Bensouda Korachi Taleb - Vers La Privatisation Des Terres Le Rôle de l'Etat Dans La Modernisation Des Régimes Fonciers Au Maroc

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    Vers la privatisation des terres : le rle de l'Etat dans la

    modernisation des rgimes fonciers au MarocBensouda Korachi Taleb

    Directeur des amnagements fonciers, Ministre de l'agriculture, Rabat

    Une tendance nette est apparue au Maroc en faveur de la privatisation des terres domaniales,collectives et de celles statut religieux. Cette tendance est encourage par des politiques et desprogrammes de l'Etat. Les encouragements du gouvernement la privatisation incluent des effortsde rationalisation du processus d'immatriculation afin de le rendre plus ouvertement accessible ;l'adoption des politiques visant rduire le morcellement et minimiser l'indivision (droits encommun) des exploitations prives afin d'en maintenir la rentabilit ; la standardisation et la

    rgulation des baux ruraux ; et la transformation des terres collectives et des terres statut religieuxen exploitations prives. L'observation du comportement des producteurs ruraux rvle unehsitation de la part des tenanciers des terres collectives, si on les compare aux tenanciers privs, entreprendre des amliorations foncires, des projets de construction et de plantation. Cela est d une plus grande scurit de tenure des titulaires privs, lie au fait qu'ils ne sont pas limits dansleur prise de dcisions concernant les stratgies de production et qu'ils ont un meilleur accs aucrdit.

    Historique du pays

    Milieu physique et occupation du solLe Maroc comprend quatre grands ensembles agro-climatiques : le Maroc atlantique, aux plaines et

    plateaux fertiles ; les zones de montagne du Rif et de l'Atlas; les hauts plateaux du Maroc oriental;et le domaine pr dsertique saharien couvrant 64 pour cent du territoire national.Au Maroc, les prcipitations, gnralement modestes, sont extrmement irrgulires au cours d'unemme anne ou d'une anne l'autre. La plus grande partie du pays reoit moins de 500 mm. Ausud de l'Anti-Atlas, la pluviomtrie tombe moins de 100 mm.La superficie totale du pays est estime 71 millions d'hectares ainsi rpartis : 9,2 millionsd'hectares de surface agricole utile (SAU), 5,8 millions d'hectares de fort, 3,2 millions d'hectaresde nappe alfatire, 21 millions d'hectares de parcours, et 31,8 millions d'hectares incultes. La SAUreprsente donc environ 13 pour cent de la surface totale, mais elle connat une augmentationsensible au dtriment des zones rserves au parcours. Ainsi, les surfaces cultives sont passesde 5 849 700 ha en 1980 7 393 500 ha en 1990 (Ministre de l'agriculture et de la mise en valeuragricole).La surface irrigue de manire prenne couvre 800 000 ha reprsentant 10 pour cent de la SAUalors que le potentiel irrigable est estim 1 300 000 ha. Le reste de la SAU est constitu par leszones agriculture pluviale - le bour- dont le potentiel de production est li la pluviomtrie et sarpartition.

    Population et emploi en milieu ruralLa population du Maroc a t estime en 1993 26 millions d'habitants dont 12,9 millions vivent enmilieu rural. Depuis 1960, la part relative de la population rurale ne cesse de dcrotre. La populationtotale a connu durant les deux dernires dcennies un taux de croissance annuel de 3 pour cent,mais ce taux n'atteint que 1,7 pour cent pour la population rurale, en raison essentiellement d'un fortexode vers les agglomrations urbaines. Malgr la baisse relative, la population rurale continuera

    augmenter en valeur absolue.Les tudes statistiques ralises en 1986-1987 sur l'emploi en milieu rural ont montr que 43,5 pourcent de la population rurale tait active et que le taux d'occupation, (nombre d'actifs occups

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    rapport au nombre total des actifs) atteignait 95 pour cent. Le chmage tait donc faible. Leproblme demeure celui du sous-emploi qui intresse 23 pour cent de la population ge de plusde 15 ans. D'autre part, en 1992, on a estim que le secteur agricole fournissait plus de 50 pour centde l'emploi total du pays.

    Les principaux indicateurs conomiquesLa production agricole reprsentait en 1991 prs du cinquime du produit national brut (PNB) duMaroc. La part relative du PNB attribuable l'agriculture subit des fluctuations importantes liesprincipalement aux conditions de pluviomtrie. Ainsi, la production agricole reprsentait moins de15 pour cent du PNB en 1981, anne marque par un important dficit pluviomtrique.En ce qui concerne les changes extrieurs agricoles, l'volution de la balance agricole durant ladcennie 1982-1992 montre que le solde a t dficitaire durant une premire priode allant jusqu'en1985, priode frappe par une srie de campagnes agricoles particulirement sches. Les annes1987-1990 ont connu un rtablissement de la balance avec un solde bnficiaire croissant.Toutefois, les annes 1990-1992 n'ont pas connu la consolidation de cette tendance, le solde tantredevenu dficitaire la suite, notamment, des annes de scheresse en 1991 et 1992 et desrestrictions l'importation imposes dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) applique

    par les pays de la CE.En 1983, le Maroc a entam un programme de restructuration conomique profonde en vue dertablir les quilibres globaux de la balance des paiements, de la balance commerciale et desfinances publiques. La toile de fond de cette restructuration est la privatisation de l'conomienationalise peu aprs l'Indpendance et la libralisation du commerce.

    La politi que de dveloppement agricoleLa stratgie de dveloppement retenue par les premiers plans de dveloppement conomique etsocial ( partir de 1960) a accord une grande place l'irrigation en tant que facteur technique pourasseoir une agriculture non alatoire, susceptible de contribuer pour une bonne part la satisfactiondes besoins alimentaires de base. Depuis lors, la politique d'irrigation n'a cess de gagner del'importance. Ainsi, l'objectif a t formalis dans le Programme national d'irrigation (1993-2000)

    d'irriguer 1 million d'hectares l'horizon 2000 dans le cadre de la politique des grands barrages.En ce qui concerne les zones d'agriculture en sec, les actions sectorielles qui y ont t menesdepuis l'Indpendance n'ont permis d'atteindre que des objectifs limits. Une nouvelle stratgied'intervention dans ces zones fut par consquent mise en uvre partir de la fin des annes 70.Le modle retenu consiste entreprendre dans des zones bien dlimites des interventionsconcourant au dveloppement de ces zones, dans le cadre de projets de dveloppement intgr(PDI). Ces projets prennent en compte l'ensemble de l'activit de l'exploitation agricole situe dansson environnement conomique et social. Les PDI ont port sur une superficie de 2 284 000 haintressant 233 000 agriculteurs drainant un investissement de 3,5 milliards de dirhams (DH).Dans les zones de parcours, l'Etat a entrepris, partir des annes 70, des programmesd'amlioration pastorale concernant 33 primtres totalisant une superficie de 700 000 ha. Onzeprimtres ont t crs et dlimits par dcret ce jour, sur lesquels des oprationsd'ensemencement, de plantation d'arbustes fourragers, de travaux du sol et de mise en dfens ontt ralises sur une superficie d'environ 55 000 ha.Des programmes de reboisement et de conservation des ressources forestires et de sols sont aussien cours. L'objectif de ces programmes est de compenser le dboisement auquel les forts sontsoumises (les prlvements directs en combustibles ligneux sont trois fois suprieurs auxpossibilits de la fort) et de freiner la dgradation des sols due l'rosion.La mise en uvre de l'ensemble de ces programmes et des autres actions que mne le Ministrede l'agriculture et de la mise en valeur agricole dans le monde rural a ncessit la mise en place destructures d'intervention et d'encadrement. Le Ministre a en outre entrepris des actions d'appuidans tous les domaines se rattachant la production agricole, notamment en matire definancement, de subvention, de prix, de recherche, de vulgarisation et de formation.

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    Les rgimes fonciers

    Le systme foncier marocain

    Le systme foncier marocain se caractrise par une pluralit de statuts juridiques de la terre qui sesont constitus tout au long de l'histoire du pays. Quatre grandes tapes de la formation du systmepeuvent tre distingues : avant l'Islam, avec l'Islam, sous le protectorat, et depuis l'Indpendance.

    Avant l' Islam.Le rgime foncier dominant tait la terre de tribu dont l'tendue et la localisationdpendaient de la charge dmographique, de la capacit du groupe tribal asseoir et maintenirsa domination sur le territoire, et des conventions passes avec les tribus voisines. La propritprive tait confine dans quelques valles et oasis. La terre n'tant pas rare, elle appartient latribu pour autant que celle-ci ait des hommes pour l'occuper et qu'elle dispose de la force militairencessaire pour la prserver contre les invasions.

    Avec l' Islam.La conqute musulmane s'accompagne de transformations foncires importantes. Sur

    toutes les terres de conqute, une distinction est faite entre la proprit minente (raqaba) etl'usufruit (intifaou menfa). Le droit minent appartient la communaut musulmane (oumma) etest exerc par le souverain au nom de la communaut. L'usufruit est accord aux occupants desterres en tant que groupe social : la tribu.La progression de l'Islam s'est traduite par une adoption massive de la nouvelle religion par les tribusautochtones. La soustraction de ces tribus au rgime fiscal de kharaj- une taxe impose sur lesnon-musulmans en contrepartie de l'usufruit des terres - a eu pour consquence une baisse desrentres fiscales de l'Etat. Cette situation a amen ce dernier procder une rforme d'importancehistorique consistant dclarer les terres encore soumises l'impt de kharaj, terres de kharajtitre dfinitif.A partir de cette rforme, on distingue trois catgories de statuts fonciers :

    Les terres melk1constitues de terres acquises par les conqurants arabes par voie decolonisation, par voie d'achat, ou par conversion des tribus autochtones intervenue avant larforme.

    Les terres de kharajconstitues de toutes les terres appartenant des non-musulmans ladate de cette rforme. Ce sont essentiellement les terres de tribu qui prendront plus tard ladnomination de terres collectives.

    Les terres de l'Etat constitues par les immeubles sans matre, les terres conquises ouconfisques, ainsi que les terres tombes en dshrence, sur lesquelles le pouvoir central aopr des concessions et des attributions, soit des tribus guich2 (en contrepartie deservices militaires), soit des fondations religieuses, soit des notables locaux ou desreprsentants du pouvoir central.

    Sous le protectorat.A la fin du sicle dernier, des changements importants sont intervenus dansles rapports fonciers suite la pntration europenne. Le mouvement de colonisation avait djcommenc avant l'instauration du protectorat franais, mais ce n'est qu' partir du moment o lesfranais eurent de l'emprise sur le pouvoir que la vraie colonisation s'amora par la confiscation,l'installation de primtres de colonisation, aussi bien sur les terres rclames par l'Etat que sur lesterres collectives, et par des achats privs de terres melk. Ce mouvement fut renforc par l'arriveen grand nombre de colons d'Algrie ayant dj l'exprience de l'agriculture en Afrique du Nord etdisposant en gnral de capitaux importants. Vers la fin du protectorat, les colons avait occup

    1Le terme melksignifie la proprit prive de type individuel. Sa singularit sera explique un peu plus loin.

    2Le guichest un phnomne trs ancien au Maroc. Pour s'assurer des contingents fidles, les sultans avaient rparti la

    plupart des terres entourant les grandes villes du Maroc entre un certain nombre de tribus dites guich, par altration duterme djich(troupe arme).

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    environ 1 million d'hectares, soit prs d'un cinquime des terres cultivables et, en gnral, lesmeilleures.Paralllement cette installation, l'Etat colonial entreprit de mettre en place l'arsenal juridiquencessaire pour lgaliser l'occupation des terres par les colons. C'est ainsi qu'il tendit le domainede l'Etat, en y distinguant le domaine public et le domaine priv de l'Etat, restaura et renfora latutelle de l'Etat sur les terres collectives et instaura le rgime de l'immatriculation foncire pourgarantir les droits des acqureurs.Un nouveau systme d'immatriculation des immeubles fut donc institu, inspir de l'Acte Torrensaustralien, aboutissant l'inscription sur les livres fonciers qui seule tablit et constitue le droit deproprit et tout autre droit rel sur l'immeuble concern. La dcision d'immatriculation, enproduisant un effet de purge juridique des droits antrieurs, rend le titre foncier dlivr dfinitif etinattaquable. Une fois cette immatriculation accomplie, l'immeuble est irrvocablement soumis auCode foncier des immeubles immatriculs promulgu en 1915.En outre, et dans le double objectif de protger la proprit coloniale et de retenir la paysannerie la campagne pour limiter l'exode rural et les dangers de l'urbanisation, un dispositif juridique deprotection des terres de tribu, dites terres collectives, fut mis en place. Ainsi, le dahir (dcret) du 27avril 1919 relatif ces terres, les rend inalinables, insaisissables et imprescriptibles.

    Malgr les empitements ultrieurement autoriss sur ces terres, ces dispositions ont t efficacesdans la mesure o prs de 10 millions d'hectares de terres collectives, dont 1 million de terrescultivables, ont t prservs contre les dmembrements. Cependant, les collectivits sontmaintenues dans un tat de dpendance totale et soumises la tutelle de ladministration : lesjemaqui les reprsentent (assembles des dlgus) ne peuvent prendre aucune dcision importantesans son autorisation.Ainsi, la veille de l'indpendance du pays, le rgime foncier institu par la colonisation secaractrise par l'mergence de la grande proprit prive capitaliste dont le droit de proprit estgaranti par l'instauration de l'immatriculation foncire et le cantonnement de la grande masse de lapaysannerie marocaine sur des terres collectives. En plus, ces terres collectives, malgr les mesuresde protection dont elles font l'objet, vont connatre diverses formes d'appropriation de la part descolons, de certains notables, de melkites riverains, ou des ayants droit mieux placs que les autres.

    La proprit melk s'tend ainsi au dtriment des autres statuts fonciers et se consolide parconcentration et par introduction de processus de production capitalistes.

    Depuis l'Indpendance. En 1956, aprs l'Indpendance, le Maroc entreprit la rcupration dupatrimoine foncier dtenu par les colons. Dans le cadre de la rforme agraire, une partie dupatrimoine rcupr des anciens colons fit l'objet de redistribution de petits agriculteurs et despaysans sans terre (80 pour cent des distributions se sont faites entre 1971 et 1980). La gestion del'autre partie a t confie dans un premier temps l'administration, puis des socits d'Etat cres cet effet.Pour sauvegarder la productivit des terres attribues, les bnficiaires des distributions ont tregroups en coopratives ayant pour objet de faciliter l'exploitation des lots, notamment en assurantles travaux mcaniques, l'approvisionnement en facteurs de production et la commercialisation de

    la production. Afin d'viter tout morcellement ultrieur, les lots attribus sont dclars, en vertu dedispositions lgales particulires (dahir n 1.72.277 du 29 dcembre 1972) impartageables,inalinables sauf au profit de l'Etat et insaisissables. Au dcs de l'attributaire, un seul de seshritiers prend possession du lot, charge pour ce dernier d'indemniser de leurs droits les autrescohritiers.Ainsi, le dmantlement du secteur de la colonisation donne naissance deux statuts fonciersnouveaux : le statut de la rforme agraire et le statut des terres domaniales gres par des socitsd'Etat. Nanmoins, il est noter qu'en termes de superficie ces nouvelles catgories - quis'appliquent moins de 2 pour cent de la SAU3- restaient insignifiantes par rapport aux terres sousun statut de melk priv (81 pour cent de la SAU) ou de terres collectives (11,9 pour cent).L'une des premires lignes de force du dveloppement agricole du Maroc indpendant a tl'extension de l'irrigation, qui s'est concrtise dans la politique des grands barrages, et dont l'objectif

    3Ces chiffres, ainsi que les deux suivants, proviennent du Recensement agricole 1973/1974.

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    tait d'irriguer 1 million d'hectares. Le modle mis au point pour atteindre cet objectif comporte uneimportante composante concernant le rgime juridique des terres situes dans les primtresd'irrigation.Les pouvoirs publics ont constat les obstacles aux conditions ncessaires une mise en valeurintensive dans le cadre des terres collectives, des terres guichet des terres habous4: la diversit destatuts juridiques, les morcellements excessifs, les proprits conscutives aux dvolutionssuccessorales et l'existence de modes de faire-valoir indirects dont la prcarit dcouragel'investissement. Le principe adopt tait que la proprit prive immatricule constitue le statut leplus dynamique et le plus adquat une modernisation des processus de production. Les pouvoirspublics ont ainsi labor une politique foncire novatrice et axe sur la substitution de formesmodernes de proprit et d'exploitation aux institutions traditionnelles, dont les principes gnrauxsont :

    Les terres collectives de culture sont transformes en terres melk (prives) pouvant treloties et attribues aux ayants droit en pleine proprit.

    La proprit des terres de habous public est transfre l'Etat. Le morcellement des terres en parcelles de superficie infrieure cinq hectares est interdit.

    Les baux ruraux sont rglements et seule la location faisant l'objet de contrats crits etenregistrs est admise, les autres formes d'association part de rcolte tant prohibes. L'immatriculation d'ensemble est instaure.

    Ces transformations d'ordre juridique sont accompagnes de mesures d'incitation l'investissement(crdit et subventions), qui permettent l'ouverture des exploitations la modernisation. Larorientation des efforts de l'Etat en matire de dveloppement agricole vers les zones d'agriculturepluviale (zones bour), amorce ces dernires annes, s'accompagne d'une extension de cestransformations juridiques ces rgions.Le sens de l'volution actuelle laisse prvoir, dans un avenir proche, un rgime foncier unifi etsimplifi dans lequel ne subsisteront que deux catgories de terres : les terres du domaine public etla proprit prive.

    Quelques caractristiques des rgimes fonciers marocains

    Les terres melkSelon le recensement agricole de 1973-1974, les terres sous statut melkcouvrent 74,3 pour cent dela SAU totale au niveau national, terres sur lesquelles sont situs 89 pour cent de l'ensemble desexploitations ayant de la SAU. La superficie moyenne par exploitation, trs faible, ne dpasse pas4,10 ha et la terre est ingalement rpartie entre les exploitations.

    L'indivision. L'indivision est la situation juridique o au moins deux personnes sont titulaires encommun de droits de mme nature exercs sur un mme bien ou sur un mme ensemble de biens,

    sans qu'il y ait division matrielle de leurs parts. La proprit melkindividuelle est souvent menacede tomber dans l'indivision et ce, suite l'application de la loi successorale du droit musulman. Eneffet, la proprit melkindividuelle n'est qu'une situation provisoire, et celles qui rsultent d'un achatrcent tomberont inluctablement dans l'indivision au dcs de l'acheteur.Les effets de telles situations sont gnralement ngatifs. D'abord, il existe une incertitudeconcernant les exploitations relles constituant la proprit indivise. Ensuite, il y a une confusionquant au titulaire du pouvoir de dcision. Enfin, si elle arrive viter ou retarder le morcellement,l'indivision ne peut pas viter le partage de revenus.Les statistiques relatives l'indivision des terres melkne sont pas disponibles au niveau national.Cependant, des enqutes rgionales en ont rvl l'importance grandissante. A titre d'exemple,

    4Le habousest une institution de droit musulman qui se prsente sous la forme d'un bien qu'un donateur peut destiner

    au service d'une oeuvre religieuse charitable, humanitaire, sociale, voire mme d'esthtique publique. Cette catgorie deterres ne reprsente que 1,2 pour cent de la SAU du Maroc. Ces terres peuvent voluer en d'autres formes de proprit:elles peuvent faire l'objet de titres privs des dvolutaires. Ces derniers en auront la pleine jouissance jusqu' l'extinctionventuelle de leur descendance; dans ce cas le bien est vers dans le patrimoine de habouspublic

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    dans la rgion du Gharb, le nombre de proprits dans l'indivision reprsente en moyenne 62 pourcent du nombre total de proprits de la rgion. Cette moyenne atteint 80 pour cent dans les grandesexploitations.L'intensit de l'indivision, nombre moyen d'indivisaires par proprit indivise, y est de 7,36, maisvarie entre 5 et 20 selon les secteurs et selon la dimension des exploitations. La part moyenne parindivisaire, qui est de 1,09 ha, est largement infrieure la superficie de l'exploitation supposeviable.

    Le morcellement des terres melk.Les terres melk, en tant que proprit prive, sont les seulessusceptibles de dvolution successorale. Qu'elles soient immatricules ou non, les terres melkrelvent des rgles de transmission successorale institues par la chari'a et reprises par lamoudawana, Code du statut personnel marocain. Les partages portent sur toutes les parcelles desproprits du dcd et la rpartition des quotes-parts des hritiers est effectue en tenant comptedes diffrences de qualit des sols, des cultures en place, et des avantages de localisation desparcelles.Il ressort du recensement agricole de 1973/1974 que la SAU, estime l'poque 7,2 millionsd'hectares, est rpartie en 8,8 millions de parcelles qui, ramenes au nombre d'exploitations (1 467

    000), donne un nombre moyen de parcelles par exploitation de six et une superficie moyenne parparcelle de 0,8 ha. Toutes les catgories d'exploitations sont touches par le morcellement, lenombre moyen de parcelles par exploitation variant entre 5,48 pour les trs petites exploitations prs de 10 pour les trs grandes. Cette situation, qui prvalait il y a 20 ans, a certainement d voluerdans le sens d'une aggravation.

    Les terres collectives et guichAvec les mutations subies par la socit tribale, les tribus ont procd progressivement desmodifications du mode de gestion et de fonctionnement des terres collectives. Ainsi, les terrescollectives de parcours demeurent franchement communes, l'usage de tous les membres dugroupement, sans qu'aucune limite ne leur soit assigne. Par contre, les terres cultivables de cettecatgorie font l'objet d'une rpartition prcise par tente ou par famille.

    La superficie totale des terres collectives au Maroc s'lve environ 10 millions d'hectares. Selonle recensement agricole de 1973/1974, la superficie des terres collectives cultivables s'lve 1 009900 ha exploits individuellement ; la superficie restante, de l'ordre de 9 000 000 d'hectares, estdestine au parcours et est exploite en commun. De nos jours, ces terres collectives sont rgiespar une srie de textes lgislatifs et rglementaires5.Cependant, les terres collectives de parcours, qui sont souvent des terrains revtant un caractremarginal pour les cultures annuelles, sont exploites en commun, sans aucune division pralableentre les membres de la tribu. La jouissance pastorale est rgie par la coutume et le mode de gestiondes parcours reste assujetti aux dcisions de la collectivit.A l'origine, la superficie totale des terres guich(voir note 2, p. 74) s'levait 768 705 ha.Actuellement, cette superficie atteint peine 208 783 ha, presque 73 pour cent de la superficieinitiale du guichayant chang de statut et ayant t intgre aux autres statuts, notamment le melkpriv, le collectif et le domanial. Actuellement, ces terres reprsentent 4,4 pour cent de la SAUnationale et englobent 2,9 pour cent des exploitations.Gnralement, le partage des terres collectives entre les ayants droit est bloqu au niveau des terressitues dans les primtres d'irrigation et celles situes en zone bour favorable6. La conclusion quel'on peut tirer est que le statut des terres collectives volue irrmdiablement vers le statut priv.

    5Les principaux sont: le dahir du 27 avril 1919 qui constitue la charte principale des terres collectives situes en zone

    bour; le dahirdu 18 fvrier 1924 portant rglement spcial pour la dlimitation des terres collectives; la circulaire n 2977INT/DA/CD en date du 13 novembre 1957 qui vise uniformiser les conditions d'ligibilit une part sur le collectif, lesmodalits des partages et leur priodicit; et le dahirn 1-69-30 du 25 juillet 1969 relatif aux terres collectives situes dansles primtres d'irrigation6

    Voir, par exemple, le dahirportant loi n 1.69.30 du 25 juillet 1969 relatif aux terres collectives situes dans les primtresd'irrigation. Cette loi renforce la stabilisation des ayants droit sur leurs lots en bloquant dfinitivement le partage des terresirrigues.

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    Toutes les pratiques de fait et de droit (occupations, amliorations, etc.) sont utilises pour montrerque la terre est approprie et devient prive.

    Les terres habousLe habous(voir note 4, p. 75) est aussi une institution en voie de disparition. Par exemple, le dahirn 1-69-28 du 25 juillet 1969 transfert l'Etat la proprit des terres agricoles ou vocation agricoleconstitues en habous, situes l'intrieur des primtres d'irrigation. Le dahirdu 8 octobre 1977autorise le Ministre des habous procder la liquidation de certains immeubles habousprivs et prlever le tiers de leurs prix. Les terres habousne reprsentent que 1,1 pour cent de la superficiecultivable du pays.

    Le rgime foncier des terres distr ibues dans le cadre de la rforme agraireEn 1965, une tude fut entreprise pour dterminer les formes de distribution adopter dans le cadred'une opration plus importante, intervenant aprs la premire rcupration par l'Etat des terresdtenues par les colons. La formule retenue pour ces distributions est la distribution de lotsindividuels en proprits suffisamment grandes pour assurer le plein emploi de la main-duvrefamiliale. Cette formule visait aussi l'intgration des propritaires dans le cadre de coopratives.

    En outre, en 1972, fut introduite l'attribution de lots collectifs dont la proprit et l'exploitationdevaient tre assures de faon collective entre tous les attributaires d'un mme lotissement.La superficie totale distribue dans la cadre de la rforme agraire s'lve 320 000 ha et a bnfici 24 000 attributaires regroups dans 725 coopratives. Les distributions opres entre 1971 et1980 reprsentent prs de 80 pour cent de la superficie totale distribue. La taille moyenne des lotsdistribus a oscill entre 5 ha dans les primtres irrigus et 25 ha dans les zones bourdfavorables.Par souci de maintenir l'unit des exploitations attribues, et d'viter leur transfert des personnesne remplissant pas les conditions requises pour en bnficier, les lots sont dclars impartageables,insaisissables et incessibles, sauf au profit de l'Etat. En cas de dcs de l'attributaire initial, le lotdoit tre dvolu un seul de ses hritiers, charge pour lui d'indemniser les cohritiers du montantde leurs droits. En cas de non-respect de ces interdictions et obligations, l'attributaire est passiblede dchance de son droit sur le lot, ce dernier faisant retour l'Etat en vue de le rattribuer une

    autre personne.

    Les terres du domaine priv de l'EtatOrigine et importance foncire. L'Etat, grce aux actes lgislatifs de rcupration, d'expropriationet de transfert des terres, a dispos dans son patrimoine foncier de terres agricoles ou vocationagricole d'une superficie de 1 039 685 ha. De ce patrimoine foncier, plus de la moiti (576 198 ha)a t distribue ou affecte ; le cinquime (216 469 ha) est class non mobilisable court terme ;et environ le quart (247 018 ha) a t affect aux socits d'Etat. Pour ce qui est des terres grespar les socits d'Etat, leur caractristique principale rside dans la nature de cette gestion qui,malgr les efforts entrepris pour en intensifier la mise en valeur, revt un caractre administratif etbureaucratique.

    Les modes de faire-valoirUn des traits les plus communs de l'conomie rurale de l'Afrique du Nord est la dissociation entreproprit foncire et exploitation agricole. Cette dissociation plonge ses racines dans l'histoire etintervient partir du moment o des ingalits apparaissent dans la rpartition de la propritfoncire et des moyens de production ncessaires son exploitation.Ainsi, on constate l'mergence des systmes de mtayage et de location fonds sur l'association defacteurs de production diffrents. Ces associations intgrent le partage des risques et celui desrsultats en fonction des apports de chacun. Le recensement agricole de 1973/1974 fait apparatreune superficie exploite en mode de faire-valoir indirect de 12,6 pour cent, mais certaines enquteslocales ont montr que ce pourcentage pouvait atteindre 30 pour cent dans certaines rgions.

    Forces et faiblesses des modes de tenure collecti fs et privs

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    Investissement et financementLes exploitations en proprit prive. Les donnes montrent que l'investissement agricole privest li la taille de l'exploitation7. Ainsi la grande proprit agricole a tendance mobiliser desmoyens de production tels que les quipements en matriel, les constructions, les amnagementsfonciers, le cheptel de rente et les plantations en vue de maximiser la productivit agricole. La petiteproprit, quant elle, vise essentiellement l'augmentation de la production en vue de satisfaire enpriorit les besoins d'autoconsommation familiale en recourant l'acquisition de cheptel de rente.Dans le cas particulier des secteurs irrigus et des zones bour d'agriculture intensive o l'eaud'irrigation n'est pas un facteur limitant, le volume et l'intensit de l'investissement sont deux facteurstrs importants. Les principales raisons rsident dans le fait que ces proprits exercent uneagriculture non alatoire, rmunratrice et offrant aux organismes de crdit les garanties requises.

    Investissement et financement dans le secteur de la rforme agraire. Depuis sa cration, lesecteur de la rforme agraire a bnfici d'un encadrement technique intensif et du soutien de l'Etatpour en faire un secteur moderne pilote. De ce fait, en moyenne 4,3 pour cent du crdit agricole estattribu annuellement aux coopratives de la rforme agraire, alors que celles-ci ne reprsententque 2,9 pour cent de la SAU nationale.

    Investissement et financement dans les terres de tenure col lective.A l'exception du melko laproprit est occupe titre individuel et dfinitif, situation propice l'investissement et audveloppement agricole, les autres statuts ne permettent pas d'amliorer les structures deproduction. On constate, dans les terres de tenure collective, de faibles investissements privs enmatire de construction en dur, d'amnagement foncier et de plantation, en raison de l'instabilitdans l'occupation de la terre. On cite par exemple le cas du Gharb (nord-ouest du pays), o unetude ralise en 1986 sur les terres de tenure communale des Chrarda (rgion du Gharb) a attribula faiblesse des investissements aux difficults d'accs au crdit agricole.Plusieurs raisons sont l'origine de la faiblesse des crdits accords aux exploitants des terrescollectives. Parmi les plus importantes, on cite le caractre insaisissable des terres collectives et ladvolution successorale. En effet, au dcs d'un ayant droit, s'il n'a pas laiss de descendants

    mles, sa part est rcupre par la collectivit pour la rattribuer de nouveaux ayants droit. Cettediscontinuit de la possession de la part dans la famille et sa dvolution un autre ayant droit nonendett posent le problme du remboursement des prts octroys au dfunt.On peut donc affirmer que l'investissement est lev dans la proprit prive et plus particulirementcelle immatricule en comparaison avec le rgime de tenure communale. Toutefois le morcellementexcessif et l'exigut des exploitations constituent un frein commun caractrisant la petite propritmelket les terres communales.

    ProductionPrs de 75 pour cent des exploitations agricoles ont une superficie infrieure 5 ha et se consacrenten grande partie l'agriculture vivrire. En effet, les petits paysans ne disposant pas de fondsncessaires pour l'intensification de la production se proccupent d'assurer leur autosuffisance endenres de base. D'autre part, ils cherchent compenser leur SAU rduite par l'intensification de laproduction animale.Les donnes existantes sur les proprits de la rforme agraire permettent de constater que l'espaceagricole est exploit de faon plus rationnelle qu'au niveau du secteur agricole national dans sonensemble. En effet, ces donnes font ressortir que la part des cultures intensives dans l'assolement,les niveaux d'utilisation des facteurs de production ainsi que les rendements sont plus levs dansle secteur de la rforme agraire.

    RevenusL'analyse comparative du niveau des revenus par statut foncier permet de conclure que ce dernierest plus lev dans les terres melkque dans les terres collectives. La faiblesse des investissements

    7Selon une tude ralise dans la Province de Ben Slimane. L'enqute a port sur un chantillon de 487 exploitations etles donnes sont tales sur une priode de 14 ans (1975-1989).

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    et des charges variables de production engages, ajoute la pratique d'une agriculture vivrirenon rmunratrice, expliquent la faiblesse chronique du revenu des terres collectives. Par contre, lerevenu agricole annuel moyen des agriculteurs du secteur de la rforme agraire ont atteint un tauxd'accroissement moyen annuel de 14 pour cent environ. Dans les terres melk, on note que le revenuagricole augmente proportionnellement la superficie cultive et la taille du cheptel bovin, d'unepart, et la contribution des cultures marachres et de l'arboriculture, d'autre part.

    EmploiLe recrutement de salaris permanents reste une caractristique spcifique des proprits prives.Il s'agit, pour les moyennes exploitations, de bergers et de gardiens de nuit et, pour les grandesexploitations, d'ouvriers agricoles. Aux niveaux des terres collectives et de la petite proprit prive(petite taille et faibles activits) le recours une main-d'oeuvre salarie est faible du fait del'abondance de la main-d'oeuvre familiale. Quant aux terres collectives de parcours, elles sontexploites d'une faon extensive limitant les possibilits de cration d'emplois.

    Cohsion sociale et solidarit familialeComme dans l'ensemble de l'Afrique du Nord, l'organisation sociale traditionnelle du Maroc reposait

    sur le principe des liens du sang. L'unit de base de cette structure sociale tait la famille quirunissait, sous un mme toit, trois quatre gnrations dont la cohsion tait assure par lesentiment d'appartenance une mme ligne et par le travail de l'ensemble des membres au seind'une mme exploitation.Cette cohsion a t renforce par la mise en place de structures ayant pour finalit d'assurer laprservation du patrimoine des collectivits ethniques contre toute forme de dilapidation. C'est ainsiqu' partir de 1919 furent institus un Conseil de tutelle et des reprsentants choisis parmi lesmembres de la collectivit et ayant comme tche principale la gestion du patrimoine foncier sousrserve des pouvoirs que dtient la tutelle.Cependant, durant ces dernires annes, et pour des raisons varies, cette cohsion ne cesse des'effriter et de diminuer d'importance. Dans le pass, la terre, principal facteur de production, taitdisponible et suffisait tous les membres du groupe. Il n'y avait donc pas de tension au sein de la

    collectivit pour l'accs la terre. Cette situation a chang avec la pression dmographique et lararet relative de la terre.C'est ainsi que des conflits apparaissent entre les collectivistes possdant des parts sur le collectifet ceux qui en sont dpourvus. En outre, le renforcement des structures de l'Etat a eu pourconsquence l'effritement des pouvoirs dtenus par les groupements ethniques et le transfert d'unepartie de leurs prrogatives aux nouvelles institutions lues, et donc la dislocation de la cohsiontribale.Un autre phnomne qui a nui la cohsion sociale des groupements ethniques est la tendancevers l'individualisation des modes de tenure et d'exploitation. Cette tendance est gnre etrenforce par l'insertion des agriculteurs dans une conomie de march caractrise par larecherche du profit, et par l'intensification des processus de production laquelle l'ancien mode defonctionnement des collectivits ne peut plus rpondre.

    Justice socialeLe mode de tenure collective tait dict par des considrations sociopolitiques et conomiques quiont marqu l'histoire du Maroc. Ces modes rpondaient l'poque des besoins spcifiques dedveloppement conomique et de stabilit sociale. Cependant, les pratiques de partage priodiquede la tenure se sont rvles incompatibles avec les nouvelles perceptions du dveloppementagricole. Le blocage des partages a conduit une privatisation de fait des terres collectives. Lalgalisation de ces situations de fait, entreprise par l'Etat dans les primtres d'irrigation, n'a fait querpondre aux souhaits des collectivistes de se stabiliser dfinitivement sur les quotes-parts qui leursont attribues, ce qui constitue une justice sociale en leur faveur.

    Protection de l'environnementPar les garanties et la stabilit qu'elle offre aux exploitants, la proprit melkpermet d'entreprendredes oprations et d'adopter des techniques visant protger leur patrimoine foncier contre la

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    dgradation. Par contre, en raison de l'absence de telles garanties, l'exploitant cherche au niveaudes terres collectives tirer le maximum de bnfices en utilisant des moyens peu onreux qui,hlas, contribuent la dgradation de la structure du sol.On note, en fait, l'absence de toute opration de conservation des sols ou d'amnagement foncierau niveau des terres de culture. Dans les terres collectives de parcours, les restrictions prvues parla lgislation sont rarement respectes (capacit de charge et dure de rotation), ce qui explique,en grande partie, l'exposition de ces terres la dsertification et la dforestation. Plus grave encoreest la dgradation des terrains de parcours la suite de leur mise en culture sporadique qui a faitdisparatre le couvert vgtal naturel qui assurait une relle fixation du sol et l'quilibre cologiquede vastes rgions. On estime qu'en l'espace de 30 ans, 2 millions d'hectares de parcours ont tdfrichs, la plupart rsultant dsertifis.

    Les politiques foncires de l'tat et leur impactDans les chapitres prcdents, nous avons mis en vidence le poids des contraintes foncires surle dveloppement agricole du pays. Pour contrecarrer ces contraintes, les efforts du Gouvernementmarocain visent consolider le droit de proprit des agriculteurs par le biais de l'immatriculation, restructurer l'espace agricole cultivable en vue de crer des parcelles continues et rgulires au

    moyen du remembrement, prserver les terres agricoles contre le morcellement, garantir desmodes de tenure adapts une mise en valeur rationnelle grce l'apurement de la situationjuridique des terres collectives et guich, et doter les petits agriculteurs et les paysans sans terrede lots viables par le biais de la distribution de terres.

    L'immatriculation foncireL'immatriculation foncire a t introduite au Maroc en 1913. Son rgime drive de l'Acte Torrensmis au point en Australie en 1858, ayant pour but de dfinir et de garantir le droit de proprit, leslimites des immeubles ainsi que les servitudes s'y rapportant. L'immatriculation d'un immeubleentrane sa soustraction au droit musulman et sa subordination au dahirde 1915 prcit dit Codefoncier.Bien que l'immatriculation foncire joue un rle conomique et social important, son extension

    demeure relativement limite. En effet, mme si l'opration d'immatriculation procure des avantagesindniables, assure la stabilit garante de l'accs au crdit (particulirement auprs de la Caissenationale de crdit agricole) et favorise les investissements et les amliorations foncires, la surfaceimmatricule en 80 annes reprsente 50 pour cent de la SAU.Parmi les raisons du retard de l'immatriculation au Maroc, il y a lieu de citer : la complexit desprocdures prvues par le dahirdu 12 aot 1913, la lenteur administrative, l'ignorance de la part desagriculteurs des avantages qu'offre cette opration, et le caractre facultatif de l'immatriculation.Face cette situation, le Gouvernement marocain a adopt certaines mesures favorisantl'immatriculation, telles que la simplification de la procdure de l'immatriculation, la rduction descharges et les actions de vulgarisation (formation du personnel, sensibilisation, etc.).

    Le remembrement ruralLe remembrement rural est conu dans le but essentiel d'amliorer les conditions d'exploitation desproprits agricoles en groupant les parcelles parpilles pour constituer une nouvelle configurationde parcelles adaptes aux amnagements, quipements et travaux susceptibles de leur treappliqus. Le remembrement rural est une opration entreprise par l'Etat et revt, de ce fait, uncaractre d'utilit publique, obligatoire. Il touche un point trs sensible, savoir le droit de proprit.Certaines difficults sont inhrentes la complexit de l'opration, la diversit des intervenants etaux bouleversements qu'elles occasionnent dans les rapports des agriculteurs leurs parcelles. Ilsy voient avant tout une dpossession de leur bien et des sries d'interdictions. A cela s'ajoutent desproblmes d'ordre technique relatifs une valuation objective des coefficients d'quivalence entreparcelles et aux difficults d'tablir la valeur exacte des plus-values (plantations, amnagementsfonciers, constructions et amendements).

    En outre, une fois le remembrement achev, se pose le problme de son maintien. Conscients desfreins que constituent ces difficults une extension significative du remembrement, lesresponsables de l'opration ont labor un programme d'action ax sur la sensibilisation des

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    agriculteurs, la formation du personnel, la simplification des procdures et le contrle desmorcellements.Les ralisations de remembrement en zone irrigue ont port jusqu' nos jours sur une superficiede prs de 500 000 ha dont 75 000 ha sont en cours de ralisation. Dans les zones bour, cetteopration n'a pas connu de ralisations importantes, puisqu'elle n'a couvert qu'une superficie de 71000 ha. La russite des projets raliss en bour a t la base du lancement d'un nouveauprogramme de 76 500 ha, actuellement en cours d'excution. En outre, un programme d'environ350 000 ha raliser sur cinq ans est en cours de prparation.

    La limitation du morcellementLa limitation du morcellement a, ds les annes 60, constitu une constante de la politique fonciredu Maroc. Mais ce n'est qu'en 1969, dans le cadre du Code des investissements agricoles, qu'untexte de loi spcifique au morcellement dans les primtres d'irrigation a t promulgu. En vertude cette lgislation, sont interdits:

    toutes oprations portant sur des proprits dont la superficie est suprieure 5 ha,susceptibles d'aboutir la cration de proprits d'une superficie infrieure ce seuil;

    toutes oprations susceptibles de rduire la contenance des proprits dont la superficie estgale ou infrieure 5 ha;

    tout mode d'exploitation d'une proprit dont la superficie est suprieure 5 ha entranant laconstitution de lots d'une superficie infrieure 5 ha.

    Cependant, et hormis le cas des lots distribus dans le cadre de la rforme agraire sur lesquels l'Etata exerc un contrle trs serr, ces dispositions n'ont pas t respectes. Les partages de fait entreindivisaires ont continu se raliser en contravention aux dispositions dictes. Les raisons de lanon-application de ces dispositions sont diverses, mais on peut citer :

    1. La croissance dmographique ;2. Le manque d'inventifs (l'impossibilit pour les acqureurs de bnficier de crdits);

    3. le fait qu'il n'existe aucune structure charge du contrle des transactions et des modesdexploitation ;

    4. Le fait que les notaires traditionnels (adouls) ont continu appliquer le rgime successoralhabituel;

    5. La promulgation de la loi n'a pas t accompagne par des campagnes d'information et desensibilisation auprs des agriculteurs.

    C'est pour remdier ces insuffisances qu'un projet de loi a t rcemment labor. Le projet deloi, tout en maintenant les interdictions dictes, prvoit la mise en place d'un crdit foncier -substantiellement bonifi par l'Etat, pour financer les dsintressements entre cohritiers - et desstructures administratives et de commission, auxquelles participeront les agriculteurs, pour le

    contrle des oprations immobilires.Il est galement prvu de mener des campagnes de sensibilisation auprs des agriculteurs et dupersonnel judiciaire local, sur les dispositions de limitation du morcellement. En outre, cesdispositions seront applicables non seulement dans les primtres d'irrigation, mais galement dansles zones bour cultivables situes l'intrieur de primtres dlimits et dans les secteursremembrs.

    La rglementation des baux rurauxCompte tenu des caractristiques des structures foncires du Maroc, les baux ruraux peuvent treun moyen de constituer des exploitations viables. Ds lors que les conditions de passation des bauxsont fixes de telle sorte qu'elles permettent aux donneurs et aux preneurs de bnficier de toutesles garanties ncessaires, le mode de faire-valoir indirect peut devenir le moyen de rsoudre les

    problmes poss par les structures foncires.La dure de location doit correspondre un ou plusieurs cycles de rotation des cultures prvues auplan d'assolement. Les contrats de location indiquant l'tat civil des parties, la consistance des

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    immeubles et le montant du loyer, doivent tre tablis par crit et reports sur des registres spciauxparaphs par l'autorit locale et tenus par des personnes assermentes, dsignes parl'administration.Dans le but de corriger les insuffisances de la lgislation en vigueur, le Ministre de l'agriculture etde la mise en valeur agricole se propose d'laborer un projet de loi visant rglementer les locationsde terres agricoles, en y intgrant les principes susmentionns. La nouvelle lgislation envisageprvoit d'largir le champ d'application pour intresser aussi bien les terres irrigues que le bour, etde dfinir les moyens et mesures ncessaires pour en contrler l'application.

    La distribution de terres agricoles du domaine priv de l'EtatBien que des rsultats apprciables aient t obtenus aux niveaux de la production et des revenusdans le secteur de la rforme agraire, un certain nombre de difficults en ont empch l'essorescompt. Le droit de proprit des lots attribus dans le cadre de la rforme agraire est grev derestrictions, notamment en matire de libert de cession et de dvolution: la cession ne peutintervenir qu'au profit de l'Etat, et la dvolution successorale des lots ne peut revenir qu' un seuldes hritiers. En outre, les lots tant insaisissables ne sont pas susceptibles d'hypothque. Cesrestrictions ont limit considrablement l'engagement des attributaires dans le processus de mise

    en valeur de leur lots et d'investissement long terme.En dehors de ces restrictions portant sur le droit de proprit, le retard dans la remise des titresfonciers aux attributaires, la menace de dchance de leur droit de proprit qui pse sur eux defaon perptuelle, les interdictions concernant le financement individuel, l'acquisition de certainsquipements et le mode d'exploitation constituent autant de handicaps majeurs l'investissementsur les lots distribus et, par consquent, au dveloppement du secteur. Ces difficults ont poussles autorits gouvernementales surseoir toute nouvelle distribution en attendant que de nouvellesmodalits soient labores.C'est dans ce sens qu'une nouvelle lgislation est en cours de prparation. La nouvelle lgislationprvoit une leve des obligations et des restrictions auxquelles taient soumis les bnficiaires etqui limitaient leur engagement dans les processus de production intensifs gnrateurs d'emplois etde valeurs ajoutes additionnelles.

    La privatisation des terres collectives et guichLes terres collectives et guich sont caractrises par un mode de fonctionnement inefficacefavorisant le morcellement des proprits agricoles et l'instabilit des ayants droit, situation propice une dgradation progressive de ce patrimoine foncier et une baisse de son niveau deproductivit. Pour rendre ces terres aptes participer efficacement l'panouissement du secteuragricole, il est apparu ncessaire d'adopter une stratgie devant aboutir leur assainissement et leur privatisation.

    CONCLUSION

    Dans cette tude, l'accent a volontairement t mis sur l'investissement compte tenu de l'importanceque celui-ci revt dans le processus de production agricole. Il apparat ainsi que la stratgie del'agriculteur en matire d'investissement est fortement influence, entre autres facteurs, par la naturedu statut juridique des terres qu'il exploite. La comparaison de base est celle entre les terres deproprit prive - melk -et les terres de proprit collective.Dans les terres sous statut melk - notamment dans le cas o les terres sont immatricules - le droitde proprit est garanti et l'exercice de ce droit n'est entach d'aucune restriction. Ainsi lesagriculteurs entreprennent des investissements dont le volume dpend de la taille de leurexploitation et des ressources financires qu'ils peuvent mobiliser cet effet - notamment par lebiais du crdit agricole dont la prfrence en matire de financement d'investissements long termeest accorde aux titulaires du droit de proprit. Par contre, dans les terres collectives et guich, quin'offrent pas aux exploitants une telle garantie, le niveau de l'investissement est faible. Ce contraste

    est frappant surtout en ce qui concerne les amnagements fonciers, les plantations et lesconstructions.

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