8
4 Déversement 4.1 Définition Les contraintes de compression d'une poutre en flexion peuvent provoquer une instabilité qui donnera lieu à un type de flambement appelé déversement. Considérons une poutre simple, chargée dans le plan d'inertie maximale de sa section (cf. fig. 4.1a). Pour une faible charge, elle fléchit dans ce plan d'inertie mais, si l'on augmente la charge, la partie comprimée du profil va se dérober latéralement pour échapper à la compression. (a) (b) Figure 4.1 La résistance ultime de la poutre est alors limitée par une charge Q D infé- rieure à la charge ultime Q Pl correspondant à la plastification totale de la sec- tion la plus sollicitée (fig. 4.1b); la poutre montre un comportement instable. En première approximation, on peut considérer le déversement comme étant le flambage latéral (dans le plan horizontal) de la membrure comprimée de la poutre. Toutefois, quand la poutre déverse, chaque section subit en plus d'un dépla- cement latéral de l'aile comprimée une rotation autour de son centre de cisail- lement. En effet, supposons que la partie comprimée de la poutre flambe laté- ralement et qu'elle subisse de ce fait un déplacement latéral v (cf. fig. 4.2). On voit que cette partie ne peut pas flamber indépendamment des autres. La continuité avec la partie tendue du profil exige que les deux moitiés se tordent autour de leur centre de torsion respectif, d'un même angle. Ainsi, l'étude du déversement doit faire aussi appel à des notions de torsion. EIA-FR, GC Construction en acier 4.1 C. Deschenaux

Bu 4 Deversement v2

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4 Déversement

4.1 Définition Les contraintes de compression d'une poutre en flexion peuvent provoquer une instabilité qui donnera lieu à un type de flambement appelé déversement. Considérons une poutre simple, chargée dans le plan d'inertie maximale de sa section (cf. fig. 4.1a). Pour une faible charge, elle fléchit dans ce plan d'inertie mais, si l'on augmente la charge, la partie comprimée du profil va se dérober latéralement pour échapper à la compression.

(a) (b) Figure 4.1

La résistance ultime de la poutre est alors limitée par une charge QD infé-rieure à la charge ultime QPl correspondant à la plastification totale de la sec-tion la plus sollicitée (fig. 4.1b); la poutre montre un comportement instable. En première approximation, on peut considérer le déversement comme étant le flambage latéral (dans le plan horizontal) de la membrure comprimée de la poutre. Toutefois, quand la poutre déverse, chaque section subit en plus d'un dépla-cement latéral de l'aile comprimée une rotation autour de son centre de cisail-lement. En effet, supposons que la partie comprimée de la poutre flambe laté-ralement et qu'elle subisse de ce fait un déplacement latéral v (cf. fig. 4.2). On voit que cette partie ne peut pas flamber indépendamment des autres. La continuité avec la partie tendue du profil exige que les deux moitiés se tordent autour de leur centre de torsion respectif, d'un même angle. Ainsi, l'étude du déversement doit faire aussi appel à des notions de torsion.

EIA-FR, GC Construction en acier 4.1 C. Deschenaux

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EIA-FR, GC Construction en acier 4.2 C. Deschenaux

Dans des cas douteux, on pourra par contre toujours traiter le déversement d'un profil en double té en étudiant la résistance au flambage de la partie comprimée. Dans ce cas, en effet, cette hypothèse se situe du côté de la sé-curité. Remarquons encore que le déversement ne peut se produire que si la poutre fléchie présente une inertie à la flexion transversale sensiblement plus petite que l'inertie à la flexion principale. En d'autres termes, pour qu'une poutre sol-licitée par un moment de flexion My puisse déverser, il faut nécessairement que . yz JJ <

4.2 Etude du déversement

4.2.1 Introduction Le déversement est un problème de stabilité qui fait appel à des notions de torsion. La théorie nécessaire à résoudre ce problème est très complexe et nous n'en exposerons ici que les résultats principaux. Toutefois, comme le déversement peut être assimilé en première approximation au flambage laté-ral d'une membrure comprimée, il doit exister une certaine similitude entre le flambage et le déversement. Celle-ci peut être résumée de la façon indiquée dans les tableaux ci-dessous. Ainsi, comme pour le flambage, on calcule une contrainte critique élastique de déversement au moyen d'hypothèses simplificatrices. Puis, sachant que cette contrainte ne peut pas dépasser la limite d'élasticité, on l'a réduit en tenant compte du domaine plastique et des imperfections.

Figure 4.2

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EIA-FR, GC Construction en acier 4.3 C. Deschenaux

Flambage Déversement Hypothèses de base Hypothèses de base - appuis articulés - matériau infiniment élastique - section constante - barre sans imperfections - effort normal N constant

- appuis à fourche - matériau infiniment élastique - section bisymétrique, z yJ J< - poutre sans imperfections - moment de flexion My constant

Contrainte critique élastique Contrainte critique élastique

2

2

Kcr

πσ = 2 2

crD Dv Dwσ σ σ= +

Coefficient d'élancement Coefficient d'élancement

cr

y

E

KK

fσλ

λλ ==

,

yDD

E cr D el

f WW

λλλ σ

⋅= =

Résistance ultime au flambage Résistance ultime au déversement

K K yfσ χ= ⋅ D D yfσ χ= ⋅

4.2.2 Détermination de la contrainte critique de déversement élastique SIA 263, annexe B)

Pour une section à double té de section bisymétrique, la contrainte critique de déversement élastique peut s'écrire sous la forme d'une somme vectorielle de deux contraintes représentant d'une part la résistance en torsion uniforme de la poutre (torsion selon St. Venant, σDv) et d'autre part la résistance en torsion non uniforme (σDw).

2 2crD Dv Dwσ σ σ= + (4.1)

,

DvD el y

GK EIL W z

πσ η=⋅

⋅ (4.2)

2

22Dw DD

EiL

πσ η= ⋅ (4.3)

Avec : crDσ Contrainte critique de déversement élastique

Dvσ Contrainte de déversement élastique due à la torsion

Dwσ Contrainte due à la torsion non uniforme η Coefficient de répartition des moments (voir ci-dessous)

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EIA-FR, GC Construction en acier 4.4 C. Deschenaux

LD Longueur de déversement (distance entre deux appuis latéraux em-pêchant le déversement)

Wel,y Module de section élastique selon l’axe fort de la section K Constante de torsion uniforme Iz Moment d’inertie de la section selon l’axe faible G, E Module de glissement, resp. ‘élasticité de l’acier iD Rayon d’inertie de la membrure comprimée (voir ci-dessous) Rayon d’inertie de la membrure comprimée Cette membrure se compose de l’aile comprimée et du tiers adjacent de la partie comprimée. Ainsi, si la section est sy-métrique, son rayon d’inertie vaut :

DzD

D

IiA

= (0.1)

Avec : 3

12f

Dz

b tI = Moment d’inertie autour de l’axe vertical Figure 4.3

( )6

fD f

h tA bt t

−= + w Aire de la membrure comprimée

Coefficient de répartition des moments

Le coefficient η prend en considération les appuis et le type de sollicitation à la flexion de la poutre. Quand la répartition des moments est linéaire, il vaut

(4.4) 21.75 1.05 0.3 pour -0.5η ψ ψ ψ= − + ≥

avec ,min

,max

Ed

Ed

MM

ψ = rapport des moments pris avec leurs signes respectifs

MEd,min moment à l’extrémité du tronçon de poutre dont l’intensité est la plus petite

MEd,max moment à l’extrémité du tronçon de poutre dont l’intensité est la plus grande

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EIA-FR, GC Construction en acier 4.5 C. Deschenaux

4.2.3 Détermination de la résistance ultime au déversement Pour tenir compte de la plastification du matériau et de ses imperfections, il faut réduire la contrainte critique de déversement élastique au moyen du fac-teur de réduction Dχ qui se calcule de la façon explicitée ci-dessous.

D D yfσ χ= (4.5)

avec

1 0Dχ λ= ≤D si .4,

22

1 0.4,D D

DD D

χ λλ

= >Φ + Φ −

si

,

yD

cr D el

plf WW

λσ

= coefficient d’élancement au déversement pour les

sections de classe 1 et 2

et ( ) 20.5 1 0.2D DD Dα λ λ⎡ ⎤Φ = + − +⎢ ⎥⎣ ⎦

0.21Dα = pour les profilés laminés

0.49Dα = pour les profilés soudés

4.3 Facteurs influençant la résistance au déversement

4.3.1 Influence des conditions d'appuis Appuis de rive La théorie présentée dans le paragraphe 4.2, tirée de la norme SIA 263, est basée sur l'hypothèse que les appuis aux extrémités de la poutre sont des appuis à fourche. On prêtera donc une attention particulière à ces appuis de manière à garantir des conditions correspondant au moins à cette hypothèse. Pour cela, on s'assurera qu’ils empêchent toute translation horizontale et toute rotation. On se situera du côté de la sécurité si l'on néglige les effets po-sitifs d'un éventuel encastrement latéral des ailes.

Appuis latéraux intermédiaires Pour augmenter la charge critique de déversement d'une poutre donnée, il est souvent plus économique de disposer des appuis latéraux intermédiaires plu-tôt que de choisir une section plus importante. Pour ce faire, on se contente, en général, d'appuyer la poutre au niveau de la membrure comprimée. De tels appuis peuvent être réalisés de plusieurs fa-çons et deux solutions sont présentées dans la figure 4.4. Même si une légère rotation des sections est dans ce cas possible, on peut généralement la né-gliger.

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EIA-FR, GC Construction en acier 4.6 C. Deschenaux

Les appuis latéraux doivent être dimensionnés pour reprendre une force de déviation de l'ordre de 1% de l'effort normal de compression

, où MEd est la valeur de calcul du moment de flexion au droit de l'appui et (h-tf), la distance entre les ailes.

/( )Ed Ed fN M h t= −

Poutres en porte-à-faux Si l'extrémité libre d'un porte-à-faux ne possède aucun appui latéral, sa lon-gueur de déversement LD est égale au double de sa portée

4.3.2 Influence du point d'application de la charge Le point d'application des charges extérieures, par rapport à la section droite de la poutre, peut également influencer la valeur du moment de déversement, suivant qu'elles créent un moment de torsion stabilisant ou déstabilisant (cf. fig. 4.5). Or, La théorie du déversement présentée dans ce chapitre repose sur l'hypothèse que les charges agissent au niveau de l'axe de la barre. On peut toutefois l’appliquer sans autre au vu des remarques ci-dessous. Si les charges n'agissent pas au niveau de l'axe de la barre, mais au niveau de l'aile inférieur (fig. 4.5a), la contrainte de déversement est légèrement plus élevée; on est donc du côté de la sécurité. Si, par contre, les charges agissent au niveau de l'aile supérieure (fig. 4.5c), la contrainte de déversement diminue. Sous cette forme théorique, sans élé-ments stabilisateurs au droit des charges, ce cas ne se rencontre guère dans la pratique. Les voies de roulement de ponts roulants font exception. Mais ces poutres-là sont dimensionnées entre autres pour des efforts horizontaux agis-sant au niveau du rail; le problème de stabilité est ainsi ramené à un pro-blème de résistance.

Figure 4.5

Panne

Som

mie

r

Entretoises b

Mdy

Appui longitudinalassuré par un contreventement

Aile inférieure comprimée Aile supérieure comprimée

Figure 4.4

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EIA-FR, GC Construction en acier 4.7 C. Deschenaux

4.3.3 Influence du mode de chargement Le calcul du moment de déversement est fonction du type de chargement de la poutre, ou, en d'autres termes, de la répartition des moments de flexion. Dans la norme SIA 263, cette influence est prise en ligne de compte par le coefficient η (cf. para 4.2) et celle-ci ne donne aucun coefficient pour le cas rare où les charges sont appliquées entre les appuis au déversement ou, ce qui revient au même, si le moment de flexion ne varie plus de façon linéaire entre ces appuis. Dans ce cas on pourra appliquer le coefficient η donné dans

la figure 4.6.

aide des longueurs critiques

cr

Figure 4.6

4.4 Contrôle du déversement à l’

4.4.1 Longueur de déversement Pour que les sections puissent atteindre leur résistance totale à la flexion (Mpl,Rd ou Mel,Rd), il faut que la poutre ne puisse pas déverser avant d’avoir at-teint cette limite plastique. Ceci est le cas si l’aile comprimée est maintenue latéralement, c’est-à-dire si les supports latéraux sont suffisamment rappro-chés pour s’opposer aut déplacement latéral de la poutre. Pour cela, la dis-tance entre les supports latéraux, appelée longueur de déversement, doit res-ter ingérieure à une longueur critique de déversement au-delà de laquelle la poutr déverse.Cette longueur critique de déversement L dépend de la forme

L

L

L/2 L/2

L/2 L/2

L

L

αL

Mode de chargement η Mode de chargement η

1.13

1.28

1.36

1.56

2.05

1.28/α

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du diagramme des moments qui sollicitent le tronçon considéré, des caracté-ristiques de la section et la limite d’lasticité de l’acier.

EIA-FR, GC Construction en acier 4.8 C. Deschenaux

ique de déversement Lcr selon les

Pour autant que ,/ 0.15Ed pl RdN N ≤ , la longueur de déversement est calculée au moyen des formules données dans le tableau ci-dessous tiré de [N6]. Il suffit alors de calculer une longueur critformules données dans ce tableau et de contrôler que la longueur de déver-sement soit plus petite que cette dernière.

D crL L≤ (4.6)

E t pas respectée il faut calculer le m

n flexion simple, si la condition (4.14) n’esoment de déversement et contrôler que

,Ed D RdM M≤ (4.7)

D’autre part, si ,/ 0.15Ed pl RdN N > , il faut retenir la méthode EE et effectuer la

filés laminés à section en double té (page 6.4 de ce cours)

la formule ci-dessous en cas de traction

vérification au déversement avec effet simultané de l’effort normal. Cette véri-fication peut être effectuée avec - la formule 20 de [N6] dans le cas de pro

-

,Ed

Ed Ed D Rdely

MNW

σ σ= − ≤ (4.8)