Boris Vian-Écrits pornographiques

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Utilidade da literatura erótica - em francês

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  • CRITS PORNOGRAPHIQUES

  • UTILIT DUNE LITTRATURE ROTIQUE Avant de commencer cette confrence, je

    m'excuserai tout d'abord de devoir lire mes notes, mais sans cette chaste prcaution, je serais expos perdre plus d'une fois le fil de mon discours ; et la nature du sujet risquerait de m'entraner des considrations susceptibles de n'tre pas adquates la correction de ce lieu. Aussi je me tiendrai sagement ce qui est crit et j'espre nanmoins ne pas trop vous ennuyer ; car bien que tout soit crit d'avance, cette confrence n'est pas ce qu'on est convenu d'appeler srieuse ... C'est ma faute, je suis un mchant et je ne respecte rien, mme les sujets les plus respectables, comme celui-ci. Je tiens nanmoins vous dire que si je cite des auteurs, ce seront des auteurs existants, non traduits de l'amricain, et que mes rfrences seront exactes. Car je compte bien, naturellement, utiliser au passage les ouvrages qui se rapportent la question, quitte vous en donner la lecture en latin pour vous faire enrager...

    *

    ** Eh bien tout d'abord, je devrais m'efforcer de dfinir

    la littrature rotique, quelles sont les limites d'application de ce terme gnrique et ce qu'il entend dsigner. Un aussi prtentieux dessein ne peut qu'avorter sitt conu : car on ne saurait dire a priori pourquoi tel ouvrage littraire est rotique et pourquoi tel autre ne l'est pas ; et l'on buterait d'emble sur des monstres tels que la Justine de Sade ou Les Cent Vingt Journes de Sodome, que l'on ne saurait classer. Certes, en ce qui concerne Sade, je ne puis souscrire compltement aux conclusions de Mme Claude-Edmonde Magny, qui dans un article intitul Sade, martyr de l'athisme nous confie sa pense avec une charmante insouciance... mais je cite textuellement Claude-Edmonde :

    Ce n'est pas que certaines scnes des Infortunes de la vertu n'aient sur l'imagination un pouvoir suggestif incontestable, mais la vraie signification et l'intrt de

  • l'uvre sont tout autres. Les scnes les plus scabreuses de Sade n'ont de sens et de porte que par la mtaphysique qui les sous-tend. Mme Claude-Edmonde Magny a raison, certes... mais pour poser les fondements de sa mtaphysique, le philosophe Heidegger, dont la lecture a galement sur l'imagination un pouvoir suggestif incontestable, n'a nullement prouv le besoin d'user du vocabulaire employ par Sade, ni d'imaginer les situations varies dans lesquelles se trouvent entrans ses hros ; et sa mtaphysique se tient pourtant parfaitement. Quand Mme Edmonde Magny ajoute : Les quatre Rcollets des Infortunes sont des philosophes en action , on est tent de lui rpondre que l'action, d'ailleurs complexe et pittoresque, dont il est question, semble plus importer l'auteur que la philosophie... mais il n'en reste pas moins que l'action est dcrite de si pitoyable faon que c'est peine si, en fait, le pouvoir de suggestion subsiste ; mon avis les uvres de Sade mritent tout juste le nom de littrature. Je ne puis que rpter ici Jean Paulhan en le rsumant quelque peu : Mais Sade, avec ses glaciers, ses gouffres et ses chteaux terrifiants, avec... son insistance et ses rptitions et ses pouvantables platitudes, avec son esprit de systme et ses ratiocinations perte de vue, avec cette poursuite entte d'une action sensationnelle mais d'une analyse exhaustive... avec cet trange ddain des artifices littraires... Sade n'a que faire d'analyse et de choix, d'images et de coups de thtre, d'lgance et d'amplifications. Il ne distingue ni ne spare... Il se rpte et continment se ressasse. S'il y a littrature, elle est mauvaise et j'oserai donc dire que l'interdiction de Sade par la loi ne pouvait se justifier qu'au nom de la littrature ; car j'en suis arriv au point que je signalais tout l'heure ; on ne peut classer les uvres de Sade dans la littrature rotique parce qu'on ne peut les classer dans la littrature ; et je serais tent personnellement de les ranger sous la rubrique philosophie rotique, ce qui nous ramne notre point de dpart : comment dfinir la littrature rotique ?

    Il est, bien entendu, une solution fort simple : c'est de se tenir l'tymologie ; mais ce compte, ressortirait de la littrature rotique tout ouvrage

  • traitant de l'amour ; quant savoir si seules les uvres de pure fiction mritent cette distinction ou si les uvres de pure rudition comme l'excellent Manuel d'rotologie classique de Forberg doivent s'y ranger galement, voil le nouveau point ; et nous n'avons fait ainsi que dplacer le problme ; car une autre dfinition, finaliste celle-ci, de la littrature rotique, dans laquelle on mesurera la qualit de cette littrature l'action qu'elle aura sur notre imagination et nos sens, se trouve ainsi contredite par la premire : on ne saurait ce moment conserver parmi le classement ni l'ouvrage de Forberg, et seules les citations qu'il fait mriteraient de l'tre, ni l'Histoire de l'amour grec, de Meier, dont, comme le remarque le commentateur, la lecture est plutt austre tant donn le point de vue trs gnral auquel s'est plac l'auteur . Et si l'on garde le sens tymologique, quoi de plus rotique que ces deux livres, dont l'un classe minutieusement toutes les possibilits physiques, et l'autre traite avec infiniment de science et d'rudition, de l'amour qui n'ose pas dire son nom. Ainsi, tymologiquement, nous tenons l deux exemples parfaits ; et du point de vue finaliste qui confond gnralement et non sans quelque raison littrature rotique et littrature excitante, nous n'avons plus rien : Que faire donc ? Adopter une dfinition conventionnelle, ou se dcider dire la vrit sur la littrature rotique ? La vrit, elle existe... mais je crois que le moment n'est pas venu de vous la livrer encore. Pour attendre ainsi d'tre dvoil, le mystre n'en aura que plus de prix.

    *

    ** Reprenons donc une troisime fois les deux mots

    leitmotive de cette confrence : littrature, rotisme, et tentons une manuvre dtourne pour arriver au vif du sujet ; cette manuvre exige d'ailleurs une rptition et une variation des efforts pour rester dans la saine tradition des phnomnes dcrits.

    Cette fois, supposons le problme rsolu, comme font les mathmaticiens ; c'est une mthode qui serait, notons-le, parfaitement dcevante en amour ; mais qui,

  • puisque nous avons dcid de nous tenir ici sur un plan thorique, peut nous permettre d'aboutir, avec un peu de veine et beaucoup de mauvaise foi.

    Nous nous trouvons donc devant un ouvrage rotique. Disons un roman et supposons-le crit dans un style acceptable.

    Quel est le propos de tout auteur de roman ? Distraire le public ? peut-tre. Intresser le public ? Gagner de l'argent ? Peut-tre aussi, mais pour cela, il n'y a qu'un

    moyen : intresser le public. Devenir clbre ? Rester immortel ? Se faire un

    nom ? Toujours le mme problme, que l'on intresse les gens maintenant ou dans cent ans, il faut intresser des gens...

    Entrer l'Acadmie ? Porter l'habit vert ? Non... a, a n'a pas grand rapport avec la littrature ; j'excepte M. mile Henriot, parce que je l'aime bien.

    Disons-le franchement. On crit pour soi, naturellement ; mais on crit surtout pour raliser un asservissement temporaire du lecteur, auquel celui-ci se prte toujours ds l'instant qu'il ouvre le livre, et qu'il appartient l'auteur de mener sa fin par le moyen de son art.

    videmment, les moyens varient. C'est ce qui fait que l'on distingue communment la bonne littrature de la mauvaise...

    Et puis les lecteurs varient aussi... C'est ce qui fait qu'il y a beaucoup plus de mauvaise littrature que de bonne.

    Cet asservissement du lecteur n'a rien d'une dictature : l'opposition est libre. Le rle de l'crivain est bien ingrat, d'ailleurs : car le lecteur peut tout instant fermer le livre et le flanquer dans la poubelle, ce que l'crivain ne peut pas lui rendre avec usure. L'crivain est dans la situation d'un muet pieds et poings lis qui ferait marcher un phonographe en poussant la manivelle avec son nez ; (libre vous d'ailleurs d'imaginer des situations plus cornliennes encore ; aucune ne sera exacte car en ralit l'crivain est dans la situation d'crivain et le lecteur dans celle de lecteur ; c'est tout ce qu'on devrait en dire ; mais il faut

  • compliquer un peu les choses, sans quoi les confrences perdraient leurs raisons d'tre). Il n'en reste pas moins que l'crivain tentera et doit tenter d'attacher son lecteur par les moyens de son ressort ; et l'un des plus efficaces est celui, sans aucun doute, de produire sur lui une impression physique, de lui faire prouver une motion d'ordre physique ; car il parat vident que lorsqu'on est engag physiquement dans une lecture, on s'en dtache plus difficilement que s'il s'agit d'une spculation purement immatrielle laquelle on ne prend part que distraitement, et du bout du cerveau.

    Inutile d'ajouter qu'on doit s'efforcer lorsqu'on veut mriter le titre d'crivain actif, d'exercer un genre d'effets varis, agrables ou dsagrables : faire rire le lecteur, le faire pleurer, l'inquiter, l'exciter, mais toujours matriellement : j'entends que l'motion doit avoir des rsultats contrlables et que si l'on pleure par exemple, on doit rpandre de vraies larmes. Il est extrmement dcevant de chercher produire un certain genre d'motions ngatives : lorsque l'on cherche en particulier plonger la malheureuse victime dans un tat de gne, on s'expose lui voir fermer le livre la cinquantime page, avec une crise de foie. Je ne dis pas certes que les sensations les plus violentes et les plus positives soient les plus intressantes ; et d'ailleurs les plus violentes pour certains ne correspondent chez d'autres qu' des excitations minima : le tout est de choisir.

    En ralit, on peut se piquer au jeu ; la littrature raction vous rserve des surprises ; et l'on peut s'tonner souvent de ne pas prendre ceux-l mmes que l'on s'attendait de voir tomber dans vos piges. La prvision des ractions du lecteur est une branche de l'art du faiseur de livres qui n'a pas t suffisamment explore mon sens ; et si l'tude en est aride et dlicate, elle doit rserver, je pense, bien des surprises. On m'objectera que les vraies uvres d'art se font sans calcul, et que l'instinct du crateur prvoit et pse d'avance tout ce que l'on croit tre imprvisible et impondrable ; et l'on ajoute qu'il le fait inconsciemment. Eh bien je ne veux pas engager dans ma rponse tous mes estimables confrres, mais je crois qu'il y a un certain danger se reprsenter

  • l'crivain comme une bte de gnie crivant fivreusement sous la dicte des muses. Cela arrive ; mais mme si l'on produit avec facilit et sans retouche, le dessein et le calcul ont leur mot dire. Cependant, je le rpte, c'est encore en gnral une dose insuffisante, et il entre l-dedans une part considrable d'empirisme et de tradition.

    Comment s'tonner ds lors (si l'crivain est bien ce monsieur qui prtend vous donner des sensations de son choix), qu'il s'efforce de les orienter vers vos centres de moindre rsistance ? Comment l'crivain ne profiterait-il pas du prjug universel favorable l'amour amour-motion comme dans Un rude hiver, ce chef-d'uvre de Raymond Queneau, amour-action comme dans Le Petit Arpent du Bon Dieu, d'Erskine Caldwell comme vous le voyez, je prends aussi pour exemples certains contemporains ?

    En effet les sentiments et les sensations qui ont l'amour pour commune origine, sous la forme brute du dsir comme sous les formes les plus raffines du flirt intellectuel avec citations et philosophie ambiante sont sans nul doute, avec ceux qui se rattachent aux choses de la mort, si voisins d'ailleurs, les plus intenses et les plus violemment ressentis par l'humanit.

    Une objection viendra certainement l'esprit de plusieurs d'entre vous ; ceux qui tentent de considrer impartialement le reste de leurs concitoyens savent naturellement qu'une des passions les plus rpandues du monde moderne est l'usage des stupfiants sous leur forme noble (opium, haschisch) ou sous leur forme dgrade : alcool et tabac ; ne parlons pas des formes chimiques et hypodermiques, cocane et morphine, proscrire absolument.

    ceci je rpondrai que si l'on pouvait se procurer une femme aussi facilement qu'un verre de gin ou qu'un paquet de gauloises et si l'on avait le loisir, comme l'alcool et la cigarette, de la dguster en plein air sans tre oblig de l'enfermer dans une chambre sale et pas apptissante, l'alcoolisme et l'intoxication disparatraient promptement ; ou retrouveraient tout le moins des proportions acceptables. Il y a un paradoxe amusant dans le fait que le gouvernement encourage par tous les moyens les citoyens boire du

  • cognac et griller de l'herbe puante, et dans le mme temps, arrte et condamne les satyres qui ne font en somme que tenter d'exercer une fonction parfaitement normale mais complique plaisir par les prjugs et autres rglements. Ou plutt, il n'y a pas de paradoxe ; ce sont les deux aspects d'une conspiration pour le nuisible. Car il est parfaitement sain, physiquement parlant, de se livrer avec une partenaire choisie toutes les possibilits du joyeux mistre, selon la plaisante expression de nos pres ; tandis que l'on attrape des cirrhoses boire de l'alcool.

    Ceci est donc la justification de l'amour comme thme littraire, et de l'rotisme par consquent ; ceci, cette carence dans laquelle un tat tient un sport que jusqu' nouvel avis je m'entterai considrer comme plus rationnel que le judo et plus satisfaisant que la course pied ou les barres parallles, toutes activits dont il procde d'ailleurs, et avec lesquelles il a tant de points communs. Et puisque l'amour, qui est tout de mme, je le rpte, le centre d'intrt de la majorit des gens sains, est barr et entrav par l'tat, comment s'tonner que la forme actuelle du mouvement rvolutionnaire soit la littrature rotique ?

    Car il ne faut pas s'y tromper. Le communisme, c'est trs gentil, mais c'est devenu un genre de conformisme nationaliste. Le socialisme a mis tant de vin dans son eau qu'il a tourn l'abondance... quant au reste, je n'en parlerai pas parce que j'ignore ce que c'est que la politique et a ne m'intresse pas plus que le tabac... Oui, les vrais propagandistes d'un ordre nouveau, les vrais aptres de la rvolution future, future et dialectique, comme de bien entendu, sont les auteurs dits licencieux. Lire des livres rotiques, les faire connatre, les crire, c'est prparer le monde de demain et frayer la voie la vraie rvolution.

    *

    ** Au reste, il y a tant d'autres justifications de la

    littrature rotique que j'ose peine insister : n'est-il pas reconnu que la guerre est le plus grand de tous les maux ? N'admet-on pas qu'il soit rprhensible de tuer

  • son prochain ? N'est-il pas plus rprhensible encore de lui dverser des tonnes de bombes atomiques sur la poire et de le dcortiquer coups de radar et de poudre ternuer ? Ne nous a-t-on pas rpt que supprimer la vie d'un insecte est une mauvaise action, et a fortiori, celle de millions d'individus ? Mais que quelques imbciles dcident que le march du canon et de l'uranium est un peu mou, et voil que la littrature guerrire se met donner plein... car il y a une littrature guerrire, figurez-vous, elle est reconnue au grand jour, elle est imprime par Berger Levrault et Charles Lavauzelle , on vous apprend nettoyer un canon de fusil et dmonter une mitrailleuse... elle est autorise et encourage... et quand un malheureux vient vous dcrire avec quelques dtails la courbure des reins de sa bien-aime ou vous rvler quelques particularits intressantes et tentantes de son anatomie primesautire ! haro sur le baudet !... on l'engueule, on l'attaque, on lui fait des procs et on saisit ses livres.

    Oui, la guerre, tout le monde est contre ; mais les mmoires de guerre, c'est trs bien vu, et si on a tu cent mille personnes on est un hros... L'alcoolisme, tout le monde est contre... mais si on gagne un milliard avec des bateaux de vins, on est un grand socialiste. L'amour, tout le monde est pour... nous l'a-t-on assez rpt, le croissez et multipliez... moralit, on se fait fourrer au bloc toutes les fois qu'on a le malheur de dtourner une toute petite mineure...

    Mais je m'gare, et un bon rvolutionnaire ne doit s'emporter que lorsque l'heure H est venue. Jusque-l, combattons l'ennemi par les moyens fielleux et perfides dont nous disposons et tentons de semer la zizanie dans ses cohortes.

    *

    ** C'est que le mal est profondment enracin car

    depuis longtemps s'est tablie, ct de la vraie, ce que l'on pourrait appeler la cinquime colonne de cette spcialit... la pseudo-littrature rotique.

    Nous avons dj dnonc le cas de Sade, dont les analyses presque mdicales limitent l'influence,

  • d'autant qu'il les corse d'un grand nombre de dtails assez peu ragotants. L'rotisme des Cent Vingt Journes de Sodome, quand il ne tombe pas dans un ridicule assez comique, ne va gure au-del de celui d'un Petit Larousse perverti ; et les prparatifs de l'orgie qui durent des pages et des pages sont assommants et bien infrieurs en intrt au Catalogue Gnral de la Manufacture d'Armes et Cycles de Saint-Etienne, ou plutt aux annonces matrimoniales du Chasseur franais. Les rites du costume et des rglements intrieurs du chteau de Durcet provoquent normalement l'hilarit ; et cette manie de soumettre leurs dsirs impurs des filles ou des garons enlevs criminellement leurs parents, n'ajoute pas grand-chose... qui veut trop prouver ne prouve plus rien ou comme le dit encore Jean Paulhan : Le pire est l'ennemi du mal . Je cite Paulhan : Le rcit d'un assassinat nous peut jeter dans quelque sentiment trouble, le dtail d'une coucherie nous laisse quelque dsir. Mais dix mille coucheries (dans la mme nuit), mais cent mille tortures ne nous donnent gure que lassitude ou dgot. Je dchargerais volontiers la mmoire de Sade des supplices de la Terreur, auxquels il s'est d'ailleurs oppos, nous le savons, au pril de sa vie. Je le chargerais volontiers de quelques vocations monastiques, de plusieurs retraits du monde, de plus d'un suicide par pudeur de la mort de Lucrce et de celle de Virginie. Je ne saurais rien ajouter cette excution sinon que le fait mme que l'on ait donn le nom de sadisme cette littrature prouve surabondamment qu'il y a une diffrence fondamentale : et l'erreur vient sans doute de l'abondant usage que fait Sade lui-mme du mot volupt qu'il applique des choses absolument pas voluptueuses, telles qu'embrasser sur la bouche une personne qui a les dents gtes, ou croquer un ftus comme une sardine frache.

    Passons donc sur Sade, et par la mme occasion, liquidons le cas de la Comtesse de Sgur et des flagellations excutes par le Gnral Dourakine sur la personne de Torchonnet ou par l'ispravnik sur celle de Mme Papofski ; reconnaissons cependant que cette dernire, dans laquelle Mme Papofski est emprisonne

  • dans une trappe mi-corps et o on fouette ce qui dpasse dans la pice au-dessous est dj plus suggestive... mais cela reste du sadisme, et si une fustigation peut tre agrable et prsenter un intrt rotiquement parlant, c'est la condition qu'elle reste amoureuse et s'exerce avec le consentement du ou de la partenaire ; nanmoins, je ne suis pas personnellement renseign sur cette pratique et je laisse la Comtesse et le Marquis se dbrouiller avec leur knout. Pseudo-rotisme aussi, les livres de Delly, de Max du Veuzit et de toutes les demoiselles dont la tche principale semble tre de fabriquer, longueur de journe, de nouveaux complexes l'usage des jeunes filles catholiques avec des noms qui se dvissent : un des plus sensationnels de ces complexes tait, vers 1900 (je vous renvoie aux ouvrages de Gabriel Franay : Mon Chevalier, Le Chteau des Avielles) le complexe de l'oncle ou du tuteur de trente-cinq quarante ans avec une moustache rousse et des lvres rouges qui dcouvraient des canines blouissantes : on voit tous les dangers que peut recler un pareil engin de sduction. Cependant, Franay, Delly et les autres ne sont que des pseudo-rotiques, parce que toutes les manuvres que l'on peut croire prlude des jeux plus plaisants, par exemple, le patinage avec un manchon de loutre, la canne qu'on tend pour escalader un rocher, le tennis avec les jupes de piqu qui dcouvrent le mollet ou les amazones de drap noir moulant troitement le buste, sans oublier le coup de l'accident de chasse, toutes ces manuvres ne sont en ralit que les prliminaires au mariage catholique et aux riches allocations Monsieur le Cur. Les meilleurs clients des psychiatres et des prtres sont les lectrices de Max du Veuzit... ou leur mari, car il est des cas o elles russissent les rendre eux-mmes compltement fous, se refusent obstinment se sparer leur profit d'une poupe qu'on leur a donne le jour de leurs quinze ans et racontent tout leur confesseur qui en a entendu d'autres, mais qui n'est pas mme d'en profiter comme en profiterait normalement un cercle choisi d'amis intimes. Je dois ce propos citer Montherlant qui a dit un jour et je ne sais plus o : Faites des jeunes filles assez fortes pour tout lire, il n'y aura plus

  • de romans catholiques. Pseudo-rotiques, les ouvrages de Mauriac. Pseudo-rotiques enfin tous les ouvrages et ils sont nombreux o les actes rotiques proprement dits s'accompagnent de gestes de haine, ce qui est trs exactement contradictoire.

    Autres ennemis de la littrature rotique ? les ouvrages mdicaux, qui instruisent les jeunes gens et les jeunes filles de tout un fatras de notions propres les dcourager d'user avec rgularit de tout un appareil complexe, mais si ingnieux, les journaux et revues qui dtournent vers l'actualit une attention qui, normalement, devrait s'orienter partir de l'ge de quatorze ans, vers l'utilisation rationnelle d'organes destination prcise. On loue la culture physique ? mais pourquoi ne pas louer une culture physique totale ? Et je ne parle ici que des ennemis forme littraire ou imprime... Mais tous ces ennemis vivants forme humaine, les Daniel Parker, les scouts, les organisations de jeunesse, les associations de parents d'lves, les producteurs de films amricains, les gardiens de square, la police, les adjudants,... j'en passe et des meilleurs... Cependant la justice m'oblige ajouter que certains de ces ennemis ne sont, eux aussi, que des pseudo-ennemis ; et puisque j'ai nomm Daniel Parker, je dois reconnatre que peu de gens ont fait plus que lui pour la diffusion des ouvrages caractre particulier...

    ... Eh bien, vous remarquerez sans doute que je me suis born jusqu'ici dfinir, en nommant et dnonant les oppositions qu'elle rencontre, ce que n'est pas la littrature rotique. Ne resterait-il donc rien qui puisse tre rang sous l'tiquette qui nous occupe ?

    Et l, je suis bien oblig d'en venir temporairement une explication finaliste. Devrait tre considre comme ressortissant la littrature rotique toute uvre d'art donnant au lecteur le dsir d'aimer physiquement, que ce soit directement ou par reprsentation interpose.

    C'est en ce sens que les livres sacrs pourraient tre classs dans la catgorie des grands rotiques, et je ne pense pas seulement aux passages de la Bible o l'on nous dcrit par le menu l'uvre et les possibilits du grand roi Salomon. Mais toutes ces pages o l'on tente

  • de nous inculquer l'amour du Seigneur, toutes ces litanies qui rptent jusqu' l'obsession les noms des tres que l'on propose notre amour, qu'est-ce d'autre qu'une forme dvie de la littrature rotique ? Ceci est ma chair... ceci est mon sang ? Quel commentaire plus parfait une identification complte des deux lments du couple peut-on rver ? Quel meilleur manuel de propagande que les vangiles ? et qui a pu rver que Goebbels tait le roi ? On imagine parfois des entreprises de publicit qui tenteraient par exemple de redonner aux hommes le got de l'amour naturel, celui du mle pour la femelle. Je conois assez bien des annonces de ce genre : Faire l'amour avec une femme blonde... c'est bien... mais avez-vous essay les brunes ? Qui osera ? Ou celle-ci... Coucher avec une jolie femme... oui... mais savez-vous ce que c'est que de coucher avec une femme laide ?... Le jour o nous lirons dans France-Soir ou Paris-Presse des annonces de ce genre, nous pourrons dire que la littrature rotique a gagn sa place au soleil. Mais jusque-l, hlas !... jusque-l, on est forc de le reconnatre, les vrais rotiques restent l'apanage d'une classe privilgie... car en raison de l'opposition qu'ils rencontrent, ils sont extrmement coteux et l'tat, je vous l'avais dit, ne pouvant encore instituer la prostitution nationale asservie l'impt sur le revenu, par un reste de pudeur louable, et aussi parce qu'il prfre attaquer la libert individuelle de faon plus dtourne, l'tat interdit et traque les meilleurs chantillons du genre. Que de difficults ne rencontrerait-on pas pour publier dans une collection bon march, Les Exploits d'un jeune Don Juan ou les Onze mille vierges de Guillaume Apollinaire1 : sans parler de Femmes, pomes clandestins de Paul Verlaine, bons spcimens dont la lecture incite un homme normal moyen des activits parfaitement louables. On peut s'tonner, et je m'en tonne, que Le Bl en herbe, de Colette, un des plus merveilleux exemples d'rotisme que je connaisse, et l'un des plus dlicats, ce qui ne gte rien, n'ait pas t interdit. C'est 1 Boris Vian a effectivement crit charmant lapsus les Onze mille vierges. Il s'agit bien entendu, du clbre ouvrage fortement teint de rigolade de Guillaume Apollinaire intitul Les Onze mille verges.

  • l sans doute une revanche du hasard ; et Colette fut assez habile pour prsenter son uvre sous une apparence peu susceptible d'attirer l'il des censeurs. Car Le Bl en herbe est parfaitement exempt de toute obscnit... encore un mot sur lequel il faudra que nous revenions dans quelques instants.

    Un autre grand rotique : Ernest Hemingway. Chose curieuse, c'est auprs des femmes, pourtant rputes moins sensibles que les hommes aux sollicitations du livre, que Hemingway a le plus de poids. Les scnes de Pour qui sonne le glas o le hros et l'hrone font des tas de choses dans un sac de couchage m'ont t dcrites et rappeles par toutes les aimables personnes que j'ai interroges sur leur conception d'une bonne littrature rotique. a donne envie d'en faire autant. Ne parlons pas de Pierre Lous, c'est vident : le roi Pausole est un des chefs-d'uvre du genre. Mais trve d'exemples Tentons de venir au fait.

    Que demande-t-on la littrature rotique ? Ou en d'autres termes, quelle est son utilit ?

    *

    ** Je crois qu'elle doit tre d'abord une prparation, une

    incitation et une initiation pour tous ceux que des circonstances dfavorables, un milieu social inadquat ou des ncessits diverses ont priv d'une cousine de seize printemps ou d'une jeune matresse de piano ; pour tous ceux dont les parents n'avaient qu'une bonne de soixante-quinze ans depuis cinq lustres dans la famille. Pour tous ceux enfin qui, vieillis avant l'ge par une instruction gnrale et obligatoire parfaitement absorbante, n'ont pu trouver le temps de s'instruire en particulier des devoirs de l'homme envers son corps... et le corps des autres. Paraphrasant le mot de Havelock Ellis, on peut en effet dire que l'rotisme est un lment permanent de la vie sociale et correspond un besoin profond du corps.

    Les adultes, disait Havelock Ellis, ont besoin d'une littrature obscne autant que les enfants ont besoin de contes de fes comme un allgement de la force

  • oppressive des conventions. Remplacez le mot obscne par le mot rotique et vous avez une proposition qui se tient de la mme faon. Miller, dans une importante tude parue dans la revue Fontaine en octobre 1946, commente ainsi la thse d'Ellis : C'est l'attitude, dit-il, d'un homme cultiv dont la puret et le bon sens ont t reconnus de tous cts par d'minents critiques. Bien entendu, Ellis tant anglais a t perscut pour ses opinions et ses ides en matire de sexualit... depuis le XIXe sicle tous les crivains anglais qui osrent traiter ce sujet avec honntet et ralisme ont t perscuts et humilis...

    Eh bien, sans doute, il n'y a pas que les crivains anglais encourir les foudres de censeurs... et ceux-ci font plus de mal qu'ils ne le croient... car dtourner, comme ils tentent de le faire, l'homme de l'amour l'oriente ncessairement vers l'autre ple de nos passions, la mort. Je cite encore Miller : mesure que progresse la civilisation, dit-il, la guerre apparat visiblement comme la plus grande dtente propose l'homme ordinaire. Il peut, la guerre, s'en donner cur joie... . Naturellement, rptons encore une fois les liens troits de la mort et de l'amour, si bien analyss par Michel Leiris dans son Miroir de la tauromachie et si souvent tudis par d'autres et dplorons que l'on considre en effet si gnralement la guerre comme la seule dtente possible alors qu'il en est d'autres si rationnelles et tellement plus satisfaisantes. Mais comment s'tonner puisque ce sont deux lments si voisins, que la guerre trouve aisment crdit auprs de toute une population ? La guerre est d'ailleurs une circonstance particulirement favorable au dveloppement du sadisme qui est, je l'ai dit, le pire ennemi de l'rotisme ; et la dernire guerre tout particulirement qui vit un renouveau de l'esclavage et de l'asservissement total. Mais puisque j'ai cit Miller deux fois, je prcise que tout comme Sade, il ne peut tre considr comme un auteur rotique, bien que certains passages de ses uvres mritent ce titre ; le plus souvent, il se rapprocherait plutt de la littrature mdicale, en raison du langage ordurier qu'il emploie. D'ailleurs, Miller ne revendique pas l'appellation d'auteur rotique contrl, mais plutt le titre d'crivain

  • obscne et il emploie ce dernier terme dans un sens trs largi (l'obscnit est extase, dit-il) et Mme Claude-Edmonde Magny qui s'occupe beaucoup des crivains maudits nous rpond : Entendez par l qu'elle marque l'effort dsespr de l'crivain pour nous communiquer sa vision lorsque se refusent lui les stratagmes ordinaires de la littrature . Revenons au sens plus courant du terme et constatons que l'rotisme exige une obscnit lgrement sublime, si j'ose m'exprimer ainsi... une obscnit potique... et le dosage de cette obscnit est extrmement dlicat observer, car on ne peut forcer le lecteur lire le livre tel qu'il doit tre lu, entendons par l que si le lecteur veut partir du chapitre XVII, revenir au chapitre III et repasser au chapitre XII, l'auteur n'a rien dire. Ceci n'est pas acceptable. Lorsque l'on se propose d'crire un ouvrage rotique, on doit d'abord admettre comme pour tout ouvrage d'ailleurs si l'on en excepte les manuels de cuisine ou les missels romains, que le lecteur le lira tel qu'il est crit ; faute de quoi le lecteur en question risque de mconnatre compltement le caractre du livre ; car dans un bon ouvrage rotique, il y a un crescendo, et cela doit commencer en douceur sous peine de saisir le lecteur la gorge et de le rebuter d'emble.

    C'est un hasard si j'ai prononc le mot de manuel de cuisine : mais le manuel de cuisine peut nous fournir un autre exemple : tout ouvrage de ce genre fortement pens comme celui du grand Jules Gouff expose avec intelligence et comprhension les raisons qui font que l'on sert les plats d'un menu dans tel ou tel ordre... il en est de mme pour les lments de l'rotique ; ceux-ci sont peu prs toujours les mmes en substance et leur ordonnancement seul fait le prix de l'ouvrage. Prenons un exemple tout simple dans un autre domaine : Delly aurait-elle l'ide dans un de ses romans de commencer un chapitre de la faon suivante (je vais essayer d'improviser un peu de Delly) : Paul de Btoncreux dansait avec liane et la moustache fine du jeune homme effleurait la joue dlicatement rose par l'animation du bal ? Non... Delly n'est pas folle ; elle commencera par dcrire les prparatifs du bal, la robe d'liane, l'arrive de Paul, la faon dont il danse avec cette grande garce de Mme de Montembreuil qui a tout

  • de la tigresse, et dont les hommes parlent voix basse, et enfin son retour vers liane dont le cur bat se rompre. Delly connat la cuisine ; d'ailleurs j'ignore, car je n'ai pas lu tous ses ouvrages, si elle va tout de mme jusqu' dcrire de telles scnes... mais je prends son nom comme un symbole. Oui, la littrature rotique a des rgles bien dfinies ; et je ne veux pas laisser passer l'occasion de citer une des plus parfaites russites du genre : l'uvre de Nicolas Chorier, jurisconsulte franais qui a donn sous le pseudonyme de Luisa Sigea jeune Espagnole, la Satire sotadique des arcanes de l'amour et de Vnus : l'ouvrage est aussi paru sous le nom de Meursius, avec le titre d'lgances de la langue latine... Ce qui fait entre parenthses que Nicolas Chorier doit tre rvr ce jour comme le grand matre de la fausse traduction, genre louable mon avis. Je ne peux mieux faire pour vous dcrire le style de Nicolas Chorier, que de vous lire... non pas un passage des Arcanes, parce que je suis un peu timide et rougissant, mais le commentaire qu'en fait Forberg dans son Manuel dj cit :

    Dans ce livre, on ne sait ce qu'il faut admirer le plus, ou de l'lgance du style toujours chti et recherch, quoique sans affectation, ou de la gat et de la grce du badinage, ou de ces brillantes paillettes d'rudition latine, ou de cette abondante et copieuse locution orne comme d'autant de pierreries, d'un choix exquis et lumineux de mots, de phrases, qui vous ont un parfum d'antiquit, ou de l'art suprme avec lequel l'auteur a su varier prodigieusement un thme unique.

    Rflexion faite, je vais tout de mme vous prsenter un passage du dialogue six pour vous montrer quel degr de candeur peut s'lever un jurisconsulte franais... C'est une suite de rflexions sur les inconvnients du corps dans les plaisirs de l'amour :

    Il y a beaucoup de figures qu'on ne peut mettre excution quand mme les articulations et les reins de ceux qui se joignent pour les mystres de Vnus seraient flexibles au-del de ce qu'on saurait supposer. force de mditer et de rflchir, beaucoup d'ides tombent dans l'esprit, qu'il est impossible de raliser. De mme qu'il n'y a rien d'inaccessible aux dsirs d'une

  • volont imptueuse, de mme il n'y a rien de difficile pour une imagination intemprante et drgle. Elle se glisse o elle veut, par tout chemin qu'elle tente ; elle trouverait une plaine o il y a des prcipices ; mais il n'est pas aussi facile au corps de se plier tout ce que la pense, bonne ou mauvaise, conoit.

    Vous tes dus par cette citation, je m'en doute, mais ma chastet bien connue m'interdisait de vous donner d'autres exemples... et je crois que c'est peu prs la seule que l'on puisse lire devant un auditoire correct et non prpar. Rsumons-nous donc et poursuivons. La littrature rotique a d'abord jouer un rle ducatif et stimulant ; elle peut galement tenir l'emploi de palliatif : un capitaine de mharistes perdu dans le dsert sans la moindre Antina l'horizon et qui possderait une bonne bibliothque rotique trouverait certes le temps moins long que s'il tait laiss lui-mme ou en tte tte avec les uvres compltes d'Henry Bordeaux ; mais c'est un exemple vident, restreint et banal, la littrature rotique est une source de revenus fructueuse pour tous les jeunes peintres et dessinateurs de talent qui peuvent, en illustrant les classiques du genre, gagner trs vite et l'argent et la rputation. Du point de vue national, la littrature rotique est l'un des meilleurs agents de repopulation que l'on puisse concevoir : citons Guillaume Apollinaire dans Les Exploits d'un jeune Don Juan : ce dernier aprs avoir fait un enfant la servante Ursule, un sa sur lise et un sa tante Marguerite, conclut : Le mme jour, je fus parrain du petit Roger d'Ursule, de la petite Louise d'lise et de la petite Anna de ma tante, tous enfants du mme pre et qui ne le sauront jamais. J'espre en avoir bien d'autres, et ce faisant, j'accomplis un devoir patriotique, celui d'augmenter la population de mon pays. C'est sur ces bonnes paroles que le livre se termine. Du point de vue de l'avenir, la littrature rotique qui encourage l'homme et la femme des amours multiples ne fait que prparer la voie des mesures qu'il sera ncessaire d'envisager de prendre un jour, la polygamie obligatoire par exemple, et je ne suis pas oppos la polyandrie, rassurez-vous... on n'a pas tellement d'occasions de se reposer. Mais remarquons en passant

  • que les auteurs fminins d'uvres valables dans ce domaine sont trs rares, pour ainsi dire inexistants ; il y a l une lacune combler. On m'opposera Sappho et Bilitis : elles opraient dans un domaine limit... et la seconde, ma foi... c'est encore une traduite du grec la manire de Luisa Sigea. Comment se fait-il qu'il ne se trouve gure d'crivain fminin qui cherche venger ses surs des traitements assez rudes parfois auxquels les soumettent les auteurs masculins correspondants ? Mais ceci est une parenthse qui nous entranerait trop loin, et je dois me borner poser la question tout en encourageant les volontaires... l'rotisme des romans fminins reste trs nuanc, parfois trs freudien comme dans Reflets dans un il d'or de Carson Mc Cullers et jamais une femme n'a os abuser des hommes sur le papier comme ceux-ci se le permettent si frquemment vis-a-vis d'elles ; l'heure o nos chres compagnes ont enfin acquis le droit de vote, il est temps, je crois, qu'elles se librent galement dans ce domaine.

    L'utilit de la littrature rotique me semblant ainsi bien tablie, il m'apparat que le moment est venu de dfaire tout ce que je viens de faire et de revenir zro ; et ceci pour une raison bien simple. C'est que malgr les dfinitions que j'ai tent d'en donner, qu'elles soient tymologique, finaliste, conventionnelle ou autre, malgr les arguments l'appui de ces dfinitions et les preuves secondaires de son existence que l'on peut tirer de celle de ses ennemis, il me faut arriver au point dernier et capital de cette confrence ; si tant est qu'un mot aussi impressionnant puisse s'appliquer mon immodeste tude, je dois mon regret m'entourer de circonlocutions et de priphrases afin de ne pas vous assener trop brutalement la vrit finale... Je vais donc attendre encore un peu, et pour passer le temps, vous lire quelques lignes de Thodore Schroeder... choisies avec artifice et malice, et pour vous faire approcher sans douleur une conclusion dcevante.

    Thodore Schroeder consacra sa vie, nous dit Henry Miller, dans l'article de qui je puise cette citation, lutter pour la libert de la parole et Thodore affirme :

  • L'on ne peut trouver l'obscnit dans aucun livre... dans aucun tableau... elle n'est jamais qu'une qualit d'esprit de celui qui lit ou de celui qui regarde... Aucun argument n'est donn pour la suppression de la littrature obscne, qui, par d'invitables implications, ne justifie et n'ait pas dj justifi toutes les autres limitations qui furent mises la libert de l'esprit.

    Et Miller ajoute : Aprs des annes de lutte avec des prudes, des bigots et autres psychopathes qui dcident ce que nous devons ou ne devons pas lire, Thodore Schroeder est d'avis que "ce n'est pas la qualit intrinsque du livre qui compte (lorsqu'on le qualifie d'obscne) mais son influence hypothtique sur une personne hypothtique qui, dans un moment problmatique de l'avenir, peut hypothtiquement lire ce livre". Citant un pasteur du XIXe sicle, il ajoute : L'obscnit existe seulement dans les cerveaux de ceux qui la dcouvrent et qui en accusent les autres.

    Ce sont les hommes, ajoute le Dr Ernest Jones, sur lesquels diffrentes tentations exercent secrtement un attrait, qui s'vertuent en prserver les autres ; en ralit, sous prtexte de dfendre les autres, ils se dfendent eux-mmes parce que, dans leur cur, ils craignent leur propre faiblesse.

    Vous voyez peut-tre dj o je veux en venir. Je vous rappellerai encore qu'il est dangereux de croire qu'un livre puisse influencer un lecteur... ce compte, il n'y aurait plus personne sur terre depuis l'histoire du premier crime... et je formule enfin l'vidence laquelle nous arrivons : c'est qu'il n'y a pas de littrature rotique. Ou plus prcisment que toute littrature peut tre considre comme rotique car tout ce qui vient d'tre dit peut tre conserv mot pour mot en remplaant obscne par rotique... ce qui tait dj le cas prcdemment. C'est toujours la mme alternative qui joue : ou bien on comprend ce qu'on lit et on le portait dj en soi ; ou bien on ne comprend pas et o est le mal ? Quant prtendre qu'un livre peut vous donner le dsir de faire des choses que l'on y lit, c'est aller contre la vrit ; car si l'on veut bien se reporter aux temps de l'invention de toutes ces coutumes plaisantes de l'rotologie, on doit reconnatre qu'il y a bien quelqu'un qui en a eu l'ide le premier, et

  • sans manuel... L'homme, que je sache, a prcd le livre.

    Reconnaissons galement qu'un homme et une femme ns sur des les dsertes sans contact avec la civilisation et normalement conditionns, puis mis en rapport l'un avec l'autre, toujours l'abri d'interventions extrieures, ne tarderaient pas, sans doute, savoir des tas de choses... l'exprience est bien facile faire.

    Eh oui, la vrit est l... il n'y a de littrature rotique que dans l'esprit de l'rotomane ; et l'on ne saurait prtendre que la description... disons d'un arbre ou d'une maison soit moins rotique que celle d'un couple d'amoureux savants... le tout est de prciser l'tat d'esprit du lecteur... Octave Mirbeau, dans Le Journal d'une femme de chambre, raconte l'histoire d'un vieux monsieur qu'un soulier de femme mettait dans tous ses tats... Qu'aurait dit le vieux monsieur devant les pages de publicit d'Argence ou de Perugia ? Et doit-on condamner Argence et Perugia... ou sans aller jusque-l, peut-on prtendre qu'Argence, Perugia et les agents publicitaires soient des auteurs rotiques ?

    Et pourtant je crois qu'on le peut en effet... et c'est cela qui fait que les problmes de l'utilit de la littrature rotique se ramnent exactement celui de l'utilit de toute littrature... ce qui veut dire qu'il me dpasse... et je ferai en guise de conclusion, appel au dlicieux Forberg pour terminer cette conversation btons rompus :

    Les vins, dit-il, quand on les pose sur la table, surexcitent l'ivrogne et laissent fort calme l'homme sobre ; de mme, ces sortes de lectures chauffent peut-tre une imagination dprave. Mais elles ne font aucune impression sur un esprit chaste et temprant...

    Esprit qui est sans aucun doute, celui de toutes les personnes prsentes, le confrencier compris.

  • LIBERT Sur le seuil de ta demeure Sur le plancher reluisant Sur le botier du piano J'cris ton nom Sur la premire des marches Sur la seconde et les autres Sur la porte de chez toi J'cris ton nom Sur les murs de notre chambre Sur le papier viprin Sur la chemine de cendre J'cris ton nom Sur l'oreiller sur les draps Sur le matelas de laine Sur le traversin jauni J'cris ton nom Sur ton visage tendu Sur tes narines ouvertes Sur chacun des seins aigus J'cris ton nom Sur ton ventre bouclier Sur tes cuisses cartes Sur ton mystre coulisse J'cris ton nom Je suis venu dans la nuit Pour barbouiller tout cela Je suis venu pour ton nom Pour l'crire Avec du sperme.

  • PENDANT LE CONGRS Il faut bien se le dire, messieurs dames La peau du gland, c'est pas inusable. On peut, bien entendu, faire des tests C'est l'ABC de toute science exprimentale. Dans une conasse en peau de raie On se blesse au premier passage L'aspect de la plaie est grenu Et le sang sche assez rapidement Sous l'aspect de gele de groseilles On rencontre aussi, malheureusement elles sont rares Des grognasses impudentes qui On a greff, en travers, une lame de rasoir Quand on y rentre, on en a une Quand on en sort, on en a encore une Mais elle est coupe en deux Certaines possdent galement Des vagins horizontaux, tout rouges Abondamment garnis de dents Ils se referment sur les boutoirs avec un rle Et jamais un Anglais ne les a vus vomir Car les Anglais ont le sens de la respectabilit. Pline de Cheval et Chaton l'Ancien racontent Qu'il y en a eu de si affreux voir Que les bras sont tombs aux gens dans la rue Sans doute, on ne peut les dcrire avec prcision Car les nombreux documents relatifs ce sujet Ont fait les dlices des termites, Des Huns, des FFI et des autres animaux rongeurs. Mais on sait qu' l'intrieur comme dans certaines cls Une longue tige d'os bien pointue Vous pntrait dans le mat Ce qui s'effectuait avec un bruit grinant Extrieurement la peau virait au vert. D'autres sucent comme des pieuvres Et mtamorphosent l'objet rutilant En une aubergine monstrueuse Invisible en lumire noire Elle est telle qu'au grand soleil On tombe genoux devant Mais on ne peut la mettre dans sa bouche.

  • Enfin, diverses malheureuses Jeanne d'Arc, sainte Thrse, la Passionaria et la duchesse de Windsor Sont nes avec le con subdivis En une infinit de petits petits trous.

    7 JUIN 1947

  • LES GOUSSES Les gousses vous avez raison raison de taillader les sexes rigs comme les cous tendus des poules vers le grain raison de recracher le sperme cre et gluant raison de rejeter l'ventrement brutal nous ne vous aimons pas Nous n'avons pas besoin de vous les gousses nos sexes resteront las et morts devant vous sexes mous, plus mprisants que vos miroirs qui vous regardent pourtant nous aimerions parfois nous abreuver du lait frais de vos figues fendues broyer entre nos dents vos seins aux pointes sombres carter de nos mains douces vos coins d'ombre et blottir notre langue au creux de vos vagins plus beaux de n'avoir pas connu le coutre rvoltant le doigt capuchonn plein de foutre et de sang.

  • LA MARCHE DU CONCOMBRE J'avais ach't un beau concombre Ben gros, ben long, ben vert Et je revenais sans encombre Du march de Nevers Comm' je transpirais sur la route En portant mon panier J'm'arrtai pour casser la crote Au pied d'un peuplier V'l que j'dball' mes p'tit's affaires Mon pain et mon couteau Et l'bout d'lard que j'avais d'hier Il tait pas ben beau Crnom, que j'dis, si ma patronne N'tait point si rapiat J'ai l des chos' qui sont ren bonnes Dans mon p'tit panier plat M'en voil bentt que j'soulve L'couvercle de c't'engin Rien que d'voir a j'ai eu la sve Qui m'coulait sur le groin Pour sr j'avais l'air d'un gendarme Avec mon grand couteau Car le concombr' qui voit cette arme Il clate en sanglots Moi, pour vous dir', je trouv' a drle D'voir ce bestiau pleurer Mais voil qu'i prend la parole Et qu'il me dit piti Ma bell' Suzon, soyez sensible Et ne m'ventrez point Car c'est crit noir dans la Bible Faut pas tuer son prochain

  • J'vous assur' que d'tre concombre C'est un sort trs affreux Y a rien au mond' qui soye pus sombre Et qui soye moins glorieux On finit nos jours sur des tables Coups en ch'tits morceaux Sals, poivrs, sort dtestable Pour l'estomac des sots Le dram', a vien d'not' couleur verte fair' tourner les sangs C'est point normal, a dconcerte Et a fait impuissant Vraiment, le sort est donc ben bte Qui nous a fait verdir Moi j'en connais dans des braguettes Qui n'ont point ptir Pourtant i sont parfois malingres Ils sont point lourds ni gros Ils ont la salive un peu pingre Et la peau sur les os I s'cach' le cul dans la broussaille Et s'fourr' le nez dans l'noir Et c'est pas souvent qu'i travaillent peine un p'tit peu l'soir Mais c'est ceux-l qu'on les dorlote Avec des noms d'oiseaux On les taquine, on les chochotte On leur bis' le museau On les caress' dans tous les sens Afin d'les fortifier Et on leur donn' des bains d'jouvence Pour mieux les fair' pousser

  • Si i regimb' on les cline On les caresse encor Jusqu' c'qu'i sing' les aubergines Tant qu'i sont roug' et forts Et l quand i sont ben en forme On les r'piqu' dans des trous Pour qu'i grandiss' pus haut qu'des ormes Sans s'fatiguer du tout Alors pendant qu'on tass' la terre En r'muant tout autour Ces cochons-l i crach' en l'air Malgr tous les mamours Vous croiriez p'tte alors qu'on s'venge grands coups d'brosse dents Ou qu'on les batte ou qu'on les mange ? On fait juste semblant ! Mais nous, qu'on est verts comme des arbres Et qu'on est aussi beaux Not' sort attendrirait un marbre On nous crve au couteau ! En coutant causer c'concombre J'tais apitoye C'est vrai qu'son sort tait ben sombre I valait mieux l'noyer Comm'y avait pas d'eau sur la route J'ai rel'v mon jupon Et j'me l'ai fourr dans les soutes Crnom, c'que c'tait bon Je l'ai r'tir avant qu'i n'meure Pour le rcompenser Et j'me suis r'mise batt' le beurre Histoir' de l'amuser

  • Une heure aprs j'tais fort aise Et le concombre aussi Viens l mon gros que je te baise C'est a que j'y ai dit Et quand j' l'ai vu j'ai pas eu crainte Qu'on l'mange au r'pas du soir Car il avait pris une teinte Rouge comme un homard Voil l'histoir' de ce concombre Ben gros, ben long, ben vert Que je ramenais sans encombre Du march de Nud Vert.

  • LA MESSE EN JEAN MINEUR par J.S. Bachique

    AMIS je veux jaculer Tout le vieux foutre accumul Dans la boutique de mes couilles Je sens se roidir mon andouille Il n'est plus temps de reculer Mle, femelle, ne ou citrouille Ce soir je vais tout enculer C'EST l'glise que je veux Sodomiser tous ces morveux Enfilons nos noires soutanes Pareils aux boules des platanes Nos roustons noirs font les nerveux Nous sommes nus sous nos roupanes Passe une belle aux longs cheveux DGAINONS la trique violette Qui hennit et rompt sa gourmette chappant nos couturiers Je lve mon noir tablier La belle lche ma ququette Attisant le feu meurtrier D'une langue rose et proprette VOICI que le corbeau croasse Voici que mon engin bavasse Et que dj brament les chantres Tantt je sors et tantt j'entre Et je rpands l'cre lavasse Issue du doigt que j'ai au ventre Au bnitier de sa conasse MON sperme a crach sur sa tombe Et j mon braquemard retombe Mais a belle sait mille tours Et me tend son cul de velours Cul de houri cul de colombe Qui s'offre rose et sans dtours Et je m'y rue comme une bombe

  • COMME une flche dans la cible Comme un protestant dans la bible Ma queue palpite de bonheur Et la belle rit de douleur Cul d'une courbure indicible Plus ferme qu'un cul de facteur De foutre il faut que je te crible SE dgageant d'un coup de hanches Elle se retourne et se penche Sur le btonnet rabougri Et dgot de mistigri Elle a de grands yeux de pervenche Et me suotte mon grigri miracle ! amis, c'tait dents blanches ! L'APOTHOSE alors clate Un beau cardinal carlate Encule les enfants de chur Qui chantent faux de tout leur cur Se branlant dans une tomate Le cur dcharge vainqueur...

    Un spectacle offert par COLGATE !

  • DRENCULA Extraits du Journal de David Benson

    I

    Je me trouvais depuis une heure peine dans le

    chteau du comte Drencula et dj l'aspect sinistre de ce lieu faisait natre dans mon cur les plus sombres pressentiments.

    La demeure du comte s'levait dans une des rgions les plus sauvages de la grande fort de Transylvanie qui projette l'assaut des premiers contreforts des Carpathes ses hordes noires de grands pins d'Autriche et de mlzes au front ddaigneux ; le chteau, tout en haut d'un peron de roche, dominait un ravin profond, tout en bas duquel grondait un torrent mousseux.

    Le comte avait pri l'tude d'avou qui m'employait Londres de lui dlguer un de ses reprsentants, afin, crivait-il, de mettre en ordre certains papiers importants ; j'avais dans mon portefeuille la copie de la rponse qui m'accrditait auprs de lui, et cette petite feuille blanche tait la seule chose qui pt en l'occurrence dissiper quelque peu mon angoisse.

    En effet, depuis une heure que j'avais franchi le seuil de l'austre btiment de pierre grise, pas une me ne s'tait offerte mon regard. Seules quelques chauves-souris tournoyaient bizarrement dans l'air, peuplant de leurs cris aigres le silence oppressant, et il ne fallait rien moins que le souvenir de mon grand bureau lambriss de Londres pour me remettre d'aplomb.

    En parcourant, l'une aprs l'autre, les salles dsertes, je finis nanmoins par dcouvrir, niche derrire une tourelle carre qui se dressait au Nord, une chambre o rugissait un feu de bches. Un billet, plac sur une table, ct d'un repas copieux, m'informait que le propritaire, la chasse depuis deux jours, s'excusait de me recevoir de faon aussi cavalire, me priant de m'tablir du mieux que je le pouvais en attendant son retour.

    Chose trange, le ct mystrieux de l'affaire, loin d'accrotre mes alarmes, les dissipa, et c'est le cur lger que je soupai fort convenablement.

  • Puis, me dshabillant compltement, car la chaleur tait touffante, je m'allongeai devant le feu sur une immense peau d'ours noir qui conservait encore un lger parfum de fauve, ceci sans doute en raison des mthodes rudimentaires appliques sa conservation par les montagnards de l'endroit.

    II

    Je fus tir de ma torpeur par une sensation

    d'touffement et par une autre sensation, celle-l parfaitement inconnue. Mon pass de clibataire rang ne m'avait pas prpar sans doute semblable exprience ; mais en mme temps qu'un poids qui me parut considrable s'appuyait sur ma poitrine, j'avais l'impression que mon sexe entier se trouvait plong dans une caverne chaude et singulirement mobile, et qu'il retirait de cette excitation nouvelle pour lui un accroissement de force et de volume parfaitement anormal. Reprenant peu peu conscience, je m'aperus que mon nez et ma bouche taient froisss par un duvet lastique ; une odeur particulire, un peu tourdissante emplissait mes narines et en levant les mains, je rencontrai deux globes lisses et soyeux qui frmirent mon contact et se soulevrent un peu ; ce sur quoi, percevant une certaine humidit sur ma lvre suprieure, je lchai cette humidit et ma langue pntra dans une fente charnue et brlante qui entreprit cet instant une longue srie de contractions. J'aspirais le jus succulent qui me coulait maintenant dans la bouche et je me rendis compte alors que quelqu'un se tenait tendu sur moi de tout son long, tte-bche, me rongeant le membre tandis que je lui rendais, de l'autre ct, la politesse ; moi, David Benson, j'tais en train de brouter l'organe d'une crature, et j'en tirais un plaisir extrme.

    Cette constatation me frappa dans l'instant que, pris d'un violent transport, je laissai chapper une grande quantit de sperme, aval aussitt mis. En mme temps, les cuisses qui m'enserraient la tte se raidirent ; je fis de mon mieux, plongeant et ramenant la langue aussi vite que je le pouvais, et j'absorbai tout ce que je pus tirer du calice exaspr qui dansait contre ma

  • bouche. Mes mains ne restaient pas inactives, parcourant de haut en bas la raie parfume o mon nez qutait un arome aphrodisiaque ; mes doigts pntraient par instants dans une fosse diffrente et plus difficile d'accs.

    Je suis fichu, pensai-je. Le comte est un vampire et cette personne est son service. Et voil que je deviens vampire moi-mme...

    La crature, ce moment, poussa un peu plus son cul contre mon nez et je sentis venir l'assaut de mon menton une grosseur velue et dure. Ttant l'objet, je reconnus qu'il se prolongeait par un membre raide et turgescent qui se dmenait pour s'introduire dans ma bouche.

    Je rve... pensai-je. Les deux sexes ne peuvent tre runis en une mme personne.

    Et, comme il faut profiter des rves pour accrotre son exprience, je suai ce membre aussi bien que je le pus, ramenant ma langue vers mon palais pour lui faire parcourir le sillon qui partageait en deux le gland, car je voulais pousser leur fin ces recherches topographiques. L'activit du vampire continuait autour de mon ventre, et je ne sais comment, aid par un repliement que j'avais d effectuer sans m'en rendre compte, il me lchait les bords du derrire avec une langue pointue et mobile comme une tte de serpent. Ma verge amollie reprenait vigueur ce contact.

    Une ultime longation de la tige que je ttais avidement m'avertit d'un changement soudain et j'eus la bouche emplie de cinq six gicles d'un sperme savoureux dont le got de lessive laissait trs vite la place un arme discret de truffe. Avant que j'aie eu le temps d'avaler tout, le vampire fit un retournement rapide et sa bouche se colla contre la mienne, fouillant mes gencives et mon gosier pour rcuprer les quelques filaments qui s'y trouvaient encore. Cependant, mon sexe envahissait un goulet torride et doux, tandis qu'une main lgre, parvenue aux abords de mon anus, y faisait pntrer un phalle encore timide, mais qui s'affermit de secousse en secousse, m'affolant des transports les plus vifs et les plus inattendus.

    M'efforant de reprendre conscience, j'eus le temps de rflchir que c'tait forcment un rve, puisque le

  • vagin qui, la minute prcdente, s'ouvrait entre l'anus et les testicules, se trouvait maintenant au-dessus de la verge, et je continuai d'en profiter. La bte me parcourait le visage de lchettes rapides et fugaces, prs des yeux, des oreilles et des tempes, endroits que je n'eusse jamais supposs si sensibles. Il me venait une envie de voir cette crature, mais les lueurs mourantes du feu me permettaient peine de distinguer une partie de son ombre qui se dcoupait contre-jour sur la rougeur teinte de l'tre.

    Mais ces rflexions furent arrtes par une nouvelle vague de jouissance qui me saisit et je dardai un fleuve de liqueur au fond de l'tau qui m'treignait le membre tandis que je sentais au plus profond de mes entrailles se rpandre celle de mon succube. Crispant mes mains sur des seins aigus et durs au point que je sentais leurs mamelons vriller ma chair, je perdis connaissance, puis par des impressions aussi terribles et aussi fortes.

    *

    ** Le journal de David Benson s'arrtait l. Ces

    quelques feuillets furent dcouverts prs de son corps, aux environs du chteau inhabit de Radzaganyi, en Hongrie. David Benson avait t en partie dvor par les btes froces, qui, chose curieuse, s'taient attaques son bas-ventre, compltement rong, et avaient couvert son visage d'excrments et d'urine.