Upload
atarip
View
8
Download
1
Embed Size (px)
DESCRIPTION
Broca - Sur La Trépanation Du Crane
Citation preview
Sur la trpanation ducrne et les amulettescrniennes l'poque
nolithique / par M. PaulBroca
Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France
Broca, Paul (1824-1880). Sur la trpanation du crne et les amulettes crniennes l'poque nolithique / par M. Paul Broca. 1877.
1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numriques d'oeuvres tombes dans le domaine public provenant des collections de laBnF.Leur rutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n78-753 du 17 juillet 1978 : *La rutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la lgislation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La rutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par rutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produitslabors ou de fourniture de service.
Cliquer ici pour accder aux tarifs et la licence
2/ Les contenus de Gallica sont la proprit de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code gnral de la proprit des personnes publiques.
3/ Quelques contenus sont soumis un rgime de rutilisation particulier. Il s'agit :
*des reproductions de documents protgs par un droit d'auteur appartenant un tiers. Ces documents ne peuvent tre rutiliss, sauf dans le cadre de la copie prive, sansl'autorisation pralable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservs dans les bibliothques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signals par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothquemunicipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invit s'informer auprs de ces bibliothques de leurs conditions de rutilisation.
4/ Gallica constitue une base de donnes, dont la BnF est le producteur, protge au sens des articles L341-1 et suivants du code de la proprit intellectuelle.
5/ Les prsentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont rgies par la loi franaise. En cas de rutilisation prvue dans un autre pays, il appartient chaque utilisateurde vrifier la conformit de son projet avec le droit de ce pays.
6/ L'utilisateur s'engage respecter les prsentes conditions d'utilisation ainsi que la lgislation en vigueur, notamment en matire de proprit intellectuelle. En cas de nonrespect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prvue par la loi du 17 juillet 1978.
7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute dfinition, contacter [email protected].
} S!~R !A TRPANATION DU CRANE
!LESAMDLETTESCMNfENNES~
A L~POQU E NOLITHI-QUE
M. PAUL BMCA
PARIS
ERKHST LMROUX, DtTEURLn)!L\n!Ktn'L\SOCn;T!AS'Ar;nrKn[:LtIS,K!r.,);.I;DKSt.,
SUR LA TRPANATION DU CRANE
HT
LES AMULETTES CRANIENNES
A L'EPOQUE NEOLITHIQUE
SUR LA. TRPANATION DU CRANE
ET
LES AMULETTES CRAMENNES
A L'EPOQUE NOUTtUQUE
PAFt
~t. PAUL BROCA
PARISERNEST LEROUX, DITEUR
'nM'MDL'LASOC!tirAS[ATtQUKDE..ARtS,DEt.'ECO[.t:DS[.AXGUESOf:H!XTAL!!SV.VAKTKSDES SOMTtis DE CALCUTTA
MKEW-HAVEKfmTS.UMs), M: SHANGHAI (cHiXti),KTC.
28,K~E)!0!\AFA)tTE,98
tSTT
1SUR LA TRPANATION DU CRANE
ET
LES AMULETTES CRANIENNES
A L'EPOQUE NOLITHIQUE' 1
PARM.PAULBROCA.
L'poque nolithique, caractrise la fois par les silex polis,
par l'absence des mtaux, par les monuments mgalithiques et
par l'emploi des animaux domestiques, a t reconstitue, avec
un succs remarquable, par la science prhistorique. Nous pos-sdons aujourd'hui des notions trs-tendues, trs-varies, et
souvent trs-compltes sur les populations de cette poque l'ar-
chologie nous a fait connatre leur genre de vie, leurs spul-tures, leurs armes, leurs ornements, leurs industries diverses,leurs habitations, leur alimentation; et l'anthropologie, son
tour, nous a rvl les caractres de leurs crnes et de leurs osse-
ments. Mais tout ce qui concerne leurs croyances, leurs supersti-tions, leurs conceptions mtaphysiques reste encore dans l'ombre.
L'tude des trpanations prhistoriques permettra, je l'espre,de jeter quelque jour sur ce cot de leur histoire.
J'aurai parler de deux pratiques bien diffrentes, mais ce-
pendant lies troitement l'une l'autre par une croyance la
fois religieuse et mdicale je dis H!e
MVCEn'AN't'HMPOLOGIE.2
L'une de ces pratiques consistait a tailler,
SUR LES TRPANATIONS PBEH)S't'OfUQBES. 3
de l'os (voir fig. 4 et 2). Les deux faces de cette rondelletaient
naturelles; mais le bord, dans toute son tendue, tait travaill
avec soin: il tait taill en biseau aux dpens de la face externe,
et rgulirement arrondi par un. procd de polissage. La pice
avait t trouve dans l'intrieur d'un crne, extrait de l'un des
dolmens de la. Lozre, et sur lequel existait une ouverture lat-
rale, grande comme la paume de la main. En enlevant, travers
cette vaste ouverture, la terre qui remplissait le crne, M. Pru-
FiG.l,3.L!irondcUt:deLyon.Gr.nat.
nires vit s'chapper ta rondelle. Celle-ci provenait d'un autre
crne sa couleur, son paisseur et la densit de son tissu le
prouvaient suffisamment. Mais pourquoi et comment se trouvait-
elle l? M. Prunires posait la question sans la rsoudre.
Avant de prsenter cette pice au congrs de Lyon, M. Pru-nires me l'avait envoye Paris; elle avait sjourn plusieursmois dans mon laboratoire je l'avais montre aux personnes les
plus comptentes aucun de nous n'avait pu en dcouvrir la des-tination. A Lyon, o se trouvaient runis un grand nombre d'archo-
logues de province, tout le monde dclara n'avoir jamais rien vu
de semblable. Alors M. Prunires se dcida faire connatre
l',ide qu'il s'tait faite de cette pice d'une part, la forme de larondelle ne se prtait aucun usage matriel d'une autre part,la perfection du travail montrait qu'on avait du y attacher beau-
coup d'importance, et M. Prunires pensait ds lors que ce de-vait tre une amulette (1). Il se souvenait, d'ailleurs, d'avoir re-
cueilli dans ses fouilles d'autres fragments crniens, d'une forme
()') AMae:'a
ttEVCEn'AKTHROPOMGtE.4
toute diffrente, mais sur lesquels il avait reconnu l'existencede sections artificielles; l'un, entre autres, portait, en deux pointsopposs de son contour, trs-irrgulirement trapzode, deuxencoches assez profondes, unies par. une gouttire superficielle,et paraissant destines recevoir un lien do suspension (fig. 3).
FtG. 3. Amulettes encochesde suspension, provenant dudolmen dit la Caue des fes(Lozre).M.Prunieres.Gr.ntLt,
Ce prcieux fragment, qui n'avait past apport Lyon, fut envoy, le
5 mars suivant,~ la Socit d'anthropo-logie. En le comparant avec la ?'oKcMedite de Lyon, reprsente sur les fi-
g!jres 1 et 2, on reconnatra qu'ilafaU'.tune sagacit peu commune pour tablir,entre deux pices ailssi dissemblablessous tous les rapports, un rapproche-ment que les faits ultrieurs ont plei-nement justifi.
Les choses en taient l, lorsque M. Joseph de Baye m'invitaau mois de mars '1874 aller visiter les grottes spulcrales artifi-cielles qu'il a dcouvertes dans la valle du Petit-Morin, cantonde Montmort (dpartement de la Marne), et dont il a dj entre-tenu le Congrs d'anthropologie et d'archologie prhistoriques,en '1872, dans la session de Bruxelles (1). Le mobilier funrairede ces grottes est exclusivement nolithique et cependant plu-sieurs d'entre elles sont prcdes d'une anti-grotte o se trouve
sculpte en bas-relief une ugure reprsentant une divinit fminine.L'existence de semblables sculptures l'poque nolithique taitalors et est encore, je pense, un fait unique dans la science. Cette
dcouverte importante et inattendue avait donc t accueillie, dansle Congrs de Bruxelles, avec un tonnement voisin de la m&ance,et M. de Baye, avant d'en saisir la Socit d'anthropologie de Pa-
ris, dsirait en faire constater la ralit, sur les lieux mmes, parquelques-uns d'entre nous. Je fis le voyage avec MM. de Mortilletet Lagneau. Aprs avoir visit un certain nombre de grottes etreconnu la parfaite exactitude des faits, nous nous rendmes auchteau de Baye, o les riches collections de '.rnes, d'osse-ments et d'objets de toute sorte, provenant des fouilles de notre
collgue, forment un vritable muse. Dans l'une des vitrines se
(f)C
SURLMTM~'ANATfOKSPKmSTOtUQCES. H
trouvait une pice extraite de l'une des grottes spulcrales,et
dont l'usage, nous dit-on, n'avait pu tre dtermin. C'taitune
rondelle osseuse, taille dans un parital humain, et parfaite-
ment semblable celle de Lyon la forme, la dimension, le tra-
vail, tout tait pareil ou plutt identique, si ce n'est que la ron-
delle de Baye tait perce d'un trou de suspension, indiquant
qu'elle avait t porte, et porte probablement autour du cou ('!).).
On aurait donc pu se demander si cette dernire rondelle n'tait
pas une simple pice d'ornement; mais l'autre rondelle, qui tait
videmment de mme nature, n'tait pas perce, et n'avait pu,
par consquent, tre porte comme ornement. L'opinion mise
Lyon par M. Prunires se trouvait donc pleinement confirmeles deux pices taient des amulettes, et on comprend trs-bien
qu'un objet de ce genre ne ft pas toujours port de la mme
manire on ne le perait que lorsqu'on voulait le suspendre au
con. Le fait est que, parmi les nombreuses amulettes crniennes quiont t trouves depuis, il n'y en a qu'un assez petit nombre quisoient perces d'un trou ou munies d'entailles de suspension.
Pendant que nous recevions l'hospitalit au chteau de Baye,M. Prunires adressait la Socit cl'anthropologie un travail,
accompagn d'une planche et de plusieurs fragments crniens
faonns de diverses manires. Ce travail, qui fut communiqudans la sance du 5 mars 1874 (2), donna lieu une discussionde quelque tendue. Depuis lors, plusieurs reprises, M. Pru-
nires nous a envoy d'autres pices de mme nature. En tenant
compte de ces diverses, pices, et en y joignant les cas o l'on a
trouv, dfaut des amulettes mmes, des crnes portant la. tracede sections posthumes en rapport avec la fabrication des amu-
lettes, on arrive runir un nombre de faits plus que suffisant
pour lever tous les doutes qu'avait suscits, ds l'origine,l'extrme diversit des fragments crniens travaills. Il est clair
que les qualits on leur attribuait ne concernaient ni leurs
formes, ni leurs dimensions, ni la nature du travail, mais la sub-stance mme dont ils taient forms. C'est ce qui ressortira,d'ailleurs, bien plus clairement encore de la suite de cet expos.
(t) J. de Haye, La t)'ep((nft
BEVUE D'ANT))RO)'OM)CiE.G
La premire des pices tudies ayant reu, d'aprs sa forme,le nom de 'yontMe, ce nom a t appliqu par extension aux autres
pices du mme genre, quoique do formes diffrentes. Cette
habitude a prvalu parmi nous AT poque oH beaucoup de per-sonnes hsitaient a se servir du mot'aMM/e~e, qui impliquait une
interprtation encore conteste. C'est peut-tre un abus de lan-
gage, mais il ne s'agit que de s'entendre sur les mots.
Toutes les rondelles ou amulettes dont je viens do parierdatent de l'poque nolithique, et j'ai dj dit qu'un certain nombre
d'entre elles taient faonnes de manire tre suspendues au
cou; on retrouve des restes de cette coutume dans des temps bien
postrieurs l'poque nolithique. Il y a dans la collection Morei, Chlons-sur-Marne, un
SUftLESTKl'ANATtONSt'nHMTOtUQCES. 7
la rondelle crnienne de certains colliers gaulois n'tait pas un
simple ornement, qu'on lui attribuait quelque proprit imagi-
naire, et f'u'en traversant les sicles, au prix d'un lger chan-
gement de forme, elle n'avait pas cesse d'tre une amulette.
D'o venait cet usage des amulettes crniennes? A (pic) ordre
d'ides se rattachait-il? L'tude des crnes perfores va nous
l'apprendre.
2. DES CRANES PERFORS.
La dcouverte des crnes artificiellement perfors appartientencore M. Prunires. Elle a prcd de plusieurs annes celle
des amulettes crniennes, car elle remonte l'anne 1868. Dans un
grand et beau dolmen lozrien, situ prs d'Aiguires, M. Pru-
nires trouva une calotte crnienne dont la paroi latrale prsen-tait une norme perte de substance, En examinant les bords de
cette immense ouverture, il reconnut qu'ils n'taient pas casss,mais coups ou scis dans toute leur tendue, l'exception d'une
portion qui paraissait polie. Il supposa d'aprs cela que ce crne
avait t prpare pour servir de coupe et que la portion polie de
l'ouverture tait celle sur laquelle on appliquait les lvres. Boiredans le crne d'un ennemi est la volupt suprme du barbare.Les Gaulois, l'occasion, clbraient ainsi leurs victoires (1)l'hypothse de M. Prunires pouvait donc paratre assez plau-sible.
Dans la mme spulture se trouvaient cinq autres fragmentscrniens qui prsentaient sur l'un de leurs bords des traces desection ou de polissage, et qui paraissaient provenir d'autant decrnes dufrents. Ne connaissant pas encore les amulettes cr-niennes, M. Prunires put croire.que tous ces fragments taientdes dbris de crnes transforms en coupes, et il crivit dans cesens la Socit d'anthropologie (2). Mais ses ides durent semodifier lorsqu'il eut dcouvert que certains fragments crniens,plus ou moins faonns, taient des amulettes. Chaque ron-
(1) Tite Uve, livre XXIII, chap. xxn'.(2) Bulletins de ht Socit d'ffnf/u'opatofyie, 2) mai )868, p. 3)9. Voir aussi
AsMCMtMtt ~'ancaese poMr rtft'nMcoHent fhs sciences, session de Lile, i8'M,p. 602.
HEVCEn'AKTHHOPOMGtE.8
delte dtache avait du laisser une perte de substance sur le
crne o on l'avait prise, et cette perte de substancepouvait tre
mdiocre, grande ou trs-grande, suivant qu'elle rsultait del'ablation d'une seule rondelle ou de plusieurs. Ainsi s'expli-quaient, d'une part, les normes ouvertures artificielles descrnes qui avaient paru destins servir de coupes et d'une
autre part, les ouvertures, beaucoup moins grandes, que M. Pru-
nires retrouva sur plusieurs autres crnes, en passant en re-
vue toute sa collection de crnes nolithiques.Ces diverses ouvertures artificielles se distinguaient des ou-
vertures accidentelles produites par des fractures ou desrosions posthumes, car leurs bords n'taient ni casss ni
rods elles ne prsentaient pas non plus les caractres des
sections produites par la dent des animaux; on ne pouvait doncles attribuer qu' la main de l'homme mais les bords de ces
ouvertures, comme ceux des rondelles spares, se prsentaientdans deux tats bien diffrents. Les uns taient manifestement
coups ou scis l'aide d'un instrument assez grossier et pr-sentaient, ds lors, une surface plus ou moins rugueuse, tandis
que les autres taient lisses et semblaient polis; et comme ces
deux tats s'observaient souvent en deux points diffrents d'une
mme pice, M. Prunires supposa qu'il s'agissait d'une seule et
mme pratique, d'une excision posthume destine obtenir des
amulettes, que l'on conservait tantt sans y retoucher, tantt en
rgularisant une partie ou la totalit de leur contour par un tra-
vail de polissage.Il exposa cette ide dans une lettre communique, leamars 1874,
la Socit d'anthropologie, avec un certain nombre de pices a
l'appui. En examinant ces pices, je constatai qu'effectivementles sections bords coups ou scis taient posthumes, comme
l'avait trs-bien reconnu M. Prunires; mais je constatai, en
outre, que les sections bords polis )' taient d'une nature
toute diffrente, que l'tat lisse de leur surface n'tait pas du
un travail de polissage, qu'il tait le rsultat d'un ancien travail
de cicatrisation, et que, par consquent, les sections avaient t
pratiques pendant la vie, et mme un grand nombre d'annes
avant la mort. Je pus donc dmontrer que les faits recueillis parM. Prunires se rattachaient deux oprations entirement dif-
frentes, pratiques, l'une sur le cadavre, l'autre sur l'homme
vivant, et je donnai cette dernire opration le nom de trpa-
SURLESTMPANA'nONSf'ttfUSTOmQUES. 9
nation chirurgicale, pour la distinguer de la trpanation posthume,dcouverte par M. Prunires (1).
Cette distinction une fois faite, je pus en faire dcouler toute
une srie de consquences que je vais maintenant exposer mais
auparavant je complterai cet historique en signalant le m-
moire communiqu par M. Prunires, en aot '1874. la section
d'anthropologie de l'Association franaise (session de Lille) (2)diverses prsentations faites la mme section, en aot 1875,
par MM. Chauvet et Gassies (session de Nantes) (H) un rapportde M. Babert de Juill, conservateur du muse prhistorique de
Niort (4) et, enfin, un mmoire publi il y a quelques mois parM. Joseph de Baye (5). Quant aux nombreuses communications
faites i Ja Socit d'anthropologie depuis trois ans et aux discns-
sions qu'elles ont souleves, il serait superflu de les numrerici.
J'aurai l'occasion de les mentionner dans le cours de ce travail.
Je me propose d'tablir les deux faits suivants:
'1 On pratiquait l'poque nolithique une opration chirurgi-cale consistant ouvrir le crne pour traiter certaines maladies in-
ternes. Cette opration se faisait presque exclusivement, peut-tremme exclusivement sur les enfants (trpanation e~M'K~ca/e).
2 Les crnes des individus qui survivaient cette trpanationtaient considrs comme jouissant de proprits particulires,de l'ordre mystique, et lorsque ces individus venaient mourir,on taillait souvent dans leurs parois crniennes des rondelles ou
fragments qui servaient d'amulettes et que l'on prenait de pr-frence sur les bords mmes de l'ouverture cicatrise (trpana-
REVUE D'AN'rmtOMMGtE.10
J'ai annonce qu'il existe sur les pices qui se rattachent
cette question des sections de deux espces, les unes cicatrises
depuis longtemps, les autres en quelque sorte fraches et ne
prsentant aucun travail de rparation. Je vais prouver quecelles-ci sont posthumes, et que celles-l sont chirurgicales.
3. DES TREPANATtONS POSTHUMES.
Les sections posthumes se reconnaissent aussi bien sur les
bords des ouvertures artificielles que sur la circonfrence des
fragments exciss. Les traces de l'instrument ne sont pas tou-
jours galement videntes, l'usure molculaire qui s'est pro-duite dans le sol les rend quelquefois douteuses, et on a pu, par
exemple, dans quelques cas, se demander si les bords de cer-
M. Pruniercs. Gr.bord falciforme, provenant du dolmen de taiUeeenmi biseaumince, i'aiciformc et cicatris. Lupeste de ta du bord concave est taille en tbiseaumince, falciforme et cicatris. Le reste de la circonfrence de l'amulette a t taill~,par sections posthumes.
taines ouvertures ou de certaines rondelles n'avaient pas t
coups par la dent d'animaux rongeurs ou carnassiers. Mais les
pices o l'action d'un instrument de silex est incontestable etinconteste sont encore trs-nombreuses.
Les sections, quelquefois perpendiculaires la surface de l'os,
plus souvent un peu obliques, tantt presque droites, plus souventun peu curvilignes, offrent une surface assez nette, mais cepen-dant raye longitudinalement; elles dnotent l'action ritred'un instrument, couteau ou scie, qui a pntr, de couche en
SUR LES TR'PANATtOKS PRHtS'IORtQJES. n
couche, soitpar des entailles successives, soit par un mouvement
de va-et-vient. Au dbut de l'opration, l'instrument faisait quel-
quefois des chappes et produisait sur la surface voisinede pe-
tites rayures divergentes et quelquefois assez longues (voy. Hg. 4).
Enfin, les cellules du diplo sont ouvertes A la surface des
sections et prsentent le mme aspect que sur un crne rcom-
ment sci. J'insiste sur ces dtails, non~pas pour prouver que les
sections sont artificielles, cela saute aux yeux, mais pour
prouver que les os sont exactement dans l'tat o ils taient au
moment ou ils ont t coups. Aucun travail de rparation ni de
raction organique ne s'est produit il n'existe dans le tissu os-
seux aucune trace d'ostite, aucune porosit anormale due la
dilatation des canaux vasculaires. On est donc conduit penser
que les sections ont t faites aprs la mort.
On sait toutefois que le travail de raction traumatique est pluslent dans la substance dure des os que dans les parties molles.C'est seulement lorsqu'il a dur plusieurs jours qu'il laisse des
traces durables, et l'aspect des pices serait le mme si les
sections avaient t pratiques trs-peu de jours avant la mort.
On peut donc se demander si ces sections sont rellement
posthumes n'auraient-elles pas t le rsultat d'une blessuremortelle reue dans un combat? ou d'une opration pratiquesur le vivant et suivie de mort au bout de peu de jours?
Il faut carter d'abord l'ide des blessures faites par lesinstruments de combat, car un coup subit n'aurait pu produireni les rayures longitudinales des bords, ni les chappes de lasurface. Ces effets ne peuvent tre attribus qu' un instrumentassez petit, m par la main patiente d'un oprateur mal outill.
Mais l'ide d'une opration pratique sur le vivante! trs-promp-tement suivie de mort doit tre examine avec plus de soin.Parmi les sujets que l'on trpane aujourd'hui, il en est quimeurent, il en est d'autres qui gurissent les ouvertures cica-
trises, dont je parlerai tout , l'heure, ne correspondraient-elles pis aux cas de. gurison, et les autres, non cicatrises, auxcas de mort? S'il en tait ainsi, les pices dont il s'agit se rappor-teraient une seule et mme pratique mais il est ais de re-connatre que cette hypothse est tout fait inexacte.
En premier lieu, on n'a trouv jusqu'ici aucune section en voiede rparation. De deux choses l'une ou bien la cicatrice est
trs-ancienne, ou bien la section est toute frache. Or, il n'est pas
REVUE C'Ati'fHttOMMGfE.12
admissible qu'une opration de ce genre ne donnt d'autre rsul-
tat qu'une mort trs-prompte o'.) bien une gurison dfinitive.
En second. heu, les ouvertures non cicatrises et les ouver-
tures cicatrises diffrent entirement les unes des autres parleur forme gnrale aussi bien que par leur tendue et par ladirection de leurs bords. Les bords des ouvertures cicatrises
sont presque toujours taills en un biseau trs-oblique, presquetranchant; ceux des autres ouvertures, lorsqu'ils sont obliques,le sont toujours beaucoup moins, et il est certain que ce n'est ni
la mme opration, ni le mme procd qui pourrait donner lieu
A des rsultats aussi dissemblables. En outre, les ouvertures cica-
trises ont une forme elliptique etdes dimensionsassez restreintes.tandis que les ouvertures non cicatrises ont des formes toujoursirrgulieres, festonnes ou anfractueuses, et des dimensions
beaucoup plus grandes. Il est certain que ces deux espces d'ou-
vertures sont dues deux oprations compltement diff-
rentes.En troisime lieu, et ceci est dcisif, la plupart des rondelles
et la plupart des ouvertures crniennes prsentent la fois surune partie de leur bord une section /~e/M, c'est--dire sans la
moindre trace de travail organique, et sur une autre partie de
leur bord nue section cicatrise depuis un grand nombre d'an-
nes. Il est vident que ces deux rsultats ne peuvent tre attri-
bus une seule opration, mais deux oprations dinrentes,
spares l'une de l'autre par un laps de temps trs-consi.drable.
Ce dernier argument permet de rfuter, en outre, une autre
hypothse qui pourrait se prsenter l'esprit. L'tendue immense
de certaines ouvertures crniennes est tout fait incompatibleavec l'ide d'une opration pratique sur le vivant dans un but
thrapeutique mais on pourrait supposer que les sections
fraches sont l'oeuvre d'un tortionnaire charg d'exercer une
vengeance publique sur un condamn mort, ou de faire prirdans un supplice atroce un prisonnier de guerre. Cette suppositionpermettrait mme,jusqu'un certain point, d'expliquer pourquoil'on conservait si prcieusement les fragments crniens que l'on
enlevait ainsi, carjusqu'lann du dix-septime sicle, on a attri-
bu lasubstance du crne humain des proprits mdicales par-ticulires et on l'a employe contre certaines maladies de la tte,en choisissant de prfrence le crne d'un jeune homme Mw
StiRLESTa&PANAT)OMSPRf!H!S'rRtOUES. i3
~emo~M'o~K
REVCED'ANTHMMLO&tEn
avec certitude que l'tat lisse des bords de l'ouverture n'est pasla consquence d'un travail de polissage. Le polissage n'aurait
pu produire rien de semblable il aurait abattu les petites saillies
rpeuses des lamelles du tissu spongieux, mais il n'aurait' pueffacer les ouvertures diploiques il les aurait laiss persistersous l'apparence d'un crible irreg'ulier, comme on le voit sur
FtG. 5. Trcpanatiou chirurgicaie sur le parital gaucho, a M millimtres en ju'riere dela suture coronale. CoUection de Baye [d'aptes un moule). Gr. nat.
quelques rondelles dont le bord a t rellement poli, notamment
sur la clbre rondelle de Lyon, reprsente sur la figure 1;mais sur toutes les ouvertures bords lisses (et j'ajoute sur la
majorit des rondelles) la surface du biseau marginal est recou-
verte d'une lame compacte, qui est due un travail de cicatri-
sation compltement termin j'ai d insister sur ce caractre,
parce que c'est lui qui tablit la distinction fondamentale des
trpanations posthumes et des trpanations chirurgicales.Autour de l'ouverture, le tissu osseux est revenu l'tat nor-
mal. En clairant la cavit du crne l'aide du cranioscope, on
voit que la table interne est aussi saine que l'externe. Il n'existe
ce niveau aucune dformation de la paroi crnienne le bord
du biseau n'est djet ni en dedans ni en dehors, et la courbure
de la rgion n'est nullement modie.Les ouvertures que je viens do dcrire occupent des rgions
SURLESTRPANA'nONSMHfSTORtQUES. 4; :)
trs-variables; la plupart correspondent au parital, quelques-unes l'caill occipitale ou la partie la plus leve de l'caill
frontale. D'autres sont en quoique sorte achevai sur une suture,
de manire empiter, peu prs par moiti, sur les deux os
voisins. M. de Baye a reprsent dans son mmoire deux cas de
ce s'enre sur le premier crne, l'ouverture traverse la branche
droite de la suture )a.mbdoMe; sur le second, elle traverse la
branche gauche de la suture coronale, entamant ainsi la fois le
parital et le frontal (voy. n~ 6). On en trouve un autre exemple
F[G. G. Tt'L'panatiofi chirurgicale sur la suture cornale. CoHection de Baye(d'aprs un moule). Gr. nat.
plus remarquable encore sur le n 5 (le la caverne de l'Homme-Mort. La perte de substance, situe vers le milieu de la suture
sagittale, entame profondment les deux paritaux (voy. &g. 7). Il
semble donc que le sige des ouvertures ne soit assujetti au-
cune rgle. Il y avait cependant une rgle importante, et laquelleaucun des faits que je connais ne fait exception c'est qu'on res-
pectait toujours la partie du crne .qui n'est pas recouverte de
cheveux, celle qui constitue le front, et qui appartient au visageje parle de la rgion appele front danslelangage vulgaire, et non
pas de l'os frontal des anatomistes, lequel, comme on sait, s'-
tend bien au-del du front. Ce n'est pas que l'on craignt d'atta-
quer cet os, car je viens de citer un cas ou il tait profondment 1
cbancr. Si donc on vitait avec soin la rgion du front pro-
XEVt!ED'ANTHROMM6)t.if.f~
prement dit, c'est parce qu'on ne voulait pas mutiler le visage.Cette rgle tait-elle absolue? Je n'ose pas encore l'affirmer,
mais le'nombre des cas de trpanations chirurgicales que j'aitudies est assez grand pour que je ne puisse pas attribuer au
Fto. 7. Crne n" 5 Je la caverne de t'Humme-Mort (Lozre); trpanation chirurgicalesur la suture sagitt&ie (M. Prunires). Demi-naL
hasard l'intgrit, jusqu'ici constante, de ta rgion du front; j'a-joute que, dans les trpanations posthumes, on respectait aussicette rgion, alors mme qu'on n'hsitait pas produire sur le
reste du crne des pertes de substance d'une norme tendue.
Telles sont les ouvertures que j'attribue la trpanation chi-
rurgicale. Il s'agit maintenant de fournir des preuves l'appuide cette interprtation.
Que ces ouvertures soient antrieures, et mme bien ant-
rieures la mort, cela ne peut faire l'objet d'un doute, puisqueleurs bords sont compltement cicatriss. Mais cela ne prouverien encore, car le crne de l'homme est expos des accidents, des blessures, des maladies capables de produire des perfo-rations ou des pertes de substance de forme et d'tendue trs-
SmtLESTM~MtATtONSPRms'MtUQCKS. 17
2
variables. On en voit de nombreux exemples runis dans les
muses d'anatomie pathologique on en voit aussi c et l quoi-
ques-uns dans les muses craniologiques,sur des crnes trouves
dans des spultures de tous les temps et de tous les pays, etil est
tout naturel de se demander si les ouvertures cicatrises de nos
crnes nolithiques ne sont pas dues des causes accidentelles
ou pathologiques. Elles sont, '1 est vrai, incomparablement plus
frquentes sur ces crnes que sur les crnes ordinairesnr.ais
cela pourrait tre attribu aux murs violentes et guerrires des
hommes de ce temps-l.L'ide d'une opration chirurgicale ne se prsenterait donc
pas l'esprit si nous n'avions sous les yeux qu'un seul de nos
crnes trpans. L'un de ces crnes a t recueilli en 1840 dans
le dolmen de Bougon (Deux-Svres), et M. le docteur Sauz,
qui l'a tudi avec so'n, a pens qu'il tait atteint d'une blessure
de guerre (1). Le crne perfor dcouvert en janvier 1874 parMM. Louis Lartet et Chaplain, dans la grotte de Sorde (Basses-
Pyrnes), fut interprt de la mme manire par M. Hamy (2).Moi-mme, ayant reu, en 1872, la belle collection des crnes dela caverne de l'Homme-Mort, gnreusement donne par M. Pru-
nires au muse de mon laboratoire, je mconnus entirementla nature des perforations cicatrises qui existaient sur deux deces crnes. Les bords de l'un s'tant un peu altrs dans le solde la spulture, je me laissai aller supposer qu'il s'agissait d'unerosion posthume, tout en reconnaissant cependant a que cesbords pouvaient paratre cicatriss M j'ajoute, pour mon excuse,que la portion do l'ouverture qui tait cicatrise correspondaitla partie antrieure et infrieure de la fosse temporale, rgiono la paroi, trs-mince, est souvent dpourvue de diplo, desorte que le caractre le plus dcisif des cicatrices crniennes,l'occlusion des cellules du diplo, ne peut tre constat. Quant l'autre perforation, je pus aisment reconnatre qu'elle tait
traumatique et cicatrise mais ce ne fut pas sans hsiter queje l'attribuai une blessure de combat. Avant d'avoir tudi cecrne, disais-je, je' n'aurais jamais suppos qu'une hache depierre pt ainsi dtacher d'un seul coup, et d'un coup tres-obli-
()) Ba.bert de JniUe, RftppM't (!e)'(tc:~ 5M)'!e doimm tic BoMgOH, Niort, t87S,p. 9.
~) Loms Lartet et C~plMtf~p~'Mp~:tw
M:Vt;Et)'ANTnnoMLOGH':18
qucmont dirige, une pice d'os aussi largo et aussi paisse;]) ilfanait que l'arme fut manie par un bras athltique, et je chercheen vain, parmi les humrus de ]a caverne de l'Homme-Mort, l'in-dice de cette force herculenne (i). )) On voit que j'tais loind'tre satisfait de mon interprtation je sentais bien qu'elle tait
force; je l'acceptai nanmoins, faute de pouvoir en proposerune autre,, et je ue songeai pas mme a la possibilit d'une op-ration chirurgicale.
Mais aujourd'hui, lorsque nous voyons ]a mme perforationreparatre avec les mmes caractres sur un grand nombre decrnes nolithiques, avec sa forme elliptique, son contour rgu-lier, son bord aminci et trs-oblique, son grand axe toujoursdirig dans le mmo sens et ses dimensions assez peu variables,nous sommes obligeante reconnatre que les hasards du trauma-
tisme on de la. maladie ne pourraient donner lieu un effet aussi
constant. 11 y a l un type qui ne peut rsulter que d'un procde
rgulier, applique par un oprateur mthodique. C'est ainsi queles premiers silex taills du diiuvium ont paru d'abord briss
par des chocs fortuits mais lorsqu'on a vu les mmes formes se
reproduire un grand nombre de fois, on. y a reconnu ia signaturede l'hemme.
La preuve tire de ia constance du type des ouvertures n'est pasla seule que l'on puisse invoquer. Il est facile, eu effet, do re-connatre que ces ouvertures diffrent de toutes les autres.
Les ouvertures non chirurgicales du crne sont congnitales,
pathologiques ou tranmatiques je ne parlerai que de celles dontle diamtre peut atteindre 2 centimtres, les perforations plus
petites ne pouvant videmment pas tre confondues avec celles
que j'tudie.Les oMue~tc'M coM~e'M~M sont de deux espces 1 les unes sont
la consquence d'un arrt de formation des paritaux elles sont
f/oM~es et symtriques (voir Ng. 8 et 9) elles tiennent la placedes trous paritaux, et ont, par consquent, un M'e'ye a&!o~
SUR LES TttMNA'n&NS fttH)STomQCES. ~9
ou des mninges; eUeshe peuvent se produire qu'enun certain
nofnbre de points dtermins, et leur formationest impossible
da.us la plupart, des points o s'observent nos trpanations.M)es
dincreut, en outre, comptteMient de ces dernires par ta dispo-
sition de leurs bords. J'ai tudie, par exempte, dans le muse
FM.9.P'n'ioi'a~tOndoub]cc).cong'L'nKaf(!despat']utaux.TtGrsnaLFic.S.D'apt't'sla photographie d'un d'Ane donne parM.ie baron L'HTey:mmH'.6eduVa)-de-Grace.FiG.').]-)esH!ns~i'eog'raphiqued'nncran'j canarien donne par M.iedoc~eut'ChitanmnsL'~dot'InstituLLa.nLhropotogiquc.
Dupuytrcn, un cas o la hernie crbrale s'est faite travers la
bran clio droite de la suture lambdode. L'ouverture est frrande,
eUiptique et assex rmunre son bord est trs-compacte, aminci,
presque tranchant, comme celui de nos ouvertures chirurgicalesmais ce bord n'est pns reste sur le niveau de la surface ~'.n-rate du crne, il a t fortement repouss, presque retourn en
dehors par la pression de ]a hernie, et la rgion voisine prsenteun certain de~r de voussure, tandis que ]a conformation descrnes trpans est parfaitement normale autour de l'ouverture,dont le bord, d'ailleurs, n'est nu)Iemcht dvi.
Je passe aux ouvertures ~a
HEVCED'AN'nmOMMGtE.20
H ne reste donc plus considrer que les OMne~M)'M ~MMa-
tigues, rsultant de certaines blessures du crne. L'os bless,n'tant pas malade, peut faire aisment les frais d'un travail de
rparation, aboutissant une cicatrisation complte. L'ostite
qui accompagne ce travail, produit tout autour de l'ouverture, et
dans une tendue assez considrable, une dilatation des canali-
cules et, par consquent, une porosit qui ne disparat ensuite
qu'avec une extrme lenteur mais, lorsque le bless survit pen-dant un nombre d'annes sufn&ant, l'ouverture du crne pr-sente les deux principaux caractres des ouvertures de la trpa-nation, savoir la cicatrisation complte des bords et l'intgrit
parfaite du tissu osseux environnant. On peut donc tre tent
d'attribuer des accidents traumatiques les ouvertures que j'ap-pelle chirurgicales.
Les blessures capables de produire des perforations cr-
niennes sont les plaies contuses, les fractures et les sections
par armes tranchantes.
Les plaies coM~M~M amnent rarement ce rsultat. Elles agissenten dcollant le prioste. L'os dnud, ne recevant plus de vais-
seaux, se mortifie, c'est--dire, se ncrose; la partie morti&e,
appele squestre, est dtache par un travail d'limination, et
tombe au bout d'un temps qui varie entre un et trois mois; cela
est trs-commun mais le plus souvent le squestre n'occupe quela couche superficielle de l'os, et la perforation ne se produit quedans les cas rares o le squestre comprend toute l'paisseur de
l'os. Or, tous ceux qui ont vu ces squestres pntrants savent
qu'ils sont toujours limits par des bords dentels et extrmement
irrguliers; les mmes irrgularitsexistentneessairement, dans
l'origine, sur l'ouverture crnienne elles s'attnuent beaucoupdans la suite, grce au travail de cicatrisation, mais elles ne dis-
paraissent pas, et il faudrait un concours de circonstances tout
fMt exceptionnel pour qu'une ouverture de ce genre devnt sem-
blable une ouverture chirurgicale.Les /)'ac
SUR LES TRPANATIONS PRHISTORIQUES. 21
les coups de massue, les chutes sur la tte, se bornent presque
toujours produire des fractures par enfoncement, que nos
chirurgiens transforment quelquefois en ouvertures plus ou
moins grandes en enlevant mthodiquement quelques-uns des
fragments dvis et en relevant les autres mais il 'est trs-rare
que les fractures abandonnes elles-mmes donnent lieu
des ouvertures, car la plupart des esquilles ne sont qu'incompl-ternent dtaches', elles tiennent encore par une partie de leurs
bords elles continuent donc vivre; lorsque certains fragmentssont limins, ils no laissent que des ouvertures petites, irrgu-
lires, dont les bords sont plus ou moins enfoncs, et celles-ci
n'ont aucune ressemblance avec nos ouvertures chirurgicales.Je n'ai donc plus examiner maintenant que les pertes de
Mt~/aMce ~'o~M!
iVUEC'ANTHKOPOMGtE22
dans le crne matre ]'ob]iquite du coup et pour en enlever tout
un seg'ment. Mais, pour que cet effet soit possible, il faut que la
rgion crnienne correspondante prsente un certain degr de
courbure si elle ctaitaussi peu convexe quela. rgion temporale,
!a ianie pourrait bien pntrer dans le crne, mais ne pourrait
Fie. 10. Perte de substance pntrante du vertex, pro~uit. ~M' uu coup do sabre. Lasurface de section est plane. La suture sagittale, accuse par une sailMeion~itudi-nate en avant de ]a section, est comp~tement obUtcree. Muse de l'Institut anthro-
po!ngKjuej;eranedonnpar]\I.deKhantkof'.Gr.nat.
pas ressortir du mme ct de manire abattre un copeau. Q'est
donc seulement sur le vertex, sur le front, sur l'occiput et sur
les bosses paritales qu'on observe ces grandes pertes de sub-
stance traumatiques. Or, nos ouvertures de trpanation occupentsouvent la rgion plate des tempes; elles y sont mme plus fr-
SL'Kf.ESTftPANATtONSPKmSTOKiQUES. 23 :3
queutes que partout aineurs. Celles-l nesont videmment pas
traumatiques, et on peut dj en conclure que les autres, qui
.)eur sont semblaltles en tout point, ne sont pa.s dues non plus
(tes blessures de combat. Mais il y a plus mme dans les rgionsdu crne ou les coups de tranchant peuvent produire des pertesde substance pntrantes, les ouvertures diffrent entirement
de celles que j'tudie.
Voici, par exemple (fig. 10), un crne dont le vertex a, t enlev
par te sabre d'un cavalier tartare. La section est plane et assez
rgulirement elliptique eue a dtach un serment qui, mesur
sur la table externe, a 75 millimtres de longueur sur 61 de lar-
geur, et cependant l'ouverture de la table interne n'a'que 45 milli-
mtres de longueur sur il de large. Le bord est donc extrme-
ment oblique; il forme un grand biseau dont la largeur varie
entre 35 et 25 millimtres. Cette largeur et cette obliquit du
biseau sont incomparablement plus grandes que les dimensions
de nos ouvertures de trpanation, et F on conoit, en eS'et, qu'moins de dtacher la plus grande partie de la, vote du crne, un
pian de section doit tre extrmement oblique et parcourir dans
l'paisseur du diplo un trajet trs-long avant d'atteindre la tableinterne. Il suiit donc d'examiner, au point de vue des conditions
mcaniques, les ouvertures de nos crnes nolithiques, pour re-connatre qu'aucuu coup de tranchant ne pourrait les produire.
Cette conclusion deviendra bien plus ncessaire encore si nousnous reportons a l'poque oit l'on ne possdait que des armes de
pierre. Ce que ne peuvent faire nos tranchants d'acier, ne pou-vait, n plus forte raison, tre produit par le. tranchant pais deshaches polies. Celles-ci ne pouvaient pntrer dans le crne que.dans une direction peu oblique; ds lors elles ne pouvaient ouressortir A quelques centimtres plus loin en coupant un copeaurgulier. Tout au plus pouvaient-elles commencer la section d'un
fragment en faisant sauter le reste par clat, mais l'ouverture
qui en rsultait no pouvait tre que trs-irrgulire.A cette dmonstration premptoire on peut ajouter un argu-
ment tir d'un fait que j'ai dj signal. Les blessures de guerrepeuvent atteindre toutes les parties de la. tte, mais elles ont unsige de prdilection, .c'est la rgion frontale, qui fait face a.l'ennemi. On n'a pas oubli pourtant que nos ouvertures de tr-panation respectent toujours cette rgion. On ne supposera pas,sans doute, que des guerriers furieux eussent, de pareils seru-
KVDE D'ANTHMPOMfitE.2t.
puies, taudis que'ce respect pour le visage iiumain s'explique toutnaturellement de la part des oprateurs, une poque o i'onn'osait pas mme prolonger jusque sur le front proprement ditles trpanations posthumes.
L'
SCnLESTRPANATfONSMtHSTOhiQUES. 2S iJ
trice. Ce dernier rsultat est mme assez rare lorsque la bles-
sure osseuse a eu lieu dans l'ge adulte mais il s'observe, an
contraire, habitue))ementlorsqu'eUe a t faite,pendant l'en-
fance ou l'adolescence, sur des crnes qui sont encore en voie
d'accroissement.
Or, sur les nombreuses ouvertures de trpanation et sur les
amulettes, bien plus nombreuses encore, que l'on a recueiHies
jusqu'ici, non-seulement la cicatrice est toujours acheve et par-
acheve, mais encore le tissu des deux tables compactes de
l'os adjacent est revenu son tat le plus normal, et on peuten conclure que toutes ces trpanations ont t pratiques trs-
longtemps avant la mort. Sous ce rapport, il n'y a pas de diff-
rence entre les crnes des individus dj gs et ceux des sujets
plus jeunes; l'un de nos crnes trpans provient d'une femme
ge de moins de vingt-cinq ans (la dent de sagesse est encore
en voie d'volution), et les traces de l'ostite traumatique sont
aussi compltement effaces chez elle que chez d'autres tr-
pans qui ont vcu jusqu' la vieillesse. Si l'on songe mainte-
nant que le rtablissement parfait de l'tat normal, quoique pos-sible tout ge, n'est habituel que lorsque la blessure osseuse a
prcd la fin du travail d'accroissement du crne, on est con-
duit prsumer que ces oprations ont d tre pratiques pen-dant l'enfance ou l'adolescence.
Ce n'est jusqu'ici qu'une prsomption, mais voici quelque chosede plus significatif
La trpanation, considre en soi, est loin d'avoir la gravit
que paraissent lui attribuer les statistiques modernes si cette
opration est le plus souvent suivie de mort, c'est parce que la
plupart des individus qu'on y soumet aujourd'hui sont atteintsde fractures du crne compliques d'accidents crbraux et queleur tat est dj presque dsespr quant l'acte opratoireen lui-mme, il n'a qu'une gravit modre. En supposant donc
que la trpanation nolithique ft faite avec beaucoup de pru-dence et de mthode, elle pouvait tre peu dangereuse, puis-qu'elle se pratiquait dans des conditions toutes diffrentes.
Mais il n'est pas possible qu'elle ne ft jamais mortelle, et, entous cas, elle-ne prservait pas les oprs des chances com-munes qui pouvaient les atteindre, en pleine sant, quelquesmois ou quelques annes aprs leur g-urison. Ceux qui mou-raient ainsi avant l'poque trs-tardive o l'tat des bords de
HEVUE D'ANTHROPOLOGIE;f)
l'ouverture et celui des os environnants devenaient dfinitifs,(raient inhumes comme les autres, et cependant leurs crnes nese retrouvent pas dans les spultures nolithiques. Cela prouveque ces crnes se sont dtruits dans le sol, ou du moins quel'altration molculaire posthume a dnatur la rgion opre un degr suffisant pour faire disparatre entirement les bordsde l'ouverture artificielle, et avec eux les traces de l'opration.
Ce rsultat s'expliquerait bien difficilement si les trpanationsavaient t pratiques sur les adultes, dont les crnes sont lafois durs et pais, car leur dure! rsiste a l'rosion posthume,en mme temps que leur paisseur rend le biseau de la section
large, distinct et difficile a effacer. Mais tout s'explique parfai-tement si les sujets oprs taient des enfants. On sait que lescrnes des enfants se dtruisent dans le sol beaucoup plus ra-
pidement que ceux des adultes, et qu'il est trs-rare de les re-
trouver intacts dans les anciennes spultures, a moins que le solne soit d'une scheresse exceptionnelle'.
Il y a tel dolmen o, parmi do nombreux crnes d'adultes en
assez bon tat, les crnes d'enfants sont peine reprsents parquelques dbris (qui quelquefois mme font entirement, dfaut).On peut aussi se convaincre que la plupart de ces crnes ont tdtruits dans le sol. Cela dimmue dj singulirement la chance deretrouver des crnes d'enfants d'une catgorie dtermine mais
la chance diminuera bien plus encore s'il s'agit d'une catgorie,
expose toutpa.rticulirernent a l' rosion posthume. Or, les crnes
des enfants trpans sont prcisment dans ce cas. D'autre part,le bord de l'ouverture, taill en un biseau trs-oblique, est incom-
parablement plus mince que tout le reste du crne; c'est donc
sur ce bord que les agents physico-chimiques de l'rosion
posthume produisent leurs pr&miers effets. En second lieu, quel-
que oblique que soit le biseau, il n'occupe qu'une largeur m-
diocre, puisque la paroi crnienne est fort mince. Sur les crnes
d'adultes, ce biseau est beaucoup plus large, et permet encore
de reconnatre les caractres de l'ouverture de trpanation,
quand mme l'rosion en aurait dtruit le bord tranchant dans
nne largeur de plusieurs millimtres; mais sur les crnes
d'enfants il suffit d'une action rosive. trs-lgre pour dnaturer
entirement les bords de l'ouverture, et pour donner celle-ci
toute l'apparence d'une perte de substanceproduite exclusivement
par l'rosion. Ce ne serait que par hasard, la faveur de condi-
28 MVUE D'ANTHROPOLOGIE.
trpanes. Ce crne tait dpos depuis 1874 dans le cabinet du
laboratoire, o il avait t examin bien souvent par moi-mme
et par un grand nombre de personnes, sans qu'on et remarqu
qn'it tait asymtrique; cette asymtrie, limite la rgion pa-ritale, ne frappait pas les regards, parce que le crne est trs-
incomplet la rgion i'aciate manque, ainsi qu'une grande partie
F)&. H. Cr.'Lne perfore d'un dolmen dit C;toM)'H!(M, donne par M. Prnnieres au musede l'Institut anthropologique. (Demi-uat.)AB, ]ignc mdiane du crarte, marque parun cordou passant en A sur la racine du nez, en C sur le hregma. en ]J sur ie lambda,en 13 sur !r E'iniou E, apophyse orhi~ice externe gau&iie F,l& droiLe, brise sa base.L'rosion posthume a dtruit nno grande partie de ta face latrale droite. a&,bordfalciforme, cicatris, de la trpanation ctururg-icale pratique dans i'enf'ancH sur lebord sagittal du parital gaucho, ac, bd, grandes echanerures de la trepanatiou pos-thume pratique en avant et en arrire de l'ouverture cicatrise. La suture sa-
gittale, au lieu de suivre la ligne mdiane CD, a subi une forte dviation vers la
gauche.
des deux rgions paritales, la droite s'tant dtruite dans le sol,
et la gauche ayant t enleve par la trpanation chirurgicale et
par la trpanation posthume. En outre, le sujet est trs-avanc
en ge toutes les sutures sont plus ou moins soudes la coronale
SCR LES TRt'ANAItONS PRHISTORIQUES. 29
est tout fait efface la lambdode seule est encore bien dessine
quant la sagittale, les sillons tortueux qui en indiquent lasitua-
tion sont si peu profonds, que la mince patine noirtre dpose n
la surface du crne suffisait pour les masquer entirement. On
n'avait doncpas pu s'apercevoir que cette suture tait dvie. Mais
il y a quelques jours, faisant excuter, pour le prsent travail, un
diagramme de ce crne,j'ai voulu dterminer le pian mdianpour
le prsenter exactement au diagraphe, et j'ai t amen cher-
cher attentivement la situation de la suture sagittale un lavage
fait avec soin, l'aide d'une solution alcaline, m'a permis de la
retrouver presque tout entire. On voit maintenant (voy. ng. '11)
que cette suture n'est pas droite.; elle dcrit, entre le bregma etle lambda, une courbe assez prononce, dont la conca.vit est
dirige vers la ligne mdiane, et dont la convexit est tourne
vers le ct gauche, c'est--dire vers le ct trpan. Pour appr-cier le degr de cette dviation, j'ai simul une coupe mdiane,:). l'aide d'un cordon tendu de l'inion la racine du nez, et passantparie lambda. J'ai reconnu ainsi que la partie moyenne de la, su-ture est reporte '12 minimtres gauche de la ligne mdiane.
Or, cette partie moyenne (plus rapproche, toutefois, dubregma.que du lambda) correspond prcisment l'ouverture de la
trpanation chirurgicale les bords antrieur, postrieur et in-frieur de cette ouverture ont t emports par la trpanationposthume, mais le bord suprieur est intact; il est long de 40 mil-
limtres, et reprsente un peu moins du tiers d'une ellipse il est
falciforme, parfaitement cicatris et aminci en un biseau tran-
chant, large de 10 13 millimtres. La base de ce biseau dcritainsi une courbe beaucoup plus grande que son bord libre, etelle vient toucher en haut la suture sagittale, qui est heureu-sement trs-visible ce niveau. La trpanation a donc t faitesur la partie suprieure du parital gauche, de manire attein-dre le bord de cet os, sans entamer le parital droit, et il esttout fait vident que la dviation de la suture a t la cons-quence de l'opr-ation. Cela prouve, sans rplique, que le sujet at trpan une poque o le travail de croissance des os ducrne tait encore trs-loin de son terme. On sait que ces oss'accroissent presque exclusivement par leurs bords le bord duparital gauche, atteint par la trpanation, a donc cess de faireles frais du travail d'accroissement, et le bord du parital droit,n'tant plus arrt par la rsistance de l'os voisin, a pu se pro-
M~EO'ANrUttOt'OLOCtK.;i0
longer sur ]a rgion gauche du crne. Nous avons ainsi la preuveirrcusable que la trpanatio)) a t faite dans le jeune ge (i).
Mais cette asymtrie no s'est produite qu' la faveur d'une cir-
constance toute spciale si la perte de substance avait entame
te bord du parital droit, on si elle s'tait arrte quoique mil-
iimtrcs du ))ord du parital gauche, ]e travail d'accroissementu'aurait pu nuire la symtrie du crne.
]) )'su)te des faits que je viens d'analyser que les sujets opretaient presque toujours des enfants. Je n'en conclus pas que h
trpanation ne fut jamais pratique chez les adultes. Eue pouvaitl'tre a titre d'exception cela me parat mme assez probable.car les oprateurs de ce tomps-t devaient tre tents quelque-fois d'agrandir le domaine de leur art. Mais ce qui me parait r-
sulter de l'ensemble des faits connus jusqu'ici, c'est, que la tr-
panation se faisait, sinon toujours, du moins presque toujours, a
l'ge de l'enfance. On va voir que cette notion jette le, plus grand
jour sur toute l'histoire des trpanations nolithiques.
5. DU PROCDE DE LA TRPANATION NOLMHIQUE.
Les procdes l'aide desquels on peut pratiquer mthodique-ment des ouvertures sur le crne se rduisent trois la rotation,la section et le raclage.
J'ai dj dit, que, depuis les temps les plus recules, les chirur-
giens grecs ouvraient le crne l'aide d'un instrument, tournant,
appel le ~'e~?:. L'origine de cette opration tait dj oublieau temps d'Uippocrate, au cinquime sicle avant notre re. Le
trpan tait un instrument mtallique il supportait tantt uneco!
SUal.E-'TRPAKA.TtOKSMmSTOMQCM. 3)
i~er, assis,fixe entre ses genoux la tte du mouton, applique sur
le crne de t'animt la poitite de son gros couteau, et imprime
au manche un mouvement de rotation en te roulant entre ses
mains. Hieu de plus stmpie, comme on le voit et il est clair
(me cet matrument, grossier pourrait trs-me)) tre remptace
pnc'un outH de sticx. La trpanation par rotation ou par tere-
hration tait donc certainement la porte des oprateurs no-
ilthiques.
Fm.l~.LccriUmpe~i'ot'LjduPuy-dc-Dunm.Mais ce procda ne peut produire que des ouvertures parfai-
tement rondes, tandis que nos ouvertures chirurgicales sont et-
liptiques. En outre, les bords des ouvertures de trpan sont per-pendiculaires la surface des os, tandis que ceux des ntres sonttaills en nn biseau toujours assez oblique. Ce dernier caractredistinctif n'est sans doute pas absolu, car un trpan exfoliatif deforme vase, comme le couteau desberg'ers de la Lozre, donneune perforation bords un peu obliques c'est ce que l'on peutvoir sur un crne qui a t trouv dans les fouilles pratiquesnu sommet du Puy-de-Dme, et qui est probablement le crne'l'un moine du neuvime sicle (voir fia'. )2): mais la faible obli-
M~CED'AKTHMPOLOG~E.32
quit du biseau marginal, dont la coupe est reprsente sur la
figure 13, diffrencie entirement cette ouverture de nos ouver-
tures nolithiques, dont la forme elliptique, je le rpte, exclut.
compltement l'ide d'une perforation par rotation.
Le procd de la section semble, au premier abord, plus ac-
ceptable. Les Kabyles de l'Algrie, qui pratiquent trs-souventla.
trpanation, se servent cet et'et de scies, l'aide desquelles ils
circonscrivent la pice a enlever. M. le baron Larrey a montr,a l'Acadmie de mdecine de Paris, les dessins de ces grossiers
Fie. 13.A.cottpc schmatique de perforation du cr;lnc d!)Puy-de-Dmp.B,?~.d'uneouver~t'ed(iiatrepanationchirf]rgicaieneo)ithique.
instruments (1). Je rappelle eu outre que M. Squier a dcouvert,dans un ancien tombeau du Prou, un crne sur lequel la trpa-nation a t faite au moyen de quatre sections, qui se coupent
angle droit, de manire circonscrire une pice carre (2). Les
scies en silex de l'poque nolithique pouvaient, sans aucun doute,
produire de pareilles sections, etnous savons, d'ailleurs, que c'tait
ainsi que l'on pratiquait la trpanation posthume. On a donc pu
supposer que les trpanations chirurgicales se faisaient par le
procd de la section. On est mme all plus loin certaines ron-delles bien rgulires, comme celle de Lyon et la rondelle trou
de M. de Baye, ont des dimensions peu diffrentes de celles des
ouvertures chirurgicales d'aprs cela, quelques personnes sesont demand si ces dernires n'taient pas le rsultat d'une op-ration destine tailler des amulettes dans le crne de l'homme
(i) Voyez Amde Paris, MemoM'e sMt'!f:
SCKLKST)'t'ANAt'fOKSt'HmSTO)UC!UES. 3:i :J
vivant. Le fait que la plupart des rondelles sont trs-irrguhres
rfute suffisamment cette hypothse mais cela ne prjuge en
rien la question des sections.
Nous pouvons tudier tout notre aise le procdede la section
sur les nombreux crnes qui ont t trpanes aprs la mort. Les
sections sont tantt rectilignes, tantt curvilignes, mais jamais
elles ne prsentent la courbe rapide que nous observons sur les
ouvertures chirurgic:ues. Cela se conoit aisment. Les scies et
les sont droits, et tendent, par consquent:, produiredes sections planes; la main qui les met en mouvement peut les
forcer tourner un peu et dcrire un arc de faible courbure
mais, lorsqu'on veut changer de direction pour contourner un
on est oblig d'abandonner le premier trait de section
et d'en commencer un autre, qui le coupe sous un angle pius ou
moins ouvert(voirplus haut,ng.4,p. 10). Les ouvertures faites parsection sont donc polygonales. Elles ne peuvent tre ni rondes
ni elliptiques. Dans tout l'arsenal de l'anatomie et de la chirurgiemodernes, il n'existe aucun instrument capable de dtacher parsection et d'enlever d'une seule pice un segment elliptique, de
manire produire une perte de substance comparable cellesde nos crnes nolithiques. On pourrait, il est vrai, aprs avoirobtenu par section une ouverture polygonale, en retoucher eten arrondir les bords et en effacer les angles; mais la iime, le
couteau, la scie qu'on emploierait pour cela devraient pntrerdans le crne et broyer la substance crbrale A un degr tel
que l'opr n'y survivrait pas d'ailleurs, on aurait beau arrondirles bords, on n'effacerait pas la trace des sections qui, au del de
chaque angle, se prolongent sous ia forme de rigoles ou de ~Me~o',dans les couches superficielles de l'os adjacent. Ces queues sontlongues et profondes sur l'ancien crne pruvien dont j'ai djpari, et qui a t trpan par section; elles font entirementdfaut autour de nos ouvertures chirurgicales.
Ce n'est pas seulement la forme gnrale dcs ouvertures quiest incompatible avec le procd de la section; la disposition trs-oblique de leursbordsnel'estpasmoins. Une scie, mme mdiocre,peut pntrer dans les os du crne suivant une direction quelquepeu oblique, mais laplus parfaite de nos scies d'acier glisserait surla table externe, ou la rperait seulement, si on lui donnait le de-gr d'inclinaison qui correspond la grande obliquit du biseaude nos ouvertures de trpanation car la scie n'attaque pas l'os
3
fVtJED'ANTimOPLOG~E.34.IL.
d'un coup soudain, violent, rapide, irrsistible, comme le fait )esabre d'un ennemifurieux.
Kouspouvons donc conclure en touteassuranccqne les tr-
panations nolithiques n'ont pu tre faites mpar le procd dela rotation ni par le procd de la section. Il ne nous reste plus,ds lors, que le procd du raciale.
C'est par le procd du raclage que les liabitants do certainesies de la mer du Sud pratiquent la trpanation (1). Ils se servent.
aujourd'hui pour cela d'clats de verre mais, avant de connatrele verre, ils employaient probablement des outils en silex. Cette
opration peut tre qualifie de barbare elle a pourtant t long-temps usite dans la chirurgie d'Europe. Le trpan exfoMatifn'en
tait, vrai dire, qu'un driv et les rugines, les rpes, les grat-toirs, remplaaient souvent l'exfoliatif. Un auteur du dix-septimesicle conseille encore de traiter l'pilepsie par l'application d'un'< cautaire o ou fonticule, obtenu en descouvrant l'os, voyre, en
rppant, en emportant la premire table, comme OM le /
SUKLES'mtMNA')f~'SPH)fiSTOmQUM. :tr.
on conoit que labarl~rie et la difficult de ce procd aient t
invoques comme une objection contrema manire de voir.
Mais cette objection distrait si l'on admet, conformment aux
preuves que j'ai dj exposes, que la trpanationft pratique
presque exclusivement sur les enfants, dont le crne, beaucoup
plus tendre et beaucoup moins pais, se laisse aisment et rapi-
dement perforer par le raclage. Kn moins de cinq minutes, on
obtient une ouverture rgulire, elliptique, dont les dimensions
sont n'MMM< les mmes que celles de nos ouvertures cica-
trises, quoiqu'elles soient absolument moindres, a. cause de la
petitesse du crne et de la plus grande rapidit de sa courbure.
tl est. trs-facile de mnager ta dure-mre, et de se convaincre
que l'opration, faite sur le vivant, aurait peu de g'ravit (t). Que
l'on fasse ensuite intervenir, par la pense, d'abord le travail de
cicatrisation, puis le travail de l'accroissement du crne, et l'on
comprendra que cette ouverture deviendrait, l'ge adulte, en-
tirement pareille, sous tous les rapports, celles de nos trpanes
nolithiques (2).
(1) J'ai prsent a la Socit d'anthropologie, dans les sances do no-vembre 1876, des crnes d'adulte et d'enfant trpanes par raclage avecun clat de verre. Les deux oprations avaient t faites avec le mme
morceau de verre. Sur t'adulte, dont le crne tait excessivement pais,l'opration avait dur cinquante minutes, y compris les temps do reposexigs par la fatigue de la main. Sur fenfant, qui tait ge do deux
ans, tout avait t termine en quatre minutes.
(2) Pendant t'impression de ce travail, j'ai dcouvert, sur un crne re-
marquable dont j'ai dj parl, la preuve directe que la trpanation chi-
rurgicale avait t faite par le procd du rclage. Ce crne est celui quia t reprsent sur la figure 8 (voy. plus haut, p. )9).La trpanation,pratique pendant l'enfance sur la partie suprieure et interne du paritalgauche, avait atteint le bord sagittat de cet os sans entamer le paritaldroit, et on a vu plus haut que, l'accroissement marginal du parital gancheayant t arrt . ce niveau, tandis que celui du parital droit se faisaitsans obstacle, la suture sagittato avait subi une dviation de t2 milli-mtres vers la gauche. C'est ce qui rsulte de la comparaison ('3 la sutureet detaligne mdiane du crne, sur la face convexe des os. Or, du ct de ta.face concave, la dviation est beaucoup moindre elle est peine de 6 mi)-Umtres. Sur cette face, la suture sagittale, comme d'ailleurs toutes lesautres sutures, est entirement eace mais l'empreinte du sinus longi-tudinal suprieur, et la double srie d'empreintes des glandes de Paccbioni,permettent de retrouver la ligne d'union des deux paritaux et de reeon-
natre, par consquent, la position ([u'occupa.itta.sutnre sagittale avant
t'poque ou elle a subi la soudure snile. Cela pos, si, au niveau du point
tmvm':i)'ANT))ROPOLO(jfE.:!(i
Je crois donc pouvoir conclure que la trpanation se faisait
par le procde du raciale la grande facilite do ce procd etson peu de gravit, chex les enfants, contrastent, avec la difficultet le danger qu'il devait prsenter tiez les adultes, et expliquentpourquoi les sujets opres taient des enfants.
N'existait-il pas d'autre procd que celui du raclage ? Je n'o-
serais pas l'affirmer. M. Prunires a recueilli une pice, jus-qu'ici unique, qui l'a conduit a penser qu'on employait aussi quel-quefois le procd du forage par rotation. Voici cette pice(fig. 'I i.). C'est un fragment de parital, sur le bord sagittal duquelexiste une chancrure entirement cicatrise, formant un arc decercle bien rgulier. Les bords de cette chancrure ne sont nul-lement obliques ils sont perpendiculaires la surface de l'os,comme ceux des ouvertures produites par nos trpans modernes.L'chancrure reprsente environ le quart d'une ouverture ronde,qui s'tendait, travers la suture sagittale, sur le parital ducot oppos, et qui, en juger d'aprs la partie qui a t re-
trouve, devait avoir de 20 2~ millimtres de diamtre. Cette ou-verture se distingue donc compltement des autres par ses di-
mensions, qui sont beaucoup plus petites, par sa forme, qui est
ronde, et par ses bords, qui sont perpendiculaires; et si elle est chi-
)'!a'
SI;nLKST~)'ANA110KSt'KmSTOH[QLES. 37
trouve. Ufautadmettrequ'cileaet produite par un instrument
tournant, suivant un procde plus on moins analogue celui des
bergers de la Lozre, rappel cette occasion par M. Prunires.
Mais est-elle rellement chirurgicale? C'est ce qui est bien loin
h'o:.44. Fragment. ci-iltiien de parita! droit provenant du dolmen de P Aum(~dc(Lotre);cotL Prunires, gr.u~L a/j. bord s~g'~tat-. 6(. bord coronat; ~M', ech~cj'ure cica-trise bord perpendiculaire. Le reste de la circonfrence du fragment est limit pardesbords itTfgutiHrement cassus.
d'tre djNontr. Si nous avons pu tablir que nos ouvertures el-
liptiques sont chirurgicales, c'est parce que nous avons pu enobserver et en comparer un ~rand nombre, et parce que laconstance de leurs caractres nous a rvl l'intervention d'un
procd mthodique. A n'en voir qu'une seule, nous serionsrests dans le doute, car le hasard est grand, et les causes des
perforations sont multiples et trs-diverses. Or, la pice dont il
s'agitne peut tre compare aucune autre, puisqu'elle est uniquedans son genre, et il est impossible de prouver qu'elle ne soit pasfortuite (f).
II n'est donc, jusqu'ici, nullement prouv que les trpanateursnolithiques aient employ le procd de rotation. Il est certain,
(J) On trouvera une discussion pins f'omptte do ce fait dans les BMMfh'Hs'.
KMVUMf/ANTnKt'OLOGiK.38
en tous cas,que ce procd ne pouvaitetreque trs-exceptionnel.ctque le vraiproed de ce temps-l tait celui du raclage.
(i. SOLIDA!UT DE LA Tnl'ANATION CUIRUUGICALB
ET DE LA TRPANATION POSTHUME.
J'ai dj cite en pass'ant plusieurs faits d'o i! rsulte que tes
sujets sur' lesquels on pratiquait )a trpanation posthume taient
choisis parmi ceux qui avaient subi autrefois la trpanation chi-
rurgicale. 11 n'est pas inutile, nanmoins, de runir ici les preu-ves sur lesquelles repose cette proposition importante.
La plupart des fragments crniens, plus ou moins travaitls,
que nous dsignons sous le nom de rondelles, et qui servaient
d'amulettes, prsentent sur l'un de leurs cots un bord concave,
rgulier, falciforme, aminci en biseau, parfaitement cicatris,et qui a fait videmment partie de l'ouverture d'une ancienne
trpanation chirurgicale. Le reste de leur circonfrence prsente,dans une partie ou dans la totalit de son tendue, des indices
certains de sections fraches. Ce dernier caractre prouve queles rondelles ont t obtenues par la trpanation posthume, etl'autre caractre, celui du bord cicatris, prouve qu'elles ont t
tailles dans le crne d'un individu qui avait t trpan longtempsavant sa mort. H y a, il est vrai, quelques rondelles dont le bordn'est [nullement cicatris. Leur circonfrence tout entire est
taille en plein dans l'paisseur d'un os tout fait normal. Maisces cas sont incomparablement plus rares que les autres, et il estfort possible qu'ils n'en diffrent pas essentiellement; car si l'on
dbitait~n amulettes les parties du crne qui entouraient les ou-
vertures cicatrises, c'est qu'on attribuait aux parois de cescrnes des proprits particulires, et, ds lors, il est permis de
supposer que, tout en choisissant de prfrence les bords des ou-
vertures, on pouvaitquelquefois prolonger les sections posthumessur d'autres parties des mmes crnes.
Quoi qu'il en soit, la trs-grande majorit des amulettes ont t
tailles dans des crnes autrefois trpans. C'est un fait tout fait
incontestaMe, et qui nous suffit parfaitement.La dmonstration de ce fait dcoule, d'ailleurs, bien plus clai-
rement encore de l'examen des crnes soumis la trpanation
posthume; les pertes de substance qu'on y observe prsententordinairement, dans une partie de leur tendue, un bord falei-
KEVUED'AN'rnKOPf)LOG)E.40
det'ecaine occipitate. La suture I.'unhdoMe etia suture sas'itta)ey sont. trs-visiMes. Lo parita.1 gauche prsente une lar~'e chan-
enn'e, Innite dans s:i partie postrieure par un bordfatcifonne et
cicittrise, dans sa partie antrieure pa:'un bord nettement coupe.Les cas o l'ouverture est entire sont plus rares. Mn voici, deux,
cependant. L'un (ua;. '!(!) est le numro H) de la caverne de]'Homme-Mort. L'ouverture occupe ta plus grande partie de la r-
gion temporo-paritale. et empite en outre sur l'caiile de l'osfrontal jusqu' la crte temporale, c'est--dire jusqu' ta limitedu front proprement dit. En avant, en haut, en bas, la section
Fo. ]7. Ct'~no provenant de t'un des dolmens appe!s C'z6oMr?no~ ot~JK~e~M.K ~e~ Poil-lacres. I)oiiii par M. Prul1ires::Iu muse de l'Institut. anthropologique. 1)emi-nat.
~B, bord cicatris (tt'6p.chi)'urg.); jRCj~D, bords scies ou coups aprs tamurf.
(t;'ep.posthume).
est posthume, avec des bords perpendiculaires ou peu obliquesmais en arrire l'ouverture est limite par un bord falciforme et
cicatris, qui a fait partie d'une ouverture de trpanation. L'autre
crne est plus curieux encore; c'est celui que j'ai dj mentionn
plus haut, et sur lequel la dviation de la suture sagittale a t
constate (voir p. 28,ng. '). L'ouverture, ici, est vraiment im-
mense (voir ng. 17).Sur le milieu de sa partie suprieure existe un bord cicatris,
tranchant, concave, long de 4 centimtres. Cette portion de l'an-
cienne ouverture chirurgicale a t seule conserve, le reste a
t emport par des sections posthumes multiples, qui ont d
SCftLESTMt'ANATtONSPRHtSTOUQUES. 4t 1
4
fournir un assez bon nombre d'amulettes, car la perte de sub-
stance est assez grande pour simuler l'ouverture d'un crne taii
en coupe (la partie cicatrise du bord paraissant prpare parun
polissage posthume pour faciliter l'application des lvres d'un
buveur).Dans les trois cas qui prcdent, on peut assister, pour ainsi
dire, au travail de la fabrication des amulettes. Pourquoi l'opra-teur a-'t-il respecte une partie de l'ouverture chirurgicale? Mst-ce
seulement parce qu'il avait dj satisfait toutes les demandes
d'amulettes, et qu'il jugeait superflu de pousser plus loin l'opra-tion ? ou est-ce qu'on voulait que le crne conservt, dans une au-
tre vie, le tmoignage prcieux et glorieux de l'ancienne trpana-tion ? J'incline vers cette dernire supposition, mais elle ne serait
valable que si les faits du mme genre se multipliaient, et on
conoit qu'ils doivent se retrouver trs-difficilement, car les
crnes mutils par d'aussi vastes pertes de substance se brisent
aisment dans le sol il est donc rare de pouvoir reconstituer
l'ouverture entire, ce qui est ncessaire pour savoir sielle prsente le caractre mixte constat dans les trois cas
prcdents. Le plus souvent, il faut le dire, les traces de l'ouver-
ture posthume ne se retrouvent que sur des fragments isols, o
l'on voit une chancrure marginale produite par section, les au-
tres bords tant simplement briss. Ces pices, qui sont nom-
breuses, prouvent que l'on dpeait souvent les crnes des morts;on ne peut avoir la preuve directe qu'elles proviennent d'indivi-dus trpans pendant leur vie mais cette preuve rsulte del'tude de certains cas o l'ouverture, entirement conserve,est en partie coupe, en partie cicatrise, et elle rsulte surtout,comme on l'a vu plus haut, de l'tude des amulettes.
Je ne quitterai pas ce sujet sans rappeler que les ouvertures
posthumes, quelque tendues qu'elles soient, ne dpassent jamaisla limite du front proprement dit. Cette remarque ne repose passeulement sur les cas o l'on a pu reconstituer l'ouverture com-
plte, mais encore sur les cas bien plus nombreux o l'on n'a
retrouv que des fragments plus ou moins chancrs. Aucune deces chancrures artificielles n'entame la partie de l'os frontal
qui forme le front. Pourquoi vitait-on si soigneusement de mu-tiler le visage? N'tait-ce pas parce que le mort tait appel
une autre vie, o il fallait qu'on pt le reconnatre? Cette expli-cation paratra plausible si je parviens dmontrer, comme
MVt)ED'ANTHROMM6tE.44&
dont la description va suivre, elles n'taient pas l'objet des mmes
soins, car elles sont ordinairement de la mme couleur que lesos trouvs auprs d'elles.
2 Les amM/e~M irrgulires, auxquelles le nom de rondelles n'a
Fis. tS. Amulette irreguiiere de forme triangulaire. Le bord gauche, qui est le plus
court, est falciforme et cicatris. Les deux autres bords sont coups. Gr. nat.
t appliqu que par extension, et par une convention de langage
FiG. 19. Amulette bord faloiforme, provenant du dolmen de la Galline (Lozre).M. Prunires. Gr. nat. La partie la plus claire du bord concave est taiiie en uuMaeitU
mince, falciforme et cicatris. Le reste de ta circonfrence de l'amulette a t taill
par sections posthumes.
qui exige une certaine complaisance, diffrent, entirement des
prcdentes. Elles sont toujours irrgulires, anguleuses, et pr-
SUK LES TRPANATIONS PRHISTORtQUES. 4SJ
sentent les formes et les dimensions les plus diverses. Leur plus
grand diamtre peut tre infrieur 35 millimtres (fig. 21),ou
atteindre 75 millimtres (&g. 19). Elles sont tantt plus ou moins
triangulaires (ng. 18 et 19), tantt plus ou moins rectangulaires
(ng. 20) ou trapzodes. D'autres fois enfin, leurforme gnrale
F)G. 20. Amulette irrgulire de forme quadrilatre, provenant du dolmen de l'Aumede.
Gr. nat. Coll. Prunires. Le bord
4.6C) ttEVUEB'AUTHttOl'OMME.
tiou, on partie par fractura. On peut, il est vrai, se demander, en
pareil cas, si la fracture a t rellement faite par l'oprateur, Il
serait possible qu'eue se fut produiteaccidentellement dans le sol. U serait
possible encore que l'amulette eut t
entirement dtache par section, et
que plus tard son possesseur en eut
cass un fragment pour le cder une
autre personne.Cette subdivision ultrieure des amu-
lettes rsulte de l'examen do la pice
F.e. si. Amulettes encoches de trapzo'i'de reprsente sur la figuresuspension. provonant du dol- et dj mentionne plus haut.mon de la Cctve das fes (Lo- Il' 1 l. f'~PP~ q'~ bord droit faisaitLe bord droit a fait partie d'une partie d'une suture le bord suprieursuture; le bord mMrieur est et le gauche sont nettement COU-cass; les deux autres bordssont coups. pes, tandis que le bord infrieur est
cass. Ici, il est parfaitement certain
que la. fracture ne s'est pas produite accidentellement dans le
sol, et qu'elle a t faite pendant qu'on se servait encore de
l'amulette, car aprs la fracture on a fait une encoche art}ncieUoassez profonde sur le bord cass une autre encoche a t en-
taille sur le bord oppos en&n, on a uni ces. deux. encoches parun sillon superficiel creus dans la table externe, et destin re-
cevoir un cordon de suspension. Cela prouve que l'amulette,
quoique subdivise par fracture, avait conserv ses propritsimaginaires. Cette pice remarquable est jusqu'ici la seule amu-lette irrgujire qui ne soit cicatrise sur aucun de ses bords
peut-tre le fragment qui en a t dtach prsentait-il le carac-
tre du bord cicatris, commun toutes les autres amulettes irr-
gulires mais puisque nous savons, par cet exemple, que la
proprit attribue aux amulettes crniennes ne rsidait pasexclusivement dans leur bord cicatris, qu'un pouvait par cons-
quent les tailler dans une partie du crne plus ou moins loignede l'ouverture, nous devons nous demander pourquoi les amu-lettes cicatrises sont si communes, tandis que ~ea amulettes noncicatrises sont si rares. C'est probablement parce que ces pr-cieux fragments taient un objet de commerce, parce que les
acheteurs voulaient avoir la preuve que l'amulette provenait bien
rellement d'un crne trpa.n, et parce que l'authenticit de cette
SCR[.ESTRPAr!ATiONSP)!mSTOR)QCES. 47
provenance ne pouvait tre tablie que par la prsence du bord
falciforme et cicatris.
Toutes les amulettes irrgulires dont j'ai parl jusqu'ici pr-sentent au moins sur une partie de leur bord des traces de sec-
tion qui permettent d'en dterminer la nature avec cer titudemais ces traces de section font souvent dfaut; car le plus lger
degr d'rosion posthume suffit pour les effacer cette rosion
agit plus aisment sur le tissu spongieux ouvert par la section,
que sur le reste de l'os; elle altre donc souvent les bords cou-
ps, tandis que le bord cicatrise, form par un tissu trs-com-
pacte, chappe bien plus longtemps son action. D'autres foistoute la pice, l'exception du bord falciforme cicatris, est cir-
conscrite par des fractures trs-irrgulires qui pourraient s'tre
produites dans le sol. Dans l'un et l'autre cas, la pice n'est ca-
ractrise que par son bord falciforme cela suffit pour prouverqu'elle a fait partie d'une ancienne ouverture de trpanation, maisil n'en rsulte pas ncessairement qu'elle ait servi d'amulette,car il pourrait se faire que ce fut simplement le dbris d'un deces crnes trpans qu'on inhumait sans les dpecer.
On ne peut donc considrer avec certitude comme des amu-
lettes que les pices qui prsentent au moins sur l'un de leursbords des traces de section.
Fin. M. Amulette a demi rgulire, trouve l'intrieur d'un crne perfor des C:J'ai dcrit successivement les amulettes rgulires et les amu-
lettes irrgulires. Elles sont si diffrentes qu'on a peine croire
que ce soient des objets de mme nature, si l'on songe surtout
que celles-ci proviennent de crnes anciennement trpans,
nEVCED'ANTnMPOMCtE.48
celles-l pouvant avoir t tailles dans un crne quelconque.Mais voici heureusement un fait qui tranche la difcult.
M. Prunires possdait dj depuis plusieurs annes le crne
perfor reprsent sur la figure 17 (p. 40, et plus loin fig. 26,
p. 6G), lorsque la question des perforations crniennes fut
porte, en 1874, devant la Socit d'anthropologie. Je le priai de
m'envoyer ce crne, dont il m'avait dj communiqu le dessin.Pour cola, il le dbarrassa de la terre qui en remplissait toute la
cavit. L'opration fut trs-laborieuse, car le crne tait trs-
frag'ilc, et la terre, trs-durcie, ne put tre enleve que miette
miette, l'aide d'un crochet broderie. Le crne tait djen grande partie dblay, lorsque l'instrument heurta sur
un fragment osseux, que M. Prunires retira avec les plus
grandes prcautions. C'tait la belle rondelle reprsente sur
la figure 22.Cotte pice remarquable participe la fois de la nature des
rondelles rgulires et de celle des amulettes irrgulires. Elle
peut tre compare un croissant; son bord concave, falciforme,
aminci, en biseau trs-oblique, a fait partie d'une ancienne ouver-
ture de trpanation chirurgicale; et son bord convexe, beaucoupmoins oblique, bien arrondi, poli, est exactement pareil au bord
circulaire des rondelles proprement dites.- Lorsque l'on com-
pare cette amulette avec la rondelle de Lyon (fig. 1 et 2, p. 2),il est impossible de mconnatre que le travail est identique sur
les deux pices, et l'on n'a pas oubli que la rondelle de Lyon a
t trouve, elle aussi, dans l'intrieur d'un crne largement ou-
vert par la trpanation posthume.Il est donc certain que les rondelles rgulires et les rondelles
irrgulires servaient aux mmes usages, qu'elles taient de
mme nature, qu'elles se rattachaient aux mmes croyances, aux
mmes pratiques. Si quelques-unes 'taient retouches et; poliesavec soin, c'tait purement accessoire; c'tait un luxe que se
donnaient quelques individus, et on sait que de tout temps il a
t permis d'appliquer le luxe aux objets de pit. Mais la plu-
part restaient l'tat brut, parce que, de tout temps aussi, les
pauvres ont t plus nombreux que les riches.
Quelques amulettes taient portes au cou on le reconnat aux
dispositions qui taient faites pour faciliter l'application d'un cor-
don de suspension. C'tait tantt un trou, comme sur la rondellede M. de Baye, tantt deux encoches marginales et un sillon
StJRLESTR-PANATtONSmmSTOmOCES. 4.!)
commesur l'amulette trapezode de M. Prunires (fig. 24). On
recourait indiffremment ces deux procds, ainsi que le
montre l'amulette reprsente sur la figure 23. En face du bord
gauche, a, qui est falciforme et cicatris, on a pratiqu sur )o
bord droit une section concave b,et il en est rsult un trangle-ment sur lequel on a pu fixer so-
lidement le lien de suspension.Mais, avant de se dcider ap-
pliquer ce procd, on avait
voulu appliquer l'autre on avait
essay de creuser un petit trou
central de forme losangique, cir-
conscrit par quatre petites sec-
tions trs-nettes; on avait ainsi
perc la table externe et pntr
dans le diplo puis on avait
chang d'ide, et on avait eu
recours un autre moyen.
Fic. 3~. Amulette trrugutiropFupai'cG
pour la suspension. Coll. Prunires. Cr.
nat.
Mais les amulettes faonnes de manire pouvoir tre sus-
pendues sont assez rares. Les autres se portaient sans doute dansla poche, ou dans un pli de vtement, et leur frquence dans les
spultures nolithiques prouve qu'on les inhumait avec les corpsde ceux qui les avaient portes pendant leur vie.
J'ai d dcrire avec quelques dtails les amulettes crniennes.afin de pouvoir procder la recherche des proprits qu'on leurattribuait. Ces proprits ne tenaient ni tel ou tel os, ni telle outelle rgion du crne, puisque les amulettes sont prises indistinc-tement dans tous les os de la vote du crne, l'exception de la
rgion du front proprement dit; elles ne tenaient pas davantage la forme, si variable, des amulettes,ni leur volume, ni la naturedu travail, car la section, la dsarticulation, la fracture, le polis-
sage, tout tait bon. Elles tenaient donc la substance mme du
crne,et non pas d'un crne quelconque, mais de certains crnestout spciaux, de ceux qui avaient subi autrefois l'opration de la
trpanation chirurgicale, et qui sans doute n'y avaient t soumis
que dans un but thrapeutique. Cela permet de croire que les
proprits des amulettes crniennes se rapportaient principale-ment la prservation de certaines maladies, et spcialementdes maladies qui taient traites par la trpanation. Rien de plus
MVCE D'ANTH))OPOMG]E.50
conforme d'ailleurs aux superstitions de tous les peuples.Mais on ne porte pas seulement les amulettes pour se pr-server des maladies; on les porte aussi pour se prserver del'influence dos mauvais esprits. Ces deux indications, au surplus,peuvent se confondre en une seule, dans les cas si nombreux ol'influence mystique que l'on redoute est do celles auxquelles onattribue la production de certaines maladies. La nature des pro-prits des amulettes crniennes sera donc dtermine, si nous
parvenons dcouvrir la nature des maladies que l'on traitait parla trpanation.
8. BUT DE LA TRPANATION CHIRURGICALE.
Les faits qui prcdent ont suffisamment tabli que les indi-
vidus qui avaient survcu la trpanation chirurgicale, deve-naient par l mme l'objet d'une superstition toute particulire.puisqu' leur mort on faisait des reliques de leurs crnes. Il est
donc naturel de penser que ces individus taient considrs
dans leur tribu comme ayant un caractre de saintet, et c'estla premire ide qui s'est prsente mon esprit. Je me suis
demand si ~Ia trpanation n'tait pas une crmonie d'initia-tion la saintet de quelque sacerdoce, et le fait que l'oprationse pratiquait presque exclusivement chez les enfants venait
l'appui de cette hypothse, qui n'tait nullement contraire la psy-chologie des peuples barbares (i). Mais une initiation qui aurait
exig une pareille opration, n'aurait pu tre que trs-exception-nelle la saintet [ne saurait tre trop frquente en devenant ba-
nale, elle s'attnue, elle perd tout son prix, et on n'y attache plusassez d'importance pour l'acheter si cher. Cette ide, qui m'taitvenue lorsque les faits taient encore peu nombreux, m'a donc
paru de plus en plus invraisemblable lorsqu'ils se sont multiplis.N'oublions pas d'ailleurs que les deux sexes taient indistincte-
ment soumis la trpanation, ce qui constituerait une difficult de
plus. Pour expliquer la trs-grande frquence de cette opra-
tion, il faut autre chose qu'un but d'ambition sacerdotale il faut un
but d'utilit immdiate, et puisqu'un si grand nombre de familles
se dcidaient faire oprer leurs enfants, ce ne pouvait tre que
(1) J'a.i expos cette ide d&nsIesB:(H
SL'ttt.ESTRt'ANATtONSPRmSTOMQCM. Si
pour les soustraire & un danger, qui pouvait d'ailleurs tre plus
ou moins imaginaire.Ceci nous conduit donc admettre que la trpanation noli-
thique tait faite dans un but thrapeutique. Mais leqne)? Dans
notre chirurgie actuelle, les indications du trpan se rapportent
presque exclusivement A des maladies chirurgicales, savoir aux
blessures de la tte et aux maladies des os du crne car ou a
renonc traiter par ce moyen, comme on le faisait, encore il
n'y a pas bien longtemps, certaines maladies mdicales, toiles
que l'pdepsie spontane. La premire question est donc celle de
savoir si la trpanation nolithique n'tait pas destine a traiter
ces cas chirurgicaux o nous savons qu'elle est rellement effi-
cace, Cette opinion mrite d'tre discute, puisqu'elle a proc-
cup un homme .aussi autoris, que M. Prunires. M. Prunires
reconnat avec moi que la trpanation se faisait surtout pourdes maladies mdicales, mais il est dispos croire que dans
l'origine elle avait t invente pour combattre les accidents des
fractures du crne avec enfoncement, que l'ide en tait venue
la suite de certains cas ou l'on avait vu le dlire ou des convul-
sions, produits par des esquilles enfonces dans le cerveau, se
dissiper aprs l'ablation de ces esquilles,- et qu'aprs avoir d'a-
bord trpan les individus blesss la tte, on avait ensuite, parextension, trpan aussi les individus atteints de toute espce de
dlire, d'affections convulsives et de folie (1). L'analogie des
symptmes de ces diverses maladies aurait conduit recon-natre qu'elles avaient toutes leur ~sige dans le cerveau, et aleur appliquer ds lors une thrapeutique commune. La pratiquede la trpanation aurait donc procd de l'observation, ce quisupposerait de la part des praticiens nolithiques des notions
physiologiques, des ides mdicales et des principes scienti-
fiques bien au-dessus de leur porte. Je pense pour ma part quece qui les a inspirs, ce n'est pas l'observation, mais la super-stition.
L'absence constante de tout vestige d'anciennes fractures au-tour des ouvertures de trpanation, et l'intgrit constante de la
rgion frontale, que les fractures n'auraient pas respecte,exclut l'ide que les oprations aient t faites pour cause trau-
matique etsi plus tard on venait dcouvrir quelques exceptions
~) Prunires, MemoM'e s~es cru;n\< !W/t,'s. Congres de Lille, t87i, p. MU.
REVCEB'ANTHMPOLO&.S2
cette rgle, si l'examen d'une ou de plusieurs nouvelles pices
prouvait que l'on trpanait aussi par exception, les individus
blesss la tte, loin de considrer cette indication comme pri-
mitive,,je croirais au contraire qu'elle n'est venue que tardive-
ment, lorsque les oprateurs, habitus depuis longtemps traiter
par la trpanation les affections convulsives spontanes, se se-
raient aviss d'appliquer la mme opration au traitement des ac-
cidents convulsifs de certaines plaies de la tte.
M. Prumres a encore suppos, mais avec la plus granderserve, que certaines trpanations avaient t faites dans le0
but de gurir des caries ou des exostoses des os du crne, en
enlevant les parties malades. Il s'est bas sur l'examen d'une
perforation au voisinage de laquelle l'os tait altr (1). Mais jecrois avoir prouv que cette altration tait l'effet d'une rosion
posthume, et non d'une maladie de l'os (2).Je dois ajouter cependant qu'il existe des traces d'ostite et de
''io. 34. Fragment de parital trouv parM. Gassies sous l'abri d'Entreroches
(Charente). Muse de Bordeaux. Gr. nat.
aa, suture sagittale; bb, suture lamb-
dode ab, chancrure de trpanation
posthume sur l'angle lambdodien du
parital.
priostite sur une pice dcou-
verte par M. Gassies, de Bor-
deaux, dans une station prhis-torique, Entreroches (dparte-ment de la Charente). C'est un
fragment de parital dont la
partie moyenne prsente des l-
sions dues une inflammation
chronique de l'os, et dont la par-tie postrieure