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Résistance au déversement des poutres métalliques de pont Raphaël Thiébaud et Jean-Paul Lebet, Lausanne 1 Introduction Le déversement est un phénomène complexe d’instabilité qui intervient lorsqu’une poutre est sollicitée par un effort de flexion. De nombreuses recherches expérimentales et théoriques, dont les résultats servent de bases aux normes actuelles de la construction en acier, ont été effectuée jusqu’à présent pour évaluer la résistance des poutres métalliques du bâtiment principalement. Ces poutres se composent de profilés laminés et de certains types de profilés composés-soudés dont les élancements des sections sont limités. En ce qui concerne le domaine des poutres de ponts métalliques et mixtes, caractérisé par des sections composées-soudées élancées, peu d’études expérimentales et théoriques existent pour évaluer leur sécurité structurale en particulier par rapport au déversement. Par conséquent, les modèles de résistance des poutres de pont se réfèrent à ceux existant pour les poutres de bâtiment mais en appliquant un degré de sécurité élevé. Les poutres métalliques de pont sont des structures de l’espace dont le comportement est influencé par de nombreux paramètres tels que : les entretoises, la géométrie variable des sections, l’effet des charges, ou encore les aspects liés à la fabrication et au matériau. En effet, le processus de fabrication des poutres composées-soudées s’effectue par oxycoupage puis soudage de tôles épaisses en acier. Cela a pour conséquence de créer des imperfections géométriques sur les éléments ainsi que des contraintes résiduelles dans le matériau dont l’effet sur le comportement de la structure n’est pas négligeable. L’ensemble de ces paramètres montre que l’étude de la résistance au déversement de ce type de poutre ne peut pas être effectuée à l’aide de méthode d’investigation simple. Cet article présente les résultats actuels des études menées sur le sujet du déversement des poutres métalliques de pont dans le cadre du projet de recherche AGB 2008/004. La section 2 résume l’état des normes Suisse et Européenne en matière de résistance au déversement en comparant les différentes courbes de réduction. La section 3 présente les résultats expérimentaux relatifs aux contraintes résiduelles et aux imperfections géométriques. Ces résultats sont ensuite repris dans la section 4 dédiée à la mise au point d’un modèle numérique pour les analyses par éléments finis. Les résultats des études numériques sont présentés dans la section 5 qui met en évidence l’effet des contraintes résiduelles et des imperfections géométriques sur la résistance au déversement. 1.1 Le déversement dans les ponts Les étapes sensibles au déversement dans le domaine des ponts peuvent se résumer à la figure 1. On distingue généralement deux cas possibles pour l’apparition du déversement sur un ouvrage: d’une part lors des situations transitoires qui correspondent aux phases de montages (noté en rouge sur la figure 1), et d’autre part, lors des situations durables en phase de service (noté en bleu sur la figure 1). a) phase de montage par lancement b) ouvrage en service Figure 1: Cas à considérer pour le déversement des poutres de ponts (images extraites de [1]) Plus spécifiquement, les cas à vérifier sont : au montage la semelle inférieure en cas de lancement au montage la semelle supérieure en travée en particulier lors du bétonnage en service la semelle inférieure au droit des appuis intermédiaires De façon à illustrer la nécessité des vérifications exposées ci-dessus trois cas de ruines de ponts, extraits de [2], sont présentés à la figure 2.

Article Deversement Thiebaud Lebet Korr

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  • Rsistance au dversement des poutres mtalliques de pont

    Raphal Thibaud et Jean-Paul Lebet, Lausanne

    1 Introduction

    Le dversement est un phnomne complexe dinstabilit qui intervient lorsquune poutre est sollicite par un effort de flexion. De nombreuses recherches exprimentales et thoriques, dont les rsultats servent de bases aux normes actuelles de la construction en acier, ont t effectue jusqu prsent pour valuer la rsistance des poutres mtalliques du btiment principalement. Ces poutres se composent de profils lamins et de certains types de profils composs-souds dont les lancements des sections sont limits. En ce qui concerne le domaine des poutres de ponts mtalliques et mixtes, caractris par des sections composes-soudes lances, peu dtudes exprimentales et thoriques existent pour valuer leur scurit structurale en particulier par rapport au dversement. Par consquent, les modles de rsistance des poutres de pont se rfrent ceux existant pour les poutres de btiment mais en appliquant un degr de scurit lev.

    Les poutres mtalliques de pont sont des structures de lespace dont le comportement est influenc par de nombreux paramtres tels que : les entretoises, la gomtrie variable des sections, leffet des charges, ou encore les aspects lis la fabrication et au matriau. En effet, le processus de fabrication des poutres composes-soudes seffectue par oxycoupage puis soudage de tles paisses en acier. Cela a pour consquence de crer des imperfections gomtriques sur les lments ainsi que des contraintes rsiduelles dans le matriau dont leffet sur le comportement de la structure nest pas ngligeable. Lensemble de ces paramtres montre que ltude de la rsistance au dversement de ce type de poutre ne peut pas tre effectue laide de mthode dinvestigation simple.

    Cet article prsente les rsultats actuels des tudes menes sur le sujet du dversement des poutres mtalliques de pont dans le cadre du projet de recherche AGB 2008/004. La section 2 rsume ltat des normes Suisse et Europenne en matire de rsistance au dversement en comparant les diffrentes courbes de rduction. La section 3 prsente les rsultats exprimentaux relatifs aux

    contraintes rsiduelles et aux imperfections gomtriques. Ces rsultats sont ensuite repris dans la section 4 ddie la mise au point dun modle numrique pour les analyses par lments finis. Les rsultats des tudes numriques sont prsents dans la section 5 qui met en vidence leffet des contraintes rsiduelles et des imperfections gomtriques sur la rsistance au dversement.

    1.1 Le dversement dans les ponts

    Les tapes sensibles au dversement dans le domaine des ponts peuvent se rsumer la figure 1. On distingue gnralement deux cas possibles pour lapparition du dversement sur un ouvrage: dune part lors des situations transitoires qui correspondent aux phases de montages (not en rouge sur la figure 1), et dautre part, lors des situations durables en phase de service (not en bleu sur la figure 1).

    a) phase de montage par lancement

    b) ouvrage en service

    Figure 1: Cas considrer pour le dversement des poutres de ponts (images extraites de [1])

    Plus spcifiquement, les cas vrifier sont :

    au montage la semelle infrieure en cas de lancement

    au montage la semelle suprieure en trave en particulier lors du btonnage

    en service la semelle infrieure au droit des appuis intermdiaires

    De faon illustrer la ncessit des vrifications exposes ci-dessus trois cas de ruines de ponts, extraits de [2], sont prsents la figure 2.

  • a) pont autoroutier prs de Kaiserslautern, Allemagne, 1954

    b) pont sur le canal Mitelland prs de Dedensen, Allemagne, 1982

    c) pont de Saint-Ilpize, France, 2004

    Figure 2: Illustrations de diffrents cas de dversement de poutres mtalliques de ponts

    La figure 2a prsente le cas dun pont constitu de deux poutres continues sur cinq traves. Une spcificit de cet ouvrage rside dans le fait que la porte centrale comporte un tronon articul formant une poutre cantilever. Pour ce cas, le phnomne de dversement est apparu lors des tapes de montage et btonnage de la dalle qui a provoqu une contrainte de compression trop leve dans la semelle infrieure prs des appuis.

    La figure 2b montre un cas de ruine qui sest produit sur un pont dune porte simple avec une srie de poutres matresses en acier. Lors de la dmolition de louvrage, le grutage a ncessit de dsolidariser les poutres transversalement en dconnectant les entretoises qui avaient la fonction dappui latral. Cela a cr linstabilit par dversement de la poutre de bord qui a failli tomber dans le canal.

    La figure 2c expose un systme porteur dun pont suspendu avec deux poutres latrales en treillis. La cause du dversement de la membrure suprieure de la poutre serait due au passage dun poids lourd en surcharge.

    1.2 Particularits des poutres de ponts

    En comparaison aux poutres de btiments, les poutres de ponts ont des particularits qui forment un ensemble de paramtres (cf. figure 3) capable dinfluencer, avec plus ou moins dimportance, la rsistance au dversement.

    Figure 3: Paramtres influenant la rsistance au dversement des poutres de ponts

    Dans la suite, larticle relate les tudes exprimentales et numriques menes pour connatre limportance de linfluence des contraintes rsiduelles, des imperfections gomtriques et dans une moindre mesure de la gomtrie variable des sections.

    Rsistance au

    dversement dun

    pont

    Entretoises

    Hyperstaticit

    et efforts

    Contraintes

    rsiduelles

    Imperfections

    gomtriques

    Gomtrie

    variable des

    sections

    Effets

    transversaux

    et charges

  • 2 Situation normative

    2.1 Introduction

    Comme dun point de vue phnomnologique le dversement peut tre assimil celui du flambement lastique latral de la partie comprime [3], les normes utilisent les courbes de flambement comme courbes de dversement moyennant quelques adaptations sur la classification des sections. Les courbes de flambement sont de types semi-empiriques et ont par consquent deux origines. Une origine exprimentale qui repose sur une vaste campagne dessai portant sur des profils lamins du commerce de diffrents pays [4], et une origine thorique base sur des simulations numriques [5]. Le rsultat de ces deux tudes dbouche sur la proposition de trois courbes de flambement. La dfinition et la mise en quation des courbes europennes de flambement se fait vritablement en 1978 avec une formulation dite de type Ayrton-Perry [6]. Paralllement, il existe aussi une autre formulation dite de type Merchant-Rankine [7]. Cest dans les annes 2000 que des nouvelles propositions de mise en quations de courbes de dversement ont t propose par [8] et [9] en incluant des profils composs souds avec des gomtries de poutres de btiments.

    2.2 Eurocode 3 - Partie 2 : Ponts mtalliques

    LEN1993-2 :2006 propose deux mthodes de vrification pour le flambage latral ou le dversement des lments par son article 6.3.4. Une mthode gnrale (art. 6.3.4.1) et une mthode simplifie (art. 6.3.4.2). Ces deux mthodes se diffrencient dans le calcul des

    lancements rduits mais se basent sur

    les mmes courbes de dversement pour les sections soudes par lart. 6.3.2.2. Lapproche propose ici est de type Ayrton-Perry [6] avec un coefficient de rduction que lon applique sur la rsistance en section. Ce dernier est dfini comme suit :

    (1)

    o [ ( ) ] avec

    une valeur recommande suivante pour la longueur du plateau des courbes de

    dversement . Le facteur dimperfection des courbes de dversement varie de 0.21 0.76 en fonction du type de section transversale. Comme les sections pour les ponts sont gnralement de type composes-soudes, ce sont les courbes c (si llancement de la section h/b 2) et d (si h/b 2) qui prvalent. Cette dernire est reprsente la figure 4.

    2.3 SIA

    Dans sa version actuelle (SIA 263 : 2013) la norme suisse pour la construction en acier prvoit une formulation similaire lquation

    (1) mais en choisissant les valeurs et un coefficient dimperfections pour les profils souds, cf. figure 4. Dans son ancienne version (SIA 263 : 2003), la norme suisse utilisait une formulation similaire mais

    avec un saut au passage de . Dans sa version antrieure (SIA161 : 1990), la formulation de la courbe de dversement tait diffrente avec une approche de type Merchant-Rankine [7] ayant pour quation selon art. 3 254 2 :

    (

    )

    (2)

    Figure 4: Reprsentation de diffrentes courbes de

    dversement sur le diagramme

    La courbe correspondante, galement reprsente sur la figure 4, est celle qui rduit le moins la rsistance comparativement aux autres. La plus svre des courbes de rduction est celle recommande par lEN1993-2 courbe d. Lapprciation de lcart entre ces extrema est montre par la courbe rouge o lon observe un cart grandissant jusqu un lancement rduit de 0.8, puis lcart diminue avec laugmentation de llancement. Il est intressant de noter que les carts les plus grands entre les courbes se situent justement dans le domaine dlancement des poutres de ponts. Par exemple, la diffrence sur le coefficient de rduction entre la SIA 161 :1990 et lEN1993-2 peut atteindre 30% pour un lancement rduit de 0.8. Pour le mme lancement, lcart entre

    0.0

    0.2

    0.4

    0.6

    0.8

    1.0

    1.2

    0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0

    SIA 263:2013 - courbe c

    SIA 263:2003 - courbe c

    SIA 161:1990

    EN1993-2 - courbe d

    Euler

    D = D,max - D,min

    Facte

    ur

    de r

    duction,

    [-]

    Elancement rduit, [-]

    SIA 263:2013 SIA 263:2003 SIA 161:1990 EN1993-2: 2006

    = 0.4

    D = 0.49

    Profils souds

    = 0.2

    D = 0.49

    courbe c

    si alors

    D = 1.0

    = 0.2

    LT = 0.76

    Section en I

    soudes h/b > 2

    courbe d

    Art. 4.5.2 Art. 4.5.2 Art. 3.254 Cas gnral

    Art. 6.3.2.2

  • la norme SIA263 :2013 et lEurocode se monte 15%.

    3 Etudes exprimentales

    3.1 Mesure des contraintes rsiduelles

    Lobjectif de ces mesures est de dfinir un modle de contraintes rsiduelles qui correspond aux poutres mtalliques de ponts. Plusieurs modles de contraintes rsiduelles existent dj dans la littrature mais correspondent aux profils lamins ou poutres composes-soudes avec des plats lamins. Rares sont les modles tenant comptes de toutes les tapes de fabrication des poutres mtalliques de ponts qui sont le laminage des plats, loxycoupage des semelles forte paisseur et le soudage entre lme et les semelles. Dans ce qui suit, la mthodologie et les rsultats principaux sont prsents ; les auteurs renvois le lecteur la rfrence [10] pour plus de dtails.

    Les mesures se composent de deux tapes. La premire tape est ddie ltude des contraintes rsiduelles lies leffet de loxycoupage dune plaque en acier S355N dune paisseur de 60 mm dont la gomtrie est donne la figure 5.

    Figure 5: Vue en plan du squencement de loxycoupage (dimensions en mm)

    Trois dcoupes successives sont effectues une vitesse constante de 250 mm/min permettant ainsi dobtenir trois semelles. Les semelles T1 et T2a sont ddies ltude des contraintes rsiduelles doxycoupage. La deuxime tape, figure 6, se concentre sur ltude du soudage entre un morceau dme et la semelle T2b pralablement oxycoupe.

    Figure 6: Vue en plan et coupe du soudage me-semelle (dimensions en mm)

    Un soudage de type semi-automatique en trois passes larc sous flux est utilis avec une vitesse constante de 6.66 mm/s.

    Les contraintes rsiduelles sont mesures laide de la mthode de sectionnement [11] (figure 7).

    Figure 7: Principe de la mthode de sectionnement

    Cette mthode comporte trois tapes principales. La premire tape consiste marquer puis mesurer une base dempreinte sur la plaque de base (figure 7a) afin dobtenir les mesures initiales Li. Dans un second temps les chantillons, situs au centre de la plaque pour viter les effets de bords, sont dcoups transversalement par sciage (figure 7b). La dernire tape se compose du sciage en tranche de lchantillon, permettant le relchement des contraintes longitudinales, suivit des mesures finales Lf de la base dempreintes (figure 7c). Les dformations provoques par le relchement des contraintes rsiduelles sont ainsi calcules avec lquation (3) et les contraintes rsiduelles sont dtermines par la loi de Hooke donne via lquation (4).

    (3)

    (4)

    Les rsultats des mesures de contraintes rsiduelles sont prsents la figure 8 pour les chantillons oxycoups et la figure 9 pour ceux oxycoups et souds.

    730

    615

    T2a

    25

    T2b

    Coupe 2

    Coupe 3

    730

    2600

    60

    2100

    60

    Coupe 1

    vitesse de

    dcoupe,

    250 mm/min.

    Sens de laminage

    T1

    730

    OX

    OX

    2600

    60

    730

    Vue en Coupe A-A

    A

    A

    Vue en plan

    Ame PL20mm, S355J2 2600 x 180 x 20 mm

    Semelle PL60mm, S355N 2600 x 730 x 60 mm

    20

    180

    Direction du soudage,

    Vitesse 6.66 mm/s

    T2b

    Sens de laminage

    a. Plaque b. Echantillon c. Tranches

    Sciage

    Sectionnement

    Mesures

    initiales Li

    Mesures

    finales Lf

  • Figure 8: Distribution des contraintes rsiduelles moyennes mesures pour les chantillons oxycoups (2 x 3 prouvttes oxycoupes avec deux largeurs diffrentes : 615 mm et 730 mm)

    La figure 8 montre que loxycoupage introduit localement une forte contrainte rsiduelle de traction aux bords atteignant environ 250 MPa. Cette composante de traction est suivie par une zone comprime avec un pic atteignant -50 MPa. Dans la zone centrale les valeurs de contraintes sont quasi nulles.

    Figure 9: Distribution des contraintes rsiduelles moyennes mesures pour les chantillons souds (1 x 3 prouvettes oxycoupes + soudes)

    A la figure 9 leffet du soudage de lme au centre de la semelle est mis en vidence. Leffet principal du soudage est dinsrer une contrainte de traction au droit de la zone soude atteignant environ 50 MPa son pic. En consquence, lensemble des contraintes est abaiss de la mme valeur uniformisant ainsi les zones comprimes environ -30 MPa et abaissant les pics de traction aux bords oxycoups 200 MPa.

    En divisant la distance au bord par la largeur de lchantillon bf et les contraintes rsiduelles par la limite dlasticit fy la figure 9 prend une allure relative reprsente par la figure 10.

    Figure 10: Distribution relative des contraintes rsiduelles moyennes mesures pour les chantillons souds

    La reprsentation de la figure 10 permet dobtenir par quilibre successif des zones tendues et comprimes le modle exprimental des contraintes rsiduelles lies loxycoupage et au soudage. Ce modle est illustr la figure 11.

    Figure 11: Modle exprimental des contraintes rsiduelles pour une plaque en acier oxycoupe aux bords puis soude au centre

    Ce modle servira de base pour les tudes numriques la section 4.

    3.2 Mesure des imperfections gomtriques

    Lobjectif de ces mesures est damliorer la connaissance sur les imperfections gomtriques que lon retrouve dans les poutres mtalliques de ponts. Ces imperfections se caractrisent par leur forme et leurs amplitudes comme par exemple, les dfauts globaux (rectitude et courbure) et locaux (planit).

    Dun point de vue pratique, les imperfections gomtriques sont lies aux tolrances que les constructeurs mtalliques se doivent de respecter. Il sagit des tolrances gomtriques de fabrication prescrites par les

    -100

    -50

    0

    50

    100

    150

    200

    250

    300

    0 200 400 600 800

    Co

    ntr

    ain

    tes r

    sid

    ue

    lles [

    MP

    a]

    Distance au bord [mm]

    T1-2 T2a-2

    T1-3 T2a-3

    T1-4 T2a-4

    -100

    -50

    0

    50

    100

    150

    200

    250

    300

    0 200 400 600 800

    Distance au bord [mm]

    T2b-2

    T2b-3

    T2b-4

    Contr

    ain

    tes r

    sid

    uelle

    s [

    MP

    a]

    -0.30

    -0.20

    -0.10

    0.00

    0.10

    0.20

    0.30

    0.40

    0.50

    0.60

    0.70

    0.80

    0.00 0.20 0.40 0.60 0.80 1.00

    T2b-2

    T2b-3

    T2b-4

    Contr

    ain

    tes r

    ela

    tive

    fy

    [-]

    Distance relative bf [-]

    0.11 fy

    0.68 fy

    0.20 f y

    b20

    2b20

    8b20

    8b20

    0.63 fy

    0.07 f y

    h 20

    h 20

    18h

    20

    0.20 fy

    b20

    0.11 f y

    0.63 fy

    Residual stresses distribution type D

    (flame-cut + welded)

  • normes et des tolrances de montage et dexcution lies la mthode de montage.

    Dun point de vue scientifique, les imperfections gomtriques doivent tre considres lors du calcul de la rsistance ultime dune poutre. Pour ce faire, la norme EN 1993-1-5 :2006 annexe C [12] propose un cadre gnral avec des mthodes conservatrices qui prennent en compte les imperfections gomtriques pour le calcul numrique. En consquence, la littrature scientifique montre une grande varit de valeur et de type dimperfections gomtriques utiliss dans les publications crant une certaine confusion.

    Les mesures sont effectues sur deux poutres mtalliques droites de type compose-soudes utilises pour la construction du viaduc ferroviaire de Wilwisheim en France. Une poutre correspondant une section sur appui, nomme T10 (figure 12a), alors que la seconde correspond une section de trave, nomme T11 (figure 12b).

    a) tronon sur appui (T10)

    b) tronon en trave (T11)

    Figure 12: Vue des poutres mesures stockes en atelier

    Transversalement, les poutres sont munies de deux raidisseurs longitudinaux souds du ct intrieur qui sont interrompus environ tous les 6.0 m par les raidisseurs verticaux. La section en trave montre une semelle infrieure lance de 1200 mm de large par 40 mm dpaisseur, une me de 3120 x 25 mm et une semelle suprieure de 800 x 40 mm. La section sur appui prsente une semelle

    infrieure dpaisseur variable de 50 mm 100 mm pour une largeur constante de 1200 mm, une me de hauteur variable avec une paisseur de 30 mm et une semelle suprieure dpaisseur variable entre 60 mm et 125 mm pour une largeur constante de 800 mm.

    Le choix de la mthode de mesure sest port sur un systme par Laser Tracker suffisamment prcis et flexible pour travailler en milieu industriel. Ce systme portatif (figure 13) mesure des coordonnes via un faisceau laser, mis par la station (metteur), qui poursuit le rflecteur dans un environnement 3D. Cet appareil assure des mesures avec une MPE (maximum permissible error) de 15 m + 6 m/m ce qui donne une prcision de mesure d'environ 0.135 mm dans un rayon de 20 m.

    Figure 13: Illustration de mesure par Laser Tracker sur la poutre T10

    Les mesures se sont concentres sur la prise de points le long de deux artes sur la semelle suprieure, deux artes sur la semelle infrieure et trois lignes de point sur lme (figure 14). Les points sont distants entre eux denviron un mtre et les lignes de points sur lme se situent approximativement la base, mi-hauteur et au deux-tiers de la hauteur de lme. Cette rpartition des points permet dune part, de quantifier correctement les rectitudes horizontales et verticales des poutres, et dautre part, destimer la planit de lme dans son ensemble.

    Figure 14: Lignes principales des points de mesures

    Arte infrieure-extrieure

    Arte suprieure-extrieure

    Arte suprieure-intrieure

    Arte infrieure-intrieure

    Trois Lignes de mesure des points sur l'me

    z

    x

    y

  • Les rsultats des mesures relatifs aux rectitudes horizontales sont illustrs aux figures 15a et b. Les carts maximaux sont compars avec les tolrances gomtriques prescrites par la norme SIA 263/1:2003 au tableau 1.

    a) T10, poutre sur appui

    b) T11, poutre de trave

    Figure 15: Rectitudes horizontales (selon y) des quatre artes mesures pour chaque poutre, en rouge la semelle infrieure et en noir la semelle suprieure

    Poutre Longueur

    L

    Ecart maximum

    mesurs y

    Tolrance selon SIA

    263/1:2003 L/1000

    [m] [mm] [mm]

    T10 20 9.1 20 T11 28 8.3 28

    Tableau 1: Valeurs maximales mesures et tolrance selon la norme SIA 263/1:2003

    En comparant les carts maximums mesurs avec les recommandations de la norme SIA 263/1:2003 sur les tolrances de fabrication et de montage, les dfauts de rectitudes mesurs restent bien infrieurs aux normes dans ce cas. Par consquent, la prise en compte des tolrances gomtriques comme valeur damplitude pour les imperfections gomtriques comme le propose la norme EN1993-1-5 :2006 lors du calcul de charge

    ultime est bien du ct conservateur. Ce rsultat servira de base pour les tudes numriques la section 4.

    4 Mthode danalyse numrique

    4.1 Modlisation par lments finis

    Les modles numriques sont construits avec le logiciel dlments finis non-linaire FINELG [13]. La figure 16 reprsente une gomtrie type de poutre avec son maillage, le chargement sous moment constant et les appuis de type fourche .

    Figure 16: Modlisation type dune poutre par lments finis

    Lintroduction du moment constant se fait par lapplication dun couple de force de mme valeur mais de direction oppose entre les semelles suprieures et infrieures aux extrmits de la poutre.

    Un acier S355 avec une limite dlasticit fy = 355 N/mm

    2 et une loi de matriau bilinaire

    selon la figure 17 est utilis.

    Figure 17: Loi constitutive bilinaire employe

    4.2 Modlisation des imperfections gomtriques et contraintes rsiduelles

    Pour effectuer des analyses non-linaires en tenant comptes des imperfections gomtriques il est ncessaire dintroduire une gomtrie de poutre contenant des imperfections initiales. Dans cette tude limperfection initiale a t choisie en prenant

    -2

    0

    2

    4

    6

    8

    10

    0 5 10 15 20 25

    Co

    urb

    ure

    ho

    rizo

    nta

    le,

    y [

    mm

    ]

    X [m]

    inf. int.

    inf. ext.

    sup. int.

    sup. ext.

    -9

    -8

    -7

    -6

    -5

    -4

    -3

    -2

    -1

    0

    0 5 10 15 20 25 30

    Co

    urb

    ure

    horizo

    nta

    le,

    y [

    mm

    ]

    X [m]

    inf. int. inf. ext. sup. int. sup. ext.

    fy

    y

    E = 210 GPa

    max = 10%

    0.01 E

  • la forme gomtrique du mode global de lanalyse critique (figure 18) qui a t multiplie soit par une amplitude a1 = L/1000 (cas IG1000), soit a2 = L/3000 (cas IG3000) o L est la porte de la poutre. Le choix de tester deux amplitudes permet de connatre la sensibilit de la rsistance au dversement vis--vis de lamplitude de limperfection initiale.

    Figure 18: Forme du mode global de lanalyse critique

    Trois schmas de contraintes rsiduelles, figure 19, sont valus pour connatre linfluence de ce paramtre. Le premier cas (figure 19a) ne contient pas de contraintes rsiduelles. Le deuxime cas (figure 19b) reprend le modle exprimental dvelopp la section 3.1 qui tient compte de loxycoupage des semelles et du soudage me-semelle. Les contraintes rsiduelles sur lme sont reprises de [14]. Le troisime modle (figure 19c) ne tient compte que du soudage me-semelle en ignorant la composante de traction aux bords des semelles. Les trois schmas proposs sont auto-quilibrs plaque par plaque.

    a) CR0

    b) CRFCW

    c) CRW Figure 19: Schmas de contraintes rsiduelles considrs

    5 Rsultats de ltude paramtrique

    Ltude paramtrique porte sur deux gomtries de poutre monosymtrique de ponts de type trave rsumes au tableau 2.

    Poutre de type trave

    hf bf,sup tf,sup bf,inf tf,inf tw

    [m] [mm] [mm] [mm] [mm] [mm]

    Wilwisheim (W) 3.2 800 40 1200 40 25 St-Pellegrino (SP) 2.0 450 20 650 40 14

    Tableau 2: Dimensions des poutres calcules

    O bf,sup,inf sont les largeurs de semelles suprieures, resp. infrieures, tf,sup,inf sont les paisseurs de semelles suprieures, resp. infrieures, tw lpaisseur de lme et hf la hauteur de la poutre de mi-paisseur de semelle infrieure mi-paisseur de semelle suprieure comme illustr la figure 20.

    Figure 20: Notations des dimensions utilises, tires de [1]

    La mthode de calcul se droule en cinq tapes :

    calcul du moment critique Mcr de dversement par une analyse linaire infiniment lastique

    calcul non-linaire du moment ultime Mult en intgrant les imperfections gomtriques et matrielles

    calcul du moment rsistant caractristique en section, dans ce cas les sections sont de classe 4, donc de type lastique-lastique rduit MRk,EER

    calcul de llancement rduit

    calcul du coefficient de rduction

    En variant les longueurs de poutres il est ainsi possible dobtenir une srie de points de

    coordonnes - permettant une comparaison avec les diffrentes courbes de dversement.

    0.20fy

    -0.11fy

    0.68fy

    -0.11fy

    0.20fy

    0.63fy

    0.63fy

    -0.07fy

    -0.11fy

    fy

    -0.11fy

    0.63fy

    0.63fy

    -0.07fy

  • 5.1 Influence des contraintes rsiduelles

    La figure 21 permet dapprcier linfluence des contraintes rsiduelles sur le dversement pour les poutres dont la gomtrie est de type St-Pellegrino avec une amplitude dimperfection gomtrique de L/1000. Les rsultats montrent des diffrences non-ngligeables entre les diffrents cas de contraintes rsiduelles pour des lancements rduits situs entre 0.5 et 1.5. Dans cette zone, les poutres sans contraintes rsiduelles (CR0) montrent des rsistances plus leves. Elles sont suivies par les poutres avec les contraintes rsiduelles exprimentales (CRFCW) qui montrent une rsistance plus leves que celles dont la composante de traction aux bords est nglige (CRW). Pour un lancement rduit typique de 0.8 les diffrences de rsistance en comparaison de la norme SIA 263 :2013 - courbe c peuvent atteindre 5% (cas CRW), 12% (cas CRFCW) et 19% (cas CR0). Ces diffrences sont encore plus marques avec la courbe de lEN1993-2 puisquelles atteignent respectivement 20% (cas CRW), 27% (cas CRFCW) et 34% (cas CR0). Le cas CRFCW est reprsentatif des poutres de ponts.

    Figure 21: Influence des contraintes rsiduelles sur le dversement

    Les rsultats qui se situent dans les grands

    lancements au-del de dpassent la courbe dEuler. Cela sexplique par deux raisons principalement : 1) lhypothse des petites rotations de la thorie dEuler nest plus respecte et 2) leffet des grandes rotations des poutres mobilisent une partie de la rsistance selon laxe faible.

    5.2 Influence des imperfections gomtriques

    La figure 22 met en vidence leffet de lamplitude des imperfections sur la rsistance au dversement. Deux types damplitudes sont tests, L/1000 recommand par le norme [12] et L/3000 provenant des mesures exprimentales la section 3.2. Pour ces deux

    cas, les contraintes rsiduelles mesures du type CRFCW sont utilises.

    Figure 22: Influence de lamplitude des imperfections gomtriques sur le dversement

    Lensemble des points se situent au-dessus des courbes de dversement et parfois avec une marge trs apprciable. Pour ce cas aussi, la mme tendance qu la figure 21 est observe avec des carts entre les deux cas tudis qui sont plus importants dans la zone des lancements rduits situe entre 0.5 et 1.5.

    Dune manire gnrale lorsque lamplitude de limperfection initiale est plus faible, cas L/3000, la rsistance est plus leve. Pour

    , la diffrence entre les deux cas tudis atteint 10%. Pour ce mme cas, le point ayant une amplitude dimperfection de L/1000 se situe encore 12% au-dessus de la courbe SIA 263 :2013 courbe c.

    5.3 Influence de la gomtrie des sections

    La figure 23 prsente une comparaison de rsultats pour deux sections diffrentes (SP : St-Pellegrino et W : Wilwisheim) soumis aux mmes conditions de contraintes rsiduelles (CRFCW) et dimperfections gomtriques (L/1000).

    Figure 23: Influence de la gomtrie des sections sur le dversement

    Les rsultats ne montrent pas de tendances particulires. Cela peut sexpliquer en partie

    0.0

    0.2

    0.4

    0.6

    0.8

    1.0

    1.2

    0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0

    SP1000_CR0_Mconst

    SP1000_CRFCW_Mconst

    SP1000_CRW_Mconst

    SIA 263:2013 - courbe c

    SIA 263:2003 - courbe c

    EN1993-2 - courbe d

    Euler

    Domaine des ponts

    Elancement rduit, [-]

    Fa

    cte

    ur

    de r

    du

    ctio

    n,

    [-]

    Viaduc de St-Pellegrino

    0.0

    0.2

    0.4

    0.6

    0.8

    1.0

    1.2

    0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0

    SP1000_CRFCW_Mconst

    SP3000_CRFCW_Mconst

    SIA 263:2013 - courbe c

    SIA 263:2003 - courbe c

    EN1993-2 - courbe d

    Euler

    Domaine des ponts

    Elancement rduit, [-]

    Facte

    ur

    de r

    duction,

    [-]

    Viaduc de St-Pellegrino

    0.0

    0.2

    0.4

    0.6

    0.8

    1.0

    1.2

    0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0

    W1000_CRFCW_Mconst

    SP1000_CRFCW_Mconst

    SIA 263:2013 - courbe c

    SIA 263:2003 - courbe c

    EN1993-2 - courbe d

    Euler

    Domaine des ponts

    Elancement rduit, [-]

    Fa

    cte

    ur

    de r

    du

    ctio

    n,

    [-]

    Viaduc de Wilwisheim et St-Pellegrino

  • par llancement (bf,sup/tf,sup) des semelles suprieures qui sont pratiquement identiques pour les deux poutres.

    6 Conclusion

    Ltude de la situation normative pour la rsistance au dversement montre des diffrences importantes entre les courbes de rduction. Ces diffrences sont particulirement marques pour le domaine des ponts.

    Les rsultats des tudes exprimentales proposent dune part, un schma de contraintes rsiduelles adapt aux poutres de ponts et dautre part, une connaissance plus prcises des imperfections gomtriques dues la fabrication des poutres composes-soudes.

    Les tudes numriques ont permis de mettre en vidence les points suivants :

    linfluence des contraintes rsiduelles peut atteindre 14% sur la rsistance au dversement

    linfluence de lamplitude des imperfections gomtriques entre les cas L/1000 et L/3000 atteint un maximum de 10%

    linfluence de la gomtrie des sections nest pas significative pour les sections considres

    les rsultats numriques montrent une rserve significative par rapport aux courbes normatives qui devrait pouvoir tre prise en compte (rsultats futurs de la prsente recherche)

    Remerciements

    Les auteurs de cet article tiennent remercier lOffice Fdral des Routes (OFROU) pour son soutien cette recherche. Les remerciements vont galement lentreprise Zwahlen & Mayr qui a donn la possibilit deffectuer lensemble des mesures exprimentales.

    Bibliographie

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