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Table ronde © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2013;20:169-170 169 Actualités sur la prise en charge des bronchiolites aiguës du nourrisson *Auteur correspondant. e-mail : [email protected] L a bronchiolite aiguë est une infection respiratoire obstruc- tive, touchant les voies respiratoires basses et faisant suite à une infection des voies aériennes supérieures. Elle est majoritairement due au Virus Respiratoire Syncitial (VRS), mais d’autres virus sont incriminés (rhinovirus, métapneumovirus, virus para-influenzae, etc.) [1]. La phase d’incubation est de 2 à 8 jours ; elle débute par une rhinite plus ou moins fébrile accompagnée d’une toux sèche. L’évolution spontanée de la bronchiolite est de 3 à 7 jours. Les manifestations cliniques sont secondaires à un phénomène d’obstruction des voies aériennes distales d’origine endoluminale (bouchons muqueux) et murale (inflammation pariétale) alors que le bronchospasme est quasi inexistant. L’agression de l’épithélium respiratoire entraînera, outre l’obstruction mécanique des bronches de petit et moyen calibre, une diminution de la clairance mucociliaire, une alté- ration des échanges notamment au niveau de la phase sol du mucus et des atélectasies. L’auscultation notera de fins crépitants inspiratoires et/ou des sibilants expiratoires [2]. 1. Épidémiologie L’infection à VRS a un caractère épidémique et saisonnier, hivernal dans les pays tempérés. Elle débute à l’automne avec un pic classiquement entre la 49 et la 51 e  semaine. Elle touche environ un tiers des nourrissons de moins de 2 ans chaque année (460 000 cas/an en France). On estime que plus de 95 % des nourrissons seront infectés par le VRS avant l’âge de 2 ans [3,4]. L’intensité des épidémies augmente régulièrement depuis les 15 dernières années en touchant des enfants de plus en plus jeunes [3,5]. En 2009 en France, 30 000 enfants de moins de 1 an étaient hospitalisés pour une bronchiolite aiguë, 10 % en unités de soins continus ou réanimation, et 44 % avaient moins de 3 mois. Le taux d’hospitalisation des nourrissons de moins de 1 an était de 35,8/1000. La durée moyenne de séjour était de 4,3 j (médiane : 3 j ; ET : 3 j), la mortalité inférieure à 0,1 % (22 décès) [6]. Le coût annuel estimé des hospitalisations de cette pathologie est élevé. Aux États-Unis il est estimé à plus de 700 millions de dollars par an [4]. 2. Prise en charge : mesures générales Dans la Conférence de consensus de 2000, il est précisé les critères de gravité en fonction de la clinique et des antécédents, ainsi que les mesures générales ayant pour but d’agir sur les difficultés alimentaires, la détresse respiratoire ou les apnées : l’installation de l’enfant, la désobstruction nasale, le maintien d’une bonne hydratation et d’une alimentation fractionnée et suffisante [7]. La prescription de kinésithérapie ne doit pas être systématique et doit être réservée à certaines situations cliniques : broncho- pneumopathie ou atélectasie radiologique, bronchiolite modé- rée à la phase d’hypersécrétion (mais à discuter au cas par cas). En effet la kinésithérapie n’a pas montré d’efficacité en termes de délais de récupération, de durée d’oxygénation ou de durée d’hospitalisation lors d’un premier épisode de bronchiolite aiguë virale [7,8]. 3. Thérapeutiques inhalées 3.1. Bronchodilatateurs Dans cette pathologie, les anticholinergiques et les β2- mimétiques n’ont pas l’autorisation de mise sur le marché, n’ont pas démontré leur efficacité et n’ont donc pas leur place dans la prise en charge d’un premier épisode de bronchiolite aiguë [7]. En 2010 une méta-analyse reprenait 28 études randomisées (1912 enfants) utilisant soit salbutamol soit l’ipratropium bro- mide versus placebo. Elle ne retrouvait pas de diminution du taux d’hospitalisation, ni de la durée d’hospitalisation. Chez les enfants pris en charge en ambulatoire, une légère amélioration du score clinique à 24 h était notée, mais sans raccourcissement de la durée d’évolution [9]. L’utilisation de l’épinéphrine (forme racémique de l’adrénaline) a été proposée comme bronchodilatateur. En 2009, une méta- analyse reprenant 19 études randomisées (2256 patients) épinephrine versus placebo pour des patients en ambulatoire, montrait une diminution du nombre d’admissions le premier jour (RR = 0,67) mais pas au 7 e  jour de la visite. Il n’existait pas de différence significative sur la durée d’hospitalisation ni sur les scores cliniques [10]. En 2009 était publiée une étude multicentrique, randomisée, en double aveugle, menée sur 800 patients âgés de 6 semaines à Bronchiolite aiguë : actualités sur les thérapeutiques inhalées C. Barbier*, C. Llerena, E. Hullo, A.-P. Michard-Lenoir, I. Pin Clinique Universitaire des urgences pédiatriques, CHU CS10217, Grenoble, France

Bronchiolite aiguë : actualités sur les thérapeutiques inhalées

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Page 1: Bronchiolite aiguë : actualités sur les thérapeutiques inhalées

Table ronde

© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.Archives de Pédiatrie 2013;20:169-170

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Actualités sur la prise en charge des bronchiolites aiguës du nourrisson

*Auteur correspondant. e- mail : cbarbier1@chu- grenoble.fr

La bronchiolite aiguë est une infection respiratoire obstruc-tive, touchant les voies respiratoires basses et faisant suite à une infection des voies aériennes supérieures. Elle est

majoritairement due au Virus Respiratoire Syncitial (VRS), mais d’autres virus sont incriminés (rhinovirus, métapneumovirus, virus para- influenzae, etc.)  [1]. La phase d’incubation est de  2 à 8  jours  ; elle débute par une rhinite plus ou moins fébrile accompagnée d’une toux sèche. L’évolution spontanée de la bronchiolite est de 3 à 7 jours. Les manifestations cliniques sont secondaires à un phénomène d’obstruction des voies aériennes distales d’origine endoluminale (bouchons muqueux) et murale (inflammation pariétale) alors que le bronchospasme est quasi inexistant. L’agression de l’épithélium respiratoire entraînera, outre l’obstruction mécanique des bronches de petit et moyen calibre, une diminution de la clairance mucociliaire, une alté-ration des échanges notamment au niveau de la phase sol du mucus et des atélectasies. L’auscultation notera de fins crépitants inspiratoires et/ou des sibilants expiratoires [2].

1. Épidémiologie

L’infection à VRS a un caractère épidémique et saisonnier, hivernal dans les pays tempérés. Elle débute à l’automne avec un pic classiquement entre la 49 et la 51e semaine. Elle touche environ un tiers des nourrissons de moins de 2 ans chaque année (460 000 cas/an en France). On estime que plus de 95 % des nourrissons seront infectés par le VRS avant l’âge de 2 ans [3,4]. L’intensité des épidémies augmente régulièrement depuis les 15  dernières années en touchant des enfants de plus en plus jeunes  [3,5]. En  2009 en France, 30  000  enfants de moins de 1 an étaient hospitalisés pour une bronchiolite aiguë, 10  % en unités de soins continus ou réanimation, et 44 % avaient moins de 3  mois. Le taux d’hospitalisation des nourrissons de moins de 1 an était de 35,8/1000. La durée moyenne de séjour était de 4,3  j (médiane  : 3  j  ; ET  : 3  j), la mortalité inférieure à 0,1  % (22  décès)  [6]. Le coût annuel estimé des hospitalisations de cette pathologie est élevé. Aux États- Unis il est estimé à plus de 700 millions de dollars par an [4].

2. Prise en charge : mesures générales

Dans la Conférence de consensus de  2000, il est précisé les critères de gravité en fonction de la clinique et des antécédents, ainsi que les mesures générales ayant pour but d’agir sur les difficultés alimentaires, la détresse respiratoire ou les apnées  : l’installation de l’enfant, la désobstruction nasale, le maintien d’une bonne hydratation et d’une alimentation fractionnée et suffisante [7].La prescription de kinésithérapie ne doit pas être systématique et doit être réservée à certaines situations cliniques : broncho- pneumopathie ou atélectasie radiologique, bronchiolite modé-rée à la phase d’hypersécrétion (mais à discuter au cas par cas). En effet la kinésithérapie n’a pas montré d’efficacité en termes de délais de récupération, de durée d’oxygénation ou de durée d’hospitalisation lors d’un premier épisode de bronchiolite aiguë virale [7,8].

3. Thérapeutiques inhalées

3.1. Bronchodilatateurs

Dans cette pathologie, les anticholinergiques et les β2- mimétiques n’ont pas l’autorisation de mise sur le marché, n’ont pas démontré leur efficacité et n’ont donc pas leur place dans la prise en charge d’un premier épisode de bronchiolite aiguë [7].En  2010 une méta- analyse reprenait 28  études randomisées (1912  enfants) utilisant soit salbutamol soit l’ipratropium bro-mide versus placebo. Elle ne retrouvait pas de diminution du taux d’hospitalisation, ni de la durée d’hospitalisation. Chez les enfants pris en charge en ambulatoire, une légère amélioration du score clinique à 24 h était notée, mais sans raccourcissement de la durée d’évolution [9].L’utilisation de l’épinéphrine (forme racémique de l’adrénaline) a été proposée comme bronchodilatateur. En 2009, une méta- analyse reprenant 19  études randomisées (2256  patients) épinephrine versus placebo pour des patients en ambulatoire, montrait une diminution du nombre d’admissions le premier jour (RR = 0,67) mais pas au 7e jour de la visite. Il n’existait pas de différence significative sur la durée d’hospitalisation ni sur les scores cliniques [10].En 2009 était publiée une étude multicentrique, randomisée, en double aveugle, menée sur 800 patients âgés de 6 semaines à

Bronchiolite aiguë : actualités sur les thérapeutiques inhaléesC. Barbier*, C. Llerena, E. Hullo, A.- P. Michard- Lenoir, I. PinClinique Universitaire des urgences pédiatriques, CHU CS10217, Grenoble, France

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C. Barbier, et al. Archives de Pédiatrie 2013;20:169-170

4. Conclusion

Dans l’arsenal thérapeutique du premier épisode aigu de bron-chiolite, il est maintenant reconnu que les bronchodilatateurs n’ont pas d’indication. Les nébulisations de SSH à 3 % doivent être envisagées dans la prise en charge des bronchiolites modérées à sévères hospitalisées. Cependant les modalités d’administration (dose, fréquence, durée, type de nébulisateurs) et l’homogénisa-tion des critères de guérison devront être précisées.

Références[1] Freymuth F, Vabret A, Dina J, et al. Les virus des bronchiolites

aiguës. Arch Pediatr 2010;17:1192-201.[2] Bellon G. bronchiolite aiguë du nourrisson. Définition. Arch

Pediatr 2001;8(suppl1):25-30.[3] Grimprel E. Epidémiologie de la bronchiolite du nourrisson en

France. Arch Pediatr 2001;8(suppl1):83-92.[4] American Academy of Pediatrics Subcomittee on Diagnosis and

Management of Bronchiolitis. Diagnosis and management of bronchiolitis. Pediatrics 2006;118:1774-93.

[5] Stockman LJ, Curns AT, Anderson LJ, et al. Respiratory syncitial virus associated hospitalizations among infants and young chil-dren in United States 1997-2006. Pediatr Infect Dis J 2012;31:5-9.

[6] Che D, Nicolau J, Bergounioux J, et al. Bronchiolite aiguë du nour-risson en France : bilan des cas hospitalisés en 2009 et facteurs de létalité. Arch Pediatr 2012;19:700-6.

[7] Conférence de consensus  : prise en charge de la bronchiolite du nourrisson. ANAES octobre 2000. http://www.has- sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/bronc.pdf.

[8] Perrotta C, Ortiz Z, Roqué M. Chest physiotherapy for acute bronchiolitis in paediatric patients between 0 and 24 months old. Cochrane Database Syst Rev 2012;2:CD004873.

[9] Gadomski AM, Brower M. Bronchodilatators for bronchiolitis. Cochrane Database Syst Rev 2010;12:CD001266.

[10] Hartling L, Bialy LM, Vandermeer B, et al. Epinephrine for bron-chiolitis. Cochrane Database Syst Rev 2011;6:CD003123.

Les références complètes peuvent être obtenues sur demande auprés de l’auteur.

12 mois reçus aux urgences. Elle comportait 4 groupes : nébulisa-tions d’épinéphrine + dexamethasone oral (DXM), nébulisations d’épinéphrine +  placebo oral, nébulisations de placebo (sérum salé isotonique) + DXM, nébulisations de placebo + placebo oral. La dose de DXM consistait en une première dose de 1 mg/kg suivie de 5 prises de 0,6 mg/kg (maxi 10 mg) en un jour. L’admission au 7e jour était diminuée dans le groupe épinéphrine + DXM versus le groupe placebo. Mais lors de l’analyse statistique ajustée multi-variée la différence était statistiquement non significative : une hospitalisation évitée pour 11 patients traités. A l’heure actuelle, ce traitement ne saurait être recommandé.

3.2. Aérosols de sérum salé hypertonique (SSH)

Il existe des arguments physiopathologiques pour penser que le SSH puisse améliorer la clairance muco- ciliaire. Dans les bronchiolites aiguës virales le virus va être à l’origine d’un œdème sous muqueux et d’une déshydratation de la couche superficielle puis péri- ciliaire. En réabsorbant l’eau de la sous- muqueuse, le SSH permettrait théoriquement une réversibilité de l’œdème sous muqueux, et la restauration de l’hydratation de la phase sol du mucus indispensable à une clairance muco- ciliaire efficace.Plusieurs études ont été publiées sur l’utilisation des aerosols de SSH 3 % seul ou avec des bronchodilatateurs dans les bronchio-lites. Cependant le nombre d’enfants inclus est généralement faible. Elles diffèrent sur les critères d’inclusion, sur les modalités d’administration seul ou avec bronchodilatateurs, les scores cliniques, les critères de retour à domicile. En 2008, une revue de la littérature Cochrane reprenant sept études (581 enfants) dont une ambulatoire, quatre en hospitalisation de nébulisations de SSH 3  % versus serum salé hypertonique 0,9  % associé à un bronchodilatateur pour cinq, suggère un bénéfice des nébulisa-tions de SSH 3 %. Les auteurs retrouvent une diminution de la durée d’hospitalisation de 1,2 jour, et une amélioration du score clinique dans les 3  premiers jours. Depuis d’autres études ont confirmé ces résultats ainsi que la bonne tolérance clinique de ce traitement.