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LES ŒUVRES COMPLÈTES DE BOÈCE ANICIUS MANLIUS SEVERINUS BOETHIUS (445-526) Édition numérique, 2004, http: docteurangelique.free.fr Notre de l'éditeur: Le De Trinitate et le De Hebdomadibus ont été commentés par saint Thomas. Les autres œuvres l'ont extrêmement influencé. VIE DE BOETHIUS (par J. A. C. BUCHON)____________________________________________________________ 1 TRAITÉ I: SUR LE CHRIST: CONTRE EUTYCHÈS ET NESTORIUS ______________________________________ 5 TRAITÉ II: "DE HEBDOMADIBUS" – NOTIONS SUR L'ÊTRE DANS LA TRINITÉ ________________________ 18 TRAITÉ III: "DE TRINITATE", DE LA TRINITÉ______________________________________________________ 22 TRAITÉ IV: "UTRUM PATER": TRAITÉ TRINITAIRE_________________________________________________ 29 TRAITÉ V: "DE FIDE CATHOLICA": DE LA FOI CATHOLIQUE _______________________________________ 30 TRAITÉ VI: TESTAMENT DE BOÈCE: LA CONSOLATION DE LA PHILOSOPHIE ________________________ 35 VIE DE BOETHIUS (par J. A. C. BUCHON) Anicius-Manlius-Torquatus Boethius ou Boetius naquit vers 445 dans la ville de Rome, où ses ancêtres avaient exercé les premières charges de l’Etat. Dès l’âge de dix ans il fut envoyé à Athènes pour y étudier la langue et les sciences de la Grèce, et il y resta dix-huit ans. Pendant ces années studieuses de sa jeunesse, il traduisit divers ouvrages de Ptolémée, de Nicomaque, d’Euclide, de Platon, d’Aristote et d’Archimède traductions qu’il continua plus tard, dans les intervalles de loisir que lui laissaient les affaires publiques. Peu d’années après son retour à Rome, à l’âge d’environ trente-deux ans, il fut nommé consul, l’an 485. On trouve son nom dans les fastes consulaires comme ayant été seul consul pendant cette année. Odoacre, chef des Hérules, dominait alors l’Italie où il s’était fait reconnaître comme roi, après avoir dépossédé le faible empereur Augustule. Le chef d’une nouvelle race barbare, de la seule qui ait sur-le-champ accepté la civilisation romaine sans perdre son énergie militaire, Théodoric, chef des Ostrogoths, se disposait déjà à l’établissement de sa glorieuse domination dans le midi de l’Europe. Elevé comme otage à la Cour de Constantinople, il y avait puisé le goût des arts; son séjour en Italie devait lui apprendre le respect dû à la supériorité des lois romaines. Dès 489 il avait franchi les Alpes. En 493 il avait battu à différentes reprises Odoacre, assassiné, dit-on, ensuite par ses ordres, et avait épousé Audelflède, soeur de Clovis, afin de se fortifier par une alliance avec la race guerrière des Francs. En 497 il s’était fait reconnaître par l’empereur d’Orient Anastase, comme roi d’Italie. En 500 il faisait son entrée solennelle dans la ville de Rome, accueilli par les félicitations du pape, du consul, du sénat et du peuple. Les deux fils de Boèce, Fl. Hypatius et Patricius, étaient les consuls désignés de cette année. Boèce, personnage consulaire et sénatorial, placé entre ses deux jeunes fils, lui-même jeune encore, puisqu’il avait à peine 45 ans, fut chargé de haranguer, au nom du sénat, le nouveau maître de l’Italie. Il parle de ce jour, dans ses ouvrages, comme de l’un des plus glorieux de sa vie. Sur cette terre dévastée depuis peu par tant de hordes barbares, et abandonnée par la lâcheté de ses souverains et de ses possesseurs, c’était un avenir heureux qu’annonçait le triomphe de Théodoric. Depuis sept ans qu’il avait renversé Odoacre, il avait fait éclater les talents d’un grand homme. Arien, ainsi que son armée, il avait montré la plus parfaite tolérance envers les subjugués; Barbare, il avait adopté les lois et jusqu’au costume des

Boèce - 6 traités (Oeuvres complètes)

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  • LESUVRES COMPLTES DE BOCEANICIUS MANLIUS SEVERINUS BOETHIUS (445-526)

    dition numrique, 2004, http: docteurangelique.free.frNotre de l'diteur: Le De Trinitate et le De Hebdomadibus ont t comments par saint Thomas. Lesautres uvres l'ont extrmement influenc.VIE DE BOETHIUS (par J. A. C. BUCHON)____________________________________________________________ 1

    TRAIT I: SUR LE CHRIST: CONTRE EUTYCHS ET NESTORIUS ______________________________________ 5

    TRAIT II: "DE HEBDOMADIBUS" NOTIONS SUR L'TRE DANS LA TRINIT ________________________ 18

    TRAIT III: "DE TRINITATE", DE LA TRINIT______________________________________________________ 22

    TRAIT IV: "UTRUM PATER": TRAIT TRINITAIRE_________________________________________________ 29

    TRAIT V: "DE FIDE CATHOLICA": DE LA FOI CATHOLIQUE _______________________________________ 30

    TRAIT VI: TESTAMENT DE BOCE: LA CONSOLATION DE LA PHILOSOPHIE ________________________ 35

    VIE DE BOETHIUS (par J. A. C. BUCHON)

    Anicius-Manlius-Torquatus Boethius ou Boetius naquit vers 445 dans la ville de Rome, oses anctres avaient exerc les premires charges de lEtat. Ds lge de dix ans il fut envoy Athnes pour y tudier la langue et les sciences de la Grce, et il y resta dix-huit ans.Pendant ces annes studieuses de sa jeunesse, il traduisit divers ouvrages de Ptolme, deNicomaque, dEuclide, de Platon, dAristote et dArchimde traductions quil continua plustard, dans les intervalles de loisir que lui laissaient les affaires publiques.Peu dannes aprs son retour Rome, lge denviron trente-deux ans, il fut nommconsul, lan 485. On trouve son nom dans les fastes consulaires comme ayant t seul consulpendant cette anne. Odoacre, chef des Hrules, dominait alors lItalie o il stait faitreconnatre comme roi, aprs avoir dpossd le faible empereur Augustule. Le chef dunenouvelle race barbare, de la seule qui ait sur-le-champ accept la civilisation romaine sansperdre son nergie militaire, Thodoric, chef des Ostrogoths, se disposait dj ltablissement de sa glorieuse domination dans le midi de lEurope. Elev comme otage laCour de Constantinople, il y avait puis le got des arts; son sjour en Italie devait luiapprendre le respect d la supriorit des lois romaines. Ds 489 il avait franchi les Alpes.En 493 il avait battu diffrentes reprises Odoacre, assassin, dit-on, ensuite par ses ordres,et avait pous Audelflde, soeur de Clovis, afin de se fortifier par une alliance avec la raceguerrire des Francs. En 497 il stait fait reconnatre par lempereur dOrient Anastase,comme roi dItalie. En 500 il faisait son entre solennelle dans la ville de Rome, accueilli parles flicitations du pape, du consul, du snat et du peuple.Les deux fils de Boce, Fl. Hypatius et Patricius, taient les consuls dsigns de cette anne.Boce, personnage consulaire et snatorial, plac entre ses deux jeunes fils, lui-mme jeuneencore, puisquil avait peine 45 ans, fut charg de haranguer, au nom du snat, le nouveaumatre de lItalie. Il parle de ce jour, dans ses ouvrages, comme de lun des plus glorieux desa vie. Sur cette terre dvaste depuis peu par tant de hordes barbares, et abandonne par lalchet de ses souverains et de ses possesseurs, ctait un avenir heureux quannonait letriomphe de Thodoric. Depuis sept ans quil avait renvers Odoacre, il avait fait clater lestalents dun grand homme. Arien, ainsi que son arme, il avait montr la plus parfaitetolrance envers les subjugus; Barbare, il avait adopt les lois et jusquau costume des

  • Romains; vainqueur, il avait respect les proprits des vaincus; soldat, il voulut que sessoldats neussent droit quaux emplois militaires, et confra tous les emplois civils, fidlementconservs, aux pacifiques Romains dont il reconnut les lumires. Boce fut un des premiersquil distingua. En se faisant reconnatre par les empereurs, Thodoric stait rserv le droitde nomination au consulat dOccident, et Boce fut revtu une seconde fois par ses mains, en510, de la dignit de consul.Ce fut cette poque de sa vie que Boce, dans toute la vigueur de son ge, crivit sonCommentaire sur les dix catgories dAristote et plusieurs autres ouvrages sur toutes lesbranches de la philosophie qui embrassait alors toutes les sciences morales, physiques etmathmatiques. Son projet tait de complter sa traduction dAristote commence Athnes;mais les affaires publiques ne lui laissrent pas le loisir de terminer cet important travail,dont une partie obtint la plus haute clbrit dans les sicles qui suivirent.On peut voir dans les curieuses lettres crites au nom de Thodoric, par Cassiodore sonsecrtaire et un de ses ministres, quel cas Thodoric faisait de Boce et dans combien detravaux divers il savait tirer parti de son talent. Trois des lettres de Thodoric sont adresses Boce. Dans la premire, Thodoric a recours ses talents mathmatiques. Il lui dit quil aappris quun trsorier infidle altre les monnaies; que les fantassins et les cavaliers de sagarde se plaignent de ne pas recevoir dargent de bon aloi, et dtre obligs par l de fairedes pertes considrables; et il lui prescrit de faire vrifier avec soin si les lois cet gard sontobserves.Dans une seconde lettre ce sont les talents de Boce pour la mcanique, dont Thodoric doncrclame lemploi.Dans la troisime lettre Thodoric fait un appel au talent de Boce pour la musique, et nousavons en effet encore de ce savant un trait sur la musique. Il parat que le roi des Francs,Clovis, que Thodoric, qui avait pous sa soeur Audelflde, appelle Ludvin, consonance plusrapproche que la ntre de la forme relle Hlutwig, avait beaucoup entendu vanter lamusique des festins de son beau-pre. Il lui crivit donc pour le prier de lui envoyer un habilejoueur de harpe. Thodoric sadressa Boce. "Jai promis, dit-il, au roi des Francs desatisfaire la demande quil me fait, uniquement parce que je connais toute ton habilet enmusique, et que jai compt sur toi, qui es parvenu par tes tudes aux sommets les plus ardusde cette science, pour me dsigner lhomme le plus habile en ce genre... Choisis donc lemeilleur joueur de harpe de notre temps, et quil devienne comme un autre Orphe, quidompta par la suavit de ses accents la duret du coeur des Gentils. Autant seront vifs lesremercments quon nous adressera, autant, par une quitable compensation, je saurai enfaire retomber sur toi, pour avoir su la fois et obir mes ordres et te distinguer toi-mme."Il et t dsirer, pour la tranquillit de Boce, quil continut soccuper longtempsencore des travaux scientifiques qui avaient t laffection de sa vie entire, et que, ministredun souverain arien, il nust de son influence politique et de la confiance de Thodoric quepour faciliter une rconciliation morale, comme dautres avaient cherch amener unefusion politique entre les Goths et les Romains. Thodoric lui avait tmoign depuis plus devingt ans une grande considration, et dans lanne 522 il le nomma une troisime foisconsul, conjointement avec son beau-pre Symmaque; mais le moment ntait pas loign odu fate des honneurs et de la prosprit, Boce allait retomber dans labme de linfortune;et en considrant avec impartialit les vnements de cette poque, les apparences, il fautlavouer semblent, jusqu un certain point, accuser Boce et justifier Thodoric.A lempereur semi-arien Anastase avait succd, en 518, sur le trne de Constantinople, unorthodoxe fougueux, lempereur Justin, dont le zle tait encore enflamm par celui de safemme, limpratrice Euphmie, ne comme lui de race barbare. Dautres assurent que loin

  • dtre le fils dun paysan thrace, il tait, comme Boce, de la famille des Anicius. Quoi quilen soit, il ne fut pas plus tt mont sur le trne quil commena une perscution universellecontre les Ariens. Il les dpouilla de leurs glises, les exclut de tous leurs emplois, confisquatous leurs biens et menaa leur vie, traitant ainsi en conspirateurs des hommes qui formaientla moiti, et la plus nergique moiti, des habitants de lempire; car il faut se rappelerqualors, lexception des Francs, tous les Barbares qui taient venus se jeter sur lempireprofessaient, extrieurement au moins, larianisme. Les Ostrogoths de lItalie et leur roiThodoric, les Visigoths de la Gaule Narbonnaise, de lAquitaine et de lEspagne, et leur roiAlaric, les Suves de la Galice, les Burgondes de la Gaule Lyonnaise, les Vandales dAfriqueet Thrasimund leur roi, taient galement Ariens et soutenaient les Ariens de lempire. Laperscution allume contre cette nombreuse secte en Orient enflamma promptement lesItaliens du mme esprit dimitation. L on ne pouvait qucrire et disputer, car la puissancepolitique tait entre les mains des Ariens et de lhabile Thodoric. On crivit donc et ondisputa, et ce furent surtout les doctrines de larianisme qui servirent de champ de bataille.Arius, qui vivait au IVe sicle, avait publi que le Verbe ntait pas gal son pre et quilnavait pas t de toute ternit, mais quil avait t cr de rien et quil tait du nombre descratures. Pour rfuter cette opinion schismatique, de nombreux traits avaient t crits enfaveur de la Trinit, et lpoque dont nous parlons, il y eut une extrme acrimonie dans lesreproches faits par les Italiens catholiques, exercs dans les combats de la plume et de laparole, aux Goths ariens qui avaient peu lusage de ces luttes littraires.Thodoric, irrit de voir se multiplier des levains de discorde qui pouvaient renverserldifice de sa sage politique, rsolut dy apporter un prompt remde. Il ordonna donc aupape Jean Ier, qui venait dtre lu, en 523, de se rendre avec son ami le patrice Symmaque,alli de Boce, auprs de lempereur Justin, Constantinople, pour lengager modrer larigueur de ses dcrets contre les Ariens, rigueurs qui pouvaient le forcer lui-mme desreprsailles contre les catholiques. Jean! et Symmaque partirent; mais le rsultat de cetteambassade ne fut nullement satisfaisant pour Thodoric. Les deux ambassadeurs paraissentavoir prfr le triomphe de leur foi au succs de la mission qui leur avait t confie.Quelques-uns des historiens de Jean Ier disent que, fier daspirer au martyre, il engagealempereur ne se relcher en rien de ldit quil avait promulgu contre les Ariens; dautresassurent, et ils len louent, que voulant concilier autant que possible les devoirs de sa foi etceux de sa mission, il se contenta dengager Justin les modrer dans lexcution sansconsentir en modifier lnonc. A son retour de Constantinople, Thodoric le fit jeter enprison Ravenne, o il mourut peu de temps aprs, et nomma lui-mme un autre pape, FlixIII.Symmaque, alli de Boce et compagnon de Jean Ier dans son ambassade Constantinople,fut expos aux mmes reproches et la mme indignation de la part de Thodoric, qui le fitaussi jeter en prison et ensuite excuter comme criminel dtat. Boce fut envelopp dans lamme disgrce que ses deux amis. Il fut accus auprs de Thodoric davoir entretenu aveclempereur Justin, son parent, une correspondance secrte. Il voulait, disait-on, enleverlItalie la domination de Souverains trangers et ariens, et la faire rentrer sous celle desempereurs, On produisit mme deux lettres de lui dans lesquelles cette conspiration semblaitpatente. Boce dclara toujours que ces deux lettres ntaient pas de lui et quelles avaientt supposes par ses ennemis. Cest ce quil assure encore dans un ouvrage o la plus hautemorale parle constamment par sa bouche, les Consolations de la philosophie, crites par luidans la prison do il ne sortit que pour aller la mort. Boce ne fut jamais confront avecses ennemis, et le tmoignage dun homme aussi honorable, quaucune preuve relleninvalide, est sans doute dun grand poids dans cette affaire. Mais Thodoric avait t blessde le voir se mler une polmique religieuse si irritante; la passion dune part et lhabilet

  • des intrigues des ennemis de Boce de lautre purent entraner son jugement, et Boce futsacrifi. Il fut arrt Vrone o il stait rendu pour prsenter la dfense de son beau-frreSymmaque, et il fut conduit prisonnier Pavie, la fin de lanne 524 ou au commencementde 525.Tomb du fate de la puissance dans la plus profonde infortune, enferm dans une dureprison, sous le poids dune accusation capitale, Boce retrouva sa hauteur dme et cettepure philosophie dont il avait t nourri ds lenfance. Ce fut dans les moments dunedouloureuse solitude quil crivit le plus beau de ses ouvrages, son vritable legs lapostrit.Les Consolations de la philosophie, crites par Boce dans sa prison sans le secours daucunlivre, sont un des plus beaux monuments de la philosophie latine, de mme que le Phdon etle Criton de Platon, rsum des dernires penses de Socrate prt recevoir la mort, sont undes plus beaux monuments de la philosophie grecque. Aprs avoir consacr son cinquimelivre prouver le libre arbitre de lhomme et montrer comment la puissance de Dieu seconcilie aisment avec la libert de lhomme, on voit, par la disposition de son sujet, danslequel il procde par dduction la manire des Platoniciens, quil allait passer un siximelivre, lorsquil fut interrompu pour subir une mort cruelle sur lchafaud, le 23 octobre 526, lge de soixante onze ans. On montre Pavie une ancienne tour de brique quon prtendtre celle o Boce perdit la vie. Il fut enterr dans cette ville,Dans les sicles qui suivirent on voulut inscrire Boce au nombre des saints et des martyrs ct du pape Jean Ier, Mais cela ne peut se faire sans inscrire aussi Thodoric au nombre desperscuteurs et des tyrans, et ce serait contraire toute vrit. Boce fut condamn, ainsi queJean Ier et Symmaque, pour crime dEtat. Malgr les apparences qui tmoignaient contreBoce, lassurance quil donne de son innocence dans un moment aussi solennel convaincu lapostrit de la puret de ses intentions et de sa conduite toutefois, dfaut de confrontationavec ses tmoins, avait laiss ses deux lettres toute lautorit dune chose prouve, Un arrtde mort dans une accusation politique aussi incertaine fut sans doute un arrt violent; maisde la mme manire quil ne saurait fltrir lhonneur de Boce, il ne suffit pas non plus pourfltrir une vie glorieuse comme celle de Thodoric et transformer en perscuteur froce unhomme dont tous les actes et toutes les paroles respirent lamour de lhumanit,Quon lise toutes les lettres crites au nom de Thodoric, quon examine sa vie entire, et onverra quel est cet homme dont quelques lgendaires ont voulu faire un sanglant perscuteur,dvor ensuite daffreux remords et tourment par des visions.Que les autres rois, crivait-il un de ses lieutenants, en ordonnant la restitution deproprits leurs anciens possesseurs en Gaule, que les autres rois se plaisent amoncelerles ruines des cits et vivre de butin, nous, laide de Dieu, nous voulons user de tellemanire de notre victoire que ceux que nous aurons vaincus regrettent de navoir pas t plustt soumis notre domination.Avec un caractre aussi noble qui exclut tout soupon datroce perscution religieuse, il fautdonc en revenir penser que Boce fut victime dun de ces jugements prcipits, si ordinairesdans tous les temps la justice des hommes et des partis; jugements sur le quels revient plustard limpartiale postrit. La rparation semble ne pas stre fait longtemps attendre, carAmalasonte, fille de Thodoric et rgente pendant la minorit de son propre fils Athalaric,successeur de Thodoric, fit relever les statues de Boce abattues, et rendit sa femme sesproprits confisques.Thodahat, successeur dAthalaric, continua cette oeuvre de rparation et fit pouser une deses parentes un descendant de lillustre Boce. Sa veuve Rusticienne cependant, soeur de

  • Symmaque, quil avait pouse en secondes noces, tait destine de nouvelles infortunes,communes cette fois sa patrie entire. Elle survcut assez longtemps son mari pour tretmoin du ravage de Rome par Totila, chef des Goths, en 541, et fut, ainsi que les plusillustres matrones romaines, rduite la plus profonde misre.Une suite dhommages non interrompus fut rendue, aprs ces cruels moments dpreuve, auxcendres de Boce. Luitprand, roi des Lombards en 712, qui venait, en 722, de retirer prixdargent des mains des Sarrasins de Sardaigne le corps de saint Augustin et lavait faittransporter Pavie, fit aussi rparer et embellir le tombeau de Boce, plac dans la mmeville, et y fit mettre linscription suivante:

    Mom et latior lingu clarissimus, et quiConsul eram, hic perii, missus in exilium.

    Sed quem mors rapuit, probitas evexit ad auras.Et nunc fama viget maxima, vivet opus.

    En 996 lempereur Othon III, dans un voyage Rome, fit retirer les ossements de Boce de cetombeau et lui fit riger un nouveau tombeau de marbre, pour lequel le savant Gerbert,archevque de Reims, puis vque de Ravenne et ensuite pape sous le nom de Silvestre II,composa une inscription.

    J. A. C. BUCHON.

    LESUVRES PHILOSOPHIQUES

    LESUVRES THOLOGIQUES DE BOCE

    TRAIT I: SUR LE CHRIST: CONTRE EUTYCHS ETNESTORIUS

    UN TRAIT DANICIUS MANLIUS SEVERINUS BOETHIUS, TRS HONORABLE,DU TRS ILLUSTRE ORDRE DES EX-CONSULS, PATRICE,

    AU SAINT MATRE ET VNRABLE PREJEAN LE DIACRE, BOCE SON FILS

    (Introduction)Dans lagitation des penses, j'ai longtemps retard le moment de te parler de la question qui at discute au Concile. Et, puisque tes occupations tont empch de venir, et que du mien,mes affaires me retiendront un certain temps, je mets par crit ce que je voulais te dire de vivevoix. Tu te souviens en effet que, lors de la lecture publique dune lettre au Concile, il futdclar que les Eutychiens reconnaissaient ouvertement que le Christ est constitu de deuxnatures, mais niaient quil consistt en deux: les Catholiques alors, de proclamer leur foi en

  • faveur des deux assertions, car lon croit chez les sectateurs de la vraie Foi que le Christ, defaon gale, est constitu de deux natures et consiste dans les deux. Or, frapp par lanouveaut dune telle assertion, je me mis rechercher les diffrences susceptibles dexisterentre ces deux modes de conjonction: celle constitue de deux natures et celle consistant endeux natures en effet, je pensais que cette question, que, dans le sentiment de son imprieusencessit, lvque, auteur de la lettre, navait pas laisse de ct, tait videmment de la plusgrande importance elle ne devait pas tre dlaisse ou nglige par paresse.

    Mais tous, ce moment, de scrier que la diffrence tait manifeste, et quen cette matire ilny avait plus rien qui, de tnbres, conservt la confusion ou le dsordre: personnecependant, au milieu dun si grand tumulte, ne se trouva pour aborder la question avecaisance, ou simplement la dbrouiller. Jtais quant moi assis trop loin de celui que jesouhaitais observer avec le plus dattention dailleurs, si tu te rappelles la disposition de ceuxqui sigeaient, tant plac derrire de trop nombreux participants, je naurais pu, mme en lesrecherchant avec la plus grande peine, percevoir sa physionomie ou lexpression de sonvisage cela met donn des signes de son jugement. Eh bien, quant moi, assurment, jenapportais rien de plus que les autres, et au contraire, mme quelque chose en moins. Car, surle sujet en question, je navais absolument pas le mme avis que les autres. Ce quen revanchejapportais en moins queux, ctait videmment la prsomption dune fausse science. Jesupportai trs pniblement, je lavoue, la situation, et press par le troupeau des ignorants, jeme tus, craignant dapparatre fou juste titre, si au milieu de furieux, javais tent de meconduire en homme sens. Alors, de ce moment, en mon esprit, je me mis mditer toutes cesquestions, et je navalais pas ce que japprenais, mais le ruminais dans la pratique ritredune frquente consultation. Enfin, les portes souvrirent un esprit qui les poussait avecforce, et la Vrit, une fois trouve, rvla, celui qui les cherchait, toutes les nues delerreur eutychienne. Quel grand tonnement me saisit alors! tonnement devant laudace deces gens incultes qui sefforcent doffusquer dun nuage de prsomption et dimpudence cevice lignorance, quand non seulement presque toujours ils ne savent pas ce qui est ensuspens, mais encore, dans des dbats de ce genre, ne comprennent mme pas ce quils disenteux-mmes; comme si ce qui cause lignorance ne devient pas plus dsastreux encore enrestant dissimul!

    Mais de ces gens je passe toi, auquel je transmets cet crit qui, si modeste quil soit, doitdabord tre examin et pes attentivement. Si tu dclares que le sujet a t correctementtrait, je te demande dinsrer ces pages parmi les crits que jai dj signs. Mais si quelquechose doit tre enlev ou ajout, ou doit encore subir quelque modification, je souhaite quecette correction me soit aussi remise pour tre transcrite sur mes exemplaires, quand tu melauras retourne. Et quand ces corrections, conduites leur terme, auront t tablies, alorsseulement je transmettrai cet crit, qui doit recevoir son jugement, celui que jai coutume desolliciter. Mais puisque, une bonne fois pour toutes, le sujet passe de lentretien au crayon, ilimporte en premier lieu de repousser les erreurs extrmes et mutuellement contraires, deNestorius et dEutychs. Ensuite, Dieu aidant, je montrerai que cest prcisment dans sonjuste milieu que consiste lquilibre de la foi chrtienne. Mais puisque dans toute la questionde ces hrsies mutuellement contraires il y a doute au sujet des personnes et des natures, ilfaut primitivement les dfinir, et les isoler dans leurs diffrences propres.

    (Liminaire: Trait de la nature et de la personne)

    I. (Plusieurs dfinitions du concept de nature)Le concept de "nature", donc, peut tre dit: ou des seuls corps; ou des seules substances, cest--dire des corporelles et des incorporelles; ou de toutes choses, quon dit "tre", selon un

  • mode quelconque. Comme "nature" donc peut se dire selon trois modes, son concept doit tredfini, indubitablement, selon trois modes.

    (Le premier mode de dfinition) En effet, sil convient de dire "nature" de toutes choses, ladfinition devra pouvoir inclure toutes les choses qui sont. Elle sera alors de ce type: "il y anature des choses, qui, du moment quelles sont, peuvent tre saisies, selon un modequelconque, par lintellect." Dans une telle dfinition, sont donc dfinis autant les accidentsque les substances: ils peuvent tous en effet tre saisis par lintellect. Mais lon a ajout "selonun mode quelconque", puisque Dieu et la matire ne peuvent tre intgralement etparfaitement saisis par lintellect, mais cependant peuvent ltre "selon un mode quelconque":par privation de toutes les autres ralits. Cest pourquoi jai ajout: "qui, du moment quellessont", puisquil y a signification jusque du nant (nihil) lui-mme, mais non nature de cenant. En effet, il ne signifie pas que quelque "est", mais bien plutt le non-tre; or chaquenature "est" Si donc, il convient que la nature soit assurment dite de toutes choses, ladfinition de la nature pourra tre celle que nous venons de proposer.

    (La deuxime dfinition) Mais si la nature est dite des seules substances, puisque toutes lessubstances sont ou corporelles ou incorporelles, nous donnerons "nature" quand elle dsigneles substances une dfifinition de ce type: "La nature est ou ce qui peut faire qui peut ptir""Ptir" assurment et "faire", quand il sagit de tous les corporels et de l'me des corporels:cette dernire, en effet, fait et dans le corps et par le corps. Mais "faire seulement pour Dieu etles autres ralits divines. On a donc galement la dfinition du sens de nature quand elle estapplique aux seules substances. Or, dans ce cas est aussi donne en retour la dfinition de lasubstance. Car si le nom de "nature" indique la substance, quand nous avons dtermin lanature, nous avons galement donn la dtermination de la substance.

    (La troisime dfinition) Mais si le nom de nature est rduit aux substances corporelles onaura laiss de ct les substances incorporelles , de sorte que seules les substancescorporelles paraissent avoir une nature, comme le pensent Aristote et tous les autressectateurs dcoles philosophiques similaires ou varies, nous la dfinirons comme ceux quiont aussi pos que la nature nest que dans les corps. Telle sera alors la dfinition: "La natureest le principe de mouvement par soi, non par accident." Jai dit: "principe de mouvement",puisque tout corps a son mouvement propre, comme le feu vers le haut, la terre vers le bas. Demme jai pos que la nature tait "par soi principe de mouvement" et "non par accident": ilest ncessaire en effet, quun lit en bois soit de ce fait port vers le bas, mais non port vers lebas par accident. Cest en effet parce quil est bois, qui est terre, quil est conduit-vers le bas(de-ducit) par le poids et la gravit. Ce nest pas en effet parce quil est lit, quil tombe vers lebas, mais parce quil est terre, cest--dire parce que la terre, par accident, est devenue lit.Do nous disons que le bois relve de la nature, mais le lit de lart.

    (La quatrime dfinition) Il y a encore une autre signification de "nature": celle par laquellenous disons que la nature de lor est oppose celle de largent: nous dsirons alors indiquerle caractre propre des choses. Ce sens de nature aura pour dfinition: "la nature est ladiffrence spcifique informant chaque chose"

    Puis donc que "nature" se dit ou dfinit en fonction de tous ces modes, aussi bien lesCatholiques que Nestorius tabliront selon la dernire dfinition que dans le Christ il y a deuxnatures. En effet, on ne rencontre pas en Dieu et en lhomme des diffrences identiques.

    II. (Si une personne habite toute nature)En revanche, sur la dfinition qui conviendra le mieux "personne", on peut avoir le plusgrand doute. Si en effet, une personne habite toute nature, pouvoir distinguer "nature" de"personne" est un noeud indissoluble. Ou si "personne" nest pas gale "nature", mais que

  • "personne" possde un champ dapplication plus troit que celui de "nature", il est difficile dedire jusqu quelles natures pourrait stendre la "personne" cest--dire quelles natures ilconviendrait que la personne habite, quelles natures il conviendrait de refuser ce vocable depersonne. Car manifestement) la nature est jete-sous la personne et en dehors de la nature lapersonne ne peut tre prdique On doit donc, en enqutant de cette faon, suivre la trace lesrepres suivants.

    Puisque, en dehors de la nature, on ne peut avoir de personne, et puisque les natures sont: lesunes des substances) les autres des accidents, nous voyons aussi que lon ne peut tablir lapersonne dans les accidents. Qui, en effet, dirait quil y a une personne de la blancheur, de lanoirceur ou de la grandeur? Il reste donc, et il convient, que la personne soit dite dans lessubstances. Mais parmi les substances, les unes sont corporelles, les autres incorporelles. Etparmi les corporelles, les unes sont vivantes, les autres non; parmi les vivantes, les unes sontsensibles, les autres non; parmi les sensibles, les unes sont rationnelles, les autres non-rationnelles. De mme parmi les incorporelles, les unes sont rationnelles, les autres non,comme les esprits vitaux des btes. Et parmi les rationnelles, une est immuable et impassiblepar nature: Dieu; lautre par cration muable et passible, moins dtre totalement transmuepar la grce de la substance impassible, en la fermet de limpassibilit, comme les anges etlme humaine.

    Or, parmi toutes ces substances, il est manifeste quon ne peut dire quil existe une personnedans les corps non vivants nul, en effet, ne dit quil y a une personne de la pierre ; niderechef des vivants qui sont privs de sens il ny a en effet aucune personne de larbre ;ni encore dune substance dserte par lintellect et la raison il ny a en effet aucunepersonne du cheval ou du boeuf, ou des autres animaux qui, privs de parole et de raison,passent leur vie en sappuyant sur les seuls sens. Mais nous disons quil existe une personnede lhomme, nous le disons de Dieu, nous le disons de lange. Derechef: parmi les substances,les unes sont universelles, les autres particulires. Les universelles sont celles qui sontprdiques des singulires: lhomme, lanimal, la pierre, le bois et tout le reste de cette sorte,qui sont genres ou espces. En effet, lhomme se dit des hommes singuliers, et lanimal desanimaux singuliers, de mme que la pierre ou le bois de pierres ou de bois singuliers. Lesparticulires, elles, sont celles qui ne sont nullement prdiques dautres, comme Cicron,Platon, cette pierre dont on a fait cette statue dAchille, ce bois dont on a fabriqu cette table.Mais parmi toutes ces substances, nulle part la personne ne peut se dire dans les universelles,mais seulement dans les singulires et dans les individuelles. En effet, il ny a aucunepersonne de lanimal ou de lhomme en gnral, mais cest bien Cicron, Platon: desindividus singuliers que lon donne le nom de personne singulire.

    III. (La dfinition de la personne et quelques questions terminologiques)Cest pourquoi, si la personne est dans les seules substances, et dans celles qui sontrationnelles, et si toute substance est une nature tablie non pas dans les universelles, maisdans les individuelles, on a trouv la dfinition de la personne: "substance individuelle denature rationnelle".Mais nous, nous avons par cette dfinition dtermin ce que les Grecs appellent "hypostase".En effet, le nom de personne provient manifestement dune autre origine, de ces masques(personae) lvidence qui reprsentaient, dans les comdies et les tragdies, les personnagesque lon jouait. Quant "persona", il a t constitu partir de "personare" retentir!, avec unaccent circonflexe sur la pnultime. Si lon rend lantpnultime aigue, on sapercevra defaon tout fait claire que "persona" vient de "sonus" son. Et sil provient de "sonus", cestque le son, roul dans la concavit mme du masque! en devient plus fort Les Grecsgalement les appellent masques, du fait quils se mettent sur la face, et, poss devant les

  • yeux, dissimulent la physionomie. Mais, puisque les histrions, grce lappli cation demasques, reprsentaient, comme on la dit, les personnages individuels que lon jouait dans latragdie et dans la comdie (Hcube, Mde, Simon ou Chrms), cest pour cette raison queles Latins nommrent "personam" et les Grecs "prosopon", galement les autres hommes,dont on avait une connaissance prcise en raison de leur aspect. Mais les Grecs prfrentappeler de faon plus significative par le nom dhypostase la subsistance individuelle denature rationnelle tandis que nous, par pnurie de mots ayant une telle signification, nousavons retenu une appellation du langage courant, nommant "persona" ce quils appellent.Mais ces derniers, ayant une plus grande pratique du vocabulaire, appellent hypostase lasubsistance individuelle. Et afin demployer la langue grecque dans des sujets qui, penss parles Grecs, ont t traduits en latin: les essences peuvent assurment tre dans les universels,mais cest dans les seuls individuels et particuliers quelles sont-substances.Lintellection des universels en effet est tire des particuliers. Cest pourquoi, puisque lessubsistances elles-mmes, assurment, sont dans les universels, mais reoivent la substancedans les particuliers, les Grecs ont appel juste titre "hypostasis" les subsistances qui sontselon le mode du particulier. En effet, pour qui aura un regard srieux et pntrant, lasubsistance ne sera manifestement pas identique la substance. De fait, ce que les Grecsappellent "ousiosin", cest ce que nous, nous appelons "subsistance" ou "subsister". Mais cequeux appellent "hypostasis", cest ce que nous, nous traduisons pas "substance" ou le faitd"tre-substance". Subsiste en effet, ce qui soi-mme, afin de pouvoir tre, na pas besoindaccidents. Mais est-substance ce qui procure en tant que fondement un sujet dautreschoses, savoir les accidents, pour leur donner ltre effectif. Elle se tient-sous eux, en effet,en tant quelle est sujet pour des accidents. Cest pourquoi les genres et les espces subsistentseulement. Les accidents en effet nchoient pas aux genres ou aux espces. Mais lesindividus non seulement subsistent, mais encore sont-substances. Car dune part eux-mmesnont pas besoin daccidents pour tre, ils sont en effet informs par leurs diffrencespropres et spcifiques , dautre part ils procurent aux accidents la possibilit dtre, en tantvidemment des sujets. Cest pourquoi "einai" est compris par "tre" et "subsister", mais il y aun autre mot pour "tre-substance". Cest en effet quen Grce lon ne manque pas devocabulaire, comme y faisait allusion Cicron mais lon y rend par autant de noms "essence","subsistance", "substance" et "personne": on y appelle en effet lessence par un mot, et lasubsistance par un autre; la substance et la personne sont aussi dsignes par deux motsdistincts. Et si les Grecs ont appel par un mot spcial les subsistances individuelles, cestquelles sont-sous les autres choses et sont poses-sous dautres choses: les accidents.

    Cest pourquoi, nous aussi nous nommons substances ces choses comme poses-sous, que lesGrecs nomment "hypo-stase"; et de plus, comme ils nomment "prosopa" les mmessubstances, nous pouvons galement les nommer personnes "Ousian" esse est donc lamme chose quessence; "ousiosis" la mme que subsistance; "hypostase" la mme quesubstance; "prosopon" la mme que personne. Mais la raison pour laquelle le Grec ne dit pas"hypostase" des animaux non rationnels, de mme que nous nous prdiquons en effet le nomde substance de ces derniers, est la suivante le grec applique ce nom aux tres suprieurs.Ainsi, de quelque faon il distingue ce qui est le plus excellent, sinon, en effet, par unedtermination de nature selon ce quest "*" et "tre-substance", du moins par les vocablesd"hypostase" ou de substance.Il y a donc assurment la fois une essence de lhomme, cest--dire une "ousia", et unesubsistance, cest--dire une "ousiosis"; une "hypostase", cest--dire une substance, et un"prosopon", cest--dire une personne. "ousia" et essence puisque il "est", et "ousiosis" ousubsistance puisque il nest dans aucun sujet; "hypostase" et substance puisquil est-sousdautres choses qui ne sont pas des subsistances, cest--dire des "ousiosis"; il est "prosopon"

  • et personne puisque il est un individu rationnel . Dieu aussi est "ousian" et essence: en effet Ilest, et Lui-mme est souverainement, Celui de qui provient ltre de toutes choses. Il est"ousiosis", cest--dire subsistance en effet il subsiste sans avoir besoin de rien. Et Il ": eneffet Il est-substance. Aussi disons-nous encore quil y a une "ousian" ou "ousiosis", cest--dire une essence ou subsistance, de la dit, mais trois "hypostases", cest--dire troissubstances. Et assurment, selon cette faon de sexprimer on a dit une essence une de laTrinit, mais trois substances et trois personnes.

    Si en effet lusage linguistique de lglise nexcluait pas trois substances en Dieu, lasubstance serait videmment dite de Dieu non en ce sens que Lui-mme ft pos-sous tout lereste comme sujet, mais que, de mme quIl est-lAvant de toutes choses, de mme aussi,comme principe, Il est-sous toutes choses, fondement procurant toutes 1"ousiostai", cest--dire le subsister

    IV. (Rfutation des erreurs de Nestorius et d'Eutychs)(Rfutation de lhrsie nestorienne)Mais que tout ce qui prcde nait t dit que dans le seul but de montrer la diffrence existantentre "nature" et "personne", cest--dire entre "ousias" et "hypostase".Mais les questions terminologiques sont du ressort de lEglise et de son arbitrage il luiappartient de donner chaque chose le nom qui convient Cependant, que se maintiennefermement la diffrence que nous venons dtablir entre nature et personne, puisque la natureest la proprit spcifique dune substance, quelle quelle soit, et la personne, la substanceindividuelle de nature rationnelle.

    Nestorius a tabli que, dans le Christ, la personne tait double, videmment conduit parlerreur qui consistait penser que la personne pouvait se dire dans toutes les natures.Supposant en effet ce dernier point acquis, puisquil estimait dans le Christ une double nature,il a confess galement lexistence dune double personne. Or quune telle supposition soitfausse, la dfinition donne plus haut en convaincrait dj; mais largumentation qui suitrendra claire et vidente son erreur.

    Si, en effet, nous navons pas une seule personne du Christ, tout en ayant, cest manifeste,deux natures, savoir de lhomme et de Dieu, et personne ne sera draisonnable au pointdcarter la raison de lune et lautre de ces natures , il sensuit quil y aura videmmentdeux personnes. La personne est en effet comme on la dit, la substance individuelle de naturerationnelle. Mais quelle est donc cette conjonction de lhomme et de Dieu, alors ralise? Est-ce comme lorsque deux corps sont poss lun auprs de lautre? dans ce cas il y a seulementjonction locale et rien de la qualit de lun ne se transmet lautre. Or, ce mode deconjonction, les Grecs lappellent "par juxtaposition". Mais si cest ainsi que lhumanit setrouve con jointe la divinit, partir de lun et lautre de ces deux lments rien ne se trouveavoir t effectivement ralis, et de ce fait, le Christ nest rien. Or le nom lui-mme, cest unfait, le vocable tant au singulier, dsigne quelque chose dun. Mais si cette conjonction desnatures, dont nous avons parl ci- dessus, se produit tout en laissant demeurer deux personnes,rien na pu des deux effectivement devenir un. Absolument rien, en effet, de deux personnes,ne peut jamais tre produit. Le Christ donc, selon Nestorius nest rien dun, et de ce fait Ilnest absolument rien. En effet ce qui nest pas un ne peut tre non plus du tout. Ltre et lun,effectivement, sont convertibles et tout ce qui est un est. Mme ce qui rsulte de laconjonction de plu sieurs lments, comme un amas, un choeur, ne laisse pas cependant dtreun. Mais nous proclamons, de faon manifeste et vridique, que le Christ est. Nous disonsdonc que le Christ est un. Sil en est ainsi, il est ncessaire, sans doute aucun, que la personne

  • du Christ soit une aussi. Car sil y avait deux personnes, Il ne pourrait tre un. Mais dire quily a deux Christs nest rien dautre que folie dun esprit emport.

    Pourquoi en effet Nestorius oserait-il la vrit appeler Christ les deux lun, lhomme,lautre, Dieu, ou pourquoi appelle-t-il Christ Celui qui est Dieu, si celui qui est homme doitaussi tre appel Christ, si dtre assembls nentrane aucun point de similitude, aucuneconjonction? Pourquoi abuse-t-il dun nom semblable pour les natures les plus opposes, alorsque sil est pouss dfinir le Christ, il ne peut, comme il le dit lui-mme, appliquer aux deuxChrists, la substance une que lon a dans la dfinition de la personne ? Si, en effet, lasubstance de Dieu et celle de lhomme sont opposes, mais quil y ait un seul nom de "Christ"pour les deux, et si lon ne croit pas que la conjonction de ces substances opposes aitconstitu une seule personne, le nom de "Christ" est quivoque et lon ne peut conclure aucune dfinition. Or quelles sont ces Ecritures o lon redouble jamais le nom du Christ? Etquoi de radicalement nouveau sest-il effectivement produit par ladvenue de notre Sauveur?Car, pour les catholiques, la vrit de la foi et le caractre exceptionnel du miracle sont desfaits tablis. Il est si grand, en effet, et si nouveau, et un tel point, ce miracle qui ne pouvaitarriver quune seule fois et aucun autre sicle! Miracle par lequel Celui qui seul est Dieu estvenu la rencontre de la nature humaine, nature qui lui tait la plus oppose: ainsi fut faite, denatures diffrentes assembles entre elles une seule personne. Mais selon lopinion deNestorius, quarrive-t-il de radicalement nouveau? "Lhumanit et la divinit, dit-il,conservent leurs personnes propres." Eh bien, quand donc ne fut pas la personne propre de ladivinit et de lhumanit? Et quand ne sera-t-elle pas? Ou quarrive-t-il de plus dans lanaissance de Jsus que de nimporte qui dautre, si des natures distinctes ont encore deuxpersonnes distinctes?

    Ainsi en effet, par la permanence des personnes, aucune conjonction des natures na pu lavoir lieu: dans le cas de nimporte quel homme aussi, alors que subsiste sa personne propre,la divinit ne peut aucunement se joindre lui, lui dont la substance est pour tant la plusexcellente. Mais peut-tre appelle-t-il Christ, Jsus, cest--dire la personne de lhomme, pourcette raison qu travers elle la Divinit a opr des miracles? Soit: mais pourquoi noserait-ilappeler Dieu lui-mme du nom de Christ? Et pourquoi noserait-il pas appeler par unsemblable vocable galement les lments eux-mmes par les quels Dieu, en des mouvementsquotidiens, opre des miracles? Ou serait-ce quune personne ne peut habiter des substancesnon rationnelles, personne par o elles puissent recevoir le vocable de Christ? Mais nereconnat-on pas aussi chez les saints et tous ceux qui sont remarquables pour leur pit,laction ouverte de la divinit? Pour quelle raison alors en fait aucune ne pas jugerdignes aussi de ce mme nom les saints, si dans lassomption de lhumanit nest pas une lapersonne issue de la conjonction des natures? Mais il dira peut-tre: Je reconnais queux aussisont appels des Christs, mais cest limage du vrai Christ." Mais si nest pas issue de laconjonction de lhomme et de Dieu une seule personne, nous jugerons que tous sont de vraisChrists, comme Celui qui, nous le croyons, est n de la Vierge. Oui certes, dans le cas duChrist, aucune personne unique ne fut le fruit assembl de Dieu et de lhomme, de mme nonplus quen ceux qui prophtisaient par lEsprit de Dieu la venue du Christ, prophtie pourlaquelle ils sont, eux aussi, appels des "Christs". Il sensuit alors que la permanence despersonnes interdit de croire lassomption de lhumanit, selon un mode quel conque, par laDivinit.

    En effet, absolument disjoints sont les tres qui sont spars la fois en personne et en nature;il y a disjonction absolue, dis-je, et entre eux hommes et boeufs ne sont pas plus loigns quene sont distingues dans le Christ, si les personnes demeurent, la divinit et lhumanit. Carassurment, hommes et boeufs ont un point commun par o ils se rejoignent: lanimalit. Ilsont en effet, selon le genre, une substance commune et une nature identique, dans ce

  • rassemblement quest luniversalit. Mais dans le cas de Dieu et de lhomme, la raison mmede leur opposition ne fera-t-elle pas persister une totale disjonction si sous lopposition denature, lon croyait galement qutait demeure une distinction des personnes? Le genrehumain nest donc pas sauv, en nous na procd aucun salut par la gnration du Christ;autant de textes de prophtes se sont jous du peuple des croyants: est balaye enfin toutelautorit de lAncien Testament qui promet le salut au monde par la gnration du Christ.Manifestement le salut ne nous a pas t apport si demeure dans la personne la mmeopposition que dans la nature. Car cest le mme Homme , bien sr, que le Christ a, nous lecroyons assum, et quIl a sauv. Mais aucune assomption nest intelligible si demeure defaon gale la distinction de nature et de personne. Celui donc qui, la personne demeurant, napu tre assum, ne pourra manifestement et juste titre avoir t sauv par la gnration duChrist. Ce nest donc pas par la gnration du Christ que la nature humaine a t sauve: cequil est sacrilge de croire.

    Mais quoique des arguments en foule pour raient encore efficacement combattre cette opinionet la mettre en pices, cependant labondance de ceux qui viennent dtre verss doit suffirepour le moment.

    V. (Rfutation de lhrsie de Eutychs: le corps du Christ)Il faut passer maintenant Eutychs qui, gar hors des sillons tracs par les anciens Pres acouru dans lerreur contraire il affirme en effet, que loin quil faille croire double la personnedans le Christ, il ne convenait mme pas de confesser en Lui une double nature; lhommeaurait t si bien assum que dans lunion ralise avec Dieu, la nature humaine ne serait pasdemeure. Son erreur dcoule de la mme source que celle de Nestorius. Car de mme queNestorius pense quil ne peut y avoir de double nature sans que cela redouble la personne et pour cette raison, confessant dans le Christ une double nature, il a cru double la personne;de mme aussi Eutychs ne pense pas que la nature pouvait tre double sans duplication de lapersonne. Or, comme il ne confessait pas que la personne ft double, en consquence il pensaque la nature tait manifestement une. Cest pourquoi Nestorius, soutenant avec justesse quela nature est double dans le Christ, confesse de faon sacrilge lexistence de deux personnes;tandis quEutychs croyant avec justesse que la personne est une, croit avec impit que lanature, elle aussi, est une. Aussi ce dernier, il le dit, convaincu par lvidence de la ralit,puisque manifeste est laltrit de la nature de lhomme et de celle de Dieu, confesse-t-il deuxnatures dans le Christ avant lunion, mais une aprs lunion. Or une telle formulationnexprime pas clairement ce quil veut dire. Cependant, examinons au fond son extravagance:car cette union a t faite au moment ou de la gnration, ou de la Rsurrection.

    Si elle a t faite au moment de la gnration, il pense, de toute vidence, quavait aussiexist, avant la gnration, une chair humaine, non pas assume par Marie, mais prpareselon un autre mode, peu importe lequel; la Vierge Marie aurait t place ct afin quedelle naqut cette chair qui navait pu tre assume par elle; quant cette chair qui avait tauparavant, elle tait galement spare et divise de la substance de la divinit; quand leChrist est n de la Vierge, lunion se fit avec Dieu de sorte quen toute vidence, fut produiteune seule nature. Ou, si telle nest pas son opinion, elle pourrait tre la sui vante, Eutychsprtendant deux natures avant lunion, une aprs lunion, mais dans ce cas lunion a ttotalement ralise la gnration de sorte que le Christ a alors assum un corps certes tir deMarie, mais avant de lassumer, la nature de la dit tait oppose celle de lhumanit:assume, faite une, elle se serait change en substance divine. Mais sil ne pense pas que cetteunion a t ralise la gnration, mais la Rsurrection, il y aura derechef deux faons delenvisager. En effet que le Christ soit n sans assumer un corps tir de Marie, ou quil aitassum une chair tire delle, il possde assurment deux natures jusqu sa Rsurrection;

  • devenues une seule aprs la Rsurrection. De ces deux cas nat une contradiction, que nousinterrogerons de la faon suivante: le Christ, n de Marie, a-t-Il tir delle sa chair humaine,ou non? Sil ne confesse pas quIl lait tire delle, quil dise de quel homme Il sest revtupour venir, de celui dchu dans la prvarication du pch, ou dun autre. Si cest du sang decelui dont descend lhomme, quel homme la divinit revtit-elle? Car si cette chair dont Il estn ne fut pas du sang dAbraham, de David et en dernier lieu de Marie, quEutychs montrede quelle chair humaine Il descendrait puisque aprs le premier homme toute chair humaine at tire de la chair humaine.

    Mais sil le dit: de quel tre humain en dehors de la Vierge Marie, fut assume la gnrationdu Sauveur, la fois lui-mme sera convaincu derreur, et tout en tant jou lui-mme, ilmarquera la divinit suprme de lempreinte manifeste de limposture en effet, ce qui a tpromis Abraham et David, dans les Saintes Prophties, que de leur sang le monde entiertirerait lorigine de son salut, la divinit laurait attribu dautres; dautant plus que, si lachair humaine a t assume, elle na pu tre assume par un autre tre que celui quigalement la procrait. Si donc le corps humain na pas t assum par Marie, mais par unautre, quel quil soit, cependant cest Marie qui a procr ce corps qui a subi la corruption due la prvarication et largument prsent immdiatement rfute la thse dEutychs. Maissi le Christ na pas revtu cet homme qui a endur la mort comme chtiment du pch, ilsensuivra quIl na pu du sang daucun homme natre tel quil fut: exempt du chtiment d aupch originel. Une telle chair ne fut donc tire de personne. Ce qui a pour consquencemanifeste quelle a t forme dune faon radicalement nouvelle. Mais alors, ou cette chairest apparue aux yeux des hommes en sorte que fut supput humain un corps qui en ralit neltait pas ntant en effet dans ce cas soumis aucune peine originelle; ou une naturehumaine vritablement nouvelle a t forme, au moment voulu, sans tre soumise la peinedu pch. Si ce ne fut pas le corps vritable de lhomme, la divinit est ouvertementconvaincue de mensonge, pour avoir montr aux hommes, et les trompant alors, un corpsquils pensaient tre vrai, quand il ne ltait pas. Mais si la chair qui a t forme, nouvelle etvritable, na pas t assume par lhomme, quoi bon toute cette tragdie de la Nativit? oest lenjeu de la Passion? Personnellement, je pense que cest dj chez lhomme draison quede faire quelque chose dinutile.

    Alors en vue de quelle utilit la divinit aura-t-elle fait lpreuve dune si grande humilit si,dans le cas o lassomption est nie, lhomme qui a pri na pas t sauv par la gnration etla Passion du Christ? A nouveau donc, de mme que lerreur dEutychs tire son principe dela mme source que celle de Nestorius, de mme il retombe dans la mme consquence: selonEutychs galement le genre humain na pu tre sauv, puisque lhomme, qui tait malade etexigeait salut et soin, na pas t assum. Or Eutychs a manifestement tir une telleconclusion, si du moins il a partag cette erreur de croire que le corps du Christ ne provenaitpas vritablement de lhomme mais dailleurs, et au surplus avait t form dans le ciel: nest-ce pas un objet de foi en effet que Son corps est mont avec Lui dans le ciel? affirmation quecontient ce passage de lEcriture : "Ne monte au ciel que Celui qui est descendu du ciel."

    VI. (Rfutation de lhrsie d'Eutychs (suite): le passage dune nature une autre)Mais la thse selon laquelle on ne saurait croire que le corps que le Christ reut et assuma fttir de Marie a t, semble-t-il, suffisamment traite. Main tenant, quil ait t assum parMarie, sans que demeurent dans leur perfection les natures humaine et divine, cela na pu seproduire que selon trois modes. Il y eut ou transfert de la divinit dans lhumanit; ou delhumanit dans la divinit; ou enfin, un mlange entre elles et une combinaison des deux telsquaucune des deux substances nait gard sa forme propre.

  • Sil y a eu transfert de la divinit dans lhumanit, il sest produit ce quil est sacrilge decroire: la conversion de la divinit en une humanit possdant la permanence dune substanceimmuable "si bien que ce qui se manifestait par nature passible et muable se mit demeurerimmuable, tandis que ce que lon croit immuable et impassible par nature, a t converti enune chose muable.

    Ce qui ne peut absolument pas arriver. Mais peut-tre, semble-t-il, est-ce la nature humainequi a t convertie en dit. Mais comment cela peut-il se produire si la divinit dans lagnration du Christ a assum la fois un corps humain et une me? Non, il ne peut y avoirconversion et transmutation de tout en tout. En effet parmi les substances, les unes sontcorporelles, les autres incorporelles: or on ne peut avoir transmutation ni de la substancecorporelle en incorporelle, ni de la substance incorporelle en corporelle. Quant auxincorporelles, elles nchangent pas davantage entre elles leurs formes propres. En effet, seuleest possible la transmutation et transformation mutuelle de ce qui possde pour sujet communla seule matire, et non toutes ces ralits mais celles qui ont la possibilit entre elles de faireet de ptir. On le prouve ainsi: lairain ne peut tre transmu en pierre, ou encore en herbe; etun autre corps, quelconque, ne peut tre transform en nimporte lequel, moins que, lafois, ne soit identique la matire des lments passant entre eux et que ne soit possible poureux, rciproquement laction et la passion: ainsi en cas de mlange de vin et deau, les deuxliquides ont la proprit de se communiquer action et passion. En effet, la qualit de leaupeut subir quelque changement par la qualit du vin. De mme la qualit du vin peut en subirun par la qualit de leau. Cest pourquoi, sil y a beau coup deau, mais trs peu de vin, on nedit pas quil y a eu mlange, mais totale corruption de lun par la qualit de lautre. En effet, silon verse du vin dans la mer, le vin ne se mlange pas la mer, mais y est corrompu, pourcette raison que la qualit, du fait de labondance de sa masse, na rien subi de la part de laqualit du vin, mais par sa propre abondance a opr une mutation complte en elle de laqualit mme du vin. En revanche, si les natures dont est possible rciproquement laction etla passion sont de quantit moyenne: gales entre elles ou peu ingales, elles se mlangent etcombinent entre elles sous leffet de ces qualits moyennes.

    Mais cette proprit, qui concerne les corps, nappartient pas tous mais seulement ceuxpour lesquels, comme on la dit, est possible rciproquement laction et la passion, ayant poursujet une matire commune et identique. Certes tout corps qui subsiste sous la loi (in) de lagnration et de la corruption a manifestement une matire commune, mais toute action oupassion en chacun ou par chacun nest pas possible pour chacun. Quant aux corps ils nepeuvent absolument pas tre transmus en incorporels, puisque ces derniers ne participent aucune matire, comme sujet commun: aucune transmutation ne peut ds lors avoir lieu dunematire dans une autre, selon les qualits reues. En effet la nature, en son ensemble, de lasubstance incorporelle, ne repose sur aucun fondement matriel. Or, ce qui na pas de matire-sujet ne possde aucun corps. Et puisquil en est ainsi, et ds lors que mme les choses quiont par nature une matire commune ne passent pas lune en lautre, moins de la prsence enelles dune puissance de faire et de ptir en soi et par soi , bien plus ny aura-t-il paspermutation rciproque non seulement de celles qui nont pas de matire commune, maissurtout de celles dont lune repose sur un fondement matriel comme le corps, tandis quelautre na nul besoin dune matire-sujet, comme un incorporel. Il ne peut donc se produirequil y ait permutation dun corps en espce incorporelle, et non plus permutationdincorporels selon un mlange quelconque et rciproque. Labsence de matire commune nepermet ni la conversion rciproque ni la permutation. 261 Or les incorporels, nont aucunematire. Ils ne seront donc pas susceptibles entre eux daucune permutation. Mais lon croit juste titre que Dieu et lme sont des substances incorporelles. Eh bien, il ny a paspermutation de lme humaine en divinit, divinit qui lassuma. Et sil ne peut y avoir

  • conversion en divinit du corps ou de lme, il ne peut se produire non plus, daucune faon,que lhumanit soit convertie en Dieu.

    Bien moins encore que lon puisse croire que divinit et humanit se soient confondues,puisque ni lin corporalit ne peut passer en corps ni derechef, inversement, le corps enincorporalit: assurment, il ny a pas de matire-sujet qui leur soit commune, aucune quipuisse donner lieu une permutation des qualits appartenant lune ou lautre substance.Mais les sectateurs dEutychs disent que le Christ assurment est constitu de deux natures,mais ne consiste nullement en deux, entendant par cela videmment que puisquIl estconstitu de deux natures, II peut devenir un partir du moment o il ny a pas permanencedes lments qui, dit-on, Le constituent. Ainsi quand du miel est dissous dans de leau, aucundes deux lments ne demeurent, mais assembls et corrompus rciproquement, ils produisentun troisime lment: or assurment lon dit que ce troisime lment, constitu de miel etdeau, lest de lun et lautre, mais lon nie quil consiste en lun et lautre. Il ne pourra eneffet consister en lun et lautre, puisquil ny a pas permanence en ltat de la nature de lunet de lautre. Il peut tre constitu de lun et de lautre, quoique les lments dont il y a euconjonction aient t corrompus par leur qualit rciproque. Mais il ne pourra consister decette manire en lun et lautre, puisquil ny a pas permanence en ltat des lmentsmutuellement confondus. Ils ne sont plus, ni lun ni lautre, les lments en lesquelsmanifestement le troisime consiste: ce dernier est constitu des deux autres, confondusmutuellement dans la mutation rciproque de leurs qualits.

    Mais les Catholiques quant eux, proclament de faon rationnelle les deux thses: que leChrist est constitu des deux natures, et quIl consiste dans les deux. Mais jexpliquerai unpeu plus loin comment une telle affirmation est possible. Pour le moment Eutychs est, pourla raison suivante, convaincu derreur manifeste: puisque selon trois modes seulement, dedeux natures peut en subsister une seule, savoir:

    par le transfert de la divinit dans lhumanit;

    par celui de lhumanit dans la divinit;

    par le complet mlange des deux;

    il est clair, vu les arguments ci-dessus, quaucun de ces modes na pu se trouver ralis.

    VII. (La solution mdiane catholique)Il reste montrer, comme laffirme la foi catholique, qu la fois le Christ consiste dans lesdeux natures et est constitu des deux.

    Etre constitu de deux natures a, pour une ra lit, une double signification: la premire,quand nous disons quune chose rsulte de la conjonction de deux natures, comme le miel etleau. Elles sont alors, peu importe comment, confondues, lune convertie en lautre ou lesdeux mlanges rciproquement entre elles: de toute faon il ny a pas permanence de leurtat antrieur. Cest selon ce mode quEutychs prtend que le Christ est constitu de deuxnatures. Mais il existe, partir de deux lments, un autre mode de constitution: quand laconjonction des deux constituants ceux que lon a, dit-on, joints ensemble leur permetcependant de demeurer en ltat: ainsi, nous disons quune couronne est constitue dor et degemmes. Dans ce cas lon na pas transformation de lor en gemmes, ni conversion desgemmes en or, mais permanence des deux constituants, sans abandon de leur forme propre.De telles ralits, constitues de tel ou tel lment, nous disons quelles consistent galementen ces lments dont, on vient de le dire, elles sont constitues. En effet, nous pouvons direalors que la couronne est constitue de gemmes et dor. Les gemmes et lor sont ce en quoi

  • consiste la couronne. Car selon le mode prcdent, le miel et leau ntaient pas les lmentsen lesquels consistait le rsultat de leur conjonction.

    Comme la foi catholique, donc, confesse dans le Christ la permanence des deux natures, etleur persistance parfaite, ainsi que labsence de transmutation de lune en lautre, il est justepour elle de dire la fois que le Christ est constitu des deux natures et quIl consiste dans lesdeux. Dans les deux, assurment, puisque les deux demeurent; et Il est constitu des deux,puisque par lunion des deux natures qui demeurent, la personne du Christ est faite une.

    Mais la conception, conforme la foi catholique, du Christ comme point de jonction des deuxnatures, nest pas celle que partage Eutychs. Car ce dernier a, de la conjonction partir desdeux natures, une conception telle, quil ne confesse pas que le Christ consiste dans les deux.En effet, elles ne demeurent pas toutes deux. Le Catholique, lui, a de la constitution partirdes deux natures une conception trs proche de celle dEutychs, mais conserve aussi cellequi confesse que le Christ consiste dans les deux. "Etre constitu de deux natures "est doncune expression quivoque, ou plutt amphibologique les deux conceptions quelle renfermesont contradictoires. Selon une premire conception, les substances, qui, jointes ensemble dit-on, ont permis lassemblement de tel lment, ne demeurent pas; lautre mode au contrairedonne cette conjonction partir de deux lments un sens qui garantit leur doublepermanence.

    Ce noeud donc dquivocit et dambigut maintenant dbrouill, il ny a rien dautre quipuisse tre oppos en dehors du contenu dune foi catholique ferme et vraie. Le mme Christest homme parfait, le mme Dieu et le mme qui est homme parfait et Dieu est un commeDieu et Fils de Dieu. La Trinit ne se transforme pas en "quaternit" par ladditionsupplmentaire de lhomme au Dieu parfait, mais cest une personne une et identique quicomplte le nombre trinitaire de sorte que, bien que ce ft lhumanit qui souffrit, on ditcependant que Dieu a souffert, non en cela que la dit elle-mme ft devenue humanit, maisparce que cette dernire a t assume par la dit.

    De mme, celui qui est homme est appel Fils de Dieu par la substance non de la divinit,mais de lhumanit, qui cependant a t jointe ensemble la divinit dans lunit des naturesEt bien que ces vrits soient ainsi distingues et mles par lintelligence, cependant un et lemme est la fois lhomme parfait et Dieu parfait. Dieu assurment puisquIl est Lui-mmeengendr de la substance du Pre; mais homme, puisquIl a t procr par la Vierge Marie.Et, pareillement, Celui qui est Homme est Dieu en ce quIl a t assum par Dieu, et Celui quiest Dieu, Homme, puisquIl sest revtu de lHomme. Aussi, quoique dans la mme personne,il y ait altrit de la divinit qui assume, et de lhumanit quElle assume, cependant le mmeest Dieu et Homme. Car si lon comprenait: "Homme": lHomme est le mme que Dieu,puisque Homme par nature, Dieu par assomption. Et si lon comprenait "Dieu": Dieu est lemme que lHomme, puisquIl est Dieu par nature, et Homme par assomption. Ainsi dans leChrist une double nature, une double substance est ralise, puisque Homme-Dieu, Il est aussiune seule personne, puisque le mme est la fois Homme et Dieu. Mdiane est donc cettevoie entre les deux hrsies, comme les vertus, qui tiennent galement le milieu. En effet,chaque vertu consiste dans le caractre mdian de la place quelle occupe: Quun rien seproduise au-del ou en de de ce quil faut, on scarte de la vertu. La vertu tient donc (dans-) la mdit.

    Cest pourquoi, sil ne peut y avoir que quatre thses, ni plus ni moins; savoir que dans leChrist il y a

    deux natures et deux personnes, comme le dit Nestorius;

    ou une personne et une nature comme le dit Eutychs;

  • ou deux natures mais une personne, comme le croit la foi catholique;

    ou enfin une nature et deux personnes, thse quaucun hrtique na avance jusque-l;

    et puisque, assurment, dans notre rponse, nous avons convaincu derreur Nestorius et sathse selon laquelle il y aurait deux natures et deux personnes; comme coup sr nous avonsmontr quil ne peut y avoir, comme le proposait Eutychs, une seule personne avec une seulenature; et que par ailleurs, personne dassez fou ne sest manifest jusque-l pour croire dansle Christ lexistence dune seule nature mais dune double personne, il reste que ce que proclame la foi catholique est vrai: savoir que la substance est double, mais une la personne. Deplus, auparavant, nous avons dit quEutychs confessait deux natures dans le Christ avantlunion, mais une aprs lunion, et nous avons montr comment cette erreur dissimulait unedouble thse: en effet, ou cette union stait produite la gnration, sans que le corps delhomme ait t assum par Marie, ou assurment, il avait t assum par Marie, mais lunionstait produite la Rsurrection; sur les deux thses, la dispute a t, je crois, mene de faonapproprie. Maintenant, il faut chercher comment il a pu se produire que deux natures aientt mles en une seule substance.

    VIII. (Une dernire difficult: Comment, bien que le corps du Christ soitissu du corps dAdam pcheur, il ny eut en lui ni pch ni volont depcher.)Cependant, il y a encore une autre difficult, que peuvent mettre en avant ceux qui ne Croientpas que le corps humain du Christ ait t assum par Marie celui-ci qui, dans lunion, a detoute vidence t engendr et mis au monde du ventre de Marie, aurait t rserv et prparailleurs. Ils disent en effet pour le cas o le corps a t assum de lhomme "chaque homme,depuis la premire prvarication, tait non seulement prisonnier du pch et de la mort, maisencore se trouvait captif dun dsir de pcher et, pour lhomme, la punition du pch fut telleque, quoique pris et enchan la mort, il est encore coupable dune volont de pcher.Pourquoi ny eut-il dans le Christ ni pch ni volont de pcher?" Une telle question contientune difficult importante sur laquelle on doit absolument se pencher. Si en effet, le corps duChrist a t assum par la chair humaine, on peut douter de la nature de cette chair qui a tsemble-t-il assume. De fait, le Christ a sauv celui quIl avait galement assum" Mais sIlassuma un homme tel que fut Adam avant le pch, il a manifestement assum une naturehumaine intacte, mais qui, cependant, navait aucun besoin de mdecine. Mais comment peut-il se produire quIl ait assum un homme tel que fut Adam, puisque dans Adam a pu setrouver la volont de pcher et mme un dsir de le faire? Do il arriva que, ayant transgressles commandements divins, il fut retenu et enchan la faute que constitua sa dsobissance.Or, on ne peut le croire, dans le Christ il ny a pas mme eu une volont quelconque depcher; dautant plus que sil a assum un corps humain tel que fut celui dAdam avant lepch, Il naurait pas d tre mortel, puisque Adam, sil navait pas pcher, nauraitabsolument pas t susceptible de connatre la mort.

    Puisque le Christ na pas pch, il faut chercher savoir pourquoi Il a pu connatre la mort,sIl a assum le corps dAdam davant le pch. Mais sIl sest charg de la conditionhumaine qui fut celle dAdam aprs le pch, alors manifestement le Christ aurait dgalement connatre la ncessit de lassujettissement la faute, tre ml la confusion despassions et, les rgles du jugement tant offusques, ne pas distinguer le Bien du mal dansleur pure intgrit Adam en effet, par la faute de la prvarication, se chargea de toutes cespeines. Or contre ceux-l! qui exposent une telle difficult, il faut rpondre que lon peutconcevoir trois conditions de lhomme Celle, premire assurment, dAdam avant le pch,en ce que, quoiquil ne connt pas la mort et ne se ft encore souill daucune faute, il y avaiten lui cependant une possible volont de pcher. Une deuxime condition en laquelle il aurait

  • pu tre chang, sil avait voulu demeurer fermement dans les prceptes de Dieu. Alors eneffet, il aurait d lui tre donn en plus que non seulement il ne pcht point ou ne voultpoint pcher, mais quil ne pt pas mme pcher ou vouloir commettre une faute. Latroisime condition se situe aprs la faute, et l la mort est une consquence ncessaire de lafaute, ainsi que le pch lui-mme et la volont de pcher. Parmi ces trois conditions, noustrouvons celles qui sont les plus opposes, celle qui aurait t une rcompense, si Adam avaitvoulu demeurer dans les prceptes de Dieu, et celle qui constitue sa punition, puisquil nevoulut pas y demeurer. Dans la premire, il ny avait ni mort ni pch, ni aucune volont depcher; mais dans la dernire, il y eut la mort, et tout dsir au pch et la faute, toutes lesinclinations la perdition, et labsence en lhomme de toute ressource pour se relever aprs lachute. Mais cette condition mdiane, en laquelle assurment tait carte la prsence de lamort et du pch, mais tait maintenue la puissance de lun et de lautre, se situe entre lesdeux autres conditions.

    De ces trois conditions, le Christ tira et en appliqua chacune des causes sa nature corporelle,et selon un certain mode. Car, le fait quIl assuma un corps mortel, afin que le genre humainchappt la mort, on doit le situer dans la condition qui fut inflige en punition aprs laprvarication dAdam. Mais quil ny et dans le Christ aucune volont de pcher, celaprovient de cette condition qui aurait pu tre si le genre humain navait pas appliqu savolont aux ruses du Tentateur. Reste donc la troisime condition, la mdiane, videmmentcelle qui tait au temps o la fois tait absente la mort mais pouvait tre cependant prsentela volont de commettre la faute. L, Adam tait tel quil mangeait et buvait, digrait desaliments agrables, se livrait au sommeil et aux autres fonctions qui, loin de manquer lhomme, lui taient concdes sans pour autant entraner aucune peine de mort. Que toutesces fonctions aient habit le Christ, il ny a aucun doute. Il a mang et bu et son corps humainsest acquitt de son office. En effet, il ne faut pas croire quil y eut en Adam de si grandsbesoins quil naurait pu vivre sans manger, mais sil avait tir de chaque arbre sa nourriture,il aurait pu vivre toujours et grce eux ne pas mourir. 28! Cest pourquoi il calmait sa faimdes fruits du Paradis. Et ce besoin, personne ne lignore, le Christ la connu, mais enpuissance, non par ncessit. Et ce besoin lui- mme fut en Lui avant la Rsurrection, caraprs la Rsurrection, Il se montra avec un corps humain transmu, celui quAdam aurait puconnatre sans la chane de la prvarication Cest la demande que le Seigneur Jsus-Christ lui-mme nous a enseign formuler dans nos prires que Sa volont soit faite sur la terrecomme au ciel, que Son rgne arrive, et quIl nous libre du mal. En effet, cest cettebienheureuse transmutation, parmi le genre humain, de ceux qui croient selon la Foi, quidtourne de tous nos maux.Voil ce que je tcris sur ce que je crois de ma foi. Mais sur un tel sujet, si une erreur a tcommise, lamour que jai de moi nest pas si grand que je prtende avoir vers ces argumentsune fois pour toutes, et les prfrer une meilleure opinion. Si en effet il ny a rien, dont noussoyons la source, qui soit bon, il ny a rien que nous devions aimer dans nos opinions. Que si,au contraire, tout ce qui est bons lest de Celui-l seul qui est bon, il faut croire quest bonplutt ce que prescrit cette Bont immuable et cause de tous biens.

    TRAIT II: "DE HEBDOMADIBUS" NOTIONS SUR L'TREDANS LA TRINIT

  • PAREILLEMENT DU MME AU MME BOCE: COMMENT LES SUBSTANCES,EN CE QUELLES SONT, SONT BONNES, ET POURTANT ELLES NE SONT PASDES BIENS SUBSTANTIELS.

    (Prambule)Tu souhaites que jcarte les difficults et que je claircisse quelque peu cette question tirede mes Semaines (De Hebdomadibus) qui traite de la faon dont les substances sont bonnesen ce quelles sont, bien quelles ne soient pas des biens substantiels. Tu dis en particulierquil faut le faire parce que la dmarche inhrente de tels crits nest pas vidente pour tous.A dire vrai, je suis moi-mme tmoin de la sagacit avec laquelle tu as dj embrass le sujet.Quant au crits de mes Semaines, cest pour moi-mme que je les commente, et je rserve ma mmoire mes spculations et je ne cherche pas y faire participer les rieurs et les badins.Aussi, de ton ct, ne m'en veux pas si je suis bref et parfois obscur. Cela permet de garderfidlement le secret, pour ceux-l seuls qui en sont dignes.

    (En mathmatique)Par consquent, de mme quon a coutume de le faire en mathmatique, et mme dans toutesles autres sciences, jai expos pralablement les rgles et axiomes grce auxquelsjeffectuerai tous les raisonnements sans exception qui suivent.

    (Les deux modes de conceptions communes de lesprit)Une conception commune de lesprit est une nonciation que chacun approuve, une foisentendue. Il y en a de deux modes. En effet, lune est ce point commune quelle est le proprede tous les hommes; proposons par exemple celle-ci: "quand on enlve deux quantits gales des quantits gales, les quantits sont gales", ce que personne, intelligeant cela, ne niera.Mais la seconde, qui cependant ressortit de semblables conceptions communes de lesprit,est le propre des seuls gens savants; ainsi: ce qui est incorporel nest pas dans un lieu, etcetera. Cela, non pas tout un chacun, mais les savants lapprouvent sans rserve.

    (Les sept axiomes)Axiome 1: diffrents sont ltre et ce qui est; en effet ltre lui-mme nest pas encore,

    tandis quen vrit ce qui est est et subsiste une fois reue la forme quest ltre.

    Axiome 2: ce qui est peut participer quelque chose, mais ltre lui-mme ne participeselon aucun mode rien: en effet, la participation se produit quand quelque chose est dj; orquelque chose est une fois quil a reu ltre.

    Axiome 3: ce qui est peut avoir quelque chose en dehors de ce quil est lui-mme;mais ltre lui-mme, en dehors de soi, nest ml rien dautre.

    Axiome 4: il y a une diffrence entre tre-quelque chose seulement et tre quelquechose en ce quil est; la premire expression en effet dsigne laccident, la seconde lasubstance.

    Axiome 5: a) tout ce qui est participe ce quest ltre afin dtre; mais il participe autre chose afin dtre-quelque chose. b) Et par cela ce qui est participe ce quest ltre, afindtre; mais il est afin de participer une autre chose, quelle quelle soit

    Axiome 6: a) tout simple a son tre et ce quil est sur le mode de lun. b) Pour toutcompos, une chose est ltre, une autre le "il est" la chose-mme.

  • Axiome 7: toute diversit est discord, mais cest la similitude qui est dsirable; et cequi dsire un autre, on montre quil est naturellement soi-mme pareil lobjet mme de sondsir.

    Ces prliminaires que nous avons poss suffisent donc: un interprte avis de la raisonadaptera chacun aux tapes de son argumentation.

    (La bont des tres: participation ou bont substantielle?)La question est la suivante: les choses qui sont sont bonnes. En effet, selon la positioncommune des gens savants, tout ce qui est tend au Bien; or tout tend au semblable. Leschoses, donc, qui tendent vers le Bien, sont elles-mmes bonnes (axiome 7). Mais de quellefaon sont-elles bonnes? il faut chercher le dcouvrir: est-ce en effet par participation ou parla substance? (axiomes 4 et 5). Si cest par participation, elles ne sont elles-mmes bonnes parsoi selon aucun mode. Car ce qui est blanc par participation, par soi, dans ce quil est lui-mme, nest pas blanc (axiome 5). Et de mme des autres qualits. Si donc les choses sontbonnes par participation, par soi-mme elles ne sont aucunement bonnes: elles ne tendentdonc pas vers le Bien (axiome 7). Mais on concde le Bien: elles ne sont donc pas bonnes parparticipation, mais par la substance. Mais seules les choses dont la substance est bonne sontbonnes relativement ce quelles sont (axiome 4). Or ce quelles sont, elles le tirent de cequest leur tre (axiome 2): ltre des choses elles mmes est donc bon; ltre lui-mme detoutes choses est donc bon (axiome 3). Mais si leur tre est bon, les choses qui sont sontbonnes en ce quelles sont et leur tre est le mme que ltre du Bien.

    Elles sont donc des biens substantiels, puis quelles ne participent pas la bont. Que si ltrelui-mme en elles est bon, il nest pas douteux que puisquelles sont des biens substantiels,elles sont semblables au Bien premier et par cela seront ce Bien-ci lui-mme. En effet,except lui-mme, rien nest semblable lui (axiome 6). Ce qui fait que toutes les choses quisont, sont Dieu: ce quil est sacrilge de dire. Elles ne sont donc pas des biens substantiels etpar cela ltre en elles nest pas bon; elles ne sont donc pas, en ce quelles sont, bonnes. Maiselles ne participent pas non plus la bont; ce ne serait alors selon aucun mode quellestendraient au Bien. Elles ne sont donc bonnes selon aucun mode.

    (Application de la mthode abstractive)On pourra appliquer cette question la solution suivante. Nombreuses sont les choses qui,alors quelles ne peuvent tre spares en acte, cependant sont spares par lesprit et lapense; ainsi alors que personne ne spare en acte un triangle, ou le reste des figuresgomtriques, de leur matire-sujet, cependant chacun considre le triangle et lensemble deses proprits, en le sparant par lesprit et en le privant de la matire Nous cartons donc delesprit pour un moment la prsence du Bien premier, dont lexistence, assurment, est tablieet qui peut tre connu par lassentiment de tous: savants et non- savants, ainsi que par lesreligions des nations barbares. Le Bien premier, donc, cart pour un temps, posons quetoutes les choses qui sont sont bonnes et considrons comment elles peuvent tre bonnes, sielles nont nullement dcoul du Bien premier A partir de l, je considre que cest en ellesune chose dtre bonnes, une autre dtre. Supposons en effet quune seule et mme substancesoit galement bonne, blanche, lourde, ronde.

    Alors une chose serait cette substance-l elle- mme, une autre sa rondeur, une autre sacouleur, une autre sa bont (axiome 4); car si ces qualits, une une, taient la mme choseque la substance elle-mme, la gravit serait la mme chose que la couleur, la couleur que lebien et le bien que la gravit; ce que la nature ne permet pas quil arrive. Autre alors seraitdonc dans ces choses ltre, autre le fait dtre-quelque chose (axiome 4), et alors ellesseraient assurment bonnes, cependant elles nauraient nullement ltre lui-mme bon. Si

  • donc elles existaient de quelque faon, ce nest pas par le Bien quelles seraient bonnes, ouquelles seraient autres que bonnes, mais pour elles une chose serait dtre, une autre dtre-bonnes (axiome 4). Mais si, de manire absolue, elles ntaient rien dautre que bonnes: nilourdes, ni colores, ni tendues travers lespace et ses dimensions, et quaucune qualit neft en elles, si ce nest seulement dtre- bonnes, alors manifestement elles ne seraient pas deschoses, mais le principe des choses, et plutt, elles ne seraient pas, mais Il serait (axiome 3):ce principe est en effet unique et seul de son mode, en tant quil est seulement bon et riendautre.

    (La bont des choses selon la vrit)Or puisquelles ne sont pas simples (axiome 6b), elles nauraient absolument pas pu tre, sicela qui est le seul Bien navait pas voulu quelles fussent. Cest donc parce que leur tre adcoul de la volont du Bien quelles sont dites tre-bonnes. Le Bien premier en effet,puisquil est, est-bon en ce quIl est (axiomes 4 et 6a). Mais le Bien second, puis quIl adcoul de celui dont ltre lui-mme est bon, est-bon lui-mme aussi. Mais ltre lui-mmede toutes choses a dcoul de celui qui est le Bien premier et qui est tellement bon quil est dit juste titre tre-bon en ce quil est. Ltre lui-mme des choses est donc bon: il se trouve eneffet en lui.

    (tablissement de la solution)Sur un tel sujet, la question est rsolue. Cest pourquoi, en effet, bien que les choses soientbonnes en ce quelles sont, elles ne sont pas cependant semblables au Bien premier, puisqueltre lui-mme des choses nest pas bon quel que soit leur mode, Mais puisque ltre lui-mme de ces choses ne peut tre sil na pas dcoul de 1Etre premier, cest--dire du Bien,pour cette raison, ltre lui-mme de ces choses est bon sans tre semblable ce par quoi ilest. En effet celui-l le Bien premier est-bon en ce quil est, quel que soit le mode: car il nestpas autre que bon. Mais ltre des choses, sil ne tirait pas son tre du Bien premier, pourraitpeut-tre tre bon, mais ne pourrait pas tre-bon en ce quil est. Peut-tre alors participerait-ilen effet au Bien, mais ltre lui-mme, que les choses ne tireraient pas du Bien, elles nepourraient lavoir bon.

    Une fois donc que lon a retir delles le Bien premier par la pense et la rflexion, les chosespeu vent tre bonnes, cependant elles ne peuvent tre-bonnes en ce quelles sont. Etpuisquelles nont pu exister en acte, moins de navoir t produites par ce qui estvritablement bon, pour cette raison leur tre est bon sans que ce qui a dcoul du Biensubstantiel soit semblable lui. Si donc elles navaient pas dcoul de lui, quoiquelleseussent t bonnes, cependant elles nauraient pu tre-bonnes en ce quelles sont elles seraienten dehors du Bien sans provenir du Bien, alors que le Bien premier lui-mme est la foisltre lui-mme et le Bien lui-mme et ltre-bon lui-mme.

    (Dernires objections: la blancheur et la justice)Mais ne faudra-t-il pas aussi que les choses qui sont blanches soient blanches en ce quellessont- blanches, puisquil a dcoul de la volont de Dieu quelles soient blanches? Nullement;en effet, pour elles autre est le fait dtre, autre le fait dtre-blanches (axiome 4); et pour laraison suivante: Celui qui a fait quelles soient est assurment bon, mais nullement blanc. Queles choses soient- bonnes en ce quelles sont accompagne la volont du Bien; mais pour unecrature existante, la proprit dtre-blanche en ce quelle est na pas accompagn la volontdu Non-blanc En effet ces choses nont pas dcoul de la volont du Blanc. Cest pour quoi,parce que celui qui tait non-blanc a voulu que soient blanches ces choses, elles sontseulement blanches (axiome 4); mais parce quil a voulu, lui qui tait bon, quelles soientbonnes, elles sont-bonnes en ce quelles sont . Selon cette raison, faut-il donc que toutes les

  • choses sans exception soient-justes, parce quest lui-mme juste celui qui a voulu quellessoient Non plus, car ltre-bon se rapporte lessence, mais ltre-juste laction. Or en luiDieu, ltre et lagir sont la mme chose: le Bien est donc la mme chose que le Juste (axiome6a). Mais pour nous, ltre et lagir ne sont pas la mme chose nous ne sommes pas simples,en effet (axiome 6b). Pour nous donc, tre-bons nest pas la mme chose qutre-justes; enrevanche pour nous tous, dans ce que nous sommes, ltre est le mme. Toutes les choses sontdonc bonnes, mais non justes par surcrot. En outre le Bien est assurment gnral, mais lejuste spcifique, et lespce ne descend pas en toutes choses. Cest pourquoi assurment lesunes sont justes, les autres, autre chose, mais toutes, bonnes.

    TRAIT III: "DE TRINITATE", DE LA TRINIT

    COMMENT LA TRINIT EST UN DIEU ET NON TROIS DIEUXUN TRAIT DANICIUS MANLIUS SEVERINUS BOETHIUS,

    TRS HONORABLE, DU TRS ILLUSTRE ORDREDES EX-CONSULS, PATRICE,

    QUINTUS AURELIUS MEMMIUS SYMMACHUS,SON BEAU-PRE, TRS HONORABLE, DU TRS ILLUSTRE

    ORDRE DES EX-CONSULS, PATRICEPrambule (l'obscurit du Un style obscur)Jai trs longtemps poursuivi la recherche de cette question, la mesure de la faible lumirede mon intelligence qui m'a t confr par Dieu; c'est pourquoi j'ai fait attention vouslexposer et vous la communiquer par crit sous une forme argumentative. J'ai t dsireuxde la soumettre votre jugement et je me suis attach au rsultat de ma recherche. Ladifficult d'un tel sujet comme le fait que je ne men entretiens quavec de rares personnes (vrai dire vous seul), fait aisment comprendre ce qui troublait mon esprit chaque fois quaucrayon, je confiais mes rflexions. Et je ne suis anim ni par le dsir de la gloire ni par lesacclamations sans valeur de la foule. Au contraire, si je peux en rcolter quelque fruitextrieur, il ne peut s'agir que de lespoir daboutir une pense totalement conforme au sujettrait. Partout donc o jai dtourn les yeux de vous, je nai rencontr, ici, quindolenceimproductive, l envie fourbe, si bien que lon semble infliger un affront aux tudes relatives Dieu en les projetant de tels monstres dhommes qui, loin de chercher les connatre, neferont que les fouler au pied.

    Cest pourquoi, usant de concision, je contracte mon style, tout en enveloppant les conceptstirs du coeur des doctrines philosophiques de la signification de mots nouveaux, afin quendehors de moi, ils ne parlent qu vous, si jamais vous y tournez les yeux. De fait jai ainsirepouss tous les autres lecteurs, de sorte que ceux qui se sont rvls incapables de saisir cesconcepts avec leur intellect apparaissent galement indignes de les lire.

    (Limites de la raison humaine)Ma recherche doit, absolument, seffectuer dans les seules limites o le regard de la raisonhumaine a puissance de monter vers les hauteurs de la Divinit. Pour les autres sciencesgalement, pour ainsi dire une mme sorte de limite est tablie jusquo lon peut accder parla voie rationnelle. La mdecine, par exemple, ne rend pas toujours la sant au malade: il ny

  • aura pourtant aucune faute du mdecin sil na rien omis de ce qui devait tre fait. Il en est demme dans les autres sciences. Mais la difficult de la question que je traite devra semesurer la facilit pardonner.

    (Saint Augustin)Encore ceci cependant il vous faut considrer attentivement si des germes de raisonnements,sems en moi par les crits du bienheureux Augustin nont pas produit quelques fruits. Etmaintenant, entamons la question propose.

    I. (La Trinit et de lunit de Dieu dans l'Eglise catholique)(Luniversalit de la religion catholique: condition de la foi)Trop nombreux sont ceux qui usurpent le renom de la religion chrtienne; mais la plus grande,et finalement, la seule valeur de cette foi tient dans le fait dtre appele catholique, cest--dire universelle elle le doit, dune part, au caractre universel des rgles quelle prescrit etgrce auxquelles est rendue intelligible lautorit de cette mme religion; dautre part au faitque son culte sest rpandu jusquaux confins, ou presque, du monde entier.

    (Unit de la Trinit en Dieu)Or, sa conception de lunit de la Trinit est la suivante: "Dieu, y dit-on, est Pre, Dieu Fils,Dieu Saint-Esprit: donc, le Pre, le Fils et le Saint-Esprit sont un seul et non trois dieux."Quant la raison dune telle conjonction cest la non-diffrence En effet la diffrence est lefait de ceux qui accroissent ou diminuent la Trinit, comme les Ariens qui, la diversifiant en yintroduisant des degrs de mrites, la tirent en tous sens pour finalement la disperser dans unepluralit.

    (Le principe de la pluralit)En effet, le principe de la pluralit, cest laltrit: car, indpendamment de laltrit lapluralit est inintelligible. Et de fait la ralit de trois ralits ou plus, comme lon voudra, estconstitue tantt par le genre, tantt par lespce, tantt par le nombre.

    En effet, toutes les fois que lon pose le mme, lon prdique autant de fois le divers. Or lemme est dit selon trois modes: le genre ainsi lhomme est mme que le cheval en tantquils sont du mme genre: lanimal. ; lespce ainsi Caton est mme que Cicron, entant quils sont de la mme espce: lhomme ; le nombre ainsi Tullius et Cicron, un parle nombre-. Cest pourquoi le divers est galement dit du genre, de lespce et du nombre.Mais cest la varit des accidents qui produit la diffrence selon le nombre Trois hommes eneffet ne diffrent ni par le genre, ni par lespce, mais par leurs accidents. Car mme supposer que par une opration de lesprit je les spare de tous leurs accidents, nanmoinspour tous est diffrent le lieu quen aucune faon je ne peux figurer un. Deux corps en effetnoccuperont pas ensemble un mme lieu, lieu qui est un accident. Et puisquils sont produitsplusieurs par les accidents, ils sont pour cette raison plusieurs par le nombre.

    II. (La substance de Dieu est forme)(La spcificit de la mthode thologique)Eh bien donc, entrons dans le sujet, et examinons chaque objet de connaissance de la maniredont notre intelligence peut le comprendre et le saisir Car ainsi quon la, semble-t-il, fort biendit, il appartient lhomme instruit, relativement chaque objet, de tenter, son propos,dacqurir une certitude conforme son tre mme.

    (Les trois parties de la philosophie spculative: physique, mathmatique et thologie)

  • La philosophie spculative se divise en trois parties.

    a) La physique soccupe des ralits en mouvement et non abstraites de lamatire, elle considre en effet les formes des corps avec la matire (ces formes nepeuvent tre spares, en acte, des corps qui sont eux-mmes en mouvement parexemple alors que la terre est porte vers le bas, le feu lest vers le haut : la formejointe la matire possde donc le mouvement).

    b) La mathmatique, elle, soccupe des ralits prives de mouvement, maisnon abstraites de matire: elle observe en effet les formes des corps sans la matire, etde ce fait sans le mouvement; mais comme ces formes rsident nanmoins dans lamatire, elles ne peuvent tre spares des corps.

    c) La thologique, enfin, soccupe de ce qui est sans mouvement, abstrait etsparable de la matire: la substance de Dieu est, en effet, prive la fois de matire etde mouvement.

    d) Il faudra donc sappliquer aux ralits naturelles rationnellement, aux objetsmathmatiques scientifiquement, aux ra lits divines intellectuellement et non paslaisser notre imagination en disperser la connaissance, mais bien plutt examiner laforme elle-mme qui est vraiment forme et non image, qui est ltre mme et partirde laquelle est ltre

    (Matire et forme)De fait tout tre est partir de sa forme. Ainsi une statue nest pas dite effigie dun animalselon le bronze, sa matire, mais selon la forme qui y a t grave; et le bronze lui-mme nestpas dit selon la terre, sa matire, mais selon la configuration du bronze. La terre elle-mmenest pas dite selon la matire pure mais selon la siccit et la gravit qui sont ses formes

    Rien nest donc dit tre selon la matire, mais selon sa forme propre

    (Dieu est-ce-quil-est)Mais la substance divine est forme sans matire, et cest pourquoi elle est lUn, et elle est-ce-quelle-est. Toutes les autres ralits, effectivement, ne-sont-pas-ce-quelles-sont. Chacune eneffet, tient son tre des lments qui la constituent, cest--dire de ses parties, et est ceci etcela, savoir la conjonction de ses parties, mais non ceci ou cela singulirement: ainsipuisquun homme, terrestre, est constitu dun me et dun corps, il est un corps et une me,non en partie ou un corps ou une me. Donc, il n-est-pas-ce-qu-il-est Mais ce qui nest pas partir de ceci ou de cela, mais est seulement ceci, un tel tre vraiment est-ce-quil-est; et il estle plus beau et le plus puissant parce quil na pas dautre fondement que soi. Cest pourquoiest vraiment un ce en quoi ne rside aucune nombre, rien dautre, except ce-quil-est. Eneffet, il ne peut tre fait sujet. Il est forme et les formes ne peuvent tre sujettes Car la raisonpour laquelle les autres formes, par exemple lhumanit, sont jetes-sous des accidents, nestpas que la forme reoive des accidents par ce quelle est elle-mme, mais parce que la matireest jete-sous elle En effet, quand la matire jete-sous lhumanit reoit un accidentquelconque, cest lhumanit, semble-t-il, qui le reoit. Mais la forme qui est sans matire nepourra tre sujet ni coup sr tre- dans la matire (messe materiae): elle ne serait alors pasforme mais image Des formes en effet qui sont sans matire, proviennent ces formes qui sontdans la matire (quae sunt in materia) et qui produisent les corps. Car nous commettons unabus en appelant formes celles qui sont dans les corps, alors quelles sont des images. Cestquelles sont assimiles aux formes qui ne sont pas tablies dans la matire.

    En Dieu nest donc aucune diversit, aucune pluralit provenant de la diversit, aucunemultitude provenant daccidents et par consquent pas de nombre.

  • III. (Pas de nombre dans la substance divine) (Lexistence de deux typesde nombres)Dieu ne diffre donc daucun Dieu: lhypothse nest pas craindre de dieux spars, qu