l'Amour-Sacrifice. Et chaque siècle lefait évoluer vers une divinité de plus en plus dépouilléeet plus haute. Ceux qui le nourrissent de leur amours'élèvent en même temps que lui.

LE FILS DE L'HOMME

Jésus est homme à ce .point qu'il ne .fait même pasfigure d'ascète, contrairement à Jean-Baptiste, et pour­tant celui-ci ne se juge même pas digne de dénouer l~cordon de ses souliers. Il boit et mange, quoique fruga­lement, avec les publicains et flétrit les jeûnes hypo­crites. Il ne croit pas déshonorant de s'entretenir avecla. Samaritaine et la femme adultère. Il ne dédaigne pas

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l'hommage de la courtisane, parce que son propre cœur~p~ .

Il ne parle à aucun moment du péché originel, cetteinvention des théologiens acharnés sur sa substance. Ilignore tout, en effet, des doctrines et ne préconise aucunereligion.

Cc n'est ni. un chef d'école ni un chef de parti. C'estun homme seulement mais qui porte la Parole et qui esttout embrasé d'Amour.

Un rôle si grand, joué avec de si simples moyens, a étémis en évidence par d'Hooghes de la Gauguerie :

e Jésus n'a pas maudit la nature ni la vie de ce monde.e Il nous a montré par son exemple à passer au-delà.

e Il n'y a pas de place pour la haine ni pour la morte dans sa pensée. Il ne parle que de vie et d'Amour ...

e Il est la plus haute proclamation de la bonne nou­e velle d'un amour qui est joie, joie surhumaine et ce­e pendant offerte à tout homme, ,'il y a foi...

e Il est le seul qui ait vécu son enseignement, qui futc d'enseigner à vivre.

e Dieu, dit-il, n'est pas le dieu des morts mais le dieue des vivants ...

e Avec le 'secret de la foi, Jésus nous a donné le secrete de la 'vie, le secret d'entrer vivant dan, le royaume dee dieu et de vivre éternellement dans le monde qui nec s'évanouit pas.

e Avec le secret de l'amour, il nous a donné le secrete de la joie, car l'Amour pur porte en lui sa propre ré­e compense •.

Mais l'admirable est que cet enseignement divin étaitdonné par un homme d'alors, charpentier la veille etensuite condamné de droit commun.

N'importe quel homme se sent sur le même plan quelui, avec les mêmes possibilités d'homme. e Ce que jefais aujourd'hui vous pouvez le faire •. Pour l'hommeabreuvé de son infériorité quel espoir !

Jésus n'était pas un intellectuel et combien . les doc­teurs sceptiques sont petits en présence de sa certitude 1

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Il n'ignorait point, lui, que le spirituel ne peut être con­nu par le mental.

C'est pourquoi les simples en esprit sont seuls admis àentrer dans le Hoyaume dès cette terre.

c Car ce n'est pas la conduite mais le cœur de l'hommec qu'il voulait renouveler ~.

Jésus, on le voit, n'est pas un chef religieux, ni unlégislateur. Il ne laisse ni code ni préceptes. L'humnnitétemporelle offre peu d'attrait pour lui.

JESUS DU PEUPLE

Jésus est né dans la paille, au milieu des animaux etdans l'incertitude d'un exode.

Ses parents de chair sont des humbles. Il n'est pasmême fils unique mais a de nombreux frères et sœurs.

Il semble qu'en tout et pour tout Jésus soit non seu­lement un homme mais encore un homme du commun.

Ses premières prédications n'ont pas pour auditoireune élite mais la multitude.

Les premiers apôtres qu'il s'adjoint ne sont pas desdocteurs mais des pêcheurs qui raccommodent leurs fi­lets.

Il n'est pas l'hÔte des riches mais des publicains et deshumbles.

Il est tenté comme les autres, il a faim et Ha soif.Il connaît l'appréhension et l'angoisse. Jusque sur la

croix, il doute de son Père: c Pourquoi, pourquoi m'as­tu abandonné ? ~

Ainsi, plus près de nous, Jeanne ayant cessé d'enten­dre ses Voix, ou croyant qu'elles l'ont trompée, ne retrou­ve, à l'instar de Jésus, que dans la mort même la cer­titude que l'Esprit ne lui a pas menti.

Tout ceci est véritablement une attitude d'homme,avec ses élans, ses incertitudes, dues à la présence del'âme dans un corps charnel.

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JESUS ANTI-THEOLOGIEN

Par ailleurs, Jésus n'écrit pas un mot. Son enseigne­ment est exclusivement oral, comme celui des Druides.et tout est présenté sous forme de paraboles de manièreque chacun puisse en faire sa propre interprétation.

Tout ce qui a été écrit touchant l'enseignement deJésus est extérieur à Jésus. Car Jésus ne peut être inter­prété au moyen de l'intelligence mais à l'aide du cœurqui, seul, peut le joindre. Les plus beaux raisonnementssur l'Amour sont de l'Ql·tifice car l'Amour se sent et sevit.

Il existe de simples hommes ou de simples femmesqui ne sont docteurs ou prophètes et qui, naturellement,sont les interprêtes qualifiés du Christ.

c Je suis le Pain de Vie ~. Certaines grandes âmess'immergent instinctivement dans la Vie et font del'évangile supérieur en vivant l'existence de tous lesjours.

C'est cet auditoire de petits, de simples, de méprisés,d'inconnus, de malades, de trébuchants que recherched'abord Jésus, car là est la foi sincère, sans adultéra­lion du mental.

Ce sont ces c primitifs ~ qui sont les esprits élus au re­gard de la Bonne Nouvelle. Et c'est parmi les grands pon­tifes, grands prêtres, grands rabbins, grands pasteurs.grands évêques qu'on trouve le plus de c primaires.spirituels.

I~ES CHRETIENS SONT PLUS IMPREGNES DE LA

LETTRE DE LA BIBIJE QUE DE L'ESPRIT DEVEVANGILE.

Aussi est-ce dans ce sens qu'il faut comprendre la pa­role de Jésus disant : Je suis venu apporter la guerreet l'épée.

L'Evangile est presque toujours à l'opposé de la Bi­ble. Ce que dit le Nouveau Testament condamne le plussouvent ce que dit l'Ancien.

L'un est une école d'Amour et de renoncement.

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L'autre une école de conquête, de stupre et de cruauté.Et les c chrétiens ~ d'aujourd'hui comme ceux des

guerres religieuses, sont bien plus dominés par l'influ­ence de la Bible que par celle de l'Evangile.

C'est ce qui explique l'inexplicable contradiction desprêtres et des pasteurs, catholiques et protestants, quiprétendent concilier la Loi d'Amour avec les lois d'auto­rité et de haine, suivre à la fois le Christ et faire le jeudes divers patriotismes, prêcher la c bénédiction desennemis ~ en même temps qu'ils légiti~ent l'cffusion dusang..

Toute l'crreur des chrétiens provient de ce que lcursagissements sont imprégnés de la vie du peuple juif aulieu de l'être de la vie de Jésus exclusivcment.

Il reste donc à édificr une foi uniquement basée surl'Evangile, les Béatitudes, le Sermon sur la montagne,le Calvaire et la Résurrection.

Et ce qui précède est justement l'explication de lamort de Jésus, poursuivi par les sectarismes de sonépoque dont son ministère ruinait l'interprétation.

En dépit des citations de l'écriture que Jésus faisaitsouvent, parce qu'il s'adressait à des Juifs et que la Loide Moïse avait imprégné son enfance, la parole duChrist était à ce point révolutionnaire qu'elle sapaittoutes les croyances de son temps.

Lui mort ou disparu physiquement, ses disciples re­vinrent malgré eux à l'ancien esprit hiblique et c'estpourquoi, en dépit des ferments neufs déposés par leChrist à la base du Christianisme, celui-ci demeure ju­daïque hien souvent.

IMPERSONNALITE DU CHRIST

Mais la puissance de l'influence christique aura été laplus considérable de tous les temps. Sa force de commu­nicabilité et d'expansion s'avèra telle que tous les hom­mes, indirectement ou non, la subirent. Ce fut véritable­ment un raz-de-marée spirituel. Toutefois, contrairement

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au cataclysme physique, ce cataclysme religieux ne seretira point des terres envahies. Il s'étend invinciblementet tend toujours à croUre depuis deux mille ans..

Avec Jésus un dieu nouveau est né, dieu personnelmais bon, dieu supérieur à la mesure des premiersévangélistes et dont la divinité personnelle est attestéepar un rite et des sacrifices non sanglants.

Mais en même temps et avec lui, un dieu imperson­nel s'est incarné, le Christ, qui est un des plus grandsdieux du monde, sorte de raison sociale, avons-nous ditd'uutre part, qui englobe non seulement Jésus mais tousles confesseurs, martyrs, saints, êtres bons et purs quil'ont suivi.

C'est cette impersonnalité du Christ qui le met aurang des Puissances les plus hautes, bien loin au-dessusdes mesquins et étroits interprétateurs de Sa Loid'Amour.

Déjà la mythologie grecque plaçait à la hauteur duDestin et même avant lui l'Amour, Dieu régulateur dumonde. Et, de la sorte, le Christ impersonnel des tempsmodernes rejoint le Dieu Impersonnel des temps pre-miers.

Car il y a véritablement un Christ Nouveau, qui dé-passe le plafond de toutes les églises et qui renferme enlui tout ce que l'Humanité a exprimé de yertu.

Ce haut Dieu de l'Amour de tous les temps est celui quiprésidera à la dernière heure du monde, quand les hom­mes abdiqueront définitivement et tous ensemble leurélémentaire corps de chair.

En son nom, les églises, les peuples~ les races, lessciences se réconcilieront et c'est là le Royaume annoncédès cette Terre, en prévision du jour où, suivantl'exemple du Christ Jésus, les hommes' deviendront desdieux.

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CHAPITRE X

L'impersonnalité

D'autres que nous sont parvenus à la compréhensionsupérieure du Christ que nous avons soulignée dans leprtl-cédentchapitre.

Lilian de Waters a raison de dire: (1)c A mesure que nous acceptons pour maitre le Christ

c impersonnel, nous découvrons qu'aucun homme nec peut se glorifier dans les hommes c parce que nousc avons compris. qu'il n'y a qu'un Dieu impersonnel etc universel et qu'un seul Christ impersonnel etc universel •.

Le Christ est bien ce qu'il y a de plus spirituel dansJésus. Aussi de même que nous avons, plus haut, mon­tré Jésus comme un territoire seulement du Christ, celui­ci s'étant agrandi et exhaussé de tous ceux qui l'ontcompris et confessé jusqu'à nos jours, ou ont suivi la loid'Amour qu'il avait tracée, de même l'auteur ci-dessuspeut déclarer à bon escient que c le Christ existait avantJésus _.

En effet, tout ce qui a été conçu, médité, réali,édans un esprit de ,acrifice et de désintéressement, depuisla naissance du monde, cela, le plu, pur d'une Humanitéen marche vers la Lumière, c'e,t véritablement le Chri,t.

(1) Le Royaume de la Perfection (Editions Victor Attinger).

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ACHEMINEMENT DES ÙIEUX PERSONNELSVERS L'IMPERSONNEL

Ainsi, peu à peu, les conceptions que se font les hom­mes de la divinité s'élèvent et s'épurent, tandis que lesdieux eux-mêmes évoluent du personnel vers l'imper­sonnel.

C'est dans la mesure où les hommes se défont de leursidées personnelles que les dieux des hommes se haussentsur le plan de l'Impersonnalité.

C'est dans la mesure où les dieux cessent d'être per­sonnels que les hommes abdiquent leurs préoccupationspersonnelles.

Une évolution commande l'autre jusqu'à la fusion surd'autres plans.

Sans doute les dieux anthropomorphes ou egrégoriquesou personnels furent "inévitables et nécessaires, tant quel'Homme demeura en proie aux seuls appétits matériels.

Ils ont été, et sont encore pour les attardés, le palier,l'échelle, le truchement vers les dieux de l'Inconnaissa­ble, de l'Informulab~e, de l'Impersonnel.

Tous les dieux personnels ont plus ou moins de per­sonnalité mais c'est la mesure de leur tendan·ce à l'im­personnalité qui conditionne leur rapprochement duDieu Impersonnel. .

Ceux qui ont le souci exclusif de leur personnalité sontdes dieux mineurs et redoutables. Ceux qui tendent àfondre leur personnalité dans la Grande Impersonnalitésont des dieux majeurs et aimants.

L'homme qui cultive sa personnalité se soumet à ladomination des dieux personnels et égoistes. L'hommequi abdique sa personnalité pour se fondre dans l'imper­sonnel, accroit la puissance et hâte le règne universel desdieux bons.

Les dieux personnels, après avoir joué leur rôle, de­vront abdiquer dans l'Impersonnel. Ils sont supérieurspar la puissance à la plupart des hommes, mais infé-

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rieurs à ceux de. hommes qui ont renoncé à leur per­.onnalité.

DEPERSONNALISONS LES DIEUX

Jéhovah et le Dieu chrétien ont été, peu à peu, trans­formés par la théologie en une famille de trois person­nes, ce qui a pour résultat de tripler la personnalité. Decette théorie mentale des théologiens seule émerge lanotion du Saint-Esprit, à ce point impersonnelle en elle­même que l'effort commentateur a été vain pour la cor­rompre.

Que valent des élucubrations humaines en présence del'Indéfinissable Vérité ? Thomas d'Aquin lui-même, con­templant avant sa mort le monument orthodoxe de sac Somme ~, ne disait-il pas (non sans angoisse) qu'ilCaudrait brûler tout cela ?

Malgré l'aspect formel rudimentaire du Coran, Allahdemeure l'un des plus impersonnels des dieux. Il estdifficile au croyant de le joindre dans la forme. Et c'estlà (qu'on ne s'y trompe pas 1) la raison profonde de sonaction sur le monde de l'Islam.

Il· n'existe pour ainsi dire aucune religion qui ne soitcentrée autour de dieux personnels ou de figures d'hom­mes. Les Hindous ont cru s'extraire de la forme en inhu­manisanl leurs dieux comme Vishnou et Civa. Mais lamultiplication des têtes ou des bras, des torses ou desbouches, ne fait que multiplier l'anthropomorphisme parun coefficient formel.

Les Egyptiens tendaient vers Râ informulé, mais àtravers des effigies animales. Et pour un mystique cre­vant le cerveau de papier des apparences, des millionsd'hommes adoraient la bestialité.

IMPERSONNALITE ET PERSONNALITE

La pauvreté des religions vient de ce qu'elles érigent.des dieux personnels. Entendez par là qui ont une indi-

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vidualité propre. comme Jupiter. Jéhovah. le Père Eter­nel, etc...• en somme. des dieux à forme d'hommes avecles vicissitudes des humains.

Or c'est rabaisser incroyablement la notion de Dieuque de la concevoir sous cette apparence anthropomor­phe. Dieu est tout-ce-qui-est et il est puéril de donnerune figure à la somme de Tout. Dieu est la Vie danstoutes ses manifestations visibles et invisibles. Dieu estl'Intelligence et la Puissance. Allez donc faire le portraitde la Vie, de l'Intelligence et de la Puissance. comme~ussi celui du Tout l Mais nous. par contre. nous som­mes des êtres personnels. des figures délimitées. de petitsunivers qui croient à leur indépendance et nous cher­chons à maintenir et à affirmer notre personnalité bienque nous fassions partie de Dieu Impersonnel.

Comprenez-vous votre erreur qui va à l'encontre desfins divines ? C'est le cuIte de notre personnalité quinous conduit il l'incompréhension. Notre personnalitéest une illusion il laquelle nous nous cramponnons sanscesse. Tous -nos déboires. nos échecs. nos souffrancesviennent de l'intérêt que nous donnons il notre person­nalité. Mûrés dans nos cinq sens. nous cultivons la seuleforme d'existence qui nous maintienne en servage. parceque nous prenons au sérieux notre mental et notre corps.

Nous avons fabriqué un Dupont, un Durand qui sontdes fantômes dérisoires. au moyen desquels nous préten­dons circuler dans· l'Univers vrai. Comme cet Universest impersonnel nous y cognons partout notre personne.exactement comme un cube se heurterait sans cesse parses angles il l'intérieur d'une sphère. Tandis qu'une pe­tite sphère roulerait il l'intérieur d'une grande sans chocet sans heurt.

Notre tâche. sur terre. est d'oublier notre personnalité,de la réduire par tous les moyens, de manière il deve­nir de petites impersonnalités dans la grande.

Nos vices, nos défauts sont essentiellement des attri­buts personnels. Nos qualités. nos vertus même sontpresque toujours personnelles. puisque. la plupart dutemps. nous en attendons le salaire. sous forme de ré-

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compense et de progression. Le sacrifice pour rien, pourle sacrifice. est une vertu impersonnelle. Celui qui. aprèsdes vies. peut l'atteindre, est hors des gÏ-iffesde la per­sonnalité.

Dès que nous renonçons à nous-même. une sérénitétotale nous envahit. Le trouble ne recommence quelorsque l'instinct nous rappelle à nous-mêmes sous formed'intolérance ou d·orgueil.

Mais on ne peut que dire ces choses et puis laisserles hommes en prendre ce qu'il veulent. Certains horti­culteurs. qui ont des pots de fleurs sur une assiette,mettent un peu d'eau dans celle-ci. et la plante absorboexactement ce qu'illui faut.

LE DOUTE ET LA FOI

Celui qui vit en Dieu impersonnel ne peut perdre lafoi, ni la sentir vaciller.

Mais celui qui adore ou prie un dieu personnel, unChrist humain. une divinité à effigie. a une foi sujetteà éclipses parce que sa base d'Amour est humaine. doncsans solidité.

Les tourments des saints des diverses religions. leurpeur de la tièdeur et du doute venaient de ce que leurFoi n'était pas pure mais mêlée de concepts humains.

Aimer le Dieu Total. sans nom. sans figure. dont noussommes intégralement partie. suppose une Foi totale,entière et qui ne faiblit jamais.

Voilà qui explique précisément le caractère communet universel de toutes les extases. Les extatiques. qu'ilsle veuillent ou non. durant le temps où leur âme estc ravie :t. appartiennent à la même et Unique Reli"ion.

D'où, comme l'a si judicieusement fait observer Maxi­milien de Meck (1) c la conception panthéistique de.tous les extatiques :t.

Le même auteur ajoute

(1) Esotérisme et Survie.

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e 'Il Y avait d'ailleurs une contradiction flagrante entree un Dieu personnel et la conception qu'il était illimitée et infini. Ce qui est illimité et infini n'est jamais per­e sonnel puisqu'il faut des limites à toute personnalité;e c'était donc une absurdité de faire de Dieu un êtree personnel et de vouloir en même temps définir sa na­e ture par le raisonnement •.

Cette constatation est aveuglante et nous dispense decommentaire.

L'INDIVIDUALITE DIVINE

Les hommes ont donc pour premier devoir et pourunique but d'afl'aiblir en eux la personnalité humainepour fortifier l'individualité divine.

Pour cela il importe qu'ils accordent de moins enmoins d'importance aux événements et aux choses per­sonnelles de manière à entrer tout vifs dans le mondede l'impersonnalité.

C'est leur personnalité qui rend les hommes mal­heureux, peureux, souffrants. Et plus ils ont de mal­heur, de souffrance, d'effroi plus ils se cramponnent àelle, alors qu'il leur suffirait d'un peu de renoncementpour se libérer de leurs' maux.

L'impersonnalité les effraie parce que ce qu'ils re­doutent par dessus tout, c'est la perte de leur personna­lité, même précaire et douloureuse. Ils croient qu'ens'impersonnalisant ils suicident leur âme et se fondentdans le néant, alors qu'au contraire, l'impersonnalisa­tion dé"age l'Individualité enfouie dans la personne hu-maine et la hisse au plan divin. '

Bien loin d'être une abdication de la partie réelle denous-même. le détachement de notre personnalité nousdivinise de plus en plus. Sans doute alors l'ambitiondes "rands mystiques est-elle de se résorber dans l'Ab­solu ou le Nirvana, selon les mots différents qu'on don­ne à une même chose, mais c'est à l'état de parties cons­cientes de leur fusion et de leur don.

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L'entrée en Dieu Impersonnel suppose le plus hautdegré de la conscience, la forme d'Intelligence la plusvive, le jaillissement de Vie le plus grand.

ECOLE DE L'IMPERSONNALITE

L'école de l'impersonnalité peut être suivie chaquejour, à propos de tous les événements de la vie quoti­dienne. Où que nous soyons, où que nous allions noussommes empêtrés dans les accessoirs de notre personna­lité.

Ainsi ressemblons-nous à ces quadrupèdes attelés, fersaux pieds, mors aux dents et pourvus d'œillères, que lesbrancards de leur charrette maintiennent de l'un et del'autre côté. Ils sont à ce point esclaves de leur harnais,s'ils l'ont porté toute une vie, que l'idée d'aller sur uneroute, nus et libres, les remplit de trouble et de peur.

Les hommes sont des enchaînés qui chérissent leurservitude tout en gémissant sur leurs fers. La clé ducadenas est entre leurs mains, mais la liberté les effraieavec ce qu'elle renferme d'inconnu.

Ils souffrent dans leur personnalité parce que celle-cise heurte à la personnalité des autres. Tous ces chocspourraient disparaître par l'élimination des personnali­tés.

Cela ne veut pas dire que nous devons soustrairehâtivement nos personnalités à la Vie et abréger notreexpérience, mais seulement que le monde objectif nedoit pas être le chef-lieu de nos préoccupations.

LE SEN~ REEL DE LA PAUVRETE EN ESPRIT

Bien peu ont compris le sens véritable de l'expressione pauvres en esprit • que le Christ appliquait à ceux quipeuvent entrer dans le Royaume. Ces mots signifientque la possession effective des richesses n'est rien tantqu'on n'en est pas soi-même possédé. Seul, l'amour sub-

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jectif des biens objectifs est une richesse condamnable.On peut être pauvre en esprit tout en possédant matériel­lement de grands biens.

Le pauvre de ce monde qui est démesurément attachéà sa chèvre, à ses haillons, à sa table boiteuse est moinspauvre e en esprit ~ que le riche véritablement détachéde ses nombreuses possessions.

La pierre de touche, pour l'un et l'autre, réside dans lafacilité avec laquelle ils sont prêts à" abandonner leursbiens de l'apparence. Dès que ce détachement intérieurest absolu. qu'importe l'apparence et l'extérieur ?

Il est infiniment vraisemblable que les dieux person­nels ont encore plus de peine que les humains à abdiquerleurs prérogatives personnelles, à renoncer il leurs pou­voirs sur les phénomènes, à fuir les prières formelles deleurs adorateurs.

Les dieux personnels ont davantage de mi'rite que leshommes à e être pauvres en esprit ~. D'où la leçon deJésus, qui, pnr sn mort au gibet infâme, a tué véritable­ment sa personnalité pour ressusciter à titre d'Individu.

Prototype grandiose du sacrifice total, comme ausside l'amour total et de la foi totale, le Christ Universel amis au sépulcre la personnalité des dieux et des hommeset leur a montré la Route du Ciel.

CHAPITRE XI

L'Esprit ou Dieu-Un

Mais quel est le Dieu de tous ces dieux, qu'ils soienttotalement personnels ou tendent vers une impersonna­lité croissante ?

Au-delà de quelle forme les dieux formels atteignent-·ils le monde sans forme, véritable territoire du Divin ?

Dans quelle mesure les dieux sont-ils tributaires duDieu Universel et même jusqu'à quel point ont-ils lapossibilité de le concevoir et de le comprendre?

Ce sont là des questions présentement sans réponsetant qu'elles proviendront du mental humain.

Seule, uQe intuition supérieure, venue du plus pro­fond de nous, du plus pur aussi, du plus désintéressé,du plus élevé de la connaissance, nous permet d'en soup­çonner l'importance et de mesurer l'ampleur du Pro­blème des dieux.

DIEU-LES-DIEUX

Anaxagore disait, il y a vingt-cinq sièclese Les dieux. tous les dieux. réels" par rapport à l'Hom­

e me. sont illusoires par rapport à Dieu ).Cette affirmation ne visait pas à nier l'existence des

dieux intermédiaires. mais seulement à mesurer leurpetitesse au regard de l'Absolu.

D'après le Matsya. il y avait des Dieux des Dieux queles dieux adoraient. Puisqu'ils étaient plusieurs, ces

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Dieux des dieux devaient il leur tour adorer le DieuUnique.

Et c'est confusément mais persévéramment que l'Hu­manité, depuis ses origines religieuses, s'efforce, à tra­vers ses dieux transitoires, de situer le Dieu Définitif.

Le Dieu-des-dieux, ou le Lui-les-Dieux, le Dieu-Singu­lier-Pluriel de la Genèse ne représente rien d'autrequ'une tentative vers le Dieu Central.

Celui-ci ne pouvait être nommé, au dire des Hébreuxet de mainte initiation sacerdotale. Or cet effort unanimepour joindre le Dieu Universel ahoutit jadis il une sériede vocables qui se ressembluien t. Le même radical di­vin se retrouve un peu partout avec des corruptions iné­vitables et souligne le caractère d'universalité.

Iévé, Zeus, .lovis, l'Euio de Sanchoniaton, 1'10 Evohédes mystères hachiques sont tous fonction du Nom Pre­mier.

Macrobe cite l'oracle d'Apollon dans ses saturnales :e Donnez au Dieu Suprême le nom d'Iaô :t.

On sait que les Grecs avaient élevé un autel au DieuInconnu (Deo ignoto), mais on se méprend sur leur geste.Celui-ci ne signifiait pas un hommage à un dieu quelcon­que, oublié dans leur panthéon formel, mais bien unélan d'adoration vers le Dieu Inconnaissable, Celui-qui­n'a-pas-de-nom.

LES CHAINONS-MEDIA TEURS

Mais qui oserait contester que l'accès au Dieu Inconnuest facilité aux hommes par des puissances interposéeset qui lui servent de marchepieds ?

e Philon, écrit Bosc (1), de même que Platon danse son Timée (2), place entre le Dieu Unique et le Mon­e de, l'Univers, un intermédiaire, un puissant (3) média-

(1) (Op. cit.).(2) Voir le Timée.(3) Mais non tout-puissant.

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e teur, parce qu'il considère comme au-dessous de lae Majesté divine de faire créer immédiatement par Dieue même, par l'Inconnaissable, le monde des choses maté­e rielles, par suite sensible et périssable et de repré­e sen ter ce Dieu comme ayant jamais pu apparaîtree ici-bas :t.

Beaucoup ont senti la nécessité des transitions divines.Celles-ci ne s'imposent-elles pas d'elles-mêmes à la com­préhension ?

D'innombrables foules spirituelles et, à leur tête, cer­tains esprits d'une haute élite, n'ont pas hésité à jouerleur vie tout entière sur la carte de la Providentit>lleIntervention.

Comment admettrait-on que ce soient les êtres hu­mains les plus parfaits qui aient fait erreur et les êtreshumains les plus imparfaits qui aient vu juste, lescroyants dans l'affirmation et les sceptiques dans la né­gation ?

LE DIEU-TOUT COMPREND TOUTMAIS AU SENS ABSOLU

e La qualité des présences, dit Magre, varie à l'infinie mais celui qui est sage ne s'adresse qu'à la plus haute,e celle qui ne peut rien accorder. Car la faculté de don­c ner les choses qu'on désire ordinairement dans la viee diminue à mesure que celui auquel on les demandee est plus élevé spirituellement. Et si on entrevoit lee haut de l'échelle, on connaît que Dieu ne peut rien,e qu'il est parfait silence, beauté muette, admirablee transcendance, amour sans limite. L'absolu ne con­e naît pas de différence entre le bien et le mal. Le filse il l'âme excellente qui prie pour la santé de sa mèree malade pourra, dans des circonstances données, obte­e nir une intervention, mais elle viendra d'une région ete d'une puissance proche de lui et non de l'ineffable per­e fection spirituelle qui est au-dessus des formes, enve­e loppe les lois immenses et ne les trouble pas :t.

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Ainsi est-il d'avance répondu à ceux qui refusent auDicu Universel la volonté de se pencher sur les créaturesles plus misérables qui l'habitent et même à ceux d'entreles hommes spirituels qui croient Dieu trop loin et trophaut.

Le Dieu impersonnel sans doute ne s'occupe pas desc petits détails. et ne leur consacre pas une attentionc humaine et logique •. Mais il les sent d'une manieredivine puisque toutes choses et tous êtres sont en Lui.

En réalité lorsque nous prions pour obtenir, nous de­mandons à la plus haute partie de nous-même, à ce quenous aVf'ns ailleurs appclé l'étage supérieur de l'Hom­me Total. Et c'est là une preuve de plus de l'Universalitédu Divin, qui, par ineffable endosmose, nous irrigue sanscesse de sa Vie, par voie d'échange intégral.

Ne craignez donc pas de fatigucr Dieu par vos re­cours et vos appels. Il n'est aucunement besoin, pourla majorité des hommes, de faire directement l'ascen­sion de l'Absolu, par extase et par ascétisme. De votremamelon ou de votre vallée, dc votre fossé ou de votrechaumine, vous êtes en correspondance constante aveclui, par l'intermédiaire de standards invisibles qui ne scc détraquent. jamais.

Vous n'avez pas plus à vous préoccuper de la naturede vos relations avec Dieu que vous n'avez souci de dé­monter un appareil téléphonique avant d'cntreprendreune conversation. Qu'importent les théories, les modali­tés, le mécanisme ! L'essentiel n'est-il pas que vousayez la c communication • ?

C'est qu'en effet, l'Absolu lui-même est partout autourde nous et en nous, plus étroitement encore et combienplus idéalement que nous ne sommes autour et dans cha­cune de nos cellules organiques, puisqu'il y a échangeperpétuel de Conscience et d'Existence entre le Relatifet l'Absolu.

Nous vivons, nous nous mouvons dans le Mouvementet dans la Vie de Dieu. Il n'est pas un de nos atomes quine baigne dans le Divin. Tout désir, tout vœu, touteprière que nous exprimons éveillent le Désir, le Vœu, la

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Prière Universels qui sont l'Intelligence du Grand Tout.Bièn loin de prendre ombrage de nos sollicitations et

d'être rebutée par la fréquence de nos appels, la Divinité,à tous les stades, s'en alimente. La prière des êtres etdes choses est véritablement la Nourriture de Dieu.

LE DIEU-UN EST AU-DESSUS DE LA LOGIQUE

L'explication de Dieu souhaitée par les hommes estlogique. Or elle ne peut être qu'illogique par rapport ànous.

La réponse de Dieu attendue par les hommes estmême supra-logique. Elle ne peut donc être comprisepar les hommes logiques que nous demeurons.

Nos hypothèses de l'Univers. du Bien et du Mal, del'Au-delà sont logiques, d'où leur incapacité de trouverune solution aux grands problèmes, car cette solutionest essentiellement irrationnelle.

Imaginez l'explication du monde que peut amorcerun cancrelat ! Ce sera sans doute de parfaite logiquecancrelat mais cela n'avancera pas d'un pouce l'expli­cation véritable du monde. Or nous sommes des cancre­lats pour les êtres u1tra-lo~iques qui nous regardent pa­tauger dans la troisième dimension.

EXEMPLE DE L'UNIVERS INTERPRÉTÉ

L'univers n'est qu'interprétation.L'infusoire a une interprétation de l'univers qui ne

peut être la même que celle de l'insecte ; celle de l'insectene peut être la même que celle du chien ; celle du chienne peut être la même que celle de l'Homme.

Et quelle différence d'interprétation (selon leur riches­se d'âme) entre les hommes ! les uns iqterprétant ununivers immense, les autres n'interprétant qu'un universlimité.

Comment pourrait-on croire que la faculté d'interpré-

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tation s'arrête à l'Homme, être encore imparfait, et nepeut être aussi le don d'individualités supérieures, ca­pables d'interpréter encore plus intensément l'univers.

Qu'on nous entende bien : à mesure que les possibili­tés d'interprétations se développent, l'univers ne croiten quantité que depuis le végétal jusqu'à l'Homme. Apartir de l'Homme, il croit également en qualité. Au de­là de l'Homme et des dieux personnels, la faculté d'in­terpréter l'univers en quantité disparaît et seul un uni­vers de qualité s'interprète.

Dieu, par conséq1;1ent, n'est pas quantité. La QualitéSuprême est Dieu mais les cerveaux humains ne sont niconstruits pour la qualifier. ni qualifiés pour la recon­naître. Le Qualificatif comprend le quantitatif alors quele quantitatif ne peut comprendre le Qualitatif.

Déjà avec nos sens de la troisième dimension nous nesommes pas capables d'embrasser toute la dimension quiest la nôtre. L'arrière des solides échappe à nos constata­tions directes et immédiates. C'est par un artifice de rai­sonnement que nous les percevons ou croyons les perce­voir dans leur totalité.

Comment, dans ces conditions, pourrions-nous inter­préter les dimensions supérieures et, à plus forte raison.Dieu l'Unique qui échappe il toute dimension ?

LE VRAI ET L'INVHAIS EMBLADLE

La toute-puissance ne peut être l'apanage que du DieuImpersonnel et Unique. Mais, dès lors, cette toute-puis­sance est incompréhensible pour notre raison et sa jus­tice échappe au contrôle de nos sens.

Car il faut nécessairement choisir : ou le Dieu-Toutn'est pas omnipotent, ou notre notion du Bien et du Malest fausse et, par conséquent, notre sentiment de la Jus­tice.

N'en doutons point. Ce que nous appelons le vrai et levraisemblable et même'ce que les Occidentaux nommentle subjectif, et même ce que les Orientaux nomment le

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seul réel, tout cela est truqué et fictif, inconscient etinexistant pour la Pensée Divine la plus haute.

Aucune commune mesure d'aucune sorte, en dehors decelle que nous allons dire, n'existe entre nous et le DieuUn. Du moins nous, hommes, l'ignorons-nous, et Dieuseul en a-t-il la connaissance. Car notre logique actuelleest le fruit d'une erreur initiale par quoi nos yeux sontencore fermés.

LA PORTE D'AMOUR

Il existe cependant une issue vers Dieu; un moyend'escalade directe. Tous les êtres d'abnégation et de re­noncement ont pu l'utiliser en tous lieux.

Ce chemin de Lumière existait avant le Christ, mais cen'était qu'un étroit passage où les âmes de sacrificen'avançaient qu'en hésitant.

Le Christ a élargi la route d'Amour, en a fait une voietriomphale, par où des millions d'hommes derrière luiont passé.

Comme il est dit plus haut, le Christ a virtuellementprécédé Jésus. Mais Jésus a été la plus haute, sinon lapremière expression du Christ sur la Terre.

Il a formulé dans le monde sensible la Loi d'Amourque les hommes attendaient depuis longtemps.

En somme, le Christ est la seule possibilité d'accèslogique à l'illogisme de l'Amour.

L'Amour est vraiment la Porte de Dieu. L'Amour estle Nombril du Monde. L'Amour est l'Alpha et l'Oméga.L'Amour est le Relatif et l'Absolu.

L'Amour n'est pas un dieu. Il est Dieu entier. Il est laVie Universelle. Il est l'Intelligence Unanime. Il est inté­gralement le Tout.

DIEU N'EXISTE PAS: IL EST

Pour Xénocrate c l'Unique ) n'avait pas d'existence,au sens que notre logique donne à ce mot.

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Même en le niant les hommes logiques le confessentimplicitement et sont fonction de Lui comme les autres.

Si Dieu est le Centre, les hommes rendent témoignagede son essence autant en s'éloignant qu'en se rappro­chant de lui.

Dieu-Je-Suis n'est pas une Omnipotence statique maisune omnipotence dynamique, un Accroissement Perpé­tuel, une Constante Evolution.

Platon a dit :

e Au-delà de toutes les existences limih~es et de toutese les causes secondaires, il existe une Intelligence, pre­e mier principe de tous les principes, Idée Suprême sure laquelle sont bnsées toutes les autres idées, Substnncee Ultime d'où toutes les choses tirent leur être et leure essence. Ce Dieu au-desslls de tout, n'est pns la véritée ou l'intelligence mnis son pp.re et sa Cnuse Première:t.

L'ESPRIT UNIQUE SANS DIMENSION

C'est ce qui a permis dans les temps présents, et aprèsde patientes recherches mythologiques, à Sisyphe d'écri­re :

e Il n'y a qu'un Dieu, qu'une Religion, qu'une Mathé­e matique, qu'une Création, qu'une Evolution.

e Il n'y a qu'un seul Etre, et tous les êtres, objets oue choses que nous voyons sur cette terre, ne sont quee des images du même Etre Unique prises en des tempse distincts de son évolution :t.

Voilà pourquoi nous répétons : l'Absolu n'a pas dedimension. Quand les esprits les plus aiguisés arrive­raient à la conception de la milliardième dimension, ilseraient toujours de plus en plus près de l'Absolu. sansjamais pouvoir l'atteindre parce que rien de ce qui peutêtre atteint n'est l'Absolu qui Est.

Dès lors l'effort des hommes pour le nommer et desdieux pour le saisir est congénitalement frappé d'im­puissance.

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Le Grand Jeu consiste à le rechercher bien qu'étantau-dedans de Lui. Nul des hommes et des dieux ne lecomprendra jamais ; mais tous, un jour ou l'autre, par­viendront à en avoir conscience et c'est la coopérationdes dieux et des hommes qui permettra leur union enDieu.

Peu importe, dès lors, le vocable par quoi Dieu seradésigné. Les mots humains ne sont pas à sa mesure.C'est peut-être la raison pour laquelle l'occultisme ditque le nom réel est secret.

Autrement dit Dieu est l'Indicible, l'Inexprimable. Enlui appliquant, de surcroît, les qualificatifs d'Absolu,d'Unique, d'Idéal, etc., les hommes avouent leur impuis­sance Îl le définir.

Le terme le meilleur et le moins incomplet à notresens, est celui d'Esprit. Car Dieu est l'Esprit du mondeet si nous avons la vie c'est uniquement en fonction decet EspriL

En élevant notre âme vers lui, disons-nous que l'Hom­me n'est pas encore créé. Sans cesse l'Esprit le cr~e.

Ce n'est que lorsqu'il sera à la ressemblance de l'Espritque l'Homme sera achevé.

FIN

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TABLE DES MATIERES

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AVERTISSEMENl'

CHAPITRE 1. - Pourquoi le mal ? .•••••••.••••••.•••.•Si tu es juste et bon. - La tragique interrogation. ­La Coire aux dieux.

CHAPITRE II. - Le, dieuz ,ont-il. d'ancien. homme. ?Le dieu pluriel. - Lui-les-dieux. - Divinité à Cacehumaine. - Tels hommes, tels dieux. - Les Anges.premiers étaient charnels. - Survivants d'humanitéséteintes. - Une hypothèse logicienne. - Pourquoiles dieux IOnt-ils invisibles ., - y eut-il un hommestellaire ou galeux ., - Problème à l'envers.

CHAPITRE III. - Nourriture. d'immortaliti ......••....Les sens exquis du godt et de l'odorat. - RÔle oc­culte de l'éternuement. - Les mangeurs d'odeurs.­Le vampirisme des dieux. - Les holocaustes san­glants. - La boucherie religieuse des temples an­ciens. - Les sacrifices humains. - Aliments delongue vie. - Le sang des dieux. - Ambroisieet nectar. - Breuvage d'immortalité et nourriturede jeunesse. - Le Soma. - Le Homa. - L'Asa(œUda. - L'alimentation supérieure des dieux . ­Nourritures subjectives. - Le mystère de l'Amour.­La mort et la vie.

CHAPITRE IV• .- Les dieux perlonnel•......•.........Dieux bourgeois de la mythologie. - Jéhovah, typedu dieu national. - Le divin Exterminateur. - LeDévorant. - Une thèse outrancière. - C'est...d'égoisme que s'alimentent les dieux personnels. -La Vierge et les saints. - Dieux egrégoriques.

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CHAPITHE V. - Les dieux ne sont pus loul-puissunts .... 65La notion d'omnipotencc exclUt la notIOn de justicc.- Les dieux ne sont quc des sous-multiptes dc dieu.- Faiblcssc des ûieux mythulugiques. - Lcs tÙton-ncmcnts ct les mépriscs du dicu-l:réatcur. - L'crrcurjuûidall'c d'Adam ct d'c.vc. - Imperfectiun lIl'Sûieux. - Les dieux sont suumis uUX lois. - Helati­vité du miracle. - Néccssité des dicux intenné­lIiaircs. - Existc-t-i1 un plan divin ./ - Le perpélneldcvcnir.

CHAPITRE VI. - La gllCl're des diellx et de., homllles .... ïïDieux de combat. - Lu terrible lIécsse de lu Peur. ­Fédérateurs dcs JE et fédératcurs des MOI. - Lemalentendu avec les dieux. - Les levicrs invisiblesdu monde. - La Science au servicc des dieux in­féricurs.

CllAPlTHE VIl. - Coopération uvec les dieux 87Pourquoi les dieux ont-ils créé les hommes 'l - Lcsdieux ont besoin d'êtrc allorés. - La consdcnce del'Hommc élargit la conscienl:c des dieux. - Toutfait partie dc l'Etre suprême. - L'échange entre lehaut et Ic bas. - Lc surhommc dépasse les sous­dieux. - Hons maçons ct bons materiaux sont in­dispcnsable au Bon Architccte. - La société anonymchumainc. - Lc chuix cntre Ics llicux. - Lummentcuupérer avec lcs dieux du bicn. - L'Homme et lesc1uisons étanches. - La route de simplicité. - Lacourtc échcllc. - Lc dogme impic dc la crainte deDieu. - Les dieux même supérieurs ne peuvent ricnpour l'homme sans l'Homme. - L'eflïcace méthodedu Pal'tenuÎl·e. - Evolution lies savllnts IJwllel·lll:s.- Comment un anthropologiste d'aujourd'hui envi­sage la collaboration entre hommes et dieux.

CHAPITRE VIlI. - L'évolution des diellx 109Métamorphose et agrandissement du Dieu biblique.- Le Dieu d'Isaïe contre le dieu de Josué. - Concep­tion supérieure du c JE SUIS :t. - Le JE et le !\lOIdes dieux. - La Nature n'est pas dieu. - Des super­hommes aux super-dieux. - Notion du super-hom­me. - D'échelon en échelon. - Escalade des dieuxvers l'Absolu.

CHAPITRE IX. - Le Christ type de l'Homme-Diell 121Un modèle dans la chair. - Universalité du Christ.- Incarnation de l'Amour-Sacrifice. - Le Fils de

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l'Homme. - Jésus du Peuple. - Jésus antithéolo-gien. - Les chrétiens sont plus imprégnés de l'espritdc l'Ancien Testament que de celui du Nouveau. ­Impersonnalité du Christ.

CHAPITRE X. - Vimpersonnalité ................•... 131Acheminement des dieux personnels vers l'Imper­sonnel. - Dépersonnalisons les dieux. - Imperson­nalité et Personnalité. - Le doute et la Foi. ­L'Individualité Divine. - Ecole de l'Impersonnalité.- Lc sens réel de la c pauvreté en esprit :t.

CHAPITRE XI. - L'Esprit 011 Dieu-Un 139Dieu-les-dieux. - Les chainons médiateurs. - LeDIEU-TOUT comprend tout mais au sens absolu. ­Le DIEU-UN est au-dessus de la logique. - Exemplede l'Univers interprété. - Le Vrai est invraisembla­ble. - La Porte d'Amour. - DIEU n'existe pas;IL EST. - L'Esprit Unique sans dimension.

Impri••erie M.uric. Laball.r, - Ci••• .., (Ni•••• )

Dépet lé,.1 1" Tri ••••lr. 1954