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On lit ce que l’on veut derrière les mots. Les mots ci-dessus par exemple : tu crois que je parle de vêtement ? Et bien pas du tout figure-toi. C’est un des grands plaisirs de l’écriture, comme les double sens dans les films de série B tu vois ce que je veux dire ? Le principe de l’allégorie. Ce qui est écrit a plein de significations et après c’est toi qui choisis, mais pas toujours. Parfois tu ne sais pas et parfois tu ne veux pas savoir. De quoi je parle. Jardin ne veut sans doute pas dire la même chose pour toi ou pour moi, pour elle ou pour il. Gilles Clément, un des premiers ils, n’est pas (encore) un toi. Il l’est un peu par procuration car Shanta Rao travaille avec lui en ce moment-même sur le Parc National des Calanques. Il a jardiné dans des endroits que je connais bien, comme le Parc André Citroën dans le 15e arrondissement. On mangeait des pique-niques dans des Tupperware dans ses jardins en mouvement et une fois on s’est pris des méchants coups de soleil à passer la journée dans les jeux d’eau. C’était vraiment le rêve mais après on n’a pas réussi à dormir tellement on avait mal. Ça me donne l’impression que je le connais ou qu’il me connaît. Tout ce qui est en italique vient de la bouche du jardinier. Faut-il abandonner toute idée de maîtrise et regarder ce qui nous entoure comme un ensemble qui nous habille... Je crois que d’abord il a observé ce qu’il a appelé plus tard le délaissé. C’est un terrain abandonné ayant connu une activité, agricole, industrielle, urbaine, touristique... puis colonisé par des plantes. Elles créent alors de la diversité biologique… qui n’est pas à ce jour répertoriée comme richesse. Jardin en mouvement c’est une idée du jardin où le jardinier jardine avec le jardin car les plantes lui apprennent à jardiner. Observer. Faire le plus possible avec, le moins possible contre. Un jour, il s’est mis à parler de jardin planétaire afin que les gens imaginent la planète comme un espace clos. Avec la diversité, on parle alors de tous les êtres vivants et donc des êtres humains.Tous les délaissés de ce jardin forment ensemble le Tiers Paysage. Tiers paysage renvoie à tiers-état (et non à Tiers-monde). Espace n’exprimant ni le pouvoir ni la soumission au pouvoir. Il se réfère au pamphlet de Siesyes (c’est qui ?) en 1789 : « Qu’est-ce que le tiers-état ? — Tout. Qu’a-t-il fait jusqu’à présent ? — Rien. Qu’aspire-t-il à devenir ? — Quelque chose. » J’espère que tu comprends un petit peu, ou que quelqu’un comprendra et pourra t’expliquer. C’est important qu’il y ait quelqu’un pour le faire. J’espère que tu me demanderas si tu ne comprends pas. Je ne sais pas si tu es énervé.e, si tu t’es endormi.e, si tu siffles entre tes dents ou si tu souris. Céline Vaché-Olivieri et Elsa Werth ont planté des graines dans la salle de classe. Elle ressemblait à une grande serre. Le jour où je suis venue, c’était la canicule et à l’intérieur de l’école, on était toute.s plus ou moins sur le point de s’endormir. On dessinait sur le sol, j’avais envie de m’allonger… Pour eux, ils et elles (presque) toi, c’était comme ça depuis une semaine. Plus tard, j’ai appris aussi qu’ils et elles avaient balancé des bombes de graines, je ne sais pas trop comment : par la fenêtre, au parc, sur un terrain vague… J’aurai bien aimé que tu me racontes. Je ne suis pas sûre qu’ils et elles aiment tout.e.s les plantes. Ils et elles ont peut-être raison. Faut faire attention, c’est Wikipédia qui le dit : L’ herbe de la Pampa est une plante envahissante. (…) Les bouquets de “fleur de pampa” sont très combustibles, et peuvent même provoquer, à la suite d’une simple étincelle (ex. en branchant ou débranchant une prise électrique) ou du contact avec une cigarette, une explosion, et remplir la pièce de particules noires ; il a été observé [Par qui ?] que l’explosion en question était capable de déformer une porte double séparant deux pièces contiguës. [réf. nécessaire] Elle est parfois imprévisible. Et souvent ils et elles toi oublient quand ils l’emportent. Que ça soit dans la grammaire, au conseil d’administration ou à la cour de recré. Et moi, je suis là à vouloir t’expliquer comme une teubé, alors que la vérité sort de la bouche de Youtube. Kalash manteau couverture de survie chaîne en or faire tourner des joints en 4x4 dans le désert style sur la lune. Mwaka Moon ſt. Damso : Dems, Dems S’ faire s✰✰✰✰, c’est pas tromper Faire succès, c’est n’pas s’tromper Trop de billets : jaunes, verts, violets J’ai tout nié, toi balancé Tout est écrit, ouais, qu’ ils m’ont dit Les mêmes qui ont dit que j’y arriverai pas Jamais négro s’enterre en vie, jamais négro ne baisse les bras J’ illumine, j’élimine, ennemis, imminent Pas d’paroles, patates sur les lips Si j’urine dans la ville c’est que j’suis sur les Champs Grosse s✰✰✰✰✰, quatre pattes sur le bitume Inoffensif je fus, une offensive et je tue Une gencive de plus, sur le bitume j’accumule embrouilles, bagarres de rue J’prends le réseau, négro, j’te laisse que l’WiFi Au studio j’ fais qu’ du sale, au studio tu n’ fais qu’ du bruit Ils tuent pour prendre nos terres comme G. Bush, Saddam R.I.P J’sais toujours pas naviguer pourtant j’connais qu’des rates-pi Dems, Dems Jeanne Moynot t’explique, quelque part plus loin Tu peux peut-être suivre des flèches, des lignes droites ou des tâches de gras Tu me diras si c’est vrai moi je veux pas voler les mots des autres En tout cas pas le faire les yeux fermés Samir Ramdani explique lui aussi mais pas direct à toi Tu moi, il et elle tu peux choisir d’être là Ecouter en scred ou devenir Samir, åbäke ou moi Nicolas Boone les a pris La plage à l’intérieur de l’il et elle C’est devenu une question Posée par Elisa Pône Est-ce que t’es d’accord que je te vois Eric Giraudet rentre dans ton cerveau et colle des morceaux de chewing-gum goût herbes Tu, tu, tu, tu, tu, tu, tu, tu, tu, tu, tu, tu, tu, tu, tu, tu, tu, tu, tu Comment ne pas voler quand on te demande de voler Je vole les mots de Jules Lagrange Autant voler comme Robin des Bois Peter Pan les images Eléonore tu False Arnaud triadique vous ballet d’eux Dezoteux TOUT EST LA ETALE SUR UN PLAN APLAT TU PEUX RENVERSER VERSER ET PRENDRE TA PLACE TU TON ET BALANCER LES ELLES ET LES ILS C’est Anne Bourse qui nous a montré l’idée la première Qui en a fait pousser d’autres depuis qu’elle nous a raconté son rêve Un des élèves disait à la prof qu’ils n’avaient rien compris Herbe de la Pampa Barbara Sirieix APLAT REVERS COUTURE SI LA FRANCE N’EXISTAIT PAS ALORS IL N’Y AURAIT PAS DE NOM POUR LES PAYS SI IL N’Y AVAIT PAS DE JEUX VIDEO TELEVISION TELEPHONE ALORS ON AURRAIT MANGÉ DES FRUITS FABRIQUÉ DU PAIN cracheur de feux mitraillette / bazooka M. POKORA Sabre loup bugatti / porsche HIBOUX spageti 85 ans BUS PS4 joue avec mon chat Barbara Sirieix et åbäke : Quand tu as com- mencé à travailler avec les enfants de la classe du Collège Charles Péguy, j’ai l’ impression que tu avais déjà plus ou moins déterminé le rôle de chacun.e.s, comme le projet consistait à réaliser un film de zombie et qu’un tournage nécessite une organisation spécifique. Samir Ramdani : Oui, c’est vrai que j’ai déter- miné les choses assez tôt. J’ai juste proposé aux enfants de faire un film de zombie. elles et ils ont été ravi.e.s et excité.e.s par le pro- jet. Donc avec Thomas Stuck mon coscénar- iste, nous avons écrit un scénario. J’amenais un scénario et elles et ils seraient les comé- dien.ne.s. J’ai déjà fait plusieurs ateliers vidéo avec des enfants, en leur donnant une certaine liberté dans la conception du projet. C’était toujours très stimulant pour elles et eux d’un point de vue pédagogique, mais ça l’était beaucoup moins sur le plan artistique. Avec les enfants, l’expérience humaine est toujo- urs forte sur le moment mais les films restent dans des tiroirs. Pour cet atelier j’ai fait autrement. Je vou- lais que l’on fasse un vrai film, avec la même exigence que j’ai pour mon travail. Donc j’ai décidé de circonscrire le travail des enfants à leur propre rôle dans le film, ce qui est déjà un travail énorme. je les ai mis.e.s dans la peau de comédien.ne.s interprètes, ce qui sup- pose un niveau de concentration très élevé sur un temps assez long. Ils ont réussi sans trop de problème. Certain.e.s se sont même révélé.e.s très doué.e.s. À la fin du tournage, ce choix a porté ses fruits. Les enfants ont aimé le pré-montage que je leur ai montré. Elles et ils ont beau- coup ri mais elles et ils ont compris que ce que nous avons fait était très sérieux. Elles et ils ont donné leur avis puis nous avons discuté de manière très lucide sur les images que nous avions faites, sur le suspens du film et sur leur rapport en général aux images vio- lentes. La distance qu’elles et ils avaient gag- née m’a beaucoup rassuré. Barbara Sirieix et åbäke : Tu avais projeté au départ de faire un film de zombie dont tu avais écrit le scénario (ou pré-scénario) avant de commencer à travailler avec les enfants, or au final l’ histoire s’est transformée en scénar- io fantastique. Quelle rôle ou influence ont eu les enfants et le contexte de l’école dans cette transformation ? Samir Ramdani : Effectivement, le projet ini- tial était de faire un film de zombie avec ces enfants qui ont de légers handicaps. Mon en- vie était de donner une certaine autonomie symbolique vis-à-vis de toute forme de stig- matisation ou de condescendance dont font l’objet les minorités en général. En incarnant des zombies, les enfants auraient joué avec leur propre image, en la contrôlant plus qu’en subissant leur image d’enfant en difficulté. Le but était d’opérer un renversement symbol- ique : de dominé à dominant. Dominé en tant qu’enfant, en tant que personne en difficulté et en tant que minorité visible (9 enfants sur 10 qui ont participé au projet ne sont pas blanc.he.s). Les enfants étaient très emballé.e. s à l’idée d’être un zombie, je pense que la dimension transgressive leur plaisait. Mais Il y avait une difficulté du point de vue de la production. Asperger les murs de sang, maquiller et imbiber tous les enfants de sang tous les matins aurait presque doublé le temps de tournage et aussi le budget qui était déjà extrêmement modeste. Sans parler des possibles réactions des gens sensibles extérieurs à l’atelier, puisque nous n’avions pas les moyens de contrôler totalement les mouvements de personnes dans l’établissement car nous filmions dans un collège en pleine activité. Alors, avec Thomas nous avons revu notre scénario et avons décidé de passer de zom- bies à enfants télépathes du type « Le Village des Damnés ». C’était plus économique à tous les niveaux (décor, maquillage et costumes). Le principe de renversement symbolique dominé/dominant était toujours là, et même amplifié par le pouvoir des enfants. La trans- gression était toujours là à travers l’image de l’enfant diabolique qui contrôle l’adulte. Le fantastique ne passait plus par la présence de sang mais par le jeu des comédien.nes et la mise en scène. Et c’est pas plus mal ! Barbara Sirieix et åbäke : Comment as-tu mo- bilisé les enfants à faire les les actrices et ac- teurs (chose qu’ ils n’avaient sans aucun doute jamais fait), à les astreindre aux contraintes d’un tournage, la répétition des prises, les changements de décor étant souvent syno- nymes de longueur, à les convaincre d’être devant une caméra ? Samir Ramdani : En dehors des deux élèves qui n’ont pas voulu être film.é.es, je n’ai pas eu à les convaincre, elles et ils voulaient jouer dans le genre de film qu’elles et ils ont l’habi- tude de voir. Mais une chose est sûre : elles et ils n’ont plus la vision naïve du comédien star et glam- our. Ils ont compris que faire un film ou des images en général, c’est un travail de con- struction qui demande des efforts de rigueur et de patience. C’est un travail pas toujours confortable dont la satisfaction vient quand tout est achevé. Comme beaucoup de tour- nages, ce fut intense et éprouvant. Elles et ils ont réellement fait preuve d’endurance et de maturité. Ce qu’on a fait leur a donné une pe- tite idée de comment sont fabriqués les films qu’elles et ils consomment. Barbara Sirieix et åbäke : Dans quel(s) sens du terme collaboration as-tu envisagé puis réalisé ton film? Les enfants sont-ils co-autri- ces et co-auteurs ? On peut parler de collaboration dans le sens où il y a une discussion entre entre les comédi- en.ne.s et moi et qu’elles et ils me fournissent une prestation artistique. Mais d’un point de vue légal, elles et ils ne sont pas co-auteurs et co-autrices. Dans le cas de ce projet je ne suis pas sûr que ce soit très important pour eux.elles. C’est important pour moi car je peux diffuser le film plus simplement, et que d’une certaine façon je paye mon investisse- ment personnel dans le film avec les droits de ce dernier. Puis du point de vue des enfants, je crois que ce qui était important c’est l’expérience de tournage, le fun, le caractère extraordi- naire de cette situation dans leur vie de de collégien.ne.s, puis de se dire et qu’elles et ils vont bientôt voir un film fantastique dans le- quel elles et ils ont des pouvoirs surnaturels. Je crois, sans prendre trop de risque, que les enfants aiment la fantaisie, moi aussi. On peut dire que nous avons réellement échangé. Ce texte est une fiction. Âmes sensibles, s’abstenir. Il y a plusieurs dizaines années, Maria a passé plusieurs dizaines d’années à observer des enfants rencontrant un grand nombre de difficultés de différentes natures. À partir de ses observations, elle a conçu une pédagogie envisageant l’éducation non pas comme une transmission de savoirs, mais comme l’accompagnement du développement naturel de l’enfant, basée sur la connaissance et le respect des lois qui gouvernent son évolution psychologique. Sa méthode est aujourd’hui mondialement connue et reconnue et, si vous voulez faire bénéficier votre enfant des bienfaits de cette pédagogie, vous pouvez l’inscrire dans un établissement Montessori, moyennant finances et à condition d’habiter à proximité d’une grande ville. Quoiqu’il en soit, aujourd’hui je me rends au collège Lucie Aubrac, je suis engagée pour y mener un atelier d’arts plastiques. J’ai prévu de tourner un film, un continuum de tableaux vivants inspirés de la peinture classique, de La liberté guidant le peuple au Déjeuner sur l’herbe en passant par La Joconde. Les personnages seront incarnés par les élèves qui porteront des ponchos à caractère pictural, c’est-à-dire des grands morceaux de tissus peints avec un trou pour y mettre la tête. J’arrive devant le collège, la dame de l’accueil m’accueille en me disant d’attendre. J’attends, Françoise la professeur principale de la classe dans laquelle j’interviens vient me chercher, nous montons à l’étage et franchissons la porte de la classe. Je regarde les élèves. Problème : il n’y a que des garçons. Je pense à mon projet, au personnage féminin du Déjeuner sur l’herbe, je demande Il n’y pas de filles dans la classe? Françoise me dit Il n’y en a qu’une et Kelly est en formation propreté toute la semaine. Je propose de faire un tour de table, afin d’entendre la voix des élèves. Je pense à Maria. Parce que l’encouragement est à l’humain ce que l’eau est à la plante, je les complimente sur leurs prénoms. Je sens que ça ne marche pas trop. Je montre un pdf récapitulatif de mon travail, nous parlons - enfin, je parle - de peinture, de physicalité, d’incarnation, de Gherasim Luca et de Christine and the Queens. Karim se lève, il a S.E.S.S.A.D. Françoise m’expliquera plus tard mais en gros, disons qu’il a rendez vous avec un psychologue. Kofi en profite pour aller aux toilettes. Driss dit que ça se fait trop pas d’aller aux toilettes avant la fin du cours. Françoise dit à Driss de s’occuper de ses affaires. Françoise m’expliquera plus tard mais en gros, disons que Kofi, suite à des problèmes familiaux avec son beau-père, a une autorisation de son A.S.S pour aller aux toilettes n’importe quand. Karim s’insurge davantage, la sonnerie de la récréation retentit. Avec Françoise, on fait le point : j’ai mis la barre trop haute avec Gherasim Luca. Pourtant ça me paraissait facile mais j’arrive pas bien à exprimer mes pensées. En même temps, expliquer des choses à des enfants, c’est pas mon métier. Les élèves reviennent de la récré, je dis On va faire de la peinture maintenant. Je sors les ponchos, ils peignent, la cloche re-sonne, c’est l’heure du déjeuner, on va manger le hachis parmentier de la cantine avec Françoise, la sonnerie re- sonne, l’atelier reprend. Nous sortons du collège, traversons la quatre voies afin d’atteindre ce bout de nature à côté de la décharge municipale que j’avais repérée en amont pour tourner la scène du repas dans l’herbe. Je dis Qui veut faire la scène du pique-nique? Driss me dit C’est Ramadan Madame, je peux pas. Je dis Ya pas de lézard Driss, ceux qui font pas Ramadan font la scène du pique-nique et ceux qui font Ramadan feront la scène du drapeau tout à l’heure ! Je sors les club sandwich, les chips et le soda pour Lionel et Chang. Driss me dit que finalement il veut bien faire une exception. Les autres qui faisaient Ramadan aussi veulent finalement bien faire une exception. Je dis ok. Je dis qu’il faut une personnage de fille, et vu que Kelly est à sa formation en propreté, qui fait le rôle de la fille? Là Driss me dit que je suis une ouf et que c’est pas lui qui fait la fille. Les autres rigolent et disent que je suis une ouf et que c’est pas eux qui font la fille. Je dis que si y’a pas de fille y’a pas de film. Je dis que vu que y’a pas de volontaires c’est moi qui décide qui fait la fille et bien je décide que c’est Driss qui fait la fille. Driss dit qu’il s’en bat les couilles sur la vie de sa mère y’a pas moyen il est pas un sale pédé plutôt mourir que de faire le gay. Alors très calmement, je pose ma caméra au sol, je m’approche de lui, je plonge mon regard dans ses yeux et je lui dis Mon projet, tu l’aimes ou tu le quittes, espèce de sale arabe de merde. Là, Driss sort de sa poche un cran d’arrêt, je me mets à chialer comme JOUR — 1 9h00 – 10h On se remémore l’atelier précédent. On a parlé des évènements, du fait de prêter attention aux évènements. On parle de notre place dans la société. Comment la changer. Quels candidats se présentent à la Présidentielle? Marine Le Pen revient souvent. J’entends souvent les paroles des parents à travers celle des enfants. « Elle est ouf, elle veut virer tous les noirs et les rebeus ». 10h – 10h20 Mets ta tête dans tes bras Ferme les yeux Tu es loin du Collège Debussy Sens ta respiration ralentir Tu es loin du Collège Debussy Souffle Souffle Souffle Sens ta respiration ralentir La nuit tombe Tu es loin du Collège Debussy Ta tête s’enfonce dans tes bras Ta mâchoire se relâche et tes épaules se détendent Imagine la nuit, Imagine la nuit profonde, Tu es dans ton lit, léger ou légère, comme une plume sur ton matelas. Ta tête s’enfonce dans tes bras, comme sur un gros oreiller, confortable et parfumé. Tu imagines ta chambre, calme. Sombre. Tu distingues malgré tout les objets qui t’entourent. Les coins de la pièce. Tu te sens en sécurité entre les quatre murs. Tu te sens léger ou légère, comme une plume. La fenêtre ouverte, laisse passer un vent d’air frais qui caresse tes cheveux. Tu es détendu(e). C’est une sensation douce et agréable. Ce vent d’air frais parfume ta chambre des odeurs du printemps. Les bourgeons qui germent. Les abeilles qui sortiront le jour pour butiner le nectar des fleurs. Pour l’instant, c’est encore la nuit et les abeilles dorment. Tu sens le parfum des étoiles. La caresse de la lune dont la lumière glisse sur les coins de ta chambre. Tu es en sécurité, sous ta couette. Ecoute les bruits de la nuit. Entends-tu des oiseaux nocturnes, le vent dans les feuilles. Tu es détendu(e) C’est une sensation douce et agréable. Tu es léger ou légère comme une plume. Ta tête aussi est légère, comme en apesanteur. Ton dos est léger Tes pieds pèsent à peine plus qu’une feuille de papier Tes jambes flottent, tes bras aussi, comme dans l’eau au dessus de ton matelas. Tu es léger ou légère comme une plume. Le vent parfumé du printemps te porte. Tu sens sa douceur, son énergie: le pollen des arbres qui te fait flotter. Tu dérives vers la fenêtre. Et tu te laisses glisser dehors, guidé(e) par la bise qui caresse ton corps. Tu t’envoles. Tu regardes ton chez toi de haut. Tu t’envoles. A mesure que tu te rapproches des nuages, la ville rapetisse. Les lumières des lampadaires sont autant de petites allumettes minuscules. Tu te laisse glisser sur l’air, porté par le vent du printemps. Les nuages te caressent maintenant le dos. Au reflets de la lune on dirait un paysage de coton. Un paysage doux, moelleux. Ton corps se pose maintenant sur un nuage. Ton dos est léger Tes pieds pèsent à peine plus qu’une feuille de papier Tes jambes flottent, tes bras aussi, comme dans l’eau sur ton nuage. Au loin, la lune ressemble à une grosse galette jaune. Tu sens le parfum des étoiles. Tu es bien, sur ton nuage. Tu remarques que la lune rapetisse, très lentement, très lentement. Elle n’est plus qu’un tout petit point, minuscule. Au loin, le soleil éclaire le manteau bleu de la nuit. Le ciel se teint des douces couleurs du matin. Les rayons du soleil chauffent tes joues. Comme une feuille, tu glisses du nuage, très lentement, très lentement, très lentement Pendant ce temps, le jour se lève. très lentement, très lentement, très lentement Tes pieds se posent sur un paysage. Ce paysage, c’est un paysage du futur. Un paysage de ton futur. Tu es toujours très léger ou légère. Tu regardes ce paysage et tout ce qui le compose. Tu regardes ce paysage et tout ce qui le compose. Y a-t-il de l’eau, un ruisseau, une rivière, une mer? Y a-t-il du sable, des montagnes? Y’a t’il des immeubles, des maisons, des grottes? Regarde bien ce paysage comme si tu voulais le prendre en photo avec tes yeux. Tu es toujours très léger ou légère. Tu regardes ce paysage et tout ce qui le compose. Tu es détendu(e). C’est une sensation douce et agréable. Ce paysage, c’est un paysage du futur. Le paysage de ton futur. Comme si tu avais un appareil photo, tu prends une photo de ce paysage avec tes yeux. Sens le vent sur ta peau. Sens le temps présent. Le temps de maintenant. Ce maintenant c’est le futur. Tu sens une présence autour de toi. D’abord une personne, puis une autre, puis une autre. Tu reconnais les visages de tes compagnons de la classe ULIS. Nous sommes dans le futur. Ils et elles ont grandi. Ils et elles sont heureux. Leurs visages ont changé. Ils sont maintenant des adultes. Examine leur visage. Ils et elles te sourient. Toi aussi tu as grandi. Toi aussi tu souris. C’est toi dans le futur. C’est vous dans le futur. Vous vous parlez comme des grands. Comme des adultes. Vous parlez de vos métiers, de vos occupations. De votre vie. Tu écoutes les histoires de chacun. Tu retiens les métiers de chacun. Un à un, imagine les métiers de tes camarades. Tes camarades de la classe ULIS. Vous êtes heureux. Vous le méritez. Très lentement, tu sors un téléphone de ta poche. Tu prends un selfie avec eux. Tu examines la photographie et tu regardes chaque visage avec soin. Chaque visage qui a grandi comme ton visage qui a grandi lui aussi. Chacun est un adulte, dans ton paysage du futur. Ta tête est légère Tes épaules tes bras ton dos tes pieds. Tu es léger ou légère comme une plume. Le vent parfumé du printemps te porte. Tu sens sa douceur, son énergie: le pollen des arbres qui te fait flotter. Très lentement, le temps remonte. Nous ne sommes plus dans le futur, nous sommes dans le présent. Nous sommes maintenant. Tu rejoins la classe. Tu reviens avec tes camarades aujourd’hui, maintenant. Tu rejoins la classe du Collège Debussy. Tu es détendu tu es avec nous. Tu es positif. Tu es joyeux. Nous sommes ensemble, maintenant. Nous allons commencer l’atelier. Tu es un trésor. Le futur démarre maintenant. /////////// Retour de la récréation Qu’avez-vous ressenti. Comment vous sentez- vous? Quel paysage avez-vous imaginé? Quel visage avez-vous imaginé? Que vous destine le futur? Comment imaginez-vous le futur des autres? Comment s’imaginer dans une société future? Comment imaginer le futur? Faire son autoportrait plus tard. ////////////// Aller chercher des fourmis dans la cour de récréation. JOUR — 2 Mets ta tête dans tes bras Ferme les yeux Tu es loin du Collège Debussy Sens ta respiration ralentir Tu es loin du Collège Debussy Souffle Souffle Souffle Sens ta respiration ralentir Tu es bien, au chaud, en sécurité, Le soleil du matin caresse ta peau Il fait doux, l’air est agréable. Au rythme de ma voix. Ta tête s’enfonce dans tes bras, comme dans un gros oreiller, doux et parfumé Ta mâchoire se relâche et tes épaules se détendent. Tu es allongé(e) dans l’herbe, l’herbe douce qui te porte comme matelas vert et confortable. La fraicheur des fleurs te rafraîchit la nuque Il fait doux, l’air est agréable. Tu es léger ou légère comme une plume. Le vent parfumé du printemps te porte. Tu sens sa douceur, son énergie: le pollen des arbres qui te fait flotter. Tu es à la fois détendu(e) et attentif ou attentive. Tes oreilles entendent tout. Tu entends un vol d’oiseaux. Tu arrives à les compter simplement en tendant l’oreille. Un deux trois quatre cinq six sept huit neuf dix Tu dénombres leurs plumes, en centrant ton attention sur le battement de leurs ailes. Ce sont des canards. Tous les bruits autour de toi sont familiers. Le vent dans les hautes herbes. Le frottement des feuilles d’arbres sur les branches. Une goute d’eau glisses sur une fougère et s’enfonce dans la terre en douceur. L’eau coule, non loin de là. Tu distingues le tapotement des pattes d’une fourmi sur un branchage. Elle est minuscule, mais tu la voies parfaitement. Tu distingues ses pattes, sa tête, comme un drôle de masque ovale, ses antennes, ses yeux ronds, Elle cherche de la nourriture. Elle progresse très lentement sur l’herbe. Elle prend soin de chercher les mets les plus exquis pour les rapporter à la reine. Derrière-elle, une autre chasseuse suit, tu sens les légers tapotements de ses pattes non loin de ton oreille. Derrière la deuxième chasseuse, une autre suit encore. Elles forment toutes une ligne, une chaine de petites fourmis qui avancent lentement, lentement , lentementn, méthodiquement Une deux trois quatre cinq six sept huit neuf dix. Elles apportent toutes le fruit de leur chasse. Des petits morceaux de feuilles sucrées au miel pour la reine et les ouvrières. Le soleil du matin caresse ta peau Il fait doux, l’air est agréable. Tu es léger ou légère comme une plume, comme une fourmis. Le vent parfumé du printemps te porte. Tu sens sa douceur, son énergie: le pollen des arbres qui te fait flotter. Tu es détendu(e) sur ton matelas d’herbe verte. Tu penses à la couleur verte. Le vert des arbres, le vert pomme, le vert de l’herbe, le vert. Tu penses au bleu, le bleu du ciel, de la mer, du bleu de Facebook. Tu penses au bleu de la terre vue du ciel, de l’espace, la planête bleue, au milieu des étoiles. Tu es maintenant loin, dans l’espace. Tu flottes au milieu des étoiles. Tu brilles, comme elles. Tu es une étoile filante. Une comète dont la queue laisse une trainée blanche pâle comme le marchant de sable. Les étoiles autour de toi filent aussi. C’est un feu d’artifice au ralenti. Comme un grand spectacle, elles éclatent autour de toi et propagent une lumière douce qui caresse tes yeux, ta peau. Les étoiles, te réchauffent de leur mille feu. Elles éclairent le noir profond de la galaxie. Lentement Lentement Lentement Tu reviens dans la classe, la tête entre tes bras. Tu reviens avec tes camarades aujourd’hui, maintenant. Tu rejoins la classe du Collège Debussy. Tu es détendu tu es avec nous. Tu es positif. Tu es joyeux. Nous sommes ensemble, maintenant. Nous allons commencer l’atelier. Tu es un trésor. Le futur démarre maintenant. Tu peux lentement ouvrir les yeux. Eric Giraudet de Boudemange une gonzesse, il me prend par les cheveux, me plante ; je perds connaissance et me réveille 10 jours plus tard tétraplégique aux Urgences de Bobigny. Nan j’rigole : Driss bafouille un truc du genre ça se fait trop pas Madame de me traiter de sale arabe. Françoise arrive, Comment ça Driss tu dis que Madame Moynot t’as traité de sale arabe ? Tu vas voir ce qui t’attend. Françoise me racontera plus tard mais en gros, disons que Driss passera en conseil de discipline pour dénonciation calomnieuse à caractère raciste, et comme il avait déjà eu des problèmes de discipline, le conseil pédagogique votera son exclusion définitive du collège. Pendant que les élèves font la récré dans la décharge, Françoise m’explique que tout ce qui a trait à l’homosexualité c’est vraiment pas abordable comme sujet ici, elle me demande si je peux pas adapter mon scénario, peut-être la scène du repas pourrait se faire entre deux amis garçons. Je dis non, soit on fait la scène avec un garçon qui fait la fille soit on fait pas la scène. Françoise me dit que je pourrais faire un effort, que les élèves font l’effort de bien vouloir tourner la scène du piquenique alors que c’est Ramadan. C’est la fin de la récré- décharge, il nous reste un quart d’heure avant de rentrer au collège, on a encore rien filmé et, vu combien je suis payée pour ce projet, je ne compte pas faire d’heures supplémentaires. Je passe au plan B : bâcler. J’aperçois au loin un caddie abandonné et propose aux élèves d’improviser avec. Les élèves décident à l’unanimité que c’est un sale pédé ; ils se ruent sur le caddie, le rouent de coups et lui crachent dessus. Je filme, je me dis que je trouverais bien une idée en post-production puis on rentre au collège. Jeanne Moynot ENFANTS D’HÉTÉROS Lors de la première rencontre à la cinémathèque pour visiter l’expo « De Méliès à la 3D », Karima, la professeure, nous a pris en photo avec les élèves devant le bâtiment de Gerry avec son téléphone. Chacun a levé les bras pendant la prise de vue. La photo s’est perdue dans l’abîme des puces mémoires. J’ai tenté de la redessiner. Ensuite, nous nous sommes rencontrés plusieurs fois à Tremblay- en-France au collège René Descartes. Dès la première séance, j’ai proposé de tourner un film à la plage. Ils étaient enthousiastes, certains n’avaient jamais vu la mer. Je leur ai montré des films différents de ceux qu’ils connaissaient, des films dont le scénario est libéré d’une histoire à raconter. À chaque séance, nous avons regardé les films au moins deux fois. Nous avons vu : Wind de Joan Jonas Neighbors de Norman MacLaren Deux solutions pour un problème d’Abbas Kiarostami Plage de Cinéma de Nicolas Boone Films de Francis Alÿs Films de Mark Lewis En Rachâchant de Marguerite Duras L’Esclave de Robert Filiou Offre d’emploi de Jean Eustache Les temps modernes (l’extrait du match de boxe) de Charlie Chaplin Les élèves ont une capacité d’écoute intense, mais courte. En s’inspirant des films que je leur ai montré, chacun a exprimé ses désirs de films et de scènes qu’ils avaient envie de réaliser. Ils ont dessiné et écrit des listes d’idées, regroupant des actions, des personnages, des accessoires, des parcours, des titres ... Karima écrivait au tableau les titres des films visionnés, les auteurs, les remarques, les questions des élèves, puis leurs idées et envies pour notre film de plage. Pendant les deux dernières séances, nous avons répété les scènes sélectionnées collectivement dans la cour de récréation, avec les accessoi res et costumes. Le 9 mai, nous nous sommes rendus en car sur une plage du Nord. Ils étaient 11 élèves. Le car a été rempli par une autre classe qui a profité du voyage. Marianne Tardieu nous a rejoints pour tenir le rôle de chef opératrice lors du tournage. Le temps était ensoleillé et venteux. Nous avons tourné onze scènes. J’ai réalisé un premier montage de ces scènes, que j’ai ensuite montré à la classe au mois de juin. En janvier 2018, j’ai réalisé un second montage, dans lequel j’ai choisi deux scènes, chacune tournée en un plan séquence. Pourquoi ces deux scènes? La scène « des feuilles d’or » : une couverture de survie a été distribuée à chaque élève. Ils jouent avec dans le vent du Nord, s’enroulent dedans, ne se préoccupent ni de la caméra ni de leur image, ils sont libres, ils rient, le moment est intense ! Le vent dans les couvertures de survie fait du bruit et contamine le silence du film. Aucune consigne n’a été donnée, aucun cadre imposé. La scène « de classe » : les élèves sont face à la mer, ils la regardent, responsables. Seule l’autorité de la mer est face à eux. Elle est immense, elle leur parle, leur enseigne quelque chose. Ils sont dans leur monde, dans leur classe ! Ils conservent des réflexes de l’école (ils lèvent le doigt, se lèvent, se chamaillent). Certains semblent dormir, peut-être rêvent-ils? La caméra, Karima et l’équipe de tournage ne comptent plus. Je me suis inspiré du film Wind de Joan Jonas, un film tourné sur une plage en hiver, avec une succession de scènes de chorégraphies. J’affectionne particulièrement celle où les enfants échangent leurs blousons les uns avec les autres. Nous l’avons tournée, mais elle ne fonctionnait pas. Les élèves restent figés, le jeu n’a pas pris. L’énergie, la liberté, la grâce sont advenues dans d’autres scènes, où les corps étaient libérés du cadre, d’une action à faire, où les élèves ont improvisé des gestes semblables à ceux qu’ils effectuent habituellement dans leur salle de classe ou leur cour de récréation, mais ici déplacés/ transposés sur une plage, avec une joie cosmique ! Nicolas Boone RETOUR SUR EXPERIENCE Cette Œuvre est Dédiée Par un Humble Carré Originaire du Pays des Deux Dimensions Dans l’Espoir que Tout comme lui-même a été Initié aux Mystères des TROIS Dimensions Alors qu’il en connaissait SEULEMENT DEUX Ainsi les Citoyens de cette Céleste Région Élèveront de plus en plus leurs aspirations Vers les Secrets de la QUATRIÈME, de la CINQUIÈME ou même de la SIXIÈME Dimension Contribuant ainsi Au Développement de l’IMAGINATION Et peut-être au progrès de cette Qualité excellente et rare qu’est la MODESTIE « Prenez patience, car le monde est vaste et large. » Dans notre pays, quand un Vrai Triangle Équilatéral naît de parents Isocèles, c’est un événement dont on se réjouit à plusieurs lieues à la ronde. Après un sévère examen effectué par le Conseil Sanitaire et Social, l’enfant, s’il est certifié Régulier 2 , est admis au cours d’une cérémonie solennelle dans la classe des Équilatéraux. Mais, parvenus à ce point de mon récit, peut- être certains de mes lecteurs parmi les plus jeunes se demanderont-ils comment, à Flat- land, une Femme peut se rendre invisible. Les périls auxquels nous sommes exposés de la part de nos Femmes doivent être évidents à présent pour les esprits les plus lents de Spaceland. Si, déjà, se heurter à un respect- able Triangle de la classe moyenne n’est pas sans danger ; si l’on risque une entaille en se cognant contre un Ouvrier ; si l’on ne peut éviter une blessure grave en entrant en col- lision avec un Officier de la classe militaire  ; si le sommet d’un Simple Soldat est à peu près mortel au seul contact… où va-t-on en se jetant sur une Femme, sinon à la destruction immédiate et complète ? 5. Comment nous nous reconnaissons les Uns les Autres. Mais à mesure que nous nous élevons dans l’échelle sociale, le processus qui consiste à distinguer et être distingué croît en difficulté. Nos jeunes lions, encore plus modernes et fringants, (…)condensent encore davantage la formule en utilisant le terme « toucher » dans un sens technique, qui correspond à « recommander-dans-l’intention-de-toucher- et-d’être-touché » ; et, à notre époque, le jargon en usage dans les milieux mondains ou chez les gens émancipés des classes supérieures sanctionne un barbarisme tel que « Mr Smith, permettez-moi de toucher Mr Jones ». Le pire mathématicien de Spaceland me croi- ra volontiers si j’affirme que les problèmes de la vie, tels qu’ils se présentent aux gens in- struits — lorsqu’ils sont eux-mêmes en mou- vement, qu’ils pivotent, avancent ou reculent et s’efforcent en même temps de distinguer par le sens de la vue plusieurs Polygones de haut rang qui se meuvent dans des directions différentes, dans une salle de bal ou dans un salon, par exemple — sont nécessairement de nature à éprouver l’angularité des intel- lects les plus élevés, et justifient amplement les avantages considérables dont jouissent nos Savants Professeurs de Géométrie, tant Statique que Cinétique. Il est étonnant de constater à quel point l’Art — je pourrais presque dire l’instinct — de la Connaissance Visuelle se développe quand on en fait une pratique habituelle en évitant la coutume du « Toucher ». Qui prend, dans sa petite enfance, l’habitude de « Toucher » ne saura jamais « Voir » à la perfection. Vais-je trop vite pour que mes Lecteurs me suivent jusqu’à ces conclusions évidentes ? Il suffit sûrement d’un instant de réflexion, d’un seul exemple puisé dans la vie quotidienne pour convaincre n’importe qui que notre sys- tème social repose tout entier sur la Régular- ité, ou l’Égalité des Angles. « L’Irrégulier », disent-ils, « est dès sa nais- sance dépisté par ses propres parents, ac- cablé de sarcasmes par ses frères et sœurs, négligé par les domestiques, méprisé et soupçonné par la société ; il se voit interdire tous les postes responsables, toutes les sit- uations de confiance, toutes les activités utiles. La police surveille de près chacun de ses mouvements jusqu’à ce qu’il atteigne sa majorité et se présente à l’inspection Immorale, licencieuse, anarchique, antiscien- tifique – quelles que soient les épithètes dont on veuille l’affubler – cette époque ancienne de la Révolte des Couleurs n’en fut pas moins d’un point de vue esthétique l’enfance glo- rieuse de l’Art à Flatland… ils réclamèrent avec audace l’interdiction légale de tous « les Arts exclusifs et aristocra- tiques » et, par voie de conséquence, l’aboli- tion de tous les avantages financiers destinés à encourager l’étude de la Connaissance Visuelle, des Mathématiques et du Toucher. Elle ne manquait pas de ruse, cette proposi- tion qui émanait en fait non point d’un Isocèle — car aucun être aussi peu évolué n’aurait eu l’angularité suffisante pour apprécier, en- core moins pour concevoir une telle merveille de stratagème politique — mais d’un Cercle Irrégulier qu’au lieu de détruire dès l’enfance on avait eu la folle clémence de laisser sur- vivre pour qu’il semât un jour la désolation dans son pays et qu’il entraînât à la mort « Occupez-vous de votre Configuration. » et je sais par expérience que chez eux, quand ils réprimandent leurs enfants, ils parlent du « bien » et du « mal » avec autant de véhé- mence et de passion que si ces termes représentaient des entités réelles et si une Figure humaine était véritablement à même de choisir entre eux. « Quoi ! » s’écria-t-il avec horreur. « Expliquez le sens de vos paroles ! » « De se toucher », répétai-je, « de se sentir, d’entrer en contact avec les autres. » « Si, dit le Roi, « vous enten- dez par toucher le fait de s’approcher d’un individu au point de ne laisser aucun espace entre lui et vous, sachez, Étranger, qu’il s’agit là d’un crime passible de mort dans mon royaume. « Comment cette personne a-t-elle pu s’in- troduire ici ? » s’écria-t-elle. « Vous m’aviez promis, cher ami, qu’il n’y aurait pas de ven- tilateur dans notre nouvelle maison.» « Il n’y en a pas, en effet », lui dis-je, « mais qu’est-ce qui vous porte à croire qu’il s’agit là d’une Femme ? Mes facultés de connaissance Visuelle me montrent… » « Oh, laissez-moi tranquille avec votre Con- naissance Visuelle », rétorqua-t-elle, « Touch- er, c’est croire », et « Une Ligne Droite bien touchée vaut mieux qu’un Cercle mal vu »… L’Étranger. Ne m’avez-vous point suffisam- ment touché ? Ne croyez-vous pas que les présentations ont assez duré ? L’Étranger. De l’Espace, de l’Espace, Mon- sieur. D’où Voulez-vous que je vienne ? L’Étranger. Oui. Cependant, pour voir dans l’Espace, il vous faudrait avoir un œil non pas sur votre Périmètre, mais sur votre côté, c’est-à-dire dans ce qu’à Spaceland nous nommerions votre côté. Moi. Un œil dans mes entrailles ! Un œil dans mon estomac ! Votre Seigneurie se moque. Je ne suis pas une Figure plane, mais un Solide. De la position que j’occupe dans l’Espace, je peux voir, je vous l’ai dit, l’intérieur de tous les objets que vous considérez comme clos. Je vis une Ligne qui n’était pas une Ligne ; un Espace qui n’était pas l’Espace ; j’étais moi-même et je ne l’étais plus. Dès que je re- couvrai ma voix, je hurlai dans ma douleur : «  C’est la folie ou bien l’Enfer ! » « Ce n’est ni l’un ni l’autre », répondit calmement la voix de la Sphère, « c’est le savoir ; ce sont les Trois Dimensions. 2 « Quel besoin a-t-on d’un certificat ? » demandera peut-être un critique de Spaceland. « La procréation d’un Fils Carré n’est- elle pas un certificat de la Nature elle-même et ne prouve-t-elle pas l’équilatéralité du Père? » Je répondrai qu’aucune Dame de condi- tion n’accepterait d’épouser un Triangle non certifié. Shanta Rao et Barbara Sirieix 1 Un dauphin ABDEL INASMET mangeur de Sushi, a 200 ans, se déplace en trottinette et vélo et sait déjà tout 2 Un orque GOUGACE RAVINE mangeur de glaces, a 190 ans, se déplace en skate et en vélo et peut voler Le Ballet du Tremplin, Arnaud Dezoteux Eléonore False légende de cette image Elisa Pône

bugatti / porsche loup Sabre M. POKORA mitraillette / bazooka … · 2018. 5. 11. · le sol, j’avais envie de m’allonger… Pour eux, ils et elles (presque) toi, c’était comme

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Page 1: bugatti / porsche loup Sabre M. POKORA mitraillette / bazooka … · 2018. 5. 11. · le sol, j’avais envie de m’allonger… Pour eux, ils et elles (presque) toi, c’était comme

On lit ce que l’on veut derrière les m

ots. Les mots ci-dessus par

exemple : tu crois que je parle de vêtem

ent ? Et bien pas du tout figure-toi. C

’est un des grands plaisirs de l’écriture, comm

e les double sens dans les film

s de série B tu vois ce que je veux dire ? Le principe de l’allégorie. C

e qui est écrit a plein de significations et après c’est toi qui choisis, m

ais pas toujours. Parfois tu ne sais pas et parfois tu ne veux pas savoir. D

e quoi je parle.

Jardin ne veut sans doute pas dire la mêm

e chose pour toi ou pour m

oi, pour elle ou pour il. Gilles C

lément, un des prem

iers ils, n’est pas (encore) un toi. Il l’est un peu par procuration car Shanta Rao travaille avec lui en ce m

oment-m

ême sur le

Parc National des C

alanques. Il a jardiné dans des endroits que je connais bien, com

me le Parc A

ndré Citroën dans le 15e

arrondissement.

On

mangeait

des pique-niques

dans des

Tupperware dans ses jardins en m

ouvement et une fois on s’est

pris des méchants coups de soleil à passer la journée dans les

jeux d’eau. C’était vraim

ent le rêve mais après on n’a pas réussi

à dormir tellem

ent on avait mal. Ç

a me donne l’im

pression que je le connais ou qu’il m

e connaît.

Tout ce qui est en italique vient de la bouche du jardinier. Faut-il abandonner toute idée de m

aîtrise et regarder ce qui nous entoure com

me un ensem

ble qui nous habille... Je crois que d’abord il a observé ce qu’il a appelé plus tard le délaissé. C

’est un terrain abandonné ayant connu une activité, agricole, industrielle, urbaine, touristique... puis colonisé par des plantes. Elles créent alors de la diversité biologique…

qui n’est pas à ce jour répertoriée com

me richesse. Jardin en m

ouvement c’est une

idée du jardin où le jardinier jardine avec le jardin car les plantes lui apprennent à jardiner. O

bserver. Faire le plus possible avec, le m

oins possible contre. Un jour, il s’est m

is à parler de jardin planétaire afin que les gens im

aginent la planète comm

e un espace clos. Avec la diversité, on parle alors de tous les êtres vivants et donc des êtres hum

ains.Tous les délaissés de ce jardin form

ent ensemble le Tiers Paysage.

Tiers paysage renvoie à tiers-état (et non à Tiers-monde). Espace

n’exprimant ni le pouvoir ni la soum

ission au pouvoir. Il se réfère au pam

phlet de Siesyes (c’est qui ?) en 1789 :

« Qu’est-ce que le tiers-état ? —

Tout. Q

u’a-t-il fait jusqu’à présent ? — Rien.

Qu’aspire-t-il à devenir ? —

Quelque chose. »

J’espère que tu comprends un petit peu, ou que quelqu’un

comprendra et pourra t’expliquer. C

’est important qu’il y ait

quelqu’un pour le faire. J’espère que tu me dem

anderas si tu ne com

prends pas. Je ne sais pas si tu es énervé.e, si tu t’es endorm

i.e, si tu siffles entre tes dents ou si tu souris.

Céline Vaché-O

livieri et Elsa Werth ont planté des graines dans

la salle de classe. Elle ressemblait à une grande serre. Le jour où

je suis venue, c’était la canicule et à l’intérieur de l’école, on était toute.s plus ou m

oins sur le point de s’endormir. O

n dessinait sur le sol, j’avais envie de m

’allonger… Pour eux, ils et elles (presque)

toi, c’était comm

e ça depuis une semaine. Plus tard, j’ai appris

aussi qu’ils et elles avaient balancé des bombes de graines, je ne

sais pas trop comm

ent : par la fenêtre, au parc, sur un terrain vague…

J’aurai bien aimé que tu m

e racontes. Je ne suis pas sûre qu’ils et elles aim

ent tout.e.s les plantes. Ils et elles ont peut-être raison.

Faut faire attention, c’est Wikipédia qui le dit : L’herbe de la

Pampa est une plante envahissante. (…

) Les bouquets de “fleur de pam

pa” sont très combustibles, et peuvent m

ême provoquer, à la

suite d’une simple étincelle (ex. en branchant ou débranchant une

prise électrique) ou du contact avec une cigarette, une explosion, et rem

plir la pièce de particules noires ; il a été observé [Par qui ?] que l’explosion en question était capable de déform

er une porte double séparant deux pièces contiguës. [réf. nécessaire] Elle est parfois im

prévisible. Et souvent ils et elles toi oublient quand ils l’em

portent. Que

ça soit dans la gramm

aire, au conseil d’administration ou à la

cour de recré. Et moi, je suis là à vouloir t’expliquer com

me une

teubé, alors que la vérité sort de la bouche de Youtube. Kalash m

anteau couverture de survie chaîne en or faire tourner des joints en 4x4 dans le désert style sur la lune. M

waka M

oon ft.

Dam

so :

Dem

s, Dem

sS’faire s✰

✰✰✰

, c’est pas tromper

Faire succès, c’est n’pas s’tromper

Trop de billets : jaunes, verts, violets

J’ai tout nié, toi balancéTout est écrit, ouais, qu’ils m

’ont ditLes m

êmes qui ont dit que j’y arriverai pas

Jamais négro s’enterre en vie,

jam

ais négro ne baisse les brasJ’illum

ine, j’élimine, ennem

is, imm

inentPas d’paroles, patates sur les lipsSi j’urine dans la ville c’est que j’suis sur les C

hamps

Grosse s✰

✰✰✰✰

, quatre pattes sur le bitume

Inoffensif je fus, une off

ensive et je tueU

ne gencive de plus, sur le bitume j’accum

ule embrouilles,

bagarres de rueJ’prends le réseau, négro, j’te laisse que l’W

iFiAu studio j’fais qu’du sale, au studio tu n’fais qu’du bruitIls tuent pour prendre nos terres com

me G

. Bush, Saddam R.I.P

J’sais toujours pas naviguer pourtant j’connais qu’des rates-piD

ems, D

ems

Jeanne Moynot t’explique, quelque part plus loin

Tu peux peut-être suivre des flèches, des lignes droites ou des tâches de gras Tu m

e diras si c’est vrai moi je veux pas voler les m

ots des autresEn tout cas pas le faire les yeux ferm

és Sam

ir Ramdani explique lui aussi m

ais pas direct à toi Tu m

oi, il et elle tu peux choisir d’être làEcouter en scred ou devenir Sam

ir, åbäke ou moi

Nicolas Boone les a pris

La plage à l’intérieur de l’il et elle C

’est devenu une question Posée par Elisa Pône Est-ce que t’es d’accord que je te voisEric G

iraudet rentre dans ton cerveau et colle des morceaux de

chewing-gum

goût herbesTu, tu, tu, tu, tu, tu, tu, tu, tu, tu, tu, tu, tu, tu, tu, tu, tu, tu, tuC

omm

ent ne pas voler quand on te demande de voler

Je vole les mots de Jules Lagrange

Autant voler comm

e Robin des Bois Peter Pan les im

ages Eléonore tu False Arnaud triadique vous

ballet d’eux Dezoteux

TOU

T EST LA ETALE SU

R UN

PLAN

APLAT TU

PEUX

RENV

ERSER V

ERSER ET PREND

RE TA PLACE TU

TON

ET BALA

NC

ER LES ELLES ET LES ILSC

’est Anne Bourse qui nous a m

ontré l’idée la première

Qui en a fait pousser d’autres depuis qu’elle nous a raconté son

rêveU

n des élèves disait à la prof qu’ils n’avaient rien compris

Herbe de la Pam

pa

Barbara Sirieix

APLAT REVERS CO

UTURE

SI LA FRAN

CE N

’EXISTAIT PASALO

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SI IL N’Y AVAIT PAS D

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cracheur de feuxmitraillette / bazookaM. POKORASabreloupbugatti / porsche

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joue

ave

c m

on c

hat

Barbara Sirieix et åbäke : Quand tu as com-

mencé à travailler avec les enfants d

e la classe

du Collège Charles Péguy, j’ai l’ impression

que tu avais déjà plus ou moins déterminé le

rôle de chacun.e.s, comme le projet consistait

à réaliser un film de zombie et qu’un tournage

nécessite une organisation spécifique.

Samir Ramdani : O

ui, c’est vrai que j’ai déter-

miné les choses assez tôt. J’ai juste proposé

aux enfants de faire un film de zombie. elles

et ils ont été ravi.e.s et excité.e.s par le pro-

jet. Donc avec Thomas Stuck mon coscénar-

iste, nous avons écrit un scénario. J’amenais

un scénario et elles et ils seraient le

s comé-

dien.ne.s.

 J’ai déjà fait plusieurs ateliers vidéo avec

des enfants, en leur donnant une certaine

liberté dans la conception du projet. C’était

toujours très stimulant pour elles et eux d’un

point de vue pédagogique, mais ça l’était

beaucoup moins sur le plan artistique. Avec

les enfants, l’expérience humaine est to

ujo-

urs forte sur le moment mais les films restent

dans des tiroirs.

 Pour cet atelier j’ai fait a

utrement. Je vou-

lais que l’on fasse un vrai film, avec la même

exigence que j’ai pour mon travail. D

onc j’ai

décidé de circonscrire le travail des enfants à

leur propre rôle dans le film, ce qui est déjà un

travail énorme. je les ai mis.e.s dans la peau

de comédien.ne.s interprètes, ce qui sup-

pose un niveau de concentration très élevé

sur un temps assez long. Ils ont réussi sans

trop de problème. Certain.e.s se sont même

révélé.e.s très doué.e.s.

 À la fin du tournage, ce choix a porté ses

fruits. Les enfants ont aimé le pré-montage

que je leur ai montré. Elles et ils

ont beau-

coup ri mais elles et ils

ont compris que ce

que nous avons fait était tr

ès sérieux. Elles et

ils ont donné leur avis puis nous avons discuté

de manière très lucide sur les images que

nous avions faites, sur le suspens du film et

sur leur rapport en général aux images vio-

lentes. La distance qu’elles et ils avaient gag-

née m’a beaucoup rassuré.

Barbara Sirieix et åbäke : Tu avais projeté

au départ de faire un film de zombie dont tu

avais écrit le

scénario (ou pré-scénario) avant

de commencer à travailler avec les enfants, or

au final l’ histoire s’est tra

nsformée en scénar-

io fantastique. Quelle rôle ou influence ont eu

les enfants et le contexte de l’ é

cole dans cette

transformation ?

Samir Ramdani : E

ffectivement, le projet in

i-

tial était de faire un film de zombie avec ces

enfants qui ont de légers handicaps. Mon en-

vie était de donner une certaine autonomie

symbolique vis-à-vis de toute forme de stig-

matisation ou de condescendance dont font

l’objet les minorités en général. En incarnant

des zombies, les enfants auraient jo

ué avec

leur propre image, en la contrôlant plus qu’en

subissant leur image d’enfant en difficulté. Le

but était d’opérer un renversement symbol-

ique : de dominé à dominant. D

ominé en tant

qu’enfant, en tant que personne en difficulté

et en tant que minorité visible (9 enfants sur

10 qui ont participé au projet ne sont pas

blanc.he.s).

 Les enfants étaient très emballé.e. s à l’id

ée

d’être un zombie, je pense que la dimension

transgressive leur plaisait.

 Mais Il y avait une difficulté du point de

vue de la production. Asperger les murs de

sang, maquiller et imbiber tous les enfants de

sang tous les matins aurait presque doublé

le temps de tournage et aussi le budget qui

était déjà extrêmement m

odeste.

 Sans parler des possibles réactions des

gens sensibles extérieurs à l’atelier, puisque

nous n’avions pas les moyens de contrôler

totalement les mouvements de personnes

dans l’établissement car nous filmions dans

un collège en pleine activité.

 Alors, avec Thomas nous avons revu notre

scénario et avons décidé de passer de zom-

bies à enfants télépathes du type « Le Village

des Damnés ». C’était plus économique à tous

les niveaux (décor, maquillage et costumes).

Le principe de renversement symbolique

dominé/dominant était toujours là, et m

ême

amplifié par le pouvoir des enfants. La trans-

gression était toujours là à travers l’image

de l’enfant diabolique qui contrôle l’adulte. Le

fantastique ne passait plus par la présence

de sang mais par le jeu des comédien.nes et

la mise en scène. Et c’est pas plus mal !

Barbara Sirieix et åbäke : Comment as-tu

mo-

bilisé les enfants à

faire les les actrices et ac-

teurs (chose qu’ ils

n’avaient sans aucun doute

jamais fait),

à les astreindre aux contraintes

d’un tournage, la répétition des prises, les

changements de décor étant souvent syno-

nymes de longueur,  à les convaincre d’être

devant une caméra ?

Samir Ramdani : E

n dehors des deux élèves

qui n’ont pas voulu être film.é.es, je n’ai pas

eu à les convaincre, elles et ils voulaient jo

uer

dans le genre de film qu’elles et ils ont l’h

abi-

tude de voir.

 Mais une chose est sûre  : elles et ils

n’ont

plus la vision naïve du comédien star et glam-

our. Ils ont compris que faire un film ou des

images en général, c’est un travail de con-

struction qui demande des efforts de rigueur

et de patience. C’est un travail p

as toujours

confortable dont la satisfaction vient quand

tout est achevé. Comme beaucoup de tour-

nages, ce fut intense et éprouvant. E

lles et ils

ont réellement fait p

reuve d’endurance et de

maturité. Ce qu’on a fait leur a donné une pe-

tite idée de comment sont fa

briqués les films

qu’elles et ils consomment.

Barbara Sirieix et åbäke : Dans quel(s)

sens

du terme collaboration as-tu envisagé puis

réalisé ton film? Les enfants s

ont-ils co-autri-

ces et co-auteurs ?

On peut parler de collaboration dans le sens

où il y a une discussion entre entre les comédi-

en.ne.s et moi et qu’elles et ils

me fournissent

une prestation artistique. Mais d’un point de

vue légal, elles et ils

ne sont pas co-auteurs

et co-autrices. Dans le cas de ce projet je ne

suis pas sûr que ce soit très im

portant pour

eux.elles. C’est important pour moi car je

peux diffuser le film plus simplement, et que

d’une certaine façon je paye mon investisse-

ment personnel dans le film avec les droits de

ce dernier.

 Puis du point de vue des enfants, je crois

que ce qui était important c’est l’e

xpérience

de tournage, le fun, le

caractère extraordi-

naire de cette situation dans leur vie de de

collégien.ne.s, puis de se dire et qu’elles et ils

vont bientôt voir un film fantastique dans le-

quel elles et ils ont des pouvoirs surnaturels.

Je crois, sans prendre trop de risque, que

les enfants aiment la fantaisie, m

oi aussi. On

peut dire que nous avons réellement échangé.

Ce

text

e es

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ion.

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Sa

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hode

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ent c

onnu

e et

rec

onnu

e et

, si

vous

vou

lez f

aire

bén

éfici

er v

otre

enf

ant d

es

bien

faits

de

cett

e pé

dago

gie,

vou

s po

uvez

l’i

nscr

ire

dans

un

étab

lisse

men

t Mon

tess

ori,

moy

enna

nt fi

nanc

es e

t à c

ondi

tion

d’ha

bite

r à

prox

imité

d’u

ne g

rand

e vi

lle. Q

uoiq

u’il

en s

oit,

auj

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’hui

je m

e re

nds

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ollè

ge

Luci

e Au

brac

, je

suis

eng

agée

pou

r y

men

er

un a

telie

r d’

arts

pla

stiq

ues.

J’a

i pré

vu d

e to

urne

r un

film

, un

cont

inuu

m d

e ta

blea

ux

viva

nts

insp

irés

de

la p

eint

ure

clas

siqu

e,

de L

a lib

erté

gui

dant

le p

eupl

e au

Déj

eune

r su

r l’h

erbe

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pass

ant p

ar L

a Jo

cond

e. L

es

pers

onna

ges

sero

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carn

és p

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s él

èves

qu

i por

tero

nt d

es p

onch

os à

car

actè

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pict

ural

, c’e

st-à

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e de

s gr

ands

mor

ceau

x de

tiss

us p

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s av

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ou p

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e la

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. J’a

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e de

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le c

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ge, l

a da

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de

l’acc

ueil

m’a

ccue

ille

en m

e di

sant

d’a

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dre.

J’

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nds,

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nçoi

se la

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fess

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prin

cipa

le

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sse

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laqu

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j’in

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iens

vi

ent m

e ch

erch

er, n

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mon

tons

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étag

e et

fran

chis

sons

la p

orte

de

la c

lass

e. J

e re

gard

e le

s él

èves

. Pro

blèm

e : i

l n’y

a q

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garç

ons.

Je

pens

e à

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pro

jet,

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pers

onna

ge fé

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ner

sur

l’her

be,

je d

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de Il

n’y

pas

de

fille

s da

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cla

sse?

Fr

anço

ise

me

dit I

l n’y

en

a qu

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et K

elly

es

t en

form

atio

n pr

opre

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emai

ne.

Je p

ropo

se d

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un to

ur d

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ble,

afin

d’

ente

ndre

la v

oix

des

élèv

es. J

e pe

nse

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aria

. Par

ce q

ue l’

enco

urag

emen

t est

à

l’hum

ain

ce q

ue l’

eau

est à

la p

lant

e, je

les

com

plim

ente

sur

leur

s pr

énom

s. J

e se

ns q

ue

ça n

e m

arch

e pa

s tr

op. J

e m

ontr

e un

pdf

capi

tula

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e m

on tr

avai

l, no

us p

arlo

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enfin

, je

parl

e - d

e pe

intu

re, d

e ph

ysic

alité

, d’

inca

rnat

ion,

de

Ghe

rasi

m L

uca

et d

e C

hris

tine

and

the

Que

ens.

Kari

m s

e lè

ve, i

l a S

.E.S

.S.A

.D. F

ranç

oise

m

’exp

lique

ra p

lus

tard

mai

s en

gro

s, d

ison

s

qu’il

a r

ende

z vou

s av

ec u

n ps

ycho

logu

e. K

ofi

en p

rofit

e po

ur a

ller

aux

toile

ttes

. Dri

ss d

it qu

e ça

se

fait

trop

pas

d’a

ller

aux

toile

ttes

av

ant l

a fin

du

cour

s. F

ranç

oise

dit

à D

riss

de

s’o

ccup

er d

e se

s aff

aire

s. F

ranç

oise

m

’exp

lique

ra p

lus

tard

mai

s en

gro

s, d

ison

s qu

e Ko

fi, s

uite

à d

es p

robl

èmes

fam

iliau

x av

ec s

on b

eau-

père

, a u

ne a

utor

isat

ion

de

son

A.S

.S p

our

alle

r au

x to

ilett

es n

’impo

rte

quan

d. K

arim

s’in

surg

e da

vant

age,

la

sonn

erie

de

la r

écré

atio

n re

tent

it. A

vec

Fran

çois

e, o

n fa

it le

poi

nt :

j’ai m

is la

bar

re

trop

hau

te a

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Ghe

rasi

m L

uca.

Pou

rtan

t ça

me

para

issa

it fa

cile

mai

s j’a

rriv

e pa

s bi

en

à ex

prim

er m

es p

ensé

es. E

n m

ême

tem

ps,

expl

ique

r de

s ch

oses

à d

es e

nfan

ts, c

’est

pa

s m

on m

étie

r. Le

s él

èves

rev

ienn

ent d

e la

réc

ré, j

e di

s O

n va

fair

e de

la p

eint

ure

mai

nten

ant.

Je s

ors

les

ponc

hos,

ils

peig

nent

, la

cloc

he r

e-so

nne,

c’e

st l’

heur

e du

jeun

er, o

n va

man

ger

le h

achi

s pa

rmen

tier

de la

can

tine

avec

Fra

nçoi

se, l

a so

nner

ie r

e-so

nne,

l’at

elie

r re

pren

d.

Nou

s so

rton

s du

col

lège

, tra

vers

ons

la

quat

re v

oies

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d’a

ttei

ndre

ce

bout

de

natu

re à

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é de

la d

écha

rge

mun

icip

ale

que

j’ava

is r

epér

ée e

n am

ont p

our

tour

ner

la s

cène

du

repa

s da

ns l’

herb

e. J

e di

s Q

ui

veut

fair

e la

scè

ne d

u pi

que-

niqu

e? D

riss

me

dit C

’est

Ram

adan

Mad

ame,

je p

eux

pas.

Je

dis

Ya

pas

de lé

zard

Dri

ss, c

eux

qui f

ont

pas

Ram

adan

font

la s

cène

du

piqu

e-ni

que

et c

eux

qui f

ont R

amad

an fe

ront

la s

cène

du

dra

peau

tout

à l’

heur

e ! J

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rs le

s cl

ub

sand

wic

h, le

s ch

ips

et le

sod

a po

ur L

ione

l et

Cha

ng. D

riss

me

dit q

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nale

men

t il v

eut

bien

fair

e un

e ex

cept

ion.

Les

aut

res

qui

fais

aien

t Ram

adan

aus

si v

eule

nt fi

nale

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t bi

en fa

ire

une

exce

ptio

n. J

e di

s ok

. Je

dis

qu’il

faut

une

per

sonn

age

de fi

lle, e

t vu

que

Kelly

est

à s

a fo

rmat

ion

en p

ropr

eté,

qui

fait

le r

ôle

de la

fille

? Là

Dri

ss m

e di

t que

je s

uis

une

ouf e

t que

c’e

st p

as lu

i qui

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la fi

lle.

Les

autr

es r

igol

ent e

t dis

ent q

ue je

sui

s un

e ou

f et q

ue c

’est

pas

eux

qui

font

la fi

lle. J

e di

s qu

e si

y’a

pas

de

fille

y’a

pas

de

film

. Je

dis

que

vu q

ue y

’a p

as d

e vo

lont

aire

s c’

est m

oi

qui d

écid

e qu

i fai

t la

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et b

ien

je d

écid

e qu

e c’

est D

riss

qui

fait

la fi

lle. D

riss

dit

qu’il

s’e

n ba

t les

cou

illes

sur

la v

ie d

e sa

mèr

e y’

a pa

s m

oyen

il e

st p

as u

n sa

le p

édé

plut

ôt m

ouri

r qu

e de

fair

e le

gay

.

Alo

rs tr

ès c

alm

emen

t, je

pos

e m

a ca

mér

a au

sol

, je

m’a

ppro

che

de lu

i, je

plo

nge

mon

re

gard

dan

s se

s ye

ux e

t je

lui d

is M

on p

roje

t,

tu l’

aim

es o

u tu

le q

uitt

es, e

spèc

e de

sal

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abe

de m

erde

. Là,

Dri

ss s

ort d

e sa

poc

he

un c

ran

d’ar

rêt,

je m

e m

ets

à ch

iale

r co

mm

e

JOUR — 1

9h00 – 10h

On se remémore l’atelier

précédent. On a parlé

des évènements, du fait

de prêter attention aux

évènements.

On parle de notre place

dans la société. Comment

la changer. Quels

candidats se présentent à

la Présidentielle? Marine

Le Pen revient souvent.

J’entends souvent les

paroles des parents à

travers celle des enfants.

« Elle est ouf, elle veut

virer tous les noirs et les

rebeus ».

10h – 10h20

Mets ta tête dans tes bras

Ferme les yeux

Tu es loin du Collège

Debussy

Sens ta respiration ralentir

Tu es loin du Collège

Debussy

Souffle

Souffle

Souffle

Sens ta respiration ralentir

La nuit tombe

Tu es loin du Collège

Debussy

Ta tête s’enfonce dans tes

bras

Ta mâchoire se relâche et

tes épaules se détendent

Imagine la nuit,

Imagine la nuit profonde,

Tu es dans ton lit, léger ou

légère, comme une plume

sur ton matelas.

Ta tête s’enfonce dans tes

bras, comme sur un gros

oreiller, confortable et

parfumé.

Tu imagines ta chambre,

calme. Sombre.

Tu distingues malgré tout

les objets qui t’entourent.

Les coins de la pièce.

Tu te sens en sécurité entre

les quatre murs.

Tu te sens léger ou légère,

comme une plume.

La fenêtre ouverte, laisse

passer un vent d’air frais

qui caresse tes cheveux.

Tu es détendu(e).

C’est une sensation douce

et agréable.

Ce vent d’air frais parfume

ta chambre des odeurs du

printemps.

Les bourgeons qui germent.

Les abeilles qui sortiront le

jour pour butiner le nectar

des fleurs.

Pour l’instant, c’est encore

la nuit et les abeilles

dorment.

Tu sens le parfum des

étoiles.

La caresse de la lune dont

la lumière glisse sur les

coins de ta chambre.

Tu es en sécurité, sous ta

couette.

Ecoute les bruits de la nuit.

Entends-tu des oiseaux

nocturnes, le vent dans les

feuilles.

Tu es détendu(e)

C’est une sensation douce

et agréable.

Tu es léger ou légère

comme une plume.

Ta tête aussi est légère,

comme en apesanteur.

Ton dos est léger

Tes pieds pèsent à peine

plus qu’une feuille de papier

Tes jambes flottent, tes

bras aussi, comme dans

l’eau au dessus de ton

matelas.

Tu es léger ou légère

comme une plume.

Le vent parfumé du

printemps te porte.

Tu sens sa douceur, son

énergie: le pollen des

arbres qui te fait flotter.

Tu dérives vers la fenêtre.

Et tu te laisses glisser

dehors, guidé(e) par la bise

qui caresse ton corps.

Tu t’envoles.

Tu regardes ton chez toi de

haut. Tu t’envoles.

A mesure que tu te

rapproches des nuages, la

ville rapetisse.

Les lumières des

lampadaires sont autant

de petites allumettes

minuscules.

Tu te laisse glisser sur

l’air, porté par le vent du

printemps.

Les nuages te caressent

maintenant le dos.

Au reflets de la lune on

dirait un paysage de coton.

Un paysage doux, moelleux.

Ton corps se pose

maintenant sur un nuage.

Ton dos est léger

Tes pieds pèsent à peine

plus qu’une feuille de papier

Tes jambes flottent, tes

bras aussi, comme dans

l’eau sur ton nuage.

Au loin, la lune ressemble à

une grosse galette jaune.

Tu sens le parfum des

étoiles.

Tu es bien, sur ton nuage.

Tu remarques que la lune

rapetisse, très lentement,

très lentement.

Elle n’est plus qu’un tout

petit point, minuscule.

Au loin, le soleil éclaire le

manteau bleu de la nuit.

Le ciel se teint des douces

couleurs du matin.

Les rayons du soleil

chauffent tes joues.

Comme une feuille, tu

glisses du nuage,

très lentement,

très lentement,

très lentement

Pendant ce temps, le jour se

lève.

très lentement,

très lentement,

très lentement

Tes pieds se posent sur un

paysage.

Ce paysage, c’est un

paysage du futur.

Un paysage de ton futur.

Tu es toujours très léger ou

légère.

Tu regardes ce paysage et

tout ce qui le compose.

Tu regardes ce paysage et

tout ce qui le compose.

Y a-t-il de l’eau, un ruisseau,

une rivière, une mer?

Y a-t-il du sable, des

montagnes?

Y’a t’il des immeubles, des

maisons, des grottes?

Regarde bien ce paysage

comme si tu voulais le

prendre en photo avec tes

yeux.

Tu es toujours très léger ou

légère.

Tu regardes ce paysage et

tout ce qui le compose.

Tu es détendu(e).

C’est une sensation douce

et agréable.

Ce paysage, c’est un

paysage du futur.

Le paysage de ton futur.

Comme si tu avais un

appareil photo, tu prends

une photo de ce paysage

avec tes yeux.

Sens le vent sur ta peau.

Sens le temps présent. Le

temps de maintenant. Ce

maintenant c’est le futur.

Tu sens une présence

autour de toi.

D’abord une personne,

puis une autre,

puis une autre.

Tu reconnais les visages

de tes compagnons de la

classe ULIS.

Nous sommes dans le futur.

Ils et elles ont grandi.

Ils et elles sont heureux.

Leurs visages ont changé.

Ils sont maintenant des

adultes.

Examine leur visage.

Ils et elles te sourient.

Toi aussi tu as grandi.

Toi aussi tu souris.

C’est toi dans le futur. C’est

vous dans le futur.

Vous vous parlez comme

des grands.

Comme des adultes. Vous

parlez de vos métiers, de

vos occupations. De votre

vie.

Tu écoutes les histoires de

chacun.

Tu retiens les métiers de

chacun.

Un à un, imagine les métiers

de tes camarades.

Tes camarades de la classe

ULIS.

Vous êtes heureux. Vous le

méritez.

Très lentement, tu sors un

téléphone de ta poche.

Tu prends un selfie avec

eux.

Tu examines la

photographie et tu

regardes chaque visage

avec soin.

Chaque visage qui a grandi

comme ton visage qui a

grandi lui aussi.

Chacun est un adulte, dans

ton paysage du futur.

Ta tête est légère

Tes épaules

tes bras

ton dos

tes pieds.

Tu es léger ou légère

comme une plume.

Le vent parfumé du

printemps te porte.

Tu sens sa douceur, son

énergie: le pollen des

arbres qui te fait flotter.

Très lentement, le temps

remonte.

Nous ne sommes plus dans

le futur, nous sommes dans

le présent.

Nous sommes maintenant.

Tu rejoins la classe.

Tu reviens avec tes

camarades aujourd’hui,

maintenant.

Tu rejoins la classe du

Collège Debussy.

Tu es détendu tu es avec

nous.

Tu es positif.

Tu es joyeux.

Nous sommes ensemble,

maintenant.

Nous allons commencer

l’atelier.

Tu es un trésor.

Le futur démarre

maintenant.

///////////

Retour de la récréation

Qu’avez-vous ressenti.

Comment vous sentez-

vous?

Quel paysage avez-vous

imaginé?

Quel visage avez-vous

imaginé?

Que vous destine le futur?

Comment imaginez-vous le

futur des autres?

Comment s’imaginer dans

une société future?

Comment imaginer le

futur?

Faire son autoportrait plus

tard.

//////////////

Aller chercher des fourmis

dans la cour de récréation.

JOUR — 2

Mets ta tête dans tes bras

Ferme les yeux

Tu es loin du Collège

Debussy

Sens ta respiration ralentir

Tu es loin du Collège

Debussy

Souffle

Souffle

Souffle

Sens ta respiration ralentir

Tu es bien, au chaud, en

sécurité,

Le soleil du matin caresse

ta peau

Il fait doux, l’air est

agréable.

Au rythme de ma voix.

Ta tête s’enfonce dans tes

bras,

comme dans un gros

oreiller, doux et parfumé

Ta mâchoire se relâche et

tes épaules se détendent.

Tu es allongé(e) dans

l’herbe,

l’herbe douce qui te porte

comme matelas vert et

confortable.

La fraicheur des fleurs te

rafraîchit la nuque

Il fait doux, l’air est

agréable.

Tu es léger ou légère

comme une plume.

Le vent parfumé du

printemps te porte.

Tu sens sa douceur, son

énergie: le pollen des

arbres qui te fait flotter.

Tu es à la fois détendu(e) et

attentif ou attentive.

Tes oreilles entendent tout.

Tu entends un vol d’oiseaux.

Tu arrives à les compter

simplement en tendant

l’oreille.

Un deux

trois

quatre

cinq

six sept

huit

neuf

dixTu dénombres leurs plumes,

en centrant ton attention

sur le battement de leurs

ailes.

Ce sont des canards.

Tous les bruits autour de toi

sont familiers.

Le vent dans les hautes

herbes.

Le frottement des feuilles

d’arbres sur les branches.

Une goute d’eau glisses sur

une fougère et s’enfonce

dans la terre en douceur.

L’eau coule, non loin de là.

Tu distingues le tapotement

des pattes d’une fourmi sur

un branchage.

Elle est minuscule, mais tu

la voies parfaitement.

Tu distingues ses pattes,

sa tête, comme un drôle de

masque ovale,

ses antennes,

ses yeux ronds,

Elle cherche de la

nourriture.

Elle progresse très

lentement sur l’herbe. Elle

prend soin de chercher les

mets les plus exquis pour

les rapporter à la reine.

Derrière-elle, une autre

chasseuse suit, tu sens

les légers tapotements de

ses pattes non loin de ton

oreille.

Derrière la deuxième

chasseuse, une autre suit

encore.

Elles forment toutes

une ligne, une chaine

de petites fourmis qui

avancent lentement,

lentement , lentementn,

méthodiquement

Unedeux

trois

quatre

cinq

six sept

huit

neuf

dix.

Elles apportent toutes le

fruit de leur chasse.

Des petits morceaux

de feuilles sucrées au

miel pour la reine et les

ouvrières.

Le soleil du matin caresse

ta peau

Il fait doux, l’air est

agréable.

Tu es léger ou légère

comme une plume, comme

une fourmis.

Le vent parfumé du

printemps te porte.

Tu sens sa douceur, son

énergie: le pollen des

arbres qui te fait flotter.

Tu es détendu(e) sur ton

matelas d’herbe verte.

Tu penses à la couleur

verte. Le vert des arbres,

le vert pomme, le vert de

l’herbe, le vert.

Tu penses au bleu, le bleu

du ciel, de la mer, du bleu

de Facebook. Tu penses

au bleu de la terre vue du

ciel, de l’espace, la planête

bleue, au milieu des étoiles.

Tu es maintenant loin, dans

l’espace.

Tu flottes au milieu des

étoiles. Tu brilles, comme

elles.

Tu es une étoile filante.

Une comète dont la queue

laisse une trainée blanche

pâle comme le marchant de

sable.

Les étoiles autour de toi

filent aussi.

C’est un feu d’artifice au

ralenti. Comme un grand

spectacle, elles éclatent

autour de toi et propagent

une lumière douce qui

caresse tes yeux, ta peau.

Les étoiles, te réchauffent

de leur mille feu.

Elles éclairent le noir

profond de la galaxie.

Lentement

Lentement

Lentement

Tu reviens dans la classe, la

tête entre tes bras.

Tu reviens avec tes

camarades aujourd’hui,

maintenant.

Tu rejoins la classe du

Collège Debussy.

Tu es détendu tu es avec

nous.

Tu es positif.

Tu es joyeux.

Nous sommes ensemble,

maintenant.

Nous allons commencer

l’atelier.

Tu es un trésor.

Le futur démarre

maintenant. Tu peux

lentement ouvrir les yeux.

Eric Giraudet de

Boudemange

une

gonz

esse

, il m

e pr

end

par

les

chev

eux,

me

plan

te ;

je p

erds

con

nais

sanc

e et

me

réve

ille

10 jo

urs

plus

tard

tétr

aplé

giqu

e

aux

Urg

ence

s de

Bob

igny

. Nan

j’ri

gole

:

Dri

ss b

afou

ille

un tr

uc d

u ge

nre

ça s

e fa

it

trop

pas

Mad

ame

de m

e tr

aite

r de

sal

e

arab

e. F

ranç

oise

arr

ive,

Com

men

t ça

Dri

ss

tu d

is q

ue M

adam

e M

oyno

t t’a

s tr

aité

de

sale

ara

be ?

Tu

vas

voir

ce

qui t

’att

end.

Fran

çois

e m

e ra

cont

era

plus

tard

mai

s en

gros

, dis

ons

que

Dri

ss p

asse

ra e

n co

nsei

l

de d

isci

plin

e po

ur d

énon

ciat

ion

calo

mni

euse

à ca

ract

ère

raci

ste,

et c

omm

e il

avai

t déj

à

eu d

es p

robl

èmes

de

disc

iplin

e, le

con

seil

péda

gogi

que

vote

ra s

on e

xclu

sion

défi

nitiv

e

du c

ollè

ge.

Pend

ant q

ue le

s él

èves

font

la r

écré

dan

s

la d

écha

rge,

Fra

nçoi

se m

’exp

lique

que

tout

ce

qui a

trai

t à l’

hom

osex

ualit

é c’

est

vrai

men

t pas

abo

rdab

le c

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e su

jet i

ci,

elle

me

dem

ande

si j

e pe

ux p

as a

dapt

er

mon

scé

nari

o, p

eut-

être

la s

cène

du

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s

pour

rait

se fa

ire

entr

e de

ux a

mis

gar

çons

.

Je d

is n

on, s

oit o

n fa

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scè

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Nicol

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RETOUR SUR

EXPERIENCE

Cette Œuvre est DédiéePar un Humble Carré Originaire du Pays des

Deux DimensionsDans l’Espoir que

Tout comme lui-même a été Initié aux Mystères des TROIS Dimensions

Alors qu’il en connaissait SEULEMENT DEUX Ainsi les Citoyens de cette Céleste RégionÉlèveront de plus en plus leurs aspirations

Vers les Secrets de la QUATRIÈME, de la CINQUIÈME ou même

de la SIXIÈME DimensionContribuant ainsi

Au Développement de l’IMAGINATION Et peut-être au progrès

de cette Qualité excellente et rare qu’est la MODESTIE

« Prenez patience, car le monde est vaste et large. »

Dans notre pays, quand un Vrai Triangle Équilatéral naît de parents Isocèles, c’est un événement dont on se réjouit à plusieurs lieues à la ronde. Après un sévère examen effectué par le Conseil Sanitaire et Social, l’enfant, s’il est certifié Régulier2, est admis au cours d’une cérémonie solennelle dans la classe des Équilatéraux.

Mais, parvenus à ce point de mon récit, peut-être certains de mes lecteurs parmi les plus jeunes se demanderont-ils comment, à Flat-land, une Femme peut se rendre invisible.

Les périls auxquels nous sommes exposés de la part de nos Femmes doivent être évidents à présent pour les esprits les plus lents de Spaceland. Si, déjà, se heurter à un respect-able Triangle de la classe moyenne n’est pas sans danger ; si l’on risque une entaille en se cognant contre un Ouvrier ; si l’on ne peut éviter une blessure grave en entrant en col-lision avec un Officier de la classe militaire  ; si le sommet d’un Simple Soldat est à peu près mortel au seul contact… où va-t-on en se jetant sur une Femme, sinon à la destruction immédiate et complète ?

5. Comment nous nous reconnaissons les Uns les Autres.Mais à mesure que nous nous élevons dans

l’échelle sociale, le processus qui consiste à distinguer et être distingué croît en difficulté.

Nos jeunes lions, encore plus modernes et fringants, (…)condensent encore davantage la formule en utilisant le terme « toucher » dans un sens technique, qui correspond à « recommander-dans-l’intention-de-toucher- et-d’être-touché » ; et, à notre époque, le jargon en usage dans les milieux mondains ou chez les gens émancipés des classes supérieures sanctionne un barbarisme tel que « Mr Smith, permettez-moi de toucher Mr Jones ».

Le pire mathématicien de Spaceland me croi-ra volontiers si j’affirme que les problèmes de la vie, tels qu’ils se présentent aux gens in-struits — lorsqu’ils sont eux-mêmes en mou-vement, qu’ils pivotent, avancent ou reculent et s’efforcent en même temps de distinguer par le sens de la vue plusieurs Polygones de haut rang qui se meuvent dans des directions différentes, dans une salle de bal ou dans un salon, par exemple — sont nécessairement de nature à éprouver l’angularité des intel-lects les plus élevés, et justifient amplement les avantages considérables dont jouissent nos Savants Professeurs de Géométrie, tant Statique que Cinétique.

Il est étonnant de constater à quel point l’Art — je pourrais presque dire l’instinct — de la Connaissance Visuelle se développe quand on en fait une pratique habituelle en évitant la coutume du « Toucher ».

Qui prend, dans sa petite enfance, l’habitude de « Toucher » ne saura jamais « Voir » à la perfection.

Vais-je trop vite pour que mes Lecteurs me suivent jusqu’à ces conclusions évidentes ? Il suffit sûrement d’un instant de réflexion, d’un seul exemple puisé dans la vie quotidienne pour convaincre n’importe qui que notre sys-tème social repose tout entier sur la Régular-ité, ou l’Égalité des Angles.

« L’Irrégulier », disent-ils, « est dès sa nais-sance dépisté par ses propres parents, ac-cablé de sarcasmes par ses frères et sœurs, négligé par les domestiques, méprisé et soupçonné par la société ; il se voit interdire tous les postes responsables, toutes les sit-uations de confiance, toutes les activités utiles. La police surveille de près chacun de ses mouvements jusqu’à ce qu’il atteigne sa majorité et se présente à l’inspection

Immorale, licencieuse, anarchique, antiscien-tifique – quelles que soient les épithètes dont on veuille l’affubler – cette époque ancienne de la Révolte des Couleurs n’en fut pas moins d’un point de vue esthétique l’enfance glo-rieuse de l’Art à Flatland…

ils réclamèrent avec audace l’interdiction légale de tous « les Arts exclusifs et aristocra-tiques » et, par voie de conséquence, l’aboli-tion de tous les avantages financiers destinés à encourager l’étude de la Connaissance Visuelle, des Mathématiques et du Toucher.

Elle ne manquait pas de ruse, cette proposi-tion qui émanait en fait non point d’un Isocèle — car aucun être aussi peu évolué n’aurait eu l’angularité suffisante pour apprécier, en-core moins pour concevoir une telle merveille de stratagème politique — mais d’un Cercle Irrégulier qu’au lieu de détruire dès l’enfance on avait eu la folle clémence de laisser sur-vivre pour qu’il semât un jour la désolation dans son pays et qu’il entraînât à la mort

« Occupez-vous de votre Configuration. »

et je sais par expérience que chez eux, quand ils réprimandent leurs enfants, ils parlent du « bien » et du « mal » avec autant de véhé-mence et de passion que si ces termes représentaient des entités réelles et si une Figure humaine était véritablement à même de choisir entre eux.

« Quoi ! » s’écria-t-il avec horreur. « Expliquez le sens de vos paroles ! » « De se toucher », répétai-je, « de se sentir, d’entrer en contact avec les autres. » « Si, dit le Roi, « vous enten-dez par toucher le fait de s’approcher d’un individu au point de ne laisser aucun espace

entre lui et vous, sachez, Étranger, qu’il s’agit là d’un crime passible de mort dans mon royaume.

« Comment cette personne a-t-elle pu s’in-troduire ici ? » s’écria-t-elle. « Vous m’aviez promis, cher ami, qu’il n’y aurait pas de ven-tilateur dans notre nouvelle maison.»

« Il n’y en a pas, en effet », lui dis-je, « mais qu’est-ce qui vous porte à croire qu’il s’agit là d’une Femme ? Mes facultés de connaissance Visuelle me montrent… »

« Oh, laissez-moi tranquille avec votre Con-naissance Visuelle », rétorqua-t-elle, « Touch-er, c’est croire », et « Une Ligne Droite bien touchée vaut mieux qu’un Cercle mal vu »…

L’Étranger. Ne m’avez-vous point suffisam-ment touché ? Ne croyez-vous pas que les présentations ont assez duré ?

L’Étranger. De l’Espace, de l’Espace, Mon-sieur. D’où Voulez-vous que je vienne ?

L’Étranger. Oui. Cependant, pour voir dans l’Espace, il vous faudrait avoir un œil non pas sur votre Périmètre, mais sur votre côté, c’est-à-dire dans ce qu’à Spaceland nous nommerions votre côté.

Moi. Un œil dans mes entrailles ! Un œil dans mon estomac ! Votre Seigneurie se moque.

Je ne suis pas une Figure plane, mais un Solide.

De la position que j’occupe dans l’Espace, je peux voir, je vous l’ai dit, l’intérieur de tous les objets que vous considérez comme clos.

Je vis une Ligne qui n’était pas une Ligne ; un Espace qui n’était pas l’Espace ; j’étais moi-même et je ne l’étais plus. Dès que je re-couvrai ma voix, je hurlai dans ma douleur : «  C’est la folie ou bien l’Enfer ! » « Ce n’est ni l’un ni l’autre », répondit calmement la voix de la Sphère, « c’est le savoir ; ce sont les Trois Dimensions.

2  

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Le Ballet du Tremplin, Arnaud Dezoteux

Eléonore False

légende de cette image

Elisa Pône

Page 2: bugatti / porsche loup Sabre M. POKORA mitraillette / bazooka … · 2018. 5. 11. · le sol, j’avais envie de m’allonger… Pour eux, ils et elles (presque) toi, c’était comme

Herbe PAMPA

Avec les artistes : Nicolas Boone, Anne Bourse, Arnaud Dezoteux, Eléonore False, Eric Giraudet de Boudemange, Jules Lagrange, Jeanne Moynot, Elisa Pône, Samir Ramdani, Shanta Rao, Céline Vaché-Olivieri et Elsa Werth et les adolescents des collèges René Descartes (Tremblay-en-France, 93), Madame de Sévigné (Gagny, 93), François Mitterrand (Noisy-Le-Grand, 93), Claude Debussy, (Aulnay-sous-Bois, 93), Beau Soleil (Chelles, 77), René Cassin (Noisy-le-Sec, 93), Beaumarchais (Paris 11e), Charles Péguy (Paris 19e), Evariste Gallois (Epinay, 93), Suzanne Lacore (Paris 19e) et l’institut médico-éducatif le Tremplin (Bobigny, 93). Elèves : Marwan Abad, Zineddine Ait Kaci Ahmed, Amel Ait Nouasser, Yanis Arouche, Jonathan Aubard, Cynthia Aurèle, Adam Aziez, Lucas Bardinsky, Rayan Bayoudh, Chloé Beaumarchais, Cheryl Benabbas, Ilhame Benazouz, Lilya Bensaad, Abdoulaye Boiguile, Sirat Boualegue, Carter Cadelix, M., Alex Caldeira, Benjamin Cohen, Cécile Cohen, Safiatou Coulibaly, Maria Cretu, S., Khalid Dammouche, Wendy Debray, Rayan Djerrahi, Melissa Dorlus, A., A., Silly Drame, Alice Dubois, Coline Ekagna, Sergo Eranosyan, Yann-David Evans, Amin Fatah, Ifthikar Fatima, Dylan Fernandez, Monique Futkeu, Jonas Gallois, Quentin Gonnet, Sylvain Guernier, Océane Guillemot, Carole-Ann Habasque, Ajoub Hajji, Zakir Hakkou, Douniazed Hamdaoui, Sofia Hamdaoui, Kociéla Hassouna, D., Mehdi Houirras, Alexandre Huet, Aziz Ilhame, Ibrahim Isidore, G., Charanraj Justin, Adama Kanoute, Makagbé Keita, Abraham Kiwate, Killian Komlan, Aly Konat, Billel Konate, Niakalé Konte, Youssef Kouki, Sarah Lahmer, Lucderson Lambert, Samuel Languedoc, Marie Lephilibert, Léonel Launet, Marie Laurent, Enrick Lucius, Bori Lusbec, Kalifa Mangassouba, Rémi Marcoin, Lucie Marques, M., Daryl Mbongo, Djibril Mebrouk, Olivia Mietouta, Qaenat Mohammad, Noah Morice, Jeremy Nadesu, Emmy Noël, Siabou Nimaga, Gnouh-Leleng Pignandi, Eric Ren, Mohamed Rezzoug, Rose Rioton, Roxanne Robalo Senedo, Maxence Rochambeau, Nyamsi Rodin, Océane Rodriguez, Alexandre Roussel, Kacper Sadowski, Ibrahim Sagna, Dorian Sagnet, Nadia Saighi, Camélia Saumande, Max Kevin Sepeynith, Sidi Sow, Ibrahim Siby, Bangaly Souare, I., Jacob-Abraham Teglas, Cristian Tirca, Mohamed Tlemsani, R., B., Carl Tsiakaka, Mary Warnakulasuriya, Iliès Younes-Bouacida, Diana Yousef, Kazim Zyed ; Enseignant(e)s : Nacer Belgat, Sabine Barbeau, Catherine Cayrier, Patricia Chevalier, Fanny Guillien, Béatrice Granier, Agnès Julienne, Laurence Porta, Nathalie Seyfried, Charlotte Véglia ; Commissariat : Corinne Digard et Barbara Sirieix. Remerciements : Quentin Ledréan, David Lemoine et Antoine Capet de Brut Pop, Dominique Lasserre et Serge Volper du CIRAD (Centre de cooperation internationale en recherche agronomique pour le développement), Catherine du Manoir conférencière au Musée des Arts Décoratifs de Paris, Julia Cottin artiste et enseignante en arts plastiques au collège Beaumarchais, aesh co de l’ulis Beaumarchais

Orange Rouge remercie ses partenaires :

L’association Orange Rouge est soutenue par le Département de la Seine-Saint-Denis dans le cadre du dispositif “La Culture et l’Art au Collège”.www.orangerouge.org

de laåbäke & LPPL avec les images d’Anne Bourse et une typographie de Bureau Brut