Blay Michel La Vue Et La Lumière Sur Quelques Aspects de l'Histoire de La Lumière

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Blay Michel

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  • LA VUE ET LA LUMIRE : SUR QUELQUES ASPECTS DE L'HISTOIREDE LA LUMIRE

    Michel Blay

    Armand Colin | Revue d'histoire des sciences

    2007/1 - Tome 60pages 119 132

    ISSN 0151-4105

    Article disponible en ligne l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    http://www.cairn.info/revue-d-histoire-des-sciences-2007-1-page-119.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Blay Michel, La vue et la lumire : Sur quelques aspects de l'histoire de la lumire , Revue d'histoire des sciences, 2007/1 Tome 60, p. 119-132. DOI : 10.3917/rhs.601.0119--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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  • La vue et la lumire :Sur quelques aspects de lhistoire

    de la lumireMichel BLAY *

    Rsum : loccasion des rcentes rditions et publications de textesimportants de loptique, nous examinons cursivement dans cet articlecertains aspects du dveloppement de lhistoire des thories de la vue etde la lumire jusqu la constitution dune physique de la lumire.

    Mots-cls : lumire ; vue ; regard ; physique.

    Summary : The publication of some important texts on optics or neweditions provide the occasion for a overview of certain aspects of thehistory of the theories of sight and light up until the establishment of aphysics of light.

    Keywords : light ; sight ; gaze ; physics.

    Ltude de la lumire et des phnomnes lumineux au sens o nouslentendons aujourdhui, cest--dire aprs les transformations dci-sives apportes au XVIIe sicle par les travaux de Johannes Kepler(1571-1630) 1 et de Ren Descartes (1596-1650) 2, a connu ant-rieurement ces transformations, dans le cadre du dveloppementde loptique gomtrique, deux tapes capitales, le passage delune lautre de ces tapes tant li une profonde refonte delanalyse de la perception visuelle. Il y a tout dabord celle marquepar lhypothse ancienne rapportant la vision une mission, partir de lil, dun cne de rayons visuels allant, si lon peut dire,palper les objets ; et, ensuite, celle reposant sur la conception

    * Michel Blay, CNRS UMS 2267, CAPHS (Centre darchives de philosophie, dhistoire etddition des sciences), 45, rue dUlm, 75005 Paris.1 - Johannes Kepler, Paralipomnes Vitellion (1604), trad. et notes par Catherine Chevalley

    (Paris : Vrin , 1980).2 - RenDescartes, Discours de la mthode pour bien conduire sa raison et chercher la vrit

    dans les sciences, plus la Dioptrique, les Mtores et la Gomtrie qui sont des Essais decette mthode (Leyde, 1637).

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  • dcisive de la rception dans lil des rayons lumineux provoquantla sensation. Cette dernire approche rend, bien videmment,impossible dinterprter la vision comme une sorte de palpation distance ; elle ouvre, en revanche, la voie ltude physiologique etanatomique de lil ainsi quau traitement de la lumire en termesstrictement physiques. Ce traitement sera, proprement parler,laffaire du XVIIe sicle et en particulier, dans ses premiers moments,celle de Descartes.

    Du regard et de loptique gomtrique

    La rdition et la traduction, au cours de ces dernires annes, desprincipaux textes caractrisant les deux grandes tapes de loptiquegomtrique davant le XVIIe sicle, nous donnent loccasion defaire le point sur des questions centrales impliques par les enjeuxconceptuels de ces deux tapes ; par ailleurs, la publication dedivers travaux de Roshdi Rashed, en particulier sur Ibn Sahl(seconde moiti du Xe sicle) et sur Ibn al-Haytham (965-1040/1041) permet de revenir sur les recherches des savants arabes ande parfaitement apprcier limportance de leurs rsultats dans ledomaine de loptique gomtrique.

    La premire tape ou premire thorie, celle dite des rayons visuels,a t dveloppe par le mathmaticien grec Euclide (IVe sicleavant J.-C.) et trouve sa formulation quasi dnitive dans lOptiquede lastronome Claude Ptolme (IIe sicle ap. J.-C.). Cest souscette forme quelle constituera la base de toutes les tudes gom-triques de la vision jusquaux environs du Xe sicle de notre re. Laseconde tape ou thorie est formule par Ibn al-Haytham (Alhazenen latin) dont lOptique traduite en latin ds la premire moiti duXIIIe sicle constitue la principale source dinformations pour RogerBacon (1210/1220-1294), John Pecham (vers 1230-1292) et Witelo(vers 1230-1285) 3. Par la suite, Risner publie en 1572 la traductionlatine du Kitab al-Manazir (Optique) et lassocie des crits deWitelo 4 ; louvrage dIbn al-Haytham, connatra alors une trs

    3 - David Charles Lindberg, John Pecham and the science of optics, perspectiva communis,ed. with an introd., English transl. and critical notes (Madison : Univ. of Wisconsin Press ,1970) ; Bruce Stanseld Eastwood, Astronomy and optics from Pliny to Descartes(Londres : Variorum reprint , 1989) ; Alistair Cameron Crombie, Science, optics andmusic in Medieval and early modern thought (Londres : The Hambledon press, 1990).

    4 - Optic thesaurus. Alhazeni Arabis libri septem, nunc primum editi. Eiusdem liber Decrepusculis et Nubium ascensionibus. Item Vitellonis Thuringopoloni libri X. Omnes

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  • large diffusion jusquau dbut du XVIIe sicle comme en portenttmoignage les Paralipomnes Vitellion de Kepler.

    Si les explications mises en place par les savants grecs pour rendrecompte de la vision en tant que telle ont t diverses, la seule,comme nous lavons dj suggr, qui a permis le vritable dve-loppement dune science gomtrise est celle reposant sur lidede lmission, partir de lil, dun cne de rayons issu, sans autreprcision, du centre de lil, ces rayons tant tenus pour sensibles,entre autres la couleur qui est le sensible propre aristotliciende la vue. En ce sens il ne faut pas interprter les consquences desdeux approches (extramission et intramission) comme quivalenteau nom du moderne principe du retour inverse de la lumire. Il y aune profonde dissymtrie dans les deux approches mme si, dansles deux cas, les rayons suivent des lignes gomtriques.

    Euclide dans les premiers Postulats de son Optique nonce, daprsla traduction de Paul Ver Eecke :

    I. Supposons que les lignes droites qui manent de lil se propa-gent divergence des grandes grandeurs.

    II. Et que la gure comprise sous les rayons visuels est un cne ayantson sommet dans lil, et sa base aux limites des grandeursregardes.

    III. Et que les grandeurs sur lesquelles tombent les rayons visuelssont vues ; tandis que celles sur lesquelles les rayons visuels netombent pas ne sont pas vues.

    IV. Et que les grandeurs vues sous un plus grand angle apparaissentplus grandes ; tandis que celles qui sont vues sous un plus petitangle apparaissent plus petites, et que celles qui sont vues sous desangles gaux apparaissent gales.

    V. Et que les grandeurs vues sous des rayons plus relevs apparais-sent plus leves ; tandis que celles qui sont vues sous des rayonsplus abaisss apparaissent plus basses.

    VI. Et que pareillement, les grandeurs vues sous des rayons plus droite apparaissent plus droite ; tandis que celles qui sont vuessous des rayons plus gauche apparaissent plus gauche.

    instaurati, guris illustrati et aucti, adiectis etiam in Alhazenum commentariis, a FedericoRisnero (Ble, 1572), rd. avec une introd. par David Charles Lindberg (New-York,1972).

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  • VII. Enn, que les grandeurs vues sous des angles plus nombreuxapparaissent plus distinctement 5.

    Grard Simon dans son remarquable ouvrage, Le Regard, ltre etlapparence dans loptique de lAntiquit (Paris : Le Seuil, 1988)donne galement une traduction, non de lOptique dEuclide danssa totalit, mais, entre autres, de ces sept Postulats en les commen-tant trs longuement. Il offre ainsi au lecteur une substantielleintroduction ltude des thories antiques de la science de lavision.

    Ainsi donc, cest sur cette base euclidienne quune science gom-trise de loptique se constitue et trouve sa forme la plus accompliedans lOptique de Claude Ptolme. Une rdition de louvragedAlbert Lejeune, publie en 1956, a t donne par Brill il y aquelques annes dans une nouvelle srie des Travaux de lAca-dmie internationale dhistoire des sciences sous le titre : LOpti-que de Claude Ptolme dans la version latine daprs larabe delmir Eugne de Sicile. dition critique et exgtique, augmentedune traduction franaise et de commentaires.Cette rdition de laseule version connue de luvre de Ptolme nest pas une simplereprise de celle de 1956 car Albert Lejeune, avant son dcs en1988, y a ajout une trs bonne et trs utile traduction en franaisainsi quune introduction la deuxime dition de telle sorteque cet ouvrage tient compte, pour lessentiel, des recherchesrcentes.

    Le contenu de cette Optique de Claude Ptolme est parfaitementdcrit dans la Prface de lmir Eugne de Sicile. Nous en reprenonsici la plus grande partie :

    [...]. Le premier livre na pas t retrouv, mais daprs le rsumdonn au dbut du second, explique comment le ux visuel et lalumire sassocient et sont assimils lun lautre, en quoi ilsdiffrent dans leurs pouvoirs et leurs mouvements, leur diffrence[spcique] et leurs accidents.

    5 - Euclide, LOptique et la catoptrique, uvres traduites pour la premire fois du grec enfranais avec une introd. et des notes de Paul Ver Eecke (Paris : Blanchard, 1959) [1re d.Bruges : Descles de Brouwer, 1938], 1-2. Sur les problmes relatifs lauthenticit de lacatoptrique attribue Euclide, nous renvoyons le lecteur un dossier rdig par GrardSimon : Aux origines de la thorie des miroirs : Sur lauthenticit de la CatoptriquedEuclide, Revue dhistoire des sciences, 47 (1994), 259-272. Voir galement RoshdiRashed, LOptique et la catoptrique dal-Kindi (Leyde : Brill, 1997) et Les Catoptriciensgrecs : Les miroirs ardents (Paris : Les belles lettres, 2000).

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  • Le second livre expose quels sont les visibles et en quoi consistechacun dentre eux ; quaucun deux nest peru par la vue sansquelque chose de lumineux et quelque chose qui soppose lapntration [du ux visuel] ; et que parmi les visibles eux-mmes,les uns sont vus vraiment, dautres immdiatement, dautres mdia-tement. Il explique aussi que de tous les sens, seul le tact sassocie la vue pour distinguer les visibles dj mentionns, sauf la couleurqui nest perue que par la vue [...].

    Le troisime livre contient les phnomnes de rexion sur lesmiroirs plans et convexes, la suite dune exprience avec unetablette de bronze au moyen de laquelle on tablit que sur les troisespces demiroirs, savoir plan, convexe et concave, les rexionsse produisent angles gaux [...].

    Le quatrime livre traite des images sur les miroirs concaves et surles miroirs composs, puis des objets vus par lintermdiaire dedeux ou plusieurs miroirs.

    Au cinquime livre, bien que celui-ci soit incomplet, Ptolmeparle des rfractions des rayons visuels qui se produisent toujours angles ingaux et des images qui en rsultent lorsque sinterposententre lil et les objets deux milieux diffrents dont lun est plusdense que lautre [...] 6.

    On peut remarquer, sans plus entrer dans le texte ptolmen,comment la perception visuelle devient maintenant le rsultat dunjugement trs complexe (voir en particulier le livre 11). Ainsi pourapprcier telle ou telle grandeur, ou encore tel ou tel dplacement,il faut tout la fois combiner diffrents lments mtriques et mettreen jeu plusieurs facults.

    Il nen reste pas moins, comme nous lannoncions prcdemment,que la grande transformation de loptique est propose par Ibnal-Haytham. Cest maintenant lintrieur de lil que se produit lasensation visuelle. Nous devons A. I. Sabra une traduction enlangue anglaise [des trois premiers livres] de louvrage du savantarabe sous le titre, The Optics of Ibn al-Haytham. Books I-III onDirect Vision. Translated with introduction and commentary,2 volumes.

    Le paragraphe [7] du chapitre I du premier livre offre une rapidedescription des sept livres de lOptique dIbn al-Haytham :

    6 - LOptique de Claude Ptolme..., trad. dAlbert Lejeune (Leyde : Brill, 1989) [1re d.,1956] Travaux de lAcadmie internationale dhistoire des sciences , 5-9.

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  • [7] We divide this work into seven Books. In Book I we show themanner of vision generally. In Book II we detail the visible proper-ties, their causes and the manner of their perception. In Book III weshow the errors of sight in what it perceives directly, and theircauses. In Book IV we show the manner of visual perception byreection from smooth bodies. In Book V we show the positions ofimages, namely the forms seen inside smooth bodies. In Book VI weshow the errors of sight in what it perceives by reection, and theircauses. In Book VII we show the manner of visual perception byrefraction through transparent bodies whose transparency differsfrom that of air. And with the end of this Book we conclude thiswork 7.

    Les deux premiers livres prsentent un intrt capital. Ainsi ds lespremiers paragraphes du chapitre II du livre I, le savant arabesouligne que lagent physique de la perception nest plus le rayonvisuel, mais que la lumire, issue dune source lumineuse ouilluminant tel ou tel objet, parvient nalement pntrer danslil :

    [10] Again, we nd that sight does not perceive any visible objectunless there exists in the object some light which the object eitherpossesses of itself or which radiates upon it from another object. Ifthe object is dark and has no light whatever in it, it will not beperceived or sensed by sight. We also nd that when the eye is in adark place it perceives the objects facing it if they are illuminated bysome light and if the intermediate atmosphere is continuous anduninterrupted by any opaque body. If the object is in a dark placethat has no light, and the eye is situated in an illuminate place, thenthat object will not be perceived or sensed by sight. And we nd thisstate of affairs to be uniform and without variation or change. Thistherefore proves that if the object has some light in it, and it is oneof the possible objects of visual perception, and if the light in it is upto the limit that may be perceived by sight, then sight will perceivethat object whether or not the air surrounding the eye is illuminatedby a different light from that which is in the object 8.

    De cette nouvelle interprtation du processus de la vision,sappuyant sur ltude de nombreuses expriences en chambrenoire, il suit quune tude spcique doit tre faite, dune part de lanature de lagent physique appel lumire et, dautre part, de ce quelon peut appeler maintenant le rcepteur ou lil.

    7 - The Optics of Ibn al-Haytham, trad. dA. I. Sabra, 2 vol. (Londres : The Warburg InstituteUniv. of London, 1989), I, 6.

    8 - Ibid., I, 8-9.

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  • La premire tude occupe le chapitre III du premier livre, chapitrequi est consacr la lumire et aux couleurs sans quil soit faitrfrence leurs effets sur lil 9. Cest prcisment dans leschapitres IV et V du mme Livre, chapitres intituls respectivement On the effect of light upon sight et On the structure of the eye que sont dveloppes les tudes concernant lanatomie de lil.Cest au cristallin, plus qu la rtine, quIbn al-Haytham sembleattribuer le rle proprement sensoriel. Dans son commentaire Sabraanalyse longuement ces questions en soulignant, en outre, lesapports de Kama l al-Din al Faris mort en 1319 et sur lequel nousreviendrons un peu plus loin 10. Il est important de noter quaucours de son travail, Ibn al-Haytham parvient expliciter lide quedans le processus de la vision, un point de lobjet visible, corres-pond un point et un seul de lorgane sensoriel. Ce travail seraapprofondi par Ibn al-Haytham lui-mme dans le livre VII consacr la rfraction.

    Le livre II vise principalement mettre en place une analyse deslments du visible dans lexercice normal de la vue directe (sansinterposition dobjets), tandis que le livre III, prolongeant la n dulivre II, sengage dans lanalyse des erreurs de la vue. Les livressuivants sont consacrs la vision par rexion (livres IV, V et VI) et la vision par rfraction (septime et dernier livre) 11.

    On peut noter avec Grard Simon que les similitudes avec le plansuivi par Ptolme sont frappantes 12 ; cependant, comme il lesouligne galement :

    Une rorganisation se fait jour, dplaant loptique dun ancragepsychologique un ancrage plus physique ou matriel. Ni larexion, ni surtout la rfraction (puisquelle intervient dans la

    9 - Voir galement Roshdi Rashed, Le Discours de la lumire dIbn al-Haytham (Alhazen),Revue dhistoire des sciences, 21 (1968), 197-224. Cet article est repris in Roshdi Rashed,Optique et mathmatiques (Londres :Variorum reprint , 1992), V.

    10 - Voir galement Roshdi Rashed, Le modle de la sphre transparente et lexplication delarc-en-ciel : Ibn al-Haytham, al-Faris, Revue dhistoire des sciences, 23 (1970),109-140 (cet article est repris in Rashed, op. cit. in n. 10, III). Dans Gomtrie etdioptrique au Xe sicle. Ibn Sahl, al-Quh et Ibn al-Haytham, Sciences et philosophiearabes, textes et tudes (Paris : Les belles lettres, 1993), Roshdi Rashed donne la Rdaction de Kama l al-Dn Faris du Trait de la sphre ardente dIbn al-Haytham ,pages 133 158.

    11 - Une dition avec la traduction en langue franaise de la partie la plus importante de ceseptime livre est donne par Rashed in ibid. (1993), 83-110.

    12 - Grard Simon, LOptique dIbn al-Haytham et la tradition ptolmenne, Arabic sciencesand philosophy, 2 (1992), 203-235, et en particulier, 231.

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  • vision directe, comme le dmontre le livre VII) ne peuvent plus tretenues exclusivement comme des causes derreur. Dans une thoriedu rayon visuel, limage est proprement parler un mirage, nayant,en labsence de celui qui regarde, aucune existence objective,aucune raison dtre. Chez Ibn al-Haytham au contraire, une dis-tinction devient ncessaire : la lumire et sa propagation brise ont tre traites par elles-mmes, car il sagit de phnomnes intra-mondains, qui se produisent indpendamment de la vue ; et de cefait, sinon limage, du moins la rexion et la rfraction du rayonlumineux acquirent un statut objectif 13.

    La gomtrisation de loptique a connu, que ce soit dans le cadre dela thorie euclido-ptolmenne ou dans le cadre de celle dIbnal-Haytham, un remarquable dveloppement : propagation directerectiligne et lois de la rexion. Ainsi Ptolme au dbut du livre IIIde son Optique crit :

    Dans tous les domaines de la recherche scientique, on a besoinde certains principes gnraux, cest--dire de prsupposs srs etcertains, soit tablis en fait, soit logiquement cohrents, do sedduisent les dmonstrations subsquentes. Nous devons affirmerque les principes ncessaires la science des miroirs sont au dpartau nombre de trois. Ils sont de science premire et peuvent treconnus par eux-mmes. Le premier constate que les objets vus dansles miroirs apparaissent sur le prolongement du rayon visuel [inci-dent] qui les atteint aprs rexion, direction qui dpend de laposition de la pupille par rapport au miroir. Le second constate quechaque point [de lobjet] qui est vu travers les miroirs apparat surla normale qui tombe de lobjet sur la surface spculaire et la perce.Le troisime constate que la position du rayon bris entre la pupilleet le miroir et entre le miroir et lobjet est telle que chacun de sesdeux tronons se rencontrent au point sur lequel sopre la brisureet forment avec la normale leve de ce point sur le miroir desangles gaux. On appelle gnralement normale la surface dunesphre la droite qui forme des angles droits avec toutes les tangentes la sphre qui partent du point de la sphre qui leur est commun[avec cette droite]. Do il faut que toutes, les normales unesurface sphrique, lorsquelles ont pntr, passent par le centre dela sphre 14.

    Quen est-il, en revanche, concernant les lois de la rfraction dontlhistoire des sciences attribue la dcouverte au XVIIe sicle

    13 - Simon, op. cit. in n. 12.14 - Ptolme, op. cit. in n. 7, 88-89.

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  • Willebrord Snell (1580/81-1626), Ren Descartes et parfois aussi Thomas Harriot (1560-1621) ?

    Le livre V de lOptique de Ptolme est prcisment consacr ltude de la rfraction. Y trouve-t-on cependant, aussi clairementnonc que dans le cas de la rexion, les lois de la rfraction ? Onlit dans Ptolme au dbut du livre V :

    Nous avons affirm plus haut [les faits suivants] : ce genre debrisure du rayon visuel ne se produit pas [uniformment] dans tousles liquides et milieux rares, mais dans chacun deux se produit [unebrisure de] quantit dtermine qui correspond ltat du milieu[avec la dviation tout juste ncessaire] pour quil puisse pntrer ;[le rayon visuel] se propage en ligne droite et les brisures des rayonssont dues seulement au choc sur les surfaces de sparation demilieux de compositions diffrentes ; la rfraction se produit nonseulement au passage de milieux plus rares des milieux plusdenses, comme dans la rexion, mais galement au passage dunmilieu plus dense un plus rare ; il ny a pas dans ce cas derexions angles gaux, mais [ces angles] prsentent une certainerelation quantitative par rapport la normale [au point dimpact].

    Nous devons maintenant mesurer les diffrences concrtes desangles [dincidence et de rfraction] dont cette relation est la loignrale. Nous partirons dabord des proprits communes auxphnomnes de rfraction et de rexion, savoir : primo dans lesdeux cas, tout objet apparat sur le prolongement du rayon visuelqui latteint aprs brisure, cest--dire selon la direction [initiale] durayon qui va de lil [au point dincidence] de la surface o seproduit la brisure ; secundo, [limage] se situe sur le prolongementde la perpendiculaire mene de lobjet la surface o se produit labrisure. En consquence, comme prcdemment, le plan quicontient le rayon bris doit tre normal la surface rfringente 15.

    Ptolme sengage alors dans une intressante et quasi systmati-que tude exprimentale de la rfraction dont les rsultats sontprsents en tableaux. Cependant une relation gnrale, au sensmoderne du terme, nest pas avance, bien que lanalyse du ph-nomne sappuyant sur le rapport des angles, dans une dmarcheliant mathmatiques et exprience, soit extrmement pousse.

    Quadvient-il de ltude de ce phnomne aprs Ptolme ? Cesten ce lieu historique prcis que se situent les rcents travaux etrsultats avancs par Rashed dans Gomtrie et dioptrique au

    15 - Ptolme, op. cit. in n. 7, 223-224.

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  • Xe sicle. Ibn Sahl, al-Quh et Ibn al-Haytham (Paris : Les belleslettres, 1993) 16. Un clairage nouveau est donn concernant lhis-toire des lois de la rfraction avant la rdaction par Ibn al-Haythamde son livre VII consacr la rfraction. Le rsultat essentiel dgagpar Rashed loccasion de la publication, de la traduction et ducommentaire de textes dIbn Sahl porte sur lnonc par ce dernierde la loi de la rfraction ou plus exactement sur la mise en videncedun rapport constant caractrisant tel milieu par rapport tel autre(lindice de rfraction au sens moderne).

    La dmarche dIbn Sahl se place dans un cadre strictement gom-trique sans rfrence au mode de propagation des rayons. Unecitation extraite de lintroduction de Rashed permet de mesurer lanouveaut quapporte lhistoire de la dioptrique la lecture destextes dIbn Sahl :

    Mais lauthentique dcouverte dIbn Sahl a lieu lorsquil se posela question encore impense de lembrasement par rfraction,cest--dire dans le Trait. Il ne dnit plus le milieu par unecertaine opacit, mais le caractrise par un certain rapport constant.Et cest ce concept de rapport constant distinguant le milieu qui estla pice centrale de son tude de la rfraction dans les lentilles. Cerapport postul par Ibn Sahl mais jamais calcul nest autreque linverse de lindice de rfraction n du milieu par rapport lair.Il sagit donc bien de la loi de la rfraction de Snellius, trs prochedailleurs de ce quon pourra lire chez Snellius lui-mme quelquesix sicles plus tard 17.

    Comment Ibn Sahl parvient-il ce rsultat ? Il nous a sembl utilede donner ici la traduction de Rashed du passage essentiel de lcritdIbn Sahl intitul Le livre sur les instruments ardents :

    Si lembrasement a lieu par une lumire qui traverse un instru-ment, nous prenons dlibrment une portion de cristal qui estlimite par une surface plane, soit C ; il faut quelle soit dunegrandeur qui correspond au besoin et que toutes ses parties soientde puret homogne. Dterminons deux droites telles que lalumire traverse le cristal suivant lune delles, soit CD, et quelle serfracte suivant lautre dans lair, soit CE. Menons le plan CDE ; quelintersection de ce plan et de la surface C soit la droite FCG ; lesdeux angles DCF et ECG sont aigus, le plus petit dentre eux est

    16 - Certains de ces rsultats avaient dj t cursivement prsents dans larticle de RoshdiRashed, A pioneer in anaclastics : Ibn Sahl on burningmirrors and lenses, Isis, 81 (1990),464-491. Cet article est repris in Rashed, op. cit. in n. 10, VI.

    17 - Rashed, op. cit. in n. 11 (1993), XXXI-XXXII.

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  • langle ECG ; menons la droite CH sur le prolongement de la droiteCD, supposons sur la droite CH le point H, et menons la droite GHperpendiculaire la droite CG ; quelle rencontre la droite CE aupoint E. La droite CE est donc plus petite que la droite CH. Sparonsde la droite CH la droite CI gale la droite CE, partageons HI endeux moitis au point J, posons le rapport de la droite AK la droiteAB gal au rapport de la droite CI la droite CJ, menons la droite BLsur le prolongement de la droite AB et posons-la gale la droiteBK. [...] 18.

    Le cur de cette analyse du trajet des rayons lumineux repose sur la

    construction du rapportCE

    HC. Quelle est la signication de ce

    rapport ?

    Dans sa dmonstration Ibn Sahl considre tout dabord que, dans lepassage des rayons du cristal dans lair, les rayons rfracts (CE) etincidents (DC), ainsi que la normale sont dans un mme plan(comme Ptolme). Cela tant, un simple calcul en termes moder-

    nes montre que le rapportCE

    HCexprime linverse de lindice de

    rfraction. Dans cette perspective comme le souligne Rashed la

    18 - Rashed, op. cit. in n. 11, 23-24.

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  • division CIJH caractrise le cristal pour toute rfraction et, enoutre, Ibn Sahl semble lavoir reconnu, comme en tmoignelutilisation constante de cette mme division tout au long de sestudes 19. Ce rsultat, dans le cadre de sa mise en uvre, doitdonc tre rapproch de ceux du dbut du XVIIe sicle donns parSnell, Harriot et Descartes.

    Dans ce contexte, sachant quIbn al-Haytham a lu Ibn Sahl 20, il fautrepenser la gense des travaux du premier, non plus dans leprolongement des seules tudes de Ptolme, mais aussi en relationavec les travaux gomtriques dIbn Sahl. Une question simposeimmdiatement : puisque la loi dIbn Sahl nest pas chez Ibnal-Haytham qui sen tient au rapport nalement ptolmen entre lesangles, pourquoi Ibn al-Haytham a-t-il choisi dadopter sur ce pointune attitude conservatrice ?

    La rponse cette trs difficile question occupe le chapitre II delintroduction du livre de Rashed. Ce chapitre est pour ce dernierloccasion de donner une analyse dtaille et minutieuse duLivre VII de lOptique dIbn al-Haytham (voir aussi pages 83 110pour ldition et la traduction de la partie la plus importante de celivre) tant dans son rapport Ptolme que dans celui Ibn Sahl.Dun ct les expriences de Ptolme, de lautre la dmarchegomtrisante dIbn Sahl ; Ibn al-Haytham est entran du ct dePtolme :

    On voit donc que la question que nous avions souleve proposde la loi de Snellius renvoie en fait au style mme de loptique delpoque. Ibn Sahl, mathmaticien, indiffrent, peut-on dire, lexprimentation comme catgorie de la preuve et aux valeursnumriques, considre deux milieux de transparences diffrentes,mais sans aucune dtermination supplmentaire, pour une surfacehyperbolique, et parvient ainsi directement lide de la constancede lindice. Ibn al-Haytham, en revanche, entran par la nouveautde sa conception de la preuve en physique et du rle de lexpri-mentation, retrouve la tradition du rapport des angles, pour labo-rer des lois quantitatives, dont certaines nont pour plan dexistenceque les situations exprimentales particulires. Ptolme a donc faitcran Ibn al-Haytham, en lui voilant limportance et la nouveautdu rsultat dIbn Sahl. Mais ce retour Ptolme a incit Ibnal-Haytham poursuivre la recherche quantitative ; mme si, en

    19 - Rashed, op. cit. in n. 11, XXXII-XXXIII.20 - Ibid, chap. II.

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  • effet, il disposait des tables de son prdcesseur, il a d calculerdautres valeurs, au moins des angles de dviation et les diffrencesde premier ordre, muni dune optique et dune thorie de la preuverenouveles. Encore modre et bien tempre chez Ibnal-Haytham, cette recherche sera inchie avec al-Faris qui, autantque je sache, ne reprendra pas le chemin pour trouver la loi deSnellius 21.

    Bien que ne reprenant pas le chemin pour trouver la loi deSnellius ou deDescartes, al- Faris construit cependant une remar-quable thorie de larc-en-ciel dans son Tanqh al-Manazir dontlessentiel est prsent par Roshdi Rashed dans son article intitul Le modle de la sphre transparente et lexplication de larc-en-ciel : Ibn al-Haytham, al-Faris 22. Al-Faris dgage en particulierdans son ouvrage, comme le rappelle Rashed :

    Lide [] que les rayons rfracts dans la sphre aprs une ouplusieurs rexions lintrieur de celle-ci ne sont pas renvoysindiffremment dans toutes les directions mais quil y a accumula-tion des rayons dans certaines rgions de lespace. Cette accumu-lation et le texte dal-Faris ne laisse subsister aucun doute cesujet est dans le voisinage de la direction dmergence du rayonqui correspondra au maximum de dviation. De plus, al-Farisadmet que les intensits lumineuses sadditionnent et quil doit enrsulter un plus grand clairement 23 .

    Ces ides, centrales dans lexplication moderne de larc-en-cielaprs Descartes sous la dnomination de thorie des rayons effica-ces, restent cependant chez al-Faris assujetties son approche entermes doptique gomtrique et de cnes de lumire. Rashedprcise dailleurs sur ce point qual-Faris exprime ses ides dansle langage compliqu des cnesde rayons rfracts aprs avoirsubi une ou deux rexions lintrieur de la sphre [...](24) . Ence sens la thorie dal-Faris, comme celle dailleurs en occident deDietrich de Freiberg la mme poque, ne sera dpasse, si lonpeut dire, quau XVIIe sicle avec les travaux de Ren Descartes quisubstitue une analyse organise autour des concepts de loptiquegomtrique celle organise autour de ceux de loptique physique.

    21 - Rashed, op. cit. in n. 11, LXXV.22 - Roshdi Rashed, Le modle de la sphre transparente et lexplication de larc-en-ciel :

    Ibn al-Haytham, al-Faris, Revue dhistoire des sciences, 23 (1970), 109-140.23 - Ibid., 129.

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  • Loptique physique

    Le dveloppement des thories physiques de la lumire au XVIIe si-cle, dgages du problme de la sensation visuelle, est associ leplus souvent la construction de modles mcaniques : commentexpliquer, laide des seuls concepts de la physique mcaniste, lesproprits connues de la lumire comme la propagation ou lagense des couleurs ?

    Ce type dapproche a t vritablement initi par Descartes. Dans lemonde plein cartsien, la propagation de la lumire est caractrisepar une tendance ou inclination au mouvement des boules de lamatire subtile remplissant tous les cieux ; il souligne, en outre, queces boules, outre leur tendance au mouvement rectiligne produi-sant la sensation de lumire, peuvent galement tourner ou dumoins avoir une tendance la rotation sur elle-mme. Cest cesmultiples mouvements ou tendance la rotation que Descartesrattache la sensation des couleurs. Cette conception physique de lalumire, associe lensemble de son systme du monde, va alorsservir de base lexplication des phnomnes lumineux commepar exemple celui de larc-en-ciel.

    Il y reprend, comme al-Faris et Dietrich de Freiberg, le modle dela sphre transparente puis tudie, comme il le prcise par lemenu 24 , le trajet des rayons, cest--dire quen sappuyant sur saloi des sinus il construit de remarquables tableaux de valeur luipermettant de dgager clairement le concept de rayons efficaces.Cependant, cette approche repose, en premier lieu, sur la concep-tion physique que Descartes se fait du rayon lumineux en tant quilest susceptible de provoquer une sensation de couleur par lengen-drement de la tendance la rotation des boules constituant ledeuxime lment. Lanalyse gomtrique devient seconde parrapport la dtermination de la constitution physique de ce quonappelle un rayon lumineux ; cette physique du rayon lumineux doiten outre retrouver les lois de loptique gomtrique.

    Le dveloppement des thories physiques de la lumire devientalors lenjeu central du travail sur la lumire et cela jusqu nosjours.

    24 - Ren Descartes, op. cit. in n. 2, 261. Sur ces questions, voir en particulier Michel Blay,La Conceptualisation newtonienne des phnomnes de la couleur (Paris : Vrin, 1983) etLes Figures de larc-en-ciel (Paris : Carr, 1995).

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