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ouvrages d'émile benveniste aux éditions de minuit LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS INOO-EUROPÉENNES 1. Économie, parenté, société. 2. Pouvoir, droit, religion. aux éditions gallimard PROBLEMES DE L1NGUISTIQUE GÉNÉRALE Tome 1, 1966 - Tome 11, /974 aux éditions klincksieck ÉTUDES SUR LA LANGUE OSSETE, /959 TITRES ET NOMS PROPRES EN IRANIEN ANClEN, /966 aux éditions adrien maisonneuve LES INFlNITIFS AVESTIQUES, 1935 l:ORIGINE DE LA FORMATION DES NOMS INOO-EUROPÉENS, 1973 LES NOMS D'AGENTS ET LES NOMS D'ACTION, 1976 émile benveniste le vocabulaire des institutions indo-[!uropéennes 1. économie, paren té, société sOlilmaires, tableau et index établis par jean lallot LES DE MINUIT

Benveniste.1969.Le vocabulaire des institutions indo-européennes 1 Economie, parenté, société

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  • ouvrages d'mile benveniste aux ditions de minuit

    LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS INOO-EUROPENNES 1. conomie, parent, socit. 2. Pouvoir, droit, religion.

    aux ditions gallimard PROBLEMES DE L1NGUISTIQUE GNRALE

    Tome 1, 1966 - Tome 11, /974

    aux ditions klincksieck TUDES SUR LA LANGUE OSSETE, /959 TITRES ET NOMS PROPRES EN IRANIEN ANClEN, /966

    aux ditions adrien maisonneuve LES INFlNITIFS AVESTIQUES, 1935 l:ORIGINE DE LA FORMATION DES NOMS INOO-EUROPENS,

    1973 LES NOMS D'AGENTS ET LES NOMS D'ACTION, 1976

    mile benveniste

    le vocabulaire des institutions indo-[!uropennes

    1. conomie, paren t, socit

    sOlilmaires, tableau et index tablis par jean lallot

    LES ~DITIONS DE MINUIT

  • 1969 by LES DlTlONS DE MINUIT 7, rue 8ernard-Palssy, 75006 Pars

    En appcation de la loi du 11 ma" 1957, il est interdit de reproduire int~raIement ou partiellement le prsent ouvr"l!e saos 8utorisation de l' Miteur

    ou du Centre fran~ du copyright, 6 la rue CabridLaumain, nolO Plri . ISBN 2-7073-0050-0

    avant-propos

    L'ouvrage dont voici le premier volume porte un titre explicite. Il est sorti de recherches qui ont pour objet une portion notable dl1 vocabulaire indo-europen. Mais la nature des termes tudis dans ce vocabulaire, la mthode applique et l'analyse qu'on en propose demandent que!-ques claircissements.

    Parmi les langues du monde, celles de la familIe indo-europenne se pretent aux investigations les plus t~ndues dans l'espace et dans le temps, les plus varies et les plus approfondies, du fait que ces langues se sont tendues de l'Asie Centrale a l'Atlantique, qu'elles sont attestes sur une dure de pres de quatre milInaires, qu'elles sont lies a des cultures de niveaux diffrents, mais tres anciennes et certaines parmi les plus riches qui aient exist, et enfin que plusieurs de ces langues ont produit une litt-rature abondante et de haute valeur. De ce fait aussi, elles ont constitu longtemps l'objet exclusif de l'analyse lin-guistique.

    L'indo-europen se dfinit comme une familIe de lan-gues, issues d'une langue commune et qui se sont diffren-cies par sparation graduelle. C'est done un vnement global et immense que nous saisissons dan s son ensemble paree qu'il se dcompose au long des siec1es en une srie d'histoires distinctes dont chacune est celle d'une langue particuliere.

    Le mirac1e, alors que les phases de ces migrations et implantations nous restent inconnues, est que nous puis-

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  • LE VOCABULAIRE DES INSTlTUTIONS INDO-EUROPENNES

    sions dsigner a coup sur les peup1es qui ont fait partie de la communaut initia1e et les reconnaitre, a l'exclusion de tous les autres, comme indo-europens. La raison en est la 1angue, et seulement la 1angue. La notion d'indo-euro-pen vaut d'abord comme notion linguistique et si l,l0us pouvons l'largir a d'autres aspects de la culture, ce sera encore a partir de la langue. Le concept de parent gn-tique n'a sur aucun autre domaine linguistique un sens aussi prcis et une justification aussi claire. Nous trouvons en indo-europen le modele meme des relations de corres-pondance qui dlimitent une famille de langues et per-mettent d'en reconstruire les tats antrieurs jusqu'a l'unit premiere.

    Depuis un siecle l'tude comparative des langues indo-europennes a t poursuivie en deux directions de sens oppos, mais complmentaire. D'une part, on procede a des reconstructions fondes sur les lments, simples ou complexes, qui entre langues difIrentes, sont suscepti-bles d'etre compars et peuvent contribuer a restituer !e prototype commun; qu'il s'agisse de phonemes, ou de mots entiers, ou de dsinences flexionnelles, etc. On pose ansi des modeles qui a 1eur tour, servent a de nouvel1es reconstroctions. D'autre part, en une dmarche de sens oppos, on procede d'une forme indo-europenne bien tablie pour suivre les formes qui en sont issues, les voies de la diffrenciation dialectale, les ensembles nouveaux qui en rsultent. Les lments hrits de la langue com-mune se trouvent incorpor s a des structures indpendan-tes qui sont celles de langues particulieres ; des lors ils se transforment et prennent des valeurs nouvelles au sein des oppositions qui se crent et qu'ils dterminent. Il faut done tudier d'une part les possibilits de recons-truction, qui unifient de vas tes sries de correspndances et rvelent la structure des donnes communes, de l'autre le dveloppement des langues particulieres, car la est le cadre productif, la germent les innovations qui transfor-mende systeme anden. C'est entre ces deux poles que se meut le compara tiste et son effort vise prcisment a dis-tinguer les conservations et les innovations, a rendre compte des identits et aussi bien des discordances.

    Aux conditions gnrales qu'impose le principe de la

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    AVANT-PROPOS

    comparaison entre langues s'ajoutent les particu1arits pro-pres au domaine lexica1, celui de la prsente tude.

    Il est apparu tres tot aUK spcialistes de l'indo-europen que les concordances entre les vocabulaires des langues anciennes illustraient les principaux aspects, surtout ma-triels, d'une culture commune; on a ainsi recueilli les preuves de l'hritage lexical dans les termes de patent, les numraux, les noms d'animaux, des mtaux, d'instru-ments agricoles, etc. Plusieurs auteurs successifs, du XI~ siecle jusqu'a ces dernieres annes, se sont employs a dresser des rpertoires, au demeurant fort utiles, de ces notions communes.

    Notre entreprise est entierement diffrente. Nous n'avons nullement cherch a tefaire un inventaire des ralits indo-europennes en tant qu'elles sont dfinies par de grandes correspondances lexicales. Au contraire, la plupart des donnes dont nous traitons n'appartiennent pas au voca-bufaire commun. Elles sont spcifiques comme termes d'insttutions, mais dans des langues particulieres, et c'est leur genese et leur connexion indo-europenne que nous analysons. Nous nous proposons done d'tudier la forma-tion et l'organisation du vocabulaire des institutions.

    Le terme d'institution est a entendre ici dan s un sens tendu : non seulement les institutions classiques du droit, du gouvernement, de la religion, mais aussi celles, moins apparentes, qui se dessinent dans les techniques, les modes de vie, les rapports sociaux, les proces de parole et de pense. C'est une matiere proprement illimite, le but de notre tude tant prcisment d'clairer la genese du voca-bulaire qui s'y rapporte. Le point de dpart est gnrale-ment choisi dans l'une ou l'autre des 1angues indo-euro-pennes, parmi les termes dots d'une valeur prgnante, et autour de cette donne, par l'examen direct de ses par-ticu1arits de forme et de sens, de ses liaisons et opposi-tions actuelles, puis par la comparaison des formes appa-rentes, nous restituons le contexte OU elle s'est spcifie, souvent au prix d'une profonde transformation. On s'ef-force ainsi de restaurer les ensemble s que l'volutiona disloqus, de produire au jour des structures enfouies, de ramener a leur prncipe d'unit les divergences des emplois techniques, et en meme temps de montrer comment les

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  • LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS INDO-EUROPENNES

    langues rorganisent leurs systemes de distinctions et rno-vent leur appareil smantique.

    L' aspect rustorique et sociologique de ces proces est laiss a d'autres. Si nous nous occupons du verbe grec hegomai et de son driv hegemn, c'est pour voir com-ment s'est constitue une notion qui est celle de l' hg-monie , mais sans gard au fait que gr. hegemona est tour a tour la suprmatie d'un individu, ou d'une nation, ou I'quivalent de I'imperium romain, etc., seul nous retient le rapport, difficile a tablir, entre un terme d'autorit tel que hegemn et le verbe hegomai au sens de penser juger . Nous clairons par la la signification; d'autres se chargeront de la dsignation. Quand nous parlons du mot germanlque feudum en rapport avec les termes d'levage, nous, ne mentionnons la fodalit que par prtrition. Les historiens et les sociologues verront inieux alors ce qu'ils peuvent retenir des prsentes analyses OU n'entre aucun prsuppos extra-linguistique.

    La tache du linguiste est ainsi dlimite. 11 prend sa matiere dans le vaste trsor des correspondances acquises, qui se transmettent sans grand changement d'un diction-naire tymologique a l'autre. Ces donnes sont par nature peu homogenes. Chacune provient d'une langue diffrente et constitue une piece d'un systeme distinct, engage dans un dveloppement imprvisible. Il faut avant tout dmon-trer que ces formes se correspondent et qu'elles continuent un meme original; il faut aussi expliquer les diffrences parfois considrables qu'elles peuvent prsenter dans leur tat phontique ou morphologique, ou dans leur sens. Ainsi on peut rapprocher l'armnien kCun sommeil du latin somnus sommeil paree qu'on connait les regles de correspondance qui permettent de restituer une forme commune * swopno-. On peut rapprocher le verbe latin carpo cueillir du substantif allemand Herbst au-tomne paree que Herbst est en vieux-haut-allemand herbjst et que herbist remonte a une forme prgermanique * karpisto- qui signifie proprement (temps) le mieux ap-propri a la r~olte (cf. anglais harvest), ce que confirme une troisieme donne, le substantif grec karp6s froit de la terre, produit de la rcolte . Mais un rapprochement aussi simple et a premiere vue aussi satisfaisant que eelu

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    AV ANT-PROPOS

    de la racine teks- en latin (dans le verbe texo) et de la racine tak!- en sanskrit, formes qu se correspondent exaetement, se heurte a une grave difficult : lato texo signifie tisser , .mais skr. tak! tailler a la hache ; on ne voit pas comment un de ces sens pourrait etre driv de l'autre ni de quel sens antrieur ils pourraient l'un et l'autre procder, tissage et charpentage paraissant irrductibles a une technique eommune.

    A l'intrieur meme d'une langue, les formes d'un meme vocable peuvent se diviser en groupes distincts et peu conciliables. Ainsi de la racine * bher-, reprsente par lera, le latin a tir trois groupes diffrents de drivs qui forment autant de familles lexicales : 10) lera porter au sens de la gestation, d'ou farda femelle pleine , fait groupe avee gesto; 2 0 ) lera porter au sens de com-porter dsigne les manifestations du sort, d'ou lors, fortuna, et leurs nombreux drivs, qui entrainent aussi la Dotion de fortune, richesse ; 30 ) lero porter au sens d' emporter , fait groupe avec ago et se dfinit par la notion de rapt et de butin. Si nous y comparons les formes et les drivs de bhar- en sanskrit, nous aurons un tableau plus vari encore : aux valeurs indiques s'ajouteront celle de potter comme supporter, prendre a sa charge , d'ou bhartr- mari ; celle de porter en parlant de la monture, d'ou chevaucher , etc. Or, pour peu qu'on tudie en dtail chacun de ces groupes, on yerra que dans chaque cas il forme un ensemble lexical cohrent, articul par une notion centrale et pret a fournir des termes insti-tutionne1s.

    On s'est efforc de montrer comment des vocables d'abord peu diffrencis ont assum progressivement des valeurs spcialises et constituent ainsi des ensembles tra-duisant une volution profonde des institutions, l'mer-gence d'activits ou de conceptions nouvelles. Ce processus intrieur a une langue peut aussi agir sur une autre langue par contact de culture; des relations lexicales instaures en grec par un dveloppement propre ont servi de m~deles par voie de traduction ou de transposition directea des relations similaires en latin.

    Nous avons tent de faire ressortir un double earactere propre aux' phnomenes dcrits id : d'une part l'enche-

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  • LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS INDQ-EUROPENNES

    vetrement complexe de ces volutions qui se droulent pendant des siecles ou des millnaires et que le linguiste doit ramener a leurs facteurs premiers; d'autre part, la possibilit de dgager nanmoins certaines tendances tres gnrales qui rgissent ces dveloppements particuliers. Nous pouvons les comprendre, leur reconnaitre une certaine structure, les ordonner en un scheme rationnel, si nous savons les tudier directement en nous dgageant des tra-ductions simplistes, si nous savons aussi tablir certaines distioctions essentielles, notamment celle, sur laquelle nous insist(lms a plusieur's reprises, entre dsignation et signi-fication, a dfaut de laquelle tant de discussions sur le sens sombrent dans la confusion. 11 s'agit, par la com-paraison et au moyen d'une analyse diachronique, de faire apparaitre une signification la OU, au dpart, nous n'avons qu'une dsignation. La dimension temporelle devient ainsi une dimension explicative.

    La nature de cette recherche dicte a la dmonstration s dmarche. On ne trouvera ici ni discussions de dtail ni renvois bibliographiques. La matiere de nos analyses se trouve dans tous les dictionnaires tymologiques, nous ne voyons guere de travaux antrieurs auxquels nous aurions pu confronter nos propres raisonnements. Tout ce que nous disons provient d'tudes de premiere main sur les faits utiliss. Nous nous sommes efforc de rester intelli-gible aux lecteurs non spcialiss sans faire tort aux exi-gences de la dmonstration, mais il faut convenir que les ramifications, les connexions si diverses qui se rvelent au cours de cette exploration rendent malais un expos suivi. 11 n'est pas facile de pratiquer des divisions nettes entre les sujets traits. On yerra ncessairement des interfrences entre les parties de cet ouvrage, puisqu'il y en a entre les donne.s de ce vocabulaire. Nous esprons nanrnoins que ceux qui voudront bien suivre jusqu'au bout l'expos de nos recherches y trouveront matiere a rflexions gnrales, notarnment sur la possibilit d'appliquer certains des mo-deles proposs ici a l'tude des langues ou des cultures auxquelles, bute de documents crits, manque la pers-pective historique.

    Le prsent travail a t prpar par plusieurs sries de le\ons donnes au CoIlege de France et que M. Lucien

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    AV ANT-PROPOS

    Gerschel a bien voulu recueillir. Nous avons tres profon-dment remani, souvent rcrit entierement cette premiere rdaction, a laquelle de nouveaux dveloppements ont t ajouts. Certaines parties avaient fait antrieurement l'ob-;et d'artides plus dvelopps, dont les rfrences ont t donnes. Pour rendre l'expos plus accessible, selon une suggestion deM. Pi erre Bourdieu, qui a revu tout I'en-semble et nous a fait d'utiles observations, chaque chapitre est prcd d'un rsum. M. Jean Lallot a rdig ces courts textes liminaires; il s'est en outre charg de la mise au point du manuscrit, et il a dress le tableau des langues ainsi que les indexo Nous le remercions ici de son aide et de la conscience qu'il a mise dans sa tache.

    Emile BENVENISTE.

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  • abrviations < provenant de > aboutissant a Il. Iliade Od. Odysse R.V. Rig-Veda ags. anglo-saxon al!. allemand anglo anglais armo armnien av. aves tique Ir. fran;ais got. gotique gr. grec hitt. hittite hom. grec homrique i.e. indo-europen i. ir. indo-iranien ir. iranien irl. irlandais sI. islandais ital. italien khot. khotanais lat. latin let. lette lit. lituanien m. h. a. moyen-haut-allemand myc. mycnien ombr. ombrien osq. osque pehl. pehlevi skr. sanskrit sI. slave sog. sogdien tokh. tokharien v. anglo vieil-anglais vd. sanskrit vdique v. h. a. vieux-haut-allemand v. norr. vieux-norrois v. pruss. vieux -prussien v. sI. vieux-slave

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  • livre 1 l'conomie

  • section 1 btail et richesse

  • chapitre 1 maje et reproducteur

    Sommaire. - Contrairement aux tymologies traditionnelles, il faut distinguer, BU niveau indo-europen, deux notions :

    - l'une physique, celle de maIe , Le. *ers-, - l'autre fonctionnelle, celle de reproducteur . i.e. *wers-. Un rapprochement smantique entre ces deux racines ne

    s'observe qu'en sanskrit et doit etre tenu pour secondaire.

    Nous considrerons d'abord des termes typiques relatifs a l'levage. Nous tudierons les diffrenciations caract-ristiques de techniques particulieres ; dans l'ordre lexica!, comme ailleurs en linguistique, les diffrences sont ins-tructives, qu'elles se prsentent d'emble ou bien qu'on les discerne par l'analyse d'un ensemble unitaire. Une distinction immdiate et ncessaire dans une socit d' le-veurs, c'est la distinction des animaux males et femelles. Elle se marque dans le vocabulaire par des mots qui peu-vent passer pour communs du fait qu'ils apparaissent dans plusieurs langues, mais non toujours avec les mmes dterminations.

    Pour le premier mot que nous allons tudier, nous avons une srie de correspondances relativement stables, mais comportant des variations ; il s'agit du nom du male :

    { r:rabha ~ arJsan

    skr. ay. gr. rsel1, rren v!'~abha * varasan

    Nous posons en avestique un vocable qui, par hasard, n'est pas attest, mais qui est postul par les drivs ay. varJsna- masculin , varJsni-, male ; blier .

    En grec encore, nous trouvons des formes un peu moins proches dans le groupe de e(w)rse (!(w)pO'1'),

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  • LE VOCABULAlRE DES INSTlTUTIONS IrIDO-EUROPENNES

    hrsai (lpcrClL) (d. la forme avec v de l'indo-iranien) dont le sens est 1) au singulier pluie, rose , tandis que 2) le pluriel s'applique aux animaux; de cette famille sort lato uerres, male d'une espece particuliere, avec ses cor-respondants en baltique, lit. versis, let. ve1'sis. Le tout est rattach a ce radical verbal * wers- de skr. varsati qui signifie impersonnellement pleuvoir (cf.. ers~) ; on rapprochera ir!. frass la pluie < * w!sta.

    Entre ces dernieres formes et les formes nominales pr-cdentes, il y a une diffrence morphologique, qui n'a empech aucun tymologiste de les prsenter ensemble, mais qui doit nous arreter : d'une part, forme a w initial, d'autre part forme a initiale vocalique en indo-ira ni en ; de mem~ en grec rren (iPP11\1) ne prsente jamais de w alors que, dans la mtrique homrique, erse = ewrse, d'ou hrsai.

    Les compara tistes ont fait de cette discordance une alternance. Mais tant qu'on n'est pas contraiat de les admettre, il faut autant que possible faire l'conomie de pareilles alternances . Dans la morphologie indo-euro-penne, aucun principe ne permet d'assoder des formes sans w- a des formes avec w-. L'hypothese d'un groupe unitaire est ici gratuite; aucun autre exemple n'impose-rait cette alternance w-/zro. Quant au sens meme des mots ainsi associs, la ou l'analyse le permet, le rappro-chement, comme on le verra, ne s'effectue pas sans dif-ficults.

    En sanskrit, vuabha- et !!abha- attestent meme pro-cd de formation et meme notion : c'est le taureau mythologique et le male en gnral , pithete aussi de dieux ou de hros. En avestique, par contre, les deux mots (avec ou san s w) ne se rapportent pas aux memes notions, et ce dsaccord est instructif au-dela meme de l'indo-iranien : arasan et * varasan, au point de vue iranien, sont absolument distincts : arasan dans les textes aves-tiques s'oppose toujours a un mot qui dsigne la.femelle, parfois xs.aeri (terme purement iranien), gnralement daenu. Ce dernier terme - indo-iranien, d. skr. dhenu -rejoint le groupe de. gr. tMlus d. la radne skr. dhay- allaiter, se nourrir ; ainsi nous avons id une dsigna-tion spcifique, fonctionnelle, de la femelle animale.

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    MALE ET REPRODUCTEUR

    L'opposition arasan- : daenu- est constante; dans les listes d'animaux, nous trouvons l'numration des deux sries de termes dans le meme ordre

    cheval chameau breuf

    .

    aspa-arasan-ustra-araJan-

    gau-arasan-

    aspa-daenu-ustra-daenu-

    gau-daenu-

    L'avestique arasan ne dsigne nullement une espece animale particuliere comme skr. uabha qui, sans etre le nom exclusif du taureau, est frquent dans cette signi-fication. Avec arasan, rien de pareil : il dnote le maJe, en opposition a la femelle, rien de plus.

    Cette opposition male/femelle peut prendre en aves-tique une forme lexicale un peu diffrente pour les humains, on emploie .nar/xsaOri, ou ce dernier terme a tout l'air d'etre le fminin de l'adjectif signifiant royal , c'est-a-dire la reine - ce qui paralt un peu trange, mais n'est pas inconcevable si l'on pense a la correspon-dance entre gr. gun femme et angl. queen reine . Il y a quelques lgeres variantes : nar / stri, ou ce dernie.r terme est le nom indo-iranien de la femme, d. en compos!-ton striniiman (d.lat. nomen) de sexe fminin , et par-fois un transfert de x1aeri au regne animal. Tout cela est clair, l'oppositon est univoque. Hors de l'iranien, ara1a!" a des correspondants aussi exacts qu'on peut le souhalter avec gr. rsen, rren, exactement dans le sens indiqu par l'avestique : c'est le male par opposition a la femelle, rren en face de tMlus : l'identit tymologique dans les deux termes atteste une survivance indo-europenne.

    Considrons maintenant le mot avestique * varasan. Il exprime une notion diffrente : celle de reproducteur ; ce n'est plus une caractristique d'une classe d'etres, mais une pithete de valeur fonctionnelle. On emploie * varasan (en fait varasni-) avec le nom du mouton pour blier : maesa-varasni-; cette liaison ne laisse pas de doute sur le sens. On a au reste des preuves historiques : * varasan a donn phontiquem~nt le persan gusan qui n'est pas le male (reprsent en persan par une forme drive de nar), mais bien le reproducteur .

    Hors de l'iranien, le latin uerres est un exact sym trique pour la forme et pour le sens. En effet, il ne

  • LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS INDO-EUROPENNES

    pas le maJe, qui est sus pour les pores (mot sur lequeJ nous reviendrons), mais le reprodueteur ; uerres, le verrat, a exaetement l' emploi de la forme eorrespondante, aves-tique * varasan.

    Que conclure de eet examen? Les themes nominaux * ers- et * wers-, tenus pour identiques, sont des formes diffrentes, absolument spares par le sens et que la mor-phologie indique aussi eomme distinetes. Voila deux mots qui riment, qui peuvent se superposer, mais appartien-nent en ralit a deux familles indpendantes : 1'un dsigne le maJe oppos a la femelle; l'autre dsigne une fonetion, eelle de reproducteur du troupeau et non une espece eomme le premier. En sanskrit, et la seulement, il s'est opr un rapprochement assez troit entre rsabha-et v!!abha-. A la faveur d'une mythologie OU le taureau tient une plaee minente, et par l'effet d'un style OU ahonde l'pithete magnifiante, les deux termes sont devenus a ee point quivalents que le premier a re~u un lment suffixal qui n'appartient qu'au deuxieme.

    T elle est notre premiere eonclusion. Elle va se pr-ciser par reeours a un dveJoppement lexical distinet. Entre gr. erse et hrsai, il y a probablement un rapport : eomment le dfinir? Le singulier erse dsigne la petite pluie du matin, la rose. On a par ailleurs le pluriel hom-rique hrsai qui n'apparait qu'une fois (Od. 9, 222) ; dans l'antre de Polypheme est loge une hergerie OU les ani-maux. sont plaes par rang d'age, des adultes aux ani-maux du plus jeune age : hrsai. Or hrsai, e'est le plu-riel de erse. Pour eomprendre eette singuliere association, on releyera en gree des paralleles : drsos signifie goutte de rose ; mais drsos au pluriel, chez Eschyle, dsigne les petits des animaux. Voici un troisieme fait du meme ordre : psaks qui veut dire pluie fine a pour driv pskalon le petit nouveau-n d'un aI\imal . Cette reja-tion lexicale s'claire ainsi : les tout jeunes animaux sont eomme la rose, eomme des goutteJettes dposes toutes frakhes encore. Ce sont les petits nouveaux-ns en tant que tout juste ns. Un tel dveloppement de sens, part-culier au gree, n'aurait probablement pas eu lieu si * wers-avait d'abord t le nom de l'animal eomme maJe . TI apparait done tabli que nous devons poser une distinetion

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    i,n$~ MALEET'~I en indo-europen entre deux ordres de reprsentations et' deux sries de termes qui n'ont t amenes a se rappro-eher et a se ressembler qu'en indien. Partout ailleurs on a deux signes lexicaux distinets : l'un, * ers- dsignant le male (gr. rren), l'autre, * wers- qui transpose la notion initiale de pluie comme humeur feondante en ceHe de ~ reprodueteur .

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  • chapitre 2 une opposition lexicale a rviser sus et porcus

    Sommaire. - On admet ordinairement 10) que Le. *porko- (lat. porcus) dsigne le porc domestique,

    oppos a l'animal sauvage, * s- (lat. ss); 2) que la rpartition dialectale de' *porko- conduit a la

    conclusion que seules les tribus eUIopennes ont pratiqu l'Ie-vage des pores.

    Or, un examen attentif fait apparattre : 1 0) que, dans toutes les langues, latin en particulier, ou se

    maintient l'opposition *s- : *porko-, ces termes s'appliquent a respece domestique - *porko- dsignant le goret en face de l' adulte * s- ;

    2) que *porko- est en fait attest sur le domaine oriental de l'indo-europen. II existait donc un levage indo-europen du pore - qui s'est perdu de bonne heure en lnde et en lran.

    Le terme latn uerres fait partie d'un ensemble de mots qui dsigne une espeee particuliere, l'espeee poreine. Il y a lieu de prciser les rapports entre les termes de eette srie animale en latin, soit les trois termes uerres, ss, porcus.,

    Ss et porcus sont indo-europens au meme titre; ils ont l'un et l'autre des eorrespondants dans la plupart des langues indo-europennes. Quel est le rapport de sen s ? Il est pos partout eomme tant eelui de l'animal sau-vage et de l'animal domestique: ss dsignerait l'espeee porcine en gnral, sous sa forme sauvage, le sanglier ; porcus serait exclusivement le pore d'levage.

    Il y aurait la une distinetion indo-europenne tres importante au point de vue de la civilisation matrielle des Indo-Europens, paree que ss est commun a l'en-semble des dialectes, de l'indo-iranien a l'irlandais, tandis que porcus est restreint a la spbere europenne de l'indo-

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  • LE VOCABULAlRE DES INSTlTUTIONS INDO-EUROPENNES

    europen et ne figure pas en inClo-iranien. Cette diseor-dance signifierat que les Indo-Europens ne eonnaissaient pas le pore domestique et que la domestication de l'animal n'aurait eu lieu qu'apres la rupture de l'unt indo-euro-penne, quand une partie des peuples se fut tablie en Europe.

    Aujourd'hui, nous pouvons nous demander eomment on a pu tenir pour une videnee eette interprtation et eroire que la diHrenee entre ss et porcus refltait une distinetion entre pore sauvage et pore domestique. Il faut s'adresser aux erivains qui ont trait en latin des ehoses de l'agriculture, Caton, Varron, Columelle, et qui emploient le langage des hommes de la terreo Pour eux, ss dsigne l'animal domestique aussi bien que l'animal sauvage. On trouve eertes ss pour l'animal sauvage; mais le meme ss dsigne toujours l'espeee domestique ehez Varron : les minores pecudes, le petit btail, ce sont ouis, capra, ss, tous animaux domestiques.

    Une autre preuve est donne par le terme suouetaurilia, qui dsigne le grand saerifiee de lustration triple OU figurent trois animaux symboliques, trois espeees dont les deux der-nieres (OU1S, taurus), notoirement domestiques, font pr-sumer que ss, qui leur est assoei, dsigne aussi un animal domestique; eette prsomption est eonfirme par le fait qu'on n'a jamas saerifi d'animaux sauvages a Rome. De meme gr. hUs (Ut;) (= lato ss) dsigne l'animal domes-tique en quantit d'exemples. On distingue assurment, mas seulement par une qualifieation, entre l'espeee sau-vage et l'espeee domestique: le pore sauvage se dit hus grios, par oppostion au pore domestique. C'est done un fat aequis prhistoriquement, avant le latin, que Le. * s- = gr. hus s'applique a l'espeee utile qui est l'espeee domestique.

    Dans les autres dialeetes indo-europeris, les eonditions d'emploi du mot ne sont pas les memes. En indo-iranien, s- dsigne le pore sauvage. Les formes historiques skr. skara, ay. h- sont baties sur un theme identique. Selon Bloomfield, on part de ska-, anden theme qui aurait t ensuite suffix en -ra a l'exemple d'autres noms d'animaux tels que vyaghra tigre , et ska-ra devient s + kara, l'animal qui fait s par interprtation paronymique.

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    UNE OPPOSITION LEXICALE A RVISER : sus ET porcus

    Outre ay. h-, on reneontre en iranien une forme xk qui suppose * hkka ; l'indo-iranien avat done une forme suffixe en -k qui, sur le domane indien et avestique, se rapporte a l'espeee sauvage seulement. C'est que l'Inde et l'Iran n'ont jamais lev de pores a date andenne. On ne reneontre aucune mention d'un levage de pores dans les textes. Mas nous avons vu a l'oppos, en tu-diant les fats la6ns, que sur le domaine europen, la domestieation du pore tat aequise bien avant la eons-titution du latin : le nom gnrique y tait dja employ pour l'espeee domestique. C'est de ce sens de pore domestique que le latin fait a peu pres exclusivement usage ; ss n'est le sanglier que dans les eontextes OU le terme gnrique suffisait.

    En tudiant le sens des mots qui sont propres au latin pour dsigner le meme animal, le pore, nous voyons naitre un probleme qui parait menu, mais dont les eonsquenees sont assez notables. Des lors que ss dsigne l'espeee en gnral, et plus ordnairement l'espeee domestique, la distinetion que l'on pose habituellement diSpalalt : dsignant l'un et l'autre le pore domestique, ss et porcus deviennent synonymes. Ce plonasme tonne et invite a examiner de pres les tmoignages qui tablissent le sens de porcus (et non les traduetions, qui sont unanimes la-dessus). .

    Nous pourrons eommeneer a partir d'un des termes OU le nom de l'animal apparait dans une liaison eonsa-cre, suouetaurilia, terme dja cit plus haut, qui dsigne le groupement eonsaer de trois animaux saerifis a l'oe-easion de la ermonie lustratoire. La forme suouetaurilid est tenue pour irrguliere : on a en eHet

    1) un eompos a trois termes de groupement; mais de pareils eomposs sont attests dans les langues indo-europennes ancennes, d. gr. nykhth-meron nut et jour ; l'objection ne tient pas ;

    2) une difficult phontique, la forme oue et non oui. On la rsout, si on fixe le terme dans sa signifieation exaete et si on le restaure dans les eonditions qui l'ont eonstitu. Ce n'est pas un eompos ordnaire, mas un juxtapos eomportant non des themes nominaux, mais des formes easuelles. Il est form d'une sueeession de

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  • LE VOCABULAIllE DES INSTITUTIONS INDo-EUROPENNES

    trois ablatifs : * s anden ablatif de ss (cf. sbus, forme andenne au pluriel); oue ablatif rgulier, enfin tauro. Ce sont bien trois ablatifs juxtaposs, I'ensemble tant subsum comme un mot unique avec le suffixe d'adjectif -ilis, -ilia, ajout au dernier terme avec lision. Pourquoi ce juxtapos? C'est qu'il esttir de I'expression rituelle ou le nom de l'animal sacrifi est a l'ablatif : s lacere sacrifier au moyen d'un animal , et non l'animal lui-meme; lacere + l'ablatif est certainement la construc-tion andenne. Donc, faire l'acte sacr au moyen de ces trois animaux; groupement anden, consacr, de ces trois especes OU ss est le nom de l'espece porcine. 11 faut reprendre un chapitre du De Agricultura de Caton (141), texte clebre qui dcrit la maniere de procder a la lus-tration des champs, crmonie d'ordre priv. Dans ce texte qui a t souvent lu, cit, utilis, il s'agit expres-sment des suouetaurilia. En procdant au sacrifice, le propritaire du champ doit prononcer ces paroles : maete suouetaurilibus laetentibus esto; c'est une priere a Mars pour qu'il accueille ces suouetaurilia lacten tia, trois ani-maux de lait , tout jeunes. La demande est formu-le pour la deuxieme fois en ces termes : Mars pater, eiusdem rei ergo, maete hisee suouetaurilibus laetentibus esto, puis Caton continue : quand tu immoleras le poreus, l'agnus, le uitulus, il faudra ... , ubi poreum im-molabis, agnum uitulumque, oportet ... Le sacrifice de fait comprend donc les trois animaux, qui sont dnomms cette fois poreus, agnus, uitulus. Comparons les termes du sacrifice nominal : ss, OUtS, taurus et ceux de 1'0ffrande relle : poreus, agnus, uitulus. Les termes se suivent exac-tement dans le meme ordre pour dsigner les animaux sacrifis. 11 s'ensuit que uitulus est le petit du taurus, agnus est le petit de 1'0uis, done poreus est le petit du ss .' cela se dduit d'une maniere pour ainsi dire math-matique en superposant les dnominations rituelles et les especes relles du sacrifice. La conclusion s'impose : poreus ne peut etre que le goret . Entre ss et poreus, la diffrence n'est nullement celle qui spare l'animal sau-vage de l'animal domestique: c'est une diffrence d'age, ss est l'animal adulte, poreus, le petit. Nous avons un autre texte pour nous ouvrir les yeux. Dans le De re rus-

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    UNE OPPOSITION LEXICALE A RVISER : sus ET poreUJ

    tiea de Varron (liv. II, ch. 1), relatif al' levage des ani-maux, I'auteur donne des prceptes aux leveurs. Ce n'est pas avant quelques mois qu'il faut sevrer les jeunes ani-maux : les agni a quatre mois, les haedi a trois mois, les porci a deux mois. Ainsi poreus est parallele a agnus et a haedus. On pourrait recopier la plus grande partie du cha-pitre, telleJIlent les exemples sont nombreux. Varron ensei-gne qu'on reconnait les sues de bonne race a progenie: si multos porcos pariunt, si elles donnent de nombreux porci . Dans la nourriture, on a l'habitude de laisser pendant deux mois porcos eum matribus, et un peu plus loin : porci qui nati hieme liunt exiles propter Irigora les porci ns l'hiver ... ; ici apparait d'une maniere signifi-cative la liaison de poreus avec matero

    Dans un archaisme du vocabulaire religieux, les porci qui ont dix jours habentur puri sont considrs comme purs et sont pour cela appels sacres (ancienne forme au lieu de saer a partir de l'adjectif * saeris) ; sacres porci, tres vieille expression, les porci ags de dix jours . De meme laetens poreus est frquent, mais on n'a jamais * laetens sus. On rencontre un diminutif poreulus ou poreellus, de meme que I'on a agnusja.gnellus, uitusjuitellus; mais il n'existe pas de * seulus, le nom de l'animal adulte ne comportant pas de diminutif. Ainsi le sens de poreus - qu'on peut retrouver dans ce texte quarante fois peut-etre ! - est constant. I1 ne varie pas dans l'usage ultrieur. Cicron le prend avec le meme sens : a propos d'une uilla (

  • LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS INDO-EUROPENNES

    ptu une traduction errone d'un terme aussi commun que porcus. Cette situation de ss en face de porcus est exactement celle du grec hus, sus (v~, CTj~) en face de khoros (xo;po~). Cette diffrence est de grande importan-ce; dans le culte domestique ou public, il n'est pas d'ani-. mal plus communment offert que le porcus, le jeune porc.

    Ce que nous dcouvrons, les Latins le savaient dja; Varron nous donne, avec une tymologie de fantaisie, l'quivalence exactement note. R. R. n, 1 : porcus graecum est nomen .... quod nunc eum vocant kholron . Il savait done que porcus signifiait la meme chose que khoi-ros. Mais le mot porcus existe ailleurs qu'en latin, on le retrouve en italique. Le contraste est le meme entre si et purka en ombrien, dans le texte rituel ou ils figurent tous les deux. n faut voir ce que cette opposition signifie en ombrien.

    La traduction qu'on donne des Tables Eugubines est gnralement en latin, elle est done peu limpide. Mais nous devons considrer les adjectifs qui accompagnent si et porko. On a si avec kumia traduit par grauida , si avec filiu traduit par ~ lactens et d' autre part purka. Or la liaison de lactens avec ss est impossible en latino La diffrence en ombrien devient incomprhensible : si le mot ombrien si peut designer l'animal en tant que grauida gravide et lactens de lait , que peut alors dsigner porcus ? Le meme mot s'appliquant a l'adulte et au nouveau-n, la diffrence de dnomination ne se justifie plus, l'antre mot, purka, devient imtile.

    Dans un texte de rituel, aussi exact, pourquoi cette diff-rence, id si, la purka ? Le centre du probleme est en fait la signification de filiu. Il y a une autre possibilit que celle de la traductioQ consacre. On peut concevoir deux interprtations pour filiu : l'une par lactens de lait ; mais on peut aussi penser a laetans qui allaite . En effet l'ombrien filiu s'apparente a gr. tMlus et femina qui est en latin celle qui allaite et tMlus en grec signifie aussi cela. En irlandais et en lituanien, une forme de cette racine avec suffixe -1- se rapporte a la mere : lit. pirm-del animal qui allaite pour la premiere fois . Nous pou-vons done entendre l'ombrien filtu non comme lactens 32

    UNE OPPOSITION LEXICALE A RVISER : sus ET porcus

    mais comme lactans . La truie est done dite tantt grauida , tantot lactans , selon que l'animal n'a pas encore ou bien a dja eu son petit. Et alors purka devient le nom du petit, c'est le "goret" comme lato por-eus, et la situation qui tait de toute maniere incompr-hensible redevient intelligible. Nous sommes ainsi assurs que cette piffrence, illustre par le latin et l'ombrien, est une diffrence lexicale hrite. Elle est de fait ant-rieure a l'italique.

    En celtique, le nom correspondant a porcus, c'est-a-dire phontiquement irI. ore, est toujours cit avec le groupe de porcus et avec la traduction porc . Mais la prci-sion que nous attendions nous est apporte par le dic-tionnaire dtaill de l' Acadmie irlandaise qui traduit ore par jeune porc ; de la sor te, voila la srie italique et celtique intgre dans cette signification.

    En germanique, les deux mots correspondants sont repr-st'nts par des drivs, d'une part swein (all. Schwein), d'autre part jarh, jarhiti Ferke1 .. Id, les formes moder-nes l'indiquent dja, Ferkel est le goret , spcifi comme diminutif, alors que swein porc driv de s-ne comporte pas de diminutif. Le correspondant germani-que de porcus atteste immdiatement le sens de jeune porc , qu'i! a conserv. Enfin, en slave et en baltique, lit. parias, sI. pras~ (d'ou le russe porosenok qui en est un diminutif) s'opposent a svin. Or ce slave et baltique * parsa- correspondant a porcus a le sens de goret . On a done en slave le meme contraste qu'en germanique. Cette dmonstration aurait pu etremene de deux cots diff-rents ; en partant du germanique et du slave, on arrive a la meme constation qu'en partant sans prvention du latino De toute maniere, les tmoignages concordent et la situa-tion lexicale apparait identique dans tous les dialectes occidentaux.

    C'est maintenant sur le plan indo-europen que le contraste des deux termes va soulever un nouveau pro-bleme. La rpartition des deux formes est ingale. La forme * s- est indo-europenne commune : elle est attes-te a la fos en indo-iranien et dans tous les dialectes pro-prement europens, alors que * porko n'apparait pas en

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  • LE VOCABULAlRE DES INSTITUTIONS INDO-EUROPENNES

    indo-iranien, mais' seulement dans les dialectes europens. De cette distribution dialectale et du sens qu'on attri-

    buait a * s- et a * porko-, on a conclu que la commu-naut indo-europenne ne connaissait du p'orc que l'es-pece sauvage. Le sens meme de porcus dnotait, croyait-on, que l'levage n'avait commenc qu'en Europe, apres l'ta-blissement de certaines fractions ethniques.

    Mais la signification restaure de ces termes transforme le probleme. Il prend un sens nouveau, puisque l'opposition est adultej nouveau-n et non sauvagej domestique. Pour-quoi alors le nom de l'animal nouveau-n (* porko-) n'est-il pas coextensif au nom de l'animal adulte ('~. s-) ? Mais y a-t-il vraiment une telle ingalit d'aire entre ss et porcus? Tout le raisonnement repose sur cette allga-tion qu'il n'y a pas de trace de porcus sur le domaine indo-iranien. Or, le probleme a beaucoup progress et l'affirmation traditionnelle doit etre aujourd'hui conteste.

    Ce meme mot * porkos est attest sur une aire contigue, mais de langue tout autre, en finno-ougrien, par finnois porsas, mordve purts, zyriene pori.

    On est d'accord pour voir id un emprunt commun des langues finno-ougriennes a une forme en j d'un certain tat de l'indo-europen; mais a quelle date le mot a-t-il pntr en finno-ougrien ?

    Constatons d'abord que le sen s est sur: goret, petit pore en finnois; pour les autres langues, les lexiques sont moins prcis, mais ce sens est probable. On a remar-qu la relation avec les formes indo-europennes, discut sur la ehronologie possible de l'emprunt. Ce qui parait eertain, e'est que porsas en finnois suppose un theme en -o ; la finale -as est une adaptation finnoise d'un theme en -o, remplac par a, car des le finno-ougrien, on n'a pas tolr o en deuxieme syllabe : * porso devient porsa. Le radical * porso comporte une palatalisation caractristique de k en s. La ,forme originale emprunte par le finno-ougrien comportalt cette palatalisation, ralise avant le passage de o radical a a qui earactrse l'tat indo-iranien, car la forI?e t.ho~ique de tind?-ira!1ien eut t en indien * parsa, en tramen parsa, mdo-Iramen * paria. Le phontisme de l'emprunt finno-ougrien nous reporte a un stade antrieur a l'indo-iranien, mais postreur a hndo-europen com-

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    UNE OPPOSITION LEXICALE A RVISER : sus ET porcus

    mun qui eomportait un k subsistant. C'tait done un tat dialectal ancien, qui aurait prcd la distinction de l'indo-iranien. Telle est la conclusion a laquelle arrivent les finno-ougrisants. Mais une difficult les a arrets; c'est que la forme pr-indo-iranienne suppose par l'em-prunt n'est pas atteste en indo-iranien meme : on a alors hsit a ea,ri.clure.

    Mais nous avons maintenant la forme sur le domaine oriental. Un dialecte moyen-iranien de l'Est, connu depuis peu d'annes seulement, le khotanais, nous permet d'tablir l'existence et la signification d'un mot pasa, gn. pasa, qui dsigne le pore. Le sens est certain, car ee sont des textes traduits du sanskrit ou du tibtain, OU se rencon-trent des datations empruntes au cycle animalier; il y a une anne ou un mois du porc. Ainsi le khotanais nous restitue la forme indo-iranienne attendue : parsa, et il fournit la preuve que * porko- tait connu sur l'aire indo-iranienne aussi.

    L'argument ngatif n'est done plus valable. Certes il n'y a aucune trace de * porko-. en indien; mais un mot de ce genre est expos a des accidents. Il y a des peuples qui, pour des raisons religieuses, excluent l'animal du sacrfice et de la consommation, tandis que les peuples de l'Europe 1'0nt apprci. En iranien, le mot a exist, nous le savons maintenant. Il .n'y a done plus aucune difficult a admettre qu'en prncipe le theme indo-europen * porko- est commun a l'ensemble des dialectes; nous avons constat sa prsence en iranien oriental et confir-mation nous est donne par les emprunts du finno-ougrien.

    Certes nous ne pouvons encore dfinir la signification exacte du terme en khotanais, langue tardive du VII" ou VIII" siecle de notre ere. Mais puisque * s- est commun a l'indo-iranien et aux langues d'Europe, si ron a employ galement * porko- en ,iranie?, c'~st qu:il ~ai~ ~stinct du terme .* s-. Les tralts presumes ou etabhs mdlrecte-ment concordent avec les faits certains tirs d'emplois tex-tuels.

    Tout cela, l'existence des deux mots employs des la prode indo-europenne et ~a diffrence de ,~ens que n~us avons souligne, permet d affirmer que 1 mdo-europeen commun * porko- dsignait le pedt pore . La eonclu-

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  • LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS INDO-EUROPENNES

    sion ngative de la doctrine traditionnelle n'est plus jus-tifie : il existait bien un levage indo-europen du porc. C'est ce que le vocabulaire rvele par la distinction qui apparait entre ss et porcus, symtrique ge celle qu'on rencontre dans les noms des autres animaux domestiques.

    Il faut encore remarquer dans cette opposition entre ss et porcus que la diffrence lexicale qui spare ces deux termes peut se raliser. plus tard dans des termes diffrents. L'opposition ss " porcus subsiste dans toute la latinit jusqu'apres l'poque classique, mais ensuite la valeur propre a ss a pass a porcus qui a rempli la fonc-tion de ss " a ce moment ss disparait.

    Dans les Gloses de Reichenau, prcieuses pour la tran-sition du latin au fran~ais, le terme ss est glos porcus salvaticus (= porc sauvage). Ainsi ss a t confin au sen s de porc sauvage et porcus a pris sa place comme nom du porc . Mais il fallait refaire un terme qui rempla~t porcus dans son sen s antrieur : de la por-cellus, fr. pourceau.

    Puis, sous l'influence de la langue des Evangiles OU porcellus signifie porc , on recourt pour le jeune animal a un terme technique : goret . L'expression de la diffrence est renouvele, le meme cart est conserv: car il importe de mantenir une distinction qu releve, elle: d'une ralit extra-lingustique, les conditons de l'levage.

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    chapitre 3 proba ton et }'conomie homrique

    Sommaire. - Il a t soutenu que le terme de cration grecque prbaton dsigne le petit btail, par suite le mouton ,. paree que, dans un troupeau composite, les moutons marchent volontiers en tte (pro-banein).

    On montre que cette these est insoutenable : 1 0) prbaton, au dpart, dsigne aussi bien le gros que le

    petit btail; 2) les Grecs n'avaient pas de troupeaux composites; 3) probanein ne signifie pas marcher en. tete . En fait, prbaton, singulatif de prbata, dOlt etre rapproch

    de pr6basis richesse (meuble) ; c'est en tant que nchesse marchante par excellence, oppose aux biens qui reposent dans les cofIres (keimlia), que le mouton s'appelle pr6baton ,..

    Nous avons considr un probleme pos par la coexis-tence de plusieurs termes ayant apparemment la meme significaton a l'ntrieur d'une meme langue ou de plu-sieurs langues indo-europennes.

    Une situation analogue seprsente en grec OU nous avons, pour le nom d'une autre espece, celle des ovins, deux termes aussi : wis (owtc;) et prbaton ('ltp66a:t'ov). Ces deux termes dsignent l'un et l'autre le mouton, des les plus anciens textes.

    Le premier est un vieux mot du vocabulaire commun, exactement conserv en grec, en latin, en sanskrit et que nous retrouvons maintenant en luwi sous la forme hawi-. Le deuxieme est limit au grec; et il y a prsomption, d'apres la forme meme, de cration rcente.

    Chez Homere, wis et prbaton coexistent, pms wis disparait au profit de _prbaton qui a seul subsist jusqu'a l'poque moderne. Voila le probleme qui se pose: pour-

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  • LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS INDO-EUROPENNES

    quoi deux termes distincts? Que signifie le terme nou-veau? ear pour le premier, il suffit de constater que c'est un mot indo-europen commun qui n'est pas autrement analysable. .

    Pour le second, prbaton, considr en lui-meme, sans gard a ce qu'il dsigne, on peut le rattacher en grec d'une maniere daire a probano (1tp06aL\lw), marcher, avancer . Mais que signifie exactement ce rapport de mouton avec marcher , comment l'interprter? I1 Y a une explication du comparatiste allemand Lommel (1), devenue classique, enseigne partout comme vidente : probano signifie marcher en avant ; prbaton serait le pedt btail en tant qu'il marche en avant ; en avant de quoi ? Dans certains pays d' Mrique, on forme les trou-peaux en assemblant des animaux de plusieurs especes ; ce sont les moutons qui vont en tete. Des lors pr6baton dsi-gnerait l'animal qui marche en tete d'un troupeau com-pos d'animaux diverso Cette explication, admise par Wackemagel, est entre dans le domaine public; ainsi elle figure dans le dictionnaire de LiddeIl et Scott.

    C'est l'histoire de ce terme que nous devons reprendre. pour voir sur ses emplois si le dveIoppement du sens, au cours d'une volution q1le n011S pouvons suivre com-pl~tement, confirme bien l'exnlication propose.

    I1 faut remarquer tout d'abord que la forme pr6baton n'est pas la plus commune; les premiers exemples sont au pluriel, ta pr6bata, et le singulier est a date andenne inconnu. Seul le pluriel est employ chez Homcre et Hrodote. En particulier pour Hrodote, on trouve trente et un exemples du pluriel, mais pas un seul du singulier. Dans les poemes homriques, pour dsigner un animal, c'est is qui est employ, jamais pr6baton; de fait, la seule forme homrique est pr6bata - et ce n'est pas seulement un dtail morphologique. Nous devons parler non d'un plurieI, mais d'un coIlectif : ta prbata. La forme prbaton, par suite est ce qu'on appeIle un sin gulatif : d. le rapport de tlanta a tlanton, de dkrua a dkruon. Les noms gnriques d'animaux sont le plus

    (1) Zeitschrift fr t.ergleichende Sprachlorschung, 1914, pp. 46-54.

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    PROBATON ET L'CONOMIE HOMRIQUE

    souvent des coIlectifs ta z~a est plus anden que to z~on. Un terme nOlveau, de cration grecque, et qui subsiste

    dans la langue actueIle est to logon (spcifi au sens de cheval dja dans les papyri un peu apres notre ere). Il faut voir dans to logon le singulatif de ta loga les betes , les dpourvues de raison , pour les animaux les plus CORlmuns ou les plus utiles, partant les chevaux. De meme en latin, animalia est plus anden que animal. e'est un type de dsignation tres frquent : une grande partie des noms d'animaux sont des coIlectifs.

    Les relations morphologiques de ta pr6bata a probano restent a prciser. A premiere vue prbaton ou pr6bata semble un compos en -batos, un adjectif verbal procdant de bano. Mais il n'aurait pas ainsi son sens normal: par exemple batos, dsbatos, dibatos sont tous caractriss par un sens passif, pour dire ce qui est franchi , avec une dtermination indique par le premier membre du compos, ou bien ce qui peut etre franchi . On a aussi le sens passif dans l'adjectif simple bat6s (~a-r~) acces-sible . Une autre valeur apparalt dans des composs tels que hupsbatos de sens actif qui est mont haut, est alI dans la hauteur .

    Mais ce n' est ni le sens actif, ni le sens passif qui con-vient a pr6baton, ou le deuxieme lment fonctionne comme un participe prsent, qui marche . e'est qu'en effet les grammairiens anciens font une distinction entre pr6baton et les adiectifs en -batos : selon eux, le darlf pluriel de pr6baton est pr6hasi (1tpMaO'l.). Nous avons done la un theme consonan tique; -pro-bat- (1tpo-8a-r-) est la seule forme qui explique le datif et c'est elle qui doit ~tre postule. Elle peut etre justifie au point de vue morpho-logique, car il y a des formes radicales suffixes en -t-(d. skr. -jito, k!it-) que le grec a adaptes a un type suf-fixal et a une catgorie de Hexion plus connus : en face de skr. pari-k!it-, on a gr. peri-ktt-ai (Od. 11, 288); d. lat. sacer-dot-. La OU le grec avait -thet-, on l'a nor-malis en -tht-esJ ce qui constitue un des procds pour ramener a la norme des formes archaiques et un peu aberrantes. Phnomene analogue, mais procd diffrent dans le cas de prbaton : on a, id, recouru a la thmati-sation (fadlite par pr6bata) pour normaliser la forme

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  • LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS INDO-EUROPENNES

    originale en -bato, garantie a la fois par le datif pluriel prbasi et par le sens de participe prsent du moto

    Maintenant que nous avons considr la morphologie ci'une maniere un peu plus prdse, voyons le probleme du sens. D'apres Lommel, comme on l'a vu, prbata dsi gne le petit btail, les moutons, en tant que marchant en tete du troupeau ; c'est donc pour la these de Lommel une condition essentielle que prbata soit proprement le petit btail . Est-ce donc bien l'usage du mot ? - Nul-lement. On dispose de beaucoup d'exemples dans les textes littraires et dans l'pigraphie dialectale ancienne.

    Chez Romere d'abord, Il. 23, 550 : Tu as dans ta maison beaucoup d'or, de bronze, et des prbata et des ser-vantes ; que signifie ici prbata? - Evidemment le btail en gnral, puisqu'on ne spcifie aucune espece. Hrodote crit 'ta AE7t'ta 'tWv 7tpoM'tw'V pour dire le petit btail , ce qui serait absurde si prbata dsignait diA le petit btail. Donc, c'est le btail sans spcification d'espece ni de taille. Nous pouvons affirmer, apres examen de tous les exemples, que chez Hrodote le terme se dit de n'importe quel btail, gros ou petit. Chez Rippocrate, qui crit l'ionien anden - et dont le vocabulaire a un grand intret -, nous trouvons une opposition claire prbata/ nthropoi, les betes et les hommes.

    Puis voici un fait dcisif dans une inscription arca-dienne relative a Athena Ala a Tge : 't0 ~E'V ~~o'V 7tpSa'to'V ... 't0 OE ~E:O'V le grand et le petit prbaton ; et il y a un autre exemple semblable avec ~E:OC; et ~d~w'V. Tout ced dfinit clairement le mot comme dsignant l'en-semble du btail, non encore spcialis. On peut fixer le moment ou le sens s'est restreint en petit btail . C'est en attique que le fait s'est produit.

    Il n'est pas besoin d'aller plus loin : si prbata est d'abord et partout le btail en gnral, il devient impossible d'appuyer la prhistoire du terme sur le sens de petit btail , relativement rcent. Un deuxieme point essentiel ': a-t-il exist prhistoriquement en Grece de grands troupeaux mixtes, en tete desquels marchaient les moutons ? Ces coutumes s'observent, nous dit-on, en Afri-que. Mais id, en Grece, estoce que l'usage pastoral com-portait de grands agrgats de betes diffrentes ?

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    PROBATON ET L'CONOMIE HOMRIQUE

    Nous ne connaissons pas de descriptions explicites, maJe nous avons des tmoignages indirects de la composition des troupeaux, ce sont des faits de vocabulaire connus que nous avons a rappeler. Il n'y a pas de nom uniforme ou de compos uniforme pour dsigner le troupeau, mais des termes distincts selon les animaux, avec des mots sp-cifiques pOMr les patres respectifs :

    sub6sion

    aip6lion

    est exclusivement le troupeau de moutons (pasteur oiop61os)

    . . . . . . . . . . . . . le troupeau de bceufs (pasteur bouk61os)

    . . . . . . . . . . . .. le troupeau de pores (pasteur subtJtes)

    . . . . . . . . . . . .. le troupeau de ehevres (pasteur aip61os)

    Il faut noter que le nom du pasteur de moutons, du berger (berbicarius) est fait sur wis, non sur prbaton.

    Cette distinction existe galement dans d'autres lan-gues : en latin, pecudes dsigne les moutons (d. po) en face d' armenta le gros btail . On comparera aussi les termes anglais flock et herd ; l'anglais a bien une srie de termes distincts selon les especes animales.

    Si nous trouvons seulement des noms de troupeaux particuliers, c'est que les grands troupeaux mixtes n'exis-taient pas ; chaque espece avait son gardien spcialis et paissait a part.

    Voila donc un argument dcisif contre l'explication de Lommel. La pratique de l'levage est assez ancienne en Grece pour qu'il y ait eu, longtemps avant l'poque hom-rique, une division du travail entre les divers pasteurs spdaliss. Nous dcouvrons en mycnien meme un suqota- rpondant a hom. subts, et un qoukoro qui rpond a bouklos j on connalt aussi le nom mycnien du chevrier : aikipata. Il n'y a donc rien dans les tra-ditions ni dans le vocabulaire qui permette de supposer l'existence de troupeaux mixtes : le second argument de Lornmel est caduco

    Il reste nanmoins la relation tymologique prbata/ probano qui semblerait imposer pour prbata le sens de qui marche en tete . Mais meme pour un verbe de forme aussi claire que probano, il ne faut pas craindre

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  • LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS INDO-EUROPENNES

    de. vrifier. Or, quand on relit les exemples, on s'aper-~It que probano ne signifie jamais marcher en tete , quoique tous les dictionnaires 1'assurent. n faut voir en e~et de, quel type d'exemples ils appuient ~ette significa-tlon pretendue. Le sens le plus frquent est en ralit avancer, progresser, se dplacer en avant : ce sens

    n~a pas besoi.n d'etre justifi, les exemples sont imm-dlatement cIalrs ; chez Homere (n. 13, 18) xpa.L1tVa 1tocrt 1tpolMStncrete ; ~out ce qui ~it (keitai), keimlia, mtaux pr-Cleux ~n lmgots, or, CUlvre, fer aussi, s'oppose a ta pr-bata, rlchesses sur pied, constitues en fait par les trou-

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  • LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS INDO-EUROPENNES

    peaux, le btail en gnral. Tel est bien le sens de pr6bata que nous avons observ chez les crivains.

    Cette explication. met dans une nouvelle perspective l'conomie de la civilisation homrique. Lomme! avait imagin un type extraordinairement primitif de troupeaux forms de grandes mas ses d'animaux. En fait, pr6bata .. rapproch de pr6basis, dnote une organisation sociale beaucoup plus v.olue. Dans la socit homrique, la richesse est une ralit multiple, considre dans ses diverses valeurs qu'on distingue en keimlia et pr6bata.

    La meme distinction s'est maintenue, a une poque beaucoup plus rcente, en germanique. Dans le monde scandinave, nous avons une dsignation qui rappelle pr6-bata. C'est isl. gangandi f gehendes Vieh , mais OU f reprsente pecus au sens germanique, c'est-a-dire la richesse ; got. faihu traduit argrion argent . Le sens de l'expression est la richesse qui marche pour dsi-gner le btail ; d. ci-dessous chapo 4. Une possibilit aussi de rapprochement (rien de plus) s'offre avec le hittite iyant- mouton ' qui a la forme du participe de i-(d. gr. eimi), aller, marcher . On n'est pas assur encore que ce soit le nom exclusif du mouton et non ce1ui d'une espece particuliere. Si le sens tait confirm, le rappro-chement serait frappant.

    Voila le fait essentiel. Pour le reste du dveloppement smantique, il n'est pas besoin d'insister sur une volu-tion reprsente par beaucoup d'exemples, dans toutes les langues, a toutes les poques.

    Le sens dans lequelle terme gnrique se restreint est impos par la notion de l'espece qui prvaut; le fait est gnral et bien attest : ainsi lato bestia > fr. biche

    " > Engadine becha mouton lato animal > dial. ital. du nord : nimal porc

    ,,> autre rgion : nemal breuf C'est toujours l'animal par excellence, l'espece la mieux

    reprsente, la plus utile localement, qui prend le nom gnrique : ital. pecore brebis .

    On peut ainsi intgrer pr6bata dans des groupes qui se renouvellent achaque instant. Le sens particulier de

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    PROBATON ET L'CONOMIE HOMRIQUE

    pr6baton provient de conditions locales d'levage; la signification premiere, en relation avec probano, ne peut s'interprter que dans le cadre d'une structure conomique dfinie (1).

    (1) Pour I'ensemble des chapitres, 1, JI, JII, on pourra se reporter 11 notre artide Noms d'animaux en indo-europen , Bulletin de la Socit de Linguistique de Paris, 1949, pp. 74-103.

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  • chapitre 4 le btail et l'argent : pecu et pecunia

    Sommaire. - 'Pour tous les comparatistes, i.-e. *peku dsigne le btail ou, dans un sens plus troit, le mouton . Le sens de richesse , lorsqu'il apparait pour ce terme ou te! de ses drivs (p. ex. lato pecunia), est des lors tenu pour secon-daire et on explique qu'il rsulte d'une extension smantique du terme qui dsignait au dpart la richesse par exeellence, le btail.

    L'tude de *peku et de ses drivs dans les trois grands dialeetes 011 il est reprsent - indo-iranien, italique, germa-nique - conduit a un renversement de l'interprtation tradi-tionnelle : *peku dsigne originellement la richesse mobiliere personnelle - et e'est seulement par spcifications sueeessives qu'il a pu dsigner, dans eertaines langues, le btail , le petit btail , le mouton . L'volution est paralleIe a ceIle de pr6bata (ch. 3).

    Dans le vocabulaire de l'conomie indo-europenne, qui est une conomie pastorale, il y a un terme d'importance capitale, * peku, attest sur trois grandes aires dialec-tales : indo-iranien, italique, germanique. (Le lituanien pekus~ est tres probablement un emprunt au germanique ou a quelque langue de 1'0uest.)

    Tous les comparatistes s'accordent a voir dan s * peku, le nom indo-europen du btail et a l'expliquer par une racine * pek- tondre . Ce terme dsignerait done proprement 1' ovin en tant que porteur d'une toison, et il aurait t gnralis pour l'ensemble du btail . Tel est l'enseignement donn depuis les dbuts de la gram-maire eompare.

    Nous essayons de montrer ici que eette conception de * peku est insoutenable et qu'il faut reprendre l'analyse des donnes. L'examen portera successivement sur rindo-iranien, le latin, et le germanique, et eonduira a des con clusions qui dpassent le probleme considr.

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  • LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS INDO-EUROPENNES

    1

    INDO-IRANIEN

    Les formes a tudier sont 'ldique pasu et avestique pasu.

    En vdique dans l'ensemble le sens est ce1ui de btail , confirm p~r diverses circonstances de l'em-ploi : liaison avec vraja table , avec gopa berger , avec ytha troupeau , etc. Il faut cependant observer :

    10) que pasu est un terme collectif couvrant toutes les especes d'animaux domestiques (chevaux, bceufs) et seu-lement celles-la : asvavantam gomantam pasum (Rig Veda 1, 83, 4) : pasum asvyam gavyam (V, 61, 5), etc. ;

    20 ) que pasu englobe meme l'homme dsign comme P4SU bipede, sur la meme ligne que le pasu quadrupede : dvipde ctus padeca pasve (nI, 62, 14). Ce n'est pas seulement de ce passage qu'on peut l'induire : c'est l'en-segnerilent explicite du Satapatha-BrahmaI}a (VI, 2, 1, 2) sur les cinq pasu : puru~am asvam gam avim ajam homme, cheval, bceuf, brebis, bouc , et d'autres textes qui transposent cette dfinition dans la thorie du sacrifice.

    L'inclusion de l'homme dans le pasu est l'indice d'une socit pastorale OU la richesse mobiliere se composait a la fois d'hommes et d'anmaux, et OU le terme pasu, signi-fiant d'abord cette richesse mobiliere, pouvait convenir aux bipedes comme aux quadrupedes .

    L'iranien confirme cette vue. L'association des hommes et des animaux, implicite dans la dfinition vdique, est explicite par la formule avestique pasu vira, btail-hommes dont l'antiquit est reconnue depuis longtemps.

    Que dsigne au juste vira homme , dans la formule avestique pasu vira a laquelle fait cho, a l'autre bout de l'aire indo-europenne, le uiro pequo des Tables Eugu-bines ? Pour le sanskrit, Lders a mont que vira, dans un contexte ou il est li a la nl)t.ion de btail, dsigne l'esclave . Ce sens, qu'on le prenne strictement ou qu'on l'attnue en gens de maison, domestique , vaut aussi pour le vIra aves tique dans pasu vira. / Nous en donnerons une nouvelle confirmation, que

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    LE BTAIL ET L'ARGENT : pecu ET pecunia

    nous tirons d'une gatha de Zarathustra. Dans une strophe d'accent pathtique (Y.46.2), Zarathustra se plaint de son impuissance a vaincre l'hostilit qui l'entoure de toutes parts : je sais pourquoi je suis sans pouvoir, o Mazda ; e'est que je suis kamna-fSu (= j'a peu de pasu) et que je suis kamna~nar- (= j'a peu d'hommes). Les deux qualificat;ons kamna-fSu qu a peu de pasu et kamna-nar- qu a peu d'hommes procedent vdemment de la formule pasu vIra avec une transposition de vira en nar connue dans I'Avesta aussi. C'est le fait d'etre pauvre en pasu et pauvre en nar- qui rend Zarathustra impus-sant : ces possessions, qui constituent les deux especes de la richesse mobiliere, conferent ensemble la puis-sance. Nous ajouterons donc la locution gathique kamna-Su- kamnanar- au rpertoire aves tique des composs batis sur la locution pasu vira et qu procedent par termes coupls.

    I?ans .la diversit de ces tmoignages linguistiques se refIete l'lmportance du pasu pour la socit pastorale du Nord-Est de l'Iran, dont l'idologie inspire les portions les plus ancennes de l' A vesta.

    Nous nous bornons a la phase ancienne sans suivre l'hi~toire ultrieure, d'ailleurs connue, de pasu. Ce terme anClen est devenu aujourd'hui le nom du mouton dans une partie de l'ranien. Une nouvelle spcialisation suc-

    ced~ ainsi a ~e~~ qui a, dans une priode bien plus anClenne, confere a pasu le sens de btail .

    De meme, c'est comme lment de la richesse mobiliere gu'il faut prendre le vIra aves tique dans pasu vira. On dsigne par cette locution l'ensemble de la possession mobi-liere prive, autant les hommes que les animaux, l'homme tant tantot englob dans le pasu (pasu), tantot men-tionn sparment.

    On peut tendre la meme interprtation au uiro ombrien, non pas seulement parce que la formule uiro pequo vient d'un hritage indo-europen commun, mais ~n .vertu d'un i.ndice spci~que, propre a deux peuples

    1tahq~es, ?mbrle~s .~t Latms. On n'a pas encore pret attentlOn a une slmilltude frappante entre le formulaire ombrien et un passage de la vieille priere que cite Caton. En ombrien une expression rituelle revent onze fos :

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  • LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS INDO-EUROPENNES

    uiro pequo .... salua seritu salua seruato . Comparons-y chez Caton : pastores pecuaque salua seruassis. 11 suflit de superposer les deux textes :

    ombrien uiro pequo ... salua seritu latin pastores pecuaque salua seruassis

    pour qu'apparaisse la correspondance troite des formu-laires. Tous les termes successifs se rpondent dans l'identit tymologique, sauf le premier ou le meme sens est nonc par des termes distincts : c'est justement l'ombrien uiro, dont l'quivalent latin est, non uiros, mais pastores. D'ou il rsulte que l'om?rien dsi~ait par ~ir?) li a pequo, les hommes charges des SOlOS du bt~il. Nous avons donc en ombrien le paralleIe exact de la nouon de vira associ a pasu en indo-iranien.

    Que pasu renvoie d'abord a une valeur conomiqu~, on peut en trouver confirmation dans le terme k~u qUl, quoique apparent a pafu- comme av. fSu- a pasu-, s'en est dtach de bonne heure et garde mieux le sens premier. L'adjectif puruk~u signifie abondant en richesses.' en possessions , mais non spcifiquement en btail . C'est une qualification des dieux Agni, lndra, Soma, et on le trouve souvent associ a des termes dsignant la richesse .

    11 semble que tous ces indices laissent voir dans le sens de btail , une restriction du sens plus anden et plus large de richesse mobiliere , appliqu a la prin-dpale forme de possession dans une socit d'levage.

    II

    LATIN

    La formation de pecnia est unique en latin. C'est la son prix; c'est la aussi sa difficult. 11 faut y insister d'autant plus que ce probleme de morphologie n'a pas encore t trait. Le rapport forme! de pecnia a pec est celui d'un driv secondaire, provoquant l'allonge-ment de la voyelle finale du theme. La question essen-tielle est celle du suffixe. Un parallele a la formation de

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    LE BTAIL ET L' ARGENT : pecu ET pecunia

    lato pecnia a t signal, entre autres, par Meillet : c~est celle du V. sI. -ynji * -nia). Ce suffixe -yni cons-titue en V. slave des abstraits tirs d'adjectifs, ainsi dobr-ynji hont : dobru bon ; ou des noms de per-sonnes fminines tirs des masculins correspondants : bogynji desse : bogu dieu . Nous pouvons meme allguer.un driv slave en -ynji tir d'un theme en * -u- : c'est l'gynji allegement : l'guku lger (d. skr. lagh-, ragh- lger ).

    Ce rapprochement pourrait etre retenu. Mais 11 faut en tirer les consquences. Puisque latin pecnia est un abstrait, il doit, comme les abstraits slaves en -ynji, sup-poser un a d j e c t i f comme forme de base. On aurait alors a envisager * peku comme le neutre d'un adjectif tres archaique, qu'aucune langue n'aurait conserv. Si cette consquence - inluctable - parait trop hardie et si on juge qu'elle postule une formation dont l'exis-tence ne pourrait etre autrement dmontre, il reste I'al-ternative d'expliquer pecnia par les ressources de la morphologie latine.

    On rapprochera alors pecnia des drivs fminins en. -nus,. -na forms sur des noms en -u- : ainsi fortna qUl se tIre du nom * fortu- (cf. fortu-itus), ou Portnus, opportnus de portu-. I1 faut alors admettre 1) que la correspondance entre lato pecnia et la formation slave en. -ynii n'est qu'apparente et rsulte d'un proces secon-daue, et 2) que pecnia est un abstrait en -la form en latin meme sur un driv -nus/-na analogue a portnus, fortna (d. portus et fortu-itus), ou a la rigueur sur un fminin en * -ni-o

    Tel est le dilemme ou nous enferme l'analyse de cet abstrait sans paralIele en latin : ou pecnia releve de la meme formation que slave * -nyii et il doit se relier a un adjectif anden et non au neutre historique pec ,. ou pecnia drive directement du neutre pec, mais par une suffixation qui n'est plus immdiatement comparable a celle des abstraits slaves en -ynji.

    L'autre substantH driv de pec est peclium. Id encore il s'agit d'une forme qui reste isole et sans ana-logue parmi les neutres en -ium. On peut nanmoins en dmeler la formation. Entre pec et peclium, il faut

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  • LE VOCABULAlRE DES INSTITUTIONS INDO-EUROPENNES

    poser un intermdiaire * peclis qui est a pec/ comme idlis a ids, triblis a tribus. Pour le rapport entre * pec-lis et peclium, on comparera edlis et edulia (d'ou ed-lium). De peculium on tire un verbe dnominatif pecu-lo(r), d'ou le substantif peculatus, -uso Ainsi la srie peclium : peculo(r) : peculatus devient paralleIe a domi-nium : dbminor : dominatus. Toute la chalne des drivs qui se groupent avec peclium s'organise ainsi rationnelle-mento

    L'essentiel est maintenant le probleme du sens de pec-nia du sens de peclium et de leur relation avec pecu. Au~ yeux de tous les tymologistes, pecu est le btail ; pecunia, la riehesse en btail , peculium, .la part de btail laisse a l'esclave . Tel est l'enselgnement de tous les dictionnaires tymologiques et des ouvrages de morphologie latine, rpt~nt une interprtation qu'9n ~eut dire sculaire et meme millnaire, puisqu'elle nous Vlent

    . , - . des tymologistes romains, des trois termes pec, pecuma, peclium. . '

    La relation formelle entre ces trOlS termes est assuree. Il s'agit de savoir comment l'entendre. Pour cela, il faut commencer par tablir ce que signifient pecunia et pec-lium.

    1. - Pecnia

    Il ne suffit pas d'avoir expliqu le lien formel qui rat-tache pecnia a pec. I1 faut lucider parallelement le rapport de sen s qui rsulte du rapport de drivation. Or, on peut consulter tous les auteurs de la latinit ancienne et c1assique, pareourir toutes les citations de dictionnaires ; jamais on ne constatera un lien entre le sens de pecnia et celui de pecu troupeau, btail . Dans tous les exem-pIes, pecnia signifie exc1usivement . fortune, ar~ent , et se dfinit par copia nummorum . On dOlt alors procder par infrence mthodique, sans tenir compte des vues traditionnelles. Si le driv pecunia a exc1usivement, des les premiers emplois, le sens d' argent, fortune, xP1p.a:ta , c'est que le terme de base pecu se rapporte exclusivement a une valeur conomique et qu'il signifie possession mobiliere . Ainsi seulement sera justifi le

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    LE BTAIL ET L'ARGENT : pecu ET pecunia

    sens constant de pecunia,' qui, comme abstrait-collectif gnralise le sens propre a pecu. '

    C'est e~ vertu d'un proces distinct, tout pragmatique et secondalre, que * peku dont le sens tait possession mobiliere a t appliqu spcifiquement a la ralit dite btail . Il faut distinguer dans cette analyse.les deux plans thcriqes : celui de la signification et celui de la dsignation. Il faut distinguer en consquence le sens propre de * peku, rvl par ses drivs anciens et l'em-ploi historique du mot pour dsigner le btall . Une fois ralise la jonction smantique entre ce terme * peku et cette ralit, le btail, la dsignation se he pour un

    t~mps: Mais l'histoire ne s'arrete pas et de nouvelles sp-clficatlons peuvent encore se produire : c'est le cas des diffrenciations opres en latin entre pecu, pecus, -oris, pecus, -udis. Elles relevent de l'histoire lexieale du latin et n'intress~nt plus les relations fondamentales que nous mettons au Jour.

    Ce sont ces relations qui ont t mconnues. Le rsultat est qu'on interprete inexlictement tant pec que pecunia. Et ees .notion~ inexaetes ont t transposes d'abord par les Lat1n3, pUlS par les modernes, dans la traduetion naive de pecunia par riehesse en btail , que tout rfute. Ot;t ~~it I;'?se~, a yinve~se, que la nature rel1e du pec

    ~rlmltIf s eclatre a partIr du sens rel du pecnia histo-rtque.

    La notion de richessemobiliere , exprime par pecnia, pouvait englober d'autres espeees que le btail . On. se fera une ide de son extension premiere par cette notlee de P. Festus qui doit se rfrer a une locution archaique : pecunia sacrificium fier dicebatur cum fruges fructusque offerebantur, quia ex his rebus constant quam nunc pecuniam dicimus.

    Pour ce glossateur, les fruges fructusque constituaient la pecunia. On peut enregistrer eette valeur largie de p~~nia sans rejeter, mais en les rinterprtant, les dfi-rutIons de Varron : pecuniosus a pecunia magna, pecunia a pecu : a pastoribus enim horum uocabulorum origo.

    Il suffit en effet de lire Varron (L. L.) pour savoir ce qu'on entendait de son temps par pecunia. Il fait entrer sous la dnomination de pecunia, des termes corome do;

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  • LE VOCABULAlRE DES INSTITUTIONS INDO-EUROPENNES

    dot , arrabo arrhes , merces salaire , corolla-rium pourboire (V, 175); puis multa amende (177); sacramentum dpot sacr (180); tributum tribut (181) ; sors pecunia in faenore (VI, 65) ; sponsio dpot garantissant une promesse de mariage (VI, 70). Il y avait en outre la pecunia signata, l'argent monnay (V, 169), les nuncupatae pecuniae des textes de lois (VI, 60); bref pecnia couvre tous les usages pos-sibles de l'argent COJIlme valeur conomique ou comme signe montaire, mais encore une fois, il ne se rfere jamais a la possession du btail . Cela veut dire que dans l'usage latin, pec et pecnia taient devenus des termes distincts, du fait que, quand pec s'est spdalis dans la dsignation du btail , il n'a pas entrain pecnia, qui a conserv sa valeur premiere de fortune mobiliere .

    II. - Peclium

    Ce qui a t dit de pecnia vaut aussi, dans une assez large mesure, de pec/ium. Nous avons id affaire a un terme qui, disons-Ie d'emble, est encore plus loin de pec que ne l'tait pecnia. On sait que peclium dsigne la possession propre concde a ceux qui ne peuvent lgalement possder : pargne personnelle accorde a l'es-clave par- le maitre, au fils par le pere. La notion d' avoir propre est au premier plan et cet avoir consiste tou-jours en biens meubles : argent ou moutons. Nous n'avons pas a nous demander pourquoi peclium se rapporte aux conomies de l'esclav.e et pecnia a la fortune du maitre; c'est la un probleme d'histoire des institutions, non de la forme linguistique. Cette rpartition constate, nous retrouvons le sens de peclium dans le drv pecliaris propre au peclium ou donn en peclium . De fait, pecliris est seulement l'adjectif de peclium, et n'importe quelle possession meuble peut devenir un pec-lium. On le voit encore chez Plaute : un jeune gar~on peut etre donn comme peclium au fils du maitre et sera dit le pecliaris puer : c'est un des lments de la comdie des Captiui (v. 20, 982, 988, 1013). Dans les conditions

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    LE BTAIL ET L'ARGENT : pecu ET pecunia

    ordinaires de sa vie, l'esclave ne pouvait guere se cons-tituer un peclium qu'avec ce qui tait a sa porte; un peu d'argent, quelques moutons. Mais cette limitation de fait n'impliquait pas que peclium dsignat une piece de btail pll1tot qu'une piece de monnaie.

    Nous pouvons donc voir dans peclium une deuxieme preuve qtIe la notion de base, celle de pec, ne se rap-portait pas spdfiquement au btail. Dans peclium, plus que dans pecnia, est souligne la relation d'appartenance personnelle, bien que restreinte a une certaine classe sociale. Mais la possession en question est toujours celle d'un bien meuble, que peclium soit pris dans son sens striet ou dans des acceptions figures. Par ces deux traits, possession personnelle et bien meubles, se dfinit aussi le verbe driv peculo{ r) qui a produit peclatus appro-priation (frauduleuse) des deniers publics . Entre ce terme juridique et le terme de base pec, une continuit fonctionnelle est rtablie, paralIeIement a la chaine de drivation morphologique. On peut id raisonner par ana-logie. De meme que de edlium plat agrable a manger , on remonte a edlis susceptible d'etre mang et de edlis a * edu, a peu pres mangeailIe , de meme de peclium possession meuble personnelle , on remon-tera a * peclis, * appropriable , et de * peclis a pec qu'il faut alors dfinir comme proprit (mobi-liere) . On est condut, quelle que soit la voe choisie, a la meme conc1usion : pec signifie bien meuble (per-sonnel) .

    III

    GERMANIQUE

    Le mot * peku est attest dans l'ensemble du germa-nique anden, mais le sens vare selon les dialectes et ce sont prcisment ces variations qui peuvent nous ins-truire sur la valeur propre du terme. Nous devons l'en-visager dans le contexte propre de chacun des dialectes anciens.

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  • LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS INDO-EUROPENNES

    En fait, au sein du germanique, la forme v. h. a. fihu (variantes feho) fehu) est la seule qui signme btail . Dans les textes traduits du latin, il rend pecus) pecudes) et plus gnralement iumenta; d. en outre fehelth tie-risch , fihu-sterbo peste , fihu-wart Viehhirt , fihu-wiari Viehweiher . Mais ce sont des latinismes ; les modeles latins ont t dterminants ici comme dans bien d'autres caso On va voir en effet que v. h. a. fihu s'est fort loign du sens que le mot avat conserv dans tout le reste du germanique, et que l'nnovation.ou la sp-cialisation est a mettre au compte du vieux-haut-allemand, contrairement a ce qui est communment admis. Autre-ment on ne pourrait comprendre la situarion qu est celle de * peku dans les autres dialectes et qu'il reste a dcrire, non plus que le role du terme vieux-haut-allemand lui-meme dans la genes e de m. lato feudum nef .

    Il faut en premier lieu examiner le tmoignage du goti-que. Le neutre gotique faihu dsigne seulement l'argent, la fortune , et n'a jamais de relation avec le monde animal. Voici un exemple :

    Gahaihaitun imma faihu giban ils promirent de lui donner de 1 'argent , epeggelanto aut~i argrion dounai) promiserunt ei pecuniam se daturos (Marc 14, 11).

    Cet exemple sufnrait a montrer que faihu) terme choisi pour traduire gr. khrmata) argrion) lato pecnia) posses-siones) se rfere exc1usivement a l'argent, a la richesse. C'est aussi ce que montrent les composs gotiques de laihu tels que : faihufriks avide d'argent, pleonktes) philrguros , faihufrikei cupidit, pleonexa , faihu-gairns cupide d'argent, philrguros , etc.

    On voit donc que faihu est completement tranger au vocabulaire pastoral, qu comprend des termes tout dif-frents, tels hairda troupeau, pomne) agle , hairdeis berger, poimn ; awepi troupeau, poimne ; wriPus troupeau, agle , lamb mouton, brebis, p"-baton . L'entourage smantique de faihu) ce sont les ter-mes qu dsignent l'argent et la richesse : gabei richesse, plotltos , gabeigs (gabigs) riche, plosios et.les verbes dnominatifs gabigjan enrichir, ploutzein et gabignan s 'enrichir , ploute2n ainsi que silubr argent, arg-

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    LE BTAIL ET L)ARGENT : pecu ET pecunia

    r~on (mtal et monnaie), skatts denier, mine, den-non) mna ; plur. peces d'argent, argria .

    Une preuve supplmentaire que got. faihu n'a aucune attac~e ave~ le mo.nde de l'levage est fournie par une relatlOn lexlcale qUl n'a pas encore t discerne et qu'il faut tablir dans son drot.

    11 .existe en gotique un verbe gafaihon) bifaihon qu tradUlt gr: pleonekten, avec un nom dverbatif bifaih p~eonexza . Dans la He .Epitre aux Corinthiens, qui conUent tous les exemples, Paul emploie pleonekten pour ~agner s~r quelqu'un, s'e~richir a ses dpens, l'ex-plO1~er . C est ce que le gouque a rendu par bifaihon) gafazhon.

    L'expl.ication de faihon apparait au sen meme du goti-que; faihon est le dnominatif de faihu. La formation e~t celle des verbes tirs de noms en -u- : comme sidon : szdus: ou luston : lustus. ~e rapport de sens entre faihon et fath~ rs~lt.e des, emplO1s des. composs de faihu. Puis-que f~zhu des!gn: 1 argent, la rlchesse, et que faihu-friks tradUlt pleonektes comme faihu-frikei et faihu-geiro ren-~en! pleonexa) on a cr un verbe faihon (bi-) ga-) comme eq~.llvalent de pleonekte2n au sens particulier de s'enri-chlr (sur quelqu'un) .

    Passons maintenant au nordique. La traduction habi-~uelle d~ ~. nor::ois f pa~ Vieh, Besitz, Geld doit etr~ rect!nee : c est la notlon de richesse (mobiliere) qUl ~s.t a mettre au premier plan. Cela ressort de trois condltlOns : , .1) L'expression gangandi -f pour btail suppose eVl?em~ent que f a lui seul ne signinait pas btail , malS

  • LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS INDO-EUROPENNES

    En vieil-anglais, il suffit de consulter le Concise Anglo-Saxon Dictionary de J. R. Clark Hall et Meritt pour cons-tater que oh, au sens - traditionnellement mis en tete de l'article - de cattle, herd , n'a qu'un petit nombre

    . d'attestations, qu'il y aurait d'ailleurs lieu aujo~rd'hui de rviser attentivement, tandis que la grosse masse des exemples se rpartit sous les chefs : movable goods, property et surtout money, riches, treasure . On peut rure que foh en vieil-anglais s'applique d:abord et principalement a la richesse en gnral ou aux blens meu-bIes, et seulement en second lieu et assez rarement a cette forme de fortune mobiliere que constitue le btail. Dans le Beowulf il signifie seulement richesse ou trsor , et chez Aelfric la locution wi liegendum feo for ready money confirme I'anciennet du sens. En outre, il n'y a que trois composs avec foh btail , mais une tren-taine avec oh argent, richesse .

    On peut rpter l'observation pour le moyen-anglais en tuciiant les articles i! du Middle English Dictionary de Kurath-Kuhn (111, 430). Il y a tres peu d'exemples du sens mis en tete: live stock , mais beaucoup plus de fe comme movable property ; possessions in live stock, goods or money, riches, treasure, wealth , et comme money as a medium of exchange or as used for taxes, tributes, ransom, bribes, etc. .

    Il faudrait procder a un nouvel examen des exemplcs et classer les emplois seIon leur exacte valeur contextuelIe, en se librant du schma traditionneI qui imposait a tout prix "btail" comme sens initial. Cette rvision aurait pro-bablement quelques consquences pour l'histoire de I'an-glais lee et celle de fr . .fief, anden feu. ~elon I'e~plication traditionnelle, le franclque fehu btad seralt devenu lat. feus bien mobilier . On penserait plutot que ihu, comme got. faihu, dsignait toute forme de biens meubles et qu'il a gard ce sens quand il est pass en latino lci aussi un nouveI examen serait ncessaire.

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    LE BTAIL ET L'ARGENT : pecu ET pecunia

    IV

    CONCLUSIONS

    Cette esquisse a montr que la conception traditionnelle du * peku indo-europen doit etre entierement rforme. Notre premiere conclusion est que * peku signifie pos-session mobiliere ~sonnelle . Que cette possession soit, en fait, reprsente par le btail, est une donne dis-tincte, qui tient a la structure sociale et aux formes de la production. Cest seulement par sute de cette associa-tion frquente entre le terme * peku et la ralit matrielle de l'levage que, en se gnralisant hors de la classe des producteurs, * peku en est arriv a signifier btail -premiere spcialisation -, puis spcifiquement petit btail - deuxieme spcialisation -, et enfin ovin - troisieme et demiere spcialisation. Mais en lui-meme peku ne dsigne ni le troupeau ni aucune espece anima]e.

    Nous pouvons tablir alors une corrlation entre ]e sens propre de * peku, ainsi restaur, et sa distribution dialectale. I1 est intressant de noter - les comparatistes n'y ont pas pret assez d'attention - que * peku manque en greco Ce n'est pas un hasard. Une notion aussi impor-tante ne pouvait simp]ement disparahre. Le terme indo-europen a t, en fait, remplac en grec par une dsi-gnation ,nouvel1e, qui porte ]e .meme sens; c'est hom. prbasis, avec son quiva]ent beaucoup plus commun, prbata. Notre tude de ce tetme (ci-dessus p. 37 ss.) a fait apparaitre, explicite, le modele de I'volution que nous posons pour * peku : au point de dpart, un terme dsi-~ant ]a P?sse~s(:)fl mobiliere . Celui-ci, pour des ralsons extra-lmgmstlques, se trouve appliqu frquem-ment a la possession de btail ; il devient alors le terme pour btail , et ultrieurement pour I'espece de btail prdominante, le mouton .

    Mais comme on ]'a vu ci-dessus, cette spcialisation, a:c~~plie tot sur le domaine indo~iranien, ne s'est pas realtsee partout. Nous avons en latm et dans une partie notable du germanique, des tmoignages de haute anti-quit prouvant que le sens premier tait possession

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  • LE VOCABULAlRE DES INSTITUTIONS INDO-EUROPENNES

    mobiliere , ce qui expliq1.le toute la drivation. Cette volution n'est pas rversible. Il est en effet improbable au dernier degr que * peku, s'il avait signifi propre-ment btail , eut pu en venir a dsigner 1' argent et la fortune en gnral, ee qui est le sens exc1usif de lato pecnia et de got. fai~u.

    Ce sera notre deuxieme conc1usion : dans un proces lexicalde eette nature, c'est un terme de sens gnral qui se trouve appliqu a une ralit spdfique et qui en devient la dsignation, non l'inverse. Nous prenons id le contre-pied de la relarion qui a t tablie depuis les tymologistes larins jusqu'a nos rcents dictionnaires entre pec et pecnia.

    On peut poser en fait que les termes qui se rapportent a des formes diverses de possession sont des termes gn-raux, dnotant leur relation au possesseur, mais n'indi quant rien sur la nature propre de la chose possde. La signification gnrale permet ainsi des dsignations spcifiques, qui au long de l'histoire, finissent par s'at-tacher si troitement a leur objet particulier que le sens originel en est oblitr. Nous en avons un exemple clair dans gr. prbasis, prbata. De meme, le terme spcifique anglais cattle, fr. cheptel remonte a lato capitale bien principal ; dja dans un texte de 1114, captale char-tel, cattle, movable goods (1). Mais, encore au Moyen Age, il a le sens de fortune, biens, revenus , et l'es-pagnol caudal signifie biens, richesses . Le passage fortune mobiliere > btail est caractristique. Mais une fois accompli, il est irrversible. Ainsi le "btail" est tres souvent dsign par les termes qui se rapportent a la possession en gnral, c'est-a-dire qu'on le dsigne simple-ment comme possession ; mais jamais l'inverse.

    Notre interprtation de * peku et de son volution est done conforme a ce qu'on pourrait appeler la norme des termes de proprit : une appelIation gnrale ou gn-rique est employe dan s une eertaine c1asse de producteurs comme dsignation de l'objet ou lment typique; en cette qualit elle se diffuse hors de son milieu originel et devient alors la dsignation usuelle de l'objet ')u lment

    (1) BaxterJohnson, Mediaeval Latin Wordlist, 1934, p. 64.

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    LE BTAIL ET L'ARGENT : pecu ET pecunia

    en 9uestion. C'~st le cas id .. On a pu, par l'examen com-pare des donnees dans trolS groupes dialectaux suivre pour. * peku les tapes de ce proces, et vrifier d~ns une certame mesure cette reconstruction interne. * Une d~rniere, conc1us}on toue.he a l'tymologie de

    peku-: SI la presente demonstratton est juge recevable elle rUlIle le rapprochement traditionnel avec * pek(t)~

    ~ tond~e . Il est, vident que * peku, terme de valeur eco~lOmlque, ne denommant aucun animal, ne peut rien aV~lr de commun avec des termes drivs de * pek(t)-qUl so~t propres ~ ~a tec~nique de la tonte et du peignage de la }~me : gr. peko 'pelgner, carder ; pkos toison , pekt.eo ton~re , pekos n. toison , pokzo tondre la lame , k~ets pelgne ; lat. pecto peigner, carder , pect.en pelgne , pexus velu, cotonneux , armo asr lame . Entre ces formes et * peku il n'y a rien d'autre qu:un"e ressemblance d'homophonie. Le rapprochement dOIt etr~ ab~ndonn, et * peku-, vestige du plus anden vo~abulalre mdo-europen, semble irrductible a aucune racme connue (1).

    (1~, Une version b~aucoup plus dtaille de la prsente tude sera pubhee aux Etats,UnIs dans un volume colIectif intitul Indo.European and Indo-Europeans (Chicago University Press).

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  • section 2 donner et prendre

  • chapitre S don et change

    Sommare. - Le grec a cinq mots que, d'ordinaire, on traduit uniformment par ce don . Un examen attentif de leurs emplois montre qu'ils correspondent en fait a autant de fa~ns diff-rentes d'envisager le don - de la pure notion verbale, le donner , a la ce prestation contractuelle, impose par les obligations d'un pacte, d'une alliance, d'une amiti, d'une hoa-pitalit .

    Le terme gotique gild et ses drivs nous renvoient a une tradition germanique tres ancienne ou les aspects religiewr: -ce sacrifice -, conomiques - fratemit des marchands - et juridiques - rachat (du crime) - sont troitement imbriqus.

    Les avatars des mots apparents a gr. dpto, lato daps, d'une part font dceler dans le pass ind~uropen la pratique du potlatch - et d'autre part montrent comment se dgrade en dpense en pure pene, dommage la notion ancienne de ce dpense de prestige .

    La hanse, devenue comme la ghilde un groupement cono-mique, continue, elle, les comtatul de jeunes guerriers groupb autour d'un chef, tels que nous les dcrit Tacite dans la German.