Bauval Robert - Le Code Mystérieux Des Pyramides

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  • CHEZ LE MME DITEUR

    DANS LA MME COLLECTION

    LE MYSTRE D'ORION par Robert Bauval

    L'NIGME SACRE* LE MESSAGE**

    par H Lincoln, M Baigent, R. Leigh

    L'EMPREINTE DES DIEUX par Graham Hancock

    CIVILISA TI ONS ENGLOUTIES* CIVILISATIONS ENGLOUTIES**

    par Graham Hancock

    LE MYSTRE DE L'ARCHE PERDUE par Graham Hancock

    LE TEMPLE RETROUV par Henry Lincoln

    LA CL DU MYSTRE DE RENNES-LE-CHTEAU

    par Henry Lincoln

  • ROBERT BAUVAL

    LE CODE ,

    MYSTERIEUX

    DES PYRAMIDES

    Traduit de l 'anglais par Matthieu Farcot

    Pygmalion

  • Titre original : The Egypt Code

    Note de l'auteur:

    Nous avons fait tout notre possible pour obtenir les autorisations de reproduction officielles pour certaines des illustrations de cet ouvrage. Merci : Anne-Sophie Bomhard (Illus. 4); Ron Wells (Illus. JO et 11); EES (Illus. 12). Illustration 6 reproduite avec l'aimable autorisation de David Jeffreys; Illustrations 7 et 8 reproduites avec l'aimable aimable autorisation de l'IFAO; Illustration 9 reproduite avec l'aimable autorisation de SFE et Sylvie Cauville.

    Sur simple demande adresse Pygmalion, 87 quai Panhard et Levassor 75647 Paris Cedex 13,

    vous recevrez gratuitement notre catalogue qui vous tiendra au courant de nos dernires publications.

    2006, Robert Bauval. 2008, Pygmalion, dpartement de Flammarion, pour l'dition en langue franaise. ISBN 978-2-7564-0140-9

    Le Code de la proprit intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 (2 et 3 a), d'une part, que les copies ou reproductions strictement rserves l'usage priv du copiste et non destines une utilisation collective et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, toute reprsentation ou reproduction intgrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite (art. L. 122-4). Cette reprsentation ou reproduction, par quelque procd que ce soit, constituerait donc une contrefaon sanctionne par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la proprit intellectuelle.

  • Pour Michele

  • Remerciements

    J'ai consacr ces vingt-cinq dernires annes ramener la vie l 'ancienne religion cleste d'gypte et montrer comment les gyptiens, inspirs par elle, avaient dcid de faire de leur terre une image du paradis . J'ai publi les premiers rsultats de mes recherches en 1 994 dans Le Mystre d'Orion dont la sortie fut appuye par la diffusion du documentaire, The Great Pyramid : Gateway ta the Stars, sur la BBC 2. Au cours des annes qui suivirent, parurent trois autres livres sur cette mme religion cleste. Le Code mystrieux des pyramides devant marquer le point culminant de mon quart de sicle de recherches, j ' ai dcid de l' crire sur le terrain. En fvrier 2005, j 'ai lou un appartement dans la banlieue verdoyante de Hadayek El Ahram, moins d'un kilomtre des pyramides de Gizeh. Dot d'un bon ordinateur de bureau connect par l' ADSL Internet, ainsi que d'une grande slection de livres et d'articles d'gyptologie, j 'ai pass les huit mois suivants constituer un livre avec les matriels que j 'avais accumuls durant de nombreuses annes au Royaume-Uni. Rdiger ce genre de non-fiction n'est pas une tche facile mais, heureusement, j 'tais en permanence inspir par la Grande Pyramide visible depuis la fentre de mon bureau. Je ne sais pas trop s ' il est possible de remercier une masse de pierre inerte qui vous regarde implacablement jour et nuit. Mais j 'ai un trange sentiment de gratitude envers elle.

    Je tiens galement rendre hommage aux nombreux collgues et amis qui m'ont aid tout au long de ma qute. Mes plus grands remerciements vont ma femme pour sa patience infinie, sa tolrance, et son soutien sans faille. Il n'est pas facile de vivre avec un homme dont 1 ' esprit est partiellement en gypte ancienne. Merci aussi mes deux merveilleux enfants, Candice

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  • et Jonathan, et la premire pour avoir fait de moi, au cours de ce travail, un fier grand-pre. Je suis reconnaissant envers mon frre Jean-Paul, ma sur jumelle Thrse et ma mre Yvonne, qui ont toujours su tre prsents lorsque j 'en avais besoin. Il me faut par ailleurs exprimer ma gratitude aux astronomes Mary Brck (dimbourg), Archie Roy (Glasgow), John Brown (Astronome Royal d'cosse), Chandra Wickramasinghe (Cardiff), Percy Seymour (Plymouth) et Giulio Magli (Milan), pour l' intrt qu' ils m'ont tmoign et leurs critiques constructives ; aux auteurs Graham Hancock (Bath), Colin Wilson (Devon), Ahmed Osman (Londres), John Gordon (Surrey), Michael Baigent (Bath), Robert Lomas (Bradford), Yuri Stoyanov (Jrusalem), Timothy Freke (Glastonbury) et John West (New York), pour leur amiti et leurs prcieux conseils ; mes amis Mohamad Nazmy (Gizeh), Hoda Hakim (Le Caire), Roger Bilboul (Londres), Chafik et Racha Kotry (Alexandrie), Mohamad et Nayra Ezzat (Alexandrie), John et Josette Orphanidis (Athnes), Gouda Fayed (Gizeh, Nazlet El Salman), Javier et Eva Sierra (Malaga), Adriano Forgione (Rome), Arianna Mendo (Turin), Sandro Mainardi (Florence), Roel Oostra (Hilversum), Andrea et Patrizia Vitussi (Trieste), Deborah Signoretti (Rome), Marilena Lancetti (Bologne), Linda et Max Ba uval (Hawaii), Robert Berube (Qubec), Mark Scurry (Melbourne), ainsi qu'Ihab, Methat, Hattem, mile, Inas, Alia, Ahmed, Fathi, Shereen, Sameh, et tous les autres membres du personnel de Quest Travel, pour leur amour, leur trs apprciable cordialit et leur bonne humeur. Je tiens faire part de ma profonde gratitude mes agents littraires Bill Hamilton et Sara Fisher, de chez A.M. Heath &Co. Ltd. , qui n'ont cess d'tre l pour m'encourager et me conseiller, et qui ont cout mes radotages enthousiastes sans jamais laisser paratre leur lassitude srement frquente. J'adresse les mmes sentiments mon diteur et ami Mark Booth et Timothy Andrews, de chez Century Books, Random House, pour leur patience et leur aide inestimable. Enfin, je remercie tous mes lecteurs, jeunes et moins jeunes, esprant qu' ils tireront autant profit de la lecture du Code mystrieux des pyramides que moi de sa rdaction.

    Robert G. Bauval Le Caire, Les pyramides, octobre 2005

  • Introduction

    quoi servent les pyramides ? ! 7 ! Emma Freud, The Great Pyramid : Gateway to the Stars,

    Documentaire Everyman sur BBC 2, dcembre 2003

    Le roi est Osiris, cette pyramide de ce roi est Osiris, cette construction ordonne par lui est Osiris . . .

    Textes des Pyramides, 1657

    Voyez, il est venu sous la forme d'Orion, voici qu'Osiris est venu sous la forme d'Orion . ..

    Textes des Pyramides, 820

    Ambiance cosmique

    Pourquoi avoir construit les pyramides de 1 'Ancien Empire d'gypte ? Quelle fonction pouvaient-elles remplir ? Pourquoi contiennent-elles des tunnels bas de plafond, des puits longs et troits ne menant nulle part et des couloirs, des galeries, des chambres austres et vides ? Pourquoi ont-elles t alignes sur le systme stellaire ? Pourquoi sont-elles parpilles en petits groupes sur une bande dsertique de quarante kilomtres de long ? Et - plus dconcertant encore - pourquoi est-ce que certaines ne prsentent aucun texte tandis que d'autres ont leurs murs couverts d'critures concernant les cycles du soleil et des toiles ? Jusque trs rcemment, les gyptologues s'accordaient pour dire que les pyramides taient des tombeaux, de grandes spultures qui servaient principalement accueillir les corps des rois dfunts. Quant leurs complexes rseaux internes de tunnels, de puits, de couloirs et de chambres, ils taient, selon eux, surtout destins dsorienter et embrouiller les pilleurs tandis que 1' alignement des pyramides sur le systme astronomique tait considr soit comme insignifiant soit comme tant le fruit

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  • LE CODE MYSTRIEUX DES PYRAMIDES

    d'un hasard extraordinaire. Cela peut sembler incroyable mais de telles interprtations ont t trs peu discutes durant deux sicles, et ce, malgr le constat exasprant que jamais le corps d'un roi (pas un squelette, un crne ou mme un morceau d'os) n'a t dcouvert l ' intrieur ou l 'extrieur d'une pyramide. Et, plus incroyable encore, personne n'tait en mesure d'expliquer pourquoi, s ' il s'agissait de tombeaux, les pyramides n'taient pas runies en un seul cimetire bien dfini mais parpilles en petits groupes sur une vaste plaine l 'ouest du Nil, telles d'tranges les volcaniques dans une mer de sable. Pourtant, chose assez singulire, une foule d'indices suggrant que leur fonction tait bien plus grande ont toujours t l, qui attendaient qu'on les examine. Et la premire vidence tait leur lien avec les toiles. Par exemple :

    La base de chaque pyramide tait aligne sur les directions astronomiques suivant les alignements d'toiles.

    La plus grande des pyramides contenait des puits d'air orients vers d'importants systmes stellaires comme Orion, Sirius et les constellations circumpolaires ( savoir la pyramide de Khoufou * Gizeh).

    Les pyramides avaient reu des noms stellaires ou faisant implicitement rfrence aux toiles ( La pyramide de Djdefr est une toile sehedou ; Nebka est une toile ; Horus est l'toile la tte du ciel , et ainsi de suite).

    Certaines pyramides renfermaient des chambres aux plafonds dcors d'toiles cinq branches ( savoir la pyramide degrs et celles des ve et VIe dynasties Saqqarah).

    Certaines prsentaient sur leurs murs intrieurs des inscriptions graves, faisant allusion une religion des toiles et la destine des rois dans un monde stellaire appel Dout qui comprenait Orion et d'autres constellations ( savoir les pyramides des ve et VIe dynasties Saqqarah).

    Il est donc plutt surprenant - pour ne pas dire dconcertant - qu'avec autant de connexions stellaires , il n'y ait pas eu

    * Mieux connu en France sous le nom de Khops (toutes les notes de bas de page sont du traducteur).

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  • INTRODUCTION

    un seul gyptologue qui trouve ces constats suffisamment loquents pour envisager que les pyramides aient pu avoir une fonction stellaire. Et parce qu'aucune recherche n'a t entreprise ce sujet pendant si longtemps, il ne faut pas s 'tonner que des chercheurs peu qualifis, des dilettantes, des excentriques et des charlatans aient rpandu des thories allant du drisoire au compltement insens : les pyramides ont t bties par les peuples de la civilisation disparue d' Atlantis ; elles ont t construites grce une technologie oublie utilisant la lvitation ; c 'taient des centrales lectriques ; elles servaient de rcepteurs lectromagntiques pour des communications interstellaires ; elles ont t riges par des extraterrestres ; par les juifs durant leur captivit en gypte ; la Grande Pyramide a t conue pour conserver dans chaque centimtre carr des informations dtailles sur l'histoire et sur l'avenir du monde ; c'tait une Bible de pierre. Ainsi, lorsque j ' ai publi, en 1 994, mon premier livre, Le Mystre d 'Orion, dmontrant que la figure forme par les trois pyramides de Gizeh et leur position par rapport au Nil refltait la figure forme par les trois toiles de la ceinture d'Orion et leur position par rapport la Voie lacte, le sujet a t tellement vilipend et dgrad que toute nouvelle thorie mentionnant les toiles ou l 'astronomie se voyait immdiatement confronte un barrage d'indiffrence de la part des universitaires (au mieux) ou une opposition vhmente. La raction fut d'autant plus violente que j 'avais reu le soutien - quoique prudent - de 1 'un des gyptologues les plus minents et les plus respects du monde, sir I. E. S. Edwards, qui s 'tait courageusement mouill pour moi en apparaissant dans un documentaire de la BBC favorable certaines de mes ides. Cela lui valut le courroux de ses pairs mais leur fora nanmoins la main, contraignant certains d'entre eux examiner ma thorie contrecur. Mais, dans les annes qui suivirent (et ce, particulirement aprs la mort d'Edwards en 1 996), j 'tais tourn en drision et pass au pilori par une cabale d'gyptologues et autres experts apparemment dtermins dmonter la thorie de la corrlation d'Orion, ainsi que mon hypothse tait dsormais qualifie (voir annexe 3). Cette attaque des universitaires fut des plus pnibles et dcourageantes, mais je tins bon, car je savais que non seulement j 'avais veill l ' intrt et obtenu le soutien du grand public

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  • LE CODE MYSTRIEUX DES PYRAMIDES

    et des mdias internationaux, mais aussi que la thorie que j 'avais avance cadrait trs bien dans le contexte de 1' poque des pyramides d'gypte, et qu'elle fournissait le lien manquant un mystre d'autant plus droutant. Mme le plus inflexible des sceptiques ne pourrait aisment qualifier la corrlation Orion/ Gizeh de simple concidence .

    Douze longues annes ont aujourd'hui pass depuis la publication du Mystre d 'Orion. Entre-temps, le livre a t traduit dans plus de vingt langues, et des dizaines de documentaires entirement ou partiellement fonds sur la thorie de la corrlation d'Orion ont t diffuses : sur BBC 2 et Channel 4 en Grande-Bretagne; sur ABC, NBC et FOX TV aux tats-Unis ; sur Discovery Channel et History Channel en Europe et en Amrique ; sur la RAI 3 en Italie ; sur ZDF et ARD en Allemagne ; sur ARTE et France 3 en France ; sur SABC et M-net TV en Afrique du Sud ; sur AVRO TV aux Pays-Bas ; sur Channel 7 en Australie ; sur NILE-TV en gypte, et sur de nombreuses autres chanes au Moyen et en Extrme-Orient. Deux autres documentaires sont annoncs : un sur National Geographie Television intitul Unsolved Mysteries of the Pyramids 1 (dans lequel ma thorie sera minutieusement examine), et un, ralis pour la RAI 2 en Italie et AVRO aux Pays-Bas, entirement fond sur Le Code mystrieux des pyramides 2 Doucement, mais srement, la thorie de la corrlation d'Orion s'est infiltre, tel un voleur dans la nuit, dans les grands courants de 1' gyptologie et dans cette nouvelle discipline qu'est l 'archoastronomie. Et, bien qu'elle ait fait l 'objet de nombreuses critiques, il est maintenant vident qu'elle a touch les universitaires un degr notoire.

    Rendons-leur cette justice : tous les universitaires n'taient pas enclins rejeter Le Mystre d'Orion. De trs minents gyptologues, comme le docteur Jaromir Malek du Griffith Institute et l 'gyptologue amricain, le docteur Ed Meltzer, gardrent l 'esprit ouvert tout comme l 'avait fait feu Sir I. E. S. Edwards. Plus rassurant encore, la thorie reut un soutien prudent de la communaut des astronomes, en particulier des professeurs Archie Roy, de l'universit de Glasgow, Mary Brck, de l'universit d'dimbourg, Giulio Magli, de l'cole polytechnique de Milan, Percy Seymour, de 1 'universit de Plymouth, et Chan dra

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  • INTRODUCTION

    Wickramasinghe, de l 'universit de Cardiff. Bien que ces astronomes de haut rang soient rests d'un scepticisme de bon aloi, ils jugrent cette thorie intressante et digne d'une considration attentive et de recherches plus approfondies. Au fil des ans, une fissure se fit galement jour dans 1' armure gyptologique universitaire quand le docteur Jaromir Malek (qui avait examin ma thorie en 1 994 dans la revue d'Oxford intitule Discussions in Egyptology 3) avait dclar admettre la possibilit que la disposition parse et apparemment illogique des pyramides dans la ncropole de Memphis (une bande dsertique de quarante kilomtres de long l 'ouest du Nil, prs du Caire) pt, aprs tout, tenir des considrations religieuses, astronomiques ou de cet ordre plutt qu' des facteurs purement pratiques comme la topographie et la nature gologique du terrain. Peu peu, d'autres gyptologues commencrent mettre des avis semblables - notamment l 'Amricain Mark Lehner, le Tchque Miroslav Verner et David Jeffreys en Grande-Bretagne (voir chapitre III). C'est cependant l'archoastronome Anthony Aveni, professeur d'astronomie et d'anthropologie la Colgate University, qui, selon moi, aura le mieux russi donner une ide globale de ce qu'avaient l 'esprit les architectes de l 'Antiquit ayant conu et dress les plans de telles structures mystrieuses (pas seulement en gypte mais galement dans d'autres parties du monde antique) lorsqu'il crivit :

    Afin de comprendre ce que les peuples de l 'Antiquit pensaient du monde qui les entourait, il nous faut commencer par observer les phnomnes travers leur regard. Une certaine connaissance de chaque culture en particulier est ncessaire, mais il est galement indispensable d'apprendre ce que contient le ciel et comment chaque entit se dplace . . . trange mais vrai : des cits, des royaumes et des empires entiers ont t construits d'aprs des observations et des interprtations d'vnements naturels se produisant sous notre nez et au-dessus de nos ttes sans que nous les remarquions. 4

    Le docteur A v eni faisait rfrence aux civilisations maya et inca lorsqu'il fit cette dclaration. Mais il aurait aussi bien pu voquer l 'empire de l 'ancienne gypte, car je suis dsormais

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  • LE CODE MYSTRIEUX DES PYRAMIDES

    plus convaincu encore de la vracit d'un tel propos concernant les cits, les pyramides et les temples sacrs dresss par les gyptiens de 1 'Antiquit sur les mille kilomtres de la valle du Nil, au cours des trois millnaires qu'a dur leur civilisation. Et c'est l, en un mot, ce que je compte dmontrer dans Le Code mystrieux des pyramides.

    En 2000, j 'tais prt crire un livre pour runir les rsultats de mes recherches. Ainsi, je prsentai un rsum mon diteur chez Random House Londres, qui me passa rapidement commande du projet. Au dbut de 2004, j ' avais termin le premier jet. Mais la version dfinitive ne vit le jour qu'en gypte. tre sur place m'offrit la chance unique de retravailler le livre tout en pouvant tudier concrtement les pyramides de Bassegypte et les grands temples de Haute-gypte, et de vrifier les diverses hypothses de ma thse. Imprgn de l'aspect enchanteur et magique de ces sites antiques, j 'ai russi, je crois, plus d'un titre, mener la thorie de la corrlation ciel/terre que j 'avais esquisse vingt ans plus tt sa conclusion naturelle.

    J'ai utilis autant que possible dans cet ouvrage des sources originales, et je me suis uniquement appuy sur des recherches de spcialistes, publies dans des revues de confrres ou dans des livres d'gyptologues reconnus et d'autres rudits. En slectionnant mes donnes parmi toutes ces sources, je suis arriv cette conclusion : la thocratie de 1 'gypte antique tait rgule par un ordre cosmique appel Mat, qui n'tait rien d'autre que l'ordre du ciel - c 'est--dire les cycles observables, prcis et prvisibles du soleil, de la lune et des toiles. J'en ai galement dduit que les gens croyaient avec ferveur l' influence de cet ordre cosmique sur le monde matriel, en particulier 'sur la fameuse crue annuelle du Nil, car rien n'veillait un tel mlange de crainte et de fascination chez eux que cette monte des eaux, qui commenait la fin de juin pour finir la fin de septembre. C'tait le miracle annuel qui ravivait les cultures et toute forme de vie. Une crue trop faible en juin entranait famine et peste. Cette pe double tranchant, qui pendait en permanence audessus de 1 'gypte, contraignit les habitants des rives du Nil rechercher des mthodes magiques pour assurer une bonne crue. Ils observrent assez tt que Sirius et les toiles formant Orion disparaissaient derrire l 'horizon ouest aprs le coucher du soleil

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  • INTRODUCTION

    la fin de mars et restaient pour une dure prolonge (environ trois mois) dans le monde des morts , avant de re-merger l 'horizon est l 'aube, la fin de juin, juste quand les eaux du Nil commenaient monter. Pendant cette priode cruciale o les toiles sjournaient dans le monde des morts , les prtresastronomes remarqurent aussi que le soleil se dplaait d'un point de 1' cliptique* situ juste en dessous de 1' amas brillant des Pliades (marquant le point vernal** ) jusqu' un autre point de l 'cliptique se trouvant juste sous la poitrine du Lion cleste (marquant le solstice d't), dcrivant un arc autour de la constellation d'Orion et de Sirius. L'ide leur vint que, lorsque le dieu-soleil traversait cette partie spciale du ciel - le Dout, comme ils 1' appelaient -, il accomplissait un rituel magique, une sorte de chemin de croix, qui provoquait la renaissance des toiles ainsi que celle du Nil quand, la fin de juin, Sirius reparaissait le matin sur l 'horizon est. Or, ceci correspondait galement avec le jour du solstice d't, o le soleil atteint sa dclinaison*** maximale au nord, jour considr alors logiquement comme le dbut du nouvel an et appel, entre autres, la naissance de R , le dieu-soleil.

    Une mythologie et une religion clestes se dvelopprent autour de ce thme cosmique et nilotique ; chose plus surprenante, vers 2800 avant J.-C., un ambitieux projet vit peu peu le jour : il s'agissait d' abaisser , au sens littral, l 'ordre cosmique pour que le pharaon, fils de R sur terre, pt entreprendre le mme trajet magique dans un Dout terrestre et assurer ainsi une bonne crue l 'gypte. Comme le dit le dicton hermtique : ici-bas comme l-haut. cet effet, d'immenses travaux pan-gnrationnels furent lancs. Ils incluaient la construction de groupes de pyramides toiles sur des sites prdtermins afin de reprsenter Orion et les Pliades ainsi que de grands temples solaires sur les deux rives du Nil. Ils devaient figurer

    * Grand cercle de la sphre cleste dcrit par le soleil dans son mouvement apparent annuel.

    ** Point d'intersection de l'cliptique et de l'quateur cleste, que le soleil franchit l 'quinoxe de printemps.

    *** Distance angulaire d'un astre ou d'un point quelconque du ciel l'quateur cleste, mesure par un arc de grand cercle perpendiculaire l'quateur.

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  • LE CODE MYSTRIEUX DES PYRAMIDES

    la portion de 1 'cliptique sur laquelle le roi-soleil se dplaait dans le Dout, entre l 'quinoxe de printemps et le solstice d't.

    Mais rna nouvelle thorie ne s 'arrte pas l : je tcherai galement de dmontrer que les lents changements cycliques observables dans le paysage cleste (causs par la prcession* et par la particularit du calendrier civil gyptien) durant les trois millnaires de la civilisation pharaonique ont leur reflet dans les modifications qui ont eu lieu sur les mille kilomtres de la valle du Nil, dans l'volution des temples au cours de ces mmes trois mille ans. En d'autres termes, Le Code mystrieux des pyramides se propose, ni plus ni moins, de prouver qu'il existait une sorte d' gypte cosmique dont le spectre apparat dans la gographie de la valle du Nil, du nord au sud ; une gypte autrefois rgule et administre par des prtres-astronomes sous 1' gide d'un roi-soleil, ce durant trois millnaires, et qui peut aujourd'hui encore tre discerne dans la disposition des pyramides et des temples.

    Le Code mystrieux des pyramides, contrairement ce que s'empresseront sans doute d'affirmer les gyptologues, n'est pas un livre new age rgurgitant des spculations et des thories extravagantes et invrifiables : rna thse est entirement vrifiable et, en dfinitive, rfutable si besoin est. En effet, je suis 1' coute des gyptologues et autres rudits dans le domaine de 1' archologie et de 1 'histoire gyptienne, qui souhaiteraient la remettre en cause. Qu' ils ne se laissent pas duper ou dissuader par la facilit de la lecture ou par la concision des arguments ; celles-ci rsultent d'un choix en faveur du grand public qui, au bout du compte, est seul vrai juge de toute ide nouvelle.

    Je veux conclure en ajoutant que, tandis que j 'crivais la version finale de ce livre, au Caire, je faisais souvent de courtes pauses pendant les longues heures passes devant mon ordinateur pour monter sur le toit de notre immeuble et regarder les pyramides. Cette position avantageuse m'offrait une vue parfaitement dgage sur les pyramides de Gizeh, un kilomtre peine. J'avais parfois l ' impression de pouvoir les toucher. Mais

    * Mouvement conique trs lent effectu par l'axe de rotation terrestre autour d'une position moyenne correspondant une direction normale par rapport au plan de l'cliptique.

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  • INTRODUCTION

    mon regard se portait toujours au-del de Gizeh, vers un endroit l'horizon sud o etait visible la silhouette de la premire pyramide btie en gypte, la pyramide degrs de Saqqarah, son profil singulier luisant travers le fin voile de brume. C 'est l qu'a commenc la qute du Code mystrieux des pyramides, un jour o je me tenais avec dsinvolture ct de la reprsentation du roi qui avait construit ce monument trange et dont l 'effigie assise, trs mystrieusement, avait t place de sorte qu'elle regardt ternellement les toiles circumpolaires. Ainsi, je vous invite maintenant me rejoindre ce mme endroit pour reparcourir ma qute du saint-graal des btisseurs des pyramides et des temples de l 'ancienne gypte.

    Si vous voulez bien vous donner la peine de venir rencontrer le pharaon l 'origine de toute cette aventure . . .

  • Saqqarah

    I

    L 'toile la tte du ciel

    Dieu qui seul gouverne, Fabricateur de l'univers, envoya sitr terre ton pre le grand Osiris et la grande desse /sis . . . Ce furent eux qui tablirent sur terre des rites d 'adoration qui correspondent exactement aux saints pouvoirs du ciel. Ce jrent eux qui consacrrent les temples . . .

    Walter Scott (trad.), Hermetica

    Et Dieu organisa le Zodiaque en accord avec les cycles de la nature . . . (et) . . . conut une machine secrte (c'est--dire le systme stellaire) associe au destin infaillible et invitable auquel tout, dans la vie des hommes, de leur naissance leur destruction finale, sera ncessairement soumis et toute autre chose sur terre dpendra galement du fonctionnement de cette machine . . .

    Walter Scott (trad.), Hermetica

    Toutes les dcouvertes ont pour point de dpart la question : pourquoi ? En effet, le besoin de savoir est ce qui nous distingue des autres cratures vivant sur cette plante et, surtout, est l 'origine de toute connaissance. Se demander pourquoi amorce le processus intellectuel et dclenche des recherches qui, si tout fonctionne, conduiront une trouvaille. Une baignoire dborde, le soleil se lve et se couche, une pomme tombe, des vlos imaginaires se rentrent dedans ; parce que des personnes doues se sont demand pourquoi , on en est arriv marcher sur la lune. Se demander pourquoi nous emmnera mme au-del de la lune, au-del de notre systme solaire, de notre galaxie, de nos rves les plus fous et, qui sait, peut-tre un jour jusqu' Dieu. Mon pourquoi et les recherches que j 'ai entreprises en consquence datent d'il y a vingt-cinq ans. Et ma pomme de Newton

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  • LE CODE MYSTRIEUX DES PYRAMIDES

    rn' est, quasi littralement, venue du ciel, avec son alter ego situ dans le dsert qui s 'tend 1' ouest du Caire, en gypte. En 1 994, je prsentai la dcouverte (intihlle thorie de la corrlation d'Orion, ou TCO) issue de ces recherches dans un ouvrage qui devint un best-seller international 1 Il ne devait pourtant pas consommer la fin de cette trange aventure intellectuelle. Une autre pomme pendait toujours fragilement dans mon esprit, attendant patiemment le bon moment pour choir - ce qui se produisit huit ans plus tard, alors que je visitais pour la nime fois le plus vieux complexe pyramidal au monde, Saqqarah. L, pour la nime fois encore, j 'examinai la statue assise du propritaire de la pyramide aux yeux rivs vers le nord du ciel. Cependant, pour des raisons connues des dieux seuls, ce fut la premire fois que je ressentis le besoin de me demander pourquoi. Pourquoi le regard du roi avait-il t tourn vers le ciel septentrional? Ne trouvant pas de rponse satisfaisante parmi les nombreux traits d'gyptologie en ma possession, je dcidai de chercher moi-mme une explication. Mon histoire a donc commenc ici, Saqqarah.

    Ce site se trouve quelque vingt kilomtres au sud de la ville actuelle du Caire. Long de cinq kilomtres et large de deux, il s 'tend telle une station lunaire surraliste, abandonne dans le dsert occidental, l o le Sahara rejoint la verte valle du Nil. C'est, de loin, le plus grand cimetire royal de l'gypte antique. Et c'est l que, cinq mille ans avant notre re, sur ce promontoire poussireux et venteux, une ide puissante a enflamm un peuple pour 1' entraner dans une folie constructrice qui restera sans pareil, dans un lan effrn qui dura prs de cinq sicles. Le rsultat de cette entreprise en apparence irrationnelle est toujours visible : des pyramides gantes parpilles comme des atolls de pierre sur un archipel de sable long de quarante kilomtres. Les gyptologues appellent cette rgion mystrieuse la ncropole de Memphis, en raison de la proximit de la cit du mme nom aujourd'hui disparue. On estime cinquante millions de tonnes la masse de pierre extraite, transporte, trane, dcoupe, taille et souleve par des lgions d'ouvriers trimant comme des btes pendant des gnrations. Et toutes ces manuvres hautement techniques se sont faites sans l 'aide d'outils en fer, sans vhicules roulants ou machines lvatrices, sans mme l 'assistance

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  • Plafond astronomique du tombeau de Senmout.

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  • LE CODE MYSTRIEUX DES PYRAMIDES

    d'une simple poulie. C 'tait, pour reprendre la formule employe par le dfunt Sir L E. S. Edwards, l'poque des Pyramides par excellence .

    La premire qui fut dresse dans la ncropole de Memphis n'tait pas l 'une de ces structures faces lisses comme celles de la fameuse triade de Gizeh, mais un difice six niveaux connu des gyptologues sous le nom de pyramide degrs de Saqqarah. Selon la chronologie admise, elle aurait t construite en 2650 avant J.-C. et aurait appartenu au souverain fondateur de la Ille dynastie appel Djser. Mais on attribue son invention un gnie dnomm Imhotep, architecte-astronome galement grand prtre au temple du soleil d'Hliopolis, le principal centre religieux et intellectuel de l 'poque. Imhotep, vizir du roi Djser, nomma son chef-d'uvre architectural Horus est l 'toile la tte du ciel 2 Pourquoi ce nom cryptique ? Quelle trange fonction cosmique pouvait avoir la pyramide degrs ? Quelle fonction, cosmique ou non ?

    La doctrine orthodoxe veut en substance qu'il s'agisse simplement d'un tombeau, sans doute surdimensionn et trs labor, mais d'un tombeau, ni plus ni moins. Quant la raison de son emplacement, ce serait uniquement parce que le souverain la voulait en vue de son palais de Memphis. Cependant, cette thorie du simple spulcre (et ce n'est l qu'une thorie) ne me satisfaisait pas vraiment depuis toujours. D'une part, elle n 'explique pas pourquoi aucun corps momifi - pas un seul os ou bandage, rien - n'a t retrouv, que ce soit Saqqarah ou dans aucune autre pyramide de la ncropole de Memphis. Et, selon moi, elle ne justifie pas non plus le fait que la pyramide degrs ait t nomme Horus est l 'toile la tte du ciel . Cela ne me parat pas trs commun pour une pitaphe. Il doit y avoir une autre explication tout cela en accord avec les lments que j 'ai sous les yeux et leurs dimensions.

    Commenons par le commencement. Les premires recherches scientifiques entreprises Saqqarah datent du dbut des annes 1 920, avec l 'arrive de deux archologues britanniques, Cecil M. Firth et James E. Quibell, ensuite rejoints par le Franais Jean-Philippe Lauer. Ce dernier avait la qualit rare d'tre la fois architecte et archologue, et il fut tellement envot par la magie et le mystre qui manaient du site qu' il y resta soixante

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  • L'TOILE LA TTE DU CIEL

    annes s 'efforcer amoureusement de lui rendre sa splendeur. La premire chose qui frappe en arrivant au complexe de la pyramide est son imposante faade l'entre. Elle fait partie intgrante de l' immense mur d'enceinte haut de dix mtres qui entourait autrefois tout le complexe. Il s 'tirait sur 550 mtres de long et 220 de large, constituant un magnifique chef-d' uvre d'architecture savante, qui en imposerait mme aux entrepreneurs contemporains. Je reviendrai plus tard sur ce mur extraordinaire, car il reprsente bien plus qu'une simple limite pour le complexe. Ensuite, aprs avoir pass l'entre et travers une galerie flanque de colonnes, vous mergez dans une vaste cour ciel ouvert vous couper le souffle : son extrmit est se dresse la pyramide degrs, haute de soixante mtres, tel un gigantesque tsunami de pierre. cette courte distance, l ' imagination et les sens s 'enflamment. L'difice fut, en fait, construit en plusieurs phases jusqu' atteindre les six niveaux ou degrs que l 'on peut encore observer aujourd'hui. Il tait, l 'origine, recouvert de plaques de calcaire blanc poli qui, hormis quelques-unes victimes des intempries sur les deux premiers niveaux, furent toutes arraches au Moyen ge par les Arabes qui construisaient des mosques et des villas au Caire.

    Pour entrer dans la pyramide, il faut parcourir un conduit inclin creus dans la base de son versant nord. Au bas de ce conduit, environ vingt mtres sous terre, s 'tend un rseau compliqu et trs trange de tunnels, de couloirs, de chambres et de fosses. Un superbe motif d'toiles cinq branches est grav dans le plafond de 1 'une des pices souterraines, rappelant au visiteur que cet endroit tnbreux tait jadis considr comme un lieu cosmique servant d'intermdiaire avec le monde cleste des dieux. Les murs de ce qu'on appelle communment les appartements du souverain sont couverts de reprsentations sculptes du roi en train d'accomplir des rituels relatifs ses jubils, qui devaient probablement tre clbrs ad infinitum dans sa vie aprs la mort. Cette pice donne l ' impression curieuse et trs troublante de dtenir la prsence du souverain -comme s'il subsistait ici, invisible, silencieux, mais indniablement perceptible. Toutefois, si vous voulez voir une reprsentation tangible de l'alter ego du souverain, il vous faudra sortir de 1' difice et vous diriger vers une trange petite pice ressemblant

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  • LE CODE MYSTRIEUX DES PYRAMIDES

    beaucoup la cabine de contrle d'une grue et qui, pendant longtemps, a dconcert les gyptologues et chercheurs quant son sens ou sa fonction.

    Le serdab

    Imaginez un puissant laser point depuis les appartements du souverain vers la face nord de la pyramide degrs. Puis, imaginez ce mme rayon passant travers la tte et les yeux d'une statue du roi assis dans un petit cube de pierre. Connu sous le nom de serdab (qui signifie cave en arabe ancien), cet trange cube a t pour moi la bote noire du complexe funraire de Djser.

    Il fut dcouvert en 1 925 par Firth et Quibell tandis qu' ils dgageaient les dcombres du nord de la pyramide. Ils furent intrigus par sa position : curieusement, il n'tait pas l 'horizontale mais inclin contre la base de l 'difice. Cela n'tait sans doute pas d au tassement ou 1 ' affaissement du terrain, puisque le serdab tait bti directement dans la pierre de la pyramide, la manire d'une lucarne dans un toit en pente. Autrement dit, l ' inclinaison tait dlibre. Mais le plus tonnant tait la prsence de deux trous ronds percs hauteur d'yeux dans la paroi nord. Lorsque Firth et Quibell scrutrent la vue pour la premire fois par ces orifices, ils furent bahis en dcouvrant le regard serein que leur retournait la statue taille humaine du souverain (depuis transfre dans la salle principale du muse du Caire et remplace par une rplique). Quand je reus cette vision mon tour, je ne pus m'enlever l 'ide que le roi ne regardait pas simplement quelque chose 1' extrieur du serdab, mais beaucoup plus loin, dans le bas du ciel 3 Mes connaissances en astronomie me permettaient d'affirmer qu'il ne pouvait s 'agir du soleil ou de la lune, tant donn qu' ils n'occupent jamais cette rgion du ciel. Il ne restait donc qu'une seule autre cible potentielle : une toile. Cette conclusion s'accorde bien avec le nom Horus est 1 ' toile la tte du ciel , attribu la pyramide degrs. En ce qui concerne l ' identit d' Horus , l 'gyptologue amricain Mark

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  • La statue du pharaon Djser dans le serdab oriente de 4 35' l 'est du nord vers l'toile Alkaid, dans la Grande Ourse (Ursa Major),

    qui indique le lever de Sirius l 'est.

    Lehner explique que Djser est le nom donn ce souverain par les visiteurs du Nouvel Empire venus mille ans plus tard sur ce site. Mais le seul nom royal qui apparaisse sur les murs du complexe est le nom d'Horus Netjerykhet 4 Les gyptologues lan Shaw et Paul Nicholson, du British Museum, ont confirm cette thse : Seul le nom d'Horus Netjerykhet a t trouv parmi les inscriptions datant de la III" dynastie en lien avec la pyramide, et c 'est seulement cause des graffitis faits au temps du Nouvel Empire que ce nom a t associ celui de Djser. 5

    Horus tait un dieu cleste trs troitement associ au souverain 6 En effet, cette association tait mme tellement forte que le souverain se voyait attribu non seulement un nom d'Horus,

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  • LE CODE MYSTRIEUX DES PYRAMIDES

    mais galement un titre d'Horus d'or, lors de son couronnement*. En clair, le souverain apparaissait comme l 'incarnation d'Horus sur terre. Ce dieu tait toujours reprsent sous la forme d'un faucon ou d'un homme tte de faucon. Selon le British Museum Dictionary of Ancient Egypt, ses yeux taient interprts comme les signes du soleil et de la lune, et il tait frquemment dcrit dans l 'Ancien Empire (2686-2 1 8 1 avant J.-C.) comme un dieu de 1' orient, et donc du lever de soleil. Il prit sous cette forme le nom d'Horemakhet ("Horus l 'Horizon") et fusionna galement avec R (le dieu-soleil) pour devenir RHorakhty (Horus-de-l 'Horizon) 7 Des gyptologues disent qu'il existe de nombreuses versions de Horus, tels Horus l 'Enfant , Horus l 'Ancien , Horus d'Edfou , Horus de Behdet , Horus Fils d'Osiris , etc. 8 Mais ce serait comme affirmer qu'il y avait diffrentes versions de Jsus parce que les textes mentionnent l 'enfant Jsus , Jsus homme , Jsus Fils de Dieu , Jsus Fils de Joseph , Jsus agneau de Dieu , Jsus le Messie , Jsus de Nazareth , Jsus de Bethlem , etc. L'gyptologue amricain Edmund Meltzer a rcemment mis un terme cette confusion en soutenant de faon convaincante qu'il n'existait qu'un seul Horus, dcrit sous diffrents aspects, ou facettes, de la mme figure divine 9 Je ne peux que partager 1 ' avis de Meltzer dans la mesure o il est bien plus sens. Quoi qu'il en soit, tous les gyptologues conviennent que l 'aspect le plus rpandu d'Horus travers l'histoire de l 'gypte antique est Horus Fils d'Osiris . Et, comme l'ajoute Meltzer, le souverain en vie tait identifi un Horus terrestre, et le souverain dfunt (son pre/prdcesseur) Osiris. Lorsqu'il mourait, le roi devenait Osiris . . . Horus est 1 'hritier/successeur par excellence, l 'exemple mme de la succession lgitime 10

    Autre problme : la plupart des gyptologues insistent sur le fait que le dieu Osiris tait inconnu jusqu' la VIe dynastie, c'est-dire longtemps aprs la construction de la pyramide degrs. Mais cette affirmation a t elle aussi srieusement remise en

    * Depuis Narmer, le roi porte le nom dit d'Horus. II s'agit du premier lment de la titulature pharaonique, du ren ma, le nom authentique par lequel pharaon dfinit sa nature. A partir de Khops, la titulature royale est augmente d'un autre titre, le nom d'Horus d'or, dont l 'interprtation est toutefois incertaine.

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  • L 'TOILE LA TTE DU CIEL

    cause ces dernires annes devant l 'accueil de plus en plus favorable rserv l' ide qu'Osiris existait auparavant sous le titre de Khenty-lmentyou, qui signifie celui qui est la tte des Occidentaux (c'est--dire des dfunts ) 11 Il n'en reste pas moins qu'il faut nous pencher sur un autre aspect d'Horus dans le cas de la pyramide degrs. En effet, nous l 'avons vu, Horus tait un dieu cleste troitement associ au dieu-soleil R, parfois mme fusionn avec lui. Mais, alors, pourquoi la pyramide degrs est-elle identifie une toile et non au soleil ? Osiris tait un dieu stellaire assimil Orion, et sa femme, une desse stellaire associe Canis Major (le chien d'Orion dans la mythologie grecque). Ils taient les parents d'Horus ; aussi serait-il en totale conformit avec le contexte astral que lui aussi ait eu des attributs astraux. En effet, comme l 'affirme l'gyptologue britannique Aidan Dodson, une pyramide servait de tombeau au pharaon, mais le complexe tait galement un temple ddi au dieu Horus, auquel tait identifi le pharaon de son vivant, et Osiris, qu'il incarnait dans le monde des morts 12 Mais une question demeure : ni Orion ni Canis Major ne sont visibles dans le ciel septentrional. Ni maintenant, ni alors : jamais. Ce sont des constellations mridionales apparaissant l'horizon est pour traverser la portion sud du ciel vers l 'ouest. En ancien gyptien, le mot akhet signifie horizon , plus prcisment l'horizon oriental o se lvent le soleil et les toiles. Le mot netjer, par ailleurs, signifie divin ou dieu . Le khet dans Netjerykhet, nom d'Horus de Djser, renverrait un groupe de dieux trs anciens 1 3 Netjerykhet pourrait donc signifier le groupe divin , ce qui, du moins mes yeux, n'a aucun sens. Mais le khet dans Netjerykhet ne pourrait-il tre un phonme (plutt qu'un cryptogramme) voquant l 'ide d' horizon , soit akhet ? Ce nom d'Horus pourrait-il signifier le divin Horus l 'horizon ? Est-ce qu'Horus tait une toile considre comme le fruit de l 'union d'Osiris/Orion et d'Isis/Canis Major ? Dans ce cas, pourquoi la statue de Netjerykhet dans le serdab est-elle tourne vers le nord et non vers l 'est ? Se pourrait-il qu'elle fasse autre chose que regarder la partie infrieure du ciel septentrional ? Mais alors qu'est-ce ? Ainsi assise avec son air autoritaire et les yeux rivs sur le nord du ciel, cette statue donne la forte impression qu'elle contrle quelque chose dans le ciel depuis

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  • LE CODE MYSTRIEUX DES PYRAMIDES

    sa position sur terre. Et, aussi trange que cela puisse paratre aujourd'hui, l ' ide que le souverain ait le pouvoir de contrler l'ordre cosmique depuis une chambre situe l' intrieur de son complexe pyramidal ou attenante lui tait aussi sense pour les anciens gyptiens que l' ide actuelle que le prsident des tatsUnis puisse contrler le monde depuis son bureau ovale de la Maison Blanche. Mais comment les gyptiens imaginaient-ils pouvoir contrler 1' ordre cosmique ? Quelles informations sur ce serdab ou sur d'ventuels autres pourraient nous en dire plus sur cette fonction cosmique ? Autant que j 'avais pu le constater, cependant, il n'existait pas de serdab dans les autres complexes pyramidaux de la ncropole de Memphis ou ailleurs. Le serdab de Djser tait apparemment unique en son genre. On en trouvait bien accols de nombreux tombeaux mastabas - sorte de structures toit plat et aux allures de bunker, considres par nombre d'gyptologues comme les anctres des pyramides degrs -, mais aucun d'entre eux n'tait inclin vers le ciel ou ne prsentait d'orifices ronds sur leur face nord. Pourtant, malgr ces diffrences, on pouvait relever certaines caractristiques communes : une statue de leur propritaire se trouvait systmatiquement l 'intrieur, et celle-ci tait toujours oriente vers le nord.

    En 1 9 1 2, lors de fouilles au sud de la chausse du Sphinx Gizeh, l'archologue allemand Hermann Junker dcouvrit un serdab attenant un mastaba appartenant un dnomm Rawer, dignitaire de la ye dynastie. Par le plus grand des hasards, ce serdab comportait des inscriptions. Le prestige de 1' emplacement et la taille du mastaba menrent Junker la conclusion que Rawer avait t un dignitaire trs important, voire un membre de la famille royale. Et, bien qu'il ne prsentt pas de trous ronds, le serdab tait perc d'une longue fente horizontale dans la paroi nord, qui avait probablement eu le mme usage. En effet, selon l'gyptologue britannique A. M. Blackman, qui a tudi le serdab de Rawer, cette fente symbolisait les yeux du serdab. Et, fait plus que rvlateur, ces yeux taient surmonts de l' inscription maison du k 14

    Les gyptiens croyaient l 'tre humain constitu de diverses entits invisibles, de la mme faon que nous lui attribuons un esprit, une me, un ego, etc. L'une des plus notables de ces

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  • Reprsentation de Sirius et Orion durant le Moyen Empire.

    entits tait le k, gnralement dfini par les gyptologues comme le double ou 1' essence d'une personne - une sorte d'alter ego faisant partie intgrante de la vie de chacun sur terre et aprs la mort. Il tait galement question du ba, souvent dcrit comme l'me , que l 'on imaginait devenir une toile aprs la mort. Nous reviendrons plus tard sur le ba et son rapport avec les toiles. Voici d'abord une dfinition plus prcise et aussi plus

    . significative du k, donne par l 'gyptologue Manchip-White :

    Le k naissait avec une personne et restait du domaine terrestre sa mort. l ' instant de sa mort, le k d'un homme et son corps taient unis. Le k vivait dans le tombeau avec la momie, se nourrissant des offrandes quotidiennes et demeurant dans la statue enferme dans le serdab 15 . L'ide que le k "demeurait" dans la statue du dfunt devient vidente la lecture de ce passage, tir des anciens textes funraires, o le mort dclare : "Que 1' on se rappelle mon k aprs ma mort ; que ma statue demeure et que mon nom perdure . . . " 16

    La statue k dans le serdab devait tre alimente, de la mme faon que la personne laquelle il appartenait avait t nourrie durant sa vie. Les offrandes de nourriture taient, bien sr, symboliques, reprsentes par des dessins sur les murs du tombeau,

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  • LE CODE MYSTRIEUX DES PYRAMIDES

    mme si de la vraie nourriture tait souvent dpose parmi les articles funraires. On distinguait en particulier la cuisse d'un taureau ou d 'un veau. La cuisse - ou plutt une forme similaire celle d'un chariot, comme nous le verrons plus bas - tait appele meskhetiu. Celui-ci tait gnralement port par un prtre qui le prsentait solennellement au k du dfunt. Curieusement, ce mot dcrivait aussi un petit outil coupant en mtal, sorte d'herminette de charpentier, utilis sur la momie au cours de la crmonie dite de l ' ouverture de la bouche . Ce rite consistait ouvrir les mchoires en dcoupant les joues depuis la commissure des lvres, afin de permettre au souffle de vie d'entrer dans le corps du dfunt. Le terme meskhetiu servait galement dsigner une constellation que nous appelons aujourd'hui le Grand Chariot. Elle tait souvent dessine sur les plafonds des tombeaux et sur les couvercles des sarcophages sous la forme d'une cuisse de taureau, parfois entoure de sept toiles. Le trait commun ces trois types de meskhetiu - la cuisse de taureau, 1 'herminette de charpentier et le Grand Chariot - tait clairement la similitude de leurs formes, pareilles celles d'une herminette ou d'un chariot. Je savais que la constellation du Grand Chariot avait toujours t visible dans le ciel septentrional (c'est encore le cas), et qu'elle devait passer chaque jour dans le champ de vision de la statue k situe dans le serdab.

    En parcourant les Textes des Pyramides - des crits sacrs, gravs sur les murs des pyramides royales des ye et VIe dynasties Saqqarah 1 7 -, j 'ai dcouvert un passage particulier qui donne une image assez frappante du souverain mort partageant sa pyramide avec son k. Mais ce qui attira surtout mon attention fut la manire curieuse dont tait dcrite la pyramide : Une chance . . . que cette pyramide et ce temple aient t rigs pour moi et mon k . . . Quiconque posera un doigt sur cette pyramide et ce temple, qui appartiennent moi et mon k, aurait pos son doigt sur la demeure d'Horus dans le ciel . . . 18 Comme vous pouvez l 'imaginer, la description nigmatique de la pyramide en tant que demeure d'Horus dans le ciel rsonnait familirement mes oreilles : la similarit avec le nom Horus est l 'toile la tte du ciel donn la pyramide degrs tait plus qu'tonnante. Ces deux noms indiquaient fortement qu'on avait imagin un

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  • L 'TOILE LA TTE DU CIEL

    double cleste aux pyramides sous forme d'toiles. Ou, inversement, que certaines toiles (dans ce cas prcis, une associe Horus) taient symbolises sur terre par certaines pyramides. Ds 1 977, l 'gyptologue Alexander Badawy avait justement attir l 'attention sur ce lien entre les pyramides et les toiles : Les noms des pyramides de Snfrou, de Khoufou, de Dededfret et de Nebr indiquent des connotations clairement stellaires, tandis que ceux des pyramides de Sahour, Neferirkar et Neferefr dcrivent le destin stellaire du ba (1' me). 19

    Quelques annes plus tard, en 1 98 1 , 1 ' minent gyptologue britannique I. E. S . Edwards s'tait intress cette mystrieuse corrlation entre toiles et pyramides, et il avait relev que les noms de deux pyramides appartenant aux souverains de la rve dynastie, Djdefr et Nebka, Djdefr est une toile sehedou et Nebka est une toile , associent clairement leur propritaire une vie astrale aprs la mort 20 . Plus rcemment, 1' gyptologue Stephen Quirke souleva nouveau la question : [Les noms de] la pyramide degrs de Netjerkhet (Djser) et [du] complexe de Djdefr Abou-Roach sont explicitement stellaires, leur dnomination comprenant dans un cas le mot seba, "toile", et dans l'autre, sehdu, "firmament" ou "ciel toil". l ' inverse, on ne relve pas un seul exemple o le nom de la pyramide fait explicitement rfrence au soleil. 21

    Ces dnominations explicitement stellaires attribues aux pyramides portaient un message clair : les pyramides sur terre doivent tre considres comme des toiles . Si cela tait vrai, les implications devenaient alors stupfiantes, et il convenait de reprendre zro la rflexion sur les raisons qui poussrent les gyptiens de l'Antiquit construire les pyramides. C'tait prcisment ce que j 'avais entrepris partir de 1 983 en tudiant les pyramides de Gizeh. Je savais maintenant que j 'tais sur le point de recommencer pour le complexe funraire de Saqqarah. J'avais en effet l 'intuition trs forte que l' toile que reprsentait sur terre la pyramide degrs n'tait pas une toile ordinaire, mais un astre autrefois jug essentiel au bien-tre de l 'gypte ; un astre que l 'on avait imagin contrler totalement rien moins que, comme le disaient les textes hermtiques, toutes choses sur terre .

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  • LE CODE MYSTRIEUX DES PYRAMIDES

    Chariot, herminette ou cuisse : tout est dans la Grande Ourse

    Le Grand Chariot n'est pas, proprement parler, une constellation. Certains astronomes insistent pour qu'on le qualifie d'astrisme dans la mesure o les sept toiles brillantes qui le constituent font partie d'une plus grande constellation appele Grande Ourse ou Ursa Major. Mais seules ces sept toiles-l, qui voquent distinctement un chariot, ressortent aux yeux de l'observateur de base - et non l 'ensemble de la constellation de la Grande Ourse. D'o, frquemment, l 'emploi abusif du nom de Grande Ourse pour dsigner le Grand Chariot - ce qui, malheureusement, est particulirement vrai chez les gyptologues et a ainsi beaucoup prt confusion. Les anciens gyptiens, comme la plupart des gens, ne percevaient que la figure trace par les sept toiles brillantes, qu' ils comparaient non un chariot mais une cuisse de taureau. Ils l 'appelaient meskhetiu et lui donnaient une place importante dans leurs textes religieux et leurs dessins funraires en rapport avec la destine post mortem des souverains et des nobles. Elle faisait partie, avec Ursa Minor (la Petite Ourse) et Draconis (le Dragon), des trois constellations distinctes qui, dans 1' Antiquit, suivaient un perptuel mouvement circulaire au-dessus du ple nord, telle une roue. Les toiles qui composaient ces ensembles taient baptises les ikhemu-set, c 'est--dire les Imprissables ou les Indestructibles 22 . Les astronomes modernes les appellent toiles circumpolaires en raison de leur perptuel mouvement circulaire au-dessus du ple nord - ce qui fait d'elles une parfaite mtaphore de la vie ternelle , puisqu'elles ne disparaissent jamais du ciel nocturne. Ds 19 12, l'influent gyptologue amricain James H. Breasted crivait : C'est surtout dans ces [toiles] appeles "les Imprissables" que les gyptiens voyaient 1 'hte des morts. Il est dit qu'elles sont situes dans le ciel septentrional ; aussi est-il fort probable qu'il s 'agisse des toiles circumpolaires, qui ne se couchent ou ne disparaissent jamais. 23

    L'opinion de Breasted fait dsormais l'unanimit. L'gyptologue britannique R. T. Rundle Clark ne s'en tint pas l, affirmant qu' aucun autre peuple de l'Antiquit n'a t aussi affect par le

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  • L 'TOILE LA TTE DU CIEL

    circuit ternel des toiles autour d'un point du ciel septentrional. C'est l que doit se trouver le nud de l'univers, le centre de rgulation 24. Dans la mme veine, l'archoastronome E. C. Krupp fit galement remarquer que les gyptiens associaient le Grand Chariot la vie ternelle, car les toiles qui le composent sont circumpolaires. Elles ne mouraient jamais, taient imprissables. sa mort, le souverain montait dans le royaume circumpolaire et, de l, il prservait 1' ordre cosmique 25. L' ide que le souverain prservait 1' ordre cosmique ou 1 'harmonie de 1 'univers en se servant des toiles circumpolaires comme centre de rgulation est fascinante, car elle expliquerait la fonction cosmique de la statue k dans le serdab et pourquoi son regard est ternellement fig sur ces toiles. En ralit, les gyptiens de 1 'Antiquit appelaient 1' ordre cosmique auquel Krupp fait allusion Mat. Celui-ci tait leur principe religieux le plus fondamental et le plus important ; ils le reprsentaient sous la forme d'une desse assise portant une plume d'autruche - la plume de la vrit - sur la tte. Quant aux pharaons, ils figurent souvent dans les peintures en train de tendre aux dieux une petite statuette de Mat, geste de pit et de respect suprmes. On leur attribuait aussi couramment le qualificatif bien-aim de Mat . La desse avait une place notable dans la scne dite du Jugement, o les mes des morts taient peses par rapport la plume de vrit. En fait, il ne serait pas exagr de dire que Mat tait 1' entit religieuse sur laquelle reposait la thocratie pharaonique.

    Les gyptologues la dfinissent gnralement par les mots de vrit, justice et quilibre . Cependant, un examen plus approfondi rvle qu'elle tait aussi intrinsquement lie 1 'harmonie et 1' ordre du cosmos, qui entranaient principalement le mouvement majestueux des toiles et leur rapport au cycle de la nature. Les gyptologues lan Shaw et Paul Nicholson l'expliquent plus en dtail :

    Sur une chelle cosmique, Mat symbolisait galement l'ordre divin de l'univers tel qu'il avait t au moment de la Cration. La croyance lui attribuait le pouvoir de rguler les saisons, le mouvement des toiles et les relations entre les hommes et Dieu. Le concept tait donc

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  • LE CODE MYSTRIEUX DES PYRAMIDES

    essentiel pour les gyptiens aussi bien dans leur reprsentation de l'univers que dans leur code thique. 26

    La position de souverain tait avant tout respecte en raison de la tche gnrale qui lui incombait d'imposer 1 'ordre et de prvenir le chaos. Sa fonction en tant que reprsentant des dieux tait de prserver l 'harmonie originelle de l 'univers. C'est pourquoi une bonne partie de l ' iconographie des temples, des tombeaux et des palais gyptiens s 'intresse davantage cette vise d'ensemble qu'aux dtails de la vie du dirigeant. 27

    D'aprs ces dfinitions, il semble vident que les gyptiens croyaient une force ou une puissance cleste rgulant les mouvements des constellations dans le ciel et le changement des saisons sur terre, et que, d'une manire ou d'une autre, le souverain contrlait cette puissance. Cette croyance voulait galement qu' un moment donn le ciel et la terre n'avaient fait qu'un et avaient rgn en parfaite harmonie. Dans le mythe de la cration dit hliopolitain, la desse du ciel Nout et le dieu de la terre Geb taient au commencement unis dans une treinte passionne, et de leur accouplement naquirent les mes surs et amants archtypaux Osiris et Isis, qui devinrent les premiers souverains divins d'gypte et donnrent naissance au premier roi-Horus. Mais Nout avala ensuite ses enfants pour qu' ils deviennent des toiles dans son corps. la suite de cet acte d'infanticide, elle fut condamne tre spare tout jamais de son poux par la main de son pre Shou, le dieu de 1' air 28 Ciel et terre se trouvaient dsormais dphass : le cycle des toiles dans le ciel et celui de la nature sur terre n'taient plus en adquation. Pour les gyptiens, dont la survie dpendait entirement de la rgularit de la crue du Nil, cela posait un srieux problme. Comme nous le verrons dans le prochain chapitre, la crue annuelle devait tre prvisible et bonne , sinon le peuple et sa terre devenaient sujets au malheur. De cette peur constante naquit la croyance que l'ordre cosmique du ciel, qui tait parfait et auquel on pouvait se fier en toutes circonstances, pouvait tre projet sur terre grce au pouvoir magique des rituels. Seule une adhsion rigoureuse du pharaon Mat pouvait assurer le bien-tre de 1 'gypte et une crue du Nil rgulire et mesure.

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  • La desse Nout (le ciel).

    Il existe des enseignements issus des gyptiens et datant du rer sicle, connus sous le nom de Corpus Hermeticum. Comme nous l 'avons brivement mentionn, ceux-ci expriment les fondements d'un systme de croyances qui voyait une connexion ou une influence mutuelle entre le cycle des toiles et celui des hommes et des choses terrestres :

    Dieu organisa le Zodiaque [les douze constellations saisonnires} en accord avec les cycles de la nature . . . (et). . . conut une machine secrte (c 'est--dire le systme stellaire ) associe au destin infaillible et invitable auquel tout, dans la vie des hommes, de leur naissance leur destruction finale, sera ncessairement soumis ; et toute autre chose sur terre dpendra galement du fonctionnement de cette machine . . . 29

    Je ressassais dans rna tte cette conception archaque du monde lorsque je compris que j 'essayais en fait de pntrer la mentalit des gyptiens avec une dmarche de scientifique. Pour comprendre, je devais me persuader comme eux que les constellations taient les roues d'une machine cosmique capable d'influencer les vnements terrestres. Je devais croire, comme eux, que le souverain et son k pouvaient en contrler le fonctionnement. Enfin, il fallait que je croie, tout comme eux, que le complexe de la pyramide degrs n'tait pas un cimetire mais un centre de rgulation d'o le souverain pouvait contrler le cosmos. C'tait mon seul moyen de comprendre vritablement les anciens gyptiens ainsi que les pyramides et les temples qu' ils avaient laisss.

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  • LE CODE MYSTRIEUX DES PYRAMIDES

    Une autre inscription figurant sur le serdab de Rawer apportait une pice supplmentaire cet trange et complexe puzzle. D'aprs Blackman, il y avait, juste au-dessus de la fente traversant la face nord du serdab, une ligne de hiroglyphes disant simplement : les yeux de la maison-k 30 Cependant, d'aprs les gyptologues, le terme maison-k ne dsignait pas seulement le serdab mais tout le complexe mastaba auquel il tait rattach. Les deux orifices de la face nord du serdab de Djser symbolisaient donc leur tour les yeux de 1' ensemble du complexe de la pyramide degrs. Mes prcdentes recherches m'avaient appris que les pyramides n'avaient pas seulement valeur d'toiles sur terre mais qu'elles taient aussi le pharaon en personne. Il est de nombreuses reprises mentionn dans les Textes des Pyramides que l 'me - ou ba - d'un souverain mort devenait une toile 3 1 Et, comme 1' a fait remarquer Richard Wilkinson, Nout (la desse du ciel) tait devenue inextricablement associe au concept de rsurrection dans les croyances funraires gyptiennes, et 1' on considrait que les dfunts se changeaient en toiles dans le corps de la desse 32

    Cette fascinante connexion stellaire entre le souverain et sa pyramide apparat de faon encore plus vidente au regard d'une srie d'inscriptions et de gravures prsentes sur le pyramidion (la pierre figurant au sommet) d'une pyramide royale de Dahchour ayant appartenu au pharaon de la XIIe dynastie, Amenemhat III. Sur le ct est du pyramidion sont sculpts deux grands yeux et une ligne de hiroglyphes qui signifie : Que le visage du souverain soit ouvert de sorte qu' il puisse voir le Seigneur de l'Horizon en traversant le ciel ; qu'il fasse briller le souverain tel un dieu, seigneur ternel et indestructible. 33 Le nom de la pyramide surmonte de cette pierre tait Amenemhat est beau , ce qui, constat peu surprenant, signifie pour l 'gyptologue Mark Lehner que tout comme les noms des pyramides . . . les yeux (sur le pyramidion) nous indiquent que les pyramides taient des personnifications des souverains morts enterrs en leur sein 34 L'gyptologue amricain Alexander Piankoff, clbre pour sa traduction des Textes des Pyramides d'Ounas (souverain de la ye dynastie qui fit construire une pyramide Saqqarah), a lui aussi crit que le corps embaum du souverain se trouvait dans ou sous la pyramide qui, associe

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  • L 'TOILE LA TTE DU CIEL

    son complexe, reprsentait son corps. Les pyramides taient personnifies . . . . Par ailleurs, Piankoff a dmontr la mme chose grce aux titres adopts par les reines de la VIe dynastie. Il cite pour exemple le titre de la fille du roi Ounas : la fille royale du corps de "Parfaits sont les lieux d'Ounas" , ce nom dsignant la pyramide d'Ounas. Selon Piankoff, le roi dfunt reposait dans ou sous la pyramide comme Osiris dans 1 'audel, et tait aliment selon un rituel labor 35

    Comme nous avons pu le constater, plusieurs pyramides portaient des noms stellaires sans quivoque, comme Djdefr est une toile sehedou , Horus est l 'toile la tte du ciel et Nebka est une toile . Nous avons galement vu comment Alexander Badawy avanait que d'autres pyramides identifies au ba du souverain (son me) devaient tre considres comme stellaires puisque le ba devient une toile dans le firmament. Par simple transposition, si A gale B, et B gale C, alors A doit tre gal C. En d'autres termes, si le souverain devient un astre dans le ciel, et qu' il devient aussi sa pyramide dans la ncropole de Memphis, il en dcoule ncessairement que son toile doit tre assimile sa pyramide, et vice versa. Ce qui conduirait penser que certains groupes de pyramides, comme ceux de Gizeh et d' Abousir, pourraient tre des reprsentations de groupes d'toiles, c 'est--dire de constellations. Mais laissons un instant de ct cette possibilit, et revenons aux deux orifices du serdab de Djser.

    En me penchant plus avant sur le cas du serdab de Djser, j 'eus le plaisir de dcouvrir que nombre d'minents spcialistes avaient tir, chacun de leur ct, plus ou moins les mmes conclusions que moi sur la fonction de ces deux trous. Ainsi, 1' gyptologue franaise Christiane Ziegler avait dduit qu' travers les deux orifices il contemplait les toiles "imprissables", prs du ple nord 36 Bien que celle-ci ne se soit pas risque expliquer pourquoi c 'tait l une caractristique ncessaire du complexe, elle avait nanmoins reconnu une fonction stellaire aux orifices. Mark Lehner lui faisait cho :

    Sur la face nord de sa pyramide degrs de Saqqarah, Djser merge de son tombeau sous la forme d'une statue place dans une sorte de bote, le serdab, perce

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  • LE CODE MYSTRIEUX DES PYRAMIDES

    d'une paire de trous afin qu' il puisse regarder audehors 37 la statue de Djser, aux yeux autrefois incrusts de cristal de roche, contemple le monde extrieur par des trous percs dans le serdab, inclins 1 3 en direction du ciel septentrional o le souverain joignait les toiles circumpolaires . . . 38

    l 'appui de sa conclusion, Lehner cite un passage extrait du Livre des Morts dans lequel le dfunt prononce ces paroles : Pour moi se sont ouvertes les portes du ciel, pour moi se sont ouvertes les portes de la terre ; pour moi se sont ouverts les verrous de Geb, pour moi sont exposs le toit. . . et les trous jumeaux. Aux conclusions de Ziegler et de Lehner s 'ajoutent celles d'un astronome russe de renom, le professeur Alexander Gurshtein, qui a crit que sur la face nord de la pyramide degrs d'Imhotep se trouve un petit cube de pierre inclin et orient vers le nord, avec une paire de trous minuscules dans sa faade, probablement destins permettre au pharaon d'observer les astres 39

    D'aprs mon exprience, il est de bon augure que plusieurs chercheurs tirent les mmes enseignements d'un problme, car la probabilit veut qu' ils soient sur la bonne voie. En effet, il fallait que l 'vidence d'une fonction stellaire du serdab soit reconnue - que ce soit travers les textes ou d'un point de vue astronomique et architectural. Restait dterminer quelles toiles du ciel septentrional en particulier taient dsignes par les trous.

    Et pourquoi.

    L'endroit est marqu d'une croix

    Pour voir le serdab de Djser, il faut longer la face orientale de la pyramide degrs puis tourner gauche. De l, on peut dj en obtenir une vue latrale et mme apercevoir la statue k par une petite fentre vitre, installe dans la partie suprieure de son ct. Une fois face au serdab, vous dcouvrez immdiatement les trous.

    En se mettant dos au mur nord et en fixant 1' endroit du ciel situ dans le prolongement de l 'axe des trous, on peut projeter

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  • L 'TOILE LA TTE DU CIEL

    mentalement une croix. Et, mme en plein jour, il n'est pas trs difficile d'imaginer la constellation du Grand Chariot passer sur cette croix durant son cycle diurne. Par ailleurs, si l'on pouvait dterminer avec prcision l'angle d'inclinaison du serdab et son azimut *, il devenait relativement simple de calculer laquelle des sept toiles brillantes du Grand Chariot se superposait la croix l'poque o le serdab fut construit, vers 2650 avant J.-C. De telles donnes devaient normalement tre assez faciles obtenir dans les manuels et les revues d'gyptologie ; cet exercice s'avra pourtant une entreprise beaucoup plus complique que prvu.

    Trouver 1 'azimut ou 1' orientation de la face nord du serdab tait une tche des plus aises : il suffisait de connatre l'azimut de la face nord de la pyramide degrs laquelle tait accol le serdab. Les dernires tudes sur l'orientation astronomique des pyramides d'gypte taient dues l'gyptologue allemand Josef Dorner, au dbut des annes 1 980. Malheureusement, celui-ci n'avait pas publi ses rsultats ; il les avait simplement runis sous la forme d'une thse dpose l'universit d'Innsbruck. Le hasard avait cependant voulu que le professeur Giulio Magli, de l'cole polytechnique de Milan, que je connais trs bien, ait russi en obtenir un exemplaire ; il me confia avec plaisir les donnes que je recherchais. J'appris ainsi que, selon Dorner, les cts de la pyramide degrs ne correspondent pas exactement aux points cardinaux, la faade nord tant tourne 4 35 ' 1 ' est du nord gographique 40 Dorner - ainsi que d'autres gyptologues - tend attribuer cette dviation plutt importante par rapport au nord gographique une certaine ngligence ou incomptence des gomtres de l'poque. Toutefois, aprs un examen plus minutieux, cette explication ne se dfend pas. Par exemple, il tait bien connu que les anciens gyptiens taient parfaitement capables d'orienter leurs constructions des niveaux de prcision bien suprieurs celui-l. Les pyramides de Gizeh en constituent un exemple vident, ses alignements tant d'une prcision de l'ordre de 20 minutes d'arc. Dans le cas

    * Angle que fait le plan vertical passant par un point donn avec le plan mridien du lieu considr, compt dans le sens des aiguilles d'une montre partir du sud.

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  • LE CODE MYSTRIEUX DES PYRAMIDES

    de la Grande Pyramide, 1 ' cart par rapport au nord gographique est mme infrieur 3 minutes (0,05), soit une prcision presque cent fois suprieure aux 275 minutes (4 35 ') d'cart pour la pyramide degrs ! Rien ne laisse penser que les gomtres de la pyramide degrs aient t moins comptents que leurs successeurs immdiats, ou qu'ils aient utilis du matriel et des mthodes diffrents. En effet, l 'erreur d'alignement pour les mastabas construits avant la pyramide degrs est bien infrieure 1 . De plus, n'importe quel gomtre confirmera qu'une imprcision est envisageable jusqu' 1 , mais qu'une dviation de 4 35' est bien trop importante pour tre le rsultat d'un manque d'exactitude. Mme le plus inexpriment des gomtres, muni du plus rudimentaire des instruments de mesure, ne se tromperait pas autant. Il reste donc deux explications plausibles : soit les gomtres ne s'intressaient pas au nord gographique, soit, ce qui me semble plus probable, ils s 'alignaient sur quelque chose situ dans le ciel 4 35 ' l 'est du nord gographique. J'avais le sentiment que la seconde possibilit tait la bonne. L'exprience a montr de nombreuses reprises que rien n'a t laiss au hasard dans la construction des pyramides.

    J'en tais ce stade de mes rflexions lorsque je me suis rappel - et je me serais gifl de ne pas y avoir pens plus tt -une crmonie trs importante et trs ancienne en rapport avec 1 ' orientation astronomique des temples et des pyramides. De plus en plus excit, je me suis rendu compte que la pice manquant ce puzzle pouvait bien se trouver entre les mains d'une lgante dame gomtre trs atypique.

    La Dame des toiles

    Depuis le dbut de ce que nous savons de leur histoire, les gyptiens ont pratiqu une crmonie religieuse dite de l'allongement de la corde pour dterminer 1 'alignement des axes de leurs monuments sacrs. Cette clbration mettait en scne le souverain ainsi qu'une belle prtresse qui incarnait la desse Sshat. Celle-ci tait l'rudite parmi les nombreuses desses de

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  • L 'TOILE ,4 LA TTE DU CIEL

    l 'gypte antique. Certains la considrent mme comme l 'archtype des femmes bibliothcaires et ingnieurs civils. Grande, mince, trs sduisante, elle tait adore et vnre par les scribes royaux de la Maison de la Vie (bibliothque du temple), car elle tait entre autres la protectrice des crits sacrs, ainsi que la gardienne des annales royales relatives aux couronnements et aux jubils des rois 4 1 . Elle remplissait galement un rle plus technique qui consistait aider le souverain tablir 1' emplacement des quatre coins de ses futurs temples et pyramides, en alignant ceux-ci par rapport aux toiles. Nanmoins, les livres d'gyptologie voquent rarement cette desse. Par exemple, Mark Lehner ne lui prte aucune attention dans son rcent ouvrage intitul The Complete Pyramids, et Richard H. Wilkinson y fait tout juste allusion dans son dernier livre, The Complete Gods and Goddesses of Ancient Egypt42 D'autres gyptologues ont choisi soit d'ignorer Sshat, l ' instar de Lehner43, soit d'voquer peine son existence comme si elle tait insignifiante dans la mythologie. Et, mme dans les rares cas o il en est plus srieusement question, elle est gnralement prsente comme une ravissante idiote assistant le roi dans le rite de 1' allongement de la corde seule fin de donner du crmonial et du piquant au numro. Ce constat est videmment bien malheureux ; car, pour dire la vrit, comme l'a fait un gyptologue dans les annes 40, cette desse insaisissable donne l' impression de ne pas avoir t qu'une simple jolie femme au panthon gyptien, mais un tre trs puissant qui dcidait de la dure du rgne du souverain et, selon au moins un minent gyptologue, probablement de celle de sa vie 44.

    Quoi qu'il en soit, la desse Sshat est toujours reprsente vtue d'une peau de lopard lui moulant le corps. Comme le voulait la mode, sa robe est dcollete pour rvler sa poitrine rebondie. Les taches jaunes de la peau du lopard ont parfois la forme d'toiles, ce qui symboliserait la capacit du lopard et de Sshat voir dans 1 ' obscurit 45. Elle porte sur la tte un diadme dor, surmont d'une sorte d'antenne se terminant par une toile sept branches ou une rosace. Au panthon, elle est prsente comme la femme de Thot, dieu du savoir et inventeur des hiroglyphes sacrs et des sciences, en particulier de l'astronomie.

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  • LE CODE MYSTRIEUX DES PYRAMIDES

    Chose peu surprenante, elle est l'objet de toute une srie de qualificatifs en accord avec cette parent privilgie : Celle qui dirige la Maison des Livres , Matresse de l 'criture dans la Maison de Vie , Gardienne des Annales Royales , etc. 46 Sshat et Thot apparaissent trs souvent ensemble en train de rpertorier les jubils ou les couronnements des rois sur des branches de palmier stries. Cette responsabilit fait d'eux les gardiens du temps divins ou les astronomes par excellence qui consignaient le cycle annuel du ciel et le calendrier. La chercheuse franaise Anne-Sophie Bomhard, une autorit sur le calendrier gyptien antique, s'est prononce sur ce point :

    Le reprage du cycle annuel et sa dfinition, la connexion des phnomnes clestes et terrestres, sont les prliminaires la cration d'un calendrier. La dmarche implique de longues observations pralables du ciel et des astres et le report par crit des donnes pour permettre les vrifications long terme. Il est donc tout naturel que les divinits tutlaires du Temps et du Calendrier soient Tht, dieu de la Science et de la Lune, et Schat, desse des crits et des Annales. 47

    tant l'une des divinits tutlaires du Temps et du Calendrier mais aussi la consignatrice des annales du roi, Sshat avait la charge de calculer les dates des jubils sur le long terme. cet gard, l'gyptologue britannique sir Wallis Budge a attir l'attention sur un lment de relief datant du Nouvel Empire o la desse apparat :

    . . . debout devant une colonne de hiroglyphes signifiant "vie", "pouvoir" et "ftes trentenaires", laquelle repose sur un personnage assis qui tient dans chaque main "vie" et qui incarne "des millions d'annes". ce propos, on peut relever l 'extrait d'un texte dans lequel elle dclare un roi avoir inscrit dans ses registres, en sa faveur, une dure de vie qui devrait tre de "centaines de milliers de priodes trentenaires" et avoir dcrt que ses annes sur terre soient comme celles de R (le dieu-soleil), c'est--dire qu' il vive ternellement. 48

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  • L 'TOILE LA TTE DU CIEL

    Les gyptologues s'accordent gnralement pour dire que le premier jubil du roi (ou fte heb-sed, comme on 1' appelait alors) tait clbr dans la trentime anne de son rgne. Certains considrent toutefois que la priode de trente ans tait calendaire, c'est--dire que le cycle de trentaines tait indpendant de la dure de rgne du souverain. Il parat en tout cas vident, d'aprs le texte cit par Budge, que l 'expression ftes trentenaires est un euphmisme pour les jubils royaux. De mme, les priodes trentenaires mentionnes en vis--vis des [annes] de R semblent dmontrer que les calculs de cette priode taient faits par rapport au soleil ou plutt son cycle annuel, et donc, par extension, au calendrier solaire. Une telle association entre le ciel et les fonctions royales de Sshat apparat galement de manire flagrante au cours de la crmonie de l 'allongement de la corde dans la mesure o celle-ci, comme nous le verrons, consistait entre autres observer les toiles circumpolaires et leurs mouvements. Ce dernier rle valait Sshat d'tre baptise Dame des Btisseurs , Desse de la Construction , Fondatrice de l'Architecture et, sans doute plus juste titre, Dame des toiles . En bref : on peut considrer Sshat comme la bibliothcaire du roi, son scribe, son astronome, son architecte, son ingnieur, son hraut et peut-tre mme sa conseillre, tout cela en une seule personne 49 - une sorte de Condoleeza Rice des pharaons.

    Il est tabli de longue date que la crmonie de l 'allongement de la corde tait pratique depuis la ne dynastie (vers 2900 avant J.-C.) au moins. L'gyptologue George Hart explique : Ds la ne dynastie, elle [Sshat] aidait le monarque . . . planter des piquets dans le sol pour la crmonie de "l'allongement de la corde". C'tait une tape cruciale du rituel de fondation d'un temple. 50 vrai dire, la plupart de nos connaissances sur la crmonie de 1 ' allongement de la corde nous viennent d'inscriptions trs tardives trouves principalement aux temples d'Edfou et de Dendrah. Les seuls tmoignages antrieurs sur ce rituel se prsentent sous forme de dessins, sans aucune lgende explicative. Nanmoins, comme le soutint juste titre I. E. S . Edwards :

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  • LE CODE MYSTRIEUX DES PYRAMIDES

    Malgr le caractre relativement rcent des inscriptions concernant les pisodes des crmonies de fondations, il n'y a pas de raison de douter qu'il s'agisse d'une tradition ancienne. Il existe d'ailleurs des indications sur 1 ' existence de crmonies similaires 1' poque des Pyramides : on a dcouvert un morceau de relief dans le temple solaire du souverain Niouserr de la ye dynastie o apparaissent le roi et une prtresse personnifiant Sshat tenant chacun un maillet et un piquet auquel est attach un cordeau de mesure. Cette scne correspond parfaitement au texte du temple d'Edfou o le roi dclare : "Je prends le piquet et je tiens le manche du maillet. Je tiens la corde avec Sshat.. ." 5 1

    Dans les nombreuses reprsentations de cette crmonie trouves travers l 'gypte, Sshat apparat toujours face au souverain, et tous deux ont un piquet dans une main et un maillet dans l'autre. Une petite corde relie les deux piquets, et il est vident que les protagonistes dterminent ainsi l'axe d'un temple ou d'une pyramide : ils tendent la corde et l'alignent avec un objet lointain, puis la fixent dans cette position en plantant les deux pieux dans le sol. Voici quelques-unes des inscriptions visibles aux temples d'Edfou et de Dendrah qui dcrivent le droulement du rituel :

    [Le roi dit :] Je tiens le piquet. Je saisis le manche du maillet et je tends le cordeau de mesure avec Sshat. Je me tourne en direction du mouvement des toiles. Je dirige mon regard vers la cuisse du taureau [ meskhetiu : le Grand Chariot] . .. Je fixe les coins du temple . . . 52

    [Un prtre dit :] Le roi tire joyeusement le cordeau, la tte tourne vers la cuisse du taureau, et tablit le temple la manire des temps anciens. 53

    [Le roi dit : ] Je m 'empare du piquet et du maillet ; j 'tends la corde avec Sshat ; j 'ai observ la trajectoire des toiles avec mon il qui est fix sur la cuisse du taureau ; j 'ai t le dieu qui indique le Temps avec

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  • L 'TOILE LA TTE DU CIEL

    l 'instrument de Merkhet. J'ai tabli les quatre coins du temple. 54

    [Un prtre dit :] Le roi . . . tandis qu 'il observe le ciel et les toiles, tourne son regard vers la cuisse du taureau . . . 55

    Rcemment, l'gyptologue Kate Spence, de l'universit de Cambridge, a propos une mthode autre que 1 'allongement de la corde qu'auraient pu employer les btisseurs de pyramides et qu'elle a surnomme la mthode du transit simultan 56 Sa thorie a veill un grand intrt dans la presse internationale ; d'une part, parce qu'elle a d'abord paru sous forme d'article dans la prestigieuse revue scientifique Nature, et, d'autre part, en raison du soutien immdiat que Kate Spence reut de la part d'minents spcialistes, tels l'astronome Owen Gingerich, de Harvard et l 'gyptologue Betsy Bryan, de la Johns Hopkins University 57

    Selon elle, les gomtres de l'gypte ancienne ne dterminaient pas l 'axe des difices d'aprs la position d'une seule toile, mais en fonction du lieu de transit simultan de deux toiles circumpolaires, utilisant un simple fil plomb fix un cadre en bois rudimentaire, et une bougie pour voir dans l'obscurit. J'ai dj comment la thorie de Kate Spence en dtail, aussi je ne tiens pas me rpter ici 58 Mais, en bref, je m'opposais sa thse pour la simple raison qu'elle exigeait des gyptiens qu'ils prennent leurs mesures lorsque les toiles se trouvaient parfaitement alignes verticalement, ce qui, au mieux, durait une vingtaine de secondes deux occasions quotidiennes (avant qu'elles se dsalignent en raison de leur lent dplacement diurne). Sachant que les Anciens n'avaient pas d'instruments optiques et que 1 ' opration ne pouvait s'effectuer que dans 1' obscurit totale, les astronomes gyptiens n'ont mon avis pas pu atteindre par ce procd un degr de prcision tel qu'on peut l'observer dans l'orientation de la Grande Pyramide. En d'autres termes, la mthode de Kate Spence fonctionne en thorie mais pas en pratique. Quoi qu'il en soit, je tiens seulement ici attirer l'attention sur l'une des deux toiles vises d'aprs elle par les anciens gomtres : Mizar, dans le Grand Chariot (l'autre tait

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  • LE CODE MYSTRIEUX DES PYRAMIDES

    Kochab dans la Petite Ourse, ou Ursa Minor). Bien que sa mthode ne soit pas valable, il reste que Kate Spence s'est intresse la bonne constellation. Seulement, il ne lui est pas venu 1 ' ide de reconsidrer sa principale hypothse, savoir que les btisseurs des pyramides se sont toujours efforcs d'orienter leurs difices vers le nord gographique. Il faut toutefois lui rendre justice, car personne d'autre n'a remis en cause cette supposition. Aussi ne voit-elle qu'une seule et unique raison lorsqu'un axe n'est pas align sur le nord gographique : la drive progressive des astres, due la prcession ; ce qui - s'vertuet-elle prouver coups de dmonstrations mathmatiques -correspond plus ou moins au mauvais alignement des pyramides. Kate Spence est si convaincue de la vracit de sa thorie qu'elle (comme nombre de ses partisans) y voit une preuve irrfutable du pitre talent d'astronomes des anciens gyptiens, qui n'ont prtendument pas relev 1' effet de la prcession, contrairement aux Grecs des sicles plus tard. En consquence, elle juge que 1' alignement astronomique quasi exact de la Grande Pyramide est simplement d au fait que Khops a eu de la chance 59

    Qu'une gyptologue pratique ce genre de gymnastique mentale pour que les faits concordent avec son hypothse ne cesse de rn' pater. Quiconque a tudi la Grande Pyramide et s 'est merveill d'un si parfait exemple des capacits techniques des Anciens ne peut attribuer la chance la prcision de son positionnement. Il va de soi que la Grande Pyramide a t oriente avec exactitude parce que ses constructeurs l'ont voulu ainsi. Mais un lment dans la conclusion de Kate Spence me laissait songeur : le vritable point de rfrence des btisseurs de l'difice. S 'agissait-il vraiment du nord gographique, ou plutt des toiles ? Peut-tre que la chance entrait en ligne de compte, mais pas en faveur de Khops. Peut-tre que c'est le nord gographique qui avait eu de la chance parce que les toiles s'y taient trouves au moment o les gomtres avaient fait leurs mesures ? Je me rendis d'ailleurs compte que, ma connaissance, absolument rien dans les Textes des Pyramides ou ailleurs ne suggre que le nord gographique ait eu une signification particulire aux yeux des gyptiens. En revanche, on trouve un nombre incalculable d'exemples dans les Textes des Pyramides qui

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  • L 'TOILE LA TTE DU CIEL

    confirment que les toiles circumpolaires taient d'une importance capitale pour la vie du souverain dans l'au-del. L 'intrt des gyptiens se portait non sur le nord en soi, mais sur les toiles s'y trouvant. Et, bien qu'on puisse concder Kate Spence le fait que les toiles circumpolaires passent par le nord gographique deux fois par jour, le phnomne ne dure que quelques secondes. Durant le reste des vingt-quatre heures, ces astres se situent toujours l'est ou l'ouest de l'axe du ple. Serait-ce l la raison pour laquelle la majeure partie des pyramides a t oriente vers un point lgrement 1 ' est ou 1' ouest du nord gographique, 1 ' exception de la Grande Pyramide ? Mais, si c'est le cas, qu'est-ce qui dterminait le moment exact de la prise de mesures - et, par consquent, la position de l'astre vis ? Les gyptologues lan Shaw et Paul Nicholson ont donn par inadvertance une bauche de rponse cette dernire question : ils ont fait remarquer que les mesures prises durant la crmonie de l'allongement de la corde n'taient pas seulement fondes sur la position des toiles du Grand Chariot au nord, mais parfois galement sur celle des toiles d'Orion au sud 60 Naturellement, cette hypothse a attir tout de suite mon attention, car j 'tais bien plac pour savoir qu'Orion avait jou un rle particulier dans la religion cleste des btisseurs de pyramides 6 1 Je compris soudain que la rponse se trouvait sous mon nez. Je savais pourquoi la Grande Pyramide tait si parfaitement aligne sur le nord gographique, et, plus encore, j 'avais le sentiment trs fort que le mauvais alignement significatif de la pyramide degrs se justifiait par la mme raison 62

    Orion et moi

    Ce serait un euphmisme de dire que je me suis beaucoup intress Orion et la Grande Pyramide. Cependant, pour tre tout fait honnte, ce n'est qu'assez tard dans ma vie que cet intrt m'est venu, vers l 'ge de trente-cinq ans. Lorsque j 'ai quitt mon gypte natale pour l'Angleterre en 1 967, je n'avais que dix-neuf ans. Mme pas dans mes rves les plus fous, je n'aurais imagin que j 'crirais un jour un best-seller sur Orion

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  • LE CODE MYSTRIEUX DES PYRAMIDES

    et la Grande Pyramide. En effet, aprs avoir obtenu mon diplme la South Bank University de Londres, j 'ai men une carrire d'entrepreneur en btiment au Moyen-Orient et en Afrique, oublieux de toute recherche sur l 'astronomie et la Grande Pyramide. Ce fut en Arabie Saoudite que je fis un rapprochement tonnant et inattendu entre Orion et les pyramides de Gizeh, qui devait changer le cours de ma vie. Une nuit, je regardais les trois toiles de la ceinture d'Orion dans le ciel dgag du dsert quand je fus frapp de constater que celles-ci taient disposes entre elles et par rapport la Voie lacte exactement de la mme manire que 1 'taient les trois pyramides de Gizeh entre elles et par rapport au Nil.

    Cette trange corrlation commena m'intriguer, d'autant plus que je dcouvris que, pour les rois de l'poque des Pyramides, la rgion d'Orion appartenait au monde cleste des dfunts, le Dout 63 J'appris galement que deux universitaires de l'U.C.L.A. avaient calcul en 1 964 qu'un conduit se trouvant dans la Grande Pyramide avait t orient vers la ceinture d'Orion en 2500 avant J.-C., soit au moment de sa construction. Il m'a fallu douze ans pour rassembler mes recherches au sein d'un livre, publi en 1 994 Londres. Sa sortie tant accompagne d'un documentaire sur la BBC, le livre devint le numro 1 des ventes 64 J'avais alors expos un point qui me parat pertinent dans le cas prsent : l'aide de deux illustrations du Grand Chariot et d'Orion, j 'avais dmontr que le passage du Grand Chariot au mridien se produisait au nord exactement au mme moment que la ceinture d'Orion se levait l 'est. J'en avais conclu que les anciens gomtres avaient orient la Grande Pyramide vers une toile du Grand Chariot non parce qu'elle se trouvait au nord gographique (mme si, de fait, elle y tait ce moment-l), mais parce qu'elle pourrait servir d'indicateur temporel permettant de dterminer prcisment quand la ceinture d'Orion se lverait l 'est. Ce qui les intressait vritablement n'tait pas le ciel septentrional en soi, mais le mcanisme des toiles circumpolaires indiquant le lever de la ceinture d'Orion l 'est. Autrement dit, le lever de la ceinture d'Orion l 'est tait l 'objet de leur attention lorsqu'ils avaient align la pyramide sur Kochab ou Mizar (ou les deux, selon la thorie de Kate Spence)

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  • L 'TOILE LA TTE DU CIEL

    durant leur passage au nord. Aussi la lgre erreur d'alignement constate dans 1 'orientation de la Grande Pyramide n'tait pas, comme l'avait cru cette dernire, due au mauvais alignement vertical de ces deux toiles septentrionales au moment de leur transit simultan , mais plutt au fait que c'tait l'orientation voulue par les prtres pour que la structure reste tout jamais fige dans ce moment (vers 2500 avant J.-C.) o la ceinture d'Orion se levait (et donc renaissait ) l'est. De cette manire, la Grande Pyramide se trouvait ternellement lie la renaissance de Khops - devenant une sorte d'entit Osiris/ Orion - par le biais du mcanisme stellaire. J'avais dsormais le fort pressentiment que ce raisonnement se rvlerait valable dans le cas du mauvais alignement de la pyramide degrs de Saqqarah. Autrement dit, le lever d'un astre l 'est pouvait-il tre la cause des 4 35 ' d' erreur d'alignement de la pyramide degrs ?

    Comme nous l'avons vu, on estime environ 2650 avant J.-C. la date de construction de la pyramide degrs, bien que la plupart des chercheurs s'accordent une marge d'incertitude de plus ou moins cent cinquante ans. Je connaissais l'orientation de l' difice d'aprs les donnes de Dorner. Il me fallait maintenant savoir quel tait l'angle exact d'inclinaison du serdab, ce qui me permettrait de dterminer quelle toile du Grand Chariot regardait la statue. Dans son dernier ouvrage sur les pyramides, Mark Lehner estimait cet angle 13 65 J'aurais pris cette dclaration au pied de la lettre si je ne m'tais aperu qu'une grande confusion rgnait sur cette mesure. Jean-Philippe Lauer, considr par beaucoup comme 1 'autorit suprme concernant la pyramide degrs, indiqu