46

Bric-à-brac. L'objet aimé

  • Upload
    others

  • View
    9

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

BRIC-A-BRAC

L'OBJET AIMÉ

ŒUVRES DE JEAN DE LA VARENDE

AUX EDITIONS PLON ET A LA PALATINE Les Manants du Roi, Nez-de-Cuir, Heureux les Humbles, La Normandie en Fleurs, La Valse triste de Sibélius, Six Lettres à un Jeune Prince, Pays d'Ouche, L'Amour de Monsieur de Bonne-

ville, La Tourmente, Le Sorcier vert, L'abbaye du Bec-Hellouin, Châteaux de Normandie. Des marins, de l'honneur et des

dames.

AUX EDITIONS GRASSET, FASQUELLE Le Centaure de Dieu, Indulgence plénière, Le Roi d'Ecosse, Man d'Arc, L'Homme aux Gants de Toile, Le Troisième Jour, Le Souverain Seigneur, Les Broglie. AUX EDITIONS FLAMMARION Anne d'Autriche, Suffren et ses Ennemis, Jean Bart, La Navigation sentimentale, La Dernière Fête, Monsieur le Duc, Le Nom de Monsieur Rudel, L'Amour sacré et l'Amour pro-

fane, Tourville,

Les Belles Esclaves, Guillaume le Bâtard Conqué-

rant, La Sorcière (aussi aux Ed. J'ai

Lu) Le Cavalier seul, Cœur pensif, La Partisane.

A LA LIBRAIRIE ACADEMIQUE PERRIN Par monts et merveilles de

Normandie EDITIONS LEFEBVRE Versailles. AUX EDITIONS DU ROCHER Dans le Goût espagnol, Amours, Monsieur Vincent, Bric-à-Brac. AUX EDITIONS HACHETTE Monsieur le Duc de Saint-Simon, Le Mariage de Mademoiselle, Ah ! Monsieur, Un Sot Mariage (Biblio. Verte). EN LIVRE DE POCHE Nez-de-Cuir, Man d'Arc, Saint Jean Bosco, Le Centaure de Dieu, Les Manants du Roi, Pays d'Ouche. EDITIONS WAPLER Les Gentilshommes, Esculape. EDITIONS CALMANN-LEVY Le Mont-Saint-Michel. EDITIONS SUN L'Abbaye du Bec-Hellouin. HORS EDITEUR Châteaux de Normandie, En parcourant la Normandie, Le Haras du Pin, Côtes de Normandie, Contes Sauvages, Amers, Fer-

vents.

LA VARENDE

BRIC-A-BRAC

L'OBJET AIMÉ

PLON

La Loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'Article 41, d'une part, que les « copies ou reproductions stricte- ment réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représenta- tion ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (ali- néa 1 de l'Article 40).

Cette représentation ou reproduction par quelque procédé que ce soit constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les Articles 425 et suivants du Code Pénal.

© Éditions du Rocher (Monaco) 1952 pour Bric-à-Brac. Librairie Plon 1957 pour L'Ob'et aimé et Librairie Plon 1972 pour la présente édition.

Ces petits livres — Bric-à-Brac, l'Objet aimé — je les dédie aux vivants, qui, de leur art et de leur tendresse, animent les choses ina- nimées dont la sollicitude nous aide à vivre. Je les consacre aussi à ceux qui ont souffert de les aban- donner. Un beau meuble est un ami qu'on hospitalise, qu'on soi- gne, dont la présence vous enno- blissait et vous égayait le cœur, et que la pauvreté vous arrache.

L. V.

BRIC-A-BRAC

PORCELAINE

A Madame la Marquise Fraguier.

I

En revenant de chez Madame de Pompadour, la jeune comtesse de Vinzelhes écrivit au margrave de Rœthling, son papa :

« Monsieur mon père,

« Je vous fais envoyer, pour le grand salon de musique, un lustre qui passe pour le chef-d'œuvre de la manufacture de Vincennes. Vous ne regretterez pas les bras en verre de Venise que les bombes vous ont brisés... Notre fabrique de Meissen peut bien lutter avec les Parisiens, mais, Monsieur mon Père, les Saxons seront encore battus. J'espère que le lustre arrivera pour votre anniversaire. C'est un concert champêtre dans le goût de M. Boucher, premier peintre du Roi... »

Le lustre, en effet, jumeau de celui que la marquise de Pompadour venait d'accrocher dans son grand vesti-

bule de Choisy, empruntait son décor aux pastorales. Bergers et bergères y jouaient du pipeau, de la musette, de la petite flûte et du hautbois, dans un gracieux assemblage de fleurs ouvertes. Un bouquet immense ; toutes les fleurs des champs diapraient les rinceaux, pervenches, anémones, œillets, scabieuses, colchiques ; celles du printemps et celles de l'automne, et, tout en bas, les ellébores, qui noircissent sur la neige... Le jasmin et le volubilis, qu'on nomme aussi liseron, le petit lis, s'enlaçaient aux porte-bougies. Les fleurs assié- geaient les figurines, les statuettes, personnages d'un pays fabuleux où les corolles étaient plus grandes que les visages. Madame de Vinzelhes, enthousiasmée, l'avait retenu tout de suite : Monsieur son Papa était grand amateur de porcelaines.

La manufacture de Vincennes le livra très vite, et le lustre attendit dans l'office de l'hôtel de Vinzelhes, entouré de la considération générale. La livrée s'exta- siait ; Bœhm, le majordome, un ancien soldat du mar- grave, l'avait déjà garni et l'allumait quand survint la jeune femme. A chaque bougie qui brillait se préci- saient les détails. Madame de Vinzelhes, mains jointes, tournait autour.

Il paraissait énorme. L'office était grand, mais le lustre l'encombrait, le remplissait. Il semblait deux fois plus important que celui que Madame de Vinzelhes venait d'admirer chez la favorite, où, dans une rotonde fort élevée et pendu à sept mètres du sol, il était à sa place. Ici, il devenait démesuré, mais elle se souve-

nait du château familial que le margrave avait encore agrandi avec la paix. Les vingt-cinq cires allumées, l'office parut consacré à l'éblouissant météore de kaolin, d'or et d'émail. Aux trois portes, les domestiques s'entassaient.

On l'avait posé sur deux chevalets hauts d'une toise qui portaient une perche passée dans son anneau. Il touchait presque le carrelage bien qu'on eût démonté son dernier bouquet d'ellébores.

— Mais comment l'ont-ils amené ? — A quatre hommes, Madame, et suspendu... — C'est pour Monsieur le Marquis, Bœhm, et je

veux le lui envoyer pour ses soixante ans. Mon cher père aura soixante ans en octobre.

— Voilà un beau cadeau, Madame ; mais il faudra le démonter et tout bien emballer. Il vaudrait peut-être mieux demander à la manufacture royale... Cependant — ajouta-t-il, soucieux, — les fleurettes et feuillages adhèrent aux armatures...

— Et arriveraient-ils à le remonter, Bœhm, en Saxe ? — Sûrement, Madame ; les porcelainiers de Saxe... — Monsieur le Margrave piétinera autour et c'est

ainsi, tout monté, qu'il est beau... Quelle est la dis- tance d'ici à Rœthling, Bœhm ?

— Quatre-vingt-dix-neuf lieues de Paris à Stras- bourg ; cinquante-sept de Strasbourg à Anspach ; qua- rante-sept d'Anspach à Dresde, et dix de Dresde à Rœthling. Deux cent treize, Madame, en passant par les bonnes routes.

— Eh bien, Bœhm, prenez des hommes et portez-le comme il est venu.

Le maître d'hôtel eut un haut-le-corps : — Madame !... — puis, soudain, il sourit : « Ce ne

serait pas impossible... — Bien sûr que non, Bœhm. Le majordome réfléchissait : — J'emmènerais huit vigoureux porteurs de chaise,

des Allemands, qui ne redoutent point l'effort et qui obéissent... Ils seraient contents de revoir le pays, et, moi-même... Nous ferions dix lieues par jour, et, en comptant les dimanches et les jours de pluie, nous mettrions un peu plus d'un mois... On marchera même les jours de pluie, avec un petit toit sur le lustre. Et nous reviendrions par les voitures publiques.

II

Il en fut ainsi. Après trois lieues, le lustre allait en faire, à bras d'hommes, plus de deux cents. On établit, pour le surélever, une paire de brancards cin- trés rejoints par une traverse centrale où il s'accrochait. Il se balançait comme une cloche ovoïde, à un pied du sol ; on l'emballa avec des toiles cirées et translucides, de manière à bien montrer sa fragilité et qu'on y prît garde. Les hommes au repos portaient les deux cheva- lets qui le soutenaient durant les haltes. Bœhm était radieux. Leur cortège fit grand effet sur la population des campagnes et des villes. Bœhm, qui avait servi et pris des grades, donna des livrées à ses huit compagnons, et lui-même revêtit la tenue écarlate de chasse et de

voyage. Il aimait le bon ordre et l' allure martiale ; il marchait devant avec sa grande canne de majordome qui portait un petit bouquet de fleurs de porcelaine donné par la Manufacture. La fabrique de Vincennes sentait le prix d'une pareille exposition ambulante à travers toute l'Allemagne.

En traversant la Champagne, ils étaient suivis par des troupes d'enfants qui faisaient une étape. Aux environs de Bar-le-Duc, une vieille s'agenouilla sur leur passage, dans la croyance qu'ils portaient des reliques. Durant les très vieux âges, on ramenait ainsi les corps saints, et sans doute, la douairière rustique l'avait-elle entendu dire. Avant de traverser les villes, ils se donnaient mutuellement un coup de brosse, et chacun d'eux portait une fleur de Vincennes à la boutonnière. Ils marchaient au pas cadencé en tendant le jarret. Le temps n'avait pas un nuage.

Ils finissaient par se prendre tout à fait au sérieux. Cette belle pièce déterminait une curiosité si vive et tant d'admiration qu'ils se jugeaient investis d'une mission supérieure. Aux arrêts nocturnes, ils couchaient dans une grange autour de l'objet suspendu, car il fal- lait parer à l'affluence des visiteurs. Pour les sei- gneurs, Bœhm défaisait l'enveloppe. Les porteurs connaissaient toutes les statuettes et leur avaient donné un nom : Frida, la pastourelle, Gretel, la chevrière, Hedwige, la laitière, près du matassin aux pipeaux d'or. Bœhm avait nommé la plus jolie, Martine, en souvenir de sa mie parisienne. Passé Strasbourg, l'enthousiasme universel leur donna encore plus de hauteur. Les Allemands leur faisaient la conduite en fumant leurs pipes longues. Les renommées les précé-

daient ; on les attendait à la porte des petites villes, et Bœhm n'eut plus d'hôtellerie à régler : on les logeait dans les bâtiments de l'hôtel de ville ou chez des patri- ciens, et le lustre, sans avoir perdu un pétale, attendait l'hommage de la cité.

A Gotha, le bourgmestre, après avoir complimenté le chef, le prit à part :

— Je dois vous faire connaître des nouvelles inquié- tantes. Le Roi de Prusse en veut à la Saxe, et entre- prendrait de s'en saisir.

— Holà, holà !... — fit le majordome en cessant de sourire.

Ils avaient grossi ; prenaient du ventre et des cou- leurs. Bœhm qui avait emmené de Paris de rudes et secs compagnons, tout os et muscles, se voyait suivi de huit gaillards à la trogne fleurie qui inspiraient confiance.

— Oui, — reprit le maire — et je crains fort que cela ne soit vrai. Mon fils rentre de Berlin.

Bœhm secoua la tête : — Ce serait trop jouer de malheur... Je mettrai

les bouchées doubles. Je vais louer huit hommes de plus et une carriole attelée pour les y faire reposer : on marchera jour et nuit ; les porteurs de rechange dormiront dans le char à bancs. Je n'ose pas mettre le lustre en voiture, même sur ses chevalets, à cause des chemins ; il y a des ornières d'une coudée !...

Ils repartirent ainsi, mais sans rencontrer l'enthou-

siasme ancien ; l'idée de la guerre glaçait les badauds et les seigneurs avaient d'autres préoccupations. Et puis ils ne suivaient plus les grand-routes, trop encombrées. Ainsi avançaient-ils de nuit et faisant plutôt peur, avec leur quatre boules lumineuses au ras de terre, car, devant chaque porteur, on avait suspendu une lanterne pour guider ses pas.

Une nuit, ils furent poursuivis, rejoints par un pelo- ton de cavalerie. On les avait dénoncés comme chargés par le roi de Prusse d'une machine infernale pour faire sauter le grand pont de l'Elbe, entre Leipzig et Dresde. Ce fardeau qu'on portait avec tant de précautions ne pouvait être qu'un explosif. Ce ne fut toutefois qu'une fausse alerte ; devant le cornette soupçonneux, Bœhm dévoila le lustre, et soudain, dans la lueur de la lan- terne, Martine apparut, avec son tablier relevé plein de pommes, sa guirlande, sa cotte rouge et son jupon gris. A la flamme du falot, la belle jardinière rosissait plus encore et souriait au cavalier, qui lui rendit son sourire et libéra l'escorte. Mais :

— Défiez-vous : les troupes prussiennes sont à cinq lieues. Que ferez-vous ?

— Je passerai, — répondit Bœhm, fièrement.

Ce devait être la journée difficile. Pus personne : ils étaient seuls dans la campagne désertée. On enten- dait le canon. Bœhm immobilisa la troupe. Que tout le monde fît sa toilette ; tous, rasés de frais ; qu'on repoudrât les perruques, et qu'on retendît les rubans de queue : escarpins miroirs !...

Lui-même, sur deux lances de uhlans, déplia des serviettes damassées trouvées en route et qui firent de beaux drapeaux blancs. On libéra le lustre, on lui enleva sa toiture disgracieuse, et, aux rayons de l'aube, il scintillait comme un astre matinal au milieu des hommes rouges. Ils s'étaient postés à un grand carre- four. Les deux porte-drapeaux entouraient Bœhm fleu- rant la farine d'iris et ganté de blanc.

— VOICI LES PRUSSIENS !... Une avant-garde montée passa, dont le chef s'arrêta

surpris. Bœhm s'avança, le tricorne à la main, salua, talons joints ; dit qu'il arrivait de France, tout droit de Paris :

— ... de Paris, de Paris, — répéta-t-il — et pour porter à Monsieur le Margrave de Rœthling, le plus beau lustre de la Manufacture du Roi, du roi de France...

Il tendit son passeport signé de M. de Bernis et demanda à être conduit au quartier général. Les por- teurs au garde à vous..., leur grande mine..., le soleil sur les splendeurs : on leur octroya un cavalier. Alors, sur la berme, ils remontèrent le courant des troupes déjà salies. Le météore s'avançait, éblouissant ; Bœhm avait fait prendre à son peloton le côté ouest de la route, et les rayons du soleil rutilaient sur les porce- laines et les bronzes dorés. Toute la cavalerie avait ralenti, et, de loin, les hommes se haussaient sur les étriers. Le cavalier d'escorte, lui-même gagné, précédait Bœhm et ses drapeaux blancs; il criait : « Pariss !!...

Pariss !... Franckreich !... » Des officiers suivaient, qui reviendraient au trot. Le lustre freinait l'avance prus- sienne... Bœhm remonta la colonne près de deux heures.

Le soldat s'arrêta devant un état-major, et en un clin d'œil le lustre fut déposé sur ses fourches. Le majordome fit se découvrir ses hommes et s'incliner ses drapeaux... car...

Car, dans le grand silence soudain, les rangs galonnés s'ouvraient et parut un cavalier voûté, coiffé d'un immense tricorne pelé à plumes blanches et cocarde ; un vieil uniforme bleu, luisant, avec une plaque bril- lante de joaillerie, à gauche... Un long visage ingrat et jaune, tiré par un nez plus long encore. Bœhm le reconnut à tant d'images qui l'avaient popularisé et au respect qui l'entourait : C'était Frédéric le Deuxième, que l'Histoire dut appeler le Grand.

— Tu viens vraiment de Paris ? — demanda le prince sans sourire.

— Oui, Sire : de l'hôtel de Vinzelhes, au coin du faubourg Saint-Germain et de la rue du Bac.

Et Bœhm tendit son passeport, non point au monar- que, car il avait du savoir-vivre, mais à un aide de camp, qui le lut et en donna communcation. Le roi de Prusse ne quittait pas le lustre des yeux. Le prince sourit enfin, un peu sinistrement :

— Tu porteras, avec ton lustre, mes compliments à M. le margrave de Rœthling, avant que je m'y rende moi-même...

Hélas, Rœthling était aux confins de la Saxe, à toucher la Bohême...

Le roi rêvait ; il parla comme pour lui seul :

« ... de Paris, de Paris !... Et qu'il est beau ! L'électeur de Saxe aura fort à faire pour maintenir la réputation de ses porcelaines... Ah, ces Français !... Ils ont trouvé un nouveau rose, paraît-il... Faudra-t-il donc s'adresser à eux pour mes salons de porcelaine de Sans-Souci ?... Un rose plus frais que l'aurore et plus dur que l'onyx... Délivrez une sauvegarde, avec toute l'aide au porteur !... Donnez pour boire. Ne crie pas Vive le Roi ; à ton accent, j'ai su que tu étais Saxon. En route !

Alors ils crurent pouvoir prendre un peu de repos ; la rencontre les avait plus fatigués qu'une triple étape. Ils quittèrent le grand chemin et s'établirent dans une ferme abandonnée où il restait un peu de fourrrage pour les lits. Bœhm avait placé le lustre dans la salle de la ferme et s'endormit dans le fauteuil du grand- père quand ses hommes ronflaient dans la grange. Il était épuisé mais heureux.

Une détonation le réveilla en sursaut, le sortit de son sommeil de plomb ; trois soldats rieurs avaient fendu la tarlatane, et, à bonne distance, ils tiraient sur le lustre ; sur le lustre que venait d'admirer le Grand Frédéric ! Ils tiraient sur les statuettes de Vin- cennes comme sur des poupées de tir. Une autre déto- nation qui ne brisa rien ! Il n'y en eut pas trois, Bœhm s'était jeté entre le lustre et les soldats, les bras ouverts.

— V'a-t'en, ou l'on te vise... — crièrent-ils. — Vous serez pendus !... — rugit le majordome. Tous les porteurs réveillés étaient aux portes de la

salle avec des bâtons. Les traînards, qui n'avaient plus qu'un pistolet chargé, virent trop de triques en l'air et trop de monde...

« J'ai un sauf-conduit du Roi lui-même ! — pro- clama Bœhm.

— C'est bon ; on s'amusait... Et ils partirent.

Le premier coup avait tranché deux fleurettes que Bœhm ramassa et mit dans un petit sac avec celles de rechange. Il recousit tant bien que mal l'enveloppe, et l'on s'en alla.

Mais la veine avait tourné ; comme si la première atteinte au lustre avait changé le destin. Ils n'avancèrent qu'à peine, arrêtés tous les quarts d'heure. Bœhm conser- vait le sauf-conduit à la main. On les rejeta dans la campagne ; on ne leur accordait que le droit de dis- paraître. Ils firent halte vers le soir, n'osant plus mar- cher de nuit en voyant autour d'eux scintiller tous les feux de bivac et aussi rougir des incendies. Pas une maison sauve ou libre, tout avait été détruit ou logeait des troupes. Ils se muchèrent dans un petit bois, mais l'endroit était marécageux et traître, et un des por- teurs tomba entraînant le lustre ; une chute, la pre- mière. L'homme se releva en pleurant ; c'était un des plus fidèles, un Wurtembergeois, très fort et très doux. Une des branches du lustre avait cédé, pluvérisant ses liserons.

— Ce n'est rien, — fit Bœhm, mais lui-même était ému.

Ils dormirent mal, hantés de moustiques, mais renon- çant au feu de branches qui les aurait préservés.

Au matin, ils reprirent la route. L'armée s'était écoulée. Ils furent seuls.

A dix heures, une troupe de cavalerie parut au sommet de l'insensible pente, dans cette plaine sans limites où l'on voyait à trois lieues. Quand elle appro- cha, Bœhm eut enfin peur. C'était une troupe sauvage de mercenaires bulgares, les stradiots de jadis, qu'on engageait par habitude et pour les coupables besognes. Ils étaient sales, loqueteux. Leurs falaques, le fouet tressé, leur pendaient aux poignets. Leur chef, une espèce d'Amaute, considéra ces hommes bien mis, et, brusquement, en mauvais dialecte :

— Donnez-nous vos habits ! — commanda-t-il. Les pistolets les entouraient de leur œil fixe et

noir. Le digne Bœhm s exécuta. Ils se déshabillèrent. Deux des porteurs qui voulurent résister furent roués de coups. Les treize hommes ne gardaient plus que leurs chemises.

— Bon voyage! — fit l'Arnaute. Et les vêtements entassés dans le char à bancs qu'ils

emmenèrent, ils s'en allèrent au pas. — Repartons, — déclara Bœhm : je vous rhabillerai... — Mais vous n'avez plus d'argent, — dirent les

hommes, — quand on n'a plus de poche, on n'a plus de bourse.

— J'en ai, j'en aurai. Marchons. Ils essayèrent, mais on leur avait même pris leurs

chaussures, leurs solides escarpins à hautes guêtres de piqueux. Ils n'avaient plus l'habitude d'aller pieds nus, et bien qu'ils marchassent sur l'herbe, ils grimaçaient,

se tortillaient. Ah, cette fois, ils ressemblaient bien à quelque pèlerinage de pénitents, dans leurs longues « chainses », dans leurs vastes chemises qui battaient au vent, et se relevaient sur leurs jambes velues, leurs pieds poudreux. Le lustre insultait à leur dénuement, à leur misère. Ils ne chantaient plus leurs beaux lieder à plusieurs voix, et stoppaient tous les quarts de lieu.

Mais ils furent rejoints par cinq cavaliers. — Les chemises sont bonnes ! — firent les stradiots,

en ricanant. Et, consternés, au comble du chagrin, de la honte,

les porteurs furent nus. Tout nous sous le grand soleil de midi. Ils s'étaient arrêtés, à bout de courage, vaincus, n'osant pas se regarder les uns les autres.

C'est alors que Boœhm montra son âme de chef, de maître des hommes : IL ÉCLATA DE RIRE :

— Quelle histoire, quelle histoire ! quelle aventure à raconter chez nous ! Quelle histoire pour l'office, pour Martine, pour Lisbeth et pour Ninon ! Qu'en dira-t-on à la maison, quand on saura que les porteurs de Madame la comtesse de Vinzelhes, née margrave de Rœthling, durent finir l'étape aussi nus que des nou- veau-nés ? nus comme Adam avant la faute, nus comme les naturels du Mexique ou de la mer Caraïbe, ou de Sénégambie ?...

Et lui-même, gagné par son jeu, commençait de franchement s'égayer ; après tout, ce n'était pas si grave ; surprenant, mais, pas plus ; ridicule, à coup sûr... En voyant tous ses bonshommes hésitants,

penauds, gras, luisants, pudiques, les mains ouvertes et basses, il se tordit de rire, d'un vrai rire fou, gonflant, dégonflant, irrésistible, si bien que les autres perdirent leur mine contrainte, peu à peu, et que, bientôt, tous, ils pouffèrent.

— Allons, les tout nus, en marche ! Y a, là-bas, une maison où vous vous cacherez... En route les tout nus ! Marche à poil et marche à cru ! !

Ils riaient, et cependant le soleil tapait et tapait dur, les chauffait, les rôtissait ; les bâtons leur entraient dans la chair et quand la brise soufflait, ils avaient froid. Ils se reprirent à chanter.

Heureusement, pas âme qui vive ; seul un petit pâtre qui s'enfuit malgré les appels de Bœhm.

A la halte, celui-ci prit un parti héroïque. Ça ne pouvait pas continuer. Il les logerait dans un taillis et partirait leur chercher des vêtements, n'importe lesquels, des hardes paysannes, des loques. Il fendit tant bien que mal la tarlatane du lustre et s'en fit une culotte-robe, et avec la toile du toit se drapa dans une pèlerine. Ainsi, sans cesser d'être étrange, avec ses jambes et ses pieds nus, devenait-il possible, acceptable. Il y eut assez d'étoffe pour vêtir succinctement un compagnon, et les deux hommes partirent à la recher- che du secours. Tout le monde était gai. Ils s'étaient assis en rond autour d'un gros arbre dont les feuillages et branchettes avaient servi pour leur faire des ceintures sauvages. Ils se plaisantaient, se félicitaient de leur embonpoint, admiraient leurs tatouages.

Bœhm et son acolyte revinrent bientôt avec deux paysans chargés de vieilles frusques, de sabots, de sacs, et qui riaient aussi. Les porteurs se revêtirent, se pouil-

lèrent, et leur lustre repartit, moins glorieusement, certes, mené par de pauvres hères mais tout aussi dévoués, et qui sabotaient vaillamment.

On les reçut dans un petit hameau miraculeuse- ment épargné par la guerre, et qui s'était mis en état de défense pour lutter contre les traînards. Les maisons se groupaient autour d'un manoir de briques où ils trouvèrent table et gîte, avec un accueil aimable. Trois jours de marche encore, et ils verraient la fin de leurs misères.

Bœhm s'arrangea pour rester seul à côté du lustre. Il s'assura que les portes étaient bien closes et qu'il ne serait pas surveillé, espionné. Les fenêtres étaient petites et hautes, défendues, et il avait le droit de se croire en sûreté. Alors, avec précaution, il souleva une des sta- tuettes du lustre, la renversa, et, au couteau, entreprit d'enlever la cire qui la bouchait, le bloc de cire qui fermait son piédestal. Dessous, c'était des louis, les louis qu'il y avait glissés et noyés dans la masse brune. Il était trop expérimenté pour mettre tous ses œufs dans le même panier, et avant le départ, en grand secret aussi, il avait pris ses précautions. Cinquante louis atten- daient. Il en prit vingt-cinq — on ne savait jamais — et reboucha le tout avec son couteau chauffé dans l'âtre.

Mais, à l'autre bout de la salle, existait une chatière mal fermée ; cette petite ouverture ronde qu'on réser- vait jadis aux matous chargés de faire la police des souris et des rats dans toute la maison. Couché à même

le pavé, un enfant l'avait vu, un enfant qui ne put tenir sa langue. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le campement des stradiots dans la nuit venue. Les chevaux sont entravés et hennissent ; des feux sont allumés et les hommes d'Orient sont autour, chantant des chansons lentes. Dans les feux, brûlent des chaises, des tableaux, des tiroirs. Les hommes, assis à la turque, se balancent au rythme des voix. Dans la maison démantelée, incendiée, des chevaux encore, et des tonneaux crevés.

Un rustre surgit, à bout de souffle, qui se tient la poitrine ; qui finit par parler :

« Alerte... Alerte ! Le lustre contient de l'or ; le lustre est... plein d'or, PLEIN D'OR... C'est de l'or envoyé par la Dauphine de France pour secourir les Saxons... Le lustre faisait passer de l'or... PLEN D'OR, et c'est pour cela qu'il est si lourd... Aux armes !... A l'assaut ! Part égale à chacun... »

III

A Rœthling, le margrave reçoit à dîner ; un grand dîner d'anniversaire. La guerre ne peut empêcher qu'on célèbre son anniversaire. D'ailleurs, jusqu'ici, elle ne pourra venir, elle ne parviendra jamais ; le royaume de Bohême n'eût point admis que la guerre s'avançât jusqu'à ses frontières. Ses officiers sont déjà les hôtes du margrave. Et puis, la guerre n'a jamais empêché des gentilshommes de faire honneur aux plats et aux flacons.

Le margrave a six pieds de haut, des épaules et un col d'auroch, mais une figure brillante, jeune encore, et qu'on aime à voir. La table s'écrase sous les plats d'argent, les rafraîchissoirs et les réchauds. Manger chaud et lamper frais ! On a couru le cerf, on a fait la curée aux flambeaux, et tout va bien. Le margrave vient de boire à la santé de sa fille, et tous ceux-ci, qui l'ont choyée, ont répondu par de grandes accla- mations.

Un valet de pied parle bas à son maître, qui lui répond très haut :

— Qu'il entre, qu'il entre donc !... Et le lustre ? — Il n'y a pas de lustre, Monseigneur, et Bœhm

est blessé... — Ah... Qu'il entre quand même, on le fêtera !... — Il se traîne... — Qu'on le soutienne !... Et Bœhm apparut. Il marchait avec peine, malgré

l'aide d'un serviteur. Un énorme bandage enveloppait sa tête fendue. Derrière, venaient deux autres porteurs, l'un avec le bras en écharpe, et l'autre clopinait en s'appuyant sur une béquille rustique. Il y eut un grand silence, une stupeur. Au milieu de ces lumières, de ces cristaux, de ce luxe, venaient de surgir la souffrance, la longue souffrance, le mal, la détresse...

Le margrave, debout, lui saisit les mains... Toute la table encore assise, attendait...

— Mais Bœhm, mon vieux Bœhm, qu'y a-t-il ?... Dans cet état !... Et le lustre ?

Le majordome tenta de se redresser... — Monseigneur, nous avions tout fait, tout... Mon-

seigneur... — il eut un geste douloureux ; maladroi- tement, fouillant dans sa rhingrave, il en sortit une statuette qu'il posa sur la nappe, et il éclata en san- glots en s'appuyant sur la table, tout secoué.

C'était Martine, avec son tablier relevé plein de pommes, sa guirlande, sa cotte rouge, et son jupon gris, mais la main était brisée qui soutenait quand même le tablier débordant ; Martine, souriant avec l'indif- férence et la grâce des créations humaines qui survivent à ceux qui les ont faites ; Martine, épanouie...

Les dîneurs s'étaient mis debout... — C'est tout, tout ce qui reste — hoquetait Bœhm,

tout ce qui reste, Monseigneur, ET DIX HOMMES SONT MORTS POUR ELLE, EN VOUS L'APPORTANT...

SA FEMME

I

La province, dit-on, ne présente plus rien de ces personnages, de ces situations, qui inspirèrent si for- tement Balzac ; les modes, les journaux, les tares pari- siennes y pénètrent et la rendent, simplement, une banlieue... Non : la petite ville est toujours la même ; cuisinant, mijotant d'exceptionnels caractères, poussant au paroxysme les dévouements et les haines, les sym- pathies et les phobies. Les habitudes que rien ne vient troubler ni combattre, s'incrustent, et, peu à peu, deviennent des vices. Certes, les costumes se rappro- chent de ceux de la capitale, mais, si l'enveloppe se modernise, les âmes restent mesquines ou grandes, silencieuses...

Le couple Erard était bien connu. Lui ? petit et jaune, décharné, des yeux globuleux

et ternes, une moustache molle : une gauloise impuis-

sante. Un dentier inoubliable ; toujours des vêtements noirs, et l'air d'un croque-mort réformé.

Elle ? petite aussi et dénutrifiée à l'extrême ; muette mais vive ; une souris aux minuscules yeux ronds et noirs. Quand elle s'arrêtait de trimer, un léger souffle sortait de ses lèvres, très long et sibilant, comme si elle se dégonflait pour mourir. Brehaigne.

L'épouse disparaissait au moindre bruit. Le mari s'érigeait et aurait presque plastronné. Il était très suivi dans la petite ville ; on en souriait, on le moquait. Sa femme et ses démarcheurs, seuls, le prenaient au sérieux.

Sa vie avait été singulière. Le « père » Erard était né sur son bien, dans une ferme du pays d'Auge, en terrain d'embouche, parmi les herbages les plus plan- tureux du monde. Son auteur, nourrisseur de premier ordre, lui avait inculqué de bons principes, qui, à la suite de circonstances favorables et de beaucoup d'appli- cation, permirent au fils de s'enrichir vraiment. Sa femme lui amena une belle dot ; il acheta une froma- gerie en détresse, que, quinze ans plus tard, après de copieux bénéfices, il revendit huit fois plus cher. Il vendit tout, sauf le lopin paternel, et s'établit en ville sous-préfectorale.

Il vaguait, tout étonné de son aisance et du noncha- loir qu'elle permettait ; qu'elle imposait un peu, car le goût d'une certaine respectabilité lui survenait avec l'âge, et que, de n'avoir plus rien à faire, témoigne de la victoire remportée sur la vie. Il se sentait devenir aristocrate, et c'est un phénomène assez fréquent en cette province méditative, cartésienne. Alors, ils bâtis-

sent ; mais Erard allait se réaliser autrement... Il s'improvisa collectionneur.

Il y avait eu autrefois, en Normandie, une histoire analogue mais avec, en plus, les grands moyens et les hautes réussites : celles des frères Dutuit, dont le Petit-Palais présente les merveilles léguées à la Ville. Les Dutuit, marchands de bois rouennais, avaient eux aussi subi l'engouement, la passion... Dans les premières ventes qu'ils fréquentèrent, on voyait ponter l'un des frères, venu là avec sa blouse. Le commissaire-priseur, étonné, inquiet d'entendre de pareilles enchères sortir d'un si pur croquant, l'appelait, le prévenait gentiment qu'il ne fallait point faire de sottises, et, qu'ici, tout se payait sur l'ongle et comptant... Le bonhomme souriait, de sa grande goule mince entre ses favoris pattes-de- lapin : « Marchez ! » faisait-il, « on a de qué ». Et, de la blousette aux passements fleuris de blanc, il sortait un portefeuille crevant de billets de mille. Mouillant l'index, il comptait...

Mais les Dutuit avaient travaillé quand les beaux objets restaient abordables, et surtout quand ils « remuaient » encore. Bientôt, tout finira par s'immo- biliser entre les mains de l'Etat qui, lui, ne revend jamais. C'est dommage, car l'objet d'art relégué au musée perd les quatre cinquièmes de son action enno- blissante, de sa valeur comme agent familial. Les col- lections particulières sont devenues rares par manque de place et d'argent. Quand les dernières se dispersent sous le marteau, il y a trop de spéculateurs aux aguets.

Il se peut, d'ailleurs, que l'exemple des Dutuit ait été le facteur déterminant du bonhomme Erard, quoi- que ses ambitions restassent bien loin des leurs. Il entreprit de grouper des meubles et des bibelots d'épo- que, c'est-à-dire datant de leur style. Alors, dans sa forte logique, Erard les chercha à la source : chez les gens qui les avaient hérités, dans le « monde » et les châteaux.

On n'y trouvait pas de pièces de très haute valeur à moins d'exception, mais ce qu'on y rencontrait per- mettait de réunir une collection à la gloire de l'ébé- nisterie française. On pourrait même soutenir que ces pièces moyennes sont plus probantes que les absolues raretés, car, dans leur abondance et leur fini, elles indi- quent une tendance si générale, si naturelle vers la perfection, qu'elles restent bien plus significatives que les chefs-d'œuvre sur lesquels jadis tout un atelier s'échina. Quelle qualité de l'artisan certifient ces meu- bles modestes et soignés, cherchés, tendrement réa- lisés ! Quelle soumission à un transformisme intuitif représentent leurs lentes modifications, leur évolution judicieuse, reflétant les nouvelles nécessités, les influences de la mode, de la vie courante ! Erard n'en cherchait pas tant, mais il était mordu.

Avec une cautèle obsidionale pleine de finesse, de ruse, de précautions, Erard assiégea les salons et les châteaux. D'abord, il fallait y pénétrer, ce qui, en soi, dix ans auparavant, eût été bien difficile (et, en fait, pour lui, absolument impossible), mais dont il triom-

pha en utilisant les circonstances. Il mit à profit les malheurs de la Grande Guerre, ses contraintes, ses mutations, et les retraites, les claustrations qu'elle imposa. Il se munit d'une automobile moyenne et d'un chauffeur décent : d'un vrai chauffeur, s'il vous plaît, ce qui le surclassait tout de suite : et, nanti de ces deux organes, il témoigna d'une complaisance inépui- sable. Il « portait », suivant l'expression du pays, tous ces gens qui manquaient d'équipage ; sa voiture devint un taxi bénévole qu'on pouvait toujours invoquer... La courtoisie des obligés, dès qu'ils rentraient chez eux par ce moyen, s'ingéniait : le père Erard partageait le thé et les humides gâteaux secs, le madère avec les Marsala pelure d'oignon des grands-pères — et l'on causait.

Il était confortable, dans sa nullité nonchalante ; on le dominait sans conteste. Et puis, il faisait des visites ; des visites, à une époque où la châtelaine restait parfois trois semaines franches sans descendre au salon ! Faute de grives, ces campagnards, malgré tout mondains, se jetaient sur le merle dépenaillé qui vous arrivait.

Il flattait, il admirait tout, par principe peut-être, et pour endormir le malade ; pour lui tâter le pouls, il s'arrêtait sur certains meubles afin de savoir si la chose était décrochable ou avait été repérée, et il mêlait des chiffres à ses louanges. Dans ces moments diffi- ciles, pareil enthousiasme était réconfortant. En Nor- mandie, il y eut une période cruelle à cause de la dévaluation et des baux à longs termes. Parfois les impôts dépassaient le fermage. Erard, confit, timide, vantait le meuble, regardait le maître de son œil de poisson mort en déglutissant avec lenteur... Quand sur- venait une visite, il ne parlait plus du tout et redeve-

nait carpe. Mais il ne s'en allait pas avant que l'ama- bilité de la maîtresse de maison ne l'eût présenté sous son étiquette de collectionneur, avec sa couronne, son blason de brocante. Le chauffeur arrivait, et le père Erard partait au milieu de l'attention générale.

Bientôt, renseigné par ses parlotes, par son flair de nécrophore, par ses amitiés dans la basoche, il poussait sa tranchée autour des intérieurs dont il savait la gêne aggravée ou nouvelle.

Il y revenait souvent, proposait d'une voix sourde, comme si c'était une chose tout à fait impossible que vous lui cédiez la pièce qu'il convoitait : « Je puis donner plus que les marchands, » arguait-il, confiden- tiel, « puisque je ne cherche pas la revente, et que j'achète pour moi : c'est le prix d'amateur... » Et il revenait encore, toujours, incolore mais sirupeux, pois- sant. Il montrait des entêtements d'insecte. Madame de la Bouverie disait : « J'ai la sensation d'une mouche qu'on chasse et qui vous turlupine sans cesse... Qui tuera, qui écrasera jamais le père Erard ? » Ce ne fut pas elle, en tout cas, car il lui souleva quand même son grand lit-de-jour Louis XV, une poudreuse dont tous les ustensiles étaient de vermeil et de Saxe, et un admirable plâtre original du bailli de Suffren.

Cependant, il avait commencé par ramener des ros- signols. Il les gardait par méfiance, toutefois, et crai-

gnant, que, sous le mépris des antiquaires, ne se cachât une contre-attaque. Mais, comme il opérait dans une région qui avait été très riche, très aristo- cratique, il finit par entasser des dépouilles honorables. Les démarcheurs l'aidaient, et disons que le fromager parvint à acquérir quelque coup d'œil, comme jadis pour ses bœufs.

Pourtant, je le verrai toujours en arrêt devant une bibliothèque de merisier, simple mais jolie, dont il admira véhémentement la corniche, le seul morceau qu'on vînt de refaire, et qui détonnât...

A sa manie, s'ajoutait, certainement, d'abord, un goût spéculatif. Il prophétisait les malheurs financiers de l'Etat et voulait s'assurer de valeurs réelles : « Nous allons à la faillite... L'Allemagne ne paiera point... » disait-il, avec une accentuation de bouche, qui, sur cette figure lamentable, faisait craindre une imminente nausée. De temps à autre, il partait pour Paris afin de faire un tour à « l'Hôtel » (la salle Drouot), car il avait pris le jargon de la confrérie ; et il rentrait, rassuré, passant la main sur les marbres : ça marchait...

Ensuite, vint l'orgueil de la collection. Les achats, primitivement engrangés les uns sur les autres, bon- daient sa petite maison comme un garde-meubles. Il voulut s'agrandir, s'étaler et il réalisa de cocasses ensembles, dans sa nouvelle « résidence ».

Madame Erard avait tout accueilli, non sans quel- que effarement du début, soigneusement caché, vite réprimé, auquel succédèrent une soumission, une solli-

citude complètes. Elle n'y comprenait rien, moins que rien, mais ne voulut connaître que la volonté du maître. Pas d'enfants, chez eux : s'étaient-ils jamais accouplés ? Et la petite femme gardait les principes ruraux et normands. Moins fortunée, elle se fût esquin- tée quatorze heures par jour comme une esclave, pour soutenir la maison et qu'elle marchât. C'est la femme qui supporte tout le poids de la ferme : l'herbager vit comme un caïd. Mais, avec l'opulence, toute sa ferveur se tourna vers le mari. Plus qu'une épouse, elle fut une mère, attentive, indulgente, charmée, idolâtre, complice. Et lui, cependant gâté par ce dévouement d'un quart de siècle, ne manifestait guère de reconnaissance, trou- vait naturelle cette abnégation éperdue. Au fond, il la méprisait affectueusement, sa femme, et elle le sentait ; elle le comprenait : une fois de plus, elle l'approuvait. Pour tâcher d'être à la hauteur, « Minette » interrogeait timidement et tenacement les démarcheurs, les anti- quaires de passage, se procurait des livres de style qui l'enfonçaient mais l'assuraient par l'effort qu'ils deman- daient. Elle, douloureusement mais absolument insen- sible à ces galbes, à ces vernis, à ces bois, elle n'eût pas levé le sourcil pour s'opposer à l'envahissement. Suivant la taille de l'objet, elle disait : « C'est magnifique ! » — « C'est superbe ! » — « C'est joli... » Et, cette prêtresse du mariage, qui aurait vécu dans une arrière-cuisine, s'empressa, s'exténua dans la grande baraque où la collection prenait ses aises. Dès le matin, elle épous- setait, astiquait, s'ingéniait. D'ailleurs, si quelque doute subsistait aux limites les plus embrumées de son sub- conscient, les visites qu'attirèrent bientôt les meubles l'édifièrent. Il fallait bien reconnaître que, dans cet

entassement, se trouvaient quand même d'excellentes choses.

Par exemple, la branche tableaux et miniatures, ah ça, on pouvait en faire des gorges chaudes ! Quelles croûtes ravirent-ils, démarcheurs et patrons, réunissant leurs incompétences et leurs cultures imparfaites qui les desservaient plus qu'une ignorance naïve ! Ils se rabat- taient sur les signatures, et, déchiffrant sous quelques coups de pinceau un nom illustre, ils achetaient. Ils se targuèrent de miniatures sur celluloïd et de natures mortes cadavéreuses.

Que dire des deux Chardin ? Les mêmes bocaux, les mêmes cuivres, sur le bord d'une tablette écarlate, mais, au lieu de l'aisance extraordinaire, du mystère intime, du radieux secret dont le plus grand techni- cien français de la peinture a nourri ses toiles, s'éta- laient des bavures, des empâtements faux, de grossiers « passages », des beurrages mornes. Il y avait aussi un Fragonard désopilant, d'autant qu'on s'y était ingénié à être grivois.

II

Mais, halte ! l'Infortune, au tournant de la vie, guettait le fade conquérant. Un printemps, il fut plié par un accès d'épouvantables douleurs stomacales : « C'est un plat d'épinards, » disait-il, lugubre, les joues collées, vidé net, tâchant encore de sourire avec son air de vieille ruse, comme s'il espérait rouler aussi la déveine : — « les épinards, c'est du poison... »

Cancer au pylore. Cloué !

Il se désola d'échouer si près du port. Jusque-là, il avait eu trop de chance pour imaginer son atroce condamnation. Son père était mort presque centenaire. Cela ne devait être qu'un retour d'âge, « maladie de soixantaine », mais qui l'entravait en pleine réussite. Ces meubles, que, pour certains, il guignait depuis trois ans, allaient lui échapper. Il gisait, hanté par le souvenir, le désir, ayant réfugié ses forces dernières dans l'évocation. Il y rêvait avec acharnement dans son lit maintenu immaculé, sur ces draps dont la rectitude calandrée le rendait encore plus jaune et plus plat.

— Ah... si tu voyais, Minette, — elle l'appelait « Monsieur Erard », mais le tutoyait quand même, — Ah, si tu voyais la console de Madame de Cœuvres... J'aurais dû y aller des ving mille qu'elle demandait !...

— Dès que tu te relèveras, il faudra y courir, Mon- sieur Erard...

Un après-midi, il y courut, hâvi, automatique, les yeux hors de la tête, dans sa voiture aux rideaux flottants et soutenu par Minette et Louis. Il se cram- ponnait ; mais, après le troisième kilomètre sur les routes à nids-de-poule de ce temps-là, on le ramena évanoui.

Il se recoucha, désespéré. Il radotait de ses meubles, entre deux crises, entre deux nausées... Certaine vitrine Louis XVI, aux côtés galbés, et surtout, ah ! la grande commode de laque avec incrustations de nacre, de burgau, du comte de Dreuil !... Les marchands la lui chiperaient... C'eût été sa plus belle pièce.

Alors, un soir, Minette lui dit bien doucement : — Si tu veux que j'aille avec Louis... Cela ne te

tracassera plus, et puisque je n'ai qu'à l'acheter... Il hésita longuement, sans doute parce qu'envoyer

un autre, un émissaire, c'était se priver d'une de ses joies principales, celle de la conquête à main armée, celle du chasseur qui tire, du pêcheur qui noie... Mais la « collection » attendait. Pour que l'épouse ne se fît point « empiler », il lui fixa des prix maximum.

Et la chiche femme de ménage, la modeste valette, on la vit fréquenter à son tour les châteaux encore orgueilleux, elle, la tourière, la chaisière...

Elle survenait, demandait humblement, s'enquérait, et disant que Monsieur Erard était « souffrant » — elle n'eût point dit « malade », car chez nous, c'est une sorte de déchéance comme d'être ruiné — elle atten- dait qu'on lui montrât la pièce décrite... Elle n'admirait même pas, distraite et pressée, préservée de la timidité par l'ardeur de son zèle, par ce dévouement complet qui la remplissait jusqu'au chignon. Quelquefois, au début, elle fit mine de marchander, avec une pointe d'égarement... mais cela ne dura point. Bientôt, elle aussi, elle sortait un vaste portefeuille de marchand de vaches et payait sans mot dire. Puis, elle demandait un reçu qu'elle faisait parfois diminuer de moitié : « A cause du fisc... » disait-elle. Ce reçu, elle le posait sur le drap du moribond qui ne le regardait même pas, tremblant de joie, suspendu à l'arrivée du meuble, guet- tant les bruits de la rue. Le meuble arrivait le len- demain, souvent le soir même, car Minette n'épargnait rien, et on levait le squelette, on le soutenait sous les aisselles, pour qu'il pût le manier, le palper, tourner

autour, se reculer, en haletant. Elle se mordait les lèvres...

Une fois, ce fut effroyable, la commissionnaire se trompa... Oui ! Lui fit-on une farce, s'amusa-t-on de sa manière hâtive, de son effarement ? Elle ramena de son expédition une commode en bois fruitier, en cerisier ciré, au lieu de la « deux tiroirs » de marqueterie à fleurs qu'on lui avait assigné d'acquérir... Erard s'en dressa sur son lit ; parvint à s'asseoir pour tonitruer, hurler de rage, la couvrir d'effrayantes injures, d'injures de pousse-bestiaux ! Ses mains cherchaient à battre.

Elle reculait, sidérée. Elle se détourna, prit la fuite, raccrocha la cuisinière-boniche, et, sans plus vouloir rien entendre, elles sortirent la lourde commode de la chambre. Puis, bondissant sur le convoyeur, ils réem- barquèrent le meuble délictueux... Fouette cocher, à tour de bras ! Madame Erard reprit le chemin de l'abominable maison où on l'avait trompée. Et là, furieuse, sauvage, arrivant après le dîner, elle les stu- péfia tous, les terrorisa, et, de haute lutte, enleva la bonne commode, la vraie, en faisant jeter par-dessus bord l'autre, devant le perron.

A onze heures du soir, elle présentait son meuble à l'agonisant, enfin, calmé, et qui lui souriait.

Mais Minette fit mieux encore. Elle était sans doute intelligente ; elle pouvait être rusée ; c'était sa triste condition servile qui l'avait rendue falote, son vœu, sa dévotion de femelle.

Le gisant subissait une crise morale terrible et gran-

dissante, à évolution lente, mais qui finit par le ter- rasser, le rendre moribond, l'ensevelir déjà. Tant que l'idée d'une maladie temporaire, d'un simple « accroc de santé » put se maintenir en lui-même, malgré les effroyables passages, et que subsistait l'espérance de la vie, il continua d'être ce qu'il avait été ; il restait l'amateur. Non seulement sa marotte durait, mais s'accentuait encore. Il en arrivait à une sorte de ravis- sement prolongé, d'extase. Entre deux crises, il repre- nait ses acquisitions, ne comptait plus, ne se refusait aucune des pièces anciennement repérées et circonve- nues. Minette et Louis galopaient de plus en plus loin. Chaque semaine apportait son meuble nouveau, entre- tenait la fébrilité de l'attente et l'émerveillement de l'arrivée. Mais un soir, l'idée de la mort, l'image de la MORT se dressa et, dans toute son horrible grandeur, pour cet homme à santé pleine, à vues courtes, et qui n'avait jamais eu le temps de s'arrêter. Sa récente aris- tocratie défaillait. Lui n'avait pas été élevé aux réso- nances de ce « Frère, il faut mourir... », qui reste le maître-mot éducatif de la hobereautaille : mourir à la guerre, mourir pour les autres, mourir à la place des autres... Bellement, même insolemment mourir, plutôt que bien ; cet idéal étonnant, transmis avec le souffle chez la vieille caste de prestige. Il en éprouva un choc, à s'évanouir, sous ses couvertures !... Il réagit, en niant l'avertissement profond. Tremblant encore, il revint à ses manies, à ses sornettes. Mais il était trop bon Normand pour ne pas toujours avoir redouté la mala- die, qui, au-dessus de la Loire, tue un quart des vieux... Ulcère, ulcère ?... il tâchait de se réconforter avec ce mot-là, pâlissant à l'idée que ce ne fût qu'un atténue-

ment médical, et qu'on lui cachât le mal implacable. Il lutta, mais la conviction l'envahissait de plus en

plus. Le dard de la peur soulevait, perforait toutes ses notions acquises, les couches de vanité, les cals de ses habitudes ; atteignait enfin son moi misérable, son âme triste et faiblarde. Il était nu, fragile et mou devant la MORT. Tout devenait indifférent, s'émoussait en face du spectacle et de son rictus. Tout semblait vain et artificiel, de ce qu'il avait jadis considéré comme primordial. Une console, une bergère, un bonheur-du- jour ?... Il sentait fuir l'attraction ancienne, cette source de joie qu'il avait créée en lui. Il en souffrait, tentait de retrouver, de s'exciter encore, de rattraper son plai-, sir, son dernier plaisir...

Il essaya d'y glisser, d'y mélanger une noblesse nou- velle qui, en présence de la MORT, fût restée valable : celle d'un dévouement hors de sa personnalité, d'une abnégation, d'une idée haute qu'on pût revendiquer même sur ce seuil terrifiant : il sauvait de belles choses, il les préservait, les préserverait à jamais, puisque son intention se précisait de les léguer à la ville. Dans le désir de s'épurer, il allait même jusqu'à imaginer je ne sais quel don anonyme, à renoncer à ces honneurs posthumes dont la probabilité — la certitude ! — le grisait un peu quand il y rêvait le soir, en s'endormant, alors qu'il se portait si bien. On eût donné son nom à une rue, à un square...

Cela ne réussit pas ; il se détachait ; il ne parvenait plus à retrouver la chaleur que lui communiquaient jadis l'achat, la notion de la bonne affaire, du petit vol légal réussi, de la jaunisse de l'antiquaire voisin, de l'envie des camarades. L'art tout court ? il était trop

étroit, le pauvre diable, pour loger d'aussi grandes choses. Il ne désirait plus.

Atterrée, elle le devina, s'en affola. Il ne la pressait plus, ne l'expédiait plus. Ne demandait jamais à contempler, jamais plus à revoir. Fini, les bibelots sur la courtepointe ! Il ne jouait plus avec ses trouvailles ; plus de jeux, pour lui. L'œil déjà presque blanc sous la paupière fripée, il restait inerte...

Alors, elle eut un coup de génie, sorti de son atta- chement incoercible. Munie de quelques bonnes épreuves, de photographies qu'il avait fait faire des pièces principales, elle gagna Paris, vit les plus grands antiquaires. Elle raconta que son mari s'affaiblissait, qu'elle-même, inquiète de l'avenir, le poussait à réa- liser. Il s'en défendait encore, mais ne resterait certaine- ment pas insensible à quelques propositions sérieuses. Elle venait mobiliser ceux que le collectionneur lui avait souvent recommandés comme les plus importants et les plus sûrs.

Minable, la Minette, mais les photos ne se discu- taient pas. Ils se dérangèrent et, soudain, un après-midi, le père Erard se trouva en discussion avec un de ces seigneurs de la Curiosité qu'il avait toujours considérés comme des êtres légendaires. Il fut assiégé. Il demandait des prix chaque jour plus exorbitants, des prix de fou et c'est dans la dispute, le feu des enchères vaines qui ranimaient en lui les qualités congénitales, ce qu'il gardait d'absolument naturel — le sens commercial, le

goût du marchandage — qu'il mourut après une très courte agonie, râlant des chiffres, bavant des millions...

En six mois, la collection avait doublé.

III

On apprit tout de suite que les meubles étaient, en effet, légués à la ville, avec une forte somme pour en assurer la présentation et le gardiennage. Madame Erard jouissait d'une fortune personnelle soigneusement sépa- rée, administrée par leur ancien notaire de la froma- gerie, en pays de Caux. Elle ne demandait rien. La somme en argent liquide manquait et elle l'assura pour faciliter l'acceptation du legs. On inventoria donc la « Collection Erard ».

Mais ici, il y eut immédiatement du tirage et les démarcheurs firent la grimace. Un grand antiquaire de Rouen avait été convoqué à titre d'expert, qui vint, ausculta beaucoup, admira, mais fulmina aussi.

Il stigmatisait certains achats qui déshonoraient selon lui le groupement mobilier. Qu'est-ce que prirent les Chardin, le Lancret et le Corot, une petite lavasse grise et vert sale, de la seconde manière, et qui n'était même pas un Trouillebert ! Et les chaises Dufayel !... Fallait éliminer tout cela, grand train.

— JAMAIS ! — fit la veuve, qui se grandit encore, pour la dernière fois énergique, péremptoire, hors de ses crêpes immenses. Elle ne supporterait aucune exclu- sion. Quelle jactance, chez cet « expert » ! Supposer que Monsieur Erard ait pu se tromper ou être trompé !... L'hommage rendu au collectionneur se trou-

Dépôt légal : 2 trimestre 1972 N° d'éditeur : 9883. — N° d'imprimeur : 12106

Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement

sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support physique parfois ancien conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments propres à l’exemplaire qui a servi à la numérisation.

Cette édition numérique a été fabriquée par la société FeniXX au format PDF.

La couverture reproduit celle du livre original conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

*

La société FeniXX diffuse cette édition numérique en accord avec l’éditeur du livre original, qui dispose d’une licence exclusive confiée par la Sofia ‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒

dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.