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MUSÉE PETIT marc Lazaret Ollandini – Ajaccio

Brochure Musée Marc Petit

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Extrait de la brochure du Musée Marc-Petit au Lazaret Ollandini à Ajaccio. Ouvrage disponible sur www.lazaretollandini.com

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Marc Petit est né en 1961 à Saint-Céré(Lot). Il passe son enfance à Cahorsqu’il quitte à 25 ans pour le

limousin où il vit aujourd’hui.

Il débute la sculpture à l’âge de 14 ans entaillant la pierre ; très rapidement il luipréfère la terre, matériau plus propice àl’apprentissage. Pendant plus de vingt ansil montre régulièrement son travail à deuxsculpteurs cadurciens, anciens élèves desbeaux arts de Paris : René Fournier luiapprend les bases du modelage et luitransmet l’enseignement de MarcelGimond ; Jean Lorquin ensuite, premiergrand prix de Rome 1949, lui apporte savision, ses connaissances mais aussi unevraie réflexion sur l’éthique de la sculpture ;leur relation sera primordiale pour l’évolu-tion de son travail.

À 24 ans il présente sa première expositionpersonnelle à Villeneuve-sur-Lot. En 1989Il est lauréat de la Fondation de France puisen 1993 lauréat de la Fondation Charles-Oulmont. La même année est organiséeune exposition de ses œuvres au muséeJean-Jaurès de Castres. Depuis ses œuvressont régulièrement exposées en Europedans des foires d’art et en galeries.

Le 18 octobre 2008 est inauguré le muséeMarc Petit au Lazaret Ollandini.

Photo

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HIVER 1993. Paris, près dumarché de Buci. Une galerie.Sur la table, cinq petites sculp-

tures. Et immédiatement, l’émotion.L’une après l’autre, je les prends. L’uneaprès l’autre, je les regarde. Ou plutôt,elles me regardent. Elles me voient telque, moi, je les vois. Je leur ressemble,elles me ressemblent. C’est de moiqu’elles me parlent. Ce corps nu, touthabillé d’humaine condition. Humbleet déterminé. Meurtri et debout. Têtuet tenant tête. Endurant. Ayant enduréet capable d’endurer encore. Vivant.Vivant jusqu’à la mort. C’est le meilleurde moi-même dans les épreuves queje vois là, dans cette épreuve ordinairequ’est la vie ordinaire. Je suis bouleversé.Qu’est-ce donc que je ressens ? De latendresse. Une immense tendresse. Jeveux toutes les emmener avec moi.Marie-Jeanne, qui me connaît bien,me modère. Je ne connais rien dusculpteur, j’ignore jusqu’à son nom. Jerepars avec une sculpture, « La PetiteFougue ». Je vis avec.

Septembre 2003. Dix ans ont passé.MAC * 2000. Je fais le tour du« marché ». Il y a de tout, même desécorchés vifs. Je passe, indifférent.Mon idée est de trouver dix sculpteurs,vingt sculptures, et de créer, chez moi,ce que j’appellerais « l’allée des sculp-tures ». Et tout d’un coup, immobilisé,tétanisé. Devant moi une sculpture, ungroupe de personnages. Hommes,femmes, je ne sais ? Ils sont à hauteurd’yeux. Ils fuient. Elles fuient. Leurfuite me traverse de part en part. Jeprends part à leur fuite. Me voilàfuyant avec elles, car c’est bien d’ellesqu’il s’agit. Jouant avec elles ce jeudangereux et divin. Fracassé et sauvé

à la fois. Moi comme elles, elles commemoi. Vivant et refusant la mort quivient pourtant. Vivant notre mortellecondition. Jusqu’au bout. Et, s’il lefaut, par la fuite.Un coin du stand, à ma gauche. Unhomme tout de noir vêtu. Sombre etlumineux. Tout poilu de noir, avec lesyeux de l’enfance, et une voix develours. C’est Marc Petit. C’est avec unede ses créatures que je vis depuis dixans. Je sais déjà, d’un savoir nonraisonné, d’un « savoir aimant », qu’ilest et restera le premier, mais je ne saispas encore qu’il sera bientôt le seul. Jepars avec « La Fuite », ou plutôt avec sacommande, et une autre à venir.Je suis totalement sûr de mon choix, etpourtant je doute totalement de moi.Je me parle et me reparle : de cettedécouverte, de ma découverte, quefaire ? Et si je me trompe ? Et si toutcela n’est que le pâle reflet d’une âmepleine de vent, la pauvre copie d’unedouleur non vécue ? Oui, que faire ? Ilfaut me risquer, il me faut parier. J’aimece sculpteur étrange qui saisit la mortjusque dans le vif, à moins qu’il nesaisisse le vif malgré la mort et jusqu’àla mort. Ai-je besoin pour cela deconvoquer la douleur humaine, le malabsolu infligé à l’homme par l’hommeméchant ? Ai-je besoin de l’hommedéshumanisé par l’homme ? Ma vieordinaire me suffit, mes douleurs, mafinitude, ma mort nécessaire. C’est bienmoi-même que je découvre dans madécouverte, et les autres avec moi, messemblables, mes frères.

Février 2004. Bosmie-l’Aiguille.Rendez-vous avec Marc Petit. Chez lui.

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* MAC : Marché d’art contemporain.

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Il est onze heures du soir. Le miraclede son atelier. Par moins dix degrés.Aucune importance, je suis en ébulli-tion, dans un volcan, et les sculpturesen sont les étincelles, éclats de bronzeet de plâtre nés de la fusion primitive.Suis-je de trop, objet devenu insolite,perdu dans cet antre de la création ?Je ne sais où regarder, quoi toucher.Mon œil s’égare, vagabonde, s’attache,s’arrache, s’éprend. Ma main n’oserien, se tend, caresse, s’attarde, s’émer-veille. Et jouant le jeu, dans une « feintepassion », qui est la passion de l’art, jeprête mon corps, je donne mon corps,je me donne, je suis mon corps, et rienque mon corps. Sensation primitive,primordiale, avant toute pensée, origi-naire de toute pensée. C’est mon corpsqui voit, touche, s’aventure, épouse.C’est mon corps qui aime. C’est moncorps qui pense, avant même quenaisse la moindre pensée. Alors,devenu sujet parmi mille autres sujetsautour de moi, vivants en moi, vivantsqui n’en finissent pas de vivre,mourants qui n’en finissent pas demourir, je suis de leur monde, je suis ence monde. Oui, ici, un monde nouvel-lement créé. Un monde dans le monde.Un autre monde dans ce monde. Unmonde en soi. Un monde pour moi.

Mai 2005. Pendant un mois, auLazaret où nous habitons, Marie-Jeanne et moi, cette précieuse exposi-tion : deux cents sculptures de MarcPetit. L’exposition terminée, dix sculp-tures restent au Lazaret, dont les cinq« Mea Culpa » et les trois « Silences ».

Septembre 2005. « La Douce duLazaret », ici. Là où elle a été conçue.

À elle seule, elle cristallise le lieu,l’esprit de ce lieu. Calme, douceur,sérénité. Je m’approche d’elle. Jem’assieds auprès de cette géante. Jesuis tout petit à côté d’elle. Je me faisencore plus petit, jusqu’à disparaître.Je m’absorbe en elle. Je vis sa vie dedouleurs surmontées et de tendressesinfinies. Elle porte le Lazaret. Elle estle Lazaret. Il y retrouve son sensintime. Il m’appelle et nous appelle àmieux vivre, à plus vivre. À être et àpersévérer dans son être. Dans uneacceptation du monde comme il est,et dans cette douce joie de faire partiede ce monde tel qu’il est.

Été 2006. Bosmie-l’Aiguille. Chez Marcet Cathy. Encore une fois l’atelier.Encore une fois la folie de l’atelier. ChezMarc Petit, tout est fou, mais rien n’estfortuit. Tout est fort, mais rien n’estforcé. Tout est sombre, mais rien n’estsinistre. Tout est noir, mais rien n’estlugubre, L’œuvre de Marc Petit est unhymne insensé à la vie. À la vie, malgréla mort. À la vie plus forte que la mort.À la joie de vivre. À la joie tragique devivre, cette « force majeure ». ChezMarc Petit, c’est la vie qui dit non à lamort. C’est la vie qui dit oui à la vie. Lavie tragique et joyeuse. Insensée etunique. Dérisoire et admirable. La vien’est rien mais rien ne vaut la vie. Lavie n’a pas de sens, mais c’est elle, etelle seule, qui donne du sens. Ses sculp-tures sont bien des sculptures de vie etnon de mort. Aimer ses sculptures, c’estméditer sur la vie et non sur la mort.Dans ce fol atelier, être aussi fou que lui.Être fou de sa folie. Oser ce qu’il ose. Nepas avoir peur. Lui faire confiance.Faire confiance à la vie entreprenante,

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à la vie débordante qui anime toutesses sculptures, malgré la mort qu’ellescontiennent, toutes, présente,pressante, parfois oppressante.Comme dans « Le Parc ».Septembre 2006. « Le Parc ». Oser « LeParc ». Un parc d’enfants, trente-quatreenfants, trente-quatre squelettesvivants. Une œuvre alors en plâtre,d’une densité rare. Terrible sans êtrehorrible. Terrifiante sans êtreeffrayante. Cruelle sans être mortifère.Pour moi-même, et s’il n’y avait quemoi-même, j’ai déjà choisi. Mais pourle public que je reçois ? Ne vient-il pasici pour se distraire, pour se divertir ?N’est-ce pas l’affliger que de prendre,aussi, chez Marc Petit, les œuvres lesplus folles, les plus fortes, les plussombres, les plus noires ? Faut-il allerà l’extrême de l’œuvre ?Il le faut. Il y a, là, un trop magnifiquesymbole : un parc dans un lieu dequarantaine **. Une prison dans uneprison. Et la vie, cette prison invisibleoù nous sommes condamnés à vivre,libres, à jamais mortels, enfermésderrière les barreaux du temps et del’espace, attendant, appelant, question-nant, quêtant les dieux qui ne répon-dent pas. Quelqu’un en moi a déjàrépondu : « Le Parc » sera au Lazaret.

Août 2007. Cette allée se suffisait àelle-même. Elle était pleine de sonvide, et belle ainsi. Elle n’avait pasbesoin de ces sculptures. Mais, mainte-nant, une sculpture en appelle uneautre. Elle lui donne comme rendez-vous. L’espace l’attend, comme si elleest avant même d’exister. Il me fautdonc terminer cette allée. Quand ?Comment ? Je ne sais. Mais m’engager

à cela. Le décider. Aujourd’hui. Oui,quant à moi, aujourd’hui, ma décisionest prise. Dans « l’allée des sculp-tures », il n’y aura qu’un sculpteur.Cette allée s’appellera « PromenadeMarc-Petit » ; et la « FondationFrançois-Ollandini », qui deviendrapropriétaire du Lazaret, sera aussi le« Musée Marc-Petit ».

Septembre 2007. Oser « Le Parc ».Oser « L’Exode ». Au plus près del’habitation. Dans ce qui touche au plusprès Marie-Jeanne et moi.Comprendre, accepter, aimer que noussommes en partance pour un voyage quise terminera un jour. Secoués par lavie. Vivants aujourd’hui. Emmenantavec nous toutes celles et tous ceux quenous aimons, mais seuls et toujoursseuls, malgré tout et malgré tous.

Février 2008. Musée Marc-Petit.N’est-ce pour moi qu’une manière dedire ? Une manière imagée de dire ?Le mot « musée » n’est-il pas un motcomme un autre ? Collection Marc-Petit ou Musée Marc-Petit, n’est-cepas presque le même mot ? Ou suis-je allé au mot pour signifier vraimentla chose ? Le Musée, un lieu d’éter-nité. Le mot explose, s’impose, s’ins-talle, accapare le tout, se rend maîtredu lieu. Marc Petit en est commeémerveillé.

18 octobre 2008. C’est depuis ce jourque le Musée existe.

François Ollandini

6** « Le Parc » s’appelle aujourd’hui « LaQuarantaine », selon la décision de Marc Petit.

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La Conversation fait partie d’une

série de grands plâtres réalisés à

partir de 1995. Certains, depuis,

ont été fondus en bronze, d’autres

attendent encore à l’atelier comme Le

Lit ou Les Sommiers. Je crois que cette

suite apporte par le choix de ses sujets

une note intime et simple qui nous

ramène vers le quotidien au travers de

situations banales : personnages

couchés sur un lit, assis sur une chaise

ou, comme ici, qui conversent.

Propres à ma façon de travailler au

cours de cette période, les arrachements

de matières sont nombreux ; ils

sont là pour amplifier et rendre

plus lisible la puissance des

formes convexes voisines. Je

n’ai jamais souhaité leur

donner une connota-

tion particulière. Je

pense qu’il est bon, de

toute manière, que

certains signifiants

échappent à l’auteur.

La difficulté avec

cette sculpture était

pour moi de relier les

personnages alors

qu’ils ne se touchent

pas ; d’arriver à faire

que le vide fasse lien. La

position des bras, des

mains, des doigts fut

déterminante ; je l’ai

modifiée à maintes reprises. Il s’agis-

sait ensuite d’équilibrer les regards

pour que l’un ne soit pas plus fort que

l’autre, de faire en sorte que la dispo-

sition des têtes dans l’espace, leur incli-

naison, soit juste et qu’elle ne

théâtralise pas trop la scène.

Je me borne simplement, lorsque

je travaille, à essayer d’équilibrer une

forme et, vœu ultime, à chercher la

beauté tout en sachant qu’elle

s’éloigne à mesure qu’on l’approche.

Pour un artiste, la beauté est un

voyage sans port.

Bronze, 1997 – 190 x 150

La conversation

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Page 8: Brochure Musée Marc Petit

J’ai depuis mon tout jeune âge étéintéressé par les groupes. J’en airéalisé beaucoup. Les possibilités

de construction sont multiples etvariées : c’est l’intérêt principal de cetype de travail. Mais les difficultés,évidemment, sont plus nombreuses. Lapremière est d’arriver à obtenir l’unité,de faire en sorte que tous les person-nages aient bien un même langage touten disant des choses différentes, des’assurer qu’ils se répondent, un peucomme le feraient des voix discordantesau sein d’un chœur.

Le groupe que vous avez là estintitulé La Fuite et fut réalisé en 2001 ;son originalité chez moi est qu’il chercheà montrer une mobilité. Ce travail meramène au choc reçu, adolescent, endécouvrant L’Homme qui marche deRodin. J’eus d’emblée, pour cette œuvre,une profonde admiration qui ne m’a pasquitté depuis. J’ai donc toujoursen tête L’Homme qui marchequand j’essaie d’obtenir dumouvement dans messculptures.

Celle-ci estcomposéeavec l’idéed’une impulsion et d’unedynamique par cinq person-nages féminins qui, au lieu de serapprocher comme la logiqued’un groupe le voudrait,tendent à s’éloigner. Je penseque quelque chose del’urgence, du tumulte, de laconfusion y résonne ; unéclatement de la forme,comme si un je-ne-sais-quoicherchait à éclore dans

l’espace et voulait en pousser les limitesà partir de son centre. Les bras, lesjambes, les têtes tendent à rayonnerdans diverses directions, cherchent àgagner un peu de place, comme sibesoin était de trouver de l’oxygène.

On peut se poser la question desavoir où courent ces personnages ouce qu’ils fuient. Mais il faut accepter qu’iln’y ait pas de réponse dans l’objet. Pourmoi, rien n’existe de plus énigmatiqueque les œuvres d’art. Une part de leurgrandeur est issue des interrogationsqu’elles suscitent. Chaque spectateurdétient en lui les réponses. Celles qu’ily trouve sont contenues même sil’auteur n’a pas eu conscience de les ymettre.

Bronze, 2001 – 70 x 60

la fuite

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L’Exode était la plus imposante dessculptures que j’avais conçuesalors ; depuis, quelques autres aux

dimensions plus grandes sont nées. Elleest la résultante de trois tensionsopposées.

J’avais dans l’atelier les fers de deuxvieilles roues de charrette et pour les re-cycler je décidai, sans avoir aucune idéeprécise, de travailler avec. La seule vo-lonté, et d’évidence, était qu’elles de-vaient porter, comme La Fuite, unmouvement.

L’Exode fut directement modelé enplâtre et, très vite, j’arrêtai l’idée dedeux groupes de personnages : l’un, to-talement inclus dans une roue ; l’autre,en appui sur l’essieu et devant dominerl’ensemble. La position du groupe desenfants, leurs bras notamment, accen-tue l’idée d’une volonté de s’extraire,même si certains montrent une appré-hension devant le risque de choir. Leurscorps sont en train de se déverser dansle vide, le départ est inexorable, maismalgré l’abnégation, un peu d’espoirpersiste, leurs mains se tendent versl’ailleurs. La naïveté de l’enfance lesprotège, pour eux tout est encore pos-sible.

Chez l’adulte, par contre, l’accable-ment est perceptible. La position desjambes portant le corps vers l’arrière,les mains qui reculent, les bras qui tom-bent nous en donnent lecture. Son rôlelui impose de s’oublier pour conserverles quelques possibilités protectricesqui lui restent. Tout chez elle est emplid’un ressenti d’inéluctable, mais elle nedoit pas transmettre sa peur. Elle saitqu’elle ne dispose d’aucun temps de ré-flexion, que la roue tourne et précipiteral’ensemble. Tout doute en elle, son in-

quiétude est palpable. Néanmoins, soncou s’étire comme pour voir plus loin,sa tête veut émerger, son regard errevers l’horizon : « Que cherchent-ils auCiel, tous ces aveugles ? », demandaitBaudelaire.

Initialement, ses bras étaient écar-tés, mais le calme et la stabilité qu’ilsapportaient ne m’allaient pas. Reposi-tionnés le long du corps, ils permet-taient de créer une ligne de force verti-cale, en opposition avec celle dumouvement des enfants vers l’avant.Pour l’équilibrer plastiquement et êtresûr qu’elle ne donne pas une im-pression de recul, je mis àl’arrière deux barres debois en forme decharrue. Mon tem-pérament nostal-gique a sans doutebesoin de sillons.

Bronze, 2000 – 270 x 130

L’exode

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Pendant l’hiver 2001-2002,après avoir passé trois moisà détruire mon travail

quotidien, périodeinfructueuse laplus longue quej’eus à vivre,désespéré, j’enétais arrivé àne plusmodeler quede toutespetites chosesque je jetaissans lesregarder àpeine. Unmidi, alors que

je venais determiner en cire

une tête pas plusgrosse que l’ongle du

petit doigt, je trouvai unfragment de bois, et sans

espoir, juste comme ça, jecollai la tête sur le bois.Il est difficile d’exprimer de

tels moments après de telles pé-riodes ; mais, pour vous dire les

choses, j’ai regardé puis pensé :« Merde ! Ça marche. » L’ensemble

ne mesurait pas plus de 6 ou 7 cm etil donna naissance à la série intituléeLes Dérisoires.

Les deux pièces que vous avezlà, l’une réalisée en 2007, l’autre en

2008, sont issues de ce procédé,

Bronze, 2007 – 200 x 30

L’ange du bois

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Page 11: Brochure Musée Marc Petit

amalgame de cire et de bois. Le boisque j’aime travailler est abîmé, rongé,rogné. J’y trouve une beauté des ma-tières, une trace des strates du tempset condensée, malgré son apparence,beaucoup de vie. J’aime en outre lagrande difficulté qu’il y a à maîtriser cematériau si fragile. Les accidents iné-luctables m’offrent des choix impré-vus. Le fait de l’utiliser m’a permis demodifier la forme et la constructionde mes sculptures, d’ouvrir de nou-velles portes. Détruire parfois son tra-vail est peut-être le prix à payer pourespérer arriver quelque part.

Bronze, 2008 – 200 x 50

Le sarment d’éternité

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Page 12: Brochure Musée Marc Petit

Je n’étais pas conscient, en

commençant cette sculpture, des

efforts à produire pour la mener

à son terme. Tout débuta par l’impres-

sion que j’éprouvai lorsque, pour le

protéger de l’escalier et des risques de

chute, je mis mon fils aîné Yuri, ce petit

d’homme né depuis peu, dans un parc

d’enfant. Il y avait là, contenu, le senti-

ment d’une exclusion carcérale que je

n’aimais pas, l’espace clos de barreaux

évoquant une prison. Je me mis donc

en tête de rendre compte de ce choc

en réalisant la sculpture d’un enfant

dans un parc, mais d’un enfant seul. Il

est exceptionnel chez moi qu’un travail

soit ainsi et si précisément issu d’un

moment vécu.

Ce fut un fiasco. Ça ne marchait

pas, l’enfant ne trouvait pas sa place,

je n’arrivais pas à rendre l’exiguïté du

lieu. L’espace du parc paraissait

toujours trop vaste, alors qu’il était aux

dimensions exactes de celui de mon

fils et que l’enfant sculpté était, lui, un

peu plus grand pourtant. Je renonçai

donc à cette idée et modelai une naine

pour l’y remplacer. Son format étant

plus imposant, je pensais obtenir l’effet

recherché. Échec encore. En désespoir

de cause, je décidai d’y inclure une

grand-mère, espérant en outre que

cette confrontation improbable (une

grand-mère dans un parc d’enfant !)

produirait davantage que l’image

initiale. Je travaillai avec frénésie

dans l’attente du résultat. Résultat que

vous pouvez imaginer en voyant la

sculpture que vous avez sous les yeux.

Rien ne me paraissait plus pouvoir

lutter avec ce mètre carré de prison. Je

laissai tomber, mais ne détruisis pas la

dernière version. Ainsi, chaque fois que

j’entrais dans l’atelier, j’avais cette

défaite sous les yeux. Un soir, vers

minuit, allant travailler à La Famille

(que vous verrez plus loin), comme une

évidence me vint cette idée : « Mais que

tu es idiot : il faut le remplir. » Je fis très

vite un croquis et décidai, une fois La

Famille achevée, de me lancer dans ce

qui est aujourd’hui La Quarantaine.

Bronze, 2001 – 90 x 110

La quarantaine

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Page 13: Brochure Musée Marc Petit

Je me mis donc à construire les

personnages tout en les agglomérant

les uns aux autres. Cette construction

ne me prit que quelques jours et

rendit exactement ce que j’avais

souhaité. Les regards erraient dans

tous les sens. L’interrogation, l’étouf-

fement et l’enfermement des enfants

répondaient à ce que j’attendais,

chacun étant avec ses voisins mais

seul quand même.

Je n’avais pas envisagé en

ébauchant le plâtre, et ce fut un

nouveau souci, les aspects techniques

qui se poseraient pour le finir. Il

m’était impossible de passer les

mains pour atteindre et terminer les

têtes. La seule solution que j’entrevis

fut de toutes les couper, de les

achever en commençant par celle du

centre et de les remettre ainsi, une à

une, à leur place en modelant conco-

mitamment les bras et les torses.

Épreuve assez délicate pour moi, car

en général je fais évoluer toutes les

parties d’une sculpture en même

temps, n’aimant pas courir le risque

de faire passer la charrue avant les

bœufs.

Puis vint le tour des jambes et des

barreaux, qui subirent la même

opération de découpe. Deux mois

entiers, allongé entre la base et le

torse des enfants, furent nécessaires

pour finir de modeler les fesses, les

jambes et les pieds. Ce fut une

véritable délivrance lorsque je remis

les barreaux à leur place.

La promiscuité des personnages,

leur malaise palpable et leur stupeur

amplifiée par les yeux sans pupille

font que cette sculpture est sans

doute une des plus sombres que j’aie

réalisées. Les soixante-huit mains de

ces reclus ne sont plus là que pour

montrer l’impuissance et chercher un

peu de compassion. Compassion que

nous ne pouvons que difficilement

apporter, la barrière nous isolant

de façon réciproque. Nous sommes

incapables d’éteindre leur plainte,

incapables de leur tendre la main.13

Page 14: Brochure Musée Marc Petit

Je me souviens d’une visite chezSerge Lorquin qui me donna, envoyant les genoux d’une de mes

sculptures, une mémorable leçon.Trouvant que je n’y avais pas apportéles égards dus, il me fit une sévèrecorrection en m’expliquant que, jeunesculpteur, je n’avais pas le droit detrahir Phidias, Michel-Ange et Rodin.Que si je ne voulais pas réaliser unpersonnage en pied, c’était mon droit,mais qu’il était inadmissible de laisserà l’abandon une part du travail. Unpied, un buste, un torse, un fragmentde torse pouvaient être une œuvre ensoi. En revanche, si je voulais faire unefigure en entier, je me devais de traiterrespectueusement chaque partie.

Clairement, si je ne voulais passculpter les genoux, je ne devaispas les mettre.

Je crois que cette leçon, vingt ansaprès, était bien présente lorsqu’en2007 je réalisai La Clairière. Le pieddroit compliquait la sculpture etn’apportait rien, mais il me fallut, pouroser l’éliminer, un peu de temps.J’hésitais, car je craignais que l’on pûty voir une amputation déplacée quirendrait l’ensemble anecdotique.J’espère avoir évité cet écueil enconservant l’intégrité de cette jeunepersonne.

La construction de La Clairière,assez complexe, est élaborée enescalier. Notre regard la parcourtgraduellement d’un point à un autre.Elle n’a pas de centre et distribue sesfuyantes comme si, en elle, plusieurspoints lumineux diffusaient leursrayons. Ces lignes, si nous les prolon-geons, mènent toutes vers le vide.

J’eus du mal à stabiliser sa formeet à trouver son unité. Les membresétaient ou trop longs ou trop courts,comme les branches où elle trouveappui. La tête a été maintes foisdéplacée, les mains refaites à plusieursreprises. Son visage, qui devait garderles traces de l’enfance sans sedépouiller de sa gravité, requit de longsefforts. La Clairière est une réalisationoù j’ai dû éliminer doute après doute,chaque détail me posant un problème.

Pour un sculpteur, la simplicité estun des buts les plus complexes àatteindre. Mais, contrairement audessin, la sculpture ne garde pastrace des repentirs. Une fois finie,

personne ne peut parcourir leschemins qu’il fallut emprunter

pour la façonner.Certaines sont offertes,d’autres sont à gagner.

Bronze, 2007 – 100 x 60

La clairière

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Page 15: Brochure Musée Marc Petit

La Famille, effectuée en 2000, melaisse un souvenir plein denostalgie. C’est en effet une des

rares pièces pour lesquelles je n’eusaucune hésitation au cours du travail,comme si je savais faire ou si quelqu’und’autre la faisait à ma place. Ce sont desmoments rares qui n’arrivent, comme chezles sportifs le second souffle, qu’aprèsavoir travaillé longtemps. Les endor-phines se paient d’avance, les bonheursse méritent.

À l’origine, je voulais composer uncouple. Ayant mal monté l’armature,sans doute, je me retrouvai avec unvide entre les deux personnages que jen’arrivais pas à combler. Un vide vide,aurais-je envie de dire. J’eus doncl’idée – mais par quel hasard ? jen’en sais rien – d’inclure dans cevide le troisième personnage.Et d’un coup jen’étais plusface à uncouple maisface à une famille.

L’architecture en est,comme souvent chez moi,relativement simple :schématiquement, ce n’estqu’une ligne verticale quis’oppose à une horizontale.Architecture que nous retrou-vons dans bon nombre demes sculptures : toutes lescrucifixions, bien sûr, maisaussi dans L’Équilibriste, LeTricycle, La Chute et biend’autres encore. Si nousregardons La Famille, deface elle est frontale, maisd’une frontalité douce,atténuée par une

légère concavité. C’est à mon avis ce quifait que, malgré son aspect sombre, ellene nous rejette pas, nous attire aucontraire, nous embrasse et peut mêmesembler protectrice. J’avais utilisé cettefrontalité concave en 1991 avec Les CinqFrères, qui évoquent aussi sans doutedéjà l’idée d’une famille.

Elle est protectrice à plusieurstitres : en raison de la concavité de saforme, je l’ai dit, mais aussi par le faitqu’elle combine la légèreté de l’enfantpresque en lévitation, avec une forteattache au sol du père et de la mère quirassure et engendre un équilibre entreses lignes de force. Enfin, union et lien

du couple réalisés grâce àl’enfant, enfantdont les bras

stabilisentl’ensemble dans une

horizontalité apaisante.Compassion des unspour les autres, maisqui paradoxalementn’élimine pas lasolitude de chacun.

La Famille nousmontre aussi, sansdoute avec un peud’inquiétude, que letemps est compté, que

tout cela ne durera pas.Les trois, malgré lafusion du groupe,cherchent par leurregard un salut dansune direction diffé-rente : il n’y a pas de

recette pouréliminer la peur.

Bronze, 2000 – 210 x 170

La famille

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Page 16: Brochure Musée Marc Petit

Les ébauches des Silences furentréalisées en terre au cours del’hiver 2004. Il n’est pas conseillé,

pourtant, de modeler l’argile lors degrands froids, car elle peut geler et letravail est alors irrémédiablementperdu. Fort heureusement, il n’en futrien, même si la troisième givra ensurface et qu’il me fallut la mouler encatastrophe. Elles étaient pour moi unretour nécessaire à un matériauabandonné depuis quelques annéesmais surtout un retour au volume.

Ces pièces doivent, beaucoup jecrois, à la sculpture égyptienne et à sonapparente simplicité. De plus, placéainsi, le groupe a une forme pyramidalequi renforce sa stabilité. Les troisfigures qui le composent se répondent,l’espace les réunit. Elles se nourrissentl’une de l’autre et donnent l’impres-sion d’être une seule et même entité,mais à plusieurs stades dela vie. Les personnages

ont récupéré du poids et de la chair,les matières sont plus serrées et n’ontplus rien de torturé, les têtes et lescorps s’approchent de la réalité. Deces volumes généreux elles tirent leurpuissance. Les formes sont pousséesdepuis l’intérieur et nous pourrions endire, comme de fruits mûrs, qu’ellesont bien pris le soleil ; fruits qui,comme les bons melons, ne parvien-draient plus à contenir leur énergieet seraient prêts à fendre. Ces statuescherchent à éliminer tout superflu,s’inscrivent dans la masse. Elles n’ontplus rien pour nous distraire etcondensent tout ce qu’elles nemontrent plus. « Elle est partout, latête », assurait Rodin à propos deL’Homme qui marche.

Elles nous imposent une distance etdélimitent un espace recueilli. Ellesn’ont plus rien à nous dire, plus rien ànous apprendre, image triple d’unemère qui nous aurait absolument tout

donné ; elles n’ontplus là que leur

présence pour nousinciter à persévérer

à vivre. C’est leursilence qu’il nous

faut entendre.Elles portent en

elles la sensationde l’absence et

convient nosmémoires. La

statuaire,comme l’écrit

MichelSerres dans

Statues, a detout temps

eu à voiravec la mort.

Bronze, 2004 – 110 x 50

Les silences

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Page 17: Brochure Musée Marc Petit

Cette sculpture fut achevée alorsque je préparais mes exposi-tions des musées Henri-Martin

de Cahors et Rignault de Saint-Cirq-Lapopie.

Elle me rappelle, avec Le GrandBûcher et Le Grand Bois, une périoded’intense travail. J’aime vraiment cesmoments où le doute n’a plus sa place,où rien ne paraît pouvoir résister.J’aime quand j’enchaîne un plâtre àl’autre sans prendre le temps denettoyer les gravats, et cette impres-sion de soif insatiable.

J’ai énormément travaillé la tête decet ange, qui est passée par plusieursétats, longtemps cherché entre lemièvre et l’insupportable quelque chosequi me convînt. Je la voulais intense.Je souhaitais que sa présence effraie,un peu comme celle d’un oiseau de nuit.Les yeux exorbités, les sillons creusés etla bouche aux lèvres fermées apportentune note dramatique à ce redoutablequi n’a plus rien d’un chérubin. Peu dedétails dans cette tête peuvent nousrassurer, mais j’y trouve quand mêmeune grande tendresse. Une tendressevenue lentement, comme une sorte detranspiration issue des pores d’unmasque. Masque qui, malgré l’effroi,éclaire l’ensemble et lui donne unetragique dignité. Les ailes et le corpsévidé qui porte des traces de feumontrent des signes de souffrance. Rienpour cet ange n’a échappé à l’emporte-ment, la foudre l’a transi. La violencel’a laissé là, planté sur un pieu commeun épouvantail blessé.

J’ai le souvenir, enfant, d’avoir eupeur, dans un champ ensemencé, d’unpull crucifié à un piquet coiffé d’unchapeau de paille.

Bronze, 2005 – 190 x 90

L’ange

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Page 18: Brochure Musée Marc Petit

En commençant la première desMea Culpa, celle centrale, jevoulais qu’elle mesure un mètre

environ, dimension que j’utiliserarement. Chaque format induit denouvelles recherches, pose desproblèmes spécifiques. On ne peut pasaborder une pièce d’un mètre de hautavec les recettes d’une de trois mètres.Les problèmes de perspective que poseun grand format amènent par exempleà grossir la tête.

Cette sculpture comparée à d’autresdes miennes peut nous sembler trèsproche de l’anatomie humaine. Mais,si l’on s’attarde un peu, nous voyonsvite que tout y est déformé : les tibiassont longs, les cuisses courtes, leshanches hautes, les seins bas et les brasrelativement longs. Je pourraislongtemps prolonger cette liste desdéformations, mais cela deviendraitfastidieux.

Après l’avoir modelée, je décidaid’amplifier sa verticalité en luiadditionnant une base presqueaussi haute que le sujet. J’eusbrusquement la sensation d’êtredevant une colonne. Colonne quim’amena directement à penseraux cariatides du Parthénon etm’incita à entamer une série, quiserait close à cinq.

Chacune d’entre elles évoqueà sa façon une forme de résigna-tion. Elles acceptent leur sort ;mais, dans un mouvement derecul très peu perceptible, ellesnous révèlent un trouble.

Leurs mains expriment lerepli ; leur tête, de l’effarement.Elles conservent toutefois uneforce essentielle : leur ventre. Ici

plus apaisé que bien souvent dans montravail, il nous indique qu’elles furenttoutes mères. Les hanches en ontencore les stigmates, le bassin ne s’estpas refermé. Alors qu’elles ne se regar-dent pas, qu’elles n’ont pas de socleunique et qu’il est donc difficile de lesconsidérer comme un groupe, nous lessentons solidaires. Les souffrancescommunes et le destin partagé lesunissent d’un seul et même lien. Ellesparlent une langue semblable et secomprennent. L’impression de vide oude manque les réunit. Il n’est sansdoute pas simple d’être comblé d’unevie qu’on expulse de soi.

Elles ont aussi, contrairement auxSilences, à nous dire en confession,dans une parole tendre et sévère à la fois :« Mea culpa. »

Bronze, 2002 – 175 x 50

Les Mea culpa

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Page 19: Brochure Musée Marc Petit

Composée d’une jeune femme etd’une branche d’arbre, cettesculpture de 2007 paraît plus

apaisée. Elle porte, comme LaClairière, une part d’adolescence quin’est pas dénuée de sévérité. Elle nemanifeste pas d’insouciance, ni mêmed’empressement.

Ses formes nous apprennent qu’elleest en train de se construire, son bassinest étroit, sa poitrine en pleinemutation. Elle semble encore à l’âgeoù la naïveté se mêle à la pudeur, oùla peur et l’envie se rejoignent.

C’est contre un candélabre réalisépour les décors de l’Antigone deSophocle que j’entrepris ce person-nage adossé. Est-ce Antigone, texteque j’aime particulièrement, qui mefit l’imaginer ? Je n’en sais rien.L’adolescence est un propos rare dansmon travail ; d’autant que si je sculptedes enfants, on peut les voir commedéjà presque vieux. En ce qui laconcerne, ce n’est pas le cas. Ellegarde en elle toute la fraîcheur desa jeunesse.

Le candélabre ne m’ayant pasconvenu, ses trois branches auxformats identiques donnant tropd’égalité, je décidai de le remplacer parun petit tronc d’arbre campé d’unoiseau pour dominer l’ensemble.J’aime dans certaines sculptures que leregard saute d’un point à unautre, comme le ferait celui d’ungourmand face à deux gâteauxposés sur la table. L’oiseau hésiteà prendre son vol et souligne l’étatadolescent. Il fixe notre vision pournous permettre de redécouvrir levisage de lajeune fille.

Visage un peu triste, empli denostalgie, qui porte une pâle lumièreéclairant une timide appréhension.

L’atmosphère qui se dégage estmêlée de désir et de regret, commel’écho d’une berceuse qui nous revien-

drait. Certaines sculpturesnaissent avec quelques crisen elles, d’autres avec unsouffle de grâce. Celle-là estde celles-ci.

Bronze, 2007 – 210 x 100

La jeune fille et l’oiseau

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Page 20: Brochure Musée Marc Petit

Si on voulait leur apposer uneimage, on pourrait empruntercelle des « Folles de la place de

Mai » qui réclament depuis tantd’années des nouvelles de leursdisparus.

Les mères font corps, sont blottiesautant que possible. De toutes leursforces elles se rassemblent.

Cette sculpture se développe autourdu bloc des torses. Je l’ai voulu le pluscompact possible, cherchant à lemontrer indestructible. Il fallait qu’ony ressente du poids et de la densité.Les corps sont serrés aupoint parfois que l’unempiète sur l’autre etqu’il n’est pas très simplede les différencier. Les seinssont lourds, les ventresproéminents, les épaulespuissantes. Tout soulignela volonté de ces femmes.Seuls les nombrils creuxpourraient nous faire douterde cette plénitude.

Les jambes comme uneforêt dense n’offrent que peu deplace au vide. Elles portentl’ensemble sans donnerl’impression d’en souffrir. Lesbras, tout en allant dans plusieursdirections, ne s’opposent pas. Ilsparaissent avoir affaire ensemble etindiquent que le poids des chosesn’élimine pas, de fait, la légèreté. Ilsse déroulent comme une vague, autravers du bronze. La détermination destêtes appuie la force dugroupe.

Le léger déséqui-libre de l’ensemblevers l’arrière installe

davantage les ventres au premier planet amplifie ainsi leur présence. Cescinq mères font front dans une mêmeréprobation à peine perceptible. Dulourd mur qu’elles offrent à nosregards s’échappe un murmure. Leurscris sont sourds, enfouis au tréfonds.

J’ai voulu que ces femmes sculp-tées n’en fassent qu’une pour que,comme d’un seul doigt tendu ou d’unpoing serré, elles nous prennent àparti. Procès d’une condition humaineabsurde et pourtant seule possible.

Bronze, 2000 – 100 x 100

Les mères

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Page 21: Brochure Musée Marc Petit

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