Bibook, la bibliothèque de livres numériques de Grenoble

Compte-rendu de la présentation du 04 novembre par Guillaume Hatt

Premier retour d'expérience sur le projet PNB

Les principes du projet PNB« Prêt Numérique en Bibliothèque »

Lancé il y a 3 ans, piloté par Dilicom et financé par le CNL.

•un modèle qui permet aux bibliothèques d’acheter, via les libraires, des livres numériques aux éditeurs.•une offre, au sens où PNB est ouvert à tout éditeur qui veut rentrer dans le périmètre.Les grands groupes ont déjà leurs plates-formes de diffusion. La particularité du projet PNB, c’est qu’il inclut les libraires.PNB n’est pas « clés en main » mais il est neutre (alors que Numilog a un temps appartenu à Hachette).

Pour une bibliothèque, PNB c’est :

• Faire ses choix d’acquisition, titre à titre, dans le catalogue PNB. On n’achète pas le fichier lui-même, on achète l’accès au fichier. Et cet accès est limité dans le temps.

• Passer par un libraire pour la commande• Construire son interface. Dilicom a été chargé de mettre

en place une plate-forme nationale. Chacun (le libraire, le bibliothécaire) doit ensuite développer sa propre interface pour que les échanges puissent se faire. C’est là qu’interviennent les distributeurs et éditeurs de logiciels (Archimed, Décalog…)

• Prêter aux lecteurs, avec un fonctionnement semblable au papier (un nombre d'exemplaires défini, retour anticipé possible = on « rend » le droit d’accès au fichier)

L’offre PNB

Un catalogue encore réduit : 10 000 titres•La fiction représente les 2/3 de l’offre. Ce sont généralement des titres récents mais ça dépend des éditeurs. (Gallimard est 100% à jour, en revanche Eden n’a plus rien ajouté après le versement initial). Il y a parfois un embargo sur les best-sellers, pour lesquels la vente aux particuliers est privilégiée. En jeunesse : 600 titres.•On attend toujours 8 000 titres d’immateriel (Bragelonne…)•On attend Iznéo (3 500 titres), mais ils n’ont toujours pas formalisé leur offre… et ce sera de toute façon du streaming•Parmi le 1/3 de documentaires, on ne trouve pas les plus récents et tout n’est pas intéressant (les bibliothécaires de Grenoble ont eu du mal à faire leurs acquisitions).On peut consulter le catalogue de Feedbooks (en libre accès avec l’intégralité de l’offre) http://collectivites.feedbooks.com/

Des conditions variables selon les éditeurs, car PNB pose juste un cadre, défini par :•une durée de mise à dispositionnombre de jours de téléchargement ou de consultation : 6/7 ans

•un nombre total d’accèsnombre maximal de prêts ou de consultations en streaming :entre 20 et 50 jetons de prêt=> Les 2 premiers éléments se combinent pour donner une offre du type : entre 20 et 30 prêts sur une durée de 6 ans maximum pour les fictions, 50 prêts pour les documentaires.

•un nombre d’utilisateurs simultanésnombre maximal d’utilisateurs pouvant accéder en même temps au livre, en streaming ou téléchargement : 10 généralement

Le cadre PNB définit 3 usages :•téléchargement à distance avec prêt•consultation sur place avec prêt•consultation sur place sans prêt (streaming in situ)

Et précise le format :•epub•Pdf (mais il n’y en a pratiquement plus, l’epub coûte moins cher car il est dans les chaînes de PAO désormais)•Streaming (flash ou autre)

=> Usages réglementés = fichiers avec DRM•DRM Adobe (un bout de logiciel embarqué sur le fichier et qui limite son utilisation : on ne peut l’ouvrir que sur 5 supports de même famille)•1 exemplaire = 1 prêt simultané•le lecteur doit installer Adobe Digital Editions et se créer un compte Adobe

Ex d’un livre numérique en vente sur ePagine :

• Plus cher que le livre papier : 22,99 € au lieu de 18,90 €• Plus cher que le livre numérique vendu aux particuliers 13,99 €• On voit le modèle commercial (nombre de prêts, durée maximale

du prêt…). L’éditeur peut faire varier ça d’un titre à l’autre.• La limite de 59 jours en durée de prêt est liée à la DRM d’Adobe.

C’est le maximum qu’elle peut gérer, au-delà le fichier ne s’ouvre plus.

• Gallimard voulait une durée de prêt de 21 jours mais le CAREL a protesté car les bibliothèques doivent pouvoir fixer elles-mêmes leurs durées de prêt.

• Avec une DRM, le renouvellement d’un prêt n’est pas possible (donc les bibliothèques achètent le fichier avec la DRM à 59 jours, ce qui équivaut à un prêt de 3 semaines avec 1 prolongation).

Coût du prêt PNB : extrêmement variable

• Gallimard / Flammarion :minimum : 0,12 €maximum : 4,00 €moyenne : 0,93 €• La Martinière :minimum : 0,11 €maximum : 0,93 €moyenne : 0,37 €• Editis :minimum : 0,04 €maximum : 1,8 €moyenne : 0,52 €

=> Mûrement réfléchir ses choix d’acquisition.

Prix(par rapport au livre numérique sans droit de prêt)

Nombre de prêts maximum

Durée de la licence

Gallimard X 2 30 6 ansFlammarion X 1,6 20 3 ansSeuil X 3 50 5 ansEditis X 1,3 30 1 an

Le choix du libraireSur appel d’offres, avec pour critères principaux :• les fonctionnalités professionnelles : suivi des commandes,

téléchargement des notices, enrichissement du catalogue, nouveautés… interface permettant les actions multiples, les paniers…

• les services : signaler ce qui sort, ce qui passe en poche (important car le livre numérique perd alors 10 €, bien que le fichier soit le même ! Et pourtant ce sont des objets numériques différents, ce qui veut dire refaire le catalogage, etc.), faire des suggestions…

• Le prix est un critère secondaire. (Que l’on soit sur Feedbooks ou ePagine, le prix et les conditions sont les mêmes.) La loi sur le prix unique du livre numérique ne permettra guère de rabais.

Grenoble a choisi Feedbooks (libraires numériques diffuseurs).

Le choix de l’interface

1ère solution : Archimed, avec 2 formules•Archimed propose d’adapter l’OPAC des bibliothèques pour qu’il gère le prêt numérique.Aulnay-sous-bois, Montpellier et Levallois-Perret ont retenu cette solution (dernière version du portail Ermes d'Archimed).•Les bibliothèques qui n’ont pas de SIGB Archimed peuvent quand même mettre en place le prêt numérique, grâce à Bibliondemand.com, une offre d'espace numérique en location sans licence (SaaS), connectée au hub Dilicom et qui peut s'interfacer avec tout OPAC ou portail. Son prix d'abonnement est fonction de la taille de la bibliothèque.Ex : Courbevoie (OPAC web Aloes) a choisi Bibliondemand.

Budget à prévoir avec cette 1ère solution :•Si on choisit un SIGB Archimed, l’accès PNB est quasi-gratuit car déjà inclus. (Décalog prévoit la même chose, les autres se sont retirés.)•Pour une offre hébergée (BibliOnDemand), il faut payer un abonnement annuel basé sur le nombre d’usagers inscrits à la bibliothèque.

Moins de 5 000 inscrits : 1 000 €De 5 000 à 10 000 inscrits : 2 000 €De 10 000 à 30 000 inscrits : 3 500 €De 30 000 à 50 000 inscrits : 5 000 €

…A cela s’ajoute bien sûr l’achat des titres (un titre récent vaut à peu près 25 €)

2e solution : une interface indépendanteGrenoble a fait le choix d’une interface dédiée, séparée du catalogue global : Bibook. bibook.bm-grenoble.fr.•Ils ont fait appel à la société canadienne De Marque, qui a réalisé le site pretnumerique.ca (200 000 lecteurs, 1 million de prêts de type Numilog).•Les gens qui veulent lire des livres numériques vont directement sur l’interface, ils ne passent pas par le site de la BM. (Car les internautes préfèrent aller à la source. Voilà pourquoi ils ont aussi une interface spéciale VOD)•Ceci dit, dans le catalogue de la BM, les lecteurs trouvent les deux types de documents : une notice pour le papier et une pour le numérique. La notice qui se trouve dans l’OPAC ne contient qu’un lien vers l’interface (le prêt ne se gère pas dans l’OPAC).

Budget nécessaire pour cette 2e solution :•L’appel d’offres a été financé à 80 % par le ministère de la Culture (label « bibliothèque numérique de référence »)•90 000 € : adaptation de l’interface canadienne aux exigences de Grenoble et au modèle PNB (le prêt de multiples exemplaires était en effet une première pour De Marque). Pour les bibliothèques qui viendront après, ce sera moins cher car les développements sont déjà faits.•25 000 € de livres (environ 1000 titres) jusqu’en 2015.•Au-delà, lorsque les subventions seront taries, Grenoble n’achètera plus autant de titres. On n’a pas forcément besoin d’un catalogue très important (Aulnay-sous-bois a démarré avec 30 titres)… mais il faut atteindre une masse critique suffisante pour que les gens reviennent. Voilà pourquoi Grenoble a commencé avec 300 titres (De Marque conseillait 700).

Caractéristiques de Bibook

• bibook.bm-grenoble.fr., interface indépendante du SIGB• Ouvert au public depuis le 15 septembre• Accès compris gratuitement dans l’abonnement des lecteurs à

la BM de Grenoble : 8 € pour les Grenoblois et 35 € pour ceux qui habitent hors de Grenoble.

• Identification unique via MonGrenoble (compte à créer en ligne, mais qui ne remplace pas l'inscription en bibliothèque, laquelle peut se faire par courrier.) Même si la BM inscrit des gens de l’extérieur, elle n’a pas vocation à desservir la France entière et doit garder la confiance des éditeurs.

• Services : réservations, suggestions, aide…• Le site est adapté à tous les supports (smartphone, etc.)

• Sur la page d'accueil du site : les nouveautés, les sélections, un lien vers le catalogue (fait d’abord pour être feuilleté, car il n’y a que 300 titres et au maximum il y en aura 1000) et une rubrique « aide ».

• la rubrique « livres les plus empruntés » s’auto-alimente. (Il y a une file d’attente, mais uniquement sur les 7 titres du palmarès, empruntés plus de 10 fois).

• Ex : Charlotte, de David Foenkinos. Le site signale « prochain exemplaire disponible : 16 novembre à 19:25 » (au pire, si personne ne le rend en avance).

• Les lecteurs s'orientent vers la sélection « rentrée littéraire » (une soixantaine sont disponibles en version numérique), tandis que la sélection « documentaires » n’a généré que 2 prêts, et la sélection « Fred Vargas » aucun ! (mais cela s’explique par le fait que ses deux derniers titres ne sont pas disponibles en numérique et que les plus anciens sont disponibles en version pirate).

Catalogue :

• Les données sont issues de l’éditeur (classification thématique basée sur celle des libraires et non sur la Dewey, et elle prend aussi en compte les genres qui marchent le mieux en numérique : le policier et la science-fiction).

• Pas de re-catalogage possible ni de gestion des métadonnées, ce qui peut être embêtant lorsqu’il y a des erreurs

• Pour chaque titre, il y a une feuilleteuse avec un extrait.• Pas de jeunesse dans la sélection grenobloise (ni SF : oubli).

Bibook côté lecteur

• Après identification, j’ai accès à « mon compte », où je peux voir mes emprunts en cours, mes réservations et mes emprunts récents.

• Lorsque l’on parcourt le catalogue, on voit ce qui est directement accessible au prêt ou ce qui est réservable (car il y a déjà 10 prêts simultanés).

• Pour télécharger sur PC il faut un logiciel (Adobe Digital Editions) et un identifiant.

• Procédure d'emprunt : Envoi direct du fichier au lecteur ou envoi d’un email avec un lien.

Voir cet exemple d’un prêt réalisé durant la phase de test : http://aldus2006.typepad.fr/mon_weblog/2014/09/biblioth%C3%A8ques-de-grenoble-ouverture-de-bibook-loffre-de-livres-num%C3%A9riques-pnb.html

Bibook côté bibliothécaire

• Grenoble achète les titres sur Feedbooks.• Panier dans Bibook, disponible aussitôt pour les lecteurs.• Le libraire facture une fois par mois.• On ne voit jamais le fichier et on ne gère pas l’application de

la DRM. On ne voit passer que la facture.• On choisit la durée de prêt et le quota de livres empruntésDans l' « arrière-boutique » :• Suivi en temps réel des collections• On gère les accès : les jetons (finalement, la limite de 10 prêts

simultanés a ses avantages car elle évite de manger tous les jetons tout de suite). Une fois qu’il n’y a plus de jetons, on décide de racheter le livre ou d’acheter un autre titre.

Premiers résultats

• Avec PNB, les statistiques ont décollé.• En 1 mois : 17 résas, 527 prêts (80 % ont téléchargé

Charlotte).• Il n’y a aucun outil de suivi de la lecture (on ne peut pas savoir

si la personne a lu tout le livre ni quel appareil elle a utilisé).• Google analytics indique une centaine de sessions par jour :

80 % sur PC, 15 % sur tablette et 5 % sur mobile. Mais le fait qu’ils téléchargent majoritairement sur PC ne veut pas forcément dire qu’ils lisent aussi sur PC.

• Au Canada : l’organisme Bibliopresto (voir conférence sur le site de l’ENSSIB) a distingué 2 paliers dans la lecture de livres numériques (les départs en vacances et les fêtes de fin d’année = les gens à qui on a offert un appareil, qui l’essayent et qui accrochent)

Développements futurs

• signalement à améliorer : dans la bibliothèque (QR-codes, etc.), dans le catalogue, sur Facebook…

• Une rubrique de recommandation du type : « vous voulez…, nous vous proposons… » a été demandée.

• Feedbooks vient d’acheter une application de lecture qui géolocalise l’usager et lui propose le catalogue. (Le protocole OPDS propulse le catalogue sur le support de lecture.)

• L’an prochain : proposer en suggestion l’intégralité du catalogue papier, afin de permettre des acquisitions dirigées par les usagers. (Quand l’usager choisit un livre numérique, on lui propose aussi les autres titres de l’auteur, ou bien des ouvrages sur un même thème, et si on ne les a pas en numérique, il peut faire une suggestion d’achat.)

Point noir : la DRM Adobe

• Adobe Digital Editions envoie (à Adobe) des données sur qui lit quoi. Même si ces données sont masquées, ça permet de créer des profils de lecture.

• Les DRM sont un frein pour les usagers, mais les éditeurs ne vont pas revenir en arrière, car ils ont déjà trop investi. En effet, produire des fichiers protégés coûte cher (car ça passe par des serveurs chers…)

• Solution possible : la DRM LCP, libre car il n’y a pas d’opérateur privé derrière. On peut l’installer et la paramétrer nous-mêmes… Le principe : au moment où le lecteur télécharge le fichier, il lui attribue un mot de passe, qui est nécessaire ensuite pour ouvrir le fichier. Il peut le copier autant de fois qu’il le veut, le prêter… il faut juste qu’il donne le mot de passe avec. C’est sa responsabilité de décider à qui il le donne.

Bilan

• 2 modèles : dans l’OPAC ou à part.• Si « à part », 2 formules : hébergé (par Archimed ou Décalog)

ou indépendant (comme Grenoble avec De Marque).• Tout intégrer dans une seule interface a ses avantages et ses

inconvénients. Le choix d’une interface séparée a permis d’avoir une présentation plus claire, évite au mode d’emploi d’être noyé dans d’autres choses, et a permis de réaliser une interface adaptée à tous supports.

• Si les utilisateurs ne sont pas contents de la DRM, ils sont en revanche contents de l’interface.

Bilan (suite)• Le public est restreint : même s’ils arrivent à 500 usagers en

fin d’année, c’est peu par rapport aux 40 000 inscrits.• Les usagers : des technophiles au début, mais ça se déplace

vers les gros lecteurs (avec proposition de liseuses aussi).• La consommation est « légale » a priori : les gens ne

rediffusent pas. (Même s'il existe des logiciels permettant de faire sauter les DRM...)

• Le passage de 10 à 5 prêts simultanés a accéléré les retours.• On constate un cloisonnement : les usagers s’attachent à un

site, un média, l’explorent… et ne vont pas voir le reste.• Aides du CNL : selon les nouveaux critères 2015, le CNL

devrait pouvoir aider sur les contenus numériques.