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Bazàn, Wippel, Fransen et Jacquart. Les Question Disputées Et Les Questions Quodlibétiques Dans Les Facultés de Théologie, De Droit Et de Médecine

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Typologie des sources du Moyen Âge Occidental. B.C. Bazàn, J.W. Wippel, G. Fransen, D. Jacquart.Les question disputées et les questions quodlibétiques dans les facultés de Théologie, de Droit et de Médecine, 1985. 318 p.

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Page 1: Bazàn, Wippel, Fransen et Jacquart. Les Question Disputées Et Les Questions Quodlibétiques Dans Les Facultés de Théologie, De Droit Et de Médecine

TYPOLOGIE DES SOURCESDU MOYEN ÂGE OCCIDENTAL

DIRECTEUR: L. GENICOT

Fase. 44-45

A-I1I,l*; A-V, C,6* et D,2*

LES QUESTIONS DISPUTÉESET

LES QUESTIONS QUODLIBÉTIQUESDANS LES FACULTÉS

DE THÉOLOGIE,DE DROIT ET DE MÉDECINE

CHARGfm DE RECHERCHESAU C.N.R.S. (PARIS)

PAR

PROFESSEUR À L'UNIVERSITf:CATHOLIQUE DE LOUVAIN

JOHN W. WIPPELBERNARDO C. BAZÀNPROFESSOR, OTT AW A UNIVERSITY PROFESSOR, CATHOLIC UNIVERSITY

OF AMERICA

GÉRARD FRANSEN DANIELLE JACQUART

BREPOLSTURNHOUT - BELGIUM

1985

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I)U MOYI'N (ti' O( (IJ)I'N I 1.'/

Tout problêrne historique est éclairé par des sources de divers types et lechercheur est rigoureusement tenu de les interroger toutes. Mais, s'il veut nepas se fourvoyer dans leur exploitation, il ne peut se contente r des principesgénéraux de Ia critique. li doit connaitre les caractêres spécifiques de chaquegenre. li a besoin d'un guide qui en définisse les traits et les rêgles d'inter-prétation: bref, il a besoin d'une typologie des sources médiévales.

Objet et but

La Typologie, telle qu'on l'entend ici, doit établir Ia nature propre de chaque genrede sources (Gattungsgeschichte) et arrêter les rêgles spéciales de critique valablespour chacun.

Elle classe d'abord les sources selon leur genre, décrit les caractêres propresà chacun, retrace son origine et son évolution, dans Ia stricte mesure ou cesdonnées ont une répercussion sur Ia maniêre dont l'historien doit utiliser lessources pour en dégager toute Ia réalité qu'elles refíêtent et rien que cette réalité.

Elle formule ensuite les rêgles spéciales de critique historique permettant àl'historien d'exploiter de maniêre correcte et exhaustive les sources dont ildispose pour reconstituer le passé sous toutes ses formes: événements, institutions,économie, structures sociales, mentalité, idées, activité désintéressée.

li suit de cette définition que Ia Typologie se bomera au genre, sans pousserjusqu 'au document individuel (sauf à titre d'exemple); elle formulera des méthodes,mais n'alignera pas des faits. Par exemple, elle fixera les traits de Ia chroniquemonastique, elle ne présentera pas chaque chronique et n'analysera le contenud'aucune.

li ne s'agit pas non plus de répéter ce que les traités et manuels de critiquehistorique ont déjà établi, mais de les compléter soit par l'apport d'un point devue nouveau, soit par Ia formulation de rêgles spéciales de critique, découlantde caractêres jusqu'ici plus ou moins négligés.

Limites

Comme celles de n'importe quel travail historique, les limites de Ia Typologieprêtent à discussion. Elles ont été choisies dans le souci de ne pas étendredémesurément des horizons qu'il faut de toute façon ouvrir largement. Chro-nologiquement, on a retenu les dates de 500 et 1500. Géographiquement, on s'estborné à I'Occident latin et à l'Espagne arabe ainsi qu'aux documents produitssur leur sol.

TYPOLOGIE DES SOURCES

DU MOYEN ÂGE OCCIDENTAL

A-III,1*; A-V, C,6* et D,2*

LES QUESTIONS DISPUTÉESET

LES QUESTIONS QUODLIBÉTIQUESDANS LES FACULTÉS DE THÉOLOGIE, DE DROIT ET DE MÉDECIN

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UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN

INSTITUT D'ÉTUDES MÉDIÉVALES

Collêge Erasme

Plaee Blaise Paseal, 1

1348 LOUVAIN-LA-NEUVE (Belgique)

Conformément à Ia rêgle établie par /'Institut d'Etudes Médiévales, lemanuscrit du présent fascicule a été soumis à un comité de lecture composéde MM. le chanoine F. Van Steenberghen, professeur émérite à I'Universitécatholique de Louvain, G. Beaujouan, Directeur d'études à I'École pratiquedes Hautes Études de Paris, du R.P. R. Macken, Professeur à Ia KatholiekeUniversiteit Leuven, et de MM. L. Genicot et R. Bultot, respectivementDirecteur et Secrétaire de Ia Typologie.Les auteurs ont eu connaissance des textes les uns des autres et ont exercéentre eux une critique constructive parallêle à celle dévolue au comité delecture.

OUR SOCIDENTAL

DIRECTEUR: L. GENICOT

Fase. 44-45

A-III,1*; A-V, C,6* et D,2*

S QUESTIONS DISPUTÉESET

IJ QUESTIONS QUODLIBÉTIQUESDANS LES FACULTÉS

DE THÉOLOGIE,DE DROIT ET DE MÉDECINE

PAR

BII C. BAZÀN

CHARGtm DE RECHERCHESAU C.N.R.S. (PARIS)

RI JOHN W. WIPPEL1'."11 OR. TTAWA UNIVERSITY PROFESSOR, CATHOLlC UNIVERSITY

OF AMERICA

, RARO FRANSEN DANIELLE JACQUARTI'MOII ~~I UIl À L'UNIVERSlTe! AIIIOIIQ DE LOUVAIN

BREPOLSTURNHOUT - BELGIUM

19 5

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© Brepols 1985

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TABLE DES MATIERES

A VERTISSEMENT . 11

PREMIERE PARTIE

LES QUESTIONS DISPUTÉES, PRINCIPALEMENT DANSLES FACULTÉS DE THÉOLOGIE (par B.C. BAZÀN)

BIBLIOGRAPHIE 15

CHAPITRE I: DÉFINITION ou GENRE 21

CHAPITRE 11: ÉVOLUTION ou GENRE1. LES ORIGINES

A) De Ia "lectio" à Ia "quaestio"B) De Ia "quaestio" à Ia "disputatio"

2. LA "DISPUTATIO" EN MILIEU UNIVERSITAIRE .

2525253140

CHAPITRE III: LES ESPECES ou GENRE 491. LES ACTES ou MAITRE . 50

A) La "quaestio disputata' . 501°) L'auteur et Ies acteurs à Ia Faculté de ThéoIogie 502°) Modalités de travail . 58

a) Technique et déroulement de Ia séance 58b) Fréquence et calendrier . 70c) L'unité de dispute (contenu ou matiêre d'une dispute) 76

B) La dispute à Ia Faculté des Arts 85C) La "quaestio disputata' à Ia Faculté de Droit

et à Ia Faculté de Médecine 902. LA DISPUTE, EXERCICE SCOLAIRE ET ÉPREUVE

OE COMPÉTENCE PROFESSIONNELLE 92A) Les disputes à Ia Faculté des Arts . 93

10) Les disputes des écoIiers 932°) Les "determinationes" des bacheliers 943°) Les épreuves pour Ia licence . 97

B) Les disputes à Ia Faculté de Théologie 991°) Le bachelier biblique: Ia quaestio temptativa 992°) Le bachelier sententiaire et Ia quaestio collativa 102

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TABLE DES MATIERES

3°) Le bachelier formé et Ia sorbonique4°) L'examen de licence .5°) La maitrise : vespéries, aulique, resumpta

a) Les vespériesb) L'aulique (ou aula)c) La resumpta

105109112112117120

CHAPITRE IV: REGLES DE CRITIQUE PROPRES AU GENRE1. L'AUTEUR.

2. LA NATURE DU TEXTE .3. L'ÉTAT DES TEXTES .4. LA DATE D'UNE QUESTION DISPUTÉE5. LA LANGUE· .6. LA LIBERTÉ DE L'AUTEUR .

123123126129136139141

CHAPITRE V: RAYONNEMENT DE LA "QUAESTIO DISPUTATA" 145

CHAPITRE VI: DOMAINES DE L'HISTOIRE QUE LE GENRE AIDE À

CONNAITRE 148

PART TWO

QUODLIBETAL QUESTIONS,CHIEFLY IN THEOLOGY FACULTIES

(by J.F. WIPPEL)

BIBLIOGRAPHY 153

CHAPTER I: DEFINITION OF THE QUODLIBETAL QUESTION 1571. THAT WHICH THE QUODLIBET HAS IN COMMON WITH OTHER

DISPUTED QUESTIONS . 1582. THAT WHICH DISTINGuiSHES THE QUODLIBET FROM OTHER

DISPUTED QUESTIONS . 1653. PRACTICAL RULES FOR DISTINGUISHING SURVIVING QUODLI-

BET FROM OTHER SURVIVING DISPUTED QUESTIONS 172

TABLE DES MATIERES 7

HAPTER 11: EVOLUTION OF THE QUODLIBETAL QUESTION IN THEOLOGYFACULTIES . 176

CHAPTER III: RULES OF CRITICISM FOR QUODLIBETAL QUESTIONS 1831. AUTHORSHIP . 1832. WRITTEN VERSIONS 1873. DATING 1924. LINGUISTIC FORMULAE 1955. THE AUTHOR'S FREEDOM 199

CHAPTER IV: CIRCULATION AND DEVELOPMENT OF THE QUODLIBETIN NONTHEOLOGY FACULTIES 202

CHAPTER v: EDITIONS OF QUODLIBETS 215

CHAPTER VI: HISTORICAL VALUE 221

TROISIl::ME PARTIE

LES QUESTIONS DISPUTÉES DANS LESFACULTÉS DE DROIT

(par G. FRANSEN)

BIBLIOGRAPHIE 225

CHAPITRE I: DÉFINITION DU GENRE 2311. LES TRAITS ORIGINAUX DES "DISPUTES" DES JURISTES

2312. DÉFINITION 2323. STRUCTURE DE LA QUESTION DISPUTÉE 2334. ESPECES DU GENRE . 234

A) Quaestiones disputatáe in seholis et quaestiones solemnes seupublieae 234

B) Quaestiones reportatae et quaestiones redaetae 236C) Quaestiones quatemales . 237D) Quaestiones dominicales, sabbatinae, ele. . 237

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TABLE OES MATIERES

5. GENRES VOISINS .A) Quaestiones legitimae, decretalesB) AllegationesC) ConsiliaD) Casus .E) Summa quaestionumF) Quaestiones iuris - Quaestiones factiG) Quaestio - Disputatio

237237239239240240241241

CHAPITRE 11: ÉVOLUTION OU GENRE1. CIVILISTES2. CANONISTES3. SYNTHESE.

243243245246

CHAPITRE III: REGLES DE CRITIQUE1. LA QUESTION

10) Rubrique2°) Préambule3°) Théme .4°) Question (ou Problême)5°) lndication de l'action6°) Argumentation .

a) Présentationb) Mode de citation des textes juridiquesc) Nature des arguments invoquésd) Ordre suivi dans l'argumentation

e) Réponses aux objectionsf) Introduction du "Contra"g) ..Contra" .

7°) Solutiona) En généralb) Degré de certitudec) Sigles

8°) Organisation des éléments de Ia question~) Textes incomplets .

2. LES COLLECTIONS3. REMANIEMENTS OU RELECTURES?4. AUTEUR5. DAT

248248248248248249249250250251252252253253253254254254254254255255256258260

TABLE OES MATIERES 9

6. RAPPORT ENTRE TEXTES ET DISPUTES1°) Établissement du texte2°) Du texte à Ia dispute

7. POURQUOI COPIE-T-ON LES QUESTIONS?

261261262263

CHAPITRE IV: LE RÉPERTOIRE OES COLLECTIONS ET OESQUESTIONS ..

1. NÉCESSITÉ ou RÉPERTOIRE2. D1FFICULTÉS RENCONTRÉES3. PLAN ou RÉPERTOIRE .

1°) Partie descriptive .2°) Table par matiêres

266266266267267268

CHAPITRE V: REGLES POUR L'ÉDlTION1. QUE FAUT-IL ÉDlTER? .

2. REGLES CRITIQUES .3. PRÉSENTATION ou TEXTE4. PRÉSENTATION OES ALLÉGATIONS CHIFFRÉES5. "APPARATUS FONTIUM"

270270271272274274

CHAPITRE VI: DOMAINES DE L'HISTOIRE QUE LE GENRE PEUT AIDERÀ CONNAITRE . 275

1. APPORTS À L'HISTOIRE OU OROIT 2752. APPORTS À L'HISTOIRE DE LA CIVILISATION 276

QUATRIEME PARTIE

LA QUESTION DISPUTÉEDANS LES FACULTÉS DE MÉDECINE

(par DANIELLE JACQUART)

B IBLIOGRAPHIE 2 1

CHAPITRE I: ÉVOLUTION OU GENRE: LA OOUBLE TRADlTION O LA

"QUESTION" MÉDlCALE 2851. LA FORME QUE TIONS-RÉPONSES OANS LA LITTÉRATUR M (-

AL PRÉ- AL RNITAINE . 2

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TABLE DES MATIERES

2. LES QUESTIO S SALER ITAI ES . 2873. LES QUESTIO S DA S LES COMME TAIRES 2904. LES DISPUTES DANS LES FACULTÉS DE MÉDECINE 293

A) Paris 294B) Montpellier 296C) Bologne 297

C~APlTRE 11: REGLES DE CRITIQUE SUIVANT LE TYPE DERÉDACTION 300

1. LES QUESTIONS PORTANT MENTION D'AUTEUR, DE LIEU ET/OUDE DATE DE DISPUTE . 300

2. LE "CONCILIATOR" DE PIERRE D'ABA O ET SOINFLUENCE 305

3. LES RECUEILS DE QUESTIONS CONSACRÉES A UN THEME PARTI-CULIER 307

Gl-lAPlTRE III: DOMA INES DE L'HISTOIRE QUE LE GENRE PEUT AIDERÀ CONNAITRE . 310

1. CENTRES D'INTÉRÊT INTELLECTUEL . 3102. LIENS AVEC LA PHILOSOPHIE ET

LES AUTRES SCIENCES 3113. THÉORIE ET PRATIQUE . 313

AVERTISSEMENT

Les traités et manuels traditionnels de critique historique ne font pasde place aux sources philosophiques et théologiques. Inversement, leshistoriens de Ia philosophie et de Ia théologie n'ont guêre consacréd'ouvrages à Ia méthode qu'ils mettent en ceuvre dans leur discipline.La réflexion sur celle-ci est le plus souvent dispersée dans des articlesportant sur des ceuvres particuliêres et dans des introductions d'éditions.Élargir le champ des traités traditionnels et conduire une réflexionsystématique sur les rêgles de critique propres aux sources théologiqueset philosophiques entraine par conséquent, dans une premiêre étape, Ianécessité d'adapter les schémas généraux d'exposés à Ia situation de fait.D'oú l'ampleur insolite de ce volume par rapport à ceux qui l'ont précédé.Il comporte des développements sur Ia technique de Ia disputatio quiexcêdent quelque peu les strictes exigences de Ia Typologie: c'est que,même lorsqu'ils ne sont pas indispensables à une critique et à uneexploitation correctes du genre, ils aident à mieux percevoir le Sitz imLeben (comme disent les praticiens de Ia Formgeschichte) des questionsdisputées et des questions quodlibétiques, peu familiêres à beaucoupd'historiens. On a donc estimé utile de conserver ces développementspour faciliter I'accês à ces sources. En outre, ils apportent des solutionsoriginales des auteurs, qu'il convenait de livrer au publico Mais cespassages sont imprimés en petits caractêres.

La quaestio, qui précêde chronologiquement Ia quaestio disputata, seratraitée - ainsi que ses origines lointaines - dans un fascicule consacréaux gloses et aux commentaires.

Comme Ia disputatio a été pratiquée dans toutes les Facultés univer-sitaires, on a fait appel à des spécialistes de diverses disciplines. Tousne sont pas toujours d'accord sur tous les points. On n'a pas gomméces divergences : chaque auteur demeure maitre de ses opinions. Certainsse sont attachés davantage à tel ou tel aspect des problêmes, qui leur aparu requérir de plus longs développements. L'état de Ia documentationet des connaissances explique l'ampleur de Ia Partie consacrée à Ia Facultéde théologie par rapport aux Facultés de droit et de médecine. Desraisons pratiques ou contingentes (décês de collaborateurs) ont amenéà réserver pour un volume spécial les genres issus de Ia disputatio à IaFaculté des arts. Les bibliographies offrent quelques répétitions: on lesa maintenues afin que chaque Partie du volume, prise en elle-même, soitmunie de Ia bibliographie qui lui est nécessaire.

L.G.

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PREMIERE PARTIE

LES QUESTIONS DISPUTÉES,PRINCIPALEMENT DANS LES FACULTÉS DE

THÉOLOGIE

PAR

BERNARDO C. BAZÀN

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19

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20 BIBLIOGRAPHIE

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SIGLES EMPLOYÉS

AHDLMA = Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge.Paris.

BTAM = Bulletin de Théologie ancienne et médiévale. Louvain.RTAM = Recherches de Théologie ancienne et médiévale. Louvain.

CHAPITRE I

DÉFINITION DU GENRE

Définir une réalité historique mouvante n'est pas chose facile. C'estparticuliêrement vrai dans Ie cas de Ia disputatio médiévale. Elle seprésente à nos yeux comme une activité qui ne cesse de se métamorphoserpar l'addition d'éléments dont on doit tenir compte dans sa définition,mais aussi par Ia perte d'autres éléments qui, à un stade déterminé,semblaient constitutifs du genre. Les raisons de ce caractêre plastiqueet dynamique de Ia disputatio sont multiples, et il convient de Ies signaleravant de risquer une définition, afin de justifier Ia valeur purementinstrumentale et approximative qu'on attribue à celle-ci,

La premiêre raison est que Ia disputatio est au cceur même de Iascolastique médiévale et se développe au fur et à mesure que mürit l'espritscientifique du Moyen Âge. La disputatio, en tant que méthodescientifique, s'affirme comme résultat de Ia maitrise de Ia Iogique et dudéveloppement de l'esprit spéculatif des penseurs médiévaux, c'est-â-direde Ieur capacité de poser rigoureusement des problêmes à propos desgrands textes qui constituaient Ia colonne vertébrale de Ieur culture, dediscuter Ies autorités qui nourrissaient Ieur tradition et d'examiner cesproblêmes de façon personnelle à partir d'une perspective théorique etpratique propre à Ieur temps. La disputatio est ainsi une expression etun produit de Ia conscience de soi de Ia culture scientifique médiévale.

Cette culture scientifique s'insêre dans Ie cadre plus Iarge d'unorganisation sociale qui imprime des modalités propres à son exercic .La disputatio s'est développée au sein des universités, Iesquelles, à I urtour, étaient conçues à l'instar des corporations de métier. Au sein dcelles-ci, maitres et apprentis étaient unis dans Ie but commun d'exerccrIe métier et de réaliser Ies eeuvres qui lui étaient propres. La transmissionet l'acquisition de ce métier s'accomplissaient dans un même acte, danune même pratique, ou Ies maitres témoignaient de Ieur art et ou leapprentis s'éduquaient à l'accomplissement de cet art. Enseignement etapprentissage étaient deux aspects du -même acte et de Ia même pratique.Dans Ie cas de l'université, Ie métier est celui de l'intellectueI, et l'ceuvrepropre, l'établissement d'une vérité rigoureusement fondée. La disputatiodevient l'acte et Ia pratique par excellence ou ce métier s'acquiert. IJe

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22 OÉFINITION ou GENRECHAPITRE I

est donc en même temps méthode d'enseignement etméthode d'apprentissage,Ieçon, épreuve et exercice. Cela est important ear, comme nous Ie verronsdans Ie paragraphe consacré i l'évolution historique du genre, et commel'a signalé si heureusement Thurot "les fonctions du maítre tendent i seconfondre avec Ies devoirs de I'étudiant" I. Étant donné que Ia respon-sabilité principale de Ia corporation vis-i-vis de Ia société est de veilleri ce que I'apprenti parvienne i Ia maítrise du métier, plusieurs formesde disputatio vont se développer comme moyen de mettre en relief et decertifier Ie degré de dextérité de l'apprenti. On verra que cet aspect deIa disputatio comme épreuve et exercice (c'est-â-dire comme devoir del'étudiant) prendra Ie dessus sur Ia fonction magistrale.

Méthode scientifique et méthode d'enseignement-apprentissage liée i Iamaitrise progressive de l'instrument Iogique, Ia disputatio suppose aussiIa connaissance des conflits opposant Ies grandes traditions intellectuellesqui confluent et s'affrontent i partir du XIIe siêcle et qui vont susciterIes "problêmes", Ies "questions", thêmes de Ia dispute.

Enfin, Ia disputatio est liée i l'éveil de Ia eonscience spéculative del'Occident qui recherche son propre profil culturel i travers un dialogueexercé au sein d'une organisation corporative socialement responsablede Ia formation des cadres intellectuels.

Mais Ia disputatio est aussi un scénario, un événement social, untournoi, ou sont discutés publiquement Ies problêmes théoriques etpratiques du temps, ou Ies maitres sont mis i l'épreuve et trouventl'occasion de faire briller Ieurs talents. Elle est donc Ie lieu de rencontrede plusieurs éléments dont l'équilibre déterminera sa valeur, mais dontIa tension interne l'exposera i des abus et i des excês ; ceux-ci semanifesteront au moment de sa décadence et I'on ne manquera pas d'yvoir un des vices de Ia scolastique.

Aprês cette évocation historique, revenons au projet de trouver unedéfinition. Déjâ Ie XllIe siêcle avait proposé des définitions rigoureusesde Ia disputatio. Ainsi, dans Ie traité De fallaciis attribué i saint Thomas,elle est définie comme "actus syllogisticus unius ad alterum ad aliquodpropositum ostendendum" 2. Cette définition est adéquate pour caractériser

Ia disputatio en tant que méthode scientifique, Elle Ia situe clairement danIe genre des actes scientifiques, signale l'instrument dont on s'y sert, lesyllogisme, indique Ie caractêre dialogique de I'activité, qui implique Iaprésence d'au moins deux personnages (opponens et respondens), et melen évidence Ie but de cette recherche, i savoir Ia démonstration (ostensio)de Ia vérité touchant une question soulevée ou proposée (propositum).Elle s'avêre toutefois insuffisante du point de vue historique, car elle nemet pas suffisamment en relief Ies autres dimensions de Ia disputatio entant que méthode d'enseignement, exercice d'apprentissage et épreuve decompétence professionnelle imposée par Ia corporation. Toutefois, commeIa méthode scientifique ainsi décrite constitue Ie trait commun aux diversesformes de disputatio que relêvera notre enquête historique, on peut retenirIa définition proposée comme une définition générique valable de Ia disputemédiévale 3. L'indéterrnination de cette définition générique et, j' ajouterais,quasi formelle, a d'ailleurs ses avantages. Ne faisant pas Ia distinctionentre méthode de recherche de Ia vérité et méthode d'enseignement de Iavérité déjà acquise, elle permet de saisir un des traits saillants de Iascolastique, i savoir que recherche et enseignement peuvent corncider

distinguitur disputatio ab actibus corporalibus, ut currere vel comedere; et ab actibuvoluntariis, ut amare et odisse: nam per hoc quod dicitur unius ad alterum, tangunturduae personae opponentis et respondentis inter quas vertitur disputatio; etiam hoc additurad dilferentiam ratiocinationis quam habet qui secum ratiocinatur. Per hoc autern quoddicit ad propositum ostendendum, tangitur disputationis elfectus, sive terminus aut Rniproximus; et per hoc distinguitur disputatio a syllogismis exemplaribus, qui non inducunturad ostendendum propositum aliquod, sed ad formam syllogisticam exernplifícandum" ( 11par P. MANDONNET,S. Thomae Aq. Quaestiones disputatae. Paris, 1925, Intr du 'lIon /IIa Question à Ia Dispute, p. 3).

3 Une définition générique semblable, bien que moins complete, c t propo . 11"Pelster: "The disputation as practiscd in the thirteenth ccntury is a di U UUI 111 ,

scientific question between two or more disputants, of whom one und rtak th IlIh 111

defender of a particular opinion, while the other or others raise objecti n: md dllll Ultl 'against this opinion" (LITTLE-PELSTER,Oxford Theology and Theologtans, c. /111 / /(IOxford, 1934, p. 29). Mgr Glorieux trouvait le trait générique sur le plan du m (1111 111'

formeI de Ia dispute, et le trait distinctif sur le plan des acteurs qui prenncnt purt ludispute: "Le trait commun qui les marque toutes (les formes de dispute) et Ics cara téri •est I'alternance des objections, des exposés et des réfutations, jointe à Ia mulliplicité d "acteurs ... Quant à Ia distinction entre les diverses disputes, elle tiendra au nombre ctIa qualité des acteurs qui interviennent; à Ia qualité de celui qui préside et mêne ; à Iafaçon enfin dont sont choisies et proposées les questions" (P. GLORIEUX,L'enseignementau moyen âge. Techniques et méthodes en usage à Ia Faculté de Théologie de Paris. au XJlI'siêcle, dans AHDLMA, 43 (1968), p. 123). La définition générique nous parait insuffi ante,quant aux traits distinctifs, il nous semble préférable de les situer sur le plan des fonctlons

ignée à chaque type de dispute, comme on aura I'occasion de le voir dans le paragr phuivant.

1 Ch. THUROT,De /'organisation de l'enseignement dans l'Université de Paris au Moyen Age.Paris, 1850, p. 20I.

1 "Disputatio est actus syllogisticus unius ad alterum ad aliquod propositum ostendendum.Per hoc quod dicitur actus, tangitur disputationis genus; et per hoc quod dicitur syllogisticus,tangitur disputationis instrumentum, scilicet syllogismus, sub quo comprehenduntur omnesaliae species argumentationis et disputationis, sicut imperfectum sub perfecto; et per hoc

23

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24 CHAPITRE I

dans un même acte caractérisé par l'examen critique et Ia confrontationd'opinions fondées (sur l'autorité etjou sur Ia raison), dans un dialoguerigoureux ou Iavérité est découverte, enseignée ou apprise par l'affrontementd'arguments provenant de Ia tradition et de Ia raison 4.

Si nous avons adopté Ia définition générique et formelle proposée ci-dessus malgré ses insuffisances historiques, c'est parce que Ia descriptiondes origines et du développement de Ia disputatio permettra de saisir Iegenre dans ses différentes formes, dans ses diverses espêces. L'enquêtehistorique complétera ainsi Ia définition générale.

• Ou point de vue pédagogique, Ia dispute médiévale a été un succês: l'étudiant estcensé apprendre Ia vérité en même temps que Ia méthode de recherche de Ia vérité. 11apprend des contenus en rnême temps. qu'il s'exerce à Ia maniêre de les obtenir. Commetoute pédagogie active, elle se prête à des abus: cf. infra, n. 291. Ajoutons que cettepédagogie est fortement soutenue par Ia structure corporative de l'université médiévaIe,

ú maitre et étudiants ont conscience nette d'exercer un même métier (à des niveauxdifTérent de compétence, bien entendu, mais unis de façon solidaire dans Ia poursuited'un but commun).

CHAPITRE 11

ÉVOLUTION DU GENRE

1. LES ORIGINES

"La dispute est née de Ia Ieçon, par I'intermédiaire de Ia question" 5.

Son origine peut être située vers Ia fin du XIIe siêcle 6. Les deuxaffirmations doivent être justifiées.

A) De Ia "lectio" à Ia "quaestio"Au début était Ia lectio, effort propre d'une culture théologique et

scientifique centrée sur des textes, d'une culture en situation herméneutique.En Occident Iatin, Ia Bible occupe Ia place privilégiée. Mais autour d'elleIes "matériaux" de Iecture ne cessent de s'accumuler; Origêne, S. Ambroise,S. Jérõme, S. Augustin, S. Jean Chrysostome, S. Grégoire fournissentIes lumiêres principales de ce travail d'exégêse. Bientôt Ies interprétationsdes Pêres de 1'Églisefont I'objet de compilations, de florilêges, de recueils.Ces formes littéraires transmettent Ies "sentences" des auctoritates qu'unthéologien ne pouvait méconnaitre dans l'exercice de son métier. Celui-ci n'est pas un simple exercice de Iecture, mais une discipline scolairedont le but est de maitriser Ia Iettre du texte sacré afin de Ia dépasseret de parvenir à son sens profond. "Dans son équipement complet, Ialectio se développe sur trois épaisseurs: littera, simple explication desphrases et des mots selon Ia teneur de leur immédiat enchainement;sensus, analyse des significations de chacun des éléments et traductionen langage clair du passage étudié; sententia, dégagement de Ia penséeprofonde au-delà de l'exégêse et véritable intelligence du texte" 7.

, P. GLORIEUX,L'enseignement ... , p. 123.• LITTLE-PELSTER,Oxford Theology ... (1934). p. 29: "While in the case ofthe questions

about the middle of the twelfth century it cannot be definitely decided whether they aredisputations in the strict sense, we possess from the' time about the turn of the centurya goodly number of questions of Prepositinus, Stephen Langton, and Simon de Tournai".

7 M.-O. CHENU,Introduction à l'étude de saint Thomas d'Aquin, Paris, 1954, p. 70. Cf. dumême auteur, La Théologie au douziême siêcle, Paris, 1957, pp. 330-331. Le P. Chenurenvoie à HUGUESDESAlNT-VlcroR,Didascalion, lib. m, C 9; PL, t 176,771 O: "Expositio

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26 CHAPITRE 11

La raison phiIosophique a aussi contribué à ce travaiI d'intelligencedes doctrines sacrées. Depuis Ia réforme de CharIemagne 8, I'étude deIa sacra pagina était précédée par celle des artes liberales ou l'intellectueItrouvait Ies instruments nécessaires pour l'exégêse. Sous I'inspiration duDe doctrina christiana de saint Augustin et des travaux de Boêce, deCassiodore et d'Isidore de Séville, Ies chrétiens mobilisent Ia scienceprofane au bénéfice d'une compréhension pIus profonde du texte sacré,Ils voient dans Ies arts Iibéraux Ies degrés qui doivent conduire l'esprit"ad culmina sanctarum scripturarum" 90 Boêce, Porphyre et Aristote(logica vetus) d'un côté, PIaton et Ies néopIatoniciens (Calcidius, MariusVictorinus, Macrobe, Ie Pseudo-Denys) de l'autre, joints à Cicéron,fournissent de nouveaux éIéments de Iecture et de réfíexion.

Textes bibliques, textes patristiques, textes philosophiques, teIs sont Iesmatériaux de Ia lectio. Ils jouissent d'un caractêre privilégié: Yauctoritas.Mais un déveIoppement important s'est produit dans Ia constitution deIa scolastique. Cherchant à découvrir Ie sens d'un texte biblique, IesthéoIogiens ne se sont pas contentés de faire appeI à une auctoritas, Ilsont commencé à en examiner Ia valeur et Ia portée. Si une autre auctoritasoffrait une interprétation différente, cette opposition arnenait Ies espritsau doute. Du coup, Ie simpIe argument d'autorité s'avérait insuffísant.Pour sortir de I'altemative, il falIait examiner critiquement Ies opinionsen présence, établir Ia nature et Ie poids des arguments, éventuellementse pIacer dans une perspective ou ils puissent être conciliés. "C'étaitI'occasion d'ouvrir une petite discussion. La dialectique prêtait alors sonconcours à cet échange de vues; elle y intervenait du moins pour unecertaine parto Ce procédé, dans son ensembIe, constituait une quaestio" 10

0

C'est Ia conscience d'une dissonance, d'une insuffisanceou d'une ambigurtédans Ia tradition qui suscite Ia questiono AbéIard expliquait de cette façon

tria continet: litteram, sensum, sententiam.."; à ROBERT DE MELUN, Sententie, Praef.,éd, MARTIN, 1947, p. 11: "Quid enim aliud in lectura quaeritur quarn textus intelligentia,quae sententia nominatur"; à JEAN DE SALISBURY, Metalogicon,libo I, C. 24; éd. WEBB,p. 56; à GUILLAUME DE CONCHES, Comm. in Timeum, prol., ms. vat. Urbin, Lat. 1389,f I. Tous ces textes mettent en évidence le caractêre réfléehi de Ia méthode scolastiquedans sa premiêre forme, Ia lectio. (Pour tout ce problême, cf G. PARÉ, Ao BRUNET, P:TREMBLAY, La renaissance du Xlleosiecleo Les écoles et l'enseignement. Paris-Ottawa, 1933,p. 115-1170

• Cf. F. VAN STEENBERGHEN, La philosophie au X//le siêcle, Louvain, 1966, p. 55-650• ALCUINUS, De grammatica, PL, t. 101,853-854, cité par VAN STEENBERGHEN, op. cit.,

p, 570I. R.Mo MARTlN, Oeuvres de Robert de Melun, J, Louvain, 1932, po XXXVI.

ÉVOLUTION DU GENRE 27

I'origine de cette nouvelle méthode: "aliqua (diversa sanctorum Patrumdieta) ex dissonantia, quam habere videntur, quaestionem contrahen-tia"; et il ajoutait: "dubitando enim ad inquisitionem venimus; inquirendoveritatem percipimus" 110La "quaestio" est donc, initialement, un problêmed'interprétation dont Ia forme, Ia nature et Ia soIution cherchée sont ainsidéfinies par Gilbert de Ia Porrée: "ex affirmatione et ejus contradictorianegatione quaestio constat. Non tamen omnis contradictio quaestio estoCuro enim altera contradictionis pars esse vera, altera vere nulla prorsushabere veritatis argumenta videtur ooo aut curo neutra pars veritatis etfalsitatis argumenta potest habere 000tunc contradictio non est quaestio.Cujus vero utraque pars argumenta veritatis habere videtur, quaestioest" 12

0 Ainsi donc, Ia question prenait naissance autour d'un texte et elleétait motivée soit par Ia rencontre d'une expression vague ou d'inter-prétations divergentes ou d'autorités opposées dans Ieurs soIutions d'unmême problême, mais ayant en Ieur faveur des arguments de poids.Comme on l'a signalé, Ia question "débordait l'exégêse immédiate,puisqu'elle mettait en cause, en vue d'une éIaboration doctrinale person-nelle, deux textes contradictoires, voire deux auteurs" no

Le fait important est qu' avec Ia quaestio, l'intellectueI assume un nouveaurôle. Il n'est pIus un instrument passif de transmission de Ia vérité trouvéepar Ies auctoritates. Il doit Iui-même participer à Ia recherche de Ia vérité.C'est à Iui de "trancher Ia question", avec une nouvelle forme d'autoritéqui Iui vient de l'exercice de Ia raison théoIogique et scientifíque. Si letexte (ou Ies textes) est l'éIément premier de Ia quaestio, Ie deuxi mégalement important, est un maftre capabIe de s'incorporer activemcnt tIa tradition en y ajoutant de son propre effort dans l'intelligencc de lufoi. C'est pour cela qu'on a pu estimer que Ie trait principal d luFrühscholastik "serait le fait de reconnaitre comme auctoritas, à c t IIa doctrine des Pêres, Ia doctrine de maitres récents" 14

0 L'intr du '11011

" ABELARD, Sic et non, Prologus: PL, t. 158, 1349; eité par R.M. MARTlN, op. ctt , p.XXXVI.

"GILBERT DE LA PORRÉE, De Trinitate (éd. HARING, p. 37; PL, t. 64, 1258 D), cltpar HoC. VAN ELSWIJK, Gilbert Porreta, sa vie, son IFUvre, sa pensée. Louvain, 1966(Spicilegium saerum lovaniense, 33), po 271. L'autoeuT signale Ia dépendance de ilberlpar rapport à Boêce,

IJ MoDo CHENU, Introduction à l'étude de Saint Thomas d'Aquin .. o (/954), p. 71-720" A.M. LANDGRAF, Introduction à l'histoire de Ia littérature théologique de Ia scolasttque

naissante. Montréal-Paris, 1973, p. 24-25. L'auteur se demande, de façon três pertincnl ,M i la Frúhscholastik a débuté du fait qu'on a commeneé d'admettre I'auctoritas de magtstri

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28 CHAPITRE II

de Ia quaestio comme méthode élêve Ia théologie au rang d'un véritablesavoir rationnel, car elle va évoluer comme élaboration spéculative desdonnées de Ia foi plutôt que comme simple interprétation dialectique destextes patristiques. Mais comme Ia quaestio est un procédé lié à l'ensei-gnement, le changement de rôle des maitres s'accompagne d'une modi-fication parallêle sur le plan pédagogique, qui afIecte le rôle del'étudiant: "Il n'est pas difficile de remarquer ce qui distingue, du pointde vue pédagogique, Ia Quaestio de Ia Lectio. Soumis à cette derniêreméthode, l'étudiant est plutôt passif, il reçoit l'enseignement du maitre.Par Ia Quaestio, son esprit est mis davantage en éveil et appelé à ré agir,à comparer, à juger, à discuter, à creuser plus à fond un problême" 15.

Landgraf attribue le progrês de Ia connaissance à trois facteurs: lesmatériaux dont on dispose ; les instruments qui permettent de les exploiter,les intelligences qui ont à mettre en reuvre ces matériaux grâce auxmoyens dont elles disposent 16. On connait déjà les matériaux dontdisposaient les intellectuels de Ia scolastique naissante 17. On a vu aussil'importance grandissante des magistri. Il reste à dire un mot des instrumentsde travail. Grabmann a déjà noté que les oeuvres logiques traditionnelles,telles que l'Isagoge de Porphyre, les commentaires de Boêce, les Catégorieset le Peri Hermeneias ne suffisaient pas pour expliquer le développementde Ia méthode scolastique 18. Ce sont les médiévaux eux-mêmes qui ontforgé ces instruments de travail. Les eeuvres logiques d' Abélard, lesquestions de Gilbert de Ia Porrée, de Robert de Melun, d'Odon d'Ourscamp,de Simon de Tournai, de Clarembaut d'Arras, parmi d'autres, sont àmettre en avant, pour leur importance méthodologique. Le Sic et nond' Abélard a été désigné, à juste titre, comme décisif à cet égard. "li amis en pratique [Ia méthode] en commentant l'épitre aux Romains, ounous comptons une trentaine de Questiones de l'espêce, C'est l'reuvre à

à côté de celles des Pêres, ou si ce n'est pas plutôt I'apparition de maitres capablesd'acquérir, par Ia force de leur pensée, une autorité susceptible d'exercer une influencedurable et d'apparaítre, à Ia conscience de I'époque de même rang que celle des Pêres,qui a provoqué Ia reconnaissance de l'auctoritas des magistri .••.

" R.M. MARTIN. (Euvres de Robert de Melun, 1 (1932)'6 A.M. LANDGRAF.Introduction ...• p. 29.17 Le besoin de systémaliser I'héritage de Ia tradition mêne à un geme littéraire particulier

à Ia Frühscholastik, à savoir les Recueils de Sentences. a. LANDGRAF.op. cit .• p. 44 svv.Les sentences de Pierre Lombard sont l'aboutissement de cet effort et cet ouvrage devientle texte de lecture obligatoire dans les Facultés de Théologie au XIlle siêcle, Cf. PAR •BRUNET.TREMBLAY.La Renaissance ...• p. 116. n. I.

18 M. GRABMANN.Geschichte der scho/astichen Methode, 11. Fribourg, 1911. p. 424.

'V LUTI N OU NR 29

c mmentaire de Robert de Melun est le plus étroitem nt'l'I' 11 '11\. elui-ci Ia surpasse par son plus grand nombre de que ti ns,I P,II I fuit qu'il 'étend à plus d'épitres de saint Paul. Robert de Mc1unI pl ic ain i au centre de cette littérature spéciale, qui, inaugurée par

11 -I li ti ,t ilbert de Ia Porrée, arrête légêrement l'attention de PierreI IIl1lh rrd et e poursuit aprês Robert de Melun avec Odon d'Ourscamp,

11111111 d ournai, Prévostin et Étienne Langton" 19. Avec Ia méth ddl.111 uqu , élaborée à partir de l'héritage ancien et enrichie par leur1'1111 I ff, rt, les médiévaux disposent de l'instrument nécessaire pourI 11I mürir Ia scolastique 19bi'. La quaestio est son premier fruit. Avec elle,

11 I \11 que ynthêse de texte, problême, méthode et maitre ayant autoritéI' I oun lIe, un phénomêne fondamental apparait: les écoles. CelleI' 1\ Ime de Laon et de Guillaume de Champeaux, d'Abélard (et deI 1111 rt d Melun), de Gilbert de Ia Porrée (Thierry de Chartres, Clarembaudd' Inu , imon de Tournai, Alain de Lille), de Hugues de Saint-Victor( I 11 Richard), de Maítre Simon, de Pierre Lombard, sont le pluI 111 uquables 20. Chose importante, les écoles qui n'ouvrirent pas leur)11111, Ia nouvelle méthode ou qui restêrent étrangêres à son influence,• I \ nirent avant Ia fin du XIIe siêcle. Ce fut le eas de celle de Saint-II lor 21.

IJ tl premiêre conclusion se dégage de cet exposé: Ia quaestio e t un1111 li\( de d'enseignement liée à un texte comme à sa source, su citée parI rllrnnt ment d'opinions divergentes autour d'un passage controver ,

1\11 oblige le maitre à résoudre le problême par l'applicati n d Iadi ti nique à l'évaluation des opinions en présence, acte dan lequ I il

( o irrne comme autorité et comme principe actif dan le pr , usd' I [ui ition de Ia vérité. Ainsi les quatre élément con titutifquaestto ont: le texte, Ia dissonance d'opinions fondée ur IIt 1(. Ia méthode dialectique, le maitre en acte d'en eignement r

"I M MARTlN. (Euvres de Robert de Melun, p. XLIV. Selon H.C. VAN LWI J ( llbrrt/' «rrt«, fi 275). c'e t Gilbert de Ia Porrée qui haussa Ia quaestio "au rang d m thod

11 "I d b rdant les limites de Ia problématique relevée dans les textcs p tri tlqu ",1I ,li rm iu i I'inftuence prépondérante de Boéce, en particulier de son De Hebdomadlbu .•,I " I' 1 b rati n de Ia théorie de Ia quaestio.

, ., 111 d a1isbury, remarquant l'importance de Ia dialectique, disait pr fi du11, VIII d Topiques : "nam sine eo non disputatur arte. sed ca u", Me/a/ogl fi, 111,c fi (ti WPIlIl. p. 154).

1'11111 I • cf. LAN RAF.Introducüon, chapitre 111., Jt M MAR'IIN, muvr s ...• I, p. XXX 11I.

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30 HAPITR II IV LUn N 1 LlN RI!

Née au XIIe siêcle, mais avec des antécédents plus Iointains 22, Ia quaestioconstitue un genre qui fera une Iongue carriêre dans Ies universités desXIIle et XIVe siêcles. La seule variante importante à reIever intéressele second éIément: Ies opinions divergentes en discussion. ElIes pourrontprovenir non pIus seulement des "auctoritates" en conflit à propos del'interprétation d'un texte, mais aussi du maitre lui-même qui Ies soulêverasoit en raison d'un doute véritabIe, soit comme procédé pédagogiquedestiné à éveiller l'attention des étudiants 22bis; elles pourront finalementêtre provoquées par ces étudiants, qui exprimeront Ieurs problêmes decompréhension ou Ieurs doutes sur Ies interprétations courantes.

L'introduction de Ia Logica nova (Topiques, Analytiques, Raisonnementssophistiques) se traduit par une réorganisation des parties essentielles deIa quaestio, qui demeurent Ies mêmes. Du point de vue de Ia forme deIa discussion, Ia quaestio comprenait deux éIéments: Ia position duproblême (y compris Ies thêses en conflit) et sa soIution 23. Mais déjàau temps de Gilbert de Ia Porrée, et apparemment sans que l'influencede Ia logica nova soit décisive, on avait éIaboré Ia méthode de façonraffinée: Ia quaestio informis (simpIe problême ou doute) devait d'aborddevenir quaestio formata, par l'introduction des distinctions nécessairesqui précisaient le problême et le terrain de Ia discussion. li revenait alorsau maitre de donner Ies arguments qui prouvent Ia partie vraie de Iacontradiction et de résoudre des objections 24. Les nouveaux traités deIogique exigeront Ia rigueur syllogistique dans l'expression des argumentset des réponses. Mais ils n'éliminêrent pas Ies autres méthodes déjà àl'ceuvre, particuliêrement celle des distinctions, éIément clé dans Iesdisputes postérieures.

La quaestio, liée au texte et à l'enseignement régulier du maitre, a fait

un I ngue carri re. li faut ouligner que Ia "mise en que tion" avait licudan Ia leçon du maitre sur un texte; elle n'était pas un exercice éparé,mai plutôt une méthode visant Ia compréhension pIus profonde de cctcxte. Dans ce sens nous nous rangeons à l'avis de R.M. MARTIN contreIa simplification opérée par LACOMBE et LANDGRAF qui ne distinguentqu'entre Ia lectio et Ia disputatio 25. 11 faut absoIument maintenir Ia quaestiocomme une espêce différente de Ia disputatio, son caractêre spécifiquetant le rapport à un texte. C'est dans cette espêce qu'il faut ranger noneulement Ies questions théoIogiques posées à l'occasion des textes sacré ,

mais aussi Ies commentaires sous forme de questions que Ies artienproduisirent à l'occasion de I'enseignement des textes aristotéliciens. Apartir du XIIe siêcle, Ia quaestio s'installa comme un procédé normald'exégêse, à côté de l'explication littérale. "La Quaestio theologica ... e tposée et discutée encore au cours de Ia lectio; mais aprês, chez Simonde Tournai et ses successeurs, elle est détachée de l'exposé d'un texteet devient un exercice autonome" 26. Ce nouveau toumant de Ia méthodescoIastique est étudié dans Ies pages qui suivent.

B) De Ia "quaestio" à Ia "disputatio"Le passage de Ia quaestio à Ia disputatio, caractérisé par le détachement

progressif à l'égard du texte, a été présenté comme un processus naturel,dü à Ia maturité de l'esprit scientifique médiéval et à une pIus grande

22 A.M. LANDGRAF,op. cit., p. 48: "Ia question était connue dês le IXe siêcle commeun exercice scolaire de même importance que Ia lectio", Cf. aussi, G. BARDY,La littératurepatristique des Quaestiones et responsiones sur I'Éeriture Sainte, dans Rev. bibl., 41 (1932),p. 210-236, 341-369, 515-537; XLII (1933), p. 14-30, 211-229, 320-352.

22bi. R DEMELUN,Q. de epistolis Pauli (éd. MARTIN,p. 3): "Quaestiones aliquando fiuntcausa dubitationis, aliquando causa docendi".

23 RM. MARTIN, CEuvres... , I, p. XXXVI.24 Cf. GILBERTDE LAPORRÉE,De Trinitate (éd. HARING,p. 38; PL, t. 64, 1259 A), cité

par VAN ELSWIJK,op. cito p. 273. Cet auteur synthétise comme suit le processus à suivredans Ia quaestio porrétaine: "Ia quaestio : laquelle des parties contradictoires est Ia vraie ?- Le doute (dubitatio): des arguments contradictoires, lequel est I'argument décisif? - Iasolution (solutio): l'application des distinctions en vue d'éliminer I'ambiguité -Ia confirmation(confirmatio): I'apport des arguments établissant définitivement Ia vérité d'une des partiescontradictoires" .

2> RM. MARTIN, CEuvres... , I, p. XLIV-XLV: "Alors même qu'une des forme. ti' 1IQuaestia, était Ia disputatio en comprenant par ce terme un exercice autonomc, d tudlde Ia lectio et mené de concert par les étudiants ou les auditeurs et le maltr , nrun'empêche que Ia Quaestio dans Ia forme qu'elle avait antérieurement n'ait ub 181, Ique le maitre n'ait continué à poser et résoudre une question au cours de a I çon I cfait même existe au temps de Saint Thomas. Ses leçons magistrales sur les Êvan 11. 11sont une preuve manifeste", cf. G. LACOMBEet A. LANDGRAF,The "Quae tion r" o/Cardinal Stephen Langton, dans New Scholasticism, IV (1930), p. 130 et p. 160-164

26 Ibid. Une opinion semblable à celle de R MARTINest exprimée par PARÉ,BRUNVI,TREMBLAY,La renaissance ... , p. 129, n. 1: "pour Ia plus grande partie du XIIe i cI ,elon le témoignage même des oeuvres que nous en avons, Ia quaestio reste intégrée Ia

leçon du maítre". Cette Iiaison entre les quaestiones et le texte explique, selon ces auteurs,le désordre apparent, le manque de systématisation propre aux recueils de questions. f.dans le même sens, P. MANDONNET,S. Thomae Aquinatis Quaestiones disputatae, p. 5:"Ces questions, en effet, qui n'ont entre elles ni ordre formei, ni lien logique, ont cependantun ordre matériel de dépendance avec le texte biblique qui les a provoquées, ou occasionnées".Le désordre idéologique des quaestiones, relevant de Ia servitude textuelle, est à distingueroigneusement du désordre propre aux Quodlibeta, lequel relêve de "I'extrême ct plu

aiguê évolution de Ia disputatio" (PARÉ, BRUNET,TREMBLAY,op. cit., p. 130-131).

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2 IIAfllTRI (I

maitrise de Ia méthode dialectique 27. Examinons le facteur qui mtcr-vinrent dans cette évolution et les étapes qu'on peut y discemer, afin ddégager finalement les traits qui définissent Ia nouvelle méthode.

Trois facteurs doivent être signalés. Le premier est double : l'existencede maitres véritables, qui ne se limitent plus à leur fonction de cursore ,mais participent activement à Ia constitution de Ia science par des prisesde position personnelles; et l'existence des écoles qui fournissent le cadreadéquat ou cette fonction magistrale s'exerce. Déjà présent dans Iaconstitution de Ia quaestio, le premier facteur s'est affermi par Ia pratiquede celle-ci, La lecture du texte suscitait des "problêmes", des questionsque le maitre était appelé à résoudre par un acte propre, par une"détermination" qui, par sa nature même, le plaçait dans une positiond'autorité face aux passages controversés et aux interprétations divergentesdes Pêres. Il était obligé de prendre position face au problême 28 et, cefaisant, il confirmait Ia valeur et Ia portée de son magistêre, Les étudiants,eux aussi, étaient appelés à assumer un rôle actif dans le processusd'apprentissage et dans l'acquisition de Ia vérité. Un exercice plus élevéde Ia raison théologique est impliqué dans Ia nouvelle méthode, et ilconduit à une conscience plus nette des possibilités théologiques desintellectuels médiévaux face à l'autorité des Pêres de l'Église. Bientôt cene sera plus Ia divergence d'opinions entre les auctoritates qui soulêveraIa question: maitres et étudiants s'emploieront à "mettre en question"des énoncés dont Ia vérité est pourtant certaine, parce qu'ils veulents'exercer à l'acquisition active de Ia vérité, seule façon d'en saisir le sensprofond et de l'assumer comme un bien propre 29. De Ia quaestio originaire,suscitée par le doute et Ia divergence d'opinions héritées, il ne reste que

27 a. PARÉ, BRUNET, TREMBLAY,op. cit., p. 129 : "les exigences de Ia réOexionphilosophique les plus profondes, celles qui imposent un ordre de savoir et bientôt uneorganisation systématique des résultats et des problêmes, tendaient invinciblement à fairesauter le carcan du texte". Cf. M.D. CHENU, Introduction à l'étude de Saint Thomasd'Aquin ... (1954), p. 73: "11était dans Ia nature des choses que Ia question se détachâtpeu à peu du texte qui I'avait suscitée, et se constituât en un genre autonome en dehorsde Ia lectio". a. aussi, La théologie au XIle siêcle ... (1957), p. 339.

21 Boêce disait: "Quaestio vero est dubitabilis propositio" (ln Topica Ciceronis, Iib. I, PL,t. 64, 10480). Paré, Brunet, Tremblay ont établi le Iien sémantique qui unit Ia quaestio àIa dubitatio, au problêma et à l'aporie aristotélicienne (La renaissance ... , p. 126, n. 3).

29 Comme on l'a signalé, cette généralisation voulue de Ia "mise en question" constitueun progrês technique capital, constitutif de Ia scolastique (cf. M.D. CHENU,Introduction ...(1954), p. 72).

li 01 \J'1 ION J)IJ (JIINRI

" 11 • I il rnuint nant d'app rter de ar um nt n uveaux, dI 11111"1 Ia lumi r d I. rai n, de le oumettre à I'épreuve dan111 di I \I li n ou un dia! gue affrontant non pa de texte, mai d111 11" 11\ ·lIr. vivant qui prennent en charge le différentes opini n .

111 IIClIIV'I1 m th de n'e t po ible qu'avec des maitres con cient d1I 11 '111 ti I ur e prit spéculatif et dans un cadre adéquat deli I 11 ron : I le . Mais le pas décisif qui donne naissance à Ia11putatk) ré ultat de I'affirmation de Ia raison théologique. Le

111 11\ 1I • xmfirrn dan I'exercice de leur magistêre, éprouvent le be ointi 11111oduir d I'ordre dans Ia série de questions soulevées par Ia lectio.I '1 'I' de Ia quaestio a produit un ensemble ou un répertoire de1'111111 III , que I'on doit examiner suivant leur enchainement logique.1'11111 I's ystématiser, il faut se détacher du cadre matériel fourni par leII I • iur elui-ci faít obstacle à Ia vocation constructive et aux exigenceIli onqu de Ia raison spéculative. La disputatio apparait ainsi comme1111 ti 'v -I ppement naturel de I'eeuvre des maitres qui, par l'introducti ndi I1 quaestio, ont élevé Ia théologie au rang de discipline rationnelle.

I d uxiême facteur qui contribue au détachement progressif parI Ipport au texte et à Ia systématisation doctrinale est Ia littérature des

\'111 'n e ". Ce genre littéraire a contribué au développement de Ia111 t hod colastique de trois façons ; il a enrichi le vieux recueil d'auctores(I fl rilêge patristique) en y ajoutant les opinions des magistri; il ati \ I 'h Ia sentence de son contexte littéraire; il a organisé les sentenceuivunt les exigences d'un exposé doctrinal plus ou moins systém -

111(11 ". Le Livre des Sentences de Pierre Lombard était promis à un én r-111' su cês dans cette ligne de travail. Si en tant que "livre de text " ilJlIIlI( nge Ia méthode de Ia lectio 32, il est, par son caractêre relativ m nt

." I ti portée de I'évolution a été bien saisie par Clarembault d'Arras: "Quid qua l/O itvnl uur esse commemorandum ... In eo autem quod dixit (Aristoteles): utrosque idem utrlsque"/'/IIIIr!, illud genus quaestionum voluit intelligi, quod de certis propositionibus constituitur,111 l hoc: utrum margarita sit lapis necne. Quare et in eodem Topicorum tractatu, edtil lho loco, de omni propositione problema posse fieri commemorat. Sed iIIae quidem11" I sti nes, quae de certis propositionibus constituuntur, nil habent quaestionis praeter[armam" (Der Kommentar des Clarenbaldus von A"as zu Boethius De Trinitate ... éd. W.IANSIlN, Breslau, 1926, p. 34).

" f. PARt!,BRUNET,TREMBLAY,La renaissance ... , p. 117." l'ai déjà dit, Ia disputatio n'élimine pas Ia quaestio. 11 faut ajouter que Ia lectio

l nntinue aussi d'être une activité propre de Ia méthode scolastique, qui évolue parllrt .hi ement et addition des techniques plutôt que par substitution des procédés scolaire .

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34 CHAPITRE 11 ÉVOLUTION DU GENRE

systématique, de nature à favoriser Ia discussion ordonnée des "sentences",car il les présente, séparées de leur contexte, à des intellectuels qui, parces discussions, visent à élaborer une synthêse spéculative de Ia sagessethéologique 32bis. En effet, le texte de Ia Bible ne se présente plus, aumaitre du XIIe siêcle, à l'état pur, mais entouré et enveloppé par desgloses et des sentences; celles-ci constituent un réseau exégétique qu'ilfaut parfois percer pour atteindre une intelligence profonde de Ia foi. Ladiscussion rigoureuse et ordonnée des problêmes théoriques soulevésdans les écoles (ia disputatio) apparait comme un moyen adéquat etnécessaire à l'accomplissement de ce projet intellectuel.

Le troisiême facteur favorisant Ia consolidation de Ia technique desdisputes est Ia connaissance plus complete de Ia logique aristotélicienne.La mise en circulation de Ia Logica nova aiguise l'instrument dialectique,particuliêrement Ia logique de Ia démonstration et l'analyse des raison-nements sophistiques 33. La double nature de Ia logique, science et artdu raisonnement, exige une pratique des normes apprises. La disputatioest l'activité adéquate à cette fino Elle est promue par Ia connaissancede Ia logique, et elle consolide l'acquisition de cette science par Ia pratiquede ses rêgles.

Aprês les facteurs qui interviennent dans l'apparition de Ia dispute,essayons de préciser les étapes de sa constitution. "li est difficile dedéterminer le moment ou Ia quaestio, se détachant du cours ordinaire dumaítre sur le texte, constitue un autre exercice d'enseignement, unedisputatio organisée, le moment par conséquent ou les quaestiones disputatae

constituent un genre littéraire propre" 34. li semble que le détachement aété progressif, et qu'une premiêre étape intermédiaire doit être reconnueentre Ia quaestio et Ia disputatio. A l'occasion de Ia lecture d'un texte,nous l'avons déjà dit, des problêmes d'exégêse se sont présentés. Lemaítre doit les résoudre, les approfondir, les déterminer. li les examineselon Ia méthode de Ia quaestio, en opposant les arguments et lesinterprétations et en apportant sa solution. Cependant certaines questionsgagneraient à être traitées plus à fond et dans un cadre doctrinal plutôtque par l'analyse de textes. Elles vont faire l'objet d'un exercice distinct,d'une dispute proprement dite, dont le thême a été suggéré par Ia leçon,mais dont le déroulement lui demeure étranger" 35. Ce procédé consistantà renvoyer à une session séparée Ia discussion d'un problême doctrinalsoulevé à l'occasion d'une leçon semble être déjà courant au début duXIII e siêcle 36.

)04 PARÉ,BRUNET,TREMBLAY,op. cit., p. 130. Les auteurs notent qu'il y a des antécédentslointains des disputes, qui remontent au Xle siêcle, mais qu'il ne faut pas confondre aurisque d'anachronisme, avec les disputationes scolastiques étant donné Ia différence detechnique dialectique et de contenu doctrinal. Voici Ia synthése historique qu'ils nousproposent: "Richer raconte que I'empereur Othon mit en présence les deux philosophesgrecs Gerbert et Ottric, et leur fit discuter une question philosophique, à Ravenne, devantune nombreuse assemblêe (RICHER,Historiae, IH, 58; PL, 138, 106). Guitmond, au Xlesiêcle, rapporte que Bérenger et Lanfranc auraient eu aussi entre eux une dispute de cegenre, d'oú Lanfranc serait sorti vainqueur (GUITMOND,De corporis et sanguinis Christiveritate, I; PL, 149, 1458). Enfin, pour en venir au XHe siêcle, on sait qu'Abélard s'acquitune grande gloire par son habileté dans Ia disputatio. Tout jeune, encore disciple dGuillaume de Champeaux, il força son maitre, en discutant avec lui, à modificrthéories sur les universaux. Plus tard, entré à son tour en possession d'une chair , 11envoyait ses disciples combattre tant Guillaume de Champeaux que ses élêves, et l'honn '\11

de leurs victoires rejaillissait sur lui. (Hist. cal., PL, 178, 121B). La victoire dun 1111

disputatio parait même avoir été regardée comme un signe auquel on reconnurxsult 1111'1111

disciple était devenu capable d'être maitre à son touro C'est à Ia suite de se. VI '!tu iCII

discussions qu'Abélard alia fonder sa premiêre école à Melun; de même 10. WIII, 1111111

abbé d'Anchin, ayant vaincu Abélard dans une disputatio, au dire de on bl r Iph , I1nombreux disciples accoururent pour se mettre sous sa discipline (Vita . o. wtnt, RI'''I/",Ides historiens des Gaules, t. XIV, p. 443). - Mais tout cela ne témoigne pa d'un r 111I

scolaire, d'une "institution"; en tout cas, point d'un genre littéraire avec XIII' ,

techniques et son style." (p. 130 n. 2). Cf. dans le même sens, M.D. CHENU,Introdu 11011

(1954), p. 74, n. 2." P. GLORIEUX,L'enseignement au moyen âge ... (1968), p. 124.l6 J.P. TORRELL,Théorie de Ia prophétie et philosophie de Ia connaissance aux environs d

1230. La contribution d'Hugues de Saint-Cher (Ms. Douai 434, Q. 481). Louvain, 1977, p.96. L'observation de P. TorrelJ est motivée par Ia façon dont Hugues de aint- hertermine son Commentaire sur un passage d'Isaie concernant le non-accompli em ntd'une prophétie: "Quid autem sit prophetas videre in speculo eternitatis, disputattontrelinqulmus", Pour ce qui concerne le renvoi à Ia dispute l'auteur se réfêre à B. MAU J'Y,The tudy 01 the Bible in 'the Middle Ages. Oxford, 1952, p. 210-211.

32'", Cf. PARÉ, BRUNET,TREMBLAY,op. cit., p. 131: "Le premier fruit important quenous ayons, au milieu du Xlle siêcle, du souci croissant d'organiser en corps doctrinalles quaestiones disparates de Ia leçon traditionnelle, ce sont les fameuses Sentences dePierre Lombard. "Je ne suis pas loin de penser, écrit le P. Mandonnet, que les quatrelivres des Sentences du Lombard ne sont autre chose que les questions qu'il a soulevéesou disputécs au cours de son enseignement de Ia Bible et qu'il a finalement ordonnéesen un corps de doctrine théologique".

" L'enseignement de Ia logique était réservé aux écoles des arts libéraux. On peut serendre compte de Ia richesse dont on disposait à Ia fin du XIIe siêcle en regardant Ialiste des ouvrages dont Ia lecture était obligatoire et qui a été transmise par AlexandreNeckam (vers 1157-1217): "Secundo inter liberales artes invigilare desiderans audiatlibrum cathegoricorum sillogismorum editum a Boecio et thopica eiusdem et librumdivisionum et Y sagogas Porphiri et cathegorias Aristotilis et librum periarmenias et librumelenchorum et priores analetichos et apodoxim eiusdem et topica Ciceronis et librumperiarmenias Apuleii ..." (cité par J. ISAAC,Le Peri Hermeneias en Occident, de Boê e àSaint Thomas. Paris, 1953, p. 62, n. 1). J. Isaac donne, à Ia p. 64 de on ouvrag , untableau comparatif des ouvrages dont on disposait au milieu du Xlle si ele l I finde ce même siêcle,

35

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36 CHAPITRE 11

Mais Ia scolastique ne remplace pas les méthodes, elle les superpose.Si Ia quaestio n'élimine pas Ia lectio, Ia disputatio liée à Ia leçon n'est pasnon plus éliminée par Ia nouvelle formule qui se fait jour dans Ia deuxiêmemoitié du XIIe siêcle 37. En effet, Ia disputatio s'aflirme progressivementcomme activité autonome vis-à-vis du texte: même le thême de Ia disputeest étranger à Ia leçon, à Ia différence de Ia disputatio semi-autonomeque nous venons de présenter. Mais il faut s'entendre sur le sens decette autonomie. Si Ia disputatio apparait comme libérée du texte parcequ'elle ne vise pas à un travail exégétique, elle n'en est pas moins rattachéeà l'enseignement régulier du maitre. Elle constitue une nouvelle forme quecet enseignement assume en vue de satisfaire au besoin de construireune théologie rationnelle (et non plus simplement positive ou scripturaire).II faut souligner ce lien avec I'enseignement régulier, car il est le trait quinous permettra de distinguer Ia disputatio ordinaria du quodlibet.

Si le moment exact ou Ia dispute a acquis son autonomie est diffi.cileà préciser, Ies historiens sont d'accord pour dire qu'avec Simon deTournai (vers 1201) le processus est achevé. "Chez Simon de Tournai,Ia dispute brise ses demiers liens avec Ia Ieçon et forme un grand exercicescolaire, prenant Ia place d'une Ieçon magistrale, qui occuperait une partieplus ou moins considérable de Ia matinée. Nous tenons ainsi le type deIa quaestio disputata, appelée à un si grand avenir dans le moyen âge" 38.

Jusqu'oú peut-on faire reculer Ia date de naissance de Ia dispute? Si onconsidêre celle-ci dans le sens Iarge de discussion entre deux maitres ouentre le maitre et I'étudiant à propos d'un texte ou d'un problême doctrinal,on peut aller jusqu'à Abélard dont Ia méthode pédagogique consiste,selon ses propres termes, en un double exercice: "aliud quippe est confe-rendo veritatem inquirere, aliud disputando contendere ad ostensionem" 39.

31 Si Lacombe et Landgraf, comme nous I'avons exprimé plus haut (cf. n. 25 et 26) n'ontpas discemé le profil propre de Ia quaestio comme différente de Ia lectio et de Ia disputatio,R. Martin, pour sa part, ne semble pas avoir reconnu cette forme semi-autonome dedisputatio, toujours reliée à Ia leçon, mais rapportée à une session différente. En fait ilsemble que l'on peut distinguer quatre formes jusqu'à présent: lectio, quaestio (à l'intérieurde Ia leçon), disputatio semi-autonome (Iiée thématiquement à Ia leçon, mais séparéetemporellement), disputatio indépendante de Ia leçon. Odon de Soissons, qui enseigne àParis vers 1164, semble offrir un bon exemple de disputes rattachées encore à Ia leçon.Le Cardinal Pitra a édité une bonne partie de ses Quaestiones (Anatecta novissima SpicilegiiSolesmensis. Altera continuatia, t. 11, Tusculana, 1888). Cf. aussi J. W ARICHEZ,Les disputationesde Simon de Toumai, Louvain, 1932, p. XIII et XLIV.

38 J. WARICHEZ, op. cit., p. XLIV. Cf. aussi R.M. MARTIN, supra, n. 26.). ABELARD, Theologia christiana, 111; PL, t. 178, 1217.

ÉVOLUTION DU GENRE 37

Mais cette pratique de Ia dispute, qui suscita des attitudes três négativede Ia part de quelques personnalités du XIIe siêcle 40, n'est pas encorenotre disputatio, exercice régulier de I'enseignement d'un maitre au seiode son école ". C'est à Ia fio du XIIe siêcle (1171-1197) que Pierre leChantre définit Ia fonction magistrale en y introduisant Ia dispute commeune de ses activités constitutives: "In tribus igitur consistit exercitiumsacrae scripturae, circa lectionem, disputationem et predicationem 42." Ladéfinition a fait carriêre, car on retrouve cette triple dimension de Iafonction magistrale dans Ia formule que le chancelier utilise, en 1350,pour conférer le grade de licencié en théologie: "Et auctoritate Deiomnipotentis et apostolorum Petri et Pauli et sedis apostolice dat eislicenciam disputandi, legendi et predicandi et omnes actus exercendi intheologica facultate qui ad magistrum pertinent, in nomine Patris ..." 43,

II semble donc bien que, dês Ia fio du XIIe siêcle, Ia disputatio était

40 J. WARICHEZ, op. cit., p. XLIII: Elle avait suscité les reproches violents de S. Bernard(Epist. 188, PL, t. 182, 353), les récriminations amêres de Jean de Salisbury (Metalogicus,PL, t. 199,864 et svv.), les dénonciations indignées d'Étienne de Toumai (Lettre à Alexandre111, PL, t. 211, 517), le silence méprisant d'Hugues de Saint Victor (il n'en souffie paun mot dans son Didascalion).Une des "Sentences" de l'école d'Anselme de Laon, tout en mettant en relief I'utilité deIa méthode, prévient aussi sur les abus et les excês :"Disputationis disciplina ad omnia genera questionum que in litteris sanctis penetrandet dissoluenda sunt plurimum ualet. Tamen ibi cauendum est libido rixandi et puerihquedam ostentatio decipiendi aduersarium. Sunt enim multa que appellantur sophism It.Ifalse conclusionis, et plerumque ita ueras imitantes ut etiam ingeniosos minus dili nt I

attentos decipiant. Proposuit enim quidam: quod eo (lire: ego) sum, tu n n ,,111consentit. Tunc ille: ego homo sum ; conclusit: tu igitur homo non es. Qu d 1111

questionum Scriptura, quantum estimo, detestatur dicens: qui sophistice loquitur ml/1I11/1 I'Deo," (O. LOTTIN, Psychologie e/ Morale aux Xl/e et Xl//e siêcle, t.V. Gem loux, 1'1 'I,p. 324).Encore au XllIe siêcle, lorsque Ia question est depuis longtemps détach du 1 1,Roger Bacon ne manque pas de signaler les dangers de cette nouvelle rrent 11 lU 11 11Ia théologie systématique: "Item impossible est quod textus Dei sciatur pr pter ibu umSententiarum. Nam quaestiones quae quaeri deberent in textu ad exposition 111 t lu,sicut fit in omni facultate, jam sunt separatae a textu. Et vocatur curiosus qui in t tuvult quaestiones, licet necessarias et proprias theologiae, disputare ... Et ideo qui I unttextum non exponunt eum ... Accidit infinitum impedimentum studii" (Opus minus, d.Brewer. Londres, 1859, p. 329; cité par M-D. CHENU, Maitres e/ bacheliers de l'Untversttéde Paris v. 1240, dans Êtudes d'histoire liuéraire e/ doctrinale du Xl//e siêcle, Paris-Ottawa,1932, p. 27).•• Cf. supra n. 34.42 PIERRE LE CHANTRE, Verbum abbreviatum, capo I, PL, t. 205, 25. Pierre de Poiticr

doit aussi être compté, avec Simon de Tournai et Pierre le Chantre, parmi ceux qui ntpratiqué Ia dispu/alio; cf. A.M. LANDGRAF, Introduction ... (1973), p. 49.

') DENIFLE- HATIlLAIN, Chartularium Univ Paris., li, n. 1185, p. 683.

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38 CHAPITRE 11

eonsidérée eomme fonetion propre du maitre. La preuve en est qu'en1215,Robert de Courçon eroit déjà néeessaire de réglementer son exereieedans Ies statuts qu'il rédige pour Ies Faeultés des Arts et de Théologiede Paris, besoin qui n'est eompréhensible que dans l'hypothêse d'unepratique déjà solidement établie dans Ie milieu universitaire 44.

L'apparition de I'institution universitaire donnera à Ia disputatio desformes dont nous nous oeeuperons plus Ioin, Essayons d'abord de préeisereomment se déroulait Ia dispute à Ia fin du XIIe siêcle, Les statuts nesont d'aueun seeours à ee propos; Ies seules indieations sont fourniespar I'analyse des questions elles-mêmes. Les Disputationes de Simon deTournai sont particuliêrement importantes dans eette perspeetive, ear onen possêde une bonne édition et I'éditeur a mis en relief Ies différentsaspeets de eet exereiee seolaire. Voiei eomment Wariehez a synthétisé Iaméthode des disputes 45. Quel qu'en soit Ie sujet (Éeriture, dogme, morale,droit eanonique), Ie processus semble uniforme. On pose au maitre unesérie de questions qu'il s'agit de diseuter. Leur nombre varie selon Iesjours, mais un lien thématique Ies unit 46. Elles sont posées non seulementpar Ies étudiants du maitre, mais aussi par d'autres maitres, ear Iesdisputes sont un exereiee ouvert, et, dans Ie eas de Simon, elleseonnaissaient un énorme succês 47. Mais si Ies problêmes sont posés parIe publie, il semble bien que Ieur élaboration ineombe au maitre. CommeIe texte dont nous disposons n'est que Ie procês-verbal, résumé, de Ia

•• Chartularium, I, n. 20, p. 79. Cest Mgr Glorieux qui a insisté, comme principeméthodologique, sur le décalage temporel qu'il faut toujours supposer entre Ia pratiqueet Ia réglementation. "(Les rêglements) n'ont pas décrété a priori ce qu'il convenait defaire, mais bien plutôt entériné ce qui existait déjà. Ils ont traduit Ia vie, plus qu'ils neI'ont créé" (L'enseignemem au moyen âge ... (1969), p. 67). Le bien fondé de ce principeapparait lorsqu'on examine les formules d'introduction des statuts de 1335-1366 (Chart.11, n. 1188): "Hic sequuntur regule seu consuetudines aut statuta observata ab antiquotempore in venerabili facultate theologie" (p. 691): "hic sequuntur alique consuetudinessive statuta observata ab antiquo tempore in venerabili facultate artium liberalium" (p. 696).

., Cf. J. WARICHEZ, Les disputationes de Simon de Toumai, p. XLIV-XLVII. Nousprésentons de façon abrégée I'exposé de I'auteur, en ne retenant que les traits de Iadispute qui peuvent être appuyés par le texte même des Disputationes. M. Pelster avaitsignalé des doutes concernant l'exposé de J. Warichez (cf. Oxford Theology ... (1934), p.32, n. I).

•• "Hodierna disputatione quatuor ... quinque ... duo ... quesita sunt".Le point est important, car il préfigure Ia structuration d'une quaestio en plusieurs article ,et il aide à résoudre le problême de savoir queUe était I'unité de dispute. Cf. plus loin p.76-77.

.7 Voir à ce propos les témoignages de Mathieu Paris et de Thomas de antimpré (~ umsuper omnes doctores civitatis auditores haberet") cités par WARI HEZ, op. cit., p. X VIII

ÉVOLUTION OU GENRE 39

anee de diseussion 48, il ne nous renseigne pas três exaetement sur sond r ulement. Celui-ei peut, semble-t-il, prendre plusieurs formes. Le maitreIirige toujours Ia diseussion. Il met au point Ies arguments proposés,upplée au manque d'érudition des objeetants, souvent présente lui-même

I·s arguments et Ies auctoritates qui Ies appuyent. Parfois il renvoie Iadiscussion d'une question à une oeeasion ultérieure, ou rappelle à I'auditoire[ue le problême a été diseuté auparavant. Dans tous Ies eas, il luiippartient de traneher Ia question par une soIution personnelle, mêmeI une premiêre soIution a été proposée par Ies assistants. Parfois, Ia

que tion est posée sans arguments pour et eontre, prenant Ia forme d'unerutcrrogation simple 49; Ia plupart du temps elle se présente vraiment

mme une quaestio formata, avee des raisons en sens opposés. D'autrepart, Ia soIution du maitre semble être Ie mot de Ia fin: il ne reprendpu les arguments pour Ies réfuter un à un eomme on est habitué à lev ir dans Ies disputes du XIIle siêcle. Dans eette soIution Ie maitre faitippel à plusieurs proeédés dialeetiques inspirés du Sic et nond'Abélard: il introduit des distinctions qui aident à préeiser le sens dupr blême diseuté et allêgue des auctoritates qui appuyent sa positionI cr onnelle. La maniêre dont eet appel à l'auctoritas est exploitée marque110 progrês important dans Ia eompréhension de Ia tradition 50. Signalons-nfin, ear Ie fait mérite d'être remarqué, que dans Ies Disputationes deSimon de Toumai un personnage typique de Ia disputatio médiévale entre

•• Lc procês-verbal était rédigé par unprepositus scolarum; cf. J. WARICHEZ, op. cit., p.I.V. Cf. dans le même sens, A.M. LANDGRAF, Introduction ... , p. 49: "11 est certain,

d' unre part, qu'une véritable dispute exigeait Ia présence de plusieurs notarii chargé d'en• diger le déroulement. Le texte n'était mis au net qu'aprês coup. Les différences, s uvcntuotubles, de Ia tradition textueUe s'expliquent par le soin inégal apporté par les nota",lnr de Ia rédaction de Ia dispute, dont les minutes ont été parfois conservées ct ontP I sé dans les recueils de questions, ainsi que par les corrections faites lors de Ia má\\1 net". On aura l'occasion de revenir sur Ia présence de ces "notam" afin de souli n rl'imp rtance et Ia portée de leur intervention dans Ia tradition textueUe.

•• L'interrogation simple (ceUe qui se présente sous Ia forme d'une proposition: e t-eh. n ain i) doit être distinguée de I'interrogation dialectique (ceUe qui se présentc uln forme d'un problême : est-ce ainsi ou non). La distinction vient de Boêce. Cf. J. ISAA ,I ~ Peri Hermeneias ... (1953), p. 23.

." J. WARICHEZ, op. cit., p. XLVII: "Au lieu de citer textuellement une courte sentenccli. de toutes piêces d'un traité, sans se soucier des développements littéraires qui cnp' 'i cnt le sens, notre maitre tournaisien allêgue souvent Ia pensée de I'auteur telleIIU' 11 e dégage de tout un exposé, Ce n'est pas encore de Ia critique historique, pui qu' n" li e le circonstances de temps, de lieu et de personnes qui ont motivé Ia décisi n enIIU ti n. Mais c'est déjã mieux que les entences patristiques, cueillies isolément etI, IIt l'égal d'un texte cripturaire, comme si elle étaient de Ia même in pirntiondrvin ",

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40 CHAPITRE11

en scêne : l'opponens, ehargé de fournir Ies arguments opposés à Ia thêsequi sera soutenue par le maitre 51.

On peut done affirmer qu'à I'aube du XllIe siêcle, au moment ou IeséeoIes eommeneent à s'organiser en universités, Ia disputatio s'est imposéeeomme une fonetion magistrale nettement distinete de Ia lectio et ayantdes traits bien earaetéristiques qui permettent de Ia définir. Elle est uneforme réguliêre d'enseignement, d'apprentissage et de recherche, présidée par/e maftre, caractérisée par une méthode dia/ectique qui consiste à apporteret à examiner des arguments de raison et d'autorité qui s'opposent autourd'un problême théorique ou pratique et qui sont fournis par /es participants,et ou /e mattre doit parvenir à une so/ution doctrina/e par un acte dedétermination qui /e confirme dans sa fonction magistra/e. Si I'on compareeette deseription de Ia disputatio avee eelle de Ia quaestio (ef. pIus haut,p. 29), on constate que l'évoIution s'est opérée par Ia perte d'un éIément(le texte) et par l'addition d'un autre (Ia séanee de diseussion indépendanteavee Ia partieipation des étudiants et des maitres). Ce nouvel éIémentmodifie partiellement Ia nature des arguments en eonflit: dans Ia quaestio,ils provenaient surtout des textes eux-mêmes, des auctoritatesdivergentes; dans Ia disputatio, bien qu'ils puissent tirer Ieur origine deIa tradition, ils sont apportés par Ies partieipants.

2. LA "DISPUTATIO"EN MILIEUUNIVERSITAIRE

La naissanee des universités donne à Ia disputatio un aeeent professionneltrês marqué. La dispute in scho/is, telle que nous I'avons définie dans Iaseetion préeédente, s'enriehira dans son méeanisme formel et elle en-gendrera des formes particuliêres que I'on devra préeiser.

A Paris, I'exereiee de Ia dispute se généralise à teI point que I'on entient eompte déjà dans Ies statuts de 1215 (ef. pIus haut, n. 44). C'està eette époque, ou au pIus tard en 1231, que le P. Mandonnet 52 eroyaitpouvoir diseerner une doubIe modalité de Ia disputatio. Elle est d'abordun exereiee privé, auquel ne prennnent part que Ies étudiants d'un maitredéterminé; elle a lieu dans I'éeoIe et sous Ia présidenee de ee dernier.Elle devient aussi un exereice public, appelé disputatio ordinaria qui se

" Le fait avait été déjà signalé par F. PELSTER,Oxford Theology.... , p. 32.>l P. MANDONNET,S. Thomae Aq. Q. disputatae ... (1926), p. 7-8.

. VOLUTIONDU GENRE 41

II 111 t u les samedis 53, ou tous Ies quinze jours 54. "La fréquence de'\ creiee en faisait I'équivalent d'une eorvée dont Ies Maítres se

111 I n aient voIontiers, d'oú Ies preseriptions qui Ies y obligeaient" 55.

NUIIS rcviendrons sur Ies aspeets partieuliers de Ia dispute dans le ehapitreuivunt. Bornons-nous à dire, dans eette seetion ou nous traçons IesIande Iignes de son évoIution historique, que Ies maitres de Ia premiêre

uuuti du siêcle ont presque tous euItivé Ia disputatio et que nous avons" témoins des deux modalités distinguées pIus haut.

Purmi ees témoins, il faut signaler Ia eolleetion de disputes de maitres[uu i. icns vers 1230, eontenue dans le ms. DOUAI43456• Le P. Torrell apublié Ia Q. 481 (De prophetia), dans Iaquelle il eroit reeonnaitre l'échod'un dispute privée entre le maitre et ses étudiants. Pelster avait notétlU'; Oxford, ou I'on suivait Ies eoutumes de Paris, il fallait égalementdistinguer entre Ia disputatio privata et Ia disputatio ordinaria ou publica,I nn e parmi Ies aetes soIennels de I'Université 57. Le trait distinetif entreI deux modalités est Ia qualité des partieipants; dans un eas il ne s'agitqu du maitre et de ses étudiants, dans I'autre Ie publie est pIus Iarge:d 'S tudiants d'autres "écoles", et éventuellement d'autres maitres prennentpurt à Ia dispute. Mais il est pIus intéressant de diseerner Ies traitsomrnuns, ear ee sont eux qui earaetérisent Ia disputatio à eette étape deon évoIution.te premier trait, est que Ia dispute devient un aete seoIaire offieiel,

111\' méthode reeonnue et favorisée par Ia eorporation, une pratiquehubituelle que I'on doit même réglementer, et non pIus une méthode

" Selon H. PERI, Die scholastische Disputation, dans Romanica et Occidentalia. Études.1 di es à Ia mémoire de Hiram PERI (PfIaum) (M. LAZAR,éd.). Jérusalem, 1963, p. 353.

• Selon L. HOOL, dans Lexikonfor Theologie und Kirche, t. VIII,c. 925., J.P. TORRELL,Théorie de Ia prophétie ... (1977), p. XVI, n. 48. J'emprunte au P. Torrell

I férences données dans les deux notes précédentes.1 manuscrit est bien connu des médiévistes. Depuis que Dom Odon Lottin lui

i onsacra, en 1933, une premiêre étude, il a été l'objet de plusieurs analyses, parmilI- quelles il faut souligner celle de P. Glorieux en 1938 (Les 572 Questions du manuscrit.I•• Douai 434, dans RTAM, 10 (1938) p. 123-152. Cf. à ce sujet, J.-P. TORRELL,op. cit.,

I' V ." I ITTLE-PELSTER,Oxford Theology ... (1934), p. 37: "... at Oxford each master disputed

I'lIhll Iy aecording to customary right on a definitely fixed day and ... such a disputationr.ikrn place in a regular sequence was called disputatio ordinaria. The disputatio ordinaria

, then reckoned among the disputationes publicae ac magistrales and the actus solemnes,lu whi h eertainly also lhe vesperiae and the inceptio belong. Dlsputatio ordinaria and./rl/ll/latio solemnis or publica are not eontrasted but can mean the same thing. In contra I111 'I stand lhe disputatio whieh lhe ma ler held in hi sehool only for and with hi ownIIId'nlH, and f this kind is ais lhe collatlo ...",

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42 CHAPlTRE II

facultative dont I'adoption est laissée aux goüts et aux préférences dumaitre. L'université médiévale sanctionne Ia disputatio comme un élémentrégulier de Ia méthode scolastique et généralise son champ d'applica-tion: on Ia voit à I'reuvre dans toutes les facultés,

Le deuxiême trait est I'apparition d'un répondant parmi les acteursréguliers de Ia dispute. TI vient s'ajouter au maítre et à Yopponens ; sonrôle est de trouver une solution préliminaire au problême posé, avantque le maitre n'apporte sa détermination finale58.

Le troisiême trait est l'étoffement des procédés de discussion. Ladialectique, enrichie par les nouveaux ouvrages de logique, est de plusen plus maitrisée par tous les membres de Ia corporation et ils se plaisentà mettre en évidence cette maitrise dans les discussions scolaires. Lerôle de Ia Faculté des Arts, ou Ies universitaires sont censés apprendreIa science du raisonnement rigoureux, est prépondérant dans ce processus,et on aura I'occasion de voir en détail jusqu'à quel point elle étaitresponsable de Ia formation dialectique en vue des disputes. D'autrepart, Ia séance de dispute s'est aussi compliquée. Une premiêre partieest consacrée à I'examen des arguments pour et contre Ia thêse discutéeet à Ia réponse préliminaire du respondens; une seconde est dévolue àIa réponse du maitre, qui ne peut plus se contenter de donner une solutiongénérale, mais doit également examiner un par unles arguments proposésau cours de Ia premiêre partie et résoudre les difficultés soulevées. Aquel moment exact ces deux parties ont été séparées temporellement, ilest difticile de l'établir, mais elles sont déjà disjointes vers le milieu dusiêcle 59.

La disputatio, avec ces trois notes d'exercice régulier, de discussionméthodique tripartite (arguments, solution, réponses aux arguments), etd'exercice comptant trois responsables principaux (le magister qui présideet détermine, l'opponens qui soulêve des difticultés contre Ia thêse, lerespondens qui clarifie préalablement le problême), est pratiquée systé-matiquement par les maitres de Ia premiêre moitié du XIIIe siêcle.

ss Ce trait a été aussi souligné par PELSTER, Oxford Theology... , p. 31: «A second stage(aprês l'étape représentée par les disputes de Sirnon de Tournai) is the disputation witha specially appointed respondens, who gave a preliminary solution of the question set, andthen had to answer the objections raised by other participators. He was a dilferent personfrom the teacher or mas ter" .

'9 O. plus loin p. 59. 11n'y a pas lieu de développer ici cette distinetion entre Ia sessionde dispute et Ia session de détcrmination car elle ne concerne que les modalités techniquesde déroulcment de Ia disputa tio, sans con tituer un trait fi ndamental dans l'évolution dugenre.

ÉVOLUTION DU GENRE 43

Parmi les séeuliers: Gui d'Orehelles (maitre de 1221 à 1228), Guiard de Laon(1232-1238), Eudes de Châteauroux (1232-1244), Alexandre de Halês "antequame set frater" (done avant 1236), Gauthier de Château-Thierry (1238-1247),Étienne de Poligny (1241-1247). Parmi les dominieains: Hugues de Saint-Cher(maitre entre 1230 et 1235), Guerric de Saint-Quentin (maitre de 1233 à 1242),Albert le Grand (1242-1248). Les franciscains ont adopté Ia disputatio dês ledébut de leur incorporation à l'université: à Alexandre de Halês il faut ajouterJean de Ia Rochelle (1238-1244), Eudes Rigauld (1244-1248), Guillaume deMeliton (1248-1252).

Lorsque saint Bonaventure et saint Thomas deviennent maitres régentsà l'Université de Paris, le genre, tel que nous I'avons décrit, avait parcouruun long chemin. Les Quaestiones disputatae de Thomas sont presquel'archétype de Ia disputatio telle qu'elle était pratiquée au Xllle siêcle.

Nous avons dit que Ia scolastique ne procede pas par substitution deméthodes, mais par addition et enrichissement de celles-ci. C'est pourquoi,même si de nouvelles formes de disputes se développent, Ia disputatioordinaria (comme Iaprivata) continue sa longue carriêre dans les universitésdu Xllle siêcle et elle jouit de Ia faveur des maitres les plus renommés.Pour comprendre sa disparition progressive, ilfaudra examiner les nouvellesformes de dispute et les facteurs qui ont déterminé leur naissance. EnfinIa disputatio, telle que nous I'avons vue naitre comme méthode théologiq~edéveloppée surtout à Paris, n'est patrimoine exclusif ni de Ia théologieni de Paris. Elle sera pratiquée, avec les variantes thématiques propresl\UX différentes disciplines, dans les études de droit et de médecine 60 ;

t les méthodes de Paris trouveront bon accueil dans tous les centresuniversitaires de I'Europe médiévale. Les Facultés des Arts développerontdes formes semblables d'exercices destinés à préparer progressivementI'étudiant aux disputes auxquelles il devra participer dans les facultéssupérieures 61. La disputatio fournit, au Xllle siêcle, le cadre d'élaborationti ctrinale de Ia théologie rationnelle. Les auteurs voient en elle Iap sibilité d'aborder, de façon ordonnée et systématique, les problêmesqu'ils considêrent comme fondamentaux dans leur discipline. C'estp urquoi on a vu dans les disputes I'antécédent des Sommes 62 et on

••, f. plus loin, p. 90 ainsi que les Hle et IVe parties de ce volume.•• f. plus loin, p. 93. .' .• Soit parce que les Q. disputatae sont une premiêre élaboration du maténel. qui sera

r flrrs dan une Somme, oit parce que le dispute elle -rnêrnes, revue et corrrgées. parI' IIrt ur, cront publiées comme umma Quaestionum, soit finalement p~ce que les article,I Sommes ser nt rédigé el n le chéma de Ia di pute. f. plus I 10, p. 47, n. 73.

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44 CHAPITRE 11

peut les considérer comme une des réalisations les plus müres de Iascolastique.

La disputatio est parvenue à son plein épanouissement dans un cadrecorporatif qui l'influença et Ia modifia. Elle est une activité propre dumaitre, dont le rôle magistral est défini par Ia triple fonction de tire,disputer et prêcher. Or tous les membres de l'université visent I'obtentionde ce grade, de cette licentia docendi, praedicandi et disputandi. II est, dêsIors, naturel que Ia corporation organise des exercices destinés à préparerles futurs maitres à leur fonction, et des épreuves capables d'évaluer leurcompétence professionnelle dans chacune des dimensions qui Ia con-stituent. La communauté universitaire se hiérarchise en plusieurs niveaux(bachelier ês arts, maitre ês arts, bachelier biblique, bachelier sententiaire,bachelier formé, licencié, maitre), distingués par le degré de compétenceacquis en vue de I'exercice de Ia fonction magistrale. Bientôt, en ce quiconcerne Ia fonction de disputer, Ia participation aux disputes in scholisou ordinariae s'avêre insuffisante pour Ia formation des candidats. SansI'éliminer, en Ia rendant même obligatoire, on développe et on régIementede nouveaux exercices qui, revêtant Ia structure formelle de Ia disputatio,prennent plus spécialement les caractéristiques d'exercice scolaire etd'épreuve professionnelle 63. Achaque degré de sa carriêre, Ie candidatse voit imposer un nombre croissant de ces activités scolaires et un rôleplus responsable dans leur déroulement. Ainsi sont nées, comme exercicesscolaires, Ia repetitio, Ia collatio, Ia sorbonica, et comme épreuves decompétence professionnelle, Ia disputatio tentativa, Ia disputatio in vesperiis,l'aulica, Ia resumptio. Elles se différencient de Ia quaestio disputata en ceque cette derniêre reste toujours activité du maitre, organisée par Iemaitre (qui choisit Ie jour et le thême de Ia dispute) en vue de sonenseignement doctrinal ".

.3 Des remarques semblables peuvent être faites à propos de deux autres fonctions:legere et praedicare .••a. P. GLORIEUX, L'enseignemeru ... (1968), p. 124. Soulignons que le but de Ia quaestio

disputata est I'enseignement et Ia recherche. Évidemment elle a aussi Ia dimension d'exercicescolaire et d'entrainement des étudiants, mais ceei n'est pas son trait distinctif. Cest pourquoinous ne pouvons suivre Mgr Glorieux lorsqu'íl caractérise Ia question disputée comme "unexercice d'argumentation, de dialectique, pour Ia formation et l'entraínement des étudiants etiI peut de ce chefporter sur n'importe quel sujet (à Ia façon des lnsolubilia et des Sophis~la,à Ia Faculté des Arts). Mais iI est aussi ceuvre magistrale et doit contribuer au progrêsdoctrinal" (op. cit., p. 127). Je pense que Mgr Glorieux intervertit ici I'ordre des objectifsrendant ainsi impossible Ia distinction spécifique entre Ia quaestio disputata et les autres exercicescolaire qui visent Ia formation de l'étudiant ou l'évaluation professionnelle du candidat à un

grade, tout en gardant les aspects formels du genre.

ÉVOLUTION DU GENRE 45

On l' a relevé 65, au fur et à mesure qu' approche le XIVe siêcle, lesbacheliers tendent à prendre Ia pIace du maitre dans Ia dispute. Lesexercices et les épreuves acquiêrent un caractêre soIennel et concentrentde plus en plus I'attention de Ia communauté universitaire. Si Ie maitrecontinue de les présider, il ne le fait pIus dans Ie même but que dans Iadispute ordinaire. La dimension d'enseignement et d'éIaboration doctrinalepersonnelle s'est effacée au profit des aspects d'exercice de discussion,d'exhibition de talents dialectiques, d'examen ou d'épreuye. Dans cesnouvelles formes de Ia dispute, le rôIe des maitres est inversé: c'est àeux maintenant de fournir des arguments contre Ia thêse défendue parIe candidat; c'est au bachelier d'apporter Ies solutions définitives 66. Onest parfois tenté de se demander si Ies arguments ainsi proposés par cesmaitres répondent vraiment à Ieur pensée personnelle ou s'ils ne sontque des obstacles dressés devant Ie candidat pour Iui donner I'occasionde mettre en évidence ses talents dialectiques. Insistons-y, si ces disputes,conçues comme exercices d'entrainement ou comme épreuves de com~pétence professionnelle, continuent d'avoir une structure formell~ quipermet de Ies cIasser dans Ie genre de Ia quaestio disputata, elles doiventcependant être distinguées spécifiquement de Ia disputatio in scholis et deIa disputatio ardinaria en raison de leur but: elles ne sont plus un acted'enseignement régulier du maitre.

Une autre forme de dispute prend naissance au milieu du XIIlesiêcle : c'est Ia quaestio disputata de quolibet, ou le quodlibet. C'est à saintThomas qu'on attribuait, à Ia suite de Mandonnet, Ia naissance et legrand succês de cette nouvelle manifestation de Ia vitalité universitaire 67.

II semble aujourd'hui clair que le quodlibet existait déjà vers 1230 à IaFaculté de ThéoIogie de Paris. Celui-ci sera traité dans Ia seconde partidu volume. On se borne ici à signaler ce qui en constitue le trait spécifi u ,afio de compléter ce tableau sur I'évolution du genre de Ia dispute.

Le quodlibet a en commun avec Ia dispute ordinaire d'être "un exer i cmagistral décidé par le maitre, dirigé et contrôlé par lui; même si bachelien

, . . " "I At" 68 C'e tou étudiants interviennent, ce n est jamais que sous e mal re .le maitre qui "détermine" Ia question et il le fait dans un but doctrinal;le respondens, si formé qu'il soit, n'apporte qu'une solution préliminaire.

., f. Ch. THUROT, De l'organisation de /'enseignement ... (1850), p. 133." f. plus loin description d'une disputatio in vesperiis et in aula.61 P. MANDONNET, S. Thomae Aq. Q. disputatae ... (1926), p. 11..1 P. GL RIEUX, L'ellseigllemenl ... (/968), p. 129.•• P. LORIEUX, op. cit., p. 128.

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46 CHAPITRE 11

En ceei, le quodlibet se distingue nettement des disputes d'exercice et desépreuves de compétence professionnelle, ou bacheliers et candidats sontles acteurs principaux. Mais il possêde certains traits qui le différencientspécifiquement de Ia quaestio ordinaria. Les historiens en ont signalé deuxqui, bien qu'importants du point de vue du mécanisme, ne constituentcependant pas, selon moi, les seules notes distinctives. Ni Ia diversitédes questions, ni le fait qu'elles ne sont pas proposées par le maitre 69,

ne me semblent suffire pour caractériser le quodlibet: il faut ajouter qu'iln'est pas un acte d'enseignement régulier du maítre. C'est pourquoi il estdemeuré libre; nul maitre n'était obligé à s'y soumettre.

Les quodlibeta et les disputationes ayant Ia portée d'épreuves avaient'l'avantage d'être des actes solennels de I'Université, ce qui explique qu'ilsaient suscité l'intérêt des maítres aussi bien que l'attention des rêglements.La chose est particuliêrement compréhensible lorsqu'il s'agit des épreuvesde compétence professionnelle, étant donné Ia responsabilité sociale descorporations universitaires. La quaestio disputata privata et Ia quaestiodisputata ordinaria continuent pourtant d'avoir Ia faveur des maitres. Cesdeux espêces du genre disputatio ne cessent pas d'être pratiquées régu-liêrement et Mgr Glorieux a- pu dresser une liste de maítres ayant desquestions disputées parmi leurs ceuvres, qui s'étend jusqu'au premierquart du XIVe siêcle 70. Les rêglements de 1366 et de 1385 contiennentdes dispositions précises concernant les diverses espêces de disputationes,y compris l'ordinaria. Ces dispositions sont reprises, on le verra, par lesrêglements de Ia fin du XIVe siêcle, non seulement en théologie, maisdans d'autres facultés. J'ai toutefois l'impression que, dans Ia secondemoitié du XIVe siêcle, les questions disputées retiennent seulement l'intérêtpédagogique, et non plus l'intérêt littéraire des maitres. Les causes dece phénomêne sont complexes et, pour les identifier d'une maniêresatisfaisante, il faudrait examiner Ia totalitédes matériaux disponibles 71,

ce que je ne puis songer à faire ici. Voici cependant quelques facteursqui ont contribué à cette perte progressive d'intérêt. Il y a d'abord etavant tout Ia professionalisation croissante des universités, qui confientaux bacheliers des tâches plus nombreuses et d'une responsabilité plusgrande. Les rêglements contribuent à cette situation en imposant aux

70 P. GLORIEUX.op. cit .• p. 89.71 Mgr Glorieux signalait (op. cit .• p. 128) qu'un répertoire général des Questions disputées

était en projeto et que ce répertoire en relêverait plusieurs milliers.

ÉVOLUTlON OU GENRE 47

diverses catégories de bacheliers l'obligation de prendre une part de plusen plus active à toutes les espêces de disputes universitaires. Le respondenstend à remplacer le maitre dans l'élucidation des problêmes discutés, cedernier gardant le rôle de président du débat, chargé de garantir le sérieuxde Ia discussion et d'apporter Ia détermination finale, probablement plusréduite et moins originale que celles qu'on élaborait dans Ia périodeprécédente 72. Cela tend à minimiser Ia portée doctrinale des disputesordinaires au bénéfice de leur aspect d'apprentissage. Il est possible queles maitres aient cessé de voir dans le contenu de ces disputes l'essentielde leur apport scientifique et qu'ils aient préféré orienter vers d'autresgenres, plus favorables à l'exposé de leurs idées personnelles, les effortslittéraires qu'ils consacraient au XIIle siêcle à Ia mise au point desdisputes. Mais on peut aussi supposer que c'est le zele grandissantdéployé dans l'édition des questions disputées qui a fini par détruire legenre. En effet, on a signalé il y a déjà presque un demi-siêcle 73 que lesdisputes ordinaires doivent être considérées comme l'antécédent immédiatdes sommes et des traités. Les maitres examinaient dans leurs disputationesles thêmes qui feraient plus tard l'objet d'un développement systématiquedans ces ouvrages. La disputatio fournissait une premiêre occasiond'élaborer dialectiquement un problême, d'examiner rigoureusement lesarguments pour et contre d'une thêse déterminée, en vue d'une premiêreévaluation de son intérêt doctrinal. Il est possible que les maitres aientvu dans le gros travail que l'édition de ces questions disputées leurdemandait une réduplication inutile par rapport à leurs traités. li est déjàsignificatif que les questions disputées d'Henri de Gand, hautementélaborées, aient été publiées sous le titre du Summa quaestionum ordi-nariarum.

77 Ch. THUROT.De l'organisation de l'enseignement ... (1850). p. 133. avait signalé qu'auXIVe siêcle, "l'enseignement fut presque entiêrement abandonné par les maitres auxbacheliers". Et il signale Ia cause: "Cest à Ia confusion du régime des collêges et descouvents avec celui de Ia Faculté, que j'attribue principalement ce changement dansI'enseignement théologique" (p. 134).

"R.M. MARTIN. (Euvres de Robert de Melun ... (1932). p. XLVII. Cf. P. GLORIEUX.L'enseignement ...• p. 127: "Elles (les Q.D.) peuvent servir de terrain d'élaboration detraités; que 1e plan soit prévu dês l'origine ou que le groupement soit effectué plus tardoavec insertion même d'autres questions isolées. Ainsi se préparent le De peccato, le Depassionibus d'Alexandre de Halês ; le Summa de creaturis d'Albert le Grand; les Quaestiones118 tn Iibrum lIum Sententiarum de Pierre Jean Olieu; Ia Summa theologica d'Henri deGand". Le cas de S. Thomas mérite d'être signalé: ses QD de anima et de spiritualibuscreaturis cotncident avec Ia période de rédaction de Ia I Pars; ses QD de malo, avec cellede Ia 11 Pars. Les questions disputées semblent être le terrain de discussion détaillée deproblémes dont Ia synthêse sera fournie dans Ia Somme.

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48 I1APITR 11

D'autres hypothêses peuveot être formulées. Le oombre croissant demaitres dans Ies grands ceotres universitaires a dü réduire Ies possibilitésque chacun avait de soutenir des disputes ordinaires publiques. Lesjournées "disputables" étant assez peu oombreuses peodant l'annéeacadémique, il est probabIe que Iesmaitres ont eu des diffi.cultéscroissantesà se voir réserver ces journées pour Ieurs disputes ordinaires. li Ieurrestait, bien entendu, Ies disputes "in scholis" ou privées ; mais celles-ci,comme on l'a dit pIus haut, soot devenues de pIus eo pIus des exercicesscoIaires ou Ie maitre teodait à se faire rempIacer par ses bacheliers.

li faut rappeler enfio que d'autres formes de dispute sembIent avoirgagné du terrain face aux disputes ordinaires. Les disputes de quolibetfournissaient au maitre l'occasion de faire briller ses taleots devant Iacommunauté universitaire, et même civile, dans un cadre soIennel. O' autresdisputes absorbaient aussi son temps et son attention: toutes Ies formesde disputes instituées comme épreuves finales de compétence profes-sionnelle (vesperia, aulica, etc.) étaient eotourées d'une grande soIennitéet Iui demandaient une participation toujours pIus active.

Ces facteurs soot tous d'ordre institutionnel. C'est peut-être Ieurconvergence qui a provoqué Ia disparition progressive de Ia quaestiodisputata 74. Faut-il faire appeI à des raisons pIus profondes? Faut-il voirdans l'effacement progressif de Ia question disputée un affaiblissemeotde l'esprit de recherche de Ia scolastique, rempIacé par l'esprit d'école?Je ne saurais donner une réponse fondée à ces questioos. Le fait est queIes représentants de Ia via moderna n'accorderont pas à Ia quaestiodisputata Ies mêmes faveurs et Ie même intérêt que leurs prédécesseursdu "siêcle d'or" de Ia scoIastique.

,.a. P. GLORIEUX,Jean de Faiísca. La formation d'un maitre en théologie au XIVe siêcle,dans AHDLMA, 33 (1966), p. 42: "II semble en effet que les Questions Disputées qui,au XIlIe siêcle constituaieht en chaque école un des meilleurs moyens de formation dontdisposait le maitre, aient perdu de leur importance ou de leur fréquence, au profit d'autresexercices plus recherchés". Et l'auteur cite parmi ces exercices, les principia, les questionsquodlibétiques, Ia sorbonique et les actes de maitrise (ceux que nous appellons épreuvesde compétence professionnelle). A Ia p. 43, Mgr. Glorieux dit en passant que les maitresau XIVe siêcle "ne prenaient pas Ia peine de publier" les disputes, consacrant plutôt leurtemp aux commentaires des sentences et à d'autres ouvrages. II semble que même lesQuodlibeta ont perdu de leur intérêt au profit des épreuves professionnelles; cf. P.GLORIEUX,L'enseignement.i, (1968), p. 133; cf. aussi p. 141, et P. GLORIEUX,La littératurequodlibétique de 1260 à 1320. Paris, 1925, p. 17 et p. 32, n. 5; p. 57: "aprês 1320 on nerencontre plus d'importantes collections de quodlibets". Les statuts de 1385 (Chart. Il,n. 1189(43), p. 70I) permettent déjâ que I'obligation de participer aux disputes quodlibétiquespuis e être échangée par un sermon.

CHAPITRE III

LES ESPECES OU GENRE

La synthêse historique qu'on vient de proposer montre les avantagesde Ia définition géoérique qu'on a adoptée au chapitre I. La disputatiomédiévale y est apparue comme un genre subdivisé en espêces dont Ietrait commun se situe sur Ie pIan méthodoIogique: "actus syllogisticusunius ad alterum ad aliquod propositum ostendendum". Maintenant ils'agit d'examiner les formes spécifiques concrêtes que ce genre a prisesdans Ies universités du XIIle et du XIVe siêcles. Pour Ies caractériser,l'historieo se trouve devant une diffi.cultéplusieurs fois signalée : le manquede précision, parfois le silence, des statuts universitaires 75. Certaios ontdit que Ia raison de ces imprécisions touchant Ie déroulemeot et Iaméthode des disputes est à chercher dans Ie fait qu'à l'université médiévale"Ia Iettre traduit et fixe Ia vie" 76. Les légisIateurs n'auraient pas éprouvéle besoin de réglementer une activité dont les modalités étaient bienconnues, car elle s'exerçait depuis longtemps. A quoi bon, se demandeP. Glorieux, décrire comment se dérouIe une dispute, si tout le mondeIe sait? Le manque de précision ne conceme cependant que les aspectsméthodologiques et pédagogiques; pour les aspects disciplinaires, finan-ciers, protocolaires, administratifs, Ies autorités universitaires, comme onIe verra, n'ont pas ménagé les détails: elles ont Iégiféré même sur desquestions menues, telles que le type de vêtements qu'il fallait porter auxdisputes solennelles, ou Ia quantité de vin à prévoir pour les célébrationsqui suivaient Ia dispute de graduation. Le fait est curieux: Iorsque Iaquaestio disputata jouissait d'une bonne santé, on n'a pas senti le besoinde Ia réglemeoter; et lorsqu'on l'a fait, c'est pour s'attarder à des détailsextemes. Car, il faut bien le souligner, les rêglements dont on dispose

"Ch. THUROT, op.cit., p. 134: "il y a une lacune pour Ia fin du XlIle siêcle et lecommencement du XIVe dans les monuments relatifs à Ia Faculté de théologie". P.GLORIEUX,La littérature quodlibétique ... (1925), p. 13: "les statuts de Paris gardent lesilence sur tout ce qui concerne Ia structure, les circonstances, l'ordre de ces disputes".A. LITTLE- F. PELSTER,Oxford theology ... (1934), p. 25: "As with other universities inthe thirteenth and beginning of the fourteenth centuries, the earliest statutes of Oxfordare very defective and sparse. Especially we fail to find adequate data about the customsrelating to lectures and disputations in the daily life on the university".

76 P. GLORIEUX,L'enseignement ... (1968), p. 77.

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50 IIAPI R 11I

sont, pour Ia plupart, de Ia deuxiême moitié du XIVe iêcle, ép qulaquelle les disputes solennelles (épreuves de compétence) et le exerci scolaires ont pris le pas sur Ia quaestio disputata du maitre. C'e t pourquoi,

pour le XIIle siêcle, Ia période antérieure, et pour Ia premiêre moitié duXIVe, notre grande source de renseignements continue d'être, spécialerncntpour les aspects scientifiques et pédagogiques, les documents non officiels- reportationes et editiones - qui permettent de saisir Ia vie du genre dan 'son expression Ia plus dynamique.

Autre problême : l'extension géographique de Ia dispute. partie de Pari,celle-ci se répand dans tous les centres universitaires de I'Europ .Davantage, les universités déclarent suivre l'usage de Paris en ce quiconceme les modalités de Ia dispute 77. D'oü Ia légitimité d'appliquer,dans l'éclaircissement des aspects pratiques de Ia dispute, ce doublprincipe: en cas de silence dans les rêglements de Paris, on fera app Iaux statuts des universités qui suivent son modele 78 ; en cas d'imprécisiondans les rêglements de n'importe quelle université, on fera appel auxd cuments non officiels qui nous ont transmis I'écho des disputeeflictivement tenues 79.

1. LES ACTES DU MAiTRE

)" a quaestio disputata"

I") L'uuteur et les acteurs à Ia Faculté de Théologiea quaestio disputata, on le rappelle, présente deux modalités : elle peut

'tr privée (in scho/is propriis) ou plus ouverte et solennelle (ordinaria)8°.an les deux cas, elle est un acte d'enseignement régulier du maitre.

17 Cf. F. EHRLE, I piu antichi statuti del/a Facoltà Teologica del/'Università di BolognaBologne, 1932, p. XXXII; LXXII; CLIX. Non seulement les universités suivaient Imodele de Paris, mais aussi les centres d'études des grands ordres mendiants. f. au I

h. THUROT,op.cit., p. 121.71 C'est ainsi que procêdent Denifie et Chatelain pour ce qui concerne les di pute 11/

vesperits et in aula: aprês avoir constaté le silence des statuts de Paris, de Vienn , dologne, de Heidelberg et de Toulouse, il font appel aux statuts de Bologna pour clanf r

leur fonctionnement. Cf. Chartularium, u, p. 693 n. 5.79 Le fait que les maitres de Paris se déplaçaient beaucoup, et le fait que le centr

intellectuels envoyaient leurs meilleurs éléments à Paris pour obtenir Ia mnltri ,onlcontribué à répandre les usages parisiens en matiêre de dispute. Le Quaestion dlsputnturd potentia de S. Thomas (tenues en ltalie) et les Quae ttones dlsputata d grat a tiM tthieu d'Aqunsparta (tenues Ia curie romaine entre 1284 ct 1285) n titu nt tib n exernples de cette irrndiati n de m dalités pari ienne .

10 f. plu haut, n. 53-57.

LES ESPECES DU GENRE 51

C'est à lui en effet de choisir les problêmes qu'on discutera, de distribuerles responsabilités entre les participants principaux, de présider à Iadiscussion, d'intervenir pour mettre au point des arguments, de lesapporter le cas échéant, de "déterminer" Ia question, de résoudre lesobjections qui ont été soulevées contre sa thêse, et, éventuellement, derevoir le matériel résultant des discussions et de sa détermination afinde produire une édition. Le maitre doit être considéré, sans aucun doute,comme l'auteur de Ia question disputée. li est aussi responsable de Iafréquence des disputes in scho/is. Pour ce qui conceme Ia disputa ordinaria,il doit cependant se conformer aux conditions réglementaires imposéespar l'université, chose compréhensible car ce type de dispute affecte Iavie de Ia communauté universitaire toute entiêre 81.

Tous ceux qui ont reçu Ia licence n'exercent pas leur fonction demaniêre effective. Les corporations universitaires ont limité Ie nombrede chaires, et seuls ceux qui en possédaient une étaient considérés commemaitres régents.

A Paris, par exemple, les ehaires de théologie au début du XIlle siêclen'étaient que huit; vers le milieu du siêcle leur nombre est passé à douze, ilatteindra vingt à Ia fio du siêcle 82. L'accês à une ehaire était ainsi un grandprivilêge ear elle impliquait l'ineorporation du maitre au plus haut niveau de Iaeorporation. A Bologne, par exemple, Ia régenee était aeeordée par le ehaneelier(dans le eas de ehaires assignées aux séeuliers) ou par les Collêges ou par leprélat de I'Ordre (dans le eas des réguliers); les lieeneiés ne l'ayant pas obtenueétaient eonsidérés eomme maitres "vacants", mais ils étaient tenus de partieiperégalement aux aetes solennels de l'université; Ia régenee, d'ai!leurs, n'étaitaeeordée que pour une période déterminée 83. A Oxford, eette période variait

81 Cf. infra, n. 188. Dans les statuts de 1366, Ia disputa ordinaria est rangée parmi leactes publiques de Ia Faculté de Théologie, à côté des disputes in aula, in vesperiis et inSorbona; cf. Chartularium, Il, n. 1189 (17), p. 698. Dans les statuts de 1385 elle e tmentionnée, à côté de Ia sorbonica et de l'au/ica parmi les "quaestiones principales" ( f.Chart. li, n. 1190 (34), p. 706).

• 2 Cf. P. GLORIEUX,Répertoire des maitres en théologie de Paris au XIlIe siêcle. Pari,1933, p. 228 (tableaux); cf. aussi L'enseignement ... (1968), p. 91. En 1254, des douzechaires, trois sont tenues par les Mendiants, trois par les chanoines de Notre-Dame, sixpar les séculiers. A Ia fin du siêcle les réguliers possêdent neuf chaires.

"Statuta Fac. Theologiae Univ. Bononiensis (éd. EHRLE,p. li, n. 11): "Presenti quoquestatuto ordinamus, quod quilibet magister in nostra facultate theologica nostre universitatiincorporatus, qui per suum ordinem vel sui ordinis preIatum vel per unum collegiorumvel per reverendum dominum nostrum cancellarium aut per nostram facultatem rite adlegendum est ordinatus, ipso facto sit regens et pro regente habeatur, pro ilIo scilicettempore, quo ad legendum a1iquopredictorum modorum est ordinatus. Ceteri vero magistrimodis predictis ad legendum deputati, quamvis nostre universitati incorporati, non magistriregente sed vacantes habeantur; volentes tamen quod dicti magistri vacantes, nostre

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52 CHAPITRE IIJ

selon qu'on était séculier ou régulier, mais ne dépassait jamais les deux annéesacadémiques 84. Mais Ia possibilité de soutenir des disputes n'était pas le droitexc1usif des maitres régents. M. Little a signalé le cas de maitres qui, aprêsleur période de régence, ont continué de soutenir des disputes à Oxford 85. Lesstatuts de Bologne contiennent aussi des dispositions touchant les disputessoutenues par des maitres non régents u. Nous n'avons pas trouvé dans lesstatuts de Paris des mesures semblables, et on connait le cas de plusieursmaitres (Henri de Gand, Godefroid de Fontaines, Gilles de Rome) qui ont euune carriêre active pendant de longues années, mais il n'est pas superfiu de serappeler qu'entre son inceptio (printemps 1256) et son acceptation au sein duconsortium magistrorum (automne 1257)saint Thomas avait pourtant commencéde "disputer" ses questions De veritate (son cas est toutefois exceptionnel enraison du confl.it séculiers-mendiants).

Un principe de critique historique découle de ce que nous venons dedire. II fut énoneé par A. Little: "it does not follow that these disputationstook place when the disputants were 'necessary' regent masters" 87.

La quaestio disputata est aussi le résultat de Ia participation actived'autres personnages dont le rôle doit être précisé. L'un d'eux estl'opponens, dont Ia présenee a pu être repérée déjà aux débuts du XllIesiêcle, dans les disputes de Simon de Tournai, et qui doit fournir lesarguments opposés à Ia thêse proposée 88. L'autre est le respondens, dont

universitati incorporati, si absque ipsorum demeritis ad legendum Bononiae non fuerintordinati, tempore etiam quo vacantes erunt, in omnibus congregationibus, consiliisexaminationibus ac agendis ceteris vocentur et locum habeant secundum eorum antiquita-tem ..."

•• LITTLE-PELSTER,Oxford theology ... (1934), p. 223: "For seculars necessary regencybegan from the date of inception and continued during the remainder of that year andthe whole of the following year. During this period the secular master was bound tolecture th:oughout every term and was a member of Congregation, the governing bodyof the University, For regulars the conditions were somewhat different. Necessary regencybegan from the date of the inception; but according to a late statute (1478) the masterof theology who belonged to a religious order was bound to lecture for the succeedingtwe.nty-four months; on the other hand, he remained a member of Congregation onlyuntil another monk or friar of his Order incepted",

85 Op.cit., p. 234.. U Statuta Fac. Theol. Univ. Bon. (éd. EHRLE,p. 12): "Si tamen aliquis magistrorumiuratorum, non habentium tamen regentias atquesco1asuniversitati, ut predicitur, incorporatas,cum disputat publice, habuerit responsalem nostrum graduatum vel ad gradum rite ordinatumet u~versitati sub iuramento debito incorporatum, tunc permittimus et concedimus, quodnostn graduati interesse possint et ibidem opponere".

87 Op.cit., p. 233.88 Cette thêse est introduite par Ia formule "utrum ...", Pour que Ia thêse devienne une

"dubitabilis propositio", comme le voulait Boêce, il faut qu'on Ia place dans un cadrecontroversé, qu'on fournisse les arguments qui Ia rendent problématique. Telle sera Iatâche de I'opponens.

LES ESPECES DU GENRE 53

l'apparition est plus tardive 89, et qui a pour tâche de débrouiller le terrainde Ia dispute par Ia proposition d'une solution préliminaire. En réalité,tous deux ont pour mission de bâtir un cadre dialectique ou les "pour"et les "contre" eontribuent à mettre en lumiêre Ia valeur et Ia portée deIa question disputée. Par conséquent, l'opponens n'est pas néeessairementcelui à qui revient de s'opposer au maitre: son rôle est plutôt de foumirdes arguments qui vont dans un sens ou dans l'autre. Le respondens n'estpas non plus nécessairement celui qui défend Ia position du maitre, maiplutôt celui qui essaie de mettre en évidenee les faiblesses des argumentavancés par l'opponens. Les deux personnages constituent une équipedialectique dont le but est de mettre en ceuvre Ia méthode du sic et nonen vue d'une meilleure compréhension des implications, des nuanees etdes conséquences du problême soulevé. Tous les deux travaillent sous lemaitre, et celui-ci garde son indépendance face aux argumentsproposés: il peut donner raison à l'opponens ou réfuter son respondens.II ne faut pas non plus penser - comme le font croire des éditions dequestions disputées - que l'opponens fournissait des arguments, l'un aprêsl'autre, tandis que le respondens attendait son tour d'intervenir (au sedcontra) afin de donner des arguments opposés. Le respondens répliquait,s'il le voulait, immédiatement aprês que l'opponens avait avancé une deses raisons, l'obligeant ainsi à approfondir ou à améliorer l'argument.Entre les deux s'établissait un dialogue suivi, une véritable diseu i n (travers laquelle on cherchait à atteindre Ia rigueur maximale dans l'énon .des raisons pour et contre une thêse déterminée.

Qui pouvait remplir les rôles d'opponens et de respondens? lei illieu de distinguer disputes privées et disputes ordinaires. Pour Icspr CIlII I

que le maitre soutenait dans sa propre école, comme pnrtie til 111\

enseignement régulier adressé à ses étudiants, les rôle étui 111 I '11I1'11

par des bacheliers qui lui étaient attachés 90, Pour les see nd s, (lI dm IIll •

étant donné leur caractêre d'acte officiel et public de l'umver I1 • ricomptait sur Ia collaboration de bacheliers attaehés à d'autr 11111111'

Cette partieipation des bacheliers était un privilêge et un dev ir, En ,n 'I,si rien n'empêche de soutenir que des arguments pouvaient être avancpar des étudiants, il est clair que les rôles d'opponens et de respond. ms

a. Selon Pelster (Oxford Theology ... p. 32), les premiêres traces du respondens se trouventdans Ia collection de questions disputées contenues dans le manuscrit Douai 434, 11 'agitde questions soutenues par des maitres parisiens aux alentours de 1230.

•• 11est bien connu que tout étudiant devait être lié â un maitre: "Nullu it olarhPari ius qui certum magistrum non habeat" (Chart. Il, n. 1189 (12), p. 698).

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étaient ré ervé i de bachelier, c'e t-à-dire i de étudiant ayant acquile degré de formation nécessaire pour assumer cette respon abilité 91.

Même i Oxford, ou le degré de bachelier n'était pas exigé, quatre annéesd'études théologiques étaient requises pour être opponens, six années,pour être respondens, dans le cas d'étudiants ayant obtenu préalablementIa maitrise ês arts; pour ceux qui ne l'avaient pas obtenue, deux annéesde plus étaient imposées dans chaque cas 92. Par ailleurs, les statutsrendaient obligatoire cette participation. Celle-ci s'intêgre au cours d'ac-tivités universitaires imposées aux bacheliers, leur nombre et qualitévariant selon le degré ou le niveau de formation acquise.

Ainsi les statuts de 1366 déterminent, pour Paris, que les bacheliers enthéologie, avant d'obtenir Ia licence, devaient assumer le rôle de répondants aumoins cinq fois dans des disputes publiques, Ia participation dans les ordinaires(ici appelées "générales") étant même condition préalable pour pouvoir tire lesSentences 93. Les statuts de 1387, toujours à Paris, rappellent cette obligationdes bacheliers bibliques 94 et imposent au maitre de faire un rapport sur le degréde compétence manifesté par le bachelier 9S. Les statuts de 1385 avaient établi

01 A Bologne ils devaient être bacheliers formés ou "lecturi" (bibliques ou sentenuai-res): "Quisquis igitur magistrorum annualem regentiam de iure tenuerit, debet pluriesdisputare, ... ut scilicet ordinarii et responsales et opponentes tam formati bachalarii quamlecturi sub ipso valeant audiri. Item debet tenere quodlibetum, in quo responsalis estbachalarius actu legens, et saltem in anno determinare" (éd. EHRLE,p. 46).

., Statuta Antiqua Univ. Oxon., p. 48: "Quia sacre scripture professores ac ipsius auditoresmaturitas maior decet, ordinatum est quod qui in disputacione magistrorum theologieopponere voluerint, si prius in artibus rexerint, ante quintum annum audicionis theologieopponere non presumant, aut ante septimum respondere. Qui vere in artibus magistralemnon sunt honorem adepti, ante septimum annum opponere, aut ante nonum responderealiqualiter non attemptent". Cit. par LITTLE-PELSTER,Oxford Theology ... (1934), p. 34,n. I.

93 Chart. 11, n. 1188 (18), p. 692: "Item, nota, quod bachalarii in theologia tenenturrespondere de questione in locis publicis aliis bachalariis quinquies ad minus, antequamlicencientur, scilicet in aula episcopi Parisiensis, quando fit ibi aliquis novus magister intheologia, item in vesperis alicujus magistri; item semel in aula Cerbonitarum, temporequo magistri in theologia non legunt, scilicet inter festum apostolorum et festum ExaltationisSancte Crucis; item semel de Quolibeto in Adventu vel circiter; item semel in disputationibusgeneralibus antequam permittatur sibi legere Sententias". Cf. P. FERET, La Faculté deThéologie de Paris au Moyen Age. Paris, 1895, t. I. p. 44.

o. Chart. 111,n. 1534, p. 441: "Primo quod nullus bacallarius gratiosus decetero admittaturad lecturam Sententiarum nisi prius debite responderit de questione ordinaria, aut inSorbona ...",

., ibid.: "Item statuimus quod hujusmodi responsiones ordinarie habeant tenere magistrideputandi per faeultatem, et quod quilibet magister juret in facultate fideliter referre desufficientia vel insufficientia responsionis bacallarii respondentis", Nous voyons qu'à Iafin du XIVe siêcle même les disputes ordinaires prennent de plus en plus le caractêred'épreuves.

I' bligation générale pour tou le cursores de participer aux di pute ordinaireet aux autres disputes publiques, auxquelles les bacheliers biblique devaientassister en costumes adéquats %.

Pour les bacheliers sententiaires, les obligations étaient semblables. Les statutde Bologne (1364), qui suivent les usages parisiens 97, leur imposent d'assi terà toutes les disputes publiques et de répondre au moins une fois sous leurmaitre et une autre fois sous un autre maitre, avant de commencer Ia lecturedes Sentences 98. Dans les statuts sanctionnés par Urbain VI (entre 1378 et1381) et valables pour les Facultés de Théologie de Bologne, Padoue et d'autrecentres intellectuels de l'Italie, il est établi que les bacheliers sententaire ,l'exemple de ce qui se fait à Paris et à Oxford, doivent répondre, avant d'a pirerà Ia licence, dans des questions ordinaires soutenues par cinq maitres différent ,désignés par le Chancelier 99.

Pour les bacheliers formés les statuts sont également explicites. Ceux de 1335-1366, à Paris, déterminent qu'une fois finie Ia lecture des Sentences, et pendantune période de quatre ans, le bachelier doit continuer à participer aux exerciceuniversitaires, en particulier aux disputes, soit comme opponens (argumentando),soit comme répondant (respondendo). Ce n'est qu'aprês qu'i! pourra obtenir Ialicence en théologie, Ia période pouvant s'étendre jusqu'à cinq ans si Ia fin desexercices imposés aux aspirants à Ia licence ne coíncide pas avec l'année dujubilé 100. Les statuts de 1366-1389 contiennent une foule de dispositions touchant

•• Chart. n. 1189 (17), p. 698: "Item, quod incipientes cursores ... intersint aulis, vesperiis,disputationibus ordinariis, Sorbonicis, et aliis aetibus publicis facultatis, seculares cursoresin hulcea, religiosi vere in habitibus decentibus sue religioni, mantellis sub habitu decentiminime comprehensis". Les baeheliers bibliques étaient tenus par serment d'obéir à cesdispositions concernant les vêtements; cf. Chart. Il, n. 1190 (3), p. 705 (juramenta procursoribus ).

07 Cf. F. EHRLE,op.cit., p. XXXII.o. Statuta Fac. Theol. (éd. EHRLE, p. 18): "Quo tempore tenetur omnibus publicis

disputationibus interesse et semel sub magistro suo et adminus sub alio magistro publicerespondere". Cf. p. 19 pour les bacheliers formés .

•• Cf. F. EHRLE, op.cit., p. CCIII: "... et antequam ad licentiam in facultate teologiedeveniant sive devenerint, ad minus quinque magistris in teologia ad hoc per ipsumcancellarlum specialiter deputatis de questione ordinaria respondere debeant in diversistemporibus, ita quod tanto tempore eos immorari contingat in dieta universitate, quantoParisius et in Anglie studiis eonsueverunt, ad minus scilicet per annos quinque antequamgradum magisterii adhypisci debeant". Cette participation n'alIait pas sans frais: "Item,quilibet bachalarius pro quinque disputationibus ordinariis, quas facere tenetur, ut supracavetur, solvet libras quinque Bononienses pro communi universitatis expensa" (StatutaFac. Theol., éd. EHRLE,p. 54).

100 Chart. Il, 1188 (13) p. 692: Item, nota quod bachalarii qui legerunt Sententias, debentpostea prosequi facta facultatis per quatuor annos antequam licentientur, scilicet predicando,argumentando, respondendo: quod verum est, nisi papa per bulias, vel facultas super hocfaceret eis gratiam, immo et per quinque annos aliquando expectat, scilicet quando annusjubileus non cadit in quarto anno post lecturam dictarum sententiarum". 11semble que

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56 CHAPITRE III

Ia participation des bacheliers formés dans les disputes ordinaires. Les candidatsà Ia licence présentés par les Ordres, étant donné qu'ils sont acceptés plusrapidement que les séculiers, doivent, outre les "réponses" qui leur sont imposéesde façon réguliêre, jouer le rôle de répondants en deux disputes ordinaires 101.

Tous les bacheliers formés sont tenus d'assister aux disputes publiques parmilesquelles, rappelons-Ie, se trouvent les disputes ordinaires, et ils doivent le faire"in cappa aut (si sint religiosi) in habitu decenti" 102; l'absence à trois de cesactes dans une même année entraine de graves conséquences: "per unumjubileum retardabitur" 103. En général, le bachelier formé doit jouer le rôle derépondant dans quatre types de disputes publiques, et il peut s'acquitter decette obligation à raison de deux disputes, ou au moins une, par annéeacadémique 104. 11est exprimé en toute cJarté que Ia faculté ne voit pas d'unceil favorable qu'un bachelier formé soit souvent répondant sous un maitre desa propre nation ou de son propre ordre religieux 105. Les maitres ne pouvaientprésenter comme candidats à Ia licence que des bacheliers formés ayant "répondu",aprés leur lecture du livre des Sentences, en trois questions publiques: aula,sorbonica et ordinaria, cette derniêre ayant un certain privilêge car le bache-lier pouvait remplacer Ia dispute in aula ou Ia sorbonica par une dispute ordi-naire 106.

Les rôles d'opponens et de respondens étaient donc habituellementréservés aux bacheliers, et ceux-ci étaient obligés de les assumer à un

les bacheliers sententiaires des ordres mendiants jouissaient du privilêge d'être présentésimmédiatement à Ia licence, cf. Ch. THUROT,De l'organisauon de l'enseignement ... (1850),p. 149. Pour I'année du jubilé, cf. plus loin, p. 109.

101 Chart. 11, 1189 (40), p. 700: "Quod si presentati Ordinum ratione presentationis citiusexpediantur, ipsi ultra responsiones eis aut aliis ordinarie impositas bis habebunt responderede ordinaria". Pour le privilêge des mendiants, cf. note précédente.

102 Chart. 11, n. 1189 (41), p. 700.103 Chart. 11, n. 1189 (42), p. 701.104 Chart. 11,n. 1189 (49), p. 701: "Item, quod quiIibet bacalarius formatus faciat quolibet

anno duos de actibus suis, vel ad minus unum, quousque omnes actus suos compleverit,ne sint duo actus solemnes facultatis in eodem ebdomada, quod omnino fieri prohibemus,alioquin per unum jubileum a licentia retardetur. Actus autem ad quos tenentur sunt:Responsiones de Quolibetis, Sorbonica, ordinaria, et aula".

10' Chart. 11, n. 1189 (53), p. 702: "Item non placet facultati quod bacallarius ampliusrespondeat sub magistro sue nationis, nec religiosus sub religioso sue domus, presertimet specialiter de temptativa et ordinaria principali; de Quolibetis aut ordinariis minusprincipalibus non loquitur". La distinction ici établie entre dispute ordinaire principale et"moins principale" n'est pas facile à comprendre. S'agit-il de nouvelIes modalités de cetacte du maitre ou faut-il plutôt se situer dans Ia perspective du bachelier et voir dans Iaprincipale celIe ou il s'acquittait de son devoir de répondant, et dans les moins principalescelles ou il prenait part comme simple assistant?

106 Chart. 11, 1189 (62), p. 702. Les maitres s'obligeaient par serment à obéir cettedisposition réglementaire; cf. Chart. lI, 1190 (33), p. 706.

LES ESPECES OU GENRE 57

moment ou l'autre de leur carriêre, Les statuts leur imposaient l'obligationd'argumenter et de répondre dans des disputes ordinaires soutenues nonseulement par le maitre auquel ils étaient liés, mais aussi par d'autres.La constatation est importante car elle leve une équivoque sons-jacenteà l'exposé de Mgr Glorieux sur Ia question disputée. Nous avons distinguédeux modalités dans cette espêce : Ia quaestio privata (ou in scholis) et Iaquaestio ordinaria. Or Mgr Glorieux semble les confondre 107, et, enconséquence, il avance des vues qui nous semblent inadéquates. Pource qui conceme les acteurs, il nous paraít inexact de dire que, dans Iaquestion disputée, tout se déroule entre le maitre, ses bacheliers et sesétudiants : cela n'est vrai que pour Ia dispute privée. La quaestio ordinariaest un acte public ou le maitre reçoit Ia collaboration de bachelierprovenant d'autres écoles. Si on identifie Ia quaestio ordinaria et Ia quaestioin scholis, un três grand nombre de dispositions réglementaires deviennentcontradictoires. Comment les statuts peuvent-ils imposer aux bacheliersl'obligation de répondre sous un autre maitre dans des questions ordinairesi celles-ci sont des exercices privés? Nous verrons bientôt que cetteidentification entre question privée et question ordinaire entraine d'autreambiguítés pour ce qui conceme les dispositions réglementaires touchantl'interdiction de "lire" lorsqu'un maitre tient dispute.

La distinction de rôles que nous avons repérée dans le cadre universitaires'est bientôt répandue en dehors de ce milieu. Déjà en 1228une constitutiondu Chapitre général des Dominicains concemant l'organisation des étudesdans l'Ordre fait mention de l'opponens et du respondens, et exige qu'il.soient respectés dans l'exercice de leur rôle, signe que les participuntaux disputes étaient parfois trop bruyants 108. L'intérêt des Domini uinpour les questions disputées a toujours été grand. En 125 ,I P IJl

Alexandre IV exige, dans une lettre à l'évêque de Paris, que I tuth 11I1

appartenant à l'Ordre des Frêres Prêcheurs soient admis aux disputuniversitaires et que les universitaires soient autorisés à particip I' 111

disputes tenues dans le couvent de Saint Jacques 109. La déci i n papals'avérera três importante: bientôt un dominicain, Thomas d'Aquin,

107 Cf. P. GLORIEUX,L'enseignement ... (1968), p. 130-131: "Dans sa Question ordinaire... Oans Ia Question disputée, tout se déroule "in scholis propriis",

101 Chart. I, n. 57, pp. 112-113.11 est vrai que l'opponens et le respondens sont mentionnici à propos des disputes que les étudiants devaient soutenir entre eux, comme excrcicde répétition des disputes tenues sous le maitre. Mais rien n'empêche de dire que Icsd eux rôle e retrouvaient aussi dans les disputes magistrales.

109 Charco I, n. 269, p. 05-306.

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58 CHAPITRE III

dominera Ia scêne de Ia disputatio à Paris. Et l'expérience des Dominicainsavec les questions disputées sera si positive qu'ils n'hésiteront pas â

rendre obligatoire cette méthode dans l'Ordre. Des statuts, rédigés en1259 par Albert le Grand, Thomas d'Aquin, Pierre de Tarentaise etd'autres maitres, contiennent une série de dispositions visant â assurerIa pratique de Ia dispute dans les centres d'études 110.

2°) Modalités de travail

Les modalités de travail de Ia dispute posent quatre problêmes :technique et déroulement de Ia séance; l'unité de dispute; fréquence;publication des résultats. Tous quatre sont étroitement liés les uns auxautres et s'influencent mutuellement. Nous présentons de façon analytiqueles conclusions de notre enquête, quitte â en offrir plus tard une visionsynthétique.

a) Technique et déroulement de Ia séanceLe premier mouvement revient au maitre: c'est â lui de choisir le

thême de Ia dispute ainsi que le jour de Ia soutenance, au moins pourles disputes privées. Pour les disputes ordinaires, il devait, sans doute,prendre des arrangements avec l'administration universitaire 111. li commu-

110 Chan., .n. 335, p. 385: "Item, quod lectores vacantes vadant ad scolas, et precipuead disputationem ... Item, quod visitatores singulis annis diligenter inquirant de lectoribus,quantum legant in anno, et quot questiones disputaverint ac etiam determinaverint '"Item, quod fiant repetitiones de questionibus et collationes de questionibus semel inseptimana ..." Des dispositions semblables furent prises par le chapitre provincial deRome, en 1287: "Ordinamus quod lectores qui habent baccellarios legant in die unamlectionem tantum de textu Biblie et disputent ordinarie in scholis ad rninus semel inseptimana" (cit. par F. EHRLE,op.cit., p. LXXXV, n. 2). 11est curieux de voir I'évolutionsubie par les Dominicains dans les disputes parisiennes: aprês avoir gagné une place dansces disputes, aprês avoir conduit Ia méthode à un haut degré de perfection avec Thomaset avoir généralisé son usage, ils se sont vus conférer Ia derniêre place dans les disputessolennelles qu'on soutenait à Paris à Ia fin du XIVe siêcle, Cf. Chart. IH, n. 1568, p. 512.

111 La dispute ordinaire, comme nous allons le voir, suspend les cours à Ia Faculté. 11faut supposer alors qu'elle faisait I'objet d'arrangements spéciaux entre le maitre et ledoyen afin de ne pas perturber I'enseignement régulier, et que I'administration veillait àdistribuer de façon équitable les jours disputables entre les maitres. Faute de cettedistinction entre dispute privée et dispute ordinaire, cette affirmation de P. Glorieuxdevient inacceptable: "Le maitre choisit le jour de Ia soutenance ..." (L'enseignement ... ,p. 124). Si elle était vraie, on pourrait dire que Ia suspension de cours à I' Universitédépendait de Ia volonté d'un seul maitre qui décide de tenir dispute. Pelster, par contre,qui travaille sur Ia base de Ia distinction entre dispute privée et dispute ordinaire (publiqueet olennelle) explique clairement qu'à Oxford le maitre voulant soutenir une dispute

rdinaire devait e oumettre à un droit coutumier qui assignait à chaque maitre un jourdétcrminé pour ce typc d'activité. f. Oxford Theology ... , p. 37.

LES ESPECES DU GENRE 59

niquait le thême â ses étudiants et distribuait â l'avance le rôle d'opponenset de respondens entre ses bacheliers. Pour les disputes ordinaires, ilcommuniquait le thême au doyen, lequelle faisait annoncer à Ia commu-nauté universitaire par l'intermédiaire du bidel/us 112, et acceptait éven-tuellement des bacheliers d'autres écoles pour jouer les rôles d'opponenset de respondens.

Suit Ia dispute elle-même. Les historiens sont d'accord pour dire queIa quaestio disputata comprend deux moments: une séance de discussionet une autre ou le maitre apporte sa solution. La premiêre est connuesous le nom de disputatio, Ia seconde est appe!ée determinatio. Dans Iadisputatio, on proposait le thême, on avançait les arguments à l'appui del'une ou l'autre des solutions possibles, on cherchait â établir de Ia façonIa plus rigoureuse le cadre dialectique du problême à travers une discussionqui opposait principalement l'opponens et le respondens, mais qui pouvaits'enrichir par l'apport des autres participants, y compris le maitre, leque!se réservait toujours le droit d'intervenir s'il le jugeait â propos 113. DansIa determinatio, le maitre apportait sa solution doctrinale et répondaitaux arguments avancés tout en les réorganisant éventuellement dans unordre théorique plus adéquat â son but.

Si les historiens sont d'accord pour distinguer deux séances, ils sontperplexes ou divisés pour ce qui conceme des détails.

En premier lieu, toute séance de dispute était-elle suivie d'une séance dedétermination? P. Glorieux ne soulêve pas cette question dans son long exposéde 1968 sur les méthodes d'enseignement, sous-entendant ainsi une répon eaffirmative. Or F. Pelster avait nié en 1934 le lien nécessaire entre disputatio ctdeterminatio, affirmant que des disputes n'étaient pas suivies de Ia séanmagistrale 114. En prernier lieu, il s'appuyait sur les statuts qui réglementaient I sétudes à l'intérieur de l'Ordre dominicain en 1259, et que nous avon cit plu:haut 115. Ce texte établit: "quod visitatores singulis annis diligenter inquirant dlectoribus, quantum legant in anno, et quot questiones disputaverint ac etiamdeterminaverint". Il ne nous parait pas convaincant. Il concerne un milieu n n

112 Statuta Fac. Theol. (Bologna) (éd. EHRLE, p. 15-16): "spectat etiam ad officiumdecanatus, bidellum informare, dirigere et destinare ad prenuntiandum actus et principia,dI. putationes atque sermones per singulas scolas ..." Des dispositions semblables étaient

ti vigueur à Oxford; ef. LITTLE-PELSTER,Oxford Theology ... , p. 230 n. 4.," L'ordre d'intervention dans les disputes était parfois soigneusement établi par lest Itut ,car il traduisait un ordre de préséance lié aux hiérarchies académiques. Cf. Statuta

Fu« Theol. Bon. (éd. EHRLE), p. li, n. 11.11. F PEL TER, Oxford Theology ... (1934), p. 40: "Was, however, every quaestio disputata

Illllowcd by a full and detailed determina tio ... ? The answer to this must be in the negative".11 f. supra, n. 110.

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60 CHAPITRE III

univer itaire, ou peut-être les usages des grands centres intellectuels n'étaientpa observés à Ia lettre. Il est ambigu: "ac etiam" peut séparer commeindépendantes Ia dispute de Ia détermination, mais peut aussi bien les uniromme Ia double facette d'un même exercice. Le deuxiême argument de Pelster

se fonde sur les statuts de Ia Faculté de Théologie de Bologne en 1364, pourI rnaitre régent: "Et si ad ipsum annualis regentia cathedre de iure transie-nt, tenetur pluries disputare et semel de quolibet semelque magistraliterdeterminare" 116. Si le maitre doit disputer plusieurs fois mais n'est obligé ded t rminer qu'une seule fois, il est évident que les disputes ne sont pas11 'e sairement suivies de Ia determinatio. Mais une toute autre interprétation

t possible sur Ia base de Ia distinction entre disputes privées et disputespubliques. Il est probable que le "pluries disputare" doive être appliqué auxdisputes privées et que le "sernel magistraliter determinare" à Ia dispute ordinaire,dont le caractêre solennel et public, en même temps qu'obligatoire pour tousle. maítres, faisait un exercice plutôt extraordinaire pour un maítre déterminé 111.

Un troisiême argument est trouvé par Pelster dans un accord établi en 1314entre l'Université d'Oxford et les Dominicains, mais le texte est tellement ambiguque Ia conclusion tirée par l'éminent historien nous semble excessive 118. Celui-ci invoque enfin les mss Assisi 158 et Worcester MS.Q.99, qui contiennent desreportationes de disputes soutenues à Oxford (et à Paris) à Ia fin du XIIle siêcle,11constate que ces manuscrits transmettent l'écho de plusieurs disputationes,mais contiennent un nombre três réduit de determinationes. Il en induit que "Theonly explanation of this seems to me to be that there were already at that time

li' Statuta Fac. Theol. Bon. (éd. EHRLE,p. 45). Cf. supra, n. 91.li' Cf. supra, p. 40-41. Nous ne voulons pas sous-estimer I'argument de Pelster. li devient

encore plus fort si I'on suit le manuscrit B (Biblioteca arcivescovile di Bologna) ou letcxte utilisé par Pelster devient: "Et si ad ipsum annualis regentia cathedre libere de iuretransierit, tenetur pluries disputare ordinarie et semel de quolibet semelque magistraliterdeterminare". Un peu plus loin le manuscrit continue: "Quisquis igitur magistrorumannualem regentiam de iure tenuerit, debet pluries disputare ... item debet tenere quodlibetum,in quo responsalis est bachalarius actu legens, et semel in anno determinare poterit" (éd.

IIRLE,p. 45-46, voir apparat critique). Ces textes détruisent notre interprétation fondéeur Ia distinction entre disputes privées et ordinaires, et renforeent I'argument de Pelster

en faisant de Ia determina tio un acte faeultatif. Mais de quelle détermination s'agit-il ? Uneinterprétation légitime, qui rendrait invalide Ia thêse de Pelster, serait de dire que le"determinare" se rapporte de façon indissoluble à "sernel de quolibet semelque magistraliter",De eette façon le statut imposerait au maitre l'obligation de soutenir et de déterminerune dispute de quolibet, au moins une fois pendant sa régenee. Les disputes ordinaires(et leurs déterminations) n'étant pas affectées par ee moreeau de texte. Quant au "poterit",il devient contradietoire avec le "debet" et doit être rejeté comme l'a fait Ehrle.

'" Voiei le texte: "Ordinamus, arbitramur et diffinirnus et laudum seu dictum nostrumpr ferimus, quod fratres predieatores Oxonie liberas habeant seolas in domo sua quantumid lecci nes, disputaeiones et determinaciones" (Statuta Antiqua, p. 118, cité par PELSTER,O 'ord Theology ...• p. 41, n. 3).

LES ESPECES nu GENRE 61

d .." 119 D' tmany disputations which were not followed by a eterrnination . au resexplications semblent plus plausibles. D'abord Ia séance de discussion étaitpublique, et par conséquent d'accês facile, tandis que Ia determinatio était réservéepar le maitre aux membres de son "école" 120. Les gens qui s'intéressaient auxdisputes prenaient donc des notes à Ia séance qui leur était accessible, quitteà connaitre Ia position du maitre lorsque celui-ci publiait ses questions disputées.Ensuite les bacheliers n'étaient obligés d'assister qu'aux séances de discussion.Rien de plus naturel alors de trouver dans les cahiers des bacheliers seulementIa reportatio des sessions auxquelles ils prenaient part. Les manuscrits utiliséspar Pelster sont précisément de tels cahiers. Finalement une explication psy-chologique, curieusement, a été avancée par Pelster lui-même, Le bachelier étaitobligé par les statuts de participer comme opponens ou comme respondens dansles questions disputées publiques. 11était évalué sur Ia base de sa performancedans ces discussions. 11lui était donc essentiel de connaitre des problêmes, desarguments et des réponses. "Hence we understand why in MS. Assisi 158, justas in Worcester MS.Q. 99, so many disputations are included which containonly the reasons for and against without the definitive answer of the mas ter.Copies of such questions were so much in request because they offered materialfor future disputations in which the compiler had to appear as defender or asassailant" 121. La thêse de disputatio sans determinatio a donc une base tropfaible. D'ailleurs comment accepter qu'un maitre ait pu ne pas donner unesolution à Ia question disputée lorsque cela était obligatoire pour les bachelierset pour les nouveaux licenciés? 122.

Un autre problême sur lequel il n'y a pas assez de clarté concerne letemps qui sépare les deux étapes. Selon Glorieux, Ia determinatio avaitlieu le premier jour lisible qui suivait Ia séance de discussion 123. A. Littleest hésitant: "How long after a question had been disputed did a mastergive his solutio or determina tio ? I do not know, but it was certainly notmany days" 124. 11suggêre que Ia distance maximale pour le cas d'une

119 F. PELSTER,op.cit., p. 41.120 Cf. P. GLORIEUX,L'enseignement ... , p. 126.121 F. PELSTER,op.cit., p. 30. Cette explication psychologique rend eompte aussi des

manuscrits ou I'on ne trouve que des listes de questions (des énoneés simplement, sansaucun développement): elles répondent au besoin du bachelier d'être au eourant desproblêmes en vogue. . " ,.

122 Voir plus loin, p. 102 (q. col/ativa) et p. 120 (resumpta). A. Little, dans Ietude qu il apubliée dans le même volume avee F. Pelster, ne met jamais. en doute que Ia d~putatioétait toujours suivie d'une determinatio. Nous prenons son silenee comme un signe dedésaeeord avec Pelster.

l2l P. GLORIEUX,L'enseignement ... , p. 126. Cf. P. MANDONNET,S. Thomae Aq. Q. Disp.,

p. 10.I,.. A. L1TTLn,O ford Theology ...• p. 229.

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62 CHAPITRE III LES ESPECES DU GENRE 63

dispute ordinaíre était d'une semaine. Mais Ia soIution du maítre pouvaitaussi être donnée immédiatement aprês Ia séance de discussion. II pouvaiten être ainsi surtout quand Ia soIution du respondens satisfaisait Ie maítreou si Ia quantité ou Ia qualité des arguments avancés dans Ia discussionne méritait pas, aux yeux de celui-ci, une période de réflexion spéciale,ni par conséquent une séance à part 125.

Le dernier problême concerne Ie caractêre public ou privé de Ia séancede détermination de Ia disputatio ordinaria. On a déjà mentionné Ia thêsede P. GIorieux selon Iaquelle Ia determinatio, par opposition à Ia dispute,publique, devait être un acte privé du maítre, accompli dans son écoIe,devant ses étudiants et pour eux seuls 126. Or des dispositions statutaíressembIent contredire ces vues. Elles ont été relevées par, GIorieux lui-même dans un de ses ouvrages antérieurs. Dans Ies statuts de Ia Facultéde ThéoIogie de BoIogne, on lit en effet: "Determinationis autem actusincipit bene de mane, cum sit prolixus, et toto mane nulla sit Iectio, utbachallarii omnes, et formati et Iegentes et Iecturi, quia omnes tenentur,determinationi valeant interesse" 127. Sommes-nous en présence d'unecontradiction de GIorieux? Nous ne Ie pensons pas. Si on examine Iecontexte de cette disposition de BoIogne 128, on s'aperçoit que Ia determinatiopublique, qui interrompt Ies cours étant donné son caractêre soIenneIest bien celle du quodlibet annueI que Ies maítres étaient obligés desoutenir pendant Ia période de Ieur régence. Pour Ies disputes ordinaíres,rien n'empêche de suivre GIorieux 129. Les bacheliers avaient I'habitude

de faíre Ie "tour des écoles", afin de suivre Ies disputes organisées parIes maitres, d'y participer éventuellement, ou de prendre note des thêmeset des arguments proposés 130.

Comment se déroulaient ces deux séances? Les statuts ne donnentguêre de détails. Force est de se tourner vers Ies témoignages de Iatradition manuscrite. Or celle-ci se présente différemment selon qu'on setrouve devant Ia reportatio de Ia session de discussion, Ia reportatio deIa détermination magistrale, ou l'editio qu'un maitre a préparée sur Iabase des notes prises au cours des séances précédentes 131. Les deuxpremiers types de témoins sont beaucoup pIus intéressants car ilspermettent d'assister à Ia vie même de I'université médiévale et decomprendre Ie fonctionnement concret de Ia quaestio disputata. Heureu-sement nous ne manquons pas de reportations de ce type.

Pour Ia premiêre séance, nous prendrons comme sources d'informationsoit des reportations directes de Ia discussion, soit des reportations deIa determinatio, car elle révêlent toujours des éIéments provenant de Iapremiêre séance 132. La premiêre chose qui frappe c'est Ia diversité deformes. L'intérêt du problême soulevé, Ia richesse d'arguments à Iadisposition des interlocuteurs, peut-être même Ie tempérament de ceuxqui prenaient part à Ia dispute ou Ies qualités de directeur de débat dumaítre qui présidait, faisaient prendre à Ia discussion des formes variées.Parfois Ia structure était simpIe. II y a d'abord Ia position du problêmeet I'énoncé des premiêres raisons pour ou contre: "Quaestio est utrum... Quod non videtur ... (ou quod sic ...)." Ensuite une premiêre interventiondu respondens qui donne une soIution de principe et répond aux premiersarguments. Puis I'opponens soulêve des objections contre Ia soIutionproposée et pour montrer Ies faibIesses des réponses du répondant. Celui-ci intervient une deuxiême fois pour réfuter son adversaíre. L'opponensrevient à Ia charge avec de nouveaux arguments qui approfondissent le

Il> Pelster donne certaines évidences de cette possibilité. Dans un sermon du XIVe siêcle(Ms. Bruges 129) ou peut lire: "Circa tertiam vel sextam ascendunt magistri cathedramsua.m a~ disputand~m et querunt unam questionem. Cui questioni respondit unusassistentium. Post CUlUS responsionem magister determinat questionem et quando vult eideferre et honorem facere, nichil a1iud determinat quam quod dixerat respondens". (citépar F. PELSTER, Oxford Theology ... , p. 40, n. 1). A Ia Faculté des Arts d'Oxford Iad~lerminalio suivait immédiatement Ia discussio. La thêse de Pelster, selon laquelle Iadispute n'était pas toujours suivie d'une détermination magistrale, pourrait être acceptéedans ee sens préeis qu'elle n'était pas suivie nécessairement d'une détermination séparéetemporellement.

126 ~f. supra, ~. 1.20. Le fait que Glorieux ne fait pas Ia distinetion entre dispute privéeet dispute ordinaire rend un peu ambigu son exposé. Nous eonsidérons Ia thêse deGlorieux comme applicable à Ia dispute ordinaire.

'21 Éd. EHRLE, p. 45. Cf. P. GLORIEUX, La littérature quodlibétique ... (1925). p. 41 (quidonne le texte du Chart. 11, p. 693, lequel suit le ms. B).

12' Le texte qui précêde immédiatement ce passage a été déjà donné, cf. supra, n. 116.Pour I'interprétation ef. p. 60.

.'29 Bie.n que cel~ nous laisse un peu perplexes: on aecordait plus d'importanee à Iadiscussion dialectique qu'à Ia construetion doetrinale du maitre. Faut-il voir en ceei unede causes de Ia décadenee de Ia disputatio?

,3<) Cf A. LITTLE. Oxford Theology ... , p. 121: "It looks as though the seribe went roundwith his notebook (quaternus) to the different schools and jotted down any discussionthat was going on or that interested him" (à propos du ms. Woreester Q. 99). P. GLORIEUX.La littérature quodlibétique ...• p. 19: "des étudiants qui eouraient sans doute de soutenaneeen soutenance", Cf. aussi, P. GLORIEUX, Jean de Saint-Germain maltre de Paris et coplstede Worcester, dans Mélanges A. PELZER. Louvain, 1947, p. 521 (dépend de A. LITTLE).

131 Cf. supra, n. 48.132 Mgr Glorieux a signalé des reportationes de Ia prerniêre séance dans Ia tradition

manuscrite: ef. L 'enseignement ... , p. 177. Nous préférons nous en tenir aux reportationesqui ont été publiées par les éditeurs modernes car elles permettent un contrôle plus facilde Ia part du lectcur.

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4 CHAPITRE III

problême et mettent à l'épreuve le répondant. Une troisiême et demiêreintervention de celui-ci clôture Ia session de discussion avec Ia réfutationdes derniêres objections 133. Parfois Ies choses ne sont pas aussi simpleset Ia discussion devient três agitée, avec des interventions rapides et desréfutations immédiates qui font songer à un match de ping-pong.

Prenons par exemple le ms. WORCFSTERW. 99, VI, q. 40, f. xr- 134. A Ia positiondu problême (ut7um) succêdent des arguments pour et contre. Puis le respondensdonne une premiêre solution (positio) et réfute les arguments qui s'opposent àa thêse, L'opponens soulêve 6 objections contre Ia solution 135. Le respondens

rétorque avec une question de principe. Breve objection de I'opponens. Breveolution du respondens. Nouvelle série d'objections de I'opponens. Nouvelle

intervention du respondens, qui essaie de réfuter un par un les arguments soulevés.Quatre nouvelles objections et nouvelle série de réponses. Intervention d'unmaítre présent qui essaie de trouver Ia solution à partir d'une autre perspective(ad quaestionem aliter respondet M. W. de Bosco). L'opponens (ou d'autresparticipants) formule six nouveaux arguments contre les thêses préalablementdéfendues. Le respondens commence à réfuter le premier argument, mais, aprêsavoir exposé le principe de sa réponse (deux Iignes), iI est interrompu par I'opponensqui, en quatre mots, I'oblige à mieux définir le problême, Le respondens essaie dee reprendre (une Iigne) mais iI est interrompu de nouveau. Ensuite iI donne

solution au deuxiême argument. Mais avant qu'il puisse passer au troisiêrne, onlui oppose une série d'objections contre sa solution, et iI se voit obligé d'yrépondre 136. 11peut finalement répondre au troisiême argument principal (adaliud principale). 11passe ensuite au quatriême (non sans avoir mérité un sedcontra), au cinquiême et au sixiême, Une nouvelle série d'onze objections estlancée par I'opponens (coupée par une réfutation immédiate du respondens aprêsI'énoncé de Ia deuxiême objection). Le répondant se défend avec 3 énoncés deprincipe (ad questionem notandum primo ... ostenditur secundo ... tertio ostenditur).On lui oppose 3 nouveaux arguments. Le respondens se défend par une définition(nota). Trois prises de position du répondant. Nouvelle objection de I'opponens.Le répondant finit par deux affirmations (Nota) qui cIôturent Ia séance.

Cet exemple de disputatio montre Ia grande souplesse de Ia méthode.

IJ] Cf. Ms. ASSISI158, q. 117, art. 3, f. 94r, éditée par PELSTER,Oxford Theology ... , p.139-142. 11s'agit d'une inceptio, c'est-à-dire de Ia premiêre questioo disputée indépeodantedu jeuoe maitre Robert de Wiochelsea. Nous auroos l'occasioo de reveoir sur cettequestioo car elle est un des cas rares ou 1'00 peut compter avec Ia reportatio de Iadiscussioo et Ia reportatio de Ia déterminatioo magistrale.

,,. Éditée par LITTLE, Oxford Theology ... , p. 351-357.Il> L'opponens ou, bien eotendu, d'autres participants.'3' Ici Ia reportatio o'est pas parfaite: on trouve que le répondant réfute plus d'arguments

que ceux qu'oo a formulés. La chose est compréhensible: le scribe a da être bieo mal àI' i e pour uivre une di cussion aussi agitée.

LES ESPECES DU GENRE 6S

Et il n'est pas risqué de supposer que les interruptions si fréquentes despropos du répondant soient l'ceuvre du maitre lui-même, qui oblige ainsison bachelier à aiguiser le raisonnement afin d'approfondir Ia questiondisputée. Nous I'avons dit et nous le répétons: même dans Ia sessionde dispute, Ie maítre intervient lorsqu'il le juge opportun 137.

Il y a d'autres formules possibIes. La question ne se présente pastoujours sous l'aspect d'une altemative entre deux solutions, mais elles'ofIre parfois "bifulcata et etiam trifulcata" et les participants discutentsur le bien fondé de plusieurs solutions 138. En d'autres occasions lerespondens intervient tout de suite aprês l'énoncé de Ia question pouravancer une réponse de principe; ensuite Ia discussion se généralise etl'on apporte des arguments pour ou contre sans ordre déterminé et Ie

137 00 peut trouver uo bon exemple d'un maitre interveoant daos Ia disputatio parce qu'ilo'était pas du tout satisfait des solutions proposées par son respondens, dans le ms. DOUAI434, questioo 481 (éd. J.-P. TORRELL,Théorie de Ia prophétie ... , p. 23): "Item a speculomateriali imprimitur imago quedam visu: inspectoris ab imagine que est in speculo. Querosi eodem modo a speculo divino imprimatur alica imago visui iospectoris. - DixitRespoodens quod sic. - Quero ergo de iIla ymagine impressa vel formata a speculo. Cuiussit imago sive similitudo: aut rei que videtur aut speculi? - Dixit Respoodens quodspeculi. - Contra: Relinquitur a speculo. Ergo non ducit ad speculum videndum ... Itemquero quid est videre rem in speculo? - Respondens: hec(!) est videre speculumrepresentativum rei. - Contra: ubi est talis visio ... etc". Ce texte est três important pourplusieurs raisons. D'abord il est Ia preuve que même un texte rédigé par le maitre envue de publication peut garder des traces de Ia dispute réelle. li est aussi un témoin deIa façon dont le maitre pressait ses étudiants pour qu'ils parviennent à Ia plus granderigueur dans I'énoncé des arguments, c'est-à-dire pour qu'ils fassent "progresser Ia recherchede Ia solution par les procédés de Ia dialectique", Car, et voici Ia troisiêrne raison, Ia q.481 est l'écho d'une dispute privée et non pas d'une dispute ordinaire: le texte montreque les deux types de disputes suivaient les mêmes rêgles, Finalement Ia Q. 481 montreque les procédés de Ia quaestio disputata étaient parvenus à un haut degré de perfectiondéjà aux alentours de 1230. Tous ces points ont été prouvés par le Pêre Torrell, op.cit.,p. XVI-XVIII.

138 Tel est le cas de Ia quaestio I publiée par P. Glorieux comme faisant partie duQuodlibet anonyme IX(La littérature quodlibétique ... , p. 308-310). Nous suivons ici l'opinionde Pelster, pour qui ce "quodlibet" était plutôt le recuei I d'une série de questions disputéessous des maitres parisiens.

Un autre cas intéressant est Ia q. I de Gauthier de Bruges: "quomodo virtus ad habentepotest cognosci". On propose d'abord Ia thêse que Ia vertu est connue "per essentiam",et on I'appuie sur 13 arguments. Aprês on avance, comme thêse opposée, qu'elle estconoue "per speciem vel similitudinern", et on l'appuie sur 12 arguments. Une troisiêrnethêse est proposée, à savoir que Ia vertu est connue "per actum suurn", et on avance 10arguments en sa faveur. En quatriéme lieu, on oppose 6 arguments contre cette derniêrethêse, Le maitre donne sa réponse en signalant que "haec quaestio triplex est" et enaffirmant "quod virtus cogno citur per suam essentiam objective ... non forrnaliter", Ensuiteil donne une répon e détaillée aux quatre po itions défendues dans Ia discussion. Cf. E.Lo PR, Quae tiones dlsputatae du B. Gauthier de Bruges. Louvain, 1928, p. 1-17.

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66 IIAPITRE 11I

respondens se joint aux participants pour proposer des arguments qui nevont pas nécessairement dans le sens de Ia solution de principe qu'ilavait préalablement proposée; finalement Ia discussion semble s'organiserun peu plus et on propose une série d'arguments pour Ia thêse durépondant et une autre série contre cette thêse 139. 11serait superflu demultiplier les exemples pour montrer toutes les modalités que pouvaitassumer Ia premiêre séance. Qu'il suffise de dire que Ia discussion étaitmenée en général comme une véritable alternance d'arguments ourespondens, opponens, participants et, éventuellement, le maítre lui-même,intervenaient de façon três dynamique et selon un ordre três souple, biendifférent de celui auquel nous ont habitués les éditions des questionsdisputées 140.

Examinons maintenant le déroulement de Ia séance de déterminationou le maitre devait donner sa solution au problême discuté 141. '

Le maítre pouvait, en premier lieu, résumer les arguments présentésdans Ia séance de débat. Puis il donnait sa solution. Enfin il réfutait les

". Tel est le cas de Ia quaestio 2, publiée par P. GLORIEUX,ibid., p. 310-312.,•• On peut encore repérer des traces de Ia dispute initiale même dans les éditions. La

vive discussion qui a été à I'origine, avec ses objections et répliques immédiates, se laissetoujours entrevoir lorsque dans Ia présentation des arguments dans I'édition on se trouveen présence de Ia structure suivante: argument no. I; sed dicebat; argurnent no. 2; etc.La formule dicebat (ou respondebat, ou dicebatur, et analogues) met en évidence Iaparticipation du respondens qui, à Ia suite d'un argument répliquait immédiatement afind'obliger I'opponens ou le participant à reformuJer sur des bases plus solides son objection.La même remarque vaut et à plus forte raison, pour les reportationes de Ia séance dedétermination magistrale. L'édition des Q.D. de gratia, de MATTHEUSAB AQUASPARTAa conservé três bien I'écho de Ia discussion réeUe qui a eu lieu. a. q. VIII (éd. V. DOUCET,p. 171), objection 6: "Item, quia dicebatur ad confirmationem eiusdem quod ... obiciebaturcontra hoc, quia ... Respondebatur quod ... obiciebatur quoniam .... Cf. aussi p. 35; p.117; p. 151; p. 172; p. 198.

14' Rien n'empêche de penser que toute discussion était suivie de détennination. Le faitqu'il y a des disputes sans Ia détermination correspondante dans Ia tradition manuscriten'est pas un argument contre cette affirmation. li se peut que le scribe n'a reporté queIa séance de discussion et que, n'ayant pas assisté à Ia séance de détermination, j) n'apas transmis Ia solution du maitre. Tel est le cas des questions 14 et 16 du "QuodlibetIX" publié par Glorieux (op.cit., p. 337 et 339). Ce que nous venons de dire confirme Ia~ese de Pelster sur Ia nature de ce texte: comment, en effet, comprendre que dans unedispute de quolibet le maitre se soit pennis de ne pas répondre au problême posé? Lachose s'explique beaucoup mieux dans l'hypothêse d'un scribe qui faisait le "tour desécoles" et qui prenait note des sessions auxqueUes j) assistait. Le doute subsiste cependantquant à savoir si cette prise de position du maitre demandait une séance à part ou sielle pouvait avoir lieu immédiatement aprês Ia discussion. Bien que les historiens estirnenten général que Ia determinatio avait lieu un certain temps aprês Ia disputatio, rien n'empêchequ'en certains cas le maitre ait pu prendre parti tout de suite aprês Ia discussion.

7RE

arguments qui s'opposaient à sa thêse. C'est le schéma ela ique. Pource qui concerne le résumé de Ia dispute, il comptait sur les notes pri epar un de ses assistants. 11profitait du temps de réfiexion dont il disposaitpour retravailler les arguments et pour leur donner une forme plurigoureuse. La réponse initiale proposée par le respondens bénéficiait aus ide cette mise en forme et pouvait même être enrichie 142. Mais, dan Iaplupart des cas, Ia partie Ia plus abrégée était l'intervention du répondant.Celle-ci apparait comme une réponse anticipée suivie de I'instance del'opponens: "sed dicebat ... contra ...". Nous savons que ceei n'est quIa forme abrégée de l'échange d'opinions qui avait eu lieu dan Iadisputatio 143. Cette présentation synthétique, mais rigoureuse, des ar u-ments proposés, a pour but de mettre en valeur Ia réponse du maitrParfois le maitre lui-même propose des arguments qui n'ont pa tavancés lors de Ia séance de discussion 144. Parfois illoue Ia rigueur darguments proposés. 111uiarrive même d'énoncer des arguments auxquelil oubliera de donner réponse 145.

Sa solution, qui suit, peut prendre plusieurs formes. 11 commencesouvent par l'exposé des distinctions terminologiques ou sémantiquesnécessaires pour Ia compréhension du sujet. Ou par le rappel desprincipales opinions sur le problême : "circa istam quaestionem duplex(triplex ...) est opinio". n procede ensuite à Ia critique des opinioncourantes: "sed ista positio stare non potest ... non videtur multumconveniens". Finalement il expose sa position propre. Parfois il re tindécis ou perplexe: "Quae istarum opinionum sit verior, non planscio ; fateor tamen istam mihi magis placere" 146. En d'autres occa i ns,il commence par exposer un principe de portée générale sur lequel il VII

'42 La réélaboration de Ia dispute en vue de Ia determinatio a été bien mise en évidcnpar Pelster (Oxford Theology ... p. 139). li s'appuie sur I'analyse d'un cas privilégié: Imanuscrit Assisi 158 a transmis Ia repor/alio de Ia séance de dispute (q. 117, art. 3) etcelle de Ia séance de détermination (q. 155) d'une même question disputée.

'43 Cf. I'analyse d'une séance de détermination présidée par saint Bonaventure, faite parP. GLORIEUX,S. Bonaventure, Queslions disputées "De caritate", "De novissimis". Pari,1950, p. XXII-XXIII.

'44 Cf. S. BONAVENTURA,Q.D. de caritate, q. 3 (éd. GLORIEUX,p. 27): "Haec argumentanon fuerunt facta, tamen possent fieri ad probandum ...",

'0' Cest le cas de saint Thomas dans Ia Q.D. de anima, q. 15 (éd. ROBB,p. 206, apparatcritique) et dans Ia Q.D. de veritate (éd. Léonine, t. XXII, p. 541/160; 654/262; 691/218; 692/316; 718/517; 738/7; 770/375; 867/193.

'46 Cf. MATTHE AO A ASPARTA, Q.D. de gratia, q. VII, p. 184 (éd. D U T).

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68 CHAPITRE III

appuyer Ia solution de détail !". li y a enfin des cas ou un maitre différentest invité à donner Ia détermination. A Oxford, par exemple, les maítresqui avaient fini leur péríode de régence pouvaient être invités à déterminerdes questions disputées sous Ia présidence des maitres régents 1480

La troisiême partie de Ia détermination est Ia réfutation des argumentsopposés à Ia thêse du maítre. Parfois il répond aux arguments un parun, mais il n'est pas rare qu'une seule réponse de príncipe soit appliquéeà plusieurs objections ("Per ista patet solutio ad 1m et ad 2m")0 Parfoisle maitre laisse volontairement sans réponse un certain nombred'objections : "Ista argumenta remanent solvenda; verum causa prolixitatisdimitto ipsorum argumentorum pertractationem et eorundem solutio-nem" 1490 Inversément, illui arrive de rencontrer des arguments qu'il n'apas relevés dans Ia synthêse de Ia disputatio 15°0 Nous avons aussi signaléle cas, plus rare, ou le maítre oublie simplement de répondre à certainsarguments qui avaient été proposés lors de Ia dispute 1510 Quelquefois ilest obligé de répondre aussi aux arguments proposés, en guise de solutionpréliminaire, par son propre respondens 1520

"7 C'est le propre d'une méthode déductive.Saint Thomas excelledans cette forme deprésentation de Ia determinatio.

,••Cf. LITTLE-PELSTER,Oxford Theology 000'po530,•• "Quodlibet" IX, q. 13 (éd. P, GLORIEUX,po336)0rso Cf.par exempleRICARDUSDEMEDIAVILLA,Qo de unitate formae (ed. R. ZAVALLONI,

Richard de Mediavilla e/ Ia controverse sur Ia pluralité des formes, Louvain, 1951,po 178).Oans I'apparat critique de son édition, Zavalloni note, aprês Ia réponse ad 15m: "Lesraisons qui suiventn'ont pas été proposéesdans les rationes in oppositum", 11faudrait direplutôt qu'ellesn'ont pas été reportées.

'" Les deux derniers cas sont intéressants: ils suggêrentIa possibilitéque le maitre aiteu sous ses yeux, au moment de Ia determinatio, une reportation de Ia dispute différentede celle qui nous est parvenue à travers Ia tradition et, bien entendu, dilférente de Iareportatio de Ia déterminationelle-mêrne.Ces reportationes, préparées par les assistantsdu maitre pour leur usage privé, étaient probablement laissées de côté. Elles étaientremplacéespar Ia reportatio de Ia déterminationmagistrale,laquelle,contenant I'essentielde Ia discussion,les rendait superflues.Cette hypothêsepourrait expliquerle fait signalépar P. GLORIEUX:"L'existenced'une double reportation,des deux séances,est beaucoupplus rare." Cf. L'enseignement 000,p. 127).

m C'est le cas ou le maitre répond aux arguments proposés dans le sed contra; cf.MATTHEUSAa AQUASPARTA,op.ci/., p. 191;po126.Ou lorsqu'ilreprend de nouveaudesargurnentsque le respondens avait essayé de résoudre dans Ia premiêre séance. Cf. S.BONAVENTURA,op.cit., p. 26; S. THOMAS,ç.o. de anima, 9.18(éd. Rosa, p. 243); 9.20(éd. Rosa, p. 262, lin. 24-25,ou ilfaut corriger: quiafalro concludunt).Oans Ia q. 3 de Gauthierde Bruges(éd.LoNGPRE,po25-33)on constateque le respondens

avaitdonnéune premiêresolutionauxargurnentsproposéset quecette réponseavait soulevétoute unenouvelleséried'arguments,Le maitre,aprês avoirdonnésa solutio, répond,un parun, aux argurnentsproposé en premierIieu;ensuiteil prend distanceface à Ia solutiondu

LES ESPECES OU GENRE 69

Les trois parties de Ia determinatio ne se présentent pas toujours danle même ordre.

Chez S. Bonaventure et S. Thomas, pour ne mentionner que deux représentantséminents de Ia méthode, Ia determinatio semble avoir eu Ia structure qu'offriral'editio: présentation des arguments, réponse du maitre, réfutation des objection oMais on trouve aussi une structure différente. Dans Ia qo 155 du manuscritASSISI158 (à laquelle nous avons déjà fait.allusion), par exemple, on constateque Ia présentation des objections et des arguments soulevés pendant Ia disputatioest immédiatement suivie de Ia réponse du maitre, qui n'éprouve pas le besoinde réfuter ensuite les arguments qui s'opposaient à sa thêse 153. Une determinatioencore plus succinte se lit dans Ia q. 20 du "Quodlibet IX" de Glorieux, ou Iareportatio ne contient que Ia solution apportée par le maitre. Dans le mêrnetexte, à Ia qo 17, on découvre une structure nouvelle: Ia solution du maitre e tdonnée d'abord, les arguments en faveur de sa thêse sont donnés ensuite ; lcsobjections contre Ia thêse et les réfutations du maitre viennent aprês ; enfin lemaitre clôture par une reprise et un approfondissement de Ia solution 'S'o

Comme celle de discussion, Ia séance de détermination offre donc unestructure souple, propice à l'approfondissement doctrinal des problêmeset à Ia pratique de l'art dialectique. Par rapport à cet aspect vivant deIa question disputée, les éditions préparées par les maítres sur Ia basedes reportationes de leurs déterminations ne donnent qu'un schémastéréotypé.

Car, une fois soutenue Ia dispute, le maítre pouvait Ia publier, En effet,des deux séances de Ia dispute réelle on ne peut avoir que des reportationes.Le maitre, qui avait certainement utilisé une reporta tio de Ia premicrséance pour préparer sa détermination magistrale, pouvait aussi se ervird'une reporta tio de cette seconde séance et des notes personnellc dontil s'était servi à cette occasion, pour préparer une version corrigé de Iaquestion disputée, Si de Ia reportation de Ia disputatio à cellc d Iadeterminatio, on constate une organisation progressive des matériaux, UI)

ordonnance dans Ia présentation des arguments et un raffinement de I urexpression dialectique, cette mise en forme est encore plus visiblc dunsle passage à I'editio. "A Ia différence de Ia reportation, Ia rédaction stl'état élaboré d'un texte, dont l'auteur assume Ia responsabilité, qu'il ysuive ou non l'ordre et le détail des développements tels qu'ils furentdonnés devant l'auditoire scolaire. li y faut chercher Ia pensée définitive

respondens ("de responsione autem Respondentis, dicendum quod altera pars tene~daest ..."); finalementil répondaux argumentsproposésaprês l'interventionde son bachclier,

'" Cf. LITTLE-PELSTER,Oxford Theology ... , p. 145.,••P, GLORIUX, La liuérature quodlibétique '0" p. 339-341.

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CHAPITRE III

appuyer Ia solution de détail 147o Il y a enfin des cas ou un maítre différente t invité à donner Ia détermination. A Oxford, par exemple, les maitresqui avaient tini leur période de régence pouvaient être invités à déterminerdes questions disputées sous Ia présidence des maitres régents 1480

La troisiême partie de Ia détermination est Ia réfutation des argumentsopposés à Ia thêse du maitre. Parfois il répond aux arguments un parun, mais il n'est pas rare qu'une seule réponse de principe soit appliquéeà plusieurs objections ("Per ista patet solutio ad 1m et ad 2m")0 Parfoisle maitre laisse volontairement sans réponse un certain nombred'objections: "Ista argumentaremanent solvenda ; verum causa prolixitatisdimitto ipsorum argumentorum pertractationem et eorundem solutio-nem" 1490Inversément, il lui arrive de rencontrer des arguments qu'il n'apa relevés dans Ia synthêse de Ia disputatio 15°0Nous avons aussi signaléle cas, pIus rare, ou Ie maítre oublie simpIement de répondre à certainsarguments qui avaient été proposés lors de Ia dispute 1510Quelquefois ile t obligé de répondre aussi aux arguments proposés, en guise de solutíonpréliminaire, par son propre respondens 1520

"7 C'est le propre d'une méthode déductive. Saint Thomas excelle dans cette forme deprésentation de Ia determinatio.

,., f. LITTLE-PELSTER,Oxford Theology 000,p. 530,•• "Quodlibet" IX, q. 13 (éd. Po GLORlEUX,p. 336)0,>O Cf par exemple RICARDUSDEMEDIAVILLA,Qo de unitateformae (ed. R. ZAVALLONI,

Richard de Mediavil/a et Ia controverse sur Ia pluralité des formes, Louvain, 1951, po 178)0Dans I'apparat critique de son édition, Zavalloni note, aprês Ia réponse ad 15m: "Lesrai on qui suivent n'ont pas été proposées dans les rationes in oppositum", 11faudrait direplutõt qu'elles n'ont pas été reportées.

'" Les deux derniers cas sont intéressants: ils suggêrent Ia possibilité que le maitre aiteu ous ses yeux, au moment de Ia determinatio, une reportation de Ia dispute différentede celle qui nous est parvenue à travers Ia tradition et, bien entendu, différente de Iareportatio de Ia détermination elle-même, Ces reportationes, préparées par les assistantsdu maítre pour leur usage privé, étaient probablement laissées de côté. Elles étaientremplacées par Ia reporta tio de Ia détermination magistrale, laquelle, contenant I'essentielde Ia discussion, les rendait superflues. Cette hypothêse pourrait expliquer le fait signalépar P. GLORIEUX:"L'existence d'une double reportation, des deux séances, est beaucoupplu rare." Cf. L'enseignement 0'0' p. 127)0

'>1 e t le cas ou le maítre répond aux argurnents proposés dans le sed contra; cfMATTHEUSABAQUASPARTA,op.cit., p. 191; p. 126. Ou lorsqu'il reprend de nouveau desnrguments que le respondens avait essayé de résoudre dans Ia premiêre séance, Cf S.B NAVE TURA,op.cit., p. 26; S. THOMAS,Q.D. de anima, 9018(êd. ROBB,p. 243); 9020(éd. R BB,p, 262, lin. 24-25, ou il faut corriger: quiafalro concludunt).

an Ia q. 3 de Gauthier de Bruges (éd. LoNGPRE,p. 25-33) on constate que le respondensavait d nné une premiêre solution aux arguments proposés et que cette réponse avait soulevétout une n uveUe érie d'arguments. Le maítre, aprês avoir donné sa solutio, répond, un parun, oux argument propo é en premier lieu; ensuite il prend distance face à Ia solution du

LES ESPECES DU GENRE 69

Les trois parties de Ia determinatio ne se présentent pas toujours dans

le même ordre.Chez SoBonaventure et S. Thomas, pour ne mentionner que deux représentants

éminents de Ia méthode, Ia determina tio semble avoir eu Ia structure qu'offriraI'editio: présentation des arguments, réponse du maitre, réfutation des objections.Mais on trouve aussi une structure différente. Dans Ia q. 155 du manuscritASSISI 158 (à laquelle nous avons déjà fait.allusion), par exemple, on constateque Ia présentation des objections et des arguments soulevés pendant Ia disputa tioest immédiatement suivie de Ia réponse du maitre, qui n'éprouve pas le besoinde réfuter ensuite les arguments qui s'opposaient à sa thêse lS3. Une determinatioencore plus succinte se lit dans Ia qo 20 du "Quodlibet IX" de Glorieux, ou Iareporta tio ne contient que Ia solution apportée par le maítre. Dans le mêmetexte, à Ia q o 17, on découvre une structure nouvelle: Ia solution du maitre estdonnée d'abord, les arguments en faveur de sa thêse sont donnés ensuite; lesobjections contre Ia thêse et les réfutations du maitre viennent aprês ; enfin lemaitre clôture par une reprise et un approfondissement de Ia solution 1"0

Comme celle de discussion, Ia séance de détermination ofIre donc unestructure souple, propice à I'approfondissement doctrinal des problêmeset à Ia pratique de I'art dialectique. Par rapport à cet aspect vivant deIa question disputée, Ies éditions préparées par les maitres sur Ia basedes reportationes de Ieurs déterminations ne donnent qu'un schéma

stéréotypé.Car, une fois soutenue Ia dispute, le maitre pouvait Ia publier, En effet,

des deux séances de Ia dispute réelle on ne peut avoir que des reportationes.Le maitre, qui avait certainement utilisé une reporta tio de Ia premiêreséance pour préparer sa détermination magistrale, pouvait aussi se servir

d'une reportatio de cette seconde séance et des notes personnelles dontil s'était servi à cette occasion, pour préparer une version corrigée de Iaquestion disputée. Si de Ia reportation de Ia disputatio à celle de Iadeterminatio, on constate une organisation progressive des matériaux, uneordonnance dans Ia présentation des arguments et un raffinement de leurexpression dialectique, cette mise en forme est encore pIus visible dansle passage à l'editio. "A Ia différence de Ia reportation, Ia rédaction estl'état élaboré d'un texte, dont I'auteur assume Ia responsabilité, qu'il ysuive ou non l'ordre et Ie détail des déveIoppements tels qu'ils furentdonnés devant I'auditoire scolaire. TI y faut chercher Ia pensée détinitive

respondens ("de responsione autem Respondentis, dicendum quod altera pars tenendaest 00'");finalement il répond aux arguments propo és aprês I'intervention de son bachelier.

'" Cf. LITTL -PEL TER, Oxford Theology 000'p. 145.'S< P. GL RIIlUX,La ttu rature quodlibétioue 000,p. 339- 41.

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70 HAPITRE III

de l'auteur plutôt que Ia physionomie des séances ou elle fut exposée" ISS.

L'editio représente le dernier stade de Ia dispute, et "l'état normal de Iagrande majorité des textes que nous a légués le Moyen Age"; nous yreviendrons au chapitre IV. Elle nous intéresse ici en tant que témoindes séances réelles de Ia dispute. Elle peut contenir des fragments decelles-ci 156. Elle en offre souvent des traces, plus ou moins nettes suivantque le maitre a plus ou moins retravaillé les matériaux: ici, elles sontclaires 157, lã elles consistent en certaines notes que n'élimine pas le travailconsciencieux du maitre ISS, ailleurs elles sont totalement désertes. Fi-nalement, on ne peut pas exclure Ia possibilité que certaines questions"disputées" aient été entiêrement rédigées par le maitre, tout comme il ya eu des "sermons" qui n'ont jamais été prêchés.

b) Fréquence et calendrier

Si Ia question disputée privée et Ia dispute ordinaire présentent unemême structure quant à leur déroulement et quant aux techniques dediscussion 159, offrent-elles des différences importantes quant à leurfréquence et â leur calendrier? Trois problêmes ont concentré notreattention: combien de fois par année un maítre pouvait-il soutenir desdisputes privées et ordinaires? Pendant quelle période de l'année aca-démique ces disputes pouvaient-elles être organisées ? A laquelle des deuxformes s'applique Ia disposition des statuts interdisant de "lire" lorsqu'unmaitre tient dispute?

Pour Ia fréquence, les statuts ne contiennent pas de dispositions obligatoires.Ceux de Bologne, par exemple, se boment à dire que le maitre régent doit"pluries disputare" '60. Pour I'ensemble du corps professoral on dispose d'indicesplus cIairs. Les questions ordinaires étaient un acte public et solennel de Ia

'" P. GLORIEUX,L'enseignement ... , p. 177.,,.a. plus haut, n. 137.'>7 Cf. les Quaestiones disputatae De caritate de S. Bonaventure.". Les deux cas se rencontrent dans un même auteur, Prenez par exemple les Quaestiones

disputatae de anima XIII de Matthieu d'Aquasparta, (éd. AJ. GoNDRAS, Paris, 1961): ilest presque impossible d'y repérer des traces de Ia dispute. Par contre les Quaestiones deanima VI du même auteur (éd. AJ. GONDRAS,dans AHDLMA, 24 (1958) laissent entrevoirdes alternatives de Ia dispute réelle (voir surtout Ia q. VI, arg. 2, 4, 6, 8, 9, 13 etparticuliêrement Ia réponse ad 30 m; p. 327-352 de I'édition GONDRAS).Signalons quece dernier texte montre Ia similitude, quant à Ia structure, entre les disputes soutenuesà Ia curie romaine et celles de Paris.

U9 li ne faut pas oublier, bien entendu, Ia différence déjà signalée quant auxparticipants: Ia dispute privée rassemblant seulement le maitre et ses étudiants, Ia disputerdinaire étant ouverte au publico'60 tatuta Fac. Theol. Bon. (éd. EHRLE,p. 45-46). Cf. supra, n. 116.

L 71

FacuIté .6 '. Or les statuts de 1385 semblent interdire, à Paris, qu'i1 y ait plud'un acte solennel par semaine '62. A Oxford, les disputes ordinaires devaientapparemment se tenir au moins une fois par semaine et les maitres, a surer cerythme suivant un systême rotatif. C'est ce qu'a concIu Pelster pour Ia acuItéde Théologie sur Ia base d'une disposition de ce genre de Ia Faculté deMédecine '63. Plus tard, on a même autorisé que deux maitres organisent dedisputes le même jour '64. D'autre part les nouveaux maitres devaient três ouventdisputer aprês leur inceptio '6S. Tout cela est encore três vague. D'oú Ia perplexitédes historiens. I1s préfêrent parler de disputes que les maitres peuvent tenir,plutôt que de celles qu'ils doivent tenir. Certains opinent pour une par emainet certains pour une tous les quinze jours '66. Pour Mgr Glorieux, les que ti nsdisputées peuvent être hebdomadaires ou plus fréquentes encore '61, mai 1Iconfond, comme nous I'avons signalé, dispute privée et dispute ordinair ••Peut-être le mieux est-il de dire, pour ce qui conceme les disputes ordinaires,que leur fréquence dépendait "du zele et de Ia disponibilité des maítre " 169, qUI

s'acquittaient de I'obligation três générale imposée par les statuts suivant un

••• Chart. Il, n. 1188 (18) pp. 692-693; n. 1189 (17), p. 698, ou les disputes ordinairesont placées parmi les actes publics auxquels sont tenus de participer les bacheliers.

'62 Chart. lI, n. 1189 (49): "Item, quod quilibet bacalarius formatus faciat quolibet duosde actibus eius, vel ad minus unum, quousque omnes actus suos compleverit, ne sint duoactus solemnes facultatis in eadem hebdomada, quod omnino fieri prohibemus, alioquin perunum Jubileum a licentia retardetur, Actus autem ad quos tenentur sunt: Respon ionesde Quolibetis, Sorbonica, ordinaria, et aula".

•• 3 Statuta antiqua, p. 42 (cit. par PELSTER,Oxford Theology ... , p. 38, n. 1): "Statutumest quod si fuerint plures regentes in medicina, teneatur quilibet i\Iorum singulis ebdomadisdisputabilibus vice sua disputare, et si fuerit tantummodo unus regens in iIIa facultate,teneatur ad rninus semel in quindena disputare". Voici le raisonnement de Pelster: "Thefirst statute we may unhesitatingly apply to the faculty of theology; as it was muchstronger than the medical faculty, we can indeed regard this as a minimum".

.64 Statuta antiqua, p. 51 (cit. par PELSTER,op.cit., p. 38 n. 2): "Statutum est quod duomagistri in theologia regentes, si velint, possunt concurrere disputando".

.., Statuta antiqua, p. 39: "Consuetudo est quod in artibus incipientes et in medicina p rquadraginta dies post inceptionem quolibet die disputabili disputent, et pallium debentportare in prima disputacione", Voici le commentaire de Pelster: "(This) second provision,which speaks only of the faculties of arts and medecine, we cannot certainly withoutfurther evidence transfer to the theologians. The question, however, remains whether theydid not also hold frequent disputations in the period immediately following inception. Inview of the great similarity which prevaiJed in ali things between the different faculties,one might almost expect to find this custom among the theologians". L'analyse du Ms.ASSISI158 "gives a very indefinite answer to the question" (Oxford Theology ... , p. 38).

.66 Cf. plus haut, n. 53, 54, 55.

..7 P. GLORIEUX,L'enseignement ... , p. 130.

.68 A Ia p. 130-131 de son article, Mgr Glorieux identifie question ordinaire et question"in scholis propriis", Or à Ia p. 102, il range la'question ordinaire parmi les actes solennelsde Ia Faculté.

'69 P. GLORIEUX,op.cit • p. 102.

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72 CHAPITRE III

rythme dicté par leur conscience professionnelle. Pour les disputes privées, rienn'est étabLi dans les statuts, mais on peut supposer qu'elles étaient tenuesréguliêrement étant donné qu'elles constituaient une méthode d'enseignementhautement appréciée, au moins jusqu'â Ia premiêre moitié du XIVe siêcle 170.

Peut-être l'examen des autres types de questions conduira-t-il â une conclusionmoins fragile sur Ia fréquence des questions disputées.

Passons au calendrier universitaire. La soutenance de disputes était-elleréservée â une période particuliêre de l'année académique? Mais d'abord surIa structure même de celle-ci il y a des divergences parmi les historiens. 11fautcoordonner trois grandes périodes: le "grand ordinaire", le "petit ordinaire" etles vacances. Charles Thurot plaçait Ia premiêre entre le ler octobre et lepremier dimanche de carême; Ia deuxiême entre le jeudi qui suivait le jour dePâques et le 29 juin; Ia troisiême entre le 29 juin et le 25 aoüt 171. Mgr Glorieux,aprês avoir souligné que les activités d'étude ne s'interrompaient pas vraimentpendant toute l'année, situe le petit ordinaire entre le 29 juin et le 14 septembre,c'est-â-dire le fait coíncider avec les vacances pour les professeurs: pour lui iln'y a donc que deux périodes: grand ordinaire et petit ordinaire-vacances 172.

Cependant il affirme ailleurs que l'année scolaire ne s'étend que du ler septembreau 29 juin 173. Pour Denifie, par contre, l'année académique commence avec le"petit ordinaire" (du 14 septembre au 10 octobre) et continue avec le "grand

170 li ne faut cependant pas se faire des illusions concernant I'enseignement régulier dumaitre. Mgr Glorieux disait qu'"on ignore toutefois si le maitre doit assurer un chiffreminimum de leçons dans l'année, et quelle peut être à cet égard Ia normal e" (op.cit .• p.110). li semble bien que les maitres en théologie ont progressivement transféré leursobligations aux bacheliers, et que Ia maitrise en théologie a fini pour être une espêce decanonicat. "La réforme de 1452 exigea qu'ils fissent leçon au moins tous les quinze jours,et qu'ils ne Ia différassent pas au-delà de trois semaines. Les maitres ne faisaient doncpas de cours suivi, ils abandonnaient l'enseignement régulier aux biblici et aux sententiarii.lls ne faisaient sans doute leçon que sur Ia question qu'ils devaient discuter dans uneprochaine argumentation. Au XVIe siêcle, avant 1521.l'exercice de Ia régence se réduisait,pour eux, à une seule leçon faite le jour de Ia Sainte-Euphémie, et à Ia présidence desactes publics" (Ch. THUROT.L'organisation de l'enseignement ...• p. 159).

171 Ch. THUROT. op.cit., p. 64: "L'année scolaire était divisée en deux parties par lesvacances de Pâques; Ia premiêre était appelée grand ordinaire, Ia seconde petit ordinaire.Le grand ordinaire était compris entre Ia Saint Remi (ler octobre) et le premier dimanchede Carême; le petit ordinaire, entre le jeudi qui suivait le jour de Pâques et Ia SaintPierre et Paul. Les grandes vacances duraient depuis Ia Saint Pierre et Paul (29 juin)jusqu'à Ia Saint Louis (25 aoüt).

172 P. GLORIEUX.L'enseignement ...• p. 100: "L'année scolaire ... commence à l'Exaltationde Ia Sainte-Croix pour se terminer le \3 septembre. L'enseignement y est distribué d'unbout de I'année à l'autre, sans interruption. Cest dire qu'il n'y a pas de vacances. 11y acependant, du 29 juin au 14 septembre, une période de moindre travail - le petit ordinaire,par opposition au reste de l'année, appelé le grand ordinaire, - pendant laquelle lesmaitres cessent leurs leçons, Pour eux, ce sont d'authentiques vacances", Cf. p. 110.

m Cf. plus loin n. 183.

LES ESPECES DU GENRE 73

ordinaire" (du II octobre jusqu'au 29 juin) 174. Une période de vacances (aumoins pour les professeurs) semble suivre Ia fête des saints Pierre et Paul. Sansdoute parle-t-il de Ia Faculté des Arts, mais rien n'empêche d'appliquer cettestructure de l'année â toute I'Université. Bien plus, les statuts semblent confirme rses aflirmations. 11 parait clair que le petit ordinaire commençait aprês Ia fêtede I'Exaltation de Ia Sainte Croix 175, que le grand ordinaire s'ouvrait le 10octobre, aprês Ia saint Denys 176, et que Ia période de vacances s'étendait du29 juin au 13 septembre 177. Le seul doute qui reste concerne Ia fin du grandordinaire: se poursuivait-il jusqu'au 29 juin ou finissait-il â Pâques? Dans Iaderniêre hypothêse, comment qualifier cette ultime tranche de l'année académiqueou Thurot voyait précisément le petit ordinaire?

De toute façon, Ia premiêre période de l'année académique, du 14 septembrau 10 octobre, était consacrée aux principia des bacheliers sententiaires, taucune autre activité magistrale n'avait lieu pendant ces premiêres semaine 17t

Lorsque les bacheliers n'avaient à Lire que deux livres par année, une autrpériode, au début du deuxiême semestre, était consacrée à leurs principia. Enfio.lorsque les quatre livres devront être lus en une année, ces principia provoqueront

17. Chart. II, p. 326. n. 3: "Magnum ordinarium incipiebat pro artistis post vacatione •Octobris 11. Hac die resumebantur lectiones ordinariae. Parvum ordinarium incipiebatprima die legibili post festum Exaltationis Crucis (14 Septem.)".

17' Chart. II, p. 716. note sur septembre 30, variante du ms. de Ia Bibl. Philipps:"Notandum quod doctores incipiunt legere in parvo ordinario prima die legibili post festumExaltationis sancte Crucis, vel prout videbitur facultati expedire".

17' Chart. II. n. 1037, p. 501: " ... sic duximus ordinandum, ut decetero nulla statutafiant preterquam causa emergente sufficienti et necessaria que id requirat, nisi in ferv r'studii temporis, quod a principio magni ordinarii (Octob. 10, in crastino S. Dionysii, n teDenille) usque ad festum Pasche numerari volumus et censemus".

177 Chart. II. p. 712: "Nota quod a Vigilia beatorum apostolorum Petri et Pauli, n nlegitur in decretis per doctores ordinarie, nec in theologia per magistros, u qu udcrastinum Sancte Crucis ..." A Bologne il y avait une petite différence quant à Ia fin dvacances. Cf. Statuta Fac. Theo/. (éd. EHRLE.p. 24): "Igitur decrevimus serie infrascriptu,quod vacationes maiores incipiant a festo apostolorum Petri et Pauli usque ad fe tumdedicationis basilice beati archangeli Michaelis inclusive ...",

171 Chart. II. n. 1188. p. 692 (Statuta 1366, art. 9): "Item. nota. quod bachalarii 111theologia qui debent legere Sententias, et illi qui habent legere Bibliam in quatuor Ordinibu.Mendicantium, debent facere principia sua infra festum Exaltationis Sancte rucis etfestum beati Dionysii. Et presupposito quod tot sint quod non possint complere, tam nnon sit in quolibet die nisi unum principium. Et semper in primis sancti Jacobi imm diatpost predictum festum beati Dionysii illi qui non fecerunt faciunt, nec legitur aliqua h r,in ip a facultate, quousque omnia predicta principia sint facta totaliter et completo. am ni pauci ra essent principia. it quod finita es ent ante festum beati Dionysii, nichil minu

n n legitur in ipsa facultat era tin xnltati ni an t ruci u qu ad cr 1I1111fl1n ti 1 l1y ii 10 ahqu h r "

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74 CHAPITRE III

une interruption des cours en octobre et au début de janvier, de mars et demai 179.

Si aux vacances et à ces interruptions de l'activité magistrale on ajoute lesdimanches (26 pour le grand ordinaire). les congés 180. les périodes de repos àNoêl et à Pâques, les jours "non legibiles" qui semblent s'élever à 79 selonGlorieux 181. les jours ou il y avait procession générale de l'Université, lesinterruptions produites par Ia mort d'un maítre (elles s'étendaient de l'aprês-midi des vigiles jusqu'au jour des funérailles) ou par les actes solennels de IaFaculté tvesperies, aula. quodlibeta). on s'aperçoit que les jours de cours régulierdont un maitre disposait n'étaient pas nombreux. Selon Ch. Thurot, un maitrede Ia Faculté des Arts n'avait que 75 jours pour ses leçons ordinaires 182. MgrGlorieux, plus optimiste, signale le cas d'un bachelier sententiaire qui. dansl'année académique 1392-93. est parvenu à faire 132 leçons 183. Nous sommesenclin à accepter le chitfre de Thurot, car il est fondé sur une analyse descalendriers et parce que les bacheliers avaient une activité plus considérableque celle des maitres.

Pourquoi ce souci d'établir le nombre de jours de cours réguliers desmaitres? Parce que les disputes étaient une autre cause d'interruption des leçons.Les jours "legibiles" s'élevaient à quelque 79. Tous les motifs pour les réduireencore davantage devaient donc être objet de considération sérieuse de Ia partde Ia corporation. Notre problême est de savoir pendant quelle période del'année avaient lieu les questions disputées. A cela nous pouvons donner uneréponse de principe: puisque Ia quaestio disputata est une méthode que le maitreutilisait dans son enseignement régulier, elles devaient se placer pendant legrand ordinaire, c'est-à-dire entre le 10 octobre et le 29 juin (ou au moins entrele 10 octobre et Pâques). Ce qui complique les choses, c'est que les disputesmagistrales provoquaient une interruption des cours. Lequel des deux types de

179 Chart. II. n. 1189 (Statuta 1385. art. 38). p. 700: "Item. quod carmelita faciat suumsecundum principium prima die Januarii legibili, et a1ii bacallarii consequenter. Tertiumfaciat carmelita prima Martii, et a1ii consequenter. Quartum faciat carmelita prima Maii,et alii consequenter". Cf. P. GLORIEUX.op.cit .• p. 138-139.

ISO Ch. THUROT signale 47 jours de congé (De l'organisation de l'enseignement ...• p.66); P. GLORIEUXun nombre plus réduit mais considérable encore iL'enseignement ...•p. 101).

'" P. GLORIEUX.ibid.'" Ch. THuROT. ibid.113 P. GLORIEUX.L'enseignement ...• p. 116: "L'année scolaire qui s'étendait du ler

septembre au 29 juin, ne comportait, déduction faite des jours fériés, des repos de Noêlet de Pâques, que 42 semaines. 11en fallait déduire encore les jours de soutenances, deprincipia. d'actes magistraux, etc. ou le bachelier ne lisait pas. L'exemple concreto tout àfait sür, d'un Pierre Plaoust, montre que son année scolaire 1392- 1393 otfre un total de132 leçons seulement".

LES ESPECES DU GENRE 7

questions disputées (ordinaires ou privées) avait cet etfet sur I'en emble d IaFaculté?

Les statuts répondent-ils à notre question? Ceux de 1366. à Paris. déterminentque lorsqu'un maitre tient dispute. lui seul peut "lire" le matin tandis que lesautres doivent suspendre leurs cours 184. IIs ne disent pas explicitement de queltype de disputes il s'agit. Mais cette disposition en suit immédiatement d'autr ssemblables concemant les vesperies et les disputes in aula. c'est-à-dire de alessolennels et publics de Ia Faculté. On a là le premier indice que les di pule. qUI

interrompent les cours sont les questions disputées ordinaires qui, ellcs uu: SI,

sont des actes publics, et non les questions disputées par les maitres ;11 srhultvpropriis. Les statuts de Bologne autorisent une même inférence. U IlHlIIIIIII

d'établir les jours "non legibiles", ils mentionnent, à côté des COI1 s t li t II

universitaires, les "dies disputabiles post nonam" 185. Les disputes 111 Iftl 1011

suspendaient donc les leçons. Oroces "dies disputabiles" ont Ir . p U 110111111 11 ,

_ jamais plus de quatre par mois (en novembre et en mar, p Ir IIIpll) I

les statuts ne semblent autoriser, pendant les vacance , que deu di' IIIlh

publiques par mois, pour lesquelles les maitres intéres é. ti IIV~ 111 Ilhh 1111

l'autorisation du doyen ou du chancelier 186. li semble légiume li li I

dispositions, qui se succêdent dans le texte, et d'affirmer que 1 S (11 putsuspendent les leçons sont les questions disputées ordinaircs, c'est-publiques 181. Dans ce sens elles font l'objet de mesures administrative p

'''' Chart. II. n. 1188 (8). p. 692: "Item. nota. quod quando unus magister in the logiudebet disputare. tunc ipse solus legit ut in pluribus, et illa die non legunt alii ma~islri,nec etiam bachalarii legentes Sententias et Bibliam". Une disposition semblable avait étéprise par Ia Faculté des Arts depuis Ia moitié du XllIe siêcle. Cf. Chart. 1. n. 137. nreviendra sur cette disposition lorsqu'on examinera les questions disputées à Ia Facultedes Arts. Pour les questions disputées, les statuts semblent indiquer que c'est Ia séancde discussion qui interrompt les leçons. C'est pourquoi Mgr Glorieux affirme que Iadétermination magistrale était donnée par le maitre "dans son êcole, devant ses étudi ntet pour eux seuls" (L'enseignement ...• p. 126). Or, pour ce qui concerne au moins I sdisputes de quolibet, on a une disposition três c1aire des statu~s de Bologne ~an~ ~e enque c'est Ia determina tio qui suspend les cours: "Determinationis autem actus inciprt ben .de mane, cum sit prolixus, et toto mane nulla sit lectio, ut bachalarii ornnes, et formal!et legentes et lecturi, quia ornnes tenentur, determinationi valeant interesse" (Statuta Fac.Theol. Bon .• éd. EHRLE,p. 45). F. Pelster semble considérer ce texte comme valable pourtoutes les espêces de disputes. C.f. Oxford Theology ...• p. 41. Mgr Glorieux préfêre lelimiter aux questions quodlibétiques. Cf. La liuérature quodlibétique ... t. 1. p. 42.

'" Statuta Fac. Theol. Bo'1'..(éd. EHRLE.p. 25-30).186 /bid .• p. 25: "Poterunt tamen infra ebdomadas vacationum maiorum, die aliqua non

festiva. fíeri, bis in mense, magistrorum publice disputationes, et poterunt perfici cursu .•cancellarii vel decani obtenta licentia, et non a1iter etc.".

'" Ch. THUROT avait déjà signalé, pour Ia Faculté des Arts, et pour les leç ns ceueéquivalence entre le terme "ordinaire" et le caractêre public o~ 0!flciel: ~Le I~ço.nsétaicntdi tinguée entre ordinaire et e traordtnaires. Les leçons ordinaires étaient aIO I app I cparce que Ia matiêre, Ia ~ rm ,I jour, I'h ure et le lieu él ient détcrminé par I Facult

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76 CHAPITRE III

de Ia part de Ia Faculté: le maitre doit solliciter I'autorisation, fixe r le jour enaccord avec Ia disponibilité de jours "disputables", faire annoncer le thême deIa dispute par le "bidellus", demander, éventuellement, Ia participation debacheliers attachés à d'autres maitres comme respondens et opponens, etc. '88.

De tout ce qui précêde, on peut déduire que les quaestiones disputatae ordinariaen'étaient pas fréquentes et qu'elles constituaient une activité plutôt solennellede l'enseignement régulier du maitre. Le chiffre de deux par mois, suggéré parles statuts de Bologne, semble normal pour un maitre voulant remplir de façondigne son rôle. Ce chiffre pouvait dans certains cas, être encore plus réduit carI'obligation de soutenir des disputes était três générale et il semble que lesstatuts n'ont jamais imposé un minimum. Ces disputes s'échelonnaient à traverstout le grand ordinaire, mais il est probable que cette activité s'arrêtait aprêsPâques pour ne reprendre qu'en octobre '89.

c) L'unité de dispute (contenu ou matiêre d'une dispute)

Étroitement lié au problême de Ia fréquence, le problême du contenuou de Ia matiêre d'une séance de dispute a reçu des solutions entiêrementopposées. En 1925, dans son lntroduction à 1'édition des questionsdisputées de saint Thomas, P. Mandonnet a soutenu que 1'unité de

et par Ia Nation" (De /'organisation de /'enseignement ... , p. 65). Dans le eas de questionsdisputées en théologie, il faudrait préeiser que le thême et le eontenu sont déterminéspar le maitre, mais l'aspeet administratif devait revenir à Ia Faeulté.

,,, Nous rejoignons ainsi I'opinion de Little, Oxford Theology ... , p. 230: "Somewhatelaborate preparations had to be made for a disputation, and these were subjeet to theapproval of the ehaneellor, proetors, and other masters or, at least, the arrangementsmade might be quashed by the university authorities". L'idée que c'était seulement Iesdisputes ordinaires, et non pas les privées, qui suspendaient les eours est nettementsuggérée par Ch. Thurot ear, bien qu'il ne fasse pas Ia distinetion entre les deux modalités,il met les disputes dans une série qui ne eomprend que des aetes publies: "li était enoutre interdit de faire leçon ordinaire les jours de vespéries, d'aulique, de principium, etle jour ou un maítre se proposait de disputer" (De /'organisation de l'enseignement ... , p.137). Quant à Mgr Glorieux, il faut répéter que son grand travail sur les méthodesd'enseignement (1968) souffre du manque de distinetion entre Ia question ordinaire et Iaquestion "in scholis", d'oú une eertaine ambiguíté quant à savoir laquelle des deuxmodalités produisait I'interruption des eours. Dans un travail antérieur il avait clairementaffirmé que e'était seulement Ia question disputée ordinaire qui, produisait un tel effet;ef. Répertoire des maitres en théologie de Paris au X/IIe siêcle, I. Paris, 1933, p. 17. Maisdan son travail de 1968 il semble se eontredire lorsqu'il affirme: "Quand il tient disputeen S01l école, il est le seul à lire le matin ..." (p. 100).

,.. elon h. Thurot iop.cu., p. 137) Ia période allant de Pâques jusqu'â Ia Saint PierreL Paul était réservée aux vespéries et aux auliques. A Ia Faeulté des Arts, il y avait

cep ndant des di pute de Pãque à Ia Saint Rémi. Cf. plus loin, p. 88-89 et n. 228.

LES ESPECES DU GENRE 77

dispute était 1'articulus 190.Son opinion fut acceptée par P. Glo~eu~ en1932191. Elle entrainait de curieuses conséquences que des historiensn'ont pas hésité à accepter. Le P. Synave, par exe~ple, a soutenu, ~propos des questions disputées De veritat.e, qu~ saínt Thoma~ auraitdisputé cinquante-neuf, cinquante-cinq ou b~ens01x~te et une fo~s,.sel~~1'année durant les trois ans de son preID1erenseignement pansien .Mgr Glorieux, qui semblait ignorer les critiques faite~ à I'hypothêse d.eI'article-dispute, a continué d'écrire, en 1968, que saínt Thomas auraitsoutenu les 253 articles des Q.D. de veritate à raison de 84, 84 et 85 parannée pendant Ia période 1256-1259 193. .'

Cependant d'autres historiens avaient ouvert des pistes ~port~tesqui menaient à une solution entiêrement différe~~e.D~s les DlSputatlOn~sde Simon de Tournai, dont 1'importance dans I évolution du genre ~ déjàété signalée, une même dispute, soutenue pendant une se~le se~ce,comportait plusieurs problêmes ou "articles:: "Hodi~rn.a dlsputat~onequatuor ... quinque ... quaesita sunt" 194. Le maítre examinait ces questionsdans une même disputatio et les arrangeait plus tard, selo~ un or?r~ pl~sou moins systématique, pour l'editio. La même observation a ~te faltepar Pelster dans le ms. Assisi 158, lequel, nous le savons, contIen~ desquestions disputées soutenues à Oxford et à Paris 195. Cela mett:ut engarde contre les vues de Mandonnet. Mais c'~st en 195.6 ~ue le Pere A.Dondaine s'attaqua vigoureusement à celles-ci. Son principal argume~tconsiste à montrer Ia situation impossible que saint Thomas aurait

'90 P. MANDONNET, S. Thomae Aq. Questiones Disputatae ., '. (1925), p. 12: ~L'arLi I IIa matiêre d'une dispute. li n'a pas été disputé plusieurs articles en ~ne fois, ~u mOIlldans les Questions disputées en série, ni probablement dans eelles dísputées u I Il\ 111... Ces subdivisions (d'une question en plusieurs articles) n'ont .done au.eun rapport IVIIIa quantité de matiêre qui faisait l'objet de ehaque dispute. De fait, un article c rr rlltltl til

à une Dispute". . 4 (19 2)'9' P. GLORIEUX, Les questions disputées de saint Thomas, d~s ~TAM, • ~.'92 P. SYNAVE, La révélation des vérités divines naturelles d apres saint Thoma ti A 1111111

dans Mélanges MANDONNET, t. I, Paris, 1930, p. 353 SVV. .' ..'9' P GLORIEUX L'ensetgnement ... , p. 127: "Pendant son premier enselgnement pan , n,

Saint' Thomas a ~enu les 253 soutenances de son De Veri~ate à raison de 84, 84 C.L11par année seolaire, soit deux disputes réguliêres par sematn~. D~s son seeo~d séjour,les 101 questions du De maio, les 21 du De anima, 36 De virtutibus, 5 De umone Verbl

incarnati" .'94 Cf. supra, n. 46. .'9' F. PELSTER, Oxford Theology ... , p. 7: "It frequently happ~ns. that. the same question

ineludes within itself several questions, whieh are ealled articuli. Th~s, howe~er, by nomean implies that these articuli are always dependent on the rnam question or aresub rdinate question involved in it",

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78 CHAPITRE III

engendrée à l'Université de Paris si elles devaient être acceptées: "Laplus grave de ces difficultés est que saint Thomas aurait suspendu Ia vienormale de I'Université pendant les trois années de son premier ensei-gnement magistral parisien" 196. En efIet, sans compter que le nombre dedisputes que, selon Synave et Glorieux, saint Thomas aurait dirigéesentre 1256 et 1259 s'insêre difficilement dans les "grands ordinaires" deces années scolaires, il s'ensuivrait que le jeune maitre dominicain auraitobligé le reste de Ia corporation à chômer pendant trois années consécutives,puisque les jours ou un maitre tenait dispute ordinaire, tous ses collêguesinterrompaient leurs leçons. Le P. Dondaine formule d'autres argumentscontre Ia théorie de Mandonnet. Par exemple, certains articles de Ia Q.D.de veritate n'ont pu exiger plus de quinze minutes de discussion publique."Est-il concevable, se demande Dondaine, que Iavienormale de I'Universitéait été suspendue pour si peu? Non seulement le maitre y aurait perdude son prestige mais Ia fonction elle-même se serait rapidementdépreciée" 197. Finalement, cet érudit ' estime avoir trouvé Ia clé de Iasolution en comparant l'extension d'un quodlibet avec celle d'une quaestiodisputata. Sa conclusion, fondée sur l'analyse des onze premiers quodlibetsde saint Thomas et des onze premiêres questions du De veritate est Iasuivante: "li y a donc une réelle proportion de l'ordre de grandeur destextes entre Ia moyenne d'un quodlibet de saint Thomas et d'une questiondu De veritate, question au sens de ce tout organique constituant l'unitéde division de l'ouvrage, groupe d'articles concemant un même sujetgénéral" 198. D'oü sa proposition d'identifier Ia dispute à une questiongénérale et non pas à un article.

Ces arguments nous semblent irréfutables. En outre, ils réduisent àdes termes raisonnables l'activité académique de saint Thomas. Lesnombres de 8 disputes en 1256-1257, 12 disputes en 1257-1258 et 9disputes en 1258-1259, "sont beaucoup plus vraisemblables pour unmaitre, fut-il Saint Thomas". Ces nombres semblent s'accorder avec ceque nous avons dit sur le nombre de disputes ordinaires que normalementpouvait soutenir un maitre en théologie 199 et ils sont compatibles avec

,•• A. DONDAINE,Secrétaires de Saint Thomas. Rome, 1956, p. 210.'97 Ibid., p. 211.'9' Ibid., p. 213.'99 Cf. plus haut, p. 76. Nous avons suggéré le nombre de deux disputes ordinaires par

mois comme étant "normal" pour un maitre conscient de ses devoirs académiques. Commele tatuts sont três souples quant à I'obligation de disputer, nous avons dit que le nombreproposé pouvait encore être plus réduit (il y a des maitres qui n'ont soutenu que deuxdi pute par an). Rien n'empêche que ce nombre soit plus élevé, surtout dans le cas de

LES ESPECES DU GENRE 79

une activité normale de Ia part des dix collêgues de saint Thomas. Lanouvelle thêse du P. Dondaine fut acceptée, avec quelque réserve, parle P. James A. Weisheipl: "While Dondaine's view is more reasonablethan Mandonnet's, it does not solve all our doubts. It does not, forexample, explain how a question of twenty articles compares with aquestion of two articles in an aftemoon session" 200.

L'examen de ce problême nous a conduit à formuler des précisionsde détail.

D'abord il ne faut pas appliquer à S. Thomas - au moins pour ce qui concerneson premier enseignement - Ia disposition statutaire interdisant de lire lorsqu'unmaitre tient dispute. En effet, s'il commença ses fonctions magistrales enseptembre 1256, il ne fut accepté dans le consortium magistrorum qu'en septembre1257. Les maitres régents des ordres mendiants avaient été exc\us du consortiumpar une décision de Ia Faculté de Théologie datée d'avril 125320

'. Les annéesqui suivirent furent três dures pour les mendiants. Guillaume de Saint-Amourmena contre eux une lutte impitoyable sur tous les fronts (doctrinaire, universitaire,diplomatique) et il avait Ia sympathie et l'appui de Ia corporation universitaire.Les mendiants, de leur côté, avaient le soutien d'Alexandre IV qui, depuis sabulle Quasi lignum vitae d'avril 1255, avait pris Ia défense des nouveaux ordreset ordonné que les mendiants soient reçus dans le consortium magistrorum deI'Université de Paris 202. Mais l'ordre du Pape n'avait pas été suivi. On en a Iapreuve dans les nombreuses interventions du pontife en 1256-1257 en faveurdes mendiants afio qu'ils soient incorporés de façon effective dans Ia communautéuniversitaire 203. Ce n'est qu'en aoüt 1257, avec Ia déc\aration du maitre Christiande Beauvais, que Ia tension entre les maitres séculiers et les mendiants commenceà se relâcher 204. C'est lui qui accepta Thomas et Bonaventure dans le consortiummagistrorum. Dans une lettre du 27 septembre 1257 le Pape put déjà parlerd'une "discordia usque nunc Parisius habita" 20'. Mais Ia situation continua d'êtrdifficile pour les mendiants. Dans ce climat, pouvons-nous concevoir que IaFaculté de Théologie ait suspendu les cours pour que Thomas puisse di pu

maitres extrêmement actifs comme saint Thomas. Bien entendu, son zele professionnelavait une limite: iI ne pouvait pas monopoliser I'activité universitaire ni compromettre Iatâche de ses collêgues par un excês d'interventions publiques. De ce point de vue il devaitse soumettre aux mesures générales d'organisation et de planification imposées à tous lesmembres de Ia corporation.

",. I.A. WEISHEIPL,Friar Thomas D'Aquino. His li/e. thoughi, and work. New York, 1974, p.

126.20' Cf. Chart. I, n. 219, p. 242-243.202 Cf. Chan. I, n. 247, p. 279-285 et Ia lettre du 14 avril 1255, ibid., n. 249, p. 286-287.20) Cf. Chart. I, n. 269,281,284,293,294,296,300,309,311,312,313.104 f. Chan. I, n. 317.20' f. Chart. I, n. 19, p. 611

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80 CHAPITRE III LES ESPECES ou GENRE 81

206 La chose nous semble absolument certaine pour les huit premiêres questions, cellesdisputées en 1256-1257, car Thomas n'était pas encore accepté dans le consortiummagistrorum. Pour les suivantes il ne s'agit que d'une hypothêse jouissant d'une grandeprobabilité.

2'>7 Les éléments dont nous disposons nous rnênent tous à penser que les disputesordinaires avaient lieu dans l'aprês-rnidi, au moins à Ia Faculté de Théologie. Les statutsde Bologne parlent toujours des "dies disputabilis post nonam" (éd. EHRLE, p. 25), maisne disent rien sur I'heure de clôture des séances. A Oxford aussi les disputes étaienttenues dans l'aprês-midi ; "between Nones and Vespers", précise Little (Oxford Theology... , p. 230). Il semble qu'au XVe siêcle Ia période consacrée aux disputes fut étenduejusqu'à I'heure de complies, mais cela comme réaction contre une certaine habitude deles raccourcir pendant le Carême en plaçant les séances "ante nonam": "Quia sepenumeroscandalum sacre theologie exorriri visum est eo quod tempore quadragesimali in eademsacra theologia ante nonam disputaciones curtate et abbreviate nimis fieri consueverunt,in quibus respondentis probitas aut eius scientie dignitas dilucidari aut manifestari penitusnequeat; provisum est quod singule disputaciones in prefata sacra facultate etiam temporequadragesimali post nonam celebrentur ac ante tempus completorii terminentur ac finiantur,non obstante statuto prius edito et antiquitus decreto in quo cavetur quod disputacionesante vesperas terminari debeant" (Statuta Antiqua, éd. GIBSON, p. 276; cité par LITTLE,op.cit., p. 230, n. 2). Pour Paris on n'a pas de renseignements si précis, mais on peutupposer que les statuts de Bologna et d'Oxford suivaient les pratiques de Paris. Si on

tient compte du fait que les heures canoniales sont déterminées par le lever et le coucherdu oleil et qu'elles se rapprochent singuliêrement les unes des autres pendant I'automnect J'hiver (c'est-â-dire pendant le Grand Ordinaire, période ou avaient lieu les disputes),

n parvient à Ia conclusion que les séances avaient une durée d'à peu prês trois heures.

l'ardeur de Ia discussion et que Ies séances n'étaient pas toujours paisibleset ordonnées? Sans doute deux, trois, peut-être cinq ou six problêmes,ayant un lien thématique, pouvaient être examinés et discutés, et recevoirune soIution préliminaire du respondens. TeI était Ie cas depuis Iesdisputationes de Simon de Tournai, donc depuis l'origine même de Iaméthode. En ce sens, Ia thêse de Dondaine est exacte et l'unité de Iadispute ordinaire est Ia quaestio comme ensembIe unitaire comprenantpIusieurs artic1es. Pour ces occasions spéciales qu'étaient ses disputesordinaires, Ie maitre pouvait soumettre à débat pIusieurs aspects d'unproblême théoIogique. II Ies proposait par ordre et recueillait l'apportdes participants qui étaient non seuIement ses étudiants et bacheliers,mais aussi ceux d'autres écoIes.

Mais que penser d'une question qui comprend 17 artic1es, avec 190objections et 67 sed contra? Ou d'une autre qui comprend 21 artic1esavec un nombre encore pIus grand d'arguments? 208 Le P. Dondaine,pour qui une dispute pouvait durer de 9 heures du matin jusqu'au soir,ne voit pas Ie moindre inconvénient dans ces chiffres 209. Nous pensonscependant qu'ils sont excessifs. Les 21 artic1es de Ia quaestio De animaou Ies 17 de Ia q. 8 De veritate n'ont pu constituer l'objet d'une seuleséance de discussion. En dépit de ses qualités pédagogiques, Thomasne pouvait enfermer dans un débat Ie contenu détai1Ié de toute saconception de l'homme ou de toute sa doctrine sur Ia connaissanceangélique. Et si nous pensons à Ia séance de détermination magistrale,cette impossibilité devient encore pIus évidente: comment en une seuledeterminatio Thomas aurait-il pu résoudre 17 ou 21 problêmes couvrantdes domaines théoriques si vastes? Si nous ajoutons encore qu'il auraitdü répondre aussi aux 190 objections de De veritate ou aux 367 objections

ter? Pouvons-nous imaginer ces maitres séculiers, qui refusaient d'accepter les

mendiants dans leur consortium, décidant d'interrompre leurs leçons lorsqu'un

mendiant tenait dispute?

Nous pensons que Ia soutenance des questions disputées De veritaten'a pas produit d'effet sur Ie dérouIement des activités académiques àIa Faculté de ThéoIogie 206.

Est-ce lâ un argument contre Dondaine et un retour à Ia thêse deI'artic1e-dispute? Pas exactement; ce que nous disons, c'est que lesquestions disputées De veritate n'ont pas joui du privilêge de pouvoirinterrompre Ies cours accordé aux disputes ordinaires. Le problême del'unité de dispute reste donc entier et il doit être résoIu à partir d'autresconsidérations.

II y a d'abord celle du temps alloué pour une dispute ordinaire. IIsembIe bien qu'elles avaient lieu entre nones et vêpres 207, et duraientnormalement trois heures. D'autre part, Ia séance de discussion necomprenait que l'échange d'arguments pour ou contre une thêse, IasoIution du maítre étant rapportée à une séance ultérieure. Dans cesconditions, quelle quantité de matérie1 pouvait-elle être examinée etdébattue, sans oublier que Ies participants étaient souvent entrainés par

208 Nous pensons à Ia questio 8 du De veritate et aux Q.D. de anima.209 Cf. Secrétaires de Saint Thomas, p. 131. Le P. Dondaine suit en ceei J. ISAAc, Le

Perihermeneias en Occident ... (1953), p. 79, n. I: "Les maitres font leurs conférences dePrime jusqu'aux environs de Tierce. l1s se réservent Ia possibilité de poursuivre leursdisputes publiques, du ler octobre au carême tant qu'il fait jour, durant le carême jusqu'aurepas, qui est alors pris en raison du jeüne aprês Vêpres, et de Pâques au ler octobrejusqu'à Ia Sonnerie des Nones de Ia S. Vierge". Deux observations s'imposent. D'abordil faut dire que J. Isaac se base sur une disposition de Ia Faculté des Arts (Chart. I, n.137, p. 178; cf. plus loin, n. 228); elle ne saurait pas être appliquée sans précaution auxdisputes ordinaires de Ia Faculté de Théologie. Ensuite cette disposition ne détermine pasIa durée effective des disputes, mais les heures dont les maitres disposaient pour lesorganiser. Les statuts de Bolognc ct d'Oxford ont plus de poids pour ce qui concerne lesdisputes théologiques (cf. supro, n. 207).

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82 CHAPITRE 11I

du De anima, l'hypothêse du P. Dondaine dépasse les limites deI'imagination !

Bien entendu, on peut défendre les vues du P. Dondaine en disantque le texte du De veritate ne répond pas au déroulement exact desséances de dispute et de détermination. Le P. Dondaine a montré lui-même que ce texte a été dicté par saint Thomas. Mais il ne faut pas setromper: saint Thomas a dicté en ayant sous ses yeux "les notes prisesà Ia séance publique et sa propre détermination" 210. Même s'il a organiséet amendé le texte, il en a gardé I'essentiel, surtout les objections 211. Etnos réserves restent valables. Si nous nous tournons vers d'autres exemplesde questions disputées éditées par les maitres, c'est-ã-dire vers des textesayant subi aussi un grand travail de rédaction, nous constatons qu'ilsne dépassent pas quatre ou six articles par question, ce qui sembleraisonnable 212. Ou bien qu'ils ne comportent qu'une seule question, nondivisée en articles, par session 213. Si on suivait le P. Dondaine et sesparadigmes de longueur, il faudrait dire, pour ces derniers exemples, queIa série de questions ne représente pas plusieurs séances, mais une seuleou I'on a examiné plusieurs problêmes, Or Ia tradition manuscrite s'opposeà cette interprétation. En effet, chaque question, ne comportant pas dedivisions internes en articles, est présentée comme ayant fait I'objet d'unedispute ordinaire. Or I'extension de ces questions est bien plus réduiteque celle des questions divisées en 17 ou 21 articles que saint Thomasnous offre dans le De veritate (q. 8) ou dans le De anima. Enfin il nefaut pas oublier que c'était le maitre lui-même qui organisait Ia disputeordinaire, et était responsable de son contenu. Or, dans l'hypothêse duP. Dondaine, on se trouve devant des questions disputées de longueurextrêmement variée: le De veritate q.6 comporte 3 articles, Ia q.19seulement 2, mais Ia q.2, est subdivisée en 15, de même que qq.22 et24. Comment justifier cette diversité? On dira que le sujet lui-mêmecommande Ia longueur de Ia dispute. Mais Ia réponse est faibIe: d'abordIe maitre pouvait enrichir ce sujet s'il prévoyait que Ia matiêre seraitinsuflisante; ensuite une session de dispute était une unité d'enseignement

210 A. DONDAINE,op.cit., p. 133-134.211 Cf A. DONDAINE,op.cit., p. 103-108.212 Cest le cas des Quaestiones disputatae de rerum principio attribuées jadis à Jean Dunscot (éd. FERNANDEZGARCIA, 1910).21) est le cas de Quaestiones de cognitione animae separatae de Bemard de Trilia (éd.

MARTIN, 1965), ou des Quaestiones de anima XIII de Matthieu d'Aquasparta (éd.NORA. 1961).

LES ESPECES DU GENRE 83

pIus ou moins stable, ayant une longueur que Ies maitres connaissaientbien. Que dirions-nous aujourd'hui d'un professeur qui au milieu de saIeçon s'arrêterait parce qu'il n'a plus de matiêre à enseigner et qui, à Ialeçon suivante demanderait aux étudiants de rester bien au-delâ du tempsalloué, pour continuer I'examen du matérieI qu'il prépare? Cette hété-rogénéité n'existe pas dans les autres exempIes de questions disputéesordinaires que nous avons examinés. Chacune possêde une longueursembIabIe, ce qui est Ie cas aussi pour chacune des questions disputéesDe anima de saint Thomas.

Reste Ie grand argument de Dondaine: Ia longueur des 11 premiersquodlibets de Thomas est plus ou moins Ia même que les 11 premiêresquestions disputées du De veritate. Or, chacun de ces quodlibets a faitI'objet d'une seule séance. Donc ... Le raisonnement n'est pas sans force,mais peut-on conclure des quodlibets aux disputes ordinaires ? Les premiersse tenaient deux fois par ano On est plus enclin à accepter qu'à cesoccasions exceptionnelles, pleines de solennité, céIébrées avec pompe enprésence des autorités civiles, ecclésiastiques et universitaires, on s'étendesur plusieurs heures. Ces véritables joutes de I'esprit constituaient unévénement dans Ia communauté universitaire. Si on assimile, en longueuret en contenu, disputes ordinaires et quodlibets, on risque de faire perdreà ces derniers Ieur spécificité d'acte exceptionnel >", et on suppose queIa vie universitaire pouvait supporter des joutes sembIabIes toutes lessemaines à peu prês (car Thomas n'était pas le seul à disputer ordinarie).

Quelle conclusion tirer de cette longue dissertation ? Dondaine a raisonde dire que, dans Ia dispute ordinaire, I'unité de discussion n'est pasI'article, mais Ia questiono Celle-ci peut se présenter comme ayant unsujet unique, ou bien elle peut être décomposée en articles, dont chacuncouvre un aspect du problême général. Mais ces articles ne peuvent paêtre aussi nombreux que Dondaine sembIe prêt à I'accepter. Si I'on veutcontinuer à considérer Ia dispute ordinaire comme une méthode d'en-seignement régulier, on ne doit pas faire d'elle un marathon intellectuel.

Le problême revient alors à expliquer Ia longueur exceptionnelle decertaines questions De veritate (et d'autres qui pourraient présenter unestructure semblable). Pour le résoudre, nous proposons une hypothêseque, sans contredire Dondaine, reprend, modifiée, Ia thêse de Mandonnet.

21' Le quodlibet devient implement une di pute ordinaire ou le choix du sujet échappeau maitre.

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84 CHAPITRE III

Les huit prerniêres questions De veritate n'ont pas pu être disputées commeactes publics de I'Université car Thomas n'était pas encore admis au consortiummagistrorum. li faut donc qu'au moins pendant I'année 1256-1257 les questionsDe veritate aient fait I'objet de disputes privées au couvent de Saint-Jacques,Rien n'empêche de penser que Thomas a continué de disputer de façon privéependant les années suivantes. Un document du chapitre provincial des dorni-nicains, tenu à Rome en 1287, jette un peu de lumiêre sur ce point. li établitque les maitres dominicains responsables de bacheliers doivent disputer aumoins une fois par semaine m. Si I'on tient compte de I'influence exercée parParis sur I'organisation des études dans les autres centres intellectuels, on peutcroire que Ia disposition du chapitre provincial de Rome suit des habitudes deSaint-Jacques 216. Or elle parle des disputes in scholis, c'est-â-dire de disputesprivées. li est possible par conséquent que les "lecteurs" de Saint-Jacques aienteu coutume de soutenir des disputes privées au moins une fois par semaine. OrI'année académique comportait 32 semaines 217. Si Thomas a soutenu deux outrois disputes privées par semaine, chose parfaitement acceptable, le total desséances pourrait atteindre le chiffre de 84, qui est le nombre d'articles des huitquestions que les historiens s'accordent à lui attribuer pendant Ia premiêreannée de son enseignement 218. Même chiffre de 84 articles pour les 12 questionsde I'année suivante. Pour les 9 questions de Ia troisiême année, on a 85 artic1es.

ns Capo provo ano 1287, Roma, DOUAIS, Acta, 556: "Ordinamus quod lectores, qui habentbaccellarios, legant in die unam lectionem tantum de textu Biblie et disputent ordinatein scho/is ad minus seme/ in septimana".

216 On a vu déjà que les maitres parisiens élaboraient des normes pour tout 1'0rdre. Cf.supra, n. 110.

217 Mgr Glorieux (L'enseignemem ... , p. 100 et 127) parle de 42 semaines. Évidemmentce chiffre couvre Ia période allant du 14 septembre jusqu'au 29 juin, donc I'année académiquecomplete. Si nous le réduisons en tenant compte des principia des bacheliers (cf. plushaut, n. 178) et' des vacances (celles de Noêl étaient fixées en 1245 à trois semaines du18 décembre jusqu'au 8 janvier; Chart. I, n. 136, p. 178), le nombre total de semainesdisponibles est de 32.

211 Nous reconnaissons volontiers les difficultés de cette hypothêse, Elles sont les mêmesqu'on a adressées à Ia théorie de Mandonnet. Pour que saint Thomas ait pu disputerséparément les 84 articles il lui aurait faliu disposer de 168 jours, chiffre difficilementcompatible avec ce que nous avons dit sur I'année académique. Mais notre hypothêse nenie pas Ia possibilité que saint Thomas ait disputé parfois deux, ou même trois articles,par séance, si Ia rnatiêre de discussion s'y prêtait. Dondaine a reconnu que quelquesarticles n'ont pu demander plus d'une quinzaine de minutes de discussion, constatationqui permet de grouper quelques articles dans Ia même séance. Il y a aussi le fait que Iadeterminatio pouvait parfois avoir lieu immédiatement aprês Ia discussion, ce qui réduiraitencore plus le nombre de jours nécessaires pour disputer les 84 articles. Quoi qu'il enoit , il est certain que notre hypothêse exige une activité pédagogique permanente de Ia

p rt de Thomas. 11a dü probablement utiliser tous les jours disponibles pour ses disputesprivé . Mai cela n'est pa inconcevable: aprês tout il a pu utiliser les matins pour sesI ctlone ur Matthieu et (probablement) sur Isare, et tous ses aprês-rnidis pour ses disputes.

LES ESPECES DU GE RE 85

Notre hypothêse est que l'article est I'unité d'une dispute privée, et nonpas d'une dispute ordinaire, comme le voulaient Mandonnet etGlorieux; pour celle-ci, nous nous en tenons à Dondaine. Notre solutionoffre plusieurs avantages: elle élimine le problême de Ia diversité delongueur des questions, elle évite l'absurdité de dire que Thomas auraitsuspendu Ia vie universitaire à Paris pendant trois ans, et elle réduit Iaséance de dispute (et Ia determinatio qui devait Ia suivre) à des proportionscompatibles avec les exigences pédagogiques. Elle permet même desupposer que Ia dispute réelle (dont l'édition ne donne qu'une versionsynthétique et mise en forme) a été plus longue et peut-être plus agitéeque ne le laissent soupçonner les textes édités: de toute façon, Iadiscussion, pour vive qu'elle ait été, n'a pu prendre, pour un article, plusd'une heure et demie, peut-être deux. Cela est compatible avec les autresactivités que comprenait une journée scolaire: lectio du maitre, cours desbacheliers, répétitions, etc. (activités qui ne sont pas suspendues par Iadispute privée).

Concluons. L'unité d'une dispute ordinaire (publique) est Ia question(simple ou décomposée en articles). L'unité de Ia dispute privée estl'article. On a des raisons de penser qu'on se trouve devant des disputesprivées lorsqu'on a affaire à des séries de questions disputées ayant unnombre três variable d'articles.

B) La dispute à Ia Faculté des ArtsLa méthode des questions disputées était pratiquée dans toutes le

facultés. Voyons-la d'abord à Ia Faculté des Arts.Celle-ci jouait le rôle d'une propédeutique dont Ia tâche fondamentaJe

était de fournir auxjeunes étudiants les instruments scientifiquesnécessair ,aux études supérieures. Parmi ces instruments, Ia logique (Ia diaJectiqu )occupait une place privilégiée. Son acquisition ne résultait pas d'unétude purement théorique. Art autant qu'une science, elle s'acquérait parune pratique soutenue. La méthode des disputes était le moyen le pluadéquat pour son apprentissage effectif. 11semble bien que les di putaient progressivement accaparé les meilleurs efforts des artiens. Au XVIsiêcle, Vives se plaint de l'abus de Ia méthode: "On dispute avant lediner, on dispute pendant le diner, on dispute aprês le diner, on disputeen public, en particulier, en tout lieu en tout temps" 219. Et si Ia situation

Il n'a pas eu d'autre tâche d'enseignement. Si on garde l'hypothêse de Dondaine, Thomasn'aurait utilisé que 8 aprês-midis pendant toute I'année!

219 L. VIVES, De causo corro art. (éd. BASIL, I, p. 345; cité par Ch. THUROT, op.cit., p.88).

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86 CHAPITRE III

n'était pas aussi grave au XHle siêcle, les disputes étaient dês lors uneactivité pour tous les membres de Ia faculté: il y avait des disputes demaitres comme de bacheliers et même d'étudiants. Limitons-nous ici àcelles des maitres; nous reviendrons plus tard aux autres.

II semble qu'il y ait eu, comme à Ia Faculté de Théologie, deux sortesde disputes: solennelles et privées. Les premiêres rassemblaient maitreset étudiants, mais seulement les maitres y prenaient part à Ia discussion.Les secondes, "in scholis", étaient tenues sous Ia direction d'un maitre,mais les candidats à Ia licence devaient y premire part comme répondants.C'est ce qu'on peut déduire des statuts de 1252, ou Ia Nation anglaisede Ia Faculté des Arts détermine que les candidats à Ia licence doiventfréquenter les disputes des maitres, soutenues "in studio solempni", etdoivent répondre dans les exercices privés appelés sophismata, soutenus"in scolis" 220. L'adjectif "privé" appliqué aux disputes "in scholis" n'estpas tout à fait heureux: Ia participation à ces disputes constituait pourles étudiants une épreuve de compétence professionnelle menant àl'obtention du grade, et dans ce sens elles avaient aussi une portéepublique 221.

Des disputes entre les maitres, soutenues "in studio solempni", nousn'avons pas de témoins. II semble qu'elles n'aient pas été "éditées" parleurs auteurs. Peut-être ceux-ci, qui en réalité étaient encore ou allaientdevenir des étudiants des facultés supérieures, n'y voyaient-ils qu'unexercice destiné à les préparer aux tâches qui les attendaient en Théologie,en Médecine ou en Droit et les jugeaient-ils indignes de l'édition.

Pour les disputes "in scholis", Ia littérature est três abondante. Elleest constituée par tous les sophismata, impossibilia et insolubilia, à traverslesquels on s'éduquait à l'art de Ia dialectique tout en passant en revue

220 Chart. I, n. 201, p. 227 (Paris, 1252): "Item, det fidem quod per duos annos diligenterdisputaciones magistrorum in studio so/empni frequentaverit et per idem tempus de sophismatibusin sco/is requisitus responderit. Item, per annum integrum a principio unius quadragesimead principium alterius det fidem, quod responderit de questione."

221 Chart. I, n. 202, p. 331: "ipsum saltem per biennium ante presentacionem suam dequestione publice respondisse", Cf. aussi, n. 461, p. 531 (Statuts Fac. Arts, 1275): "Primoergo statuimus ut nullus decetero, nisi prius in sco/is pub/ice magistro regenti actu dequestione responderit ante Natale, 'ad examen determinantium admittatur". Ce derniertexte est intéressant: il montre c1airement que les activités que le candidat réalisait dansI'école de son maítre avaient une portée publique (in sco/is publice) d'abord parce qu'i1répondait devant le maitre et d'autres candidats à Ia Iicence qui allaient juger saperf rmanee, ensuite parce que cette activité était reconnue par Ia corporation commeele rnenant à Ia maltri e.

LES ESPECES DU GENRE 87

les problêmes soulevés par l'enseignement du trivium et du quadrivium 222.

Ces disputes se distinguent des questions, qui sont toujours attachées àun texte. Le maitre y pose un problême indépendamment d'un texte, etil l'examine à partir de ses propres exigences doctrinales, avec Iaparticipation de ses étudiants. L'écho des disputes réelles est afIaibli dansles témoins que nous a conservés Ia tradition. Comme y est aussi réduitle rôle des étudiants 223. Ceux-ci manquaient de formation et d'expérience.Et si leur apport scientifique était moins considérable, les discussionsétaient cependant si vives et si agitées qu'on a dü mettre des limites àl'enthousiasme des jeunes participants qui voulaient à tout prix se faireentendre. Une disposition du XIVe siêcle leur interdit d'argumenter commes'ils étaient déjà maitres, leur ordonne de conserver l'ordre dans lesséances afin qu'elles soient vraiment utiles et non pas simples occasionsd'afIrontement dialectique, et enjoint même aux maitres de maintenir Iadiscipline, afin de ne pas gêner l'enseignement de leur collêgue présidantIa session: tout le monde doit demander, par signe et non verbalement,Ia permission d'intervenir 224.

222 G. WALLERAND, Les reuvres de Siger de Courtrai. Louvain, 1913, (Les philosophesbelges, VIII), p. 22 et 24: "Or on s'initiait aux finesses de Ia dialectique par I'usagefréquent de Ia disputatio. Pris dans son sens prirnitif, ce mot doit se traduire par "colloque",et c'est bien ainsi qu'on I'entend au Moyen Age. Les coUoques qui, avec les leçons,formaient partie intégrante de I'enseignement scolaire, étaient obligatoires pour lesélêves; on y revoyait les matiêres enseignées et le maitre résolvait les questions demeuré sdouteuses. Cétait l'heure des exercices scolaires ... Plusieurs écrits sont issus de c Hexercices scolaires, car il semble bien qu'i1 faille donner ce caractêre aux Insolubilia, IIUlt

lmpossibilia, aux Sophismata. 11 n'est pas facile de préciser le sens de ce diver c.compositions" .

llJ EUe semble se réduire à Ia formulation d'arguments pour ou contre une thqu'i1 y ait, à proprement parler, une solution préliminaire du respondens commcas dans Ia dispute théologique. On peut encore apercevoir des traces de Ia di 11

réeUe dans les Sophismata de Siger de Courtrai (éd. W ALLERAND, p. 153, 155, 111)22' Chart. 11,n. 1023, p. 485 (Stat. Fac. Art., 1339): "Insuper, cum nobis liqueat m \1111 I

quod in disputationibus que fiunt in vico Strarninum talis abusus inolevit quod ba h 1\1111

et alii in disputationibus dictis existentes propria auctoritate arguere presumunt, 1111 11 li

reverenter se habentes ad magistros qui disputant, tumultum faciendo adeo et in tantumquod haberi non potest conclusionis disputande veritas, nec dicte disputaciones in allqusunt scolaribus audientibus fructuose: statuimus quod nuUus magister, bachellariu autscolaris, sine permissu et licentia magistri disputaciones tenentis arguat, quam licentiamsibi non Iiceat petere verbaliter, sed tantummodo signative reverenter. Si quis autembachellarius aut scolaris contra premissa a1iquid attemptaverit, penis in precedenti statutopositis modo et forma quibus supra omnino volumus subjacere. Si quis autem magisterin disputationibus arguere presumat, nisi requisitus a magistro disputaciones tenentetaceat, ipsum privatione trium lectionum decrevimus puniendum". a. n. 1185, p. 6 oUuramenta, 1350, art. 16).

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88 CHAPITRE III LES ESPECES DU GENRE 89

Si Ies acteurs de Ia dispute à Ia Faculté des Arts sont Ies mêmes qu'enThéoIogie, Ies modalités de travail y sont légêrement différentes. II n'estpas sür qu'il y avait deux séances, l'une de discussion, l'autre dedétermination magistrale. Le contraíre sembIe vrai. Le terme "determinatio"dans Ia Faculté des Arts, ne s'applique d'ailleurs pas à l'acte du maitre.II désigne un exercice scoIaíre réalisé, sous Ia forme de disputes, par Iesbacheliers 225.

La méthode des disputes magistrales sembIe avoir été adoptée par IaFaculté des Arts dês Ie début du XlIle siêcle. En 1284, dans Ia Iettreque Ie procureur J ean de Malignes adressa au Pape en réponse auxaccusations portées contre Ia facuIté par Ie chancelier, il est dit qu'elIeest une habitude si vieille qu'on ne garde pIus mémoire de son origine 226.

Des jours étaient expressément prévus pour elIe: elIe se pratiquait unefois par semaine en rêgle générale. C'est ce qu'on peut conclure desdispositions de 1275 concemant Ia réunion de Ia congrégation desmaitres 227. On observe à ce propos que Ies disputes soIennelIes entre Iesmaitres se tenaient Ie même jour que ces réunions. N'avaient-elIes doncpas grande importance? Le fait est que ceux qui vouIaient disputeravaient besoin d'une autorisation spéciale pour Ie faíre et s'absenter ainsides assemblées des maitres. Comme Ia FacuIté comptait vers 1283 queIque120 maitres, ceux-ci n'avaient pas beaucoup d'occasions de disputer,même s'ils s'associaient pour organiser une dispute publique. Ce fait etcelui que Ies maitres es-arts n'étaient pas encore maitres au sens Ie pIuséIevé du uiot et pouvaient être considérés aussi comme des étudiants(des facultés supérieures), explique que toute l'année académique ait étéouverte pour les disputes (les maitres des facuItés supérieures avaientIe droit d'interrompre Ieur enseignement pendant Ies vacances.) C'est cequi ressort de l'analyse des statuts de 1245 ou figure aussi une mesure

appliquée à Ia Faculté de ThéoIogie: l'interruption des cours Iorsque lesmaitres tiennent dispute 228. Mais Ies disputes soutenues pendant Ie grandordinaíre sembIent avoir été plus importantes; c'est à elIes que sont tenusd'assister Ies bacheliers et c'est en elIes que Ies candidats à Ia licencedoivent s'acquitter de Ieur obligation de répondre sous un maítre 229.

Les disputes publiques suspendaient les cours, mais elIes n'avaient lieuqu'une fois par semaine. La Faculté des Arts nous parait avoir suivi auXIIle siêcle une politique de protection des "dies legibiles" et Ies disputespubliques n'y avaient pas, ce nous semble, l'importance que revêtaient,en théoIogie, Ies disputes ordinaíres. Plusieurs indices fondent cetteimpressiono D'abord des dispositions statutaíres limitent les journées dedispute et protêgent Ies "dies legibiles" 230. Ensuite les jours de disputecoíncidaient avec Ia congrégation générale des maitres de Ia faculté, etIe nombre de maitres dépassait largement le nombre des journéesdisponibIes, d'oü se déduit que leur participation à ces joutes était plutôtexceptionnelIe. Enfio, Ia tradition n'a pas transmis l'écho de ces disputepubliques, ce qui porte à croire qu'elIes étaient plutôt des exercices quede véritabIes rencontres scientifiques comme c'était Ie cas des disputeordinaíres en théologie. Malheureusement les statuts ne donnent pas dedétails sur le déroulement des séances, Ie choix des sujets, Ia durée deIa dispute. Tout au plus Iivrent-ils quelques indications purement acci-

m Cf. plus loin, n. 245 et suiv.216 Chart. I, n. 515, p. 608 (Paris, 1283-1284): "Ad secundum articulum, cum dicit idem

cancellarius quod magistri nichil disputant, dico, pater sancte, quod magistri predictefacultatis disputant in diebus disputabilibus, reputatis disputabilibus, secundum ordina-tionem facultatis factam a tempore a quo non extat memoria, per eosdem in aliquo nonmutatam".

221 Chart. I, n. 461, p. 532 (Ordinatiofacultatis artium, Paris 1275): "Secundo statuimusquod decetero non fiat in una septimana nisi una congregatio nostre facultatis ... Et fiatcongregatio die disputabili, ita tamen quod disputaciones non propter hoc impediantur,sed qui voluerint disputare, de licentia rectoris et sui procuratoris de congregationerecedant. Si vero in septimana non fuerit dies disputabilis, quod raro accidit, die sabbatipost missas nacionum fiat congregatio ...",

22' Chart. I, n. 137,p. 178(statut de 1245): "...a festo beati Remigii usque ad quadra 1111 1111

nullus magister sive actu regens, sive non actu regens, sive bachellarius vel qUI 'UIIIIIIII

alius aliquo die disputabili aliqua hora diei lectionem cursoriam nec in coli 11" 111 dllllll.

propria vel aliena legere presumat ...A quadragesima vero, postquam bach 1111111d Irlllll".1I

inceperint, die quo magistri disputant usque ad Pascha lectionem cur un 111\ 11 11111 1''' I

completam Completorii pulsationem nullus legere presumat ... P st pr 11111111111 VI '" Ibachellarii disputant, non legant cursorie ... A Pascha vero usquc d ~'HIUIII 1111 I1 t( 1111 11

in vindemiis die disputabili usque post completam none Beate Mari pul 111\1111111 111111

presumatur legi vel inchoari lectio cursoria ab aliquo".229 Chart. 111,n. 1319, p. 145 (Stat. Univ., Paris, 1366): "Item qu d nullu 111 111« 11111111

in aliquo examine dicte facultatis (artium) admittatur, nisi frequentuveut di pllllll<1I1

magistrorum ejusdem facultatis per annum vel per majorem partem uniu. 1111111 I IIlp\1l

Ordinarii magni, et saltem responderit in duabus disputationibus, presentibu nhqtubumagistris, de quibus per cedulas disputantium magistrorum tenebitur illum cuncclluuuminformare, in cujus examine licentiam voluerit obtinere",

230 Chart. li, n. 1188, p. 696 (Stat. Univ., Paris, 1366): "Primo sciendum est qu d inpredicta facultate artium liberalium, observatur quod in quocumque festo, in quo 11011

legitur in vigilia, non disputatur in vico Straminis ... Item, nota quod totiens quoticmlegitur cursorie in vico Straminis, non disputatur in alio vico ... Item, nota qu d qunndolegitur cursorie in vico Straminis, tunc non sunt disputationes, nec possunt ibi fieri ma i tri,nec etiam bachalarii .,".

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90 CHAPITRE III

dentelles, comme celle sur le costume que le maitre doit porter lors desdisputes solennelles 231.

La Faculté des Arts a donc connu deux types de disputesmagistrales: celles qui se déroulaient entre plusieurs maitres une fois parsemaine, et qui entrainaient l'interruption des cours; celles qui avaientlieu dans l'école du maitre, sous sa direction et sous sa responsabilité,sans suspension des cours acadérniques. A ce demier groupe appartiennentles Saphismata, lnsolubilia et lmpossibilia, que des maitres ês arts ont prissoin d'éditer comme fruits importants de leur enseignement régulier.

C) La "quaestio disputata' à Ia Faculté de Droit et à Ia Faculté de Médecine

La méthode des questions disputées était utilisée en droit comme enmédecine. Mais les statuts ne permettent pas de se faire une idée exactede modalités qu'elle revêtait dans ces facultés: et il faut les compléterpar l'examen de textes, comme nous l'avons fait pour Ia théologie. La .troisiême et Ia quatriême partie du présent volume étant consacrées àces facultés, nous nous en tiendrons ici à quelques indications sommaires.

1°) A Ia Faculté de Médecine, les disputes étaient des actes propresdu maitre. Celui-ci en soutenait de deux types: les unes dans son écoleet comme partie de son enseignement régulier, les autres, solennelles,faisant plutôt l'objet d'une séance exceptionnelle. Il semble qu'il y avaitdes disputes générales, probablement semblables aux quodlibets desthéologiens. Nous inférons l'existence de ces trois types de disputes àpartir d'un statut de 1270-1274 concemant les obligations d'un bachelieren médecine 232. Les disputes solennelles et publiques sont probablementl'équivalent des quaestiones ordinariae des théologiens. Si on s'en tientaux renseignements fournis par les statuts d'Oxford, elles avaient lieuune fois par semaine ou, si le nombre de maitres n'était pas suffisant,une fois tous les quinze jours 233. Sous Ia présidence d'un maitre, ellesrassemblaient des bacheliers et des étudiants, mais d'autres maitres

2lI Chart. lI, n. 1024, p. 486 (Stat. Fac. Art., 1339): " ... statuimus quod decetero magistriad disputationes seu congregationes accedant in habitu decenti, videlicet capa, epitogiolongo vel brevi forrato. Et si in alio habitu accesserint, voces eorum in dictis congregationibuspro nullis habeantur".

2J2 Chart. I, n. 452, p. 516 (Capitulum Fac. Med., Paris, 1270-1274): "Sciendum quodbachalarii in facultare medicine de novo cursum incipere volentes tenentur per fidem adomnia quae sequuntur ... Item fidem dabunt quod bis responderint de questione in scolisduorum magistrorum, sic intelligendo, in disputatione sollempni et non in lectione, velaltem emel in disputatione generali".m f. upra n. 163.

LES ESPECES DU GENRE 91

pouvaient y intervenir. Nous y retrouvons le respondens, chargé d'élaborerIa solution. Généralement ce rôle était rempli par des candidats à Ialicence, qui avaient l'obligation de "répondre" sous un maitre au moinsdeux fois. Quant aux arguments pour ou contre Ia thêse, ils étaientélaborés par les participants, lesquels ne sont autorisés à intervenir qu'uneseule fois par question, sauf perrnission spéciale du maitre qui préside.Des mesures disciplinaires strictes assurent Ia bonne marche de cesdiscussions, qui risquaient d'être trop vives, pour sauvegarder l'ordrehiérarchique des interventions et pour que le droit à Ia parole soit respectépar tous 234. Nous ignorons si une séance spéciale de détermination suivaitcelle de Ia discussion, comme c'était l'habitude en théologie.

20) A Ia Faculté de Droit, on pratique aussi Ia méthode des questionsdisputées et on déclare suivre les modalités du travail et les rêgles envigueur à Ia Faculté de Théologie, surtout en ce qui conceme l'ordre depréséance lors de séances publiques 235. La participation à ces disputesen qualité de répondants est aussi obligatoire pour les candidats à Ialicence. Ceux-ci peuvent demander à Ia faculté de leur assigner un maitresous lequel ils pourront proposer leurs réponses 236. Ils doivent répondre

234 Chart. lI, n. 1029, p. 492 (Statutum Fac. Med. de disputationibus, Paris, 1339): " ... utveritas quaesiti in disputationibus melius inquiratur, ordinavit et statuit quod quilibetbach~larius arguat unum argumentum incipiendo ab uno fine, et sic consequenter moresolito usque ad alium finem ita quod nullus sit ausus plus arguere ve\ alio quoquomodonisi prius habita licentia et obtenta a magistro disputante, sed quilibet taceat ut responden:audiatur, Et ut melius veritas argumentorum secundum ejus intentionem habeatur voluitetiam quod ad hoc omnes bachalarii per .suum jurarnentum tarn presentes quarn futuriastringantur. Si quis autem bachalarius inventus fuerit rebellis contra predictu~ statutum,voluit et statuit quod in anno jubileo sequenti primo ad licentiarn non admittatur, sedpotius totaliter per totarn facultatem pro inhabili ad concurrendum in disputationibuscum aliis et ad dictarn licentiam pro anno, ut superius est expressum, reputetur.

Statuit etiarn et ordinavit quod magistri exeuntes in predictis disputationibus, factis suisprirnis argumentis, ut moris est, incipiendo ab antiquiori nullus sit ausus. ar~ere per suu~jurarnentum et sub pena amissionis quinque lectionum primarum ordinanarum 10 repli-cationibus, nisi petita et habita licentia prirnitus a magistro disputante. ?rdinaveruntetiam quod uno arguente, tam bachalario quarn magistro, alter ipsum non impediat sub

penis impositis". " ., .,235 Chart. lI, n. 1040, p. 504 (Statuta Fac. Decr., Paris, 1340): Item, 10 dlsputaclOmbus,

repeticionibus, lecturis solempnium decretalium, propositis, har.engis, e~ ~esti~ d~ctorum,deferre tenebuntur graduatis antiquioribus et majoribus in sedibus recipiendis, ita quo.ddecetero primarn et secundam banchas pro hujusmodi graduatis et aliis supra expressl~dimittent scolares in talibus actibus vacuas, prout etiam est in theologica facultate fienconsueturn". Cf. Chart. III, n. 1697 (13), p. 642.

,:16 Chart. III, n. 1697 (20), p. 642 (Statuta Fac. Decr., Paris, 1340-1390): "Item omneshaccalarii respondere volentes sua conclusiones afTerant facultati, et facultas eis providebit

de doctore".

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92 CHAPITRE III

aux objections formulées par les maítres, et aussi se soumettre à desquestions connues sous le nom de "quare" 237. La solennité des disputesest manifestée par les costumes dont les statuts imposent le port 238.

Nous ignorons les détails de Ia séance de dispute et si elle était suivied'une autre séance de détermination. Nous n'avons trouvé ni dans lestatuts de Ia Faculté de Médecine ni dans ceux de Ia Faculté de Droit,

des mesures concemant 1'interruption des cours lorsqu'un maitre tientdispute. Les statuts de 1366 (Chart. 11,n. 188) établissent que les courssont suspendus lors des disputes de graduation (donc 1'équivalent desvesperies et de l'aulique), mais ils ne disent rien sur les disputes desmaítres à Ia Faculté de Droit. Les statuts postérieurs (nous avons parcouruceux transcrits par Denifie dans le Chart. 111,nn. 1697-1712), n'en disentpas plus. Nous avons 1'impression que les décrétistes, tout en reconnaissantl'importance théorique et pratique des disputes, ne leur accordaient pasIa même valeur que les théologiens et les artiens. La preuve en est quemême l'obligation de répondre sous un maitre, imposée aux candidats àIa licence, pouvait être suspendue, dans des cas particuliers, pour desraisons estimées "justes" aux yeux de Ia faculté 239.

Aprês avoir exposé les différents aspects de Ia question disputée commeacte d'enseignement régulier du maítre, passons à 1'examen des disputesqui, avec des caractéristiques souvent três semblables, étaient soutenuespar les étudiants et par les candidats au grade de maitre.

2. LA DISPUTE, EXERCICE SCOLAIRE ET ÉPREUVE DE COMPÉTENCEPROFESSIONNELLE

La meilleure façon de présenter ces disputes auxquelles participaientles étudiants est de les ordonner suivant les étapes que ceux-ci parcouraientdepuis leur entrée à l'Université jusqu'à 1'obtention de Ia maítrise dansles facultés supérieures.

2J7 Chart. III, n. 1704 (3), p. 650 (Juramenta Fac. Decr., 1340-1390): "Item quod nonsolum baccalarii habent argumentis doctorum respondere, sed etiam si que questionesvel quare fiant eisdem per doctores debent respondere".

m Chart.III, no. 1698 (13), p. 643 (Juramenta): "Item jurabitis interesse in disputationibuset repetitionibus doctorum et vesperiis doctorizandorum cum libris et capa etiam ab initioingressus scolarum induta". Cf. no. ·1704(I), p. 650.

239 Chart. III, n. 1698 (25), p. 644: "Item quia omnis ars et doctrina per exercitiumu cipit incrementum,jurabitis non accedere ad examen licentie, nisi primitus in disputatione

publica et solemni Parisius sub doctore Parisius regente responderitis. Super quo tamenp terit vobiscum justa subsistente causa dispensari per facultatem",

LES ESPECES DU GENRE 93

A) Les disputes à Ia Faculté des Arts

Le premier grade académique était celui de maitre ês arts. Pour 1'obtenir,il fallait être âgé d'au moins 21 ans et avoir suivi six ans des cours à Iafaculté. Cette disposition, prise par le légat Robert de Courçon en 1215,ne fut pas modifiée dans les années suivantes 240. Pendant cette période1'étudiant assistait à des "leçons", mais participait aussi d'emblée à des"disputes". Nous n'avons pas de témoignages de celles-ci, parce qu'ellesn'ont pas été éditées, mais nous en savons, par les statuts et les serments,1'existence et les modalités.

1°) Les disputes des écoliersLe but principal de Ia Faculté des Arts étant l'apprentissage des

disciplines instrumentales, et celles-ci étant des arts aussi bien que dessciences, il est naturel que leur enseignement comporte une dimensionpratique considérable. Il semble bien que les écoliers, aprês avoir entendudes leçons sur Ia logique ou sur Ia grammaire, devaient s'exercer à Iamaitrise des instruments par le moyen des disputes. Celles-ci étaientsoutenues entre étudiants mais le maitre devait être présent afin d'orienterIa discussion et de résoudre les doutes. C'est ce que dit une dispositionde Ia Faculté des Arts de Perpignan 241. Non seulement 1'enseignementthéorique était suivi de ces exercices, mais, dans les leçons elles-mêmes,on mettait en relief l'utilité dialectique des thêmes, Et le souci d'excellerdans les disputes constituait une des principales motivations qu'éveillaientles maitres lorsqu'ils enseignaient 242. Outre ces exercices suivant des

lAO Chart. I, n. 20, p. 78 (Statuts de Robert de Courçon, 1215): "Nullus legat Pari iude artibus citra vicesimum primum etatis sue annum, et quod sex annis audierit de artib~ad minus, antequam ad legendum accedat, et quod protestetur se lecturum duobus anruad minus, nisi rationabilis causa intervenerit ...~ .

"" "Item statuimus insuper quod scholares audientes tam logicam quam gr~matIc~habeant ad minus ter vel bis in septimana disputare, magistro presente. Et SI in matenadisputata aliquod fuerit dubium, illud magister habeat declarare" (Ch. FOURNIER, ~esstatuts et privilêges des universités lI, p. 678; citopar G. W ALLERAND, Les oeuvres de Sigerde Courtrai ... (1913), p. 22, no. 5).

"'2 Si nous prenons, par exemple, I'Ars Priorum de Siger de Courtrai, nous constatonsqu'il ne manque pas de signaler à ses jeunes étudiants l'importan.ce pratique en vu.e desdisputes, de tel ou tel aspect de Ia logique qu'il est en train d'enseigner : "Iste syllogismusest utilis dialectico potissime ad obviationem et exercitationem, et d.emons~r~ton con~~acavi1latorem" (éd. WALLERAND, p. 68); "iste autem syllogismus per IDlpo~slbllees.t.utlhsdemonstratori contra cavillatorem di putanti" (p. 69); "iste autem syllogismus utilis estdialectico quando obviative di pUI l um pr tervo, tunc habet ex dictis vel datis reducere

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94 CHAPITRE III

leçons, existait aussi des "oppositiones", disputes un peu plus excep-tionnelles, ou Ies jeunes, des enfants même, manifestaient Ieur habilitédialectique. Ces oppositiones avaient tendance (comme toutes Ies disputesdans I'université médiévale) à devenir des événements sociaux. D'oú Iesmesures de Robert de Courçon, interdisant déjà en 1215 de donner àces oppositiones une toumure "mondaine" exagérée 243.

2°) Les "determinationes" des bacheliers

La Faculté des Arts connait trois catégories d'étudiants : Ies candidatsau degré de "determinator", à Ia licence et à Ia maitrise (incepturi) 244.Lapremiêre reconnaissance de compétence professionnelle était l'autorisationde soutenir des disputes appe1ées determinationes. Pour l'obtenir, au moinsau XIIIe siêcle, on devait avoir vingt ans, avoir suivi des cours de Iogiquependant cinq ans, ou quatre ans sans interruption, et avoir l'appui d'unmaitre qui offrait son "école" pour Ies "déterminations" 245.On devaitaussi garantir qu' on possédait une préparation technique suffisante, acquisepar Ia fréquentation assidue des disputes soIennelles des maitres, par Iaparticipation active aux exercices sophistiques pratiqués dans Ies écoleset par I'intervention comme répondant dans des questions disputées 246.Plus tard, au XIVe siêcle, l'âge minimum requis fut considérablement

respondentem ad rationem in consequens, ut per hoc redeat respondens ad statumdi putandi. Similiter utilis est demonstratori contra cavillatorem, ut removeat ignorantiamcavillatoris" (p. 71). Le terme "cavillator" équivaut à l'opponens. Siger fait allusion aussià un Ars obligatoria, traité qui était supposé fournir les éléments théoriques indispensablespour celui qui se prépare à disputer (cf. p. 84).

:M' Chart. I, no. 20, p. 78 (Stat. R. Courçon, 1215): "In principiis et eonventibusmagistrorum, et in responsionibus vel oppositionibus puerorurn vel juvenum nulla fiantconvivia. Possunt tamen voeare aliquos familiares vel socios, set paucos ..."

,... Chart. Il, n. 913, p. 345 (Statutum nato Picardorum, 1331): "Omnes et singuli scolaresdiete diocesis, determinaturi, licenciaturi vel incepturi ... quilibet scolaris dicte diocesisAmbianensis deeetero determinaturus vel licenciaturus, vel incepturus in faeultate artiumpredicta ...".

W Chart. I, no. 201, p. 228 (Statuta artistarum nato angl., Paris, 1252): "Bachellariusautem licentiandus ad determinandum in artibus Parisius sit viginti annorum, vel ad minusvicessimum annum sit ingressus, honeste vite sit et conversacionis laudabilis ... Itemantequam ad examinationem recipiatur, fidem faeiet corporalem quod habet scolas propriasmagistri debentis regere in iIIis actu per totam quadragesimam et magistrum proprium ...Item quod audierit in artibus per quinque annos vel quatuor ad minus Parisius vel a1ibi,ubi studiurn viget universale de artibus". Suit le plan d'études qu'iJ s'engage à respecter.A ee ujet, ef. F. VAN STEENBERGHEN, La philosophie au X/IIe siêcle. Louvain, 1966, p.

57- 60.,•• lbld., p. 228; cf. supra, n. 220.

LES ESPECES DU GENRE 95

réduit, comme Ie furent Ies années d'études exigées du candidat 247.Déjàà Ia fin du XlIIe, Ia faculté avait été accusée par Ie chancelier d'accorderIa latitude de déterminer à des étudiants trop jeunes, sans formationsuffisante, ce qui avait provoqué une réplique passionnée du procureurJean de Malignes 248.

Quoi qu'il en soit de l'âge, Ies étudiants devaient passer une séried'épreuves avant d'être admis comme "determinatores". TIsétaient interrogéspar trois maitres, ou du moins par trois bacheliers ayant reçu Ia licencede déterminer, sur Ies eeuvres de Iogique, de phi1osophie et de grammairequ'ils avaient entendues 249.Et ils devaient prouver qu'ils avaient pris unepart active aux disputes des maitres 250et joué Ie rôle de répondant dansune dispute publique spéciale qui avait lieu avant NoeJ251. Cette disputeportait sur un sujet de morale, et Ie candidat soutenait son argumentationcontre un maitre régent, en présence des écoliers 252.

Ceux qui réussissaient l'examen commençaient Ieurs déterminancesimmédiatement aprês Ie dimanche qui précêde Ie Carême et devaientcontinuer sans interruption jusqu'à Ia moitié de celui-ci 253. En 1275,l'obligation fut alourdie: Ie "determinator" devait disputer pendant toutIe Carême, mais on lui accordait l'aide d'un nouveau personnage: Ie

2<7 Chart. Il, n. 1185 (4), p. 673 (Juramenta Fac. Artium, milieu XIVe siêcle): "Primo vosjurabitis quod vos estis 14 annorum ... quod audivistis ad minus per duos annos librosloyeales Parisius vel alibi, ubi est studium generale sex magistrorum ad minus, et quodestis in tercio anno audiendi predietos libros ... quod audivistis librum Porphyrii,Predieamentorum, Periarmeneias et Priseiani minoris, semel ordinarie et bis cursorie adminus, et parvos libros loyeales ... etc." Suit le plan d'études. La comparaison entre ceplan et celui de 1252 (ou celui de 1255) est extrêmement intéressant, mais iJ n'y a paslieu de I'entreprendre iei.

".. Chart. I, n. 515, p. 610 (Responsiones magistri Johannis de Malignes, 1283-1284):"magistri nostri nichil faeiunt circa hoc ad extorquendum pecuniam a determinatoribus;nee ignorantibus pueris eonferunt licentiam determinandi".

:M' Pour I'examen, Ia séleetion des examinateurs, Ia liste des ouvrages sur lesque!s leeandidat devait être examiné, cf. Chart. I, n. 201; Il, n. 1185, pp. 672-673 et note 2 deDenifie; 111, n. 1319. Les dispositions ont un trait intéressant: elles veillent à ce queI'irnpartialité de l'examen et sa rigueur, soient assurées.

2'" Cf. supra, n. 229 et n. 246.m Chart. I, n. 461, p. 531 (Ordinatio Fac. Artium, 1275): "Primo ergo statuimus ut nuIlus

decetero, nisi prius in seolis publice magistro regenti actu de questione responderit anteNatale, ad examen determinantium admittatur",m Ch. THUROT, De l'organisation de l'enseignement ... 1850, p. 44.2SJ Chart. I, n. 201, p. 227 (Paris, 1252): "Item bacheIlarius licentiatus ad determinandum

ad longius proxirna die post brandones determinare incipiat. Qui si ex tunc determinarenon inceperit, postmodum sibi determinare per quadragesimam non Iicebit. Et ex predictadie lune usque ad mediam quadrage imam continue determinet, nisi habeat causamlegitimam ipsum exeu ant rn",

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96 CHAPITRE 11I

"subdeterminator", qui pouvait Ie rempIacer pendant Ia seconde moitiédu Carême 254. Cette pratique est toujours en vigueur au XIVe siêcle 255.

Puisque tous Ies candidats devaient avoir inauguré Ies déterminancesavant Ie mardi "post brandones", une sorte d'''embouteillage'' académiquerisquait de se produire pendant Ia premiêre semaine de Carême. Pourl'éviter, on Ies autorisait à soutenir Ieurs actes depuis Ie matin jusqu'àl'aprês-midi 256. Pendant Ie reste du Carême, Ies déterminances étaientsoutenues seulement "post prandium", elles se succédaient tous Ies jourssauf cas exceptionnels et pendant qu'elles se déroulaient, aucune Ieçonn'était faite 257.

Le début de ses déterminances était un grand événement pour l'étudiant.II était entouré de soIennité et, comme Ie dit Jean de Malignes, se passait"in honorabili societate". Afin d'assurer Ia présence de maitres et de genshonorables, le candidat faisait, avec l'autorisation préalabIe du procureur,le tour des écoles et de Ia ville accompagné du bedeau de sa nation. IIétait aussi tenu à des contributions économiques envers Ia faculté 258.

Jean de Malignes note que ces disputes ne sont pas seuIement profitabIespour Ia formation intellectuelle, morale, dialectique et rhétorique ducandidat, mais lui offrent aussi une occasion de se faire remarquer de

214 Chart. I, n. 461, p. 531 (Ordinatio Fac. Artium, 1275): " ... Sexto statuimus ut omnesdeterminare inchoent infra octavas cinerum et deinceps per totam determinent Quadra-gesimam, nisi subdeterminatorem habeant, quem qui habuerint usque ad mediam Qua-dragesimam determinent, subdeterminatores vero determinare per residuum temporisteneantur. Istos autem articulos ... jurent bachellarii fide prestita corporali se firmiter etfideliter servaturos, antequam ipsis determinandi licentia conferatur".

m Cf. Chart. lI, n. 1185, p. 674 (Juramenta (4) et (5), c. 1350).256 Chart. I, n. 515, p. 611 (Paris, 1283-84): "Ad illud quod dixit postea cancellarius,

quod 'quidam determinant hora prima, quidam in meridie, etc.', dico quod verum est;sed hoc faciunt determinatores in inceptionibus suarum determinationum ; quod permittitureis, quia in antiqua forma quam jurant determinatores continetur quod quilibet debetincipere determinare infra diem martis post brandones; et quia omnes non poterantincipere infra illud tempus in honorabili societate, que est eis necessaria in inceptionibussue determinationis, iIIud Juramentum commode servare non poterant; et ideo ne periculumanime incurrerent circa illud Juramentum, permissum est eis ex dispensatione facultatis,quod ipsi in inceptionibus sue determinationis teneant horas jam dictas; in residuo autemQuadragesime, determinatur post prandium".

m Chart. I, n. 137, p. 178 (Paris, 1245): "A quadragesima vero, postquam bachellariideterminare inceperint ... Post prandium vero si bachellarii disputant, non legant cursorievel lectionem cursoriam inchoent usque post completam Completorii pulsationem ... Sibachellarii non disputant post prandium, quod contingit /icet raro, liceat cursoribus similiterpost prandium quacumque hora voluerint lectiones cursorias inchoare".». Pour ces aspects, cf. les Sennents du determinator dans Chart. lI, n. 1185, p. 673-

674.

LES ESPECES OU GENRE 97

ceux qui pourraient Iui donner des bourses ou des bénéfices ecclésiastiquesassurant Ia bonne continuation des études. Tout cela avait décidé Iacorporation des maitres à faire de Ia "déterminance" un préalabIe àl'obtention de Ia licence 259.

3°) Les épreuves pour Ia licenceLe temps du Carême fut réservé aux" determinationes" jusqu'au milieu

du XVe siêcle. A ce moment, elles avaient dégénéré en véritabIes batailles.Les maitres s'en étaient désintéressés et les bacheliers, laissés seuls sanssurveillance, s'étaient livrés à toutes sortes d'excês à un point tel que Iafaculté finit par interdire ces déterminances en 1472 260. Mais pendantplus de deux siêcles, elles avaient été obligatoires pour Ies candidats àIa licence. En tant que bacheliers, ceux-ci devaient non seulement soutenirIeurs déterminances, mais participer à celles de Ieurs collêgues. Rien nemontre mieux l'importance qu'on accordait aux déterminances que leurmise sur le même plan que les disputes magistrales lorsqu'on établit Iesexercices pratiques dont on devait s'acquitter avant de se présenter àl'examen de licence 261.

Puisque Ia licence était octroyée par Ie chancelier,illui revenait d'organiserles examens. A Paris, Ie chancelier de Notre-Dame ou celui de Sainte-Geneviêve désignait Ies commissions de maitres chargés d'interroger Iescandidats et veillait à ce que tous les "prérequis" aient été satisfaits 262.

»9 Chart. I, n. 515, p. 611: "Utilitas autem eorum (scolarium) est quod ipsi determin nt,propter multa: quoniam ipsi, artati ad studium propter determinationes suas, evi.1 nt . \I I,acuunt ingenia; et cum ad eorum determinationes veniant viri valentes et di r \I tisingulis facultatibus, magnates, puta, aliquando archidiaconi, cantores, et prepo itl "1siarum cathedralium, et alii multi, coram illis loquendo acquirunt loquendi aud i !li qunecessaria est artiste, magnatum notitiam per quam solebant ad beneficia e cl RI I. \I( \

promoveri. Iterum veniunt ad hoc quod sciunt per hoc sophismata diversa proba r , I .111probatione respondere communi responsione ad eadem, ad veritates eorund m t ditinctiones arguere ... Magistri regentes in facultate considerantes quod tanto d fc IUI

bacellariorum non poterat adhiberi medeia nisi per determinationem, statuerunt quodnullus reciperetur ad incipiendum nisi determinasset Parisius vel alibi in studio, ubi e entduodecim regentes in actu",

260 Ch. THUROT, op.cit., p. 48. .26' Chart. I, n. 202, p. 232 (Stal. nato angl., Paris, 1252): "Ad hunc articulum predictum,

videlicet quod per biennium ante presentacionem publice responderit presentatus, sicinteJligendum esse ab omnibus decreverunt, videlicet quod presentandus in disputationibusmagistrorum vel determinatorum in scolis bachellarii exercuerit officium opponendo etrespondendo per duos annos, antequam ad petendum regendi licentiam presentetur".

262 Pour les examens de li cn f h. IIUR T, op.cit., p. 50-58 et Chart., lI, n. 118S,p.676-679.

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98 CHAPITRE III

Lors de Ia cérémonie d'inceptio, tenue sous Ia présidence du "subcan-cellarius", ou I'on accordait Ia licence, une courte dispute avait lieu. Lecandidat commençait à "lire" un texte qui Iui était assigné et à I'occasiond'un problême théorique important touché dans ce commentaire, Ieprésident pouvait poser une questiono n proposait des arguments pourou contre, et Ie candidat devait répondre comme s'il s'agissait d'unedispute magistrale ou d'une déterminance 263. Cette dispute, même si ellen'est imposée qu'aux candidats dont Ia compétence dialectique pouvaitrehausser Ia cérémonie, est un antécédent important des disputes queI'étudiant devrait soutenir pIus tard pour Ia licence en théoIogie.

Avec Ia collation de Ia licence, Ie candidat recevait l'autorisation de"lire" et assumait aussi I'obligation de disputer sans interruption, sous Iaprésidence du maitre qui I'avait présenté au grade, pendant Ies quarantejours qui suivaient. Cette disposition, qui figure dans Ies statuts de Ianation anglaise en 1252 264, fut adoptée par Ies facultés supérieures. DansIe dernier quart du XlIle siêcle, aprês que Ia Faculté des Arts ait étésecouée par Ies conflits doctrinaux provoqués par l'aristotélisme hétérodoxe,Ies nouveaux licenciés durent encore s'engager par serment à ne passoulever dans Ieurs disputes des questions théoIogiques, et, si jamais ilsen touchaient, ils devaient s'engager à Ies résoudre en faveur de Ia foi 265.

,.3 Chart. 11, n. 1185 (14), p. 679 (Juramenta, c. 1350): "Postquam autem illa audiciovenerit, subcancellarius habet, sequendo modum solitum, dicere illis bachalariis licenciandissecundum ordinem suum, quod ipsi incipiant legere suas lectiones, et sufficit quod dequalibet nacione unus legat, scilicet ille quem subcancellarius credet habiliorem esse. Etquando subcancellarius videbit quod bachalarius tanget materiam questionis movendebachalario per subcancellarium, tunc subcancellarius habet movere questionem et breviterarguere ad utramque partem, et consequenter bachalarius eam resumere, sicut quandofiunt determinantes vel magistri".

,.. Chart. I, n. 202, p. 230 (Stat. nato angl., Paris, 1252): "Bachellarius in artibus inceptus... leget lectiones ordinarias in capa rotunda et in palleo. Disputabit hora determinata, etquestiones suas determinabit per quadraginta dies continue post inceptionem".

,., Dans ce serment, le nouveau licencié devait assurer qu'il avait au moins 21 ans, qu'ilavait suivi des cours pendant six ans, qu'il avait soutenu ses déterminances conformémentà I'habitude établie, et il promettait de se consacrer deux ans à I'enseignement. Au termede ceux-ci, il pouvait se consacrer entiêrement aux études supérieures ou de nouvellesdisputes I'attendaient.

Chart. I, n. SOl, p. 586-587 (Juramenta incipientium in artibus, 1280): "Isti sunt articuliquos tenentur jurare bachellarii incepturi, quando veniunt ad rectorem, fide prestitacorporali. Primo debet eis dici: Vos legetis lectiones ordinarias in capa rotunda, vel inpallio. Disputabitis hora determinata, et questiones vestras determinabilis continue per xldies postquam inceperitis ... Dabitis fidem quod sub magistro suo sub quo licenciatusfuistis incipietis, vel per consensum suum sub alio ... Item servabitis ordinem siveordinationem de modo legendi lectiones ordinarias et disputandi Item nullam questionempure theologicam disputabitis quamdiu rexeritis in artibus Item si contingat vos

LES ESPECES DU GENRE 99

B) Les disputes à Ia FacuIté de ThéoIogie

La maitrise en théoIogie était Ie résultat d'un Iong chemin que noune pouvons décrire en détail 266. Qu'il suffise de rappeIer que, pourI'obtenir, il fallait être âgé de 35 ans et avoir passé au moins douzeannées à Ia faculté. Cette Iongue période comptait pIusieurs étapes. Aprêune période d'audition qui pouvait durer entre cinq et sept année ,I'étudiant, s'il avait au moins vingt-cinq ans, devenait bachelier biblique,chargé de cours ou "cursor". Pendant deux ans, il "lisait" alors Ia Bibl ,un livre par année de I'Ancien et du Nouveau Testament, alternativem nt.II devenait ensuite bachelier sententiaire, s'il avait étudié neuf an luthéoIogie. II était autorisé à "lire" Ies Sentences de Pierre Lornbardpendant deux années. Puis il devenait bachelier formé et participait,pendant trois ou quatre années, à Ia vie académique et à Ia formationdes étudiants. Finalement, il pouvait recevoir Ia licence, octroyée par Ichancelier, et Ia maitrise, accordée par Ia corporation des maitre . Achacune de ces étapes, et surtout à I'occasion de Ia licence et de Iamaitrise, il prenait part à des disputes qu'il faut comprendre dans Ieurspécificité d'exercices scoIaires ou d'épreuves de compétence profession-nelle (ou examens).

1°) Le bachelier biblique: Ia quaestio temptativa

Aprês pIusieurs années d'audition ou I'étudiant avait assisté à de"lectiones" et aux disputes ordinaires des maitres, il devenait bachelicrbiblique. A Ia différence de Ia Faculté des Arts, qui organise divcrexercices dialectiques à I'intention des étudiants, celle de théologi nconnaissait ni n'organisait rien de teI, sauf à I'initiative privée d'un maítr .Bientôt Ie besoin se fait sentir d'organiser des séances de di eu.. ionentre Ies étudiants, afio de Ieur permettre de revoir Ies matiêres examindans les cours et de continuer Ieur formation dialectique, si néce airpour Ies tâches qui Ies attendaient dans Ies disputes. Ainsi naquirent Icollationes, "échanges de vues, diseussions amicales entre étudiant, ur

determinare aliquam questionem, que tangat fidem et philosophiam, eam pro fidcdeterminabitis ... Item jurabitis quod vos determinavistis in artibus Parisius secundumconsuetudinem hactenus observatam Item vos jurabitis quod vos non incipietis quamdiuvidebitis alium bachellarium incipere Item jurabitis quod vos non estis citra vicesimumprimum annum vestre etatis. Item jurabitis quod audivistis per sex annos de artibus. Itemjurabitis quod legetis per du ann continue nisi rationabilis causa intervenerit". f.Chart. 11, n. 1185 (6). p. 67 (JI/r/lmento •. 1350).

266 f. à cc uj r, P .1 Oltll \1 • I' 11I1'1 1/('11I"1/1 •.• (1968). p. 94-100.

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100 CHAPITRE 11I

un sujet d'étude proposé à l'avance, le tout mené par un des leurs" 267.

Elles furent créées par les ordres religieux, pour les étudiants qui résidaientdans les couvents. Déjà en 1228, les dominicains organisaient, sous Iaprésidence du magister studentium, des disputes entre étudiants qui avaientdéjà des rôles de respondens ou opponens 268. En 1259, les statuts (rédigésentre autres par Albert le Grand et Thomas d'Aquin) établirent que cesexercices de répétition et ces collationes se tiendraient au moins une foispar semaine 269. L'exemple fut suivi par d'autres ordres 270. Bien que lescollations, organisées en marge des écoles et des maitres, aient été desdiscussions libres plutôt que des disputes, elles constituêrent un anté-cédent fondamental à une des plus importantes disputes entre écoliersqu'ait connu Ia Faculté de Théologie, à savoir Ia Sorbonique. Nous y revien-drons.

Le bachelier biblique était autorisé à "lire" Ia Bible. Sa leçon inauguraleou inceptio était une véritable cérémonie ou il faisait un éloge de l'Écritureet situait le livre, qu'il avait choisi comme thême du cours, dans l'ensembledes livres saints. Mais elle ne comportait pas de dispute 271.

Le bachelier biblique devait aussi participer activement aux disputesdes maitres afin que ceux-ci puissent faire à Ia faculté un rapport sur sacompétence doctrinale et dialectique 272. Sa performance comme répondantou opposant était également jugée par ses collêgues étudiants, les bacheliers

267Ibid., p. 121. Cf. aussi F. PELSTER,Oxford Theology ... , p. 54-56. Pelster range lesCollationes Oxonienses et les Collationes Parisienses de J. Duns Scotus dans cette catégoried'exercices.

268 Chart. I, n. 57, p. 113 (Constitutio Ord. Praed., Paris 1228): "Circa eos qui studenttaliter dispensetur a prelato, ne propter officium vel aliud de facili a studio retrahanturvel impediantur. Et secundum quod magistro studencium videbitur, locus proprius statuatur,in quo post disputationes vel vesperas vel alio etiam tempore si vacaverint ad dubitationesvel questiones proponendas ipso presente conveniant, et uno querente vel proponente aliitaceant, ne loquentem impediant. Et si aliquis inhoneste vel confuse vel clamo se velproterve querens vel opponens vel respondens offenderit, statim ab illo, qui tunc intereos preest, corripiatur".

269 Chart. I, n. 335, p. 385 (Statuta de studiis in Ord. Praed., 1259): "Item, quod fiantrepetitiones de quaestionibus et collationes de questionibus semel in septimana, ubi hoc commodepoterit observari". Cf. aussi le ~tatut de l'abbé Théobald de Saint-Victor, vers 1264-71(cité par P. GLORIEUX,op.cit. ri. 121).

270 Cf. Chart. 11, n. 1187, p. 688~689, Statuta Collegii Cluniacensium, Paris 1309-1319. Cf.aussi EHRLE,op.cit., p. XC-CIII.

17I Statuta fac. theol. Bon. (éd. EHRLE, p. 21): "Biblici autem incipiunt immediate postomnes bachalarios, et principium eorum non continet questionem, sed scripture sacrecommendationem et partitionem".

272 Cf. supra, n. 94 et 95.

LES ESPECES DU GENRE 101

formés 273. Pour devenir sententiaire et être admis à Ia lecture deSentences, le bachelier biblique doit passer une épreuve de compétenceprofessionnelle: Ia quaestio temptativa.

La quaestio temptativa est une question ordinaire soutenue par unmaítre, mais qu'on privilégie comme constituant une épreuve pour lecandidat bachelier sententiaire. Celui-ci y prenait part comme répon-dant 274. TI en choisissait le thême 275. Les statuts de Paris, en 1385, lepremiers à traiter de cette épreuve, établissent que le candidat doitrépondre au moins une fois dans une "question tentative" sous sonmaitre, ou bien à une sorbonique sous Ia direction d'un maitre d'unautre nation. Les religieux devaient eux, répondre à deux quaestionestemptativae 276. Nous n'avons pas trouvé de traces de ces question auXllIe siêcle ; mais au XIVe, elles ont pris une si grande importancqu'elles pouvaient même remplacer Ia lecture de Ia Bible comme exigencepréalable à l'obtention du grade de bachelier sententiaire 277. Les statut

17J Chart. 111,n. 1534, p. 441-442 (Statuta fac. theol. Paris. de admittendis ad lecturamSententiarum et de quaestionibus faciendum. Junii 4. 1387): "Item quod quilibet magisterquestionem quam disputare voluerit tradat bacallario, et non bacallarius magistro. Itemad hoc ut recta fiat de responsionibus bacallariorum in facuItate relatio, statutum estquod, finita disputatione, statim in eodem loco magister se ad partem retrahat, et votabacallariorum formatorum presentium diligenter inquirat, quibus auditis in proximacongregatione facultatis magister per suum Juramentum fideliter referat numerum bacal-lariorum arguentium nec non opinionem majoris et sanioris partis eorum super sufficientiaresponsionis, et demum suam habeat reserare, antequam bacallarius ad gradum ulteriorcmadmittatur. Item imponitur magistris per Juramentum ipsorum ut depositiones singular sbacallariorum nemini habeant revelare, nec etiam bacallarü suas revelabunt".

214 Cf. A. PELSTER,Oxford Theology ... , p. 43, n. 5.l7S DENIFLE-CHATELAIN,Chart. 11,n. 24 (In statut. facultat. theolog. Perpinian. ali. 14 \I

explicatur terminus): "Nemo censeatur dignus ad cursandum legendo Sententia pro r dulicentie magisterüque theologalis obtinendo, nisi prius responderit publice de ahqu I

temptatoria questione de materia theologica per ipsum eligenda sub regente Kath dr 11I1

theologie, ad quem actum decanus ceterique magistri penitus invitentur. Qua disput uionfinita decanus simul cum ceteris theolog. magistris ... dijudicent, an ... ad dictum gr dum(baccalareatus seu ad legendas Sententias) cursare promereatur" (Ms. Univ. Perpiniunin Bibl. publ. Perpin., n. 51). "Parisiis tentativa ad responsiones ordinarias pertinebat qU!I

magistri deputandi per facultatem tenere debebant (v. Statutum ano 1387. Jun. 4)".27' Chart. 11,n. 1189 (29), p. 699 (Statuta, 1385): "Item, quod quilibet cursor in theologia

inter primum cursum et Sententias tenebitur respondere in theologia ad minus sem I dedisputatione temptativa sub magistro, aut in Sorbona loco temptative et sub magi trialterius nationis, et religiosus sub alio quam sui conventus. Vultque facultas quod religi sigratiosi, qui bina vice de temptativa respondere tenentur, respondeant bina vice ante primumprincipium sententiarum, alias ad lecturam pro illo anno non recipientur seu admittentur".

271 Chart. 11, n. 1189 (28), p. 699 (Statuta, 1385): "Primo, quod quilibet bacalariuantequam Sententias legat, tenebitur legere duos cursos de veteri aut de novo Testamento.nec cum aliquo super hoc di pcnsabitur, vel i placeret dispensare quod Bibliam non

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102 CHAPITRE III

stipulent que Ie maítre préside Ia dispute "temptativa" de Ia même façonque ses questions ordinaires. Cela implique qu'il procede à Ia determina tiomagistralis. Les bacheliers formés présents à Ia dispute émettent, de façonsecrête, une opinion sur Ia performance du candidat, opinion que Iemaitre transmet au consortium magistrorum 278. La quaestio temptativa (etIa Sorbonique, son analogue sur Iaquelle nous reviendrons) constitue Iapremiêre dispute que 1'0n puisse considérer, à Ia Faculté de ThéoIogie,comme épreuve de compétence professionnelle, car elle ouvre Ies portesà l'obtention d'un grade. Une épreuve sembIabIe était aussi imposée àBoIogne aux candidats au grade de bachelier sententiaire 279.

2°) Le bachelier sententiaire et Ia quaestio col/ativa

Le bachelier sententiaire avait pour obligation principale de commenterIes Sentences de Pierre Lombard. li devait, en outre, comme Ie bachelierbiblique, assister et participer aux disputes publiques de Ia faculté 280,

notamment comme respondens ou opponens. Toujours il agissait sous Iadirection d'un maítre. Cependant, l'obtention du rang de bacheliersententiaire Iui foumissait Ia premiêre occasion de présider à une dispute,Iors de sa séance inaugurale de inceptio ou principium.

Elle se tenait entre Ia fête de I'Exaltation et Ia Saint-Denys (du 14

legeret, aut cursus, loco eorum bis de temptativa, vel Sorbonica loco temptative, vel semelde temptatoria et semel de Sorbonica, salvis juribus magistrorum et facultatis". Ce texteest un signe évident de Ia décadence des études bibliques au XIVe siêcle.

271 Ibid. (63). p. 702: "Item. quod, quomodo magistri president in disputationibus ordinariis,sic presideant in temptativis. Qui dum primo admittentur post magisterium ad congre-gationem facultatis, jurabunt in ea fideliter referre vota bacalariorum formatorum desufficientia vel insufficientia baccalarii respondentis. Et ut hoc fiant commodius, volumusquod finita disputatione magister presidens vota bacalariorum formatorum, qui interfuerantpredicte disputationi temptative, secrete et sigillatim super hoc audiat, qui numerumbacalariorum in facultate referet et judicium de sufficientia vel insufficientia respondentis,secundum majorem et saniorem partem eorum, priusquam ille ad lecturam admittatur.Si autem responsio fiat in Sorbona ante lecturam Sententiarum, que solo pro temptativahabebitur, prior Sorbone vota baccalariorum formatorum inquiret modo prius expresso.et referet duobus magistris per facultatem deputatis ...",

279 Statuta fac. theol. Bon. (éd. EHRLE. p. 18): "... presenti constitutione sancimus, utquilibet in nostro Bononiensi studio lecturus Sententias per sex menses ad minus perseveretBononiae, postquam annotatus fuerit et incorporatus et iuratus, ut in precedenti capitulocontinetur; et ante Kalendas octobris illud sex mensium tempus totaliter sit ellapsum,quod tempus preparationis ad inferiorem cathedram nuncupatur. Quo tempore teneturomnibus publicis disputationibus interesse et semel sub magistro suo et adminus sub aliomagistro publice respondere. Lectura vero Sententiarum novem mensibus duret",

210 a. plus haut, n. 97-98-99. Le bachelier sententiaire avait derriêre lui neuf ans d'étudesthéologiques.

LES ESP~CES DU GE RE 103

septembre au 9 octobre); une seule séance se déroulait par jour; lecours étaient suspendus pendant toute cette période 281. Ces principia esuccédaient selon un ordre établi par Ies statuts: Ie premier était confiéà un Carme, Ie demier à un Prêcheur; Ies autres séculiers se suivaientd'aprês l'inscription ou l'âge 282. Des dispositions sembIabIes étaient envigueur à Ia FacuIté de ThéoIogie de BoIogne, dont Ies statuts renseignentsur Ia structure de ces principia. D'abord, un court sermon appeIé collatio,ou Ie bachelier cite un texte qui Iui permet de faire l'éIoge et Ia présentati nde chacun des quatre livres des Sentences et de donner un ap r usommaire de Ieur contenu; ensuite une "protestatio", déclaration d'u Ihésion à Ia foi catholique; finalement une "quaestio" 283. Mgr I ri LI

l'a baptisée col/ativa parce qu'elle suivait Ia col/atio inaugurale. t ,I I'aanalysée sur Ia base des questions de Jean de Falisca 284. Le bach 11 ,en a choisi Ie thême et il en assure Ia soutenance. "li commence parsituer Ie problême et exposer Ie pour et Ie contre; non par des argurnentsde sa propre invention, mais d'aprês ceux qu'ont échangés déjà lebacheliers, ses confrêres ... avant de prendre position, il renouvelle eprotestations d'orthodoxie ... puis énonce Ies deux propositions qu'ilentend démontrer ... Ia discussion s'engage alors avec l'un de ceux quil'ont contredit ... vient alors toute Ia série de conclusions dans Iaquelleil condense sa pensée 285". Cette procédure était possibIe car, avant Iaséance, Ies bacheliers se communiquaient Ieurs conclusions et leur

m Cf. Chart. 11.n. 1188 (9). p. 692 (Statuts 1366).a. aussi, Ch. THUROT.De I'organls«: /11/

de l'enseignement ...• p. 143-144.m Cf. Chart. 11.n. 1189 (38). p. 200 (Statuts, 1385). Cf. aussi P. GLORIEUX.L'ens lI/li

ment ...• p. 139.m Statuta fac. theol. Bon. (éd. EHRLE. p. 21-22): "Ideo presenti ordinationc SI uuunu •

ut, sicut tactum est in capitulo primo. a prima die legibili in exordio octobris 10 '11'1 1111

lecturi bachalarii ordine ibidem dato. ita quod unus solus principiet una die et e undusequenti et sic per ordinem; et nichil aliud scolasticum fít ista die. Et omn mceptunomnesque graduati usque ad licenciatos non vesperiatos, magistros ac tota multitudo 10

theologia studentium intersint singulis predictorum principiis. In quo premittitur breviscollatio pro commendatione sacre doctrine vel librorum Sententiarum. Secund fitprotestatio expressa in capitulo 11°. Tertio proponit questionem utilem et illam studiopertractat ... Quilibet bachalarius continue tenetur legere omnes quattuor librorumSententiarum distinctiones complete. et facere tria principia super tribus libris, completolibro primo. Et in quolibet trium principiorum facit, sicut in primo principio. similemcollationem, protestationem et quaestionem".

2'" P. GLORIEUX.Jean de Falisca. La [ormation d'un maitre en théologie au XIVe siécle,dans AHDLMA. 33 (196 ). p. 74- O.

,., Ibid .• p. 85-86. f L'en« '/lI/r".t'lIl • p 141.

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104 CHAPITRE III

arguments 286. Les principia donnaient aux bacheliers sententiaires l'oc-casion d'entamer un véritable débat qui se prolongeait durant toutel'année académique, car "dans le second, le troisiême et le quatriêmeprincipium, le bachelier reprenait et discutait les objections que les autressententiarii lui avaient posées dans leur principia, et les réponses qu'i1savaient faites à ses attaques" 287.

Dans ces conditions, il est malaisé de dire si Ia discussion opposaitdes interlocuteurs rée1s, ou si le bachelier répondait à des argumentsénoncés précédemment par écrit par d'autres collêgues. Peut-être lesdeux possibilités se mêlaient-elles : puisque un seul bachelier était autoriséà avoir son principium dans Ia même journée, les autres bacheliers, quilui avaient fait parvenir des objections par écrit, pouvaient-ils être présentset appuyer de vive voix leurs arguments 288.

Faut-il voir dans Ia quaestio col/ativa une espêce de disputatia ou dequaestio? Puisqu'elle est liée à Ia séance inaugurale portant sur un texte,on serait porté à Ia rattacher à Ia quaestio, ce que semble faire Pe1ster289.

Mgr Glorieux, par contre, Ia considere comme une véritable questiondisputée 290. TInous semble que Ia vérité se trouve au milieu. S'il est vraique le thême initial de Ia quaestio col/ativa a pu être suggéré par le textedes Sentences (ou par un texte de Ia Bible), il est évident que Ia discussion,prolongée toute l'année, devient autonome et s'a1imente d'argumentsthéoriques proposés par les bacheliers et par d'autres participants (ycompris des maitres). La quaestio col/ativa tient de Ia quaestio le lieninitial avec un texte, et de Ia disputatio, Ia structure formelle et Ia tendanceà l'autonomie.

Les bacheliers sententiaires se sont vite laissé entrainer par unengouement pour Ia dispute. Déjà Roger Bacon critiquait les privilêgesdont ils jouissaient par rapport aux bacheliers bibliques et surtout leurpropension à se prendre déjà pour des maitres puisqu'ils étaient autorisés

2t6 Cf. Ch. THUROT.op.cit. p. 145 et le texte de Dionysius Cisterciensis qu'il cite à Ia n.2: "Oppositum posuit reverendus bacalarius ... sed qualiter probaverit ignoro. quiapropositiones in scriptis non recepi ab eo".

281 Cf. THUROT.op.cit .• p. 144. N'oublions pas que les principia avaient lieu au début deI'année et au début du deuxiême semestre. mais que lorsque les quatre livres durent êtrelus en une seule année, ces principia furent situés au début de I'année académique, audébut de janvier, au début de mars et au début de maio Cf. supra. n. 179.

21. Voir le texte des questiones collativae de Jean de Faiísca donné par Glorieux, op.cit .•p. 87. ou I'usage du présent fait penser à une discussion réelle.

219 F. PELSTER.Oxford Theology ...• p. 54.290 P. GLORIEUX.L'enseignement ...• p. 81.

LES ESPECES DU GENRE 105

à disputer 291. Plaintes vaines: de plus en plus, les bacheliers prirent Iaplace des maitres et, vers Ia fin du XIVe siêcle, leurs principia avec leursquaestiones col/ativae accaparêrent l'intérêt que Ia communauté universitaireportait jadis aux questions disputées ordinaires des maítres 292.

3°) Le bachelier formé et Ia sorboniqueLa lecture des Sentences terminée, et les autres tâches des sententiarii

remplies, l'étudiant devenait bachelier formé. TI devait rester encore àl'Université quatre ans (ou, comme le disent les statuts, cinq y comprisl'année consacrée à Ia lecture des Sentences) et continuer à participeraux "lectionibus, vesperiis, aulis, disputationibus ordinariis et aliis qui-buscumque disputationibus publicis magistralibus, et disputationibus inSorbona" 293. Nous avons déjà fait allusion à ces obligations du bachelierformé et il est superflu d'y revenir 294. Nous savons en quoi consistaientles disputes ordinaires. Nous analyserons plus loin les vesperies et l'aulique.Reste à examiner ici Ia sorbonique. Elle ne nous est pas inconnue: nousavons déjà vu que les "cursores" étaient aussi obligés d'y participer 295,

et nous croyons que les sententiaires devaient également y prendre partoLa sorbonique n'est donc pas imposée aux seuls bacheliers formés. Nousl'avons inclue dans ce paragraphe pour des raisons d'organisation dumatériel.

L'histoire de Ia sorbonique a été écrite 296. Ses origines sont liées àl'esprit même qui inspira à Robert de Sorbon de fonder un collêge pourles étudiants pauvres de Paris: offrir à de jeunes théologiens une solutioncohérente et complete à leurs besoins matériels, universitaires et spirituel .Les ordres mendiants, avec leurs couvents, qui étaient en même temp

29. Chart. I. n. 419. p. 473 (c. 1267): "Ille qui legit Sententias, habet principalem h rumlegendi secundum suam voluntatem, habet et socium et cameram apud religiosos. S dqui legit Bibliam caret his et mendicat horam legendi, secundum quod placet lectonSententiarurn. Et ille qui legit Sententias, disputat et pro magistro habetur; reliquu qUI

textum legit non potest disputare. sicut fuit hoc anno Bononie et in multis a1iis loci ,quod est absurdum",

292 P. GLORIEUX.op.cit .• p. 141: "Il semblerait que I'importance croissante accordée àcet exercice compense le discrédit dans lequel tombe vers ces mêmes dates Ia disputeordinaire".

29l Chart. 11. n. 1189 (41). p. 700.294 Cf. supra. n. 100. 101. 102. 103, 104. 105. 106.29' Cf. supra. n. 276.206 Cf. P. GLORIEUX.Aux origines de Ia Sorbonne. I. Robert de Sorbon, Paris. 1966. p.

131 svv. et 142 svv.; Jean de Faiísca ...• (1966). p. 50 sVV.• 70 svv.; L'enseignement ...(/968). p. 134-136.

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106 CHAPITRE III

des studia generalia, constituaient ici un modele. Dês qu'ils avaientobtenudes chaires, ils les avaient installées dans leurs couvents, offrant ainsi àleurs étudiants un logement adéquat et un style de vie ordonnée quifavorisait le développement intellectuel et spirituel. li y avait aussi I'exempledes "collêges", institutions privées qui, en général, se lirnitaient à résoudreles problêmes matériels. Robert de Sorbon conçut le projet d'une institutionqui combinerait les avantages des deux modeles: un collêge qui soit unerésidence pour les étudiants séculiers et aussi un lieu de travail universitaireet de vie spirituelle.

Pour réaliser un tel projet, il avait besoin de trois éléments : ressourcesmatérielles (maisons, bourses), reconnaissance des études faites dansl'institution, normes de vie communautaire. 11les réunit et son collêgede Sorbonne, fondé aux débuts de Ia seconde moitié du XIlIe siêcle,allait connaítre une longue et brillante histoire.

li s'était inspiré des studia generalia. Or, les couvents organisaient, àl'intention des étudiants en théologie, des exercices de discussion quileur permettaient de revoir les matiêres exarninées dans les cours et depratiquer Ia dialectique 297. Ces col/ationes hebdomadaires ont dü porterde bons fruits. Et à cet exemple, le Collêge de Sorbonne réalisa desexercices pour ses étudiants 298.

Probablement ces disputes ont-elles été organisées du vivant de Robertde Sorbon. Les prerniers documents qu'on en a datent de 1312mais ilsles présentent comme une activité offi.ciellementreconnue par Ia faculté,ce qui témoigne d'une longue tradition. Elles ont commencé commedesexercices privés, rnis sur pied pour Ia période d'été, soutenu par lesbacheliers sous Ia présidence du prieur de Ia Sorbonne (qui était luiaussiun étudiant). Lorsque Ia faculté les reconnut comme partie du curriculumd'études de tous les bacheliers, elles prirent deux formes. Elle ont continuéd'être des exercices privés destinés aux socii de Ia Sorbonne (dans cecas, elles avaient lieu in capeI/a), mais elles furent aussi parfoi olennelleset publiques, ouvertes à tous les étudiants (dans ce cas, elle e tenaientdans Ia grande salle du collêge) 299.

Les documents qui révêlent les modalités et Ia technique de ce disputesdatent de Ia fio du XIVe siêcle. Et ils sont de deux type ; de recueils

,., Cf. supra. n. 268. 269. 270'-,.. F. PELSTER. Oxford Theology ...• p. 56: "The orbonic ... i n thm '1 than an

exerci se modelled on lhe collatio of lhe religiou hou es, o that it i p rrm: ible 10deducelhe procedure of lhe cal/alio from lhe taiute f lhe rb nic ",

299 P. GLORI ux, Jean de Fa/is a ...• p. 7 .

LES ESPECES DU GE RE 107

de disputes (Prosper de Reggio, Pierre Plaoust, Jean de Falisca, Pierred'Ailly) et le Statutum de disputationibus in col/egio Sorbonae habendis,publié par Denifie dans le Chartulaire de l'Université de Paris 300. Cedernier (14 novembre 1344) est Ia principale source de renseignementsur Ia sorbonique.

li nous apprend que Ia sorbonique avait été organisée d'abord pour Iapériode d'été et qu'elle se tenait tous les vendredis afio que les étudiantssoient occupés pendant cette période de serni-vacances. En 1344, onétendit Ia pratique à toute l'année acadérnique, et les samedis devinrentdes jours de dispute. Plusieurs condensés des dispositions des statutsde 1344 ont été donnés. Nous reprenons celui de Thurot, pour sonexactitude et sa valeur historique, qui en font un des meilleurs apports àIa connaissance de Ia vie universitaire médiévale et parce que l'accês àcette ceuvre, déjà épuisée, est diffi.cile. "Les disputes de Ia Sorbonneacquirent beaucoup d'importance au XIVe siêcle, et demandent quelquesdétails. Elles peuvent, du reste, donner une idée de cet exercice dans lesautres communautés. 11y avait dispute toutes les semaines, même pendantles vacances. Le prieur présidait les disputes de Ia Saint-Pierre et de IaSaint-Paul (27 juin) jusqu'à Ia Nativité de Ia Vierge (8 septembre); unmaítre des étudiants (Magister studentium), élu par les boursiers le 29juin, les présidait depuis Ia Nativité de Ia Vierge (8 septembre) jusqu'au29 juin. Les disputes présidées par le maitre des étudiants furent instituéeset réglées, en 1344, par des dispositions sans doute analogues auxrêglements déjà observés pour les disputes du prieur. Le maitre des étu-diants devait rassembler pendant les vacances, pour toute l'année, desquestions relatives à tous les chapitres du Livre des Sentences etdifférentes de celles qui avaient été disputées I'année précédente. liassignait, 15jours à l'avance, une question au répondant et à l'opposant.Sa négligence était punie par une amende de deux quartauts de vin; lerefus du répondant, par une amende d'une bourse. La dispute avait lieutous les samedis. Le boursier le moins ancien devait commencer. Lerépondant d'un samedi était I'opposant du samedi suivant. Le maitredes étudiants présidait Ia dispute, dissipait les malentendus qui pouvaientse glisser entre les deux adversaires; si l'un d'eux argumentait de mauvaisefoi, le maítre devait l'avertir jusqu'à deux fois, et, s'il persistait, lui dire:Je vous impose silence. Une opiniâtreté persistante aprês ces troisavertissements, était punie par une amende de deux quartauts de vin.

300 hart. 11. n. 10 6. p. 4 11

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108 CHAPITRE 11I

Le répondant ne pouvait poser que trois thêses ou conclusions appuyéechacune sur une citation et un argument, et sans corollaires. Pour laisserâ d'autres le temps d'argumenter, l'opposant ne devait poser que 8objections et chacun des autres argumentants, 3. Immédiatement aprêsle principal opposant, argumentaient successivement le maitre des étu-diants, le prieur, les maitres en théologie, s'illeur plaisait, les sententiarii,les cursores, en commençant par ceux qui avaient lu leurs deux cours,et enfin les boursiers de Ia maison, suivant leur rang d'ancienneté. Lemaitre des étudiants était libre d'admettre des étrangers â ces exercices,pourvu qu'ils ne fussent pas en assez grand nombre pour gêner lesboursiers. On attachait tant d'importance à ces disputes qu'on ne voulaitpas qu'elles fussent absorbées par des congés. Si un samedi était férié,Ia dispute devait être avancée ou réservée" 301.

Du point de vue de notre enquête sur les espêces de disputatio, troisremarques s'imposent.

La premiêre concerne les acteurs de Ia sorbonique. Le président de Iaséance, le respondens ou I'opponens sont des bacheliers 302, tandis que Iaquestion disputée ordinaire est dirigée par un maitre. Ce n'est pas queles maitres soient exclus. Au contraire, l'importance croissante de Iasorbonique au XIVe siêcle attira ceux-ci, ce qui explique des dispositionsdes statuts concernant Ia place qu'on doit leur réserver 303. Mais leursinterventions étaient volontaires et ne constituaient pas pour eux undevoir.

La deuxiême différence concerne Ia structure de Ia dispute. On n'apas de preuves qu'elle s'articulait en deux séances, comme Ia questiondisputée. Discussion et solution se déroulaient en une même séance.

La troisiême opposition intéresse le thême et Ia matiêre. Étant donnéqu'il s'agit d'un exercice destiné aux bacheliers - dont Ia tâche Ia plusimportante est de !ire le livre des Sentences - il est naturel qu'un lienétroit existe entre Ia sorbonique et l'eeuvre de Pierre Lombard. Les statutssont clairs â ce sujet: "quod questiones magnas, theologicas et utilesjuxta textum libri Sententiarum, de una distinctione unam, et alia aliam,

301 Ch. THUROT, op.cit., p. 131-132: ef. aussi P. GLORIEUX,Aux origines de Ia Sor-bonne ... , p. 142-143; L'enseignement ... , p. 136.

302 Le terme magister studentium ne doit pas nous induire en erreur; comme le précisentles statuts, iI s'agit d'unus sociorum, élu par ses collêgues. Cf. Chart. 11, n. 1096. p. 554.

303 "Item, voluerunt quod immediate post principalem opponentem arguat magisterstudentium, denique prior domus, deinde magistri in theologia, si eis placeat arguere" (Chart.11, p. 555).

LES 109

sic totum librum sine interpolatione distinctionum decurrendo, eligat (lemagister studentium) diligenter, sic quod unius anni questiones non sinteedem cum questionibus subsequentis vel etiam precedentis" 304. Malgréle lien avec un texte, Ia sorbonique peut être considérée comme une espêcede disputatio pour deux raisons. Le Livre des Sentences était déjâ lui-même un effort de synthêse doctrinale qui invitait l'étudiant â une exégêseégalement synthétique plutôt que textuelle. Les questions posées, bienqu'inspirées par le texte des Sentences, étaient examinées de façonautonome et dans une perspective purement théorique propre ã Ia théologiespéculative.

4°) L'examen de licenceAprês un stage de quatre ans, le bachelier pouvait obtenir Ia licence.

Celle-ci était l'autorisation de prêcher, enseigner et disputer publiquementdans toute Ia Chrétienté. En ce sens, elle équivalait â une missionuniverselle 305 qui ne pouvait être conférée que par le Pape. Mais celui-ci déléguait ce pouvoir au chancelier, leque! devait examiner Ia compétenceprofessionnelle, Ia moralité et les perspectives d'avenir du candidato Undécret de Grégoire IX, du 13 avril 1231, mandate le chancelier pour serenseigner auprês des maitres et des hommes honorables de Ia ville surles qualités des récipiendaires, et accorder ou refuser Ia licence suivantsa conscience 306. En fait, au fur et â mesure que Ia corporation desmaitres affirma sa prééminence, il devint impossible pour le chancelierde refuser un candidat appuyé par les maitres.

La licence en théologie s'accordait tous les deux ans, lors de I'annéejubilaire, ou jubilé, vraisemblablement aux millésimes impairs 307. Lebachelier formé était présenté par son maitre. Des cédules, dont celui-

304 Ibid, p. 554.30S F. Ehrle a signalé que c'est précisément eette portée universeUe des grades académiques

qui constitue I'essence de 1'"Université": "La corporazione ed i privilegi sono un presuppostoo una consequenza naturale deU' università, ma non I'essenza; I'essenza é Ia facoltà didari gradi universalmente riconosciuti in a1meno una deUe seienze superiori" (I piú antichiStatuti ... , p. LX).

306 Chart. I, n. 79, p. 137 (Décret de Grégoire IX, 13 avril 1231): "Ante vero quamquemquam licentiet, infra tres menses a tempore petite licentie tam ab omnibus magistristheologie in civitate presentibus quam a1iis viris honestis et litteratis, per quos veritassciri possit, de vita, scientia et facundia necnon proposito et spe proficiendi ac a1iis, quesunt in talibus requirenda, diligente r inquirat, et inquisitione sic facta quid deceat et quidexpediat bona fide det vel neget secundum eonscientiam suam petenti licentiam postulatarn".a. Décret d'Alexandre IV du 14 avril 1255, Chart., n. 247, p. 283.

307 Cest ce qui ressort des latut d li ul u.• cit par Ch. THUROT,op.ciJ., p. 152, n. 2.

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110 CHAPITRE 11I

ci se portait garant, prouvaient que le candidat satisfaisait aux con-ditions 308.

Le chancelier procédait à l'examen du candidat en deux étapes: examenproprement dit et depositio magistrorum.

L'examen est déjà prévu en 1255, dans un décret d'Alexandre IV. Cetexte se bome à signaler qu'il devait porter sur des livres de théologie 309.

Nous savons aussi que l'examen n'était pas public et que seuls le chancelieret les maitres y assistaient 310. Semblable coutume existait aussi àOxford 311 et à Bologne. Les dispositions de cette derniêre universitémontrent clairement que l'examen comportait une forme de questiondisputée. En effet, trois jours avant, le chancelier remettait au bachelierdeux questions théologiques douteuses, avec des arguments pour et contre.Le bachelier répondait par écrit et son texte, contenant quatre ou cinqconclusions pour chacune des questions posées, devait parvenir auxmaitres et au chancelier un jour plein avant l'examen. Pendant l'examen,les maitres argumentaient contre les thêses proposées par le bachelier.Il ne semble pas que celui-ci avait le droit de répliquer 312.

JOI Chart. lI, n. 1189 (60), p. 702 (Statuta, 1385): "Statuimus primo quod nullus magisterdeponat pro aliquo bacalario licentiando, nisi ipse bacalarius manserit in studio Parisiuset frequentaverit actus facultatis per tempus quinque annorum, annis lecture et licentiecomputatis, et nisi ipse responderit post lecturam Sententiarum et ante licentiam de tribusquestionibus, scilicet aula, ordinaria, et Sorbonica, jurabitque quilibet magister, dum primavice ad congregationem facultatis veniet, de nulla harum in posterum dispensare, nisitamen alteram in alteram ex causa legitima commutet ..."

Cf. n. 1190 (33), p. 706 (juramenta): "... pro nullo bacalario formato deponetis in licencia,nisi ille responderit de tribus principalibus questionibus, scilicet de ordinaria, in Sorbonapost lecturam Sententiarum, et in aula". Cf. aussi (34) (36) (39).

309 Chart. I, n. 247, p. 281 (Decret d'Alexandre IV, avril 1255): " ... ne quoque bacellariusin theologica facultate promoveatur ad cathedram, nisi prius examinaverit semetipsum,saltem aliquos libros theologie glosatos et sententias in scolis alicujus magistri actu regentisdiligenter legendo". En réalité c'est Ia confinnation d'une disposition prise par l'Universitéen 1252. Cf. Chart. I. n. 200. p. 226.

310 Cf. Ch. THUROT,op.cit .• p. 153.ru F. PELSTER,op.cit .• p. 43.312 Statutafac. theol. Bon. (éd. EHRLE,p. 34-35): "Nam de mandato domini nostri cancellarii

ipse magistrorum decanus, triduo ante horam examinis, ipsi examinando assignat puncta, idestduas libris Sententiarum distinctiones, circa quas decanus duas theologicas omnino dubitabilesformans questiones arguens pro et contra, tradit in scriptis ipsi examinando, qui ad utraqueresponsurus, positiones suas solidas sub 4'" vel sub quinque conclusionibus pro utralibetquestione distinctim cuiJibet·magistrorum dat in scriptis per diem integram ante examinishoram. Et die sequenti hora XVIII' congregantur magistri, quorum scole sunt universitatinostre incorporate, coram domini Cancellario in conclavi. Et primo decanus et consequentersingulimagistri iuxta ordinem sue antiquitatis arguant contra positionem ad primam questionemper quatuor vel tres rationes, ipsi examinando bachalario penitus inprecognitas,

LES ESPECES DU GENRE 1 J I

L'examen terminé, le candidat se retirait et le chancelier interrogeaitles maitres sur Ia compétence scientifique, Ia moralité et les chanced'avenir du bachelier. Cette depositio magistrorum est prévue, nous l'avonsvu, dans les décrets des Papes pour Paris. Elle semble s'être impo éepartout. On Ia trouve à Oxford 313, à Bologne 31\ à Vienne 315. Cela porteà penser qu'elle était partout l'élément essentiel de l'examen. De fait, lechancelier ne pouvait s'opposer à l'avis des maitres, à moins de s'embarquerdans un conflit fâcheux avec l'Université.

Les étudiants qui avaient réus si recevaient, vers Noêl, un billet duchancelier ou on leur indiquait le jour et le lieu ou se tiendrait Ia cérémoniede leur licence. Celle-ci était un événement solennel qui réunissait toules membres de Ia faculté. Aprês avoir prononcé une harengue et proclaméles noms des nouveaux licenciés, le chancelier les appellait un par unafio qu'ils prêtassent les serments de rigueur, puis il leur conférait Ialicence 316.

La dispute est donc présente dans I'obtention de Ia licence. D'abord,elle fait partie de l'examen. Sans doute a-t-elle surtout lieu par écrit etle bachelier ne semble-t-il pas avoir droit à une determinatio 317. On diraitqu'elle est presque symbolique, ultime occasion de mettre en évidence Iacompétence professionnelle du candidat, voire formalité, car Ia depositiomagistrorum compte davantage. Mais Ia dispute existe aussi, et cette foisde maniêre centrale dans Ia formule même de Ia collation de Ia licence:

et per tres replicationes et per duas ad rationem secundam impugnant rationes eiusdem.Et similiter faciunt contra secunde questionis positionem",

3IJ Statuta Antiqua, p. 28; cité par F. PELSTER,Oxford Theology ... p. 43, n. 2: "Delicentia et repulsa presentati cuiuscumque facultatis. De bachelariis licenciandis et incepturisin quacunque facultate, innovando prius statutum et optentum ita per universitatem estprovisum et ordinatum quod Cancellarius, qui pro tempore fuerit, nullum licenciet inaliqua facultate nisi auditis depositionibus magistrorum ipsius facultatis in presenciaprocuratorum universitatis, tam in sciencia quam in vita, et coram eisdem procedat adlicenciam vel repulsam, et procuratores una cum Cancellario magistrorum deponenciumscribant deposiciones".

314 Statuta fac. theol. Bon. (éd. EHRLE, p. 35): "Hiis rite completis, emisso examinatodominus cancellarius scorsum vocat singulum magistrorum et per iuramentum prestitumexigit in secreto veritatem, tam de laudabili vita examinati quam de grandi sufficientia,iusta strictum conscientie pure iudicium".

ns Statuta Fac. Theol. Wienn. (éd. KOLLAR, p. 155), cité par Ch. THUROT,op.cit., p. 153.316 Chart. 11,n. 1185, p. 683; Statuta Fac. Theol. Bon. (éd. EHRLE,p. 36-40). On trouvera

dans ces textes des détails sur Ia cérémonie de licence et sur les serments des candidats.317 F. Ehrle pense, au contraire, que I'examen avait Ia forme d'une véritable dispute et

que le candidat pouvait répliquer aux objections des maítres : "si impegnava una di putain regola contro il candidato il quale cercava di difendere le sue conclusioni contro imaestri" (I piú antichi statuti ...• p. IJI).

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112 HAPITRE 1II

"(Cancellarius dat eis licentiam disputandi, Iegendi et praedicandi et?mnes ~ctus exercendi in theologica facultate qui ad magistrum pertinent,fi nomme Patris, et Filii et Spiritus Sancti."

5°) La maitrise: vespéries, aulique, resumpta

Avec l'obtention de Ia licence finissaient, pour ainsi dire, Ies épreuvesde compétence. Restait un pas à franchir: Ia promotion à Ia maitrisequi était, simultanément, l'entrée dans Ia corporation des maitres. Troisactes, Ies plus soIennels de Ia vie universitaíre, marquaient cette ultimeétape: Ies vespéries, Ia dispute in aula et Ia resumpta. C'étaient, strictement,des questions disputées mais qui introduisaient à l'exercice régulier dumétier de maitre, des actus magisteriandi comme Ies appelle Denifle(Chart. lI, p. 685). C'est par lâ qu'elles se distinguent des autres questionsdisputées qui sont soutenues par des maítres déjà consacrés comme teIspar Ia corporation.a) Les vespéries

Dês Ie début du XlIle siêcle, on fait à Paris une distinction nette entrel'acte de Ia licence et I'acte de Ia maitrise. Les statuts de Robert deCourçon (1215) prescrivent de ne pas faire de grandes célébrations àl'occasion des principia magistrorum 318. Ces principia sont liés à l'incor-poration au consortium magistrorum, et ils sont par conséquent subordonnésà l'adhésion du licencié aux statuts de Ia corporation. Celle-ci semble seréserver Ie droit d'accepter ou de refuser Ie candidato Dans Ies statutsde 1252, Ia Faculté de Théologie stipule que si un licencié ne se soumetpas aux rêgles de Ia corporation, on lui refusera l'incorporation auconsortium, ce qui se concrétisera par Ia non-assistance des maitres auxprincipia du licencié 319. De même, selon Ies statuts d'Oxford, Iorsque Iechancelier accorde Ia licence d'exercer les actes propres au rang demaitre, il Ia subordonne à I'accomplissement des séances publiques quiconsacrent Ia maitrise 320.

318 Chart. I. n. 20. p. 79: "In principiis ... magistrorum ... nulIa fiant convivia"319Ch I .. . art .• n. ~OO'.p. 227 (Statutum Fac. Theol. 1252): "Et de cetero quicumque bachelIarius

hce~tIatus fuerit ",SI requisitus huic ordinationi assensum prestare noluerit, a consortiomagistrorurn perutus excludetur et eidem tam in principiis, quam alibi magistralemsocietatem denegabunt".

320 " ••• do tibi licenciam incipiendi in tali facultate, legendi et disputandi, et omnia faciendique .ad statum m~gistri in eadem facuItate pertinent, cum ea compleveris, que ad talempertínent solempmtatem" (Statuta Antiqua, p. 28-30. cit. par F. PELSTER.Oxford Theo-logy ...• p. 44. n. 3).

LES ESPE ES OU GENR 1I

Jusqu'ici il est question de principia. Plus tard, ces actes de maítriprennent Ia forme de disputes connues sous Ie nom de vespéries, auliquet resumpta. A quelle date? Dans Ie premier tome du Chartulaire deI'Université de Paris, Ie mot "vespéries" n'est utilisé qu'une fois, à pr pdes questions théologiques de Nicholaus de Pressorio, maitre en théologivers 1273 321. Denifle croit cependant que ces disputes soIennelle etenaient plus tôt déjà, tant à Paris (ou elles sont nées) qu'à Oxford 12l.

Pour Oxford, des éléments permettent d'affirmer que Ies vespéries avai ntdéjà lieu au temps de Robert Grosseteste 323. Au XIVe siêcle en toutIes vespéries et Ies autres actes de maitrise sont parfaitement in talldans Ies habitudes de Ia corporation. A défaut des statuts de Pari. 11

de Bologne renseignent. Voyons comment Ies vespéries se déroulai '111

dans l'université italienne.Aprês Iui avoir conféré Ia licence, Ie chancelier fixe au nouveau lic nei

un jour pour soutenir ses actes de maitrise 324. "Quinze jours avant s ,vespéries, Ie licencié, revêtu de sa robe, allait chez tous Ies maitre etIes bacheliers formés pour Ieur porter Ies titres de quatre questions dontdeux devaient être disputées dans Ies vespéries et deux dans l'aulique" m.C'est donc Iui qui choisit et propose Ies questions. Il s'assure aussi duconcours des maitres et des bacheliers qui prendront part à ces disputecomme respondens ou opponens.

Le jour des vespéries, qui devait être un dies legibilis et disputabilis, Ia

321 Chart. I. p. 596. n. 7.m Cf. DENIFLE.Chart. 11. p. 693. n. 5.l2J F. PELSTER.Oxford Theology ...• p. 45: "Thanks to the researches of A.G. Littlc w

know that the custom of vesperies and inception was introduced quite early into OxfordAccording to Little a treatise of Robert Grosseteste now lost bore the title: In vespert!Ade. This is probably Adam Marsh, the first Franciscan master".

3,. "Post licentiam quando licentiatus vult magistrari, magistrandus debet facere vesperia. ,et assignari sibi dies per cancelIarium et magistrum suum secundum ordinem licenti •(Archiv. Vat. ColIect. Aven.• n. 440; cité par DENIFLE.Chart., 11.n. 1185. p. 684, not. 9).Cf. Chart. 111.n. 1513. p. 376. li s'agit du témoignage du maitre Johannes Kaerloret danun procês contre le Chancelier accusé, précisément, de ne pas fixer les jours des vespériescomme il le doit.

m Ch. THUROT.op.cit .• p. 155. qui s'appuye sur une disposition des statuts de Vienne(Stat. Fac. Theol. Univ. Wienn .• éd. KOLLAR. p. 157). A Oxford les habitudes sontdifférentes: il semble bien que les questions étaient choisies par le maitre qui présidaitles vespéries et non pas par le vesperiandus, et que c'est le maitre qui les communiqueà ses collêgues, Cf. Statuta antiqua, p. 37: "Regentes eciam tenentes vesperias, ante diemvesperiarum omnibus regentibus in illa facultate debent dicere suas questiones in aliquacongregacione, hora prima vel alias ..." (Cit. par PELSTER.Oxford Theology ...• p. 49. n.2).

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114 CHAPITRE III

faculté suspendait les cours; un seul maitre était autorisé à enseigner,tôt le matin, probablement celui qui allait présenter le licencié 326. Tousles bacheliers et les maitres étaient tenus d'assister à Ia séance 327, et Iedoyen de Ia faculté veillait à ce que cette participation füt effective 328.

Le bedeau plaçait les assistants selon un ordre hiérarchique 329.

La séance commençait assez tard dans l'aprês-midi, d'oú le nom devespéries.

On disputait d'abord sur Ia premiêre des questions. C'était l'expectativamagistrorum (ou expectantia). Elle était normalement présidée par lemaitre du licencié. Le rôle de respondens était assumé par un bachelier.Aprês que celui-ci avait proposé une solution, Ie maitre qui présidaitsoulevait des objections. Puis des bacheliers en présentaient d'autres. Lerépondant répliquait seuIement aux arguments du maitre. Ainsi se concluaitl'expectantia magistrorum. Elle était, en somme, une dispute assez breve.Le plus ancien maitre abordait alors Ia deuxiême question et énonçaitdes arguments pour et contre. Le vesperiandus résumait encore une foisIa question et présentait respectueusement sa position, laquelle devaitêtre nette, subtile, utile, jusqu'à un certain point prolixe, et strictementthéologique. Suivait Ia dispute proprement dite. Le maitre qui avaitproposé Ia question contestait Ia position du vesperiandus par trois ouquatre arguments. Celui-ci n'était tenu de répliquer qu'aux trois premiers.Un deuxiême maitre proposait ensuite deux ou trois arguments contrece qui avait été dit par son collêgue ou par le vesperiandus. Celui-ci avaitle droit de répliquer. Le maitre pouvait intervenir encore une fois, et Iadispute se terminait avec une ultime réplique du vesperiandus. Le présidentfaisait l'éloge de l'Écriture et du récipiendaire, et il annonçait le jour et

,,. Chart. Il, n. 1188 (7) p. 692: "Item, quando unus bachalarius in theologia habetvesperias suas, tunc unus solus magister legit in primis, et illa die non legitur in Sententiisnec in Biblia". (A noter I'hésitation du langage: le licencié est toujours considéré bachelier).

m Obligation des bacheliers bibliques: Chart. 11, n. 1189 (17). Obligation dessententiaires: 11, n. 1189 (25). Obligation des bacheliers formés: 11, n. 1189 (41) (42) (49)(60). Obligation des maitres: 11, n. 1189 (67).

JlI Statuta Fac. Theol. Bon. (éd. EHRLE, p. 16): "Imperet etiam (decanus) reverendismagistris, si necesse fuerit, ut actus sibi incumbentes perficiant, maxime in secundaquestione vesperiarum et in quarta magistrorum questione in aula".

Jl9 Statuta Fac. Theol. Bon. (éd. EHRLE, p. 63): "Item debet bideUus generalis ... inlicentia, in vesperiis, in aula, in prima lectione novi magistri et in similibus esse ab exordiousque in finem. Item habet in scolis et in aula locare graduatos iuxta ordinem antiquitatiet graduationis sue ..."

LES ESPECES OU GENRE 115

te lieu ou allait se tenir l'aulique, ainsi que le livre sur lequeI porteraienttes leçons du nouveau maitre 330.

C'est donc Ia deuxiême question des vespenes qui revêtait Ia pIusgrande importance pour le récipiendaire et qui répondait Ie mieux à Iadynamique de Ia question disputée. La tradition manuscrite a conservéplusieurs vespéries, ce qui permet d'enrichir les données fournies par Iesstatuts 331. Nous nous bomerons à examiner dans ce but deux questions

no Le texte des statuts de Bologne a été publié par F. EHRLE(1piú antichi statuti, p. 40ss). Nous préférons cependant transcrire le texte édité préalablement dans le Chartularium(t. 11, p. 693) car Oenifie a eu Ia bonne idée d'intercaler dans ce texte des détails et desprécisions provenant d'autres universités médiévales: "De tempore et modo Vesperiarum(Rubr. XII). Vesperie dicte sunt propter horam quasi vesperiarum, sci!. decimam nonam,in qua fiunt, excepto quod in Quadragesima magna fiunt ante prandium. Pro quibusordinamus, quod qui1ibet licentiatus vesperiandus (Parisiis: indutus cappa; ms. Vindob.4929) saltem per dies octo (Parisiis: per quindecim dies; ms. Vindob. 4929) ante diemsuarum vesperiarum portet cedulas suarum questionum, precedente bideUo, duobusmagistris antiquioribus qui habent opponere (Parisiis: per domos omnium magistrorumet baccalareorum formatorum), in quibus tituli quattuor questionum sint scripti, scilicetduarum que disputantur in vesperis, et duarum que disputantur in aula ipsius ... Exceptoigitur tempore majorum vacationum qualibet die legibili lectionibus obmissis et qualibetdie disputabili omni alia disputatione exclusa poterunt teneri vesperie, ad quas omnes denostra facultate convenire debent".

"Earum modus est iste. Primo disputatur breviter una questio sub reverendo magistrotenente vesperias, que dicitur expectativa (sic et Coloniae) magistrorum, cujus est responsalisaliquis graduatus (Vindob. et de jure actu legens Sententias). Hec autem questio est primade quattuor questionibus quas vesperiandus sibi pro voto elegerit. Et ad hanc questionempost magistrum arguant bachalarii omnes, unus post alium, sine responsione. Postquamvero omnes arguerint, responsalis reassumat solum primi arguentis rationem eam solvens,et est finis hujus questionis. Quo facto unus senior magistrorum nostrorum sedens proponitquestionem secundam de predictis quattuor ipsi vesperiando sedenti, arguens pro et contra.Qui vesperiandus reassumens propositam questionem reverenter format positionem suampulchram, subtilem, utilem, aliqualiter prolixam, sed mere theologicam, contra cujus dietaopponit sedens magister (qui proposuit) per tria aut quattuor (Vindob. per quatuor autquinque) media ad plus, et vesperiandus respondet reverenter (Vindob. ad duo media)usque ad tertiam replicationem (Vindob. pro quolibet duorum mediorum). Et statim postalius magister de senioribus opponit duobus vel tribus (Vindob. quatuor) med.iis contradieta vel contra positionem vesperiandi, et bis replicare potest (i.e., et facit pro primomedio duas vel tres replicationes) ... His peractis magister qui tenet cathedram facitcoUationem commendativam sacre Scripture nec non doctrine ac morum vesperiandi sisibi placuerit, dummodo nullum indecens vel inhonestum proferat, quod vertatur indedecus vesperiandi aut religionis, de qua dictus vesperiandus est professus. Et in finepronunciat diem sui vesperiati aule, librum quem leget et in quibus scolis leget, et sic estfinis vesperiarum ...", Cf. aussi F. PELSTER,op.cit., p. 46 et 49; P. GLORIEUX,L'enseigne-ment ... , p. 144-145; J. WEISHEIPL,Friar Thomas ... , p. 98-99.

JJI On trouvera dans P. GLORIEUX,L'enseignement..», p. 142-143, une liste des documentscontenant des disputes soutenues à I'occa ion de ve périe de plusieurs maitres.

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116 CHAPITRE III LES ESPECES DU GENRE 117

éditées par Little et Pelster 332. La disputatio in vesperiis de lohn deAlderford répond à Ia description des statuts de Bologne. La seuleprécision qu'elle apporte est Ia suivante: aprês que le maitre est intervenuIa premiêre fois pour poser Ia question et donner les arguments pour etcontre, le répondant ne se limite pas à énoncer une solution globale, ilréplique aussi aux objections qui viennent d'être formulées. Puisque lerépondant n'est pas le récipiendaíre, on se trouve devant une expectantiamagistrorum 333. Le texte publié par Little est un exemple des difticultésde Ia tradition manuscrite. 11ne dit pas qui était le vesperiandus, ni lemaitre qui présidait. 11ne précise pas s'il s'agit de Ia premiêre ou de Iadeuxiême questiono La structure pourtant laisse penser que nous avonslà aussi un cas d'expectantia (premiêre question). Certes, des objectionsénoncées finalement par des participants (dont les noms sont indiquésen marge du manuscrit), probablement des bacheliers (dans Ia deuxiêmequestion, deux maitres seuls interviennent) n'y trouvent pas de réponsecomme ill'aurait falIu dans une expectantia. Mais les derniêres lignes dumanuscrit sont restées en blanc; probablement le scribe n'a-t-il pas eule temps de transcrire Ia réplique du répondant. Les textes édités parPelster et Little sont des reportationes des séances. Mais il semble queparfois les jeunes maitres retravaillaient le matériel des disputes afin d'enfaíre une édition 334.

b) L'aulique (ou aula)Cette cérémonie était Ia séance inaugurale du nouveau maitre, car il

y présidait les discussions aprês avoir reçu le birretum, symbole de Iamaitrise. Son nom provient du local ou cette séance avait lieu: "Aulasic vocatur quia actus ejus fiunt Parisius in aula domini episcopi",expliquent les statuts de Bologne (éd. Ehrle, p. 42). Mais le terme "aula"désigne, en général, un local consacré à l'enseignement. Chaque maitrepouvait en avoir une, si ses moyens ou ceux de sa faculté le lui permettaient.Dans ce cas, on parle d'une "aula própria" ou d'une "aula magistrix ...". Les collêges avaient aussi des locaux consacrés à l'enseignement,et dans ce cas on parle, par exemple, d"'aula Sorbone". Tous ces casdoivent être distingués soigneusement de l'aula comme séance inauguraleou le jeune maitre commençait les actes propres à son magistêre. Lestextes disent alors "in die aula sue", ou aussi "in aula episcopi" 335. A Iasuite de Paris, toutes les universités ont désigné un local important pourles séances inaugurales. Même à Ia curie, on réservait un local au palaisdu Pape pour ces cérémonies solennelles 336. Les Ordres mendiants seréservaient le droit de tenir celles de leurs licenciés dans des locauxpropres (Thomas d'Aquin eut son inceptio au couvent de Saint-lacques),mais il semble qu'au moins à Oxford ils ont fini par utiliser le local prévupar l'université 337. A Oxford aussi le terme inceptio est utilisé à Ia placed'aulique.

Celle-ci se tient généralement le lendemain des vespéries 338. Les statutsspécifient qu'elle se déroule dans un "dies legibilis et disputabilis" (cequi exclut Ia période des grandes vacances), et que Ia séance commençait

332 II s'agit d'une question disputée aux vespéries de John Alderford (ms. Assisi 158. q.199. f. 336) et d'une autre question soutenue dans les vespéries d'un maítre inconnu (ms.Worcester, Q. 99. VI. 39. f. 69). publiées par F. PELSTER et A. LITTLE. Oxford Theolo-gy ...• p. 133-137 et 348-351.

m La distinction des personnages est c1airement indiquée au début de Ia question:"Questio in vesperiis. M. Gilbertus de Strattune (maítre président). quando incepturus fuitMa. Iohannes de Alderford Cancellarius Lincolne. (récipiendaire). Respondit Le.(répondant: un bachelier)". Mais cette distinction de rôles n'est pas toujours aussi c1airedans les manuscrits. Puisque les vespéries étaient soutenues sous Ia présidence d'unmaítre, les manuscrits peuvent dire, par exemple, "quaestio Sneyt in vesperiis Roberti deBromgord; respondit Thomas de Malmesbyri predicator". II ne faut pas penser que Robertest le vesperiandus et que Sneyt est le maitre qui préside, comme le croient Pelster (op.cit .•p. 122) et Little (op.cit .• p. 275). En réalité Robert est le maítre qui préside les vespéries,raison pour laquelle on peut parler de "vesperies Roberti". Et Sneyt est le vesperiandus.La preuve en est que le manuscrit en question (Assisi 158) contient aussi Ia deuxiêmequestion des vespéries et on y lit: "Questio Sneyt ... Sneyt disputavit in vesperiis Robertide Bromgord ultimam". II est évident que dans cette deuxiême question (ultimam). c'estSneyt qui a discuté (disputavit). Oro nous savons que le maitre qui préside ne prend paspart à Ia dispute; l'expression "in vesperiis Roberti" désigne donc le maítre et non pasle récipiendaire. Chaque cas doit être étudié séparément.

3>4 Le Pêre Weisheipl considere que les q. 6 et 7 du Quodlibet VII de Saint Thomassont en réalité deux des quatre questions que Thomas a proposées pour son inceptio, Laq. 6 serait Ia deuxiême question des vespéries, et Ia q. 7 serait Ia troisiêrne question,

c'est-à-dire celle qui était disputée en premier lieu à l'aulique. Cf. Friar Thomas ...• p. 105.Matthieu d'Aquasparta semble avoir retravaillé aussi ses questions "in vesperiis" et "inaula" en vue d'une édition; cf. V. DOUCET. Q. Disp, de Gratia ...• p. cxv.

Voir dans P. GLORIEUX (supra n. 342) Ia liste des maitres dont on conserve les actesde maitrise.

33S DENIFLE. Chart .• p. 344. not. 1: "Dies aulae suae designabat diem qua licenciatus inaula episcopi insignia magisterii recepit, ibique collationem disputationemque tenere etsustinere debuit"."6 Chart. 11. n. 640. p. 106: "Tuque postmodum de mandato nostro sub venerabili fratre

nostro Egidio ... in aula nostri palatii Lateranensis in facultate predicta solenniter incepistiprestitis a te in manibus dilecti filii nostri fratris G ... pro nobis et ecclesia Romanarecipientis corporaliter juramentis que in Universitate Parisiensi solenniter incipientes infacultate predicta soliti sunt prestare".

337 F. PELSTER. Oxford Theology ...• p. 48.338 P. GLORIEUX. L'enseignement ...• p. 145.

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118 CHAPITRE III

vers neuf heures du matin 339. Ce jour là, il n'y avait pas de cours à IaFaculté de Théologie 340. Tous les maitres et bacheliers devaient yassister 341. Au milieu de Ia salle s'asseyait le "magister aulandus", ayantà sa droite le chancelier de I'université et à sa gauche le "magisteraulator", c'est-à-dire son maítre 342.

La cérémonie commençait lorsque le chancelier recevait le serment defidélité du récipiendaire. Puis lui et le "magister aulator", aprês avoircoiffé Ia barette magistrale, en plaçaient une sur Ia tête du candidat enprononçant Ia formule suivante: "Impono tibi birretum magistrale innomine Patris et Filii et Spiritus Sancti Amen". Tous les maitres mettaientalors leur barette. Le nouveau maitre prononçait un éloge de Ia SainteÉcriture: Ia "Recommendatio Scripturae Sacrae". Immédiatement aprêscommençaient les disputes sur les deux demiêres des quatre questionsproposées.

Un étudiant posait Ia troisiême questiono Un responsalis, bachelierformé, préalablement désigné, formulait une solution (positio) scientifiqueet théologique sous Ia forme de trois conclusions suivies de trois corollai-res 343. Contre cette position argumentait d'abord le nouveau maitre 344, quiapportait trois ou quatre objections. Le répondant pouvait répliquer deuxfois. Puis le "magister aulator", opposait trois objections à Ia thêse du"responsalis", qui avait le droit de répliquer à deux d'entre elles. Entroisiême lieu, le chancelier (ou son représentant) soulevait deux objectionsauxquelles le "responsalis" pouvait répondre par une seule réplique 345.

339 Statuta Fac. Theol. Bon. (éd. EHRLE,p. 42).>40 Chart. 11, n. 1188 (6), p. 692: "Item, nota, quod quando unus magister in theologia

habet aulam suam, iIIa die non legitur in sententiis, nec in Bíblia". Cf. aussi Statuta deBologne: "nulla alibi lectio vel disputatio erit in illa die" (éd. EHRLE,p. 42).

34' Cf. supra, n. 327-328.342 Pour tous ces détails, cf. Statuta Fac. Theol. Bon. (éd. EHRLE,p. 42).34' "This custom of replying to a question in the form of a thesis with three or four

formulated conclusiones became, according to the very plentiful evidence of the MSS.,a1so in England more general at the beginning of the fourteenth century" (F. PELSTER,op. cit., p. 46, n. I).

l44 Nous soulignons cette intervention du nouveau maitre car elle semble avoir éténégligée par Glorieux, op.cit., p. 145: "le nouveau maitre y a un rôle plus spectaculairequ'actif".

34' Nous avons suivi Ia description fournie par les Statuts de Bologne (éd. EHRLE, p.43). Encore une fois nous donnons le texte de Denifíe (Chart. 11,p. 694), car il a introduit,aux endroits appropriés, les variantes du manuscrit de Vienne: "Quo celeriter terminatoper unum studentem statim proponitur tertia questio de quattuor questionibus subreverendo magistro novo disputanda, quam responsalis preordinatus, qui debet essebachalarius formatus si haberi poterit, absque nova impositione reassumat reverente r etformat responsivam positionem scientificam atque penitus theologicam sub tribus conclu-

LES ESPECES OU GENRE 119

La dispute sur Ia quatriême question était réservée aux maítres (quaestiomagistrorum). Quatre d'entre eux disputaient par paire. Un des plusanciens posait Ia question avec des arguments pour et contre. Un jeune,qui restait debout, présentait une solution et répondait aux objections.L'ainé se levait de nouveau et argumentait contre Ia solution proposée;le jeune répondait une deuxiême fois. La même procédure se répétaitune troisiême fois. L'autre paire reprenait Ia questiono Un des anciensoulevait des objections, différentes de celles déjà discutées. Un jeune

répliquait avec des arguments également nouveaux. Le même affrontementdialectique recommençait ensuite mais une fois seulement. De cette façonse terminait Ia discussion de Ia quatriême question, sans qu'une solutiondéfinitive ait été apportée 346.

Dans Ia derniêre étape de Ia séance, Ie "magister aulandus" reprenaitIa troisiême question et Ia "déterminait" de façon breve avec une oudeux conclusions qu'il ne devait pas prouver. C'est qu'il aurait l'occasionde procéder à une "détermination" détaillée dans sa resumpta. Ainsis'achevait l'aulique et les participants se rendaient en cortêge à Ia maisonou au couvent de l'aulatus, ou avaient lieu des festivités 347.

sionibus docte probatis cum tribus correlariis. Primo contra dieta responsalis opponitmagister novus per tria (Vindob. quatuor) media et replicat duabus vicibus (Vind. tribusvicibus pro primo argumento et bis pro secundo). Secundo contra eundem responsalemopponit magister aulator tribus mediis bis replicando (Vind. ad primum medium, et semelpro secundo). Tertio opponit contra eundum responsalem dominus cancellarius vel ejusvicem gerens, si voluerit, duobus mediis semel replicando (Vind. cum bina replicacione)".

l46 Cf. Statuta Fac. Theol. Bon. (éd. EHRLE,p. 43). Texte de Denifíe (Chart. 11, p. 694):"Hac questione completa surgunt duo ex magistris, unus senior, a1terjunior (inter juniores),et senior stans proponit quartam cum argumentis pro et contra ipsi juniori stanti, et statimsedet. Junior vero nunquam sedet usque in finem disputationis eorum duorum, sed stansresumit questionem, et magistraliter respondet succinta positione. Tunc surgit senior etopponit contra dieta ejus duobus vel tribus mediis et sedet; junior resumit dieta (i.e.objecta) et solvit. Senior iterum surgens replicat; et junior iterum solvit; (Vind. Et seniortercio opponit surgens et sedet, junior solvit) et postea sedet. Tunc surgent duo aliimagistri, unus minus senex, a1ius minus juvenis quam priores, et senex proponit eandemquestionem sub aliis argumentis (seu mediis) pro et contra (arguendo) et sedet; magisterautem juvenis stando respondet ad questionem omnino aliter quam precedens (junior),et positione ejus completa sedet. (Vind. Et magistrali ejus positioni opponit senior stans,et juvenis continuo stans objecta resumit et solvit. Et hoc faciunt bina vice modo, quopriores ter fecerunt)".

34' "Et tunc novus magister deterrninat brevissime sub una conclusione questionemtertiam sub ipso disputatam (sub una vel duabus conclusionibus) iIlam non probando,quoniam iIlam questionem tertiam debet tempore statuto resumere, id est disputarebreviter et terminare magistraliter. His completis omnes magistri qui sunt ejusdem patrievel Ordinis vel collegii cum novo magistro sociantur eum ad altare majus precedentibuscunctis bidellis. Et facta reverentia debita reducitur magi ter novus cum sua comitiva ad

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120 CHAPITRE III

Les documents confirment partiellement ces dispositions des statuts.L'inceptio de Robert de Winchelsea (ms. Assisi 158, q. 117, art. 3, fo 94r)

publiée par F. Pelster (Oxford Theology ... p. 139-142) offre un bonexemple de Ia "quaestio tertia". Le schéma de discussion suit celui queprescrivent les statuts; les seules différences sont qu'aprês Ia solutiondu bachelier, deux participants seulement soulêvent des objections (aulieu des trois interventions prévues par les statuts), et que le nombred'objections est plus élevé (jusqu'à cinq, au lieu d'un maximum de quatre).Ce cas est intéressant, car il semble qu'on a le texte de Ia resumptacorrespondante. Nous y reviendrons.

Dans 1'"inceptio Baldeswulle", analysée plus haut 348, on retrouve malle schéma des statuts; objections et réponses se succêdent de façon trêsvivante, les participants ne s'accordent pas de répit et s'assaillent avecdes arguments de plus en plus sophistiqués. Peut-être est-ce là un bonexemple de Ia tendance au maniérisme que F. Ehrle dénonce comme undes signes de Ia décadence de Ia scolastique 349.

c) La resumptae séances inaugurales finies, deux tâches immédiates attendent le

n uveau maitre. Il doit prêter serment de fidélité à Ia corporation de sesc 11gue . Ce serment, différent de celui prêté au chancelier à 1'occasionde Ia licence 350, est formulé "in prima congregatione facultatis post eorummugi terium". 11oblige à s'acquitter de tous les devoirs de Ia profession,particuliêrement pour Ia formation des étudiants et le contrôle de leurparticipation aux disputes 351.

Mais le devoir numéro un est de commencer ses leçons. La premiêredoit se faire le premier jour lisible aprês 1'inceptio. Cette leçon est aussiun événement solennel, et 1'occasion pour le nouveau maitre de reprendre- d'oú le nom de resumpta - les questions proposées dans ses vespéries

suum conventum vel collegium sive domum, non recessurus de Bononia nisi post primamsuam lectionem et post determinationem sue tertie questionis, que fuerat prima inaula ..." (Chart. 11, p. 694).

,.. Cf. supra, n. 134.,.. F. EHRLE, I piú antiehi Statuti ... , p. cxcvii: "Dei resto tutte queste dispute, come

anche altri esercizi accademici, presero alia fine dei secolo 14° ed agli inizi dei 15°, unacerta tendenza ai manierato, a ciõ che sembrava atto per attirare, con interruzioniarbitrarie o con Ia ripresa inatessa, o con 10 splendore dei locali prescelti, I'attenzione eI'ammirazione; dunque una tendenza che si dice propria dei Nominalismo, nell'epocaquale siamo con questa data".

'50 Le serment que le licencié prête au chancelier peut être lu dans Chart. 11, n. 1185(25), p. 684.

)I f. Chart. li, n. 1190, (33)-(42), p. 706-707.

LES ESPECES DU GENRE 121

et dans 1'aulique. L'organisation des séances était telle que, sans doute,il n'avait pu explorer à fond les thêmes débattus. Dans Ia deuxiêmequestion, il n'a pu répondre à toutes les objections. Dans Ia troisiême,c'est un bachelier responsalis qui a donné Ia solution. Il avait ici l'occasiond'exposer sa pensée personnelle et de répondre aux derniers doutes.

Les statuts prévoient cette possibilité et Ia consacrent comme unehabitude. Suivant ceux de Bologne, les plus explicites, le nouveau maitredoit d'abord compléter 1'éloge de 1'Écriture (principium), condensé dansson aulique; il peut ensuite revenir sur Ia seconde question des vespériespour y apporter des précisions ; enfin il est obligé de reprendre Ia troisiêmequestion disputée in aula. Pour celle-ci, il doit disputer de façon breveavec un nouveau répondant afin de rappeler les données essentielles duproblême, et il doit "déterminer" de façon complete 352.

Cette resumpta constitue ainsi, dans ses traits fondamentaux, Ia premiêreforme que prend Ia determinatio magistralis, c'est-à-dire, Ia deuxiêmeséance de Ia dispute ordinaire de laquelle nous avons parlé 353. On ytrouve les éléments de Ia determinatio : une reprise des données essentiellesde Ia séance de discussion, et Ia solution du maitre. Si 1'on réunit Iatroisiême question in aula et Ia résompte, on obtient en somme Ia premiêrequestion disputée ordinaire du maitre. En effet, les deux autres conditionsrequises en l'espêce sont satisfaites: être partie de 1'enseignement régulierdu maitre (l'aulandus a déjà reçu le birretum lorsqu'il tient Ia dispute inaula) et être un acte public et solennel de Ia faculté. Aprês sa resumptale maitre est tenu de disputer souvent ("pluries disputare").

Signalons pour tinir un autre sens que peut revêtir le mot resumptio.11a été mis en relief par F. Pelster et il semble réservé aux Universitésd'Oxford et de Cambridge. Lorsqu'un maitre régent avait interrompu sesfonctions pendant un certain temps et voulait les reprendre, il devaitsoutenir une nouvelle inceptio, c'est-à-dire une dispute solennelle enprésence des autres maitres régents. Préalablement, il avait dü participeraux disputes ordinaires de ces maitres en tant que répondant. Les

m Statuta Fae. Theo/. Bon. (éd. EHRLE, p. 45): "De aetibus quos faeere debet au/atusmagister. Rubrica. Capitulum XIII. Ad primam lectionem, quam prima die legibili postaulam habere potest, tenetur novus magister; in qua lectione perficiat suum in aulaincompletum principium et tractare poterit residuum secunde questionis vesperiarumsuarum. Item tenetur resumere suam tertiam questionem propositam sub eo in aula,disputando breviter, sumpto alio responsali et determinando eam complete". (suit l'énu-mération des tâches rêguliêres qu'il devra accomplir en tant que maitre régent). Cf.DENIFLE,Chart. 11, p. 704, n. 20.

m Cf. supra, n. 141 et suivantes.

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122 CHAPITRE III

nouveaux maitres "solempniter resumentes" et les anciens "de novoincipientes" passaient aussi par une inceptio de nature três sembIabIe.Les mêmes exigences - et même pIus dures - étaient imposées à Oxfordà ceux qui avaient obtenu Ieur licence dans une autre université. On Ieurdemandait non seulement une resompte, mais aussi un examen. Cettepratique avait déjà souIevé vers Ia fin du XIIle siêcle des protestationsde l'Université de Paris qui y voyait une restriction inacceptabIe del'universalité des grades qu'elle accordait 354.

'54 Cf. F. PELSTER, Oxford Theology ... , p. 52-53. Cf. aussi supra, n. 305.

CHAPITRE IV

REGLES DE CRITIQUE PROPRES AU GENRE

II ne s'agit dans ce chapitre que de proposer quelques rêgles de critiquequi découlent de notre exposé sur l'évolution et sur Ies espêces de Iaquaestio disputata. Les renvois seront donc fréquents aux chapitresprécédents.

1. L'AUTEUR

1.1. La rêgle générale pour Ies questions disputées, privées (in scho/is)ou ordinaires (ordinariae), est que Ie maitre qui a présidé à Ia disputedoit être considéré comme son auteur. En etfet, queIque importance qu'onaccorde à l'intervention des bacheliers (qui assumaient IerôIe de respondensou d'opponens), Ie maitre reste responsabIe de Ia fréquence des disputes,du choix du sujet, de Ia sélection des bacheliers qui allaient intervenirdans Ia discussion, de Ia réélaboration et de Ia synthêse des idéesproposées dans Ia séance de discussion, de Ia détermination de Ia questionet de Ia réfutation finale des objections soulevées contre sa thêse. IIgarde toujours son indépendance, même vis-à-vis de son respondens, qu'ilcritique, s'il estime Ia chose nécessaire, et dont Ia participation s'etfaceau fur et à mesure que lui reprend les matériaux de Ia dispute. II est,finalement, le responsable de Ia version ultime écrite de Ia quaestiodisputata, c'est-à-dire de l'édition (pour cet aspect, cf. p. 51).

1.2. Le príncipe général, selon lequel Ia quaestio disputata doit êtreconsidérée comme un acte du maitre qui préside Ia séance, doit êtrecependant nuancé. D'abord dans le sens que le maitre qui préside n'estpas nécessairement un maitre régent (cf. p. 51, n. 83 et p. 52, n. 86). Ensuitedans le sens que Ia période de régence d'un maitre pouvait souffrir desinterruptions (à Bologne, Ia régence était accordée pour une période dedeux ans). II ne faudrait donc pas concIure du fait qu'un maitre a soutenudes disputes à des dates três éloignées, que sa régence a couvert toute Iapériode entre ces deux dates (cf. p. 51 et 121-122).Enfin, dans le sens queIe maitre régent qui présidait Ia di pute pouvait inviter un de ses collêguesnon-régents à déterminer Ia que ti n (cf. p. ,o. 148). Dans ce derniercas, Ia question disputé a d u \' nut ur : I'un r p n able du choix du

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124 lIAPITRE IV

sujet et de l'organisation académique de Ia dispute, l'autre responsablede Ia détermination doctrinale de Ia questiono

1.3. Pour les auteurs des objections et des réponses qui fournissent lecadre dialectique ou le problême est discuté, et en même temps, mis envaleur quant à ses sources, sa portée et ses dérivations, en rêgle généraleil s'agit de bacheliers. Dans le cas de questions disputées privées, ilssont attachés à l'école du maítre qui préside. Dans le cas de disputesordinaires (solennelles ou publiques), ils peuvent provenir d'autres écoles(cf. p. 53 et p. 56). Par conséquent, si dans une question disputéeinterviennent, par exemple, des bacheliers d'ordres religieux différents,on a lâ un indice du caractêre public de Ia dispute (et il faudra donc Iaclasser comme une questio disputata ordinaria). En plus, l'identificationd'un personnage comme respondens ou opponens dans une questiondisputée donne à penser qu'à ce moment il était encore bachelier. Maisce principe doit être appliqué avec prudence: à lui seul il ne constituepas une évidence suffisante car parfois certains maitres prenaient partaux disputes publiques de leurs collêgues, et en d'autres cas on n'exigeaitpa le rang de bachelier (cf. p. 54: à Oxford on n'exigeait qu'un nombreimp rtant d'années d'études théologiques),

1.4. Les trois principes énoncés ci-dessus me semblent applicables auxque tions disputées des Facultés de Droit et de Médecine.

1.5. Pour Ia Faculté des Arts, le maítre joue un rôle encore plus grandcar il ne semble pas compter sur Ia collaboration bien définie desb cheliers. De ce point de vue, il mérite de plein droit le titre d'auteurde Ia questiono Dans les disputes solennelles, il semble que seuls lesmaítres étaient autorisés à participer à Ia discussion. Dans les disputesprivées, les bacheliers intervenaient de maniêre plus active commerépondants, mais c'est toujours au maitre qu'il revient Ia responsabilitéde ces sophismata, impossibilia et insolubilia qui constituent le fruit de cesdisputes (cf. p. 86-87).

Si nous quittons maintenant le terrain de Ia dispute qui est un actepropre du maítre (Ia quaestio disputata) pour celui des exercices scolaireset des épreuves de compétence professionnelle, d'autres rêgles s'ajoutentur ce point.

1.6. Dans Ia quaestio temptativa (cf. p. 101), il y a deux auteurs. Commeil 'agi sait pour le répondant d'une véritable épreuve de candidature (augrade de bachelier sententiaire), on lui accordait le privilêge de choisirle ujet de dispute, et três probablement sa participation dans Ia séancede di eu ion était-elle plus active que d'habitude afio de permettre aux

R GLES DE CRITIQUE PROPRES AU GENRE 125

autres bacheliers présents de se former une opinion fondée sur ses talentdialectiques et sa formation doctrinale. Mais le maitre devait toujoursdonner Ia determinatio et les réponses finales aux objections. Dans cesens, il continue d'être l'auteur principal (même si Ia collaboration dubachelier biblique a dü être particulierement intense dans Ia préparationdes matériaux de Ia dispute). Au moment de faire l' édition de Ia questiondisputée, il récupêre entiêrement son rôle d'auteur.

1.7. Dans Ia quaestio collativa, (cf. p. 103) l'auteur est le bacheliersententiaire, car c'est lui qui a choisi le sujet et assure Ia soutenance.

Ce privilêge n'allait pas sans certains dangers, et il a donné lieu à desabus qui n'ont pas échappé à Ia critique des contemporains (cf. p. 104-

105 et n. 291).1.8. La sorbonica est toujours l'ceuvre de bacheliers, même .si des

maitres pouvaient intervenir - et leur participation se fit de plus en plusréguliêre au fur et à mesure que Ia sorbonica gagnait du prestige. Tant leprieur du Collêge de Sorbonne que le magister studentium, qui présidaientles séances selon les différentes époques de l'année, étaient des bacheliers(cf. p. 108). Quant aux choix des thêmes, on a vu aussi qu'il revenaitau magister studentium.

1.9. Pour ce qui conceme les épreuves ou examens de candidature àIa maitrise (vespéries et aula) il n'est pas facile de déterminer l'auteur.Voici cependant les principes qui découlent de notre recherche:

a) Le choix des quatre questions qui composent ces deux événementsrevient au candidat à Ia maitrise qui est déjà licencié (cf. p. 113, n. 325).

b) Si le récipiendaire agit comme candidat à Ia maitrise pendant lesdeux disputes des vespéries, il doit être considéré comme un véritablemaitre lorsque les deux autres disputes constituant l'aulique ont lieu, caril reçoit le birretum magistral au début de Ia cérémonie (cf. p. 118).

c) La premiêre question disputée des vespéries (Ia expectativa magis-trorum) est présidée par le maítre responsable du candidat, à qui revientaussi Ia responsabilité de fournir les premiêres objections. D'autresobjections sont formulées par des bacheliers. Le répondant était aussiun bachelier qui proposait une solution et répliquait seulement auxarguments du maitre. Il n'y avait pas de détermination. La notiond'"auteur" semble s'etfacer dans cet exercice plutôt communautaire.

d) La deuxiême question des vespéries est certainement l'reuvre ducandidat; non seulement il a choisi le sujet, mais il assume presqueentiêrement Ia responsabilité de Ia solution doctrinale, bien qu'à l'intérieurd'un cadre un peu rigide qui ne lui laisse pas Ia possibilité de s'étendre

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I 6 IIAPITRF IV

ur Ia que tion c mme il p urrait le v uloir (cf. p. 114). Cet inconvéniente t atténué par Ia po ibilité que le candidat aura de revenir sur le sujetdan a re umpta.

e) Dan Ia troisiême question (premiêre de l'aulique), exercice diaIectiquec mmunautaire, Ia notion d'''auteur'' s'efface car Ia responsabilité dud roulement est distribuée entre plusieurs acteurs, dont aucun ne parvient

une véritable détermination (cf. p. 118). Ce n'est qu'à Ia fin de Iac rérnonie que le magister aulandus reprendra cette question et ébaucheraun príncipe de détermination (cf. p. 119). n aura l'occasion de précisera olution dans Ia resumpta.f) La quatriême question (deuxiême de I'aulique, ou quaestio magistrorum)

e t encore un autre exercice diaIectique communautaire mené par quatremaitres qui disputent par paire sans qu'une solution définitive soit apportée.

n ne aurait pas parler d'''auteur'' en ces conditions (cf. p. 119).) La resumpta marque le début de l'enseignement régulier du nouveau

maltr , et relie le cycIe des épreuves à celui des actes magistraux. Ellet un véritable determinatio, et le rang d'''auteur'' lui appartient de plein

dnut. 'cst n elle que les problêmes concemant l'auteur des vespéries·1 ti I' ruliqu trouvent leur réponse. En effet, discussions communautaires

(nu, 011 ti vrait dire, corporatives), les quatre questions disputées pendantI rem ini d'inception n'ont vraiment pas d'auteur. Seules Ia deuxiême·1 1I Iro,si 111 en auront un lorsqu'elles seront assumées par le nouveau

• 11 111. lun: I' xercice régulier de ses fonctions (cf. p. 120-121).

2. LA NATURE DU TEXTE

N rmaIement ce paragraphe aurait dü précéder celui qui vient de'achever. Ille suit parce que nous avons fait du problême de l'''auteur''

un élément décisif pour déterminer l'espêce de dispute dont il s'agit.2.1. Pour être rangé dans l'espêce "question disputée", un texte doit

être l'oeuvre d'un maitre. Les similitudes formelles que d'autres espêcesde di putes peuvent avoir avec Ia question disputée ne suffisent pas pourc mpenser I'absence de ce trait fondamentaI. Ceci est particuliêrementimportant pour distinguer une question disputée des autres formes dedi putes outenues par les bacheliers, lesquelles peuvent offrir une structureernblable à celle de Ia dispute magistrale. Parfois ce sont seulement des

d nnée provenant de Ia critique exteme qui feront décider de Ia natured'un texte; par exemple, si on a Ia preuve que celui qui présidait une

R L < D RlTIQ PR PR AU ENR L27

di pute n'avait pas, à cette date, l'âge requis pour Ia maitrise, on peutd uter qu'il s'agisse d'une question disputée.

2.2. Pour distinguer une question disputée d'une dispute quodlibetale,le meilleur critêre reste Ia variété des sujets soumis à discussion (dequolibet) et, si on peut en décider par les allusions des manuscrits, Iadiversité de participants, (a quolibet) surtout s'il s'agit de maitres (et nonpas seulement des bacheliers) qui interviennent dans l'élaboration ducadre de Ia dispute. Ce n'est pas là pour nous le trait fondamentaI quidistingue les deux espêces, mais le plus pratique. (La distinction fon-damentaIe est celle qui oppose un acte d'enseignement régulier à un acteplutôt exceptionnel.)

2.3. Pour distinguer une question disputée privée (in scholis) d'unequestion disputée ordinaire, on peut faire appel à deux critêres :

a) Dans les questions privées, le respondens et l'opponens sont des ba-cheliers attachés au maitre qui préside; dans les questions ordinaires, ilspeuvent venir d'autres écoles (cf. p. 53 et 56-57).Parfois les manuscrits don-nent le nom de ces auxiliaires. Si on parvient à établir, par exemple, quele répondant d'un maitre dominicain est un bachelier d'un autre ordre,on pourra y voir un indice qu'on se trouve devant une question ordinaire.

b) Un autre élément réside dans l'extension d'une question disputée.Nous croyons avoir montré (cf. p. 76 svv.) que les 21 articIes de Iaquaestio de anima de Saint Thomas n'ont pu être disputés dans unemême session, et qu'ils ont dü faire l'objet de plusieurs disputes privées .Pour une question ordinaire, le contenu doit s'enfermer dans une sessionde trois ou quatre heures.

2.4. Étant donné que l'édition des questions disputées permet au maitrede prendre de Ia distance vis-à-vis des discussions réelles, et qu'il trouvelâ le moyen de mettre en vaIeur et de ramas ser plusieurs de ses effortspédagogiques, il n'est pas surprenant qu'une édition soit le résultat de Iarefonte et de Ia synthêse de matériaux provenant soit de questions privées,soit de questions ordinaires, lesquelles ont été organisées dans une suiteplus ou moins unifiée.

2.5. L'identification d'une quaestio temptativa est três difficile. Ellepourrait se fonder sur une participation spéciaIement active du respondens(cf. rêgle 1.6). Or cela n'est perceptible que si on dispo se de Ia reportatiode Ia séance de discussion. Déjà dans Ia séance de détermination, lemaitre réorganise les matériaux de Ia dispute et le rôle du répondants'efface devant son intervention. Cette tendance s'accentue lorsqu'onpasse aux questions éditées. Ici le maitre récupêre son rôle d'auteur et

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128 CHAPITRE IV

il devient presque impossible de savoir si à l'origine d'une questionordinaire se trouvait une quaestio temptativa.

2.6. Pour décider qu'une dispute est une quaestio col/ativa, on possêdeplusieurs indices (cf. p. 102-105).

a) Rapport au Livre des Sentences. Les quaestiones col/ativae étaientsoulevées à l'occasion des principia des bacheliers sententiaires, quiprenaient comme point de départ un problême théorique posé par l'eeuvrede Pierre Lombard.

b) Lorsqu'il fut décidé que Ia lecture des quatre livres se ferait aucours d'une année, il fut établi quatre périodes pour que les bachelierspassent leur principia. Le résultat en est que les recueils de questionescol/ativae peuvent présenter aussi une structure quatripartite.

c) Le bachelier qui préside fait allusion à des objections ou à desarguments élaborés par d'autres bacheliers à l'occasion de leurs principia.11est pourtant diflicile de décider si ceux-ci étaient présents à Ia disputeou si le bachelier reprend des problêmes exposés par ses collêgues ensessions indépendantes de Ia sienne. Le cas des bacheliers appartenantà l'ordre des Frêres Prêcheurs est privilégié: puisqu'ils étaient les derniersà soutenir leur principia, ils pouvaient répondre à tous leurs prédécesseursdes autres ordres ou du clergé séculier (cf. p. 103) Mgr Glorieux a publiédes quaestiones col/ativae de Jean de Falisca, et ce matériel peut servirde guide dans l'identifícation d'autres textes de même nature (cf. p. 103,n. 284). L'ordre de préséance des bacheliers livre un critêre supplé-mentaire: il serait diflicile de proposer un carme comme auteur d'unesérie de quaestiones col/ativae dont Ia premiêre contient déjà des allusionsà des arguments proposés par d'autres bacheliers, car les carmes étaientles premiers à avoir leur principia.

d) 11se peut que Ia quaestio col/ativa soit précédée d'un sermon, quifait l'éloge du Livre des Sentences et explique son contenu, et d'une"protestatio fidei". L'absence de ces éléments n'est pas un argumentcontre Ia nature du texte: le reportateur ne voyait peut-être pas d'intérêtà conserver cette premiêre partie du principium.

2.7. La sorbonica s'identifie aussi par son rapport au Livre des Sentences,par les limites imposées à Ia participation du répondant (cf. p. 107) etpar l'absence de séance de détermination (p. 108).

2.8. Les disputes soutenues lors de l'agrégation d'un nouveau maitre(vespéries, aulique) sont reconnaissables à plusieurs traits:

a) Possibilité d'une structure quadripartite (si le reporteur a conservél'écho des quatre questions soumises à discussion).

R GLES DE CRITIQU PR PRE AU GENRE 12

b) Courte étendue et structure simple de I'expectantia magistrorum (cf.p. 114). Celui qui répond n'est ni le maitre qui préside, ni le licencié quiattend son incorporation à Ia corporation (vesperiandus).

c) La deuxiême question des vespéries fait normalement allusion auvesperiandus, car c'est lui qui assume le rôle de répondant. La structuren'est pas simple, et elle peut présenter des schémas variés en dépit desdispositions des statuts (p. 115). 11est possible aussi que Ia reportatioait transmis des fragments de l'éloge de l'Êcriture et du récipiendaireque le maitre président faisait à Ia fin des vespéries, avant d'annoncerIa date de l'aulique.

d) L'aulique peut comporter des allusions à Ia présence du chancelier,à l'imposition du birretum, à l'aula episcopi ou à un autre local importantde l'université ou a eu lieu Ia dispute, à Ia "recommendatio sacraescripturae" que devait faire le nouveau maitre (p. 118).

e) La troisiême question (lere de l'aulique) se singularise par le faitque le magister au/andus et le magister au/ator n'interviennent que pourformuler des objections contre le bachelier répondant (p. 118).

f) La derniêre question (2e de l'aulique) a une structure typique: quatremaitres y disputent par paire (cf. p. 119).

g) Ultime indice important: une terminologie propre aux cérémoniesd'agrégation: "vespéries", "expectativa", "quaestio magistrorum", "aula","inceptio", et ses dérivés.

2.9. La resumpta risque d'être confondue avec Ia determina tio d'unequestion disputée. En effet, les deux reprennent des éléments d'unediscussion antérieure, et dans I'une et l'autre, le président est un maitredans l'exercice de ses fonctions (cf. p. 121). Certains éléments pourraientcependant aider à identifier Ia resumpta: des allusions aux cérémoniesd'agrégation (vespéries ou aulique) et à l'éloge de l'Êcriture Sainte par .lequel le maítre inaugurait sa régence.

3. L'ÉTAT DES TEXTES

La tradition manuscrite peut se présenter sous plusieurs formes quicorrespondent à différents moments des questions disputées et à différentesétapes du processus d'élaboration du matériel discuté.

Une question disputée offre deux étapes: discussion et déterminationmagistrale. De ces séances on peut avoir deux types de témoins: desreportationes prises par des assistants, des reportationes faites par le socius

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130 HAPITRE IV

ou secrétaire du maitre. En outre celui-ci, une fois finie Ia dispute, pouvaitreprendre tout le matériel reporté afio de le revoir, le mettre au point eten faire une édition. L'édition, à son tour, pouvait présenter des formesdifférentes selon le degré de travail que le maitre y apportait. Voyonsplus en détail ces formes de Ia tradition manuscrite.

De Ia séance de discussion on peut avoir, en premier lieu, une reporta tiofaite par un des assistants. Les bacheliers étaient obligés d'assister auxdisputes et d'y participer comme opponens ou comme respondens.F. Pelster a mis en relief l'importance que revêtait pour un bachelierl'acte de recueillir les discussions auxquelles il assistait afio de se préparerpour ses éventuelles participations dans les disputes. Les jeunes candidatsfaisaient le "tour des écoles" et prenaient note des principaux argumentsdiscutés et des réponses qu'ils suscitaient. Des manuscrits contiennentainsi de véritables trésors: ils apportent l'écho des disputes soutenuespar différents maitres pendant Ia période ou le bachelier faisait sonstage 355.

De Ia premiêre séance de discussion on peut avoir aussi des reportationesfaites par le "socius" du maitre 356. Ce dernier avait besoin d'un boncompte rendu, afio de préparer sa détermination et ses réponses auxarguments débattus. Il comptait pour cela sur son assistant, un de sesbacheliers probablement, ou encore un de ses frêres d'Ordre, qui prenaitnote des objections et des réponses du responsalis. C'est sur Ia base dece texte que le maitre organisait Ia deuxiême séance de Ia dispute.

Évidemment, si on se trouve devant des reportationes isolées faites parun étudiant ou par un socius, on ne saurait les distinguer. Les deuxprésentent les mêmes traits externes; elles reproduisent les alternativesde Ia discussion dans l'ordre ou elles se sont présentées; elles sontmarquées par ce désordre relatif propre à une discussion vivante, parfoisacharnée 3S7. On peut cependant identifier une reportatio d'étudiant par Ia

m Les cas des manuscrits Assisi 158 et Worcester Q. 99 sont typiques dans ce sensoCf. LITTLE-PELSTER, Oxford Theology ..., p. 7-8: "These reports, it is true, were not writtendown at the actual moment ofthe disputations, but are based on such immediate reports".Cf. aussi, P. GLORIEUX, Jean de Saint-Germain, maitre de Paris et copiste de Worcester,dans Mélanges A. PELZER. Louvain, 1947, p. 521-522, et supra, n. 130. Un autre cas estcelui du Ms. Douai 434 (cf. P. GLORIEUX, Les 572 questions du ms. de Douai 434, dansKTAM, 10 (1938), p. 123-267.

JS6 Cf. supra, n. 48.'" P. MANDONNET, S. Thomae Aq. Q. disputatae ... , p. 10: "Les objections proposées

et résolues, au cours de Ia Dispute, sans ordre préétabli, présentaient finalement unematiêre doctrinale assez désordonnée, moins semblable cependant aux débris d'un champde bataille qu'aux matériaux demi-ceuvrés d'un chantier de construction".

R L DE RITIQU PROPR AU GE RE l31

n ture du recuei! ou elle se trouve. Le cas du manuscrit ASSISI 158 estpre que un modele du genre. Il s'agit d'un cahier d'étudiant ou celui-cin recuei1li plusieurs séances de disputes, soutenues par des maitreslifférents. Cela seul suffirait pour éviter de premire ces reportationesc mme l'eeuvre du socius. Mais un autre détail peut révéler I'origine dutcxte lorsque le nom des maitres n'est pas indiqué. Entre Ia séance dedi cussion et celle de détermination, un certain temps pouvait s'écouler.Pcndant cet intervalle, le bachelier pouvait assister à d'autres disputes,desquelles il faisait aussi des comptes rendus. Puis il assistait à Ia séancede détermination d'une question antérieure à laquelle il avait participé 358.

e résultat est un recueil ou Ia reportatio de Ia discussion est séparée decelle de Ia détermination par une série de comptes rendus d'autres séancesde dispute. C'est là un signe sür que Ia reportatio est un document privéd'un étudiant 359.

Nous n'avons pas pu identifier des reportationes comme étant des no-tes prises à l'intention du professeur. Mais notre hypothêse n'est pas seule-ment exigée par le sens commun (Iemaitre avait besoin d'une copie person-nelle de Ia séance de discussion), elle peut aussi être vérifiée indirecte-ment par le biais de Ia deuxiême séance de Ia dispute, à savoir Ia determi-natio.

Prenons par exemple la reportatio des déterminations des questions disputéesDe caritate, soutenues par saint Bonaventure 360, et eomparons le texte de eertainesbjeetions et les réponses de Bonaventure:

uaestio V, obj. 14: Item, peeeatumattenditur penes aversionem a summobono. Aversio illa nihil est. Igitur siDeus punit pro illa, ergo puniet pronihilo; quod est ineonveniens, quodaliquis puniantur pro nihilo aeternum.

Q. V ad 14 m: Ad illud: Deus nonpunit pro nihilo, ete.; dieendum quodDeus punit voluntatem pro peeeatoquod est nihil. Sed quamvis peeeatumsit nihil, tamen eo quod peeeatum sitprivatio boni debiti esse, ipsa voluntasiuste punitur. Unde ipsa privatio boni

m Probablement à Ia séance de détermination de son maitre, si l'on adopte l'hypothêsede Glorieux selon laquelle les séances de discussion étaient publiques, mais celles dedétermination étaient réservées seulement aux étudiants du maítre qui présidait Ia dispute.

m Cf. LITTLE-PELSTER, Oxford Theology ..., p. 229 et les cas des déterminations deutton et de Segrave analysés par A. Little.,.. Éditées par P. GLORIEUX, Saint Bonaventure, Questions disputées De caritate, De

novissimis. Paris, 1950.

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1 2

Q. VI, obj. 19: Item, effeetus operistlcnditur eeundum effieaeiam virtu-

ti .ut P tct in visu; quanto virtus visivat f rtior, tantum videt magis remo-

turn ; unde infinite distans non potestvid ri finita virtute. Essentia divina11I/ Illt li. tat ab intelleetu ereato; ergo,

IIAPITRI: IV

dcbiti e t cau a uffieien puniti nis,Velquamvi peeeatum in se ab traetumnihil sit, tamen ratione aetu abstraetia1iquid est, ne sit privatio ratione aetused ratione inordinationis eirea aetum.

Ad illud quod ipsi corrumpuntur inpoenis, ete.; dieendum quod eorruptioaeeipitur ibi large pro afflietione etdehabilitatione abono gloriae; ipseautem arguebat ac si proprie, quandosciJieet aliquid abieiatur a substantia.Q. VI, ad 19 m: Ad illud: Deus curoinfinite distet non potest cognosci, etc.;dieendum quod non potest eognosciinfinitate sua, sed modo finito cognos-citur.

Ad illud Damasceni : quod non potestcogitari, non potest cognosci ; Deus esthuiusmodi, quia est super omnemcognitionem ; dicendum quod non potesteogitari in plenitudine suae sapientiae,potentiae et bonitatis naturae in via;potest tamen apprehendi.

Ad illud de libero arbitrio : quidquidscimus comprehensum tenemus, dicen-dum quod verum est de eo quod seiturapprehendendo solum.

La différenee entre I'énoncé de I'objeetion telIe qu'elle est reportée par leribe au début de Ia question et telle qu'elIe apparait dans Ia réponse du maitret frappante. ElIe ne s'explique que si le maitre avait sous ses yeux une reponatio

pr pre de Ia séanee de diseussion, ou I'objeetion était transmise de façoncomplete, et qu'il utilisait pour élaborer sa réponse 361. Cette reportatio était un

)4, es exemples donnés ne sont pas les seuls. On pourra en trouver plusieurs autresn parcourant le questions De caritate. La distinction entre reportatio d'étudiant et reportatio

farte par I'assistant du maitre est visible dans le conflit qui opposa Nicolas Trivet auhancelier d'Oxford. Nicolas avait pris connaissance des thêses soutenues par le Chancelieru moyen des reportationes d'étudiants: " ... recitabo rationes ut concipere potui ex dictis

larium qui eas michi detulerunt ...". li connait les limites de ce type de versions et ilplaint à son tour que sa pensée ait été mal saisie par son propre assistant: " ... et dico

in primis quod reportator meus non bene concepit. Non enim dixi ..." (cités par P. GLORIEUX,I a littérature quodlibétique ...• p. 52).

R 133. D RITl U PROPR AU GE R

li ~matériaux que le maitres utilisaient pour mettre au point l'édition de leurs1)\1 ti n di putées. Nous y reviendrons.

Pour Ia détermination du maitre, on possêde aussi des reportationesdirc te (ou des copies des reportationes). On a signalé déjà Ia différenceprincipale qui existe entre celles-ci et les comptes rendus de Ia premiêres ance : un ordre plus grand, un certain degré de systématisation, fruitlu travail du maítre qui a repris les matériaux de Ia discussion pour lesmettre au point et pour leur donner une meilleure cohérence 362. Cercmaniement conceme évidemment les objections et les interventions dur pondant. Probablement celui-ci collaborait-il au remodelage du matérielt en profítait-il pour donner plus de rigueur à sa réponse. Mais c'est

s n intervention qui, en général, était soumise à des coupures, le maitren'étant intéressé qu'â rappeler, de façon synthétique, Ia réponse donnéepar son bachelier afin de pouvoir mettre en relief sa propre solution 363.

Dans Ia séance de détermination, le plus grand intérêt était porté àIa réponse du maitre, Pour les objections, les scribes se permettaientparfois de les synthétiser, et ils n'hésitent pas à le reconnaítre : "Multaauctoritates fuerunt adductae; sed propter brevitatem dimisi scribere"(S. Bonaventure, Q. de caritate, q. VIII, p. 72). Ainsi donc Ia reportatioe t déjâ une version modifiée de Ia discussion originelle: en raison duremaniement des matériaux opéré par le maitre, par l'intervention d'uncribe qui opere comme un autre filtre sélectif.

Probablement l'assistant qui avait préparé pour son maitre une reportatiode Ia premiêre session remplissait-il les mêmes fonctions dans Ia deter-minatio. Mais cette fois son rôle était plutôt supplétif. Le maitre allait àcette deuxiême séance muni de notes, peut-être assez élaborées, qui luipermettaient de donner une réponse organique et bien structurée auproblême discuté. Les nouveaux maitres étaient même autorisés à préparerleurs réponses par écrit à l'occasion des séances inaugurales et parti-culiêrement de leur resumptio, comme nous l'apprend Pierre d'Ailly dans

162 Cf. P. GLOR1EUX. L'enseignement ...• p. 176.J'J LITTLE-PELSTER, Oxford Theology ...• p. 139: "Further, one recognizes everywhere in

the second version the careful emendations and additions which betray the hand of theultimate author. The reportatio was in the first place an aid to the memory for thehearer; with its help he could to some extend recall to mind the course of the discussion.The determinatio in its literary form was especially intended for persons who were notpresent; it had therefore to be much more accurate and detailed. Only in one point couldit often abbreviate. The chief stress was laid on the solution which the master himselfgave and on his answers to the difficulties. He could therefore give a summarized versionof the replies of the respondent. In fact this is the case in most edited questions".

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134 CHAPITRE IV REGLES DE CRITIQUE PROPRES AU GENRE 135

une lettre de 1388 à Ia Curie Romaine. Il s'agit d'un rapport sur lesthêses hétérodoxes soutenues par Jean de Montesono O.P. dans sesvespéries et sa resumpta, que Pierre a eu I'occasion de tire "ex quatemosuo propria manu scripto" 364. Ce besoin d'avoir par écrit les lignesprincipales de Ia détermination était plus grand pour les questions dequolibet, étant donné que les matériaux provenant de Ia discussion devaientêtre plus considérables 365.

Le trait saillant qui distingue les reportationes de Ia premiêre et de Iadeuxiême séance d'une dispute est donc /'ordre progresslf et /'organisationcroissante des éléments. Mais le processus de systématisation ne s'arrêtaitpas lâ. Une fois que le maitre avait fini sa determinatio, il devait revoirle compte rendu de Ia séance, procéder à une mise au point du texte,et faire finalement deux copies: une pour le bedeau général de I'université(qui Ia transmettait probablement aux stationarii) et une qu'il gardait.Telles étaient, au moins, les dispositions de Ia Faculté de Droit àParis 366.

Les théologiens, pour leur part, au moins pendant le Xlfle siêcle etIa premiêre moitié du XIVe, préparaient avec beaucoup de soin uneédition de leurs questions disputées. Ils rassemblaient les matériaux deplusieurs disputes, à travers lesquelles ils avaient examiné différentsaspects d'un grand problême, et rédigeaient ainsi un véritable traité surle sujet. Parfois I'effort de rédaction n'atteignait pas du premier coup à

Ia perfection visée par I'auteur. "On possêde ainsi parfois deux, ou mêmetrois essais, avant le texte définitif. Exemple dans Jean de Falisca" 67.

Un autre exemple de rédaction successive, accompagnée d'un approfondi -sement progressif des exigences théoriques de Ia question disputée, se rencontrechez Richard de Mediavilla. "Au point de vue doctrinal, Ia Quaestio de unitateformae représente, à notre avis, Ia premiêre rédaction, écrite sous Ia dictée dumaitre, d'un ouvrage non encore élaboré. Cet ouvrage se retrouve mieux composet plus développé dans Ia Quaest. dispo 39 et arrive à son élaboration ultimedans le De gradu formarum" 368.

Parfois I'état relativement imparfait de certaines questions donne àpenser que le maitre, malgré ses efforts, n'est pas parvenu à une roi cau point définitive. Te! semble le cas des Quaestiones de anima separatade Bemard de Trilia 369.

Le travail de correction rédactionnelle des matériaux provenant de Iadispute réelle était en effet long et lourd. Il demandait au maitre ungrand effort qui se superposait à ses tãches réguliêres. Un manuscrit atransmis le texte original d'une question disputée préparé pour I'éditionet permet de saisir cet effort sur le vif: il s'agit du Vat. lat. 781 quicontient les questions disputées De veritate de saint Thomas. Le PêreA. Dondaine l'a analysé et il a foumi de bons exemples du travail, deI'effort d'invention et de formulation nouvelle de Ia pensée, accompli parl'auteur 370.

L'édition est donc l'état final d'une dispute. "Il faut chercher Ia pen édéfinitive de I'auteur plutôt que Ia physionomie des séances ou cell 'ifut exposée" 371. Et ce serait une erreur méthodologique grave de refuirsur cette seule base le tableau de Ia dispute réelle. Cependant des fra m '111

de Ia dispute réelle se glissent dans les éditions et on peut, à p li til,d'elles, se faire une idée approximative de cette activité académiqu qUI

occupa le centre de Ia vie universitaire au Xlfle et au XIVe i '1 1/

Signalons qu'un maitre soutenait parfois deux séries de questions disput .•.sur un même sujet. Dans ce cas, on se trouvera en présence de d ·uxéditions dont les discordances ne tiennent pas à un degré différontd'élaboration du matériel. L'exemple des Quaestiones de anima VI ct de'

'64 Cf. Chart. III, n. 1564, p. 502,'6' Cf P, GLORIEUX. La Iittérature quodlibétique '''o p. 45-46.'66 DENIFLE-EHRLE, Archiv for Lit. u. Kirchengesch .• 3 (1887). p. 322. rubrica 46;

MALAGOLA. Statuti dell' Univ. dello Studio Bolognese, 1888. p. 409 (cit. par EHRLE. I piúantichi statuti ...• p. cxcl, n. 3): "Expedit quod disputatarum questionum et repetitionumcopia possit haberi. Quare statuimus, quod doctor disputans vel repetens per se vel peralium questionem vel argumenta et solutionem suam. prout melius poterit, recolligat etin grossa littera in pergameno conscribat, vel eo dictante per alium conscribantur, necalii istud officium dictandi commitat sub debito iuramenti. Decernentes quod ipse doctorquestionem sic disputatam vel repetitionem correctam et examinatam per eum, ut supradictum, vel repetitionis facte, in virtute prestiti iuramenti bidelIo tradere debeatgenerali; quod si facere distulerit, penam decem ducatorum auri ipso iure incurrant deeorum salario persolvendam, quam nostre universitati volumus applicari. Et sub eadempena teneatur et debeat idem doctor in disputatione, quam in statione posuerit, respondereper ordinem iuribus in contrarium alIegatis. Volumus etiam quod copiam questionisdisputate, quam tradunt, apud se retineant doctores sub debito iuramenti. Et si hocobservari non facerent Rectores, penam decem librarum Bonon. incurrant pro qualibetdisputatione".

'67 P. GLORIEUX. L'enseignement ....• p. 178.'6' R. ZA VALLONI. Richard de Mediavilla ....• p. 173.'69 Cf. S. MARTIN. Bernardi Triliae Q. de cognitione animae separatae a corpore. Toronto.

1965. p. 14, Apparemment Bernard est mort avant de donner à son texte le "final touch".,70 Cf. A. DONDAINE. Secrétaires de saint Thomas. Roma. 1956. p. 100-108.371 P. GLORIEUX. L'enseignement ".• p. 177.m f. J.P. TORRELL. La théorie de Ia prophétte ".• p. 113 et supra. n. 156-158.

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136 11 (>1'\ RH IV

Quaestiones de anima XIII de Mathieu d'Aquasparta illustrent bien cecas 373.

Três souvent les maitres soumettaient à dispute les thêmes sur lesquelsils travaillaient dans leurs ouvrages indépendants de l'enseignement. Ilsdisposaient là d'un véritable chantier de travail ou ils mettaient à l'épreuveleurs thêses. Dans ce sens, on a pu voir dans les questions disputéesl'antécédent des Sommes et des Traités. Les éditions de disputes, parfoishautement élaborées comme celles de Thomas d'Aquin, d'Henri de Gand,de Jean Duns Scotus ou de Thomas Wilton, pour ne citer que quelquesexemples, s'inscrivent ainsi au coeur du processus d'élaboration de Iasynthêse théologique de Ia scolastique.

4. LA DATE D'UNE QUESTION DISPUTÉE

4.1. Puisque le droit de soutenir des questions disputées était réservéaux maitres, il faut tenir pour rêgle qu'une question disputée d'un auteurest toujours postérieure à sa promotion à Ia maitrise. Inversement, sicette date de promotion n'est pas connue, celle de Ia question disputée- établie par Ia critique interne et externe - apprendra à quelle époquel'auteur a été reçu dans Ia corporation des maitres.

4.2. Cette rêgle générale doit être appliquée avec certaines nuances,particuliêrement pour les auteurs des ordres mendiants pendant Ia premiêremoitié du XIIle siêcle : on a vu que Thomas d' Aquin avait commencéses Questions disputées De veritate avant d'être accepté dans Ia corporation(cf. p. 79).

4.3. Comme corollaire de cette rêgle, il ne faut pas s'efforcer de situertoutes les questions disputées d'un auteur pendant sa régence : des maitresnon régents pouvaient aussi soutenir des disputes ordinaires (p. 52).Inversement, si Ia critique interne et externe oblige à étaler des questionsdisputées d'un auteur pendant une longue période, il ne faut pas enconclure que sa régence a duré toute cette période. L'élément décisifpour établir les années de régence d'un maitre consiste en Ia date de sesquestions disputées privées (in scholis). Inversement, les questions privéesdoivent être placées pendant Ia période de régence d'un maitre.

4.4. Cette période de régence ne commence pas nécessairement avecIa licence, mais avec les cérémonies d'agrégation (vespéries et aulique).

m Elles ont été publiées par AJ. GoNDRAS dans AHDLMA, 24 (1957) et dans Iacollection "Êtudes de Philosophie Médiévale", L (Paris, 1961).

RI' L D' RITI ) t>R PRE AU R 1 7

Au i faut-il tenir compte, pour établir Ia date de ces disputes et de Iaresumpta qui est leur suite, que les années jubilaires étaient généralementle années impaires (cf. p. 109).

4.5. Plus les cérémonies d'agrégation sont solennelles, plus elles ontune date tardive (cf. p. 113).

4.6. Lorsque Ia critique établit que de nombreuses questions disputéesd'un maitre constituent une série suivie, c'est là un indice qu'elles ontété soutenues pendant Ia premiêre année postérieure à son inceptio,période pendant laquelle il était censé disputer três souvent (cf. p. 71).Cette rêgle exige cependant beaucoup de prudence, car les statuts laissentune grande liberté au maitre et Ia vie universitaire semble régie plutôtpar le zêle professionnel que par Ia lettre des rêglements.

4.7. Lorsqu'on a affaire à des questions disputées ordinaires, c'est-â-dire solennelles, il faut éviter d'outrepasser les possibilités temporellesd'une année académique. Ainsi, avant de placer dans une même annéeun grand nombre de questions disputées ordinaires d'un maitre il fautse rappeler: a) qu'elles interrompaient l'enseignement des collêgues ; b)que certaines universités n'acceptaient pas plus d'un acte solennel parsemaine (cf. p. 71, cas de Paris), et que, si d'autres demandaient qu'onorganise au moins une dispute ordinaire par semaine, cela se faisait suivantun systême rotatif, ce qui empêchait qu'un seul maitre accaparât toutesles possibilités (cas d'Oxford, ibidem); c) que le nombre de semainesdisponibles se calcule pendant Ia période qui va du 10 octobre au 29juin, ou peut-être du 10 octobre jusqu'à Pâques (cf. p. 74-75); d) quece nombre doit être confronté avec celui des maitres régents d'uneuniversité, pour juger des possibilités offertes à chaque maitre; e) quemême si un maitre pouvait disputer plus souvent en raison du manqued'intérêt de certains de ses collêgues pour ces exercices, il n'est pasprobable qu'il ait pu de beaucoup excéder Ia moyenne; f) qu'au XIVesiêcle, le nombre de semaines disponibles s'est rétréci davantage encoreen raison de l'augmentation des périodes assignées aux principia desbacheliers sententiaires (cf. p. 73-74). L'historien qui est tenté de situer dansune même année un grand nombre de questions disputées ordinaires d'unmaitre, doit donc tenir compte de toutes les autres questions ordinairessoutenues par d'autres maitres pendant cette même année, afio de vérifiersi le total est compatible avec les possibilités temporelles. Si Ia critiqueinterne et externe continue de suggérer à l'historien une même année pources questions, il devra conclure qu'au moins certaines d'entre elles sont desdisputes privées ou qu'elles sont simplement fruit d'une rédaction.

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IIAI)I RI IV

4.8. tant d nné le délai entre Ia di pute réelle et Yédition, n d 'VI I 11111j ur rctenir l'éventualité qu'un maitre ait profité de ceue p ri • J)<l\1I111tr duire, dans Ia version écrite finale, des élément oouveaux (par "1I1f111de répon e aux réactions que Ia dispute avait provoquée apr. s II 1111t nance) qui ri quent d'induire en erreur sur Ia date de Ia di put r '11

4.9. i l'on se trouve, par contre, devaot Ia reportatio d'une di' 'U 11111r elle et i 1'00 o'y reocootre pas d'indices de participation d'un r 'pondundifférent du maitre, il faut conclure qu'il s'agit d'une dispute ant 'fi '111à 1230 (cf. p. 42). En effet, vers cette date, Ia participation d'un respondrnscmble habitude consacrée. Le rôle du bachelier s'accentuera au fUI 'I

à me ure que s'avaocera le XIVe siêcle (cf. p. 45 et 47).4.10. L'ab ence, daos une editio, de Ia série de réponses aux obj ti( n •

e t au i un signe qui porte à situer Ia date d'une question disputé av 11111230 (cf. p. 39).

4.11. Si, dans Ia reportatio de plusieurs questions disputées ordlnaires,apparait le nom d'un même répondaot, ce peut être un indice qu II, rie 'est étalée sur plus d'une année académique. En effet, les bach li 'I

n'étaient tenus de répondre que deux fois par ao daos des di putrdinaires (cf. p. 56).

4.12. Discussions vivaotes, les questions disputées, plus que les autrcnres, peuvent porter les traces des débats intellectue1s dans un mili 11

univer itaire. Elles se découvrent surtout dans les objections, dont Ic bute t précisément de fournir le cadre dialectique du probléme. 11y a lã UIl

élérnent précieux pour établir Ia chronologie rei ative des que ti ndi putée . Encore une fois, cependaot, il faut se rappeler le décalatemporel entre Ia dispute réelle et l'êdition, ce qui permet à l'aut UI

d'introduire daos son texte des réactions postérieures à Ia discussi n (cf.rêgle 4.8).

4.13. La soutenaoce des quaestiones collativae se situe aux péri d li

r ervées pour les principia des bacheliers sententiaires (cf. p. 102-10 In. 2 7). La connaissance de l'ordre religieux auquel appartiennent d ub chelier ayaot disputé daos Ia même période permet d'établir luchr nologie rei ative des questioos (par exemple, un carme di pu te touj ursvant un frêre prêcheur, cf. ibidem).4.14. La sorbonica était, au XIUe siêcle, soutenue pendaot les va anc

d' té. Au XIVe (apré 1344) elle put l'être pendant l'année acad miqu( f. p. 107). Ue avait lieu le amedi et se limitait à une euJe ane.

4.15. Ve périe et aulique e placeot dan de année impairc (jubilair )( f. r g1e 4.4).

R~GLES DE CRITIQUE PROPRES AU GENRE 139

Les questions disputées fournissent aussi d'autres éléments d'intérêtpour les études chronologiques. Les voici:

4.16. Le fait que le rôle d'opponens et de respondens était rempli pardes bacheliers (cf. p. 54) aide à établir I'âge de ces personnages: il fallaitau moins 25 aos pour être bachelier biblique.

4.17. L'auteur d'une quaestio collativa avait au moins 27 aos; on nepouvait en effet devenir bachelier seotentiaire qu'aprês avoir "lu" Ia bibleau moins 2 aos.

4.18. Le bache1ier qui intervient daos une question disputée avait alorsau moins 29 aos: il ne pouvait en effet devenir "formé" qu'aprês avoir"lu" le Livre des Sentences au moins 2 aos.

4.19. La date des vespéries et de l'aulique (aussi bien que de Ia resumptaqui leur fait suite) indique qu'à ce moment le récipiendaire avait au moins35 aos. 11 y eut pourtaot des exceptioos à cette rêgle ; ce fut le cas deThomas d'Aquin, reçu maitre avaot I'âge réglementaire.

4.20. Pour Ia Faculté des Arts, l'âge requis pour les determinationesétait de 20 aos et, pour Ia maitrise, de 21.

5. LA LANGUE

5.1. Certaines formules daos une question disputée aident à discemers'il s'agit d'une reporta tio de session de discussion ou d'un autre état dutexte. Daos Ia détermination, normalement les allusions à Ia séaoce dediscussion et à l'interveotion du répondaot sont à l'imparfait ou au passésimple. Cela est encore plus marqué pour l'édition, ou l'intervention durépondaot est réduite à une réponse aoticipée, suivie d'une oouvelleobjection de I'opponens: "sed dicebat ... contra ... " (cf. p. 67). En d'autrescas, le maitre reprend Ia réponse de son bacheliér et Ia résume pour Iacritiquer: "dixit respondeos ... sed contra istam responsionem" (cas deGauthier de Bruges).

5.2. Les argumeots avaocés autour d'un même problême offrent parfoisune similitude frappaote daos le laogage. Le fait s'explique non seulementpar Ia communication et le dialogue que les questions disputées établissaientau seio d'une université, mais aussi par certaines pratiques corporatives.Les bacheliers devaient assumer le rôle d' opponens et de respondens sousdifférents maitres afin de s'acquitter de leurs obligations. Pour mieux yréussir, ils faisaient le "tour des écoles" et ramassaient les objectionssoulevées à propos des questions disputées en vogue. Ainsi se coostituait

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140 CHAPITRE IV

un répertoire stéréotypé d'objections que reliaient les questions de maitresdifférents (cf. p. 61, n. 121). Les bacheliers contribuaient de Ia sorte audialogue intellectuel entre les maitres, et provoquaient parfois des mal-entendus entre eux, spécialement s'ils ne "reportaient" pas fídêlement àleur maitre l'opinion d'un de ses collêgues,

5.3. Dialogue et communication d'arguments et de formules établissaientdans un groupe universitaire une certaine communauté de style entre lesmaitres. L'historien doit donc être prudent quand il veut résoudre leproblême d'authenticité d'un texte anonyme par l'appel aux similitudesde style entre ce texte et d'autres d'un maitre connu.

5.4. Des manuscrits indiquent clairement Ia nature du texte qu'ilstransmettent. L'expression "q. disputate reportatae a magistro ... " signifieque le texte est l'écho tout au plus de Ia séance de détermination. Celle"q. editae a magistro ... " montre qu'il est le résultat d'un remaniementimportant par l'auteur.

5.5. L'expression "determinatio" prend un sens différent selon que let 'xt provient de Ia Faculté des Arts ou de Ia Faculté de Théologie.I to Ia premiêre, il désigne un exercice soutenu par des bacheliers (cf.p. !!!!); dans le deuxiême, il s'applique à Ia deuxiême séance d'une questiontil I ut ,celle précisément ou le maítre donnait sa position ou solution111' istrale .

. . Le cérémonies d'agrégation à Ia maitrise, qui dans Ia plupart desuniver ité ont connues sous le nom de vespéries et aulique (terminologiepari. icnnc), reçoivent à Oxford le nom général d'''inceptio'' (cf. p. 117).

in i uillaume d'Ockham n'est qu'inceptor en 1325, lorsqu'il est citécn cour d'Avignon à Ia suite d'une dénonciation de ses doctrines.

5.7. Le mot "aula" prête à équivoques. Il ne désigne les disputes descérémonies d'agrégation, que lorsque le texte précise "in aula episcopi"(ou un autre local consacré spécialement par l'université pour ces actesolennels). L'expression "in aula magistri ... " s'applique, elle, plutôt aux

que tions disputées privées ou même ordinaires (cf. p. 117).5.8. Le mot "resumpta" n'indique pas seulement Ia premiêre dispute

du nouveau maitre, mais aussi les disputes qu'un ancien maitre soutenaitlor qu'il recommençait une période de régence aprês avoir interrompu

n enseignement pendant un certain temps (cf. p. 121).5.9. Le mot "disputatio" est le terme le plus adéquat pour signifier

un genre littéraire extrêmement riche, articulé en plusieurs espêces dontn a expo é I'évolution et les caractéristiques. En tant que genre, Ia

disputatio 'oppo e, d'un côté, à Ia lectio (subdivisée à son tour en deux

REGLES DE CRITIQUE PROPRES AU GENRE 141

espêces : le commentaire littéral et le commentaire sous forme de"quaestiones super librum ... "), et, d'un autre côté, au sermon. Ces troisgenres définissent Ia triple fonction magistrale: "legere, disputare,praedicare" .

6. LA LIBERTÉ DE L' AUTEUR

Les intellectuels médiévaux, ces maitres qui soutenaient des disputes,ont été soumis à plusieurs formes de pression qui pesaient sur leur libertéacadémique. Pour Ia période qui nous conceme, celle qui a vu l'essorde Ia question disputée (XllIe et XIVe siêcles), il suffit de mentionner,comme échantillon et preuve de cette situation, les interdictions de 1210et 1215, le projet utopique du Pape qui, en 1231, voulait "corriger"Aristote, les célebres condamnations de 1270 et 1277 (pour cette derniêreannée à Paris et à Oxford), les interventions de 1'Inquisiteur de France,les condamnations de l'ockhamisme, etc. etc.

S'il est légitime de déplorer cet état de choses dans l'université médiévale,il ne me semble pas juste de considérer cette mentalité restrictive commeun patrimoine exclusif du Moyen Age. Même aujourd'hui, à l'Est commeà l'Ouest, les "dissidents" payent cher, três cher, de leurs vies même,l'hardiesse d'exposer ouvertement leurs idées ...

La question disputée est née avec Ia maturité de l'esprit scientifiquedans l'Occident latin. Elle est le résultat de Ia confluence de facteurshistoriques, méthodologiques et culturels déjà signalés (cf. p. 31-32 svv.).Nous voulons insister ici sur un facteur décisif: Ia conscience qu'ont lesmaitres de leur autorité doctrinale. Ils n'ont pu créer Ia question disputéecomme genre littéraire défini que dans Ia mesure ou ils jouissaient d'unegrande liberté intellectuelle, qu'ils exerçaient précisément comme "mi een question" de Ia tradition. La question disputée est un des instrumentles plus importants qu'ils se sont donnés pour affirmer cette liberté etcette conscience de soi, et pour chercher leur lieu propre dans l'histoiredes idées. Elle a été aussi le moyen par lequel ces intellectuels ontcontribué à consolider l'identité culturelle de l'Europe médiévale, désireused'avoir une vision synthétique, unifiée, de tous les éléments de son énorme(et parfois três hétérogêne) héritage culturel. La méthode de Ia dispute,de Ia "mise en question", s'est révélée Ia plus adéquate pour parvenir àce but. Et en Ia pratiquant, les maitres ont confírmé leur propre fonctionmagistrale et leur liberté.

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142 CHAPITRE IV

,Dans Ie cadre des questions disputées, toutes Ies autorités - Pêres deI'Eglise et philosophes grecs, auteurs ecclésiastiques et penseurs arabesou juifs - sont confrontées, sous I'reil attentif d'un maitre qui doit résoudreIeurs divergences, voire Ieurs oppositions, par une "détermination" quiconstitue un véritable acte de liberté de sa raison (scientifique outhéologique). Les jeunes intellectuels apprennent par Ia pratique cetexercice d'une raison autonome. Cette liberté ne s'affirme pas par unerupture avec Ia tradition, mais par une assomption de cette tradition dansune synthêse propre, réalisée justement par Ie moyen de Ia "mise enquestion", Cette "Aufhebung" de I'héritage intellectueI constitue une desclés de Ia grandeur de Ia scolastique.

Cette liberté avait des limites qui provenaient, pour I'essentiel, du projetmême qui I'avait suscitée: trouver un profil propre, sur Ie plan culturel,scientifique et théologique, pour Ia Chrétienté Iatine. II était inspiré parIa "fides quaerens intellectum". Dans ce sens, Ia foi ne pouvait pas être"mise en question". D'oü Ies dispositions des statuts, qui établissentclairement qu'en cas de conflit entre Ia raison et Ia foi, Ie maitre quitenait dispute devait toujours trancher en faveur de Ia foi (cf. p. 98).

Ces dispositions prêtaient à des abus de Ia part de ceux qui nedistinguaient pas entre Ia foi et I'enseignement théologique à une époquedonnée. Les études de MM. F. Van Steenberghen et R. Hissette I'ontbien montré dans Ie cas des condamnations de 1277. Ces interventionsecclésiastiques limitaient Ia liberté des auteurs, arrêtaient I'analyse decertaines questions pressantes dans Ies milieux intellectueIs, et retardaientIe progrês du projet culturel >". Les questions disputées, ces ateliers ouI'on soulevait Ies problêmes théoriques Ies plus controversés, étaientparticuliêrement exposées aux prohibitions ecclésiastiques: dês qu'unethêse était condamnée, elle cessait d'être soulevée dans Ies disputes avecentiêre liberté; si elle I'était encore, elle recevait une déterminationentiêrement conforme à Ia doctrine jugée orthodoxe.

Cependant un autre élément contribuait à défendre Ia liberté deI'auteur: Ia dispute était une pratique sanctionnée par Ia corporation desmaitres. Celle-ci -Yuniversitas - s'est affirmée avant tout face au chancelieret progressivement a réclamé et obtenu de véritables garanties pour I~liberté académique de ses membres. C'est ainsi que, face au pouvoir de

174 ~f. F. VAN STEENBERGHEN, Le philosophe au XI/le siêcle. Louvain, 1966 (Philosophesmédiévaux, IX), p. 486-488. R. HISSETTE, Enquête sur les 2/9 articles condamnés à Parisle 7 mars 1277. Louvain, 1977 (Philosophes médiévaux, XXII).

REGLES DE CRITIQU PR PR AU GENRE 143

concéder Ia licence (pouvoir que Ie chancelier n'a jamais résigné), elle adéveloppé Ies cérémonies d'agrégation à Ia maitrise, c'est-â-dire, Ies actesofficiels par Iesquels elle intégrait un nouveau membre. Et même pourIa licence, nous avons signalé qu'il est devenu presque impossible pourIe chancelier de rejeter un candidat appuyé par Ia corporation (cf. p.109). Déjà, au milieu du XIIIe siêcle, celle-ci était suffisamment forte etlibre pour résister à I'incorporation des maitres appartenant aux ordresmendiants, en dépit des pressions exercées par Ie chancelier et par IePape Iui-même. Plus tard, Iorsqu'un de ses membres - Guillaume deSaint-Amour - fut condamné par I'autorité ecclésiastique, elle ne cessade Ie défendre. Nous avons eu aussi I'occasion de voir Ie procureur deIa Faculté des Arts de Paris défendre Ia corporation devant Ie Pape faceaux accusations du chancelier. NuI maitre n'était donc seul dans Iadéfense de ses droits et prérogatives académiques. II tenait dispute àI'intérieur d'un cadre rassurant, qui protégeait sa fonction.

Ce même cadre qui assurait des libertés académiques en déterminaitaussi Ies limites. Et d'abord par voie de conventions de nature admi-nistrative ou pédagogique. Le caractêre soIenneI des questions disputéesordinaires faisait dépendre Ie maitre de I'autorisation de Ia faculté. Celle-ci distribuait Ies jours de dispute entre ceux qui Ies avaient demandés.L'université réglementait aussi plusieurs formalités de ces disputes, enparticulier Ia participation des bacheliers, Ies modalités de Ia discussion,Ie calendrier, I'ordre de préséance dans Ies interventions des participants,etc. Au fur et à mesure qu'on s'avance dans Ie XIVe siêcle, Ies rêglementsdes actes soIennels détaillent de plus en plus Ies formalités extemes. IIscontinuent toutefois d'être três souples quant aux modalités internes, d'oúIes difficultés des historiens qui veulent connaitre Ie fonctionnementconcret de Ia méthode à partir des rêglements. C'est un signe de Ia libertédont jouissait Ie maitre, et de cette priorité de Ia vie sur Ie rêglementdont a parlé Mgr Glorieux. Si I'université obligeait Ies bacheliers àparticiper aux disputes de maitre, c'était lui qui acceptait Ies candidatsaux rôles d'opponens et de respondens; lui qui choisissait Ies sujets desdisputes (sauf s'il s'agissait d'une quaestio temptativa), Iui qui avait Ie motfinal en matiêre doctrinale. Les rêglements sont três respectueux quantau contenu doctrinal des disputes et, sauf Ie serment qui obligeait Iesmaitres ês Arts à "déterminer" Ieurs disputes dans Ie sens de Ia foi, nousn'avons pas trouvé, dans Ies rêglements de Ia corporation, de mesuresdestinées à limiter Ia liberté académique de maitre.

Cela ne veut pas dire qu'à l'intérieur de Ia rp rati n il n'existait pas

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144 IIAPITR IV

de tcnsions idéologiques. li y en avait, et elles se traduisaient par différentesformes de pressiono La Faculté de ThéoIogie avait, sous cet angle, unep ition privilégiée : non seuIement elle devait maintenir I'orthodoxie,mai elle avait toujours un ceil attentif sur ce qui s'enseignait dans Iesautres facultés, particuliêrement à Ia Faculté des Arts. Une alliance entreI'évêque de Paris et un groupe de maitres en théologie donna Ia pIuscélebre condamnation du XIIle siêcle (celle de 1277), qui frappa noneulement l'aristotélisme hétérodoxe, mais aussi Ia philosophie de Thomas

d'Aquin. La liberté de "mettre en question" n'étaít donc pas absoIue, etparfois même Ies positions Ies pIus orthodoxes n'étaient pas à l'abri despressions et des attaques. Dans un cadre corporatif, Ies limites Ies pIusgrandes à Ia liberté des membres sont parfois celles qui proviennent deI'intérieur même de Ia corporation.

Tout compte fait, Ia méthode des questions disputées est l'expressiond'un três haut degré de liberté. On pourrait même dire qu'elle est Ia

n cience de Ia liberté intellectuelle de I'homme médiéval, qui s'est00; ectiv c en méthode de recherche et d'enseignement. Comme telle, elle

I UIl d grands monuments de Ia cuIture du Moyen Age.

CHAPITRE V

..RAYONNEMENT DE LA "QUAESTIO DISPUTATA"

Ce chapitre sera forcément bref, car iI n'a d'autre objectif que deprésenter de façon synthétique des données déjâ exposées dans Ieschapitres consacrés à Ia définition et à l'évoIution du genre.

La quaestio disputata sembIe avoir atteint sa forme propre dans Iesmilieux théoIogiques de Paris au début du XlIIe siêcle et elle s'estépanouie et diversifiée en pIusieurs espêces au sein de Ia corporationuniversitaire qui l'a vite sanctionnée comme une des trois fonctionsprincipales du maitre.

Dês 1230, elle présente toutes Ies caractéristiques formelles qui Ia défi-nissent. A partir de son foyer originaire, elle rayonne en deux sens princi-paux: d'abord elle devient une pratique courante dans toutes Ies facultésde I'Université de Paris (Arts, ThéoIogie, Droit, Médecine), ensuite,elle est adoptée dans Ies principaux centres intellectuels (universitaireset religieux) 'de I'Europe médiévale. Ce doubIe rayonnement s'est pro-duit três vite, ce qui souligne l'importance culturelle de Ia nouvelle méthode.

Pour Ie rayonnement vers les autres Facultés (cf. p. 85), s'iI sembIeexact de voir dans certaines pratiques des canonistes une des originesde Ia quaestio disputata, le fait est que ce sont les théologiens qui ontdéveloppé celle-ci et ont fini par I'imposer comme modêle à Ia FacuItéde Droit (cf. p. 91). II faut signaler aussi que I'adoption de cette méthode,principalement déductive, par Ia Faculté de Médecine a pesé sur Iedéveloppement de cette discipline, fait qui retiendra l'attention deshistoriens des sciences (cf. p. 90 svv.).

Pour Ia Faculté des Arts, nous croyons avoir montré que l'abondanteproduction de Sophismata, Impossibilia et Insolubilia mérite d'être classéeous le genre quaestio disputata, bien que certaines différences subsistent,

dues principalement à Ia jeunesse des participants (pour remplir le rôled'opponens et de respondens, le maitre ne comptait pas sur l'aide debacheliers aussi bien préparés que ceux des facultés supérieures, ce quifaisait porter sur lui le poids de bâtir le cadre dialectique de Ia discussion).Le but principal de Ia Faculté des Arts (Ia formation du candidat dansle disciplines auxiliaires) limitait aussi Ia portée théorique de ces disputesentre les artiens (cf. p. 85 sv.).

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146 CHAPITRE V

Le rayonnement géographique du genre mérite aussi I'attention. Laméthode est adoptée dans les différentes universités européennes, quin'hésitent pas à déclarer dans leurs statuts suivre "I'usage de Paris" ence qui concerne l'organisation et les modalités des disputes. C'est cemouvement culturel, fondé sur un modele adopté au sein de cadrescorporatifs semblables, qui rend légitime d'utiliser, par exemple, les statutsde Bologne ou d'Oxford ou de Vienne, pour comprendre ce qui se faisaità Paris (cf. p. 50).

La quaestio disputata a rayonné également au-delà des universités. Elleétait déjà pratiquée au XIIIe siêcle dans les principaux centres d'étudesdes ordres religieux, et même à Ia cour pontificale (cf. n. 79, 158). Lesstatuts des dominicains et des franciscains veillent à ce qu'on disputeréguliêrement dans leurs studia generalia, et les visiteurs de ces centres,chargés par leurs supérieurs d'assurer le respect des normes, devaientêtre particuliêrement attentifs en ce qui concerne ces exercices (cf. p.58).

La quaestio disputata devint ainsi un instrument de travail et de recherched'usage généralisé dans l'Europe intellectuelle médiévale. Elle garderacette situation privilégiée jusqu'au milieu du XIVe siêcle, Aprês cettedate, i elle continue d'être pratiquée comme exercice oral, elle ne produitplu de documents écrits de haute signification. Les maitres ne semblentplu e oucier de préparer des éditions, ce qui provoque sa disparitionprogre ive comme genre littéraire.

Mais il y a un autre rayonnement três important de Ia quaestio disputatasur leque! il faut revenir. Née comme méthode de recherche et d'ensei-gnement pour le maitre, elle ne tarda pas à susciter des exercicesformellement semblables destinés à servir d'épreuves de compétenceprofessionnelle pour les aspirants à Ia maitrise. La participation auxdisputes présidées par les maitres s'avéra insuffisante comme entrainementdes bacheliers, et Ia corporation conçut alors toutes les formes d'exercicesscolaires passés en revue plus haut, ainsi que des épreuves destinées àconstater Ia compétence des candidats aux grades universitaires dansI'accomplissement d'une des fonctions les plus importantes de Ia maítrise.Ces disputes scolaires présentent un nombre tel de caractéristiquessemblables aux disputes des maítres que nous nous sommes permis deles classer comme étant des sous-espêces de Ia quaestio disputata. Ellesont connu, au XIVe siêcle, Ia même diffusion géographique que ledisputes magistrales, et elles ont grandi en importance et en solennité -particuliêrement les épreuves de candidature à Ia maitrise - au p int

RAYO EMENT DE LA "QUAESTIO DISPUTA TA" 147

d' absorber presque entiêrement l'attention des communautés universitaires.Concluons ce chapitre en soulignant que les questions disputées,

véritables ateliers de travail et de discussion de Ia scolastique, ont donnéà I'université médiévale ce haut degré de dialogue qui Ia caractérise, carelles favorisaient l'échange vivant de points de vue, d'arguments et dedoctrines. Ce rayonnement interne constitue une des réussites les plusremarquables du genre. La méthode a rayonné aussi vers d'autres genreslittéraires. Déjà au XIIle siêcle, des "sommes" sont écrites comme sieUesétaient des questions disputées. Et, à Ia fio de ce siêcle, les questionsdisputées elles-mêmes, soigneusement revues et corrigées en vue deI'édition, sont publiées sous le titre de "sommes" (cf. p. 43 et 47). Cerapprochement forme! des genres littéraires n'est pas resté sansconséquences: il est, peut-être, une des causes de Ia disparition des"éditions" de questions disputées, I'effort de remaniement ayant étéabsorbé par I'édition du matériel sous forme de traités. La quaestiodisputata aurait été ainsi Ia victime de son propre succês,

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CHAPITRE VI

DOMAINES DE L'HISTOIREQUE LE GENRE AIDE À CONNAlTRE

1) Les questions disputées sont essentielles pour l'étude des idéesphilosophiques et théologiques du XllIe et du XIVe siêcle, Elles montrentur le vif les principaux intérêts intellectuels d'une université déterminée

à un moment donné de l'histoire.2) Étant donné l'échange d'arguments que Ia méthode favorisait et le

rayonnement géographique de celle-ci, les questions disputées permettentI'historien de Ia culture de mieux saisir le mouvement de diffusion des

idées en Europe médiévale.) omme Ia méthode était pratiquée aussi dans les Facultés de Droit

·l d Médecine, l'historien de ces deux disciplines pourra tirer desli n di putées des matériaux précieux.L'hi t rien des méthodes scientifiques, surtout de Ia logique, sera

I li par les modalités des questions disputées, car ce sont elles quiClIII I' ri ine de l'importance accordée, dans les traités de logique, à

l' I 11 • ui n de certains types d'arguments et à Ia réfutation de sophismes(VOII par cx mple nos remarques à Ia p. 93).

) N tre genre aide à écrire aussi l'histoire de l'éducation. Les questionsdisputée ont non seulement une méthode de recherche, mais aussi unem th de d'enseignement. De fait, Ia pédagogie universitaire médiévale aréus i à faire coíncider dans un même acte Ia recherche et l'enseignement,et cela constitue un antécédent important des tendances actuelles de Iapédagogie. Que Ia quaestio disputata ait engendré des exercices scolaireset des épreuves formellement semblables aux actes magistraux accroitleur intérêt pour l'historien de I'éducation.

6) Le genre éclaire l'histoire de l'institution universitaire et les pratiquescorporatives qui présidaient à son fonctionnement. Par analogie, il estaussi d'un grand intérêt pour l'historien des corporations médiévales. Encffet, les questions disputées semblent avoir été privilégiées par Iacorporation universitaire comme un des meilleurs moyens d'apprendrele métier d'intellectuel. Les différentes mesures réglementaires concemantI'activité des maitres et des bacheliers sont à mettre en rapport avec lespratique existantes dans d'autres corporations de métier.

DOMAINES DE L'HISTOIRE 149

7) L'historien de l'Église et des Ordres religieux trouvera dans lesquestions disputées des données sur l'évolution des doctrines, surl'élaboration de Ia théologie spéculative, sur les pratiques conventuelles,sur les réactions de l'intelligentsia médiévale aux interdictions ecclésias-tiques, et sur le processus général de définition de l'identité culturelle deIa Chrétienté latine. En effet, les questions disputées étaient le chantierou les problêmes intellectuels les plus pressants d'une époque étaientsoulevés et discutés. TI n'y a pas d'autre genre littéraire (et nous yincluons les Quodlibeta) qui traduise de façon plus vivante les intérêtsintellectuels d'une époque.

8) Les philologues et les historiens de Ia langue latine pourront examiner,à travers les questions disputées, I'élaboration d'une terminologie technique(métalangage) et Ia fixation d'un style, propres aux différentes disciplinesqui ont utilisé Ia méthode. Ce processus s'est opéré grâce au dialogueque les questions disputées favorisaient à I'intérieur d'une communautélinguistique bien délimitée par ses intérêts.

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BIBLIOGRAPHY

No attempt will be made here to list all sources which may prove tobe of value in examining the Quodlibetal Question as a distinctive literarygenre. As in much of the study which follows, the present Bibliographywill concentrate heavily on the Quodlibetal Question as it was developedin theology faculties in certain medieval Universities, and fírst and foremostat the University of Paris. Quodlibets originating from other faculties atParis and elsewhere will not be excluded entirely, and will receive specialconsideration in Chapter IV. But since it was especially in theologyfaculties in the thirteenth and earlier fourteenth century that the Quodlibetreached its peak and particularly so at Paris, it is upon this that thefollowing Bibliography will concentrate.

Included in these bibliographical indications are some of a more generalnature, listed in order to provide appropriate background for a properappreciation of the place of the Quodlibet within a broader Universitycontext ; others which are specifically devoted to the Quodlibetal Questionas a distinctive literary genre; and others which treat of particularQuodlibets or of particular Quodlibetal Masters. Some studies of thelast-mentioned kind will be included not merely for what they can tellus about particular Quodlibetal Masters, but especially because of theircontribution to our knowledge of the Quodlibet as such.BOYLE,L.E., The Quodlibets of St. Thomas and Pastoral Care, in The

Thomist, 38 (1974), pp. 232-256. A helpful introduction to currentresearch on the Quodlibet in general and in Thomas Aquinas inparticular, and a fine illustration of the many kinds of questions ofa more practical nature which might be discussed in Quodlibetaldisputations.

DENIFLE,H. and CHATELAIN,A., Chartularium Universitatis Parisiensis.Paris, 1889-1897,4 vols.

EHRLE, F., I piu antichi Statuti de/la Facoltà Teologica del/'Università diBologna pubblicati per Ia prima volta. Bologna, 1932 (UniversitatisBononiensis Monumenta, 1). Of value not only for informationconcerning The Faculty of Theology at Bologna, but also becausethese statutes are thought to have been modelled on older statutestaken from the Theology Faculty at Paris. This is important because,in studying the The I a ulty at Pari for the final part of the

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154 BIBLIOGRAPHY BIBLIOGRAPHY 155

thirteenth and the first part of the fourteenth centuries, one must,as it were, read back from the Paris statutes for 1335-1366 and1366-1389. For these see Chartularium, Vol. 2, pp. 691-707.

GIBSON, S., Statuta Antiqua Universitatis Oxoniensis. Oxford, 1931.GLORIEUX, P., La littérature quodlibétique de 1260 à 1320. Vol. I, Le

Saulchoir, Kain, 1925. See pp. 11-95 for a groundbreaking and stillindispensable Introduction to the Quodlibetal Question in terms ofits origin in a first oral disputation, its determina tio in a second oralsession, preparation of its written version, evolution of its literarygenre, and its overaIl doctrinal and historical value. In the secondpart of this volume there is an alphabetical listing of 31 Masterstogether with their respective Quodlibets (numbering 147), and thetitles of the questions of each of these insofar as they were thenknown to Glorieux, followed by nine other "Anonymous Quodlibets."

GLORIEUX, P., La littérature quodlibétique. Vol. 2, Paris, 1935. This volumecontains a fuller development of a number of themes examined inthe Introduction to Vol. 1, and takes into account various criticismsand suggestions by other scholars reacting to Vol. 1. This is followedby a much broader listing in terms of time and place of QuodlibetalMasters (117 authors are now listed instead of the original 31) andof Quodlibetal Questions (348 instead of the original 147). Alsoindispensable.

GLORIEUX, P., Aux origines du Quodlibet, in Divus Thomas (Piacenza),38 (1935), pp. 502-522. Good for the chronological origins of theQuodlibet.

GLORIEUX, P., Le Quodlibet de Pierre de Tarentaise, in Recherches deThéologie ancienne et médiévale, 9 (1937), pp. 237-280.

GLORIEUX, P., Le Quodlibet et ses procédés rédactionnels, in Divus Thomas(Piacenza), 42 (1939), pp. 61-93. Important study of the principlesemployed by Quodlibetal Masters to organize the various questionsin their Quodlibetal disputations before the second oral session andthe definitive written version.

GLORIEUX, P., Ou en est Ia question du Quodlibet?, in Revue du MoyenAge Latin, 2 (1946), pp. 405-414. A helpful mise au point of morerecent findings (until -1946) conceming the inventory of QuodlibetalQuestions and their authorship, on the one hand, and more recentprogress in our understanding of their literary genre, on the other.

GLORIEUX, P., L'Enseignement au Moyen Age. Techniques et Méthodes enusage à Ia Faculté de Théologie de Paris, au XlIle siêcle, in Archives

d'Histoire doctrinale et littéraire du Moyen Age, 35 (1968), pp. 65-186.See pp. 128-134 for the Quodlibet, and also see the extensiveBibliography, pp. 181-186.

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HOFFMANS, I. and PELZER, A., Étude sur les manuscrits des Quodlibetsde Godefroid de Fontaines. Louvain, 1937 (Les Philosophes Belges,14), pp. 143-346. A rich survey of manuscripts containing not onlyGodfrey's Quodlibets, but those of many other Masters as well.

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THUROT, Ch., De /'organisation de /'enseignement dans l'Université de Paris.Paris, 1850. Even though now dated on various points, this is stilla valuable general introduction to the academic structure of theUniversity of Paris in the Middle Ages.

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CHAPTER I

DEFINITION OF THE QUODLIBETAL QUESTION

The Quodlibetal Question is a specific kind of Disputed Question thatcarne to the fore in the Theology Faculty at the University of Paris sometime during the first half of the thirteenth century 1. This is not to denythat the Quodlibet was also used in other Faculties of the University ofParis, or that it quickly spread beyond Paris to other Universities andeven to non-University centers of leaming as well '. But given the great

I In addition to the valuable Introductions found in P.GLORIEUX,La Iittérature quodlibéüque,vol. I, p. 11-95; and vol. 2, p. 9-50, see his Aux origines du Quodlibet, p. 502-522 (wherehe traces the chronological origins of the Quodlibet as a distinct genre back until the1230s). In the last-mentioned study Glorieux differs with P. MANDONNET,Saint Thomasd'Aquin créateur de Ia dispute quodlibétique. There Mandonnet had mistakenly creditedThomas Aquinas with having created the Quodlibet as a distinctive genre. In this heseems to have been followed by M.D. CHENU,Maitres et bacheliers de l'Université de Parisvers 1240, in Êtudes d'histoire littéraire et doctrinale du XIII' siêcle (Publications de l'Institutd'Études Médiévales d'Ottawa), vol. I, p. 28ff. For the Quodlibet's origins at Paris in theMendicant schools roughly at the time of the great University strike of 1229-1231, alsosee GLORIEUX,L'Enseignement au Moyen Age, p. 132. A1so see the helpful introductoryremarks in R. JANSSEN,Die Quodlibets des hei/o Thomas von Aquin. Ein Beitrag zu ihrerWürdigung und eine Beurteilung ihrer Ausgaben. Bonn, 1912, p. 6-12. See p. 10, n. 2, forhis c1aim that the Quaestiones de quolibet of Simon of Toumai from the beginning of ththirteenth century form the "ersten ausgeprãgten Typus dieser Literaturgattung." He aicomments: "Ein Ansatz zu den spãteren Quodlibeten ist schon in den Quaestione ddivina pagina des Robert von Melun (t 1167) nicht zu verkennen." In each of thc1aims Janssen is following M. GRABMANN,Die Geschichte der scholastischen Methode. Vol2, Freiburg im Breisgau, 1911 (repr. Basel/Stuttgart, 1961), p. 543ff. Unfortunately, b IhJanssen and Grabmann have mistaken Simon's Disputed Questions for Quodlib I11Questions. See GLORIEUX,La littérature quodlibétique, vol. 2, p. 41, notes 2 and 3, wherhe cites Simon's editor, J. WARICHEZ,Les Disputationes de Simon de Toumai. Louvain,1932 (Spicilegium Sacrum Lovaniense, 12), p. xlliiff. A1so see GLORIEUX,p. 323, wherhe notes that Grabmann made the same mistake concerning the Quaestiones de divinapagina of Robert of Melun. Also, cf. GLORIEUX,Aux origines du Quodlibet, p. 508;MANDONNET,Saint Thomas créateur de Ia dispute quodlibétique, p. 6; G. PARÉ,A. BRUNET,P. TREMBLAY, La renaissance du XII' siêcle. Les écoles et J'enseignement. Paris and Ottawa,1933, p. 130-131.

2 For additional remarks and references concerning the spread of the Quodlibet beyondthe Theology Faculty at Paris, and then to other Universities as well, see GLORIEUX,Laliuérature quodlibétique, vol. 2, p. 19-22; p. 28, n. I. For its presence in other Faculties aiParis see Ch. THUROT,De J'organisation de l'enseignement dans J'Université de Paris, p. 87,197-198. For the Quodlibet outside University circles see GLORIEUX,op. cit., p. 22-28;L. MEIER, Les disputes quodlibétiques, p. 401-442. Also see Cc. 11 and IV below.

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158 CHAPTER I DUHNITI N 15

importance it assumed in the Theology Faculty at Paris, the main thrustof the following remarks will be directed to the Quodlibet as it developedthere. Quodlibets as well as statutes pertaining to the same from otherFaculties and other Universities will be cited as the occasion demands.

It should be noted at the outset that while the Theology Faculty,especially at Paris, is the most important single source for the mostsignificant contributions to quodlibetal literature, Quodlibets are at leastas helpful today for researchers in medieval philosophy as in medievaltheology. This is so because the Quodlibetal Disputations of the greatmedieval Masters in Theology are simply filledwith philosophical content.On many occasions the questions explicitly considered in them are strictlyphilosophical. On many other occasions, the Masters in question find itnecessary to introduce important philosophical issues in order to respondto questions which are, if taken at face value, theological in nature 3.

This situation will not be surprising if one recalls that the great medieval~ast.ers in Theology had already undergone highly specialized trainingfi philosophy, and that their distinctive positions in speculative and moraltheology usually rested upon and presupposed their views in speculativeand moral philosophy.. I~ order better to appreciate the nature of the Quodlibetal Question,it will be helpful for us to begin by recalling that which it has in commonwith other Disputed Questions, and then to turn to those features whichdistinguish it from other Disputed Questions.

coming after the first by one or more days. While this point has beenquestioned, especially as regards the Quodlibet, weighty evidence can beoffered in its support. Thirdly, the usual scholastic format of question,arguments for one side and then for the other, response, and replies toobjections, is also found in written versions of Quodlibets. Finally, therewas a formal role for the Master who conducted the Quodlibet, 00 theone hand, and for one or perhaps more than one Bachelor who wouldserve as respondens or respondentes, on the other.

Each of the common features just mentioned calls for some cornment.As regards the first - that Quodlibets were originally presented as oralexercises - there can be little doubt, at least with respect to those thotoriginated in University contexts. This is clear enough from vari usUniversity statutes, for instance, for Paris, Oxford, and Bologna 4. Again,introductory formulae and transition expressions in surviving writtenversions of Quodlibets often point to their oral origins. Thus a Masterwill frequently refer to questions raised in the original Quodlibetal dispute,or to what was "said" there. Moreover, written records of some of theseoral disputations were taken down by others (reportationes) and therebyattest to the oral origins of the Quodlibets themselves 5. Granted, then,

1. THAT WHICH THE QUODLIBET HAS IN COMMON

WITH OTHER DISPUTED QUESTIONS

First of all, like other formal University Disputed Questions of itstim~, the Quodlibet was originally presented as an oral exercise. Secondly,as lS also true of Ordinary Disputed Questions, the oral presentation ofa Quodlibet normally involved two distinct sessions, with the second

• See, from the statutes for the Theology Faculty at Paris from 1335- 1366, art. 18, .andfrom those of 1366-1389, artic1es 34, 43, 49, 52, 53, 62, as well as 28 and 29, in DENIFLE-CHATELAIN, Chartularium, vol. 2, p. 691-704; also cited by GLORIEUX, La littératurequodlibétique, vol. 1, p. 12-13. While these particular statutes are especially concerncdwith the obligation of Bachelors to "respond" (to serve as respondentes) before beingpromoted, they leave no doubt that Quodlibets were oral exercises. AIso, see the remnrkin a letter of February, 1287, from the Bishop of Amiens, William of Mâcon, to thArchbishop of Rheims, Pierre Barbette, concerning Martin IV's Bull "Ad fru tusúberes": "Verumtamen, omnes doctores qui hoc anno disputaverunt de Quolibet, quibusfacta est ista quaestio, videlicet magister Henricus de Gandavo, magister Godefridus d .Leodio, magister Gervasius, canonicus montis Sancti Eligii, et magister Nicholaus dPressorio pro nobis determinaverunt". See Chartularium, vol. 2, p. 13ff.; also cited yGLORIEUX, La littérature quodlibétique, vol. 1, p. I4ff. , along with other contemporarydocuments which make the same point quite c1early.

, See, for instance the opening remark in Henry of Ghent's Quodlibet I: "Quaerebanturin nostra generali disputatione quasi 42 quaestiones", in Henrici de Gandavo Quodlibet J.R. MACKEN, ed., Leuven and Leiden, 1979, p. 3. AIso, see the opening remark in Jarncsof Viterbo's Quodlibet 111: "In tertia disputatione de quolibet praehabita", in Jacobi deViterbio O.E.S.A. Disputatio tertia de quolibet. E. YPMA, ed., Würzburg, 1973, p. 1. Forsimilar indications from other Quodlibets see GLORIEUX, La littérature quodlibétique, vol,2, p. 37-38. As illustrations of reportationes of Quodlibetal disputes, see Godfrey ofFontaines' first four Quodlibets, in M. DE WULF and A. PELZER, Les quatre premiersquodlibets de Godefroid de Fontaines. Louvain, 1904. For the fact that they are reponationesee p. XV-XVI. AIso see Quodlibet 11, qu. I (p. 46), for a reference by Godfrey (or hi

reportator) to the respondens (presumably his responding Bachelor): "ut dicebat respondens".

3 Confirmation of the explicitly philosophical nature of many Quodlibetal Questions is~eadily evident from an e~amination of the titles of such questions as listed by Glorieuxin the two volumes of hís La littérature quodlibétique. Confirmation of the presence ofmuch philosophical content in questions that are, when taken at face value, theologicalmay be had by con~ulting anyexposition ofthe philosophy of one or other great QuodlibetalMaster. See, for mstance, J. PAULUS, Henri de Gand. Essai sur les tendances de samétap.hysique. Paris,. 1938; or, more recently, my The Metaphysical Thought of Godfrey ofFontaines. A Study tn Late Thirteenth-Century Philosophy. Washington, D.C., 1981.

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160 CHAPTER I

that all evidence points to the oral origins of University Quodlibets, somequestion has been raised about certain ones that originated outsideUniversity circles. Doubt has been expressed, for instance, concerningthe oral origins of Ockham's Quodlibets. Even here, however, the normevidently was that for a Quodlibet to be a real Quodlibet, it must firsthave been disputed orally. Thus a strong case has been made for theoral origins of Ockham's Quodlibets by their recent editor, J. Wey 6.

Glorieux has strongly stressed the second point - that the Quodlibetresulted from two distinct oral sessions. This claim was originally challengedby some other leading authorities, especially by F. Pelster and A.Pelzer 7. It is true that some of the evidence originally offered by Glorieuxfor two distinct sessions (often referred to respectively as disputatio anddeterminatio) can be contested. For instance, the set of questions originallyedited by Glorieux in VoI.1ofhis La littérature quodlibétique as AnonymousQuodlibet IX and which seemingly pointed to two sessions has beenmore exactly identified as a series of Disputed Questions 8. Again, simplereference in a Master's written version of a Quodlibet to questions he"was disputing" or "had disputed" is not of itself sufficient to prove thathe here has in mind a first oral session as distinguished from a secondone. Nonetheless, other remarks in a written version of a Quodlibet by

• See J. WEY, ed., Venerabilis Inceptoris Guillelmi de Ockham Quodlibeta Septem. St.Bonaventure, N.Y., 1980, p. 30*-31*.

7 For PELSTER'S original doubts about two oral sessions see Scholastik, I (1926), p. 281-284 (reviewing GLORIEUX, La littérature quodlibétique, vol. I), especially p. 284; Literar-geschichtliches zur Pariser theologischen Schule aus den Jahren 1230 bis 1256 in Scholastik5 (1930), p. 61-64. But compare with his later remarks in Scholastik, 15 (J940), p. 428:For similar earlier doubts see A. PELZER, in Revue d'Histoire Ecclésiastique, 23 (1927), p.103-104. For some who defend two oral sessions see E. VANSTEENBERGHE, in Revue desSciences Religieuses, 7 (1927), p. 135; A.G. LITTLE, in The English Historical Review, 41(1926), p. 120-121; and apparently the later PELZER, in Revue d'Histoire Ecclésiastique, 32(1936), p. 980-981. Also see A. TEETAERT, La littérature quodlibétique, in EphemeridesTheologicae Lovanienses, 14 (1937), p. 79-83. There he argues that two oral sessions werecommon!y involved in Disputed Questions, not merely in Quodlibets. For a good descriptionof the two sessions in Ordinary Disputed Questions see A. DONDAINE, Secrétaires deSaint Thomas. Rome, 1956, p. 132-133. For his application ofthe two sessions to QuodlibetalDisputes, see p. 212. AIso see L. BOYLE, The Quodlibets 01St. Thomas and Pastoral Care,p. 233-235, who sharply distinguishes between the two sessions as' Disputation andDetermination respectively.

• For this see PELSTER, in 'Scholastik, I (1926), p. 283; PELZER, in Revue d'HistoireEcclésiastique, 23 (1927), p. 104. For GLORIEUX'S original usage of this text to argue fortwo distinct sessions see La littérature quodlibétique, vol. I, p. 35-38. For his later agreemcntthat "Quodlibet IX" is not really a Quodlibet, see vol. 2, p. 42-43, n. 5; p. 287; and Auxorigines du Quodlibet, p. 510.

DEFINITION 161

a Master to what he had stated on the "previous day" idisputattonehestema, pridie), while he was preparing his final redaction some monthslater, are more difficult to discount 9.

Additional evidence may also be offered for two distinct oral sessions.First of all, Glorieux himself has edited at least in part two distinctversions of one and the same Quodlibet by Peter of Tarentaise. Sinceonly one of these reflects a coherent organizing plan, it alone can bebased on a final oral session. Since the other version, which Glorieuxhas fully edited, lacks any such logical plan of organization and can,therefore, only be a reportatio, it must reflect a first oral session and notthe final one 10. Secondly, if it is the case that Thomas Aquinas's QuodlibetXII is indeed a reportatio, since it does incorporate an organizing plan,it can hardly be a reportatio ofthe first day's oral session. Such organizationcould not have been present in the original Quodlibetal disputation 11.

(For clear evidence that such organization was not present in the originaloral disputation where various questions were raised in haphazard fashion,

• For GLORIEUX'S original argumentation see La littérature quodlibétique, vol. I, p. 18-19. For PELZER'S critique of this see Revue d'Histoire Ecclésiastique, 23 (1927), p. 104. Forthe second line of argumentation supported in my text see GLORlEUX, La liuératurequodlibétique, Vol. 2, p. 45-46. For references to "nostra generali disputatione hesterna"and "Pridie in nostra disputatione generali" see, for instance, Henry of Ghent, QuodlibetlI, in Quodlibeta Magistri Henrici Goethals a Gandavo. Paris, 1518, foI. 28v; QuodJibet VI,foI. 214v.

10 For this see GLORIEUX, Le Quodlibet de Pierre de Tarentaise, p. 237-280. For Gloricux'sedition of what appears to be the first version, based on the first day's session, see p.242-275. For his edition of the various introductory and transition formulae found in thesecond version (which is incomplete since it contains only thirteen questions of the ori 111 11

thirty six), see p. 277-278. For further study of these two versions see GLORIEUX, IQuodlibet et ses procédés rédactionnels, p. 73-75. For agreement with Glorieux in luinterpretation of these two versions of Peter's Quodlibet, see O. LOTTlN, in Bulletln d/·Théologie ancienne et médiévale, 3 (1937-1940), p. 532*, number 1185.

\I Various explanations have been offered for the obviously unfinished charactcr rThomas's Quodlibet XII. Perhaps, it has been suggested, it is not a reportatio but nabbreviatio prepared by Thomas himself for his own use rather than for publication [cfP. SYNAVE, in Bulletin Thomiste, I (1924), p. (38)]. a. M. GRABMANN, Die Werke des hl.Thomas von Aquin. Münster in w., 1931, p. 283; R. SPIAZZI, in Quaestiones Quodlibetales.Turin, 1956, p. viii, n. 5. More recently, L. BOYLE has suggested that it may contain inthe main the text ofThomas's determinatio as originally given orally, but without its havingbeen finally prepared for publication. See his The Quodlibets 01 St. Thomas, p. 236, andlhe references in n. lI. But whether Quodlibet XII be taken as a reportatio, or as Thoma 'per onal abbreviatio, or as the original determinatio, it refíects the organization of lhesecond oral session, not the haphazard lack of order of the first. Also see GL RIEUX,La ltttérature quodlibétique, vol. 2, p. 48. Hc takes it as a reportatio, and this 11 thauth rity of Nicholas of trasbour

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162 HAPTER I

one need only turn to J ames of Viterbo's opening remark in his QuodlibetIll : "In tertia disputatione de quolibet praehabita quaesita sunt in universoviginti sex quae ut prosequamur, non ut proposita sunt, sed secundumordinem quemdam convenientem") 12. Thirdly, it is general1y concededthat the long version of Godfrey of Fontaines' first four Quodlibets asthey survive today are on1y reportationes. Since they do clearly incorporatea detailed organizing plan, and since such could not have been imposedat the original oral disputation, they must rather be based on a secondday's oral disputation 13. Some lapse of time would sure1y have beenrequired between the original raising of the questions during the firstday's disputation, and the Master's development and imposition of sucha detailed plan of organization.

Further evidence for two oral sessions may be drawn from an interestinglegend about Albert the Great. According to this well known story, whileAlbert was conducting a Quodlibetal debate and the dispute was drawingto a close, he suddenly found himself unable to answer three objectionsput to him by a late arrival, the devil in the guise of a young mano Onlyafter a sleepless night were the true nature of his questioner as well asthe appropriate reply made known to Albert. Then, according to thelegend, al1 returned on the following day to hear him present his replyto the objections. This legend, dating from the fourteenth century, assumesthat in this case, at least, two distinct sessions were involved in aQuodlibetal disputation 14.

Final1y, an interesting colophon in a manuscript containing a Quodlibetwith 22 questions and attributing it to Nicholas de Vaux-Cernay explicitlystates that these questions were proposed on Monday of the third weekof Advent to Master Nicholas in the College of St. Bernard at Paris,on which day he was "disputing de quolibet". We are then informed thathe "determined" these same questions on the following Saturday. Thisreference indicates at least that in this particular case there were twodistinct oral sessions 15.

12 See Jacobi de Viterbio O.E.S.A. Disputatio Tertia de Quolibet, p. I." Cited in n. 5 above.•• See JAMESOF AQUI, Chronicon imaginis mundi, cited by MANOONNET,in Thomas

d'Aquin, créateur de Ia dispute quodlibétique, p. 9, n. I, and by GLORiEUX,La littératurequodlibétique, vol. 2, p. 49.

rs See E. AXTERS,Le Maitre Cistercien Nicolas de Vaux-Cernay et son Quodlibet, in TheNew Scholasticism, 12 (1938), p. 242-253. For the text see p. 244-245: "Hec questionesproposite fuerunt die lune tercie septimane adventus Domini coram Magistro Nicholaoin scolis Sancti Bernardi Parisius, quo die dictus Magister de quolibet disputavit et dieta

DEFINITION 163

/\ regards the third feature which the Quodlibet has in common withothcr Disputed Questions, there appears to be little difticulty. In Quodlibetrs in other Disputed Questions one fi.nds the general scholastic formatof question, opening arguments for one side and then one or moreIr zuments for the other, a defi.nitive response, and fi.nal1yindividual replieto the original opposing arguments. In the main, it may be said that thenumber of opening objections or arguments for one side and then fort h other often tends to be considerably greater in Ordinary Disputed

uc tions than in Quodlibets 16. Sometimes also in Quodlibets such

I(U tiones prout in isto libello recitantur determinavit die Sabbati. In sequenti sunt omnenumero XXII"." (Italics mine). A distinction in time between "disputing" and "determining"I clearly indicated by this text. As A. TEETAERThas shown (La Iittérature quodlibétique,p. 82-83), there is evidence from the statutes for the Universities of Bologna, Oxford,md Paris to indicate that it was customary to distinguish between disputatic and determina tio.1h texts he cites clearly apply at least to Ordinary Disputed Questions, and in the ca e

11 Bologna, where the statutes for the Theology Faculty are modelled on those for1h logy at Paris, to Quodlibets as well. For these see F. EHRLE,I piu antichi statuti, p.

-46; S. GIBSO ,Statuta antiqua universitatis Oxoniensis, p. 118, dating from April, 1314,md referring to the interrelationship between the University and the Friars Preachers;t)BNIFLE-CHATELAIN,Chartularium, vol. I, p. 386 (number 335), for Statutes regulating1 minican studies but refiecting University practice. F. PELSTERuses the statutes citedIr m Bologna to show that there could be, in the case of Disputed Questions, a disputatiowithout a determinatio. See A.G. LITTLE and F. PELSTER, Oxford Theology and thetheologians. Oxford, 1934, p. 41. See p. 42 on the temporal distance between disputatioIOd determinatio. In Revue d'Histoire Ecclêsiastique, 32 (1936), p. 980-981, PELZERhasoffered some additional evidence for two sessions, taken from a medieval commentary()11 Dante's Divine Comedy, Paradiso, canto 24, vv. 46-48: "Ille enim appellatur magisterqUI tenet cathedram, et proponit quaestionem publice coram doctoribus et scholaribus,t non determinat illam in illa disputatione, sed postea alia vice; ideo dicit, per approvarla,

11 n per terminaria." Interesting though this text is, it seems to refer to another kind fDisputed Question rather than to a Quod1ibet (at least in Theology) since the Master i.de cribed as the one who proposes the question to be disputed.

16 This statement admits of exceptions, some of which are cited by GLORIEUX,LII

littérature quodlibétique, vol. I, p. 25 (see Henry of Ghent, Quodlibet VII, qu. 24, with 17rguments; Quod1ibet 12, qu. 31, with even more, concerning which see note 16a below).

Nonetheless, such high numbers of opening arguments in Quodlibets are clearly exceptional.111 support of my claim one may compare Thomas Aquinas's usual practice in hi

uodlibets with the many arguments offered against his positions as a general rule inDi puted Questions such as De veritate, De potentia, De maio, or De anima. Or one mayc mpare the many opening arguments found in Roger Marston's Quaestiones Disputatae,a edited at Quaracchi, 1932 (Bibliotheca Franciscana Scholastica Medii Aevi, 7) withlhe few opening arguments of his four Quod1ibets, as edited by G. ETZKORNand I.BRADY,Quaracchi, 1968 (in the same series, 26). Or again, one may compare Godfreyf ontaines' usual practice in his 15 Quodlibets with the many more arguments andounterarguments included in his three Ordinary Disputed Questions. It is also interesting

I note that Godfrey's three Ordinary Disputed Questions are much shorter in length,iaken individually, than any ofhis Quodlibets. (For his Ordinary Questions see O. LaTTI ,

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164 CHAPTER I DEFINITION

opening objections or argumentation may be completely missing from aparticular question 16,. There are a number of exarnples of this, forinstance, in Henry of Ghent's Quodlibets. In these cases it is clear thatno such opening argumentation was originaliy presented 17. ThomasAquinas's Quodlibet XII is a more extreme illustration of this, but thismay be due to the unusual written form in which it has survived.

As regards the fourth feature that is common to Quodlibets and toOrdinary Disputed Questions, it seems clear that a formal role was setaside both for the Master who conducted the Quodlibet, on the onehand, and for one or more Bachelors who would serve under him asrespondens or respondentes, on the other. What is not so clear, however,is the precise role assigned to Master and Bachelor respectively in

Quodlibetal disputations 18. Rather than attempt here to determine theirrespective roles more precisely, we shall defer fuller discussion of this toa later part of this study. It will suffice for the present for us to notethat there is now widespread agreement that one need not acceptGlorieux's original view that the Master's role in Quodlibets declined somuch that by the mid- to late-fourteenth century they carne to be assignedto Bachelors rather than to Masters even in University circles atParis 19.

2. THAT WHICH DISTINGUISHES THE QUODLIBETFROM OTHER DISPUTED QUESTIONS

First of ali, as is indicated by its very title, appropriate questions couldbe raised by anyone (a quolibet) who happened to be present at aUniversity Quodlibetal dispute. This might include other Masters, Bach-elors, students, and apparently, even members of the learned but non-University publicoIn contrast with Ordinary Disputed Questions, therefore,the actual raising of the initial questions to be disputed was not left tothe Master who conducted the Quodlibet nor to any appointed Bachelor(respondens) 20.

A second distinguishing feature of the Quodlibet is also brought outby its title, in that questions could be raised by those present about any

Le Quodlibet xv et trois Questions ordinaires de Godefroid de Fontaines. Louvain, 1937, p.77-138). On the other hand, in many though not in ali of Godfrey's Disputed andAbbreviated Questions there are few opening arguments. This may be due to the factthat, as they now survive in manuscript, they are abbreviationes. But one also wonderswhether they were ali originally presented as Ordinary, and therefore as solemn DisputedQuestions, or perhaps some only as private Disputed Questions. On these, see WIPPEL,The Metaphysical Thought of Godfrey of Fontaines, p. xxx-xxxiii. For a distinction betweenOrdinary Disputed Questions (which would be solemn) and the disputatio privata whicha Master would conduct in his own school and only for his own students, see PELSTER,Oxford Theology and the Theologians, p. 36-37.

'6. As R. MACKENhas pointed out, this is the situation with Henry of Ghent's QuodlibetXII, qu. 31. See his Ein wichtiges Ineditum zum Kampf über das Beichtprivileg derBettelorden: der "Tractatus super facto praelatorum et fratrum" des Heinrich von Gent, inFranziskanische Studien, 60 (1978), p. 301-310. In fact, a comment by Henry seems tosuggest that it was because this particular question was disputed separately that it containsso many opening arguments: "Circa nonum, quod est tricesimum primum et uItimum,arguitur multipliciter pro et contra, quia quaestio illa erat per se disputata seorsum"(Paris, 1518, foI. 518r).

17 See GLORIEUX,La littérature quodlibétique, Vol. I, p. 24, for citations from Henry'sQuodlibet I, qq. 23, 24, 36; Quodlibet VII, qu. 11; and Quodlibet VIII, beginning, andqu. 17. As Henry makes clear in each ofthese cases, questions were raised sine argumento.On the other hand, one sometimes finds replies to arguments in Quodlibets without thearguments themselves being included in the surviving manuscript or manuscripts. See J.WEY, ed., Guillelmi de Ockham. Quodlibeta Septem. St. Bonaventure, N.Y., 1980, p. 30*-31*. As he notes there, in Ockham's Quodlibet I, qq. 1-3,9, 14, and 15, and QuodlibetlI, qq. 3 and 4, one finds a series of responses to arguments without the argumentsthemselves. This need not be taken to imply that, in Ockham's case, the initial argumentationwas lacking from the original oral disputation. For another example see Henry of Ghent,Quodlibet IX, qu. 30. There (ed. cit., foI. 393r) Henry replies "Ad duo decreta in oppositum..."; but these two decrees seem to have been omitted from the written version of Henry'stext. On this see R. MACKEN,in his forthcoming critical edition of Henry's QuodlibetIX.

" See GLORIEUX,La littérature quodlibétique, vol. I, p. 30-35; Vol. 2, p. 31-35. On thegradually developing role of a respondens who in the course of time carne to be distinguishedfrom the presiding Master in the case of other Disputed Questions, see PELSTER,inLITTLE-PELSTER,Oxford Theology and the Theologians, p. 31-36. It is clear that at Paristhe respondens both in Ordinary Disputed Questions and in Quodlibets was a Bachelor(cf. DENIFLE-CHATELAIN,Chartularium, vol. 2, no. 1188 (18), also cited by Pelster, p.33). Cf. the following remark from the statutes for the Theology FacuIty at Bologna:"Item (Magister) debet tenere quodlibetum, in quo responsalis est bachalarius actu legens,ct saltem semel in anno determinare" (EHRLE, I piu antichi statuti, p. 46).

'9 For Glorieux's earlier defense of this view, see La littérature quodlibétique, vol. I, p.12-13,58. There he cited statutes for Paris for 1335-1366 and 1366-1389 (Chartularium,vol. 2, p. 691-704). But as has been pointed out by others and as Glorieux himselfcventually acknowledged, none of the statutes in question assigns the determinatio of aQuodlibet to Bachelors. Rather they are required to "respond" de Quodlibetis beforereceiving their license. "Respond" as used here merely refers to the Bachelor's role asrespondens under his respective Master during the first day's oral disputation. Cf. GLORIEUX,La Iittérature quodlibétique, vol. 2, p. 35-36.

20 See GLORIEUX,La littérature quodlibétique, vol. I, p. 21-23; vol. 2, p. 10ff., 37-40.Presumably, the party raising the initial question would usually fortify his position byIfering one or more arguments and, if he defended a position opposed to that of the

Ma ter, would thereby also serve as an opponens. As already mentioned above (see note17), someone might raise a que ti n without olfering supporting argumentation.

165

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166 CHAPTER I DEFINITI N 167

2\ This implies that the Quodlibetal Master would normally not have advance knowledgeof the questions to be raised. For confirmation see the text from Godfrey of Fontaines'Quodlibet IV, qu. 13, cited below in note 109. Consultation of any typical Quodlibet willbring out this wide variety of topics very clearly. Cf. GLORIEUX,La littérature quodlibétique,vol. 1, p. 23, 27-28; vol. 2, p. 11-15,41-43. For an example of a Master who notes thatin addition to ten questions which were posed for him by his socii, he had raised twohimself, see Robert Holcot, as cited by GLORIEUX(vol. 2, p. 13 and 259). As BOYLEpoints out, the general kind of questions raised - whether more speculative or morepractical - seems to reflect the particular interest and specialty of the presiding Master.See his The Quod/ibets 01 St. Thomas, p. 240.

22 See GLORIEUX,La littérature quodlibétique, vol. 1, p. 44-45; vol. 2, p. 44ff.; andespecially, Le Quodlibet et ses procédés rédactionnels, in Divus Thomas (Piacenza), 42 (1939),p. 65-68.

sification frequently reappear, sueh as an initial bipartite division in termsof questions treating in some way of God and questions treating ofereatures, or a tripartite division aeeording to which questions would bedivided insofar as they dealt with something proper to God, somethingc mmon to God and creatures, and something proper to creatures. Onlhe other hand, it sometimes happened that no question pertainingxclusively to God was raised at a given Quodlibet. Then the Master

rnight note this and proceed with a division of questions relating toreatures, as does Thomas of Bailly in his Quodlibet I, or Godfrey of

ntaines in his Quodlibet 111 23. And since the number of questionsdisputed in a given Quodlibet could easily run from twenty to thirty ormore, the organizing plan with its divisions and subdivisions would oftenhave to become rather detailed in order to incorporate all of thesequestions.

In a study specifically devoted to this issue, Glorieux has identifiedive distinctive organizing plans which were eventually developed duringlhe thirteenth and fourteenth centuries, resulting in the following kindsf Quodlibets: (1) the Quodlibet ordinaire; (2) the Quodlibet ex

abrupto; (3) the Quodlibet with an Introduction; (4) the Quodlibet witha Summary; (5) the Quodlibet with a Prologue. As Glorieux himselfrecognizes, these divisions should not be regarded as absolutely rigidand, as we shall see, there can easily be some overlap between one orther of them 24.

First, then, in the Quodlibet ordinaire, the Master simply indicateswithout any theoretical justification the general headings or categoriesunder which the questions originally posed are now to be placed. Asne might expect, this was the most widespread forro of classification

adopted, and especially during the period from 1230 until 1270. Such,for instance, is the plan followed by Thomas Aquinas in most of hisQuodlibets 25.

Thus, in his first Quodlibet he begins by noting that questions were raisedconcerning God both with respect to his divine nature and his assumed humannature. Then specific questions are presented with respect to each of these (qu.I; qu. 2, aa. 1 and 2). Next, continues Thomas, two questions were raisedconcerning angels (qu. 3, aa. 1 and 2). Then, he notes, questions were posedconcerning man - first with respect to the good of nature (qu. 4, aa. 1, 2, 3);

appropriate topic (de quolibet). In other words, selection of the particularquestions or even of a general theme was not left to the Master. (Thisis not to deny that on certain occasions a given Master might himselfraise one or other question he wished to dispute, or that he might haveplanned in advance to have a certain point raised by someone else. Butsuch seems to have been the exception. In the main, selection of thequestions to be disputed was not subject to the Master's control, exceptinsofar as he might decline to discuss a given question if he judged itto be inappropriate.) This accounts for the fact that a typical Quodlibetranges so widely over many unrelated topics and that norroally no singletheme will be developed throughout the sarne Quodlibet 21.

This rather free-wheeling nature of a Quodlibetal dispute also accountsfor a third distinguishing feature. Between the fírst day's session and thesecond oral session, where the Master would offer his definitive responseor his determinatio, he would be expected to develop a reasonably coherentplan of organization. Development of such plans seems to have becomemore and more complicated during the latter quarter of the thirteenthcentury, and various principles of organization carne into play. But almostfr0JJ?-the beginning of the Quodlibet's emergence in the Theology Facultyat Paris, the need for some such organizing plan was recognized. This,of course, would offer one more challenge for the Quodlibetal Master -to impose some order upon the many and varied questions raised byothers at the first oral disputation. While the Master enjoyed considerablefreedom in selecting his organizing principle for any given Quodlibet, thevery nature of the questions raised would impose some constraints uponhis choice. His plan should be coherent, perhaps even logical, and itshould ultimately cover all of the questions raised, often after a seriesof divisions and subdivisions 22. Certain very general principles of elas-

2) On this see GLORIEUX,Le Quodlibet et ses procédés rédactionne/s, p. 68.24 See GLORIEUX,op. cit., p. 77-81.21 See GLORIEUX,op. cit., p. 77.

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168 CHAPTER I

then with respect to the good of grace, a series of questions treating of contrition(qu. 5), confession (qu. 6, aa. 1-3), cIerics (qu. 7, aa. 1-2), religion (qu. 8, aa.1-2), and that which is opposed to the good of grace, viz., sin (qu. 9, aa. 1-4).Finally, concIudes Thomas, questions were raised concerning the good of glory(qu. 10, aa. 1-2) 26. Or in Quodlibet 11, by using the same technique, Thomasultimately incorporates seven general questions (several of which are once moresubdivided into articIes in the modern edition) under three general headings -questions concerning Christ, questions concerning angels, and questions con-cerning mano Or, for a slightly later illustration of the same, Giles of Romeintroduces his Quodlibet 11 by commenting:

Ut quaestiones in nostro secundo quodlibet propositae ad debitum ordinemreducantur, dicendum quod in eo primo quaerebatur de pertinentibus adtotum ens in generali, et secundo de pertinentibus ad ens in speciali 21.

By following this same procedure and by appropriate subdivisions Giles eventuallyincorporates thirty questions into this Quodlibet.

In the Quodlibet ex abrupto, even this simple listing of appropriategeneral headings and the subsequent subdivisions are missing. The Mastersimply begins his ordered presentation of the various questions withoutexplicitly mentioning the general headings into which he has dividedthem. In other words, even though he has imposed an organizing plan,he leaves it to the reader to divine this for himself. The presence of theplan is enough to show that one is not dealing with a mere reportatio ofa first oral session, from which any such plan would be lacking. But theabsence of explicit reference by the Master to his principles of divisionand subdivision distinguishes this kind of Quodlibet from the other typessingled out by Glorieux. As Glorieux observes, most of those whofollowed this procedure belonged to religious orders. See, for instance,Jacques de Thérines, Cist.; Rémi de Florence, O.P.; Raymond Rigauld,O.F.M.; Sibert de Beek, Carm.; William of Alnwick, O.F.M.; JohnBaconthorp, Carm. ; Peter Swanington, Carm. ; Gui Terrêna, Carm. ; andto cite a non-Master who conducted Quodlibets, William of Ockham,O.F.M.28. Also, it is interesting to note that in Thomas of Sutton'sQuodlibet I, we seem to have a combination of the Quodlibet ordinaire

2. Here we have followed R. SPIAZZI'Sedition, in which he has divided many of theindividual questions within Thomas's Quodlibets into articles. See S. Thomae AquinatisDoctoris Ange/ici Quaestiones Quodlibetales. Turin and Rome, 1956. By following instead acontinuous numeration of each of the individual questions, one ends with 22 questionsin this Quod1ibet.

27 For GILES, see his Quodlibeta. Louvain, 1646; repr. Frankfurt Main, 1966, p. 4 a.28 See GLORIEUX,Le Quod/ibel et ses procédés rédactionnels, p. 77-78.

DEFINITION 169

and the Quodlibet ex abrupto. Thus Thomas begins by noting thatquestions were raised conceming God the creator and creatures. Aregards God, he then notes that questions were raised conceming hitruth, the origin of the divine persons, and his power both ad intra andad extra. But then the reader is left to fend for himself in determininghow these general divisions are worked out in particular, especially forquestions 8 through 21 29.

In the Quodlibet with an Introduction the Master is not content merelyto indicate the general headings for his various divisions and subdivision ,but also offers some kind of justification for these. As examples Glorieuxcites, among others, Giles of Rome, Quodlibet 111; Peter de Trabibu ,Quodlibet 11; Peter de Palude, Quodlibet I; Godfrey of Fontaine ,Quodlibets IV, V, VI, and IX; Henry of Ghent, Quodlibets VII, VIll,and almost all of his others; Thomas de Bai1ly, Quodlibets I and IV.As Glorieux himself recognizes, it is very difficult to draw a sharp divisionbetween Quodlibets of this type and those in his first category, Quodlibetordinaires. In the present class, Glorieux finds a somewhat greater efforton the part of the Master to legitimize his divisions and subdivisions.The distinction between the two is so slight, however, in our opinion,that one would be well advised to collapse them into one category. Forinstance, there seems to be little reason not to include Godfrey ofFontaines' Quodlibets I, 111, and perhaps even VII and VIII underGlorieux's Class 111.And one might easily regard as Quodlibets with aoIntroduction Giles of Rome's Quodlibets I, 11, IV, V, and VI, as well ahis Quodlibet m 30.

What Glorieux calls Quodlibets with a Summary are much easier tdistinguish from all other types. Here the Master begins by pre entinnot only the main general headings which he will eventually subdividso as to include the various particular questions (as in Classes I and111); he also develops the complete set of divisions and subdivision itthe very beginning of his written determinatio so as to incorporate ali th .questions. One finds excellent illustrations of this in James of Viterb '.Quodlibets I, 11, and m, although such is absent from his Quodlibct

19 ee Thomas von Sutton Quodlibeta, ed. by M. SCHMAUSwith M. GONZALEZ-HABA.MUnchen, 1969, p. 3, for Thomas's brief introductory remarks.

30 ec GLORIEUX,Le Quodlibet et ses procédés rédactionnels, p. 78-79.

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170 CHAPTER I

IV 31. In fact, what one has is a kind of introductory essay for theQuodlibet which lists and in some way justifies ali of the divisions andsubdivisions 32. Preparation of such introductions evidently required aconsiderable amount of thought on the part of the Master and confirmsonce more that the order of the questions found in the Master'sdetermination is anything but haphazard and could not, therefore, havebeen present in the initial disputation at the first oral session. As Glorieuxhas noted, the presence of such detailed introductions can be ofconsiderablecritical value to the modero reader in recognizing, for instance, that oneor more questions are lacking from a given Quodlibet 33.

In the fifth and final kind of Quodlibet singled out by Glorieux, theQuodlibet with a Prologue, the Master introduces it with a kind of literaryflourish, often by citing a text from Scripture or from the Fathers, inorder to develop quickly a learned or perhaps a pious thought, and thenmoves from this to his division of the particular questions.

As examples Glorieux cites John Peckham, Quodlibet 111; Roger Marston(see Quodlibets I, 11, and IV, Quodlibet 111 being rather a Quodlibet exabrupto) 34; Raymond Rigauld, Quodlibet VIII; Vital du Four; John DunsScotus; James of Ascoli; Nicholas Trivet, Quodlibet I; Peter Aureoli; Francisof Meyronnes; and Petrus Thomae. As Glorieux notes, all but Nicholas wereFranciscans 35.

While these five different organizing plans need not be regarded asmutually exclusive (see, for instance, our reservations about sharply

JI For editions of these Introductions, see Jacobi de Viterbio O.E.S.A., Dlsputatio Primade Quolibet. Würzburg, 1968, p. 1-4; Disputatio Secunda de Quolibet. Würzburg, 1969, p.1-4; Disputatio Tertia dJ Quolibet. Würzburg, 1973, p. 1-6. All edited by E. YPMA.

32 As other examples Glorieux cites Prosper de Reggio Emilia, Beroard de Saint-Denys,Beroard of Trilia, Henry of Lübeck, Henry of Germany, Gérard of Sienna, and anAnonymous Quodlibet. As he notes, four of these were Augustinians, that is, James ofViterbo, Henry ofGennany, Prosper, and Gérard. Op. cit., p. 80-81. One should distinguishthis kind of Quodlibet from those where one has at the very beginning a simple listingof the maio kinds of questions and of each particular question to be considered, butwithout any attempt at theoretical justification for the divisions and subdivisions. Forgood ilIustrations of these, see the Introductions to some of the Quodlibets of Gerard ofAbbeville contaioed in Godfrey of Fontaines' Student Notebook, Paris, Bibl. Nat. lat.16.297, especially foI. 147 (Quodlibet XI according to Glorieux's enumeration in Lalittérature quodlibétique, vol. I, p. 120-121); and foI. 152va-b (Quodlibet XVIII).

33 As an example GLORIEUXcites the case of Prosper de Reggio Emilia, much of whoseQuodlibet is missing. Op. cit., p. '80.

34 This is my view, in any event, based on the recent critical edition by G. ETZKORNand 1. BRADY,Fr. Rogeri Marston O.F.M. Quodlibeta Quatuor. Quaracchi, 1968. Glorieuxdid not indicare which of Marston's Quodlibets he had in mind. See op. cit., p. 81.

)S GLORI UX, op. cit., p. 81.

DEFINITION 171

distinguishing between Categories I and 111),recognition of the particularplan employed in a given Quodlibet can sometimes yield important resultsfor the modero researcher 36. Not only may this enable him to recognizethat a given Quodlibet is incomplete; it may help him resolve textualproblems of other kinds, especially those having to do with authenticity.More will be said about this below in Chapter 11137.

As a fourth distinguishing feature of the University Quodlibet in theTheology Faculty at Paris, for instance, these disputations were solemnin a very special sense. Ordinary Disputed Questions (as distinguishedfrom those that were private) were also solemn in that other lecturesand disputes in the faculty would be suspended while they were beingconducted (at least for their first oral session) 38; but Quodlibets weredistinguished even from these in that they could be held only at twodetermined and relatively brief periods during the acadernic year. A fewdays were set aside for Quodlibets during Advent and again for a brieftime during Lent. This resulted in the custom of their being referred toas Christmas (in Natali, de Nata/i) or as Easter (in pascha, de paschate)Quodlibets respectively 39.

Finally, it should bc noted that Masters in the Theology Faculty, atleast at Paris, were not required to conduct Quodlibetal disputes, and

36 For a number of ilIustrations of this, see GLORIEUX,op. cit., p. 83-93.31 See below, p. 191-192.31 See the following from the statutes for the Theology Faculty at Bologna: "Et si ad

ipsum annualis regentia cathedre libere de iure transierit, tenetur pluries disputare etsemel de quolibet semelque magistraliter determinare. Detenninationis autem actus incipitbene de mane, cum sit prolixus, et toto mane nulla sit lectio, ut bachalarii omnes, etformati et legentes et lecturi, quia omnes tenentur, detenninationi valeant interesse"(EHRLE,I piu antichi statuti, p. 45). One wonders whether the act of determining as it isused here applies only to Quodlibets or to Ordinary Disputed Questions as well. In anyevent, as it is used here, it implies a suspension of morning classes. There seems to beorne disagreement on the part of modero scholars as to just how solemn Ordinary

Disputed Questions really were. Compare, for instance, GLORIEUX,L'Enseignement auMoyen Age, p. 124,128-131; DONDAINE,Secrétaires de Saint Thomas, p. 131ff., 211-212;LITTLEand PELSTER,Oxford Theology and Theologians, p. 36-37. What is needed, in ouropinion, as already suggested above in note 16, is a c1ear distinction between OrdinaryDisputed Questions, which were solemo, and private Disputed Questions, which werenoto For this see LITTLEand PELSTER,loc. cito For more 00 this and for the DisputedQuestion in general see the section in this volume by B. BAZÁN.

J9 See GLORIEUX,La littérature quodlibétique, vol. I, p. 83-87, who places them near thebeginning of Advent, perhaps in lhe econd week, and in the middle of Lent, betweenthe third Sunday and Palm undny. Ais see v I. 2, p. 9.

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172 CHAPTER I

that not ali did 40. Given their taxing nature, one can readily understandwhy this was so. At the same time, for other great Masters they becamea major - even the major - vehicle for dissemination of their views tothe learned publico Examples such as Henry of Ghent, Godfrey ofFontaines, James of Viterbo, and John Duns Scotus come to mind. Inaddition to the great sense of actualité they often convey by reason oftheir nature and their origins (de quolibet and a quolibet), QuodlibetalDisputations are evidently of considerable importance today for scholarswho would know more of the mature thought of those Masters whorelied on them either heavily or even almost exclusively. As will berecalied, in University circles conducting Quodlibetal Disputations wasa privilege reserved for Masters. And in order to become a Master inTheology, one must have at least reached the age of 35 41.

3. PRACTICAL RULES FORDISTINGUISHING SURVIVING QUODLIBETS

FROM OTHER SURVIVING DISPUTED QUESTIONS

Given the above points of similarity and difference between QuodlibetalQuestions and other Disputed Questions, what is one to do today whenconfronted with a set of questions one wishes to identify in terms of itsprecise literary genre? That this is not an idle question is best illustratedby examples of misidentification made by some of the finest specialistsof the twentieth century.

Reference has already been made to instances where early examples ofDisputed Questions were misconstrued as Quodlibets 42. And the series ofQuestions originally edited by Glorieux in vol. 1 of his La littérature quodlibétiqueand identified there as Anonymous Quodlibet IX have subsequently beenrecognized to be not a Quodlibet but reportationes ofvarious Disputed Questions.Again, the Questions identified by Glorieux in the same context as Anonymous

•• At least, this seems to have been true at Paris, if one judges from the surviving Iistsof Quodlibets and compares them with the known Masters of the período See GLORIEUX,L'Enseignement au Moyen Age, p. 129-130. As the statutes cited by him there show,Bachelors were required to respond at Quodlibetal disputations. On the other hand, astatute for the Theology Faculty at Bologna (for 1364) might be taken to imply thatRegent Masters there were required to conduct a Quodlibet and to determine at leastonce a year during their active regency. See the texts cited above in notes 38 and 18.

41 For this see DENIFLE and CHATELAIN,Chartularium, voi. I, p. 78-79 (Statutes forTheology of 1215, by Robert Courçon).

42 See note I above, and the references to Janssen and Grabmann.

DEFINITION 173

Quodlibet VII have also subsequently been recognized to be not a singlcQuodlibet, but a collection of Disputed Questions and, apparently, of individualextracts from different Quodlibets 43.

On many occasions, of course, there will be clear indications withinthe manuscript tradition to show that one is dealing with a Quodlibet,or else that one is noto This may be evident from the title or the explicitor from other notations. Or it may be indicated by a table of contentfor a particular manuscript.

But since such indications are often not present in a manuscript whichcontains a given set of Questions, and since one might also wish to haveadditional corroboration even when such evidence is at hand 44, Glorieuxhas proposed three practical criteria which may be of assistance in suchcases. He also suggests that ali three should be present if one is to becertain that one is indeed dealing with a Quodlibet. (1) A Quodlibet wi\lbe distinguished from other Disputed Questions by the considerablevariety of topics treated within a work which nonetheless gives evidenceof being one continuous disputation. (2) Particular questions within agiven Quodlibet will be relatively brief when compared with particularquestions contained in Ordinary Disputed Questions, at least when bothdate from roughly the same period. (3) In spite of their variety in termsof content, the various questions contained within a given Quodlibet willhave been reorganized by the Master according to a principie such asone or other of those already discussed above 45.

While appeal to these criteria can be very helpful in enabling one todecide whether or not a given set of questions is indeed a Quodlibet,some comments are in order. First of ali, it might be that a given set fquestions contains as many different topics as one would expect to findin a Quodlibet, but that this is due to the fact that it records a numberof different Disputed Questions. As Glorieux has noted, this is especiallylikely if one is dealing with abbreviated Disputed Questions or 46, wcwould add, if one is dealing with a series of private Disputed Questionrather than Ordinary Disputed Questions .

., For Glorieux's acknowledgment of both of these points, see La littératurequodlibétique,voi. 2, p. 287, and his crediting J. Koch with the correct identification of "Quodlibet VII"and Pelster with that of "Quodlibet IX". A1so see GLORIEUX,Aux origines du Quodlibet,p. 510-511.

•• As Glorieux points out; even such notations by a copyist or by a later owner are nota1ways above suspicion. See Aux origines du Quodlibet, p. 507-508.4lAux origines du Quodlibet, p. 511-514.<16 Loc. cit., p. 513.

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174 CHAPTER I

Secondly, as regards the relative length of Quodlibets and otherDisputed Questions, some caution is required. Quodlibets themselvestended to become increasingly longer during the final quarter of thethirteenth and the earlier part of the fourteenth centuries, at least in theirwritten formo Again, even regarding Aquinas's time, there is need forcaution. There is disagreement today concerning whether the variousquestions found, for instance, in his Disputed Questions De veritate, eachrepresent individual oral disputations, or whether each article in eachquestion resulted from a distinct oral session. If one agrees with Dondainein defending the first position, then, given the relative equivalence inoverall length of a given question within a Thomistic Disputed Questionand a given Quodlibet 47, it will follow that individual articles within suchquestions do tend to be longer than the individual questions (or articles)within Thomas's Quodlibets 48. This would not follow, however, if onedefended the other position just mentioned.

ln any event, as we have just indicated, when one turns to laterthinkers such as Henry of Ghent or Godfrey of Fontaines, and evenmore so, to Duns Scotus, one finds that their Quodlibets have increasedconsiderably in overall length. Not surprisingly, therefore, so has thelength of the individual questions within each given Quodlibet. Giventhis situation, one should not automatically assume that when the individualquestions within a continuous set are fairly long, one is therefore dealingwith an Ordinary Disputed Question rather than with a Quodlibet. Onewould thereby eliminate many known Quodlibets from one's répertoire 49.

At the same time, we have already suggested that Ordinary DisputedQuestions often begin with a greater number of opening arguments bothpro and con than do Quodlibets. ln the presence of many such arguments,perhaps ten or more, one may at least suspect that one is not dealingwith a Quodlibet but with an Ordinary Disputed Question. Still, since

., For a good discussion of this, see DONDAINE,Secrétaires de Saint Thomas, "AppendixI", p. 209-216.

•• This follows because of the relatively greater nurnber of questions disputed in a givenQuodlibet, on the one hand, and the smaller number of articles contained in a typicalquestion of a Disputed Question, on the other.

•• For instance, Godfrey of Fontaines' Quodlibet VI, qu. 7 nurnbers 25pp. and hisQuodlibet VII, qu. 5 fills 38pp. in the printed edition, while Ordinary Questions I, lI,and 11I as edited in that same series number 17, 25, and 20 pages respectively. It mustbe acknowledged that qu. 7 of Quodlibet VI and qu. 5 of Quodlibet VII are atypicallylong within their respective Quodlibets.

DEFINITION 175

there are exceptions to this, one must not regard this as a hard and fastrule 50.

As regards the third criterion proposed by Glorieux - the presence orabsence of an organizing plan in a Quodlibet - this will not apply, ofcourse, in those rarest of cases where one has a reportatio of the firstday's oral disputation. Hence, the absence of such an organizing planwould not of itself preclude the possibility that one is dealing with aQuodlibet, if what one has is indeed a reportatio. Nor does the presenceof some kind of common theme in a given set of questions make itabsolutely impossible that it is a Quodlibet, although such a situationwould be most unusual. Godfrey of Fontaines' Quodlibet XIV appearsto be one such exception, if one concedes that it is a Quodlibet 51.

ln sum, then, subject to the caveats just mentioned, Glorieux' s proposedcriteria can be of great help in enabling one to identify a given set ofquestions as a Quodlibet or else as another kind of Disputed Question.One would normally expect to find much greater variety of topics in aQuodlibet than in other Disputed Questions. And one would also expectto find these many and disparate questions organized according to somekind of plano Appeal to length alone, however, can be very risky, andshould, it would seem, be controlled by the presence or absence of theother two criteria.

seSee note 16 of our text above ." On Godfrey's Quodlibet XIV as an exception see GLORIEUX,Aux origines du Quodlibet,

p. 511. As another exception he cites Robert Holcot's Quodlibet I. For more on thenature of Godfrey's Quodlibet XIV, e WIPPEL, The Metaphysical Thought of Godfrey ofFontaine , p. xxix-xxx.

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CHAPTER 11

EVOLUTION OF THE QUODLIBETAL QUESTIONIN THEOLOGY FACULTIES

In Chapter I the Quodlibetal Question has been described and definedin the main as it existed in the second half of the thirteenth century andin the opening decades of the fourteenth century in Theology Faculties,and especially at Paris. Relatively little is known about its origins priorto 1230. It has been suggested by some that this teaching technique mayhave already existed in and hence possibly been borrowed from lawschools of the late twelfth century 52. Here again, however, the evidenceavailable is so limited that it is doubtful that Quodlibets, as distinguishedfrom other Disputed Questions, had already come into existence by thattime. For that matter, relatively little is known of the Quodlibet's preciseliterary form even as it appears in the 1230's in the Theology Faculty atParis 53. Presumably, even then for it to be recognized as a Quodlibetand hence as distinct from other Disputed Questions, it would haveallowed for questions to be posed by anyone present (a quolibet) andabout any topic (de quolibet). But one may wonder whether detailed

" See J. DE GHELLINCK,Le Mouvement Théologique du XII' Siêcle. 2nd. ed., Brusselsand Paris, 1948, p. 208, and the references given there in n. I. Cf. BOYLE,The Quodlibetsof St. Thomas, p. 245 (the casus-type question was a common teaching method in thelaw schools of the late twelfth century "from which, in fact, the schools of theologyborrowed the technique of both the Disputed Question and the Quodlibet"). AIso see H.KANTOROWICZand W.W. BUCKLAND,Studies in the Glossators of the Roman Law.Cambridge, 1938, p. 82ff. Bulgarus of the School of Bologna would have introduced theDisputed Question in the mid-twelfth century. This type of university instruction wouldhave passed from Schools of Roman Law to Canon Law and Theology, and not viceversa. However, we find no evidence given there ofthe existence ofQuodlibetal Questions.Rather, it was the Master who formulated the original casus or quaestio. For more precisionson this see KANTOROWICZ,The Quaestiones Disputatae ofthe Glossators, in Revue d'Histoiredu DroitjTijdschriji voor Rechtsgeschiedenis, 16 (1939), p. 1-67, especially p. 22 and 46. Onp. 46, see note 128: "Glorieux's assertion (op. cito [La liuérature quodlibétique) lI, Paris1935, 21) that there were improvised disputations on whatsoever problems in canon lawtoo (qu. quodlibeticae) is groundless". See also Part 111of this volume.

S) See GLORIEUX,Ou en est Ia question du Quodlibet?, in Revue du Moyen Age Latin, 2(1946), p. 411. There he notes that surviving documents do not authorize apodicticconclusions about the origins of the Quodlibet, but continues to defend 1230-1235 a lhemost likely date in light of the available evidence.

EV L TI 177

organizing plans were already developed by Quodlibetal Masters at thattime, and whether the Quodlibet had therefore already taken on itsdistinctive literary form - a multitude of disparate questions giving everyindication of resulting from a single disputation, and organized accordingto some logical or coherent plano

Among these earliest Parisian Quodlibets, Glorieux has included twoanonymous ones (X and XI) from 1230-1233 and 1231-1248, along withQuodlibets I and 11 of Alexander of Hales (1231-1238), Quodlibets 1-VII of Guéric of Saint-Quentin (1233-1242), and Quodlibet I of Eudesof Châteauroux (1238-1240) 54.

In addition to these, some other Quodlibets contained in a Stockholmmanuscript have been more recently identified and partially transcribed by F.Stegmüller. These seem to date from the 1230's and 1240's and in some cases,at least, may serve to cast further light on the literary form of the Quodlibetof that time 55.

First, then, as regards the presence or absence of organizing plans, such areclearly present in the two Quodlibets assigned by Glorieux to Alexander ofHales. In each case, the incipit clearly indicates the presence of such generalplans of organization. Thus in Quodlibet I we are informed that questions wereraised, first concerning God, and secondlyconcerning creatures. Then appropriatesubdivisions are also introduced. In Quodlibet 11the incipit notes that questionswere raised pertaining to man, and others pertaining to angels. As regards man,certain ones were posed pertaining to his soul, etc.56• Again, to take but thefirst Quodlibet assigned to Guéric of Saint-Quentin, the incipit notes that sixquestions were raised de quolibet: first, certain ones concerning charity, andecondly, whether there is only one truth. The presence of some kind of dividing

plan is also in evidence in the other Quodlibets attributed to him by Glorieux,and apparently also in the one assigned by Glorieux to Eudes ofChâteauroux 57.

When one turns to the Stockholm manuscript, to judge from the portions ofthe text reproduced by Stegmüller, in some cases it would be difficult on purelyformal grounds to identify some ofthe Questions contained therein as Quodlibetsrather than as other Disputed Questions. In fact, the procedure employed in

,. See loc. cit., p. 411; also, La littérature quodlibétique, vol. 2, p. 374." See his Quodlibeta Holmensia, in Divus Thomas (Freiburg in der Schweiz), 27 (1949),

p. 201-222. On the dating of the various Quodlibets contained in this manuscript, see p.202.

56 For these see GLORIEUX,La littérature quodlibétique, vol. 2, p. 57-59. Note in particularhis transcription of the incipits for each of these (p. 58, 59).

"See GLORIEUX,La littérature quodlibétique, vol. 2, p. 107-111. For Eudes see op. cit.,p. 75-76.

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178 CHAPTER II

some of the first Questions is fairly primitive, and reminds one of that used bySimon of Tournai in his considerably earlier Disputed Questions 58. Some ofthem, however, are explicitly introduced as Quodlibets. Thus Question IV issaid to be de Quolibet. This is followed by only one question: "Utrum sit eademvisio viae et patriae". One would expect this to be followed by other questions,but such are lacking. Perhaps this is due to the incomplete state of the textoQuestion V is also explicitly introduced as de Quolibet. This is immediatelyfollowed by a simpie enumeration of four general headings under which thefollowing questions will fali: first, a moral question; secondly, a question offaith; thirdly, one concerning the sacraments; and fourthly, whether there willbe vocal speaking in heaven (patria). One of these classes, that concerning faith,is subdivided into four other questions. Question VI is again identified as deQuolibet, and includes a simple listing of various questions that seem to havebeen raised. But solutions are not provided in the manuscript 59.

Question VIII of the Stockholm manuscript is the most interesting for ourpurposes. It is explicitly identified: "Quaestio est de quolibet fratris Gaufridi".Stegmüller has identified this Frater as Gaufridus de Blenello, O.P., who wasRegent Master at St. Jacques in Paris from 1235-124260• This Quodlibet containsfifteen distinct questions and, while the manuscript does not explicitly indicatethe precise organizing plan used by Gaufridus, some such principie seems tobe present. The Quodlibet reminds one of what Glorieux has identified as aQuodlibet ex abrupto. It meets the other defining characteristics of a Quodlibetas proposed by Glorieux, in that it examines a wide variety of questions whileevidently resulting from one disputation, and the individual questions containedtherein are quite briefly treated 6'.

5. See, for instance, under Quodlibet I, where one has but two questions, each concerningthe resurrection; or Quodlibet li, where three questions are raised concerning thesacraments. See STEGMOLLER,op. cit., p. 203-205. Compare with Simon of Tournai'sgeneral procedure where under each general heading (Disputatio) one or more specifícand often related more particular questions wi\l be raised. See, for instance, DisputationesLXVI-LXX where under the general headings the particular questions disputed rangefrom three to tive. Disputatio LXXI begins with the announcement: "Hac disputationemulta quesita sunt", and very briefly considers eight questions, ali of which are relatedto Christ and the Eucharist. Ed. cit., p. 183-203.

5. STEGMOLLER,p. 204-210.•• Op. cit., p. 211, 202.•, Op. cit., p. 211-217. As regards the plan employed by Gaufridus, Questions I (on God

as eternal truth), 2 (on the procession of the Holy Spirit), and perhaps 3 (on the visionof God) ali seem to treat of God. Questions 4, 5, and 5a treat in some way of thesacraments. Question 6 treats of a penalty (excommunication), 7 of usury and simony,and 8 of original sinoHence ali seem to be related to sin in some way. Qu. 9 asks whethera text from Augustine's De natura boni applies to light, and is more difficult to tit intothe organizing scheme. Qu. 10 examines the relative priorities of lhe active and lhecontemplative life, while qu. 11 asks whom Christ loved more, Peter or John. Thcse twcould easily be connected. Questions 12 through 15 treat of more practical moral m tters,

EVOLUTION 179

Subject to correction in light offurther manuscript discoveries concerningthis early period (1230-1250) in Theology at Paris, therefore, it seemsfirst, that the Quodlibet had clearly already emerged as a distinctive typeof exercise with its resulting literary forro, and secondly, that even duringthis early period Quodlibetal Masters were searching for and employingome kind of organizing plano Such plans do not seem, in the main, yet

to have evolved as fully as they would during the latter part of thethirteenth century. And some ofthese earliest Quodlibets contain relativelyfew individual questions, while others have almost as many as one mightexpect later in the century.

ln any event, by the 1250's and 1260's the Quodlibet had taken onits distinguishing characteristics as already indicated above in ChapterI. Undoubtedly, there was continued development in certain respects,especially as regards the ever more complicated organizing plans devisedby late thirteenth- and early fourteenth-century Masters. Moreover, aswe have noted above, surviving written versions of Quodlibets tendedto become considerably longer during the latter part of the thirteenthcentury and, as regards sheer length, reached their peak in the first decadeof the fourteenth century with John Duns Scotus.

Quodlibets eventually were employed in other University TheologyFaculties, especially at Oxford. These, too, are valuable sources for ourknowledge of medieval philosophy and theology and do, in the main,preserve the defining literary characteristics mentioned in the previousChapter.

To mention but a few, the Franciscan Roger Marston's four Quodlibets wereprobably ali disputed at Oxford from 1282 until 1284 where, it is reported, sometime before John Peckham had introduced the Quodlibetal Disputation 62. RichardKnapwell's Quodlibet I seems to date from 1284-1285, the time of his Oxfordregency 63. Somewhat later, ca. 1306-1310, another English Master, the FranciscanRichard Conington, conducted some Oxford Quodlibets 64. Though more difficult

uch as fraternal correction (12), a priest who while celebrating remembers that he is ingrave sin (13), how long the sacrament of penance can be deferred (14), and the fate ofa Jew who dies with only venial and original sin (15). For more on Gaufridus seeGLORIEUX,Répertoire des Maitres en Théologie de Paris au XIII' Siêcle. Paris, 1933, vol.I, p. 59-61 ("Godefroid de Bléneau"),.2 See Fr. Rogeri Marston O.F.M. Quodlibeta Quatuor, G. ETZKORNand I. BRADY,editors.

Quaracchi, Florence, 1968, p. 30·, 44·, 68·-69·.6l See GLORIEUX,La littérature quodlibétique, vol. 2, p. 255.64 See V. DOUCET, L'oeuvre scolaslique de Richard de Conington O.F.M., in Archivum

franciscanum historicum, 29 (1937), p. 6-442, especially p. 428-430. Also see GLORIEUX,O,l en est Ia question du quodlibet l, p, 407.

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180 HAPT R 1\

to date precisely, Thomas ofSutton's four Quodlibet are imp rtant representativesof the Oxford Dominican School of the late thirteenth and early fourteenthcenturies 6S.

It should also be noted that Quodlibets in Theology eventual1y spreadbeyond University faculties. By 1280 or thereabouts Quodlibets werealready being held in various Houses of Study of Religious Orders. Inthe absence of any Master of Theology in such Houses, Bachelors couldand did conduct Quodlibets.

As better known examples, one may cite Peter Olivi in the latter part of thethirteenth century, and William of Ockham in the fourteenth century 66. Again,Giles of Rome is reported to have conducted a Quodlibet at a General Chapterof the Augustinian Order at Sienna in May, 129561• Quodlibets were alsoconducted at the Roman Curia. John Peckham's Quodlibetum Romanum is onewell-known example of this. Others were held at Avignon during the Popes'stay there, such as, for instance, the three Avignon Quodlibets of Durandus ofSaint-Pourçain 68.

One need not assume that in these extra-University contexts the timesfor holding Quodlibets were restricted to Advent and Lent, as they werein Theology at Paris. Nor need one assume that they would thennecessarily be surrounded with the same solemnity they enjoyed whenthey were conducted as official University exercises, at least as regardsthose held in Houses of Study of Religious Orders. Thus it is not as

65 There is some difficulty both in establishing the date of Sutton's promotion as Masterand the dates of his Quodlibets. If one proposes a fairly late date for his becoming aMaster (Iate 1290's) and an early date for his first two Quodlibets, 1280's or mid-1290's,one would conclude that he conducted these before becoming a Master. But both thedate of his promotion and the dates of his Quodlibets remain uncertain. At best it seemsthat the first two date from the late thirteenth century and the final two from the earlyfourteenth century. See Thomas von Sutton. Quodlibeta, M. SCHMAUS, ed. with M. GONZALEZ-HABA. München, 1969, p. XI-XII, XVI-XXII.

66 See GLORIEUX, La littérature quodlibétique, vol. 2, p. 22-28. On Olivi's Quodlibets seeE. BETTONI, Le dottrine filosofiehe di Pier di Giovanni Olivi. MiJan, 1959, p. 31-32 (foradditional references see p. 31, notes 2 and 3); GLORIEUX, op. cit., p. 205ff; (but see p.36 for some doubt as to whether the "Quodlibets" edited under Olivi's name are reallyQuodlibets). On Ockham's Quodlibets see J.c. WEY, ed., Venerabilis ineeptoris Guillelmide Ockham Quodlibeta Septem. St. Bonaventure, N.Y., 1980, p. 31*-32*. WEY argues boththat Ockham's Quodlibets were the results of oral disputations, and that they were heldoutside the University, in the Franciscan House.

61 See DENIFLE-CHATELAIN, Chartularium, vol. 2, p. 64n.•• For editions see Ioannis De Peeham, Quodlibet Romanum, E-M. DELORME, ed. Rome,

1938; D. Durandi A Saneto Poreiano Quolibeta Avenionensia Tria, P. STELLA, ed. Zürich,1965.

·V L TI 181

likcly that they would be attended by such distinguished audiences asw uld University Quodlibets conducted by the greater Masters 69.

inal1y,as will become more evident in the following Chapter, relativelyliule is known about the precise interaction between a Master and hisIc ponding Bachelor at Quodlibetal Disputations. During their "Golden

ge" (ca. 1250 until the 1320's) in University Theology Faculties,dctermination of Quodlibets was a privilege reserved for Masters. At thesame time, it may be that the role of the responding Bachelor tended tobccome more pronounced in some Quodlibets of the late thirteenth andarly fourteenth centuries. As already noted above, this should not be

tnken to mean that it was no longer the Master who "determined" atuodlibets, or that it was no longer the Master's Quodlibet. Still, it has

b en suggested that a Bachelor's role as responsalis might be sufficientlyreat in a given Quodlibet for it also to be attributed to him 70.

This has been proposed by L. Hõdl as a way of reconciling the fact that somany Quodlibets have been assigned to Hervé of Nédellec with his reiativelyh rt career as Regent Master. He would have determined the first three of his

Quodlibeta maiora as Regent Master. But as regards those known as Quodlibetaminora, in at least two cases he would have played an important rale in theoriginal disputations not as Master but as responding Bachelor, under Arnoldof Liêge in the case of Quodlibet IX, and under John of Paris in the case ofQuodlibet VIII. Because of this, both of these Quodlibets would have beennssigned to Hervé himself ", This is an interesting proposal, and merits fullermvestigation, If correct, it would mark an important step in the evolution of

69 See GLORIEUX, La littérature quodlibétique, vol. 2, p. 27.10 See GLORIEUX, La littérature quodlibétique, vol. 2, p. 35-36. In fact, suggests Glorieux,

it could be that the same Quodlibet might be correctly assigned to two persons, thedetermining Master, on the one hand, and the responding Bachelor, on the other. Heha , however, found no example of this.

11 See HOOL, Die Quodlibeta Minora des Herveus Natalis O.P. (t 1323), in MünehenerTheologisehe Zeitschriji, 6 (1955), p. 215-229. In this article Hõdl defends the authenticityf the Quodlibeta minora against doubts raised by Glorieux (with the exception of "Quod-

libct XI" which Hõdl too recognizes to be taken from the shorter versions of Godfreyof Fontaines' Quodlibets 111 and IV). He refers to a solution proposed by A. de Guimarãesaccording to which Hervé would have disputed most of the Quodlibeta minora as aBachelor outside Paris, but rejects this as inadequate in that it fails to account sufficientlyf, r the literary peculiarities of some of these and fails to vindicate their authenticity (p.216). His own solution would help account for unusual manuscript indications such as

ne from a Florence manuscript identifying Quodlibet IX as "quodlibet Amulphi deter-minatum per magistrum fratrem Herveum" (p. 216), or the fact that Quodlibet VIII isu cribed to John Quidort by a Klosterneuburg ms. (p. 217).

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182 CHAPTER II

the Quodlibet in the early fourteenth century 72. One wonders, however, whetheranother and simpler solution might not be proposed for at least some of Hervé'sQuodlibeta minora. Perhaps some ofthese did not result from his official Universityfunctions either as Master or as Bachelor, but from private disputations carriedout by him only for his Dominican colleagues, either before or after his careeras Regent Master 73.

72 In developing his solution for Quodlibet IX, Hõdl makes much of the fact that thereare references there in q. 5, 6, and 8 to the respondens (p. 224-225). This is not all thatunusual in quodlibetal literature and would not of itself, in our opinion, justify theconclusion that the Quodlibet could therefore be assigned to Hervé simply because ofhis important role as respondens. But the Florence ms. attribution of it to Arnulph andto Hervé does pose a special problem. For another solution for this problem see PELSTER,Eine Münchener Handschrift des beginnenden vierzehnten Jahrhunderts mit einem Verzeichnisvon Quaestionen des Duns Scotus und Herveus Natalis, in Franziskanische Studien, 17 (1930),p. 269-270. Hervé's colleague, in the Dominican chair for foreigners, Arnold of Liêge,would have disputed or at least announced his intention to dispute a Quodlibet, butwould have been prevented from holding the determinatio because of illness or for someother reason. Hervé, recently having been licensed, would have taken his place. (It will berecalled that the text cited in n. 71 does refer to Hervé as Master.) ln fact, suggestsPelster, this would have been Hervé's first Quodlibetal determination and would accountfor its being described as primum quolibet parvorum (that is, the first of his quodlibetaminora) in a Madrid ms. (Bibl. Nationale, 226). This solution is accepted by A. TEETAERT,La littérature quodlibétique, p. 84-85. As regards Quodlibet VIII, Hõdl notes that the replyto qu. I begins with this remark: "Respondeo respondendo ad istam quaestionem" (seep. 227-228). But neither this formula nor the development of qu. 2 necessarily demonstrates,in our opinion, that the solutions proposed must be assigned to a responding Bachelor(Hervé, according to the hypothesis) rather than to the determining Master (Hervé?).

73 Perhaps some such explanation would help one account for the unusual literarycharacteristics of Quodlibet V, already recognized by Hõdl (p. 228). Thus it lacks theusual introductory formula and more importantly, concludes as if it were written in theform of a letter. Still, Hõdl rightly maintains that it originated from a disputation, butalso insists that Hervé determined it as a Master. One still wonders when and where.

CHAPTER III

RULES OF CRITICISM FOR QUODLIBETAL QUESTION

In this Chapter we shall examine questions relating first t th"authorship" of Quodlibets; secondly, surviving written ver i o 01Quodlibets; thirdly, the dating of Quodlibets; fourthly, the langua ofQuodlibets; and finally, the author's freedom both in the ri inulQuodlibetal Disputation and in preparing bis final written ver i o o thame.

1. AUTHORSHIP

As we have already indicated, at least during their "Golden A inTheology Faculties at Paris and other Universities, Quodlibet w rclearly regarded as the works of Masters. Nonetheless, it is also cl arthat some role was reserved for one, possibly for more Bachelors, durinthese formal exercises. Thus, to have served as a respondens at a Ma ter'Quodlibet was laid down as one ofthe conditions required for a Bachelor'promotion 74.

Even so, there has been some difference in emphasis on the part fcontemporary scholars concerningthe reIative degree to which Bachei rand Master actively participated in the first day's session in Quodlibetal

,. Although reference has already been made to these above in note 19, it may be h lpfulhere for us to quote the following statutes for the Theology Faculty at Paris. fromthe Statutes of 1335-1366, art. 18: "Item, nota quod bachalarii in theologia ten 'nl'"respondere de questione in locis publicis aliis bachalarüs quinquies ad minus, ant qu '11I

licentientur, scilicet in aula episcopi Parisiensis, quando fit ibi aliquis novus magi I 'r li'

theologia.... Item semel de Quolibeto in Adventu vel circiter; item semel in disput ti nibugeneralibus antequam pennittatur sibi legere Sententias". AIso see from the Statutcs for1366-1389, art. 43: "Item, quod legentes Sententias de domibus Mendicantium et anel,Bernardi respondeant de Quolibetis ante quartum principium, omni dispensationseclusa; alioquin ipsis interdicitur quartum principium et ulterior lectura Sententiarum.

eculares autem et alii religiosi respondeant de Quolibetis ante licentiam ..."; art, 4 :"Item, quod quilibet bacalarius formatus faciat quolibet anno duos de actibus suis, velad minus unum, quousque omnes actus suos compleverit, ne sint duo actus solemncfacultatis in eadem hebdomada .... Actus autem ad quos tenentur sunt: Responsionses deQuolibetis, Sorbonica, ordinaria, at aula ..." (italics mine). For these and other sceDENIFLE-CHATELAIN,Chartularium ...• vol. 2. p. 691-704, and GLORIEUX,La liuératurequodllbétique, vol. I, p. 12-1 .

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184 HAPTER 11I

debates. (Here we do not have in mind the clearly exceptional situationwhere a University Quod1ibet might perhaps have also been assigned toa responding Bachelor because of bis unusually predominant role in theoriginal disputation 75.) According to one view, perhaps best representedby Glorieux, the Master would not on1y have presided over the initialday's disputation, but after bis Bachelor had attempted more or lesssuccessfully to meet the various objections raised about any given pointby others and perhaps had even proposed a response to each majorquestion, it would remain for the Master himself to offer bis preliminaryresponses to each of these questions. The degree to which the Masteractively participated in this fírst session would undoubtedly vary. If theresponding Bachelor had been unusually effective in treating a particularquestion, the Master might pay him high honor by simply stating asmuch and letting bis resolution of that question stand. In any event, itwould on1y be in a subsequent oral session that the Master would beexpected to offer bis definitive solution, or his determinatio, for each ofthe questions raised 76.

According to another view, the Master's active role during the fírstday's disputation would normally be less. He would certainly preside,and this of itself would be enough for this disputation to be regardedas bis Quod1ibet, not as that of bis Bachelor. Nonetheless, the Bachelorwould be given considerable freedom and responsibility in bis attemptto meet the various objections and even, it would seem, to offer bis ownsolutions to the major questions raised by those present in the audience.The Master's personal response to each of the particular questions wouldnormally not be presented during this fírst day's disputation, not evenin preliminary fashion, but would be reserved for the second oral session,the determinatio 77.

7> See our discussion of Hõdl's suggestions concerning some of Hervé of Nedellec'sQuodlibeta minora in the preceding chapter.

7' See GLORIEUX.La littérature quodlibétique, vol. 1. p. 31-35; vol. 2. p. 33-35 (wherehe aclcnowledges that the Master's degree of participation in the first day's sessionundoubtedly varied considerably); L'Enseignement ...• p. 131-133.As Glorieux has frequentlynoted, it is possible that more than one Bachelor might serve as respondens under a givenMaster for one and the sarne Quodlibetal disputation. As he a1so observes. in the secondoral session, the official deterrnination, it would be the Master alone who would speak(see L'Enseignement ..., p. 131)..

77 See DONDAINE. Secrétaires de Sain/ Thomas, p. 131-133. While he is here mostconcerned with describing the procedure in Ordinary Disputed Questions, he eem toregard that for Quodlibets as fundamentally the same in this respect. a. BOYL • TheQuodlibets 01 S/. Thomas, p. 233-234.

RULES OF R1TICISM 185

A f thi writing I myself have been unable to find sufficient evidence10 decide this issue definitively either way. Some evidence offered byorne to support a more active role for the Bachelor in the first day'ss i n seems, in my opinion, to apply to other Disputed Questions, but

not necessarily to Quodlibets and not necessarily at Paris 78. Again, theIw versions of Peter of Tarentaise's single Quodlibet appear to point toI stronger role for the Master even in the fírst day's disputation. For if,IS eems to be the case, we there have a reportatio of the fírst oral

ion, the solutions and even the replies to objections all are apparently,. igned to Peter himself, not to bis Bachelor 79. One might, of course,ICC unt for this by suggesting that it is nothing but an accepted literary.onvention for Quodlibets. But, in the absence of evidence to the contrary,II would seem that one should take this text at face value. While admittingIh t the respective roles of Master and Bachelor during the fírst day'ss 00 ion probably varied considerably, it seems likely to me that on manyo oca ions, at least, the Master did play a fairly active role during thatc ion, so much so that he would have even then offered bis preliminaryolutions to the various questions raised. In any event, this disagreementunong contemporary interpreters is largely one of emphasis. Today there

erns to be general consensus, fírst, that Quodlibets involved two oralions; secondly, that the Master would offer bis definitive solutions

r determinations at the second oral session; and thirdly, that the entireQuodlibetal debate including both sessions would be formally and officiallyutributed to the Master.

orne time after the oral disputation and determination had takenplace, a Quodlibetal Master would prepare for release to the public adcfinitive written version of bis determinatio. Certain statutes requiringthat a Master submit bis written version within ten days seem to refer

" ee, for instance, the various questions edited in LITTLEand PELSTERcited by BOYLE(The Quodlibe/s. p. 233. n. 4) to illustrate the names of those who were Bachelors or whoubmitted objections at Oxford Quodlibets and thus to show that in the first session the

"ma ter's role was hard.ly more than that of referee, immediate answers to questions fromth f100r being left to the Responsalis", These questions seem in the main not to be

u dlibets at ali. Moreover, in the text cited above in n. 15. concerning Nicholas deVaux- ernay, it is stated that he (the Master) "disputed" on one day and "deterrnined"on another,

,. ee GLORIEUX.Le Quodlibet de Pierre de Tarentaise, p. 242-275. Throughout Peter, iume full re ponsibility for his replie including the replie to objections: "Respondeo".r lu repor/afio gives no indicati n f ny imp rtant r le r. r re ponding Bachelor, eventh u h it i a reportatio of lhe flr I ti, ° • IC n

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186 CHAPTER III

not to Quodlibets but to other kinds of Disputed Questions 80. As timewent on, Quodlibetal Questions tended to become considerably longerin their final written versions, and a fair amount of time would havebeen required for a Master to prepare them for publication. It seemslikely that this final version would normally be completed during thefollowing academic year. But there is reason to believe that a Mastermight release two succeeding Quodlibets for publication at the same time,as Godfrey of Fontaines may have done on two different occasions 81.

In such cases even more time would have elapsed between the oralpresentation of the first Quodlibet and its eventual publication. Giventhis possibility and given the increasing length of late thirteenth-centuryand early fourteenth-century Quodlibets, especially that of John DunsScotus, it seems likely that in certain cases the final written version ofa Quodlibet was considerably expanded when compared with the oraldetermination of the same 82.

ao See the Statutes of 1331 for the University of Padua for the Faculty of Law as editedby H. DENIFLE,Archiv for Literatur- und Kirchengeschichte. Vol. 6 (1892), p. 477-478. Sincethese apply to Disputed Questions, to the University of Padua, and to the Law Faculty,there is no need to extend the ten day requirement to Quodlibets in Theology at Paris.

81 See GLORIEUX,La littérature quodlibétique, vol. 1, p. 53-54; A. PELZER,Godefroid deFontaines et ses manuscrits, in Revue Néo-scolastique, 20 (1913), p. 507-510; Êtude sur lesmanuscrits des Quodlibets de Godefroid de Fontaines. Louvain, 1937 (Les Philosophes Belges,14), p. 240-244. Pelzer notes that Godfrey's Quodlibets V-VI were probably releasedtogether for publication. He says the same of Godfrey's Quodlibets XI-XII. He arguesfrom the fact that only in these two cases is there a continuous numbering of peciae forsucceeding Quodlibets in the manuscripts (Vatican) he is there describing. For Godfrey'sother Quodlibets (V-XIV) the numbering of the peciae begins anew with each Quodlibet.On the other hand, in a personal communication and in his Les Quodlibets d'Henri deGand et leur "exemplar" parisien, in Recherches de Théologie ancienne et médiévale, 37 (1970),p. 82, R. MACKENnotes that the same situation obtains in the case of Henry of Ghent'sQuodlibets 11 and 111.Macken doubts that one must conclude that simply because twoQuodlibets appear in a manuscript deriving from a University exemplar with continuousnumbering of peciae, they were therefore edited and released for publication together.

.2 For example, as a very !imited and unscientific experiment, I have read aloud andtimed a sampling of pages from modem editions of Henry of Ghent's Quodlibet I, Godfreyof Fontaines' Quodlibet XIII, and Thomas of BailIy's Quodlibet IV. My very roughcalculations suggest that at least 460 rninutes, 520 minutes, and 440 minutes would havebeen required for a rapid oral presentation of each of them in their present versions.Granted that the determination of a Quodlibetal debate was a long and taxing exercise,one suspects that there may have been significant additions and embellishments in someof these cases and in others, especially in that of Duns Scotus. In the case of Henry ofGhent, reference has already been made above (see note 16a) to his Quodlibet XII, qu.31, where an independently disputed question was incorporated into the written versionof his Quodlibet. Again, in his Quodlibet XI, qu. 6 Henry seems to have introduced intothe corpus of the written version of this question the text of a small contemporary treati c

RULES OF CRITICISM 187

2. WRITTEN VERSIONS

It follows from the above that written versions of Quodlibets as theyurvive in manuscript may reflect any one of three different stages. (J)

M t rarely, but apparently in a few cases, we have a written record oflhe first day's disputation. Here, while the Master would have conductedIhi original session at least in the weaker sense already mentioned inth preceding section ofthis Chapter, and would, therefore, be its "author"in an extended sense of that term, the surviving written record wouldhuve been taken down by someone else, a reportator 83. (2) On otheroccasions we have written versions which are reportationes of the secondíuy's proceedings. These, of course, record the Master's determinationmd are therefore "authored" by him in that sense, even though they,

10 , would still have been set down in writing by someone else, areportator 84. (3) Most frequently, surviving manuscripts contain not mercr('p rtationes either of the first or the second oral session, but the Master'final written determination. These have been "authored" by the Master11\ the strictest sense of that term and, therefore, enjoy the greatest criticalvulue as records of his thought.

In addition to the above, an added complication is posed by the factthat abbreviationes of some Quodlibets survive. Insofar as I have beenible to discover, these are rarely if ever records ofthe first day's debate.'lhus they usually reflect the presence of an organizing plano But otherpo sible explanations of their origins remain: (1) Are they direct recordind summaries ofthe second day's proceedings, in other words, abbreviatedrcportationes'l (2) Or are they perhaps rather summaries drafted at somlater point in time on the basis of reportationes of the second day'sse sion? (3) Or perhaps are they rather summaries based on the Ma ter'

itractatus parvus) in order to refute this same treatise in detail. For this and even f( r ,r onstruction of this treatise see MACKEN,Heinrich von Gent im Gespriich mil e/li li

/ eitgenossen über die menschliche Freiheit, in Franziskanische Studien, 59 (1977), p. 161-167. On the other hand, passing references, even passing verbatim references, in thsurviving version of a Quodlibet need not always be taken to imply that such referencewere added by the Master after he had presented his oral determination. For instance,in his Quodlibet 11, qu. 3 Godfrey of Fontaines incorporates a number of unrnistakabler fcrences to Thomas Aquinas's De aeternitate mundi. (For these see WIPPEL, TheMetaphysical Thought 01 Godfrey 01 Fontaines, p. 160-164, and notes.) In this case we haveonly a reportatio, not Godfrey's final written determination.

11 ee the case of Peter of Tarentaise already mentioned above.•• CC, for instance, Godfrey f ontaines' Quodlibets I-IV; and perhaps, Thomasquinas' Quodlibet XII.

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188 CHAPTER III RULES DF CRITICISM 189

final written determination, but themselves drawn up by someone else?(4) Or finally, are they records ofthe Master's own notes, perhaps draftedby him in preparation for the second oral session, or perhaps his personalrésumé or recollection of that same session? It is difficult to eliminateany of these possible explanations on a priori grounds.

Given this situation, one is not surprised to discover that modemscholars sometimes differ in accounting for the literary origins of a givenset of abbreviationes. For instance, abbreviationes of Godfrey of Fontaines'Quodlibets 111and IV survive and have been edited along with the longerversions of these same Quodlibets; and abbreviationes of his QuodlibetsV through XIII still exist in manuscript. Some have argued that all ofthese were drawn up in their present form by Hervé of Nédellec. ButDom Lottin held that Quodlibets 111and IV owe their present abbreviatedform to Godfrey himself ". If Lottin's suggestion should prove to becorrect, then the abbreviationes would enjoy greater critical value asrecords of Godfrey's thought than if they were only drawn up by Hervé.In my opinion, this question remains unresolved.

It sometimes happens that such abbreviationes are found together witha detailed critique of the views of a given Quodlibetal Master. TheImpugnationes of Bemard of Auvergne against the Quodlibets of Godfreyof Fontaines, Henry of Ghent, and James of Viterbo are importantexamples 86. Once more, one may wonder about the identity of the party

originally responsible for drawing up each of these sets of abbreviationes.One should not necessarily assume that the critic, in this case Bemard,is also the person responsible for the abbreviationes themselves. Oneiunnot resolve such questions on purely a priori grounds and should, itw uld seem, remain open to each of the possibilities mentioned aboveuntil evidence to the contrary is found.

Granted the different possible literary origins for Quodlibets as theysurvive in manuscript today, one may propose certain practical principlest assist one in identifying a given Quodlibet as one or other of theubove. These principles are not to be regarded either as exhaustive orIIS infiexible, but only as working guides.

First of all, a written reportatio of the first day's oral session will lacklhe order or organizing plan found both in reportationes of the secondday's session and in a Master's final written determination. As alreadyindicated, surviving reportationes of the first day's session are very rare8'

" See DEWULF,Les quatre premiers quodlibets, p. XIV-XVI, who regarded the abbreviationesof Quodlibets 111and IV as reportationes; LOTTIN,Une question quodlibétique inconnue deGodefroid de Fontaines, in Revue d'Histoire Ecclésiastique, 30 (1934), p. 857 and n. 1 (Godfreyhimself authored the original versions of the abbreviationes of Quodlibets 111and IV); J.HOFFMANS,Êtude sur les manuserits des Quodlibets. Louvain, 1937 (Les Philosophes Belges,14), p. 305 (who agreed with Lottin and would extend this judgment to the abridgedversions of Godfrey's other Quodlibets, that is, V-XIII); P. STELLA,Teologi e teologianelle "reprobationes" di Bernardo d'Auvergne ai Quodlibeti di Goffredo di Fontaines, inSalesianum, 19 (1957), p. 185-186 (who regards Hervé ofNédellec as the party responsiblefor all of these abbreviationes). For apparent agreement with this see A. PATTIN, Lastructure de l'être fini selon Bemard d'Auvergne, D.P., in Tijdsehrift voor Filosofie, 24 (1962),p. 672-674. Henry the German is credited with having rnade an abbreviation of Godfrey'sQuodlibet XIV (see A. PELZER, Étude sur les manuscrits des Quodlibets. Louvain, 1937[Les Philosophes Belges, 14 ]; p. 214-215; T. GRAF, De subieao psyehieo gratiae et virtutumsecundum doetrinam seholastieorum usque ad medium saeculum XIV, Pars prima: De subiectovirtutum cardinalium [Studia Anselrniana, 3-4]. Rorne, 1935, p. 17*).•• See PATTIN,La structure ..., p. 668-737; STELLA,Teologi e teologia ..., p. 171-214. For

a listing of various abbreviationes of Henry of Ghent's Quodlibets and for orne otherimpugnationes as well see R. MACKEN,Bibliotheea Manuscripta Henrici de Gandavo. Lcuvenand Leiden, 1979, vol. 11, p. 1302-1304 ("Table des rnatiêres"). For the rcfutati n of

Second/y, granted that reportationes of the second session as well as aMaster's final written determination will incorporate some such organizingplan, there are often clear textual indications which show that one isdcaling only with a reportatio. For instance, there may be references tolhe Master in the third person, which one would not expect to find ina Master's final written version of his own Quodlibet. Or there may beintroductory remarks or marginal notations in the manuscript traditiont indicate that one is dealing only with a reportatio 88.

Third/y, there are often equally clear indications that the text containlhe author's final written determination. For example, in Quodlibets IIand X Henry of Ghent refers to what he had "written" in Quodlibet 1rather than to what he had "said". Or in his Quodlibet 111,qu. 15, Henrywrites: "Hic adverte /ector". Or in his Quodlibet 11,qu. 7, Giles of Romrefers to his effort to stimulate the minds of his "readers" rather than

Duns Scotus's Quodlibet attributed to Thornas of Sutton see J.A. SCHNEIDER,ed., ContraQuodlibet Johannis Duns Scoti. München, 1978.

., See GLORIEUX'Sedition ofthe reportatio ofthe first day's session for Peter ofTarentaise'suodlibet as cited above in n. 10.li or exarnple, DE WULF has cited both types of indications to show that Godfrey of'ontaines' first four Quodlibets as they survive today are only reportationes. See his

r marks in Les quatre premiers quodllbets, p. XV and XVI. As regards the first type, 00number of occasions in Qu dlib ts 11 and 111 dfrcy's text refers to: "Responsio in

libro ma i tri" or the equival nt.

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190 CHAPTER III

his "listeners" 89. In addition, indications in even some manuscripts thatthe text of a given Quodlibet has been divided into peciae may serve asanother likely sigo that one is dealing with a Master's final written versionof that Quodlibet. Such divisions are the earmark of copies of theUniversity exemplar which was available at the University stationer andofficialIy approved for reproduction. While division into peciae is by nomeans restricted to Quodlibets, such division of a Quodlibet into peciaewould make it likely that the Master himself had prepared or at leastapproved the copy which was to serve as the University exemplar. Hencethis may be taken as an added probable indication that the text inquestion represents the Master's final written determination rather thana mere reporta tio 89••

Fourthly, there is often a better sense of organization, a tighter structure,within the particular questions contained in a given Quodlibet when itis the Master's definitive written version rather than a mere reportatio.Or to put this another way, there is sometimes a sense of being unfínished,a certain lack of tidiness, in mere reportationes. For example, one mayfind replies to objections without the objections themselves appearingwhere they should, or perhaps, even without their being present in theQuodlibetal question at alI as it now survives 90. Application of this

89 For Henry see Quodlibet lI, qu. 2, f. 29v; Quodlibet X, qu. 10, f. 432v; Quodlibet11I, qu. 15, f. 74r. Cf. MACKEN,Henrici de Gandavo Quodlibet I, p. XLIII-XLIV. For Gilessee Quodlibet 11, qu. 7, in his Quodlibeta. Louvain, 1646 (repr. Frankfurt/Main, 1966), p.69a: "modum tamen datum magis posuimus ad exercitandum legentium mentes quam adid, quod dictum est, pertinaciter asserendum",

89. For some interesting comments on the gradual discovery and increasing awarenessof the importance of peciae in establishing critical editions of medieval philosophical andtheological texts, including Quodlibets, see A. PELZER,Les Manuscrits des Quodlibets deGodefroid de Fontaines. Louvain, 1937 (Les Philosophes Belges, 14), p. 239-244. Note hisreferences there to the important contributions by J. DESTREZ: La "pecia" dans lesmanuscrits du moyen âge, in Revue des sciences philosophiques et théologiques, 13 (1924), p.182-197; Êtudes critiques sur les oeuvres de saint Thomas d'Aquin d'aprês Ia tradition manuscrite,(Bibliothêque Thomiste 18, Section historique 15). Paris, 1933; La Pecia dans les manuscritsuniversitaires du XIlIe et du XIVe siec/e. Paris, 1935.For special application to the Quodlibetsof Henry of Ghent see R. MACKEN,Die Editionstechnik der "Opera Omnia" des Heinrichvon Gent, in Franziskanische Studien, 63 (1981), p. 231-235, and his references there tohis earlier discussions of this. In addition see his Henrict de Gandavo Quodlibet X, p.XXXVI-XLVI.

90 See, for instance, Thomas Aquinas's Quodlibet XII and our remarks about it in note11. Also, see Godfrey of Fontaines' Quodlibet lI, qu. 3 where, in discussing the eternityof the world, one finds an objection answered without its having been raised in the text(Les quatre premiers quodlibets, p. 77-78). Cf. WIPPEL, The Metaphysical Thought 01 Godfrey01 Fontaines. A Study in Late Thirteenth-Century Philosophy, p. 164, n. 1 I. In Godfr y'Quodlibet 111,qu. I, there is a certain lack of organization in the longer versi n (its Ir

RULES OF CRITICISM 191

criterion is, of course, somewhat subjective, and not necessarily conclusive,it would seem, unless supported by other indications such as one ormore of those already mentioned. For instance, it could be that one isdealing with the Master's final written redaction of his Quodlibet, butone which circumstances did not permit him to polish completely beforehis death.

Finally, there will sometimes be clear manuscript indications that oneis dealing with an abbreviatio of a particular Quodlibet. When a longerversion of the same Quodlibet survives such indications can be confirmedsimply by comparing the two texts. In other cases, the very nature ofthe text itself and its extreme brevity will show that one has an abbreviatiorather than the fuller text 91. If one could prove that a given abbreviatiohad indeed been prepared by the Master himself, it would enjoy greatercritical value than any mere reportatio of the same Quodlibet. But suchhas proven to be very difficult to establish 92. In Chapter 1:2 considerablestress was placed upon the importance of recogoizing the organizingplan imposed by a Quodlibetal Master on his Quodlibet in enabling utoday to distinguish this from other kinds of Disputed Questions. Asalready suggested there, examination of the particular plan employed bya given Master can also enable the modern researcher to resolve certainproblems having to do with the status of a survivingtext or its authenticity.Thus this may enable one to recognize that a surviving manuscript of aQuodlibet, whether a final written version or a reportatio or an abbreviatio,

still a reportatio) which is considerably improved in the shorter version. f. WII'I'II , JI46-63.

" Ali of these indications are present, for instance, regarding the shorter v r 1011 "Iodfrey of Fontaines' Quodlibets III and IV which have been published in v I 111 I ri

Philosophes Belges and, for that matter, for the largely unpublished abbrevtatton \ 01 111

uodlibets V-XIV. See the references given above in note 85, especially to St 111 uulPattin,

U To cite a fascinating case, Godfrey of Fontaines' Quodlibet XV has survivcd in only( I1C known manuscript, which itself was destroyed during World War 11at Louvain. Af\ rh, ving identified it as an abbreviatio of a Quodlibet by Godfrey (see Une question quodltbéttou«lnconnue de Godefroid de Fontaines, in Revue d'Histoire Ecclésiastique, 30 (1934), p. 852-K 9) and having edited it, O. Lottin concluded that it was in fact an autograph as wcll(e Le Quodlibet XV et trois Questions ordinaires de Godefroid de Fontaines. Louvain, 193711 s Philosophes Belges, 14), p. 76. "Addendum"), Due to the good offices of Dom 11.n . cour, R. Macken and Th.-A. Druart, a copy of a surviving microfilm of this importam111 muscript (Louvain G 30) has been made available to me. Unfortunately, in light r aompari n of the text r Quodlibel XV with other generally recognized in lance

( (drr y' hand a citcd by Louin, I n w think it unlikely that lhe text of Qu dlibet XV111 , 30 i. odrr y\ ut r ph.

Page 99: Bazàn, Wippel, Fransen et Jacquart. Les Question Disputées Et Les Questions Quodlibétiques Dans Les Facultés de Théologie, De Droit Et de Médecine

192 CHAPTER III RULES OF CRITICISM 193

is incomplete. Examination of the particular plan employed in a Quodlibetmay also assist one in resolving certain questions relating to the authenticityof that Quodlibet. This, too, may apply equally to abbreviationes, repor-tationes, or to the final written versions of Quodlibets. To cite but onecase which is of particular interest to students of Godfrey of Fontainesand Hervé of Nédellec, it has long been recognized that Hervé's allegedQuodlibet XI is, in fact, a compilation of a number of abbreviatedquestions taken from Godfrey's Quodlibets Hl and IV. But even iftoday'sreader were unaware of this, careful examination of the organizing planin Hervé's alleged Quodlibet would quick1y reveal that it is not a singleQuodlibet. The first eight questions as they appear in the Venice editionhave obviously been organized according to one plan ; but suddenly, withquestion 9, a new plan begins, commencing with questions treating ofGod and then of creatures, etc. What has happened is that the partyresponsible for this compilation has also reproduced part of the planfollowed by Godfrey in his Quodlibet Hl, and then continued with theplan employed by Godfrey in Quodlibet IV, all the while presenting thewhole as a single Quodlibet 92. !

3. DATING

authorized participant in such a disputation to pose for the Master amoral or legal or theological or philosophical question relating to thesame, and why this in tum would establish the terminus a quo for datingall the questions within a given Quodlibet.

Examples of such references abound. One need only recall an interestingdiscussion in Henry of Ghent's Quodlibet XV occasioned by the fall of Acrein 1291; or different Quodlibetal questions about the legitimacy of separatinga King's heart and entrails from the rest of his body, occasioned by the deathand burial of Philip Ill of France in October, 1285; or questions arising fromthe abdication of Pope Celestine V in December, 129493. In each of these casesa recent historical event served as the occasion for someone to direct a relatedquestion to a Master in a Quodlibetal disputation.

References to recent historical events were also often incorporated byMasters in their replies to other particular questions 94. For purposes ofestablishing the chronological terminus a quo for a given Quodlibet, suchreferences are also evidently of great value.

Glorieux has offered some interesting "rules" for interpreting suchreferences to contemporary events when one is attempting to date agiven Quodlibet. First of all, he maintains that reference to a particularhistorical event justifies one in concluding that the Quodlibet containingany such reference is posterior to that event. Secondly, he argues thatuny such reference permits one to assume that the Quodlibet containin

As is true of other genres of medieval philosophical and theologicaltexts, specific chronological indications are sometimes given with themanuscripts in which Quodlibets are preserved. But unlike other genres,when such precise chronological indications are lacking, Quodlibets aremore likely to contain either implicit or explicit references to contemporaryhistorical events. This, of course, derives from their nature as Quodlibets(de quolibet), and, therefore, from their greater sense of actua/ité. Onecan easily understand why a recent historical event could lead any

•• For Henry, see Quodlibet XV, qu. 16, ff. 594r-594v. For Quodlibetal que, tioll ,( I (111110 the burial of a king see Godfrey of Fontaines' Quodlibet I, qu. 11 «('d. ('/1, P I' I lI,Ihough he does not explicitly name the King; Henry of Ghent, Quodlib 'I I ,1\11 I (I177r), who does explicitly refer to the case of the King. AIso cf. GL RlIIlJ ,11/ 111I""'11I,uuodlibétique, vol. I, p. 91, 80, 149-150; E. BROWN, Death and lhe llunum IIlIlh' 1/1 111t.ater Middle Ages: The Legislation of Boniface VIIIon the Division of lhe' ('11I/111', 1\ , """,,

12 (1981), p. 235-246 (who also discusses Quodlibetal disputati n CClII 1111111111 It(, rvais of Mt.-St.-Elias, and a few years later, by Oliver ofTréguier and U 1111h 11,,111Y111his QuodJibet VIII, qu. 9). For a study of various theological discu slon (1'( \ III1Itlihy the resignation of Pope Celestine, see J. LECLERCQ, La renonciatlon dr 11'11//1 1'1t'optnton théologique en France du vivant de Boniface VIII, in Revue d'Histoire de rt: 1/1' cIFronce, 25 (1939), p. 183-192 (Godfrey of Fontaines, QuodJibet XII, qu. 4; P L'I (lI

uvcrgne, Quodlibet I, qu. 15; and non-QuodlibetaJ sources taken from Peter livi, iI'sof R me, and John of Paris) .

•• • cc, for instance, the absence of any reference to John Peckham's condcmnati n f11111 .ity of substantial form (April 30, 1286) in Godfrey of Fontaines' Quodlibct 11, qu. 7,IlItI his lengthy rcference to this in his Quodlibet III, qu. 5 (ed. cit., p. 205-208); r th110 I of r ferences to Stephen Tempier's Condcmnation of 219 propositions of March 7,I 17, in Lhe Qu dlibetal litcrature of the ubsequent decades of the late thirtccruh andI 111 fourL enth ccnturics.

92. Discovery of the true nature of Hervé's alIeged Quodlibet XI is attributed to Pelzerby the Introduction to the Les Quatre Premiers Quodlibets de Godefroid de Fontaines, ed.by M. DE WULF and A. PELZER. Louvain and Paris, 1904, p. X. Cf. GLORIEUX, Lalittérature quodlibétique, vol. 1, p. 208; L. HODL, Die Quodlibeta Minora des Herveus NatalisO.P. tt 1323), in Münchener Theologische Zeitschrift, 6 (1955), p. 216. See Quolibeta Hervei.Venice, 1513, fol, 179rb (for the introductory division for "Quodlibet XI"). Further divisionsand subdivisions continue in their appropriate places as one would expect until "question9" when a question is raised concerning God (see fol. 182ra). Here the text has simplyincorporated the abbreviated version of Godfrey's introduction to Quodlibet IV, qu. I.For the corresponding edition of Godfrey's Quodlibets III and IV (shorter version), seeed. cit., p. 301, 320.

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194 CHAPTER III

it was the first to be conducted by this Quodlibetal Master after thatevent had taken place 95.

Each of these "rules" calls for some comment. As regards the first, itis not inconceivable that a given historical event might have occurredafter the oral presentation of a Quodlibet, but before its final writtenredaction. In such a case, it would not be impossible for the Master tohave introduced some reference to that event while preparing his finalwritten answer to another question, especially if the event in questionwas the publication of a pertinent civil or ecclesiastical documento Thisqualification will not apply, however, in cases where the very questionbeing considered by the Master was itself occasioned by a given historicalevento Glorieux's second rule requires more serious qualification. Itassumes that we now have all of the Master's Quodlibets. Moreover, itmay be that no one present at a Master's first Quodlibetal disputationafter the occurrence of some significant historical event elected to raisea question relating in any way to that evento There is no reason for usto assume that every important contemporary historical event wouldimmediately be reflected by one or other question raised at every Master'snext Quodlibetal disputation. At the same time, it could easily happenthat this same event might give rise to a particular question at somesubsequent Quodlibetal disputation, perhaps a year or even several yearsthereafter 96. Finally, although this caveat itself should be applied onlysparingly, one cannot completely eliminate the possibility that a Mastermay have "retouched" one or more of his Quodlibets at a considerablylater date, and perhaps added a reference to a subsequent event or decreein order to strengthen or complete his argument 97.

Other "rules" for dating Quodlibets have also been singled out byGlorieux and retain their value. For instance, since in the thirteenth andfourteenth centuries at Paris in the Theology Faculty only Masters couldconduct Quodlibetal disputations, one may assume that any such author'sQuodlibet(s) must be dated after bis promotion as Master 98. (As already

., La littérature quodlibétique, vol. I, p. 80-8l.•• For more on this see WIPPEL, The Dating of James of Viterbo's Quod/ihet I and Godfrey

of Fontaines' Quodlibet VIII, in Augustiniana, 24 (1974), p. 376-378.'7 See WIPPEL, The Dating, p. 384-386. Such an explanation seems to be necessary to

account for explicit reference to the considerably later buli of Boniface VIII (Detestandae)at the end of Godfrey of Fontaines' Quodlibet I, qu. li of 1285 (see ed. cit., p. 30) .

•• See GLORIEUX,La littérature quod/ibétique, vol. I, p. 77-78.

RULES OF CRITICISM 195

noted, outside University circles Bachelors are known to have conductedQu dlibets.)

econdly, as seems clear from much of Glorieux's research, thepractice eventually developed according to which any given Master wouldonduct only one Quodlibetal disputation per academic year. Thomasquinas, Gerard of Abbeville, and during bis first academic year as

Magi ter regens, Godfrey of Fontaines, are known to have been. eptions 99. But in other cases, at least at Paris, if we find that one

( \I dlibet by a given Master clearly comes after and presupposes another1)1 hi , we can be fairly certain that they are not to be assigned to the

une academic year.Thirdly, special reference should be made to the fact that Quodlibetal

M usters often cite, and sometimes quite literally, from the Quodlibets ofuth 'r Masters. The point should be stressed that mere reference to thecio .trine of another Master is not of itself sufficient to establish directI! tu I interdependency. But in many other cases the citations and,\ 11'1 f re, the fact of some kind of direct interdependency are unmi tak-,hl . ln such instances, even though a living Quodlibetal Master is rarcly

ph it1y named by another, one may normally assume that the citint.rstcr's Quodlibet must come after that of the Master whom he qu t ..

1\ could be, of course, that they both date from the same Qu dlib tul11C'llod within a given year, or at least from the same academic year. Bu!II on has already established the date of the Quodlibet that is h 'jll

lI! d, ne may normally conclude that the Quodlibet that cit . it dm110\ mtcdate it 100.

4. LINGUISTIC FORMULAE

I eference has already been made to the possibility th 1I P 11111 111"

I,,.mula in a surviving Quodlibet may be of assistanc in n Ihhl\ nn\ •• li ,\ rrnine whether it is a mere reportatio or rather a Mastcr' 1111 ti

III I '1\ version. Considerable stress has also been placed n th rol

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196 CHAPTER III

and importance of organizing plans both in reportationes and in a Master'sfinal written determination. The mere presence of such a plan in a givenQuodlibet will show, at least, that it is not a reportatio of the first day'ssession although it might still be either a reporta tio of the second sessionor the Master's definitive written version. Moreover, reference by a Masterin a later Quodlibet to what he had said or to what he had written ina previous one can be helpful in establishing the literary origins of asurviving version of that earlier Quodlibet,

ln addition to such linguistic clues which may be of assistance to onein identifying the literary form of given Quodlibets, other characteristicformulae can be of great value in properly interpreting them, First of all,at times there may be references by a Master to what his respondingBachelor has already said, presumably at the first oral session (quiadixerat respondens, or some equivalent). ln such cases, one shoulddistinguish between the statement attributed to the respondens and thatdefended by the Master himself It will often happen, of course, that theMaster will accept and support his Bachelor's statement; but it may benecessary for him to correct it or to render it more precise in someway 101

0

Again, the opening argumentation may sometimes support the positiondefended by the Master, and sometimes be opposed to it. ln the latercase, the Master, after presenting his personal solution, may judge itnecessary to reply explicitly to such argumentation. This will usually takeplace at the end of the question as it appears in written form, and maybe introduced by formulae such as: ad argumentum or ad argumenta; adrationem or ad rationes, or some equivalent. On other occasions a Mastermay judge that he has already sufficiently replied to all opening argumentsin developing his own solution, and may briefiy indicate as much by aremark such as: "Per dieta patent argumenta utriusque partis" (Henryof Ghent, Quodlibet I, qu. 20) 1020 ln other cases the opening argumentsmay in fact support the position defended by the Master himself, lnsuch an eventuallty, rather than reply to these, he will probably find itnecessary to refute the opening argument for the opposed position, and

101 See Godfrey of Fontaines, Quodlibet XIV, qu, 4, J. HOFFMANS, ed., Les Quodlibetsonze-quatorze de Godefroid de Fontaines. Louvain, 1932 (Les Philosophes Belges, 5), p.360: "Ad aliud cum arguebatur contra respondentem qui dicebat quod caritas est virtusgeneralis respectu aliarum 000quod hoc non sufficiebat". For this and other examples alsosee GLORIEUX, La littérature quodlibétique, vol. 1, p. 31-320

102 See Quodlibet I, R. MA KEN, ed., p. 1700

RULES OF CRITICISM 197

may indicate that he is doing so by some remark such as: "Per hocpatet ad argumentum primum in contrarium" (Henry of Ghent, QuodlibetI, qqo 7-8) 1030

Most important in each of the questions contained in any typicalQuodlibet is, of course, the corpus of the text, containing the Master'sresolution ofthe principal question under examination. In many Quodlibetsit is quite clear at what precise point the Master is introducing his ownresolution or determination of a givenquestionoFormulae such as Respondeodicendum or Responsio dicendum are favored by many Masters such asThomas Aquinas, Godfrey of Fontaines, Giles of Rome, Thomas of

utton (who frequently settles for a simple Respondeo), Durandus ofaint-Pourçain (Avignon Quodlibets, where he prefers a simple Responsio)

and Roger Marston (who usually uses a simple Respondeo), to mentionbut a few, Other Masters may choose not to be quite so explicit inintroducing their resolutions as, for instance, is often true of longerquestions in Henry of Ghent's Quodlibets, Some prefer a more complicatedintroduction of their solution, for instance, by dividing the question intoa number of parts and then by proceeding methodically to determine'acho James of Viterbo is a good illustration of this procedure, although,in determining briefer questions, he often uses Respondeo dicendum, ands metimes introduces his division of a longer question into its vari uparts with this same formula, Thomas of Bailly and John Duns c tus.1 tend to introduce their resolutions by dividing the particular que ti ns

int parts. Ockham often begins his resolutions by making appr pruu11 tinctions or else by establishing the state of the question in me ith 'I

way; then he will quite explicitly reply to the particular question, frequ '1111

mdicating this by stating: "circa primum (or circa secundum) di o". P '11l!

Ih mae usually introduces his division of a given question int it I 11Iwith a simple opening Respondeo 1040

These few examples should suffice to show that there is c n 'id irublv iriety in the ways in which Masters introduce their solutions. And the

une Master may vary his own procedure, For instance, before ao werin

"" Ed. it., p. 46.,,~ For modern editions ofmany ofthese Quodlibets see below, Chapter V. The distincti n

hvtwc n re pondeo dicendum and responsio dicendum as it appears in these editions mayli. "11 in large mea ure to the modern editors them elves, As Professor Van teenberghenli I mdic t d t me, in hi view the exa t reading hould rather be Responsio. Dlcendum1/111I11 ( or R". DI endum quod). Ile I note th 1 ne find olutlo. Di endum (r, r '011/. "du",)

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198 CHAPTER III RULES OF CRITICISM 199

the particular question which has been raised, the Master might broadenthe discussion in order to treat of another and related issue. Henry ofGhent does this in bis Quodlibet XI, qu. 3, and indicates as much byobserving "ideo quaestionem altius extollendo" 1040. In any event, it isevidently of great importance for a modero reader to be aware of theprecise point at which a particular Master is speaking in bis own nameand offering bis own view, rather than merely recounting the opinionsof others. Otherwise, today's reader might assign to a Quodlibetal Mastera position he has set forth only to reject!

Equally important in interpreting Quodlibetal Questions are certainformulae which indicate that the Master either is or is not presentinghis proposed resolution as definitive. In many instances, of course, heis. But often enough he will make it clear that he is simply presentingwhat seems to him to be the more likely or the more probable position,or perhaps that he is merely listing different opinions, without committinghimself to any of these. For instance, he may explicitly state: "Sed nihilcirca hoc determinando sed probabiliter coniecturando" (Godfrey ofFontaines, Quodlibet IV, qu. 3); or "non asserendo ... sed recitando"(Godfrey, Quodlibet 7, qu. 12); or "non asserendo sed quasi conferendo"(Petrus Thomae, Quodlibet I) 105. That such precisions were taken seriouslyby Quodlibetal Masters themselves is evident, for instance, from certainremarks made by Henry of Ghent in bis Quodlibet 11, qu. 2, where herefers back to bis Quodlibet I, qu. 4 : "utrumque horum modorum exposui,sed neutrum sustentavi" 106. ./

Finally, sirnilarity in literary style, for instance, in using a given wayof introducing the resolutions of questions, or in imposing organizingplans, may be ofhelp in deciding questions of authenticity 107. Nonetheless,

given the standard character of much scholastic terminology and giventhe possibility of considerable variation in such literary formulae on thepart of the same author within different Quodlibets or, for that matter,within different questions of the same Quodlibet, it is risky to rely onthis criterion alone when one is attempting to determine whether differentQuodlibets are or are not by the same Master. A number of suchsirnilarities between two different Quodlibets will, as an argument fromconverging probabilities, make it much more likelythat two such Quodlibetsare due to the same Master.

5. THE AUTHOR'S FREEDOM

Here we shall take the term "author" broadly so as to refer to theMaster whether we are dealing with a reportatio ofthe first and unorganizedoral session, a reportatio of the second and organized determination, rthe Master's final written determination. As already indicated, Quodlibetalquestions could be raised by anyone about any appropriate topic.Nonetheless, as extant historical sources indicate, a Master could refu c( accept certain questions which he deemed inappropriate.

For instance, during the stormy period at Paris in December, 1286, concerninlhe much disputed Mendicant Privileges and Martin IV's bull Adfructus uberes,we have it on good authority that the Mendicant Masters refused to nteruunqucstions treating of this topic in their Quodlibets of that time. On th olh 'I

hund, the secular Masters who held Quodlibets during that same I' 'I iod \I

I 'I' rted to have ali sided with the French Bishops against the Mcndic 1111 ''''

104. For Henry see Quodlibet XI, qu. 3 (Paris, 1518), f. 440v. For discussion of this textsee R. MACKEN, Les diverses applications de Ia distinction intentionnelle chez Henri de Gand,in Sprache und Erkenntnis im Mittelalter, Miscellanea Mediaevalia, 13/2 (1981), p. 771-772.Macken has read "extollendo" instead of the "attollendo" of the 1518 edition (n. 14).

10S For Godfrey see Les quatre premiers Quodlibets, p. 243; Les Quodlibets cinq, six et septde Godefroid de Fontaines, M. DE WULF and J. HOFFMANS, eds., Louvain, 1914 (LesPhilosophes Belges, 3), p. 389. For Petrus Thomae see Petrus Thomae O.F.M. Quodlibet,M. HOOPER and E. BUYTAERT, editors. St. Bonaventure, N.Y., 1957, Pars Tertia, qu.16", p. 205.

106 See his Quodlibeta. Paris, 1518, foI. 29v.107 For two successful applications of this method in identifying anonymous Quodlibets,

one by Gerard of Abbeville and the other by Alexander of Sant'Elpidio, see GLORIEUX,Le Quodlibet et ses procédés rédactionne/s, p. 83-84, and regarding the second, his referencethere to the research of V. Doucet. On the Paris Ms. Bibl. Nat. Lat. 16.297, in which

rh Quodlibet by Gerard is contained, and which is Godfrey of ont 1111' ' W 11~1111 11

Sluoent Notebook, see GLORIEUX, Un recueil scolaire de Godefrold di' NII/IIIII/ \ (/',"1NIII. Lat. 16297), in Recherches de Théologie ancienne et médiévale, (19 I), I \I I, ,,"1"I dditiona! precisions, J.J. DUIN, La doctrine de Ia providence dons I~.\ rrtt» d ,\1"d" Brabant. Louvain, 1954, p. 130-135.

li" S e the letter from William of Mâcon, Bishop of Amiens, to Pierre Burb 'li " 111h(tl'111 Rhcims, of February, 1287, especially as cited above in note 4 ( hartulartum Unl»1',"/1'., vol, 2, p. 13ff.). As regards the refusa! of Mendicant Quodlibetal Ma: t 'r tu

111 rtain such questions at this same Quodlibeta! session (Christmas, 1286), e thIIIIIIII111ntion in the same letter : "Fratres Praedicatores et Minores istam quac ti n 111,1I 11 i fucta fuerit, recipere noluerunt" (p. 13). Since the letter refers to Master who

I I di puting De quolibet at that time, it clearly indicates that while Secular Ma ters"I II 'o thi question, the Mendicant Masters refused to do so. For another conternp rury'"11\ t the e controversies see a letter attributed to Godfrey of Fontaine ,as ditcd

111 thurtulurium, v I. 2, p. 10. r m re n ali of this see . H EDI'Z, Richard li".1,//,'11/11. Louvnin and Paris, 1925, p. 44-45; L RIIl x, La littérature quodllbétique, vol

I, fi 11\ I ,

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200 CHAPTER III

This, in turn, may account for the fact that in Henry of Ghent's Quodlibet X(Christmas, 1286), Godfrey of Fontaines' Quodlibet IV (1287), and Richard ofMiddleton's Quodlibet 111 (Easter, 1287), questions were disputed concerningthe right of Masters to refuse to entertain legitimate but troublesomequestions 109. It is evident from these discussions that frequent refusal to treatof such questions would not be regarded favorably.

00 the other hand, and without being seriously faulted, a Master mightdecline to discuss questions which he judged to be frivolous, or whichhe either had already treated elsewhere or else intended to take up inanother context, for instance, in one of bis Ordinary Disputed Questions.At the saroe time, a Master's desire to be open to alllegitimate questionsmay account for his wi1lingnessto entertain an occasional ooe that wassurely recognized as frivolous, or at least as humorous.

Thus in his Quodlibet XV, qu. 13 Godfrey faced the following question:

,o. In Quodlibet X, qu. 16, Henry entertained the folIowing question: "Utrum scilicetdoctor sive magister determinans quaestiones sive exponens Scripturas publice peccetmortaliter non explicando veritatem quam novit" (Paris, 1518, fols. 437r-v). Note thataccording to J. GOMEZ-CAFFARENA,Henry's Quodlibet X dates from Easter, 1287. Seehis Cronologia de Ia "Suma" de Enrique de Gante por relacibn a sus "Quodlibeta", inGregorianum, 38 (1957), p. 116-133. In Quodlibet IV, qu. 13, Godfrey replied to thisquestion: "Utrum magister theologiae quaestionem cuius veritatem scire est necessariumad salutem, debeat reputare esse litigiosam et ob hoc eam repelIere et nolIe determinare"(ed. cit., p. 274-277). His final remark tells us something about the working dynamics ofa quodlibetal disputation: "Cum ergo proponitur aliqua quaestio alicui magistro existentiin statu quaestiones communiter et de quolibet recipiendi, si proponatur ei quaestio taliscuius veritas est sufficienter manifestata, et illud quod ipse circa hoc diceret modicumproficeret, et vult circa alia magis proficua intendere, licet eam non recipere. Si autemest dubia veritas et expedit quod amplius declaretur, aut quantumcumque sit certa com-muniter intelligentibus, si tamen ob malitiam a1iqui resistunt et contradicunt ipsi, debeteam recipere et prout poterit declarare, et ut testimonio plurium veritas roboretur, illampartem quam viderit veriorem firmiter asserere, nec propter scandalum sic debet omit-tere, nisi modo praedicto" (p. 276-277). Cf. p. 340-341 for an abbreviated version ofthe same. Tbis text confirms much of what has been said above about thirteenth- andfourteenth-century Quodlibets in Theology being de quolibet and, by implication a quolibetrather than prepared in advance in any way, and about a Master's de facto freedom toaccept or reject questions. The same is implied by the following questions: QuodlibetVII, qu. 18: "Utrum magister in theologia debet dicere contra articulum episcopi si credatoppositum esse verum" (Les Quodlibet cinq, six et sept de Godefroid de Fontaines, M. DEWULF and J. HOFFMANS,editors. Louvain, 1914, p. 402-405); Quodlibet XII, qu. 6:"Utrum liceat doctori praecipue theologico recusare quaestionem sibi positam cuius veritasmanifestata per determinationem doctoris offenderet aliquos divites et potentes" (LesQuodlibets onze-quatorze ..., p. 105-107); for Richard, see his Quodlibet IH, qu. 22: "Utrummagister teneatur recipere quaestionem pro qua incurret malevolentiam, quam quaestionemutile est scire" (Brescia, 1591, p. 119). For some interesting remarks relating to this andfor some other texts see J. LECLERCQ,L'idéal du théologien au moyen ãge, in Revue dessciences religieuses, 21 (1947), especially p. 128-136.

RULES OF CRITICISM 201

"Utrum homo in statu viae indiget alimento ad conservationem vitae". Therethe opponens supported the negative position by a patently specious argumentdrawn frorn the situation of the Friars Minor who were said to be nothing butinstruments of the Pope who would simply move them to eat. While Godfreydispatches this question very quickly, he does so with good grace "0.

But in his Quodlibet XII, qu. 2, this same Godfrey had declined to treat twoof the three questions he had just recalled in his intraductory summarizingremarks because he intended to deal with them in his Ordinary DisputedQuestions 111.

While questions at Quodlibets were oormally raised not by the Masterbut by others in attendance, it should be recalled here that there is noreason to deny that on occasion a Master might arrange to have aparticular question posed which he wished to dispute, or that he mighteven raise one or other such question himself 112. It goes without saying,however, that excessive use of any such procedure would have undercutthe very nature of the Quodlibet and would have robbed it of one of itmost attractive features, its spontaneity.

Finally, reference has already been made to a Master's freedom tdevelop and apply an organizing plan as he might see fit both for theecond oral session and the final written version of bis Quodlibet. Even

though Glorieux has singied out the typical plans discussed above whichIrequently reappear, he would be the first to admit that Masters eojoyedc nsiderable latitude both in formulating and in applying their own planas the occasion demanded 113. In other words, the fact that Mast rsli ually employed one or other of the organizing plans discussed ab rvnced not be regarded as imposing any serious constraint upon a Mast I'

rr edom to dispute or not to dispute a given question and th r ~ I 111

111 lude or not include it in bis final written version.

I Quodlibet xv ....p. 63-64.cit , p. 3.n t 21 nb ve f, r th rcfcrenc t R bcrt Ilolc l.,IOIW'lJ ,LI' '/(Idlihl'l et ,1'" procéd réda 1/01/1' ls, p. 1,8'8

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CHAPTER IV

CIRCULATION AND DEVELOPMENT OF THE QUODLIBETIN NONTHEOLOGY FACULTIES

Until this point we have concentrated on the Quodlibet as it carneinto being and deveIoped in the Theology Faculty at Paris and, to aconsiderably lesser extent, in other theology faculties as well !". Thisshould not be surprising since it was in these faculties that Quodlibetaldisputations resulted in truly significant literary production in the highmiddle ages. But shortly after 1330, significant production of writtenQuodlibets from these theology faculties virtually disappears 115. It is truethat the Paris Statutes for 1366-1389for the Theology Faculty still suggestthat Quodlibets were being conducted there at that time, and lay downcertain appropriate regulations. But if we are to judge them by theirfruits, Quodlibetal disputations in Theology at Paris had already ceasedto be an instrument for the production and publication of noteworthywritings 116 •. In addition to the absence of important surviving writtenQuodlibets after the 1330's there is an earlier indication that a period ofdecline was under way. A letter from Pope John XXII from Avignon ofMay, 1317 indicates that by that time Paris Masters were becomingremiss in conducting solemo Disputations and Determinations with their

"4 In other words, we have concentrated on the Quodlibet in its most fully developedform in developing its definition, its distinguishing characteristics, and its appropriate"rules of criticism", We are here using the expression "Theology Faculties" in a broadsense so as to apply to faculties in Religious Houses of Study and even to disputationsconducted at the Papal Curia. To put the point negatively, until now we have not specificaIJyconsidered the Quodlibet insofar as it was disputed in other university faculties such asArts or Medicine.

us See GLORIEUX,La Iittérature quod/ibétique, "Liste de Disputes Quodlibétiques" in vol.1, p. 97-296; and in vol. 2, p. 51-285, and the helpful chronologicaI table found there, p.374-377. For discussion of the Quodlibet's decline in the Theology Faculty at Paris seevol. 1, p. 56-58.

us For these see DENIFLE-CHATELAIN,Chartularium, vol. 2, p. 697-704, especiaIly n.34, 43, 49, 52, and 62. Granted that most of these are concemed with the obligation ofBachelors to serve as respondentes at Quodlibets, and granted that they undoubtedlyreflect a practice that had long existed, they aIso strongly suggest that it was the will ofthe Faculty that QuodlibetaI Disputations continue to be exercised in the Theology Facultyat this time. It may be, of course, that these Statutes themselves are an expression of areaction, on the part of the University, to a negligence of the Quodlibet that had alreadybegun. a. GLORIEUX,La littérature quodltbéttque, vol. I, p. 57ff.

CIRCULATION AND DEVELOPMENT 203

former frequency. While the Quodlibet as such is not singled out forspecial treatment in this letter, it is more than likely included in thePontiff's reference to solemo Disputations. This neglect is mentioned asone arnong a series of signs pointing to a general decline in the leveI ofscholarship at Paris at that time 117.

In the present Chapter we shall tum to the Quodlibet as it deveIopedin nontheological faculties both at Paris and at other universities. Hereour sources of information conceming Quodlibets in such nontheologicalfaculties are very meager indeed, especially for the high middle ages.This is not unexpected when one bears in mind the reIative paucity ofurviving Quodlibets which resulted from Quodlibetal disputations in

these faculties. Of greatest interest to us here are Quodlibetal disputationsin various Faculties of Arts, since these are most likely to be of valuea sources for the philosophical and theological thought of that time.

During the "Golden Age" of the Quodlibet in the Theology Facultyat Paris, other kinds of disputations were being held there in the Arts

aculty. Thus lmpossibi/ia, lnso/ubilia and Sophismata differ in literary, ore from the Quodlibetal Question. The presence of these, along withother disputations, may have eliminated any great need for Quodlibetaldi putations in that Faculty. And this, when joined with the relative youthof Masters in Arts during that time, may account for the fact that

uodlibets from the Faculty of Arts at Paris are practically unknownfor the thirteenth century 118.

li. ce Chartu/arium, vol. 2, p. 200. See in particular: ••...aIii quoque [magistri) solernniumd, putationum et determinationum frequentiam consuetam ab olim in Parisien i tUUUI111retermittunt". That the Pope aIso has in mind Masters in Theology is indicated by tillullowing: "quidam etiam theologi, postpositis vel neglectis canonicis, necessariis, uuhbuI I dificativis doctrinis, curiosis, inutilibus et supervacuis philosophiae quaesti rubu Iubulitatibus se immiscent" (p. 200-201). It is aIways possible, of course, that addlluIlIl1

111uiuscripts migbt be discovered containing Quodlibets in Theology from Pari or jUl11111h date from after the 1330's. But it is most unlikely, in my judgment, that su 11WIII

11 111.c vered in either sufficient numbers or quality to revise the view that fi. r til I111111 u dlibets in Theology at Paris ceased to be significant vehicles for truly importuutI'lullI ophical and theologicaI writings in any large number.

"' r-or ncgativc evidence of this one may consult GLORIEUX,La Facu/té des Arts et e(1IIIn'\ lIU XIII' Siêcle. Paris, 1971, p. 61-386. With rarest exceptions, Quodlibets in Art

•• unspi uously absent, not only at Paris but elsewhere. It should be noted that even, 111111111r f the Quodlibets listed by Glorieux in this Répertoire were held not in Artshlll 111I h logy faculties. See, for instance, Francis of Meyronnes, Quodlibet I, Pari ,,1,1 d ))2 , and Quodlibet II (p. 135-136); Henry of Harclay, Quodlibets I-lI, 1314,.1111111wtuch time he was regent Ma ter in Th I (nd hancellor) at Oxford (p. 183-I ). luhn Bac nth rp, u dlib I I 111, I 1 112, nductcd during his regency in111"I" It Pari (p. 197); NI'I10II IIIV I, )IIU IlIh'\ I V, 110 I 07, nd Qu dli t

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204 CHAPTER IV

Still, there are some indications of Quodlibetal disputations in the ArtsFaculty at Paris beginning shortly after 1300.

Thus a Paris codex (BibLNat. Lat. 16089) dating from approximately that timecontains a number of series of questions. At least two of these sets of questions,one series disputed by Henry of Brussels and Henry the German, and anotheranonymous set of 76 questions, are identified by the manuscript as being dequolibet 119. Nicole of Oresme is also credited with a Quodlibet, although the 1370date indicated by certain manuscripts would place it after his active regency inArts at Paris. Again, another series of questions contained in codex BibL Nat.Lat. 2831 are thought to be quodlibetal, and while the manuscript containingthem was itself copied in 1396, the questions themselves may have been disputedbefore that date 120. There is also limited evidence from later Statutes for the ArtsFaculty to sh?w that Quodlibets were being disputed there in the fourteenthcentury, and that this custom had been abandoned by the mid-fifteenth century.Thus in 1445 the Faculty of Arts determined that the Quodlibetal disputationshould be reinstated. According to one surviving source, the respective Nationsof the Faculty selected Masters to take part therein (Quodlibetarii), with only theGerman Nation demurring until it might be given further information about theappropriate procedure for choosing its Quodlibetarius. Be that as it may, this effortto revive the Quodlibetal disputation in Arts at Paris ultimately failed, and seemsto mark the end of quodlibets in Arts there. 121 For fuller discussion on thesepoints see the Section by Danielle Jacquart.

XI, 1314, ali at Oxford when he was regent there in Theology (p. 263-265); Thomas ofSutton, Quodlibets l-IV, apparently alI as a member of the Theology Faculty at Oxford(for which see note 65 above); William of Ockham, seven Quodlibets, but presumablydisputed by him as a theologian (though not as Regent Master).

119 For this see B. LAWN, The Salernitan Questions. An Introduction to the History ofMedieval and Renaissance Problem Literature. Oxford, 1963, p. 88-90,95. He suggests thata third series of questions by Jean Vate and a fourth by Magister Ulricus also seem tobe Quodlibets (p. 90). Unfortunately, we ourselves have not had an opportunity to examinethis manuscript. For more on it see B. HAUREAU, Notice sur le numéro 16089 des manuscritslatins de Ia Bibliothêque Nationale, in Notices et extraits des manuscrits de Ia Bibl. Nat. etdes autres bibliothêques, 35, 1 (1896), p. 209-239; P. DUHEM, Le Systême du Monde. Paris,vol. 6 (1954), p. 536-542. As Haureau explains, the questions by Henri de BruxelIes andHenri I'AlIemand seem to have been joined together by a copyist, so much so that it isimpossible to distinguish which determinations are proper to one and which to the other.Moreover, it seems likely that these determinations have not been preserved in theiroriginal form (p. 214).

120 For alI ofthis see LAWN;Op. cit., p. 91. Granted that manuscripts containing Oresme'sQuodlibeta are dated 1370, the work itself may be earlier. See M. CLAGETT, Oresme, inDictionary of Scientific Biography; Vol. 10 (1974), p. 229.

.2. See THUROT, De /'organisation de /'enseignement dans /'Université de Paris, p. 87. Butalso see DENIFLE-CHATELAIN, Auctarium Chartularii Universitatis Parisiensis. Vol. 2 (Paris,1897), cols. 631-632. "Anno quo supra Hll-díe mensis Decembris celebrata fuit congrega-tio facultatis artiurn apud Sancturn Julianum Pauperum super duobus articulis. Primum

CIRCULA TION AND DEVELOPMENT 205

It seems that Quodlibets were still being conducted in the Faculty ofMedicine at Paris during the fifteenth century. In fact, according to

hurot, during this period Masters in that Faculty were considerablymore scrupulous than those in Theology about carrying out the variousduties and obligations prescribed by their statutes and oaths. The sameapparently applies to their continuation of the Quodlibetal disputationuntil that time 122. As regards earlier Quodlibets from the Faculty ofMedicine, sets of questions regarded by some as de quolibet survive fromPeter of Abano, and are contained in bis important Conciliator. Althoughc mpleted at Padua ca. 1310, this work was begun at Paris and seemst reflect at least in part the results of Peter's presence there in the

aculty of Medicine from the 1290's until ca. 1305. It has been suggestedthat it records 210 disputations held at Paris 123. However, in my opinion,while the Conciliator may indeed be based at least in part upon Peter'sr collection of disputations held at Paris, it has been carefully preparedund structured for publication. I myself have been unable to find anyc mpelling evidence that it is quodlibetal in origin 124.

One should not assume that the structure of Quodlibets in nontheologyIaculties was identical with or even modelled upon that ofthose conductedm theology faculties at Paris and elsewhere. In fact, I have been unable

hlll super resumptione Quotlebetorum .... Quantum [ad primum] conc1usit venerandaf I .ultas quod placebat ei resumptio Quotlebetorum, eo quod est actus solemnis facultatis,1'\ quaelibet natio dabat suum quotlebetarium, excepta veneranda natione nostra [GermanNnti n], quae requisivit dominum rectorem, quod congregaret notabiles deputatos, quin uionem de modo deputandi Quotlibeta informaret, et informatione facta et nationeplcniu (sicut illo tunc non erat) congregata, etiam libenti animo suum deputareiquotlibetarium".

I I ee THUROT, p. 197-199; folIowed by GLORIEUX, La liJtérature Quodlibétique, vol. 2,I 2122.

'" ee LAWN, p. 90, who refers to the Conciliator as "perhaps the best example r11111.pcndent disputations, de quolibet, in medicine that has survived from that period",

I o see CH. TALBOT, Medicine, in Science in the Middle Ages, D. LINOBERG, ed., Chicag ,III7K, p. 404 (they are a record of 210 disputations held at Paris); N. SIRAISI, Arts and"'!'II'II es at Padua. The Studium of Padua before 1350. Toronto, 1973, p. 159, n. 86 (whercli notes that physicians debated difficult points in the form of questions or quodlibets,111\1thnt "both the Conciliator and the Expositio Problematum Aristotelis might be regardedI fulling into this category").

onciliator di.fferentiarum Philosophorum et Praecipue Medicorum Clarissimi viri Petri,/ 1111110 Patavani. Venice, 1483. Note Peter' comment in Di.fferentia 64 (foI. 101v,ucordm to foliation in erted by a m r r nt h nd in lhe copy in the National Library••I M di inc, Bethesda, Md.): ~Ar um nt hOI1 quoqu umpt ex libris geometricorum

\ p., pc tivorum ... ta qUIII plur um 11111111IIlllhll srrtbttur n n familiare exi tunt11111111I10di" (itali min).

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206 CHAPTER IV CIRCULATION AND DEVELOPMENT 207

to uncover solid evidence indicating what the precise structure was forQuodlibetal disputations either in Arts or in Medicine during the fourteenthcentury at Paris. But as the Quodlibetal disputation spread to otherUniversities in the later middle ages, in many cases it seems to havebecome the prerogative of faculties of Arts far more so than of Theology.For instance, at Erfurt, Prague, and Vienna, no provision was originallymade in the statutes for Quodlibets in faculties other than Arts; but inVienna in 1449 the Theology Faculty determined to conduct suchdisputations as well '>. Fortunately, we have more detailed informationabout the structure of these later Quodlibets in Arts for some of theseUniversities.

For instance, at Erfurt Quodlibets were carefully regulated by the Statutesof 1412 for the Faculty of Arts. Quodlibetal disputations were to be held everyyear, beginning on the first ferial after the feast of St. Bartholomew (August24). Since vacations there lasted until August 24, this meant that the schoolyear would commence with a solemn Quodlibetal disputation. Such disputationsmight last for as long as two weeks. Considerable time was required becauseof the great number of Masters who participated. For instance, some 64 Masterstook part in the Quodlibet of 1489126•

The structure of these Quodlibetal disputations in Arts at Erfurt was quitedifferent from that which we have examined above in Theology at Paris. Apresiding Master (Quodlibetarius) would be selected far in advance (on January2, at Erfurt), and it would be his task to propose a well-worked out quaestioprincipalis, taken from metaphysics, or natural philosophy, or moral philosophy.A Bachelor would initially reply to this principal question in the role of respondens.Other Masters from the Faculty of Arts and invited doctors from the higherfaculties (and even prelates) could enter into the discussion of the QuodlibetalMaster's quaestio principalis. Ultimate responsibility for the resolution of thatquestion lay with that Master himself, the Quodlibetarius. ln addition to this,the Quodlibetarius was obliged to formulate for every Master in the Faculty ofArts a particular question for disputation. These questions would be conveyedto the individual Masters some two or three weeks in advance. lnvited doctorsfrom the higher faculties would also receive appropriate questions from theQuodlibetarius, and would be expected to dispute these during the quodlibetalsession. The presiding Master, therefore, would not only be responsible for his

own quaestio principalis, but would have to preside over the subsequent disputationof each of the particular questions proposed for each participating Master 127.

For instance, according to a contemporary record of the Quodlibet for 1455,after the Quodlibetarius had disputed his quaestio principalis, the Dean of theFaculty of Arts then disputed his questiono After him invited doctors, one fromTheology and one from Law, did the same. Following upon this, the individualMasters from the Faculty of Arts disputed their assigned questions in turn,beginning with those enjoying greater seniority as Masters in that Faculty 128.

Analogous procedures seem to have been followed during Quodlibetaldisputations in Arts Faculties of other universities during this same period,granted that there were differences in details.

For instance, at a solemn Quodlibetal disputation held in Prague in 1411,John Huss served as Quodlibetarius. Basically the same procedure was followed.After Huss (and his responding Bachelor) had presented and disputed thequaestio principalis, the Rector, the Dean of the faculty, and then 64 othermembers of the faculty defended their assigned questions. Huss, as presidingMaster, introduced each of them in turn 129. Considerably later statutes fromlhe University of Louvain suggest that a somewhat similar procedure wasobserved there 130. That these statutes reflect earlier usage is evident from an

'" For this see E. KLEINEIDAM,Universitas Studii Erffordensis. Überblick Über die Geschichteder Universitãt Erfurt im Mittelalter 1392-1521. Teil /: 1392-1460. Leipzig, 1964, p. 238.

126 KLEINEIDAM,op. cit., p. 238-239. For this and much of what comes after he isfollowing Acta decanorum facultatis artium, in the Domarchiv Erfurt Marienstift, and Akiender Erfurter Universitãt, J. WEIS ENOORN,ed. (Ge ehichtsquellen der Provinz Saehsenund angrcnzender ebiete), lI. Teil (1884).

127 KLEINEIDAM,op. cit., p. 239-240.128 KLEINEIDAM,p. 240-242, following Leipzig Manuseript UB Cod. 1348, foI. 187r-190v.n this also see L. MEIER,Die Rolle der Theologie im Erfurter Quodlibet, in Recherches de

Théologie ancienne et médiévale, 17 (1950), p. 291-293.119 See Magistri Johannis Hus Quodlibet. Disputationis de Quolibet Pragae in Facultate Artium

Mense Ianuario Anni 1411 Habitae Enchiridion, B. RVBA, ed. Prague, 1948. For Huss'squaestio principalis see p. 3-4; for the responding Baehelor's diseussion, see p. 4-30; forIluss's introduetion of the Reetor and the latter's question, see p. 31-34; for the Dean,see p. 34ff; for the others, see the same text, passim. As the editor remarks, what onehas in this text are not the acts of the disputation itself, but John Huss's own enchiridion.Ilcnce one does not find the personal positions of the various Masters in this text,ilthough one does have the Baehelor's position and the various introductions and questionsproposed by Huss for the Masters. Somewhat unusual is the fact that Huss conneets thevarious Masters he is introducing with great figures from the history of philosophy andI uers, thus presenting for instance, the Reetor as Soerates, the Dean as Plato, ete.

110 See Codex Veterum Statutorum Academiae Lovaniensis, P. DE RAM,ed., Brussels, 1861.S e p. 210-211 (from the Statutes for the Faculty of Arts of 1639, eap. xviii.De quodlubeticisdtsputationibus seu quaestionibusi. Note that here Quodlibets were to be held in the Artsl-aculty in December, and were to last for six days; the presiding Master would be namedtil Scptember; he would propose for the Rector, certain Prelates, the Dean, Doctors fromlugher faculties, and others who were aeeustomed to attend these disputations one questionwnh arguments and two other questions without arguments, and would ask them tof spond when they might see fil. h n, on lhe first day of the actual disputations thept iding Master would bc in in th IIlIUnm hy di. us ing eloquently a topic of his ownI hoosin . Aftcr this he would plOpO ! lIu!! ti 111 tloll • on with arguments, two without

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208 CHAPTER IV

examination of Quodlibets conducted at Louvain by Adrian Florensz (the laterPope Adrian VI) in the late 1480's, 1490's and the first decade of the sixteenthcentury. While Adrian disputed these Quodlibets before the Faculty of Arts, heapparently did so in most instances while teaching in the Theology Faculty 131.

Somewhat similar procedures also seem to have been followed in Quodlibetal

arguments, to a speaker whom he had selected. In the afternoon this speaker would replyto these questions orally, and to an objection formulated by the presiding Master.Quodlibetal disputations (disputationes quod/ubeticae) would take place in the afternoon,until the fourth hour. After alI of this was completed, the presiding Master would thenpropose for the speaker for the next day the quodlibetal questions selected by that speaker,and would ask that he respond to these on that following day. Though additional detailsabout this procedure are lacking from the Statutes, we assume that this procedure wouldbe more or less repeated until the various participating speakers (and objectors) wouldali have had their turno There is also reference to a Bachelor "qui agit parvum quod-lubetarium", and who could interject some humorous question, but always under thewatchful eye of the praeses.

131 See D. Hadriani F/orentii de Traiecto ... Quaestiones Quot/ibeticae. Louvain, 1518. See,for instance, in Quodlibet I: "Ne tamen piissimae matris meae facultatis artium onussemper recusare videar ... quantum potero quaesitum decidere conabor" (fol. 2rb); aftercompleting his presentation of the Quaestio principalis, he refers to the presiding Master("venerande domine quotlibetarie") and respectfully awaits his objections (fol, llrb); afterreplying to this he then presents his prima quaestio sine argumentis and his second one;the first Quodlibet concludes with this explicit: "Dieta anno Domini 1488, sub MagistroJoanne Bryart de Ath" (fol. 12vb). Quodlibet 11 begins with this announcement: "Quodlibeticaquaestio secunda eiusdem reverendissimi ... ac Magistri nostri Hadriani Florentii deTraiecto sacrae Theologiae professoris ... anno a salute humana 1491 in scholis artiumeiusdem studü ab ipso disputata" (fol. 13ra; but missing from the edition ofVenice, 1522/repr. by Gregg, 1964); then there is reference to the three questions which the QuodlibetalMaster had sent to him "... sunt mihi nuper tres quaestiones propositae, una cumargumentis, reliquae sine argumentis"; at the beginning of Quodlibet 111 see fol. 24va:"in Schola Artium eiusdem studii ab ipso disputata" (fol, 24va); this is again followedby a reference to the three questions sent to him by the Quodlibetal Master, etc. See atthe beginning ofQuodlibet IV for the same (fol. 32vab); Quodlibet VIII begins: "Quotlibeticaquaestio viii eiusdem ... anno a salute humana 1499 in scholis artium eiusdem studü abipso disputata"; also note: "Per venerabilem virum dominum quotlibetarium nunccathedrantem fuit mihi quaestio theologica proposita haec" (fol. 61ra). Already a Masterof Arts in 1478, Adrian received his Licentiate in Theology in August, 1490, and waspromoted to the Doctorate in Theology in June, 1491. During the intervening period(1478-1490) he seems to have taught in the Arts Faculty and to have pursued his theologicalstudies. His twelve printed Quodlibets run from 1488 until 1507 and were prepared forpublication by his former student, Martin Dorp. If he began lecturing in Theology ca.1490, his 6.rst printed Quodlibet and one that remains unprinted would be the only oneshe disputed before beginning his lecturing duties in Theology. See E.H. REUSENS, SyntagmaDoctrinae Theologicae Adriani Sexti, Ponto Max. Louvain, 1862, p. xxii-xxvi; R. POST, AdrienVI. Notice biographique, in Herdenkingstentoonstelling Paus Adrianus VI, Gedenkboek Catalogus.Louvain, 1959, p. 42-43 (also see p. 113); also see in Ephemerides Theologicae Lovanienses,35 (1959), p. 555-561; K.-H.·DuCKE, Hande/n Zum Hei/. Eine Untersuchung zur MorallehreHadrians VI. Leipzig, 1976, p. 5-18, 51-53.

CIRCULATION AND DEVELOPMENT 209

disputations held in the Arts Faculty at the University of Cologne in thefourteenth and fifteenth centuries 132.

To preside over one of these Quodlibetal disputations in Arts wasevidently regarded as a burdensome task in these universities. In fact,one sign of the decline of Quodlibets in Arts Faculties is the increasingreluctance of Masters to undertake this demanding duty. Another reasonmay be that these lengthy disputations were singled out by the risingHumanism as the epitome of a decadent Scholasticism 133.

Be that as it may, in the year 1490 at Erfurt it was only after seven Mastershad refused to accept this task that one could be found to function as Quodlibetariusfor that year 134. Already in his Quodlibet of 1411 at Prague, John Huss beganby noting that he had accepted this responsibility (to serve as Quodlibetarius) onlybecause two senior Masters had judged it necessary to decline for that year m.

While fully recognizing that the above description of these laterQuodlibets in Arts is based on a limited number of sources and thatfurther research concerning Quodlibets and other Disputed Questions inthe later middle ages is still needed, it may be helpful for us to singleout certain points of difference between these later Quodlibets in Artsand the earlier Quodlibets from Theology Faculties at Paris and Oxford.

First of alI, a certain element of spontaneity is missing from these laterQuodlibets, at least as regards the selection of the major questions tobe disputed. According to the later procedure in these Faculties of Arts,it would be the presiding Master himself who would have selected hisown quaestio principalis as well as the particular questions he wouldpropose for disputation by each of the participating Masters. Hencc,while such Quodlibets would still be de quolibet in that they would ranwidely over the various fields of expertise of the participating Ma t rs,they would no longer be a quolibet. In other words, the definition f \I

Quodlibet in Theology as being both de quolibet and a quolibet will nlyapply in part to these later Quodlibets in Arts Faculties.

\l2 LIESSEM, Die quod/ibetischen Dlsputationen an der Universitãt Kõln, in Programm deKaiser Wilhelm-Gymnasiums zu Ko/n, XVIII. Schuljahr, Kõln, 1886, p. 58-70.

133 See KLEINEIDAM, op. cit., p. 239; THUROT, p. 89-90 (on hostility to Scholasticdisputations as such, not merely to Quodlibets).

,>4 See KLEINEIDAM, p. 243; also see Teil 11 (Leipzig, 1969), p. 79-80. In 1499 thesituation became even more desperate. Only after a second faculty meeting could anyonebe found to serve as Quod/ibetarius, the humanist Jakob Scholl of Strasburg. On the otherhand, even in this later period there seems at times to have been competition for thigreat honor at Cologne (see LIESSEM, p. 63 and note 6).

'" See Magistri Iohannis Hus Quod/ibet, p. 2.

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210 CHAPTER IV

Secondly, the presiding Master himself, along with his respondingBachelor, we may assume, would have had sufficient time to prepare themajor part ofhis presentation and determination ofthe quaestio principalis,even though the fioor would then be opened to objections from otherMasters and from invited doctors from the higher faculties. And if wemay judge, for instance, from Erfurt and from Louvain, the otherparticipating faculty members both from Arts and from the higher facultieswould also have had some time in advance to work out their disputationsof their particular questions 136.

Thirdly, a very large number of Masters could actually dispute in suchQuodlibets, and often did so. As noted above, these might include notonly Masters from Arts, but some members from higher faculties. Thisraises an interesting point about the party or parties to whom such aQuodlibetal disputation should be assigned, and about the authorship ofwritten versions of such Quodlibets. In the case of John Huss, for instance,the Quodlibetal disputation is assigned to him as presiding Master or asQuodlibetarius. This does not mean, however, that he himself determinedthe individual questions which he had proposed for the other participatingdisputing Masters. In the case of Adrian Florensz, on the other hand, theindividual questions disputed by him in different years under differentpresiding Masters have been published under his name as his Quodlibets.This, too, is quite proper, since he did indeed dispute and determine theindividual questions assigned to him by these presiding Masters (Quodli-betarii) in different years. Still, one might also, presumably, refer to theentire quodlibetal session for a given year as being that of the Quodlibetariusfor that year, but in a different sense, as in the case of John Huss. It willbe evident to the reader how greatly this procedure differs from thatfollowed for the great thirteenth- and fourteenth-century Quodlibets inTheology which were disputed and determined by a single Master.

From all of this it follows that the criteria offered above in Chapter Ito distinguish Quodlibets from Ordinary Disputed Questions must beadjusted when one turns to these later Quodlibets from various Artsfaculties. There will still be a considerable variety of topics, to be sure,as great if not greater than before, since questions may now range overthe classical four faculties: Arts, Law, Medicine, and Theology. But thedisputation and determination of these many and varied questions within

136 See KLEINEIDAM, op. cit., Teil J, p. 240; for Louvain ee lhe reference given abovein notes 130 and 131.

CIRCULA TION AND DEVELOPMENT 211

a single Quodlibetal disputation will no longer be the work of any oneMaster.

Again, if length is to enter in at all as a distinguishing criterion, onewill expect later Quodlibetal disputations by individual Masters in Artsto be considerably briefer than individual Quodlibets in Theology fromthe late thirteenth and early fourteenth centuries. Far less time wasassigned to these later disputing Masters for their individual contributionsthan was customary in the earlier period for individual QuodlibetalMasters in Theology 137.

Finally, there seems to be no need for the detailed organizing plansdevised by thirteenth- and fourteenth-century Quodlibetal Masters inTheology in these later Quodlibetal disputations in Arts. Hence, theabsence of such plans will no longer necessarily indicate that one is notdealing with a Quodlibet during the later period.

In the absence of explicit indications in the text or in the manuscripttradition, it may be diffi.cult today for us to identify surviving isolatedquestions from these later Quodlibets as truly Quodlibetal rather thanas some other kind of Disputed Question. On the other hand, readilyrecognizable indications are often at hand. For instance, there may bedirect references by the disputing Master to the presiding Master a theQuodlibetarius. Or the disputing Master may explicitlyrefer to the que ti n,which the Quodlibetarius has forwarded to him or proposed for him. Andm some cases, at least, university statutes carefully prescribe th f( IIlI

m which these questions were to be submitted by the Quodlib tanus, fOI

111 stance, that there should be three questions, including one cum ar '11I/11'1111\

und two sine argumentis.If we may judge from certain rather limited indication in th I ()

Statutes of the University of Bologna for Arts and for M di '111, 1111other kinds of Quodlibets seem to have been in vogue there. As re 11<1Mcdicine, Quodlibetal disputations were to be held only twi u y li,

md only by professors (doctores) who were then actually "rcadin .• in

". ne can easily reach this conclusion by dividing the Quodlibetal period - six day ,tIl' m. lance, at Louvain, and perhaps as much as two weeks at Erfurt - by lhe manyM I t r who would dispute individual questions at a given Quodlibetal session. Or 011IIlly imply compare the length of the 12 printed Quodlibets of an Adrian Florensz, for'li t 111 ,with those of Henry of Ghent. An interesting note added to Adrian Floren z's( li" lhb t IX indicate that the reply to the 10th objection as well as the quaestiuncula

111h wer customary at L uv in r mi in from ali available exemplaria. The n te11 I that thi wa b u dn 111'di pUI w. I o I ng and with these would h v

,"11, th n flll d th 1I0ll I thr IInll' (r th 1ClIIVIlI1dili n, 1518, f I. 98rb).

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212 CHAPTER IV CIRCULATION AND DEVELOPMENT

medicine. This would happen according to an order based on seniority,beginning with the senior professor (antiquior). ln each Quodlibetaldisputation ten questions were to be proposed, six by the doetoresthemse1ves and four by students. One passage seems to imply that adoetor could give a quodlibetal question to a student in advance, thoughnot too far in advance, and hence that both would know what questionwas to be disputed 138. One wonders whether this also means that thesix questions to be proposed by the various doetores had also beendecided upon in advance, and if so, by whom - by the doetor who wasconducting the Quodlibet, or by the others? Unfortunately, the Bolognastatute does not clarify this. One also wonders whether it was theQuodlibetal professor's task to determine all the questions which hadbeen proposed by the others. One suspects so because of a subsequentremark indicating that all the questions were to be determined and tobe deposited in written form·with the stationer within two weeks of thedate of the determination 139. But this point, too, is not clearly indicated.

ln a separate rubric regulations are laid down for disputations and

uodlibets in Arts. Any professor (doetor) "reading" in Arts was todi pute two questions per year. Those reading in logic were to disputeIwo questions in logic and, it is added, to dispute de quolibet when theoccasion demanded. Those reading in grammar were to dispute twoquestions in grammar and to dispute de quolibet when their turn carne.S too for those reading in philosophy ; they were to dispute two questionsin philosophy and also to dispute de quolibet as the occasiondemanded 140. No professor was to accept money or anything e1se froml tudent on the occasion of his giving a question to a student 141. Againthis seems to imply that the professor would have decided in advancewhat question was to be disputed, and would let the student know thism advance - perhaps a student who was to serve as responding Bachelor.There was to be only one Quodlibet per year in each ofthe aforementionedüelds within Arts, that is, logic, grammar, and phi1osophy.Again an orderba ed on seniority was to be followed, in the case of Quodlibets beginningwith the senior professor in each of these fie1ds.Professors in Arts wereobliged to determine their Quodlibets within a week of the originalli putation, and to provide a written copy for the University stationer

within two weeks of that determination 142. Some regulations were alsoiven for Quodlibets to be disputed and determined by the professor of

astrologia, and by Masters and Lectors in Religious Houses of Study inlhe area who were teaching in those houses 143.

138 See C. MALAGOLA,Statuti delle Università e dei Collegi dello Studio Bolognese. Bologna,1888, p. 262-263. Note in particular: "Et in quolibet ipsorum quolibet proponantur decemquaestiones, seu sex per doctores et quatuor per scolares; et quod arguens possit unamrationem proponere et una alia confirmare ad principalem quaestionem, hoc addito, quodnullus doctor alicui scolari suum quodlibet ante mensem dare possit" (p. 263). Ifno doetorwas permitted to give his Quodlibet (which I take to mean his quodlibetal question) toa student ante mensem, presumably he could give such to a student less than a monthin advance. In the preceding rubric (Iv): "De modo arguendi ad quamlibet quaestionem",a distinction is drawn between the function of serving as arguens, on the one hand, andas respondens, on the other. No student could serve as arguens with respect to a givenquestion unless he had followed lectures in that subject either at Bologna or elsewherefor at least one year. A student could not serve as respondens at a general disputation,nor at any Quodlibet "sub a1iquodoctore legente" unless the student had followed lecturesin that subject for at least two years. Normally four students - one from each of the fournations - would "argue" (serve as arguentes) at disputations. Then other doetores aetulegentes would a1so do so in turn, beginning with the younger in seniority. It would seemthat arguens as it is used here is the same as opponens; but if so, according to rubric Iv(which is speaking of disputed questions in general) each opponens could propose "duasrationes et eas duabus aliis confirmare et non ultra". According to rubric lvi, whichexplicitly treats of Quodlibets, an arguens could propose unam rationem and confirm thiswith one other with respect to 'the quaestio principalis (as quoted above). See p. 261-263.

ll9 "Quae quaestiones debeant determinari, et in scriptis ad stationem generaliumbidellorum poni et dari infra quindecim dies adie determinationis factae ..." (rubric Ivi,p. 263). Note that here it is stated that no student could serve as respondens at a Quodlibet(in Medicine) unless he had followed courses in medicine either at Bologna or elsewherefor at least three years; but if he was the bearer of the licentiate in arts, then it wouldbe enough for him to have follow d cour cs in medicine fi r two year (ibid.).

"" ee p. 263, rubric Ivii.'" "Item quod nullus doctor, occasione a1icuius quaestionis datae vel danduo 1111c11Icolari, audeat recipere ab a1iquo scolari a1iquam quantitatem pecuniae, vel aliquod 11111(1

"11 • te vel indirecte ..." (ibid.)."I ee p. 263-264, rubric lvii. Note in particular: "Quod quodlibet teneantur d Ir 1(1uui nem infra quindecim dies adie determinationis, et infra octo dies debeant dei rnun 11I die disputationis ...". As regards both Medicine and Arts, one wonders whcther 1111upulation applies to giving a written version of the questiones) which had been di pUI 11

1I th Quodlibetal Disputation, or a1so of the determination(s). Perhaps the rc uIUl'(UIIpplics to both, since it allows for two weeks to have passed after the deterrninatlon. 11u, thi would not have permitted the extensive kind of elaboration and reworking pointcd

lu rb vc in the case of some of the thirteenth- and fourteenth-century Quodlibet in111 01 gy faculties. For more on the Quodlibetal Question in the Faculty of Medicine atlIul() na, see D. Jacquart's contribution in this same volume.

'41 Sce rubric Ix (concerning the doctor "electus ad salarium in astrologia"), p. 262;,(lhll' lxi (conceming Masters or Lectors of the fratres of any order), p. 265-266. ThisI"lu,' makes it c1ear that not only the questions but their determinations were to beI ']ll'd und presented to the Stationcr: "et dietas quaestiones (de quolibet) determinare,I uet rminatas ad tationcrn gcneraliurn bid 11 rum ponere in bonis cartis et de bona

1111 , \ .," (p, 265). Perhaps, th r for • \l11 111' usume that the same applies to Quodlibct,li puted ond d terrnin d ln Il 11111 M (11 '111 ( 11 I 142 above).

213

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In the rubrics referring to Quodlibets in Arts, in astrologia, and in theReligious Houses, there is no indication that questions would be proposedby a number of different professors and students, as in Quodlibets inthe Faculty of Medicine. In addition to some of the uncertainties alreadymentioned, another thing remains unclear from the above concemingthese Quodlibets in Arts and in Medicine. One wonders if and to whatextent written versions of such Quodlibets may have differed from writtenversions of other general University disputations. Further research con-ceming this would be welcomed, and would have to be based on an.analysis of surviving copies of the written products of such disputations,to the extent that such are available. This cannot be attempted here.

Rather than offer any kind of definitive survey of the Quodlibet innontheological faculties in the later middle ages, I have simply drawnupon these few examples in order to show how greatly these Quodlibetsdiffered from Quodlibets in Theology at Paris and Oxford of the thirteenthand earlier fourteenth centuries. The reader can easily see how carefulone must be about applying the definition and many of the rules ofcriticism proposed above for Quodlibets in Theology of the thirteenthand fourteenth centuries to these later nontheological Quodlibets. Forthat matter, one must also be careful about generalizing too quickly fromthe situation in various faculties of Arts in Universities such as Erfurt,Louvain, or Prague, for instance, to all faculties of the same chronologicalperiod. But it is my impression, based on this admittedly limited sampling,that these later Quodlibets in various faculties of Arts (and Medicine)resulted in far less significant written contributions to medieval philo-sophical and theological literature than did the great thirteenth- andfourteenth-century Quodlibets in Theology 144.

CHAPTER V

214 CHAPTER IV

EDITIONS OF QUODLIBETS

144 At the same time, surviving Quodlibets from the later fifteenth eentury and thereafterean be of great value to our knowledge of Renaissanee philosophy and the presenee ofmedieval elements therein. See, for instanee, the first work published by AlessandroAehillini, dating from 1494, and entitled Quolibeta de Intelligentiis. This work is dividedinto five major parts, eaeh of whieh is described as a "quodlibet" by Achillini. Yet eaehpart treats of one aspect of the same theme, intelligenees. Note its explieit: "Expliciuntquolibeta de intelligentiis ab ... Alexandro de Achillinis ... Anno domini 1494 KalendisIuniis in capitulo generali minorum edita". Bologna, 1494, f. 34. This work was evidentlyvery carefully structured and prepared for publication, even though the term "edita" mightbe taken to mean that it was presented orally in some fashion at a General Chapter ofthe Friars Minor. See H. MATSEN,Alessandro Achillini (1463-1512) and His Doctrine 01"Universais" and "Transcendentals", A Study in Renaissance Ockhamism. Lewisburg, Pa.,1974, p. 22, 26. For ana1ysi of the content of the work see B. NARDI,Sigieri di Brabante eAlessandro Achillint, in Gi rnale critico delta filosofia Italiana, 24 (1943), p. 103-145; re-print d in igieri di Brabant n I pens! ro dei R/nas imento Itattano. R m , 1945, p. 45-90.

Many Quodlibetal Questions from the medieval period have not yetbeen edited. Many others which were edited during the earlier days ofprinting are still awaiting critical editions. The most complete lists ofQuodlibets from the thirteenth and fourteenth centuries are to be foundin the two volumes of Glorieux's La Iittérature quodlibétique. A fewadditions were made to these lists by Glorieux in his Ou en est Ia questiondu Quodlibet? 145 Since that time, other Quodlibets have been edited,cither in whole or in part. And earlier editions of Quodlibets from thelater medieval period were not mentioned by Glorieux.

Here we shall supplement Glorieux's earlier lists as found in the twovolumes of La Iittérature quodlibétique by adding other editions of completeQuodlibets that have come to our attention from both the earlier (thirteenthand fourteenth centuries) and the later medieval periods. We make noclaim that this list is exhaustive, but trust that it will be of some servicet the reader. As regards isolated editions of individual questions fromQuodlibets, these continue to appear in ever increasing number in manydifferent kinds of publications, sometimes as or at least as included inurticles, and on many other occasions simply as incorporated into b k 'treating of particular individuals or themes from the medieval peri d.The reader should be wamed that very frequently the titles of such tudiive no indication that editions of particular questions from Qu dlih t.

are included therein. And the reader should also note that n oth 'I

o casions the titles of articles which announce the edition of a iV'1Iuodlibet may be misleading, in that frequently they contain only )1\

or other particular question from a given Quodlibet but not thc cntiruodlibet. Here, rather than prolong unduly the present Chaptcr, wc

shall not attempt to list such partial editions.AI RIAN FLORENSZ (POPE ADRIAN VI). Questiones quotlibetiee exeellen-

tissimi viri, artium et saere theologie professoris longe eeleberrimi M.Hadriani Florentii de Traieeto, propositi insignis eec/esie Sane ti Salva torisTraiectensis atque preclarissime Academie Lovaniensis Cancellarii. Lou-

I" Se lhe BIOLI RAI'IIY

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216 CHAPTER V EDITIONS 217

vain, 1515; Louvain, 1516; Louvain, 1517; Louvain, 1518; Venice1522 (reprinted 1964); Paris, 1522; Paris, 1527; Paris, 1531; Lyons,1546; Lyons, 1547. For a listing of these various editions see L.BURlE, Proeve tot inventarisatie van de in handschrift ofin druk bewaardewerken van de Leuvense theologieprofessoren uit de XVe eeuw, in FacultasS. Theologiae Lovaniensis 1432-1797. Leuven, 1977, p. 269-270. Notethat BURlE regards this list as only provisional (see p. 216-217).

ALESSANDRO ACHILLINI. Quolibeta de Intelligentiis. Bologna, 1494;Bologna, 1506; also see his Opera omnia. Venice, 1545.

DURANDUS OF SAINT-POURÇAIN. Quolibeta Avenionsia Tria. AdditisCorrectionibus Hervei Natalis Supra Dieta Durandi in Primo Quolibet.P.T. STELLA, ed., ZOrich, 1965.

GERARD OF ABBEVILLE. Le Quodlibet XIV de Gérard d'Abbeville, PH.GRM~D, ed., in Archives d'Histoire doctrinale et littéraire du MoyenAge, 31 (1964), p. 207-269.

GILES OF ROME. Quaestiones I-XX a fratre Aegidio Romano Paduaedisputatae, G. BRUNI, ed., in Analecta Augustiniana, 17 (1939-1940),p. 125-157. Edition of a Quod1ibet of Giles of Rome held, perhaps,at the General Chapter of the Augustinian Order at Padua in 1281.

GODFREY OF FONTAINES. Le Quodlibet XV et trois Questions ordinairesde Godefroid de Fontaines. O. LOTTIN, ed., Louvain, 1937 (LesPhilosophes Belges, 14).

GONSALVUSOF SPAIN. Fr. Gonsalvi Hispani O.F.M. Quaestiones Disputataeet de Quodlibet. L. AMOROS, ed., Quaracchi, 1935. Also contains qu.7 of John Lesage's Quodlibet (p. 437-450). For a full edition ofJohn's Quodlibet, see below.

HENRY OF GHENT. The noncritical editions ofHenry's Quodlibets (Paris,1518; Venice, 1608; Venice, 1613) are gradualiy being replaced bythe ongoing critical edition. So far, Quodlibets I and X have appearedin this new edition: Henrici de Gandavo Quodlibet I. R. MACKEN,ed. (Henrici de Gandavo Opera Omnia, 5), Leuven and Leiden,1979; Henrici de Gandavo Quodlibet X. R. MACKEN, ed. (Henrici deGandavo Opera Omnia, 14), Leuven and Leiden, 1981.

JAMES OF THERINES. Jacques de Thérines Quodlibets I et lI. Jean LesageQuodlibet I. P. GLORIEUX, ed., Paris, 1958.

JAMES OF VITERBO. Jacobi de Viterbio O.E.S.A. Disputatio Prima deQuolibet. E. YPMA, ed., Würzburg, 1968. Jacobi de Viterbio O.E.S.A.Disputatio Secunda de Quolibet. E. YPMA, ed., Würzburg, 1969. Jacobide Viterbio O.E.S.A. Disputatio Tertia de Quolibet. E. YPMA, ed.,

Würzburg, 1973. Jacobi de Viterbio O.E.S.A. Disputatio Quarta deQuolibet. E. YPMA, ed., Würzburg, 1975.

IAN VARENACKER. Quodlibetum. Tractatulus de indulgentiis. Nederlanden,but without further indication of place or of date (but before end offifteenth century). Also: Quodlibeta lI. Utrum c/erici et ecc/esiarumpraelati mortaliter peccent si, quod eis de praebendis superest, ineleemosynam non elargiantur. Utrum ab homine possit dispensari inpraeceptis iuris naturalis an divini. Louvain, 1512; Paris, 1544. On aliof these see BURlE, Proeve tot, p. 241.

JoIlANNES DORSTEN. Quodlibet disputed and determined at Erfurt in1465 (or 1466), edited (with notes) by J.B. TRAPP in Journa/ of III

Warburg and Courtauld Institutes, 18 (1955), p. 267-282. The cditi nhas been somewhat shortened. See p. 282 for the explicit (ac ordinto Codex Trier 2064): "Explicit disputatio et deterrninutio xinuidoctoris sacre theologie professoris Johannes de D rst 'n (li duuheremitarum sancti Augustini in disputatione de qu lib 1 ulm \11\1

versitatis Erffordensis anno domini 1465 contra crr r ,hh 1I1

J oachimi de tertio statu mundi, etc.".J HN BRIARD OF ATH. Excellentissimi viri, artium et sa rol' 111/'(//(/' 11I

professoris eruditissimi, M. Ioannis Briardi Athensis, eiusdem AC(ldl""/"vicecancellarii quaestiones quotlibeticae, cum aliis nonnullls 1"'11'I[,'/1'

Louvain, 1518. Published with the Louvain, 1518 cdition 01 111

Quodlibets of Adrian Florensz. Note that some of the c umllih I •if not ali, date shortly after 1500. According to H. DI! JONC;II, 111

were reprinted at Paris in 1527 and at Lyons in I 47 (t· 111

L'ancienne Faculté de Théologie de Louvain au premi r s/( di' Ih' \""existence (1432-1540). Louvain, 1911, p. 151-152, n. ).

J HN DUNS SCOTUS. Obras dei Doctor Sutil Juan Duns Escot« 1M /tII'

Bilingüe. Cuestiones Cuodlibetales, F. ALLUNTIS, tran lati n un 1 1111111(1

Madrid, 1968. The Latin text is a considerably impr v d ver 11 11

of that found in the earlier W ADDING edition (Lyons, 1 39) whi 'hwas reproduced by L. VIVES in Ioannis Duns Scoti opera omnia, v I .25-26 (Paris, 1895). For more on the status of the Latin text, see JohnDuns Scotus, God and Creatures. The Quodlibetal Questions. F. ALLUN-TIS and A. WOLTER, transl. and Introd. Princeton, 1975, p. xxxi-xxxiü.

J IIN Huss. Magistri Johannis Hus Quodlibet. Disputationis de QuolibetPragae in Facultate Artium Mense Ianuario Anni 1411 Habitae En-chiridion. B. RYBA, cd., Prague, 1948. On the contents of this textee above, n t 12.

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218 CHAPTER V

10HN LESAGE. Quodlibet l. For this see above under 1AMES OFTHERINES.

10HN PECKHAM.Joannis de Pecham Quodlibet Romanum. F. -M. DELORME,ed., Rome, 1938.

10HN QUIDORT (OF PARIS). The First Quodlibet of Jean Quidort, A.HEIMAN, ed., in 1.R. O'DONNELL, Nine Mediaeval Thinkers. Toronto,1955, p. 271-291. This Quodlibet is relatively brief for its time (ca.l304/l305) both in terms of the number of questions - only ten -and the length of each.

PETRUS DE RIVO. Quaestio quodlibetica disputata anno LXV· Lovanii perPetrum de Rivo, L. BAUDRY, ed., in La querelle des futurs contingents(Louvain 1465-1475). Paris, 1950, p. 70-78.

PETRUS SUTTON (?). Petrus Sutton (?) O.F.M., Quodlibeta, F. ETZKORN,ed., in Franciscan Studies, 23 (1963), p. 68-l39.

PETER OFTARENTAISE.Le Quodlibet de Pierre de Tarentaise, P. GLORIEUX,ed., in Recherches de Théologie ancienne et médiévale, 9 (1957), p.242-275 (edition of a reportatio of the first day's disputation); p. 277-278 (edition of introductory and transition formulae found in thesecond and incomplete version).

PETRUS THOMAE. Petrus Thomae O.F.M. Quodlibet. M.R. HOOPER andE.M. BUYTAERT, editors, St. Bonaventure, N.Y., 1957.

ROGER MARSTON. Fr. Rogeri Marston O.FM. Quodlibeta Quatuor. G.ETZKORN and I. BRADY, editors, Quaracchi-Florence, 1968.

THOMAS OF BAILLY. Thomas de Bailly. Quodlibets. P. GLORIEUX, ed.,Paris, 1960. (Contains his six Quodlibets).

THOMAS OF SUTTON. Thomas von Sutton Quodlibeta. M. SCHMAUS, ed.,with M. GONZALEZ-HABA, Munich, 1969. (Contains his four Quod-libets).

VITAL DE FURNO. Vitalis de Fumo Quodlibeta Tria. F.M. DELORME, ed.,Rome, 1947.

WALTER BURLEIGH. A Quodlibet, disputed by him at Toulouse, hasbeen identified with his Quaestio disputata de primo et ultimo instanti.This work itself was incorporated into the version of his Commentaryon the Physics published, for instance, at Venice, 1501. See In PhysicamAristotelis Expositio et Quaestiones. Venice, 1501/repr. Hildesheim-New York, 1972, ff. 252va-254vb 146. For a modem edition see H.

'46 On this see A. UNA JUAREZ, La Filosofia dei Siglo XIV, Contexto Cultural de WalterBurley. Madrid, 1978, p. 25, 71, 77.

EDITIONS 219

SIIAPIRO and CH. SHAPIRO, "De Primo et Ultimo Instanti" des WalterBurley, in Archiv für Geschichte der Philosophie, 47 (1965), p. 157-173.

WII.LIAM OF ALNWICK. Fr. Guillelmi Alnwick O.F.M. Quaestiones dis-putatae de esse intelligibili et de Quodlibet. A. LEDOUX, ed., Quaracchi,1935.

WILLIAM OCKHAM. Venerabilis Inceptoris Guillelmo de Ockham Quodlibetaeptem. 1. WEY, ed., St. Bonaventure, N.Y., 1980. This replace the

earlier noncritical editions: Paris, 1487/8; an edition by C. O -DE DIJK, without indication of the date or place of publication ; and

trasbourg, 1491 (reprinted at Louvain, 1962).NYMOUS(ERFURT) QUODLlBET. Disputed at Erfurt in 14 . Print xlat least twice in 1486, at Erfurt and at Memmlingen. See 1.B. TI~AI'I'.op. cit., p. 292, note 162. Also see L. MEIER, Die Rolle der 111/'(110 ,(im Erfurter Quodlibet, in Recherches de Théologie ancienne ,( '" 'ti/( val, •17 (1950), p. 298-299.

Not al1 of the editions mentioned here are equal1y rcliabl • 11111 111urne holds for those listed by Glorieux in his La littératur C/llmll", /1'1

"already mentioned, many date from the earlier day f pnntm 11111

Ire noncritical. The quality of twentieth-century editi ns 11 li V 111

S me, while offering a satisfactory working text for practi 'ai PIII!,II

were issued before some of the latest techniques for criti aI . 11111I11, 11 "Ibeen developed and would hardly be regarded as critical '(\llu111 ht day's standards. Others are based on only one manu icript, Jl I li 11

because only one has survived. The reader will want t I 111 rtu 111

mind, as well as the fact that the quality of the edition h I 11 111 li'd pend upon the quality of that manuscript. Some evt luuuon 111 tI. 11

manuscript will more than likely be made by the editor in hi Introdu 111111.

Still others have been based only on a few manuscript impl Ithey were intended to be provisional editions rather than definitiv. IIn,

thi will undoubtedly be made clear to the reader by the edit r in theIntroduction. In other cases, however, truly defi.nitive critical editi nhave appeared and others are now in the process of being prepared.

ne can only applaud the efforts of such specialists, and hope that moref the hitherto unedited Quodlibets will eventual1y see publication, and

that more of those which have appeared in defective earlier editions willbc critical1y edited.

In any critical editi n f. medieval Quodlibet one would expect tohnd a thorough Intr du tion plainin the tatus of the manu cript

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220 CHAPTER V

tradition and the techniques employed in preparing the edition. Thisshould also include, especially if one is dealing with a relatively unknownfigure, appropriate biographical and historical information concerning themedieval author and his work. In the case of relatively unknown authorsespecially, some overview of the doctrinal content of the Quodlibet canbe of great service to today's readers. In addition, such editions shouldinclude a subject index, an index of persons, places, and historicalinstitutions, and an index of authorities cited. Insofar as possible bothclassical authorities and contemporary sources cited by the medievalQuodlibetal author should be listed in this index and in the notesaccompanying the text. Perhaps the most difficult kind of source toidentify in medieval quodlibetal literature is the contemporary who is soofteo cited anonymously, especially when he was still living at the timethe Quodlibet was delivered. One can hardly expect today's editor to bec?mplet~ly success:ul in identifying accurately all of these refereoces byhis medieval quodlibetal author to medieval cootemporaries. 10 fact, inmany cases such will oot be possible until editioos have appeared of allthe major works, above all, of all the Quodlibets, authored by the medievalMaster's cootemporaries, or else uotil the modero editor himself has hadoccasion to examine manuscripts cootaining such works which are still

. unedited. Granted all of this, those modero editors who have attemptedto make such ideotificatioos are to be commended. Their editions willbe more useful to today's reader than others in which no such attemptwas even made.

At the same time, both today's editor and today's reader should bew~ about. assuming too quickly that mere similarity in doctrine alwayspomts to direct knowledge of one medieval author's text by another. Ontoo m~y occasions such refereoces can be accounted for by appealingto a third and common source, or perhaps eveo to a living oral traditionin a giveo Uoiversity cootext. And it is also sometimes difficult todetermine which author is followingwhich even wheo there is unmistakableevideoce of some kind of textual interdependeocy between two medievalauthors.

CHAPTER VI

HISTORICAL VALUE

As is evident from much that has been said above, surviving Quodlibetaluestions from the great theology faculties ofthe thirteenth and fourteenth

eoturies are extremely valuable sources for today's student of thephilosophical and theological thought of that time. Because of their wide-ranging character, and because they refiect the mature thought of theMasters who determined them, they are excellent indications of theunderlying positions adopted by these Masters in metaphysics, theory ofknowledge, natural philosophy, moral philosophy, and in speculative andpractical theology. In many instances they are also of interest to today'student of medieval Canoo Law, since fairly frequeot reference to canonicali sues appears in them 147. Because many individual questions treatedwithin these Quodlibets were of practical and pastoral value, consultationof the same is equally indispensable for ooe who would know more oflhe pastoral practice of that time. That this final point was recognizedloog ago is attested to by the fact that a number of questions takenfrom Thomas Aquinas's Quodlibets I through VI became major sourcesfor manuals for confessors during the later medieval period itself 148.

Reference has already been made above to another hotly cootested issuein the thirteeoth ceotury which touches 00 both pastoral practice andappropriate interpretatioo of the Church's Law - the controversy con-cerning Mendicant privileges and the hearing of confessions 149.

Because of their frequent reference to contemporary historical events,

,., Often, as one might expect, questions were disputed which combine canonical andpastoral concerns with those pertaining to what we today would call moral theology. Fors me iIIustrations taken from Thomas Aquinas's Quodlibets I-VI see BOYLE, The Quodlibetsar SI. Thomas and Pastoral Care, especially p. 248-251. One wilI find many more simplyh. paging through the many questions listed in the two volumes of GLORIEUX'S Lalit-térature quodlibétique. In the determined versions of these thirteenth- and fourteenth-ccntury Quodlibets such more practical questions usually appear nearer the end ratherthan at the beginning. This teUs us nothing, however, about the order in which thequcstions were originally raised at lhe first day's oral disputation.

,., See BOYLE, The Quodlibets of St. Thomas and Pastoral Care, p. 252-256.,•• See above, p. 199 and n. 108. For more references see BOYLE, The Quodlibets of St.

Thomas, p. 244, note 39; WIPPIlL, Th Metaphysical Thought of Godfrey of Fomaines, p. xix-x.

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222 CHAPTER VI

consultation ofthe many questions raised and disputed in these Quodlibetscan be of considerable value to students of medieval history, both secularand ecclesiastical. Various examples of questions occasioned in Quodlibetsby contemporary historical events have been ofIered, and th~ could begreatly multiplied. It would be possible, of course, for a Master to raisea question occasioned by a contemporary historical event at anotherkind of disputed question; but the statisticallikelihood of this happeningat a Quodlibetal disputation is increased by the fact that questions couldcome from so many difIerent members of the audience, and by the factthat the questions were not prepared in advance by the QuodlibetalMaster himself. 150 Given their close association with major medievalUniversities in the majority of cases, Quodlibets are evidently a richresource for students of the history of the University. Not only are theyfilled with information conceming the buming issues debated withinUniversities of that time, but they are a living witness to many of theacademic practices and structures of their day. And they are a fineillustration of the highlyunique role played by a medieval Master, especiallya Master in Theology, in the life of the medieval University.

Surviving quodlibets from the Arts faculties of the great medievalUniversities of the thirteenth and fourteenth centuries are relatively rare,as we have seen. The few that do survive are of interest especially tostudents of natural philosophy and the natural sciences. As regards laterQuodlibets from various faculties of Arts, more have survived in one formor another. Granted their great difIerence from the earlier Quodlibets fromTheology Faculties, they are of considerable value today to students ofthe philosophical, theological and canonical thought of the fifteenth andsixteenth centuries. As will be recalled from Chapter IV above, while theywere conducted in faculties of Arts, in most of the cases we haveexamined these later Quodlibets allowed for members of higher facultieto participate and to dispute appropriate questions. And they, too, areinteresting refl.ectionsof the academic procedures and methods of their day,thereby ofIering important information to the historian of the University 151.

1>. As L. BOYLE makes the point: "For even in its final, polished state at some distancremoved from the excitement of the original General Disputation, a Quodlibet reflect.the interests of the audience that attended the General Disputation and not those of thmaster" (The Quodlibets 01St. Thomas, p. 240).

1>, KLEINEIDAM a1so stresses their importance for students of modern philosophy aniltheology, at least as regards those held at Erfurt. See his Universiias Studii Erffordensi: ,Teil I, p. 157: "Die Quodlibeta Erfurts galten damals viel, und wcr ich in modcrnerTheologie und Philosophie orientieren wollte, musste sich die rfurtcr Quodlibcta bc r ·n

TROISIEME PARTIE

LES QUESTIONS DISPUTÉESDANS LES FACULTÉS DE DROIT

PAR

G. FRANSEN

Page 115: Bazàn, Wippel, Fransen et Jacquart. Les Question Disputées Et Les Questions Quodlibétiques Dans Les Facultés de Théologie, De Droit Et de Médecine

A. TRAVAUX

BIBLIOGRAPHIE

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1. Civilistes

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Ouvrage fondamental pour Ia période envisagée (jusqu'au milieu duXIIIe siêcle), basé sur Ies textes et non rempIacé jusqu'ici. Devra êtrerevu pour Ia fin du XIIe siêcle, vu Ies nombreux manuscrits récemmentdécouverts. A compIéter par:KANTOROWICZ, H. et BUCKLAND, W., Studies in the Glossators of th«

Roman Law. Cambridge, 1938, reprint avec addenda par WmMA~.P. Aalen, 1969. Cf. p. 81-85 et 246-253 (éd. de 5 question ).

OING, H., Handbuch der Quellen und Literatur der neueren europâischrnPrivatrechtsgeschichte, t. I: Mittelalter. Munich, 1973, contcnant :WEIMAR, P., Die Legistische Literatur der Glossatorenzeit, p. 128- 60surtout p. 140-146, 222-226, 245-249 avec littérature.HORN, N., Die legistische Literatur der Kommentatorenzeit, p. 2 1-364 surtout p. 333-336.NÓRR, K.W., Die kanonistische Literatur, p. 365-382.

B LLOMO, M., Aspetti dell'insegnamento giuridico nelle Università medievali.I. Le" Quaestiones disputatae", Reggio Calabria, 1974 (Cultura Giuridicadell'Eta medievale e Moderna I).

2. anonistes

TTN R, S., Repertorium drr anontstik (Pr dr mu Corporis Glo sarum

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226 BIBLIOGRAPHIE

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Brixiensis to Johannes Andreae, à paraitre dans les Actes du VIIeCongrês de Droit canonique médiéval (Cambridge, 1984).

B. ÉDITIONS

Habituellement, les éditions sont précédées d'une Introduction quiexamine des problêmes plus généraux concemant les questions disputées.Ces Introductions auraient eu leur place dans Ia Bibliographie.

Nous avons joint une liste des "analyses": celles-ci reproduisent lesthêmes et les solutions.

BIBLIOGRAPHIE 227

I. ivilistes

BULGARUS (Stemma Bulgaricum)Quaestiones in schola Bulgari disputate, ed. F. PATETTA, dans BIMAE,t. 2 (1892), p. 195-209; cf. H. KANTOROWICZ, Studies ... , p. 246-253 (essai d'éd. de 5 q.H67 q.).

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l. FRANSEN, Le mariage simulé. Deux questions disputées du XIIe siêcle,dans Études de Droit et d'Histoire. Mélanges Mgr H. WAGNON.Louvain, 1976, p. 531-541 (2 q.).

(,. FRANSEN, Les canonistes médiévaux et les problêmes de leur temps.Quelques Quaestiones disputatae, dans Mélanges offerts à Jean DA u-VILLIER. Toulouse, 1979, p. 307-316 (5 q.) .

•. FRANSEN, États différents d'une même question disputée, dan Z .' {II/,

68 (1982), p. 136-152 (3 q.).I)'autres questions oot été éditées dans Ies analyses citée plu h I ,

Voir aussi S. KUTTNER, Some unrecorded Quaestiones, dan 'I ra 1"10, I I(1957), p. 507 eo note.

n RTHOLOMAEUS BRIXIENSIS, Quaestiones dominicale (f \','1// ,1,,1,Roueo, 1511 et oombreuses autres éditioos (175 q.).

li lDIUS DE FUSCARARIIS et lOANNES GARSIAS Hi 'PANllS (11Iq.), ed. C.F. REATZ, Collectio scriptorum de processu canonlco Ide Fuscararits, Garsiae Hyspani Quaestiones de jure can nlco. ;11859.

IIU UCCIO VERCELLENSIS: G. BRIACCA, Le "quaestiones disputatae" tilUguccione Borromei, dans BMCL, 7 (1977), p. 65-84 (4 q.).

R esponsa doctorum Tholosanorum, ed. E.M. MEIJERS. HaarIem, 193 .JOANNES ANDREAE, Quaestiones mercuriales, souveot éditées à Ia fio de

Ia Novel/a in VIm, mais aussi séparément, p. ex. Lyoo, 1550.Y RI RUM. De oombreux recueils, eocore à examiner, mêleot les que tion

civiles à celles des canooi teso 00 cite habituellemeot: Milan,1491; Veoi e, 1503; y n, 1550' j'ai eu en maios Lyon, 1572; Veni e,I 7 ; Veni e, 15 2.

Page 118: Bazàn, Wippel, Fransen et Jacquart. Les Question Disputées Et Les Questions Quodlibétiques Dans Les Facultés de Théologie, De Droit Et de Médecine

230 BIBLIOGRAPHIE

b) AnalysesStuttgardienses etc.: G. FRANSEN, La structure des Quaestiones disputatae

et leur classement, dans Traditio, 23 (1967), p. 516-534 (42 q.).Bambergenses: G. FRANSEN, Les Questiones des canonistes (I), dans

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dans Traditio, 13 (1957), p. 481-501 (72 + 7 sq.).Monacenses: R. WEIGAND, Quaestionen aus der Schule des Rolandus und

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Supplementum ad Zwettlens. I (Bamberg & K1osterneuburg): G. FRANSEN,Les questiones des canonistes (IV), dans Traditio, 20 (1964), p. 495-502 (44 q.).

Neapolitanae : G. FRANSEN, Les Quaestiones Neapolitanae, dans BMCL,6 (1976), p. 29-43 (12 q., 1 éd.).

Zwettlenses 1/ (Vincentinae) etBernardi Compostellani antiqui: G. FRANSEN,Deux collections de Questiones, dans Traditio, 21 (1965), p. 492-510(53 + 32 + 3 q.).

Cusanae (Baziani?): G. FRANSEN, Les Quaestiones Cusanae, questionsdisputées sur le mariage, dans Convivium Utriusque Iuris, AlexanderDORDETT zum 60. Geburtstag. Vienne, 1976, p. 209-221 (35 q.).Datation: cf. BMCL, 6 (1976), p. 43-46.

Variae (Toletanae, Parisinae Nouv. acq. Lat., Graecenses): G. FRANSENdans BMCL, 13 (1983), p. 39-47 (15 + 16 + 4 q).

Andegavenses :G. FRANSEN, Utrumque ius dans les QuestionesAndegavenses,dans Etudes d'Histoire du droit dédiées à G. LE BRAS, t. 2.Paris, 1965, p. 897-911 (35 q., 2 éd.).

Barcinonenses breves: G. FRANSEN dans BMCL, 14 (1984) (32 q.).Barcinonenses magistri S: G. FRANSEN dans Mélanges FEENSTRA (18 q.,

5 éd.).C. MESSINI, De Codice iuridico n. 3 pl. 2 1. S (= Plut. 2 lato sin n. 3)

bibliothecae Malatestianae (Cesenae), dans Antonianum, 26 (1951), p.271-294, 367-385 ..

C. MESSINI, Questioni disputate in diritto canonico nello studio Bolognesenel seco XII/ dai Cod. Y.Z.1 + Appendice Campori 1242 della Bibl.Estense di Modena, dans Appolinaris, 50 (1977), p. 484-520.

CHAPITRE I

DÉFINITION DU GENRE

1. LES TRAITS ORIGINAUX DES "DISPUTES" DES JURISTES

Plu ieurs traits sont propres aux questions disputées des juristes, auIII'u celles des canonistes que celles des civilistes '.

I) Pour eux ces joutes ont une importance toute particuliêre par1',' 'lIe préparent directement l'étudiant à Ia pratique du droit. lIe11\1 nt dans le programme académique, mais en dehors de l'enseignem nt

111 I i tral. La question disputée prend Ia forme d'un véritable procês, aut li me souvent concret; il ne s'agit pas de résoudre les contradicti ns'1" I'on découvre entre deux ou plusieurs textes, mais de montrer, parli arguments tirés de l'arsenal juridique et adaptés au cas par leI 11. nnement, qu'une des deux branches de l'alternative proposée a lcrlroit pour elle. La dispute, pour les juristes, est l'écolage du barreau.

h) De toutes les "questions" connues, celles des civilistes sont les plu.111 'i nnes: elles datent du second quart du XIIe siêcle. Celles de

111 ni tes leur sont postérieures d'une vingtaine d'années. Les questionli .ette époque sont des questions "privées", disputées in scholis. Quant111 disputes académiques, Ia premiêre trace certaine que nous en ay n,

Ir uve dans les statuts bolonais de 1252, qui en traitent comme d'un111 titution établie et disposent simplement que "tout docteur en d ( it

11\ n ou en droit civil doit 'disputer' au jour qui lui est assigné par It ur 2." Je ne me souviens pas d' avoir rencontré chez les civili t OU

11' canonistes des "quaestiones quod1ibetales". A vrai dire, les re li 'illi questions, à quelques exceptions prês, alignent sans ordre les uj 1I plus variés pour ne pas dire les plus disparates.

es arguments des juristes sont assez souvent, surtout au début,1" s mtés sous Ia forme de références chiffrées, c'est-à-dire de renvoi111 textes de droit, sans plus. Ces renvois se lisent parfois en "texte

I I 10 sateurs et commentateurs du droit romain sont appelés soit romanistes soitIvlll t . Dans ce fascicule nous employons uniquement le second terme,

'11uui de Bologne, 1252, art. 3, éd. D. MAFFEI, Un trattato di Bonaccorso degli E/iseiI plli anttchi statuti dello tudio di 80/01(/10 nel manuscritto 22 della Robbins Collection,

1111 IJM L, 5 (1975), p. 94.

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232 CHAPITRE I

suivi", mais, le plus souvent, ils sont groupés en deux colonnes de partet d'autre du thême. Ces deux colonnes sont souvent surmontées l'unepar "actor", l'autre par "reus", allusion évidente au monde du procês,tout comme l'est le nom de "sententia" donné parfois à Ia solution.

d) Pour les canonistes, à partir surtout de 1180, il faut noter l'infl.uencede Ia production et de Ia diffusion des décrétales pontificales. Celles-ciréglaient des points controversés: ceux qui, précisément parce que"dubttabiles", pouvaient faire 1'objet d'une disputatio. Certaines de cesdécrétales résolvaient des questions jadis disputées ; d'autres fournissaientaux jouteurs de nouveaux arguments, provoquant ainsi le remaniementde questions traitées précédemment. Les décrétales fournissent ainsi à1'historien des repêres chronologiques três précieux. Peut-on en direautant, pour les romanistes, des positions fermement établies et acceptéesunanimement par Ia doctrine? Je le penserais volontiers sans pouvoir leprouver.

e) Enfio, mais ceei conceme Ia recherche et non les disputes elles-mêmes, 1'attention des érudits s'est concentrée sur les débuts de1'École: le XIIe siêcle et Ia premiêre motié du XIIle. Plus récemmentles études se sont étendues aux questions académiques et aux autresquestions du milieu du XlIIe siêcle. Les recueils de cette époque, publiéssous le nom d'un maitre, et qui sont mentionnés dans les listes desstationarii semblent bien reprendre, le plus souvent, des questions scolairespubliées antérieurement (ainsi Pillius, Barthélemy de Brescia). Quant auxrecueils postérieurs en date, publiés sous le nom de 1'un ou 1'autre maitre(souvent dans ses eeuvres completes) et dont nous possédons des listesétablies par les érudits, ils n'ont fait, jusqu'à présent, l'objet d'aucuneétude d'ensemble.

2. DÉFINITION

La question disputée, que certains préfêrent appeler disputatio, ressortità un genre plus vaste, celui du queritur, des questions que le juriste (dansnotre cas) se pose à lui-même ou pose -à ses étudiants.

Ce qui Ia caractérise, c'est son but plutôt que sa structure (pro - contra- solutio) et surtout le fait qu'elle est 1'objet d'une dispute. Elle veut initierles juristes à leur tâche d'avocats ou de juges et se situe nettement en-dehors de 1'enseignement magistral, lequel consiste dans Ia lecture etl'exégêse des textes normatifs.

A partir d'un thême, le plus souvent concret (réel ou fictif), parfois

DÉFINITI N 233

rb trait, communiqué plusieurs jours à 1'avance, le maitre propose à sestudiants un ou plusieurs problêmes ou "questions".

es questions doivent être "disputables", c'est-à-dire que leur solutionn • peut consister dans un simple renvoi à un texte normatif, mais qu'elle.xige tout d'abord Ia recherche des textes réglant des cas plus ou moinsscmblables ou encore fournissant un príncipe acceptable de solutionratio), et ensuite Ia mise en reuvre de Ia logique, du raisonnement, pour

Ir uver, justifier et défendre contre les objections, soit par déduction,s it par élimination, Ia solution juste du problême posé.

Il s'agit, au fond, d'un procês fictif. Ce qu'il faut prouver, ce qui faitI' bjet de Ia décision du maitre, c'est qui a raison, le demandeur ou ledéfendeur. Ou plutôt, il faut découvrir les arguments valables (qui sontiurtout mais non exclusivement des textes de droit) à partir desquels etmoyennant un raisonnement plus ou moins compliqué ou spécieux, onpeut donner raison à 1'une des parties.

Les arguments doivent, en príncipe, être trouvés par les étudiants.ans un stade ultérieur, je pense qu'ils leur sont foumis par le maitre

vec 1'énoncé de Ia dispute. La partie adverse répond assez souvent auxarguments proposés, piíis présente les siens.

Enfio le maitre tranche le débat en indiquant Ia partie victorieuse et,parfois, motive sa solution (ou sentence). II arrive aussi qu'il répondeaux objections.

3. STRUCTURE DE LA QUESTION DISPUTÉE

Une rubrique, absente dans les collections anciennes, permet de classerIa question et en indique le sujet.

Suit un préambule assez bref et sans beaucoup de signification, quidi paraitra rapidement.

Vient ensuite le thême, petit récit bref ou prolixe, réel ou factice, quid nne l'occasion au maitre de situer ou d'introduire les questions (Kan-t rowicz préfêre parler de "problêmes") qu'il veut voir traiter. Celles-ci,t ujours abstraites, introduites par "queritur", sont parfois multiples, dum ins au début de 1'École.

Três souvent chez les civilistes, três rarement chez les canonistes suitIa "propositio aetionis", 1'indication du moyen de droit que 1'on invoque.

cci pour orienter les débats.e raisonnement ou argumentation n nce le arguments d'une des

pnrtie (pro) puis, habitu 11m 0"1. o 0\1 de I' iutr (contra). li se peut qu'on

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234 eHAPITRE I

réponde aux arguments opposés, soit par avance, soit ensuite. Cettepartie est três variée et pourrait, à elle seule, permettre un classementtypologique.

Enfio le maítre résout le problême posé. Cette solution, à laquelle ondonne plusieurs noms, est breve ou longue, justifiée ou non, pourvue ounon d'un sigle. Elle répond parfois aux arguments invoqués.

Tels sont les éléments à travers lesquels le lecteur des notes transcritesou rédigées devra reconstituer l'exercice scolaíre ou académique qu'ellesveulent relater.

Un ou plusieurs de ces éléments peut manquer et il n'est pas toujoursaisé de savoir si ces "omissions" sont dues au scribe et proviennent desvicissitudes de Ia transmission du texte ou bien si elles sont intentionnelleset proviennent d'un parti pris de celui qui a commandé le manuscrit, ouencore d'une lacune dans Ia documentation initiale. Il peut en effet sefaire que le reportator n'ait pas entendu, qu'il n'ait pas eu le temps matérielde mettre par écrit ce qu'il entendait, ou même qu'il ait été empêchéd'assister à Ia dispute.

4. ESPEeES DU GENRE

A) Quaestiones disputatae in scholis et quaestiones so/emnes seu pub/icae

Les statuts de Bologne prévoient que les docteurs en droit canon eten droit civil doivent disputer publiquement. Selon les statuts de 1252,au jour qui leur est fixé par le recteur; selon les statuts postérieurs, entrele Carême et Ia Pentecôte. Ils sont ensuite tenus de mettre au net leurdispute avec réponse à tous les arguments et de Ia déposer chez lebedeau, afio qu'on puisse en prendre copie, le tout sous peined'amende 3. Certains docteurs étaient dispensés de l'obligation de disputer.

Jean d'André se demande si un docteur "privilegiatus qui non teneturdisputare disputavit ... Hanc questionem per se disputatam stationarionon tradidit. Queritur ... secundo an doctor inciderit in statutum" 4.

Cependant un docteur, même dispensé, est tenu de "disputer" si un

, H. KANTOROWICZ, The Quaestiones ..., p. 44, transcrit le texte du statut qu'a édité C.MALAGOLA, Statuti della Università e dei Collegi dello Studio Bolognese. Bologne, 1888,rubr. xlv, p. 107-108.

• Question disputée â Padoue le 16 déc. 1307, dans C. MESSINI, De codice iuridico n. 3PL II I. S. (Iege P1ut. 2 lat. sino n. 3) bibliothecae Malatestianae (Cesenae), dans Antonianum,26 (1951), p. 293-294. ette question e t reprise dans le Mercuriales de Jean d'André s.r.Accessorium.

DÉFINITION 235

étudiant veut "disputer" sous lui 5. Il faudra examiner si c'est de ce "dépôtlégal" avant Ia lettre que sont issus les "libri magni questionum" du XIVeiêcle 6.

Nous savons par ailleurs que les docteurs eux-mêmes (entre autresJean d'André) analysaient dans leurs propres écoles et discutaient lesquestions disputées solennellement mais aussi d'autres questions publiéespar leurs collêgues. Ces disputes "secondes" ou 1'0n critiquait d'autresdisputes, parfois aprês les avoir reproduites in extenso, étaient des disputesprivées, in scholis, dont le résultat est parfois conservé par écrit 7. Nouspensons que Ia plupart des questions anciennes qui sont conservées,même celles qui seront ensuite publiées par un maitre (Pillius, Roffredus,Damase, Barthélemy de Brescia), ne sont pas des questions "académiques"mais des mises au net de questions disputées par les étudiants dans lesécoles. C'est d'ailleurs ce qui explique leur três grande variété et qui rendleur étude si attrayante.

Sur le rôle du respondens dans une question académique, outre lepassage cité plus haut, voici un témoignage tardif, celui d'une questionbolonaise de 14058:

"disputata per me Florianum de Sancto Petro utriusque iuris doctoresedem regentem ordinariam infortiati ... de qua questione et omnibusprecedentibus dubiis sub me solempnissime et suflicientissime res-pondit vir multe scientie dominus Anthonius de Gisebaldo de Sicilia".

Je ne pense pas qu'on puisse verser au dossier l'énoncé d'une questioncanonique (peu aprês 1215)9:

"Magister cuidam discipulorum questionem iniunxit ut allegaret. IIIpretendit ignorantiam et paruitatem. Queritur utrum peccauerit?"

Étant donné le style de toute Ia collection, il doit s'agir non d'unequestion solennelle, mais d'une question privée, in scholis.

11 est cependant d'autres textes ou le maítre semble donner des

> e.. MALAGOLA, Statuti ..., rubr. cxiiij, p. 148. Cf e. MESSINI, Questioni disputate indiritto canonico nel/o studio Bolognese nel seco XIII. dai cod. Y.Z.I + Appendice Campori1242 della Bibl. Estense di Modena, dans Appolinaris, 50 (1977), p. 484-485 note.

6 Sur ces "Libri magni", cf. M. BELLOMO, Due "Libri magni quaestionum disputatarum" ...,dans Studi Senesi, S. 3, 18 (1969), p. 256-291.

1 e. ROSEN, Notes on an earlier version 01 the "Quaestiones mercuriales", dans BMCL, 5(1975), p. 113.

• Bruxelles, Bibl. Ro \1 , '" 11\11 rll /I IS92, ~ 1. 94v.• KI terneubur, SII" I Ihl 1M,'! II , 1111 H/Ir \0 - i n, Bibl. apit. 83 q. 125, p. 525.

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236 CHAPITRE I

instructions à son champion, et qui se rapportent, eux aussi, à desquestions privées 10:

"Pro priore (questione) quoque sic potest allegari ... scilicet quoddecretum quod ex pietate questio determinari potest ... et hic latetdeterminatio ... quod decretum a parte aduersa per sequentemparagraphum (le §est un "dictum" de Gratien) determinabitur. Item... (citation d'un texte) cuius finem scilicet 'absoluendo' fauet huicparti, principium uero alteri parti. Item habes ... (autre citation) quodhic adapta.""Aduersarii praedictis capitulis pro posse determinando respondeant,partem suam postea fouere studeant.""Aduocati aduersae partis obiectis respondeant et postea sua inducantcapitula quibus partem aduersariorum infringant et suam corroborareualeant."

Ces textes sont anciens. On y trouve les termes determinare, que 1'0nre~contre plus tard chez les théologiens (ici vers 1155) et que 1'0n neV?It plus guêre dans Ia suite chez les juristes, et adaptare, qui rested usage plus fréquent.

II ser~t logique de penser que les rêgles, du moins certaines des rêgles,de Ia dispute académique sont issues des usages scolaires. Mais ceein'est qu'une hypothêse plausible.

UnAdemi~r ~~int: Jean d'André, au début du XIVe siêcle, exige quele maítre qui dirige une dispute soit "actu regens". Cela vaut pour toutesles disputes 11.

B) Quaestiones reportatae et quaestiones redactae

A Certain~s qu~stions, même scolaires, sont manifestement rédigées àtete reposee. D autres sont des notes transcrites. II est parfois diífícilde faire le.dép~ ~ntre les deux types. Qu'i! suffise ici d'avoir, aprês H~Kantorowicz, attiré l'attention sur ce point sur lequel on reviendra.

10 Le . dpremier e ces textes est dans Bamberg, Staatsbibl. Cano 17. foI. 163v (bas); lesdeux autres dans Incem auctoris 'quaestiones (Stuttgardienses) ed. F THANER S •Magistri Rolandi. Innsbruck, 1974. p. 269-270 (q. 24). • . • umma

" C. ROSEN. Notes ...• dans BMCL. 5 (1975). p. 106 note 17 citant S. KUTTNERBernardus Compostellanus antiquus, dans Tradtuo, 1 (1943). p. 325. On peut y ajouter I~texte ude .Ia préface des ~ercuriales tran crit par Ro en p. 106 ou Jean d'André annonceque ~horum euarn qui non sunt plu actu legente nec habite ad legendum hic(quae li ne ) multa ub r uli quibus nuenient c 11 bo."

DÉFINITION 237

C) Quaestiones quaternales

Ce sont des questions disputées déjà par un maitre ou dans ses écoles,et qui circulent dans des "quatemi". Jean de Dieu avertit, non sans fierté,ses lecteurs que, dans ses questions, i! n'en est pas de quaternales 12.

Nous renvoyons à plus tard Ia distinction entre questions disputéesplusieurs fois, simples copies d'une même question, ou adaptations d'unequestion avec utilisation de nouveaux arguments. Qu'il suffise de noterici que les mêmes questions, munies des mêmes allégations passent d'uneÉcole à l'autre, non sans qu'on ait modifié les noms de lieux. Ainsi Iaquestion du manuscrit de Stuttgart n. 35 (ed. Thaner, p. 300-303) estreprise dans Bamberg, Staatsbibl. Cano 19, foI. 171v, mais avec Cologne,Metz et Toul au lieu de Milan, Parme et Reggio 13.

D) Quaestiones dominicales, sabbatinae, etc.

L'épithête indique habituellement le jour de Ia semaine ou les questionscontenues dans le recuei! ont été disputées. II y a au moins uneexception : certaines des questions contenues dans les mercuriales de Jeand'André, et dont nous connaissons Ia date par ailleurs, n'ont certainementpas été disputées le mercredi. Le P. Rosen estime que Jean d'Andrécritiquait le mercredi, devant ses élêves, les questions disputées auparavantet dont i! avait connaissance, soit grâce à une publication (chez lestationnaires ou autrement) soit par ses notes personnelles prises lorde Ia dispute 14.

5. GENRES VOISINS

A) Quaestiones legitimae, decretales

D'autres questions ont, elles aussi, Ia forme pro, contra, soluüo, (111

également appel à Ia dialectique et portent sur des points de droit.Comment les distinguer des questions disputées? D'abord, par Ic fuitqu'elles n'ont pas été, généralement du moins, I'objet de dispute: cllcne sont pas des exercices mais sont intégrées à l'enseignement magi tr Icomme moyens d'exposer ou d'approfondir le texte commenté. Ensuitc,par leur objectif: elles doivent le plus souvent montrer qu'il n'y a pa

12 Cité par S. KUTTNER. op. cit., p. 322 note 9 et repris par C. ROSEN. op. cit .• p. 108.IJ G. FRANSEN. La structure d« "quae tlones disputatae" et leur classement, dan Tradltto,

23 (1967). p. 523.".R RN,Nol ,11111//((1, (l'I1'),p.112-11.

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238 CHAPITRE I

contradiction entre deux textes ou deux groupes de textes, ou bienrésoudre un problême abstrait qui se pose à propos de Ia matiêre traitéeou encore approfondir une notion, en montrer les différents aspects.Selon leur matiêre, on les appellera legitimae (chez les légistes) ou decretales(chez les canonistes) 15.

Ces questions, quae fiunt causa docendi, ne font pas l'objet d'une disputemême si Jean Bassien, dans Ia préface d'une Somme sur le Digeste quicircula avec celle d' Azon sur le Code, indique qu'il ré serve les questionsplus difficiles à une discussion plus détaillée, dans l'aprês-midi 16. Cesont elles que 1'0n trouve dans l'enseignement du maitre, soit dans lesgloses, soit dans les lecturae ou commentaires, aprês l'exégêse du textelui-même.

Rappelons que cet enseignement devait suivre l'ordre des livres dedroit, selon un calendrier fixé d'avance et ce sous peine d'amende. Nousavons conservé une Iiste ancienne (1252) des "puncta" tant en droit civilqu'en droit canon 17. Or les recueils de questions disputées, ceux desromanistes comme ceux des canonistes, présentent les questions sansaucun ordre (c'est ce qui rend leur étude et leur consultation difficiles),alors que les collections de casus, de notabilia, de distinctiones, de generalia,genres Iittéraires issus de Ia glose, suivent, comme elle et sauf accident,l'ordre des livres de droit. Ce n'est qu'exceptionnellement que 1'0n trouvedes questions disputées classées sous des rubriques. Ainsi les Neapolitanae,celles de Damase, et Ia premiêre version des mercuriales de'Jean d'André.Les Cusanae, elles, ne traitent que du mariage. Mais, dans tous ces cas,

"S. KUTTNER et E. RATHBONE, Anglo-Norman canonists 01 the twelfth century ; dansTraditio,7 (1949-51), p. 312-313; S. KUTTNER, Bemardus Compostellanus antiquus, dansTraditio, I (1943), p. 320-322 (Ies deux articles reproduits avec Retractationes de S. Kuttnerdan Gratian and the Schools 01 Law, 1/40-1234. Variorum Reprints, Londres, 1983); S.KUTTNER, Zur neuesten Glossatorenforschung, dans Studia et Documenta Historiae et Iuris,6 (1940), p. 302-308.

ertaines questions cependant semblent rebelles à toute tentative de c1assement. Cf. A.PADOA S HIOPPA, Le "Quaestiones super Codice" di Pillio da Medicina, dans Studia etDocumenta Historiae et Iuris, 39 (1973), p. 256-259.

16 J ANNES BAssIANUS, Materia ad'Pandectam (Principium omnium rerum) post AZO,umma, Pavie, 1506 (reprint Turin, 1966, p. 384): "Ad ultimum questiones mouere et

di cutere c nsulimus uel statim in lectione uel in uesperis pro ua difficultate prolixioridisput ti ni re eruando, differenda." f. P. WEIMAR, Die legisttsche Literatur ..., (CiL note24) p. 212.

" . MAHfll, Un trattútn ..., d nmenus rit du õécre: ti ratten, d m

(I 7 ). p. 4-101 et P. RLlArattana, 2 (I 7 ). p, 26 2 8.

, ur un

DÉFINITION 239

il s'agit manifestement d'un regroupement ou d'un début de classement,non de l'état primitif de ces questions 18,

Il reste vrai cependant que, tôt ou tard, les maitres reprendront, dansleur enseignement systématique, des questions auparavant disputées 19.

On n'a pas suflisamment étudié ces "retombées"; encore fallait-il d'abordconnaitre les questions elles-mêmes.

B) Allegationes

Il s'agit de Ia présentation par les avocats, lors d'un procês, desarguments qui doivent faire triompher une cause. Nous en avons conservéquelques-unes 20. Elles sont três voisines des questions disputées, maiselles se rapportent à un procês réel, non à un procês fictif comme lesquaestiones.

C) Consilia

Il faut en dire autant des consilia. Ce sont des avis donnés par desjurisprudents à propos d'un cas réel, déjà introduit ou que 1'0n voudraitintroduire en justice. Ils s'adressent soit aux parties, soit au juge. Certainssont três concrets, au point que l'on peut, grâce à eux, reconstituer desprocês. D'autres sont Iibellés de maniêre plus abstraite, retenant seulementles points de droit en cause 21. S'agit-il dans ce cas de consilia ou dequestions? La méthode d'argumentation est tout à fait semblable. Bienplus, on peut penser que certains consilia ont été, par Ia suite, transformésen quaestiones par le jurisconsulte qui les avait recueillis: il suflisait pourcela de supprimer, ou plutôt de rendre anonymes, les références à des

18 Quaest. Neapolitanae: G. FRANSEN dans BMCL, 6 (1976), p. 30; Damase: S. KUTTNER,Repertorium der Kanonistik. Cittâ deI Vaticano, 1937 (Studi e Testi 71), p. 427; Quaest.Cusanae: G. FRANSEN dans Convivium utriusque iuris (Festschrift for Alexander DORDETT).Vienne, 1976, p. 209-222; Jean d'André, Mercuriales : C. ROSEN dans BMCL, 5 (1975),p. 104-105.

'9 C. ROSEN, Notes ..., dans BMCL, 5 (1975), p. 107-112; M. BELLOMO, Aspettidel/'insegnamento giuridico nelle Università medievali. I. Le "Quaestiones disputatae,' ReggioCal abria, 1974, p. 61-69.

'" Allegationes Phalempinianae, dans Tijdschrift voor Rechtsgeschiedenis, 49 (1981), p. 251-285. Cf. G. FRANSEN, Colligite Fragmenta, dans Studia Gratiana, 13 (1967), p. 83-85(Valenciennes, B.M. 274, fol. Ir).

21 M. ASCHERI, I consilia dei giurisü medievali. Per un repertorio-incipitario computerizzato.ienne, 1982, 61 p.

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240 CHAPITRE I

données concrêtes 22. Cependant, alors que, dans Ia quaestio, les deuxadversaires ont successivement Ia parole, le consilium, même s'il réfuteles arguments de l'adversaire, se tient d'un seul côté.

D) Casus

Le mot signifie "problême", On s'explique donc qu'il soit appliqué àun recueil de questions dépourvues d'allégations et de solutions 23.

Mais casus avec un déterminant, exprimé ou sous-entendu, casus legisou casus capituli ou decretalis, désigne Ia formulation abstraite du contenudu texte normatif: le résumé de Ia portée juridique du texte 24. Ou encoreles circonstances concrêtes qui ont provoqué Ia décision. Si 1'on sesouvient que Ia question doit être "disputable" "dubitabilis", on comprendque 1'affirmation, par 1'un des jouteurs: "casus est talis legis (ou capituli,ou decretalis)" est péremptoire, car elle indique et prouve que Ia questionn'est pas disputable puisqu'elle est déjà résolue par un texte. L'adversairepourra toutefois contester Ia véracité de 1'assertion et prouver que lecasus invoqué ne correspond pas à Ia question posée 25. Plus tard, Iaroutine aidant, 1'invocation d'un casus cessera d'être un argument décisif.

E) Summa quaestionum

C'est une exposition synthétique qui étoffe 1'explication abstraite (insumma) d'une réalité juridique (simonie, prescription, élection, excom-munication) par une série de cas concrets (quaestiones) illustrant etprécisant 1'explication proposée. Ces Summae, dont Ia méthode estsemblable à celle de s. Thomas dans Ia Somme théologique, se situent"en aval" des quaestiones decretales et aussi, je le pense du moins, des

21 Remarques sur l'édition, par E.M. MEIJERS. des Quaestiones Doctorum Tholosanorum(Haarlem, 1938): H. ICANTOROWICZ dans English Historical Review, (1939). p. 713-718.propose de les appeler "Questiones Tholose sigillatae"; ef. S. KUTTNER dans Studia etDocumenta Historiae et Iuris, 6 (1940). p. 429-430. Sur ees problêrnes, ef. M. BELLOMO.Le "Quaestiones ...• p. 78-81.

23 E. SECKEL. Die Casus Bambergenses dans E. GENZMER. Seckel und Ugo Nicolini überdie Quaestionen des Pillius, dans ZSSRom. 55 (1935). p. 336. 382; M. BELLOMO. op. cit .•p.23.

24 P. WEIMAR. Die legistische Literatur der Glossatorenzeit, dans H. COING. Handbuch derQuellen und Literatur der neueren europãischen Privatrechtsgescnichte, t. I: Mittelalter. Munich,1973. p. 213-222.

2> Cynus de Pistola, eité par H. KANT R WI Z. The Quaestiones ...• p. 21 ; M. BELLOM •Le "Quaestiones ...• p. 24-30. qui n' pa étudié Ia périod antéri uro nu .

DÉFINITION 241

quaestiones disputatae 26. En droit romain, ce sont divers traités, surtoutceux qui concement les statuts, qui recueilleront Ia matiêre déjà discutéeet les points établis dans les quaestiones 27.

F) Quaestiones iuris - Quaestiones facti

La question disputée est toujours une quaestio iuris. A Ia fio du XIIesiêcle et au début du XIIle chez les canonistes, mais déjà dês les débutschez les civilistes, elle se réduit souvent à un "queritur quid iuris sit". Cequi est en "question", c'est Ia solution juridique qu'il faut apporter à unproblême, Ce problême toutefois peut être présenté de maniêre abstraiteou contenu dans un cas concreto

Roffredus se plaignait que les questions de Pillius n'apportaient rienaux étudiants, parce que trop théoriques. 11 leur fit donc traiter des"quaestiones de facto emergentes", c'est-à-dire des cas, réels ou fictifs, àpropos desquels se pose une question de droit 28. Une quaestio facti ausens strict n'est pas objet de discussion mais seulement de preuve: ils'agit d'un fait dont on se demande (quaestio) s'il existe. TI faudra doncen établir 1'existence par des témoignages, des documents (instrumenta)et non par des textes légaux. Mais dans une quaestio [iuris] ex [ou de]facto emergens, il s'agit non pas de prouver l'existence d'un fait, maisde découvrir quels sont les textes ou les raisons qui permettent d'établirIa solution juste que demande le problême concret ainsi posé. La questionde droit ne se présente pas d'une maniêre abstraite, comme elle le pourraitdans une discussion théorique, mais comme conséquence d'une situationde fait au sujet de laquelle on se demande quel est le droit 29. 11 fautnoter en terminant que ce que beaucoup d'auteurs appellent des quaestionesfacti sont des quaestiones ex facto emergentes.

G) Quaestio - Disputatio

Peter Weimar voudrait que 1'on ré serve le terme disputatio à Ia disputeelle-même, à 1'exercice, et que 1'on appelle quaestio disputata Ia tracemanuscrite qui en est parvenue 30. Je fais observer, aprês S. Kuttner, que

26 S. KUTTNER et E. RATHBONE.Anglo-Norman canonists ...• p. 314. 334-337; S. KUTTNER.Bernardus Compostellanus ...• p. 321 note 4 (ef. supra note 3).

27 M. BELLOMO. Le "Quaestiones ...• p. 61-65.21 Voir le texte de Ia Préfaee de Roffredus plus loin p. 264.29 M. BELLOMO. Le "Quaesüones ...• p. 16-24; P. WEIMAR. Die legistische Literatur ...• p.

144-145.]O P. WElMAR. op. cit., p I 4 not I

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242 CHAPITRE I

disputatio, dans un manuscrit de Barcelone, d'une maio plus récente quele texte il est vrai, désigne non pas des quaestiones disputatae mais desquaestiones decretales discutées au cours de Ia leçon 31. Et aussi quel'expression "hodie non est quaestio", indiquant que Ia quaestio n'est plusdisputabilis, ne vise pas un écrit, mais l'ensemble de l'exercice 32. Ajoutonsque Pillius, se référant à ses propres questions disputées, les appeliebrocarda nostra.

li S. KUTTNER et E. RATHBONE, Anglo-Norman canonists ... Retractatto, p. 32.J2 Bamberg, Staatsbibl. Cano 45 et Klo terneuburg, Stif], bibl. 656, q. 63. Cf. Traditio, 19

(1963), p. 523.

CHAPITRE 11

ÉVOLUTION DU GENRE

Seules les questions antérieures à 1250 ont fait l'objet de recherchessystématiques. L'article de H. Kantorowicz, vieux de presque cinquanteans, reste fondamental. TI devra être complété par les travaux de MlieA. Belioni qui a repris l'édition des quaestiones de Pillius laissée inachevéepar U. Nicolini. Pour le XIVe siêcle, l'entreprise, plus ou moins enveilleuse, de Manlio Beliomo autorise déjà quelques conclusions. Tel estle bilan] pour les civilistes.

Pour les canonistes, les données réunies par Stephan Kuttner en 1937et complétées en 1943 ont pu être étoffées largement par de nouveliesdécouvertes que j'ai tâché d'utiliser. J'ai publié de nombreux dépouillements(thêmes et, parfois, solution) et quelques questions in extenso. Cela pourIa période jusqu'à 1234. Martin Bertram commence à étudier Ia périodesuivante et le P. C. Rosen a publié un excelient article sur les mercurialesde Jean d'André 33.

1. CIVILISTES

Les premiêres questions disputées datent du second quart du XIIesiêcle et proviennent, non de l'école d'Irnerius mais de celie de Bulgarus.Leurs modêles ne sont pas à rechercher chez les théologiens ni chez lerhéteurs romaios, mais bien dans les "quaestiones, disputationes, responsa"des juristes classiques, surtout de Scaevola, conservées partieliementdans le Digeste.

Kantorowicz distingue trois périodes. De Ia premiêre, nous possédondes quaestiones reportatae de l'école de Bulgarus (Ia collection date desenvirons de 1150) et des quaestiones Dominorum (vers 1170), disputesprivées, mettant aux prises des personnes plutôt que des arguments. Les

Il • Ro EN, Notes 011 /11I rurlirr \' 'li "" /lllh •. 1101' tiones mercuriales", dans BM L, 5(I 75), p. 103-104.

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244 CHAPITRE 11

raisonnements sont ou schématiques ou en style "mosaIque" 34, c'est-à-dire qu'ils réunissent en centons des fragments empruntés aux sourcesjuridiques elle-mêmes. La solution, généralement breve, est précédée dusigle du maitre.

Dans Ia seconde période, celle de Jean Bassien et d'Azon (XlIle s.),les questions sont plus longues et leur développement moins personnel,plus abstrait. On peut y trouver des solutions ou le maitre répond auxarguments proposés par Ia partie perdante. S'y mêlent des questionsreportatae et des redactae. Les découvertes de ces demiêres années ontlargement accru le nombre de questions connues et exigent une recon-sidération des conclusions de Kantorowicz.

La troisiême période est celle des recueils édités sous le nom d'unmaitre: Pillius (aprês 1186), Roffredus (1215) et Hugolin (peu aprês). IIsgroupent des questions rédigées par l'''auteur'' de Ia collection, mais quireprennent souvent des questions disputées antérieurement, par eux oupar d'autres, comme l'a montré Mlle A. Belloni 35. C'est ainsi que Iatradition des questions de Pillius est double: d'une part celle qui estantérieure à Ia composition du recueil, d'autre part, celle du recueil officiel,diffusé par les stationarii 36.

Aprês 1250, nous l'avons dit, nos renseignements sont plus ténus. Lesquestions "académiques" devaient être remises au bedeau. Les "/ibri magniquaestionum" qu'a commencé de dépouiller M. Bellomo avec son équipe,sont-íls issus exclusivement des copies "officielles" ou bien contiennent-ils également des disputes privées? Quoi qu'il en soit, les publicationsn'en sont qu'à leur début et les "libri magni" attendent, sinon une analyse,du moins leur publication.

Quant aux questions du XIVe siêcle publiées dans les reuvres completesdes grands commentateurs ou dans quelque rare recueil, elles suivent lesrêgles des questions académiques, même lorsqu'elles sont disputées inscholis. Certains, constatant que Cinus et Bartole, dans leurs questions,ont souci de répondre à tous les arguments évoqués veulent voir dans

" Ce style "mosarque" est celui de Ia plupart des premiers glossateurs du droit romain.11faut y voir une volonté de fidélité au vocabulaire des sources. Cf. H. KANTOROWICZet W. BUCKLAND. Studies in the Glossators of the Roman Law. Cambridge, 1938. p. 74;récemment G. DOLEZALEK et R. WEIGAND. Das Geheimnis der roten Zeichen dansZSSKan. 69 (1983). p. 199. •

" Dans un article à paraítre, dont I·A. m'a aimablement communiqué le contenu.)6 Sur ce point précis: A. BELLONI. Le collezionidelle "Quaestiones" di Pi/lioda Medicina.

dans Jus commune, 9 (1980). p. 35-45.

ÉVOLUTION 245

ce fait un parallêle avec les disputes théologiques 37. C'est oublier que,dês le début du XllIe siêcle, certains canonistes, dans des questionsscolaires, répondent, eux aussi, à tous les arguments. II est plus aiséd'admettre une influence des canonistes sur les civilistes, leurs voisins,que d'en appeler aux théologiens, membres d'une autre faculté.

2. CANONISTES

Les premiêres questions des canonistes - on peut les dater des années1150 - ont-elles subi l'influence de celles des théologiens ou bien dépendent-elles de celles des civilistes? II ne sera possible de répondre qu'aprêsune étude de détail, guidée par des repêres chronologiques et géographiquessürs. Je pense que les canonistes s'inspirent de Gratien, au début toutau moins, dans Ia formulation de leurs questions et qu'ils ont une hiérarchiedes preuves qui leur est propre. Plus tard, disons vers Ia fin du XlIe s.,leurs questions se rapprocheront de celles des civilistes. Auparavanttoutefois, et dês le début, on rencontre chez eux le terme "determinare"(nous l'avons signalé) avec le sens qu'il a aussi bien en droit qu'enthéologie. Redisons-le, les questions antérieures à 1234 - celles que nousavons étudiées et transcrites - sont des questions scolaires et nonacadémiques, quoique les statuts de 1252 présentent déjà Ia disputeacadémique comme un exercice habitueI.

Dans une premiêre période (1150-1190) une grande variété caractériseles questions des canonistes; les thêmes sont souvent prolixes, lequestions nombreuses, les solutions breves ou três longues. Nous avonconservé des questions redactae comme des reportatae et le raisonnementest três varié.

A Ia fin du XlIe siêcle, le style change: le thême est plus ramas sé lcontient, en fait, Ia question, qui se réduit à un "queritur quid iuris it."Les arguments se succêdent sans ordre apparent. Souvent ils début ntpar un principe abstrait étayé par des renvois aux textes aussi bien dudroit civil que du droit canon. La solution est souvent breve mais s'attardeparfois à répondre aux arguments proposés.

Au XllIe siêcle apparaissent des recueils portant le nom d'unauteur: Jean le Teutonique, Damase, Barthélemy de Brescia, plus tard

" N. 1I0RN. Die legistts h 111nuur drr 1\0111111 ntotorenzeit, dans H. COING. Handbuchti r Quellen ...• L 1 (cit. 11m 4) Jl \4 I 1I\l1 7

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246 CHAPITRE II

Jean de Dieu. lls reprennent parfois, comme ceux des civilistes, desquestions précédemment disputées en les modifiant ou nono

Pour Ia fin du siêcle, quatre manuscrits contiennent des questionsacadémiques (mais le sont-elles toutes?) dont plusieurs ont été éditées.D'autres questions sont connues par des eeuvres qui les ont reprises entout ou en partie, ainsi les mercuriales de Jean d'André.

Restent les recueils, imprimés ou manuscrits, de questions d'un seulou de plusieurs maitres. Ici, on peut tout au plus renvoyer à des listescompilées par les auteurs d'ouvrages généraux 38. Tout le reste: fixationdu texte, vérification des attributions, analyse et description de l'évolutiondu genre, attend les bonnes volontés.

3. SYNTHESE

On constate que le nombre des questions diminue au cours du tempset que leur style se banalise. On est loin de Ia variété et de Ia spontanéitédes débuts. A Ia limite, il semblerait que les questions académiques,avec leurs rêgles strictes, ont fi.géet stérilisé un genre littéraire vraimentprometteur. Mais peut-être, à Ia réflexion, faut-il voir les choses autrementet se demander pourquoi on copie les questions, pourquoi on veut engarder mémoire. Car enfin aujourd'hui encore les étudiants rédigent desexercices de plaidoirie et les maitres corrigent leurs travaux. Mais on nepense pas à les éditer ni même à les conserver. II me semble qu'au débutde l'École, on a vu dans les questions des modeles de discussion, quelque soit le sujet traité. On comprend dês lors qu'on en ait copié un bonnombre. Dans un second temps, ce qui intéresse le lecteur et parconséquent l'auteur d'une collection, c'est Ia solution du problême poséet sa justifi.cation: d'oú les démarches de Jean d'André qui ne retientdans son recueil que les questions non decisae, et Ia rêgle académiquequi prescrit au disputant de répondre à tous les arguments invoqués. Laquestion, sans cesser d'être un exercice, est devenue un instrument derecherche. Bien plus, pour le droit canonique, on peut penser que lessolutions données par les maitres aux questions qu'ils faisaient disputerdans leurs écoles auront, comme leur enseignement ex cathedra, influencé

J8 A. VAN HOVE, Prolegomena ad Codicem Iuris canonici. Malines ct Romc, 1945, p. 489-490; CH. LEFEBVRE, Quaestiones, dans Dia. de droit canonique (dir. R. NAZ), l. 7 (1965),col. 412-413 (civilistes) et 416-418 (canoniste ).

ÉVOLUTION 247

les réponses de l'autorité que sont les Décrétales. Par ailleurs les questionsont permis aux civilistes de "penser" et de synthétiser les textes innom-brables et parfois opposés que leur offraient le Digeste et les autres livresdu droit romain afin de les utiliser comme arguments dans Ia pratique.Plus tard, à en croire M. Bellomo, c'est le problême du droit statutaireet sa valeur face au droit romain qui les retint particuliêrement.

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CHAPITRE III

REGLES DE CRITIQUE

11 convient d'examiner d'abord les problêmes critiques concernant Iaquestion elle-même et chacun de ses éléments, puis ceux qui sont propresaux collections en tant que telles. Les questions dont le texte est presquesemblable nous retiendront ensuite: sont-elles des remaniements ou desreIectures? On posera alors les problêmes que soulêvent tous nostextes: quel est 1'auteur de Ia question et comment Ia dater? Dans quellemesure les textes conservés permettent-ils de remonter aux disputes elles-mêmes, et enfin, ce qui me parait Ia question fondamentale, pourquoi a-t-on copié les quaestiones et en a-t-on fait des recueils? Dans tout cetexposé on sera particuliêrement attentif à I'évolution de chacun deséléments : c'est elle en effet qui aide à situer les questions et les collectionsdans Ie temps et dans 1'espace.

1. LA QUESTION

1°) Rubrique

Dans les collections anciennes, elle est le plus souvent l'eeuvre durédacteur de Ia collection, voire même des copistes, ce qui explique sesvariations. Elle indique le contenu de Ia questiono Plus tard, dans Iescollections publiées par un auteur (Pillius), elle doit être attribuée à celui-cioA ma connaissance, Ies questions académiques n'ont pas de rubriques.

2°) Préambule

Généralement três court, il n'a pas de signification. Par exemple:"Questio talis fuit proposita". On Ie rencontre presque uniquement dansles anciennes questions des civilistes.

3°) Thême

11est appelé casus, negotium, materia chez les civilistes, thema et parfois,au début, causa chez Ies canonistes. Rarement abstrait, il est réel oufictif. Au début, chez Ies civilistes, il est bref et três précis, lié à Iaquestion qu'il introduit; chez Ie canoni tes, il prcnd souvent l'allure d'un

REGLES DE CRITIQUE 249

récit assez compliqué, dans Ie style des Causae du Décret de Gratien,encombré de détails superfl.us (dont Ie maítre avertira parfois qu'il nefaut pas tenir compte); Ies questions qui se posent à son sujet s'yraccrochent plus ou moins habilement, à teI point qu'on Ies copie parfoissans reproduire Ie thême ! PIus tard, Ies canonistes imiteront Iescivilistes : Ieurs thêmes seront plus brefs et plus prégnants et Ies questionsse réduiront à "queritur quid iuris". Si, au début, on peut, à Ia rigueur,se passer du thême (et certains 1'ont fait), au XIIle siêcle, c'est Ia questionque I'on peut sous-entendre puisqu'elle est presque toujours Ia même.

4°) Question (ou Problêmey

C'est Ie problême juridique abstrait, disputabilis c'est-â-dire non ré lupar un texte normatif, et que I'étudiant doit s'efforcer de résoudre, prenantparti pour une des branches de 1'alternative et justifiant son option. 11est introduit par "queritur", "uertitur in questione", "quesitum est", "est inquestione". Pour éviter Ia confusion avec 1'ensemble de 1'exercice, Kan-torowicz préfêre 1'appeler "problême". Au début, chez Ies canonistesurtout, Ies questions se multiplient. 11n'en est pas ainsi chez Ies civilistesni chez Ies canonistes Iesplus récents (aprês 1180). Rappelons qu'ilexiste, en droit canonique, des recueils de questions sans thême. En fait,celui-ci était tellement peu lié aux questions qu'il était censé introduireque son omission n'entravait en rien Ia compréhension de 1'ensembIe. liest parfois possible de retrouver Ie thême omis dans d'autres collection .C'est ce que j'ai appelé: "questions en quête de thême 1." 11peut se fairégalement qu'en cours de raisonnement une question accessoire émcrde Ia discussion. Parfois Ie copiste I'a prise pour une question distin tet traitée comme telle. Le cas n'est pas rare dans Ies premiêres questi ndes civilistes.

Le même thême, qui, au fond, n'est qu'une historiette, a pu servir deutien, d'introduction ou de prétexte à des questions différentes. Vice

versa Ia même question a pu être formulée en dépendance de thêmesvariés.

5°) Indication de l'action

A sez tôt chez Ies civilistes, et ensuite três généralement, rarement auc ntraíre chez Ies canoni te , le maitre, afio d'orienter Ies étudiants,

I ). F RANSBN, Les ..Qlll'llillllf\" ti \ 111/111I1 \II'V 1'"11111 de dépoulllement et de classement(I), dun Tradlt/o, 12 (19~6). P «t, ~KI HI

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250 CHAPITRE III

adjoint à Ia question une propositio actionis. Il indique ainsi le moyen dedroit qui peut être invoqué (actio doli, officium iudicis etc.) et circonscritIa discussion. On se souviendra que le droit canonique n'exigeait pas Iamention de l'action dans le libelle introductoire d'instance.

6°) Argumentation

C'est Ia partie principale de Ia dispute, celle qui est sa raison d'être.Dans quelle mesure permet-elle un classement des questions? Nousexaminerons successivement Ia présentation, le mode de citation destextes, Ia nature des arguments, 1'ordre dans lequel ils sont invoqués, etIa réponse aux objections de 1'adversaire. Enfin, ce qui est propre au"sed contra".

a) PrésentationL'argumentation se présente sous Ia forme d'un texte suivi ou bien,

surtout au début et dans les questions reportatae, en schéma.- Dans Ia présentation schématique, les arguments, sous forme deréférences chiffrées, sont transcrits, en deux colonnes, de part et d'autredu texte (thême et questions) proposé, lequel est souvent suivi de Iasolution (celle-ci parfois écrite d'une autre main). Au lieu d'être disposéesen colonnes, il arrive que ces références soient copiées à Ia suite. Cetteprésentation schématique est ancienne. Il se peut qu'à Ia fio d'unraisonnement, d'une argumentation rédigée en bonne et due forme, ondécouvre un groupe de références. Est-il témoin d'un ajout ou bien faít-il partie du texte original? Il ne faut pas conclure trop vite, car onconstate le fait dans les questions les plus anciennes, celles de Bulgarus.- Le plus souvent, 1'argumentation se présente comme un raisonnementsuivi, articulé autour de certains mots (Item, Praeterea). La discussionest relatée dans le détail (mais pas toujours complêtement) par le scribe,qu'il s'agisse de reportationes (ainsi les premiêres questions des civilistes)ou de quaestiones redactae.- Rappelons pour mémoire les "questions" dont nous avons parlé plushaut et qui apparaissent moins comme des compte rendus d'exercicesque comme des instructions données aux étudiants auxquels le maitreapprend à discuter. Ainsi. certaines des questions de Roland éditées parThaner 2.

2 Cf. plu haut p. 236 et n te 10.

REGLES DE CRITIQUE 251

b) Mode de citation des textes juridiques1. Il faut examiner d'abord quels textes sont cités (ou ne sont pas

cités). Cela vaut surtout pour les canonistes et constitue un élémentprécieux de datation. Ainsi, des citations se référant uniquement auDécret de Gratien (ou à celui de Burchard de Worms) sans renvoi à desdécrétales ou au droit romain indiquent une période ancienne. Ce n'estqu'à 1'extrême fio du XlIe siêcle que les arguments tirés du droit romainse mêlent à ceux qui proviennent du droit canon. Jusque là ils étaientgroupés: secundum canones ... secundum leges.

Quant aux décrétales, certaines se présentent sans indication de titreet munies (ou non) du nom d'un pape: elles ne sont pas (ou pas encore)intégrées dans une collection; d'autres voient leur incipit précédé d'untitre: grâce à des tables récemment parues 3, on peut dans ce cas identifieret localiser Ia collection d'oü est extraite Ia décrétale, ce qui fournit unterminus post quem à Ia questiono Si Ia citation est précédée de extratitulos, c'est que Ia décrétale est dans un appendice ou hors collection.

D'autres citations sont précieuses, ainsi celles des conciles, surtout les3e et 4e Latran et celui de Tours. Leur citation indique une époque ouces textes conciliaires n'avaient pas encore été intégrés dans les collections.Il faudra évidemment se demander si le copiste (ou un utilisateur dumanuscrit) n'a pas "mis à jour" des citations anciennes en les corrigeant,éventuellement sur grattage.

2. La maniêre de citer les textes peut être, elle aussi, révélatrice. Nousavons mentionné plus haut 4 ce que 1'on a appelé le "style mosarque":un texte suivi est composé de fragments empruntés littéralement auxources. Désireux de conserver une fidélité absolue aux textes, les civilistes

en composent un centon. Les premiêres questions des civilistes (commeleurs exposés magistraux) en offrent beaucoup d'exemples. Chez lescanonistes, les citations littérales et assez longues des sources canoniques, nt de mise jusqu'en 1170; pour le droit romain, on se contente d'enparaphraser le contenu, sans référence. Mais cette pratique ne dure pas.

'habitude se prend bientôt d'indiquer toujours Ia référence aux textestant de droit civil que de droit canon. Parfois Ia phrase abstraite que lescitations viennent étayer est extraite textuellement, en tout ou en partie,<.I I'une d'elles.

I Index titu/orum decretalium ex collecüonlbus tam privatis quam publicis conscriptus moderanteS K TTN R. Milan, 1977 (lu R monum M dii Aevi. ubsidia lI).• 'f p. 244 note 34.

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252 CHAPITRE III REGLES DE CRITIQUE 253

c) N ature des arguments invoquésDans les questions les plus anciennes, on annonce souvent Ia nature

des arguments que 1'0n va invoquer:"auctoritate ... ratione; auctoritatibus ... exemplis; rationibus ... auc-toritatibus; secundum leges ... secundum canones".

Une étude de ces formules reste à faire.Plus tard les arguments sont présentés sans ordre apparent: ce sont

le plus souvent des arguments de texte auxquels se mêlent des argumentsde raison.

d) Ordre suivi dans l'argumentationParfois les arguments sont présentés dans l'ordre annoncé et classés

selon leur nature; d'autres fois on peut se demander s'il existe uncheminement ou si les éléments disparates du raisonnement se suiventselon Ia fantaisie (ou bien Ia mémoire ou encore l'invention) du disputant.

Três souvent, à Ia fin du XIIe siêcle, c'est une affirmation abstraite etgénérale qui est appuyée par un groupe de références, plus ou moinsexplicitées. Puis on passe à Ia suivante, introduite par Item ou Praeterea.Parfois encore l'affirmation abstraite est prouvée par une véritable chainede raisonnements imbriqués les uns dans les autres et qui prennentcomme point de départ, - et souvent aussi de relais -, un texte normatif.On perçoit sur le vif l'influence de Ia dialectique.

Dans certains cas enfin, mais surtout au début de I'École, c'est parle moyen de distinctions successives que le maítre isole le príncipe dedroit qui permet de résoudre le problême posé. Rappelons que Ia dis-tinction énumêre les différentes acceptions juridiques d'un terme donné,par exemple : "Causa alia canonica, alia ciuilis ; ciuilis alia pecuniaria, aliacrirninalis ... " C'est par exclusions successives que 1'0n arrive à Ia solu-tion.

En tout état de cause, il sera judicieux, comme le fait Manlio Bellomodans les analyses qu'il a publiées, de noter les "mots-clefs" et lestransitions, ainsi que le genre du raisonnement. Démarche indispensablesi l'on veut espérer décrire l'évolution interne du genre et l'introductionprogressive - ou l'abandon - de modes de discussion ou d'exposition.

Certains auteurs, au lieu de classer selon leur nature (auctoritate ...ratione) les arguments qu'ils proposent, les ordonnent selon des chefsd'argumentation qu'ils prouvent l'un aprês l'autre:

"allegatur consuetudinis auctoritas, silencií taciturnitas, iuris abre-nunciatio et I ngi temp ri pre criptio."

Ug Nic lini a fait bserver l'empl i de cuc méth de d'exposition par

Pillius. On Ia trouve également, mais rarement, chez les canonistes(N eapolitanae, Claustroneoburgenses) 5.

e) Réponses aux objections11 arrive - mais cela ne serait-il pas un indice de quaestio redacta? -

qu'il soit répondu par avance aux arguments de l'adversaire. Cette réponseest introduite par "Si dicis", "nec obstat" ou simplement par "ad" suivide Ia référence. 11 se peut évidemment qu'un jouteur prévoie les objectionsque 1'0n opposerait à son argumentation et anticipe sa réponse.

f) lntroduction du "Contra"11 faut relever, comme l'éditeur, une phrase qui revient sous des formes

diverses, entre autres dans les questions de Roland, et que nous avonsdéjà citée 6:

"Adversarii predictis capitulis pro posse determinando respondeant,partem suam poste a fovere studeant."

C'est exactement l'ordre suivi par Ia premiêre question des Neapolita-nae : le contra débute par Ia réponse aux arguments pro et ensuite seulementl'adversaire construit sa propre argumentation 7.

Dans d'autres cas, rares à Ia vérité, le contra (plus rarement le pro)débute par une série d'invectives parfois assez vives, frisant l'injure. Maisle plus souvent, Ia seconde partie de Ia dispute commence ex abrupto:contra ou e contra. Parfois ce "contra" a échappé au scribe et le lecteurattentif devra le suppléer.

g) "Contra"Habituellement Ia structure du contra est semblable à celle du pro. Le

répondant tente d'abord de prouver l'opposé de ce que voulait démontrerI'adversaire; ensuite, mais pas toujours, il répond aux arguments de celui-cio Originairement, l'ordre, on l'a vu, était inverse.

Dans certaines questions, on a l'impression d'assister à un dialoguede sourds: les adversaires ne se rencontrent pas, chacun construit sonargumentation sans tenir compte des arguments avancés. Ailleurs c'estle style des deux antagonistes qui est três différent. Dans les deux casil est permis de penser à une reportatio. En effet, si Ia question avait été

I f. les questions 10 et 24 de Pillius éditées par A. BELLONI, Le collezioni ... (supra'10l 34), p. 109, 121 et Ia q. I des Quaestiones Neapolitanae dans BMCL, 6 (1976), p.1240.

• f. p. 236 et note 10.I • FRANSBN, Les Quo ttones Neapolitanae, dans BMCL, 6 (1976). p. 30, 32-40.

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254 REGLES DE CRITIQUECHAPITRE III

rédigée, le rédacteur aurait três vraisemblablement uniformisé ces donnéesbrutes.

les différents éléments du raisonnement et Ia solution est três variable 8.

On peut en dire autant pour les canonistes. Ou bien les questions sonttraitées successivement, chacune suivie de sa solution; ou toutes lesolutions sont renvoyées à Ia fin; ou encore on groupe tous les pro puis

tous les contra et enfin les solutions. Cela a-t-i!une signification quelconqueou bien s'agit-il de fantaisie (du maitre ou des copistes ou encore dureporta tor) ?

7°) Solution

a) En généralSolutio prévaut chez les canonistes, bien qu'aux ongmes on trouve

determinatio dans le sens de solution. Chez les civilistes : decisio, definitio,determinatio, iudicium, sententia, responsum. Parfois rien du tout, mais lenom du maitre suivi de "ait", par exemple: "Bulgarus ait posse". Cedemier type de solution se retrouve chez les canonistes, bien que rarement,jusqu'au milieu du XIIle siêcle.

Parfois le maitre motive três briêvement sa sentence "propter iura ultimoallegata"; dans d'autres cas, i! justifie plus largement sa décision et prendmême le soin de répondre aux arguments invoqués par Ia partie perdante.

Enfin, Ia décision peut être une vraie distinction qui, par exclusionssuccessives, dégage Ia solution.

Signalons encore le cas ou des sous-questions sont introduites sousforme d'exceptions à Ia solution proposée.

Bref, Ia solution va d'un seul mot à une petite dissertation.b) Degré de certitudeA côté d'affinnations péremptoires: "dica", "potest", on rencontre des

"credo" ou "mihi uidetur" ou plus simplement "uidetur". Parfois aussi lemaitre rapporte les solutions proposées par d'autres juristes, solutionsauxquelles i! se rallie ou qu'il critique.

c) SiglesLa présence d'un sigle n'indique pas nécessairement que Ia question

a été disputée dans l'école du maitre dont elle porte le sigle: celui-ci apu Ia prendre, sans Ia modifier, dans une autre collection et l'incluredans son recuei!. Si le sigle est précédé de "secundum", est-on en présenced'une quaestio reportata? Ce n'est pas évident. Que penser enfin d'unesolution siglée, puis contredite, par exemple par "quod mihi non placet",Réflexion du scribe ou bien d'un autre maitre qui a "relu" ou fait "relire"Ia question? Ces problêmes seront examinés plus loin.

La plupart des questions que nous connaissons ne nous sont pasparvenues à l'état isolé, mais groupées en collections. Celles-ci sont deti ux espêces : celles qui se réclament d'un auteur ou dont toutes ouprcsque toutes les solutions portent le même sigle; celles ensuite qui sontt 1\ tices, certaines au point de copier deux fois les mêmes questions.

ans le premier cas, i! importe de vérifier si Ia patemité de l'auteurJlI tendu est réelle ou bien si i! a simplement remanié ou publié tellesuu lIcs des questions disputées par d'autres et déjà publiées. Dans le

t" nd cas i! est souhaitabIe de retrouver les composantes de Ia collection.•i celles-ci ont une vie indépendante on pourra, grâce aux séries de

9°) Textes incomplets

On fera bien de se demander si le texte que l'on a devant Ies ycuxest complet ou si le scribe (est-ce bien lui?) en a omis quelque partic.Parfois, c'est le thême qui manque (questions en quête de thême); aillcurl'argumentation ou une partie de celle-ci fait défaut; plus souvent, Iaolution est absente. 11est même des cas ou seull'énoncé des questionst conservé.Une bonne fortune (lisez: un manuscrit complet) permet parfois de

ombIer certaines de ces Iacunes 9. Mais Ia question posée restecntiêre : qui ou quoi est responsable de celles-ci? La négligence ou Ianonchalance du scribe, l'absence du reportator à Ia disputatio, un troudans ses notes ou Ia volonté de celui qui a commandé le manuscrit?

2. LES COLLECTIONS

8°) Organisation des éléments de Ia question

Pour les questions les plus anciennes des civilistes, comme l'a faitobserver H. Kantorowicz, et lorsqu'on est en présence de plusieursquestions posées à propos d'un thême, l'ordre dans lequel se présentent

I 11 KANT ROWI Z, The Quaestloll ....• p, I.(j FRANS N, Les "Questiones" (I). li 111 'J'rotlltlo. 12 (19 ). q. 12 p. 583, q. 18 et q.

'11 (I 114.

255

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256 CHAPITRE III REGLES DE CRITIQUE 257

3. REMANIEMENTS OU RELECTURES?

nales". L'énoncé est emprunté à un fonds commun mais Ia dispute esttout autre.

b) Dans d'autres cas, thême et questions étant identiques, on a trouvéque Ia question primitive était trop prolixe. On l'abrêge, on déplace lesarguments, on en introduit de nouveaux et, souvent, on ajoute desréférences chiffrées 11.

L'état le plus ancien d'une dispute comprenant deux "queritur" se lit dansun manuscrit de Barcelone. Un scribe d'Oxford copie, en marge d'autresquestions, le second queritur seul. Un abrégé três écourté de ce texte longse lit dans un manuscrit de Limoges. Un autre, notablement plus long,remanié et augmenté, se trouve dans deux manuscrits, un à Bamberg, l'autreà Leipzig, copiés l'un sur l'autre. Enfin, dans le coin d'un autre manuscritconservé à Aschaffenburg, le copiste n'a transcrit que le thêrne et lesallégations d'un seul queritur. Comme les formes 3 et 4 ajoutent plusieursallégations aux listes primitives, elles doivent être plus récentes que lesautres.

L'histoire du texte se reconstitue comme suit: à partir d'une longuesolution, amphigourique et redondante, certainement redacta (Barcelone et,partim, Oxford), une réduction énergique a été opérée (Limoges), qui retientmanifestement des termes provenant de Ia premiêre rédaction. 11se pourraitque le "collecteur" du recueillimousin soit responsable de cet abrégé, maisl'hypothêse demande à être vérifiée. (11 semble en effet que toutes lesquestions de ce recueil sont des résumés.) Enfin, une rédaction nouvelle(Bamberg-Leipzig) récrit certains passages et en supprime d'autres alorsqu'un dernier manuscrit (Aschaffenburg) ne garde que le thême et lesallégations (complétées comme dans Bamberg-Leipzig) d'un seul problême,

Comment interpréter ces données? Barcelone offre une quaestio redacta,que le scribe d'Oxford a trouvée intéressante et a copiée en partie, sansqu'il y ait eu de nouvelle dispute. Le rédacteur de Ia collection de Limogesaura voulu offrir à ses lecteurs un abrégé. Nouvelle dispute ou travail de"rassembleur"? Qui le dira? La recension Bamberg- Leipzig, elle, est letémoin d'une relecture, d'une nouvelle dispute: les nouveaux argumentsinvoqués, le changement de style autorisent cette conclusion. Aschaffenburgnfin a voulu simplement proposer une question disputable et ses arguments .

.) D'autres "variables" se décêlent três aisément. Ainsi: Ia premiêreli 11 li du raisonnement est identique, mais le sed contra est entiêrementIIlIt rcnt. Ou encore, plusieurs phrases ou plusieurs arguments sontqout aux deux parties. Dan ccs cas, urt ut i les données modifiées

textes parallêles et grâce aussi à l'analyse interne des questions reconstituerles séries primitives 10.

D'autre part, Ia collection, même factice, doit être envisagée dans sonunité. Celle-ci est avant tout une donnée de fait: telles questions à telmoment ont été copiées ensemble. 11est três possible que les mêmesquestions se présentent dans le même ordre, mais remaniées, dans uneautre collection. L'analyse ne peut donc pas se contenter de constaterl'identité des thêmes : Ia comparaison doit s'étendre aux détails et il fautdistinguer les simples copies des "relectures" ou des "remaniements". Deplus, ce qui vaut de Ia collection dans son ensemble ne s'applique pasnécessairement à chacune des questions qui y est contenue. Cela paraitévident, mais on l'oublie souvent. Si Ia date d'une collection est déterminéepar celle de Ia question Ia plus récente, il ne s'en suit pas que desquestions beaucoup plus anciennes, remaniées ou non, n'y soient contenues.

11faut distinguer avec soin, - et ce n'est pas toujours facile, - lesvariantes accidentelles, dues aux copistes, des variantes intentionnelles.On peut, pensons-nous, diviser celles-ci en deux catégories selon qu'ellesproviennent d'une nouvelle dispute, - d'une "relecture", - ou bien del'activité du collecteur ou d'un correcteur, - d'un "remaniement". Disonstout de suite qu'il n'est pas aisé de faire le départ entre ces deux types.

Comme Ia tradition manuscrite est pauvre et les scribes de métiersouvent négligents, les vicissitudes de Ia transmission du texte nousgratifient de nombreux bourdons, de fautes de référence et d'autres bévuesinvolontaires: inversions, omissions de mots brefs, etc.

Mais il est d'autres "variantes" plus importantes: ajouts de référenceschiffrées en fio de raisonnement, phrase ajoutée à Ia solution, changementdu sigle de celle-ci, complément ou remaniement total du pro ou ducontra. Comment les interpréter?

a) Le même thême sert de base à des questions différentes; Ia mêmequaestio est résolue par des arguments tout à fait nouveaux (ici coutume,là prescription). 11s'agit de questions différentes, de "quaestiones quater-

10 G. FRANSEN, Les Questions des canonistes (III), dans Traditio, 19 (1963), p. 517-518et 530-531 (tables); La structure des "Quaestiones disputatae" et leur classement, dans Tradit/o,23 (1967), p. 516-534.

" I I'RANSIlN, États dlffhl'IIII' 1/"11I /11'" /I " 1m ,I '/'/11 1', li 111 7.. Kan, 68 (1982),I' I l/I I 2.

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258 CHAPITRE III REGLES DE CRITIQUE

ou ajoutées s'appuyent sur des décrétales récentes, on peut parler derelecture. La mise à jour du texte autorise à conclure à une nouvelledispute qui utilise les éléments encore valables de 1'ancienne.

d) Mais comment juger un supplément fait uniquement de référenceschiffrées, que celles-ci soient groupées en finale du raisonnement ouajoutées çà et là sans qu'elles renvoient à des textes nouveaux, récents?Relecture ou bien activité du scribe, donc remaniement? l'inclineraisplutôt pour Ia relecture car je pense que le maitre, du moins dês le débutdu XIIle siêcle, mettait dans les mains de ses étudiants non seulementl'énoncé de Ia question mais encore les références aux textes normatifsqui soutenaient le raisonnement. L'exercice consistait à vérifier le bienfondé des arguments proposés et à en ajouter d'autres. Comment, sinon,expliquer Ia permanence des mêmes références, souvent dans le mêmeordre, dans plusieurs "états" de Ia même questiono N'est-ce pas égalementce qui ressort de Ia préface de Roffredus que nous citerons bientôt 12?Pourquoi, finalement, copier des questions? Et les éditer?

e) Je ne pense pas que 1'on puisse affirmer, avec H. Kantorowicz que,lorsqu'une solution est discutée ou refusée ou précisée, ce supplémentprovient du scribe ou du reportator et non d'une relecture 13.Chaque casdoit être envisagé en particulier.

ni, semble-t-il pour Damase, qui ont rédigé eux-mêmes les questionsqu'ils diffusent sous leur nom. Les questions de Jean le Teutoniquepourraient, à mon avis, n'être qu'un ensemble de questions approuvéeset choisies par lui, sans qu'elles soient vraiment de lui, ce qui expliqueraitqu'on les trouve ailleurs sans sigle ou avec celui de Tancrêde,

b) On ne peut s'empêcher d'attribuer au maitre 1'ensembledes questionsou il donne, pour ainsi dire, des instructions aux débutants. 11en estd'autres, par exemple celle ou Bazianus dispute avec ses étudiants 15,dans lesquelles Ia part du maitre ne se réduit pas au choix de l'énoncéet à Ia solution.

c) C'est vrai également pour les disputes académiques, puisque lesrêglements universitaires exigent que le maitre lui-même rédige le textedéfinitif et ce sous peine d'amende. On se gardera d'étendre, sans plus,cette conclusion à toutes les questions redactae. Certes, il est possibleque Ia rédaction ultime soit due au maitre, mais ne pourrait-elle pas êtrel'oeuvre d'un autre? Les rédacteurs des statuts universitaires 1'ont pensé,qui exigent que le maitre lui-même rédige Ia "bonne copie".

d) Devons-nous renoncer à entendre Ia voix des étudiants? Non pas.11y a des disputes ou le pro et le contra sont d'un style tellement différentque l'on peut à bon droit estimer que Ia reconstitution est fídêle. Demême lorsque les deux interlocuteurs construisent chacun leur propreédifice, sans s'occuper des raisons invoquées par 1'autre. Enfin, si ce quenous avons avancé plus haut à propos des relectures est vrai, Ia partieoriginale de celles-ci devrait, elle aussi, provenir des disputants.

Pourquoi ne pas leur attribuer toute 1'argumentation? Si on n'est pasoucieux de précision, pourquoi pas, puisqu'ils 1'acceptent, au moin

implicitement. Mais qui dira avec exactitude, surtout pour les quaestioneredactae, Ia part du maitre, celle des étudiants et celle du rédacteur?

e) Questions reportatae ou redactae?Chaque cas doit être examiné pour lui-même, Mais s'il s'agit de

ollections, ou du moins de séries homogênes dans les collections, onp urra généraliser. Le style, Ia maniêre d'argumenter, Ia présentation, lescitations d'auteurs classiques sont autant d'indices. Notons cependantqu'une argumentation "chiffrée" n'indique pas nécessairement uner -portatio : les questions de Barcelone mentionnées plus haut 16ont une

4. AUTEUR

a) C'est le maitre qui propose Ia question et qui Ia résout. Ces deuxparties doivent lui être attribuées. Mais non pas sans nuances. Si Iaquestion est "quatemalis", reprise d'un recueil, le choix seul et non letexte est attribuable au maitre. Et s'il reprend simplement Ia solutiond'autrui, quelle est sa part?

Or le même texte (thême, questions, raisonnement, solution) se présenteparfois sans sigle, avec un sigle, avec un autre sigle. Erreur du scribe?Relecture "totale" acceptant tout ce qui a été déjà dit ? N'y a-t-il pasune autre explication ? Récemment Mlle A. Belloni a observé que Pillius,dans son recueil officiel (celui qui est diffusé par les stationnaires), arepris non seulement ses propres questions mais également des questions,déjà publiées, d'autres maitres 14.11n'en est certes pas ainsi pour Roffredus

I2 Cf. p. 264." H. KANTOROWI z, The Quaestiolles ..., p. 32-40." Cf. p. 244 note 35.

" J'ai publié ces questi n, dnnI I -316.

" f, p. 257 t 11 t II

MIl/li /'" /llJrrl.f tl Jean DAUVILLIBR. Toulouse, 1979,

259

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260 CHAPITRE III

argumentation chifIrée et sont redactae. Certains indices semblentdécisifs: Ia mention du maítre à Ia troisiême personne, des citationsincomplêtes qui se répêtent, un certain illogisme dans Ia présentationdes arguments, un aspect inachevé de l'ensemble. On n'oubliera pas quenos questions ne sont que des copies et que le texte a pu se corrompreen cours de transmission. Les questions contenues dans les recueils éditéssous le nom d'un maitre, ainsi que les questions académiques sont,évidemment, redactae.

5. DATE

a) La date des manuscrits canoniques peut être établie avec une certaineprécision grâce aux citations de décrétales et surtout à leur style. Onn'oubliera pas l'argument ex silentio: si une décrétale se rapporte au sujettraité, il est à peine pensable qu'on ne s'y réfêre pas.

b) La question doit être "disputabilis": si le cas qu'elle veut soumettreà discussion a été tranché d'autorité, il n'y a plus de questiono "Innocentiussoluit ... Solutio inuenitur in decretalibus Innocentii IH." note en margel'usager d'un recueil de quaestiones, offrant ainsi un repêre chronologique,puisque Ia question était discutable au moment de Ia copie de Iacollection 17.

c) Les questions académiques portent une date précise. li est des casou le scribe s'est trompé en copiant le millésime 18.

d) Les sigles peuvent être de bons indices, de même que le style et Iamaniêre d'argumenter.

e) Date de Ia collection et date d'une questionoUne collection peut réunir des questions d'époques différentes. De

même, dans un recueil, certaines questions ont pu être remaniées, à causede décisions récentes, alors que les autres restaient inchangées. li faudradonc distinguer l'âge d'une question et l'âge de Ia collection qui Ia contient.L'âge de Ia collection est déterminé par Ia citation Ia plus récente.

Ainsi les quaestiones Berolinenses et les Andegavenses, qui citent Ia Compilatioquinta, sont à situer avant septembre 1234 et aprês le 2 mai 1226. Avantseptembre 1234 parce que, à partir de cette date, les citations doivent obliga-

17 Fulda, Landesbibl. D 7 q. 111, foI. 89r; q. 195, foI. 1I9v; ef. p. 265 note 26."G. BRIACCA, Le "quaestiones disputatae" di Uguccione Borromei, dans BMCL, 7 (1977),

p.69.

REGLES DE CRITIQUE 261

toirement se faire selon les Décrétales de Grégoire IX et non selon les Compilaüonesantiquae; aprês le 2 mai 1226, date de Ia publication de Ia Compilatio quinta.

Mais cela n'exclut pas que des questions plus anciennes puis ent yêtre contenues.

On s'en souviendra lorsqu'il faudra éditer une questiono Des collecti o'plus récentes pourront, pour des questions qui n'ont pas été remani e',fournir un texte meilleur que celui de collections anciennes.

6. RApPORT ENTRE TEXTES ET DISPUTES

Les questions disputées des canonistes et des civilistes, tout commcelle des tenants des autres disciplines, ne s'atteignent qu'à travcr I'stextes qui en ont conservé le compte rendu plus ou moins fidêlc, qu'ils'agisse de quaestiones reportatae ou de redactae. Les mentions de di put •.dans les statuts universitaires aident à fixer les étapes de leur év luti n,à condition de ne pas extrapoler de faculté à faculté ni d'univer ituniversité. Y concourrent aussi des indications à glaner dans le tcxtceux-mêmes et dans les citations de ces textes par des auteurs ultérieur ,qui les ont critiqués ou utilisés.

Dans quelle mesure les "quaestiones", c'est-à-dire les textes que 1'on aconservés, permettent-ils de remonter aux "disputationes", aux exerciceeux-mêmes?

1°) Établissement du texte

De nombreux bourdons défigurent le texte de nos manuscrit. n r '111

les corriger, soit grâce à un autre manuscrit, soit grâce à un 1\111

"version" (relecture ou remaniement) du même texte.Dans Ia présentation schématique, avec références en col no " 11

fait parfois que les références n'ont pas été copiées exactemeot n 111 11

de Ia question à laquelle elles appartiennent. Lorsque le réf r 'li

hiffrées sont en marge et appelées par des signes conventiono 1., p 11

xemple dans les questions de Pillius, on constate de nombreuse crr undans les renvois 19.

rreurs dans les références. Elles sont relativement fréquentes, rnaiI ez aisées à corriger. On doit parfois tire "Code" pour "Digeste" etvi e versa; les titres (des collections de Décrétales ou des collections dudr it romain) sont parfois três mal reproduits et il faut de 1'imaginati o

" A. Bm.!. NI, Le coll« /0/1/ •. \1J)r I -h ,nOI ), p. 102-103 et 105-137 (éd.).

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262 CHAPITRE III

pour les restituer exactement 2°0 On notera que, dans les manuscrits lesplus anciens, "ff" désigne aussi bien une référence aux distinctions (duDécret de Gratien) qu'au Digeste. Quant aux variantes dans les chiffres,puisque l'incipit du texte cité est toujours mentionné (sauf s'il s'agit descho io,ii., mo,ult., ou penult.) il sera souvent possible, étant donné l'incipitet Ia matiêre traitée, de corriger le chiffre fautif,

li n'est pas toujours aisé, surtout si le scribe ne l'a pas noté, de savoirou commence le sed contra oEt je connais au moins un cas ou le débutde Ia solution était masqué par un homoioteteuton.

2°) Du texte à Ia dispute- S'il s'agit de questions reportatae, seule Ia fidélité du reportator et sacapacité à être complet ainsi que les problêmes de transmission du textedoivent être considérés.- S'il s'agit de questions redactae, on peut postuler que, à un niveau àdéfinir et compte tenu de l'activité du "rédacteur", elles sont témoinsd'une disputatio, même lorsque Ia collection qui les contient est unecollection "fermée" comme celle de Roffredus (Ia premiêre lettre de chaquequestion formant un anagramme) ou celle de Pillius. En effet, Roffredusdit que les questions qu'il rédige ont été disputées par ses élêves:

"quas questiones periti et sapientes mei socii in uariis sabbatibustractauerunt" ;

et nous savons que, si les questions de Pillius ont subi, de sa part sansdoute, des remaniements plus ou moins profonds avant de trouver Iaforme selon laquelle elles ont été diffusées par les stationarii, elles existentdans d'autres manuscrits sous leur forme primitive. On notera que, dansle cas de Pillius, ces remaniements ne se limitent pas au texte; ilsconcement aussi l'ordre des questions dans les différentes séries 21

0

- La réponse est plus malaisée lorsqu'il s'agit, dans une collection plusrécente, de Ia reprise textuelle d'une question plus ancienne. Même sielle parait "légêrement augmentée", je ne pense pas qu'on puisse endéduire l'existence d'une nouvelle "dispute" (relecture), mais bien Iarécurrence d'un modele (remaniement dü au scribe), Néanmoins, lorsquedans des séries répétées ou connues par ailleurs apparaissent de nouvellesquestions, on peut penser qu'elles refíêtent une vraie disputatio. De même

20 Si I'on connait I'incipit de Ia décrétale 00 pourra souveot, grâce aux tables, recoo titucrl'énoncé déficieot du titre.

" A. BELLONI, Le collezloni 00" p. 40-430

REGLES DE CRITIQUE 263

lorsqu'un remaniement important est apporté à une argumentation, 00

se demandera si ce remaniement est dü à Ia nécessité de mettre à jourle "modele" utilisé (relecture) ou bien à une réaction des lecteurs dumodele (remaniement). Nous savons, en effet, par Ia préface deRoffredus 22, que Ia "recitatio" des questions écrites de Pillius n'avait pasbeaucoup d'utílité.- Ce qui est vrai des questions de Pillius est encore plus vrai pourBarthélemy de Brescia,

Tout d'abord, Barthélemy a-t-il été maitre, et a-t-il pu diriger desdisputes 23? Quoi qu'il en soit, il se présente, selon les manuscrits, noncomme docteur, mais comme "inter pontificii iuris interpretes" ou même"inter scolares" "minimus", li caractérise son recueil comme "summula 000

quam composui", Selon son habitude, il a pris son bien là ou ille trouvaitet, comme je l'ai montré, il a défiguré les questions qu'il transcrivait 24

0

Les questions qu'il reproduit proviennent sans doute d'ailleurs, néanmoina part, comme dans ses autres ceuvres, n'est pas négligeable.

- Quant aux questions académiques, elles sont relatées officiellementdans des recueils ad hoc, dont c'était Ia raison d'être, avec auteur etdate, mais leur texte doit être statutairement rédigé aprês coup et misdéfinitivement en ordre, Comment ne pas songer à ce qu'écrit Sallusteà propos de Ia premiêre Catilinaire? "optumus consul orationem lu-culentam habuit quam postea scriptam edidit", li s'agit donc d'une vérité•• tticielle" ayant certes un fondement solide, mais dont les détails sontI in d'être garantis.

7 o POURQUOI COPIE-T-ON LES QUESTIONS?

Les spécialistes n'ont pas, jusqu'ici, réfléchi suffisamment à Ia questi nndamentale : pourquoi a-t-on copié les quaestiones et pourquoi en

i-t-on fait des recueils? Pour conserver le souvenir de disputeIII morables? Ou communes? Pour retenir les solutions proposées parlcs maitres à des problêmes non résolus? Pour servir de modele (telsIcs actuels "cahiers de laboratoire") aux disputes réelles, dont Ia portée

• f p. 2640, ('f p. 236 oote 11. o 0'\ 'li un ti t \11 ur rriêre professorale,• (, RA Il, Trtbunau /( / 1/111/111" I r' 11111 /1(' vulgaire d'aprês les questiones d s

I.mmlllt • dnn Ephemerid I 11/,. •• / I li' • \fi (I 'li! 1J, 11 ()M41 .

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264 CHAPITRE III

et l'importance particuliêre dans les écoles de droit, et surtout de droitcanon, ne peut être négligée?

Je pense que l'on communiquait aux disputantes, avec Ia question àdébattre, les arguments habituellement invoqués (ce qui serait aussi lesens de l'expression rencontrée plusieurs fois: "quaere concordantias inscedulis") et que leur part dans Ia dispute consistait à vérifier, à critiquerces arguments et à en trouver d'autres, ou bien encore à trouver desraisons de modifier Ia solution "classique". Pour vérifier cette hypothêse,il faudrait examiner les relations que l'on peut soupçonner (le problêmen'a pas été examiné jusqu'ici) entre les argumentations "chiffrées" et les"gloses à parallêles",

Sans doute ne faut-il pas opposer outre mesure l'aspect formel oudidactique (modele de discussion) et l'aspect matériel ou scientifique pur(solution et ses arguments). Sans doute aussi ces deux aspects sont-ilssouvent tous deux présents, mais, à l'origine, le premier paraít avoirprimé. Ainsi en témoigne Iapréface des Quaestiones sabbatinae de Roffredusde Bénévent (Arezzo, 1215) 25:

"Cum essem Aretii ... et cogitarem quid utile et fructuosum possem sociisde legum scientia demonstrare, considerans quod in scolis dominorumBononiensium sabbatine questiones domini Pylei tractarentur, et quia eratutilius questiones de facto emergentes tractare in sabbatis quam illas scriptasdomini Pylei recitare, in quibus recitando nulla utilitas nisi quoad astutiaminuenitur, ideo questiones de facto emergentes utiles ac fructuosas et copiosetractatas ad rogatum meorum sociorurn in scriptis redegi, quas questionesperiti et sapientes mei socii in singulis sabbatis tractauerunt."

Ce qui est premier, c'est l'exercice: "tractare questiones". Relire lesquestions de Pillius, "recitare", est moins utile que disputer. CependantRoffredus met par écrit les questions que ses élêves ont traitées chaquesamedi. C'est qu'il pense que Ia lecture de ces exercices aura pour d'autresquelque utilité. Sans doute les "socii" (lisez les étudiants) pourront-ils ytrouver des exemples plus ou moins évolués de l'application du raison-nement à l'art de débrouiller un problême concret. L'exercice est premier,mais sa consignation par écrit afin qu'on puisse le relire trahit Iapréoccupation didactique. Elleexplique pourquoi les questions de Roffreduscomme celles de Pillius seront mentionnées comme livres usuels dansles listes des stationnaires. Une confirmation du rôle didactique joué parles copies: des scribes, aprês avoir constaté "hodie non est quaestio"

2> J'utilise l'édition de Rouen, 1511, chez Picrrc Rcgnault.

REGLES DE CRITIQUE 265

(une décrétale ayant tranché le problême), annoncent cependant qu'iltranscriront néanmoins l'argumentation et Ia solution 26.

Mais il est une autre raison de transcrire ces questions. Elles représententsouvent un aspect vivant de Ia recherche, elles élucident des problêmesnon encore résolus de maniêre définitive (adhuc disputabiles), et justifienten raison les solutions proposées. N'est-ce pas pour ce motif que lesdisputes académiques doivent être mises au net par le maítre lui-même,et non par un autre, et transcrites dans les registres avec Ia réponse àtous les arguments opposés? Mais cette motivation atteint aussi lesdisputes scolaires puisque Barthélemy de Brescia, qui compose son recueilde questions canoniques peu avant 1234, demande à son lecteur del'excuser "si quid inepte, perperam aut minus bene decisum inuenerit".Ce qui intéresse Barthélemy (et ses lecteurs), c'est Ia solution et learguments qui l'appuyent. Au début du XIVe siêcle, Jean d'André, lorsqu'ilcompose Ia seconde édition (mais cela vaut également pour Ia premiêre)de ses quaestiones mercuriales, critique et corrige le raisonnement dequestions, tant académiques que privées, qu'il cite, tout en s'employantà éliminer les questions ou les parties de questions qui sont déjà decisae,c'est-à-dire qu'une décrétale a résolues depuis Ia tenue de Ia dispute 27.

Ce qui intéresse le lecteur, c'est Ia solution et les éléments qui l'étayent.11 ne s'agit plus d'une initiation à l'emploi de Ia dialectique, de modelesde dispute, de recherche, mais des résultats de cette recherche. On copieles questions avant tout pour Ia solution qui leur est donnée et pour learguments qui Ia justifient. Faut-il s'étonner si seules les questions degrands maitres seront dorénavant conservées?

•• Klo terneuburg, Stiftsbibl. 656 et Bamberg, Staatsbibl. Cano 45 copient (q. 63) Iaqu tion Zwettl 25 en n tant "h di non st questio ut legitur in ex. extra t(itulos) Non

I in potestate. n (J L 176) '/ rudltin, 19 (1963). p. 523." . R SBN. Note ...• dnn /lM('I. (I'I'~), Jl IOI!,

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CHAPITRE IV

LE RÉPERTOIRE DES COLLECTIONS ET DES QUESTIONS

1. NÉCESSITÉ DU RÉPERTOIRE

Si les questions étaient rangées selon un ordre logique, comme Iaplupart des textes juridiques, qui suivent l'ordre des livres de droit, unrépertoire ne serait pas nécessaire. Mais les quelque deux mille textesque recense le canoniste n'offrent aucun ordre. II faut donc, pour lesrendre accessibles, élaborer une table analytique.

Cette table ne pouvait être simplement une liste alphabétique desincipit: le "queritur" aurait occupé une place disproportionnée par rapportaux autres mots initiaux.

Un examen des premiêres questions a convaincu rapidement qu'il nesuffisait pas de dresser une table des thêmes, mais qu'il fallait faire placedans Ia table à chaque question posée à propos du thême. D'autre part,aprês les années 1180 seuls les thêmes entrent en ligne de compte puisqueles "questions" deviennent presque toutes "queritur quid iuris sit". D'oúIa nécessité d'une table méthodique par sujet traité.

2. DIFFICULTÉS RENCONTRÉES

La base du répertoire doit être l'analyse, le dépouillement de chaquecollection, c'est-à-dire Ia publication, dans l'ordre, des thêmes de chaquecollection. Et comme les textes sont le plus souvent inédits, il fautindiquer, pour chaque question, le folio du manuscrito

Si les collections sont des copies l'une de l'autre, il suffit de lesgrouper ;mais si l'ordre des questions est différent dans plusieurs collectionsparallêles, il faut décrire chaque manuscrit et renvoyer aux autres.Cependant si Ia table par matiêres devait renvoyer à chacun des manuscrits,sa consultation deviendrait fastidieuse et Ia liste des sigles à lire (et àconsulter), inutilement longue. Le problême se corse encore lorsqu'il s'agitde relectures ou de remaniements.

II faut donc trouver un moyen qui permette à Ia fois:1) de décrire chaque manuscrit et I'ordre des que tion dan cetui-ci;

LE RÉPERTOIRE DES COLLECTIONS ET DES QUESTIONS 267

2) d'éviter le trop grand nombre de références dans Ia tabte dmatiêres ;

3) de signaler les relectures et les remaniements.

3. PLAN DU RÉPERTOIRE

10) Partie descriptive

Chaque collection sera décrite pour elle-même, d'aprês le ou temanuscrits.

Chaque thême sera muni d'un sigle (celui de Ia collection) et d'unnuméro d'ordre (celui du thême dans Ia collection); si le thême donnelieu à plusieurs questions, celles-ci seront indiquées par des lettres.

ex.: Stuttgardienses thême 1 q. 2 devient St 1 b.Au cas ou Ia même question se lit plusieurs fois dans des collection

différentes :a) Si le texte est identique, seule Ia premiêre mention donnera lieu à

un renvoi à Ia table "matiêres". C'est aussi à cette premiêre mention qu1'0n donnera le relevé de toutes les occurrences, avec leur locali ati ndans les manuscrits;

Ia seconde mention et les mentions ultérieures seront en petits caractêre ,avec renvoi à Ia premiêre.

b) Si le texte a été modifié (relecture ou remaniement), ce sera ignalà sa place dans le dépouillement. Un renvoi muni d'un astéri que rninséré à Ia premiêre mention. Rien dans Ia table.

c) Si le texte est différent, bien que thême et question() i nt 11mêmes, il sera traité comme un texte indépendant avec son i IIa similitude de thême étant sans effet sur Ia table et le jeu dse faisant selon les matiêres.

On indiquera, pour chaque "question", l'ordre des différent parti',thême, pro, contra, solution, et l'absence de telle ou telle.

Pour chaque collection, une notice breve préalable devrait contenir:- l'environnement contextuel et son origine (piêces voisines, recueil facticou non)- une estimation de son âge et de sa localisation

les citations caractéristiques de droit romain ou de décrétalesles noms propres et te citati n d'auteursle siglesventuellement un t 11\ d un '01 J in av te coUecti n v i in

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268 CHAPITRE IV

- une bibliographie: découverte, analyse publiée, questions éditées.Ne serait-il pas utile, voire nécessaire, de publier non seulement le

thême et les questions mais également Ia solution? Si celle-ci est breve,on peut le faire, mais si elle est longue, il faudra se contenter de Iarésumer (en une ligne au plus): le répertoire doit être maniable.

2°) Table par matiêres

Il parait convenable d'abandonner un plan purement alphabétique etde grouper les sujets par institution. Par exemple, c'est sous "mariage"qu'il faudra chercher: empêchements, consentement, divorce; sous"élection": capacité, maior pars, bénéfice, prébende. Chacun des motsregroupés garde cependant une mention à sa place dans Ia tablealphabétique: Ie lecteur est ainsi renvoyé à l'endroit ou se trouvent lesindications qu'il cherche.

La même question pourra faire l'objet de deux ou trois mentions dansIa table,- Une table distincte reprendra les noms propres, les citations d'auteurset les sigles.- Une liste de termes, techniques ou non, comme miles,potestas (podestat),canonia pourrait s'intégrer à Ia table par matiêres ou faire l'objet d'unetable spéciale. Elle ne devrait pas contenir trop de mots. Je crainsseulement qu'elle ne retarde l'entreprise, déjà três lourde.- Je me permets de renvoyer au projet formulé en 1958 et à un inventairedes difficultés publié en 197928• Le travail est en bonne voie pour Iapériode antérieure à 1234: toutes les questions accessibles ont ététranscrites et Ia moitié est déjà répertoriée.

** *

La rédaction d'un tel répertoire s'impose-t-il pour les collections dequestions civiles? Je ne le pense pas, parce que Ia premiêre tâche estici d'éditer le Stemma Bulgaricum. D'autre part, aucun chercheur n'aprocédé encore à un examen méthodique des manuscrits. Certes, ce

" G. FRANSEN, Les "Quesliones" de canonlstes. Bilan provtsotre et plan de travail, ( ongrde Droit canonique médiéval, uvnln-Bruxelles, 22-26 juillet 1958), Louvain, 1959 (Biblde Ia R v. d'lIi toire c lé iastiqu ) p. 12 -I 4; Mtlanges offens à Jean DÂUVIIIII<H...• p. O - 09.

LE RÉPERTOIRE DES COLLECTIONS ET DES QUESTIONS 269

"questions" sont plus anciennes que celles des canonistes, mais ellesn'offrent pas le même intérêt, les civilistes n'ayant pas été, comme leurscollêgues canonistes, confrontés à une évolution des textes normatifs.Un répertoire est moins urgent mais serait souhaitable. Peut-être lesétudes qui doivent conduíre à l'édition des questions de Pillius permettront-elles sa réalisation. Il pourrait, ce me semble, être alphabétique.

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CHAPITRE V

REGLES POUR L'ÉDITION

Avant d'aborder ce sujet, nous voudrions formuler quelques conseilsconcernant l'heuristique. Ils ne sont pas sans rapport avec l'édition carje suis persuadé qu'il est extrêmement hasardeux de vouloir éditer unequestion d'aprês un seul manuscrit.

Les rédacteurs de catalogues, qui ne sont pas forcément des juristes,ne se rendent pas toujours compte de Ia nature exacte de l'ceuvre qu'ilsdécrivent. On risquera donc de trouver des collections de questions(auxquelles sont souvent entremêlés d'autres textes) sous les rubriques"varia iuridica", "casus", "notae iuridicae". li est à Ia fois étonnant de con-stater que plusieurs collections importantes avaient échappé aux cata-lographes et aux chercheurs, et satisfaisant de voir des recherches fruc-tueuses se poursuivre. Beaucoup reste à faire en ce domaine malgré lesprogrês récents et Ia collaboration assurée au niveau international >,

S'il est relativement aisé d'identifier une collection de questions, il estbeaucoup plus malaisé de repérer les questions isolées, copiées sur unfeuillet laissé libre, sur une page de garde, dans les marges d'autresouvrages. Que dire alors des questions qui ont été transcrites à Ia pointesêche, et qui sont, par surcroít, d'une lecture vraiment difficile?

Pour les questions du XlIIe siêcle finissant, du XIVe et du XVe siêcle,outre le dépouillement des grands recueils qui est à peine commencé, onétendra Ia recherche aux eeuvres qui citent des questions disputées, ceque j'appellerais volontiers les eeuvres "en aval" des questions: leçonsmagistrales et traités spéciaux. Les travaux de M. Bellomo et de sonéquipe pourront servir d'exemple 30.

1. QUE FAUT-IL ÉDITER?

Jusqu'â présent, les éditions sont rares. Pour les canonistes, quatreéditions de collections completes et une trentaine de questions isolées

29 Grâce, entre autres, à Ylnstitute of Medieval Canon Law (Berkeley) et à ses congrês,]O M. BELLOMO. Le "Quaestiones ...• p. 63-64.

RÉGLES POUR L'ÉDITION 271

ou choisies comme exemple. Pour les civilistes, trois grandes collectionset deux plus petites et des questions isolées.

Depuis prês de trente ans, j'ai édité les thêmes (et les "problêmes")de plusieurs collections et dressé des tables de concordance. Ce sont lesmatériaux du Répertoire projeté.

Faut-il éditer des collections entiêres ? Ne faudrait-il pas, par exemple,se consacrer aux questions d'un même auteur? Ou bien, comme je I'aifait récemment, examiner le cheminement d'un même thême à traverdifférentes collections?- Lorsque les collections sont "uniques", surtout lorsqu'elles sont ancienneou émanent d'un seul auteur, elles peuvent être éditées dês maintenant:ainsi les questions de Maitre S. (Barcinonenses), les Londinenses, lequestions de Bernard de Compostelle I'Ancien. J'ai édité les Vaticanae,les Urgellenses et les Lemovicenses I. Pour les autres, on serait plusréticent pour des motifs de critique interne et aussi parce que d'autretâches sont plus urgentes. li parait plus justifié de suivre un thême, uplutôt une question bien détermioée (par exemple: rupture du mariagenon consommé ou exigence de Ia bonne foi dans Ia prescription ouencore certains problêmes concernant le droit de patronage) à traverles collections, en tenant compte des diverses écoles et de Ia date probablde chaque dispute. Cela permettrait de suivre, au cours de plus d'undemi-siêcle, I'évolution de Ia solution donnée à un problême "disputabl "et surtout de l'argumentation qui Ia justifie.- L'édition d'une question isolée, c'est-à-dire qui ne se trouve pa d nune collection, se justifie plus aisément: sans cela elle risque d'être p rdude vue. Il est indiqué d'autre part de publier dês à présent les qu ,ti)1I

qui se rapportent à Ia vie universitaire, qui font allusion à des évén 111 111

historiques ou qui mentionnent des canonistes peu ou mal connu , m 111

si elles se trouvent dans de grandes collections.

2. RÉGLES CRITIQUES

Dire que les scribes de métier sont négligents est énoncer un truisme.omme nos questions sont généralement copiées par des scribes de

métier et que les manuscrits sont rares (souvent un seul, parfois deuxu trois, rarement davantage), leur édition pose quelques problême .

1. Les homoiotelcut o u h ur I o. . nt fréquents. Parfois il pourr nttre décelé et c moi n, '0111 Inl t un autre manu crit, ou, o

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272 CHAPITRE V

défaut, à "une autre forme" (relecture) de Ia même questiono Cependantil faut parfois se résigner à déclarer le texte corrompu.

2. Il est possible que le texte de Ia source à laquelle il est fait référencesoit repris littéralement dans l'argumentation. Les bévues du scribepourront, dans ce cas, être redressées.

3. Il n'est pas exclu de rectifier des citations manifestement erronéesen cherchant, à partir des citations exactes, voisines de celles qui sontfausses, des "concordances" fournies par exemple par Ia Glose ordinaire.

4. Il est fréquent qu'un usager, voulant améliorer un texte corrompu(ou qu'il juge tel), en change complêtement le senso On peut le constaterdans Fulda D 7 en comparant les corrections sur grattage (qui devronttrouver place dans l'apparat) avec le texte exact de Ia question, connupar un autre manuscrit.

5. Des citations ou des phrases sont incomplêtes. Peut-être faut-il yvoir Ia marque d'une question reportata: le reportator n'aura pas eu letemps de noter complêtement ce qu'il entendait. Mais dans d'autres casl'omission est due à Ia pares se ou à l'incurie d'un scribe.

6. Les problêmes que posent les peciae vaudront pour les questions"éditées", comme celles de Pillius, de Roffredus et de Barthélemy deBrescia, qui ont été diffusées par les stationnaires.

7. Les textes "ajoutés" à une question connue par ailleurs exigent uneattention particuliêre. Il sera souvent difficile de décider s'ils émanentd'un scribe (remaniement) ou s'ils sont les témoins d'une relecture.

3. PRÉSENTATION DU TEXTE

Il ne faut pas qu'un apparat critique complet surcharge inutilementl'édition. Il s'agit, en effet, d'exercices et non de textes normatifs. Lepetit nombre de manuscrits, Ia possibilité de les classer grâce auxhomoioteleuton, l'importance moindre, dans ce domaine, de Ia filiationdes manuscrits expliquent ce que certains jugeront être un certain "laxisme"dans les exigences de l'apparat critique. Ces rêgles sont formulées enaccord avec l'Institute of Medieval Canon Law de Berkeley. Au cas ou1'0n découvrirait de nouveaux manuscrits, on pourrait toujours, en casde doute sur leur place dans le stemma, recourir à l'exemplaire de travail,mentionnant toutes les variantes, et conservé à l'Institute.

1. L'apparat critique sera, en principe, négatif, sauf lorsqu'il s'agit d'unecorrection de l'éditeur: dans ce cas il sera positif.

2. Réduire au minimum Ia mention des variante : lais er de côté lcs

REGLES POUR L'ÉDITION 273

lapsus calami, les inversions, sauf si elles permettent de déceler des famillesde manuscrits. De même les variantes orthographiques, sauf pour lesnoms propres.

3. Pour ce qui est des citations, il est des cas ou le scribe s'estmanifestement trompé: il a lu xxii. au lieu de xvii., c(ap).i. au lieu deci., ff (Digeste) au lieu de C. (Code). Parfois Ia référence est incomplête :

a) si un manuscrit a Ia leçon exacte et si Ia faute est évidente, onn'indiquera pas les variantes des autres manuscrits;

b) si tous les manuscrits ont une leçon fautive, on rectifiera dans letexte et on mentionnera en apparat les leçons des manuscrits;

c) en cas de doute ou de conjecture, Ia leçon préconisée figurera dansle texte, celles des manuscrits dans l'apparat.

Il sera bon de s'expliquer à ce sujet dans l'introduction à l'édition.d) S'il s'agit d'une citation de décrétale, il faut noter les variantes dans

les incipit, mais aussi et surtout dans le libellé du titre. Ces derniêresvariantes peuvent avoir leur importance lorsqu'il s'agit d'identifier, grâceprécisément à ce libellé, Ia collection de décrétales dont s'est servi l'auteurde Ia question, et, en conséquence, de situer celle-ci dans le temps etdans l'espace.

4. S'il n'y a qu'un manuscrit, on peut alléger l'apparat en mettant entreparenthêses ce qui est à rejeter et entre soufilets les corrections.

5. On peut conserver l'orthographe d'un manuscrit choisi; on peutaussi normaliser l'orthographe.

6. La comparaison entre divers "états" d'un texte peut se faire, iten utilisant des signes diacritiques (uncini, crochets) soit par une éditi nen deux colonnes ou par deux éditions à Ia suite. Un apparat spé i I,positif, distinct de l'apparat critique proprement dit, permettra au lectcurde distinguer ce qui appartient à chaque "forme" du texte édité 31.

Bref, on veillera à Ia lisibilité de l'apparat critique (sinon, il ri qud'être inutile parce que trop touffu) et d'autre part, on n'omettra aucunvariante significative. Comme les autres eeuvres juridiques, chaque c 1-lection de questions pose des problêmes qui lui sont propres et au sujetdesquels il faudra s'expliquer dans l'introduction.

I G. FRANSBN, Êtats différellls d'unr II SIlo" dlsputée, dans ZSSKan, 68 (1982), p. 136-

152.

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274 CHAPITRE V

4. PRÉSENT ATION DES ALLÉGATIONS CHIFFRÉES

- Lorsque celles-ci se présentent dans le texte, on les identifiera selonles rêgles établies par l'Institute of Medieval Canon Law. Les renvois,comme les autres renvois à l'apparatus fontium se feront à l'aide dechiffres, non de lettres.- Mais lorsqu'elles sont en colonnes et que, en sus, elles sont plus oumoins abondantes selon les manuscrits, on pourra

1. conserver Ia disposition en colonnes;2. indiquer, par un retrait, les ajouts et par un astérisque auprês du

sigle du manuscrit (voir 3) les déplacements de citations;3. indiquer, par des sigles d'une lettre, les manuscrits contenant Ia

citation;4. placer l'identification de Ia citation en fin de ligne (et non en apparat).ex.: C.i.q.i.c.Gratian C BL MA C.l q.l c.15

C.x.q.iii.Unio BL A C. 10 q.3 c.300 se souviendra que dans ces "listes" il n'est pas rare de rencontrerde bourdons. Voir à ce propos mon article: États différents d'une même

uestion disputée, dans ZSSKan., 68 (1982), p. 136-152.

CHAPITRE VI

DOMAINES DE L'HISTOIRE QUE LE GENRE PEUT AIDERÀ CONNAtTRE

La question intéresse principalement, certes, l'historien du droit, maiselle apporte également des données concrêtes aux autres historiens.

5. "ApPARATUS FONTIUM"

1. ApPORTS À L'HISTOIRE DU DROIT

Pour Ia premiêre fois, l'historien du droit peut suivre un genre littérairedéterminé pendant le premier demi-siêcle de son existence. L'étude desquestions, surtout chez les canonistes, ou l'inventair~ est aussi. com~le~que possible et ou toutes les questions ont été transcntes, constitue aIOSlune "premiêre", Chez les civilistes, les recherches ont fait de três largesprogrês ces derniers temps et on peut espérer être bientôt à pied d'reuvrepour écrire une histoire comparée du genre.

Or c'est à l'époque spécialement étudiée (fin du XIIe siêcle et débutdu XIIle siêcle) que se forge Ia méthode d'argumentation, que s'introduitIa nouvelle logique, que le droit canonique emprunte au droit romaintechnique et langage. Les données fournies par le monde des questionssont três précieuses parce que le plus souvent non élaborées, brutes pourainsi dire, et par conséquent difficilement récusables. Et aussi pa:cequ'elles font partie d'un processus de préparation professionnelle lID-médiate, sans prétentions scientifiques. .

En plus de ce point de vue formel, les matériaux réunis permettraíent,et cela en rend l'étude particuliêrement attachante, de rédiger une étudede l'évolution du droit parallêle à celle qu'on tire de l'enseignementmagistral. Souvent elle serait plus concrête et plus détaillée que celle-ci.Elle porterait sur les points "disputables", qui font Ia matiêre obligée desquestions, et montrerait dans quelle mesure l'École et ses disc.ussions,privées ou publiques, ont préparé les interventions jurisprudentIelles oulégislatives.

Les questions, de surcroit, permettent de connaitre mie~ Ia penséede Maitres dont on ne connait que peu ou pas d'écrits. Ainsi Melendus,Bazianus ou Bernard de Compostelle l'ancien ou encore les maitresao nymes de l'école de Vi o nt mieux connus grâce aux questions,

utre les identifications d'allégations, l'apparat dit "savant" devraignaler les citations d'reuvres littéraires ou juridiques, les parallêles avec

d'autres questions, identifier les canonistes ou les civilistes désignés parun sigle, que 1'on ne se hâtera pas de résoudre.

C'est ainsi que, là ou le manuscrit portait "M.J.dic.", un éditeurpressé a transcrit, sans indiquer qu'il s'agissait d'une conjecture"Martinus, Joannes dicunt", alors qu'il fallait lire "Magister Joannesdicit" 32.

12 Quaestiones Dominorum Bononiensium (Collectio Gratianopotitanai, ed. J.B. P ALMIERJdan BfMAE, I Appendix, Bologne, 1914, p. 236. q, 137. L'éditeur ne s'est pas rendu

mpte qu'il 'agissait, à partir de Ia q. 133, de questions canoniques; il n'a pas su lirel'nbréviation B(lIrchardus); il rcnvoie, uns m tif, dans l'apparut, de citations qui 11Iipur i. I1t ob rrunt s por c qu'il 11'0 pus SlI I interpréter,

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276 CHAPITRE VI DOMAINES DE L'HlSTOIRE 277

sans parler de ceux dont seules les questions mentionnent le sigle ou lenom.

Enfio, je ne me souviens pas d'avoir rencontré ailleurs, pour désignerles Compilationes antiquae, Ia notation "liber i., liber ii., liber iii." au lieude "extra i., extra ii., extra iii."

Ce n'est cependant pas sans un certain désenchantement que 1'onréfléchit à 1'ensemble du dossier. A une vitalité et une variété qui étonnentet réjouissent (c'est vrai surtout chez les canonistes) succêde, au fi! desannées, un formalisme, une sclérose dont 1'académisme est sans douteresponsable, tout au moins partiellement. Le nombre des questions aussi,aprês avoir crü jusqu'aux environs de 1225,diminue ensuite três largement.Sans doute faudra-t-il corriger ces données grâce aux résultats espérésdes enquêtes en cours, mais on a l'impression, là aussi, d'un ralentissementnotable, d'un essoufilement. Peut-on dire qu'on se soucie moins deconserver par écrit les disputes scolaires, qui restent nombreuses, et qu'onne garde dorénavant que les questions académiques ou celles de Maitresen renom? Sans doute et je pense que cela est dü au changement deperspective signalé plus haut 33. Le passage de Ia dispute à sa mise parécrit et, dans cette derniêre, 1'attention apportée tout d'abord à l'aspectdidactique, ensuite au progrês de Ia science et à Ia valeur intrinsêque de1'argumentation seraient ainsi une des clefs de 1'étude et de 1'interprétationdes questions. Et si les questions "académiques" sont représentatives deIa derniêre tendance et les questions scolaires de Ia premiêre, le rôle decelles-ci dans Ia formation et 1'évolution de Ia doctrine ne peut êtrenégligé. Mais il s'estompe peu à peu. Et si 1'on continue de disputer "inscholis", nous avons de moins en moins de traces de ces disputes.

obtient ainsi une vue "latérale" sur des événements réels. C'est tout unmonde qui vit, - et dont les détails de 1'existence émergent parfois sanscoup férir, - et qui évolue devant nous. Et sans que 1'auteur du texte aiteu 1'intention de souligner quoi que ce soit.- Allusions à des événements historiques, à des traits de meeurs, thêmesextraits de textes littéraires (retour de Ia croisade, médecin exigeant,épouse se substituant à Ia servante à laquelle le mari a donné rendez-vous) ou illustrant certaines attitudes (entre autres celles des moinesblancs à l'égard des moines noirs). Miroir de Ia société? Oui, à conditionde se souvenir que Ia répétition de certains thêmes provient peut-être deIa nécessité de proposer une question qui soit disputabilis et non de leurfréquence réelle.- Citations d'auteurs classiques.- Il faudrait ajouter que les textes rédigés, leur vocabulaire et leur formelittéraire méritent mieux qu'une mention.

C'est dans 1'espoir de rendre accessibles aux historiens ces donnéesde fait que Ia table du Répertoire des Collections et des questions a étéélargie. Mais on pense que Ia lecture des thêmes pourrait permettre à1'historien d'interroger le juriste et de lui faire découvrir des aspects qu'ilrisque de négliger. Tant il est vrai que 1'histoire ne s'écrit qu'à partird'une enquête pluridisciplinaire.

2. ApPORTS À L'HISTOIRE DE LA CIVILISATION

L'énoncé des problêmes soumis à dispute peut instruire l'historien.- Évocation de pratiques universitaires mal attestées, surtout à Ia datede Ia question; allusions et descriptions de situations concrêtes vécuespar les étudiants: copie et prêt de manuscrits, locations de matelas,relations avec les prêteurs sur gages, rémunération des maitres. Uneenquête à ce sujet serait três instructive.- Allusions à des problêmes réels (ou fictifs) rencontrés par des entitésecclésiastiques ou civiles, ou bien encore exposé de ces problêmes. On

3J Cf. p. 263-265.

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QUATRIEME PARTIE

LA QUESTION DISPUTÉEDANS LES FACULTÉS DE MÉDECINE

PAR

Danielle JACQUART

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BIBLIOGRAPHIE

L'histoire de Ia médecine fut pendant longtemps dépendante del'évolution de Ia science dont elle rendait compte; Ia généralisation deIa méthode expérimentale fit que Ia recherche tenta de discerner dansles textes médiévaux ce qu'ils pouvaient offrir pour l'histoire de celle-ci.L'aspect scolastique fut donc méprisé jusqu'à ce que Ia médecine tombâtdans le champ de l'historien proprement dito Parallêlement, les travauxconsacrés au développement de l'enseignement universitaire, et plusspécialement à Ia dispute scolastique, faisaient peu de cas des Facultésde médecine considérées soit comme calquées sur les autres, soit commetrop différentes. Une phrase de Charles Thurot, dont l'ouvrage Del'organisation de l'enseignement dans I'Université de Paris au Moyen Age,se trouve souvent cité dans ce volume, est révélatrice: "Je ne parleraipas des médecins que leur profession devait isoler de tous les autresmaitres, par cela seul qu'elle n'avait pas l'enseignement pour objetprincipal". Pourtant, les médecins acquéraient au sein des universités,comme les théologiens, Ia licentia legendi et disputandi, Ia seule différenceétant que l'obligation de practicare remplaçait celle de praedicare.

Malgré le renouveau de l'histoire de Ia médecine ces derniêres années,nos connaissances sur l'état des sources qui touchent à Ia questiondisputée sont encore fragmentaires. Devant l'absence de travaux quitraitent directement de Ia dispute médicale, il faut se reporter auxinstruments de travail généraux sur l'histoire de Ia médecine ou à desmonographies qui abordent incidemment le problême. Nous ne pourronsdonc indiquer ici que les orientations qui nous paraissent essentielles,ans reprendre les titres évoqués dans les notes sur des points particuliers.

A. LES RÉPERTOIRESDE SOURCES

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C. LES QUESTIONS NATURELLES ET LA TRADITION DE "PROBLEMES"

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CHAPITRE I

ÉVOLUTION DU GENRE:LA DOUBLE TRADITION DE LA "QUESTION" MÉDICALE

Si l'organisation des disputes au sein des facultés de médecine suivit,dans son ensemble, une évolution parallêle à celle notée en théologie, Iaquaestio médicale fut elle-même l'héritiêre d'une double tradition. Liéeen partie à Ia lectio et aux interrogations suscitées par l'interprétationdes autorités, elle répond aussi à l'ancien genre des Problêmes ou Questionsnaturelles qui, né dans l'Antiquité, s'est trouvé particuliêrement renouveléet enrichi par les maitres de l'École de Saleme. Des traces de cetteorigine spécifique se révélêrent encore aprês que Ia méthode scolastiquese füt généralisée et que l'organisation de disputes eüt fait partie del'enseignement régulier.

Un exemple peut en être fourni dês maintenant: dans un manuserit du XIVesiêcle, sous l'intitulé Quare scamonea in oppiatis non apponimus? 1 est présentéun quodlibet parisien qui eorrespond en réaJité à Ia question, de type salernitain,Queritur de scamonea quare non apponitur in opiatis? 2. 11 serait done erronéd'analyser ee quodlibet dans le eontexte excJusif de l'enseignement universitaireparisien; sa dépendanee envers Ia tradition saJemitaine doit être soulignée.

Comme le rappelle M. Bemardo Bazán dans ce même volume, "Iascolastique ne remplace pas les méthodes, elle les superpose"; aussi neconvient-il pas d'établir une solution de continuité entre deux types detechnique qui répondent aux mêmes exigences pédagogiques et quivéhiculent un savoir de même lignée. En médecine, comme dans lesautres disciplines touchant à Ia phi1osophie naturelle, Ia quaestio en tantqu'exercice autonome semble avoir précédé Ia quaestio attachée aucommentaire d'un texte. La disputatio médicale témoignera de l'imbricationde ces deux techniques.

1 Ms. Vienne, Nat. Bibl., 2306, XIVe S., f. 78r-79rb; cf. L. THORNDIKEet P. KIBRE,Acatalogue of incipits of medieval scientific writings in latin. Londres, 1963, 1178.

2 ette question est éditée dan )'ouvrage suivant: B. LAWN, The Prose SalernitanQues/ions. editedfrom a Bodletan manus r/p/ [Auct, F.3./0). Londres, 1979 (Auctores BritanniciMed/l Aevi V), B 48.

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286 CHAPITRE I ÉVOLUTION DU GENRE 287

1. LA FORME QUESTIONS-RÉPONSES

DANS LA LITTÉRATURE MÉDICALE PRÉ-SALERNITAINE

Le docteur Brian Lawn 3 a retracé en détail Ia tradition des questionsnaturelles avant Ia pénétration des sources arabes, c'est-à-dire avant leXle siêcle. Nous nous contenterons de rappeler les príncipaux jalonsque son ouvrage indique, en nous limitant à Ia médecine. L'influence desProblemata pseudo-aristotéliciens et de leurs dérivés fut primordiale. Uneversion latine complete n'en sera connue qu'au XIII e siêcle, grâce à Iatraduction de Barthélemy de Messine, mais il est attesté que des fragmentscirculêrent, entre le IXe et le Xllle siêcle, par l'intermédiaire de ce qu'ilest convenu d'appeler Ia vetustissima translatio 4.

Dans le poême qu'il adresse à Ia comtesse Adêle, fille de Guillaume leConquérant, Baudry de Bourgueil, en livrant quelques intitulés de questions,témoigne de l'utilisation de ces Problêmes dans les écoles du Nord de Ia France,à Ia fin du Xle siêcle :

Cur homo sit calvus, eur non sit femina calva,Cur homo barbatus, imberbis femina eur sit,

Cur non gignat homo, femina eoneipiat,Quid potius plaeet matriees, quidve molestat,

ur mulier, neque vir voee sonet gracili.Quam reliquus corpus eur cor prius effigiatur,

ur homo fervidior, femina frigidior. 5

Les ources médicales transcrites au cours du Haut Moyen Age offrentfréquemment Ia forme questions-réponses. Signalons en premier lieu lesadaptations latines de deux ceuvres du représentant de l'École méthodisteSoranus d'Êphêse (ler-li e s.): Ia Gynaecia et ses deux versions 6, les

Medicinales responsiones 7 de Caelius Aurélien. Ces derniêres avaient unbut didactique avoué: enseigner Ia médecine sous une forme aisémentassimilable, selon les príncipes de l'École méthodiste. L'Ysagoge pseudo-soranique, appelée aussi Questiones medicinales 8, répond à une ambitionencore plus précise; en même temps qu'elle exhorte à ouvrir le champde Ia médecine vers Ia philosophie naturelle, elle releve l'utilité queprésente l'exposé de questions pour former le jugement des jeunes : quemad modum autem doctrinam percepimus dicendum existimo, et quoniamutilior videtur eis qui ad medicinam introducuntur interrogationum et res-ponsionum modus, quoniam format quodammodo sensus iuvenum, brevi incontroversia isagoga tradenda est illis 9.

2. LES QUESTIONS SALERNIT AINES

Alors que les Questiones naturales d'Adélard de Bath 10 et le Dragmaticonphilosophiae de Guillaume de Conches Ii s'inspirent aussi de Ia forme dudialogue, les recueils de questions éditées par Brian Lawn 12 s'inscriventdirectement dans Ia lignée des Problemata, dont ils reprennent d'ailleursune partie du contenu. 11 est inutile de rappeler combien l'École deSaleme contribua au renouveau de Ia médecine du XIIe siêcle 13, parl'interprétation des traductions constantiniennes, par Ia premiêre utilisationd'Aristote, par l'observation anatomique. On connait malles conditionsd'élaboration des questions que conservent plusieurs recueils: les maitres

3 B. LAWN, The Salemitan Questions, An introduction to the history of medieval andRenaissance problem literature. Oxford, 1963. li existe une traduction italienne de cet ouvrageaccompagnée de quelques mises â jour : I quesiti Salemitani, trad. A. SPAGNUOLO, SaIerne,1969 .• Éditée par V. ROSE, dans Aristoteles Pseudepigraphus. Leipzig, 1863, p. 654-676. Liste

des manuscrits et specimina dans: Aristotes Latinus, Codices descripsit G. LACOMBE, Parsprior. Rome, 1939 (Union académique intemationale, Corpus philosophorum Medii Aevi), p.86, 180-182.

5 P. ABRAHAMS, Les reuvres poétiques de Baudri de Bourgueil (1046-]]30). Paris, 1926, p.299, v. 1286-1293. Le poême dédié à Ia comtesse Adêle semble avoir été écrit entre 1099et 1102 .

• La Gynaecia de Caelius Aurélien, de même que celle de Moschion reprennent l'ceuvrede Soranus; CAELJUS AURELIEN, Gynaecia, éd. M.F. et I.E. DRABKIN. BaItimore, 1951;V. ROSE, Sorani "Gynaeciorum" vetus translatio latina. Leipzig, 1882; R. RADI 11I, La"Gynaecia" di Muscione : manuale per le ostetrtche e le mamme dei VI sec.d. C. Pise, 1970.

7 Ce texte n'est conservé que dans des fragments: De salutaribus praeceptis et Designificatione diaeticarum passionum (éd. V. ROSE, dans Anecdota Graeca et Graecolatina,vol. 2. Berlin, 1870, p. 183-240, et ms. Vendôme, Bibl. muno 109, XIe s., f. 87v-88); Liberinterrogationis Yppocratis mediei (ms. Paris, Bibl. nat., lat. 11219, IXe S., f. 26-32v). Cf. B.LAWN, The Salemitan Questions, op.cit., p. 8-9 et E. WICKERSHEIMER, Manuscrits latinsde médecine du Haut Moyen Age dans les bibliothêques de France. Paris, 1966, p. 178 et116.• Édition: V. ROSE,Anecdota, op.cit., vol. 2, p. 243-274; d'autres manuscrits complêtent

Ia version éditée, cf. B. LAWN, The Salemitan Questions, op.cit., p. 9-12 et E. WICKERSHEIMER,Manuscrits, op.cit., p. 114.

9 V. ROSE, Anecdota, op. cit., vol. 2, p. 247.10 Éd. M. MOLLER, dans Beitrãge zur Geschichte der Philosophie und Theologie des

Mlttelalters, 31.2 (1934)." lmprimé à Strasbourg en 1567 sous 1e titre Dialogus de substantiis physicis et attribuéWuilhelmus Aneponymus.

12 The Prose Salernitan Questions, op.cit.11 Nous renvoyon à Ia dcmiêr mise au p int sur Ia que tion: P.O. KRISTELLER, La

Scuola Medi a di alemo se ondo rtcerch« e scoperte recentl, duns Q/lodeml dei entro studit' documentazione delta ,Cl/OIII Ml'tllC'II Solrrnttnn«, (19HO), p. -16.

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288 CHAPITRE I

salemitains n'ont pas laissé de renseignements précis sur l'organisationde leur enseignement. Il est probable que le noyau primitif, auquel sesont, au cours des siêcles, agrégés des éléments exogênes, se constituaà partir de l'enseignement de maitres tels que Maurus de Saleme ouUrso de Calabre; de ce demier, à Ia pensée si originale, son discipleGilles de Corbeil déclare, au début du XllIe siêcle, qu'il excellait dansIa résolution des questions les plus difficiles:

"Strenuus ambiguos causarum solvere nodos,Cuius ab ingenio nul/a indecisa receditQuaestio" 14.

La plus ancienne et principale collection de questions salemitaines futcopiée vers 1200 par un scribe anglais non professionnel qui sembleavoir fréquenté le célebre centre de Hereford 15. Bien que, suivant Iatradition des Problemata, les réponses offrent seulement Ia soIution dumaitre, il arrive souvent que des objections soient proposées et levées.

On en trouve un exemple dans Ia question Queritur quare pueri statim postnativitatem non habeant complementum actionum, ut ambulandi, loquendi, standi,sedendi, seipsos conservandi, et similium, cum bruta animalia hec habeant et nontamen sunt ita temperate complexionis sicut sunt humana corpora:

R. H oc contingit quoniam menstruali sanguine nutriuntur, qui non potest adeocito purgari ut decens ... Obicitur. Nonne potest oriri aliquis puer temperatissimecomplexionis et equalis? Solutio. Licet talis puer ex temperatissimo oriaturspermate et nutriatur ex temperatissimo nutrimento, ex loco tamen conceptionismenstrualibus superfluitatibus ipsum contingentibus, aliquid non ex natura sedex accidenti debilitatis contrahit ... 10

Le lien le plus manifeste que les questions salemitaines entretiennentavec les questions scolastiques réside dans Ie fait que, souvent conservéesdans les mêmes recueils, elles sont parfois considérées par les scribescomme des comptes rendus de dispute.

Elles sont associées à des disputationes et quaestiones medicales dans lemanuscrit du Vatican, Borg. 86 et dans le manuscrit de Venise, Marc. f. a.534; à des quaestiones et quodlibeta théologiques ou philosophiques dans lemanuscrit de Klosterneuburg, St Aug. 274 17. Un autre recuei! donne à 230questions, en grande partie d'origine salernitaine, le titre de Questiones sollempnes

14 De laudibus et virtutibus compositorum medicaminum, éd. L. CHOULANT, dans AegidiusCorboliensis Carmina medica. Leipzig, 1826, I, 122; vers eités par Brian Lawn (Thl'Salemitan Questions, op.cit., p. 34 n. 3).

v Ibid. p. 35-36 et The Prose Salernitan Questions, op.cit., p. IX-X.«tu« B 228, p. 115-116.11 Ibid. p. XII-XIII.

ÉVOLUTION DU GENRE 289

salernitane 18. li est évident que cette appellation rend davantage compte ducontexte universitaire de Ia fin du XIIle siêcle, ou le manuscrit (Cambridge,Peterhouse College 178) fut transcrit, que de Ia forme que prit l'enseignementsalernitain.

L'assignation de ce caractêre anachronique symbolise, comme le souligneBrian Lawn, l'utilisation que fit Ia médecine scolastique de cesquestions: "La dénomination de sol/empnes signifie probablement que, àl'époque ou le manuscrit fut copié, les questions étaient utilisées, selonles diverses appellations, pour une disputatio ordinaria, publica ou solemnis,tenue dans une faculté de médecine. Mais elles ne sont en aucune maniêredes reportationes d'une telle dispute; les réponses, souvent identiques àcelles du manuscrit antérieur de Ia Bodleienne, ont entiêrement Ia formedidactique traditionnelle des quaestiones et responsiones. De telles collectionspouvaient alors servir soit comme aides pour un étudiant dans Iapréparation d'une dispute, soit comme base à Ia determinatio d'un maitresur un sujet ayant un rapport avec de telles questions" 19.

Alors qu'un manuscrit témoigne de Ia pénétration des Questionssalernitaines à Paris vers 12302°, celles-ci constitueront un substrat souventperceptible non seulement dans les disputes des artiens et des médecins,mais aussi au hasard de quelque quodlibet théologique.

Ainsi, parmi les sujets jadis édités par Mgr. Glorieux, nous relevons dans leQuodlibet IV attribué à Jacques de Viterbe Ia question traditionnelle Utrum patersapiens ut plurimum generet stultos filios 21, d'ailleurs traitée également par Albertle Grand dans ses Questiones de animalibus 22; de même, le Quodlibet anonymeXXX offre l'une des questions, issues des Problemata, que signalait déjà Baudryde Bourgueil: Quare homines sint calvi et habeant barbam et non mulieres 23.

Outre ces résurgences d'un ancien fonds intégré dans une nouvelle

18 Ibid. p. XI.19 B. LAWN, The Salernitan Questions, op.cit., p. 36 n. 2. La traduetion française est de

notre fait.20 Le manuserit de Paris, Bibl. nat. 18081, eontient 141 de ees questions; il fut éerit

vers 1230-1240, ef. B. LAWN, The Salernitan Questions, op.cit., p. 37, 72 et The Prose ...,p. XI-XII, 274-324.

21 P. GLORIEUX, La littérature quodlibétique, t. 2. Paris, 1935 (Bibliothêque thomiste, XXI)p. 147; eette question eorrespond à un aneien problême du pseudo-Alexandre d'Aphrodise,ef. Quare sapientes generant stultos?, éd. B. LAWN, The Prose Salernitan Questions, R 33,p. 350. Sur le Quodlibet IV de Jaeques de Viterbe, ef. Ia eontribution du pêre Wippeldans ee volume.

22 Utrum sapientes et philosophi ut plurimum generant filios fatuos: Quaestiones super deanimalibus, éd. E. FILTHAUT, dans Alberti Magni Opera Omnia, XII. Münster, 1955, I.XVIII, Q. 4.

23 P. GLORIEUX, La littérature quodlibétique, t. 2, p. 306.

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290 CHAPITRE I ÉVOLUTION DU GENRE

forme et confronté à de nouvelles sources, une autre illustration de Iatradition des "Questions naturelles" est fournie par les Quaestiones Nicolaiperipatetici qu'Albert le Grand attribuait, faussement semble-t-il, à MichelScot ; liées à Ia premiêre diffusion des traductions d'Averroês, ces questionscirculêrent probablement avant 1240. Mlle Marie-Thérêse d'Alverny, dansson étude de Ia tradition manuscrite 24, définit parfaitement le genre decollections auquel appartient dans son ensemble ce type de questionsnaturelles: "Ce genre de compilation hétéroclite fait plutôt soupçonnerà Ia source le livre de poche du naturaliste voyageur qui transcrit un choixde textes et 1'apporte dans un centre ou maitres et étudiants exploitentle trésor et contribuent à sa diffusion en tout ou partie. Qu'il nous soitpermis de terminer [...] par une hypothêse imaginative qui permettraitde nous représenter les pérégrinations des Questions dans les bagagesd'un savant médecin".

Un nouvel infléchissement de cette tradition allait être rendu possiblegrâce à Barthélemy de Messine, traducteur de l'entourage du roi Manfredde Sicile, qui, au milieu du XIIIe siêcle, mit à Ia disposition de l'Occidentune nouvelle version latine, plus complete, des Problema ta pseudo-aristotéliciens 25. Diffusée à un moment ou Ia méthode scolastique étaità on apogée, elle allait circuler accompagnée du commentaire de Pierred'Abano, dont le Conciliator réalise par ailleurs (comme nous l'exposeronsci-dessous) Ia synthêse entre Ia technique des problêmes et celle de Iadispute universitaire.

traductions constantiniennes à Ia base de Ia collection dite Articella 26.

Ensuite, par Ia technique et le plan qu'ils adoptêrent et dont 1'une dessources principales semble être le commentaire au De sectis de Galienqui, attribué à un certain Jean d'Alexandrie (VIIe siêcle ") fut vraisem-blablement adapté du grec en latin à Ravenne 27. Dês le milieu du XIIesiêcle, Barthélemy de Salerne introduit des dubia pour aider à 1'inter-prétation des textes; par exemple, dans Ia G/ossa in artem Galeni, ilpose: Utrum autem medicina sit species phisice ambigitur vel parsintegralis 28 ••• Les maitres salernitains inaugurêrent aussi Ia pratique desdigressions destinées à ouvrir une discussion au sein du commentairemédical; cette pratique est suivie dans Ia premiêre moitié du XIIle siêclepar le premier témoin de l'enseignement. médical montpelliérain, lechancelier Henri de Winchester (ou de Guintonia), qui, dans soncommentaire à 1'Ysagoge de Johannitius, reprend notamment Ia digressionsur les degrés des médicaments 29.

L'impulsion décisive pour 1'attachement systématique de questions à1'interprétation des textes de 1'Articella, puis des nouvelles sources traduitespar Gérard de Crémone, fut donnée à Paris et dans 1'Italie du Nord.Une importance particuliêre doit être accordée à Petrus Hispanus, lefutur pape Jean XXI, qui semble avoir étudié à Paris dans les quatrefacultés avant d'enseigner à l'Université de Sienne vers 1247-1252. Lefait qu'il soit également 1'auteur d'un texte fondamental de logique, les

3. LES QUESTIONS DANS LES COMMENTAIRES

De même qu'ils continuêrent et enrichirent Ia tradition des Problemata,les maitres salernitains tels que Barthélemy, Petrus Musandinus ou Maurusinfíuencêrent considérablement Ia technique du commentaire médical. Enpremier lieu, par le choix des textes qu'ils interprétêrent, c'est-à-dire les

2. P.O. KRISTELLER,Bartholomaeus. Musandinus and Maurus of Salemo and other earlycommentators of the "Articella" with a tentative list of texts and manuscripts, dans ItaliaMedioevale e Umanistica, 19 (1976), p. 57-87. Édition du commentaire de Maurus sur lesAphorismes d'Hippocrate par M.H. SAFFRON,dans Transactions ofthe American PhilosophicalSociety, 62, 1 (1972). VArticel/a fut constituée à l'origine des cinq textes suivants:Iohannitius, Ysagoge; Hippocrate, Aphorismes, Pronostics; Théophi1e, De urinis ; Philarct,De pu/sibus (cf. P.O. KRISTELLER,op.cit., p. 66). S'y agrégêrent ensuite, suivant les cas:Hippocrate, De regimine acutorum morborum; Isaac Israeli, De dietis, De febribus, Deurinis ; Antidotarium Ntcolat; Galien, Tegni.

27 Le commentaire au De sectis prévoit de déterminer à propos du texte: intentio, utilitas,si verus est liber Galeni, causa suprascriptionis, ordo legendi, habitus doctrine, particularisdivisio, modus expositionis. Cf. A. BECCARIA,Sulle trace di un antico canone latino diIppocrate e di Galeno lII, dans /talia Medioevale e Umanistica, 14 (1971), p. 13-16. Éditionde Ia traduction postérieure de Burgundio de Pise (1185): C.D. PRITCHET,IohannisAlexandrini Commentaria in librum De sectis Galeni. Leyde, 1982.

" P.O. KRISTELLER,op.cit., p. 86.29 M.R.Mc VAUGH,An early dts usston on medicinal degrees at Montpel/ier by Henri of

Winchester, dans Bulletln (lf th» h/I/IIIV o( 11I dtctn , 49 (1975), p. 57-71.

:IA La tradition manuscrite des "Quaestiones Nicolai peripatetici", dans Medieval learningand literature: essays presented to R. W. HUNT. Oxford, 1976, p. 200-219. Édition de cesquestions: St. WIELGUS, Quaestiones Nicolai peripatetici, dans Mediaevalia philosophiaPolonorum, 17 (1974), p. 57-155.

" La version de Barthélemy de Messine fut adaptéc en français par le médecin Evrardde Conty (t 1405), cf. P.M. GATIIER LB,Medieval science: Evrart de onty, dans RomanNotes,6 (1964-5), p. 175-181.

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292 CHAPITRE I

Summu/e /ogica/es 30, n'est sans doute pas sans incidence sur I'applicationsystématique de Ia méthode scolastique qui se manifeste dans son ceuvremédicale. Ses commentaires sur les textes de I'Articella sont essentiellementconstitués de séries de questions, dont le manuscrit de Madrid, Bibl.naco 1877 31 réunit Ies intituIés en une Iongue tabIe initiale. Les Notu/esuper [YsagogeJ Johannitii sont ainsi formées de trecenta prob/emata disputata,dont certains sont dictés directement par le texte de Johannitius, maisdont d'autres constituent Ies questions "classiques" de Ia scoIastiquemédicale, comme Utrum so/us sanguis nutriat, Utrum cor et cerebrumsentiant, Utrum mu/ieres spermatiçent etc.

L'introduction de questions dans Ies commentaires médicaux se gé-néralise à partir de Ia seconde moitié du XllIe siêcle : on Ia note chezJean-de-Saint-Amand 32, médecin probabIement lié au milieu parisien, etsurtout chez Taddeo Alderotti, qui va inaugurer Ia tradition du commentaireboIonais. Ce demier s'appliquera principalement aux textes de I'Articellasans doute introduits dans I'Italie du Nord par Petrus Hispanus, et auCanon d'Avicenne. L'imposante liste d'intitulés édités par Nancy Siraisisuffit à montrer Ia prolifération des questions au sein des commentairesbolonais 33, depuis I'époque de Taddeo Alderotti.

En ce même XllIe siêcle, le mélange des deux types de questions quenous avons évoqués, celui issu des Prob/emata et celui issu des dubia

,. L.M. DE RIJK, Peter of Spain (Petrus Hispanus Portugalensis), Tractatus called afterwards"Summule logicales", First critical edition from the manuscripts with an introduction. Assen,1972 (Philosophical texts and studies, 22).

)I Sur ce manuscrit, cf. H. SCHIPPERGES, Eine noch nicht verõffentlichte "Summa medicinae"des Petrus Hispanus in der Biblioteca Nacional zu Madrid, dans Sudhoffs Archiv, 51 (1967),p. 187-198. On trouvera le texte de trois questions, tirées du commentaire au De dietisuniversalibus; d'Isaac Israeli, d'aprês l'édition des Opera Ysaac, Lyon, 1515, dans: M.R.McVAUGH, Amaldi de Villanova Aphorismi de Gradibus. Grenade-Barcelone, 1975 (A maldi deVillanova opera medica omnia lI). Intitulés des trois questions: Queritur cum eadem res velmedicina habeat diversas virtutes et operationes, utrum in eadem substantia vel in diversishabeant esse (p. 34 n. 5); Queritur primo utrum diffinisio gradus valeat que talis est: gradusest excessus qualitatis sensui perceptibilis (p. 54-55, n. 3); Consequenter queritur utrum quilibetgradus posset esse in quolibet gradu (p. 100-101, n. 27).

l2 Cf. E. WICKERSHEIMER, Dictionnaire biographique des médecins en France au MoyenAge. Genêve, 1979 (réimpr. de I'éd. de 1936), p. 476-478; D. JACQUART, Supplément,Genêve, 1979, p. 179-180. On trouvera le texte de deu x questions tirées des Glosule superAntidotarium Nicolai dans M.R.Mc VAUGH, Arnaldi de Villanova Aphorismi de gradibus, p.48-51, n. 35. Intitu1és: Secundo queritur, et est questio famosa, utrum medicina composita uttyriaca operetur per formam medicinarum quas recipit, aut per formam totius resultantem I!

mutua actione et passione per quod fit earum excellentiarum confractlo; tertio queritur utrumista forma communis fiat a natura vel ab arte.

)) N.G. SIRAlSl, Taddeo Alderout and his pupils, Two generatlons of Italian medi ai leaming.Princet n, 1981, p. 08-410.

ÉVOLUTION DU GENRE 293

liés à I'interprétation d'un texte, trouve une illustration dans les commen-taires au De animalibus.

L'ensemble des traités zoologiques d'Aristote, au programme non seulementdes artiens, mais des médecins, fut commenté successivementpar Petrus Hispanus,en deux versions sous forme de questions, par Albert le Grand, et par GérardDu Breuil qui innova en utilisant Ia traduction de GuilIaume de Moerbeke 34.

On retrouve dans les questions présentées par ces auteurs l'intitulé et leséléments de réponses de certaines questions salernitaines ". La reportatio dueâ Conrad d'Autriche de Ia lecture que fit Albert le Grand,du De animalibus, austudium de Cologne en 1258, est caractérisée par Ia variété des sujets qui,comme chez Petrus Hispanus, jouissent d'une grande autonomie par rapportau texte d'Aristote. Une question â sujet médical inviterait â deviner Iapersonnalitéd'un opponens:

Queritur ulterius de urina, utrum sit corpus simplex vel mixtum. Et quod sitmixtum videtur. Quia quaelibet pars mixti est mixta ... Ad oppositum Omnemixtum potest nutrire, sed urina non potest nutrire secundum medicos .Ad istum dicendum, quod in urina duo contingit considerare: unum quod esthumidum et a membris resudat, et aliud quod a partibus cibi est resolutum etcum urina commixtum. Modo dico, quod ratione primi potest esse corpus simplex,sed ratione secundi corpus mixtum est. Et per istam distinctionem quendammedicum Colonae confudi, qui dicebat urinam esse simpliciter corpus simplex.Et per hoc tunc ad rationes : Ad primam dicendum ... Ad secundam ... 36

Les conditions de Ia reportatio ne permettent pas de discerner si Ia distinctio parlaquelle Albert le Grand réussit à "confondre" le médecin de Cologne estintervenue lors de Ia lectio ou lors d'une disputatio médicale indépendante de Ialecture du De animalibus, voire au cours d'une conversation privée.

L'exemple presque caricatural que nous venons de citer résume lesdifticultés que I'historien de Ia médecine rencontre pour caractériser lequestions qu'il doit analyser; excepté les quelques cas qui foumissentavec vraisemblance le contenu d'une véritable disputatio, I'on se trouveIa plupart du temps confronté à des genres indéterminés ou mixtes.

4. LES DISPUTES DANS LES FACULTÉS DE MÉDECINE

Comme dans les autres disciplines, Ia disputatio constitue pour lesmédecins un acte magistral, mais aussi un exercice scolaire permettant

,. Cf. T. GOLDSTEIN, Gérard Du Breuil et Ia zoologie aristotélicienne au XIlIe siêcle, dansÉcole nationale des Chartes, Positions des thêses, Paris, 1969, p. 61-68; T. GOLDSTEIN-PRllAUD, Albert le Grand et les Questions du XlIJe siêcle sur le "De animalibus" d'Aristote,dans History and Philosophy of the lífe s ien es, (1981), p. 61-71.

l> Ibid. et B. LAWN, The ai mlttm 1/ II(m, p. 5-86.•• Livre VI, Q. 23. d, l' 1'11 1l1A\lI, ,1 '(I!i 111'1

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294 CHAPITRE I

l'obtention des divers grades. Alors que Ia prolifération des dubia au seindes commentaires et leur fréquente indépendance par rapport au textecommenté suggêrent une pratique courante de Ia dispute magistrale dêsle début du XIIle siêcle, ce n'est qu'â Ia fin de ce siêcle, et surtout dansles premiêres années du XIVe, qu'elle fait l'objet de rédactions indépen-dantes, de Ia part des maítres ou de leurs élêves. Ce genre ne remportacependant pas un succês identique dans tous les milieux savants. L'étatdes textes conservés et l'examen des statuts universitaires laissent entrevoirde nombreuses nuances. Bien que pratiquée partout, Ia dispute médicalene semble pas avoir évolué de façon parallêle, ni répondu aux mêmesobjectifs â Paris, â Montpellier ou dans l'Italie du Nord.

A) ParisAucune rédaction connue jusqu'à ce jour ne rend fidêlement compte

du déroulement des disputes médicales â Ia Faculté parisienne. Lescommentaires et le Conciliator de Pierre d'Abano renseignent uniquementsur les sujets abordés et le contenu des argumentations. Les sourcesuniversitaires, statuts ou registres de Ia Faculté, font apparaitre que tantles disputes magistrales que les disputes sanctionnant Ia compétenceprofessionnelle étaient en grande partie calquées sur les institutions deIa Faculté de théologie.

Les statuts de 1270-127437 précisent que les bacheliers doivent "répondre"soit à deux questions in scolis, lors d'une disputatio sollempnis et non lors d'uneleçon, sous des maitres différents, soit à une seule question lors d'une disputatiogeneralis. On retrouve ici Ia distinction, notée à Ia Faculté de théologie, entredisputes privées et ordinaires. Les mêmes statuts prévoient l'interruption desleçons les jours de dispute. Quant au rêglement de 1339 38, pris sous le décanatd'Hugues Sapientis, il laisse supposer que les disputes toumaient souvent audésordre et au tumulte. II est en effet rappelé qu'il convient que les bacheliersprésentent un seul argument à Ia fois et que le silence accompagne l'auditiondu respondens. De même, les maitres qui ont exposé leurs premiers arguments,en respectant l'ordre hiérarchique, ne peuvent répliquer qu'avec Ia permissiondu président. Nous ne disposons plus d'autre document statutaire jusqu'à Iaréforme du cardinal d'Estouteville qui, en 1452, instaure, comme dans les autresfacultés, l'obligation pour les bacheliers de "répondre" à une question

17 H. OENIFLE et E. CHATELAIN, Chartularium Universitatts Parisiensis, t. I. Paris, 1889,p. 516-518.

" Chartularium, t. li, p. 492.

ÉVOLUTION OU GENRE 295

supplémentaire; sumommée par Ia suite "cardinale", celle-ci aura lieu entre ledébut du Carême et Ia Toussaint 39.

Les registres tenus réguliêrement par les doyens depuis 1395 informent defaçon ponctuelle sur I'accession à Ia maitrise et sur les disputes ordinaires.Comme à Ia Faculté de théologie, le licencié promouvable doit satisfaire à deuxséances de disputes, les vesperies et l'inceptio 40. Les modalités précises ne nousen sont pas connues; à Ia fin du XVe siêcle, il semble que l'inceptio donnaitlieu à deux questions, mais un document de 1364 n'en mentionne qu'une 4'.

Devant Ia précipitation que manifestaient certains licenciés à devenir maitresil fut décidé en 1408 qu'il ne pourrait se tenir plus d'une séance de vesperies e;d'inceptio (ou principium) par semaine 42. Quant aux nouveaux maitres, ils sonttenus de présider leur premiêre dispute, appelée pastillaria, dans les trois mois,s'ils se trouvent à Paris 43. Les registres font état de nombreuses réticences àce sujet. II semble qu'au tout début du XVle siêcle, deux questions étaientd'usage lors de Ia soutenance de Ia "pastillaire", mais rien n'indique qu'il enétait de même auparavant 44. Aprês une interruption de régence, tout maitreétait tenu de présider une resumpta 45. Cette obligation était spécialementimpérative lorsqu'il n'avait pas disputé ses quodlibeta, à son touroSous Ia pressiondes troubles politiques et des épidémies de peste, un assouplissement intervintet l'habitude de disputer par l'intermédiaire d'un procureur s'installa au débutdu XVe siêcle 46.

II semble donc que les disputes devinrent dês le XIVe siêcle de simplesformalités auxquelles les maítres tentaient de se soustraire. Ceci expliquesans doute qu'il n'ait pas été jugé utile d'en rendre compte par écrit;des bribes ont pu néanmoins passer dans les dubia des commentateurs.

39 Chartularium, t. IV, p. 723.•• E. WICKERSHElMER, Commentaires de Ia Faculté de médecine de l'Université de Paris

(/395-1516). Paris, 1915 (Documents inédits sur l'histoire de Franee), p. XXXI.4' En 1364, le cas des licenciés en médecine prêtres est envisagé et il est rappelé: eum

secundum statuta e/ consuetudines dicte facultatis medicine in inceptione magistrorum ejusdemoportea/ legere unam lectionem et disputare unam questionem in capa nova ... (Chartularium,IH, p. 109). Pourtant en 1472, par exemple, à l'incep/io de Baudouin Mancel, il est préciséque le maitre Regnault Regis "termina" Ia premiêre question et Charles de MauregardIa seconde (Commentaires, p. 262).

42 lbid., p. 49.43 lbid., p. XXXI, 17,49, 66-67, 114, 228. Rappelons que Ia "pastillaire" tire son nom

de I'obligation de repas qui y était attachée (pastillaria = pâtisserie) .•• On lit au 21 novembre 1500: disputavit de pastillaria sua m. Petrus Perrot, in que

honorandus magister noster Du Saussay proposuit secundam questionem, loco magistri nos/riRosselli honorando magistro nostro Bertoul (Commentaires, p. 420). Notons que le mêmePierre Perrot disputa de quodlibetaria Ia semaine suivante, mais non in ordine suo (ibid).

•• lbid., p. XXXII-XXXIII.•• ette di positi n t pplrqu p ur 11 premi re fois le 2 janvier 1419 (Ibid., p. 111).

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296 CHAPITRE I

B) MontpellierDês les statuts de 1220, Ia dispute fait partie des obligations magistrales

à l'université de Montpellier 47. Les statuts ultérieurs, principalement ceuxde 1340, abordent en détail le processus d'obtention des grades 48. Atravers ces rêglements se confirme l'impression que livrent de nombreuxtextes conservés: le lien entre Ia Iectio et Ia quaestio demeura três étroità Montpellier. L'une des épreuves principales qui mênent à Ia maitriseconsiste en I'examen dit des "points rigoureux" 49. La nature de ces punctasur lesquels le candidat doit disputer est clairement discernable dansl'eeuvre encyclopédique du chancelier Jacques Angeli (t 1455), les Punctamedicine 50. Une multitude de questions y sont classées par ordrealphabétique des mots typiques. Les intitulés sont en grande majoritédes canons, des membres de phrases tirées des textes mis au programmede l'université, par exemple: Mamil/a ex sanguine facit lac, sicud epar exchilo facit sanguinem, dicit Constantinus in Practica 51.

Outre ce lien que conserva Ia quaestio avec Ia lectio, une autrearactéri tique montpelliéraine peut être notée: les maitres, particuliê-

r m nt depuis le XIVe siêcle, furent soucieux de pédagogie. Antérieurementiux PUIl ta medicine de Jacques Angeli, d'autres témoignages peuventIr inv qués, comme l'ceuvre de Gérard de Solo. Les Determinationes

ti " maitre manifestent davantage le désir d'inculquer une méthode queI r udre un problême doctrinal. Le raisonnement scolastique y estf rl I urd et le recours aux catégories aristotéliciennes constant. Ladi pute rencontra donc à Montpellier un particulier développement entant qu'exercice scolaire.

Prenons I'exemple d'une Determinatio de Gérard de Solo 52: Querebatur ...

., Cartulaire de l'Université de Montpellier, t. I (1181-1400). Montpellier, 1890, p. 180.Rappelons que depuis Ia bulle de Nicolas V du 26 octobre 1289, Ia médecine forme àelle seule une université; le nom d' "université de médecine" sera usité jusqu'â Ia Révolution(ef. S. GUENÉE, Bibliographie de l'histoire des Universités françaises des origines à Ia Révolution,t. 2. Paris, 1978, p. 199).

•• Cartulaire, p. 348-363 .•• Ibid., p. 356.>4 B. OELMAS, Le chancelier Jacques Angeli et Ia médecine à Montpellier au milieu du XVe

stêcle, dans École nationale des Chartes, Positions des thêses, Paris, p. 23-28."Ms. éville, 5.7.17, f. I29r".Sl A cette détermination e t jointe une autre: cuius membri hic amor hereos sit passio (msrfurt, Ampl. F 270, f. 7611"-7811"). f. A.S. Gu N UN, Gêrard de Solo. maltre de l'univer. II

de Montpelller et praticien du XIVe stêcle, dan École nattona!e des hartes, Posttton dertnêses. Pari , I 82, p. 7 -82. N u o u f nd o sur I'éditi n livréc par Anne- ylvl

u noun dan u th do tyl rnphl .

ÉVOLUTION OU GENRE 297

utrum spiritus sint in arteriis, venis et nervis substantialiter, vel sint solum in venis etnervis virtualiter. L'imparfait utilisé dans I'intitulé laisse supposer que cette questionfut réellement disputée, sans que les modalités exactes de Ia séance en soientdiscemables. Le problême posé comprenant plusieurs termes, les arguments proet contra sont répartis en trois questions:

Et primo videtur quod non sint in arteriis substantialiter ...Secundo principaliter propter quod spiritus sint in nervis substantialiter ...Tertio principaliter propter quod spiritus sint substantialiter principaliter invenis ...

Le maitre fait précéder sa solution de sept propositions per evidentiam questionisdont Ia premiêre est consacrée aux différents sens du mot spiritus et Ia deuxiêmeà ses causes, selon Ia stricte répartition aristotélicienne; suivent deux distinctioneset quatre notae.La solution comporte elle-mêrne deux termes, le premier soulevant une dubitatioà propos des nerfs optiques:

Primo quod spiritus non sint in nervis et venis substantialiter preter in duobusnervis opticis, sed solum in arteriis ...Secundo dico quod sunt in eis virtualiter ...

La résolution finale des arguments reprend Ia subdivision initiale de Ia questionen trois termes.

C) BologneC'est dans les universités de I'Italie du Nord que Ia question s'affirme

comme genre autonome. La dispute magistrale y remplit parfaitementson office :débattre des problêmes doctrinaux faisant difficultéet confronterles opinions divergentes. Que Ia majorité des rédactions conservées soientd'origine italienne ne peut être considéré comme un hasard. Les statutsbolonais de 1405, qui entérinent sans doute des pratiques antérieuresd'un siêcle, portent une particuliêre attention au déroulement des disputesmagistrales. Leur examen est nécessaire pour caractériser les nombreusesquestions qui nous sont parvenues.

Contrairement à ceux de Montpellier et de Paris, qui renseignaient plutôt surl'obtention des grades, les statuts bolonais déterminent principalement l'orga-nisation des disputes inscrites dans l'enseignement régulier des maitres. Chaquesemaine une question doit être disputée generaliter 53. Les docteurs actu Zegentesprésident à tour de rôle, en commençant par les plus jeunes; une dispositionprévoit l'alternance des sujets: celui qui aura disputé d'abord in theorica devraIa fois suivante disputer in practica. Tous les maitres sont tenus d'assister à

" C. MALAGOLA, tatutl delle Unlversita e dei collegi dello studio Bolognese. Bologne, 1888,p. 260-261.

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298 CHAPITRE I

chaque séance du début à Ia fin et d'y argumenter. L'intervention des non-maítres est également réglementée S4: l'argumentation, ouverte par quatre scolaresde nations différentes si possible, est poursuivie par un Lombard. Pour argumenter,il faut avoir étudié au moins pendant un an, et pour répondre, pendant deuxans. li est interdit aux étudiants d'intervenir à deux questions de suite, et detenir le rôle de respondens à plus de deux questiones generales et à plus d'unquodlibet par ano Aprês l'argumentation des étudiants vient celles des doctoresactu legentes, en commençant par le plus jeune. Chaque opponens proposeseulement deux rationes qu'il a Ia possibilité de confirmer par deux autres.

Les disputes de quolibet ont lieu deux fois par an, sous Ia présidence desdoctores medicine actu legentes "~oLe roulement commence, à l'inverse des disputesgénérales, par le plus ancien et se poursuit ainsi d'année en année jusqu'à ceque tous les maitres aient disputé. Achaque quodlibet sont proposées dixquestions: six par les docteurs et quatre par les étudiants. Les statuts prévoientune limitation encore plus stricte des interventions que pour les disputesgénérales: un seul argument, confirmé par un autre, peut être avancé à Iaquestion principale. Pour "répondre", il faut avoir suivi des cours de médecineà Bologne ou ailleurs pendant au moins trois ans, le délai étant ramené à deuxn i l'étudiant est licencié ês arts.

L'une des dispositions les plus importantes concernent Ia détermination et sar da ti n >6. Les maítres sont tenus, sous peine de sanctions, de déterrniner àl'h ur de none Ia question qu'ils ont disputée Ia semaine précédente de mane.li d ivent remettre le texte de leur détermination au stationnaire général del'univer ité, chaque question occupant un folio. li leur est interdit de délivrerune copie à quiconque avant d'avoir remis officiellement leur texte. Afin d'assurerle respect de cette rêgle, le recteur ne fixe Ia date et le lieu de dispute à unmaítre qu'aprês avoir reçu de celui-ci un gage destiné à garantir que Ia disputesera suivie d'une déterrnination et qu'une copie en sera délivrée. Les mêmesrêgles s'appliquent aux questions quodlibétiques. Ces dispositions sont originalesdans le contexte de l'enseignement médical médiéval; nous ne les avons trouvéesni à Montpellier, ni à Paris. Elles expliquent sans doute que Ia plupart desquestions conservées avec mention d'auteur, de date et de lieu, émanent demaítres bolonais. Cet état de fait ne sera donc pas à imputer seulement auhasard de Ia conservation des manuscrits ou àun intérêt privilégié des érudits.Cependant, Ia prévision de sanctions, qui intervient de façon répétée et insistantedans les statuts, suggêre qu'au début du XVe siêcle les maitres bolonais

54 I bid., p. 261-262." lbid., p. 262-263.«tu«, p. 261, 26 ,284.

ÉVOLUTION OU GENRE 299

manifestaient une certaine réticence à déterrniner et à délivrer le texte de leursquestions.

On peut ajouter que Ia mêrne réglementation s'applique aux doctores legentesin cirurgia. Les disputes qui leur sont réservées doivent traiter des sujetsstrictement chirurgicaux, mais les docteurs en médecine sont tenus d'y assisteret d'y argumenter ".

" Ibid., p. 248.

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REGLES DE CRITIQUE 301

CHAPITRE II

dans les universités du Nord de l'Italie, même si les manuscrits qui lesconservent sont d'autre origine 59; parmi les questions non italiennes, ondoit signaler celles qui, de Ia main d'Erhard Knab, rendent compte del'activité de Ia Faculté de médecine de Heidelberg dans Ia seconde moitiédu XVe siêcle 60. Ces questions offrent différents états de textes: d'unepart des brouillons constituant une reportatio des questions entendues etlivrant les arguments avancés par les différents participants et d'autrepart des rédactions opérées a posteriori par Erhard Knab lui-même, dontl'une se réfêre à treize questions de quolibet 61. Le modele italien n'estcependant pas oublié: au nombre des manuscrits achetés par le médecinallemand se trouvent des questions attribuées au célebre maítre du XIVesiêcle Gentile da Foligno 62.

Dans le cas d'Erhard Knab, il n'y a pas de doute possible surl'authenticité des documents, c'est-à-dire sur Ia réalité historique desdisputes dont il est rendu compte. En revanche, pour les questionsattribuées à des maítres réputés, le fait qu'elles soient conservées isolémentdans les manuscrits et reliées à une dispute datée ne garantit pasl'authenticité du genre. Ainsi, des questions attribuées à Ugo Benzi deSienne (XVe siêcle), il est particuliêrement difficile de déterminer cellesqui furent isolées a posteriori d'un commentaire; en outre, même dansle cas ou elles peuvent être considérées comme indépendantes, il estrarement possible de discemer si Ia question rend compte d'une seule

REGLES DE CRITIQUE SUIVANT LE TYPE DE RÉDACTION

Les questions disputées en médecine ont fait l'objet de rédactions dontIa forme n'est pas strictement fixée. Mises à part les authentiquesreportationes ou determinationes qui peuvent être attribuées à un auteuret situées dans un cadre universitaire précis, il faut tenir compte de textesaux contours plus tlous. Les maítres se sont en effet servis de leurspropres disputes ou de celles auxquelles ils ont assisté pour en incorporerune partie de l'argumentation dans des questions rédigées qui, si ellesconstituent un genre spécifique, ne peuvent être considérées comme issuesd'une séance particuliêre. Les rêgles de critique doivent donc être adaptéesau type de rédaction.

1. LES QUESTIONS PORTANT MENTION D'AUTEUR,DE LIEU ET/OU DE DATE DE DISPUTE

Contrairement à ce que l'on peut noter pour d'autres disciplines, leséditions de questions médicales sont en nombre infime et il n'existe pasd'étude ou de répertoire qui fasse le point sur Ia documentation conservée.Souvent transcrites d'une minuscule écriture ou d'une cursive difficilementdéchiffrable, ces questions appartiennent à Ia catégorie des textes les plusnégligés par les auteurs de catalogues de manuscrits: elles apparaissentle plus souvent sous le titre vague de quaestio medicinalis sans qu'il soitpossible de distinguer s'il s'agit d'un compte rendu de dispute ou d'undubium extrait d'une ceuvre plus vaste.

Le catalogue d'incipits de Lynn Thomdike et Pearl Kibre foumit unepremiêre approche 58; bien que non exhaustif et datant d'une vingtained'années, il permet une évaluation de l'ampleur des documents susceptiblesd'être utilisés. Le dépouillement des incipits contenus dans ce cataloguelaisse entrevoir en premier lieu que, par rapport à Ia fréquence imaginabledes disputes médicales, le nombre des comptes rendus disponibles estfaible. De plus, l'immense majorité conceme des questions disputées

" L. Til RNOIKIl ct P. KIORIJ, A catalogue of in iplts of medieval s lentlfic writings in latln.ndres, I . Add ndo don pe ulum, 40 (I ), p. 11 -122 et 4 (I 8), p. 78-114.

ss Sur 33 auteurs de questions isolées, 26 sont italiens. Cette sur-représentation italiennedans I'état actuel de Ia recherche est amplifiée par l'importance des travaux de NancySiraisi sur Padoue et Bologne: Arts and Sciences at Padua: The Studium of Padua before1350. Toronto, 1973 (un important recueil de questions, copié par un certain Augustinen 1361 y est notamment mentionné p. 159); Taddeo Alderotti and his pupils, op.cit., (Iistcdes questions indépendantes ou non, réellement disputées ou non, p. 308-410). 11 fautnéanmoins constater que l'histoire d'autres universités, telles que Montpellier ou Pari ,bien que particuliêrement illustrée dans Ia recherche actuelle, n'a pas mis à jour denouveaux comptes rendus de disputes. La sur-représentation italienne ne semble doncpas uniquement due au hasard.

60 C. JEUDY et L. SCHUBA, Erhard Knab und die Heidelberger Universitiit im Spiegel vonHandschriften und Akteneintrãgen, dans Quellen und Forschungen aus italienischen Archivenund Bibliotheken, 61 (1981), p. 60-108.

" A propos de ces quodlibeta, nous retrouvons le principal obstacle à une identificationcorrecte dans les catalogues: "Die Quaestiones disputatae de quolibet medizinischen Inhaltssind in den Handschriften E. Knab eine manchmal schwierige Lektüre, weil die EntwUrfenicht selten in Eile niedergeschrieben sind" (ibid., p. 81).

.2 lbid., p. 96.

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302 CHAPITRE 11

dispute ou mêle des arguments proposés lors de plusieurs séances tenuesà des dates et lieux différents sur un sujet identique.

Pour en revenir aux conclusions que permet le dépouillement ducatalogue d'incipits de Lynn Thorndike et Pearl Kibre, il apparait quede l'ensemble des textes répertoriés dans cette publication, un noyauparticuliêrement homogêne peut être isolé. TI s'agit de plusieurs séries dequestions attribuées à des maítres bolonais de Ia premiêre moitié duXrye siêcle. Malgré les injonctions des statuts de 1405 qui obligeaientles maítres à livrer le texte de leur détermination, un moins grand nombrede' questions nous sont connues comme disputées au XVe siêcle dans Iagrande université italienne. Ce même noyau, issu de disputes du débutdu XIVe siêcle, se révêle à Ia lecture du précieux index de Guy Beaujouansur les manuscrits médicaux conservés en Espagne 64: on y retrouve lesmaítres Albertus de Zanchariis, Dino del Garbo, J acques de Plaisance,Mondino, Julien de Bologne etc.

Les questions sont le plus souvent présentées comme disputatae, plusrarement determinatae, voire disputatae et determinatae; néanmoins, ils'agit sans aucun doute de déterminations. L'intitulé des questions porteIa marque du passé; on y trouve parfois l'adverbe pridie, peut-être simpleclause de style. 11est impossible de discerner si c'est Ia dispute qui a eulieu Ia veille, ou Ia détermination. Dans le premier cas, il faudrait supposerque Ia détermination se tenait, au début du XIVe siêcle, le lendemain deIa dispute, et non Ia semaine suivante comme le préconisent les statutsde 1405. L'ordonnancement des arguments, Ia disparition de Ia personnalitédes intervenants invitent à définir ces textes non seulement comme desdéterminations, mais comme des versions rédigées plutôt que des repor-tationes. Les manuscrits qui les conservent étant de type universitaire, iln'est pas exclu qu'ils reproduisent des rédactions établies par les maitreseux-mêmes et déposées auprês du stationnaire de l'université, selon uneformule qui sera institutionnalisée par les statuts de 1405. On remarqued'ailleurs que, dans Ia plupart des cas, chaque question occupe un folio,ainsi qu'il sera prescrit dans ces mêmes statuts.

Comme nous l'avons dit, les rédactions ne rendent pas compte de Iapersonnalité, ni du gradedes intervenants. 11 apparaít seulement que le

., D.P. LocKWOOD, Ugo Benzi medieval philosopher and physician, /376-/439. Chicago,1951, p. 228-237.•• G. BEAUJOUAN, Manuscrits médi aux du Moyen Age conservés en Espagne, dans Mélanges

de Ia Casa de Velazquez; 8 (1972), p. 173, 180, 189-191, 19 -I ,198.

REGLES DE CRITIQUE 303

président était un maitre, sans doute actu legens. Si les interventions durespondens sont souvent signalées en tant que telles, Ia présence d'unopponens se dissout dans Ia liste sêche des arguments. La rédaction faitgénéralement abstraction de Ia nomenclature universitaire au profit deformules vagues du type: Ad questionem autem istam aliqui dicunt duo ...Sed isti in hac responsione dicunt impossibilia multa ... , ou bien Sed tenentespositiones contrariam ad hanc rationem respondere nituntur ... Sous cetteforme, le compte rendu d'une dispute ne se distingue guêre d'une autrequestion éditée par un auteur et insérée dans un opuscule consacré àun sujet particulier ou dans un ouvrage plus vaste, tel qu'un commentaire.

Les types de recueils que nous venons de mentionner renferment aussides quodlibeta bolonais. Dans chacun d'entre eux, le nombre des questionss'élêve généralement à dix. 11est impossible de discerner si, ainsi que leprévoieront les statuts de 1405, six questions furent proposées par desmaitres et quatre par des scolares. Les réponses transcrites n'ont pasl'ampleur des déterminations des autres questions: elles consistent en decourtes solutions réorganisées sous Ia responsabilité de l'auteur. C'estl'ensemble des dix questions quodlibétiques qui couvrent un folio demanuscrit et non chacune d'entre elles.

Prenons l'exemple du quodlibet attribué à Jacques de Plaisance dans unmanuscrit de l'Escurial ". li comporte un préambule et présente un essai derépartition des questions par thême:

Quoniam nemo laudabilis est nisi qui dicit solum quod necessarium est, utscribit Galenus ]0 de crisi 8° capitulo, idcirco questiones propositas in nostroquodlibet inordinate [. ..J velut contingere consuevit ... quedam pertinent adtheoricam medicine, quedam vero ad practicam.

Sed pertinentium ad partem theorice quedam sunt de re naturali, quedamde re non naturali, quedam de re contra naturam ...

De re ergo naturali tres sunt proposite questiones:Questio ergo prima fuit utrum virtus nutritiva sit idem essentialiter cumcrescitiva vel differant ...Secunda questio fuit utrum sit dare spiritum radicalem seu membriscomplicatum (?) ultra complexionalem calorem et spiritum influentes ...Tertia questio fuit utrum res existens intra oculum possit videri ...

De aliis rebus naturalibus ... fuerunt proposite due questiones ... reducibilesad rem non naturalem ...

Quarta questio est utrum aer possit contemperare calorem nostri corpo-ris ...

6> Ms. Escurial, fI 4, f. 9va-IOvb.

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304 CHAPITRE 11

Quinta questio fuit utrum corpora celestia possint esse causa crisis in hiisinferioribus ...

Post istas proponebantur questiones de re preter naturam ...Et fuit prima questio utrum natus cum magna solutione continuitatis inpede debeat dici eger nunc vel eger simpliciter ...Alia questio fuit utrum febris sextana sit possibilis ...Questio octava est utrum siccitas epatis difficilius removeatur ab epatequam sua humiditas ...Questio nona fuit utrum quelibet dies sit cretica ...

Ultimo fuit proposita una questio practica pertinens ad actum curativum ...Questio decima est utrum in principio apostematis de sanguine debeat fieri

flebotomia ...L'organisation de ces questions en un plan logique suit Ia répartition

entre théorie et pratique, et, au sein de Ia théorie, entre "choses naturelles,non naturelles et contre nature", selon Ia doctrine de 1'Ysagoge Iohannitii,texte fondamental de 1'enseignement médical médiéval ", Il est impossiblede déterminer s'il s'agit d'une réorganisation a posteriori ou si Jacquesde Plaisance a imposé cet ordre lors de Ia séance. Un quodlibet attribuéà Julien de Bologne témoigne d'un souci analogue. Il s'ouvre par unecourte introduction destinée à proposer un ordre, un classement: Quoniamordo in rebus scibi/ibus est causa facilioris apprehensionis ... 67. La spontanéitédes questions se trouve ainsi contenue dans un cadre doctrinal, du moinsau niveau de Ia rédaction.

En résumé, sauf pour les cas três rares ou Ia nature du texte est définiedans le manuscrit (reportatio effectuée par un étudiant, determinatio rédigéepar un maitre), une question médicale soulêve différents problêmes decritique. Le nom du maitre n'est pas assuré: les mêmes questions peuventêtre attribuées dans divers manuscrits à des auteurs différents. Lorsquedes critêres internes, tels que Ia comparaison avec d'autres ceuvres desmaitres présumés, ne permettent pas de trancher, il faut considérer queIa question représente plutôt les préoccupations d'un milieu, d'uneuniversité à une époque déterminée, que 1'expression de Ia pensée d'unauteur particulier. Afin de caractériser 1'étape à laquelle correspond Iarédaction, les mêmes rêgles de critique doivent être appliquées que pour

•• Ed.: G. MAURACH,Johannicius, Isagoge ad Techne Galieni, dans Sudhoffs Archiv, 62(1978), p. 148-174.

67 Ms. Vatican, Vat. lat. 4452, f. 146ra; cf. L. THORNDIKE,Some medieval medicalmanuscripts at the Vatican, dans Journal 01 the history 01 medicine, 8 (1953), p. 269.

REGLES DE CRITIQUE 305

les autres disciplines; Ia forme Ia plus couramment rencontrée est celled'une determinatio, rédigée sous Ia responsabilité du maitre.

2. LE "CONCILIATOR" DE PIERRE D'ABANO ET SON INFLUENCE

Il a été beaucoup écrit sur cette ceuvre qui constitua dês sa parutionune mine inépuisable pour les médecins désireux de nourrir les questionsdont ils avaient à débattre. Suivant qu'ils sont eux-mêmes spécialistes deIamédecine italienne ou de Iamédecine parisienne, les historiens accentuentI'appartenance de Pierre d'Abano au milieu padouan ou parisien 68. Ilest avéré que le célebre maitre italien commença à rédiger le Conci/iatorpendant son séjour à Paris et qu'il le termina en 1310, alors qu'il étaitde retour à Padoue, ville ou il avait également entrepris ses études 69.

La question principale que soulêve le Conciliator, auprês des érudits,est Ia suivante: dans quelle mesure reflete-t-il 1'enseignement qui avaitcours à Ia Faculté de médecine de Paris dans les toutes premiêres annéesdu XIVe siêcle ? Certains auteurs vont jusqu'à définir 1'ceuvrecomme unrecueil de 210 quodlibeta parisiens 70. Dans son prologue, Pierre d'Abanodéclare s'être décidé à rassembler ces "problêmes", aprês dix ans derecherches menées una cum sociorum intellectu 71. Il parait donc légitimed'imaginer que, dans Ia quête de Pierre d'Abano et de ses associés, lesquestions disputées à Ia Faculté de médecine de Paris tinrent une placeimportante. Lynn Thorndike a jadis noté Ia correspondance de certainsintitulés du Conci/iator avec des dubia présentés au XllIe siêcle par PetrusHispanus (lui aussi lié au milieu médical parisien) dans le commentaireau De Dietis universalibus d'Isaac 72.

S'il n' est pas douteux que le Conciliator reflete certaines des questionstraitées à Paris, il ne constitue en aucun cas une sorte de reportatio deces disputes. Construit selon un plan rigoureux, calqué sur l' Ysagoge

•• Cf. N. SIRAISI,Arts and sciences at Padua ..., p. I59sv. E. SEIDLER,Die Heilkunde desausgeheiden Mittelalters in Paris. Wiesbaden, 1967 (SudhofJs Archiv, Beiheft), p. 92-93.

6. Mise au point bio-bibliographique sur Pierre d'Abano dans Dictionary 01 scientificbiography ; t. I, New York, 1970, p. 4-5.

7. B. LAWN,The Salemitan Questions ..., p. 90; e. TALBOT,Medicine, dans D.e. LINDBERG,Science in the Middle Ages. Chicago, 1978, p. 404.

71 Conciliator differentiarum philosophorum et precipue medicorum. Mantoue, 1472 (editioprinceps).

72 L. THORNDIKE,A history of magic and experimental science, vol. 11.New York-Londres,1923, p. SOI-507, 886-887.

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306 CHAPITRE 11 REGLES DE CRITIQUE 307

/ohannitii 73, il offre une cohérence de rédaction, ménageant des renvoisd'une question à une autre; ainsi, dans Ia solution du problême Quodfebris non sit calor, on peut lire d'aprês l'editio princeps de 1472: quidautem sit calor, quomodo distinguatur, qualiter etiam se habeat ad spiritumostensum differentia L/X 74. En outre, si Ia présentation des arguments nediffêre guêre de celle d'une question disputée, les intervenants ne sontque des "autorités" médicales et philosophiques qu'il faut concilier.

Tout en utilisant le procédé scolastique de Ia dispute, le Conciliatorreste en partie l'héritier de Ia tradition des questions salemitaines et des"Problêmes", tradition à laquelle son auteur était particuliêrement attaché.Responsable d'une nouvelle traduction des Problemata pseudo-aristoté-liciens aujourd'hui perdue, mais dont Jean de Jandun fut l'un des premiersbénéficiaires, Pierre d'Abano commenta cette même ceuvre et traduisitégalement les "Problêmes" du pseudo-Alexandre d'Aphrodise 75. Le lienentre les deux traditions est rappelé dans le prologue de l'ExpositioProbleumatum : problema quidem est grecum latine probationem importans,est etenim questio difficilis aliquid continens quod disputationem solven-dum 76.

Le rattachement du Conciliator par certains auteurs au genre spécifiquedes quodlibeta se fonde sur Ia seule variété des sujets abordés. Cetargument ne peut être retenu pour une ceuvre dont l'unité ne réside pasdans une séance de dispute, mais dont l'ambition consiste à aborder leplus grand nombre de thêmes possible. L'immense influence du Conciliators'exerça non seulement sur les sujets de quodlibeta, mais sur ceux desquestions "ordinaires". 11 est possible cependant que Ia réminiscence desproblêmes soutenus par Pierre d'Abano ait alimenté de préférence Ia"spontanéité" des séances de quolibet; des titres comme An complexiotemperata sit aliis longioris vite ou An puer sit iuvene temperatior seu econtra étaient présents à l'esprit des participants.

La structure des solutions proposées par le Conciliator exerça égalementune influence. Le prologue annonce pour chaque differentia un plan

quadripartite qui sera généralement adopté dans les déterminationsbolonaises de quelques années postérieures:

In unaquaque similiter differentiarum semper quatuor inquirentur preterutriusque partis arguta ... Hec autem sunt :

Terminorum dubitati primitus [sic] expositio.Secundo quidem quod de ipso fuerit ab aliis presentitum [sic]Tertio veritatis cum eius motivis ostensioAc tandem quarto argumentorum solutio 77._

Sans doute reflet de disputes réelles, le Conciliator doit être surtoutconsidéré comme le modele privilégié que suivront les médecins jusqu'àIa fin du Moyen Age. 11 est donc nécessaire, pour juger de l'originalitéd'un auteur postérieur à 1310, de comparer le contenu de ses eeuvresaux questions homologues du Conciliator.

3. LES RECUEILS DE QUESTIONS CONSACRÉES

À UN THEME PARTICULIER

Lorsque les questions ne sont pas conservées isolément, mais groupéessous le nom d'un auteur autour d'un thême particulier, leur critiques'avêre délicate. C'est le cas, par exemple, des Questiones de tiriaca deGuillaume de Brescia 78, dont il est difficile de déterminer si leur éditionfait suite à l'organisation de disputes publiques. En aucune maniêre, cetype de questions ne reflete l'exact déroulement d'une séance; ellessont issues d'un remaniement du débat oral, d'une rédaction dans laquellel'auteur privilégie ses propres opinions. Certaines de ces questions,rassemblées en un recueil consacré à un thême particulier, se présententcomme disputées et rendent compte de responsiones qui ne sont pastoutes extraites de sources livresques. Ainsi les Questiones de febribusattribuées à Gentile da Foligno (t 1348) gardent le souvenir de séancesde dispute 79. On y note Ia participation de non-maitres. L'interventiondes étudiants suivant leur nation d'appartenance, en vigueur à Ia Facultéde médecine de Bologne, se trouve illustrée dans l'une des questions:Respondent quidam Neapolitani ... Ad secundam questionem respondent quod

73 Aprês dix questions traitant de Ia seienee médieale en général, au nombre desqueIlesse trouve posé An opus sit medico logicum esse, les differentiae sont réparties entre Ia théorieet Ia pratique; les questions sur Ia théorie sont eIles-mêmes réparties, suivant leur sujet,entre res naturales, non naturales, preter naturam. Sur I'Ysagoge, ef. supra n. 66.

7. Éd. Mantoue, 1472, Diff. LXXXVII.7S Cf. B. LAWN, The Salernitan Questions ..., p. 92-93.76 Expositio Probleumatum. Mantoue, 1475 (editio princeps).

77 Éd. Mantoue, 1472 (prologue). Une liste des questions eontenues dans le Conciliatorse trouve publiée dans M. NEUBURGER, Geschichte der Medizin. Stuttgart, 1911, p. 406-410.

71 M.Mc VAUGH, Theriac at Montpellier 1285-/325, dans Sudhoffs Archiv, 56 (1972), p.113-144 (édition des Questiones de Tiriaca p. 130-143).

79 Éd. Vcni c, 1520; L. THORNDlKE et P. KIBRE, Catalogue ..., 539, 1299, 1648, 1652.

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308 CHAPITRE 11 REGLES DE CRITIQUE 309

... Licet isti viri teneant quod sustinebitur, tantum pro parte sua, habentfalsa principia ... Contradictum ad secundum questionem ... Ignoravit ergoiste vir ... 80. La qualification du respondens par le mot vir indique qu'ils'agit tout au plus d'un bachelier. Dans les autres questions, les réponsessont généralement apportées par des maitres connus pour avoir enseignéà Bologne dans les premiêres années du XIVe siêcle: Albert de Zanchariis,Pancius de Luca, Antoine de Parme 81. Plusieurs indices prouvent que,si Ia référence à un débat oral est incontestable, l'édition de Gentileamalgame, sous une unité fictive,lecontenu de plusieurs séances consacréesdans des temps différents à un même sujet. La rédaction témoigne dedisputes auxquelles Gentile a assisté mais aussi de débats dont il a eul'écho, comme le suggêrent des formules du type: Quarta est opinio Albertiut mihi fuit narratum ... 82.

Afin d'établir une comparaison sans quitter le domaine médical, onpourrait dire que ces questions sont à l'image des récits de cas foumispar les Épidémies hippocratiques, dans lesquelles une unité pathologiquerenferme en réalité les signes des diverses maladies qui sévirent en unmême temps et en un même lieu. Le genre auquel appartiennent lesquestions de Gentile da Foligno offre un intérêt et des limitescomparables: construites sur le modele du déroulement d'une dispute,elles peuvent rassembler des arguments avancés au cours de plusieursséances. Bien qu'elles ne constituent pas toujours un témoignage au-thentique, elles renseignent à Ia fois sur Ia forme des disputes usitée dansle Nord de l'Italie au début du XIVe siêcle et sur le type d'interventionsle plus courant ou le plus remarquable.

Dans ces cas, il n'est pas certain que l'auteur de Ia rédaction doiveêtre identifié avec le maitre qui a présidé Ia dispute. De même, Ia formedéfinitive a pu intervenir à une date postérieure de plusieurs années. Onrencontre des problêmes de critique analogues au sujet de certains dubiacontenus dans des traités ou des commentaires. 11arrive qu'ils apparaissent,par leur longueur ou leur thême, comme des "corps étrangers" au seinde l'ouvrage qui les renferme. Ainsi, Michael Mc Vaugh a montré

l'importance de Ia question (Utrum seminaria intrent materialiter consti-tutionem fetus) par laquelle Bemard de Gordon ouvre son Tractatus demarasmo secundum intentionem Galeni; à premiêre lecture sans rapportavec le sujet traité, elle s'inscrit en réalité dans le contexte des discussionsmontpelliéraines sur l'humidum radicale 83. Bien que des questions de cetype puissent être raisonnablement rattachées à l'organisation de disputes,on doit davantage les considérer comme l'eeuvre originale d'un maitreque comme un témoignage sur l'activité universitaire contemporaine.

8. Éd. Venise, 1520, f. 5-6•.•: Septima, octava et nona questio simul moveantur, utrum tresdifferentie febrium dicte a Galeno sint essentiales. Et utrum differentie sumpte a materia sintessentiales. Et utrum sint priores aliis.

81. La plupart de ces maitres furent des disciples de Taddeo Alderotti, ou des élêves deceux-ci; Gentile da Foligno eut lui-rnême sans doute pour maitre Dino dei Garbo. Cf. N.SIRAISI, Taddeo Alderotti ..., p. XIX, XXI.

12 Éd. Venise, 1520, f. 108V"-113V": Utrum calor in iuvene e/ puero stt equalis In radi e.13 M.M VAUGH,The "Humidum Radica/e" in the thirteenth-century medicine, dans Traditio,O (I 74), p. 274-279.

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CHAPITRE III

DOMAINES DE L'HISTOIREQUE LE GENRE PEUT AIDER À CONNAtTRE

En dehors de sa contribution essentielle à I'histoire des idées médicales,Ia question en médecine apporte les mêmes informations que son homologuethéologique ou juridique sur les méthodes d'enseignement et sur I'appli-cation de Ia logique 84. Il est sans doute inutile d'insister sur ces apports.Parmi les genres qu'ont utilisés les auteurs médecins, Ia question tientune place privilégiée pour I'énoncé des problêmes les plus fondamentauxou les plus controversés de Ia science. De ce fait, elle se trouve souventà Ia frontiêre de diverses disciplines et témoigne des préoccupationsprincipales auxquelles s'est consacrée Ia pensée médiévale en un tempset un lieu donnés.

1. CENTRES D'INTÉRÊT INTELLECTUEL

Comme il existe une certaine liberté, de Ia part des maitres, dans lechoix des sujets de dispute, ceux-ci renseignent sur les préoccupationspropres à un milieu et à une époque. De ce point de vue, on ne peutdissocier les questions conservées isolément et les dubia contenus dansun commentaire. Un même texte ne suscite pas les mêmes interrogationsdans des universités et à des époques diverses.

Michael Mc Vaugh 85 a montré I'importance des débats qui se sonttenus à Montpellier, au tournant du Xllle et du XIV e siêcle, d'une partsur le mode d'action des médicaments, sur Ia détermination des degréset d'autre part sur le processus dit de "marasme", de consomption desforces vitales par Ia perte de l'''humide radical". Dans une perspectivediachronique, on peut noter, au sein de cette même université, Ia permanence

•• L'application de Ia logique en médecine est abordée dans une question du Conciliator(DifJ. 11: Quod non si/ opus medico logicum esse videtur quia quod est vanum sibi nonsuppetit ...). Raymond Lulle consacra un opuscule à ce thême, cf. L.E. DEMAtTRE, Theoryand praaice in medical education a/ lhe university of Montpe/lier in lhe thirteenth and fourteenthcenturles, dans Joumal of lhe history of medicine, 30 (1975), p. 107-108.

os utre I rticles cité supra, cf. A maldi de Villanova Opera medica omnia, 11. Aphorismlde radtbus. renade-Barcel ne, 1975.

DOMAINES DE L'HlSTOIRE 311

de certaines préoccupations intellectuelles. Ainsi, Ia question de I'amourhéroíque (trouble physico-mental dü à une passion contrariée) fait l'objet,à un siêcle d'intervalle, d'une Determinatio de Gérard de Solo et de troispuncta dans l'eeuvre de J acques Angeli. Abordé dans un traité spéciald' Arnaud de Villeneuve, ce thême, qui apparait dans plusieurs autrestextes montpelliérains, ne parait pas avoir suscité ailleurs de sujets dequestions. On peut remarquer qu'il constituait pour les maitres mont-pelliérains, soucieux de pédagogie, l'occasion d'expliquer, sous une formesimple, le rôle des esprits et, par là même, les rapports entre I'âme et lecorps.

Le relevé des intitulés de questions permet de discemer rapidement ledéplacement des centres d'intérêt au fi} des années. Ainsi, le Xllle siêcleest marqué par une prolifération des questions liées à Ia génération; onpeut y reconnaitre l'impact suscité par les deux traductions du Deanimalibus aristotélicien. Des déplacements d'intérêt sont aussi perceptiblesautour d'un même thême, Nous en donnerons un exemple: si I'on compareà propos de Ia mélancolie les sujets de questions édités par N ancySiraisi 86 à Ia liste des dubia contenus dans le commentaire au Canond' Avicenne du maitre parisien J acques Despars (XVe siêcle), des problêmesnon soulevés par les médecins bolonais apparaissent, tels que Melancoliaadusta non sit humor ou Utrum cum ex colera rubea.fit melancolia adusta.necessario fiat transitus per coleras virides 87. Cet intérêt pour Ia mélaneolieaduste est un signe des temps.

2. LIENS AVEC LA PHILOSOPHlE ET LES AUTRES SCIENCES

Les fondements de Ia physiologie médiévale s'inserivent dans uneeonception du monde. Nombre de questions relatives aux eonstituantsphysiques du eorps touchent done à Ia philosophie naturelle. La médecinesalemitaine est marquée, notamment, par un important débat sur Iamatiêre premiêre (hyle). Le lien avec Ia psychologie est tout aussiévident: I'influenee des aeeidents de l'âme (les passions) sur le eorps etleur origine hybride, les opérations des facultés mentales sont autant dudomaine de Ia philosophie que de Ia médecine. Ces thêmes eonstituentsouvent des sujets de questions.

Les disputes offrent non seulement un cadre privilégié pour que s'exercent

•• Taddeo Alderotti ...• p. 326-327.17 Éd. Lyon, 1498, I. I. fen 1, d. 4. c. 1.

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312 CHAPITRE III

les infiuences, mais aussi pour qu'apparaissent les points de rupture entrephilosophes et médecins. L'un des exemples les plus spectaculaires futsans doute Ia controverse, née au XllIe siêcle, sur l'existence et le rôlede Ia semence féminine. Au delà de Ia reconnaissance d'un processusphysiologique, Ia place attribuée à Ia femme d'un point de vue philosophiqueet social était en cause. D'oú l'âpreté du débat qui opposa les partisansd'Aristote à ceux de Galien et permit aux médecins de s'affranchir -plus ou moins selon leur personnalité - de Ia tutelle philosophique.

La réflexion sur le mode d'action des médicaments, au centre desdébats dans Ia plupart des universités, offre, en dépit d'approches parfoisdifférentes, une occasion de rencontre entre diverses disciplines.Précisons, en simplifiant à l'extrême, les données du problême. Selon Iareprésentation de Ia pathologie médiévale, le médicament doit agir surune humeur ou sur une complexion, c'est-à-díre sur un corps ou un étatcaractérisés par l'association de deux qualités (froide ou chaude, humideou sêche). Comme toute substance du monde physique, le médicamentest aussi affecté de deux qualités. La détermination de son action devientparticuliêrement délicate, lorsqu'il est lui-même constitué de plusieurssubstances aux qualités, soit contraires, soit d'intensité (ou degré) différente.L'application du juste remêde dépend donc de l'instauration d'uneadéquation entre deux mélanges: celui qu'il faut modifier, celui qui doitagir. Les questions sur le mode d'action des médicaments, ainsi que ledémontrent pIusieurs études récentes 88, sont donc étroitement liées àdes considérations mathématiques (sur les proportions, par exemple) età une problématique physico-philosophique (statut des éléments contenusdans un corps mixte, latitude des formes etc.)

D'un point de vue général, les implications philosophiques des questionsmédicales se trouvent le plus largement illustrées dans les textes d'origineitalienne. Le fait que Ies arts et Ia médecine y furent, jusqu'à une datetardive, enseignés dans une même Faculté 89, facilita sans doute lespassages d'une discipline à l'autre. 11 est même parfois difficile dedéterminer si certains sujets furent disputés dans le cadre de l'enseignementdes arts ou de Ia médecine; c'est le cas, notamment, de questionsattribuées à des maitres, connus par ailleurs pour leurs positions averroístes.

li Outre les travaux de Michael Mc Vaugh que nous avons cités, cf. G. FEDER I IVES OVI I, ooArtiooe filosofia nel seeolo XIV. Florence, 1983.

•• Les statuts bolonai de 1405 témoignent encore de ce lien; ils sont intitulés: tatutanova Univer. itatis scolarlum scientte medi ine el artium generatis studii civuatls Bononie.

DOMAlNES DE L'HISTOIRE 313

Nous renvoyons sur ce point aux travaux fondamentaux d'AnnelieseMaier 90.

Les questions disputées peuvent aussi renseigner, de façon privilégiée,sur Ies rapports entre astrologie et médecine. Les principaux thêmes sontofferts par l'action des astres sur Ia cause de Ia crise et, par voie deconséquence, sur Ia prescription de Ia purgation ou de Ia saignée. Lechoix du moment favorabIe à cette derniêre forme l'un des points favorisde divergence entre les praticiens; un curieux exempIe est fourni par Iacontroverse qui opposa au XVe siêcle Roland l'Escripvain et LaurentMusche, et qui nécessita l'arbitrage d'un maitre en théoIogie et d'unastrologue, sous l'autorité du recteur de l'Université de Paris. Le textede Ia controverse constitue un étonnant mélange entre Ia technique deIa dispute et celle d'un arbitrage de type judiciaire 91.

3. THÉORIE ET PRATIQUE

Les questions disputées appartiennent, par leur nature même, audomaine de Ia spéculation, du raisonnement. Les définitions médiévalessubdivisent unanimement Ia médecine en théorie et pratique. L'une etl'autre de ces branches du savoir médical font l'objet de disputes. Lesquestions consacrées à Ia "pratique" ont une forme tout aussi "théorique"que les autres. La seule différence releve du sujet traité: sont considéréescomme du domaine de Ia pratique Ia sémiologie et.les rêgles thérapeutiques.Citons l'intitulé d'une question bolonaise du XIVe siêcle, in practica:Utrum evacuatio facta a farmaco facilius proprii humoris fiat a virtute propriaillius farmaci aut a virtute naturali expu/siva corporis vel membrorum 92. 11ne s'agit aucunement de discuter du bien-fondé d'un procédé, mais deréfléchir sur le processus général de l'évacuation.

L'un des domaines de Ia science médicale qui semble avoir le moinssuscité de disputes concerne Ia description anatomique. Excepté lesquestions classiques sur l'origine des veines ou des nerfs, sur Ia continuitéde Ia moelle épiniêre et du cerveau, il y a peu de place pour uneargumentation logique en anatomie. Les faits d'observation, que Iadissection médiévale ne commence que maladroitement à révéler, imposent

•• A. MAIER, An der Grenze von Scholastik und Naturwissenschaft. Rome, 1952, p. 81, 103-104.

91 T. CHARMASSO .L'établissemem d'un almanaeh médieal pour l'année 1437, dans Comptesrendus du 99< Congrês national des Soeiétés savantes, fase, V. Paris, 1976, p. 217-234.

91 M . ~scurial, f. I 4, f. 6rb-7ra.

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314 CHAPITRE III

lâ ses limites au raisonnement scolastique. Ces limites ne manquêrentpas d'être perçues par Ies maítres-mêmes qui recoururent à Ia pratiquede I'argumentation Iogique et qui en usêrent à outrance. Dans son prologueà Ia Practica de febribus, formée en grande partie de questions, TaddeoAlderotti blâme I'apparentia sophistica des discussions médicales, tout enprivilégiant Ie recours à Ia disputatio pour Ia recherche de Ia vérité 93. Enformulant cette opinion ambiguê, il tente d'élargir Ia place tenue, dansIe cadre même de Ia dispute, par une argumentation fondée sur Ies faitsde Ia pratique. En effet, bien que dans une moindre mesure que d'autresgenres médicaux, Ies questions disputées peuvent offrir, parmi Ies argu-ments, quelque description concrête d'une maladie ou Ia référence à descoutumes alimentaires, à des croyances ou superstitions, à des traitementsusités par un confrêre savant ou un empirique qui sont susceptibles defournir des sources de premiêre maio à I'historien 94. Mais, si l'on poseJe problême des liens entre Ia théorie et Ia pratique 95, il s'avêre que cesfaits d'expérience, invoqués au sein d'un genre fondé sur Ie raisonnement,Ia Iogique et sur Ia Iecture des autorités, ne peuvent être décisifs pourI'adoption d'une soIution. Les questions chirurgicales qui nous sontconservées traitent davantage des causes que du déroulement d'uneintervention. Ce n'est pas Ie lieu de reprendre Ie thême des rapportsentre raison et expérience au Moyen Age, mais on peut souligner combienIa question disputée illustre ce qui sous-tend I'ensemble de Ia recherchemédiévale, à quelques exceptions prês : Ies faits d' expérience et I'observationsont représentés, mais ils ne servent pas à détruire une théorie préétablie,peut-être en raison même du raffinement de I'argumentation scolastique.Si cette derniêre permet de surmonter certaioes contradictions, de proposerdes distinctions fécondes et de cemer Ies différentes implications d'unproblême complexe, elIe aide aussi, grâce à quelque tour de force Iogique,à intégrer toute observation aberrante au sein d'un systême cohérent.L'appel Iancé par Roger Bacon, vers 1260-1270, pour mettre en gardecontre cet étouffement de I'expérience par un raisonnement qui entraine

93 N. SIRAISI, Taddeo Alderotti ..., p. 245 .•.•D. JACQUART, Les IZUvres médicales du Moyen Age comme sources de l'histoire, dans

L'histoire des sciences et des techniques doit-elle intéresser les historiens? (Colloque organisépar Ia Société française d'histoire des sciences et des techniques, en mai 1981). Paris,1982, p. 147-158 .•s Sur ce point nous renvoyons à l'articJe fondamentaJ de Guy BEAUJOUAN, Réflexions

sur les rapports entre théorie et pratique au Moyen Age, dans The cultural context of medievallearning. Dordrecht-Boston, 1975 (Boston studies in the philosophy of science, vol. XXVI),p. 437-484.

DOMAINES DE L'HISTOIRE 315

Ies médecins "à chercher toujours mais à ne jamais trouver Ia vérité",ne fut guêre entendu:

Tertius defectus est quod vulgus medicorum dat se disputationibusquestionum infinitarum et argumentorum inutilium, et non vacat experientieut oportet. Ante triginta annos non vacabant nisi experientie, que solacertificat; sed nunc per artem topicorum et elencorum multiplicantquestiones accidentales infinitas, et argumenta dialectica et sophisti ainfinitiora, in quibus absorbentur ut semper querant et nunquam inveniantveritatem. lnventio enim est per viam sensus memorie et experientie, etmaxime in practicis scientiis, quarum una est medicina 96.

La façon dont Ies maitres traitent de Ia pratique dans Ieur disputelaisse peu de place à I'expression d'une technique, d'un savoir-faire, 11serait cependant dangereux d'étendre cette constatation aux autres sourcesmédicales ou chirurgicales: bien des nuances se révêlent à I'analyse. Lcgenre de Ia dispute constitue de ce point de vue Ia limite extrême dudéveloppement doctrinal: s'il peut montrer comment Ia représentationthéorique induit I'intervention pratique, il fait en grande partie,obstac1eau cheminement inverse.

•• A.G. LITTLE et E. WITHINGTON, Opera hactenus medita Rogeri Baconi, vol. XIV.Oxford, 1928, p. 154. Passage cité et commenté par M.Mc VAUGH, Aphorisml de gradt-bus ..., p. 31-32.

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Déjà paru:

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jour par J.L. Lemaitre 2-503-36004-15: R. Noêl, Les dépôts de pollens fossiles / 1972 / 96 p. + diagr. H.T. + 18 p. mise

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38: J. Richard, Les récits de voyages e/ de pélerinages / 1981 / 88 p. + 6 p. miseà jour 2-503-36038-6

39: E. Poulle, Les sources astronomiques : textes, tables, instruments / 1981 / 88 p.2-503-36039-4

40: C. Bremond, J. Le Golf, J.-c. Schmitt, L' "exemplum" / 1982 / 168 p.2-503- 36040-8

41: J. Gilissen, La coUlume / 1982 / 122 p. 2-503-36041-642: M. Pastoureau, Jetons, méreaux e/ médailles / 1985 / 48 p. 2-503-36042-443: P. Brommer, "Capitula episcoporum", Die btschôfiichen Kapitularien des 9. und

10. Jahrhunderts / 1985 / 71 p. 2-503-36043-244-45: B.C. Bazàn, J.W. Wippel, G. Fransen et D. Jacquart, Les questions disputées

et les questions quodlibétiques dans les facultés de Théologie, de Droit e/ deMédecine / 1985 / 318 p. 2-503-36044-0

ISBN 2-503-36000-9I BN 2-503-36044-0

Imprimé par les Usines Brepols S.A. - Turnhout (Belgique)Dépôt légal: D/1985/0095/24

Page 162: Bazàn, Wippel, Fransen et Jacquart. Les Question Disputées Et Les Questions Quodlibétiques Dans Les Facultés de Théologie, De Droit Et de Médecine

TYPOWGIEDES SOURCES DU MOYEN ÂGE OCCIDENTAL

A-III,l*; A-V, C,6* et D,2*(L'astérisque signifie que d'autres notices relêvent également du sous-groupe indiqué)

EXTRAITDE LA CLASSIFICATION GÉNÉRALE

A. Sources écrites

III. SOURCES JURIDlQUES

1. Normatives (...)

V. SOURCES DE L'HlSTOIRE DE LA PENSÉE

C. SOURCES PHlLOSOPHlQUES ET THÉOLOGIQUES

(...)6. Disputes sco/aires

D. SOURCES SCIENTIFIQUES (AU SENS RESTREINT)

(...)2. Productions de /'activité sco/aire et universitaire

(...)

(...)