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Le fort Saint-Louis à Saint-Louis-du-Sud Sommaire • Le fort Saint-Louis à Saint-Louis du Sud • Le CPM, mission importante en Haïti • Le Centre historique de Port-au-Prince : • Chroniques des monuments et sites historiques d’Haïti BULLETIN DE L’ISPAN numéro 15, 1er août 2010 • La salle de garde du Fort Saint-Louis BULLETIN DE L’ISPAN • No 15 • 1er août 2010 • 1 • Photo : ISPAN 2010 BULLETIN DE L’ISPAN est une publication mensuelle de l’Institut de Sauvegarde du Patrimoine National destinée à vulgariser la connaissance des biens immobiliers à valeur culturelle et historique de la République d’Haïti, à promouvoir leur protection et leur mise en valeur. Communiquez votre adresse électronique à [email protected] pour recevoir régulièrement le BULLETIN DE L’ISPAN. Vos critiques et suggestions seront grandement appréciées. Merci. BULLETIN DE L’ISPAN, No 15, 12 pages Le 19 mars 1748, à une heure de l’après- midi, le vice-amiral anglais Charles Knowles, à la tête d’une escadre composée de sept vaisseaux, d’une frégate et de trois corvettes effectua une percée par la grande passe de la baie de Saint-Louis du Sud, affrontant directe- ment la forteresse réputée inexpugnable de l’île Saint-Louis, située sur la côte sud de Saint- Domingue. L’escadre anglaise, après avoir pla- cé ces navires tout autour de l’îlet, fit feu de toute part. Après une heure et demie de tirs, Knowles obtint la reddition de la place, com- mandée par Louis-Marin Buttet de la Rivière. Il fit évacuer le fort et transporter son artillerie à la Jamaïque. Le même jour, il fit exploser les bastions et les courtines, créant un total de 13 brèches dans la muraille. La défaite de Buttet fut qualifiée d’ «injurieuse pour avoir sous-es- timé la place qui lui avait été confiée». Buttet fut, en conséquence, cassé de son grade par un Conseil de Guerre. Une place forte même bien conçue ne vaut que par sa garnison. Cet épisode de la rivalité anglo-française pour la suprématie dans les Antilles, révéla le mal profond dont souffrait la défense de la Co- lonie française de Saint-Domingue durant la première moitié du XVIIIème siècle. La prise du fort Saint-Louis par les Anglais, ainsi, mar- quera un tournant décisif dans la stratégie de défense de Saint-Domingue. Selon le système mercantiliste, dit de l’«Exclusif», la Colonie ne produit en principe que pour la Métropole. La campagne coloniale se présente de ce fait comme un prolonge- ment de celle-ci. Les villes quant à elles, ne sont que des accessoires, des rotules indis- pensables situées sur la côte. Elles ne servent • Sc. : Internet Wikipédia • Le Vice-Amiral Charles Knowles (1704 - 1777)

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Le fort Saint-Louisà Saint-Louis-du-Sud

Sommaire•LefortSaint-LouisàSaint-LouisduSud•LeCPM,missionimportanteenHaïti•LeCentrehistoriquedePort-au-Prince:•Chroniquesdesmonumentsetsites

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• La salle de garde du Fort Saint-Louis

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BULLETIN DE L’ISPAN est une publication mensuelle de l’Institut de Sauvegarde du Patrimoine National destinée à vulgariser la connaissance des biens immobiliers à valeur culturelle et historique de la République d’Haïti, à promouvoir leur protection et leur mise en valeur. Communiquez votre adresse électronique à [email protected] pour recevoir régulièrement le BULLETIN DE L’ISPAN. Vos critiques et suggestions seront grandement appréciées. Merci.

BULLETIN DE L’ISPAN, No 15, 12 pages

Le 19 mars 1748, à une heure de l’après-midi, le vice-amiral anglais Charles Knowles, à la tête d’une escadre composée de sept vaisseaux, d’une frégate et de trois corvettes effectua une percée par la grande passe de la baie de Saint-Louis du Sud, affrontant directe-ment la forteresse réputée inexpugnable de l’île Saint-Louis, située sur la côte sud de Saint-Domingue. L’escadre anglaise, après avoir pla-cé ces navires tout autour de l’îlet, fit feu de toute part. Après une heure et demie de tirs, Knowles obtint la reddition de la place, com-mandée par Louis-Marin Buttet de la Rivière. Il fit évacuer le fort et transporter son artillerie à la Jamaïque. Le même jour, il fit exploser les bastions et les courtines, créant un total de 13 brèches dans la muraille. La défaite de Buttet fut qualifiée d’ «injurieuse pour avoir sous-es-timé la place qui lui avait été confiée». Buttet fut, en conséquence, cassé de son grade par un Conseil de Guerre. Une place forte même bien conçue ne vaut que par sa garnison.

Cet épisode de la rivalité anglo-française pour la suprématie dans les Antilles, révéla le mal profond dont souffrait la défense de la Co-lonie française de Saint-Domingue durant la première moitié du XVIIIème siècle. La prise du fort Saint-Louis par les Anglais, ainsi, mar-quera un tournant décisif dans la stratégie de défense de Saint-Domingue.Selon le système mercantiliste, dit de l’«Exclusif», la Colonie ne produit en principe que pour la Métropole. La campagne coloniale se présente de ce fait comme un prolonge-ment de celle-ci. Les villes quant à elles, ne sont que des accessoires, des rotules indis-pensables situées sur la côte. Elles ne servent

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• Le Vice-Amiral Charles Knowles (1704 - 1777)

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• Plan de l’attaque du fort Saint-Louis (mars 1748), dressé par de la Lance, Ingénieur du Roi de France

essentiellement que de lieu de stockage et d’embarquement des denrées produites. La concentration en ces points de la production coloniale attire la convoitise de flibustiers et pirates de tous poils et aussi celle des puis-sances rivales de la France. Qui veut ruiner la Colonie s’en prend à ses entrepôts. Leur défense s’est vite révélée nécessaire…Dès le début du XVIIIème siècle, les villes de Léôgane, de Petit-Goâve et de Saint-Louis, dans la Bande du Sud de Saint-Domingue furent dotées de places fortes. A cause de son importance stratégique comme siège de la Compagnie Royale des Indes chargée du commerce exclusif pour la partie Sud de la Colonie, la ville de Saint-Louis reçut, dès 1697 la visite d’ingénieurs et d’officiers de la Marine française. M. Renaud, Ingénieur du Roi, fut per-sonnellement dépêché par Louis XIV à Saint-Domingue pour «inspecter les fortifications et projeter celles à construire». Créée en 1698 pour accélérer l’exploitation de la colonie de Saint Domingue, la Compagnie Royale des In-des ou Compagnie de Saint Domingue, en plus du monopole du commerce, reçut le don de toutes les terres de la concession et l’engage-ment lui fut fait de lui assigner une escadre de défense et une place forte pour la protection de ses établissements. La Compagnie Royale des Indes commence dès 1699 à implanter ses bâtiments et entrepôts à Saint-Louis et M.

Renaud dressa les plans d’une forteresse sur l’ilet commandant l’entrée de la baie au fond de laquelle est située la ville. « Mr. Le Maréchal de Vauban1, ... daigna même y faire quelques corrections ».

Le chantier débuta vraisemblablement en 1702. Malgré les avatars et les erreurs de mise en œuvre que connurent son édification, le fort Saint-Louis resta sur le plan technique un modèle appliquant savamment les règles de

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• “Sir Charles Knowles’s attack on Port Louis”. (huile sur toile, ca 1770 87.1 cm x 137,8 cm)

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l’art de fortifier du XVIIème et du XVIIIème siècles, dominés par la fortification perma-nente bastionnée, tel que mise au point par le maréchal de Vauban, lui-même. Les fortifications bastionnées sont les consé-quences directes de la découverte de la pou-dre et de l’évolution de l’artillerie. Les ancien-nes murailles et tours médiévales offrant de faciles cibles aux projectiles des bouches à feux durent peu à peu, face aux progrès in-cessants de l’artillerie, céder la place à ce nou-veau type de fortification plus adapté, et dont les murs d’enceinte seraient bas et très épais. Elles offraient ainsi moins de prises aux tirs ennemis, rendaient difficile l’ouverture d’une brèche dans leurs murailles et permettaient de dégager de larges terre-pleins où s’instal-lerait aisément une artillerie de défense. Ces murs d’enceinte sont faits de terre retenue par des parements de maçonnerie lourde et épaisse - d’où leur nom de terre-plein -, tandis que les tours disparaissent au profit de bas-tions placés aux angles de la construction. Ces bastions sont des ouvrages saillants, placés hors du corps de place et possédant «deux flancs et une gorge, afin de battre les dehors, de croiser les tirs et de flanquer les courtines protégeant, de ce fait, l’escarpe de brèches éventuelles, but final de l’assaut ennemi.»Dans ces premier temps du développement de la colonisation française à Saint-Domingue, la défense terrestre ne fut pas jugée indispen-sable par la stratégie officielle. Les Français préféraient reposer la défense de la Colonie sur une flotte armée, plus mobile, à celle com-posée de fortifications. En effet, ces vaisseaux marchands en route vers les ports de France étaient soumis continuellement aux aborda-ges des flibustiers ou à la saisie par les navires des flottes portugaises, espagnoles, et, surtout, anglaises. Pour y faire face, une défense mari-time mobile couvrant les côtes de la Colonie

• L’île Saint-Louis dans la baie, vue du morne Saint-Georges

• Vue aérienne du fort Saint-Louis

• La place d’armes du fort Saint-Louis (1989)

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fut assignée à des escadres de défense qui s’abritaient en des bases fortifiées, comme, par exemple, celle du Môle Saint Nicolas. Elles accompagnaient les convois de navires-mar-chands jusqu’au débouquement des îles Tur-ques et Caïques et se déplaçaient au gré des besoins d’intervention. Pour la défense terres-tre, l’usage à l’époque était de construire les ouvrages de défense faits de simples mouve-ments de terre créant ainsi une tranchée ou un chemin couvert en deçà d’un glacis incliné. Leur armement ne se limitait qu’à quelques pièces à feu plus aptes à sonner l’alarme qu’à intimider un éventuel ennemi, tant soit peu déterminé. Le fort Saint-Louis fut, avec le fort Royal de Petit-Goâve, une exception, justifié par l’im-portance du lieu à défendre. Une place réputée inexpugnableCouvrant une superficie d’environ un peu moins d’un hectare, le fort Saint-Louis pré-sente un plan pentagonal irrégulier, épousant la forme de l’ilet. Il est pourvu ainsi de cinq bastions d’angles, répondant tous au nom de saints catholiques. Les deux bastions - Saint-Louis et Saint Philippe - reliés par une cour-tine donnent face à la ville de Saint-Louis et forment le front nord. Ils sont d’un tracé pur et classique. Cette courtine abrite l’entrée principale où l’on accède à la forteresse par une vaste salle de garde couverte d’une croi-sée de voûtes en berceau, soutenue par des pilastres en pierres de taille calcaire. Pour les autres bastions, Saint-Charles, Saint-Jérôme et Sainte-Eléonore, leur tracé a dû s’adapter à la forme de l’ilet.Forteresse très complète, ses murs délimitait une vaste place d’armes où étaient logés tous les édifices nécessaires à l’autonomie de la garnison : une poudrière aux murs puissants, logée à l’intérieur du bastion Saint-Philippe, des casernes, une boulangerie, d’énormes ci-ternes d’eau de pluie, le logement de l’Etat-Major, des dépôts d’artillerie, une salle d’armes, une chapelle équipée d’un logement pour son aumônier, etc.Sa position sur l’île lui permettait de contrôler efficacement la Grande et la Petite Passe, les accès maritime à la ville. En 1748, le fort Saint-Louis était lourdement armé de 72 canons et de 4 mortiers. Après près d’un demi-siècle sans histoire, cette forteresse, jugée inexpu-gnable par la qualité de sa conception, ne de-vait tomber aux mains de l’ennemi qu’à cause de la négligence de sa garnison.Le monument historiqueLa prise du fort Saint-Louis, unique défense de la ville, par les Anglais révéla la faiblesse de la stratégie reposant presqu’exclusivement sur la défense mobile d’une escadre. Le territoire

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• PlandufortSaint-LouisA. Bastion Saint-PhilippeB. Bastion Saint-Charles

C. Bastion Sainte-JérômeD. Bastion Sainte-Eléonore

E. Bastion Saint-JosephF. La poudrièreG. Les citernes

H. Logement du GouverneurI. La chapelle

J. Logement de l’Etat-majorK. Les casernes

L. Le dépôt de l’artilerieM. La salle d’armes

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• Le bastion Sainte-Eléonore et sa courtine démolie en 1748

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1. Sébastien Le Prestre, marquis de Vauban 1633 - 1707), ingénieur, architecte, militaire et urbaniste fran-çais. Expert en poliorcétique, il dota la France d’un réseau de fortifications resté inexpugnable jusqu’à la fin du XVIIIème siècle. Grand théoricien de l’art de fortifier, il perfectionna la fortification permanente bas-tionné du XVIIème siècle. Il fut nommé maréchal de France par Louis XIV. Douze ouvrages de Vauban ont été classés au Patri-

moine mondial de l’UNESCO, en 2008.

• Vue actuelle du bastion Saint-Philippe (bastion nord-est), couverte d’une épaisse végétation

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se développant sur plus de 3 000 kilomètres de côtes percées d’une interminable succes-sion de criques, de baies et d’anses, la flotte de défense couvrant simultanément divers points s’est révélée inopérante. La prise facile du fort Saint-Louis le prouva largement. La prudence recommanda de fortifier plus systé-matiquement les villes, ports principaux d’ex-pédition de denrées. Ainsi, la Métropole opta radicalement vers le milieu du siècle, pour la construction d’ouvrages de défense terrestre, organisés en réseau, se protégeant les uns les autres mais largement autonomes.La baie de Saint-Louis, après cet épisode, ne tarda pas à recevoir un plan de défense pré-voyant des places fortes érigés tout autour de la baie. Ainsi la batterie Saint-Eloi fut construi-te à la Pointe des Mangles en1753 et le fort des Oliviers, à la Pointe de la Compagnie, fut achevé en1754. L’exécution de ce plan de dé-fense ne fut pas terminée : la ville de Saint-Louis perdit de son importance au profit de la ville côtière des Cayes-du-Fond (Les Cayes), située plus à l’Ouest, et qui, adossée à une riche plaine sucrière, ne cessa de gagner en prospérité durant toute la seconde moitié du XVIIIème siècle. De nos jours, les ruines du fort Saint-Louis sont encore imposantes et conservent toute leur cohérence. Couvertes d’une épaisse vé-gétation rendant sa visite ardue, les murailles portent les traces du démantèlement de Knowles : les murailles ébréchées ont épan-ché des éboulis sur le rivage. Si la végétation constitue un danger pour la maçonnerie car les racines qui se développent dans les joints facilitent la désintégration du liant et favori-sent les infiltrations d’eau, elle protège le monument historique du vandalisme, le ren-dant plus difficile d’accès. Sa réhabilitation est tout à fait envisageable. Il subsiste suffisam-ment d’éléments et d’indices pour permettre aujourd’hui sa restauration proche de son état d’origine. De plus, les Archives nationales de France - Section Outre-Mer ont conservé une extraordinaire collection de plans détaillés et de mémoires sur la forteresse.Le fort Saint-Louis a été inscrit sur la liste du Patrimoine National d’Haïti par Arrêté prési-dentiel en date du 28 août 1995.

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Remerciement spécialLa reproduction du tableau « Sir Charles Knowles’s attack on Port Louis » a été rendu possible grâce à une autorisation spéciale, grâcieusement accordée à l’ISPAN par la Royal Collection du Royaume-Uni. La Direction générale de l’ISPAN remercie tout spécialement Mme Karen Lawson, su-perviseure de la collection iconographique de la Royal Collection pour la diligence avec laquelle ces droits de reproduction ont été octroyés pour le BULLETIN DE L’ISPAN no 15.

• La baie de Saint-Louis et son nouveau réseau de fortification, édifié après la prise du fort Saint-Louis en 1748

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La Direction générale de l’Institut de Sau-vegarde du Patrimoine National remercie la ministre de la Culture et de la Communica-tion, Mme Marie-Laurence Jocelyn Lassègue qui mis à la disposition de l’Institut la somme de 150.000,00 Gourdes pour les travaux de nettoyage du fort Saint-Louis.Cette opération aura lieu au courant du mois d’août 2010, avant la patronale de la Saint-Louis (23 août).La fort Saint-Louis et le fort des Oliviers accueillent depuis trois années un festival de musique populaire drainant vers ces monu-ments historiques classés «Patrimoine Natio-nal», des milliers de visiteurs, en particulier des jeunes.

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1. La terrasse de la Batterie Royale2. La salle d’exposition du Quartier des Officiers

3. Alignement de mortiers au pied de la forteresse4. La Citadelle Henry, vue du site de Ramiers

5. La terrasse de la Batterie Royale6. La façade Ouest de la Citadelle Henry,

7. Détail de fixation d’un tourillon de mortier sur son affût

8. Les armoiries ornant le canon du Duc de Malbourough

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Le Centre du Patrimoine mondial,une importante mission en Haïti

Le Centre du Patrimoine Mondial (CPM ou World Heritage Center WHC, en anglais) a mené du 11 au 18 juillet 2010 une mission technique au Parc National Historique Cita-delle, Sans-Souci, Ramiers, dans le cadre de l’assistance internationale d’urgence apportée en Haïti suite au tremblement de terre du 12 janvier dernier.La mission a été menée par l’Unité pour l’Amérique latine et les Caraïbes (WHC/LAC) du Centre pour le Patrimoine Mondiale en collaboration avec l’Institut de Sauvegarde du Patrimoine National (ISPAN). L’évaluation de l’état de conservation du Parc national historique a été effectuée par des ex-perts internationaux en génie civil, en technique de construction pour le patrimoine militaire fortifiée et la restauration de sites archéologi-ques majeurs, ainsi qu’en biodégradation.Cette mission fait suite au rapport présenté par l’ISPAN au mois d’avril dernier et à une

demande spéciale du Ministère de la Culture et de la Communication d’Haïti. Le rapport, qui porte spécifiquement sur l’état de conserva-tion du Parc et de ses monuments historiques, attire notamment l’attention sur les menaces, anciennes ou nouvelles, qui affectent ou peu-vent affecter la valeur universelle exception-nelle du site. Il signalait entre autres, la menace que fait peser sur le Parc la construction pro-chaine de la route nationale 003 (RN 003) qui traversera le Parc sur près de 7 kilomètres. Il notait également les conséquences des projets touristiques prévus dans le Plan Directeur du Tourisme dont les études d’impacts n’ont pas été réalisées.Outre l’évaluation de la conservation du Parc, la mission de l’UNESCO avait également pour objectif de développer avec Haïti, une ligne stratégique afin de réaliser l’inventaire rétros-pectif auquel ce bien culturel est soumis par le Centre du Patrimoine Mondial pour la pé-

La mission des experts du CPM - UNESCO• Lyne Fontaine, ingénieure-experte en conservation, spécialiste en génie civile et géotechnique et active-ment impliquée et engagée avec les comités scienti-fiques de l’ICOMOS. Elle a amorcé et développe actuellement, avec ISCARSAH et le comité de génie civile de l’ISO, l’annexe de structure d’héritage du standard ISO 13822 pour l’évaluation des structures existantes. • Nicolas Faucherre, professeur d’Histoire de l’art médiévale à l’Université de Nantes et, depuis 2005, membre représentatif français au Comité scientifique international de fortifications et l’héritage militaire. • Maria Letizia Conforto, architecte. Elle a géré de nombreux projets de restauration architecturale, a coopéré, par son activité didactique, avec diverses institutions culturelles et a conduit des recherches importantes sur la conservation et la protection des centres historiques et des sites archéologiques. • Constantino Meucci, expert en chimie industrielle, il a travaillé comme consultant scientifique expert de l’UNESCO dans de nombreux chantiers de restaura-tion de sites du Patrimoine mondial. • La mission a été dirigée par Nuria Sanz, Chef de l’Unité d’Amérique Latine et les Caraïbes (LAC) au Centre du Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Elle est archéologue et anthropologue, spécialisée en coo-pération internationale multilatérale.

• Le Parc National Historique, dominé par la silouhette imposante de la Citadelle Henry

• Mme Michèle Oriol ISPAN/CIAT, présentant à la mission d’experts l’enquête socio-économique réalisée récemment pour le compte du CNIGS sur le Parc National Historique

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que, laquelle réunit les conditions de propriété des terres dans le Parc National Historique et aux alentours, en tant qu’information de base pour établir la zone tampon du site du Patrimoine Mondial et ces mesures régulatri-ces, dans le cadre de l’exercice de l’inventaire rétrospectif.4. La mission recommande l’établissement d’un accord institutionnel entre le Ministère de Culture et la CIAT afin d’initier les travaux qui doivent conduire à la réalisation du plan de gestion du site, dans le cadre d’une perspective de gestion territoriale.5. La mission recommande que les fonds en provenance de la coopération internationale dans le cadre de la reconstruction d’Haïti soient dirigés en priorité vers la réalisation du plan de conservation et de gestion du site du Patrimoine mondial, y compris vers tous les as-pects dérivés de la prévention et la gestion de risques. Dans ce sens, les ressources financiè-res doivent être consacrées au renforcement de l’équipe technique de l’ISPAN, avec des techniciens formés à la formulation de projets, à l’organisation du développement des initia-tives proposées par chaque plan et à mettre en place les actions au niveau technique et administratif.6. La mission recommande que ce site du Pa-trimoine mondial soit transformé en un« chan-tier-école » d’intervention et de formation de techniciens haïtiens. Cette expérience pourra être utile pour fonder de manière solide une politique nationale du Patrimoine mondial ainsi que pour le développement d’un cadre nor-matif pour le patrimoine national.7. La mission recommande que les valeurs et les critères mentionnés dans l’analyse histo-rique soient pris en compte au moment du développement de la déclaration rétrospective de Valeur Universelle Exceptionnelle.

• Plan du maillage routier d’Haïti, dressé par le MTPTC en 2007 et l’alternative proposée par la mission

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*. Cette route qui devra relier Hinche au lieu-dit Bar-rière-Battant (74,10 km), sera financée sur le 10ème Fonds Européen de Développement (FED) et par Agence Française de Développement (AFD). Elle tra-versera les villes de Dondon et de Grande-Rivière du Nord. Elle achèvera ainsi la réhabilitation de la route nationale 003 Port-au-Prince – Cap-Haïtien, dont les deux premiers tronçons sont déjà opérationnels La RN 003 est considérée comme l’une des plus impor-tantes voies de communication du pays. Elle donne ac-cès à des sites touristiques et historiques et à de grands marchés régionaux. Elle relie deux des plus importantes villes du pays, Port-au-Prince et Cap Haïtien en passant par Hinche. Ces deux grandes villes sont les seules à disposer de ports modernes et d’aéroports ouverts sur l’étranger. Cependant la mission de l’UNESCO a identifié, dans le plan du maillage routier d’Haïti dressé par le Ministère des Travaux Publics, une alternative à cette traversée risquée du Parc National Historique par la RN 003. Cette route traverserait le massif du Nord peu après Hinche, mènerait à Bahon avant de rejoindre le bourg de la Grande-Rivière (voir carte ci-jointe)

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07riode allant de janvier 2010 à mai 2013. Cet inventaire rétrospectif est un exercice auquel le Centre du Patrimoine Mondial soumet pé-riodiquement les biens classés sur la liste du Patrimoine Mondial et qui a pour but de réé-valuer la pertinence et la conservation des cri-tères pour lesquels ce bien culturel a été inscrit sur la liste du Patrimoine Mondial. Dirigée par l’archéologue Nuria Sanz, responsa-ble de l’Unité WHC-LAC, la mission d’experts de l’UNESCO, durant son séjour, a pu rencon-trer et s’entretenir avec Mme Magali Comeau Denis, conseillère de la ministre haïtienne de la Culture, M. Daniel Elie, Directeur général de l’ISPAN, ainsi que le ministre du Tourisme, M. Patrick Delatour et le représentant de la Com-mission Interministérielle pour l’Aménagement du Territoire (CIAT), Mme Michèle Oriol. La mission s’est rendu dans le Nord où elle a travaillé dans le parc national historique et sur ses monuments, rencontré diverses person-nalités, du secteur tant public que privé, des élus locaux, des investisseurs privés du secteur touristique du Nord et des responsables d’as-sociations de développement œuvrant dans le Parc et ces environs.La mission a produit un rapport détaillé sur la situation du Parc et, notamment, émis d’im-portantes considérations sur les facteurs pou-vant avoir une incidence certaine sur la Valeur Universelle Exceptionnelle du Parc. Le rapport a également posé les bases d’une politique nationale pour la conservation et la gestion du site, classé Patrimoine Mondial. Une nou-velle analyse historique et architecturale des monuments menée par la mission, lui a per-mis de proposer deux nouveaux critères de Valeur Universelle Exceptionnelle. Au-delà des critères (iv) et (vi) pour lesquels l’ensemble est inscrit au Patrimoine mondial, la mission propose de rajouter le critère (ii) («témoigner d’un échange d’influences considérables pen-

dant une période donnée ou dans une aire culturelle déterminée, sur le développement de l’architecture et de la technologie, des arts monumentaux, de la planification des villes ou de la création des paysages.”), pour l’excep-tionnelle collection de canons de mortiers et d’obusiers datant du XVIIIème siècle se trou-vant à la Citadelle Henry et voire peut-être le critère (i), énoncé comme suit : « représenter un chef-d’œuvre du génie créateur humain ». Nous reproduisons in extenso les recomman-dations qui ont suivi ce rapport.Les recommandations de la Mission1. La mission recommande aux Autorités haïtiennes d’interrompre le processus de construction de la route RN003 à l’intérieur du Parc jusqu’à ce que toutes les études d’im-pact social, économique et environnemental nécessaires aient été produites, dès lors que le tracé originalement prévu traverse le Parc historique, lequel compte aujourd’hui avec des conditions de qualité visuelle, environnemen-tales et de paysage qui doivent être respec-tées.*

2. La mission recommande aux autorités haï-tiennes de ne pas poursuivre le projet de tou-risme dessiné par la compagnie de croisières Royal Caribbean Cuise Line jusqu’à ce que le site du Patrimoine mondial ne soit doté d’un plan de conservation, dont les critères et ob-jectifs doivent être respectés en tant que base de l’usage publique du site. Des projets alter-natifs de visite doivent être étudiés dans les court, moyen et long termes, en accord avec le développement des infrastructures prévues, c’est-à-dire : des routes nationales, les entrées en provenance de la République Dominicaine, des améliorations au Port de Labadie et de la construction du nouvel aéroport international du Cap haïtien.3. La mission recommande la prompte finalisa-tion de l’étude socio-démographico-économi-

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1. La mission du Centre du Patrimoine Mondial au PNH2. Mme Line Fontaine sur le chemin de Ramiers

3. Mme Nuria Sanz, chef de la mission

4. M. Nicolas Faucherre5. La mission en route pour le site de Ramiers

6. Réunion de travail à salle Albert Mangonès de la Citadelle Henry

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Patrimoine en péril

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Les techniciens de l’ISPAN ont constaté le qu’un pâté entier, délimité par la rue des Mi-racles, la rue des Fronts-Forts, la rue du Cen-tre et le boulevard Jean-Jacques Dessalines (Grand-Rue) dans le centre historique de Port-au-Prince, a été complètement rasé et les débris évacués. Ces constructions avaient été plus ou moins endommagées lors du tremble-ment de terre du 12 janvier dernier. Le Centre National d’Equipements (CNE) a mené cette opération vendredi 30 juillet 2010.Cette opération de démolition s’est déroulée alors que l’ISPAN, dans le cadre du projet de restauration du Marché Hyppolite, situé à une centaine de mètres du bloc rasé, procède à une évaluation des valeurs et des potentialités architecturales des bâtiments des quatre blocs situés aux environs de ce monument histori-que, emblématique de la capitale haïtienne. Ce travail pilote, non encore achevé, a déjà per-mis d’identifier un certain nombre d’édifices à grande valeur patrimoniale. Des magasins à structures en fer et fonte, datant de la fin du XIXème siècle, de vastes halles en maçonnerie de briques d’argile parfaitement conservées ou aisément récupérables ont été listés.Ces trouvailles, faites à partir de cet échan-tillonnage, confirment qu’il existe de nom-breux autres spécimens du même genre dans tout le centre ville de Port-au-Prince.Ces démolitions aveugles qui feront, sans dou-te, place à de nouvelles constructions, obligent à réfléchir sur des questions liminaires telles : Que faut-il conserver ? Doit-on, ou peut-on tout conserver ? Doit-on tout démolir ? Quel apport l’ancien devra-t-il articuler dans le ca-dre de la reconstruction du centre historique de Port-au-Prince ? Ou à la question-mère : A qui appartient le Patrimoine ?Dans divers pays et depuis fort longtemps, ces questions se sont posées, à un moment ou à un autre avec plus ou moins d’acuité. Les répon-

Centre historique de Port-au-Prince :démolitions radicales

ses apportées ont déterminé l’avenir des ces biens culturels que sont les centres historiques, tant du point de vue social qu’économique. Et bien des villes ont eu à regretter les choix de modernisation à-tout-va, ne prenant pas en compte l’Histoire, la Culture et l’Esthétique.Durant des périodes de crise et de remise en question, le patrimoine s’est constitué en un point de repère permettant d’orienter la ré-flexion sur l’avenir de la société. Faut-il rappeler que la notion de conservation de monuments historiques est, dans une large mesure, une «création» de la Révolution française, à travers laquelle les révolutionnaires de 1789 ont puisé les éléments de rassemblement et de cohésion de groupes éparts à traditions féodales dans un effort de constitution d’une nation unie et forte. Plus près de nous, à la faveur de la crise du modernisme, dans de nombreux pays, dès les années 1970, la défense du patrimoine s’est transformée en locomotive d’une panoplie de questions allant du sens de la continuité à la préservation des valeurs régionales et nationa-les, en passant par le développement intégré. La cause du patrimoine s’est ainsi démocrati-sée, devenant non plus la seule préoccupation d’une élite, mais bien celle des diverses cou-ches de la société.En Haïti, le peu d’effort consenti jusqu’à présent à la préservation du Patrimoine et la réserve ou l’incohérence avec laquelle cette question est abordée dénotent les lacunes permettant d’appréhender justement ces notions et com-prendre les avantages qui pourraient en être tirés. Les églises, les bâtiments publics, les mai-sons gingerbread de Port-au-Prince, abimés ou pas par le tremblement de terre, tombent les unes après les autres. Le centre historique du Cap-Haïtien disparaît. Ceux de Jacmel, de Saint-Marc ou de Jérémie sont sévèrement menacés. Les vestiges des habitations sucrières ou caféières datant du XVIIIème siècle, comme

les ouvrages militaires, témoins de la Guerre de l’Indépendance succombent face à l’urba-nisation sauvage. Cela constitue, à n’en point douter, un appauvrissement culturel, mais tout aussi économique pour un pays qui n’est déjà pas doté de ressources suffisantes propres.Conscience collective faibleBien que la première loi sur la préservation du patrimoine culturel en Haïti date de 1940, ce sujet demeure encore circonscrit à la ré-flexion d’un groupe restreint de professionnels spécialisés et de quelques intellectuels. Et si la notion de la conservation des biens culturels ne se retrouve pas la place qui lui est due au cœur des débats et des combats actuels pour exiger l’amélioration du cadre de vie, c’est sans doute à cause de la quasi inexistence d’une conscience collective d’appartenance à une histoire commune et à un destin commun et dont le Patrimoine constitue le repère spatial et temporel. Déjà avant le 12-Janvier, la capitale haïtienne offrait, à tous les niveaux, l’image de la confu-sion, du désordre et de la pollution. Un large effort de préservation du patrimoine offrirait l’occasion de redécouvrir certaines valeurs, à travers la redynamisation des espaces de mé-moire et d’identité. Parce qu’il est porteur d’un enseignement précieux sur une certaine ma-nière de vivre et qu’il véhicule un savoir-faire qui, à travers le temps, s’est enrichi de l’apport de milliers d’actes individuels qui ont contribué à l’acclimater à notre environnement antillais, notre patrimoine peut jouer un rôle impor-tant dans la recherche de pistes de solutions adaptées à notre environnement et à notre culture.Pour cela, il faudra se démarquer de la vision à partir de laquelle le processus de dégradation et de destruction du patrimoine serait perçu de manière idéaliste comme le produit de l’ignorance et de l’inculture et où les efforts

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• Démolition au bulldozer d’un paté de maison du centre historique de Port-au-Prince

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de préservation se transforment en une lutte pour la civilisation et contre les intérêts écono-miques et spéculatifs. La sauvegrade du patrimoine,une activité productiveIl faudra aussi, prendre distance avec une cer-taine vision linéaire du progrès qui glorifie béa-tement tout ce qui est neuf et par conséquent dévalorise ce qui est ancien. Il s’agit en fait de retrouver à travers le patrimoine des points de repère, une certaine qualité de vie, pour re-découvrir des valeurs traditionnelles pouvant nous aider à inventer de nouveaux modes de vivre, de construire et d’habiter, ceci vu non dans une perspective nostalgique ou passéiste,

mais plutôt dans le cadre d’une recherche criti-que du vrai, de l’essentiel, du transcendant sus-ceptible d’être adapté de manière dynamique à la vie contemporaine. C’est pour cela que la préservation du patrimoine ne doit pas être considérée comme un luxe, une «fantaisie de pays riches», mais plutôt comme une activité productive, une action de transformation qui permettra au patrimoine d’acquérir une plus-value sociale. La préservation du patrimoine devient dès lors une problématique politique puisqu’elle interroge le fonctionnement de la société, ses priorités, ses structures et ses choix de développement; puisqu’elle exige le respect de la population, de sa culture, de ses

exigences et de son droit à des conditions de vie descentes.D’autant plus que les fonds promis pour la Re-construction d’Haïti, pour pour avoir des effets durables, devra contribuer également à la ré-habilitation de notre culture, à la sauvegarde de notre patrimoine historique bâti, au renforce-ment des institutions nationales et, dans ce cas précis, des institutions de sauvegarde du patri-moines, en leur permettant d’assumer pleine-ment leur rôle. Ce renforcement institutionnel signifiera l’adoption d’un cadre légal adapté, la formation d’un personnel spécialisé et la mise à contribution de moyens proportionnels.

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Chroniquedes monuments et sites historiques d’Haïti

L’Acte de l’Indépendance du Parlement sauvéPoursuivant sa campagne de sauvetage d’œuvres

d’art public dans la capitale haïtienne, l’ISPAN a pu récupérer la reproduction du texte de l’Acte de l’Indépendance d’Haïti qui ornait les murs du Par-lement haïtien détruit par le tremblement de terre du 12 janvier 2010. Coulé dans du bronze, le let-trage du texte est apposé à une plaque enduis de plâtre blanc. Il porte la signature d’Amerigo Marco Montagutelli, sculpteur, franco-venézuélien établi en Haïti dans les années 1940. Il fonda l’Académie des Beaux-Arts et participa à la formation de nombreux artistes haïtiens, dont Albert Mangonès, Rose-Marie Desruisseau, Wilfrid Louis, Ludovic Booz...

Cette plaque est provisoirement gardée à l’ISPAN espérant son éventuelle restauration.

L’UNESCO pose les jalons d’une renaissance d’Haïti par la cultureRenforcer les capacités institutionnelles, réaliser

des inventaires d’urgence et élaborer des plans de sauvegarde dans le domaine du patrimoine culturel haïtien – ce sont quelques unes des actions prioritai-res identifiées par le Comité International de Coor-dination pour la sauvegarde du patrimoine culturel haïtien (CIC-Haïti), lors de sa première réunion qui s’est tenue les 7 et 8 juillet au siège de l’UNESCO.

« Nous avons l’intention de multiplier et de di-versifier les projets culturels, de la manière la plus créative possible », a déclaré lors de l’ouverture de la réunion la Directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova, après avoir souligné « le pouvoir de guérison de la culture, qui est de plus en plus re-connue par la communauté internationale comme un élément essentiel à la reconstruction ». La Di-rectrice générale a également annoncé la création d’un comité international de donateurs en vue de permettre la réalisation des recommandations du CIC dans quatre domaines : le patrimoine mondial (culturel et naturel), le patrimoine immatériel, le pa-trimoine mobilier (collection des musées, archives et bibliothèques) et les industries culturelles. Ce

nouveau comité de donateurs se réunira au début 2011 pour examiner les premières propositions de projets. Le CIC, instance fondée par l’UNESCO et présidée par la ministre haïtienne de la Culture et de la Communication, Marie-Laurence Jocelyn Las-sègue, est composé de dix experts haïtiens et in-ternationaux, qui ont pour mission de coordonner l’ensemble des interventions dans le domaine de la culture en Haïti et de mobiliser des ressources à cet

effet. Il a établi aujourd’hui une « feuille de route » identifiant les premières actions d’urgence et à moyen terme. À titre d’exemples, dans le domaine du patrimoine culturel et naturel, le CIC a recom-mandé de commencer en urgence l’inventaire de la ville de Jacmel, candidate à l’inscription sur la liste du patrimoine mondial, et de Port-au-Prince, la capitale, en impliquant des techniciens haïtiens. Le Comité a également proposé à l’UNESCO de constituer un observatoire de la vitalité du patrimoine immatériel et d’identifier les expressions les plus menacées de disparition, notamment dans les zones les plus affec-tées par le séisme. Il a par ailleurs recommandé d’or-ganiser la mise à l’abri des archives, livres et autres biens culturels mobiliers et de former des conserva-teurs et restaurateurs locaux.

Enfin, le CIC a recommandé de procéder à la col-lecte de données et à l’élaboration d’outils métho-dologiques dans le secteur des industries culturelles. L’artisanat est notamment considéré comme source de création et facteur de développement économi-que, social et culturel. À ce jour, de nombreux dona-teurs ont répondu à l’appel de l’UNESCO en faveur d’Haïti. L’aide matérielle et financière concerne plus particulièrement l’éducation « En revanche, en ce

qui concerne la culture, ce n’est que tout récem-ment que nous avons reçu la première contribution », a précisé Irina Bokova. Il s’agit d’un don d’une ins-titution bouddhiste en République de Corée, visant à soutenir le projet de « Pièces de théâtre dans les camps de déplacés à Port-au-Prince ». Irina Bokova a également rappelé qu’à l’heure actuelle l’Organisa-tion a investi quelque 450.000 dollars de son budget régulier dans des actions relevant du domaine de la culture en Haïti, dont le projet de sauvegarde du Parc national historique dans le nord de l’île qui re-vêt une importance toute symbolique pour le pays. Ce site du patrimoine mondial comprend, en effet, la Citadelle, le palais de Sans Souci et le site fortifié de Ramiers qui remontent au début du XIXème siècle, époque à laquelle Haïti a proclamé son indépen-dance.

Source : UNESCOPRESS 08.07.2010

• L’Acte de l’Indépendance du Parlement haïtien

• Le siège de l’UNESCO à Paris, France

• La séance Haïti à 34ème Session du Patrimoine Mondial (Brasilia, Brésil)

Les dix experts haïtiens et internationaux for-mant le CIC-Haïti : Magali Comeau-Denis (Haïti), Daniel Elie (Haïti), Barbara Prezeau Stephenson (Haïti), Luisa Vicioso Sánchez (République Domini-caine), Ali Radwan (Egypte), Angèle Aguigah (Togo), Richard Kurin (USA), Maria Cecília Londres Fon-seca (Brésil), Yim Dawnhee (République de Corée), Gaël de Guichen (France).

34ème Session du Comité du Patri moine mondialAppuyé par la Convention du Patrimoine Mon-

dial de 1972, le Comité du Patrimoine Mondial de l’UNESCO s’est réuni en sa 34ème Session à Brasilia (Brésil) le 25juillet dernier. Plus de 180 représenta-tions nationales, dont celle d’Haïti, ont participé à cette session.

La session du Comité du Patrimoine Mondial a pour objectif principal d’identifier, sur la base des propositions d’inscription soumises par les Etats par-ties, les biens culturels et naturels de valeur univer-selle exceptionnelle qui doivent être protégés dans le cadre de la Convention du Patrimoine Mondial, et d’inscrire ces biens sur la Liste du patrimoine mon-dial. Le Comité est également chargé de contrôler l’état de conservation des biens inscrits sur la Liste du patrimoine mondial, en liaison avec les Etats par-

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ties et, enfin, de décider si un bien peut être sup-primé ou non de la Liste du patrimoine mondial ;

En sa version 2010, la Session a reçu 41 nouvel-les demandes d’inscription de biens culturels sur la liste du patrimoine mondial. Le Comité a également examiné la situation actuelle du Parc National histo-rique Citadelle, Sans-Souci, Ramiers d’Haïti et a émis d’importantes recommandations à l’Etat-partie, no-tamment en ce qui concerne « les nouveaux pro-jets de développement et d’infrastructure destinés à favoriser l’essor du tourisme (qui) pourraient avoir un effet préjudiciable sur le bien (jugé) vulnérable ».

Nous reproduisons, ci-après, en encadré, le texte intégral de ces recommandations.

La Convention du Patrimoine Mondial fut adop-tée par l’UNESCO lors de sa 17ème session, tenue à Paris en 1972. Haïti a ratifié ladite convention en janvier 1980.

110. Parc national historique – Citadelle, Sans Souci, Ramiers (Haïti) (C 180) Année d’inscription sur la Liste du patrimoine mondial : 1982

Critères : (iv) (vi)

Année(s) d’inscription sur la Liste du patrimoine mondial en péril : Néant

Décisions antérieures du Comité : 06 COM XII.41; 07 COM X.36

Assistance internationale

Montant total accordé au bien : 200 668 dollars EU pour des programmes de conservation et d’urgence

Fonds extrabudgétaires de l’UNESCO : Néant

Missions de suivi antérieures : Septembre 2006 : visite technique du Bureau de l’UNESCO à la Havane.

Facteurs affectant la valeur universelle exceptionnelle du bien

a) absence de Plan de gestion ;

b) absence de Plan de conservation ;

c) dégâts causés par l’eau ;

d) vandalisme ;

e) activités sismiques ;

f) absence de Plan de prévention des risques.

Matériel d’illustration : http://whc.unesco.org/fr/list/180

Problèmes de conservation actuels Le 27 novembre 2009, l’État partie a soumis un rapport sur l’état de conservation à l’occasion de l’“Atelier sur la préparation de l’inventaire rétrospectif et des Déclarations rétrospectives de valeur universelle exception-nelle (des biens inscrits sur la Liste du patrimoine mondial) et introduction au second cycle de soumission de rapports périodiques pour la région Amérique latine et Caraïbes” qui a eu lieu à Buenos Aires, Argentine. Ce rapport faisait état des mesures prises dans le cadre du suivi de la visite technique, en 2006, du Bureau de l’UNESCO à la Havane et soulignait les points préoccupants devant être traités de manière urgente. L’État partie était représenté par le directeur de l’Institut de sauvegarde du patrimoine national (ISPAN). Comme indiqué dans le rapport susmentionné, le Parc National Historique – Citadelle, Sans Souci, Ramiers a souffert d’un certain nombre de problèmes, notamment pressions dues au développement concentrées sur la ville de Milot, extraction de matériaux du site, nombres élevés de visiteurs, vandalisme, déforestation et prolifération de la végétation. Le site est également sévèrement affecté par des catastrophes naturelles sous la forme de séismes, inondations et dégâts provoqués par les ouragans lors de la saison qui court de juin à novembre chaque année. Le 12 janvier 2010, un terrible tremblement de terre a frappé l’État partie et a entraîné des dommages struc-turels sur le bien. Après la Réunion préparatoire pour la création d’un comité de coordination internationale (ICC) pour la sauvegarde de la culture haïtienne le 16 février 2010 qui s’est tenue au siège de l’UNESCO (Paris), des discussions ont été engagées avec le ministère de la Culture d’Haïti, le directeur de l’ISPAN et les organisations consultatives pour identifier les actions urgentes suivantes devant être entreprises sur le site : a) évaluation des dommages et risques structurels, b) mise en oeuvre de travaux de conservation d’urgence, c) finalisation des plans de conservation, de gestion et de prévention des risques. L’État partie prépare une demande d’assistance internationale d’urgence pour le bien du patrimoine mondial et une mission interinstitutionnelle est organisée par le Centre du patrimoine mondial en étroite coopération avec les Organisations consultatives.Projet de décision : 34 COM 7B.110 Le Comité du patrimoine mondial, 1. Ayant examiné le document WHC-10/34.COM/7B.Add, 2. Exprime son profond regret remercie face au désastre causé par le séisme du 12 janvier 2010 en Haïti et l’État partie d’avoir fourni tous les éléments et le soutien nécessaires pour mener à bien la mission d’urgence malgré les difficultés extrêmes rencontrées ;3. Reconnaît et apprécie les efforts de l’Institut de sauvegarde du patrimoine national (ISPAN) pour instaurer une étroite collaboration avec le Centre du patrimoine mondial et les organisations consultatives et son grand engagement envers la sauvegarde du patrimoine culturel haïtien ; 4. Reconnaît également les facteurs clés affectant le bien comme indiqué par le rapport soumis par l’État partie en novembre 2009 ; 5. Reconnaît enfin l’efficace collaboration interinstitutionnelle mise en place entre le gouvernement haïtien, le Centre du patrimoine mondial et les organisations consultatives dans la préparation et réalisation de la mission interinstitutionnelle sur le bien ; 6. Encourage le Centre du patrimoine mondial et les Organisations consultatives à établir un plan d’action et des stratégies technique, institutionnelle et financière pour mettre en oeuvre toutes les actions urgentes identifiées par la mission ; 7. Demande à l’État partie de soumettre au Centre du patrimoine mondial, d’ici le 1er février 2011, un rapport détaillé sur l’état de conservation du bien et les progrès accomplis en termes de planification de la conser-vation, de la gestion et de la prévention des risques, pour examen par le Comité du patrimoine mondial à sa 35e session en 2011.

RECOMMANDATIONS ADOPTEES PAR LA 34eme SESSION DU PATRIMOINE MONDIAL

CONCERNANT LE PARC NATIONAL HISTORIQUE CITADELLE, SANS-SOUCI, RAMIERS, HAITI

Le 29 juillet 2010, à Brasilia, Brésil

Le BULLETIN au NouvellisteLe Service de la Promotion de l’ISPAN remer-

cie vivement le quotidien de la capitale haïtienne Le Nouvelliste qui, dans son numéro du jeudi 29 juillet 2010, a reproduit intégralement l’article intitulé «La formidable artillerie de la Citadelle Henry». Cette publication dans les colonnes du Nouvelliste met en application un accord établi entre la direction du quotidien et la direction générale de l’ISPAN pour la promotion et la vulgarisation de la connaissance des richesses patrimoniales culturelles et historiques d’Haïti.

Nous félicitons la rédaction du Nouvelliste pour cette louable initiative.

Le BULLETIN DE L’ISPAN No 15 a été réalisé par :• Daniel Elie et Philipe Châtelain pour la documenta-

tion et la rédaction des textes; • Daniel Elie pour l’édition et l’infographie;• Pascale René et Guerda Romain, pour la relecture et

les corrections;• Daniel Elie et Karine Rocourt, pour les photogra-

phies.La direction et la distribution du BULLETIN sont

assurées par le Service de la Promotion de l’ISPAN

• L’Assemblée générale du Comité du Patrimoine Mondial à Brasilia, Brésil

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