35
8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 1/35 Joseph Bidez G. Leboucq Une anatomie antique du cœur humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon In: Revue des Études Grecques, tome 57, fascicule 269-273,1944. pp. 7-40. Citer ce document / Cite this document : Bidez Joseph, Leboucq G. Une anatomie antique du cœur humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon. In: Revue des Études Grecques, tome 57, fascicule 269-273,1944. pp. 7-40. doi : 10.3406/reg.1944.3014 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reg_0035-2039_1944_num_57_269_3014

Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

  • Upload
    1unorma

  • View
    214

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 1/35

Joseph BidezG. Leboucq

Une anatomie antique du cœur humain Philistion de Locres et le« Timée » de PlatonIn: Revue des Études Grecques, tome 57, fascicule 269-273,1944. pp. 7-40.

Citer ce document / Cite this document :

Bidez Joseph, Leboucq G. Une anatomie antique du cœur humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon. In: Revue desÉtudes Grecques, tome 57, fascicule 269-273,1944. pp. 7-40.

doi : 10.3406/reg.1944.3014

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reg_0035-2039_1944_num_57_269_3014

Page 2: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 2/35

UNE Α Ν ΑΤΟ Μ Ε ANTIQUE DU CŒUR HUMAIN

PHILISTION DE LOCHES ET LE « ÏIMÉE » DE PLATON υ

On lit dans la Lettre II de Platon à Denys II de Syracuse :

« Quant à Philistion, si tu recours personnellement à ses se rvices, emploie-le sans hésiter; mais si c était possible, prête-leà Speusippe et envoie-le lui ; Speusippe lui-même t en prie, etPhilistion m a promis qu il viendrait volontiers à Athènes si tului en donnais la permission (2)».— On ignore si Philistion s estrendu à Athènes à l invitation de Platon (8).

A l époque où Littré, le rénovateur de notre connaissance dela Collection hippocratique, attirait l attention sur i anatomiede l antique traité Du cœur, ΠερΙκαρδίης (ou plutôt Π. κρα-δίης) (4), la question de l authenticité des Lettres de Platon nese posait même pas : unanimement, les juges les.plus autorisésles déclaraient indignes de Platon, sinon insignifiantes ou ridicules (5). C est pourquoi, dans son interprétation du π. κραδίης,

(1)[Les premiers placardsde cet article partaient pour Ganden septembre1945,an momentmême où une mort sans souffrances,survenant pendant lesommeil,interrompaitsoudainla belleactivité scientifiquede J. Bidez.LaReuue,dont il avaitété déjàJe collaborateuren 1919,au lendemainde la précédenteguerre,rend iciun pieux hommageà la mémoiredu regrettésavant.—LaRéd.].

(2)Φιλιστίων.οέ, el μέν αυτός"/?%,σφόοοα/ρω, ει Si οίοντε, Σπευΐίππωχρήσονκαι ά—όπϊμψον.Δεΐτα1.οϊ 7οΰκαΐ Σπεύα-'.^-οςυιτεσχετοδέ μοικαι Φιλιττίων,ει συάφείηςαυτόν,?',ς-:.ν-ροΟΰμω;Άβήναζε(Platon,Œuvrescomplètes,Coll.des Univ.

de France,tome XIII,1'·βpartie,1926,314e).(3) Diller,in Pauly'sRealEneycl.s, υ. Speusippos,col.2406,1938.(4)Voirci-dessous,p. 8.(5) « Parmi les lettres,dit A. Croiset,deux seulementont quelquevaleur: la

3raeet la 1mequi paraissentavoirétérédigéessur des documentsassezprécisetquisont dessourcesutiles pourla biographiede Platon.Quantauxautres, ellessont ou insignifiantesou ridicules.En somme,la collectiontout entière estcertainementapocryphe;mômedans la 3eet la 7e lettres,on ne trouve absolument rien qui rappellela manièrede Platon.»(Passagecitédans l'éditionrappelée ci-dessusà la n. 2).

Page 3: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 3/35

8 J. B1DEZ

Liltré ne pouvait songer à utiliser le témoignage capital donton vient de lire une traduction.

Mais, depuis lors, la critique s est montrée plus circonspecte :

avant de rejeter un document comme apocryphe, on se fait àprésent un devoir d examiner de près comment un faussaireaurait pu réussir à en inventer les éléments. Or, au fur et àmesure que l on reprend l étude des Lettres dites de Platon, onest surpris de constater combien, ligne par ligne et presquemot par mot, elles cadrent avec tout ce que nous découvronsde la vie et de la personnalité du maître, et Ton trouve demoins en moins vraisemblable qu un autre que lui ait pu enrédiger le texte. C est ce que nous allons tâcher de faire ressort r n ce qui concerne la Lettre II et Philistion.

Avant tout, nous avons à mettre sous les yeux du lecteur lotexte môme de l anatomie antique du cœur dont il va êtrequestion. Vu l état actuel de controverses qui restent pleinesd obscurités et d incertitudes, il importe de respecter f idèlementdans cette reproduction chacune des leçons que la tradition manuscrite nous a transmises, sans y rien changer. C estainsi que, dans le titre déjà, nous adoptons l orthographe κρα-οίη, qui se retrouve d ailleurs dans le colophon, bien que letexte môme du morceau ne présente que la forme καροίη.Comme on va le voir, en effet, le ~. κ. est écrit en dialecteionien, non pas un ionien assimilé de façon factice au d ialecte des écrits hippocratiques, mais sans doute l ionien telqu il était en usage à l école môme de Philistion. En cedomaine snéi-ialement, nous devions nous abstenir de rien

vouloir normaliser. Nous avons pris soin aussi de laisser subsister les traces de l exposé oral du maître, traces qui sont simanifestes, par exemple, à la (in du deuxième chapitre. Quantà la tradition manuscrite elle-même, l examen que nous avonspu faire d excellentes reproductions photographiques des pr incipaux codices nous a fait voir avec quelle méticuleuse circons-

Page 4: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 4/35

UNE ΑΝΑΤΌΜΙΕ ANTIQUEDU CŒURHUMAIN 9

pection le dernier éditeur du texte, F. C. Unger (1), a procédé.Gomme il l a démontré, un seul manuscrit compte, le Vati-

canus 276 (V) (pp. 191-192), membranaceus de la fin duxiie siècle. L Holkhamensis 282 (0), du xvie siècle, ne doit intervenir que dans les rares endroits où il peut servir à établirles leçons primitives de V, là où ces dernières ont disparusous des surcharges, des grattages ou des ratures. A l époquede Littré, ces mauuscrits étaient encore inconnus : c est pourquoi le texte publié au tome IX des œuvres complètes d IIippo-crate est défectueux en maints endroits. Quant à l éditiond Unger, bien rares sont les passages où nous avons dû nousen écarter (voir ci-dessous).

Περί κραδίης.Ι. Καρδίη σχήμα μεν όκοίη πυραμίς, χροιήν δε κατακορήςφοι-

νίκέα (sic), και περιβεβλέαταιγιτώνα λειον · καΐ εστίν εν αύτέωύγρον σμικρόνόκοΐον ουρον, ώστεδόξεις εν κύστει την καρδίην άνα-στρέφεσθαι.Γεγένηται δε τούτουένεκα οκως θάλλεται (lire : πάλλη-ται?) ρωσκημένως(lire : ρωσκομένως?)εν φυλακή. "Εχε;, δε τοίίγρασμα όκόσον μάλιστακαΐ πυρευμένη ά'κος. Τοϋτο δε το ύγοον

δ'.ουρέε'.ή καρδίη πίνουσα αναλαμβανομένηκαΐ άναλίσκουσα, λάπ-τουτατοϋ πνεύμονοςτο ποτόν.

II. Πίνει,γαρ ώνθρωποςτο μεν τζο\\ον ες νηδύν ' 6 γαρ στόμαγοςόκοίονχώνος, κα'1.έκδέγεται το πλήθος καΐ όίτσα προσα'.ρούμεθα(lireπροσαφόμεθα)(2), πίνε1,δε καΐ ες ©άρυγγα,τύτθον δε oloy και όκόσοναν λάθοι δ'.α ρύμης έσρυέν ' πόμα (lire πώμα?) γαρ άτρεκέςή έπι-γλωσίς καν δ',ήσει μείζον-κοχοΰουδέν. Σημήϊον ζοΰτο ' ην νάρ τιςκυανώ ή μίλτω φορύςαςύδωρ δοίη ο^διψηκο'τιπάνυ πιεΐν, μάλισταδε συΐ (το γαρ κτήνος ούκεστίν επιμελές ουδέφιλόκαλον),έπειτα δε ειετι πίνον~οςάνατε'μοιςτον λαιμόν, ευροις αν τοΰτο^ κεγρωσμένον τω

(1)F. C. Unger.Liberhippocraticusπερί καρδίης.Mnemosyne,Bibliothecaphilologicabatava, novaseries.Vol. 51,Brill,LugduniBatavorum,1923,pp. 1-101.

(2)V écrit /ώνσο;puis ττοοαιρούμεθα: le σ du verbeπροσαιρόμεθαayant étéomisdansl'archétypey avait été sansdoutesuppléédans la marge,puis il futfautivementinséré dansle mot χώντος,au lieu d'être rattachéà προσαιρόαεθα,cequidonnelieuà la leçonπροσαιρούμ,εθα,qui est inadmissible.

Page 5: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 5/35

10 .T. BIDEZ

ποτω. Αλλ' où παντός ανδρόςή '/ειρουρνίη. Ουκουνάπιστητέονήαίνπεοί τοΰ ποτοΰ ει εύτρεπίζει τήν σύριννα τω άνΟοώπω.— Άλλαπώς υοωρ αναιδές ένουρον ô''/λον και ,3η'/α περιέγει (lire παρέγει

avec Portas) πολλήν ; — Ουνεκα, φημί, άπαντικρύ της αναπνοήςφέρεται · το γαρ δια της όοαής εσρέον άτε παρά τοιγόν Ιόν ουκ ένί-σταται ττ) avacpoprjτοΰ ήέρος, αλλά τίνα (e τινι corr. cod.) καΐ λείηνόδόνοί παρέγεί ή επίτεγςις.

III. Τοΰτο δε το υγρον απάγει τοΰ πνεύυιονος ααα τω ήερί. Τονρ,εν ούν ήέρα '/ρή, γενόυ,ενον Οεραπείην, ανάγκη οπίσω τήν αυτήνόδον εκβάλλειν ένθεν ήγαγε το οε ύγρον το μεν εις τον κουλεόναυτέηςαποπτυε .,το ο' αυ ξΰν τω ήέριΟϋραζε-/(ορέεινέτ( ταύτη καΐδιαίρει (lire διαίνει) (1, τον ούρανον οκότανπαλινοροαεητο πνεϋυ,α

παλινορομέε1.δε κατά δίκην ου γάο εστίν άνθρωπου ©όσιος τροφήταΰτα. Κως γαρ άνθρωπου τροφή άνεαος και υοωρ, τα ώαά; άλλαριαλλον τ'.αωρίηςυγγενέος πάΟης.

IV. Περί δε ου 6 λόγος, ή καροίη υ.ΰς εστί κάρτα ίσνυρο'ς,ουτω (== ου τινι?) νεύρω,άλλα πιλήυ.ατι σαρκός,και oùo γαστέραςέ'γειδιακεκοιαένας εν ενι πε ο(.βόλοι, τήν ι>.έν ένθα, τήν οε ένθα ουδένδ' εοίκασιν άλλήλησιν ή ρ.έν γαρ εν το ϊσι δεςιοίσιν έπι στόαακέεται, όαιλίουσατή έτέρ/, φλεόΊ (ή οέ δεςιή, ^ηυ.ι, των εν λαιοιςή γάο πασάκαροίη τουτέοισι τήν έ'οοηνείΛπεποίηται)' ατάο ηΟε καιπάυιπαν ευρυκοίλιοςκαι λαναρωτέρηπολλω της έτέρηςουδέ της καρ-δίης νέαεται τήν έσ/ατιήν, αλλ' εγκαταλείπει τον ουραγον (lireoùpiayovavec linger?) και στερεόν(lire τ~ζ^ζο^ και avec Littré)εστίν ώσπερέξωθενπροσερραυ,ένη.

V. Ή δε έτέοηκέετχιαεν υπένεοΟεΓαένdclet.l ngerj μάλιστακαι κατ'ί^υωρίηναάλιστα αέν [.«.αζωάριστερω,δπη και διασηίλαίνει το αλιχατζζ^ίβο\ον δέ έγει παγυν και (3ό0ρονέ^βεβο^ρωται το είδος εικελονολμω άλλα γαρ ήδη και του πνεύαονοςενδύεται μετά προσηνίηςτεκαι κολάζει τήνάκρησίηντοΰ θερμού περιβαλλόμενη' 6 γαρ πνεύμωνφύσειψυγρο'ς,άταρ και duyoμένος ττ( εισπνοή.

(1) Ungerproposede changer ί'.αίρειen οιάοοε1.; mais le contextedemandeunverbesignifiant« humecter» plutôt que« arroser » (voir ci-dessous,p. 2o).Orle ν minusculeρ pouvantavoirà peu près la formed'un ρ, on a pu lire διαίρει(noter la placede l'accent)au lieu de διαίνει: la correctionδιαίνειquenous proposons nousa paru certaine.

Page 6: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 6/35

UNEANATOMIEANTIQUEDU CŒURHUMAIN 11

VI. Ajj.'-ρωve μην δασεία1·τα ένδον και ώσπερ ύποδιαβεβρωμέναι,καΐ ααλλον της δεςιής ή λαιή ' το ναο έ'υ/^υτονπΰρ ουκ εν τή ôες .yj,ώστε <^ού^> (suppléé avec Foes) θαύμα τρηγυτέρηνγενέσθαι τήνλαιήν έσπνέουσαν(lire έαπλέουσαν avec Unger) άκρήτου ταύτηκαΐπάγετον ένδεδόμηται φυλακήςεινεκα της ισχύος του θερμού.

VII. Στόματαδ αύτε-^σιν ούκάνεώγασιν, ει μη τις άποκειρειτωνούάτων τήνκαρδίην (lire άκρην avec Unger) καΐ της καρδίηςτήνκεφαλήν ην ο' άποκειοη,(ρανήσεταικαι δισσα στόματα επι ουσιγασ-τέοαιν · ή γαρ πανείη αλέψ εκ μιής άναθέουσαπλανά τήν δψΐ,ν ηνάνατμηθ-?,.Αύτα'.τιηγαΐ φύσ'.ος ανθρώπου· καΐ οι ποταμοίενταύθα(lireεντεύθενavec Ermerins?) άνα το σώμα, το',σ'.ν άρδεται, το σκήνος 'ούτο'.δε καΐ τήν ζωήν 'ίέοουσ'-τω ?ανθρώπω' κήν αυανθέωσιν,άπέ-θανεν ώνθοωπος.

VIII. Άννου δε της έκφύσ'.οςτων (ΰλεβώνσώματαττ,σ;. κοΆ^σινάμφιβεβήκασ'.μαλθακά σηραγνώδεα,α κληΐσκεται. μεν ουατα, τρ ήματα δε ούκ εστ',ν ούάτων · ταύτα γαρ ούκ ένακούουσιν ιαχής,εστί,δε όργανατοντ',ν ή φύσι,ς αρπάζει τον ήέρα. Και τε δοκέωτο ποίημαγε',ρώνακτοςάναθού ' κατασκεψάμενοςγαρ σγήμα στερεονέσόμενοντο σπλάγγνονδια το πλατ'.κοντοΰ έγγύματος (lire δια το πιλητικόν

του ενδύματοςavec Littré), έπειτα πάνεον (iire πάνυ ούκ avecUnger) έλκτικόν, παρέθηκεν αύτέωφύσας καθάπερ τοΤςγοάνοΐσΐν οίχαλκέες, ώστε δια τουτεων γειροϋται τήν πνοήν. Τεκμήριονδέ τοΰ~),ογου τήν μεν γαρ καρδίην ίδοις αν ριπταζομενηνούλομελή,τα δεουατα κατ' ίδίην άναφυσώμενάτε και ξυμπίπτοντα.

IX. Δια ":οΰτοδέ, φημί, και φλεβία μεν εργάζεταιτήν άναπνοήν εςτήν αριστερήν κοιλίην, ίρτερί-/] δ' ες τήν άλλην ' το γαρ μαλακονελκτικώτερονκαι έπιδόσιας εγον ' ενρη δέ ή μιν μάλλον (lire μείονavec Unger) τα επικείμενατης καρδίης διαψύγεσθαι [Ιέβλήμα (lire

έπιβλήματαavec Vollgraff?) · εστί γαρ το θερμον<<ούκ suppléé parUnger^> εν τοΤσιδεξιο"ϊσι,ώστε δια τήν πάθην[ούκdelet Plassart] (1)ελαβενεύπετες όργανον,ινα μή πάμπαν κρατηθήυπό τοΰ εσιόντος.

Χ. Λοιπός εστίν ό λόγος ο (lire οί avec Chartier) της καρδίης

(1) [Ungera maintenuici la négation;mais elle n'est autreque ïoùv.suppléépar lui avecraisonà la ligne précédente: omise làpar un copiste,rétabliedansla marge ou l'interligne, ellea été reportéesept mots trop loin lors d'unenouvelle copie.— A. PI.J.

Page 7: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 7/35

12 J. BIDEZ

υμένες ά^ανεές, έργον άξιαπηγητότατον· υμένες γαρ και άλλοι τίνες(lire άλλα;. Ινες avec Unger) εν τοϊσι κοίλο'.σι.ν (lire : εν τήσι κοι-λιησιν avec Foës), όκο ΐον άράχναι διαπετεες, ζώσαντες πάντητα στου,ατακτηοόνας εμβάλλουσινες τήν στερεήνκαοοίην ' ούτοι uoiδοκέουσιν ο'.' τόνοι του σπλάγχνου καΐ των αγγείων άρχαΐ τήσινάορτ^ρσιν· εστί δε αύτέων ζεύγοςαΐ (lire και avec Lindanus ?)θύρεσιν (lire θύρησιν) μεμηχάνηνταιτρεις υμένες εκάστη περι^ερέες(sic cod. Llolkh.) εξ άκρου περόκόσονήμίτομακύκλου · οι τε ξυνιέν-τες (lire ξυνιόντες avec Littré) Οαυμάσιον ώςκλείουσι τα στόματατων ίορτίων πέρας (lire πύλας avec Unger). Και τήν καρδίηναποθανόντοςην τις έξεπιστάμενοςτον àpyαϊον κόσμον άθελων, τώνδετον μεν αποστερήσει(?), τον δε έπανακλίνει (?), ούτε i)O(ùpαν διέλΟοιεις τήν καρδίην, ούτε φϋσα έμβαλλομένη,και μάλλον των της άοι-στερής· τοίγαρ εμη-χανήθησανατρίΥ.ίστζρο κ̂ατά δίκην · γνώμη γαρή τοϋ άνθρωπουπε^υκενεν τη Χχ',η κοιλί^τ,και άρχει (lire αρ'/ή avecVollgraff) της άλλης ψυχής.

XI. Τρέπεταιδε ούτε σιτίοισιν ούτε ποτοισι τοΐσιν από της νηούος,άλλα καθαρήκαι φωτοειδεΐπεριούση(?), γεγονυίη εκ της διακρίσιοςτοΰ αίματος · εύπορέειδε τήν τρογ}^ εκ της εγγιστα δεξαμενής τοΰαίματος, οιαβάλλουσατας ακτίνας και νεμομένηώσπερεκ νηδύοςτωνεντέρων τήντρο'-ρήν,ουκ ον κατά φύσιν. "Οκως δε μή άνακω/ri τοσιτίον τα ένέονταέν τη χρττ^ρ'.η εν ζάλη εο'ν,αποκλείει τήν επ' αυτήνκέλευθον· ή ναο μεγάλη αοτηοίηβόσκεταιτήν γαστεοακαι τα έ'ντεοα,και γέμει τρογ^ς ojy ηγεμονικής."Ο~ι δε ου τρέπεται βλεπομένωαιματί [ή μεγάλη α.ρττ^ίτι delet Littré], or^ov ώδε άποπαγέντος(lire άποσ;ραγεντοςavec Ε) τεο (τοϋ cod.) ζώου, σ-χασθείσης τηςαριστερήςκοιλίης, ερημίηφαίνεται πάσα, πληνί'/ώρός τίνος και '/ολήςξανθής και των υμενέωνπερί ων ήδη μοι πέφανται· ή δε οΐ-ρτ^ρί-ί]ουλεΐ.Μαι.Γ»ουτ7o'joh ύ< qç-cm y.oik'.T ' τουτέω υ,έν ουν τ(5 α^/Λ/είο>κατ'

έμον νόον ή δή (ήδηcod.) προ'χασις των υμένων.XII. Το δ'αύ ζιζρό^ενονεκ της δεξιής, ζυνοΰται μεν και τοΰτο τηξυμβολή(sic cod. Ε ) των υμένων, πλην ού κάρτα εθρωσκεν(lire^υρουσχ,ον avec Unger) υπό άσθενείης · άλλ' ανοίγεται μεν εςπνεύμονος(lire ες πνεύμονα ώς avec Littré) αίμα παράσχειν αύτοΐς(lire αύτω ες avec Littré) τήν τροντ\ν κλείεται δε ες τήν καρδίην,ουχ άρμψ, οκως εσίη μεν ό ήήρ, ού πάνυ δε πολύς ασθενές γαρ

Page 8: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 8/35

Page 9: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 9/35

14 G. LEBOUCo

cœur n a pas été jusqu ici suilisamment recommandée à l

ttention des historiens.

« Les écoles de médecine de la Grèce, nous dit Galien,rivalisaient entre elles pour savoir laquelle l emporterait parle nombre de ses découvertes ; dans cette lutte, les centresd études de Cos et Je Cnide tenaient la première place ; puisvenait celui de Sicile, avec Philistion, Lmpédoele, Pausaniaset leurs compagnons (vol. X, p. S, édit. Kiilin). » \\n tenantcompte de l importance, Malien place donc l école sicilienne

immédiatement après les célèbres écoles de Cos et de Cnide ;de plus, sans tenir compte de l ordre chronologique, il cite enpremier lieu Philistiou. Au temps d Taiipédoc e, l école étaitétablie à Agrigente, mais après la prise de cette ville par lesCarthaginois en 401), elle s était Fixée à Syracuse ; c est danscette ville que Philistion a créé un centre d activité scientifiquedes plus féconds.

Si nous cherchons à préciser la personnalité de Philistion,nous nous trouvons devant une grande indigence de données :

la vaste œuvre de ί ia lion, véritable encyclopédie médicalede l Antiquité, ne cite son nom qu à de rares occasions, etencore, n est-ce qu à propos de questions d intérêt secondaire,comme celles qui concernent le régime alimentaire ; mieux d o c umenté, Galien n eût pas manqué, dans ses œuvres synthétiques,de signaler les découvertes de Philistion. L explication la plusvraisemblable de cette lacune est qu au temps de Galien, c est-à-dire au nme siècle de notre ère, les œuvres de Philistion.étaient perdues et n étaient plus connues que par quelques cita

tions d auteurs. Aucun IraiLé ne lui a été attribué avec certitude ; Wellmann (I) est pourtant parvenu à réunir autour de sonnom une vingtaine de fragments doxographiques, dont huitconcernent des questions de biologie, les autres ayant trait au

(1)M.Wellmann,DieFragmente(1er SikelischenAerzle.Berlin,Weidmann,1901,p. 109à 113.

Page 10: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 10/35

UNEANATOMIEANTIQUEDU CŒURHUMAIN 15

régime ; malgré leur rareté, ces témoignages permettent dese faire une idée de l importance de Philistion dans l histoiredes sciences.

Philistion est né à Locres en Grèce italique, mais il a vécuen Sicile. Plutarque dit qu il s est acquis beaucoup de gloirecomme médecin [Quaest. conv. VII 1, p. 699 B). A ce titre, ilest attaché au tyran Denys de Syracuse, puis, après la mort de

celui-ci en 367, à son fils Denys II. Sa renommée s étend auloin, et ce n est pas seulement comme praticien de la médecine,mais comme chirurgien : Oribase (Coll. med. XLIX, 4, 38)dit notamment que Philistion est l inventeur d un instrument dechirurgie ; or la pratique de la chirurgie implique des connaissances n anatomie, cLcelles-ci ne s acquièrent que parla dissection. Philistion a ainsi fait faire, comme nous le verrons, desprogrès remarquables à la science anatomique, qu Empédocledélaissait par scrupules sentimentaux (voir Empédocle, Frag.

136 à 139). Si Philistion s oppose au vieux maître Empédoclequand il dissèque des cadavres, d autre part, il adopte complètement ses idées au sujet de la composition de la matière : « Lecorps, dit-il, est composé de quatre formes, c est-à-dire de quatre éléments : le feu, l air, l eau et la terre ; chacun de ceséléments constitue une énergie : le chaud, le froid, l humide etle sec. Les maladies sont le résultat d une rupture d équilibreentre ces éléments. L air, le pncuma, se répandant partout lecorps, donne la santé ; la respiration doit se faire, non seul

ement par la bouche et les narines, mais par toute la surface ducorps. » C est la doctrine d Empédoclc, reprise intégralementpar Philistion (Anon. Land. éd. Diels 25, p. 36). Érasistrate,qui vivait un siècle après Philistion, n avait que du dédainpour tous ces médecins philosophes qui attachaient une importance quelconque aux quatre éléments dans les phénomènesbiologiques, et il ne daignait môme pas discuter la question(Gai. π, φυτικών ουνάΐλεων, II C. 8).

Page 11: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 11/35

16 G. LEBOUCQ

Le foyer de culture scientifique qu est l école de médecine deSyracuse rayonne dans le monde grec; la renommée de Phi-listion y attire de nombreux élèves et, parmi eux, des personnalités de marque : Ghrysippe l Ancien et son disciple Eudoxc,tous deux Cnidiens, après avoir fait un voyage d études enEgypte, se rendent à Syracuse pour s instruire à l école dePhilistion. Eudoxe, fils d Eschine, est un polymathe : il estastronome, géomètre, médecin, législateur; Archytas lui e n

seigne la géométrie ; Gbrysippe, la théologie, la cosmologie et lamétéorologie ; c est pour apprendre la médecine que son maîtreChrysippe le mène à l école de Philistion (Diog. Laert.VIII 8, 86).

La présence des deux Gnidiens à l école de Sicile produit unchangement considérable dans l enseignement de la médecine :en effet, à partir de cette date, c est-à-dire vers le début duivme siècle, on enseigne à Syracuse des doctrines propres àl école enidienne (1). Parmi les notions qui se sont transmisesde Guide en Sicile, on cite la distinction reconnue entre veineset artères, découverte attribuée généralement au Gnidien Eury-phon ; on oublie qu un siècle avant cet.anatomiste, Alcniéon deGrotone faisait déjà la distinction entre les ολέβε;, c est-à-direles artères vides de sang sur le cadavre, et les φλέβεςζΐμόρροι,c est-à-dire les veines remplies de sang. D autres doctrinessont caractéristiques de ia nouvelle école sieulo-cnidionne dePhilistion : le passage de la boisson dans le poumon et le péricarde, la chaleur innée dans le cœur, la respiration destinéeà tempérer cette chaleur, le cœur considéré comme source dusang, l intelligence absolue résidant dans

le cœur; ortoutes

ces doctrines, nous les retrouvons affirmées, sans objections,dans le Timée de Platon, ainsi que dans le traité Du cœur incorporé dans la Collection hippocratique ; une réserve, toutefois,doit être faite en ce qui concerne le siège de l intelligence :

(1)M.Wellmann,Spuren Demokritsin Corpushippocraliciun. Archeion,Vol.XI,1929,p. 296.

Page 12: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 12/35

UNEANATOMIEANTIQUEDU CŒURHUMAIN 17

Platon répartit l âme en trois : celle des besoins et des bassespassions, qu il colloque sous le diaphragme ; celle des passionsd un ordre plus élevé, qui siégerait dans le cœur ; enfin, cellede l intelligence ; Platon, adoptant sagement la thèse scientifique Alcméon, place cette dernière dans le cerveau.

Le fait de mêler le nom de Platon à ces débats biologiquesse justifie pleinement : le grand philosophe est un familier

de la cour des tyrans Denys I et Denys II ; il y a fait troisséjours. La lettre qu il écrit d Athènes à Denys II, et dontnous avons cité un extrait ci-dessus, nous donne une idéede la cordialité des rapports existant entre le philosophe etle souverain (1). Jaeger (2) estime que cette lettre de Platonaurait été écrite entre son deuxième et son troisième voyageen Sicile, c est-à-dire entre les années 367 et 363, ce qui co rrespond à l époque à laquelle le philosophe a vraisemblablem e n t crit le T'unèe.

Nous pouvons ainsi nous représenter les circonstances quiont amené Platon à concevoir cette œuvre extraordinaire, ennous bornant, bien entendu, à la partie concernant la biologie au cours de ses voyages en Sicile, le philosophe s est liéd amitié avec le célèbre anatomiste Philislion, chef de l écolede médecine; l occasion est toute trouvée de s instruire dansla composition du corps humain et le fonctionnement desorganes, science de laquelle il ne possède que de vaguesnotions. Rentré à Athènes, il rédigece qu il vient d apprendre

et l incorpore dans une œuvre vaste : l histoire de la formationdu monde et de l humanité, qu il intitule Timée. Cette fois,Platon n use pas de la forme littéraire qu il affectionne,celledu dialogue; le Timée, en effet, n est qu un long monologue,et il n est pas animé par des objections provoquant des dis-

(1)Voirpage 7.(2) W. Jaeger, DioklesvonKarystos, DeGruyter, Berlin,1938,p. 9.

REG,LVII,1»44,a· 209-273.

Page 13: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 13/35

18 G. LEBOUCQ

eussions entre les auditeurs. Platon ne s aventure pas sur unterrain dont il n'est pas maître ; il accepte en bloc les idéesde Philistion ; il ne s en écarte que lorsqu il s agit de questionsde psychologie ; là, dans ce domaine côtoyant la philosophie,le penseur a ses idées personnelles, influencées pourtant parle meilleur des hommes de science, Alcméon de Crotone ;c'est ce qui apparaît clairement lorsqu il est question du siègede l intelligence et des sensations ; ces passages du Timéesonten contraste évident avec les théoriessiciliennes.

Platon a intitulé son œuvre Timée\ il avait ses raisons pourne pas mettre en vedette le nom de Philistion de Locres ;c était peut-être pour ne pas imputer à son ami ses propresidées", le nom de Timée, également natif de Locres, personn a g e ssez obscur,tirait assurément moins à conséquence (1),

Le traité Πεpi κραοίης.Parmi les quelque soixante-dix ouvrages composant la

Collection hippocratique, dont la plupart concernent la pratique

médicale, il en est quelques-uns qui traitent de science pure etdonnent une idée du développement de la biologie avant l èrede l école d Alexandrie, c est-à-dire avant le m0 siècle. LeΠερί. κραοίης est de ce nombre : en quelques pages, ce petitouvrage décrit l anatomie du cœur avec une précision quinon seulement n'est égalée dans aucun autre traité hippocratique, ais ne se retrouvera qu un siècle plus tard avec Iléro-phile et Erasistrate. La méthode de travail, l ingéniosité miseà l appliquer, l esprit d;observalion révèlent chez railleur

(1)(iompcrzparlede Timée euces termes: « Hommed'Etat de la villei talienne deLocres,auquelsaculture philosophiquea valu la renomméeet laconsidération. Onpeut presqueallirmerqu'ilétait personnellementlié avecPlaton; aussi ce dernierlui a-l-il prêtéses théories surla nature,dansl'intentionpeut-êtrede lui payerune dettede reconnaissance,à lui-mêmeet à d'autresreprésentants del'écolepythagoricienne.» (Lespenseursde,la Grèce,trad, fr,2eedit. 19U9,t. 1, p. 530).L'éruditphilologuea sans doute raisonen ce quiconcernela partiephilosophiquedu Timée;quantà cellequi a trait à la biologie, l ne nousparaît pasdouteuxqu'elleest inspiréepar Philistion.

Page 14: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 14/35

UNEANATOMIEANTIQUEDU CŒURHUMAIN 19

les dons d un excellent chercheur de laboratoire. D autre

part, quand il s agit pour lui d interpréter les découvertesmorphologiques et de les placer sur le terrain de la physiolog i e et auteur ne parvient pas à s'affranchir des croyancesde son époque, ce qui fait que ses interprétations contrastentsingulièrement avec les faits positifs qu il a su si bien observ e r t décrire.

L époque à laquelle le π. κ. a été joint à la Collection hip-pocratique est inconnue. Galien semble avoir eu connaissancede l ouvrage, quand il cite l expérience sur le porc auquel onfait boire un liquide coloré (vol. V, p. 719, édit. Kiihn).D autre part, quand on constate que Galien attribue à Erasis-trate la découverte des valvules cardiaques (vol. V, p. 548) etl idée que le sang de tous les vaisseaux prend sa source dansle cœur (vol. V, p. 552), on est en droit de supposer que cetérudit n a pas eu sous les yeux le π. κ. tel que nous le lisonsaujourd hui; l ouvrage semble avoir été perdu au temps deGalien et n avoir été dès lors connu que par quelques citations.Au cours des siècles qui ont suivi, une trouvaille fortuitel aura fait découvrir et, en tant qu ouvrage de médecine, leπ. κ. aura été joint aux œuvres attribuées arbitrairement àHippocrate.

En 1901, le philologue et médecin \\rellmann (1) a fait duπ. κ. une étude critique, dont la conclusion très originale estla suivante : « 11 est difficile d admettre que l auteur du petittraité aurait été capable de découvrir lui-même tout ce dont

il parle ; il a sûrement labouré avec un veau qui n est pas àlui (.sic);les doctrines sur lesquelles il se base étant étroitementliées à celles de Platon et de Dioclès, qui, tous deux, s inspirent de l école de Sicile, personne ne me trouvera téméraire si je déclare que le π. κ. a été écrit sous l influence sicilienne, notamment celle de Philistion. »

(1) Wellmann,loc.cil., p. 94-107.

Page 15: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 15/35

20 (i. LEBOUCQ

Remarquons qu il est dit : « sous l influence de l école deSicile » et non « par un auteur sicilien ». L idée de Wellmannest en effet celle-ci : le π. κ. est mal écrit; le style en est lourd,incorrect, diffus, certains passages sont incompréhensibles, etcela non du fait des copistes. Ces constatations lui ont suggérél idée qu il ne faut voir dans le ~. κ. qu un cahier de notes prisesau cours du professeur, par un élève qui résume parfois maladroitement les explications du maître, (les cahiers de notessont ce que les Grecs appelaient des Οπο^νήαατα,des aide-mémoire; le π. κ. serait, dans ce cas, le plus ancien ύ-ό^νηααanatomique connu (1). Wellmann ne l'ait d ailleurs, en ceci,que reprendre une idée explicitement développée par Liltré (2).

Si le ~. κ. n est [tas une œuvre originale, mais un cahierd étudiant, de quel maître retlète-t-il l enseignement? Wellmann ne s avance pas jusqu à prononcer un nom, mais sonidée perce ostensiblement à travers toute son étude critique :

il s agirait du grand anatomiste Dioclès de Katystos, que Wel lmann croit avoir été un disciple de Philistion et qui, son in struction terminée, s est établi comme médecin à Athènes, oùson prestige lui a valu le surnom de « nouvel llippocrate ».

La thèse de Wellmann n a pas eu de contradicteur jusqu aujour où parut l ouvrage étendu de Jaeger cité plus haut, quiversait au dossier de Diodes un fait nouveau, bouleversantles idées au sujet du célèbre médecin. Le fait nouveau, c est ladémonstration, basée sur une solide argumentation, que Dioclès vivait, non pas au début, mais à la (in du ive siècle. La

( ) Wellmann,loc.cit.,p. 98.(2)«Cinqlivres des « épidémies», sur sept, ne sont pas autre choseππρdes

observations décousues,lies noies jetées sans ordre, dessouvenirsdéposéspour être consultésou pour servirde matériauxà d'autresouvrages. Lesidéess'y succèdentsansavoir aucune liaisonles unes avec,les autres ; les phrasessouvent ne sont pas faites; quelquesmotsseulementsont écrits,qui aidentl'auteur à se rappeler sapensée,mais qui sont, dans beaucoupde cas,desénigmespresqueindéchiffrables.On conçoitcelatrès biensi l'on considèrecescompositionscommedes recueils de notes que les auteursgardaient pour leurusageet qui n'étaientpasdestinésà voir le jour;maiscelane seconçoitplus sil'on veut y voir de véritableslivres.» (Littré : Œuvresd'Hippocrale, Vol1,p. 61,1889).

Page 16: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 16/35

UNEANATOMIEANTIQUEDU CŒURHUMAIN 21

preuve péremptoire du fait, apportée par Jaeger, est une lettrede Dioclès adressée au roi Antigone ; or cet ancien générald Alexandre a été tué à la bataille d Ipsos en 301.

La fréquence des allusions aux doctrines siciliennes quel on constate, d une part dans le limée, d autre part dans lesfragments de l œuvre de Dioclès, avait convaincu Wellmannque Platon et Dioclès étaient tous deux disciples de Philistion, lechef de l école de Sicile durant la première moitié du ive siècle.De son côté, C. Fredrich (1) faisait remarquer que les considérations physiologiques du Timée s accordent parfaitement

avecla doctrine de

Philistion. Ces philologues allemandscon

naissaient l existence de la lettre à Antigone; mais, imbus del idée préconçue que Dioclès, vivant au début du siècle, n avaitpu correspondre avec le roi Antigone, ils avaient considéréle document comme apocryphe.

Examinons le π. /.. à la lumière des faits établis par Jaeger :

quel est le maître dont les leçons sur le cœur ont été d é f ectueusement reproduites par un de ses élèves? L originesiculo-cnidienne de l ouvrage est incontestable ; il ne s'ytrouve pas un fait qui ne soit en rapport avec les doctrines decette école. Or, la fusion doctrinale Gnide-Sicile date, nousl avons vu, du début du ive siècle ; d autre part, l activitéscientifique de Dioclès se place au dernier tiers de ce siècle;Jaeger l a suffisamment démontré Le π. κ. ne saurait avoirété écrit qu au cours des soixante premières années duive siècle· A cette époque, le seul anatomiste capable de décrire

le cœur avec l abondance de détails exacts que l on trouvedans le π. κ., c est Philistion. Les fautes et les passagesincompréhensibles trouvent leur explication dans l hypothèsede Γύ-όανηρ-. émise par Wellmann.

On pourrait objecter que les doctrines de Philistion ont su rvécu au grand anatomiste, et, partant, qu il est arbitraire

(1) C. Fredrich,HippokratischeUiitersuchungen,lift. 15,p. 47,Berlin, 1899.

Page 17: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 17/35

22 G. LEBOUCQ

d'affirmer que le cahier de notes a été écrit aux leçons de Phi-listion plutôt qu à celles de l anatomiste Dioclès, qui connaissa i t ans aucun doute, l œuvre du maître syracusain. Quelquesdénominations montrent que les terminologies des deux chefsd école ne se confondaient pas tout à fait : l intelligence supérieure, la γνώριηdu π. κ., par exemple, est appelée φρόνησ-ιςchezDioclès; Γάλλη ψυ/η correspond au πνεΰρια ψυγικον. Il est vrai,ce ne sont là, en somme, que des appellations différentes demêmes concepts; mais l exemple suivant dissipe toute équivoque : le π. κ. affirme catégoriquement que les oreillettes ducœur portent abusivement ce nom, car, écrit-il,, elles n enten

dent as; Dioclès, par contre, parlant de ces oreillettes,déclare qu elles perçoivent les sons (1). Cette fois, il ne s agitpas de différencesde termes, mais bien de doctrines opposées.Nous sommes donc en droit d écarter l hypothèse que le π. κ.pourrait être un reflet de l enseignement de Dioclès.

Le petit traité Du cœur nous fait assister à une remarquableleçon d anatomie humaine, donnée à l école de Syracuse parPhilistion, un des plus grands anatomistes de l Antiquité.Son cours ne se bornait assurément pas à la seule description

du cœur humain; mais le peu que l on en connaît, grâce aucahier de l élève, suffit à nous donner une idée du haut degréde développement de la science anatomique, un siècle avantles savants anatomistes de l école d Alexandrie, Erasistrate etHérophilc.

Traduction et commentairedu thaité.

Le cœur, pour la forme, est tel qu une pyramide ; sa couleurest rouge foncé. H est enveloppé d une membrane lisse contenantun peu de liquide pareil à de Γurine, si bien que tu croirais quele cœur tourne dans une vessie ; cela est réalisé afin qu il batte

(1)Wellinann,loc, cit., p. 104,

Page 18: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 18/35

UNEANATOMIEANTIQUEDU CŒURHUMAIN 23

en bonne garde. Il y a autant de liquide quil en faut pourremédier à la chaleur: le cœur secrètecette humeur en buvant,aspirant, consumant et léchant la boisson du poumon.

Dès le début, nous trouvons la marque caractéristique del école sicilienne : cette « bonne garde », εν φυλακή,trouve sonexplication dans le Timée de Platon : « Le cœur, y est-il dit(70 B), est placé comme au poste de garde; quand l âmes irrite, le cœur transmet par les vaisseaux l irritation à toutesles parties sensibles du corps ». Or la partie du Timée ayant

trait à la biologie s inspire presque uniquement des doctrinesde l école de Sicile.

II

En effet, quand Γhomme boit, la plus grande partie de laboisson passe dans le ventre, car le pharynx a la forme d unentonnoir et reçoit la masse de tout ce que nous absorbons; laboisson passe également dans le larynx, mais seulement unepetitequantité, juste ce qui s'infiltre par la pression du courant ; l épi-glotte est en effet un opercule hermétique, qui ne laisserait pointpasser autre chose que du liquide.

Unger traduit à tort ες νηδύν par in slomachum ; la traductionde Littré est plus exacte : « dans le ventre », c est-à-dire dansles intestins. Le terme στόρ,α/ος désigne le pharynx, commel indique clairement oy.o~.qvχωνος, quale infundibulum. D autrepart, le terme oesophagus, chez Unger, est un anachronisme :

ce molest employé la première fois par Aristote(Z)e part, anim.,II, ch. 3). Plus loin, le terme ες φάρυγγαdésigne le larynx,comme l indique le contexte, et non le pharynx; les deux motsont souvent été employés l un pour l autre dans l Antiquité :larynga quam utique etiam pharynga nominant (Galien, De usupart., yoL III, p. 611, édit. Kiïhn, 1821-1833).

Page 19: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 19/35

24 G. LEBOUCQ

Voici la preuve de ce fait; si quelqu un fait boire de l eausouillée pur du bleu ou par du minium à un animal très altéré,de préférence à un porc [c est un animal sans répugnance ni

soin de propreté) ; ensuite, pendant qu il boit, si tu lui tranchesla gorge, tu la 'trouverascolorée par la boisson. Mais cetteopération η est pas à la portée du premier venu. Il ne faut doncpas douter que la boissonest bienfaisante au larynx de l homme— Mais, diras-tu, commentse fait-il que l eau pénétrant avec v iolence provoque de la gêne et une forte toux ? — C est parce que,dis-je, elle pénètre à Fencontre de la respiration. En effet, cequi s introduit par la pression, e/ι tant que filtrant le long dela paroi, n entrave pas la respiration de l air ; au contrairerhumectation lui rend le cheminement aisé.

L auteur se fait l avocat d une mauvaise cause; il faut pourtant ui accorder que son plaidoyer est adroit; si sa démonstrat on ar le porc égorgé est naïve, elle a néanmoins le méritede prouver qu il n accepte pas aveuglément les dogmes, maischerche à les contrôler par l expérimentation.

La doctrine du passage de la boisson dans le poumon est de

celles qui ont le plus fait l objet de controverses parmi lesphysiologistes des ve et ive siècles: c est une croyance quiremonte à une haute antiquité; elle a suscité une vive polémique cnlre l école de Cnide, qui l admet, et celle de Cos, qui larejette: de Cnide, elle s est transmise à l école sicilienne etPlaton l admet sans réserve : « Le poumon est le distributeurde l air dans le corps (Timée, 84 d); il est creusé de cavitéscomme une éponge afin de pouvoir recevoir l air et les boissons (70 c, d) » Plutarque, dans ses Propos de table, tait exposer

par un desconvives les arguments en faveur de cette opinion :

« Parmi les témoins de Platon, j invoque Philistion de Locres,homme très ancien et illustre dans l art de la médecine, etHippocrate et son élève Dexippe; ils déclarent qu il n y a pasd autre voie pour la boisson que celle indiquée par Platon.Dexippe n ignorait pas le rôle si utile de la fameuse épiglotte,

Page 20: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 20/35

Page 21: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 21/35

26 G. LEROUCQ

ils des aliments pour l homme ? Ils seraient plutôt une compensa t ion our une affectionapparentée.

L air inhalé chargé d humidité est exhalé comme étant inutilisable; cela se comprend; mais l allusion à une compensationpour une affection apparentée est obscure; elle pourrait êtreinspirée par le traité hippocratique Des airs, des eaux et deslieux, qui insiste sur l intlucnce du climat et du milieu sur laconstitution des habitants. L auteur semble viser des maladiesproduites par une insuffisance d air ou d eau. Galien ne faitaucune allusion à cette étrange suggestion.

Jusqu ici, le texte se borne à des considérations théoriquesbasées sur des doctrines de l école de Sicile; c est avec la d escription anato inique du cœur que Phiiistion va se révélerhomme de science positive.

IV

Mais ce dont il est question, le cœur est un muscle très puissant, non par ses tendons,mais par I'cpt/isseur de su chair. Il adeux ventricules distincts, contenus dans une seule enveloppe,l un par-ci, l autre par-là. Ils ne sont nullement semblables .·celui de droite gît, incliné en avant, en contact avec l une desveines (je dis celle de droite qui sort des ventricules qui sont àgauche, car le cœur tout entier a son siège de ce coté). Le v entricule droit est tout à fait ample et bien plus lâche que Γautre ;

il η arrive pas à la pointe épaisse du cœur; il >/est comme cousuextérieurement.

Cette description du cœur dans son ensemble est parfaite;elle expose avec précision l aspect de l organe en place, aprèsablation du plastron sternal Dès à présent, on peut affirmer qu ils agit du cœur humain : la remarque que l organe tout entierest reporté du côté gauche en fait foi. C est la station verticalequi, faisant s appuyer le cœur sur le diaphragme plutôt que

Page 22: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 22/35

UNEANAT0M1EANTIQUEDU CŒURHUMAIN 27

sur le plastron sternal, a produit un déplacement vers la

gauche. Le fait est contesté par Galien qui, étudiant l anatomiehumaine sur le singe, place le cœur au milieu de la cage tho-racique; il donne comme argument à sa manière de voir que,situé dans la région axiale du thorax, le cœur se trouve placédans des conditions plus favorables pour être refroidi par lepoumon (vol. II, p. 605; III, p. 415; XVII A, p. 1004). LesÉgyptiens avaient déjà remarqué que le cœur humain estdéplacé vers la gauche (1). Relevons aussi la remarque judicieuse que la pointe du cœur est formée uniquement par le

ventricule gauche. VL autre [le ventricule gauche) se trouve au dessous, exactement

derrière le mamelon gauche où on le sent battre. Il a une paroiépaisse et est placé dans une cavité semblable à celle d un mortier.De plus il est mollement enveloppé par le poumon qui par cerevêtement, modère l excès de chaleur, car le poumon est froidpar nature et, de plus, il est rafraîchi par la respiration.

* *Cette dernière proposition est formulée dans le Timée{1§ C-D)

en termes presque identiques : « Les dieux ont voulu protégerle cœur en greffant sur lui le tissu du poumon agissant commeun organe réfrigérant ». Ici, nous avons l autorité de Galienpour affirmer que le texte du π. κ. exprime l opinion de Phi-listion : « Quelle est donc cette chose si utile qui vient de larespiration ? Est-ce la naissance de notre àme, comme le ditAsclépiade? Ou, non pas sa naissance, mais sa force, comme

dit Praxagoras, fils de Nicarque ? Ou est-ce encore un certainrefroidissement de la chaleur innée, comme l ont dit Phi-listion et Dioclès ? » (Gai. IV, 471).

VILes deux ventricules sont rugueux à l intérieur et comme un

(1)A. Piankofï,Le cœurdanslestexteségyptiens.Thèse Univ.Paris,1930,p. 18.

Page 23: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 23/35

28 G. LEBOUCQ

peu corrodés, le gauche l étant plus que le droit, car le feuinné η est pas dans le ventricule droit ; il n est donc pas étonnant que le gauche soit rendu plus rugueux, puisqu il est pleinde feu intempéré. C'estpour cette raison qu il est dune textureserrée qui le protège contre l intensité de la chaleur.

** *

Le dogme de la chaleur innée domine toute la physiologiecardiaque chez Philistion; le ventricule gauche étant à peuprès vide de sang sur le cadavre, c est là qu il loge celte ch aleur ou ce feu inné. D après Galien (vol. V, p. 702), Ilippo-crate emploie régulièrement l expression σύ^αύτονOsoulov,tan

dis que Platon parle de πυρ ; dans le π. κ., Philistion emploieindifféremment les deux termes : au ch. I : πυρευαέντ·,άκος, auch. V Ι άκρησίτ,ν ιοΰ ήερμοϊ, au ch. VI : ίχ/ύος xoj Οεραου,

VIILes ventricules n'ont pas d ouverture, si ce η est lorsqu on

résèque la partie supérieure des oreillettes et la pointe ducœur. Si l on pratique ces résections, deux ouvertures apparaissent dans chaque ventricule [car ή Von sectionne la grosseveine qui naît d une veine unique, cette opération égare la vue).Celles-ci sont la source de la nature humaine, dont les fleuvesarrosent le corps et par lesquels est irriguée Γhabitation dePâme ; ce sont eux qui apportent aussi la vie à Γhomme et, s ilsviennent à tarir, l homme meurt.

*

Tel est ici le texte, selon Unger; il s écarte notablement decelui de Littré, qui a fait usage d un manuscrit défectueux et

dont la traduction est, par endroits, inexplicable au point devue anatomiquc. Unger est parvenu, en collationnant desmanuscrits inconnus à l époque de Littré, à donner une t raduction intelligible de certains passages obscurs. Une phrasepourtant ne trouve pas d explication satisfaisante : ή γαρπαγείη φλέψ εκ [Λΐής άναβέουσα.Cette veine unique, donnant

Page 24: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 24/35

UNEANATOMIEANTIQUEDU CŒUR HUMAIN 29

naissance à la grosse veine (sans doute la veine cave supé

rieure), serait, d après Unger, la portion de l oreillette droitelimitée par le siilcus terminalis de His désignée sous le nomde « sinus des veines caves ». Pour que l on ne s étonne pasque cette veine cave sectionnée ne laisse pas voir deux orifices,Fauteur du traité déclare qu elle sort comme d une seuleveine ; alors, si on l excise dans sa partie supérieure, aucunorifice n est visible, ce qui fait dire que la vue sera trompée. Laphrase qui suit immédiatement rend l interprétation d Ungerencore moins vraisemblable : αύτοα πηγαΐ νότιος ανθρώπου;

« celles-ci sont les sources de la nature humaine dont lesfleuves arrosent le corps ». Que désigne « celles-ci », αύται?Dans la phrase qui précède, il n est question que de la grosseveine naissant d une seule; ces fleuves, quels sont-ils? l aorteet la pulmonaire sont probablement visées, mais rien ne l indique 1). Une saine explication anatomique n'est pas possible ; or,comme l auteur donne de nombreuses preuves de sa science, iln est pas douteux que nous nous trouvons en présence d untexte profondément altéré, vraisemblablement par l élève qui,

prenant des notes à la leçon du maître, a mal compris le sensde ses paroles.L affirmation que les gros vaisseaux prennent leur source

dans le cœur et sont destinés à arroser ainsi qu à nourrir toutle corps, est très importante; c est la première fois qu unauteur la formule et Platon l adopte dans son Timée : « Lecœur est le nœud des vaisseaux et la source du sang qui circulerapidement dans tous les membres » (70 B). A ce sujet, Galienne cite comme référence que le Timée ; il semble ignorer leu. κ.

La doctrine de Philistion enseignant que le cœur est lasource du sang restera un axiome de la physiologie jusqu ausiècle de Harvey. André Vésale écrira encore en 1543 : « Lesveines fournissent aux organes le sang destiné à les nourrir ;

(1)[Bienque de là me sembledevoirfairedifficultépour Tauatomiste,je suistenté de comprendre: Ces ventriculessont les sourcesde la naturehumaine;c'est de là égalementque (serépandent)par le corpsles fleuvespar lesquelsestirriguée (cette)habitation(de notreâme).—A. PI.].

Page 25: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 25/35

30 G. LEBOUCQ

quant aux artères, leur but est de modérer la chaleur innée etl esprit vital » (Préface de la C. H. Fabrica, p. 3, édiL 1725).Le fait de comparer les vaisseaux à des fleuves détruit l hypothèse que Platon aurait eu la notion de la circulation ; unerivière ne remonte pas à sa source ; mais l idée n est pas àrejeter, qu il l aurait conçue en philosophe : « les parties sanguines, a-t-il dit, disséminées dans notre corps, sont forcéesd imiter le mouvement de l univers » (81 A), ressouvenancede l idée du microcosme, dont on retrouve encore des survivances au xvie siècle : Yésale, pour désigner le corps humain,parlera dans sa Préface de « l auberge dans laquelle séjourne

l àme », comme le fait Philistion en employant le mot σκή-νος au chapitre VII.VIII

Près de f origine des veines, des corps mous et creux entourentles ventricules ; on les appelle des oreillettes, mais ils n'ont pasde trou comme les oreilles, car ils ne perçoivent pas les sons ;ce sont des organes par lesquels la nature capte Γair. Je penseque c'est l œuvre d un artisan habile, car, considérant que ceviscèreserait de conformation solide par la densité de son revê

tement, et de là nullement attractif, il lui adjoignit des soufflets,comme le font lesfondeurs à leurs fourneaux ; de sorte que, parces soufflets, le viscère règlela respiration. En voici la preuve :tu peux voir le cœur se contracter en totalité, tandis que, isolément, les oreillettes se gonflent et s affaissent.

Ces longues considérations, pour justifier l hypothèse que lesoreillettes serviraient à entretenir la chaleur innée, ne présenteraient aucun

intérêtau point de vue biologique, n était-ce

qu elles donnent lieu à une constatation des plus importantes :

Philistion pratique la vivisection ; il ouvre la cage thoraciqued un animal vivant, incise le péricarde pour mettre à nu lecœur et observe ses contractions ; après quoi, il extrait l organeen sectionnant les vaisseaux et constate que les oreillettes continuent de se contracter alors que les ventricules ont cessé de

Page 26: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 26/35

UNEANATOMIEANTIQUEBU CŒUR HUMAIN 3l

battre. Le fait est rigoureusement exact, les contractions ven-

triculaires s arretant bien avant celles des oreillettes, dans lecœur isolé comme chez l individu expirant; l oreillette droiteest appelée, pour cette raison, ultimum moriens. L histoire dela biologie ne fournit nulle part l'affirmation si catégorique derecherches par la vivisection à cette époque.

Le texte paraît bien laconique pour exposer une découvertede cette importance. Le cahier tout entier prouve que le coursd anatomie de Philistion ne se bornait pas à des descriptionsthéoriques. Le maître, à n en pas douter, a fait, devant ses

élèves, la démonstration que les pulsations cardiaques nes arrêtent pas en môme temps dans tout l organe. On peut sereprésenter que, pendant le travail de dissection, l élève, su ivant attentivement l opération, a négligé de prendre des noteset s est contenté d un résumé en quelques mots, tout comme lefont, de nos jours, les étudiants au cours de physiologie.

IX

Pour cette raison, je dis que les petites veines conduisent lesouffle dans le ventricule gauche, et Vartère dans l autre ; lesorganes mous sont en effet plus attractifs et susceptibles de sedistendre. Or il importait pour nous que les couches supérieuresdu cœur soient moins exposées à se refroidir; car la chaleur neréside pas dans le ventricule droit, de sorte que, si elles η avaientpas reçu un instrument susceptible de parer à ce défaut, cettechaleur serait entièrement dominée par rentrée de Pair.

Philistion a fort bien disséqué les vaisseaux thoraciques eta décrit leurs rapports avec le cœur et les poumons; il faitaussi très exactement la distinction entre les veines et lesartères, distinction d ailleurs purement morphologique, baséesur l épaisseur des parois; mais n ayant aucune notion de lacirculation, il cherche une explication physiologique à l aidedu dogme du feu inné : l air du poumon se rend au ventri-

Page 27: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 27/35

32 G. LEBOUCQ

cule gauche par les « petites » veines (φλεβία)pulmonaires etexerce une action modératrice sur le feu inné qui a son siège

dans ce ventricule ; dans l esprit de l auteur, cet air filtredonc dans les vaisseaux à rencontre du courant sanguin car-diofuge ; d autre part, rair se rend du poumon au ventriculedroit par l artère pulmonaire, aussi à contre-courant sanguin ;

or ce ventricule, ne contenant pas de feu inné, risquerait dese refroidir par l entrée de l air; mais l artère pulmonaire,grâce à sa paroi épaisse, se laisse peu distendre et réduitainsi l entrée de l air froid ; c est là Γεύπετες όργανον, l ins t rument avorable protégeant le ventricule droit contre l excèsde refroidissement par la respiration.

Wellmann cite un passage de Rufus d Kphèse, dans lequel ilest dit que Philistion, originaire d Italie, suivant l usage dupays, appelle αετού:: « aigles » les veines temporales remontant ers la tète (W., Frag. 8) ; comme il n est pas questionde veines superficielles dans le π. κ., et que les autres termesemployés ne sont autres que αρτηρία'., φλέβες, ωλεβία, le p assage de Rufus doit viser un autre traité que le π. κ.

Χ// nous reste à parler des membranes cachées du cœur, sujet

très digne d'être exposé : des membranes ainsi, que des fibressont tendues dans les ventricules comme des toilesd araignées,entourant de toute part les orifices et implantant des filamentsdam la paroi compacte. Il me semble que ce sontces fibres quitendent le cœur et ses ventricules,d où partent les artères. Il ij aune paire de ces artèresaux portes desquelles sont inr/émeuse-

ment disposées, de chaque cdt';, trois membranes arrondies àleur extrémité enforme de demi-cercle; quand celles-ci s accolent, est admirable de voir combien elles closent la lumière deces artères. *

Les valvules sigmoïdes, les cordages tendineux, les musclespapillaires, rien n a échappé à l attention de Philistion, qui est

Page 28: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 28/35

UNEÀNATOMIEANTIQUEDU CŒURHUMAIN 33

le premier à avoir décrit l aspect des cavités du cœur. Il ne seborne d ailleurs pas à constater ce que lui ont fait découvrirses dissections : il cherche à comprendre le fonctionnementde l organe, énigme qui demandera vingt siècles pour êtrerésolue. Galien attribue la découverte des valvules cardiaquesà Erasistrate (vol. V, p. 548) ; il prouve ainsi, une fois deplus, qu il n a pas lu le π. κ.

Si quelqu un, connaissant parfaitement Γantique « cosmos »,après avoir extrait le cœur d un cadavre humain, d une partécarte les valvules, d autre part les abaisse, ni l eau, ni l air quel on injecte, ne pénétrera dans le cœur; c'est surtout vrai du côtégauche, où les valvules sont construitesavec une précision particulière : à juste titre , car c'est dans le ventricule gauche queréside l intelligence de l homme, ainsi que le principe du restede l âme.

*♦

Ce passage mérite une attention toute spéciale ; voici ceque dit le texte : την καρδίηναποθανόντος ηντις εξεπιστάμενοςτονάργοΛονκόσμον άθελωνκτλ.; Littré traduit αποθανόντοςpar «aprèsla mort » (L., vol. IX, ch. 10) ; c est exact, mais il fallait préciser « la mort d un homme », le terme ne s appliquant qu augenre humain; il est l équivalent de notre mot « décédé ». Entraduisant « après la mort », l éminent helléniste avait sansdoute en vue un cadavre humain ; il est pourtant permis d endouter, quand nous constatons qu il voit dans αρχαίος κόσμος

une allusion à des rites d aruspices sacrifiant des animaux surl autel, et qu il renvoie à un passage de Galien, dans lequell anatomiste de Pergame expose la manière de procéder pourexaminer les organes thoraciques sans sectionner les côtes(vol. II, p. 603). L idée d un rapprochement avec des p ratiques religieuses résulte du sens abusif que Littré donne aumot κόσμος; ce terme signifie : « ordre, harmonie, parure, toilette », tous sens n impliquant nullement une idée de pratique

REG, LVI1, 1944,n«269-273,

Page 29: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 29/35

34 G. LEBOUCQ

sacerdotale. Unger commet la môme erreur en traduisant : siquis bene sciens ritum antiquum. Par contre Edelstein traduitmoins incorrectement : «Wenn eincr welcher die alte Méthodeversteht (1). » Mais d autre part, Unger est plus catégoriqueque Littré dans sa traduction de αποθανόντοςquand il affirmequ il s agit d un cadavre humain : exempto corde hominismortui.

La question a son importance, car l'affirmation que l onaurait tait des dissections humaines avant les anatomistes del école d Alexandrie est généralement rejetée, notamment par

Edelstein, qui a consacré un long mémoire à la question. Sathèse est que tous les auteurs de l Antiquité qui ont étudiél homme au point de vue biologique ont procédé par comparaison avec ce qu ils découvraient en disséquant des animaux.S il s agit réellement d une dissection humaine, affirme Edelstein, c est que le traité date du milieu ou de la fin du ive siècle.Le π. κ. aurait pu, à la rigueur, avoir été écrit vers le milieude ce siècle, mais non à la fin (voir page 21).

Puisqu il n est pas douteux qu il s agit d une dissection

humaine, à quelle pratique très ancienne Philistion l'ait-ilallusion en parlant d un άο/αίος κόστος? L esprit se tourne toutnaturellement vers l Egypte, berceau de toute civilisationméditerranéenne. Ici, nous sommes amplement documentéspar Hérodote et par Diodore de Sicile. Parmi les moyensemployés par les Egyptiens pour conjurer les maléfices dontla susperstition entoure le cadavre humain, figure la méthodecompliquée de l embaumement avec un minimum de mutilation pparente du corps, i évidement des cavités abdominale

et thoracique se faisait par une ouverture étroite que leparaschiste pratiquait dans le bas-ventre. Les Egyptiensdonnaient au cœur la signification d un organe sacré, conserv a n t a personnalité du sujet après la mort ; c est pour cetteraison que, dans les temps les plus reculés, en préparant la

(1)L. Edelstein,Gesch.d. Sectionin d. Antike. Quellenu. Studienz. Gesch.d. Naturwiss.u. d. Med. Bd.Ill, lift. 2, p. 58 ; Berlin,1932.

Page 30: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 30/35

Page 31: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 31/35

36 G. LEIiOUCQ

une des artères, on pourrait croire que l obstacle se trouveégalement au niveau des valvules sigmoïdes de l autre artère;

or, si on lève cet obstacle supposé, on constate que les valvulessigmoïdes d un des vaisseaux suffisent à en oblitérer complètement a lumière Mais l hypothèse la plus vraisemblable estque nous nous trouvons de nouveau devant un texte d élèvequi a mal compris l explication du maître.

« Surtout du côté gauche » : cette observation faite par unchercheur qui ne soupçonne pas l existence de la circulationest tout à fait remarquable; le fait qu il note est exact : lapression dans la circulation pulmonaire n étant guère que letiers de celle de la grande circulation, cette pression plus faiblea créé un système valvulaire moins puissant. Nous avonsrefait l expérience de l hilistion en faisant peser sur lesvalvules sigmoïdes d un cœur humain normal le poids de deuxcolonnes d eau de môme hauteur : les valvules de l artère p u

lmonaire laissaient suinter l eau, tandis que les valvules aor-tiques se montraient, hermétiquement étanches. Par cettesimple remarque « surtout à gauche », nous pouvons nousrendre compte de la manière judicieuse et rigoureuse dontPhilistion faisait ses recherches.

Au savant positiviste succède \o philosophe cherchant àcomprendre la physiologie cardiaque : « L intelligence del homme, dit-il, réside dans le ventricule gauche, ainsi que leprincipe du reste de lame. » Cette conception lui est sans doutevenue du fait que, le cœur mourant en diastole, le ventriculegauche est à peu près vide de sang : c est là que le philosophea trou vi'1l osnano libre nonr ν nlacor son fou inné, source do la

vie, ainsi que la γνώμη, l intelligence supérieure, et le principedu « reste de l âme », άλλη ψυ-/ή. D après Wellmann [loc. cit.,p. 104), ce terme trouverait son explication dans le passage 44du Codex Vindicianus concernant Dioclès : « Le cœur est lesiège de l âme; c est du cœur que le πνεύμα ψυγικόν transmet aucerveau les sensations et les hautes facultés intellectuelles. »Ces émanations parties du cœur pour aboutir au cerveau,seraient Γάλληψυχή, le reste de l âme.

Page 32: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 32/35

Page 33: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 33/35

38 G. LEBOUCQ

l oblitèrent pas complètement parce qu elles sont trop faibles.Ce vaisseau s ouvre du côté du poumon pour lui fournir le sangdestiné à le nourrir, tandis qu il est fermé du côté du cœur ; maispas avec un joint hermétique \ assez cependant pour permettreà l air de passer, mais pas en grande quantité. De ce côté, eneffet, la chaleur est faible, parce qu elle est dominée par le froidqui s y mêle. Le sang, par nature, n'est pas chaud, pas plusqu aucune autre humeur, contrairement à ce que pensent laplupart des gens; mais il absorbe de la chaleur.

Voilà ce qu il y a à dire au sujet du cœur.

Résumons l œuvre biologique de Philistion : deux aspectssont à considérer : l anatorniste et le physiologiste.

Dans le domaine de la morphologie, Philistion a sa placeparmi les grands anatomistes de l Antiquité : tout d abord, iln est pas contestable qu il a fait des dissections humaines; ilnous en donne deux preuves : le cœur de l homme, aflirme-t-il, n est pas dans l axe du corps, mais est déplacé vers la gauche.Ce caractère anthropologique, parfaitement exact, est contesté

par Galien qui, lui, ne disséquait que des singes; parmi lesmauvaises raisons qu il fait valoir pour étayer son point devue, il déclare que la position médiane est plus favorable aurefroidissement par le poumon (vol. III, p. 415). La secondepreuve que Philistion a fait de l anatomie humaine est la phraseάθελων χήν καρδίηναποθανόντος,« le cœur d un cadavre humainétant extrait.. », phrase qui doit convaincre les plus sceptiques.Les dissections de Philistion ne se bornent pas à un examensommaire; elles sont faites avec un soin méticuleux, qui lui

vaut d être le premier à décrire la structure compliquée descavités cardiaques. Un détail qui prouve la rigueur de saméthode de travail, c est d avoir observé que les valvulessigmoïdes de Tarière pulmonaire résistent moins à la pressionque celles de l aorte.

La contribution apportée par Philistion à la physiologie est

Page 34: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 34/35

UNEANATOMIEANTIQUEDU CŒURHUMAIN 39

loin d être négligeable : son interprétation des faits observésne saurait être que doctrinaire ; lui-même crée des dogmes : la

chaleur innée résidant dans ]e ventricule gauche, la respirationdestinée à miliger cette chaleur, le cœur considéré commeétant la source du sang, et le pneuma, celle de l intelligence;cette dernière doctrine pourrait d ailleurs n être qu une réminiscence de Diogène d Apollonie, qui, lui-même, a repris cetteconception d Anaximène. Où le mérite de Philistion dans ledomaine de la physiologie est incontestable, c est dans saméthode de recherches et de contrôle : il se base, il est vrai,sur des dogmes, mais il s en sert comme d hypothèses de travail,qu il cherche à démontrer, telle sa naïve expérience pourprouver que la boisson passe par le poumon. Mais ces faibless e s 'effacent devant ce fait : c est Philistion qui a découvertque les ventricules mesurentavant les oreillettes.

Sommes-nous en droit de décerner le titre de pionnier àPhilistion ? Certes, ses prédécesseurs à l école de Sicile, en ycomprenant même cet homme extraordinaire qu est Empé-docle, n ont rien laissé qui puisse être comparé à l œuvre dePhilistion; mais il y a, en Grèce italique, la grande figured Alcméon de Crotone : les rares fragments qui nous sontconservés de son œuvre suffisent pour faire découvrir en luile père delà biologie. Plus d un siècle avant Philistion, Alcméonfaisait des dissections humaines (qui primus aiisus est) et desexpériences de vivisection.

Locres est située dans l extrême Sud de l Italie, région surlaquelle a rayonné le lustre de l école de Crotone et qui a donnéles médecins philosophes Hippon de Rhégium, Timothéos,Hippasos de Métaponte et le célèbre Philolaos de Crotone.C est dans cette atmosphère que s est formé l esprit scientifiquede Philistion. En quittant l Italie pour se fixer en Sicile, ils est assimilé les doctrines du grand philosophe de la nature,Empédocle, notamment celle du rôle du cœur et du sang dansles phénomènes psychiques, et il s en est servi pour expliquerses observations de physiologie ; Alcméon lui-même en était

Page 35: Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

8/9/2019 Bidez Une anatomie antique du Cœur Humain Philistion de Locres et le « Timée » de Platon

http://slidepdf.com/reader/full/bidez-une-anatomie-antique-du-coeur-humain-philistion-de-locres-et-le-timee 35/35