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BIOENERGETIQUE

BIOENERGETIQUE corrigée

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PLAN

I. INTRODUCTION GENERALE

I.1. DéfinitionsI.2. Principes fondamentauxI.2.1. Conservation de la masse : bilan de matièreI.2.2. Conservation de l’énergie : bilan d’énergieI.2.3. Equivalence des différentes formes d’énergie : unités de mesure

I.3. Echanges de matière I.4. Echanges d’énergieI.4.1. Echange chimique I.4.2. Energie mécaniqueI.4.3. Energie thermique

II. BIOENERGETIQUE CELLULAIRE

II.1. Données généralesII.2. Voies du métabolisme énergétique cellulaireII.2.1. GlycolyseII.2.2. Phases aérobies du métabolisme énergétique

II.3. Catabolisme des lipides et des protidesII.4. Bilan énergétique globalII.5. Réversibilité des réactions de dégradation des substrats énergétiques

III. METHODES DE MESURE DU METABOLISME ENERGETIQUE DE L’HOMME : METHODES CALORIMETRIQUES

III.1. Introduction – Principes générauxIII.2. Thermochimie alimentaireIII.3. Thermochimie respiratoireIII.4. Méthode des égestaIII.5. Méthodes de calorimétrie directeIII.5.1. Calorimétrie directe fractionnelle ou répartitiveIII.5.2. Calorimétrie directe globale

III.6. Estimation des variations des stocks énergétiquesIII.6.1. Stocks d’énergie chimiqueIII.6.2. Stocks d’énergie thermique

IV.RESULTATS DES MESURES DES ECHANGES ENERGETIQUES : LA DEPENSE ENERGETIQUE

IV.1 IntroductionIV.2. Dépenses énergétiques de fonctionnementIV.2.1. Contraction musculaire

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IV.2.2. Homéothermie IV.2.3. Prise alimentaire

IV.3. Dépense énergétique de fondIV.3.1. Masse corporelle biologiquement active et loi des surfacesIV.3.2. Métabolisme de basIV.3.3. Interprétation de la loi des surfaces

IV. COUVERTURE DES DEPENSES ENERGETIQUES : RATION ALIMENTAIRE

V.1. Introduction V.2. Besoins énergétiquesV.2.1. Estimation des besoins énergétiquesV.2.2. Couvertures des besoins énergétiques

V.3. Besoins spécifiquesV.3.1. Besoins en oxygèneV.3.2. Besoins protidiquesV.3.3. Besoins glucidiquesV.3.4. Besoins lipidiquesV.3.5.Besoins en matériaux non énergétiques

VI. HOMEOSTASIE BIONERGETIQUE

VI.1. IntroductionVI.2. Régulation thermiqueVI.2.1. Bilan thermiqueVI.2.2. Modèles de thermorégulationVI.2.3. Identification des éléments du modèleVI.2.4. Thermorégulation comportementale VI.2.5. Hyper- et hypothermies

VII. GESTION DES STOCKS D’ENERGIE CHIMIQUEVII.1. Gestion à court terme des stocks d’énergie chimiqueVII.1.1. Phase d’absorption alimentaireVII.1.1. Phase de jeûneVII.1.3. Contrôle hormonal

VII.2. Gestion à long terme des stocks d’énergie chimique

VIII. CONCLUSION GENERALE

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I. INTRODUCTION GENERALE

I.1. DéfinitionsLa bioénergétique est l’étude des phénomènes d’échanges et de transformations d’énergie permettant la vie chez l’homme. Mais, alors que l’essentiel des échanges d’énergie, ainsi que leur contrôle, s’effectuent à l’échelle de l’organisme entier confronté à son environnement, inversement, les transformations d’énergie se situent à un autre niveau d’organisation : la cellule. Tous les êtres vivants, organismes animaux compris, sont des systèmes ouverts, c'est-à-dire qu’ils échangent avec leur environnement de la matière et de l’énergie. En ce qui concerne l’énergie, l’observation montre que ces échanges se font sous trois formes principales : chimique, thermique et mécanique. L’énergie chimique, quantitativement la plus importante, exige un support matériel ; les échanges d’énergie sont donc, pour une large part, associés aux échanges de matière qui, de ce fait, doivent aussi être pris en compte. En vue d’une nécessaire quantification, nous considérerons par la suite que les entrées de matière (M) ou d’énergie (W) sont toujours des gains, positifs pour l’organisme, alors que les sorties sont toujours des pertes et, donc comptées négativement.

I.2. Principes fondamentaux

I.2.1. Conservation de la masse : bilan de matièreLes organismes vivants, quels qu’ils soient, ne créent ni ne détruisent de matière, ce qui permet d’écrire un bilan de matière : les entrées de matière (gains, EM) sont pondéralement égales aux sorties de matière (pertes, SM), aux variations des stocks près (BM).

EM – SM = BM

Si EM est supérieur à SM, le bilan de matière BM est positif et les stocks de matière s’accroissent : c’est le cas des organismes en croissance. Si EM est inférieur à SM, le bilan BM

est négatif et les stocks de matière diminuent, ce qui est le cas lors des périodes d’amaigrissement, le plus souvent pathologiques lorsqu’elles sont spontanées. Enfin si EM est égal à SM, BM est nul ; c’est le cas de l’Homme adulte normal en bonne santé. Cette troisième situation est qualifiée de régime stationnaire, caractérisé par une masse corporelle constante. I.2.2. Conservation de l’énergie : bilan d’énergieComme dans le cas de la masse, les organismes vivants ne créent ni ne détruisent d’énergie. Un bilan d’énergie similaire peut donc être fait: les entrées d’énergie (EE) sont égales aux sorties d’énergie (SE), aux variations près des stocks d’énergie (BE).

EE – SE = BE

Comme dans le cas de la masse, et selon les valeurs respectives de EE et SE, BE peut être positif, négatif ou nul suivant que l’organisme accroît, diminue ou conserve ses stocks d’énergie. Ceux-ci étant essentiellement d’origine chimique, et donc liés aux stocks de

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matière, les variations de la masse corporelle, si le bilan hydrique est nul, reflètent les tendances, sinon la valeur exacte, des variations du bilan d’énergie.

I.2.3. Equivalence des différentes formes d’énergie : unités de mesureL’observation montre que les formes d’entrée et les formes de sortie de l’énergie sont différentes. Il y’a donc transformation de l’énergie dans l’organisme, transformation qui porte le nom général de métabolisme énergétique. Transformation et conservation de l’énergie supposent, en accord avec le premier principe de la thermodynamique, une équivalence des différences formes d’énergie entre elles. Cette équivalence, de grande importance pratique dans une discipline expérimentale comme la bioénergétique, pousse à respecter l’identité des unités de mesure quelle que soit la forme d’énergie considérée, chimique, thermique ou mécanique. On ne saurait trop conseiller d’utiliser les unités du système international (SI), joule et watt, au détriment d’unités de systèmes incohérents comme la calorie, le kilogrammètre, etc.Les tableaux 1 et 2 donnent les équivalences et les coefficients de conversion entre les unités du SI et les calories ou kilogrammètres encore parfois utilisés.

A B Joule Kcal Kg mJoule 1 239. 10-6 102. 10-3

Kcal 4185 1 427Kg m 9.81 2,34. 10-3 1

A = n B ; exemple : 1 kcal = 4 185 J.

Tableau 1 : équivalence de trois unités d’énergie : joule, kilocalorie, kilogrammètre.

A B Watt Kcal. h-1 Kg m.min-1

Watt 1 860. 10-3 6,116Kcal. h-1 1,163 1 7,112Kg m.min-1 164. 10-3 141. 10-3 1

A = n B; exemple: 1 kcal/h = 1,163 watt.

Tableau 2 : équivalence de trois unités de puissance : watt, kilocalorie par heure,

kilogrammètre par minute.

I.3. Echanges de matière Ils s’effectuent par différentes voies, sous différentes formes, et sont souvent liés d’une façon ou d’une autre aux échanges d’énergie : la voie digestive par l’absorption alimentaire et l’exonération fécale, ainsi que la voie rénale par l’excrétion urinaire, participent aux échanges d’énergie chimique ; la voie cutanée, par la sécrétion sudorale, intervient dans les échanges thermiques ; la voie respiratoire, du fait de la fixation d’oxygène et du rejet de gaz carbonique, témoigne de la nature aérobie et reflète l’intensité des processus énergétiques.

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La matière échangée par les organismes animaux est de composition chimique élémentaire relativement simple. Elle est constituée en majeure partie de carbone, d’hydrogène, d’oxygène et d’azote, généralement associés dans des structures moléculaires complexes. Les relations intramoléculaires réciproques de ces quatre composants constituent d’ailleurs le support essentiel de l’énergie chimique concernant les organismes animaux. Les échanges de matière comportent, de plus, un certain nombre de minéraux dont les principaux sont quantitativement le sodium, le potassium, le chlore, le calcium et le phosphore.

I.4. Echanges d’énergie

I.4.1. Echange chimique Les organismes animaux sont dits hétérotrophes car ils n’utilisent, comme source d’énergie, que l’énergie chimique constitutive d’un certain nombre de molécules organiques complexes, les lipides, les glucides et les protides d’origine animale ou végétale. L’énergie est libérée au profit de l’organisme par la rupture des liaisons carbone-hydrogène de ces molécules complexes et leur oxydation finale en gaz carbonique et en eau. L’énergie ainsi libérée est stockée pour utilisation ultérieure par les petites molécules phosphorées que sont les adénosines phosphates (ATP, ADP) et la créatine phosphate (CP). Il y’a cependant déperdition d’énergie car le rendement de ce couplage oxydation-phosphorylation est inférieur à l’unité. Certaines substances, comme les hormones thyroïdiennes, peuvent faire varier ce rendement.Les mitochondries sont le siège intracellulaire de ces processus énergétiques intracellulaires qui peuvent être résumés par la réaction :

Lipides + O2 CO2 + H2O + W

Glucides

Protides + O2 CO2 + H2O + urée + WIl est possible de déterminer la quantité W d’énergie chimique apportée à l’organisme par une substance alimentaire. Pour ce faire, la substance est oxydée, in vitro, dans un appareil appelé bombe calorimétrique. Il s’agit en fait de provoquer la combustion de la substance dans une atmosphère d’oxygène pur et de mesurer l’énergie thermique ainsi libérée. D’après le principe de conservation de l’énergie, si les produits d’oxydation finals de la substance considérée sont identiques à ceux libérés dans l’organisme, les énergies mises en jeu dans la bombe et dans l’organisme sont identiques, quelle que soit la succession des réactions chimiques qui fait passer la substance de son état initial à son état final (principe de l’état initial et de l’état final). L’énergie chimique contenue par une substance est le plus souvent rapportée à son unité de masse, le gramme en général : cette quantité, exprimée en joules (ou calories) par gramme, est appelé équivalent énergétique de cette substance.Pour les lipides et les glucides, composés exclusivement de carbone, d’hydrogène et d’oxygène, l’application de cette méthode est relativement simple, les produits d’oxydation

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dans l’organisme et dans la bombe étant identiques : CO2 et H2O. L’équivalent énergétique ainsi déterminé est respectivement de 38 et 17 kJ.g-1 (9 et 4 kcal.g-1). Pour les protides, le problème est un peu plus complexe car leur dégradation conduit à C2O + H2O + urée dans l’organisme et à C2O + H2O + N2 dans la bombe, où l’urée est totalement oxydée. Pour retrouver la valeur de l’équivalent énergétique des protides applicable à l’organisme, il faut donc soustraire de la quantité d’énergie obtenue à la bombe, celle qui revient à l’oxydation de l’urée. Dans ces conditions, l’équivalent énergétique des protides est de à 17 kJ.g-1 (4 kcal.g-1), identique à celui des glucides.Que devient cette énergie dans l’organisme ? Dans un premier temps, comme cela a été évoqué plus haut, elle est transférée, non sans une certaine perte thermique, à des petites molécules phosphorées (ATP, ADP, CP) spécialisées dans le transport de l’énergie chimique au sein de l’organisme. Ultérieurement, elle gagne les sites où elle est utilisée afin de permettre différents processus métaboliques. Ainsi, elle intervient dans la synthèse de la propre substance de l’organisme (anabolisme). De nouvelles molécules sont en effet construites en permanence pour remplacer celles qui sont détruites, même chez l’adulte dont le poids reste stable. Elle permet aussi de maintenir les différences de concentration d’un point à l’autre de l’organisme, par exemple de part et d’autre de la membrane cellulaire pour le Na+ et le K+ : la pompe à Na+ est en effet grosse consommatrice d’énergie. Cette énergie intervient encore dans les transports de matière dans l’organisme : progression du bol intestinal, circulation sanguine, ventilation pulmonaire, etc. Enfin, elle est nécessaire à la contraction musculaire, le muscle étant spécialisé dans la conversion de l’énergie chimique en énergie mécanique.L’énergie chimique consommée est finalement transformée essentiellement en énergie thermique (80 % de l’énergie initiale) et mécanique (20 %). A la différence d’autres espèces animales, il ne semble pas exister, chez l’Homme adulte, de tissu spécifiquement consacré à la conversion de l’énergie chimique en énergie thermique comme le fait le muscle pour l’énergie mécanique. L’énergie thermique, chez l’Homme, est en fait un sous-produit des transformations énergétiques. En effet, le rendement des réactions consommatrices d’énergie est toujours inférieur à l’unité, ce qui implique des pertes thermiques au cours de toutes les transformations énergétiques de l’organisme. Finalement, exception faite de l’énergie mécanique, toute l’énergie chimique consommée est transformée en chaleur.

I.4.2. Energie mécaniqueL’énergie mécanique est la forme de sortie d’énergie la plus apparente chez les organismes animaux : elle correspond à l’énergie consommée pour le maintien de la posture, la réalisation des gestes et mouvements, le déplacement de l’individu à la surface du globe. Elle trouve son origine dans la contraction musculaire liée au raccourcissement du sarcomère. Ce mécanisme s’accompagne de consommation d’énergie chimique fournie par l’ATP et d’un dégagement de chaleur relativement important, témoin du faible rendement de la transformation.Par définition, l’énergie mécanique mise en jeu par un déplacement est égale au produit de la longueur du déplacement (1) par la force nécessaire à la réalisation de ce déplacement (F) :

W = F x 1

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Ce principe est parfois d’application simple ; par exemple, pour déplacer verticalement une masse de 1 kg sur une hauteur de 1 m, l’énergie mécanique mise en jeu est de 1 m x (1 kg x 9,81 m/s-2) = 9,81 J. De même, un randonneur pesant 70 kg et portant un sac de 15 kg devra développer, pour s’élever de 100 m sur un chemin de montagne, une énergie mécanique de 100 x (85 x 9,81) = 83 385 J. Si ce déplacement s’effectue en 20 min, la puissance mécanique moyenne développée sera de 83 385 / (20 x 60) = 69,5 W. Nous verrons plus loin que l’énergie chimique mise en jeu est environ quatre fois supérieure à l’énergie mécanique développée par le muscle.Pour mesurer l’énergie mécanique mise en jeu dans des mouvements plus complexes ou pour pouvoir réaliser les études en laboratoire, le physiologiste utilise des matériels particuliers : les ergomètres. Ce sont des appareils permettant de transformer l’énergie mécanique fournie par le sujet en une autre forme d’énergie plus facilement mesurable. Le plus connu de ces ergomètres est la bicyclette ergométrique qui transforme l’énergie mécanique développée sur les pédales en énergie thermique ou électrique (frein de Prony, courants de Foucault). On peut aussi utiliser dans ce but des tapis roulants ou encore mesurer le déplacement de poids calibrés (ergomètre de Mosso).L’énergie mécanique développée dépendra évidemment du ou des groupes musculaires concernés et de la nature du mouvement : la puissance développée par les membres inférieurs dans la course (plusieurs centaines de watts) est sans commune mesure avec celle que l’on peut mesurer lors du fléchissement des doigts (quelques watts).

I.4.3. Energie thermiqueComme l’énergie mécanique, l’énergie thermique est exclusivement une forme de sortie d’énergie pour l’organisme. Elle en représente quantitativement la part principale. Toutes les transformations énergétiques de l’organisme s’accompagnent du dégagement d’une certaine quantité de chaleur ; c’est là la source principale, sinon exclusive, de la chaleur animale. Le seul tissu exclusivement calorigène que l’on connaisse actuellement dans le règne animal et dont le rôle est de transformer l’énergie chimique en énergie thermique, est la graisse brune. Elle est abondante et joue un rôle important chez certains animaux comme les hibernants ; sa présence, possible chez le nouveau-né, est contestée chez l’Homme adulte. L’organisme peut aussi recevoir de la chaleur du milieu environnant mais cet apport ne participe que très peu et très épisodiquement à l’équilibre thermique : les mammifères sont des endothermes. Par ailleurs, quelle que soit son origine, cette énergie thermique ne peut en aucune manière être transformée, in vivo, en une autre forme d’énergie : les organismes animaux ne sont pas des machines thermiques. La chaleur ne peut pas non plus être stockée, la majorité des êtres vivants tolérant mal les variations thermiques importantes. Elle doit donc être échangée avec l’environnement.Ces échanges thermiques s’effectuent entre des milieux à température ou humidité différentes, sous quatre formes : radiation, convection, conduction, évaporation. Ils peuvent être illustrés et quantifiés à l’aide du modèle thermique de l’organisme dans son environnement représenté à la figure 1. Ce modèle est bicompartimental ; il comprend le noyau central, à température Tc

constante chez les endothermes ou homéothermes comme l’Homme et l’écorce périphérique, à température Tsk (sk pour skin) variable. Cet organisme baigne dans un milieu fluide dont la température est Ta ; ce milieu est l’eau pour les animaux marins et l’air pour les animaux

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terrestres et, dans ce cas, il faut faire figurer un support solide à température Tk. Enfin, ce milieu est contenu dans une enceinte limitée par une paroi, bien réelle lorsqu’il s’agit des murs de la pièce dans laquelle vit l’individu, plus difficile à imaginer lorsqu’il s’agit de l’atmosphère, mais il faut se souvenir qu’il ne s’agit là que d’une « paroi » thermique caractérisée uniquement, pour ce qui nous intéresse, par sa température Tw.

Figure 1 : représentation des quatre formes d’échange de chaleur : radiation R, convection C, conduction K, évaporation E, sur le modèle bicompartimental (noyau-écorce) de l’organisme. Tw : température des parois ; Ta : température ambiante ; Tsk : température cutanée ; Tc : température centrale ; Tk : température du support.

Echanges par radiationIls s’effectuent entre des surfaces à températures différentes. Le rayonnement thermique est un rayonnement électromagnétique (du même type que le rayonnement visible, les ondes radio ou les rayons X) émis par les corps en fonction de leur température et reçu par eux selon leurs propriétés de surface. Sa propagation n’exige pas de support matériel mais un milieu transparent. La longueur d’onde du rayonnement émis dépend de la température du corps émetteur. Elle est d’autant plus courte que la température du corps émetteur est élevée (loi de Wien) : le soleil, dont la température est de plus de 5 000°C, émet dans le domaine des radiations visibles (longueur d’onde inférieure à 10-6 m) ; le mur d’une pièce à 20°C émet dans l’infrarouge (longueur d’onde supérieure à 10-4 m). A la réception, un corps noir absorbe la totalité de l’énergie incidente : c’est le cas de la peau humaine, quelle que soit sa couleur,

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dans le domaine de l’infrarouge. En revanche, au niveau dans le domaine du visible, la peau réfléchit une part importante de l’énergie incidente et c’est ce rayonnement réfléchi qui est capté par la rétine. La surface cutanée étant à la fois émettrice et réceptrice, le résultat net de ces échanges par radiation (WR en Watts) est exprimé par une relation simplifiée dérivée de la loi générale de Stephan-Boltzman :

WR = hR (Tw – Tsk) AR

dans laquelle hR est une constante, le coefficient d’échange thermique par radiation (5 W/ m2/°C environ), et AR la surface cutanée exposée à ces échanges. Cette relation, obtenue par approximation, n’est valable que lorsque Tsk- Tw < 30°C ; pour des différences de température supérieures, il faut utiliser la loi de Stephan-Boltzman non simplifiée. C’est le cas, par exemple, lors de l’exposition au soleil ou toute autre source de chaleur à température élevée (poêle, cheminée, etc.).Ces échanges par radiation représentent une part importante des échanges thermiques chez l’Homme. Prenons par exemple le cas d’un sujet dont la température cutanée est de 30°C et qui est exposé nu dans une pièce dont la température des murs est de 20°C. L’équation, WR = hR (Tw – Tsk) AR, montre que les échanges par radiation s’élèveront à 5 x (– 10) = -50 W/m2. Le signe négatif indique qu’il s’agit d’une perte (ce pourrait être un gain si Tw > Tsk). Sa valeur est à elle seule plus élevée que la valeur du métabolisme de base du sujet. Cela signifie que ce sujet perd, par radiation, plus de chaleur qu’il n’en produit, et donc qu’il se refroidit.La même équation montre comment peut être modifiée la valeur de ces échanges par radiation : le rôle physiologique de la vasomotricité cutanée est de modifier Tsk, la climatisation de nos appartements permet de jouer sur Tw et enfin le port de vêtements adaptés ou, à défaut, notre comportement (recroquevillement au froid par exemple) permet de faire varier la surface cutanée exposée aux échanges.

Echanges par convectionCes échanges s’effectuent entre deux milieux de températures différentes se déplaçant l’un par rapport à l’autre. Dans le cas des animaux, ce sont les échanges qui ont lieu entre la surface cutanée et le fluide ambiant qui se déplace par rapport à cette surface, ou entre la paroi des voies aériennes (fosses nasales, trachée, bronches) et les gaz qui s’y écoulent. Cette convection peut être forcée, ce qui est le cas des voies aériennes ou lorsqu’un sujet s’expose au vent, ou bien spontanée, lorsque le déplacement du fluide ne s’effectue que du fait de la variation de sa température à proximité de la surface. Dans le cas des échanges cutanés, l’énergie thermique échangée par convection par unité de temps (Wc) peut être calculée par l’équation :

Wc = hc (Ta – Tsk) Achc étant un coefficient d’échange par convection, théoriquement constant dans l’air (5 W/m2/°C), mais en fait augmentant, jusqu’à doubler, lorsque la vitesse de déplacement du fluide s’accroît ; AC est la surface cutanée exposée aux échanges par convection.Dans ce cas, comme dans celui des échanges par radiation, on peut calculer, à partir de l’équation, Wc = hc (Ta – Tsk) Ac, que, pour une température ambiante de 20°C et une température cutanée de 30°C, un sujet perdra 50 W/m2 de surface cutanée exposée aux échanges par conviction. Cette valeur, elle aussi supérieure au métabolisme de base du sujet, viendra éventuellement s’ajouter aux échanges par radiation. Dans ce cas aussi, les échanges

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thermiques peuvent varier soit par modification vasomotrice de Tsk, soit par variation de la température ambiante ou de la surface couverte par les vêtements. Enfin, si Ta est supérieure à Tsk, Wc est positif et il y alors gain thermique.

Echanges par conductionCes échanges thermiques s’effectuent entre deux milieux de températures différentes, mais sans qu’il y ait déplacement de l’un par rapport à l’autre. Dans le cas des animaux terrestres, ces échanges ont lieu entre la surface cutanée et les solides ou les fluides avec lesquels la peau est en contact sans déplacement, par exemple le support matériel de ces animaux ou l’air retenu dans l’épaisseur de la fourrure. Pour l’Homme, ces échanges se feront avec le sol, le siège, les vêtements et l’air qu’ils emprisonnent.Par unité de temps, ces échanges par conduction (WK en watts) sont calculés par l’équation :

WK = hK (TK – Tsk) AK

dans laquelle on retrouve les mêmes termes que dans les équations précédentes, TK

température de la substance en contact avec la peau, Tsk température cutanée, hK coefficient d’échange par conduction, AK surface de contact. La valeur du coefficient hK varie beaucoup d’un corps à l’autre ; par exemple, pour les fluides, il est beaucoup plus faible pour l’air que pour l’eau. En ce qui concerne les solides, hK est très élevé pour les solides d’origine minérale (marbre, métal, etc.), et très faible pour les solides d’origine biologique, qu’ils soient vivants ou morts (bois, laine, soie, coton, etc.). Ceci explique, qu’à température égale, l’eau paraisse plus fraîche que l’air, le marbre plus froid que le bois, et que nous préférions un mobilier en bois et des vêtements ou une literie en fibres végétales ou animales. En pratique, ces échanges sont quantitativement peu importants dans la vie courante, car soit le contact se réalise avec un matériau à coefficient hK élevé et AK, la surface de contact, est alors réduite naturellement ou artificiellement (contact des pieds sur le sol par exemple), soit la surface de contact est étendue et on préfère alors spontanément des matériaux à hK faible dans la confection des sièges, des vêtements ou de la literie par exemple.Pour un bref laps de temps, ces échanges peuvent prendre une valeur très élevée ; c’est le cas de l’immersion dans l’eau qui n’est qu’accidentellement prolongée au-delà d’une heure. Le plus souvent, les échanges par conduction et par convection sont compatibles ensembles.

Echanges par évaporationL’évaporation de l’eau, c'est-à-dire son passage de l’état de liquide à l’état de vapeur met en jeu, comme tout changement d’état de la matière, une certaine quantité d’énergie. Il s’agit d’une consommation d’énergie thermique qui s’élève à 2 425 J (ou 0,58 kcal) par gramme d’eau évaporée (chaleur latente d’évaporation). Lorsque l’évaporation se produit à la surface de la peau ou de l’épithélium naso-trachéo-bronchique, sites principaux d’évaporation de notre organisme, l’énergie thermique nécessaire est fournie par l’organisme. L’évaporation correspond donc toujours à une perte d’énergie thermique qui peut être estimée en multipliant la masse d’eau évaporée (mH2O) par la chaleur latente d’évaporation de l’eau () :

WE (joules) = mH2Orapporté à l’unité de temps, mH2O est le débit d’eau évaporée :

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WE (watts) = mH2O. Dans les voies respiratoires, l’eau évaporée est celle qui humidifie en permanence la muqueuse de la trachée et des bronches. Au niveau cutané, c’est essentiellement l’eau de la sueur sécrétée par les glandes sudoripares. La peau humaine, à la différence de celle de nombreux animaux comme le chien ou le chat, est abondamment pourvue de glandes sudoripares.Cependant, pour participer aux échanges thermiques, la sueur sécrétée doit s’évaporer et non ruisseler à la surface de la peau. L’équation (10) met en relation les facteurs déterminant cette évaporation et l’énergie thermique dissipée :

WE = hE (PaH2O - PskH2O) AE

Cette équation est très voisine des équations 6, 7 et 8, à ceci près que la différence de température est remplacée par la différence des pressions partielles de vapeur d’eau au niveau de la peau PskH2O et du milieu ambiant PaH2O. AE est la surface cutanée mouillée de sueur et hE

le coefficient d’échange thermique par évaporation de la surface, lui-même fonction de la vitesse de déplacement de l’air à la surface de la peau. Pour hE et AE données, WE sera d’autant plus grand que la différence des pressions partielles de vapeur d’eau est plus élevée. PskH2O dépend de Tsk et PaH2O exprime l’humidité du milieu ambiant. L'évaporation sera donc d’autant plus forte que l’humidité ambiante sera faible et inversement. Au total, l’ensemble des échanges thermiques entre l’organisme et son environnement (W) peut ainsi être représenté à chaque instant par la somme algébrique des quatre facteurs :

W = WR + WC + WK + WE

Echanges thermiques entre le noyau et l’écorceNous avons envisagé ci-dessus les échanges thermiques de l’organisme avec son environnement, mais les deux compartiments thermiques de l’organisme, noyau et écorce (Fig. 1) sont, en général, à des températures différentes et doivent donc échanger entre eux de la chaleur. Comment s’effectuent ces échanges thermiques au sein de l’organisme ?Des quatre modalités possibles, radiation et évaporation sont à exclure pour des raisons évidentes : le milieu est opaque empêchant la radiation, et liquide, rendant l’évaporation impossible. La conduction thermique est très faible du fait de la faible valeur du coefficient hK

des tissus vivants; c’est en fait par convection, assurée par la circulation sanguine, que se font les principaux échanges thermiques entre le noyau et l’écorce. Ces échanges peuvent s’exprimer par l’équation :

W = h (Tsk – Tc)dans laquelle le coefficient d’échange h, appelé parfois conductance physiologique, est égal au produit du débit sanguin entre noyau et écorce (il s’agit en fait du débit sanguin cutané Q sk) par la chaleur spécifique volumique du sang (C):

W = QskC (Tsk - Tc)L’un des intérêts de cette dernière équation est de montrer clairement que les échanges thermiques entre le noyau et l’écorce dépendent directement du débit sanguin entre ces deux compartiments.

V. BIOENERGETIQUE CELLULAIRE

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En ce domaine qui confine celui de la respiration tissulaire, les connaissances sont d’acquisition récente : elles datent du XXe siècle et même essentiellement de sa deuxième moitié. Deux prix Nobel ont couronné ces travaux : celui de H. Krebs en 1953 et celui de P. Mitchell en 1978. Les recherches de ces auteurs et de nombreux autres ont contribué à donner à la physiologie cellulaire le développement qu’elle connaît actuellement.

II.1. Données généralesLa combustion des substrats énergétiques dans la bombe calorimétrique résume la bioénergétique cellulaire. Cette combustion ne peut se dérouler de la même façon explosive dans la cellule, l’énergie qu’elle libère étant trop importante. Pour être utilisable par la cellule, cette libération d’énergie doit être fractionnée. Ce phénomène est réalisé par le transfert progressif de l’énergie chimique potentielle des substrats énergétiques initiaux (lipides, glucides, protides) à des molécules de moindre charge énergétique qui à leur tour, pourront libérer localement cette énergie par petites quantités selon les besoins cellulaires spécifiques (muscles, glandes, etc.).Ce rôle de transporteur énergétique intermédiaire est essentiellement tenu par une molécule appartenant à la famille des nucléotides : l’adénosine triphosphate (ATP). Cet ATP est synthétisé par l’addition d’un groupe phosphate inorganique (Pi) à l’adénosine diphosphate (ADP), réaction endergonique à laquelle les substrats énergétiques fournissent l’énergie nécessaire. Cette énergie est, au moins partiellement, stockée dans la liaison, dite riche en énergie, du troisième groupe phosphate de l’ATP avec le deuxième groupe phosphate de l’ADP. L’hydrolyse ultérieure de cette liaison transforme l’ATP en ADP et dégage, en condition standard, 30 kJ d’énergie libre, utilisable par la cellule pour ses besoins vitaux spécifiques (synthèses, contraction musculaire, pompe à Na+, etc.) :

ADP + Pi + 30 kJ ATP + H2OLe résidu ADP (et phosphate) de cette hydrolyse pourra à nouveau être utilisé comme accepteur d’énergie par sa transformation en ATP, et ainsi de suite en fonction des besoins. Une autre liaison riche en énergie est utilisée par les cellules vivantes comme site de stockage temporaire de l’énergie. Il s’agit de la liaison thiolester que peut contracter un autre nucléotide, le coenzyme A (CoA) avec de petites molécules organiques, l'acide acétique par exemple.Il convient cependant de noter que, quels que soient les intermédiaires, ces transferts énergétiques s’accompagnent d’une perte d’énergie potentiellement utilisable par la cellule. Cette énergie perdue apparaît sous forme de chaleur au cours de réactions dont le rendement, en termes d’énergie chimique potentielle, est inférieur à l’unité.Comment s’effectuent ces transferts ? Deux modalités sont utilisées : soit le substrat cède directement une liaison riche en énergie à l’ADP permettant la synthèse d’ATP. Cette modalité porte le nom de phosphorylation par le substrat. Soit ce transfert se fait par l’intermédiaire d’un transporteur d’hydrogène intervenant dans des réactions d’oxydoréduction. En règle générale, une réaction d’oxydoréduction consiste en un transfert de protons (H+) et d’électrons (e) d’un donneur (agent réducteur) qui s’oxyde, à un receveur (agent oxydant) qui se réduit : Réducteur + oxydant oxydé + réduit + W.

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Ce faisant, cette réaction d’oxydoréduction s’accompagne de la libération d’une certaine quantité d’énergie, car les électrons se lient plus fortement aux receveurs qu’ils n’étaient liés aux donneurs, ce qui signifie que les électrons ainsi transférés perdent une partie de leur énergie potentielle. Les premiers donneurs sont les grosses molécules fortement hydrogénées de lipides, glucides ou leurs dérivés, le dernier receveur étant l’oxygène. Entre les deux se situent les transporteurs d’H+ et d’e-.Le plus important de ces transporteurs est une pyridine nucléotide : le nicotinamide adénine dinucléotide (NAD) issu de la vitamine PP. Lors de sa réduction de NAD+ en NADH + H+, ce coenzyme gagne une partie de l’énergie potentielle qui était contenue dans le substrat qui s’oxyde. Lors de son oxydation ultérieure en NAD+, le NADH restitue cette énergie qui peut être transférée à l’ATP.

(AH2) + (NAD+) (A) + (NADH + H+) + WA (NADH + H+) + (B) (BH2) + (NAD+) + WB

Dans des conditions normales d’oxygénation cellulaire, cette oxydation se fait par transfert d’électrons jusqu’à l’oxygène moléculaire à travers la chaîne respiratoire des cytochromes. L’oxygène accepte deux électrons et deux ions H+ pour former de l’eau. Dans ce cas, l’oxydation de NADH permet la synthèse de trois molécules d’ATP. En l’absence d’oxygène, le NADH peut transférer les électrons et les protons à d’autres accepteurs. C’est le cas, par exemple, de l’acide pyruvique dont la réduction en acide lactique accompagne l’oxydation de NADH en NAD+. Mais cette dernière réaction ne permet pas la synthèse d’ATP.La flavine adénine dinucléotide (FAD) est aussi un transporteur d’électrons et d’ions H+ par transformation réversible en FADH2. Son oxydation de FADH2 en FAD, en présence d’oxygène, dans la chaîne respiratoire, s’accompagne de la synthèse de deux molécules d’ATP. Comme le NAD, ce dinucléotide contient un composant issu du groupe des vitamines B, la riboflavine.Il est important de noter que le rôle de transporteur d’électrons et de protons des molécules de NAD ou de FAD implique le passage successif de la forme oxydée à la forme réduite et réciproquement. Le recyclage permanent de ces transporteurs, de même que celui de l’ADP en ATP et inversement, évite à la cellule la synthèse réitérée de ces composés complexes, synthèse qui serait énergétiquement très coûteuse. Le défaut de recyclage stoppe les processus métaboliques cellulaires. Là réside une des modalités de contrôle du métabolisme cellulaire lorsque le besoin énergétique décroît. Ce peut être aussi l’effet non physiologique de substances inhibitrices toxiques, comme l’oxyde de carbone ou les cyanures, qui bloquent le fonctionnement de la chaîne respiratoire.Par ailleurs, il est intéressant de remarquer que les molécules d’ATP, CoA, NAD, FAD appartiennent toutes à la famille des nucléotides, famille dont font partie aussi les molécules chargées de la transmission de l’information génétique comme l’acide désoxyribonucléique. Il s’agit là, de composés présents dès l’origine des temps biologiques dans les cellules vivantes, dont ils assurent les fonctions primordiales. Ils sont retrouvés actuellement dans toutes les espèces animales vivantes, de la bactérie à l’homme.

II.2. Voies du métabolisme énergétique cellulaire

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Le catabolisme intracellulaire des substrats énergétiques (lipides, glucides, protides) s’effectue par étapes successives permettant la libération progressive de leur énergie potentielle. La présence d’enzymes spécifiques, catalysant chacune des étapes, assure un ordre bien défini dans le déroulement de ce processus. Par ailleurs, la localisation précise de ces enzymes dans la cellule détermine le site au niveau duquel se déroule chacune de ces transformations. Nous prendrons pour exemple le catabolisme des glucides. Le glucose pénètre dans la cellule à partir du milieu intérieur. Cette pénétration est facilitée, comme d’ailleurs celle des acides gras ou des acides aminés, par l’insuline. A l’intérieur de la cellule, ce glucose entre directement dans le processus catabolique ou bien est stocké, temporairement, sous forme de son polymère, le glycogène qui, suivant le besoin, le restituera. Le catabolisme énergétique du glucose peut être divisé en trois phases principales : une phase anaérobie, la glycolyse, et deux phases qui nécessitent la présence d’oxygène, le cycle de Krebs et la chaîne respiratoire. Il est à noter que d’autres voies cataboliques peuvent être empruntées par les glucides ; c’est le cas par exemple de la voie des pentoses, mais elles n’ont pas pour but de fournir de l’énergie à la cellule, et seront donc exclues de ce cours.

II.2.1. GlycolyseEncore appelée voie d’Embden-Meyerhof, elle comprend une dizaine de stades successifs qui conduisent de la molécule de glucose à deux molécules de pyruvate ou deux molécules de lactate et, se déroule dans le cytoplasme cellulaire car toutes les enzymes nécessaires y sont présentes dans le cytoplasme cellulaire.Elle débute par une réaction de phosphorylation du glucose, qui nécessite la dégradation d’une molécule d’ATP en ADP et consomme donc de l’énergie. Le glucose 6 phosphate ainsi formé, comme toutes les molécules intermédiaires entre lui et le pyruvate, comporte un groupement phosphate ionisé qui empêche ces composés de quitter la cellule, la membrane cellulaire étant pratiquement imperméable aux molécules ionisées. Il est à noter que si le glucose provient du stock de glycogène de la cellule, le glucose 6 phosphate est formé sans imposer la dégradation d’une molécule d’ATP, donc sans consommation d’énergie. Par contre, dans tous les cas, une nouvelle molécule d’ATP doit fournir l’énergie nécessaire à la 3ème étape de la glycolyse, transformant le fructose 6 phosphate issu du glucose 6 phosphate en fructose 1,6-diphosphate. Dans cette première partie, la glycolyse n’a donc été que consommatrice d’énergie. C’est dans sa deuxième partie, celle des molécules à trois atomes de carbone, que seront synthétisées des molécules d’ATP : à la 6ème étape, lors de la transformation de 1,3-diphosphoglycérate en 3-phosphoglycérate, et à la 9ème étape lorsque le phosphoénol pyruvate est déphosphorylé en pyruvate. Comme cette deuxième partie de la glycolyse est double, puisqu’une molécule de glucose donne naissance à deux molécules de phosphoglycéraldéhyde, c’est donc quatre molécules d’ATP qui sont synthétisées à partir d’une molécule de glucose. (Ces phosphorylations des ADP en ATP ne nécessitant pas d’oxygène, à la différence des phosphorylations oxydatives intervenant dans la chaîne respiratoire, sont de bons exemples de phosphorylation par le substrat).

Cependant, à la 5ème étape, la phosphorylation de la 3-phosphoglycéraldéhyde en 1,3-diphosphoglycérate s’accompagne du transfert de deux électrons (e) et d’un proton H+ à NAD+

formant ainsi deux NADH par molécule de glucose. Le devenir de ces deux NADH est

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différent suivant que l’oxygène présent dans la cellule est en quantité suffisante ou non. Si l’oxygène est en quantité suffisante, le NADH est oxydé au niveau de la chaîne respiratoire. L’oxydation de chaque molécule de NADH permettant la synthèse de trois molécules d’ATP, ce seront donc six molécules supplémentaires d’ATP, qui seront synthétisées par molécule de glucose glycolysé. Si l’oxygène est absent ou présent en quantité insuffisante, le pyruvate issu de la glycose fonctionne comme un accepteur d’hydrogène et d’électrons vis-à-vis de NADH. Il se transforme en lactate en même temps que le NADH est recyclé en NAD+. Cette réaction, ainsi que nous l’avons déjà évoquée, ne donne pas lieu à une synthèse d’ATP.

Le bilan de cette phase de glycolyse peut donc s’établir de la façon suivante : en présence d’une quantité d’oxygène suffisante, une molécule de glucose est scindée

en deux molécules de pyruvate dont la dégradation se poursuivra dans la phase suivante du cycle de Krebs. Le gain énergétique net pour la cellule est dans ce cas de huit molécules d’ATP (et même neuf molécules d’ATP si le glucose provient du stock glycogénique) ;

si l’oxygène est absent ou présent en quantité insuffisante, la glycolyse d’une molécule de glucose aboutit à la synthèse de deux molécules de lactates. Dans ce cas, le gain énergétique net pour la cellule n’est que deux molécules d’ATP, au maximum trois si le glucose 6 phosphate provient des stocks glycogéniques.

Cette seconde modalité de catabolisme glucidique, qualifiée de fermentation, se rencontre chez certaines bactéries. C’est le cas par exemple des levures vivant et se multipliant par fermentation alcoolique du glucose, processus très voisin de la glycolyse que nous venons de décrire. Mais les animaux supérieurs sont des organismes aérobies, ce qui signifie que l’oxygène leur est nécessaire pour poursuivre la dégradation de substrats énergétiques. Cependant, pendant un temps bref, la cellule eucaryote, la fibre musculaire par exemple, peut se contenter de la glycolyse comme source d’énergie. C’est ce qui se passe lors d’exercices musculaires brefs et intenses, ainsi que les pratiquent l’haltérophile ou le coureur de 100 m, ou bien même tout individu dans les premières dizaines de secondes d’un exercice modéré. Dans ces situations, où l’apport d’oxygène par voie respiratoire est temporairement insuffisant, la glycolyse représente la principale, sinon la seule source, d’ATP pour le myocyte. On observe alors une augmentation de la concentration de lactate sanguin en provenance du métabolisme cellulaire. Certaines cellules de l’organisme (muscle cardiaque, muscle squelettique, foie, rein) ont la possibilité de réintégrer l’acide lactique dans les processus métaboliques et ainsi de l’utiliser ultérieurement comme source d’énergie ou bien comme matière première de synthèse. Mais ces transformations nécessitent un apport d’oxygène. Comme ce dernier est temporairement différé, on considère que le lactate accumulé représente en quelque sorte une dette d’oxygène pour l’organisme. Cette dette devra être remboursée dès que des conditions d’aérobiose satisfaisantes seront réunies.

II.2.2. Phases aérobies du métabolisme énergétiqueCes deux phases permettent la dégradation complète du pyruvate issu de la glycolyse en CO 2

au niveau du cycle de Krebs, et en H2O au niveau de la chaîne respiratoire. Ces deux phases sont interdépendantes l’une de l’autre car, bien que l’oxygène n’intervienne pas directement dans le cycle de Krebs, celui-ci ne peut se dérouler normalement que si les accepteurs

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d’hydrogène, qui lui sont nécessaires, peuvent être en permanence recyclés dans la chaîne respiratoire par cession d’électrons (e-) et d’H+ à l’oxygène.

MitochondriesC’est au niveau des mitochondries que se déroulent ces deux phases. Les mitochondries, dont la dénomination provient de deux racines grecques signifiant filaments et granules, sont des composants cellulaires décrits comme essentiellement formés de deux membranes de structure lipidoprotidique limitant un espace inter membranaire. La membrane interne forme de nombreux diverticules, les crêtes mitochondriales, subdivisant la matrice mitochondriale. La destruction contrôlée (réalisée par des détergents ou les ultrasons) de cette ultrastructure a permis la localisation relativement précise de tous les agents, enzymes ou transporteurs d’électrons (e), du métabolisme énergétique aérobie.L’analyse morphologique a montré que les mitochondries sont d’autant plus nombreuses que la cellule est plus volumineuse : le spermatozoïde, cellule de petit volume, ne possède que quelques dizaines de mitochondries contre plusieurs centaines pour les grandes cellules musculaires ou hépatiques. Rapportée au volume cellulaire, la densité mitochondriale dépend de l’activité métabolique, comme le montre la comparaison d’un adipocyte brun avec un adipocyte blanc. Mais il dépend surtout de l’activité métabolique aérobie. Ainsi, dans le muscle squelettique, la densité mitochondriale est fonction du type de fibre : les fibres rouges, lentes, à métabolisme essentiellement aérobie, sont environ dix fois plus riches en mitochondries que les fibres blanches, rapides, qui empruntent à la glycolyse une grande partie de leur ATP. Dans le même ordre d’idées, par comparaison de sujets entraînés et sédentaires, la densité mitochondriale mesurée au niveau des muscles de la jambe augmentait comme la consommation maximale d’oxygène des sujets. Bien que certains de leurs composants protéiques proviennent des ribosomes du réticulum endoplasmique cellulaire, les mitochondries possèdent leur propre matériel génétique, ce qui leur confère une relative autonomie. En particulier, il semble bien établi que lors de la division cellulaire, elles se divisent elle mêmes pour se répartir et croître dans les deux cellules filles. Ceci confirmerait l’hypothèse selon laquelle leur présence actuelle dans les cellules eucaryotes serait le résultat évolutif d’une association symbiotique de ces cellules initialement anaérobies avec des organismes bactériens aérobies.

Cycle de KrebsLa douzaine d’enzymes spécifiques catabolisant la succession des réactions du cycle de Krebs a été localisée dans la matrice mitochondriale ; c’est donc là qu’il se déroule. Les substrats énergétiques entrent dans le cycle de Krebs sous la forme d’acétyl CoA provenant soit des pyruvates issus de la glycolyse, soit de la -oxydation des acides gras. En provenance de l’acide pyruvique, l’acétyl CoA est synthétisé par décarboxylation oxydative en présence de pyruvate déshydrogénase. Une molécule de NADH à partir de NAD+ et une molécule de CO2

sont formées simultanément. La première réaction du cycle proprement dit est une condensation de l’acétyl CoA avec une molécule d’oxaloacétate, qui aboutit à la formation d’un acide tricarboxylique à six atomes de carbone, l’acide citrique, d’où le nom de cycle de l’acide citrique ou cycle des acides tricarboxyliques donnés parfois au cycle de Krebs. Cette

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réaction libère le CoA qui devient ainsi disponible pour une nouvelle association avec un radical acétyl. A partir de là, et à travers une série d’étapes successives, une molécule de citrate donne une molécule d’oxaloacétate (qui pourra à nouveau s’associer à un acétyl CoA). Au cours du cycle, deux molécules d’eau sont consommées et deux molécules de CO2 sont formées par décarboxylation du citrate en alphacétoglutarate, puis de l’alpha cétoglutarate en succinyl-CoA, rarement le squelette carboné de six à quatre atomes de carbone. Ces deux dernières réactions de décarboxylation s’accompagnent de la réduction de deux NAD+ en deux NADH. Dans la partie du cycle intéressant les composés à quatre atomes de carbone, deux autres molécules de transporteur seront hydrogénées par oxydation, l’une du succinate en fumarate (FAD, FADH2), l’autre du malate en oxaloacétate (NAD+, NADH). Par ailleurs, le succinyl CoA dispose d’une liaison riche en énergie qui pourra être transférée par phosphorylation par le substrat à une molécule d’ADP. Mais le gain énergétique est nul, car cette liaison riche en énergie a dû être introduite dans le cycle par le système enzymatique complexe catalysant la décarboxylation oxydative de l’alpha cétoglutarate. A partir d’une molécule de pyruvate, le bilan net de cette phase métabolique peut s’écrire : CH3-CO-COO + 3H2O + 4NAD+ + FAD 3CO2 +4 (NADH + H+) + FADH2

Les quatre (NADH + H+) et le FADH2 devront obligatoirement être recyclés par oxydation dans la chaîne respiratoire en NAD+ et en FAD pour être réintroduits dans le cycle et permettre ainsi sa poursuite. Mais cette oxydation s’accompagnera de la synthèse de 14 molécules d’ATP. (Deux molécules d’ATP par molécule de FADH, trois molécules d’ATP par molécule de NADH). Une molécule de glucose donnant par glycolyse deux molécules de pyruvate, ce sont 28 molécules d’ATP que la cellule gagnera grâce au cycle de Krebs. La glycolyse, en présence d’oxygène, ayant déjà fourni huit molécules d’ATP, c’est à 36 molécules d’ATP (et même 37 à partir du glycogène) qu’aboutit la dégradation aérobie complète d’une molécule de glucose. Si l’on compare ce chiffre aux deux molécules d’ATP (au maximum trois par glycogénolyse) fournies par la glycolyse anaérobie stricte, on mesure le gain énergétique que représente cette modalité de dégradation des substrats pour les organismes aérobies. Mais la réalisation de ce processus implique la présence des éléments de la chaîne respiratoire qui réalisent les transferts électroniques nécessaires à l’oxydation des transporteurs, dernière phase du catabolisme des substrats énergétiques.

Chaîne respiratoireLa chaîne respiratoire est constituée d’une série d’enzymes transporteurs d’électrons intervenant entre le donneur NADH ou FADH2 et l’accepteur final, l’oxygène. Les maillons successifs de la chaîne présentant une affinité croissante pour les électrons transportés, le transfert de l’un à l’autre s’accompagne de la libération, pas à pas, de l’énergie potentielle du donneur. Lorsque la quantité d’énergie libérée est suffisante, une molécule d’ATP peut être synthétisée. Cette éventualité se présente à trois reprises lorsque le donneur est NADH, à deux reprises lorsque le donneur est FADH2. L’ensemble du processus porte le nom de phosphorylation oxydative.Les maillons transporteurs d’électrons (e-) sont au nombre de sept. Ils ont été localisés au niveau de la membrane interne des mitochondries. Le premier maillon est un FAD-FADH2

associé à la succinyl déhydrogénase catalysant, dans le cycle de Krebs, le passage du succinate au fumurate. Il peut recevoir ses électrons directement de cette enzyme. Lorsqu’il

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les reçoit de NADH, un ATP est synthétisé. Le maillon suivant est une benzoquinone, l’ubiquinone acceptant 2H+ et 2e- de FADH2 et servant d’intermédiaire entre ce maillon et les maillons suivants constitués par les cytochromes. Les cytochromes ne différent les uns des autres que par leur structure protéique. Ils ont le même groupement actif qui est constitué d’un atome de fer lié à une formation porphyrique tétrapyroliquue, structure semblable à celle de l’hémoglobine. Comme l’hémoglobine, les cytochromes sont des composés très colorés. Cinq cytochromes différents ont été trouvés dans les cellules, dans des proportions relatives très constantes. Ils sont désignés par b, c, C1 a, a3 et forment les maillons de la chaîne dans l’ordre Cyt. b, Cyt.c1, Cyt.c, Cyt.a, Cyt.a3. Le maillon terminal, transférant ses électrons à l’oxygène, est parfois désigné sous le nom de cytochrome oxydase. Le transfert électronique de l’un des cytochromes à l’autre se fait par changement de valence du fer, de fer ferrique (Fe+++) à fer ferreux (Fe++) et réciproquement. Le transfert final de deux électrons à l’oxygène moléculaire permet la formation d’eau par fixation par l’oxygène de deux protons H+ libérés en début de chaîne. Lors du transfert électronique de Cyt.b à Cyt.c et de Cyt.a à ½ O 2, la libération d’énergie est suffisante pour permettre à chacun de ces deux niveaux, la synthèse d’une molécule d’ATP. Apparaît ici la relation obligée existant, pour les organismes aérobies, entre libération d’énergie et consommation d’oxygène, relation obligée qui est mise à profit en thermochimie respiratoire.Le mécanisme intime de la phosphorylation oxydative, c'est-à-dire du couplage entre l’oxydation des transporteurs d’H et la phosphorylation de l’ADP, a fait l’objet de nombreuses hypothèses. Le transfert d’électrons dans la chaîne respiratoire s’accompagne grâce à l’énergie ainsi libérée, d’un transfert de proton H+ de la matrice mitochondriale à l’espace intermembranaire. Le résultat de ce transfert protonique serait la création d’une différence de concentration en ion H+ de part et d’autre de la membrane interne. Cette différence de potentiel électrochimique serait utilisée par l’enzyme ATP synthétase pour synthétiser l’ATP à partir de l’ADP et de phosphate inorganique. Cette enzyme, localisée dans la membrane interne, catalyserait la perte d’un OH par le phosphate et d’un H + par l’ADP, permettant la synthèse d’ATP. OH migrant vers l’espace inter membranaire et H+ vers la matrice, ils s’associeraient respectivement à chacun de ces deux niveaux, à H+ et à OH, pour former deux molécules d’eau et réduire d’autant la différence de concentration en H+ de part et d’autre de la membrane interne. Tout se passe comme si l’ATP synthétase assurait, en même temps que la synthèse d’ATP, le retour des ions H+ de l’espace intermembranaire vers la matrice. L’activité de cette enzyme est modulée par le besoin énergétique cellulaire. Ce besoin énergétique s’exprime par la concentration locale en ATP qui, de ce fait, contrôle la concentration en ions H+ de l’espace intermembranaire ainsi que le processus d’oxydation qui en est à la source. La différence de concentration en H+induite par l’oxydation des transporteurs, apparaît ainsi comme l’élément moteur au sens énergétique du terme, de la phosphorylation de l’ADP en ATP. La membrane interne de la mitochondrie est l’élément structurel indispensable à ce couplage de l’oxydation avec la phosphorylation qui porte le nom de phosphorylation oxydative.

Un cas particulier : la graisse bruneCertaines cellules ont la possibilité de dissocier les deux processus caractéristiques de la phosphorylation oxydative. Ce découplage peut intervenir en particulier au niveau des

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mitochondries des cellules de la graisse brune. A la différence de la graisse blanche, qui est un tissu à faible activité métabolique spécialisé dans le stockage de l’énergie chimique, la graisse brune est au contraire un tissu à forte activité métabolique, très riche en mitochondries, et dont le rôle dans la thermogenèse, évoqué dès 1961 par R. Smith, est aujourd’hui bien établi. Ce tissu adipeux brun est présent chez tous les mammifères hibernants, où il peut représenter jusqu’à 5 % de la masse corporelle, mais aussi dans d’autres espèces. Chez l’homme, sa présence est contestée ; il existerait cependant chez le nourrisson pour disparaître chez l’adulte. Les études portant sur le rat ou la souris ont montré que ces animaux, même adultes, possèdent beaucoup de graisse brune et voient cette quantité s’accroître lors de leur adaptation au froid. La localisation particulière de ce tissu est à peu près identique dans toutes les espèces qui en possèdent : entre les deux épaules, autour du cœur, au contact de plusieurs gros vaisseaux (aorte thoracique et abdominale, carotides, veines brachiales, sous-clavières, jugulaires, rénales, caves).La graisse brune est le siège de la thermogenèse sans frisson ; de la même façon que le muscle est un transformateur d’énergie chimique en énergie mécanique, la graisse brune est un transformateur d’énergie chimique en énergie thermique. La différence se situe au niveau de la chaîne respiratoire. A ce niveau, le myocyte synthétise l’ATP nécessaire à la contraction, alors que l’adipocyte brun fournit de la chaleur. Ce comportement particulier de l’adipocyte brun est lié au découplage oxydation-phosphorylation, en réponse par exemple à l’exposition de l’animal au froid, ou plus précisément à l’action de la noradrénaline. Le mécanisme intime de ce découplage réside dans la présence au niveau de la membrane interne de la mitochondrie d’un canal ionique permettant le retour des ions H+ de l’espace inter membranaire à la matrice, sans utiliser le truchement de l’ATP synthéase, donc sans synthèse d’ATP. De ce fait, la différence transmembranaire de concentration en ions H+, qui a sa source dans les phénomènes oxydatifs de transfert d’électrons, mais qui les bloquerait si elle devenait trop importante, se trouve réduite. Les processus d’oxydation peuvent se poursuivre sans phosphorylation. L’énergie normalement stockée sur les liaisons riches de l’ATP apparaît sous forme de chaleur. Le canal ionique, permettant le transfert des ions H+ de l’espace inter membranaire à la matrice mitochondriale, serait une protéine : la thermogénine. Le fonctionnement de ce canal pourrait être interrompu par la guanidine diphosphate (GDP) qui, ainsi, rétablirait le couplage des oxydations aux phosphorylations lorsque l’animal peut se passer de cette source de chaleur dans sa lutte contre le froid.

II.3. Catabolisme des lipides et des protidesLes lipides intervenant de façon significative dans le métabolisme énergétique sont présents dans le sang sous forme de triglycérides ou d’acides gras libres. Ils pénètrent dans la cellule sous forme d’acide gras et de glycérol. Là, soit ils sont stockés sous forme de triglycérides, soit ils sont métabolisés directement. Dans ce dernier cas, le glycérol rejoint la voie de la glycolyse par la transformation en phosphate de dihydroxyacétone puis en 3-phosphoglycéraldéhyde, et les acides gras sont fractionnés en groupement acétyl CoA qui rejoignent le cycle de Krebs. Ce fractionnement des acides gras, connu sous le nom de -oxydation, se déroule dans la matrice après le franchissement de la membrane mitochondriale sous forme d’acétyl CoA. Chaque scission d’acétyl CoA se fait en quatre étapes successives, au cours desquelles une molécule d’eau est fixée et deux molécules de transporteur

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d’hydrogène sont réduites (un NAD+ et un FAD). Ainsi, au prix de la consommation d’une molécule d’ATP nécessaire à la fixation du premier CoA, un acide gras en C16, comme l’acide palmitique, fournit 8 acétyl CoA qui entrent dans le cycle de Krebs et 14 molécules de transporteur qui seront oxydés dans la chaîne respiratoire, soit au total 130 molécules d’ATP. Si les 22 molécules d’ATP fournies par la dégradation du glycérol sont prises en compte, le catabolisme aérobie d’une molécule de triglycéride d’acide palmitique permet la synthèse de 412 molécules d’ATP. Rapporté au gramme de matière première catabolisée, le métabolisme énergétique des lipides fournit trois fois de molécules d’ATP que celui des glucides !Le métabolisme énergétique des protides est plus complexe : il dépend, d’une part de la façon dont sont dégradées ces grosses molécules et, d’autre part, de la nature des acides aminés qui le composent. Chacun des vingt acides aminés connus a une structure chimique et une voie de dégradation propre qui s’opère en deux grandes étapes : la désamination et l’introduction du radical carboné dans le cycle de Krebs ou la glycolyse.L’organisme dispose de deux procédés de désamination : d’une part, la transamination qui consiste pour un acide aminé à céder son groupe NH2 à un acide cétonique. De ce fait, il se transforme en acide cétonique et crée un nouvel acide aminé. D’autre part, la désamination oxydative au cours de laquelle l’acide aminé se transforme en acide cétonique, alors que de l’ammoniac est libéré. Au cours de cette dernière réaction, une molécule de transporteur d’H+

est synthétisée. L’ammoniac est toxique pour les cellules ; il est rapidement entraîné par voie sanguine pour être transformé par la voie en urée, non toxique, qui est éliminée par le rein.Selon sa structure, le radical carboné de l’acide aminé, soit rejoint directement un stade déterminé du cycle de Krebs ou de la glycolyse, c’est le cas par exemple de l’acide glutamique après désamination en acide alpha cétoglutarique, ou de l’alaline en acide pyruvique, soit doit subir des transformations préalables à cette introduction. Il est évident que le résultat énergétique est différent pour chacun des cas.

II.4. Bilan énergétique globalSelon P. Dejours (1975), on peut faire les remarques suivantes :

la dégradation aérobie de tous les substrats énergétiques aboutit dans l’organisme à la formation de CO2 et H2O, auxquels s’ajoute l’urée dans le cas des protides.

ce sont les glucides, molécules riches en oxygène, qui exigent l’apport minimal d’oxygène respiratoire pour leur dégradation aérobie. Le quotient respiratoire en témoigne.

Néanmoins, l’équivalent énergétique de l’oxygène est pratiquement identique, quel que soit le substrat en cause :

o la glycolyse anaérobie ne permet de libérer qu’une part très faible (6 % environ) de

l’énergie chimique potentielle contenue dans les glucides. En conditions standard, le rendement énergétique de cette voie de dégradation est plus faible que celui du catabolisme aérobie. En fait, dans les conditions cellulaires de température, de pH et de concentration, ce rendement serait de l’ordre de 0,4 c'est-à-dire pratiquement identique à ce qu’il est pour la dégradation aérobie des autres substrats ;

o quel que soit le substrat ou la voie métabolique, 40 % seulement de l’énergie

potentielle des substrats énergétiques est retrouvée, en moyenne, dans les molécules d’ATP.

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Soixante pour cent de cette énergie est dissipée sous forme de chaleur au cours des différentes transformations. Là réside une des sources de chaleur de l’organisme.

o rapportés au gramme de matière, ce sont les lipides qui ont de loin l’équivalent

énergétique le plus élevé, ce qui les désigne comme un substrat de choix en vue du stockage de l’énergie.

II.5. Réversibilité des réactions de dégradation des substrats énergétiquesS’interroger sur la réversibilité des réactions cataboliques d’une molécule, c’est essayer de savoir si cette molécule peut être synthétisée à partir de ses produits de dégradation. La majorité des réactions participant au catabolisme des substrats énergétiques est réversible, la même enzyme catalysant une réaction et la réaction inverse, selon la loi d’action de masse. A côté de ces réactions réversibles, mettant généralement en jeu peu d’énergie, se situent les réactions irréversibles, souvent plus énergétiques. Dans ce cas, la même enzyme ne peut catalyser une réaction et son inverse. Deux éventualités sont alors possibles pour l’organisme : soit qu’une deuxième enzyme catalysant la réaction inverse existe localement où à distance dans une autre cellule, il s’agit d’une irréversibilité relative, soit que cette deuxième enzyme n’existe pas, l’irréversibilité est alors absolue. Les deux situations se rencontrent. Un exemple d’irréversibilité relative est fourni par la phosphorylation du glucose, première réaction de la glycolyse. Cette réaction catalysée par l’hexokinase est irréversible. Cependant, une autre enzyme, la phosphatase du glucose, peut scinder le glucose 6 phosphate en glucose et phosphate inorganique. Mais, alors que l’hexokinase est uniformément répandue dans toutes les cellules, les cellules hépatiques sont pratiquement les seules à posséder les deux enzymes. Toutes les étapes de la glycolyse étant réversibles, qu’elles nécessitent une ou deux enzymes, le glucose pourra donc être synthétisé dans le foie à partir de toutes les molécules intervenant dans la glycolyse. C’est ce qui explique l’importance du foie dans la synthèse du glucose et du glycogène, fonction découverte au XXe siècle par Claude Bernard. Lorsque ces molécules proviennent du catabolisme des lipides, c’est le cas du glycérol ou des protides, c’est le cas de certains acides aminés, cette synthèse du glucose porte le nom de néoglucogenèse (voir Homéostasie bioénergétique).Un exemple d’irréversibilité absolue est fourni par la réaction se situant à la jonction entre la glycolyse et le cycle de Krebs, et transformant le pyruvate en acétyl CoA. L’irréversibilité absolue de cette réaction interdit la synthèse de glucose à partir de l’acétyl CoA et donc en particulier à partir des acides gras dont l’acétyl CoA est issu par béta oxydation. Cette irréversibilité oriente obligatoirement les molécules d’acétyl CoA issues de la glycolyse soit vers le cycle de Krebs, soit dans l’hypothèse où le cycle de Krebs est ralenti ou stoppé, c’est le cas lorsque décroissent les besoins énergétiques de la cellule, vers la synthèse des acides gras. Cette synthèse est possible grâce à la présence dans le cytoplasme cellulaire des enzymes nécessaires. Ces enzymes sont, notons le, différentes des enzymes présidant à la dégradation des acides gras par oxydation (qui se trouvent dans la matrice mitochondriale), et nous donnent un autre exemple d’irréversibilité relative.L’irréversibilité absolue ou relative des réactions du métabolisme énergétique apparaît donc comme un moyen pour l’organisme d’orienter ce métabolisme dans le choix d’une direction : synthèse hépatique du glucose, synthèse cytoplasmique des acides gras, impossibilité de synthétiser du glucose à partir des acides gras, etc.

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VI. METHODES DE MESURE DU METABOLISME ENERGETIQUE DE L’HOMME : METHODES CALORIMETRIQUES

III.1. Introduction – Principes générauxLes méthodes de mesure du métabolisme énergétique d’un être vivant ont pour but d’estimer les termes de l’équation du bilan énergétique EE – SE = BE.Il suffit d’ailleurs de connaître deux de ces termes pour les connaître tous. Plus encore, dans le cas particulier où BE = 0, c'est-à-dire quand l’état est stationnaire, il suffit de connaître un seul des deux termes, entrée ou sortie d’énergie. Ceci explique que l’expérimentateur recherche l’état stationnaire pour réaliser ses mesures. Ainsi, dans la suite du cours, nous considérerons toujours le sujet en état stationnaire qui, rappelons le, caractérise l’homme adulte en bonne santé ; les correctifs éventuels seront apportés dans le cas où l’hypothèse de BE = 0 ne serait pas vérifiée. Comment effecteur cette estimation du métabolisme énergétique ? Les équations ci-dessous permettent de répondre à cette question :

Lipides + O2 CO2 + H2O + W

Glucides

Protides + O2 CO2 + H2O + urée + WIl existe en effet une relation quantitative déterminée entre chacun des termes de ces équations : la mesure de l’un d’entre eux suffit à les connaître tous, et donc à connaître W. L’une ou l’autre des méthodes suivantes pourra être utilisée :

mesure des entrées de lipides, protides et glucides : c’est la méthode des ingesta ou de thermochimie alimentaire ;

mesure de l’oxygène consommé : c’est la thermochimie respiratoire ; mesure des sorties de gaz carbonique, eau et urée : c’est la méthode des égesta ; enfin, mesure directe de la sortie d’énergie W : ce sont les méthodes de calorimétrie

directe. (Par opposition, les méthodes précédentes portent le nom de méthodes calorimétriques indirectes).

III.2. Thermochimie alimentaireAppliquée à un individu, cette méthode consiste à peser les aliments qu’il absorbe et à analyser leur composition en lipides, glucides et protides. Connaissant l’équivalent énergétique de chacun des trois nutriments et leur proportion relative dans la ration alimentaire, il est facile de calculer l’énergie chimique absorbée. Ainsi, par exemple, l’absorption de 5 g de glucose (1 morceau de sucre) fournit au sujet 5 x 17 = 85 kJ (20 kcal), alors que 5 g de lipides (1 cuillère à dessert d’huile) fourniront 5 x 38 = 190 kJ (45 kCal).Pour obtenir un résultat significatif et indépendant des fluctuations journalières, cette méthode est généralement appliquée pendant plusieurs jours d’affilée. Il est aussi possible de l’appliquer à un groupe d’individus et on obtient, dans ce cas, une valeur moyenne du métabolisme de la population considérée.

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Cette dernière méthode est particulièrement adaptée aux études de terrain (expéditions sportives, conditions de vie inhabituelles, mise au point de rations alimentaires, etc.).Pour que la mesure des entrées énergétiques au cours d’une expérience de plusieurs jours soit significative, il est nécessaire de vérifier la constance des stocks (B = 0). Il suffit pour cela de peser le ou les sujets. En cas de variation pondérale, qui infirme l’hypothèse d’état stationnaire, il est nécessaire d’estimer la variation des stocks énergétiques.

III.3. Thermochimie respiratoireLa méthode consiste à mesurer la consommation d’oxygène (VO2) d’un sujet et, à partir de cette valeur, de calculer l’énergie mise à la disposition de l’organisme. Ceci suppose que l’équivalent énergétique de la consommation d’oxygène (EO2), c'est-à-dire le rapport entre la quantité d’oxygène consommée et l’énergie libérée, soit connu. Cet équivalent est exprimé en joules ou kilocalories d’énergie libérée par litre d’oxygène consommé. Il est calculé à partir des réactions d’oxydation du type de l’équation d’oxydation des trois nutriments. Cette valeur n’est pas la même pour chacun des trois substrats métaboliques lipides, glucides et protides mais, en revanche, elle varie peu d’un corps chimique à un autre au sein d’une même catégorie, de telle sorte que l’on peut adopter une valeur moyenne de 19 kJ/dm3 pour les lipides, 20 kJ/dm3 pour les protides et 21 kJ/dm3 pour les glucides.En fait, il est difficile de déterminer, au moment où la mesure de la consommation d’oxygène est effectuée, quelle est la participation exacte de chacun des trois substrats dans le métabolisme global. Le plus souvent, en pratique, on fait donc appel à une valeur moyenne de Eo2 : 20 kJ/dm3 (4,8 kcal/dm3). Supposons, par exemple, que la consommation d’oxygène mesurée sur un adulte au repos soit de 0,250 dm3 /min ; rapportée à l’unité de temps, l’énergie chimique libérée par oxydation pourra être estimée à :

0,250 x 20 = 5 kJ/min = 5 000/60 = 83 WCette méthode de thermochimie respiratoire, contrairement à la précédente, permet d’effectuer des mesures ponctuelles. Quelques minutes seulement sont nécessaires pour la réaliser au laboratoire ou au lit du malade. C’est la méthode la plus fréquemment utilisée lorsqu’on veut connaître le métabolisme d’un sujet à un moment donné. Pour que le résultat obtenu soit représentatif d’un état métabolique moyen, il faudra veiller à stabiliser au préalable cet état métabolique pendant un temps suffisant (repos de 15 à 30 min). La mesure proprement dite ne durant que quelques minutes, l’hypothèse d’état stationnaire énergétique (BE = 0) peut être considérée comme toujours vérifiée.

III.4. Méthode des égestaElle consiste à estimer l’énergie chimique libérée à partir de la mesure du gaz carbonique et de l’urée excrétée par l’organisme. C’est une méthode très complexe dans son application en laboratoire. Jamais utilisée chez l’Homme, rarement chez l’animal, elle n’est citée ici que pour mémoire.

III.5. Méthodes de calorimétrie directeLes méthodes de calorimétrie directe ont pour but de mesurer directement les sorties énergétiques de l’organisme. Il s’agit initialement de sortie d’énergie thermique uniquement,

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seule forme de sortie d’énergie pour un sujet au repos. Deux types d’application ont été proposés : la calorimétrie fractionnelle ou répartitive, et la calorimétrie globale.

III.5.1. Calorimétrie directe fractionnelle ou répartitiveElle consiste à estimer l’énergie thermique échangée séparément par chacune des voies possibles : radiation, convection, conduction et évaporation, et d’en faire la somme, d’où l’expression de calorimétrie fractionnelle ou répartitive. Pour cela, il peut résoudre les équations correspondantes (WR = hR (Tw – Tsk) AR, Wc = hc (Ta – Tsk) Ac, WK = hK (TK – Tsk) AK, WE (watts) = mH2O. ), ce que permet la connaissance des constantes hR, hC, hK et λ et la mesure des variables Tw, Tsk, Ta, Tk, mH2 O (respectivement températures des parois, de la peau, du milieu ambiant, d’un solide, liquide ou gaz en contact avec la peau et la masse d’eau évaporée). Cette méthode se pratique en général dans une enceinte prévue à cet usage. Il s’agit plutôt d’une méthode de recherche, à la portée de tout laboratoire de physiologie, et fréquemment utilisée depuis les années cinquante. Pour donner de bons résultats, elle exige plusieurs heures de mesure pendant lesquelles la stationnarité de l’état énergétique doit être vérifiée, en particulier par la stabilité de la température centrale. Elle peut aussi être pratiquée à l’exercice ; dans ce cas, le bilan énergétique devra tenir compte de l’énergie mécanique mise en jeu.

III.5.2. Calorimétrie directe globaleSupposons qu’un sujet soit enfermé dans une enceinte adiabatique (c'est-à-dire ne permettant pas d’échange thermique avec l’environnement). Du fait de la chaleur perdue par ce sujet (par radiation, convection et conduction), la température initialement modérée de l’enceinte va s’élever progressivement. Supposons maintenant que nous équipions cette enceinte d’un échangeur thermique ayant pour but de maintenir constante la température de l’enceinte. D’après le principe de conservation de l’énergie, la quantité d’énergie soustraite de l’enceinte par l’échangeur est alors égale à la quantité d’énergie fournie par le sujet. Il suffit donc de mesurer l’énergie extraite par l’échangeur. S’il s’agit, par exemple, d’un fluide de chaleur volumique spécifique C, traversant l’enceinte avec un débit Q et dont la température d’entrée est T1 et la température de sortie T2, la puissance thermique échangée est donnée par l’équation :

W = QC (T1 - T2)En fait cette mesure, de principe simple, nécessite pour donner des résultats fiables une installation complexe que seulement quelques laboratoires dans le monde ont pu réaliser. C’est donc une méthode réservée à la recherche. Elle a permis en particulier de vérifier que le principe de conservation de l’énergie était parfaitement applicable aux êtres vivants : ceci a été réalisé en utilisant simultanément toutes les méthodes calorimétriques, alimentaire, respiratoire et directe sur des sujets pouvant vivre pendant plusieurs jours et avoir une activité normale dans le calorimètre. Dans ce cas évidemment, la stationnarité du bilan énergétique doit être contrôlée et l’énergie mécanique éventuellement mise en jeu par le sujet prise en compte.

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III.6. Estimation des variations des stocks énergétiquesLa mesure des transformations énergétiques dans l’organisme par l’une des méthodes que nous venons d’envisager n’a de valeur que dans la mesure où le bilan énergétique de cet organisme est nul (état stationnaire), c'est-à-dire lorsque les entrées et les sortie d’énergie sont égales et qu’il n’y a donc pas de variation des stocks d’énergie au cours de la mesure. Ceci est vrai quand les mesures sont brèves, comme en thermochimie respiratoire, mais ne l’est pas obligatoirement pour les autres méthodes. Il faut donc, dans ces cas, s’assurer qu’il n’y a pas de variations des stocks.

III.6.1. Stocks d’énergie chimiqueCe sont en général les seuls à être pris en compte. Ce sont les lipides, glucides et protides constitutifs des tissus de l’organisme. Pour un adulte moyen de 70 kg, ils sont estimés à 15 kg de lipides (soit 15 000 x 38 = 570 000 kJ), 6 kg de protides (soit 6 000 x 17 = 102 000 kJ) et 0,2 kg de glucides (soit 200 x 17 = 3 400 kJ).La faible valeur des stocks glucidiques fait que leur variation éventuelle est négligée. En revanche, diverses méthodes permettent d’estimer les variations des stocks lipidique et protidique.Pour les lipides, qui représentent la forme préférentielle de stockage de l’énergie chez l’Homme, une première méthode consiste à soustraire de la masse corporelle totale la masse maigre ; cette dernière est estimée à partir de la mesure de la masse d’eau totale dont on sait qu’elle représente 70 % de la masse maigre. Une autre méthode, basée sur la mesure de l’épaisseur du pli cutané (le tissu cellulaire sous-cutané est un site préférentiel de stockage lipidique), peut être aussi utilisée pour estimer masse grasse et masse maigre. Enfin, une dernière méthode repose sur le fait que la densité du tissu adipeux par rapport à l’eau (0,916) est plus faible que celle des tissus maigres (1,123) ; la mesure de la densité moyenne du corps permet donc d’estimer masse lipidique et masse maigre.Les protides représentent pour leur part 25 % de la masse maigre intracellulaire. Cette masse maigre intracellulaire comprend 75 % d’eau qui peuvent être estimés soit par différence entre la masse d’eau totale de l’organisme et la masse d’eau extracellulaire, soit par la méthode dite du potassium échangeable.La variation du stock énergétique sera finalement estimée en multipliant les variations des masses lipidiques et protidiques par l’équivalent énergétique correspondant (38 kJ/g et 17kJ/g respectivement), et en faisant la somme algébrique.Une méthode d’estimation beaucoup plus grossière consiste à utiliser l’équivalent énergétique moyen du tissu vivant qui est égal à 8 kJ/g (2 kcal/g) pour l’Homme, et donc à multiplier cette valeur par la variation de masse corporelle totale, sans détailler les parts respectives des lipides et des protides.

III.6.2. Stocks d’énergie thermiquePour déterminer l’ensemble des stocks d’énergie, il faut aussi tenir compte des stocks d’énergie thermique. Leur estimation en valeur absolue est sujette à discussion dans la mesure où, à la différence de la masse par exemple, il est difficile de concevoir une température nulle de la matière. (En général, le « contenu thermique » du corps est estimé par référence à l’échelle Kelvin des températures absolues). Toutefois, plus que la valeur absolue

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du stock d’énergie thermique, c’est sa variation au cours de la mesure qui nous intéresse. Or, celle-ci est facile à estimer. Elle est égale au produit de la masse (m) par la chaleur spécifique C (pour les tissus humains vivants, C = 3,5 kJ/kg/C) et par la variation de température (∆ T). wth = m C∆TPar exemple, une variation d’un degré (centigrade ou Kelvin) de l’ensemble de la masse corporelle d’un Homme de 70 kg correspond à une variation du stock thermique de :

Wth = 70 kg x 3,5 kJ/kg/C x 1 °C = 245 kJNotons que 245 kJ correspondraient aussi à une variation de stock lipidique de 6,5g environ. Ceci montre bien que l’amplitude des variations possibles du stock thermique est beaucoup plus faible que celle des variations du stock chimique. C’est pourquoi les variations du stock thermique sont souvent négligées en pratique.

IV.RESULTATS DES MESURES DES ECHANGES ENERGETIQUES : LA DEPENSE ENERGETIQUE

IV.1 IntroductionQuelle que soit la méthode de mesure utilisée, la première constatation qui s’impose concerne l’importance des variations possibles de la dépense énergétique pour le même organisme ou d’un organisme à l’autre. Chez l’homme adulte, la dépense peut varier d’environ 1 à 20 ! Il est donc nécessaire d’analyser différentes situations physiologiques et de répondre à deux questions. D’une part quelles sont les causes principales et l’amplitude des fluctuations de la dépense énergétique ? D’autre part, comme il ne peut y avoir de vie sans échange d’énergie, quelle est la dépense énergétique minimale compatible avec la vie, et quels en sont les éléments déterminants ? Pour un individu donné, trois situations physiologiques sont responsables des principales fluctuations des échanges énergétiques. Ce sont l’exercice musculaire, l’absorption alimentaire et l’exposition à différentes températures ambiantes. Elles sont à l’origine de dépenses dites contingentes ou de fonctionnement (par comparaison à un budget). Par opposition, les dépenses énergétiques minimales, incompressibles, sont appelées dépenses structurelles ou dépenses de fond. Constantes pour un individu donné, elles varient d’un individu à l’autre.

IV.2. Dépenses énergétiques de fonctionnement

IV.2.1. Contraction musculaireLors de sa contraction, le muscle transforme l’énergie chimique (ATP) en énergie mécanique. Il consomme donc de l’énergie chimique. Cette consommation peut être mesurée en imposant à un sujet différentes charges mécaniques et en mesurant simultanément sa dépense énergétique. C’est en particulier la thermochimie respiratoire qui a apporté de nombreuses informations sur l’énergétique de l’exercice musculaire.Par exemple, lors d’un exercice sur bicyclette ergométrique à une charge musculaire modérée,  on s’aperçoit que la consommation d’oxygène s’établit au bout de quelques minutes à une valeur plus élevée que celle que l’on avait mesurée avant le début de l’exercice (fig.2).

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Figure 2 : exercice musculaire chez un Homme adulte.De haut en bas, évolution simultanée en fonction du temps de (1) Wmec, la charge musculaire imposée (sur bicyclette ergométrique par exemple) ; (2) VO2, la consommation

d’oxygène mesurée ; (3) Wchim, la dépense d’énergie chimique calculée (Wchim = VO2 × EO2).

Cette différence de consommation (∆ VO2) correspond à un accroissement de la dépense énergétique (Wchim) qui peut être calculé en multipliant ∆ VO2 par l’équivalent énergétique moyen de l’oxygène (20 kJ/dm3). Dans le cas de l’exemple donné dans la figure 11.7, ∆ VO2

= 0,650 dm3 /min. D’où, Wchim = 0,650 x 20 = 13 kJ/min = 13/60 = 0,217 kW. Ces 217 W d’énergie chimique ont été dépensés par l’organisme pour fournir 50 W d’énergie mécanique au niveau des pédales de la bicyclette ergométrique. Le rendement de la transformation est donc ici de 50/217 = 0,23, ce qui signifie que 23 % d’énergie chimique consommée par le muscle ont été restitués sous forme d’énergie mécanique, alors que les 77 % restants ont été

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« perdus », c'est-à-dire dissipés sous forme de chaleur. D’autres mesures similaires montrent que ce rendement varie d’un groupe musculaire à l’autre et d’un sujet à l’autre (l’entraînement par exemple l’accroît) ; cependant, il dépasse rarement 25 %.Si nous répétons maintenant la même expérience en faisant varier la puissance mécanique imposée, nous constatons que, à partir de sa valeur de repos, la consommation d’oxygène croît avec la puissance mécanique imposée jusqu’à une valeur maximale, dite consommation d’oxygène maximale (VO2max) ; la puissance mécanique correspondante est la puissance maximale que le sujet peut supporter. Pour un sujet jeune, moyennement entraîné, VO 2 max s’établit approximativement à dix fois la valeur de VO2 de repos (2,5 à 3 dm3/min, soit 800 à 1000 W de puissance chimique consommée). Sa valeur est plus faible chez les sujets sédentaires et diminue lentement avec l’âge. Chez des athlètes très entraînés, au cours d’exercices intenses (compétition de ski de fond par exemple). VO2 max a pu atteindre 5 dm3/min (environ 1 600 W), soit environ vingt fois la valeur de VO2 de repos.

Tableau 3: puissances dissipées (Wchim en watts) au cours de différentes activités physiques (Homme, valeurs moyennes)

Ce tableau donne l’ordre de grandeur de l’énergie dépensé par l’homme pour des activités physiques diverses. De même, les activités professionnelles peuvent être classées en fonction de la dépense énergétique qu’elles occasionnent.

Tableau 4: puissances dissipées (Wchim en watts) au cours de quelques activités professionnelles (Homme, valeurs moyennes)

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IV.2.2. Homéothermie Les animaux homéothermes, comme l’homme, maintiennent leur température centrale constante (37±0,5°C chez l’homme) alors que la température ambiante est variable (par opposition, les animaux poïkilothermes voient leur température centrale varier comme la température ambiante). Cette homéothermie, qui se vérifie dans un éventail assez large de températures ambiantes, nécessite la dépense d’une certaine quantité d’énergie, aussi bien en zone froide, dépense de thermogenèse, qu’en zone chaude, dépense de thermolyse. Cette dépense est minimale en zone thermoneutre. Cette zone de neutralité thermique se situe à des températures ambiantes différentes selon le milieu : elle est d’environ 25°C pour l’homme nu, dans l’air et de 33°C dans l’eau dont les coefficients d’échange par convection et conduction sont plus élevés.Lorsque la température ambiante s’abaisse au dessous de la zone de neutralité thermique définie ci-dessus, les dépenses de thermogenèse augmentent progressivement, jusqu’à un maximum d’environ quatre fois la valeur du métabolisme de repos. Cet accroissement de la dépense énergétique est la conséquence du frison. Le frison thermique est une contraction musculaire incoordonnée (dans le sens où elle n’a pas de signification mécanique précise) touchant la majorité des muscles. Cette contraction n’entraînant aucun déplacement sensible, la totalité de l’énergie chimique consommée par le muscle est transformée en énergie thermique. La thermogenèse sans frisson, trouvant son origine dans la graisse brune, n’a jamais été prouvée chez l’homme.Dans le cas inverse, quand les températures ambiantes s’élèvent au dessus de la zone de neutralité thermique, des dépenses de thermolyse apparaissent, mais elles restent bien inférieures aux dépenses de thermogenèse. Elles sont la conséquence de la mise en jeu de phénomènes spécifiques comme la sudation par exemple.Quelle que soit l’énergie utilisée, l’homéothermie ne peut être maintenue que dans un domaine limité de températures ambiantes. En deçà d’une température critique inférieure et au-delà d’une température critique supérieure, les possibilités de régulation physiologique de l’organisme sont dépassées et l’homéothermie ne peut être assurée : la température centrale diminue (hypothermie) ou augmente (hyperthermie).

IV.2.3. Prise alimentaireLa prise d’un repas est suivie en règle générale d’un accroissement de la consommation d’oxygène, donc de la dépense énergétique, apparaissant sous forme de chaleur, d’où son nom de thermogenèse post-prandiale. Celle-ci débute dans les minutes qui suivent le début du repas, s’accroît progressivement jusqu’à une valeur maximale, pour décroître ensuite lentement et se terminer plusieurs heures après la fin du repas. Sa durée et sa valeur sont très variables d’un sujet à l’autre mais surtout selon l’importance du repas et sa composition. Cette thermogenèse post-prandiale est d’autant plus élevée que le repas est plus abondant et plus riche en protides. Elle peut parfois atteindre 30 % de l’énergie chimique ingérée au cours du repas. Elle est plus faible pour un repas lipidique ou glucidique surtout si ce repas n’est pas surabondant par rapport aux besoins de l’organisme.Parfois appelée action dynamique spécifique, la thermogenèse post-prandiale parait essentiellement liée aux transformations chimiques contemporaines de l’assimilation des aliments. Celles-ci sont plus importantes pour les protides que pour les autres nutriments. Par

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ailleurs, cette thermogenèse post-prandiale entre dans le cadre plus général de la thermogenèse alimentaire dont l’une des conséquences, sinon l’un des buts, est d’adapter les sorties énergétiques aux entrées, de manière à maintenir l’adulte dans un état énergétique stationnaire.

IV.3. Dépense énergétique de fondSi chez un individu donné, toutes les dépenses énergétiques facultatives ou contingentes sont supprimées (exercice musculaire, lutte contre le chaud ou le froid, absorption alimentaire), la dépense énergétique de fond peut être approchée. Cette mesure, réalisée à plusieurs reprises sur un même sujet au repos, à jeun et dans une ambiance thermoneutre, donne des chiffres remarquablement reproductibles (de 80 à 100 W pour un adulte jeune, de corpulence moyenne et en bonne santé). En revanche, d’un sujet à l’autre, le résultat varie selon le poids, la taille, l’âge, le sexe, etc. Les recherches sur les déterminants de cette variabilité interindividuelle ont permis d’établir une des lois biométriques les plus connues, la loi des surfaces.

IV.3.1. Masse corporelle biologiquement active et loi des surfacesLa dépense de fond correspond à la dépense énergétique minimale permettant la vie normale de chacune des cellules de l’organisme. On aurait pu penser que cette dépense de fond serait proportionnelle au nombre de cellules, donc à la masse corporelle des sujets. En fait, il n’en est rien. Les mesures réalisées sur des animaux de tailles très différentes montrent que, certes la dépense de fond s’accroît avec la masse corporelle, mais cet accroissement est beaucoup plus faible que celui de la masse corporelle. En d’autres termes, le rapport de la dépense de fond à la masse corporelle, c'est-à-dire la dépense énergétique de fond par kilogramme de masse corporelle, diminue lorsque la masse corporelle s’accroît : elle va de 9,5 W/kg, pour une souris de 20 g, à 0,6 W/kg, pour un cheval de 700 kg en passant par 1,2 W/kg pour un homme de 70 kg. En fait, la formulation mathématique la plus exacte de la relation entre dépense de fond (Wf en unité de puissance) et masse corporelle (m) d’un individu est une fonction puissance de la forme : Wf = amb

avec un exposant b inférieur à l’unité. La valeur exacte de cet exposant ne fait pas l’unanimité : la valeur de 0,73 paraît la plus adéquate si l’on tient compte des résultats obtenus chez différentes espèces animales. C’est celle qui est adoptée pour l’espèce humaine par certaines organisations internationales de santé publique. En fait, il semble qu’au sein d’une même espèce, cette valeur soit plus faible et avoisine 0,67. Cette valeur mb est souvent appelée masse biologiquement active, en raison de sa proportionnalité avec la dépense de fond. Son intérêt est de permettre de calculer la valeur théorique de la dépense énergétique d’un sujet (a = 3,5 W/kg de masse corporelle biologiquement active chez l’homme) afin de la comparer à la valeur effectivement mesurée chez celui-ci et de savoir ainsi si cette valeur mesurée est normale ou non.Le chiffre de 0,67 évoqué ci-dessus est la valeur approchée du rapport 2/3 qui est le rapport dimensionnel entre la surface (S) et le volume (V) des corps (la dimension physique de S étant l2, celle de V étant 13 : 2/3 = 0,666…). Pour b = 0,67, l’équation (21) exprime que la dépense de fond des individus croît comme la puissance 2/3 de leur masse corporelle. Elle

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montre ainsi que, à un coefficient de proportionnalité près (la masse volumique, constante d’un sujet à l’autre quelque soit l’espèce), cette dépense de fond croît comme la surface corporelle. On retrouve de cette façon la loi des surfaces énoncée depuis longtemps déjà par Sarus et Rameux (1825) : la dépense énergétique de fond des animaux est proportionnelle à leur surface corporelle. Cela signifie que le rapport de la puissance de fond à la surface corporelle est une constante quels que soient la taille, le poids, l’âge, le sexe, etc, des individus : ceci est le fondement même de la notion de métabolisme de base MB = Wf/S.

IV.3.2. Métabolisme de basePar définition, le métabolisme de base d’un sujet est sa dépense énergétique de fond rapportée à sa surface corporelle et à l’unité de temps. Il s’exprime donc en W/m2 (ou Kcal/h/m2). Il s’agit théoriquement d’une constante, au moins dans une espèce donnée, comme l’espèce humaine. En fait, il varie un peu d’un sujet à l’autre. Ainsi, il est égal à 45 W/m2 (40 kcal/h/m2) chez l’adulte jeune de sexe masculin et à 42 W/m2 (38 kcal/h/m2) chez l’adulte jeune de sexe féminin, ce qui s’explique par le fait que, à masse corporelle égale, la masse biologiquement active est plus faible chez la femme dont les réserves de lipides, biologiquement peu ou pas actives, sont proportionnellement plus importantes. Il varie aussi avec l’âge pour passer en moyenne de 60 W/m2 à 5 ou 6 ans à 40 W/m2 à 70 ans (55 W/m2 à 10-12 ans, 45 W/m2 à 20 ou 30 ans). La vie en climat froid, le travail physique intense et prolongé, la grossesse après le 7ème mois accroissent le métabolisme de base de quelques pour cent. Dans le domaine extra physiologique, certaines drogues comme la caféine ou les amphétamines l’accroissent également, ainsi que la fumée de tabac, etc. Enfin, la fièvre accroît le métabolisme de base d’environ 13 % par degré d’augmentation de la température centrale, ce qui montre que, comme pour toute réaction chimique, les transformations énergétiques des homéothermes suivent la loi générale de Van t’Hoff.En pratique, la détermination du métabolisme de base d’un sujet consiste à mesurer sa dépense de fond (Wr) et à diviser la valeur ainsi obtenue par sa surface corporelle (S), obtenue de la table ou de l’équation de Dubois. La dépense de fond est mesurée par une technique de thermochimie respiratoire sur le sujet à jeun depuis au moins six heures, au repos depuis au moins 30 min et dans un milieu ambiant thermoneutre (26°C pour un sujet nu, 21°C pour un sujet légèrement vêtu).On considère comme anormales des valeurs de métabolisme de base différant de plus de 15 % en plus ou en moins de leur valeur théorique citée ci-dessus. Ceci s’observe en particulier au cours d’affections de la glande thyroïde.

IV.3.3. Interprétation de la loi des surfacesLa loi liant la dépense énergétique de fond des individus à leur surface corporelle : Wf = kSest une loi bioénergétique fondamentale. Quelle en est son interprétation ?Celle qui paraît la plus simple est de constater que les sorties énergétiques d’un sujet au repos étant exclusivement thermiques, les échanges avec l’environnement s’effectuent donc essentiellement au niveau de la peau, proportionnellement à la surface exposée. Le système thermorégulateur règle les entrées et le sorties de façon à maintenir un bilan thermique nul.

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Un examen plus approfondi montre que la loi des surfaces est la conséquence d’une loi beaucoup plus générale qui est la loi de similitude biologique. L’expérience montre en effet qu’entre des êtres vivants de même niveau d’organisation, il y a une certaine similitude biologique puisque qu’il existe en particulier :

une égalité des masses volumiques (m= V) ; une égalité des chaleurs spécifiques massiques C ; une proportionnalité des temps biologiques aux dimensions linéaires. (Par temps

biologique, on entend la durée d’un événement biologique court, par exemple la période cardiaque, la période respiratoire, etc).

Appliquons ces données à deux mammifères morphologiquement différents mais biologiquement semblables. Leurs dimensions linéaires et leurs temps biologiques sont respectivement L, I, T et t. On peut écrire L/I = T/t = étant le coefficient de similitude biologique. Il est possible d’exprimer en fonction de les rapports de toutes les grandeurs physiques caractéristiques des deux sujets, par exemple, leur dépense énergétique de fond.La dépense énergétique de fondrapportée à l’unité de temps est une puissance, sa dimension physique est donc ML2T-3, et son expression pour chacun de nos deux individus sera : ML2T-3, et ml2t-3. Le rapport de ces deux valeurs peut être traité conformément aux données ci-dessus : (ML2T-3/ ml2T-3VL2T-3 / vl2t-3) = (L3L2T3 / l3l2t3) = (L5t3/l5T3) = (L5 l3/l5L3) = (L2/l2) = S/s = 2.Ce traitement montre que les dépenses de fond de ces deux individus sont dans le même rapport que le carré de leurs dimensions linéaires, c'est-à-dire leur surface. L’exposant de indique à quelle dimension corporelle doit être rapportée la grandeur considérée (3 masse, 2 surface, 1 taille, 0 aucune). On démontrerait à partir des mêmes prémices que le rapport d’une puissance à la surface corporelle est sans dimension biologique (0). Ceci justifie le calcul du métabolisme de base, théoriquement constant, quelle que soit la morphologie des individus. La même démonstration, d’application très générale, justifie la définition de l’index cardiaque, rapport du débit cardiaque à la surface cutanée.

VII. COUVERTURE DES DEPENSES ENERGETIQUES : RATION ALIMENTAIRE

V.1. Introduction Il n’y a pas de vie sans échange d’énergie. Dans le règne animal, les pertes d’énergie ne se font pratiquement que sous forme thermique et mécanique et les gains, non moins vitaux, sous forme chimique. Ces gains sont assurés par la ration alimentaire en lipides, glucides et protides.La ration alimentaire n’a cependant pas pour seul but de couvrir les besoins énergétiques des individus. Elle doit aussi couvrir les besoins de matière consécutifs, soit à la construction de la matière vivante pour les organismes en croissance, soit au renouvellement permanent des composants tissulaires pour les organismes à l’état stationnaire. Elle doit enfin apporter, du fait de l’hétérotrophie de l’organisme, des molécules complexes que celui-ci n’est pas capable de synthétiser, mais qui sont indispensables à la vie ; c’est le cas des vitamines par exemple.

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Tout ceci entre en compte dans la composition de la ration. On peut distinguer d’ailleurs deux catégories de besoin : alors que le besoin de matière est très spécifique (un élément chimique ne peut être remplacé par un autre), le besoin énergétique l’est beaucoup moins, un nutriment énergétique pouvant se substituer, au moins partiellement, à un autre.Diverses méthodes permettent de juger de l’adéquation du régime alimentaire aux besoins. Citons la plus utilisée qui est le régime d’épreuve : il consiste à fournir à un individu un régime connu et à vérifier que ce régime permet, chez l’adulte, le maintien de l’état stationnaire et, chez le jeune, une croissance normale.

V.2. Besoins énergétiques

V.2.1. Estimation des besoins énergétiquesLes méthodes calorimétriques, vues plus haut, permettent d’estimer ces besoins. En ce qui concerne l’établissement de la ration alimentaire, ils sont généralement calculés pour une période de 24 heures.Ration d’entretien de l’adulte : cette ration sera calculée en additionnant, pendant 24 h, les dépenses correspondant à chaque type d’activité. Un exemple de ce type de calcul est donné dans le tableau ci-dessous.

Tableau 5: ration alimentaire d’entretien : estimation des besoins nutritifs quotidiens. Exemple de calcul.

Il est évident que pour maintenir un état énergétique stationnaire (BE = 0, EE = SE), la ration alimentaire doit couvrir exactement les dépenses. Pour un adulte normal de sexe masculin, la ration d’entretien doit apporter quotidiennement de 11 000 à 12 500 kJ dans le cas d’une activité modérée, de 12 500 à 14 500 kJ dans le cas d’une activité moyenne et de 14 500 à 16 500 kJ dans celui d’une activité intense.Ration de croissance de l’enfant : le bilan énergétique doit dans ce cas estimer, d’une part la sortie énergétique, d’autre part la variation des stocks énergétiques correspondant à l’accroissement pondéral. La ration alimentaire devra couvrir la somme de ces deux postes (BE ≠ 0, EE = SE + BE). Prenons l’exemple d’un nourrisson de 4 kg dont la dépense énergétique est estimée par jour à 1 850 kJ/j et dont l’accroissement pondéral est de 40 g dans

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le même temps. L’équivalent énergétique moyen de 1 g de tissu animal, déterminé à la bombe calorimétrique, étant de 8 kJ/ g, les besoins énergétiques quotidiens de ce nourrisson peuvent être estimés à 1 850 + (40 x 8) = 2 170 kJ. Poursuivons cet exemple pour considérer le cas de la mère allaitant ce nourrisson. Un litre de lait de femme apportant à l’enfant en moyenne 3 000 kJ, ce nourrisson devra absorber quotidiennement 2 170 / 3 000 = 0,712 dm3 de lait. La fourniture de ce lait correspond pour la mère à une sortie énergétique (chimique) qu’il faudra ajouter à l’estimation de ses propres besoins tels que nous les avons établis ci-dessus pour l’adulte. De plus, la synthèse du lait maternel nécessite la dépense d’une énergie supplémentaire : en effet, le rendement de cette synthèse est estimé à 60 % environ. En d’autres termes, le contenu énergétique du lait maternel ne représente que 60 % de l’énergie dépensée pour le synthétiser. Dans ce cas particulier, l’allaitement de ce nourrisson correspondra donc pour la mère à une dépense énergétique supplémentaire de 2 170 / 0,6 = 3 620 kJ, supplément qui devra être couvert par sa ration d’entretien. Un raisonnement semblable peut s’appliquer à la période de gestation qui, sur le plan énergétique, représente pour la mère une synthèse de matière et un bilan positif.

V.2.2. Couvertures des besoins énergétiquesLa couverture des besoins énergétiques sera assurée au mieux par une ration comprenant 12 % de protides (14 % pour une ration de croissance), 30 à 35 % de lipides, 50 à 60 % de glucides. Le standard nutritionnel idéal fixe d’autres conditions supplémentaires :

l’apport lipidique doit assurer à l’organisme la fourniture à parts égales d’acides gras saturés, mono-insaturés et polyinsaturés ;

l’apport glucidique doit être assuré à 75 % par des sucres « lents » et 25 % par des sucres « rapides » (les qualitatifs de lents et rapides correspondent aux conditions d’assimilation des sucres : assimilation lente des sucres à molécule complexe, comme exemple l’amidon ; assimilation rapide des sucres à molécule simple comme le glucose ou le saccharose).

Il est facile de passer de ces données standards aux données pondérales de la ration quotidienne connaissant, d’une part les besoins d’un individu, d’autre part l’équivalent énergétique des protides (17 kJ/g), lipides (38 kJ/g) et glucides (17 kJ/g). Par exemple, une ration quotidienne d’entretien de 12 000 kJ sera assurée idéalement par l’apport de : (12 000 x 0,12)/17 = 85 g de protides,(12 000 x 0,30)/38 = 95 g de lipides,(12 000 x 0,58)/17 = 410 g de glucides.En fait, les nutritionnistes ont démontré qu’il n’est pas indispensable, au moins pour l’adulte, que la ration alimentaire respecte très strictement les pourcentages respectifs de lipides, glucides et protides indiqués ci-dessus ; en revanche, un apport quotidien minimal de chacun des trois nutriments est nécessaire, à condition de combler la différence par l’un des trois autres. Ces valeurs minimales indispensables ont été établies, pour la ration d’entretien, à 5 à 6 % de protides, 3 à 4 % de lipides et 30 à 35 % de glucides. Ensemble, ces apports minimaux couvriront environ 40 % de la ration. Les 60 % restants pourront être couverts par l’un (ou deux ou trois, en proportions variables) des trois nutriments. Dans cette limite des 60 %, on

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peut dire que 1/17 g de protides, 1/17 g de glucides, 1/38 g de lipides sont équivalents sur le plan de l’apport énergétique : c’est ce qui a été appelé loi de l’isodynamie.

V.3. Besoins spécifiques

V.3.1. Besoins en oxygèneIl ne s’agit pas proprement parler d’un composant de la ration alimentaire. Mais l’individu doit cependant être « alimenté » en oxygène de façon permanente afin de satisfaire, comme nous l’avons vu antérieurement, les besoins du métabolisme cellulaire. L’homme ne stocke pas l’oxygène, et quelques minutes de privation suffisent pour entraîner la mort. Sauf en très haute montagne, encore que l’ascension de l’Everest soit possible sans apport supplémentaire, l’oxygène est présent en quantité suffisante dans l’atmosphère gazeuse de la surface du globe, d’où il est prélevé par l’échangeur pulmonaire. Ce besoin doit être pris en compte lors de la fabrication d’atmosphères artificielles (cas des plongeurs ou des cosmonautes par exemple). On peut remarquer que la masse d’oxygène quotidiennement consommée par un individu est du même ordre de grandeur que la masse des aliments absorbés. Elle dépend bien sûr de l’activité de cet individu. Ainsi, pour une dépense énergétique de 12 000 kJ en 24 h, l’équivalent énergétique de O2 étant en moyenne de 20 kJ/dm3 le volume d’oxygène consommé sera 12 000/20 = 600 dm3, soit une masse de (600 x 32)/22,4 = 857 g.

V.3.2. Besoins protidiquesLes protides alimentaires sont pour l’homme et d’une façon générale pour les animaux, la seule source d’azote. Les organismes hétérotrophes ne peuvent utiliser l’azote gazeux moléculaire qui constitue les 4/5 de l’atmosphère terrestre. De ce fait, la suppression des protides de la ration alimentaire entraîne, à plus ou moins brève échéance, la mort de l’animal.L’expérience montre que l’absorption d’une ration alimentaire contenant 95 g de protides, telle que celle calculée ci-dessus, s’accompagne à peu de choses près de l’élimination, essentiellement urinaire, de 15 g d’azote. Sachant que, en moyenne, 1 g de protides contient 0,16 g d’azote, on peut en déduire que l’adulte, à l’état stationnaire, élimine autant d’azote qu’il en absorbe : c’est l’équilibre azoté, état stationnaire appliqué à l’azote. Cet équilibre azoté traduit le renouvellement permanent, destruction et synthèse, des tissus protidiques de l’organisme. La question s’est posée de savoir quel était l’apport minimal d’azote, donc de protides, nécessaire à ce renouvellement indispensable.Un homme, ou un animal de même taille, dont la ration alimentaire, par ailleurs suffisante au point de vue énergétique, ne contient pas de protide (jeûne protidique), élimine quotidiennement 2 à 3 g d’azote, ce qui correspond au catabolisme de 15 à 20 g de protides tissulaires (à raison de 6,25 g de protides par gramme d’azote). L’apport de 20 g de protides dans la ration quotidienne serait donc théoriquement suffisant pour couvrir ce besoin azoté. Il n’en est rien : un tel apport accroît l’élimination d’azote qui dépasse alors celle observée au cours du jeûne protidique, si bien que l’équilibre n’est pas atteint. En accroissant progressivement l’apport protidique dans la ration alimentaire, l’équilibre azoté est atteint aux environs de 6 g d’azote excrété, soit 40 g de protides ingérés environ. Cet équilibre est atteint plus rapidement avec les protides d'origine animale (30 g) qu’avec les protides d’origine

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végétale (50 g) ; les protides d’origine végétale ont donc un coefficient d’utilisation, parfois appelé valeur biologique, plus faible que les protides d’origine animale. Ces phénomènes s’expliquent par la spécificité des besoins protéiques de l’organisme qui, d’une part doit trouver dans la ration protidique les acides aminés indispensables qu’il ne peut synthétiser (Tab.6), d’autre part utilise d’autant mieux ces acides aminés qu’il les trouve dans des proportions relatives bien déterminées. Ces deux facteurs, qualitatif (acides aminés indispensables) et quantitatif (proportions respectives entre acides aminés), expliquent à la fois que l’exigence minimale de l’organisme dépasse le seul remplacement de la masse d’azote éliminée, et que les protides alimentaires puissent satisfaire plus ou moins facilement ce besoin selon leur composition, et donc leur origine animale ou végétale. Notons que l’apport minimal quotidien de 40 g de protides d’origine mixte correspond à (40 x 17)/ 12000 = 0,057, c'est-à-dire à 5,7 % d’une ration de 12 000 kJ.

Tableau 6: acides aminés indispensables.

V.3.3. Besoins glucidiquesUn apport glucidique minimal est nécessaire vis-à-vis du métabolisme des protides et des lipides. En ce qui concerne le métabolisme des protides, l’expérience montre que, chez l’animal, le jeûne complet s’accompagne d’une élimination azotée beaucoup plus élevée que le jeûne uniquement protidique (10 à 12 g contre 2 à 3 g), et que cette excrétion azotée diminue au fur et à mesure que les glucides sont réintroduits dans la ration alimentaire. Ce phénomène n’est pas observé avec les lipides. Chez l’homme, au cours du jeûne protidique, un apport de glucides couvrant au moins 30 % du besoin énergétique est nécessaire pour obtenir une excrétion azotée minimale. Au dessous de cette valeur, la relative carence d’apport glucidique est composée par l’augmentation du catabolisme des acides aminés glucoformateurs, d’où l’augmentation de l’excrétion azotée.Simultanément, lorsque l’apport glucidique est trop faible, le catabolisme lipidique s’accroît, ce qui conduit à un état d’acidocétose (comparable à celui observé au cours du diabète, affection caractérisée par un défaut d’utilisation glucidique).

V.3.4. Besoins lipidiquesUn apport quotidien minimal de lipides est nécessaire à l’organisme pour deux raisons. D’une part, ils fournissent à l’organisme des acides gras qui lui sont indispensables et qu’il ne peut synthétiser ; ce sont les acides gras polyinsaturés (acides linoléique C18 : 2, linolénique C18 : 3, arachidonique C20 : 4, etc), qui entrent, par exemple, dans la composition des phospholipides membranaires. D’autre part, les lipides alimentaires sont les seuls vecteurs de vitamines liposolubles. Un apport quotidien de 3 à 4 % de la ration énergétique est suffisant pour couvrir ces besoins en lipides.

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V.3.5.Besoins en matériaux non énergétiques

Besoins en eauLes pertes hydriques, étroitement assujetties aux nécessités de la thermorégulation, sont susceptibles de varier dans de larges proportions (au moins de 1 à 10). De ce fait, les besoins hydriques quotidiens destinés à équilibrer le bilan hydrique de l’organisme sont très variables chez un même sujet.

Tableau 7: bilan d’eau pour un Homme au repos en climat tempéré

Dans ce tableau sont présentés les éléments du bilan hydrique d’un sujet au repos ou en activité légère. Le déséquilibre du bilan hydrique peut faire varier de façon importante le stock hydrique de l’organisme, et donc la masse corporelle dont il représente environ 70 %. Il faut veiller, lorsque l’on établit un bilan énergétique, à ne pas prendre en compte ces éventuelles variations de la masse corporelle liées à des modifications du bilan hydrique, car elles sont évidemment sans signification énergétique.

Besoins en éléments minéraux Notre ration alimentaire nous fournit quotidiennement 1 à 4 g de chlore, sodium, potassium, calcium, phosphore et soufre, 0,001 à 0,1 g de magnésium, iode, fer, zinc et cuivre, et certainement des traces de nombreux autres éléments. Ces éléments minéraux sont indispensables à la construction de l’organisme, comme dans le cas du calcium pour le squelette, ou à son fonctionnement comme pour le fer de la molécule d’hémoglobine. Une ration alimentaire variée couvre très largement ces besoins en minéraux.

Besoins en vitaminesLes vitamines sont des molécules, en général complexes, que les organismes hétérogènes ne peuvent pas synthétiser et qu’ils doivent trouver dans leur ration alimentaire, sous peine de développer des maladies de carence. Les vitamines sont indispensables aussi bien à la vie de l’adulte qu à la croissance de l’enfant. Ces molécules entrent dans la composition de certaines

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enzymes. Leur rôle est uniquement fonctionnel et les besoins quotidiens en sont très faibles, de l’ordre du milligramme. Elles sont généralement classées en deux catégories : les vitamines liposolubles, A, D, D2, E, K, apportées par les huiles et les graisses alimentaires animales ou végétales ; les vitamines hydrosolubles, B1, B2, B6, B12, C, PP, acide pantothénique, acide folique, biotine, présentes dans de nombreux tissus animaux et végétaux. Les structures moléculaires complexes des vitamines étant souvent altérées par l’oxydation ou par la chaleur, la source vitaminique principale sera essentiellement les aliments frais, consommés crus.

Aliments Le choix des aliments constituant la ration doit respecter les exigences biologiques évoquées ci-dessus, mais ce choix est aussi dirigé par de nombreuses autres considérations de nature climatique, économique, sociale, culturelle, etc. Par exemple, sur le plan économique, le prix de revient pour le consommateur de l’unité énergétique (le joule par exemple) est différent suivant son origine : le joule d’origine glucidique, généralement végétal, est beaucoup moins cher que le joule d’origine protidique, généralement animal. De même, la tradition, la religion, les tabous orientent très fortement les choix alimentaires des hommes. Les exigences biologiques trouveront donc des modalités d’application pratique très différentes d’un individu ou d’un groupe social à un autre. Néanmoins, un régime alimentaire équilibré puisera dans chacun des six groupes d’aliments suivants : I = viandes, poissons, œufs, II = laitages, fromages,III = graisses, beurre, huiles,IV = céréales, pains,V = fruits, légumes verts,VI = pommes de terre, légumes secs.L’alcool éthylique est un cas particulier. C’est un aliment et à ce titre, absorbé à dose modérée, son oxydation peut fournir à l’organisme 30 kJ/g (ou 7 kcal/g). Mais l’alcool est aussi un toxique, recherché pour son effet stimulant. En marge de l’intoxication éthylique aiguë, qui sort du domaine de ce chapitre, l’intoxication chronique entraîne des lésions nerveuses et viscérales, hépatiques en particulier, irréversibles. Ces dommages sont susceptibles d’apparaître dès que la consommation quotidienne dépasse 1 g d’alcool pur par kg de masse corporelle, c'est-à-dire pour un adulte de 70 kg, 700 cm3 de boisson alcoolisée à 10° soit 2 100 kJ (500 kcal).

II. HOMEOSTASIE BIONERGETIQUE

VI.1. IntroductionLe terme d’homéostasie recouvre toutes les actions qui ont pour but de maintenir les équilibres propres de l’organisme, assurant ainsi son indépendance vis-à-vis des contraintes environnementales. La réalité et l’efficacité de ces actions se traduisent par la quasi-constance d’un certain nombre de grandeurs, quelles que soient les situations où se trouve cet organisme dans son milieu. Par exemple, les concentrations ioniques du milieu intérieur, la pression

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artérielle, la pression partielle de gaz carbonique du sang artériel, la température centrale, entre autres, ne varient que très peu d’un instant à l’autre, par rapport à leur valeur moyenne. Une variation significative de ces grandeurs ne s’observe que dans les états pathologiques. Dans ces cas, les traitements visent la normalisation de ces valeurs. L’échec thérapeutique conduit à une insuffisance fonctionnelle chronique et, à plus ou moins longue échéance, à la mort de l’individu. La constance de chacune de ces grandeurs est assurée par une régulation qui lui est propre. Au cours des dernières décennies, les progrès de la cybernétique, discipline consacrée à l’étude des mécanismes de contrôle automatiques, ont beaucoup contribué à la connaissance des lois générales régissant le fonctionnement des régulations physiologiques. On a pu aboutir ainsi à une conceptualisation commune à de nombreux domaines de la science ou de la technique, applicable en particulier à la biologie : la boucle de régulation ou de rétroaction négative (feedback négatif) en est un exemple.

Figure 3: schéma général d’une boucle de régulation

Les échanges d’énergie existant chez les êtres vivants sont soumis à des règles homéostasiques comme toutes les grandes fonctions de l’organisme. L’exemple le lus évident et bien sûr, la constance de la température centrale, qui concerne directement la bioénergétique thermique. Mais, dans le domaine de la bioénergétique chimique, la stabilité pondérale de l’adulte est aussi un phénomène homéostasique, de même que, en ce qui concerne l’énergie mécanique, l’adaptation du geste volontaire au projet de mouvement. Seuls les mécanismes fondamentaux de la régulation de la température centrale ainsi que les principes généraux de la gestion des stocks d’énergie chimique seront envisagés ici.

VI.2. Régulation thermiqueAu paragraphe d’introduction générale à la bioénergétique, le modèle thermique de l’organisme et les différentes modalités d’échange de chaleur entre l’organisme et son environnement ont été présentés. Mais ces données n’impliquaient pas que la température centrale reste constante. L’homéothermie exige en effet des structures et une organisation

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fonctionnelle supplémentaires réglant les échanges thermiques, de façon à égaliser gains et pertes ; ceci permet de maintenir constant le stock thermique et donc la température du noyau qui est en fait la grandeur réglée du système thermorégulateur.

Figure 4: schéma du système de régulation thermique construit sur le modèle général de la figure 3.

VI.2.1. Bilan thermiquePour un organisme à l’état stationnaire, les entrées thermiques (Wth) peuvent être appréciées par le niveau de son métabolisme, calculé par exemple par thermochimie respiratoire (WO2= EO2 x VO2), auquel on doit soustraire la part d’énergie qui ne peut apparaître sous forme de chaleur au sein de l’organisme lui-même, c'est-à-dire les sorties d’énergie mécanique (Wmec) : Wth = WO2 – Wmec

Les échanges thermiques par radiation (WR), convection (WC) et conduction (WK) peuvent conduire à des gains ou à des pertes thermiques selon les valeurs respectives des températures cutanées (Tsk) et ambiantes (Tw, Ta, Tk). Le plus souvent, ces postes d’échange sont de signe négatif et représentent donc des pertes thermiques. Les échanges par évaporation (WE) sont toujours de signe négatif (en effet, l’évaporation de l’eau consomme toujours de l’énergie thermique fournie par l’organisme). Au total, le bilan thermique de l’organisme peut s’écrire :

WO2 - Wmec WR WC WK - WE = Bth

Si Bth est positif, il y a stockage thermique et élévation de température (∆T > 0), s’il est négatif, il y a baisse de température (∆T < 0); ce n’est que lorsque B th est nul que ∆T = 0. En effet, ces deux grandeurs sont liées par l’équation générale déjà vue :

Bth = m C ∆Tdans laquelle m et C sont respectivement la masse corporelle de l’organisme et sa chaleur spécifique.

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Pour être plus précis, il faudrait distinguer masses et températures du noyau central (indice c) et de l’écorce (indice sk) et écrire :

Bth = Bc + Bsk = C (mc ∆Tc + msk ∆Tsk)L’homéothermie appliquée au seul noyau central exige uniquement que Bc = 0 pour que ∆Tc

= 0. Elle est compatible avec une valeur non nulle de Bsk et Tsk donc de Bth. En fait, compte tenu de la valeur relativement faible de msk (10 à 30 % de la masse corporelle totale suivant les cas), Bsk ne représente qu’une faible part de Bth.

VI.2.2. Modèles de thermorégulationLe système thermorégulateur est donc agencé de façon à maintenir ∆Tc, donc Bc, nul. Plusieurs modèles de régulation ont été proposés. L’un des plus fréquemment évoqué est celui dit de la valeur de consigne (en anglais : set point, Fig.4). Selon ce modèle, la température centrale serait en permanence mesurée par des thermocapteurs et comparée à une valeur de consigne (Tcs) égale ou très voisine de 37°C à l’état normal. Lorsque la température centrale a tendance à s’éloigner de cette valeur de consigne, un signal d’écart, qui peut être représenté par la différence des deux températures,

∆T = Tc-Tcs

met en jeu l’un ou l’autre des deux systèmes réglants dont dispose l’organisme : un système réglant thermogénique lorsque ∆T est négatif, c'est-à-dire lorsque la température centrale tend à diminuer, et un système réglant thermolytique, lorsque la température centrale a tendance à s’accroître et que ∆T devient positif. Les modalités d’action de ces deux systèmes réglants sont bien connues.

Le système réglant thermogénique a deux objectifs : limiter les pertes thermiques et augmenter les gains thermiques. La diminution des pertes thermiques est obtenue par vasoconstriction cutanée. En effet, cette vasoconstriction a au moins deux conséquences principales :

elle diminue le débit sanguin cutané, donc la convection thermique par voie sanguine, qui est pratiquement la seule voie d’échange thermique entre le noyau et l’écorce,

elle abaisse la température cutanée et diminue donc les échanges radiatif, convectif et conductif entre la peau et l’environnement. L’augmentation des gains thermiques est essentiellement la conséquence, au moins chez l’homme adulte, du frisson thermique. Le frisson thermique accroît en effet de façon importante le métabolisme de l’individu et donc ses gains thermiques. Comme nous l’avons déjà signalé, la thermogenèse sans frisson, qui trouve son origine dans la graisse brune, n’a jamais été démontrée chez l’homme, mais joue un rôle important dans certaines espèces animales.

Le système réglant thermolytique a pour objectif d’accroître les pertes thermiques par le biais de deux mécanismes. L’un est vasculaire ; c’est la vasodilatation cutanée qui a des effets exactement inverses de ceux de la vasoconstriction : augmentation de la convection thermique noyau-écorce et augmentation de la température cutanée. L’autre est sudoral. Le but de la sécrétion de la sueur par les glandes sudoripares est d’augmenter l’évaporation d’eau à la surface de la peau. La seule sécrétion sudorale n’est pas thermolytique ; au contraire, elle accroît sensiblement le métabolisme, puisqu’elle met en jeu des transports actifs d’ions. Seule l’évaporation, consécutive à

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la sudation, entraînera une perte thermique. L’évaporation, comme cela a été vu plus haut, exige des conditions ambiantes adéquates (faible humidité).

VI.2.3. Identification des éléments du modèleTous les acteurs de ce système thermorégulateur ont été identifiés. Les thermocapteurs, éléments sensoriels dont la fréquence de décharge dépend de la température, sont présents en de nombreux points superficiels ou profonds de l’organisme. Dans l’hypothalamus en particulier, souvent considéré comme le centre nerveux de la régulation thermique, on a pu mettre en évidence une double population cellulaire, l’une répondant à des températures locales inférieures à 37°C, l’autre à des températures locales supérieures à 37°C. L’équilibre des réponses entre ces deux populations pourrait contribuer à définir la température de consigne du régulateur.La commande vasomotrice est assurée essentiellement par le système nerveux orthosympathique adrénergique, alors que la sécrétion des glandes sudoripares est déclenchée par des fibres cholinergiques. La sécrétion de bradykinine par des glandes sudoripares, lorsqu’elles sont actives, favorise par ailleurs la vasodilatation. La commande du frisson est assurée par les voies motrices extrapyramidales puis par les fibres des nerfs périphériques. Ce système thermorégulateur est très efficace, surtout dans la lutte contre la chaleur. Dans ce cas en effet, la vasodilatation cutanée peut permettre de multiplier par dix le débit sanguin (de 0,2 à 0,3 dm3/min à 2 à 4 dm3/min), et donc d’accroître d’autant le transfert thermique entre le noyau central et l’écorce. En même temps, la sudation peut atteindre des débits de pointe de l’ordre de 1 l/h et permettre ainsi la dissipation par évaporation (à raison de 2 400 J/g) de 2 400 kJ/h, soit plus de 650 W d’énergie thermique. Dans la lutte contre le froid, l’efficacité est moindre, la thermogenèse par frisson ne permettant que de tripler ou quadrupler le métabolisme de fond (certains auteurs ont vu dans ces différences des performances du système thermorégulateur au chaud et au froid, la preuve que les origines de l’homme devraient être recherchées plutôt sous des climats chauds que sous des climats froids ou même tempérés).

VI.2.4. Thermorégulation comportementale Pour éviter de dépasser les possibilités du système thermorégulateur, ce qui conduirait à brève échéance à des situations d’hyper- ou d’hypothermie ou bien plus simplement, pour échapper à l’inconfort engendré par le frisson ou la sudation, les animaux et l’homme ont recours à d’autres moyens, dits de thermorégulation comportementale. Contrairement aux mécanismes thermorégulateurs automatiques énumérés ci-dessus, la thermorégulation comportementale résulte généralement d’un comportement conscient et volontaire. Ainsi, par temps chaud et ensoleillé, les animaux se réfugient à l’ombre, alors que par temps froid, ils se roulent en boule pour limiter leur surface d’échange. L’homme a perfectionné et accru ces possibilités en portant des vêtements différents en été et en hiver, en construisant des maisons elles-mêmes thermostatées quelles que soient les saisons, bref, en mettant au service de sa régulation thermique tous les perfectionnements technologiques développés par son intelligence.

VI.2.5. Hyper- et hypothermies

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Les hyper- ou hypothermie sont liées soit à une perturbation du système thermorégulateur, soit à son dépassement par une charge thermique (positive ou négative) trop importante. La fièvre appartient à la première catégorie de dérèglements. Elle n’est pas liée à un dépassement des possibilités du système thermorégulateur mais à une élévation de la grandeur de consigne du régulateur thermique (Tcs). Cette élévation de Tcs serait provoquée par la présence, au niveau des centres thermorégulateurs, de substances étrangères à l’organisme, sécrétées le plus souvent par des bactéries ou des virus. Le début d’une affection fébrile, marqué par un accroissement de la température de consigne, s’accompagne en effet de tous les signes de mise en jeu du système réglant thermogénique : pâleur et frisson essentiellement ; de même, sa fin, qui correspond à une normalisation de la température de consigne, s’accompagne généralement de sudation témoignant de l’activité du système thermolytique.Les hyperthermies par dépassement des possibilités du système thermorégulateur peuvent être liées soit à un excès de thermogenèse, comme dans l’exercice musculaire intense et prolongé, soit à une réduction ou à une abolition de la thermolyse (bain en eau chaude par exemple).Les hypothermies peuvent être liées soit à un défaut de thermogenèse, comme dans l’insuffisance thyroïdienne, soit à un excès de thermolyse (bain en eau froide par exemple).

III. GESTION DES STOCKS D’ENERGIE CHIMIQUEDans ce paragraphe, nous envisageons comment, chez l’adulte, se réalisent les adaptations réciproques des entrées d’énergie chimique aux sorties d’énergie thermique et mécanique. Ces adaptations impliquent la gestion de stocks d’énergie chimique qui sera envisagée sous deux aspects au moins : à court terme, à l’échelle du nycthémère et à long terme, à l’échelle de l’année ou de la décennie.

VII.1. Gestion à court terme des stocks d’énergie chimiqueLa gestion à court terme permet d’adapter les entrées énergétiques alimentaires, toujours intermittentes, parfois aléatoires, aux sorties énergétiques, variables d’un moment à l’autre, mais permanentes. Elle se confond de façon assez étroite avec la régulation de la glycémie.

VII.1.1. Phase d’absorption alimentaireEn période d’absorption alimentaire, ou immédiatement postprandiale durant laquelle les nutriments pénètrent dans le sang à partir du tube digestif, l’organisme couvre ses dépenses énergétiques immédiates grâce aux glucides alimentaires utilisés en priorité. Le quotient respiratoire, voisin de 1 à ce moment, témoigne de ce métabolisme glucidique préférentiel.Les excédents glucidiques sont soit stockés sous forme de glycogène intracellulaire, surtout hépatique ou musculaire, soit transformés en triglycérides de réserves. Cette transformation de glucose en graisse s’effectue soit au niveau du foie, soit au niveau des cellules adipeuses qui en assureront le stockage. Pour leur part, les acides aminés issus de l’hydrolyse des protides alimentaires sont utilisés, en particulier par le muscle, pour le renouvellement permanent des structures cellulaires. L’excédent d’acides aminés participe lui aussi, après transformation hépatique, à la synthèse des triglycérides de réserve. Enfin, les triglycérides issus des graisses alimentaires sont stockés tels quels dans les adipocytes.

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VII.1.1. Phase de jeûneEn période de jeûne, dans l’intervalle des repas, l’essentiel (60 %, R = 0,8) des besoins d’énergie est couvert par le métabolisme des acides gras en provenance des triglycérides stockés dans le tissu adipeux. Certains tissus, comme le tissu nerveux, exigent cependant un substrat énergétique glucidique ; le glucose nécessaire, qui couvre 40 % des besoins énergétiques du sujet à jeun, sera d’abord prélevé sur les stocks glucidiques (15 %) mais, comme ceux-ci sont faibles (200 à 300g environ), l’organisme devra synthétiser du glucose, soit à partir des restes de glycérol provenant de la dégradation des triglycérides (10 % environ), soit à partir des acides aminés glucoformateurs (15 %). Quand le jeûne est prolongé, cette néoglucogenèse protéique prend progressivement une place de plus en plus importante et se traduit extérieurement par une fonte musculaire et une augmentation de l’excrétion azotée. Là encore, le foie joue un rôle important, aussi bien comme organe de stockage du glycogène que comme artisan de la néoglucogenèse d’origine lipidique ou protidique.

VII.1.3. Contrôle hormonalLa mise en jeu de l’ensemble de ces phénomènes de stockage ou de déstockage énergétique, aussi bien que le choix du substrat énergétique d’utilisation immédiate, est le résultat d’un contrôle hormonal reposant essentiellement sur le couple insuline-glucagon. D’autres hormones, comme l’adrénaline, les glucocorticoïdes ou l’hormone somatotrope (appelée aussi hormone de croissance), interviennent également, mais à un degré moindre. Toutes ces substances jouent un rôle dans la régulation de la glycémie.L’insuline a pour effets principaux :

de favoriser la pénétration dans les cellules du glucose et des acides aminés. De ce seul fait, elle favorise les réactions intracellulaires faisant intervenir le glucose ou les acides aminés (oxydation, synthèse du glycogène et des graisses) ;

de favoriser la biosynthèse des grosses molécules glucidiques, lipidiques et protéiques. Globalement, l’insuline favorise l’utilisation du glucose et des petites molécules à des fins d’oxydation immédiate ou de stockage ; au contraire, elle inhibe leur synthèse à partir de grosses molécules : elle est de ce fait hypoglycémiante. Sa sécrétion est déclenchée par tout accroissement de la glycémie, en particulier celui qui suit normalement l’absorption alimentaire. L’insuline est donc l’hormone de la période postprandiale, l’hormone de stockage énergétique par excellence. Son absence se traduit par une hyperglycémie et, à défaut de son utilisation ou de son stockage, par l’élimination urinaire du glucose : c’est la glycosurie qui apparaît quand la glycémie dépasse un certain seuil. Hyperglycémie et glycosurie sont les deux principaux signes biologiques du diabète sucré, maladie consécutive à un défaut de sécrétion d’insuline par le pancréas endocrine (le terme de diabète signifiant que cette affection s’accompagne aussi d’un accroissement de la diurèse).Face à l’insuline et à son action hypoglycémiante, l’organisme dispose d’un certain nombre d’hormones hyperglycémiantes. Leur sécrétion est déclenchée par la diminution de la glycémie ; ce sont donc les hormones du jeûne dont les principales sont le glucagon, l’adrénaline et l’hormone de croissance, auxquelles peut être ajouté le cortisol. Le glucagon, comme l’adrénaline, favorise la glycogénolyse musculaire ou hépatique et, comme l’hormone somatotrope, stimule la néoglucogenèse hépatique. Adrénaline, et hormone somatotrope

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favorisent la dégradation des triglycérides stockés dans les tissus adipeux. L’hormone somatotrope tend de plus à inhiber l’utilisation du glucose par les cellules.Schématiquement, on peut considérer que la gestion à court terme du stock d’énergie chimique de l’organisme est contrôlée par le système régulateur de la glycémie.

Figure 5: schéma de régulation de la glycémie assurant la gestion à court terme (24 h) des stocks d’énergie chimique. mg = masse de glucose ; Cg : concentration de glucose ; Cs : concentration de consigne.En fait, le problème est plus complexe. Ainsi, la sécrétion du glucagon et d’hormone de croissance est stimulée, comme celle de l’insuline, par l’accroissement de concentration en acides aminés du sang, ce qui s’observe à la suite d’un repas riche en protides, et n’entre pas dans le schéma ci-dessus. La sécrétion de ces hormones hyperglycémiantes intervient, dans ce cas, pour limiter une trop forte baisse de la glycémie. Ces faits ne remettent pas en cause le rôle principal joué dans le contrôle à court terme des stocks énergétiques par le système régulateur de la glycémie tel qu’il est présenté ci-dessus.

VII.2. Gestion à long terme des stocks d’énergie chimiqueException faite des périodes de gestation où il y a stockage temporaire de matière et d’énergie, la masse corporelle de l’adulte reste constante pendant plusieurs années, voire plusieurs décennies, ce qui suppose l’existence d’un système régulateur maintenant l’individu dans un état énergétique stationnaire, avec des entrées égales aux sorties et une stabilité des stocks énergétiques. Pendant longtemps, on a cru que cette stabilité n’était due qu’à une adaptation des entrées énergétiques alimentaires aux sorties thermiques et mécaniques. En fait, on sait maintenant qu’il existe aussi des possibilités d’adaptation des sorties, en particulier thermiques, sur les entrées alimentaires.

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Quels sont les mécanismes en cause ? Ils sont divers, complexes et relativement mal connus. Des structures nerveuses contrôlant la prise alimentaire ont été identifiées dans l’hypothalamus : centre de la faim dans l’hypothalamus latéral, centre de la satiété dans l'hypothalamus ventromédian. Le centre de la faim, dont la stimulation, chez l’animal, déclenche le comportement moteur de recherche et d’absorption alimentaire, aurait une activité spontanée et permanente. Ce fonctionnement permanent serait inhibé par l’activité intermittente du centre de la satiété.Le problème se pose donc de savoir quels sont les signaux susceptibles de stimuler le centre de la satiété et d’interrompre ainsi la prise alimentaire. Plusieurs théories, pas forcément contradictoires, ont été proposées. La théorie glucostatique fait intervenir des récepteurs sensibles, non seulement à la glycémie, mais aussi à l’insulinémie, et donc à la possibilité d’utilisation cellulaire du glucose. Après un repas, l’augmentation de la glycémie et de l’insulinémie stimulerait les récepteurs qui, à leur tour, activeraient le centre de la satiété, inhibant le centre de la faim et suspendant ainsi la prise alimentaire. La théorie lipostatique repose sur l’existence hypothétique d’un indicateur de niveau des stocks lipidiques de l’organisme. Cette théorie a été confirmée récemment par la mise en évidence d’une hormone, la leptine, libérée lorsque la lipogenèse est déclenchée. La leptine qui possède des récepteurs au niveau des centres de la satiété inhibe la sensation de faim. Enfin, la théorie thermostatique suggère que l’accroissement de la température centrale provoquée par la thermogenèse post-prandiale stimulerait également le centre de la satiété. D’autres facteurs interviennent, facteurs mécaniques, comme la distension gastro-intestinale, et les facteurs psychologiques, modifiant le désir alimentaire. A ce niveau interviennent de plus des signaux de renforcement (positifs ou négatifs : odeurs, goûts, présentation des aliments mais aussi environnement social, économique, etc).Tout ceci tend à prouver qu’il existe bien une adaptation des entrées sur les sorties, mais il existe aussi un réglage des sorties sur les entrées. En effet, en cas d’absorption alimentaire excessive par rapport aux besoins, l’organisme augmente son métabolisme et dissipe, sous forme de chaleur, une partie au moins de l’excédent énergétique (dépense énergétique « de luxe »). Inversement, un déficit alimentaire peut aboutir, après diminution initial de la masse corporelle biologiquement active, à un niveau métabolique plus faible, avec réapparition d’un bilan énergétique stable.Ces deux exemples montrent bien que les sorties énergétiques peuvent dépendre des entrées. Quels en sont les mécanismes ? Dans le cas d’une alimentation insuffisante, le problème est simple puisque nous avons vu qu’il existe une relation entre la dépense énergétique et la masse biologiquement active. S’il y a excès d’apport alimentaire, le mécanisme est beaucoup moins clair. Des expériences sur les animaux ont montré que la graisse brune, tissu spécialisé dans la transformation de l’énergie chimique en énergie thermique, pourrait jouer ce rôle d’adaptation des sorties thermiques aux entrées chimiques, probablement avec l’intervention de l’adrénaline et de l’hormone somatotrope. Chez l’homme, où la présence de graisse brune n’est pas unanimement reconnue, d’autres structures joueraient un rôle similaire.L’imperfection des connaissances actuelles sur les mécanismes de gestion à long terme des stocks énergétiques, et donc sur les mécanismes de contrôle de la masse corporelle, explique que l’on ne puisse en présenter un modèle utile. Elle justifie par ailleurs les nombreux travaux en cours sur ce sujet. Les progrès des connaissances en la matière permettront, entre autres,

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d’expliquer les dérèglements de ces mécanismes conduisant aux états pathologiques de maigreur et d’obésité.

IV. CONCLUSION GENERALEOn a pu dire que la vie n’était que de « l’énergie organisée par de l’information » sans entrer dans une discussion sur son bien-fondé ; une telle définition a le mérite de souligner qu’il ne peut pas y avoir de vie sans échanges d’énergie et que, parmi tous les phénomènes vitaux, les échanges d’énergie occupent une place prépondérante. Adaptant à leur sujet les méthodes empruntées à d’autres disciplines comme la physique ou la chimie, les physiologistes ont su faire de la bioénergétique une discipline très quantitative. C’est ce que nous nous sommes forcés de montrer dans ce chapitre dont le but était d’une part, d’inventorier les termes du bilan énergétique entrée, sortie, stock, et d’autre part, d’étudier les modalités d’équilibre de ce bilan. En terminant, il convient de ne pas oublier que la connaissance complète de la bioénergétique exige l’étude de l’énergie cellulaire.