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BIENVENUE CHEZ LES P’TITS- :- :-

Personnages : Georges. Chômeur. Joue aux courses Eliane: son épouse. Veut devenir actrice. Roland : metteur en scène. Efféminé. Claire : assistante du metteur en scène. Hommasse. Mal coiffée. Angèle : accessoiriste. Léon : jardinier. Bourru et bête. Gaston : père d’Eliane. Marche difficilement, avec une canne. Mélanie : femme de ménage. Judith : antiquaire. Maurice : ami de Georges.

Décors : Salle de séjour. Trois portes : jardin, centre et cour. Quelques petits meubles dont un avec une bouteille et un verre. Quelques sièges dont au moins un fauteuil. Des objets (lampe, statuette, coffret... peu importe)

Costumes : contemporains.

Synopsis : Georges et Eliane ont acheté une grande propriété et ne peuvent suivre financièrement. Eliane, actrice, veut obtenir un rôle dans un film tourné par Roland. Georges, lui, veut vendre des meubles à une antiquaire. L’équipe de tournage intervient, ainsi que la femme de ménage et le jardinier...

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ACTE I

Maurice est dans la salle avec le public, dans les premiers rangs. Sur scène, Eliane est à genoux devant Georges. Elle pleure.

Eliane : (suppliante) Ne fais pas ça, mon chéri. Je t’aime !

Georges : (dramatique, grandiloquent) Comment oses-tu me dire cela, après le drame que nous venons de vivre !

Eliane : Nous pouvons encore essayer, laisse-nous une deuxième chance !

Georges : C’est trop tard. Nous allons perdre la maison, cette maison que j’ai eue tant de mal à acquérir ! Et mon honneur est terni à jamais !

Maurice siffle.

Georges : Tout ce que nous pouvons faire, maintenant, c’est tomber dans la déchéance et la décrépitude. C’en est trop, je vais mettre fin à mes jours !

Eliane se lève.

Eliane : Ne fais pas ça mon amour ! Je ne pourrais pas vivre sans toi. Où alors je me tuerais aussi ! (elle se précipite dans ses bras)

Maurice siffle. Georges, distrait, tourne la tête. Et revient à son rôle.

Georges : Qu’est-ce que je disais ?

Maurice : (fort) Ça y est, il a oublié son texte !

Georges : (se tournant vers Maurice) Qu’est-ce que c’est ?

Maurice : (se levant) C’est nul, voilà ce que c’est !

Georges : Monsieur, je ne vous permets pas...

Maurice : Je n’ai pas besoin de votre permission ! Cette pièce est complètement nulle ! Je ne félicite pas l’auteur ! Quand je vais au théâtre, ce n’est pas pour pleurnicher, c’est pour m’amuser (se tournant vers le public) Pas vous ?

Georges : La critique est facile, mais l’art est difficile ! Je voudrais vous y voir !

Maurice : Chiche ! Attendez, j’arrive (il monte sur scène)

Eliane : Mais enfin, qu’est-ce que vous voulez ?

Maurice : Je veux que vous recommenciez tout depuis le début.

Eliane : Vous êtes complètement cinglé !

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Maurice : Pas autant que l’auteur ! Je vous dis de recommencer.

Georges : Mais ce n’est pas possible ! Que vont dire les spectateurs ?

Maurice : Ils préfèreront ça plutôt que de s’ennuyer en sortant leurs mouchoirs. D’ailleurs, je vais jouer avec vous.

Eliane : Mais il n’y a pas de rôle pour vous !

Maurice : J’en inventerai un ! Je serai... (à Georges) Un ami à toi, tiens !

Georges : Vous me tutoyez, ma parole !

Maurice : Forcément, puisque je suis un de tes amis !

Eliane : Et notre texte ? On ne peut pas le changer !

Maurice : Il faudra improviser. En coulisse, je vous expliquerai ce que vous devez faire. Rappelez-moi la situation... (à Eliane) Vous, vous voulez être actrice, vous avez un père vicelard et à moitié gâteux, un jardinier idiot et une femme de ménage. (à Georges) Et toi, je n’ai toujours pas compris ce que tu fabriques. Tu en fais sans doute le moins possible ! Allez, on recommence tout. Lumière !

La lumière s’éteint, le rideau se ferme. On entend les trois coups. Le rideau se lève. Gaston est assis, la canne entre les jambes, les mains sur la canne. Georges entre au centre, dépité, et va s’asseoir en face de Gaston..

Georges : J’ai encore perdu aux courses !

Gaston : ( chantonnant) C’est bien fait !

Georges : Ne me dis pas ça, ça va m’énerver !

Gaston : C’est bien fait, tra là là... Fallait pas jouer !

Georges : Et comment veux-tu que je trouve de l’argent, beau papa ? Je n’arriverai jamais à rembourser l’emprunt de la maison si je n’en trouve pas... Beau-papa... Quelle expression idiote ! Ça ne veut rien dire...

Gaston : Alors appelle-moi Gaston ! Moi je ne te dirai jamais « beau-fils » ce serait une insulte à la beauté...

Georges : Merci. Rendors-toi au lieu de dire des âneries. Tu es tranquille, toi, tu en as de l’argent, tu en as même beaucoup !

Gaston : Oui, mais pour l’avoir, tu devras attendre que je meure...

Georges : Ne me tente pas !

Gaston : On n’a pas idée d’acheter une maison aussi grande quand on n’a pas de sous !

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Eliane entre à cour. Georges se lève.

Eliane : Alors ?

Georges : Rien à faire. J’ai une poisse pas possible !

Eliane : Avoue plutôt que tu n’y connais rien aux chevaux... (ricanement de Gaston)

Georges : On ne peut pas être bon partout...

Eliane : (méprisante) Tu es bon en quoi ?

Georges : Tu peux parler ! Tu veux être actrice, d’accord, mais tu crois que tu as assez de talent pour jouer dans un vrai film ?

Eliane : J’ai déjà joué, tu le sais bien ! Dans « La grande blonde avec une chaussure rouge »

Georges : Tu tenais le rôle de la chaussure ?

On sonne. Eliane va ouvrir à jardin. Maurice entre.

Maurice : Bonjour Eliane, salut Georges ! C’est bien, continuez comme ça. Moi je vais faire un tour dans le parc expliquer son rôle au jardinier. Si toutefois il peut le comprendre...

Maurice sort au centre.

Eliane : Quand je pense qu’on est justement en train de tourner une scène d’un film là, dehors...

Georges : Oui, et je me demande pourquoi ici. Je n’ai pas compris ce qu’ils trouvent d’intéressant dans le quartier.

Eliane : C’est sans doute parce que c’est calme et près de leur studio. Et le style des maisons doit correspondre à ce qu’ils veulent.

Georges : Tu aurais dû faire tes offres de service.

Eliane : A quoi bon ? Le casting est terminé puisqu’ils tournent. Ils ne vont pas ajouter un rôle pour me faire plaisir !

Léon entre au centre.

Léon : Peux pas travailler tranquille ! Ces non d’un chien de bon sang de cinéastes veulent pas que j’utilise la tondeuse. Paraît que ça fait du bruit !

Eliane : C’est vrai que ça en fait.

Georges : Ça ne durera pas mon brave Léon. Faites autre-chose en attendant.

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Léon : Ça m’ennuie, ça va fiche en l’air mon planning ! Enfin, je tondrai demain. Pour l’instant, je vais planter des orties autour de la piscine.

Eliane : Des orties ? Mais ça pique, ça !

Léon : Justement. J’ai entendu à la télé qu’il faut sécuriser les piscines privées. Avec les orties, personne ne voudra passer et personne ne risquera de se noyer !

Georges : Et d’après vous, à quoi servira la piscine ? (ricanement de Gaston)

Léon : Heu... Ben... Ça ferait une réserve d’eau, en cas d’incendie... Pour les canadairs.

Georges : Voyons, Léon ! Imaginez un avion survoler la piscine ! Le parc tout entier n’y suffirait pas !

Léon : C’est vrai. Alors, je vais mettre des anémones et des delphiniums

Georges : C’est ça. Allez-y.

Léon sort au centre.

Georges : Il est bien, ce jardinier. Je ne l’ai embauché que depuis quelques jours, mais il s’y est mis très rapidement.

Eliane : Où l’as-tu trouvé ?

Georges : Il s’est présenté lui-même, je n’ai pas eu à chercher.

Eliane : Avoue qu’il n’est pas très malin !

Georges : C’est sûr que ce n’est pas un intello, mais il fait bien son travail.

Eliane : Peut-être, mais tu as eu tort de l’embaucher. Nous n’avons pas d’argent, et c’est une dépense qu’on pourrait éviter si tu t’occupais du parc toi-même.

Georges : Avec la taille qu’il a, tu n’y pense pas ? Ce serait éreintant !

Gaston : Feignant !

Georges : On devrait plutôt se séparer de la femme de ménage...

Eliane : Mélanie ? Jamais de la vie ! La maison est immense, je n’y arriverais jamais toute seule !

Georges : Tu vois ? Mais ne t’inquiète pas : pour avoir un peu d’argent, je vais vendre l’armoire qu’on a mise dans mon bureau.

Gaston : Hein ? Mais je te l’interdis, moi !

Eliane : C’est une armoire très ancienne qui vient de ma mère !

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Georges : C’est à moi qu’elle l’a donnée. Et ce n’est pas ton vieux qui peut me l’interdire. D’ailleurs, j’ai déjà demandé à une antiquaire de venir l’expertiser.

Gaston : (menaçant Georges de sa canne) Galopin !

Maurice entre au centre.

Maurice : C’est amusant : vous savez qu’on tourne un film dans la rue, derrière le parc ? Il y a toute une équipe qui s’active. On se croirait devant un magasin de vêtements un jour de solde !

Eliane : Nous le savons, oui.

Maurice : Je suis allé au bout de l’allée pour regarder ça, et un type qui m’a vu l’épier m’a hélé.

Georges : Lépiémahélé ? Tu parles africain ?

Maurice : Un type qui m’a vu l’épier... M’a... Hélé. Hélé, avec un h aspiré, comme dans casserole. Il m’a interpellé si tu préfères.

Georges : Quel type ?

Maurice : Je ne sais pas. Il avait l’air de commander l’équipe...

Eliane : Sûrement le réalisateur ou le metteur en scène.

Georges : Et alors ?

Maurice : Il m’a pris pour le propriétaire de la maison, et m’a demandé s’il pouvait venir prendre des vues depuis le parc et peut-être même ici, à l’intérieur.

Eliane : (excitée) Qu’est-ce que vous lui avez répondu ?

Maurice : Que je ne suis qu’un ami de la famille et donc que je m’en fiche comme d’un discours de député, mais que j’allais vous en parler. Vous pouvez y aller, il n’est pas près de partir !

Eliane : Soyez gentil, retournez le voir et dites-lui de venir jusqu’ici, il se rendra mieux compte !

Maurice : Si vous voulez. Vous voyez que je suis utile dans cette pièce !

Maurice sort au centre.

Gaston : Il ne manquait plus que ça !

Eliane : Papa, toi aussi soit sympa, va un peu dans ta chambre pendant qu’on le reçoit. Tu veux bien ?

Gaston : Tu as honte de ton vieux père ?

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Georges : S’il voit un vieux débris dans un fauteuil, il croira qu’on ne fait pas le ménage...

Gaston : Voyou ! Débris toi-même ! Puisque c’est ça, je reste ici.

Eliane : Papa, je t’en supplie ! Il faut qu’on lui parle en privé...

Gaston : (se levant péniblement) C’est bien pour te faire plaisir. Parce que s’il n’y avait que ton ersatz de mari...

Gaston sort à cour, marchant difficilement avec sa canne.

Georges : J’y pense : une autorisation comme le metteur en scène la demande, ça se monnaye !

Eliane : J’ai une meilleure idée : au lieu de lui demander de l’argent, je vais lui proposer de me donner un petit rôle.

Georges : Je croyais que c’était trop tard, que le casting était déjà fait...

Eliane : Oui mais s’il tient vraiment à utiliser la propriété, il fera un effort d’imagination. Regarde Maurice, il n’était pas prévu non plus !

Georges : Admettons. Mais tu crois que ça peut rapporter plus qu’une simple contribution financière ?

Eliane : Sûrement ! C’est peut-être même le début de ma carrière... Seulement, il y a un petit problème.

Georges : Ça m’aurait étonné ! Lequel ?

Eliane : (gênée) Tu sais, dans ce métier, les mœurs sont parfois un peu spéciales...

Georges : Qu’est-ce que tu essayes de me dire ?

Eliane : Qu’il va sans doute essayer de me faire la cour.

Georges : (choqué) Hein ?

Eliane : (précipitamment) Mais je ne me laisserai pas faire, tu sais... Enfin, si, je le laisserai faire, au début, pour lui faire croire qu’il a une chance... Mais je ne le laisserai pas aller trop loin, je te le promets !

Georges : (ricanant) De toutes façons, il n’osera jamais te faire des avances devant moi !

Eliane : Justement... C’est là que je voulais en venir...

Georges : Explique-toi.

Eliane : Il ne faut pas qu’il sache que tu es mon mari, sans ça je ne l’intéresserais pas ! Il vaudrait donc mieux que tu ne sois pas là...

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Georges : Tu voudrais que je me suicide avant la fin de la pièce ?

Eliane : Mais non, tu n’as qu’à t’absenter un moment.

Georges : Ah non ! Je suis chez moi après tout. Et je veux savoir ce qu’il manigance !

Eliane : Alors on dira que tu es... Que tu es mon factotum !

Georges : Tu es gonflée ! Il faut que je me déguise en larbin ?

Eliane : Tout de suite les grands mots ! Tu peux bien faire ça pour que je sois payée... Et ce ne sera pas pour longtemps, la scène qu’il tourne en ce moment sera vite finie... A moins que mon rôle soit suffisamment important pour que je joue dans d’autres scènes, mais ça me rapporterait plus...

Georges : (bougon) Bon, c’est vrai qu’on a besoin d’argent alors allons-y, je suis aux ordres de madame !

Eliane : Merci mon chéri !

Maurice entre au centre.

Maurice : Ça y est, il est d’accord. Il vient avec son assistante. Mais vous risquez d’avoir une surprise !

Eliane : (remettant ses cheveux en place) Est-ce que je suis présentable au moins ?

Georges : Madame est parfaite !

Maurice : Je défaille d’admiration !

On sonne. Eliane va ouvrir à jardin. Mélanie entre.

Eliane : (gênée) Ah, c’est vous Mélanie !

Mélanie : C’était encore moi tout à l’heure, je crois que je n’ai pas changé...

Eliane : C’est que... Nous attendons quelqu’un...

Mélanie : Et alors ? Ça ne m’empêche pas de bosser !

Eliane : Mais nous voudrions le voir en privé...

Mélanie : Et en vous privant de mes services ? J’ai quand même pas fait la route pour rien !

Maurice : Mélanie peut très bien faire son travail, n’importe qui peut comprendre que vous avez besoin de personnel pour entretenir une maison aussi grande ! Et puis elle peut commencer par les chambres. (à Mélanie) Venez Mélanie, je vous accompagne.

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Mélanie et Maurice sortent à cour.

Georges : Il n’est pas si mal, en définitive, mon copain Maurice !

Eliane : Oui mais si on le laisse faire, c’est lui qui va diriger la maison !

On sonne. Eliane va ouvrir à jardin. Roland entre, suivi de Claire. Celle-ci parcourt aussitôt la scène, rejoignant les pouces et index, regardant partout à travers le carré ainsi formé comme si elle devait prendre des photos, se baissant, montant sur un siège... Georges se met au garde-à-vous dans un coin.

Roland : (maniéré, efféminé) Bonjour. Vous êtes bien la propriétaire, je ne me trompe pas cette fois ?

Eliane : C’est bien moi. Vous êtes le metteur en scène dont on m’a parlé ?

Roland : C’est exact. Appelez-moi Roland, comme tout le monde. (montrant Claire) Et voici mon assistante. Elle s’appelle Claire. Mais elle ne l’est pas toujours ! (rire) Allons, mon petit, viens saluer la maîtresse de maison.

Claire : (s’approchant) Qui c’est ça, Maison ?

Eliane : Bonjour Madame.

Claire : Mademoiselle !

Roland : (s’approchant de Georges) Et qui est ce bel homme qui ne bouge pas ?

Eliane : C’est Georges, mon factotum.

Roland : Bonjour mon mignon ! Vous savez que vous avez un physique d’acteur ?

Georges : (se sauvant) Bonjour Monsieur.

Roland : Appelez-moi Roland, vous aussi. (à Eliane) Voilà : nous tournons actuellement une scène d’un film qui s’appelle « Bienvenue chez les p’tits » C’est un drame musical qui se passe dans une banlieue défavorisée. Chez les petites gens, vous comprenez ?

Eliane : (étonnée) Un drame musical !

Roland : Pourquoi pas ? On fait bien des comédies musicales...

Eliane : Mais qu’est-ce que nous avons à voir là-dedans ? Nous ne sommes pas des petites gens, comme vous dites !

Roland : C’est pour accentuer le côté misérable de la chose. Il faut que je crée un contraste, que je montre des gens riches, dans une propriété luxueuse. J’ai déjà des images de l’extérieur, et je voudrais en prendre de votre jardin et, si possible, de votre intérieur. Accepteriez-vous ?

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Eliane : (minaudant) Je ne sais pas... Ça risque de nous perturber...

Claire : Soyez rassurée, sacrebleu ! Ça ne durera pas longtemps !

Eliane : Mais tout de même... Au fait, vous savez que je suis actrice ?

Claire : Pas possible ? Tournez-vous...

Eliane prend des poses, se retourne. Claire lui donne une claque sur les fesses.

Eliane : (sursautant) Aïe !

Claire : Ouais, on a vu pire... Vous êtes mariée ?

Eliane : Oui. Heu... Non ! C’est à dire que je suis... Séparée.

Claire : Séparée ? Ça ne veut rien dire ! Séparée de quoi ?

Eliane : De mon mari.

Claire : Autrement dit, votre mari vous a laissé tomber comme un préservatif usagé !

Roland : De toutes façons, ça ne nous regarde pas.

Eliane : Vous n’auriez pas un petit rôle pour moi dans votre film ?

Roland : (se dirigeant vers Georges) Les rôles féminins sont complets, mais je pourrais introduire un factotum...

Georges : (reculant) Mais je ne veux pas être introduit !

Léon entre au centre.

Léon : (exalté à Georges) Non d’un chien de bon sang ! J’ai mis un plan de clématite avec les anémones, et il quand je l’ai planté, il avait déjà une fleur. Elle est magnifique !

Georges : Pourquoi me dites-vous ça à moi ? Je ne suis que le factotum...

Léon : Factomtom ? Vous avez changé de nom ?

Eliane : (à Roland) C’est Léon, notre jardinier.

Georges : C’est lui qui entretient les espaces verts.

Claire : Profitons-en pour aller jeter un coup d’œil dans le parc, ça m’intéresse.

Roland : C’est une bonne idée. (à Eliane) Vous permettez ?

Eliane : Je vous en prie ! Je vous laisse avec Léon.

Léon : (sortant au centre) Venez, je vous montrerai ma fleur !

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Roland : (intéressé) Ah oui ?

Claire et Roland sortent au centre. Maurice entre à cour.

Maurice : Alors, comment ça se passe ?

Georges : Pas tout à fait comme nous nous l’imaginions !

Mélanie entre à cour en criant, suivie par Gaston, qui a une main tendue vers l’arrière train de Mélanie et qui s’arrête.

Mélanie : (se frottant les fesses) Madame, vous pourriez pas dire à votre père qu’il me laisse tranquille ? Je vais avoir des bleus !

Eliane : Enfin, papa ! Tu ne peux pas rester tranquille !

Georges : J’ai l’impression qu’il marche plus vite que tout à l’heure !

Gaston : Ben quoi, j’ai le droit de me distraire !

Maurice : Allons, allons, chacun retourne d’où il vient. Gaston, soyez sage ou j’amidonne vos pans de chemise !

Gaston sort à cour.

Maurice : Quant à vous, Mélanie, piquez une épingle dans votre robe, là où vous avez des bleus. Vous verrez que c’est efficace !

Mélanie : C’est une idée. J’y avais pas pensé.

Mélanie sort à cour.

Maurice : Vous me disiez que ça ne s’est pas passé comme prévu ? L’équipe de tournage vous a tourné la tête ?

Eliane : Le dénommé Roland n’a pas l’air de s’intéresser à moi.

Georges : Par contre, moi je l’intéresse, apparemment !

Eliane : Et Claire, son assistante, est une vraie hommasse !

Maurice : (riant) C’est vice et versa !

On entend Gaston crier « Aïe ! »

Georges : Du coup, je ne sais pas si je dois les laisser filmer chez moi.

Maurice : Attends un peu, Eliane n’a peut-être pas dit son dernier mot...

On sonne.

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Maurice : Ne vous dérangez pas, j’y vais.

Maurice va ouvrir à jardin. Judith entre.

Maurice : Bonjour Madame, c’est pourquoi ?

Judith : Bonjour Monsieur. On m’a dit de venir expertiser un meuble...

Georges : (se précipitant) Oui, c’est moi qui vous ai appelée. C’est pour mon secrétaire.

Judith : (montrant Maurice) C’est lui votre secrétaire ?

Maurice : Ah non, je ne suis pas de bois !

Georges : Je vous parle du meuble. C’est un secrétaire très ancien, qui a beaucoup de valeur.

Judith : Ça c’est vous qui le dites, mais c’est à moi d’en juger.

Maurice : (à Georges) Tu ne crois pas que tu vas un peu vite ? Si Eliane est décroche un rôle, tu n’auras plus besoin de vendre !

Eliane : C’est vrai, ça ! Attends un peu...

Judith : M’auriez-vous dérangée pour rien ?

Georges : Mais non, on peut toujours faire l’expertise, on verra après.

Judith : Si vous ne vendez pas, l’expertise sera payante.

Georges : Vous me laisserez bien un petit délai de réflexion ?

Judith : Petit est le mot juste. Où se trouve le meuble ?

Georges : Venez, je vais vous y conduire.

Georges et Judith sortent à cour. Roland et Claire entrent au centre.

Roland : Ça me paraît très bien. C’est tout à fait ce qu’il nous faut n’est-ce pas, Claire ?

Claire : Ouais, ça peut aller...

Roland : (regardant autour de lui) Georges n’est pas là ?

Maurice : Il est occupé. Moi je suis un de ses amis et je vous salue.

Roland : (à Claire) Il n’est pas mal non plus ! (à Maurice, s’approchant) Content de vous connaître ! Appelez-moi Roland.

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Maurice : (menaçant) Moi c’est Maurice. Je suis catcheur. Vous n’avez pas besoin d’un catcheur dans votre film ? Vous voulez une démonstration ?

Roland : (reculant, inquiet) Non, non, ne vous énervez pas. (à Eliane) Qu’est-ce qu’il est nerveux ! Ce n’est pas de chance, c’est un écorché vif, ce garçon !

Maurice : Normal : un écorché vif, c’est quelqu’un qui n’a pas de peau...

Roland : (à Eliane) Bref, je suis conquis par votre propriété. Si vous êtes d’accord, j’y emmènerais mon équipe de tournage.

Maurice : Donc, vous avez un rôle à confier à Eliane...

Claire : (s’approchant de Maurice) Qu’est-ce qu’il raconte, celui-là ?

Maurice : (s’approchant de Claire) Je raconte qu’il faut donner un rôle à Eliane.

Claire : (nez à nez avec Maurice) Vous avez du culot !

Maurice : Et vous, vous avez mangé de l’ail ! J’ajoute que le factotum sera toujours près d’elle, pour l’aider.

Roland : (intéressé) Ah bon ? Dites-moi, Claire... (elle s’approche de lui) Une bourgeoise ne ferait peut-être pas mal dans le tableau ? Par contraste... Elle pourrait intervenir en méprisant le petit peuple ?

Claire : Ouais, peut-être. Faudra en parler au scénariste.

Roland : Je vois ça d’ici. Eliane qui entre chez elle, dans une robe de mousseline...

Maurice : On verra tout de suite qu’elle n’est pas dans la purée !

Roland : Au son d’une musique de Verdi... (à Eliane) Vous aimez Verdi ?

Eliane : (gênée) Vous savez, j’écoute surtout Johnny Hallyday...

Maurice : (éclatant de rire) Des goûts et des couleurs ! Faudrait vous mettre d’accord entre jauni et verdi...

On sonne. Eliane va ouvrir à jardin. Angèle entre et fonce vers Roland.

Angèle : Il me faut un banc !

Eliane : Bonjour quand même !

Roland : Un banc ? Pourquoi faire ?

Angèle : (furieuse) On a dans la rue deux acteurs qui sont censés être amoureux. Ils vous attendent, d’ailleurs, et commencent à trouver le temps long. Dans la prochaine scène ils doivent s’embrasser sur un banc...

Maurice : C’est plus délicat que de s’embrasser sur la bouche !

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Claire : et votre équipe de bras cassés n’a pas emmené le banc que j’avais préparé. J’en ai vu un dans le parc, près du bassin à poissons rouges. Je l’emmène ?

Angèle : Tu crois qu’il fera l’affaire ?

Claire : De toutes façons on n’a pas le choix. On va le prendre à deux et le passer par-dessus la clôture.

Angèle : D’accord, Claire. Merci du coup de main.

Angèle et Claire sortent au centre.

Maurice : (à Roland) Vous pourriez peut-être présenter cette nouvelle personne, sans ça le public va être perdu !

Roland : C’est Angèle, l’accessoiriste. Elle est un peu vive, mais très efficace. Mon Dieu, que c’est compliqué, les femmes !

Eliane : (fâchée) Elle aurait quand même pu me demander la permission !

Roland : Ne vous fâchez pas ! Allez, c’est d’accord, vous aurez un petit rôle. Le scénariste, j’en fais mon affaire (minaudant) C’est un ami à moi.

Eliane : (épanouie) C’est vrai ? Super ! (appelant) Georges !

Maurice : (à Eliane) Attention danger ! (elle se met la main devant la bouche)

Roland : (regardant autour de lui) Danger ? Où ça ?

On entend Judith crier. Georges entre à cour, suivi par Judith qui se frotte les fesses, et Gaston qui essaye de la suivre, la main tendue comme pour Mélanie. Il s’arrête et sort à cour.

Maurice : Vous voyez bien !

Georges : Vous m’avez appelé ?

Judith : Qu’est-ce qui m’a pincée ?

Maurice : Un vieux crabe. Mais il est apprivoisé, ne vous en faites pas !

Georges : L’expertise est faite. Madame nous enverra une proposition.

Eliane : Roland m’a proposé un rôle dans son film !

Georges : Sans blague ?

Roland : C’est vrai. Mais vous devrez rester près d’elle...

Georges : J’y compte bien, c’est ma f... C’est ma patronne après tout !

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Judith : Votre patronne ? Je croyais que...

Maurice : (l’interrompant) Peu importe ce que vous avez cru, c’est son factotum. Vous ne voyez rien d’autre qui pourrait vous intéresser en dehors de ce meuble ? Cherchez bien...

Judith : Je ne sais pas, je n’ai pas fait le tour de toute la maison !

Maurice : (la conduisant à cour) Eh bien allez-y, faites un tour, prenez votre temps !

Roland : Qui c’est celle-là ?

Georges : C’est une antiquaire.

Roland : Elle est venue pour le vieux crabe ?

Judith sort à cour. Léon entre au centre. On entend Judith crier « AÏe » à cour.

Léon : (à Georges) Monsieur Tomtom, deux non d’un chien de bon sang de bonnes femmes sont venues prendre le banc qui était posé près du bassin à poissons rouges. Elles m’ont dit que vous étiez d’accord. Alors je leur ai donné un coup de main.

Roland : Ça c’est gentil mon mignon !

Léon : (ahuri) Je suis mignon, moi ?

Maurice : Mignon comme un filet.

Léon : Un filet ?

Maurice : Un filet mignon.

Georges : On nous a volé un banc ?

Eliane : Mais non, c’est un prêt. Je te... Je vous raconterai. (à Léon) Ne vous en faites pas, elles le rendront bientôt.

Léon : Tout de même, emporter mon banc comme ça, vous n’auriez peut-être pas dû les laisser faire...

Maurice : Sacré non d’un chien de bon sang de bonnes femmes !

Léon sort au centre

Roland : (se rappelant brusquement) Mon Dieu, ça me rappelle que tout le monde m’attend pour la scène du baiser ! Il faut que je vous laisse. Je reviendrai bientôt. Mais je vous demanderais de laisser la porte ouverte : nous allons entrer et sortir très souvent alors si nous devons sonner à chaque fois... (s’approchant de Georges) Et vous venir nous ouvrir...

Georges : (s’écartant) C’est une bonne idée. La porte sera toujours ouverte.

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Roland sort à jardin. Claire et Angèle entrent au centre.

Angèle : Pour le banc, c’est arrangé. Heureusement que le machiniste avait quelqu’un pour l’aider quand on l’a passé par-dessus le mur ! Il est sympa votre jardinier !

Claire : Et costaud avec ça ! (à Eliane) Alors la nana, on a réussi à se caser ?

Eliane : Je fais maintenant partie de la distribution, si c’est ce que vous voulez dire.

Angèle : Tant mieux ! Je n’aurai plus de scrupules à vous emprunter des trucs.

Maurice : Parce que vous en aviez, des scrupules ?

Claire : Bon, on va retourner bosser, je vois que Roland s’est enfin décidé à s’y mettre !

Angèle : C’est ça. Salut tout le monde !

Claire et Angèle sortent à jardin. Mélanie entre à cour avec un chiffon.

Mélanie : Je me suis piquée avec mon épingle ! Enfin, ça vaut mieux que d’être pincée. Je vais faire un peu de ménage ici. (elle commence à épousseter)

Maurice : Aurions-nous enfin un peu de calme ?

Gaston entre à cour et va s’asseoir comme au début.

Mélanie : C’est pas vrai ! Je vais retourner dans les chambres !

Eliane : Mais non, il va être sage. N’est-ce pas papa ?

Gaston : Je suis toujours sage. Ce n’est pas comme vous !

Georges : (à Eliane) Tu me disais que tu as décroché un rôle ?

Eliane : Eh oui ! Roland a fini par reconnaître mes mérites.

Maurice : Et je n’y suis pour rien, bien sûr !

Mélanie : Vous allez faire du cinéma ?

Gaston : Elle en fait toute la journée !

Georges : Et c’est quoi, ce rôle ?

Eliane : Je ne sais pas encore...

Judith entre à cour.

Mélanie : Vous me donnerez un autographe ?

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Maurice : Attendez qu’elle soit célèbre !

Judith : Qui parle d’autographe ?

Mélanie : C’est moi. Madame va être célèbre, elle va être vedette dans un film.

Eliane : Je n’ai pas dit ça, je vais...

Judith : (l’interrompant) Ah c’est ça le rôle dont parlait l’autre type ? Ça m’intéresse ! Des meubles ayant appartenu à une vedette de cinéma, j’arriverai à les vendre un bon prix. J’ai d’ailleurs dressé une liste de ce qui pourrait m’intéresser. Il me reste à estimer ce qui se trouve ici. (montrant le siège où se trouve Gaston) Ce fauteuil, par exemple.

Gaston : (faisant des moulinets avec sa canne) N’approchez pas !

Georges : Si vous arrivez à les vendre un bon prix, j’espère que vos estimations seront en rapport !

Judith : Heu... C’est qu’ils ne sont plus tout neufs...

Maurice : S’ils étaient neufs, Georges ne se serait pas adressé à une antiquaire !

Judith : Et une antiquaire qui se respecte, c’est quelqu’un qui achète des objets à bas prix en province pour les revendre très cher à Paris...

Eliane : Ne nous emballons pas. Rien ne prouve que nous devrons les vendre. Attendons au moins le deuxième acte !

RIDEAU

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ACTE II

Judith et Angèle se disputent le fauteuil de Gaston. Elles le tirent vers elles chacune leur tour.

Judith : Je n’ai pas fini de l’expertiser.

Angèle : Et moi j’en ai besoin pour le film.

Judith : Je m’en fiche de votre film !

Gaston entre à cour et se dirige vers elles.

Angèle : Ah oui ? Si on arrête le film, Eliane ne pourra pas y jouer, et vos meubles ne seront plus ceux d’une actrice et ils vaudront moins cher !

Judith : (lâchant le fauteuil à regret) C’est vrai. Bon, je l’expertiserai plus tard.

Gaston : (se laissant tomber sur le fauteuil) Si quelqu’un essaye de me déloger d’ici, il fera connaissance avec ma canne !

Maurice entre à cour.

Maurice : Alors, on se chamaille encore ?

Gaston : (tendant la main vers Judith qui s’écarte) Elles veulent me prendre mon fauteuil !

Angèle : Oh, et puis zut ! Je prendrai celui du metteur en scène.

Angèle sort à jardin.

Judith : (à Maurice) C’est ennuyeux : j’ai presque terminé, je ne sais toujours pas si Eliane veut vendre et je n’ai plus d’excuse pour rester ici. J’aimerais pourtant avoir l’œil sur le mobilier en attendant sa décision...

Maurice : Proposez-lui de faire son secrétariat, elle risque d’en avoir besoin...

Gaston : Sûrement ! Ma fille est une vedette de cinéma, il lui faut une secrétaire.

Judith : Ce n’est pas bête, j’en suis tout à fait capable. Mais vous croyez qu’elle acceptera ?

Maurice : Vous savez qu’elle n’a pas d’argent. Si vous lui proposez de faire ça gratuitement, elle marchera à tous les coups !

Judith : Gratuitement ? C’est un mot que je n’emploie jamais !

Maurice : Faudrait savoir ce que vous voulez...

Judith : Oui, bien sûr... Si c’est le seul moyen...

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Maurice : Et ce ne sera pas pour bien longtemps !

Judith : C’est bon. Je vais lui en parler.

Maurice : Allez-y, elle est dans sa chambre. Vous pourrez lui servir d’habilleuse par la même occasion.

Judith sort à cour.

Gaston : (se levant) J’irai bien me reposer un peu...

Maurice : Attention Gaston, si j’entends quelqu’un crier « Aïe » je vous lie les mains derrière le dos !

Gaston : (se dirigeant vers cour) C’est qu’il le ferait, cet animal !

Mélanie entre à cour, faisant un crochet pour éviter Gaston qui sort.

Mélanie : J’ai un problème !

Maurice : Vous aussi ? Dites-moi, je suis là pour ça !

Mélanie : Le porte-manteau qui est fixé sur la porte de la salle de bains ne tient plus très bien. Il faudrait le revisser et je n’ai pas de tournevis.

Maurice : Il y en a un dans la boîte à outils, dans le placard du couloir.

Mélanie : Comment savez-vous ça ?

Maurice : J’ai fureté dans toute la maison. J’aime bien connaître les lieux où je joue.

Mélanie : Bon. Je vais le chercher. Merci.

Mélanie sort à cour.

Maurice : J’ai l’impression d’être un chef d’orchestre. Qu’est-ce qu’ils feraient sans moi tous ces gens-là !

Eliane entre à cour.

Eliane : C’est super, j’ai une secrétaire ! Et gratuitement encore !

Maurice : C’est parce que vous la surveillez : vous l’avez à l’œil !

Eliane : Mais elle ne connaît rien en musique. J’essaye de me rappeler le nom d’un chanteur qui a été célèbre il y a quelques années.

Maurice : C’est vague, comme description...

Georges entre à jardin.

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Georges : C’est bien joli le cinéma, mais Madame n’a plus le temps de s’occuper de la maison. Il faut que ce soit moi qui fasse la cuisine, aujourd’hui.

Eliane : Plains-toi ! Je suis en train de sauver la propriété !

Georges : Et c’est moi qui trinque ! Bon, je vais faire du poisson, il y en a dans le congélateur. (à Maurice) Mais est-ce que je dois couper les citrons en morceaux ou bien les presser pour faire une sauce ?

Eliane : Au fait, que fait Mélanie ?

Maurice : (à Eliane) Elle visse (à Georges) Presse-les.

Georges sort à cour.

Eliane : C’est ça ! C’est le nom que je cherchais ! Elvis Presley ! Merci Maurice, vous êtes formidable !

Maurice : Je m’étonne moi-même !

Eliane sort à cour. Léon entre au centre.

Léon : Il est pas là, Monsieur Tomtom ?

Maurice : (s’asseyant) Il presse les citrons.

Léon : Les citrons ? Pourquoi faire ?

Maurice : Pour les poissons.

Léon : Du citron aux poissons ? Non d’un chien de bon sang ! Mais il va me les tuer... Mes petits poissons rouges !

Maurice : Ah non, les petits pois sont verts !

Léon : Comment qu’vous dites ?

Maurice : Ne cherchez pas, je me gaussais, j’ironisais, je calembourdais...

Léon : Vous êtes malade ?

Maurice : Mais non, mon brave Léon. A part ça, comment ça se passe avec l’accessoiriste ?

Léon : Avec qui ?

Maurice : Celle qui a toujours besoin de tout ce qu’elle voit

Léon : (béat) Ah, Angèle ! Ça va... Elle est bien cette petite !

Maurice : Tiens, tiens... Serait-ce une idylle ?

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Léon : C’est pas Idylle, c’est Angèle.

Maurice : J’avais compris...

Angèle entre au centre.

Angèle : Léon, j’aurais besoin d’une fleur. Ça ferait mieux si l’amoureux l’offrait une à sa belle avant de l’embrasser.

Léon : Je vais vous en offrir une, Angèle.

Angèle : Vous avez une grande queue ?

Léon : (sursautant, s’épongeant le front) Hein ? Heu... Elle est normale, sans plus...

Angèle : Parce qu’il faut qu’on puisse la tenir dans la main, vous comprenez ?

Léon a une crise de toux. Maurice s’amuse.

Angèle : Il ne pourrait pas tenir une pensée ou une primevère, par exemple. Il faut une queue plus longue, comme un iris ou une rose...

Léon : Ah d’accord ! J’ai eu peur !

Angèle : Vous avez peur de moi ?

Léon : (en extase) Non, Angèle.

Maurice : Léon, si vous prenez une rose, enlevez les épines et lavez-les avant la nuit.

Léon : Les laver ? Pourquoi ?

Maurice : Parce que l’épine dort sale !

Angèle : Ne l’écoutez pas, Léon. Venez avec moi.

Léon et Angèle sortent au centre. Eliane entre à cour, une feuille à la main, suivie de Judith.

Eliane : (déclamant) Une salade, un sac de pommes de terre, des oeufs, un pot de moutarde...

Maurice : (se levant) Qu’est-ce que vous racontez ?

Eliane : Chut, j’apprends mon rôle.

Maurice : Vous tenez un rôle d’épicière ?

Judith : Oh mon Dieu ! Je me suis trompée. Je vous ai donné la liste des commissions ! Je vais chercher votre texte. D’ailleurs, je vais vous donner la réplique, ce sera plus facile pour vous.

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Judith prend la feuille d’Eliane et sort à cour.

Eliane : Ça me semblait bizarre en effet ! Mon rôle est celui de l’arrière cousine de Maryse, la fiancée d’Oscar, le héros de l’histoire. Elle n’est pas d’accord pour que Maryse se marie avec Oscar parce qu’elle en est elle-même amoureuse, et elle fait tout pour l’en empêcher.

Maurice : C’est dramatique !

Eliane : Je dois apprendre trois pages pour demain, je n’y arriverai jamais !

Maurice : Mais si : vous avez bien appris votre rôle dans la pièce que nous jouons, sans ça vous ne seriez pas là ! Mais si votre auteur est aussi mauvais que le nôtre, j’aime mieux aller faire un tour dans le parc, ça me reposera...

Maurice sort au centre, Judith entre à cour avec deux feuilles. Elle en donne une à Eliane et lit l’autre.

Eliane : (lisant) Ma pauvre petite, réfléchissez avant de vous lancer dans cette aventure ! Votre amoureux a peut être un physique agréable, mais il n’est guère malin ! Il vaut mieux épouser un homme beau et intelligent que moche et idiot !

Judith : (arrêtant de lire) C’est une lapalissade !

Eliane : (arrêtant de lire) où voyez-vous une palissade ? Allons, reprenons.

Georges entre à cour. Eliane et Judith ne le voient pas

Eliane : Moi-même, j’ai fait cette erreur et je regrette tous les jours de m’être mariée !

Georges s’immobilise.

Judith : Je ne l’aurais jamais cru ! Vous semblez pourtant heureuse !

Eliane : Il faut faire contre mauvaise fortune bon cœur. De toutes façons, c’est trop tard, maintenant. Je boirai la coupe jusqu’à la lie.

Scandalisé, Georges sort à cour.

Judith : Hallali ? Vous pratiquez la chasse à courre ?

Eliane : (arrêtant de lire) C’est idiot, ça ! Ça ne veut rien dire !

Judith : (arrêtant de lire) Une fantaisie de l’auteur ? Ils sont parfois bizarres vous savez !

Eliane : Enfin... Reprenons. (lisant) De plus, je crois qu’il est violent.

Judith : Violent ? J’ai peine à le croire !

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Eliane : Et pourtant... (prenant des poses) Ne suis-je pas belle ? Ne suis-je point désirable ? Et ma conversation n’est-elle pas intéressante ? Eh bien malgré cela, un jour, ce que je lui ai dit lui a déplu. Alors il m’a donné un grand coup de pied au... (regardant la feuille de tout près) Le dernier mot est illisible...

Judith : C’est sans doute une faute de frappe...

Eliane : Ça c’est le mot juste !

Judith : Vous devriez en parler au dialoguiste. Vous avez son téléphone ?

Eliane : Oh oui ! Roland m’a donné tous ceux de son équipe. Un vrai annuaire ! Vous avez raison, nous allons l’appeler.

Eliane et Judith sortent à cour. Maurice entre au centre.

Maurice : (allant s’asseoir) Décidément, ce n’est pas plus intéressant dehors. Le dénommé Roland ressemble à un sémaphore et Claire à un bulldozer. J’ai peut-être eu tort de m’imposer dans cette pièce idiote.

Georges entre lentement à cour, triste et abattu.

Maurice : Ça n’a pas l’air d’aller mon pauvre Georges.

Georges : Ma femme ne m’aime pas.

Maurice : Holà ! En voilà une idée ! Je suis sûr que vous vous trompez !

Georges : Je me mets à sa place : je n’ai pas été capable de gagner assez d’argent pour payer la traite de la propriété, et elle est obligée de jouer la comédie pour compenser mon insuffisance.

Maurice : Je ne crois pas que ça lui déplaise !

Georges : (s’asseyant) Je crois que je vais rejouer aux courses.

Maurice : Ça ne vous a pas réussi la dernière fois !

Georges : Ben non... Et pourtant, j’étais allé voir les chevaux avant la course. J’avais repéré une pouliche magnifique. Elle s’appelle Agnès de la Boiterie.

Maurice : Et c’est elle que vous avez jouée ?

Eliane et Judith entrent à cour. Maurice et Georges ne les voient pas.

Georges : Bien sûr ! Mais si vous aviez vu Agnès, vous aussi vous auriez succombé !

Eliane et Judith s’immobilisent.

Maurice : Ça m’étonnerait : je ne suis pas très attiré par les coureuses !

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Georges : Moi je vous dis que si. Elle a des cuisses fuselées, une croupe magnifique...

Scandalisées, Eliane et Judith sortent à cour.

Maurice : N’empêche qu’elle n’est pas arrivée ! A votre place, j’essayerai plutôt de recoller les morceaux, avec Eliane.

Georges : Comment voulez-vous ?

Maurice : En la rendant jalouse, par exemple.

Georges : Je crois plutôt que ça empirerait les choses !

Maurice : Pensez-vous ! C’est une méthode qui a fait ses preuves.

Georges : (se levant) Peut-être, mais l’un n’empêche pas l’autre. C’est décidé, je retourne au champ de courses, c’est tout près d’ici.

Maurice : (se levant) Ne pariez pas trop gros, vous perdrez moins !

Georges sort à jardin. Claire et Angèle entre au centre.

Claire : C’est bon, le vieux n’est pas là, et l’antiquaire non plus. (montrant le fauteuil de Gaston) C’est celui-là que tu veux ?

Angèle : C’est ça.

Maurice : Oserais-je m’immiscer ?

Claire : (menaçante) Qu’est-ce qu’il raconte, le catcheur ? Qui est-ce qu’il veut mimmiscer ?

Maurice : Etes-vous sûre que les propriétaires approuveraient cet emprunt ?

Angèle : Eliane est tellement contente d’avoir un rôle qu’elle accepterait de nous prêter n’importe quoi.

Maurice : Avez-vous bien supputé les conséquences de votre acte ?

Claire : Si j’ai bien quoi ? Non mais soyez poli !

Gaston entre à cour.

Maurice : Le papy ne va pas être content.

Claire : Le vieux débris ? Que voulez-vous qu’il fasse ?

Gaston : (avançant, furieux) Le vieux débris va vous faire goûter sa canne ! Rendez-moi mon fauteuil !

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Gaston les menace de sa canne pendant que Claire et Angèle sortent au centre avec le fauteuil.

Gaston : Mon fauteuil ! Je veux mon fauteuil ! Sales bonnes femmes ! Suppôts de chambre !

Maurice : Asseyez-vous dans un autre !

Eliane et Judith entrent à cour.

Eliane : Qu’est-ce que c’est que ce chahut ?

Gaston : Les nanas du cinoche. Elles m’ont pris mon fauteuil !

Judith : Quoi ! Elles ont emmené le fauteuil ! C’est inadmissible !

Eliane : (triste) Ce n’est pas important. Elles le rendront.

Judith : Il faut qu’elles fassent attention de ne pas l’abîmer !

Eliane : Il y a beaucoup plus grave. Vous l’avez entendu, mon mari me trompe !

Gaston : (s’asseyant) C’est bien fait pour toi. Tu n’avais pas à épouser un zozo pareil !

Maurice : Vous êtes sûre de ce que vous avancez ?

Eliane : Hélas oui ! (pleurs) Mais je me vengerai !

Maurice : Comment ?

Eliane : Je ne sais pas encore. Peut-être en lui rendant la pareille... Ou en le rendant jaloux !

Maurice : Aïe ! L’histoire se corse ! Je subodore un sac de nœuds !

Judith : En attendant, vous feriez bien de continuer à apprendre votre texte. Venez.

Eliane : Vous avez raison.

Judith et Eliane sortent à cour en lisant.

Eliane : Si je vous dis tout cela, c’est pour vous mettre en garde, car j’ai de l’amitié pour vous...

Maurice : Me voilà seul avec Gaston ! (à Gaston) Vous n’avez pas l’air d’aimer beaucoup votre gendre ?

Gaston : C’est un bon à rien.

Maurice : Qu’est-ce que vous avez aux jambes ?

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Gaston : C’est l’arthrite. Mais je ne suis pas si vieux, c’est l’arthrite proportionnelle...

Maurice : Vous devriez marcher davantage. Voulez-vous que nous allions faire un tour dans le parc ? Allons dire bonjour à Léon.

Gaston : (se levant) Ma foi, pourquoi pas ? C’est bien aimable de votre part.

Maurice et Gaston sortent au centre, l’un soutenant l’autre. Angèle entre à jardin, prend un objet et sort à jardin. Eliane et Judith entrent à cour.

Eliane : J’arrête. Je n’arrive pas à me concentrer. Comment faire pour rendre mon mari jaloux ?

Judith : En faisant du charme à un autre, c’est évident !

Eliane : Oui mais à qui ? Si encore Roland...

Judith : Oubliez ça ! Qui d’autre... Maurice ?

Eliane : C’est un ami de Georges. J’ai peur qu’il ne marche pas...

Judith : Alors il ne reste plus que Léon !

Léon entre au centre.

Judith : Le voilà, justement. Je vous laisse.

Judith sort à cour.

Léon : C’est bien la première fois que je vois votre père se promener dans le parc ! C’est vrai que je ne suis là que depuis quelques jours...

Eliane : Papa ? Dans le parc ? C’est vrai qu’il n’y va pas souvent !

Léon : C’est l’autre, là... Maurice, qui lui tient le bras pour pas qu’il tombe.

Eliane : Sans blague ? Il fait preuve de gentillesse au lieu de faire de l’humour douteux ?

Léon : Qu’est-ce qu’il fait ?

Eliane : N’empêche, je ne suis tranquille que quand papa est au lit. Prions pour qu’il aille se coucher en rentrant.

Léon : (joignant les mains) Votre père qui êtes au pieu...

Eliane : Dites-moi mon brave Léon, comment me trouvez-vous ?

Léon : En vous cherchant dans le salon.

Eliane : Non, je veux dire... (prenant des poses) Physiquement. Vous me trouvez belle ?

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Léon : Pourquoi que vous me demandez ça ?

Eliane : Pour me rassurer. J’ai l’impression que mon mari me délaisse...

Léon : Alors, si c’est pour vous rassurer ! Vous êtes comme... Comme une orchidée sans queue.

Eliane : Pas de précisions grivoises. (se rapprochant de lui) Vous aimez les orchidées ?

Léon : Ben oui, comme tout le monde. Mais elles sont pas commodes à soigner.

Eliane : (se collant contre lui) C’est parce qu’elles ont besoin de beaucoup d’attentions.

Angèle entre à jardin.

Angèle : Eh bien, Léon, en voilà des façons !

Léon : (embarrassé) Mais je... C’est pas moi...

Eliane : (s’écartant de Léon) Qu’est-ce que vous voulez ?

Angèle : Rien.

Angèle sort à jardin, furieuse.

Léon : Voilà. A cause de vous...

Eliane : A cause de moi, quoi ?

Léon : Ben... Je... Oh, et puis zut !

Léon sort au centre. Georges entre à jardin.

Georges : Ça y est, j’ai gagné !

Eliane : Qu’est-ce que tu dis ?

Georges : J’ai gagné aux courses !

Eliane : Combien ?

Georges : vingt sept Euros cinquante.

Eliane : (haussant les épaules et se dirigeant vers cour) Imbécile !

Georges : Ben quoi, c’est un début, ça vaut mieux que de perdre !

Eliane sort à cour. Maurice et Gaston entrent au centre, l’un soutenant l’autre. Ils se dirigent vers cour.

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Maurice : Voilà ! Nous avons fait une petite promenade, et maintenant, Gaston est fatigué. Il va aller se reposer.

Gaston sort à cour.

Maurice : Alors, vous avez perdu combien ?

Georges : J’ai gagné ! Vingt sept Euros cinquante.

Maurice : Et vous avez misé combien ?

Georges : (abattu) Cinquante Euros.

Maurice : (allant s’asseoir) C’est ce qu’on appelle une belle opération !

Roland entre à jardin. Il ne voit pas Maurice et se dirige vers Georges.

Roland : Eh bien, mon chou, ça se passe comment, le métier de factotum garde du corps ?

Georges : (découragé) Rien ne se passe bien, ici. J’aurai tout raté dans ma vie.

Roland : Il ne faut pas dire ça mon loulou ! Ce qu’il vous manque, c’est une compagnie agréable, quelqu’un qui vous comprenne...

Maurice : (se levant brusquement) Et moi, alors ?

Surpris, Roland sursaute et se jette dans les bras de Roland en poussant un cri.

Roland : Ahhh !

Eliane entre à cour, scandalisée.

Eliane : C’est pas vrai !

Eliane sort à cour.

Georges : (se dégageant) Eliane, attends !

Roland : (avançant vers cour) Eliane, attendez, je suis venu vous demander si vous avez appris votre texte. Il faut qu’on répète !

Judith entre à cour.

Judith : Nous y travaillons, justement.

Roland : Comment ça, vous y travaillez ? Qu’est-ce qu’une antiquaire a à voir avec mes acteurs ?

Judith : J’ai changé de métier. Provisoirement !

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Maurice : Elle est secrétaire et habilleuse.

Roland : (se dirigeant vers jardin) Une antiquaire un jardinier et un catcheur. On m’aura tout fait !

Roland sort dignement à jardin. Eliane entre à cour.

Georges : Ah ! Eliane ! Je voulais te dire...

Eliane : Encore là ? Je ne vous parle pas, Monsieur ! Venez, Judith.Eliane et Judith sortent à cour.

Georges : Mais enfin !

Maurice : (à Georges) Elle est jalouse !

Georges : Jalouse ? Moi et... (geste vers jardin) Oh et puis pourquoi pas !

Maurice : Mais non, ça ne va pas du tout !

Georges : C’est vous qui m’avez dit de la rendre jalouse !

Maurice : Oui, mais pas avec Roland : si elle se fâche avec lui, plus de rôle, et plus d’argent...

Georges : C’est vrai.

Maurice : Je vais arranger ça.

Georges : Comment ?

Maurice : En lui expliquant ce qui s’est passé, tout simplement. En attendant, trouvez quelqu’un d’autre à séduire !

Maurice sort à cour. Claire entre au centre.

Claire : Dites-moi mon vieux, il y a un portillon au fond du parc. Le jardinier a la clé. On va le laisser ouvert, ça nous évitera de faire le tour pour entrer par-là (geste vers jardin) Vous croyez que votre patronne sera d’accord ?

Georges : Mais oui, au point où on en est !

Claire : OK, ça marche.

Claire fait mine de sortir au centre, Georges la retient.

Georges : Claire !

Claire : (se retournant) Ouais, qu’est-ce qu’y a ?

Georges : Vous devez être fatiguée, à force de faire des allées et venues ?

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Claire : C’est vrai. C’est le métier !

Georges : Venez donc vous asseoir cinq minutes pour vous reposer, Roland n’en mourra pas. Je peux vous offrir quelque chose à boire ?

Claire : Enfin un peu de douceur dans ce monde de brutes !

Claire va s’asseoir.

Georges : Vous voulez un jus d’oranges ?

Claire : J’aimerais mieux un scotch, si vous avez...

Georges : A cette heure-ci ? C’est grave !

Claire : Il n’y a pas d’heure pour les graves.

Georges va chercher un verre et une bouteille dans un meuble. Il verse et apporte le verre à Claire en gardant la bouteille dans la main. Elle boit et tend le verre vide.

Georges : Ah bon ? (il verse et va remettre la bouteille en place)

Claire : Il n’est pas mauvais. Ça donne des forces.

Georges : (s’approchant, séducteur) Vous savez que vous êtes jolie ?

Claire : J’y croirais quand j’aurai fini la bouteille !

Georges : Vos cheveux sont comme un chrysanthème un jour de grand vent.

Claire : Qu’est-ce qui vous prend ?

Georges : Vos oreilles comme des papillons sous la pluie...

Claire : Faut vous soigner !

Georges : Votre nez démontre que vous êtes une adepte (se mettant un doigt dans le nez) de la pèche sous-narine...

Claire : (geste du poing tournant devant son nez) C’est moi qui bois et c’est lui qui trinque !

Georges : (mettant un genou à terre devant elle) Votre bouche...

Claire : Stop ! Je vous préviens, l’inventaire s’arrête au niveau du cou.

Eliane entre à cour, suivie de Maurice et de Judith, qui porte des feuilles.

Eliane : Maurice m’a expliqué, mon chéri.

Elle voit Georges à genoux devant Claire. Elle est scandalisée.

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Eliane : Non mais c’est pas possible !

Georges se relève et s’écarte de Claire. Maurice avance vers lui.

Maurice : J’aime mieux ça. Ça ne te demande pas trop d’efforts ?

Claire : (se levant) Bon, c’est pas tout ça, mais il faut que j’aille bosser. A tout à l’heure.

Claire sort au centre.

Eliane : (furieuse) Georges, qu’est-ce que ça signifie ?

Maurice : (à Georges) Ça marche ! Viens, il ne faut pas rester là.

Maurice et Georges sortent à jardin. Roland entre au centre, quelques feuilles à la main, suivi d’Angèle.

Eliane : C’est honteux !

Judith : Attention Madame !

Roland : Le temps va se gâter. Ce n’est vraiment pas de chance. Qu’est-ce qui est honteux ?

Eliane : Mon mari ! Mon mari avec...

Judith : Madame, faites attention !

Angèle : Votre mari ? Il est venu ?

Eliane : (réalisant son erreur) Heu... Non. Je l’ai eu au téléphone.

Roland : Il vous harcèle ? Hou ! Le vilain ! Mais ça ne doit pas nous empêcher de travailler.

Angèle : Il va sans doute pleuvoir. Vous n’auriez pas un parapluie ?

Eliane : Si. (à Judith) Vous voulez bien aller le chercher ? Il est dans le couloir.

Judith sort à cour. Maurice entre à jardin.

Angèle : Il y a un chalet de jardin dans le parc. Ça vous ennuierait qu’on s’y mette à l’abri ?

Eliane : Non, allez-y. La porte n’est pas fermée.

Roland : (à Eliane) Alors ce texte, ça rentre ?

Eliane : Tant bien que mal.

Judith entre à cour avec un parapluie qu’elle donne à Angèle.

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Angèle : Merci. (avisant un objet) J’aurai aussi besoin de ça.

Angèle sort au centre avec l’objet et le parapluie. Mélanie entre à cour et commence à épousseter.

Roland : (à Eliane) voyons la scène juste avant le mariage. C’est un texte que j’ai rajouté moi-même parce que vous n’étiez pas prévue dans le scénario. Judith fera Maryse... Oh zut ! Il faudrait un homme pour faire Oscar.

Maurice : (approchant) Ne cherchez plus, je suis là.

Roland : (méfiant) Vous ? Vous croyez que vous pourrez ?

Maurice : Bien sûr ! Quand on a besoin de moi, je démarre Oscar de tour.

Roland : (lui donnant une feuille) Bon, essayons.

Roland recule, Eliane, Judith et Maurice se regroupent. Mélanie s’assoit en spectatrice.

Eliane : (lisant) Maryse, une dernière fois, n’épouse pas Oscar, ne fais pas cela !

Judith : (lisant) Je suis vraiment désolée de te faire du mal, mais il faut bien que je l’épouse, je l’aime, tu comprends !

Eliane : Alors, je dois t’avouer que moi aussi, je l’aime. Je ne pourrai survivre à votre mariage. Aie pitié de moi !

Roland : (pleurant) Que c’est beau ! Mais que c’est beau !

Maurice : (chiffonnant la feuille et la jetant) Et alors ? Moi j’aime le poulet, et c’est pas pour ça que je vais en épouser un !

Perdus, Judith, Eliane et Roland cherchent dans leurs feuilles.

Maurice : (déclamant) Si j’ai bien tout compris, Maryse cherche un mari. Elle a trouvé oscar et tu en es marrie. Mais la pauvre Maryse est tombée sur un os, car son arrière cousine ne veut pas de la noce.

Roland : Mais ça va pas, c’est pas dans le texte !

Maurice : (même jeu) Je vais donc vous quitter en abrégeant mes jours, et pour cela j’appelle Corneille à mon secours... Oh rage, oh désespoir, Oh détresse ennemie, n’ais-je donc tant vécu que pour être un ami ? (il tombe à genoux) Et puisque je ne peux épouser ma promise, puisque mon existence ne peut m’être permise, je dois mourir ici, sans faire mon testament... Mais aussi je l’espère, sous vos applaudissements.

Maurice s’allonge, comme mort. Mélanie applaudit. Roland trépigne et tape du pied.

Mélanie : Bravo Monsieur Maurice !

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Maurice se relève

Roland : Non, non, ça ne va pas. Mon beau texte ! Vous avez tout gâché !

Gaston entre à cour.

Gaston : Qu’est-ce que c’est que ce raffut ?

Eliane : C’est Maurice qui nous empêche de répéter.

Gaston : Ça ne m’étonne pas, c’est un copain de ton mari !

Gaston, la main tendue, s’approche de Mélanie qui se lève et s’écarte. Gaston s’assoit sur le siège laissé vacant.

Roland : (à Maurice) J’espère que vous ne restez pas jusqu’à la fin de la pièce, comment voulez-vous qu’on travaille ? (à Mélanie) Je reviendrai quand il sera parti.

Roland sort à jardin. Eliane recommence à épousseter.

Maurice : Puisque c’est ainsi, je vais braver les éléments déchaînés, et visiter le chalet de jardin. Vous n’avez plus besoin de moi pour le moment, je vous laisse.

Maurice sort au centre.

Eliane : (à Judith) Parlons de choses sérieuses. Vous avez vu Georges faire la cour à Claire ?

Gaston et Mélanie éclatent de rire.

Mélanie : C’est une blague ?

Gaston : Sacré Georges ! Il ferait des avances à un pitbull ! Il doit être en manque !

Eliane : Papa, je t’en prie ! (à Mélanie) Et vous, mêlez-vous de ce qui vous regarde !

Judith : Je l’ai vu, oui. C’est incroyable !

Eliane : C’est surtout inadmissible !

Mélanie : Rendez-le jaloux, vous verrez qu’il arrêtera !

Judith : Nous y avons pensé, qu’est-ce que vous croyez ?

Eliane : Le problème, c’est qu’il doit être là en même temps que Léon.

Nouvelle crise de rire de Gaston et Mélanie.

Gaston : Léon ? Tu donnes dans l’intellectuel, sacré non d’un chien de bon sang !

Mélanie : Vous ne pouvez pas trouver mieux ? Un clochard par exemple...

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Judith : (sévère) Faites votre travail et laissez-nous tranquille.

Mélanie : Non mais elle s’y croit, celle-là ! L’antiquaire secrétaire habilleuse !

Gaston et Mélanie : (Gaston scande en tapant par terre avec sa canne) Lé-on Lé-on Lé-on...

Mélanie est proche de Gaston. Léon entre au centre. Gaston et Mélanie applaudissent.

Léon : Qu’est-ce qui se passe, sacré non d’un chien de bon sang ?

Mélanie : (faisant une révérence) Nous espérions votre venue et vous arrivez aussitôt. Vous avez un sixième sens !

Léon : Parce qu’il y en a cinq ?

Mélanie : Ben oui : la vue, l’odorat, l’ouïe, le goût...

Gaston : (tendant la main vers Mélanie qui s’écarte) Le toucher !

Eliane : Qu’est-ce que vous racontez tous les deux ?

Judith : Vous ne pouvez pas rester tranquilles ? Moi je sors... Je vais chercher après Georges, il ne doit pas être bien loin. Je laisse Eliane avec Léon... Vous comprenez ?

Mélanie : (réalisant) Ah oui ! Je vais faire une promenade dans le parc. Vous venez, Gaston ?

Gaston : J’en ai déjà fait une tout à l’heure !

Mélanie : Ça ne fait rien, on recommence.

Mélanie lève Gaston de force, et le pousse devant elle pour éviter qu’il la pince. Ils sortent au centre, Judith sort à jardin.

Léon : Je suis déjà allé dans un hôpital psychiatrique, mais c’était moins grave qu’ici, non d’un chien de bon sang !

Eliane : Eh bien mon petit Léon, vous devez être fatigué ?

Léon : Ben... Je suis debout toute la journée !

Eliane : Alors, on va faire un break.

Léon : Un break ? Une voiture ?

Eliane : Mais non, une pause si vous préférez. Venez vous asseoir un moment.

Eliane prend Léon par la main et l’emmène s’asseoir.

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Eliane : Je peux vous offrir un scotch ?

Léon : J’aimerais mieux un verre d’eau.

Eliane : Je vous porte ça tout de suite.

Eliane sort rapidement à cour.

Léon : C’est vrai que ça fait du bien de s’asseoir un peu... Quelle famille de cinglés !... Je me demande où est Angèle. Je ne veux pas la perdre de vue trop longtemps...

Eliane entre à cour avec un verre d’eau. Angèle entre au centre et se dirige vers cour.

Angèle : J’ai encore besoin de quelques bricoles. Je peux aller voir si vous avez ce qui me manque ?

Eliane : (agacée) Ce n’est pas le moment. Allez-y mais sortez par la porte de service, au fond du couloir.

Eliane donne le verre d’eau à Léon.

Eliane : Voilà. C’est de l’eau fraîche, elle vient du frigo.

Léon : Merci Madame. (il boit)

Eliane : (s’asseyant à gauche de Léon) Appelez-moi Eliane.

Léon : Vous croyez ? Monsieur Tomtom va pas trouver ça bizarre ?

Eliane : On s’en fiche ! Vous, au moins, Léon, vous êtes un vrai homme.

Léon, surpris, se tourne en la bousculant légèrement.

Eliane : Vous faites mâle !

Léon : J’lai pas fait exprès.

Eliane : Non, vous faites mâle, avec un accent.

Léon : J’ai l’accent de mon pays. Ça vous blesse ?

Eliane : (en aparté) Ça ne va pas être de la tarte ! (à Léon) Autant vous le dire carrément, vous me plaisez. Votre front fuyant dénote une certaine intelligence, votre profil grec vous fait ressembler à un empereur romain, votre cou puissant trahit une force bestiale...

Léon : J’aimerais autant qu’on ne descende pas plus bas.

Eliane : Alors allez-y, faites-moi des compliments vous aussi.

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Léon : (la regardant attentivement) Ben heu... Votre oeil droit n’est pas mal...

Eliane : Le droit seulement ?

Léon : L’autre, je le vois pas bien, d’ici.

Eliane : Continuez.

Léon : C’est que j’ai pas bien l’habitude... Vos cheveux cachent les rides de votre front...

Eliane : Merci !

Léon : Vous avez un bouton sur le nez...

Eliane : (vexée) Vous appelez ça un compliment ?

Léon : (elle s’assoit sur les genoux de Léon) Et comme ça, vous me voyez mieux ?

Judith entre à jardin, suivie de Georges. Maurice entre au centre.

Georges : (furieux) Eliane ! Qu’est-ce que tu fais?

Eliane : (se levant) C’est à cause de mon nez.

Georges : C’est à cause de ton nez que tu es sur les genoux du jardinier ?

Eliane : Il paraît que j’ai un bouton. Tu ne me l’avais jamais dit !

Maurice : C’est moins grave qu’une fermeture éclair !

Georges : Je ne vois pas le rapport avec le jardinier.

Léon : (se levant et se dirigeant vers la porte du centre) C’est que le bouton, je ne le voyais pas bien. Alors elle s’est approchée pour que je le voie mieux.

Maurice : Il voulait bouton-nez mais elle n’a pas de boutonnière !

Georges : (à Léon, furieux) Et votre pif à vous, vous l’avez vu ? On dirait une courgette ! Vous allez me fiche le camp, espèce de...

Léon sort au centre.

Eliane : Si tu es désagréable avec le jardinier, il va s’en aller et tu devras d’occuper du parc toi-même.

Georges : Tu voudrais peut-être que je m’assoie sur ses genoux ?

Eliane : Oh et puis tu m’énerves. Venez Judith.

Judith : (se dirigeant vers cour) C’est vrai, nous n’avons pas de compte à vous rendre, après ce que vous avez fait !

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Eliane et Judith sortent à cour.

Georges : (à Maurice) Après ce que j’ai fait ? Qu’est-ce que j’ai fait ?

Maurice : Ce n’est pas à moi de te le dire. Interroge ta conscience.

Gaston entre au centre, poussé par Mélanie.

Gaston : (allant s’asseoir) Doucement ! Je ne m’entraîne pas pour les jeux olympiques !

Georges : Qu’est-ce que j’ai bien pu faire ?

Mélanie : Madame n’est pas là ?

Maurice : Elle était sur les genoux de Léon quand Georges est arrivé. Elle est partie avec Judith quand il s’est mis à crier.

Mélanie : (satisfaite) Ah bon. C’est très bien.

Georges : Comment ça, c’est très bien ? Vous trouvez très bien qu’Eliane s’assoie sur les genoux du jardinier ?

Gaston : En tous cas, ça se comprend. Quand on vit avec un type comme toi, on a besoin de compensations !

Georges se dirige vers Gaston, menaçant. Gaston lève sa canne, menaçant. Maurice s’interpose.

Georges : Tu n’es qu’une vieille deux-chevaux à la carrosserie pourrie incapable de rouler sans qu’on le pousse !

Gaston : Et toi tu n’as pas de cheval du tout. Tout dans le klaxon, rien dans le moteur !

Maurice : Allons, allons, ne tombons pas dans le mélodrame ! Calmez-vous tous les deux ! (au public) N’ayez pas peur, tout va s’arranger dans le troisième acte, je vous le promets !

RIDEAU

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ACTE III

Presque tous les meubles et objets ont disparu de la scène, à part les sièges (sauf celui de Gaston) et les meubles encombrants. Par terre, une feuille de carton (une boîte dépliée par exemple) Mélanie est assise. Eliane entre au centre, en pleurs, suivie de Judith et de Roland.

Roland : Ne pleurez pas mon petit, c’est la vie. Le dialoguiste n’a pas voulu de ma scène ! Le scénariste non plus, d’ailleurs.

Judith : Ça signifie qu’Eliane ne jouera pas dans votre film ! A cause d’un dialoguiste !

Roland : Oh, celui-là, je ne sais pas ce que je vais lui faire ! Je vais... Je vais... Je vais le bouder, tiens, ça lui apprendra.

Eliane : Et je vais perdre la propriété...

Roland : Vous ferez partie des petits dont je raconte l’histoire. J’avoue que je suis plus à l’aise avec eux qu’avec les grands !

Eliane : (hargneuse, à Mélanie) Et vous, pourquoi restez-vous assise au lieu de faire votre travail ?

Mélanie : Les sols sont propres. Que voulez-vous que j’époussette, il n’y a plus rien ici ! J’attends que tout revienne, pour pouvoir nettoyer.

Eliane : C’est vrai qu’Angèle a emmené presque tout ce qu’elle voyait. Mais il n’y a pas de raison pour que ça continue, puisque je ne fais plus partie de la troupe. (à Roland) Vous allez lui dire de tout ramener. Et plus vite que ça !

Judith : Bonne idée. J’imagine que je vais reprendre mon ancien métier, alors il faut faire revenir les meubles et les objets que je vais acheter.

Roland : D’accord, j’y vais, mais ne vous énervez pas, c’est mauvais pour le teint.

Roland sort au centre.

Eliane : (à Mélanie) Ne restez pas là à rien faire, ça m’énerve. Occupez-vous de mon père, tiens. Il ne veut plus revenir ici tant qu’il n’aura pas son fauteuil.

Mélanie : Bien Madame.

Mélanie se lève, prend la feuille de carton, se la place dans le bas du dos et sort à cour. Maurice entre à jardin.

Maurice : C’est le désert, ici !

Eliane : Je leur ai dit de tout ramener. Je ne leur prête plus rien. Il n’y a plus de raison, puisqu’ils ne veulent plus de moi... (pleurs)

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Judith : Et moi je vais pouvoir faire une proposition pour mes achats.

Maurice : (à Eliane) Ne regrettez rien, leur film ne vaut pas un clou.

Eliane : Moi qui pensais que c’était le début de ma carrière ! Comment gagnerais-je assez d’argent pour garder la propriété, maintenant !

Maurice : Ne vous en faites pas, je vous ai dit que tout s’arrangerait.

Georges entre à cour.

Georges : J’espère qu’ils vont bientôt nous rendre notre matériel !

Judith : Moi aussi !

Eliane : (à Georges) Toi, je ne te parle plus. Va retrouver Agnès, ou Claire.

Claire et Angèle entrent à jardin, portant le siège de Gaston qu’elles vont mettre en place, face au public.

Eliane : Tien, la voilà justement. Qu’est-ce que tu attends pour lui faire la cour ?

Claire : Ça, ce serait une bonne idée : la cour est dégoûtante avec ce qui est tombé cette nuit.

Georges : Laissons le jardinier s’en occuper. (à Eliane) Quoi qu’avec toi sur les genoux, ça ne va pas être facile !

Angèle : Je reviens avec d’autres bricoles. Pour remettre en place ce que j’ai pris dans les chambres, je passerai par l’entrée de service ?

Eliane : Ça vaut mieux, oui. Je ne suis pas d’humeur à vous voir aller et venir sans arrêt.

Judith : Vous voulez que je vous aide ?

Angèle : Non merci, ça va aller.

Claire et Angèle sortent au centre. Mélanie entre à cour, toujours avec le carton, suivie de Gaston.

Judith : Bon. Je vais mettre un peu d’ordre.

Judith sort à cour.

Gaston : (tapant sur le carton avec sa canne) Tricheuse ! (voyant son fauteuil) Mon fauteuil ! Mon fauteuil est revenu ! Hosanna ! (il va s’asseoir dans la pose du début)

Maurice : C’est vous qui devriez y aller, au sana !

Mélanie : Qu’est-ce que je fais, maintenant ?

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Eliane : Nos affaires reviennent. Attendez un peu.

Mélanie enlève le carton qu’elle pose et va s’asseoir.

Georges : (à Eliane) Dis donc, ça me revient...

Eliane : Je t’ai dit que je ne te parle plus !

Maurice : Veinard !

Georges : Alors écoute sans parler. Tu m’as dit il y a une minute : « Va retrouver Agnès ou Claire » De quelle Agnès parlais-tu ? Je n’en connais aucune.

Eliane : Ne fais pas l’hypocrite. Je t’ai entendu parler d’elle. Tu as même ajouté qu’elle avait des cuisses fuselées et une belle croupe.

Gaston : Vaurien ! Saligaud ! Tu aurais pu me la présenter !

Georges : (réalisant) Ah ! Je vois ! Il s’agit d’Agnès de la Boiterie, une pouliche qui m’a fait perdre de l’argent aux courses. (à Gaston) Si sa croupe vous intéresse, je vous y emmène. Mais si vous pincez trop fort, attention au coup de sabot !

Eliane : Agnès, c’est une jument ? C’est vrai ?

Maurice : Je peux vous le certifier. C’est à moi que Georges parlait quand vous l’avez entendu.

Eliane : (avec un élan vers Georges) Mon chéri ! (elle s’arrête) Oui mais, il reste Claire. Et je t’ai vu à genoux devant elle !

Claire et Angèle entrent avec des objets qu’elles remettent en place.

Eliane : (qui ne les a pas vues) Tu ne va pas me dire que Claire est une jument tout de même ?

Claire : J’espère bien qu’il ne va pas le dire ! Parce que s’il le dit je lui enfoncerais le nez jusqu’aux amygdales !

Gaston : Dis-le, Georges, dis-le !

Angèle : (à Claire) Qu’est-ce que ça peut nous faire, ce qu’ils disent ? On ne les verra bientôt plus. Je te remercie pour le coup de main. Le reste, je m’en charge.

Claire et Angèle sortent au centre.

Georges : (à Eliane) C’est bien à toi de me faire des reproches !

Léon entre au centre.

Georges : Tiens, voilà ton siège qui arrive ! Je ne demanderai pas à Mélanie de l’épousseter !

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Léon : Va bientôt falloir me remplacer.

Eliane : Comment ? Vous voulez nous quitter ?

Maurice : Il va sans doute ouvrir une mercerie, avec plein de boutons !

Georges : (à Eliane) Tu as dû lui écraser les jambes !

Léon : Je vais vous quitter, oui, Mais j’ai quelque chose à faire avant. Je vous dirai tout dans un quart d’heure.

Mélanie : C’est dommage, je vous trouvais sympa.

Léon : C’est parce qu’on est deux petits, au milieu des grands.

Georges : Mais enfin, pourquoi ? Vous n’êtes pas bien, ici ?

Léon : C’est pas ça le problème. Vous comprendrez tout à l’heure.

Léon sort au centre.

Maurice : Il est bien mystérieux !

Judith entre à cour avec des feuilles.

Judith : Qu’est-ce que je fais de votre texte ? Je le jette ?

Eliane : (prenant les feuilles) Montrez... (tristement) C’est bien mon texte. Mon texte que je ne dirai jamais ! Je commençais pourtant à le savoir... (déclamant) Moi-même, j’ai fait cette erreur, et je regrette tous les jours de m’être mariée !

Georges : Hein ? Qu’est-ce que tu dis ? C’est ton texte, ça ?

Eliane : Ben oui : j’étais l’arrière-cousine de la fiancée d’Oscar, et je disais ça pour qu’il ne l’épouse pas.

Georges : Mais alors... Ma chérie ! (élan vers Eliane mais il s’arrête) Oui mais il reste Léon. Et je doute qu’il soit amoureux de la fiancée d’Oscar !

Eliane : (rendant les feuilles à Judith) Détruisez cela, Judith. Je ne veux plus voir ces quelques feuilles qui me rappellent un fol espoir et qui remuent le couteau dans la plaie ouverte par Roland qui n’est pas près de se refermer.

Maurice : Roland ne se referme pas ? Il faut appeler le médecin !

Judith va poser les feuilles sur le carton, en en gardant une.

Judith : Celle-là je la garde, c’est la liste de ce que vous allez me vendre.

Mélanie commence à essuyer les objets revenus. Roland entre tristement à jardin, suivie de Claire.

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Roland : Voilà. C’est fini.

Mélanie : Eh oui. Madame n’est plus vedette de cinéma.

Judith : (s’asseyant) Et je ne suis plus secrétaire habilleuse.

Georges : (à Roland) Vous avez filmé votre scène ?

Roland : Pas tout à fait, mais je n’y crois plus. Je me suis fâché avec le scénariste.

Claire : Tu ne vas pas nous faire une déprime ! Un peu de nerf mon joli ! (elle lui donne une claque dans le dos)

Roland : Aïe ! Va doucement, tu sais que je suis fragile de l’estomac !

Claire : Chochotte, va !

Roland : Je crois que je vais laisser tomber ce film. Je vais en écrire un moi-même. Ça s’appellera « Bienvenue chez les grands » On y montrera des gens pleins aux as qui n’arrivent pas à trouver le bonheur et qui envient les petits qui sont heureux avec peu de choses.

Eliane : C’est l’inverse de « Bienvenue chez les p’tits » quoi !

Claire : T’as pigé cocotte !

Roland : C’est à peu près ça. J’aurai peut-être un rôle pour vous... (à Georges) Si vous restez près d’elle...

Eliane : (heureuse) C’est vrai ?

Mélanie : Madame referait du cinéma ?

Judith : Elle aura peut-être besoin de moi !

Roland : Oui mais ça ne pourra pas se tourner ici. A moins de faire passer un bulldozer dans le parc et de casser un peu la maison...

Georges : Ça va pas, non ! D’ailleurs elle ne sera bientôt plus à nous, puisque nous ne pouvons pas payer la prochaine traite.

Roland : (ébahi) Comment ça vous ne pouvez pas payer ? Vous vous êtes associé avec Eliane pour acheter la maison ?

Maurice : Et pan ! La gaffe ! La minute de vérité va suivre.

Eliane : Autant vous le dire, Georges est mon mari.

Roland : Non ? (scandalisé, à Georges) Vous avez épousé une femme !

Georges : Ça arrive à des gens bien, vous savez !

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Roland : Oh que je suis déçu ! Mais pourquoi me l’avez-vous caché ?

Georges : Eh bien heu... C’est que...

Maurice : Une fois de plus, il faut que j’intervienne. (à Roland) Eliane rêve d’être actrice, et Georges a toujours voulu faire du cinéma.

Georges : Moi ? Mais non !

Maurice : (lui faisant signe de se taire) Mais si. Tu as toujours rêvé de faire du cinéma. Ne me dis pas le contraire. Moi aussi d’ailleurs.

Gaston : Il serait bien dans un film d’horreur !

Maurice : Alors ils ont voulu se tâter... Pardon, se tester en jouant la comédie devant un grand metteur en scène, pour évaluer leur talent. Et ils y ont réussi, apparemment. De mon côté, j’ai timidement essayé de jouer les catcheurs.

Roland : Timidement ? Qu’est-ce qu’il vous faut ! (s’approchant de Maurice) Alors, vous n’êtes pas catcheur mon mignon ?

Maurice : Non, je suis karatéka. Je travaille aux abattoirs.

Roland : Aux abattoirs ? Comment se fait-ce ?

Maurice : En tuant une vache d’un coup de poing, je vais plus vite qu’avec leur matériel à la noix.

Roland : (reculant) Quelle horreur !

Eliane : En bref, j’ai épousé Georges.

Mélanie : Madame est mariée avec Monsieur.

Judith : Et Monsieur avec Madame.

Claire : Oui, ça paraît logique.

Gaston : Moi j’aurais dit catastrophique !

Roland : Eh bien il ne me reste plus qu’à vous dire au-revoir. Je vais aider à ranger le matériel dans les camions.

Claire : Tu me laisseras le plus lourd, comme d’habitude !

Roland : Adieu mes amis...

Maurice : Ah non, pas adieu ! On ne va pas finir comme ça. Revenez dire au-revoir tout à l’heure, sinon vous allez manquer le plus beau.

Roland : Le plus beau ? C’est quoi ?

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Maurice : La chute. Le dénouement, quoi ! Vous avez déjà vu une pièce se terminer en queue de poisson ?

Roland : Ah ? Bon. Nous revenons tout de suite alors.

Roland et Claire sortent à jardin. Angèle entre à cour.

Angèle : Voilà, j’ai tout remis en place. Je vais rejoindre les autres. Au-revoir tout le monde.

Maurice : Vous direz au-revoir plus tard. Revenez avec Roland et Claire, qui nous ont promis de venir nous saluer avant de partir.

Angèle : D’accord. A tout à l’heure.

Angèle sort à jardin.

Gaston : (se levant) Il faut que j’aille au petit coin.

Mélanie et Judith se lèvent et se mettent derrière leur siège. Georges s’approche de Gaston. Gaston fait un faux pas et Georges le retient pour l’empêcher de tomber.

Gaston : Merci ! (il s’immobilise) Je lui ai dit merci ! Je dois être malade ! (à Georges) C’est ta faute aussi : tu as eu un geste gentil ! Qu’est-ce qui t’arrive ?

Eliane : Mais Georges est toujours gentil, je me tue à le répéter mais tu ne veux pas me croire.

Georges : Ne nous attendrissons pas. (à Georges) Je vais vous conduire jusque-là.

Ils sortent à cour, Georges soutenant Gaston.

Maurice : C’est pas possible, ces deux-là vont se réconcilier ! Enfin tant mieux, parce que le bilan de la journée n’est pas brillant !

Judith : Pour moi, ça peut aller... A condition que vous ne soyez pas trop exigeante sur le prix des meubles...

Mélanie : Mais moi, j’ai l’impression que je vais perdre ma place, parce que vous n’avez pas d’argent pour me payer. Remarquez que je me plais bien ici. Si vous voulez, je resterais si vous me donnez de quoi manger, en attendant que ça aille mieux...

Eliane : Vous feriez ça ? Vous êtes épatante, Mélanie. Mais je ne sais pas combien de temps nous pourrons rester ici. Il faudra que je négocie avec le vendeur pour le faire patienter...

Judith : Défendez-vous. Il ne faut pas qu’il vous prenne pour une poire !

Maurice : Tant qu’il y a de la vie il y a des poires !

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Eliane : Ce qui me fait le plus de peine, c’est que Georges a voulu me tromper avec Claire et qu’il m’ait vue sur les genoux de Léon...

Mélanie : Claire va s’en aller définitivement, il n’y pensera plus.

Maurice : Quant à l’épisode Léon, dites la vérité à Georges, c’est ce qu’il y a de mieux à faire.

Georges et Gaston entrent à cour, l’un soutenant l’autre.

Georges : Ça va aller, Gaston ? Venez vous asseoir.

Georges conduit Gaston jusqu’à son fauteuil, où il s’assoit.

Gaston : Merci Georges... Mais ! Je lui ai encore dit merci ! Il faudra que je me fasse soigner...

Georges : Ce fut un plaisir mon cher beau-père.

Eliane : (à Georges) Tu ne crois pas que tu en fais trop ?

Georges : Bah ! Nous sommes condamnés à vivre ensemble, et ce sera sans doute dans un logement beaucoup plus petit. Un appartement... Peut-être même un logement social. Alors, on ne va pas passer notre vie à se bagarrer...

Gaston : Comment ça un logement social ?

Georges : Forcément : la vente de la propriété va être annulée puisque je ne peux pas payer. Il faudra bien que je trouve un autre logement, en rapport avec mes moyens. Et si vous voulez continuer à habiter avec nous...

Gaston : Je n’avais pas pensé à ça !

Mélanie : Dans le fond, j’y gagnerai : ça me fera beaucoup moins de travail !

Gaston : (perdu dans ses pensées) Un appartement...

Judith : Moi aussi, je suis gagnante : vous n’aurez pas assez de place pour caser tous vos meubles, alors vous allez me les vendre !

Gaston : Plus de jardin...

Maurice : Roland pourra aller filmer chez vous, vous serez les petits !

Angèle entre au centre, portant un objet.

Angèle : C’est à vous, ça ? J’avais oublié de le ramener.

Eliane : Oui, c’est à moi. Posez-le.

Judith : D’ailleurs, ça n’a aucune valeur.

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Angèle : Je vais attendre Roland ici, je n’ai plus rien à faire là-bas.

Maurice : Si vous voulez. (à Eliane) Alors, Eliane, vous n’avez rien à dire à Georges ?

Eliane : (surprise) Moi ?

Maurice : Ben oui ! Vous ne voulez pas que je mette à genoux ? ... (plus fort) A genoux ! Vous avez la comprenette enrayée ?

Eliane : Ah ! Oui, Georges, il faut que je t’explique. C’est vrai que je me suis assise sur les genoux de Léon.

Georges : Je le sais bien que c’est vrai, je l’ai vu !

Eliane : C’était pour te rendre jaloux. Tu comprends, quand je t’ai entendu parler de la croupe de cette Agnès, j’ai cru qu’il s’agissait d’une femme...

Gaston : Moi aussi !

Eliane : Et puis je t’ai vu à genoux devant Claire... Alors j’ai cru qu’en te rendant jaloux, tu t’intéresserais plus à moi.

Georges : (heureux) C’est vrai ? Eh bien tu sais, avec Claire, c’était pour la même raison. Je voulais te rendre jalouse.

Eliane : Mon chéri !

Eliane se jette dans les bras de Georges. Léon et Claire entrent à jardin. Eliane et Georges ne les voient pas.

Eliane : Comment ais-je pu croire que tu faisais la cour à un boudin comme Claire !

Georges : Et moi que tu t’intéressais à cette andouille de Léon !

Léon : (menaçant) Si vous continuez comme ça, je vous flanque une patate !

Eliane et Georges sursautent en poussant un cri. Roland entre au centre.

Maurice : Et vous auriez raison : Avec du boudin et de l’andouille, il faut des patates !

Roland : Qu’est-ce qui se passe ? On donne un cours de cuisine ?

Claire : Presque. On va bientôt parler de marrons !

Angèle : Ou bien de tarte, à la rigueur...

Roland : Vous me mettez l’eau à la bouche. (à Maurice) C’était ça votre surprise ?

Maurice : Pas du tout, mais on y arrive. Bon... Tout le monde est là, si j’ai bien compté... (au public) Mesdames et messieurs, vous êtes en train d’assister à une

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représentation du Barnum Circus. Avec les duettistes Georges et Eliane, mariés pour le meilleur et surtout pour le pire, qui jonglent avec les maladresses pour se rendre mutuellement jaloux. Avec Roland, évadé de la cage aux folles, metteur en scène de ménage. Avec Claire et Angèle, dans leur numéro de déménageurs musclés. Avec Gaston, l’homme-crabe, émule de Mathusalem, qui manie la canne comme une cheftaine de majorettes. Avec Mélanie, la reine du plumeau et de la brosse à reluire. Avec Judith, qui peut effectuer à la fois le travail d’une antiquaire, d’une secrétaire, d’une habilleuse et d’une enquiquineuse. Avec Roland, votre serviteur, acrobate, qui fourre son nez partout sauf où il devrait être (éventuellement un petit pas de danse) Et avec le jardiner Léon, amoureux des orties et des orchidées... Jardinier mais... En êtes-vous sûrs ?

Léon : C’est pas bientôt fini, votre cirque ?

Maurice : C’est fini, je me calme Monsieur le jardinier.

Léon : Il n’y a pas plus de jardinier que de cervelle dans votre tête. Je me présente : sergent Léoni, de la police locale.

Exclamations surprises.

Gaston : Qu’est-ce qu’un policier vient faire dans cette histoire ?

Léon : Arrêter un coupable.

Eliane : Coupable de quoi ?

Léon : De vol.

Nouvelles exclamations.

Léon : Je vais vous expliquer, mais auparavant, je voudrais demander quelque chose à Judith.

Judith : (s’approchant) Que voulez-vous ?

Léon : Si j’ai bien suivi, vous avez fait un inventaire de tout ce que vous aimeriez acheter dans cette baraque ?

Judith : C’est exact.

Léon : Donc, de tous les objets de valeur ?

Judith : Bien entendu ! Je ne vais pas acheter des saletés que je ne pourrai pas revendre !

Léon : Eh bien vous allez recommencer.

Judith : Vous vous moquez de moi ?

Léon : J’en ai l’air ? Reprenez votre liste et pointez tout ce que vous avez noté. Allez, dépêchez-vous.

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Judith regarde la feuille qu’elle avait gardée et fait le tour de la pièce en regardant les objets.

Léon : Pendant ce temps-là, je vais vous raconter une histoire.

Mélanie : Chouette, j’adore les histoires.

Léon : Il était une fois une femme dénuée de scrupules qui cherchait un moyen de gagner de l’argent au dépends des autres.

Georges : C’est une histoire vraie ?

Léon : Absolument. Cette femme, qui est loin d’être bête, s’est faite embaucher dans un studio de cinéma, comme accessoiriste. N’est-ce pas, Angèle ?

Angèle : De quoi parlez-vous ?

Léon : De vous. Et n’essayez pas de vous enfuir, nous sommes assez nombreux pour vous en empêcher.

Claire : Je ne comprends pas. Qu’est-ce que vous lui reprochez ?

Léon : Vous allez comprendre. Judith, vous avez fini ?

Judith : Pour ce qu’il y a dans le salon, oui.

Léon : Faites la même chose dans le reste de la maison.

Judith sort à cour avec son papier.

Léon : Je reprends. Bizarrement, des objets de valeur disparaissent sur les lieux de tournage. J’ai été alerté, bien qu’il n’y ait pas eu de plainte de déposée. Alors je me suis renseigné. La combine est simple. (à Roland) Roland, comment avez-vous choisi cet endroit pour y tourner la scène que vous venez de filmer ?

Roland : C’est vrai que c’est elle qui me l’a proposé.

Léon : Et voilà. Elle s’arrange toujours pour être près d’une propriété luxueuse, et comme par hasard il lui manque toujours quelque chose. Alors elle s’arrange pour emprunter un tas d’objets.

Angèle : Mais puisque je les rends !

Léon : C’est là qu’elle procède avec finesse. Après les avoir expertisés, elle en garde un ou deux qu’elle planque dans un véhicule. Et elle est assez maligne pour choisir ceux dont vous ne vous apercevrez pas tout de suite de leur disparition. Quand vous vous en rendrez compte, elle sera loin. Et allez prouver quelque chose, dans quelques jours ? Les objets seront en sécurité. Ou déjà revendus.

Judith entre avec son papier.

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Judith : Il manque un vase de Sèvres qui était dans la penderie...

Georges : (à Eliane) Qu’est-ce qu’il faisait là ?

Eliane : Je ne savais pas où le mettre, je n’avais pas de place...

Judith : Et une statuette qui se trouvait dans le meuble, à côté du lit.

Georges : Il faudra que tu apprennes à ranger tes affaires !

Maurice : (à Judith) Vous aviez vraiment tout fouillé !

Judith : J’ai fait mon travail !

Léon : Vous trouverez tout ça dans le véhicule d’Angèle.

Roland : Judith m’a abusé ! Quelle honte ! Je ne trouve pas de mots assez forts ! (à Judith) Vous êtes... Vous êtes une vilaine, voilà !

Angèle : C’est bon, j’avoue. Tout ce qu’a dit Léon est vrai. Mais il a oublié une chose. Quand Roland m’a embauchée, je n’avais pas d’argent, et je voulais soigner mon pauvre père, qui a une cirrhose.

Gaston : Ça c’est bien !

Maurice : Dans la vie, tout n’est pas si rose...

Angèle : (pleurnichant) Je ne pouvais pas l’abandonner, vous comprenez ?

Tout le monde est triste, sauf Léon et Maurice. Certains sortent leur mouchoir. Maurice mime un violoniste.

Maurice : Les deux orphelines, maintenant !

Angèle : D’ailleurs, vous pouvez vérifier, j’ai gardé tous les papiers, les factures de ventes et d’achats. Vous verrez que les dates de revente des objets que j’ai pris correspondent avec celle de l’achat de médicaments non remboursés (Papa n’a jamais voulu prendre une mutuelle) et de celles des frais d’hôpital, parce que je voulais que papa soit seul dans une chambre, et qu’il ait la télé.

Gaston : Bravo !

Léon : (à Georges) Alors, vous portez plainte ?

Georges : Ben... Heu... Etant données les circonstances...

Eliane : Et ce que vient de nous dire Angèle...

Georges : Je crois que je vais renoncer à la poursuivre.

Gaston : Bravo mon gendre ! Ça c’est parlé !

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Léon : Si je comprends bien, j’ai fait une enquête pour rien ! Et j’ai joué les jardiniers idiots en pure perte !

Georges : Non : vous avez ramené une voleuse dans le droit chemin. Parce que je crois qu’elle ne recommencera plus. N’est-ce pas Angèle ?

Angèle : Ça je peux vous le jurer !

Georges : (à Léon) Si je pouvais garder la propriété, je l’embaucherais comme gouvernante, elle s’entend bien avec ma femme.

Gaston : Eh bien l’argent dont tu as besoin, je vais te le donner !

Georges : Comment dites-vous ça ?

Gaston : En ouvrant la bouche. Je ne me vois décidément pas vivre dans un petit appartement avec toi qui tournerait tout le temps autour de moi.

Eliane : Tu ferais ça, papa ?

Gaston : Puisque je te le dis ! Et je veux que tu embauches Angèle. Comme ça elle sera toujours au milieu des tes saletés, ce sera sa punition.

Angèle : (s’approchant de Gaston) Monsieur, vous êtes mon sauveur, je ne sais comment vous prouver ma gratitude (elle tourne le dos à Gaston) Et je vous remercie tous, vous êtes formidables ! (fort) Aïe ! (elle se met les mains sur les fesses et s’éloigne de Gaston)

Roland : Je suis ému !

Maurice : Bravo, vive Zému !

Roland : Puisque tout à l’air de s’arranger, je reprendrais bien le tournage du film mais je n’ai plus d’accessoiriste !

Claire : Ne t’en fais pas pour ça mon biquet, je suis capable de me débrouiller sans elle !

Roland : (joyeux) C’est vrai ? Alors nous reviendrons demain pour terminer la scène, et puis nous finirons le film !

Maurice : Il s’appelle comment déjà, votre film ?

Tous : Bienvenue chez les p’tits !

RIDEAU

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