Bernoux M. & Chevallier T. 2013. Le carbone dans les sols des zones sèches. Des fonctions multiples indispensables

  • Upload
    csfd

  • View
    58

  • Download
    0

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Le carbone organique des sols (COS) joue un rôle fondamental dans le comportement des sols et des agroécosystèmes. Augmenter sa teneur améliore la qualité et la fertilité des sols contribuant à la résilience et à la durabilité de l’agriculture et, donc, à la sécurité alimentaire des sociétés. De plus, les sols représentent le plus grand réservoir de carbone en interaction avec l’atmosphère. Les systèmes agricoles et forestiers qui réduisent les concentrations en carbone atmosphérique en le piégeant dans les biomasses et dans la matière organique du sol, sont des puits de carbone. La lutte contre la désertification permet de séquestrer du carbone dans les sols et donc d’atténuer le changement climatique, en plus de contribuer à une gestion agronomique durable.Depuis peu, les sols sont au cœur des débats internationaux, notamment dans le cadre des trois conventions internationales sur l’environnement. Elles ont des préoccupations liées entre elles, notamment dans les régions sèches : désertification, changement climatique et perte de biodiversité. Pourtant, des politiques concrètes concernant le carbone dans ces régions peinent à se mettre en place. Il manque notamment une meilleure prise en compte de l’impact des activités agricoles, pastorales et forestières sur le cycle du carbone.Dans l’actuel système des marchés du carbone, les secteurs agricoles et forestiers restent faibles face aux autres secteurs (industrie, etc.). De plus, ces marchés ne reconnaissent pas pleinement les activités qui favorisent la séquestration de carbone dans les sols agricoles, notamment dans les zones sèches. Les marchés se sont jusqu’à présent focalisés sur la vérification de la quantité de carbone séquestrée, alors qu’il serait beaucoup plus simple et vérifiable de promouvoir directement des pratiques reconnues comme « séquestrantes ». Un tel marché pourrait constituer un levier opérationnel beaucoup plus efficace pour modifier les pratiques agricoles et mettre en place une protection des sols des régions sèches.

Citation preview

  • Numro 10

    LE CARBONE DANS LES SOLS DES ZONES SCHES

    Des fonctions multiples indispensables

    Comit Scienti que Franais de la Dserti cationFrench Scienti c Committee on Deserti cation

  • Les dossiers thmatiquesdu CSFD numro 10

    Directeur de la publication

    Richard EscadafalPrsident du CSFDDirecteur de recherche de lInstitut de recherche pour le dveloppement (IRD) au Centre dtudes Spatiales de la Biosphre (CESBIO, Toulouse)

    Auteurs

    Martial Bernoux, [email protected], IRD

    Tiphaine Chevallier, [email protected], IRD

    Avec la participation de

    Grard Begni, scientifique senior Environnement , Centre National dtudes Spatiales (CNES)

    Ronald Bellefontaine, ingnieur forestier, Centre de coopration internationale en recherche agronomique pour le dveloppement, Cirad

    Jean-Paul Chassany, socio-conomiste, Institut National de la Recherche Agronomique, Inra

    Guillaume Choumert, Direction des affaires europennes et internationales du ministre de lcologie, du Dveloppement durable et de lnergie, MEDDE

    Antoine Cornet, cologue, ex-IRDMarc Fagot, Direction des affaires europennes

    et internationales du MEDDE

    Eitan Haddock, journaliste indpendantMichel Malagnoux, forestier, ex-CiradMlanie Requier-Desjardins, conomiste

    de lenvironnement, Institut Agronomique Mditerranen de Montpellier (IAMM-CIHEAM)

    Marion Trboux, agronome, Institut de recherches et dapplications des mthodes de dveloppement, Iram

    dition scientifique et iconographie

    Isabelle Amsallem, Agropolis [email protected]

    Conception et ralisation

    Olivier Piau, Agropolis Productions

    Remerciements pour les illustrations

    Houcine Angar (Institut National des Grandes Cultures, Tunisie), Claire Chenu (AgroParisTech), Laurent

    Cournac (IRD), Edmond Hien (Universit de Ouagadougou, Burkina Faso), Christelle Mary et Diana Rechner (photothque INDIGO, IRD), Dominique Masse (IRD), ainsi que les auteurs des diffrentes photos prsentes dans le dossier.

    Impression : Les Petites Affiches (Montpellier, France)Dpt lgal : parution ISSN : 1772-6964Imprim 1 500 exemplaires

    CSFD / Agropolis International, dcembre 2013.

    Comit Scientifique Franaisde la Dsertification

    La cration, en 1997, du Comit Scientifique Franais de la Dsertification, CSFD, rpond une double proccupation des ministres en charge de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la dsertification. Il sagit dune part de la volont de mobiliser la communaut scientifique franaise comptente en matire de dsertification, de dgradation des terres et de dveloppement des rgions arides, semi-arides et subhumides afin de produire des connaissances et servir de guide et de conseil aux dcideurs politiques et aux acteurs de la lutte. Dautre part, il sagit de renforcer le positionnement de cette communaut dans le contexte international. Pour rpondre ces attentes, le CSFD se veut une force danalyse et dvaluation, de prospective et de suivi, dinformation et de promotion. Le CSFD participe galement, dans le cadre des dlgations franaises, aux diffrentes runions statutaires des organes de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la dsertification : Confrences des Parties, Comit de la Science et de la Technologie, Comit du suivi de la mise en uvre de la Convention. Il est galement acteur des runions au niveau europen et international. Il contribue aux activits de plaidoyer en faveur du dveloppement des zones sches, en relation avec la socit civile et les mdias. Il coopre avec le rseau international DNI, DeserNet International.

    Le CSFD est compos dune vingtaine de membres et dun Prsident, nomms intuitu personae par le ministre de lEnseignement suprieur et de la Recherche et issus des diffrents champs disciplinaires et des principaux organismes et universits concerns. Le CSFD est gr et hberg par Agropolis International qui rassemble, Montpellier et dans le Languedoc-Roussillon, une trs importante communaut scientifique spcialise dans lagriculture, lalimentation et lenvironnement des pays tropicaux et mditerranens. Le Comit agit comme un organe indpendant et ses avis nont pas de pouvoir dcisionnel. Il na pas de personnalit juridique. Le financement de son fonctionnement est assur par des contributions du ministre des Affaires trangres, du ministre de lcologie, du Dveloppement durable et de lnergie, ainsi que de lAgence Franaise de Dveloppement. La participation de ses membres ses activits est gracieuse et fait partie de lapport du ministre de lEnseignement suprieur et de la Recherche.

    Pour en savoir plus :www.csf-desertification.org

    La rdaction, la fabrication et la diffusion de ces dossiers sont entirement la charge du Comit, grce lappui quil reoit des ministres franais et de lAgence Franaise de Dveloppement. Les dossiers thmatiques du CSFD sont tlchargeables sur le site Internet du Comit, www.csf-desertification.org

    Imprim sur du papier certifi issu de forts gres durablement, blanchi sans chlore, et avec des encres sans solvant.

    Pour rfrence : Bernoux M. & Chevallier T., 2013. Le carbone dans les sols des zones sches. Des fonctions multiples indispensables. Les dossiers thmatiques du CSFD. N10. dcembre 2013. CSFD/Agropolis International, Montpellier, France. 40 pp.

  • Pastoralisme et dsertification : un sujet controvers 1

    huma nit doit dornava nt fa ire face un problme denverg ure mondia le : la dsertification, la fois phnomne naturel et

    processus li aux activits humaines. Jamais la plante et les cosystmes naturels nont t autant dgrads par notre prsence. Longtemps considre comme un problme local, la dsertification fait dsormais partie des questions de dimension plantaire pour lesquelles nous sommes tous concerns, scientifiques ou non, dcideurs politiques ou non, habitants du Sud comme du Nord. Il est dans ce contexte urgent de mobiliser et de faire participer la socit civile et, dans un premier temps, de lui fournir les lments ncessaires une meilleure comprhension du phnomne de dsertification et de ses enjeux. Les connaissances scientifiques doivent alors tre la porte de tout un chacun et dans un langage comprhensible par le plus grand nombre.

    Cest dans ce contexte que le Comit Scientifique Franais de la Dsertification a dcid de lancer une srie intitule Les dossiers thmatiques du CSFD qui veut fournir une information scientifique valide sur la dsertification, toutes ses implications et ses enjeux. Cette srie sadresse aux dcideurs politiques et leurs conseillers du Nord comme du Sud, mais galement au grand public, aux journalistes scientifiques du dveloppement et de lenvironnement. Elle a aussi lambition de fournir aux enseignants, aux formateurs ainsi quaux personnes en formation des complments sur diffrents champs disciplinaires. Enfin, elle entend contribuer la diffusion des connaissances auprs des acteurs de la lutte contre la dsertification, la dgradation des terres et la lutte contre la pauvret : responsables dorganisations professionnelles, dorganisations non gouvernementales et dorganisations de solidarit internationale.

    Ces dossiers sont consacrs diffrents thmes aussi varis que les biens publics mondiaux, la tldtection, lrosion olienne, lagrocologie, le pastoralisme, etc., afin de faire le point des connaissances sur ces diffrents sujets. Il sagit galement dexposer des dbats dides et de nouveaux concepts, y compris sur des questions controverses, dexposer des mthodologies couramment utilises et des rsultats obtenus dans divers projets et, enfin, de fournir des rfrences oprationnelles et intellectuelles, des adresses et des sites Internet utiles.

    Ces dossiers sont largement diffuss notamment dans les pays les plus touchs par la dsertification sous format lectronique et via notre site Internet, mais galement sous forme imprime. Nous sommes lcoute de vos ractions et de vos propositions. La rdaction, la fabrication et la diffusion de ces dossiers sont entirement la charge du Comit, grce lappui quil reoit des ministres franais et de lAgence Franaise de Dveloppement. Les avis exprims dans les dossiers reoivent laval du Comit.

    Richard EscadafalPrsident du CSFD

    Directeur de recherche de lIRD au Centre dtudes Spatiales de la Biosphre

    Avant-propos

    L

  • Le carbone dans les sols des zones sches Des fonctions multiples indispensables2

    l tait important quun point soit fait sur lintrt de stocker du carbone dans les sols des zones sches, la fois pour les questions de productivit

    vgtale et denvironnement, et, en particulier, pour la lutte contre leffet de serre. En effet, si lon saccorde depuis longtemps que, mme pour ces zones, lentretien des stocks de carbone du sol est important pour le maintien voire lamlioration de la fertilit du milieu, on a tendance sous-estimer le potentiel de ces sols pour lutter contre leffet de serre par squestration du carbone dans le sol. Ceci ne pouvait tre discut que par des spcialistes de cette question. Tous nos compliments Martial Bernoux et Tiphaine Chevallier pour cet excellent dossier.

    Il est peut-tre intressant de se replonger un peu dans lhistoire de la Science du Sol pour rappeler comment on est pass du concept de matire organique et fertilit carbone, environnement et fertilit .

    En effet, comme le signalent les auteurs, on a tendance, de nos jours, utiliser facilement le terme carbone du sol en place de matire organique du sol alors, quen fait, toutes les pratiques de gestion des terres favorables la squestration du carbone, ne font pas autre chose que de favoriser le stockage de la matire organique dans le sol.

    La matire organique du sol (anciennement nomme humus ) est connue depuis longtemps comme facteur de fertilit, mme sil a fallu attendre pratiquement la fin du XIXe sicle pour expliquer scientifiquement sa formation et son action. Il faut rappeler que le plus prestigieux des agronomes europens de la premire moiti du XIXe sicle A.D. Thaer a publi en 1809 un ouvrage (4 volumes) qui sera la Bible des grands agriculteurs pendant plus de 50 ans, Les principes raisonns dagriculture. Le systme quantifi et modlisable de gestion des terres qui y est dcrit et que lon qualifierait aujourdhui de durable, tait en fait bas sur une thorie partiellement fausse la Thorie de lhumus (Feller et al., 2006). Celle-ci supposait quune grande partie de la matire sche de la plante provient de lhumus des sols. Autrement dit, grer la productivit vgtale consistait grer le mieux possible les restitutions organiques au sol. Un discours que nous tenons galement aujourdhui mais pas dans la perspective de la nutrition directe des plantes. La Thorie de lhumus sera ensuite balaye par J. Liebig (1840) qui dmontra que la nutrition des plantes est exclusivement minrale. La consquence immdiate de la thorie minrale sera lide que la fertilit se gre essentiellement par la restitution dlments minraux

    au sol et que lon na donc plus sinquiter de la gestion organique des terres. Ce sera lavnement de lre N-P-K . Depuis, limportance dune gestion organique ou organo-minrale des terres pour maintenir un stock optimum de matire organique du sol est revenue au premier plan, mais il faudra attendre 1992 pour que le carbone usurpe en quelque sorte la place de la matire organique.

    1992, cest la tenue du Sommet de la Terre Rio de Janeiro, lmergence au niveau mondial de la ncessit dune meilleure gestion de notre plante, lavnement de lcologie au niveau du grand public et la question de leffet de serre dorigine anthropique. Cest aussi en 1992 que sont publis les deux premiers articles scientifiques sur la squestration du carbone par les plantes et les sols (Bernoux et al., 2006). Comme lobjectif est la fixation du CO

    2 atmosphrique par le sol, on parle de

    squestration de carbone alors quil sagit dabord dune augmentation de la matire organique du sol via les matires vgtales et animales restitues. Le changement climatique ayant pris aujourdhui une telle importance dans lopinion mondiale, mme lorsque lon parle dagriculture et de fertilit, on voque le stockage du carbone en place du stockage de matire organique. Noublions toutefois pas que toutes les alternatives agrocologiques actuelles proposes par la recherche, particulirement aux pays en dveloppement, et qui visent tre doublement gagnantes amliorer la productivit vgtale et animale en tenant compte de lenvironnement ne font pas autre chose que de mieux grer le stock de matire organique du sol avec comme consquence, parmi dautres, laugmentation des stocks de carbone.

    Le dossier de Martial Bernoux et Tiphaine Chevallier nous claire sur tout cela.

    Christian Feller Directeur de recherche mrite de lIRDEx-Prsident de lAssociation Franaise

    pour ltude du Sol (AFES)Membre honoraire de lUnion Internationale

    de Science du Sol (UISS)

    &

    Tahar Gallali Professeur lUniversit de Tunis

    Ex-Prsident Directeur gnral - Fondateur de la Cit des Sciences de Tunis

    Membre du jury international du Prix UNESCO Kalinga de vulgarisation scientifique

    Fondateur et premier prsident de lAssociation tunisienne de la science du sol (ATSS)

    Prface

    I

  • 3Sommaire

    SommaireCarbone du sol, enjeux environnementaux et socitaux 4

    Le carbone des sols : de multiples fonctions au service des socits et de lenvironnement 6

    Lutte contre la dsertification, stockage de carbone et attnuation du rchauffement climatique 14

    Le carbone la croise des conventions internationales sur lenvironnement 28

    Pour en savoir plus 38

    Lexique 40

    Acronymes et abrviations 40

    H. Angar

    P. Silvie IRD

    N. Brahim

    N. Brahim

    H. Angar

    P. Silvie IRD

  • Le carbone dans les sols des zones sches Des fonctions multiples indispensables4

    epuis quelques dcennies, le cycle du carbone est au cur des enjeux environnementaux, notamment dans le cadre de la Convention-

    cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Pendant de nombreuses annes, le carbone na t considr que par lentre rductrice de lattnuation du rchauffement climatique au travers de la diminution des concentrations de CO2 de latmosphre, un des principaux gaz effet de serre* (GES). La raction politique concernait alors essentiellement les secteurs industriels, du transport et de lnergie, les principaux metteurs de GES.

    Les proccupations des tats, relayes dans les programmes de recherche, ont ainsi tout dabord concern les flux de gaz effet de serre : quantification des flux globaux, identification et quantification des sources et des puits (processus de stockage) de GES et, surtout, rduction des sources dmission de carbone et augmentation des puits**. Les actions sur les forts taient galement prises en compte, mais secondairement, via la squestration du carbone dans les biomasses ligneuses. Par contre, lagriculture et, avec elle, le carbone du sol, taient ngligs par les ngociations internationales.

    Plus rcemment, aprs la publication du 3e rapport dvaluation du Groupe Intergouvernemental dExperts sur le Climat (GIEC) en 2001 et de lvaluation des cosystmes pour le Millnaire en 2005, la vulnrabilit des cosystmes a pris une dimension de plus en plus centrale dans les dbats et questionnements de la socit et de la communaut scientifique. La vulnrabilit des sols aux changements climatiques, cest--dire la vulnrabilit des organismes quils contiennent ou supportent, de leur fonctionnement dans lcosystme et donc des services quils fournissent (rgulation de lrosion p. ex., cf. ci-contre), est mal connue. La sensibilit et la capacit de retour aprs perturbation des fonctions et services cosystmiques lis au cycle du carbone (central dans le fonctionnement du sol), que ce soit lchelle de la parcelle ou plus globalement, restent peu tudies, notamment dans les rgions sches particulirement vulnrables.

    Carbone du sol, enjeux environnementaux et socitaux

    * Les termes dfinis dans le lexique (page 40) apparaissent en bleu et sont souligns dans le texte.

    ** La rduction des sources dmission de carbone et laugmentation des puits sont regroupes sous le vocable dattnuation (mitigation en anglais).

    Le carbone dans les sols des zones sches Des fonctions multiples indispensables4

    D

    Paysage rural au Bnin. Champ de sorgho Nalohou.

    M. Donnat IRD

  • Pastoralisme et dsertification : un sujet controvers 5

    Il aura fallu les crises de 2008 et 2009 sur les prix des denres alimentaires et des meutes de la faim, principalement en Afrique, pour focaliser le dbat sur le rle complexe de lagriculture, du fonctionnement des sols et du carbone qui y est stock. En effet, le fonctionnement des sols li la matire organique et au carbone quils contiennent, permet la fourniture de nombreux services cosystmiques indispensables aux socits humaines tant au niveau local (fertilit des sols) quau niveau global (changes avec latmosphre, cf. p. 10).

    De plus, bien que les activits agricoles et forestires soient globalement responsables dun tiers des missions de GES, les sols agricoles et forestiers contribuent significativement la rduction des concentrations en carbone atmosphrique (via des puits de carbone dans les biomasses et les sols), tout en contribuant au maintien de la scurit alimentaire.

    Aprs 2009, de nombreuses volutions se sont produites au niveau de la gouvernance environnementale mondiale et de nouvelles structures ont t mises en place (rforme du Comit de la scurit alimentaire mondiale et cration de son Groupe dexperts de haut niveau, par exemple). Avec lagriculture et la scurit alimentaire, les sols et le carbone des sols essentiel leur fertilit devenaient des enjeux importants dans les dbats internationaux. Dornavant, le carbone des sols est reconnu comme un indicateur de sant des sols et des agrosystmes quils supportent et le maintien de taux corrects de carbone dans les sols ne concerne plus uniquement le climat.

    C e d o s s i e r a p ou r o bj e c t i f de x p l or e r l e s multifonctionnalits du carbone du sol et de montrer son rle synergique vis--vis des enjeux environnementaux et socitaux, notamment dans les rgions sches souvent considres tort comme peu concernes par le dbat sur le carbone.

    Carbone du sol, enjeux environnementaux et socitaux 5

    SERVICES DE SUPPORT Photosynthse Formation des sols Cycles des nutriments

    SERVICES DE PRLVEMENT Nourriture Eau douce Bois et fibres Ressources gntiques

    SERVICES DE RGULATION Rgulation de la qualit de lair Rgulation du climat Rgulation de lrosion Rgulation des risques naturels Rgulation des parasites

    SERVICES CULTURELS Valeurs religieuses et spirituelles Valeurs esthtiques Loisirs et cotourisme

    Les services cosystmiques rendus par les sols.Source : valuation des cosystmes pour le Millnaire, 2005.

  • Le carbone dans les sols des zones sches Des fonctions multiples indispensables6

    LA MATIRE ORGANIQUE DU SOL : GENSE ET VOLUTION

    Le sol est constitu de quatre composantes principales : les particules minrales, la matire organique, leau et lair. La matire organique du sol (MOS) correspond lensemble des matriaux organiques, vivants et morts, prsents dans le sol ; ce qui comprend la fois les racines des plantes, les microorganismes et la microfaune du sol et les rsidus de vgtaux dcomposs ou non. La MOS est ainsi compose dlments principaux qui sont tous essentiels la nutrition des plantes : le carbone (C), lhydrogne (H), loxygne (O) et lazote (N). Elle inclut galement des lments secondaires comme le soufre (S), le phosphore (P), le potassium (K), le calcium (Ca) et le magnsium (Mg), ainsi que des oligolments.

    Ainsi, la MOS est un continuum de matires plus ou moins complexes en perptuel renouvellement. En effet, elle est alimente en permanence par les vgtaux et animaux morts, ainsi que par des matires organiques issues du mtabolisme des tres vivants comme les exsudats racinaires. Des apports externes de matires organiques dites exognes (MOE, non produites sur la parcelle), telles que le compost ou le fumier, lalimentent galement.

    La principale source primaire de matire organique est la photosynthse qui permet aux plantes de la synthtiser en exploitant la lumire du soleil. Lessentiel des apports organiques est, en effet, dorigine vgtale dans la plupart des agrocosystmes, et se fait la surface du sol (chute de feuilles, rsidus de culture, apports exognes dans les sols agricoles) et dans les horizons superficiels o la densit racinaire et lactivit biologique sont les plus importantes. Les dbris vgtaux sont ensuite dcomposs sous laction des microorganismes (bactries, champignons) et de la microfaune. On parle alors de :

    Humification (ou formation dhumus) : lhumus est la premire couche de sol trs riche en matire organique, en dbris vgtaux plus ou moins dcomposs et en divers organismes vivants (bactries, champignons, faune du sol). Cette matire organique persiste plus ou moins longtemps, selon les conditions physico-chimiques du sol (pH, humidit, temprature, texture, taux dargile et de limon). Dans les rgions sches, il y a peu dhumus principalement du fait des faibles apports vgtaux.

    Minralisation : ce processus produit des composs minraux sous forme gazeuse (CO

    2, N

    2O) ou sous

    forme dissoute (nutriments azots et phosphats) assimilables par les plantes. La minralisation de la MOS est ainsi la source dlments nutritifs pour les vgtaux. Dans les rgions sches et chaudes, celle-ci est trs lente, mais sacclre fortement lors des pluies.

    Le carbone des sols : de multiples fonctions au service des socits et de lenvironnement

    Deux parcelles de bl sur un bassin versant : lune conduite en semis direct ( gauche)

    et lautre en semis conventionnel. Aroussa, Gouvernorat de Siliana, Tunisie.

    Leffet de lrosion hydrique est trs prononc sur la parcelle conduite en conventionnel aussi la couleur de la culture est plus

    fonce en semis direct, signe dune meilleure disponibilit dazote. Projet dAppui au Dveloppement de lAgriculture de Conservation

    en Tunisie (fi nancement FFEM/AFD). Houcine Angar

  • 7Le carbone des sols : de multiples fonctions au service des socits et de lenvironnement

    > ZOOM | Le carbone organique est le principal constituant de la matire organique

    Les deux formes du carbone des sols : organique et inorganique

    CO2Productionprimaire

    Exportation

    Apportsexognes Rsidusde culture

    C organique sous formes complexes etassocis aux argiles

    C organique dissout

    C sous forme de dbris vgtal

    Stock decarbone organique Minralisation

    du C organique

    NH4+, SO4

    --, PO4--

    CO2, N2O, NOx...

    Le carbone organique du sol (COS) reprsente environ 50 % de la matire organique ; les termes de matire organique du sol et de carbone organique du sol sont ainsi souvent confondus et employs lun pour lautre dans les textes. Cependant, pour les sujets touchant aux stocks organiques, cest--dire les quantits par unit de surface (par exemple tonne par hectare), on parle plutt de COS. Pour les sujets sintressant la qualit des sols ou sa fertilit, on parle de MOS, exprime en teneur ou en concentration (par exemple milligramme de matire organique par gramme de sol). Aujourdhui, le carbone organique est de plus en plus reconnu et recommand pour suivre la qualit des sols par diffrentes initiatives internationales.

    Il faut donc bien faire attention ce qui est comptabilis : matire organique ou carbone. Il existe un rapport de conversion entre les deux et le rapport MOS/COS utilis le plus frquemment vaut 1,724 (coefficient de van Bemmelen du nom du chimiste hollandais Jakob Marten Van Bemmelen [1830-1911] clbre pour ses travaux sur lhumus). Nanmoins, ce rapport peut varier de 1,5 2,5 et une synthse bibliographique rcente montre quun rapport de 2 semble, dans la plupart des cas, le plus adapt (Pribyl, 2010).

    Le carbone du sol peut tre organique, cest--dire un lment constitutif de la MOS, mais il peut aussi exister sous forme minrale ( carbone inorganique ). lchelle de la plante, les rservoirs de carbone inorganique sont latmosphre (sous forme de CO2), les ocans (HCO3

    -) et sous forme solide (sdiments et roches carbonates).

    Dans les roches et les sols carbonats, le carbone inorganique est principalement sous forme calcite (CaCO3) ou, dans une moindre mesure, associ du magnsium (les dolomies, CaMg(CO3) 2) . Plus rarement, il peut prendre dautres formes telles que le carbonate de sodium (Na2CO3) ou le carbonate de sidrite (FeCO3) ainsi que dautres encore plus marginales.

    Il peut sagir de matriaux primaires : les carbonates sont alors issus directement de la fragmentation de la roche-mre carbonate (carbonates lithogniques). Ce peut tre aussi des matriaux secondaires, cest--dire provenant de la formation et de lvolution du sol (carbonates pdogniques). Les carbonates pdogniques peuvent avoir des formes trs varies. Ils sont prcipits dans la porosit du sol, autour de racines, ou encore sous forme de nodules ou de minraux secondaires en lamelles, en cristaux, etc.

    Les carbonates ont une distribution dans le profil de sol qui diffre de celle de la matire organique. En effet, cette dernire est concentre dans les premiers centimtres de sol alors que les carbonates sont, en gnral, distribus plus en profondeur.

    Le stock de carbone inorganique au niveau mondial est approximativement 35 % du stock total de carbone terrestre (organique et inorganique). En effet, le carbone organique stock dans les sols mondiaux est estim 2 000 - 2 500 Gt* (dont 27 36 % dans les zones sches selon les estimations) alors que le carbone inorganique slve 950 Gt (dont 97 % dans les zones sches).

    * 1 gigatonne (Gt) quivaut 1 milliard de tonnes.

    Dynamique du carbone organique et de ses diffrentes formes dans le sol.

  • Le carbone dans les sols des zones sches Des fonctions multiples indispensables8

    Des sols pauvres en carbone organique

    Naturellement, les sols des rgions sches sont pauvres en carbone organique du fait de la faible productivit des agrocosystmes quils supportent. Nanmoins, limportance des surfaces concernes fait que le stock de carbone organique des rgions arides et semi-arides est loin dtre ngligeable avec prs 750 Gt de carbone. Les rgions sches reprsentent, en fonction des critres de classification, 40 % des surfaces terrestres mais moins de 30 % des stocks globaux de carbone organique du sol. Les sols concerns sont principalement des aridisols et des entisols selon la classification de lOrganisation des Nations Unies pour lalimentation et lagriculture (FAO). Diffrentes estimations ont t faites pour quantifier le stock total de carbone des zones sches. Cependant, les rsultats sont fortement influencs par le choix de la dfinition des zones sches.

    Comparaison des stocks totaux de carbone et dans les zones sches dans le monde.

    Daprs Trumper K. et al., 2008.

    Rgions

    Stocks totaux de carbone (Gt) % des stocks rgionaux de carbone dans les zones sches

    Par rgion Zones sches

    Amrique du Nord (1) 388 121 31

    Groenland (2) 5 0 0

    Amrique centrale et Carabes (3)

    16 1 7

    Amrique du Sud (4) 341 115 34

    Europe (5) 100 18 18

    Eurasie du Nord (6) 404 96 24

    Afrique (7) 356 211 59

    Moyen-Orient (8) 44 41 94

    Asie du Sud (9) 54 26 49

    Asie de lEst (10) 124 41 33

    Asie du Sud-Est (11) 132 3 2

    Australie/Nouvelle-Zlande (12)

    85 68 80

    Pacifi que (13) 3 0 0

    Total 2 053 743 36

    > ZOOM | Rgions sches, carbone organique et inorganique du sol

    Carbone (tonne/hectare) Densit globale des stocks de carbone totaux dans les zones sches.Il sagit de la biomasse sur et dans le sol ainsi que du carbone du sol.

    Daprs Trumper K. et al., 2008.

    et riches en carbone inorganique

    Les sols des zones sches contiennent de grandes quantits de carbone inorganique, le plus souvent sous forme de carbonates. Prs de 97 % des stocks de carbone inorganique des sols (CIS) au niveau mondial sont situs dans les sols des rgions sches o les prcipitations annuelles sont infrieures 750 mm (Cerling, 1984). Des tudes en Arizona (Schlesinger, 1982) et en Chine (Wu et al., 2009) ont en effet montr que les teneurs en CIS taient positivement corrles avec la temprature et ngativement corrles avec les prcipitations. En outre, les stocks de CIS reprsentent, dans les zones sches, une grande part du stock global de carbone terrestre, environ 64 %. Dans les sols de ces rgions, les quantits de CIS peuvent tre de 2 10 fois suprieures au stock de COS. (...)

  • 9Le carbone des sols : de multiples fonctions au service des socits et de lenvironnement

    LE CONTENU EN MATIRE ORGANIQUE DUN SOL EST INFLUENC PAR DE NOMBREUX FACTEURS

    Les facteurs qui inf luencent le contenu en MOS peuvent tre naturels (climat, type de vgtation) et anthropiques (utilisation et gestion du sol). Celui-ci dpend la fois de la restitution de la biomasse au sol, des apports exognes ainsi que des taux de minralisation et dhumification de la matire organique, ces derniers tant fonction, entre autres, de la nature des sols et de certains paramtres physicochimiques (temprature, humidit, pH, etc.) :

    Les entres (exognes ou non) sont multiples et f luctuantes au fil des saisons (sches et humides). Elles le sont galement selon le type dagro-cosystme. Par exemple, les entres organiques sont plus faibles sous une culture que sous une fort.

    Les diffrentes formes des MOS prsentent des temps de rsidence dans le sol qui varient selon leur composition biochimique et leur association aux particules minrales du sol, en particulier les argiles. Ainsi, les sols argileux prsentent un taux de MOS plus lev que les sols sableux. Les temps de rsidence vont du mois lanne pour les formes les plus labiles, jusqu des dizaines voire des milliers dannes pour les formes les plus stables.

    Le taux dhumidit du sol, lorsquil est faible, se traduit par le blocage des processus biologiques de la dcomposition de la MOS.

    La temprature inf luence les activ its micro-biologiques responsables de la minralisation de la MOS. En gnral, ces activits sont multiplies par un facteur 2 chaque augmentation de la temprature de 10C. Toutefois au-del de 50C, une limitation de la minralisation de la MOS est constate sur le long terme.

    Les techniques cultura les qui inf luencent ces paramtres ont galement un impact sur le contenu en MOS (cf. p. 14).

    Ainsi, certaines rgions accumulent naturellement plus de matire organique et donc de carbone organique que dautres. Dans les sols des rgions sches, la teneur en carbone organique est, en rgle gnrale, faible, moins de 1 % de la masse du sol, alors quelle atteint en zone tempre 1 2 % dans les sols cultivs et jusqu 4-5 % dans les sols sous prairie ou fort. De plus, lquilibre est tnu en rgions sches entre les entres de carbone qui sont faibles et les sorties qui varient fortement au cours de lanne et qui peuvent tre importantes lors de la saison des pluies.

    noter que la distribution et la quantit du carbone inorganique des sols influencent la fertilit des sols, leur rodabilit et leur capacit retenir leau. Limpact du mode de gestion des sols, comme la mise en culture ou lirrigation, sur les stocks de carbone inorganique et leur volution court terme, est peu connu. Du fait des interactions et des quilibres complexes entre le carbone atmosphrique, le carbone organique et le carbone inorganique du sol, il existe peu de donnes sur lvolution des stocks de CIS court terme (cf. p. 24).

    Biotique (Gt)

    Sol

    Total (Gt) Ratio (%)Organique (Gt)

    Inorga-nique (Gt)

    Hyperaride et aride 17 113 732 862 28

    Semi-aride et subhumide sec

    66 318 184 568 18

    Total des zones sches 83 431 916 1 430 46

    Total global 576 1 583 946 3 104

    Ratio du total global (%) 14 27 97

    Rpartition du carbone inorganique du sol.

    Source : FAO-UNESCO, Soil Map of the World, digitized by ESRI. Soil climate

    map, USDA-NRCS, Soil Science Division, World Soil Resources,

    Washington D.C.

    http://soils.usda.gov/use/ldsoils/mapindex/sic.html

    Estimation des rserves de carbone des zones sches.Source : valuation des cosystmes pour le Millnaire, 2005 (chapitre sur les zones arides).

  • Le carbone dans les sols des zones sches Des fonctions multiples indispensables10

    LA MATIRE ORGANIQUE EST ESSENTIELLE LA FERTILIT DES SOLS AGRICOLES

    La MOS et donc le carbone organique du sol assure des fonctions multiples indispensables pour les sols et les agrocosystmes quils supportent. Ces fonctions sont assures grce leurs proprits physiques, biologiques et chimiques :

    Stockage et mise disposition des nutriments pour les plantes.Stabilisation des agrgats et de la structure du sol. La MOS influence les agrgats du sol et donc la structure du sol. Elle influence galement la formation des pores des sols essentiels au transport de leau et de lair. Elle conditionne ainsi de nombreux caractres et proprits physiques des sols tels que la capacit de rtention en eau, la rsistance au tassement, laration du sol, la susceptibilit lrosion, etc. Rgulation des polluants : par leur capacit de rtention et/ou dsorption des polluants (pesticides, mtaux), les MOS inf luencent la qualit des eaux et de lair.

    Source dnergie pour les organismes du sol.

    Une perte de MOS, et donc de carbone organique, surtout lorsque les niveaux initiaux sont faibles comme dans les rgions sches, se traduit invariablement par la dgradation des sols et de leurs fonctions associes notamment celle de production agricole provoquant alors un cercle vicieux de dgradation : dgradation des sols, dclin de la productivit agronomique, inscurit alimentaire, malnutrition et famine Au contraire, augmenter la MOS amliore directement la qualit et la fertilit du sol contribuant ainsi la rsilience et la durabilit de lagriculture et, de fait, la scurit alimentaire des socits.

    Ainsi, aujourdhui, la teneur en carbone organique des sols est gnralement considre comme lindicateur principal de la qualit des sols, la fois pour leurs fonctions agricoles et environnementales (p. ex. qualit de leau et de lair, voir ci-contre).

    Rles, actions et bnfi ces de la matire organique du sol

    Rles Actions Bnfi ces

    PhysiqueStructure, porosit

    - Pntration de leau et de lair- Stockage de leau- Limitation de lhydromorphie- Limitation du ruissellement- Limitation de lrosion- Limitation du tassement- Rchauffement

    Rtention en eau - Meilleure alimentation hydrique

    BiologiqueStimulation de lactivit biologique (vers de terre, biomasse microbienne)

    - Dgradation, minralisation, rorganisation, humifi cation- Aration

    Chimique

    Dcomposition, minralisation - Fourniture dlments minraux (N, P, K, oligo-lments)

    Capacit d'change cationique - Stockage et disponibilit des lments minraux

    Complexation des lments traces mtalliques - Limitation des toxicits (Cu p. ex.)

    Rtention des micropolluants organiques et des pesticides - Qualit de leau

    sablechampignon

    dbris vgtal

    dbris

    argiles

    bactries MO amorphe

    complexe organo-argileux

    lament de champignon

    LA LOUPE

    AU MICROSCOPE

    0,1 mm

    0,01 mm

    Lassociation de carbone organique aux particules dargile permet dassurer la cohsion des agrgats du sol. Le schma gauche montre les diffrentes formes de matire organique associes aux particules minrales de sol.

    La photographie droite montre des particules dargiles associes de la matire organique amorphe. Chenu & Plante

  • 11Le carbone des sols : de multiples fonctions au service des socits et de lenvironnement

    > ZOOM | Le carbone organique du sol, un excellent indicateur pour suivre ltat et le fonctionnement dun sol

    Le projet europen ENVironmental ASsessment of Soil for mOnitoring (ENVASSO)* a propos le COS comme lun des 16 indicateurs principaux, parmi 290 indicateurs potentiels, pour la mise en place dun systme de surveillance des sols au niveau europen.

    lchelle mondiale, le COS a galement t retenu par le Partenariat Mondial sur la Bionergie (Global Bioenergy Partnership, GBEP)**. Fin dcembre 2011, le GPEB a propos une srie de 24 indicateurs destins clairer le processus dcisionnel et faciliter le dveloppement durable de la bionergie. Le COS est la variable centrale retenue pour exprimer la qualit des sols , lun des huit indicateurs retenus pour le pilier environnemental.

    En 2013, lors de la Confrence des Parties 11 (COP11, Windhoek, Namibie), lindicateur volution des stocks de carbone dans le sol et en surface est devenu un des six indicateurs utiliss pour suivre les progrs faits dans la mise en uvre de la Convention.

    Cependant, les teneurs en carbone des sols varient des chelles pluriannuelles. Dautres indicateurs plus sensibles du statut organique des sols existent afin de dtecter de faon plus prcoce les tendances volutives.

    Ces indicateurs renseignent galement sur la qualit des matires organiques. Il sagit par exemple de suivre les matires organiques particulaires, les sucres, les enzymes, la biomasse microbienne ou encore le carbone minralisable du sol. Toutefois ces indicateurs sont plus difficiles mettre en uvre.

    Le COS est un indicateur qui satisfait globalement les critres SMARTA (Specific, Measurable, Attainable, Realistic, Timely and Affordable) : Spcifique : lindicateur peut dcrire sans ambigit la quantit de MO et peut tre compris par tous de la mme manire. Mesurable : il est quantifiable et objectivement vrifiable. Ralisable : les donnes ncessaires sa mesure sont facilement collectes (cf. p. 26). Pertinent : il est appropri pour suivre ltat et le fonctionnement dun sol. volutif dans le temps : il permet de mettre en vidence des changements dans le temps. conomique : il reste toutefois relativement cher et ncessite une main duvre qualifie et des laboratoires spcialiss (cf. p. 26)

    * http://eusoils.jrc.ec.europa.eu/projects/envasso** Le GBEP a t lanc pendant le segment ministriel de la 14e session

    de la Commission sur le Dveloppement Durable (CSD14) New York le 11 mai 2006. www.globalbioenergy.org

    ET PERMET LE STOCKAGE DU CARBONE ATMOSPHRIQUE DANS LES SOLS

    Au premier abord, le lien entre les sols et la composition de latmosphre, en particulier les concentrations des gaz effet de serre, nest pas vident ! Pourtant les sols sont au cur du cycle du carbone, qui compte deux importants gaz effet de serre : le CO

    2, ou dioxyde

    de carbone, qui est, aprs la vapeur deau, le gaz effet de serre le plus important en concentration dans latmosphre*, ainsi que le mthane (CH

    4).

    La concentration en CO2 (environ 0,04 %) dans

    latmosphre parat faible. Cependant, en quantit, le carbone atmosphrique reprsente un compartiment denviron 830 Gt de carbone.

    Latmosphre stocke cependant beaucoup moins de carbone que la vgtation (moins de 600 Gt) et les sols (2 000 2 500 Gt) runis. Ainsi, dans le cycle du carbone terrestre, le carbone organique du sol reprsente le plus grand rservoir en interaction avec latmosphre.

    * Le CO2 a une concentration dans latmosphre de 400 ppm (parties

    par million), soit 400 cm3 de CO2 par m3 datmosphre. La concentration

    atmosphrique du CH4 est de 1,8 ppm (valeurs moyennes pour lanne

    2013).

    Inscurit alimentaire,

    malnutrition et famine

    Dgradation du sol et diminution des nutriments

    Dclin de la productivit

    agronomique

    Dclin de la qualit

    environnementale (missions de GES)

    Diminution de la matire organique

    du sol

    Le cercle vicieux de la dgradation des stocks organiques des sols.Daprs Lal, 2004.

  • Le carbone dans les sols des zones sches Des fonctions multiples indispensables12

    Les changes de carbone entre sols, vgtation et atmosphre sont intenses : les sols la fois mettent du CO

    2 (via la respiration des racines et des

    microorganismes) et pigent du carbone organique (via la photosynthse et la transformation des rsidus des plantes en humus). Au final, les sols puisent globalement plus de CO

    2 quils nen rejettent, constituant ainsi un

    puits de carbone de 1 3 Gt par an qui participe lattnuation du changement climatique au niveau global.

    Ainsi, maintenir ou augmenter la quantit des MOS peut avoir un effet significatif sur les concentrations de CO2 atmosphrique, en limitant une partie des missions de gaz effet de serre, et donc contribuer lattnuation des changements climatiques.

    Latmosphre change en permanence du carbone avec la biosphre. Les cosystmes terrestres puisent du CO2 de latmosphre, environ 1 3 Gt de carbone par an. En effet :

    La vgtation soustrait annuellement et globalement de latmosphre environ 120 Gt de carbone via la photosynthse, soit environ 1 atome de carbone atmosphrique sur 7. Dans le mme temps, les plantes respirent (mission de CO2) et rendent latmosphre environ la moiti de ce quelles y ont retir. Lautre moiti retourne presque entirement dans latmosphre selon un processus appel respiration du sol . Cette dernire regroupe deux principaux processus : la respiration racinaire et celle rsultant de lactivit des microorganismes et de la faune du sol qui dcomposent la matire organique.

    Ainsi, au final, la photosynthse est lgrement suprieure la respiration des plantes et du sol : une partie du carbone atmosphrique puis par les plantes est ainsi stocke dans les biomasses et le sol sous la forme de matire organique des sols (MOS, cf. p. 6) : cest la squestration du carbone. Par ce processus, les cosystmes terrestres constituent un puits freinant laugmentation de la concentration en CO2 de latmosphre. Une partie des rejets de CO2 dus aux activits humaines est ainsi absorbe par les cosystmes terrestres mais aussi par les ocans (cf. figure ci-dessous).

    Cependant, seul le puits terrestre pourrait tre augment sans risque par des actions humaines (cf. p. 15). En effet, une augmentation de labsorption de CO2 par les ocans saccompagnerait dune acidification aux consquences dramatiques pour les cosystmes ocaniques.

    On sait dj que le rchauffement climatique perturbera le cycle du carbone, en particulier la respiration des microorganismes du sol. Certaines tudes estiment quune augmentation de quelques diximes de degrs pourrait annuler le puits biosphrique actuel. Raich et Schlesinger (1992) ont estim quune augmentation globale des tempratures de 0,3C par an seulement se traduirait par une augmentation de la respiration du sol de 2 Gt de carbone par an, soit une annulation du puits biosphrique actuel.

    La sensibilit des stocks de carbone organique et de la respiration aux augmentations de temprature fait encore aujourdhui lobjet dun intense dbat. Le seul consensus est que les taux de dcomposition obtenus partir dobservations et dexpriences avec les conditions actuelles sont inadquats pour prvoir les effets des changements climatiques sur le stock global du carbone du sol.

    > ZOOM | Cycle du carbone terrestre et changement climatique global

    Atmosphre800-850

    Vgtation450-680

    Sols1 500-2 000(premier mtre)

    Valeurs en milliards de tonnes de C

    800 dans les 30 premiers centimtres

    Les stocks de carbone terrestres (Gt).

    changes de carbone entre les cosystmes et latmosphre. a. Squestration de carbone dans les sols, rsultat de lchange gazeux entre la photosynthse et la respiration des plantes et des organismes et microorganismes du sol. b. Flux de carbone des sols vers latmosphre suite la dforestation. c. missions anthropiques de CO2 non agricoles ou forestires. d. Puits ocanique.

    Sols

    Photosynthse~ 120

    Respiration~ 120 Valeurs en milliards de tonnes de C

    Valeurs moyennes pour la priode 2003-2012 (www.globalcarbonproject.org)

  • 13Le carbone des sols : de multiples fonctions au service des socits et de lenvironnement

    ET CONTRIBUE AU MAINTIEN DE LA BIODIVERSIT DES SOLS ET DES PLANTES

    La matire organique des sols est essentielle lactivit biologique qui sy trouve : elle est la source principale dnergie et dlments nutritifs pour les organismes du sol. De plus, la MOS amliore la structure du sol, augmente la capacit de rtention en eau et des nutriments et protge le sol contre lrosion. La MOS favorise ainsi une grande diversit dhabitats pour la faune (lombrics, acariens, nmatodes) et la microflore (champignons, algues, microorganismes) du sol. La plupart des espces se retrouve dans les 2-3 premiers centimtres de sol o les concentrations en matires organiques et en racines sont les plus leves. Des sols plus riches en matire organique permettent galement de supporter une vgtation plus diversifie, ce qui en gnral permet ltablissement dune biodiversit plus riche sur la parcelle. Toutefois les travaux de recherche quantifiant ces effets sont rares.

    Termitires cathdrales. Mali. J. Laure IRD

    Les acariens, de lordre des Prostigmata, sont communs dans les sols. Ils sont trs divers en forme, en taille (ici 0,25 mm) et en rgimes alimentaires.

    D. W

    alte

    r

    JR

    C

  • 14

    Lutte contre la dsertification, stockage de carbone et attnuationdu rchauffement climatique

    es modes de gestion des sols qui permettent de prserver le carbone qui y est stock sont primordiaux pour le contrle de la concentration

    en carbone atmosphrique. En effet, ils contribuent lattnuation du cha ngement climatique en ralentissant laugmentation du taux de CO2 dans latmosphre. Les systmes de production agricoles et forestiers qui rduisent les concentrations en carbone atmosphrique en le pigeant dans les biomasses et dans la MOS sont ainsi des puits de carbone ; on parle aussi de squestration de carbone .

    Les techniques de lutte contre la dsertification (LCD), quelles soient mcaniques, culturales ou biologiques, contribuent la squestration du carbone dans les sols. En revanche, des modifications dusage des terres comme la dforestation et certaines pratiques agricoles inadaptes comme le brlis peuvent conduire une libration nette de carbone des sols dans latmosphre et aggraver les problmes lis aux gaz effet de serre.

    Les modes de gestion des sols permettant le maintien du carbone stock contribuent galement une gestion agronomique durable en amliorant la fertilit des sols agricoles. Ils sont la plupart du temps synonymes de rhabilitation et de durabilit de la gestion des terres. Le maintien dun certain niveau de carbone dans les sols se traduit souvent par des bnfices sur de nombreux plans comme la lutte antirosive, le maintien de la fertilit et la protection contre des vnements extrmes. Le maintien, voire laugmentation, du carbone organique du sol est alors primordial pour la prvention ou la rcupration des terres agricoles dgrades et, au final, pour la scurit alimentaire des socits. Dans les rgions sches, il sagit notamment damliorer la gestion de leau tout en vitant les pertes de matire organique du sol (et donc de carbone). Une bonne gestion de leau passe souvent par une bonne gestion de la matire organique.

    L

    Amnagement hydro-agricole traditionnel en demi-lune. Tunisie.J. Touma IRD

  • 15Lutte contre la dsertification, stockage de carbone et attnuation du rchauffement climatique

    TECHNIQUES DE LUTTE CONTRE LA DSERTIFICATION ET SQUESTRATION DU CARBONE DANS LES SOLS

    De nombreuses techniques de gestion des sols sont depuis longtemps prnes par des acteurs varis (ONG, institutions de dveloppement, gouvernements, scientifiques) pour maintenir, voire augmenter, les teneurs en carbone des sols. Il sagit avant tout de grer au mieux les matires organiques et leau pour maintenir un niveau de fertilit suffisant pour assurer une production durable. Les techniques dites de gestion conservatoire de leau et des sols (GCES) (Roose et al., 2011), sont aujourdhui presque toutes reconnues comme des techniques qui maximisent la gestion du carbone. De nombreuses techniques dites traditionnelles permettent galement de mieux grer la matire organique (voir p.16). Une tude rcente ralise par le Groupe de Travail Dsertification souligne le fait que de nombreuses pratiques agrocologiques valorisent les savoir-faire locaux (GTD, 2013).

    Des techniques mcaniques pour lutter contre lrosion hydrique et olienne

    Les techniques mcaniques ont pour principal objectif de rduire la vitesse de ruissellement des eaux et de les valoriser au mieux. Les ouvrages proposs captent leau de ruissellement et la dirigent vers les plants ou les cultures, favorisant non seulement linfiltration et la rtention de leau pour les plantes mais aussi la sdimentation des fines particules de terres entranes par leau. La conservation de leau et la rtention des sdiments fertiles amliorent ainsi la fertilit du sol et facilitent la revgtalisation naturelle ou cultivele long des ouvrages.

    Des amnagements plus lourds (tranches manuelles, d ig ues, seu i l s dpa ndage), en a ml ior a nt linfiltration de leau, contribuent aussi rehausser la nappe phratique. Certaines de ces techniques f reinent les vents et protgent les sols cont re lensablement, favorisant ainsi la productivit des terres. Des semences dherbaces et darbustes peuvent tre piges par les ouvrages ; ce qui favorise la croissance spontane dune vgtation naturelle et donc aussi un rtablissement de la biodiversit. Ces techniques de conservation des terres permettent la rcupration de terres dgrades. Elles amliorent la production vgtale et donc les apports de carbone organique dans les sols.

    Ces techniques ncessitent une bonne connaissance du terrain (pente, vitesse dinfiltration, rgime des pluies) et une logistique importante pour maintenir ces amnagements de faon prenne. Elles mobilisent une main duvre importante ; lenvergure des travaux peut en effet freiner la rentabilit de tels ouvrages. En voici quelques exemples :

    Demi-lunes (agricoles, pastorales ou forestires)Tranches NardiBanquettes agricoles et sylvo-pastorales Tranches manuelles le long de courbes de niveauDigues filtrantes, fermeture de ravinsCordons pierreux le long de courbes de niveauDiguettes filtrantes le long de courbes de niveauSeuils dpandage (ouvrages de rgulation des crues)Micro-barragesPrimtres irrigus

    Champ de sorgho aprs rcolte. Sngal. Cordon pierreux et mulch au Burkina Faso.

    O.

    Ba

    rri

    re

    IR

    D

    D.Masse

  • Le carbone dans les sols des zones sches Des fonctions multiples indispensables16

    Les populations rurales peuvent localement dvelopper des techniques complexes capables dacclrer laltration des roches et la rhabilitation de couvertures pdologiques en conjuguant la gestion des eaux de surface, des apports mixtes de fertilisants organiques et minraux, et divers amnagements antirosifs biologiques. Encore faut-il que les questions foncires ne viennent pas perturber linitiative paysanne.

    Au Mali, sous 300 450 mm/an, les Dogons ont reconstitu des sols sur des bancs subhorizontaux de grs en y construisant des cordons de pierres en nids dabeille et en y dposant du fumier et des terres sableuses prleves dans la plaine voisine. Chaque loge hexagonale d1 m est plante en oignons doux et irrigue laide dune calebasse remplie dans un puits ou un micro-barrage collinaire voisin. Cette irrigation nest dveloppe quautour des bas-fonds o lon dispose deau en saison sche. En outre, pour conserver sur place toutes les eaux de pluie et le peu de terre dont ils disposent, les paysans ont dvelopp une srie de dispositifs de conservation de leau et des sols, tels qualignements et cordons de pierres, murettes sur les fortes pentes, fascines de tiges de mil et de sorgho, combins avec des techniques culturales (fumure localise, plantation en poquets, za, buttage entre les poquets, billonnage en micro-bassins).

    Au Nord Cameroun, dans les monts Mandara (300-600 mm/an), les Mofu dans des chaos granitiques acclrent la formation dtroites parcelles cultives en terrasses grce des murets de pierres. Ils compltent cet amnagement physique par des apports de fumier et de sable, des plantes choisies pour leur enracinement sinsinuant dans les fissures des roches. Pour produire plus de fumier, ils lvent leurs veaux lintrieur dune case spciale. Enfin, ils allument un feu la base de rochers qui clatent et se dsagrgent en particules sableuses. Au fil du temps, ils ont ainsi rintroduit des dizaines despces ligneuses locales.

    Au Maroc, le long des oueds des montagnes du Haut Atlas, o les pluies atteignent 350 600 mm/an, comme il existe trs peu de terres cultivables, les paysans tentent de valoriser le lit majeur des oueds, en isolant dans les zones largies de loued des champs rectangulaires pigeant les eaux des crues et les sdiments transports derrires des murettes solides, mais permables. Dans un premier temps, le systme pige des graviers, des sables et des matires organiques, entre lesquelles se dveloppent progressivement des herbages naturels, qui leur tour amliorent le pigeage des particules fines en ralentissant le flux deau. Ds que la couche de sdiments dpasse 10 cm, les paysans apportent du fumier, labourent la terre et sment des crales mlanges des lgumineuses. Ce fourrage est fauch pour protger la terre et amliorer encore la capture des particules fines en suspension. Lorsquaprs quelques crues, le sol dpasse 40 cm dpaisseur, on y plante des arbres fruitiers ou fourragers.

    La proximit de la nappe durant tout lt grce la fonte des neiges sur les plus hautes montagnes, permet une croissance rapide des cultures et des arbres. Ces derniers devront se dvelopper alors suffisamment vite pour rsister aux crues. Cependant, ces terres restaures restent fragiles, susceptibles dtre emportes par les crues de frquence rare. Ds lanne qui suit, les propritaires reconstruisent les pis et diguettes pour capter les sdiments. Ce cycle de restauration des terres peut stendre sur plus de dix ans.

    Au sud du Bnin, sur les terres de barre (sols ferrallitiques dsaturs sur sdiments tertiaires sablo-argileux du cordon littoral bninois), dans une zone forte population, un systme de culture particulier a t dvelopp qui rduit le ruissellement et lrosion, et relve le taux de MO ainsi que les rendements de 0,2 2,8 t/ha/an de mas-grain en quelques annes. Il sagit dune rotation entre le mas en premire saison des pluies et dune jachre de 7 mois Mucuna pruriens, replante en mas ds lanne suivante. Selon laridit du milieu, la richesse minrale des roches et ltat de dgradation du sol, la rhabilitation de la productivit du sol par la jachre prend de dix cinquante ans, mais en la protgeant contre lrosion et le btail, on peut rduire ce temps moins de trois ans.

    Au Burkina Faso, aprs dix quinze ans de cultures extensives et de labours, le sol nu puis est abandonn. Il se couvre alors dune paisse crote drosion quasi impermable qui empche la rgnration de la vgtation par la jachre. Plus rien ny pousse malgr 400 800 mm de pluie en quatre cinq mois. Ce sont ces zipells* qui sont rcuprs lorsquon manque de terre. En pleine saison sche, les paysans qui manquent de terre y creusent de 8 12 000 petites cuvettes par hectare de 20 cm de profondeur et 40 cm de diamtre, dont la terre est dispose en demi-lunes en aval. Le paysan y enfouit 1 3 t/ha de fumier (en gnral des poudrettes de caprins) ou, dfaut, des rsidus organiques et sme en sec dix douze graines de sorgho ou de mil, de faon soulever la crote de sdimentation qui va se produire au fond des cuvettes. Aux premires pluies, ces dernires captent le ruissellement charg en nutriments et stockent une grande poche deau dans le sol permettant aux jeunes plantules de tenir trois semaines sans pluie. Ds la premire anne, le champ produit autant de crales que la moyenne rgionale de 600 kg/ha, mais avec un complment de N60 + P30, on peut atteindre 1 500 kg, soit huit fois la production sans za. Cette fumure permet de rintroduire 15 espces de lgumineuses arbustives et 26 dadventices. Ces techniques exigent un investissement lhectare trs important de lordre de 350 heures de travail la pioche et lapport de trois tonnes de fumier et de dix tonnes de pierres pour construire des cordons antirosifs.

    Texte extrait de Roose et al., 2011.

    * Terres battues encroutes et blanchies.

    > ZOOM | Les techniques traditionnelles de rhabilitation des sols

  • 17Lutte contre la dsertification, stockage de carbone et attnuation du rchauffement climatique

    Des techniques culturales pour apporter de la matire organique

    Les techniques culturales concernent principalement la gestion de la matire organique des sols par des apports organiques sous forme de compost, de fumure organique ou de paille (ou mulching) :

    La fabrication de compost consiste mlanger des rsidus de culture (tiges de mil, sorgho) avec des djections animales. Ces mlanges sont mis dans des fosses et arross rgulirement pour favoriser leur dcomposition. Ces composts peuvent tre enrichis de cendres et/ou de phosphates. La dose de compost prconise est de 1,5 2 tonnes par hectare et par an, en une seule fois ou en plusieurs fois selon le type de sol. Les fumiers proviennent de parcs agroforestiers (comme la poudrette en Afrique de lOuest) ou dtables o sjournent les animaux. Cette technique est plus utilise que le compost car elle ncessite moins de travail.Au Sahel par exemple, des tiges de mil ou de sorgho sont poses sur le sol une densit denviron 2 3 tiges par m2. Les pailles apportent de la matire organique, diminuent lvaporation de leau et font obstacle lrosion olienne ; elles permettent ainsi de maintenir un certain niveau de fertilit du sol. Ces techniques rentrent en concurrence avec les nombreuses autres utilisations des rsidus de rcolte (comme par exemple le fourrage).Le semis direct sur couverture vgtale permanente (SCV) est une technique de culture qui repose sur le non labour du sol et, comme son nom lindique, une couverture vgtale permanente du sol. Le semis se fait directement dans la couverture vgtale, vivante ou morte, laisse en permanence sur le sol. Cette couverture vgtale protge le sol contre lrosion et amliore la fertilit du sol par des apports organiques constants et une stimulation des activits biologiques. Cette technique demande une certaine technicit dans le choix des rotations culturales en association avec

    des plantes de couverture. La plante de couverture ne doit pas tre comptitrice pour la plante cultive. Des comptitions existent aussi pour la biomasse vgtale de la plante de couverture qui peut retourner au sol ou servir de fourrage pour les animaux.

    Les apports dengrais minraux qui favorisent la croissance des plantes font aussi part ie de ces techniques ma is sont souvent peu accessibles financirement.

    Des techniques biologiquespour amliorer la fertilit du sol

    Ces techniques consistent grer la vgtation des zones rhabiliter, que ce soit en laissant les parcelles en jachre ou en les protgeant par une mise en dfens. Les plantations de haies vives (Acacia sp., Euphorbia balsamifera, Faidherbia albida, Prosopis sp., etc.), ou de bandes enherbes le long des courbes de niveau fixent le sol et amliorent sa fertilit, linfiltration de leau, la rtention des sdiments hydriques et oliens. Elles constituent aussi des refuges pour la faune et la f lore, amliorant ainsi la biodiversit. La combinaison des bandes enherbes avec des ligneux est encourage. Ces haies constituent aussi des sources de matriaux de construction, de fourrages, etc.

    Combiner les techniques pour de meilleurs rsultats

    La combinaison des diffrentes techniques exposes ci-dessus est recommande pour une valorisation maximale des investissements souvent importants des amnagements mcaniques. Par exemple, les cordons pierreux donnent de meilleurs rsultats pour leurs actions antirosives quand ils sont associs des mesures biologiques (enherbement, haie vive, apports de fumure, mulching). Les plantations sont, en rtroaction, favorises lorsque des amnagements tels que les cordons pierreux favorisent la rtention et donc les apports en eau.

    D

    .Ma

    sse

    H.

    Ma

    ga

    I

    RD

    Fosses compostires. Yatenga, Burkina Faso. Une jeune haie deuphorbes marque la limite entre deux champs. Mali.

  • Le carbone dans les sols des zones sches Des fonctions multiples indispensables18

    > EXEMPLE | Des techniques varies utiliser avec discernement

    Au Maroc, la technique bien connue des forestiers pour restaurer des sols dgrads consiste creuser une cuvette ou un segment de banquette forestire. Cette dpression est rebouche avec une couche humifre, tandis que la terre minrale extraite est utilise pour construire un bourrelet pour y capter les eaux de ruissellement, les sdiments transports, les matires organiques disponibles. On y plante ensuite des arbres usages multiples. La surface de limpluvium est, selon laridit du lieu, quatre sept fois plus vaste que la surface de projection de la cime. Lusufruitier dpose du fumier bien dcompos autour de larbre en veillant ne pas brler les racines superficielles sil sagit dune plantation fruitire. Finalement, cette mthode est une adaptation des micro-cuvettes du za des zones sahliennes au climat et la culture des arbres mditerranens.

    En Afrique, entre la zone soudano-sahlienne et la zone semi-aride mditerranenne, il y a des diffrences cologiques significatives au niveau du climat, des sols, des pentes et des cultures et donc des techniques favoriser :

    Au Sahel, les paysages sont souvent forms de longs glacis en pente douce infrieure 2 %. Les pluies tombent brutalement en trois ou quatre mois durant la saison chaude entrainant une forte vapotranspiration (ETP) et la croissance rapide de la couverture vgtale. Aprs larrt des pluies, la rcolte est dpendante des stocks deau du sol pour former les graines. Ces stocks dpendent en grande partie des proprits physiques de la surface du sol (crote drosion ou de sdimentation) et du ruissellement venant de lamont ; do lintrt du billonnage cloisonn et surtout du za qui concentrent localement les eaux et les nutriments disponibles.

    En zones mditerranennes, dune part le relief est beaucoup plus marqu et la rugosit du sol moins efficace, en particulier ds que la pente dpasse 15 %. Dautre part, le climat est trs diffrent car les pluies tombent en saison froide ; lETP est beaucoup moins leve et la croissance des plantes plus lente. Il faut donc prvoir des cuvettes beaucoup plus vastes pour arroser des arbres et amliorer la croissance par des apports de fumier et dengrais minraux. Plus le climat est aride, plus il est ncessaire de sappuyer sur des techniques culturales et des structures mcaniques antirosives captant le ruissellement dune surface quatre vingt fois plus grande que la surface de la projection de la cime pour assurer la croissance pluriannuelle des cultures.

    Texte extrait de Roose et al., 2011.

    > EXEMPLE | Des techniques varies utiliser avec discernement

    La technique du za est une technique traditionnelle rencontre dans la zone soudano-sahlienne du Mali, Niger et Burkina Faso. Cette technique est efficace dans les rgions de pluviomtrie comprise entre 300 mm et 850 mm par an. Au-de de 300 mm, la technique des demi-lunes est plus efficace. Au-del de 850 mm, leau ne sinfiltre plus, les semis se gorgent deau et meurent ; il y a risque de ruissellement et drosion.

    Le za est une forme particulire de culture en poquet qui permet de concentrer leau et la fumure dans des microbassins o les graines seront semes. Les trous de semis sont denviron 30-40 cm de diamtre et 10-15 cm de profondeur. La distance entre les trous est de 70-80 cm, soit prs de 10 000 trous

    par hectare. Les trous sont creuss manuellement la pioche, perpendiculairement la pente et en quinconce. La terre enleve est entasse en aval des trous, elle forme un bourrelet permettant de capter leau et de limiter les effets du vent. Lapport de fumure organique directement au pied des plants juste avant ou ds les premires pluies, contribue restaurer lactivit biologique et amliore la fertilit biologique.

    Les dfis de cette technique sont lutilisation dune fumure quilibre pour la culture pour viter des carences et lattraction dinsectes nocifs. Le za est une technique simple mais qui demande une main duvre importante (40 60 jours-hommes par an), une forte mobilisation des populations avec une organisation et une logistique importantes pour raliser de grandes surfaces.

    > ZOOM | La technique du za : une meilleure gestion des matires organiques et de leau

    Semis de mil au Bnin.P. Silvie IRD

  • 19Lutte contre la dsertification, stockage de carbone et attnuation du rchauffement climatique

    SIX RGLES POUR RUSSIR LA RESTAURATION DE LA PRODUCTIVIT DES SOLS DGRADS

    Il est possible de restaurer en quelques annes la capacit de production de sols dgrads suffisamment profonds en y plantant notamment des arbres usages multiples et en respectant certaines rgles (Roose et al., 2011) :

    capter le ruissellement par un dispositif adapt en fonction des caractristiques du site : haies, cordons de pierres, paillis, za, cuvettes, etc. ;

    recrer la macroporosit du sol par un travail profond, au moins sur la ligne de plantation, et stabiliser la structure du sol en enfouissant des matires organiques ou des carbonates de chaux ;

    revivifier lhorizon de surface par du compost, du fumier, une litire, des lgumineuses rampantes ;

    corriger le pH du sol pour supprimer la toxicit aluminique sur les sols trs acides (cendres, rsidus divers, paillage) sans restreindre la solubilit des oligo-lments sur les sols alcalins ;

    nourrir les plantes en rendant le stock de nutriments assimilables (matires organiques, purin, feu, litires) et complter les besoins des plantes par des apports minraux raisonns ;

    choisir des plantes adaptes localement aux besoins des utilisateurs et aux conditions cologiques de la zone.

    Lintroduction despces exotiques (graminennes, fourragres, fruitires ou forestires) doit tre bien rf lchie. Pour cette dernire catgorie, si lachat de

    graines est indispensable, il faut sassurer quelles aient t rcoltes sur de nombreux semenciers. Mais la priorit doit tre donne la large diversit gntique locale, souvent prfrable celle des graines dorigine exotique base gntique trs troite.

    dfaut de graines, des techniques de propagation vgtative trs faible cot (marcottage terrestre, induction du drageonnage) ou cot peu lev (bouturage de segments de racines, bouturage de tiges, marcottage arien) sont prconiser condition de slectionner un nombre lev de gnoty pes (Bellefontaine & Malagnoux, 2008).

    Chaque espce (r-)introduite doit tre choisie avec circonspection en fonction des prfrences des populations et des caractristiques locales (sols, climat). En ppinire, des techniques dlevage moderne doivent tre exiges (godets rigides rainurs placs hors-sol, optimisation de substrats cohrents et ars, ferti-irrigation suivie et dose en fonction du climat). Il faut viter les plants levs en sachets en polythylne cause des chignons racinaires qui se forment en ppinire dans ces conteneurs inadapts et obsoltes. Il faut rsolument opter pour des semis (ou des boutures herbaces sous nbulisation, en cas de domestication dune espce ligneuse usages multiples, prleves partir de nombreux gnotypes slectionns) dans des conteneurs hors-sol permettant un dveloppement optimal des racines, une croissance juvnile rapide et une mise en dfens du primtre plant plus courte (Bellefontaine et al., 2012).

    Jardins irrigus au Niger.M. O IRD

  • Le carbone dans les sols des zones sches Des fonctions multiples indispensables20

    DES TECHNIQUES ALTERNATIVES EN DBATBiochar, bois ramaux fragments et agroforesterie sont souvent prsents comme solutions alternatives pour augmenter les stocks de carbone des sols. Ces techniques sont actuellement dbattues au sein des communauts scientifiques et de la socit civile.

    Le biochar : une solution pour stocker du carbone organique durablement dans les sols* ?

    La production et lenfouissement de biochar ont t rcemment promus comme solution innovante pour stocker du carbone organique rapidement et durablement dans les sols. Cette solution vient des observations faites ds les annes 1960 sur les terra preta en Amazonie centrale riches en charbons noirs. Ces terres noires qui se rvlent nettement plus fertiles que la moyenne des sols amazoniens gnralement pauvres, sont le rsultat de laccumulation sur place des rsidus de combustion lente des dchets organiques de communauts villageoises en bord de f leuve.

    La production du biochar (abrviation de bio-charcoal) est base sur la pyrolyse de vgtaux afin dobtenir du carbone stable incorporable aux sols et comparable celui observe dans les terra preta. Des installations spcifiques permettent de raliser cette combustion sous atmosphre trs pauvre en oxygne. Une pyrolyse bien maitrise permet dobtenir, dune part, des produits gazeux utilisables comme combustible et, dautre part, une forme de charbon vgtal, qui nest pas du simple charbon de bois. Ce biochar est un produit trs poreux et stable dont lincorporation dans les sols en amliorerait les proprits agronomiques. Le plus souvent, ce sont des rsidus vgtaux ou mme des lisiers qui sont pyrolyss. Des plantations spcifiquement destines au pigeage du carbone par cette technique sont envisages.

    Les lments thoriques de la raction de pyrolyse mis en jeu et son bilan nergtique sont assez bien circonscrits, notamment grce des recherches rcentes et la mise au point de racteurs spcifiques. Lextrapolation de ces rsultats de grandes superficies pour estimer limpact potentiel de cette approche sur le pigeage du carbone au niveau plantaire se heurte encore un bon nombre dinconnues. Le premier dfi est de vrifier que les effets bnfiques observs sur quelques sols pauvres dAmazonie le sont galement sur dautres types de sol dans le monde.

    Sur le plan agronomique, le biochar est un produit trs htrogne suivant la matire premire pyrolyse, et il est difficile den dfinir les effets globaux prcis. Aujourdhui, il y a autant dtudes montrant des rsultats positifs que ngatifs ou non concluants. Les effets observs sont trs variables selon lorigine du biochar. De faon gnrale, il amliore les sols pauvres au dpart, mais certaines tudes montrent que les proprits hydrophobes de certains biochars rendent la surface des sols plus impermable, favorisant le ruissellement

    et donc lrosion. Dautres se sont avrs avoir un effet ngatif sur les populations de vers de terre. Enfin, la pyrolyse produit aussi des composs aromatiques volatiles dont certains sont potentiellement toxiques. Pour le moment, en labsence dexprimentations long terme et de recul, on ignore la destine de ces rsidus dans les sols et leur impact biologique. Cela dmontre clairement que la prudence est de rgle et que les vertus supposes du biochar doivent tre davantage testes et vrifies avant de proposer son utilisation massive.

    Sur le plan nergtique, lorsque la pyrolyse est conduite dans une installation bien contrle, le bilan est plus clair : il est carbone ngatif . La fraction de carbone pige dans les sols par incorporation du biochar est suprieure celle que produirait le processus naturel de dcomposition des mmes matires organiques sans passer par la pyrolyse. La fraction relche dans latmosphre est donc plus faible. Cependant ce bilan nest vraiment intressant que sil est combin la bonification espre des sols.

    Cest dans les rgions sches, o les sols sont souvent pauvres, que le biochar pourrait avoir le plus deffets positifs dans lamlioration des proprits des sols. Or, la production de biomasse pour la fabrication de biochar sy trouverait en comptition avec les autres productions agricoles, dans un contexte de crise alimentaire. Lutilisation des rsidus de rcoltes serait galement en comptition avec lalimentation du btail ou encore

    * Pour plus dinformations : Cornet & Escadafal, 2009 ; Escadafal et al., 2011.

    Systme bionergie-biocarburant bilan carbone ngatif bas sur le stockage de biochar dans le sol. Image du domaine public cre par Laurens Rademakers partir de Lehmann J., 2007. A handfull of carbon. Nature. 447: 143-144.

    CO2

    phot

    osyn

    ths

    e

    50 %

    25 %

    resp

    irat

    ion

    libr

    atio

    n de

    car

    bone

    5 %

    pyrolyse

    Puits de carbone atmosphrique : 20 %

    Bionergie : carbone neutre

    (rduit les missions des combustibles fossiles)

    BiocharStockage de biochar

    (rduit les missions partir de la biomasse)

    BILAN CARBONE NGATIF

  • 21Lutte contre la dsertification, stockage de carbone et attnuation du rchauffement climatique

    avec les techniques dintensification cologique. En effet, ces dernires ncessitent des apports importants de rsidus vgtaux, fumiers et composts dans les sols afin den accroitre la teneur en matires organiques. Il y aurait alors une comptition pour lutilisation de la biomasse rsiduelle, entre la pyrolyse produisant un carbone inerte stable et la fertilisation organique stimulant la vie biologique des sols.

    Le biochar nest donc pas la solution miracle que certains ont cru voir, mais une des voies pouvant contribuer une gestion durable des terres et de lenvironnement tout en assurant une amlioration de la production agricole. Dautres recherches sont encore ncessaires pour que sa diffusion puisse se faire sur des bases scientifiques bien tablies et en bonne adquation avec les diffrents contextes locaux.

    Les bois ramaux fragments : pour une gestion durable des sols et de ses stocks organiques ?

    Lapport de bois ramaux fragments (BRF) est une alternative de gestion des sols actuellement en dbat. Cette technique permettrait daugmenter leurs teneurs en carbone. Lutilisation de bois ramaux ou de branches darbres sinscrit dans une dmarche dimitation des cosystmes arbors. Cette technique, mise au point il y a une vingtaine dannes au Canada, consiste enfouir dans le sol des rameaux de faible diamtre (infrieur 7 cm) broys (Lemieux, 1996). Du fait du broyage, on parle de bois ramaux fragments la fois pour dsigner le matriau et la technique.

    Peu dtudes scientifiques existent sur lintrt de cette technique pour augmenter les stocks organiques du sol. Il en existe encore moins dans les zones arides et semi-arides. Une tude bibliographique en 2010 (Barthes et al., 2010) a synthtis lensemble des rsultats exprimentaux disponibles en zones tempre et tropicale (voir ci-contre).

    La technique du BRF ncessite davoir de la biomasse disponible. Lutilisation de BRF peut donc se trouver en comptition avec dautres usages traditionnels pour ces biomasses, comme le fourrage pour le btail et le bois de chauffe pour les mnages. Son utilisation se heurte, en plus de la disponibilit de la ressource, des problmes de main duvre pour la fragmentation des bois.

    > ZOOM | Les bois ramaux fragments : des rsultats positifs modulerLamendement du sol avec des branches, notamment avec des bois ramaux fragments (BRF), suscite un intrt croissant chez les agriculteurs et les services de vulgarisation, mais la validation scientifique de cette pratique est incomplte. Larticle de Barthes et al. (2010) synthtise les rsultats statistiquement significatifs concernant leffet dapports enfouis ou paills (mulch) de BRF sur les cultures et le sol, en milieu tempr et tropical. Lapport de BRF a gnralement un effet positif sur le rendement agricole, sauf pour la culture qui suit immdiatement un premier enfouissement en sol sableux (lequel a surtout t test en milieu tempr ; le rsultat reste peu document en milieu tropical). Cet effet ngatif peut cependant tre limit par un apport dengrais azot. Par ailleurs, lapport de BRF, surtout en mulch, amliore les proprits physico-hydriques du sol (humidit, porosit, structure), enrichit le sol en matire organique, stimule lactivit biologique, et accrot la disponibilit des nutriments moyen terme. Les effets des BRF sont moduls par plusieurs facteurs, comme lessence forestire utilise et les modalits dapport (dose, priodicit, dimension des fragments, etc.). Cependant, les rsultats rpertoris ne permettent gure de formuler des recommandations prcises. Par ailleurs, lintrt des BRF par rapport aux amendements organiques non ligneux est mal document.

    Daprs Barthes et al., 2010.

    Apport de rameaux broys () et chantier de broyage des rameaux la machette () de Piliostigma reticulatum (arbuste spontan commun). Site exprimental de Gampla (prs de Ouagadougou).

    E. Hien

    E. Hien

    0

    50

    100

    150

    200

    Enfoui, sans apport d'intrants N'dayegamiye et Dub (1986), aprs 4 cultures N'dayegamiye et Angers (1993), aprs 9 cultures Lalande et al. (1998), aprs 1 culture Tremblay et Beauchamp (1998), aprs 2 cultures

    Enfoui, avec apport d'intrants N'dayegamiye et Dub (1986), aprs 4 cultures N'dayegamiye et Angers (1993), aprs 9 cultures

    0

    50

    100

    150

    200

    Enfoui, sans apport d'intrants Soumare et al. (2002), aprs 2 cultures Gmez (2003), aprs 1 culture

    0 50 100 150 200 250 300 0 50 100 150 200 250 300

    Apport total de BRF (t MS/ha)

    Var

    iati

    on

    de la

    ten

    eur

    en C

    par

    ra

    ppo

    rt a

    u t

    mo

    in (

    base

    100

    ) (a) Rgion tempre (b) Rgion tropicale

    Influence de lapport de BRF sur la variation relative de teneur en carbone du sol superficiel par rapport au tmoin sans apport (base 100).

  • Le carbone dans les sols des zones sches Des fonctions multiples indispensables22

    > EXEMPLE | Des techniques varies utiliser avec discernement

    Si cest possible, choisir une espce ligneuse car celles-ci ont la proprit, grce leur enracinement pivotant ou oblique profond, de faire remonter les lments nutritifs vers la surface du sol et protgent localement les terres des pluies brutales, du soleil et du vent.

    Slectionner des espces ou des clones robustes tolrant bien la coupe rpte des jeunes rejets de souche et qui produisent de grandes quantits de biomasse pendant la saison des cultures.

    Choisir des plantes actinorhiziennes (certains Casuarina) ou des lgumineuses fixant lazote atmosphrique.

    viter les espces envahissantes fructification plthorique (Leucaena, Prosopis, etc., dont les paysans ne veulent plus) et les plantes fourragres lorsque les troupeaux divaguent librement une partie de la saison.

    Dans les zones subhumides, la concurrence pour leau est relativement peu importante et le choix des espces est assez large. Dans les zones sches, la concurrence pour leau peut induire des rendements moins favorables. Ainsi, en zone soudano-sahlienne, voire mme sahlienne, lapport dengrais verts et lenfouissement de matires organiques se font localement (za) sans trop perturber la couche superficielle du sol par des labours.

    Sauf cas de force majeure, en zone semi-aride, viter les espces pineuses qui se prtent mal aux diverses manipulations denfouissement.

    Se renseigner pour savoir si la multiplication vgtative (domestication future des meilleurs gnotypes) est possible par des moyens conomiques (boutures, boutures de segments racinaires, marcottes ariennes, induction de drageons, greffes, etc.) afin de les conserver dans un parc clones.

    Daprs Akinnifesi et al., 2007 ; Bellefontaine et al., 2002 ;

    Makumba & Akinnifesi, 2008 ; Parmentier, 2009 ; Robin, 2012.

    > ZOOM | Quelques conseils pour slectionner un bon engrais vert ligneux

    Lagroforesterie* : pour une bonne gestion de la fertilit des sols

    En zone sche, les systmes agroforestiers associant des arbres des cultures annuelles (crales p. ex.) reprsentent une solution pour augmenter les stocks de carbone des sols. De plus, lombrage des arbres rduit aussi la temprature du sol et lvapotranspiration des cultures. Lagroforesterie existe depuis plusieurs sicles en zone sche subsaharienne. Les espces darbre slectionnes ont une valeur utilitaire pour le mnage ou une valeur commerciale sur le march local, rgional ou, plus rarement, international.

    Des tentatives rcentes de densification du couvert ligneux pour promouvoir lagroforesterie ont t dues parce que la comptition souterraine pour leau entre la culture et les arbres annulait frquemment les bnfices de lenrichissement du sol et de lamlioration du microclimat. Cependant, la rgnration naturelle

    assiste (RNA) des arbres et arbustes peut pallier ces difficults et mme conduire localement une extension et une densification des arbres dans les terroirs cultivs. La RNA consiste protger et entretenir les espces ligneuses qui poussent naturellement dans un champ ou un espace sylvo-pastoral. Il sagit ensuite de slectionner et de laisser des jeunes pousses naturelles. Une densit de 60 80 pieds lhectare (Dorlchter-Sulser & Nill, 2012) est recommande ainsi que la protection des jeunes pousses contre le broutage des animaux (mise en dfens) et une taille priodique afin de stimuler leur croissance.

    Les dispositifs agroforestiers sont trs diversifis selon les populations, les climats et les sols. Ils peuvent tre extrmement complexes avec de multiples tages composs de nombreuses espces utiles. Il existe des systmes complexes agro-sylvo-pastoraux (associant cultures annuelles, ligneux de tail les diverses et animaux domestiques) comme, par exemple, au sud du Sahel, les parcs Faidherbia albida au rle essentiel pour la gestion de la fertilit des sols. Ce peut tre aussi des systmes plus simples (agro-sylvicoles ou sylvo-pastoraux). Ils peuvent tre plants dans des savanes arbores ou des forts claires. En Afrique subsaharienne, les forts-parcs couvrent de vastes superficies (parcs Faidherbia albida, Vitellaria paradoxa, Parkia biglobosa, Adansonia digitata, Borassus aethiopum, etc.). Plus au nord, dans les rgions sahliennes, les parcs agroforestiers sont majoritairement composs de Balanites aegyptiaca, Acacia senegal, Acacia raddiana, Piliostigma spp., Hyphaene thebaica et de multiples autres espces.

    * Cette partie a t adapte partir dun texte de Harmand & Seghieri, 2012.

    Parcs Faidherbia en dcembre. Burkina Faso.

    C

    . Jo

    urd

    an

  • 23Lutte contre la dsertification, stockage de carbone et attnuation du rchauffement climatique

    En bordure nord du Sahara, les arganeraies (Argania spinosa) au Maroc taient un exemple unique de systme agro-sylvo-pastora l qui l ibr, ma is le surpturage a empch toute rgnration et a dtruit le sous-bois. De plus, les cultures industrielles ont rduit la superficie et la densit de ces parcs multi-centenaires.

    Les autres dispositifs se construisent au fil du temps partir darbres hors forts : il sagit de jachres enrichies par des plantations de lgumineuses fixant lazote atmosphrique, de pturages charge animale contrle entours de brise-vent (ou de haies vives) dont les feuilles apportent un complment fourrager en saison sche, de plantations darbustes ncessitant un ombrage lger ou encore de parcelles denrichissement en bois duvre despces prcieuses sous lesquelles agriculture et pturage sont prsents.

    Au Sahel, les arbustes, tels que Guiera senegalensis, Piliostigma thonningii ou P. reticulatum, sont associs aux champs de mil au sein de paysages ouverts. Plus au sud, les arbres, comme le karit (Vitellaria paradoxa), sont typiques de la rgion soudanienne sur toute la bande allant du Sngal jusquau bord du Soudan et de lthiopie. Ils fournissent des fruits comestibles, de lhuile de cuisine et entrent dans la consommation locale. Ils constituent aussi, et de plus en plus, une ressource dexportation vers lindustrie du Nord comme le fameux beurre de karit. Les arbres de la zone subsaharienne ont aussi une fonction importante dans lappropriation foncire. Malheureusement, peu dtudes concernent, ce jour, les acteurs et leur niveau de dcision pour la gestion des parcs, de mme que des tudes systmatiques de stockage de carbone dans les sols occups par ces agroforts.

    > ZOOM | Lessor spectaculaire et rcent du Gliricidia sepium au Malawi et en Afrique de lEst

    Gliricidia sepium (Jacq.) Walp. est une Fabaceae originaire des forts sches dAmrique centrale. Pantropicale, on la rencontre sur tous les types de sol (notamment acides), du Sngal lAfrique du Sud, car elle supporte de 4 9 mois de saison sche (560 3 800 mm/an). Les semis ont un systme racinaire profond, mais des racines superficielles peuvent cependant gner les cultures. Elle se bouture et rejette vigoureusement de souche. Elle a de nombreux usages en agroforesterie comme haie vive, brise-vent, clture, arbre dombrage, tuteur et, surtout, comme mulch.

    Selon Parmentier et al. (2007), 72 % des terres arables et 31 % des pturages africains sont considrs comme dgrads. Lagroforesterie et lagrocologie peuvent restaurer la fertilit des sols en 2 4 ans. En associant des ligneux qui font remonter les nutriments vers les horizons superficiels (et mieux, des lgumineuses ou des actinorhiziens qui en plus fixent lazote atmosphrique) et qui fournissent lengrais vert aux cultures, les rendements sont au minimum doubls (Robin, 2012).

    Au Malawi, Akinnifesi et al. (2007) ont compar pendant 4 annes les rendements de la monoculture du mas avec ceux obtenus en culture intercalaire quand des G. sepium de la meilleure provenance guatmaltque taient plants entre deux ranges de mas (G. sepium plants dans les sillons avec un espacement de 90 cm dans la range et de 150 cm entre les ranges, soit 7 400 arbres par ha). Coups ds quils atteignent 30-40 cm de haut, la biomasse de G. sepium (mondes avec feuilles et jeunes

    rameaux) est immdiatement enfouie 15 cm de profondeur trois fois par saison de culture (doctobre avril), puis

    recouverte de terre. Le mas est sem 15 jours aprs le premier enfouissement ( 30 cm dans

    la range et 75 cm entre les ranges, soit 44 000 plants/ha).

    Ces tudes montrent que la culture intercalaire donne des rendements nettement suprieurs ceux de la monoculture, mais variables en fonction des pluies et des scheresses

    excessives. Amender les sols avec de petites quantits dazote ou de phosphore

    inorganique peut avoir des effets additifs. Makumba et Akinnifesi (2008) ont prouv au

    Malawi que G. sepium se dcompose mieux que Sesbania sesban ou dautres plantes et ils

    concluent quun mlange dmondes de G. sepium avec des rsidus de culture acclre la dcomposition de rsidus de rcolte de faible qualit.

    En 2006, au Malawi, le Prsident Mutharika lance la rvolution verte et subventionne les engrais (avant dpuiser tous les fonds). En 2007, il lance un programme national dagroforesterie o notamment le G. sepium est promu sur le devant de la scne. La suite montre que des deux modles agricoles, le programme dagroforesterie sest rvl beaucoup plus efficace et durable que le premier. Les rendements sont au minimum multiplis par 2 pour atteindre en moyenne 3,7 tonnes lhectare. Plusieurs centaines de milliers de paysans ont adopt la culture intercalaire et le Malawi ne souffre plus de famines chroniques. En plus des G. sepium, des arbres fruitiers, fourragers ou produisant du bois de feu sont couramment plants et protgs (Robin, 2012).

    G. F

    di

    re

    IR

    D

  • Le carbone dans les sols des zones sches Des fonctions multiples indispensables24

    IMPACT DES TECHNIQUES DE LUTTE CONTRE LA DSERTIFICATION SUR LE CARBONE INORGANIQUE

    Alors que le cycle du carbone organique a t largement tudi et modlis diffrentes chelles de temps et despace, le carbone inorganique est le parent pauvre de ltude du cycle du carbone des sols. Pourtant le stock de carbone inorganique nest pas ngligeable au niveau mondial (950 Gt) et il est largement majoritaire dans les sols des zones arides et semi-arides (cf. p. 8).

    Le carbone inorganique du sol est peu tudi

    Les teneurs et la qualit des carbonates ainsi que leur volution ont t peu tudies dans le cycle du carbone moyen et court termes pour deux raisons principales :

    la complexit des processus dinteraction entre latmosphre, les carbones inorganiques de diffrentes formes, la matire organique du sol et la vgtation ;

    une dynamique relativement lente des carbonates dans les sols par comparaison avec la matire organique.

    La distribution et la quantit des carbonates dans les sols influencent leur fertilit, leur rodabilit et leur capacit retenir leau. Les sols carbonats ont des pH basiques