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1 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ JURASSIENNE DES OFFICIERS N° 25 Février 2009 Editeur: Comité de la Société jurassienne des officiers Rédacteur responsable: Cap Gérard Guenat 1, route d’Alle 2900 Porrentruy Tirage: 1500 exemplaires Prix du numéro: Fr. 15.– Réalisation: DEMOTEC SA Microédition-Imprimerie Fbg Saint-Germain 5a 2900 Porrentruy Administration, publicité et impression: Imprimerie 2000 2900 Porrentruy Tél. 032 466 55 21 Fax 032 466 72 34 Internet: www.military.ch/SCJO Photo page couverture: Au nord de Malleray, la tour de Moron, conçue par Mario Botta et construite par des apprentis. Billet du Président (Col Jean-François Gnaegi) Le «Bulletin» a vingt-cinq ans 3 La SJO a presque cent ans (Col Hervé de Weck) 7 PV AG SJO 2008 13 Défis actuels dans la politique migratoire suisse (Eduard Gnesa) 21 Israël: comment devenir commando parachutiste? (Col Hervé de Weck) 27 Soldat sous haute surveillance (Michel Alberganti) 31 Rostaud, «l’espion oublié au froid» (Cap Gabriel Minder) 35 La «grippe espagnole» a plus tué que la guerre! (Col Hervé de Weck) 39 L'histoire des femmes dans l'armée: une aventure marquante (Lt col Pia Zürcher-Vercelli) 43 A la fin de la guerre d’Algérie, le CICR recherche les prisonniers, les disparus et les morts... (Col Hervé de Weck) 47 Autorités et entreprises suisses face à la guerre du Viêt Nam, 1960-1975 (Major Dimitry Queloz) 55 Pèlerinage dans le Sundgau de la Promotion «Jean de Loisy» de Saint-Cyr (Denis Moine) 59 Reflets 65 A l’occasion du 150 e anniversaire de sa naissance… Virgile Rossel et le fossé (1914-1918) (R.V.) 71 A propos de l’aspirant Flukiger (Spectator) 75 Laurent Boillat, l’artiste de Tramelan, a modelé une statue du général Guisan… (Col Hervé de Weck) 77 Denis Moine: «Au fil du temps – Chronique militaire du Jura et du Jura bernois» (Dominique Dumas) 81 Collection d’armes d’Arsène Plomb à Boncourt (Robert Prongué) 84 Condor reprend son envol avec le «Rafale» (David Joly) 87 Sécurité, défense, histoire militaire – Publications 2005-2008 89 SOMMAIRE

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BULLETIN DE LASOCIÉTÉ JURASSIENNEDES OFFICIERS

N° 25 Février 2009

Editeur:Comité de la Sociétéjurassienne des officiers

Rédacteur responsable:Cap Gérard Guenat1, route d’Alle2900 Porrentruy

Tirage: 1500 exemplaires

Prix du numéro: Fr. 15.–

Réalisation:DEMOTEC SAMicroédition-ImprimerieFbg Saint-Germain 5a2900 Porrentruy

Administration, publicité et impression:Imprimerie 20002900 PorrentruyTél. 032 466 55 21Fax 032 466 72 34

Internet:www.military.ch/SCJO

Photo page couverture:Au nord de Malleray, la tour de Moron, conçuepar Mario Botta et construite par desapprentis.

Billet du Président (Col Jean-François Gnaegi)Le «Bulletin» a vingt-cinq ans 3

La SJO a presque cent ans (Col Hervé de Weck) 7

PV AG SJO 2008 13

Défis actuels dans la politique migratoire suisse (Eduard Gnesa) 21

Israël: comment devenir commando parachutiste?(Col Hervé de Weck) 27

Soldat sous haute surveillance (Michel Alberganti) 31

Rostaud, «l’espion oublié au froid» (Cap Gabriel Minder) 35

La «grippe espagnole» a plus tué que la guerre!(Col Hervé de Weck) 39

L'histoire des femmes dans l'armée: une aventure marquante (Lt col Pia Zürcher-Vercelli) 43

A la fin de la guerre d’Algérie, le CICR rechercheles prisonniers, les disparus et les morts... (Col Hervé de Weck) 47

Autorités et entreprises suisses face à la guerre du Viêt Nam, 1960-1975 (Major Dimitry Queloz) 55

Pèlerinage dans le Sundgau de la Promotion «Jean de Loisy» de Saint-Cyr (Denis Moine) 59

Reflets 65

A l’occasion du 150e anniversaire de sa naissance…Virgile Rossel et le fossé (1914-1918) (R.V.) 71

A propos de l’aspirant Flukiger (Spectator) 75

Laurent Boillat, l’artiste de Tramelan, a modelé une statue du général Guisan… (Col Hervé de Weck) 77

Denis Moine: «Au fil du temps – Chronique militairedu Jura et du Jura bernois» (Dominique Dumas) 81

Collection d’armes d’Arsène Plomb à Boncourt (Robert Prongué) 84

Condor reprend son envol avec le «Rafale» (David Joly) 87

Sécurité, défense, histoire militaire – Publications 2005-2008 89

SOMMAIRE

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Président de la Société suisse des offi-ciers et, surtout, l’exposé d’Edwin Stett-ler, commandant du corps d’armée decampagne 1, consacré à la Défense nationale aujourd’hui et demain. Sesconsidérations mettent en évidence desconstantes dont nous vivons encore au-jourd’hui, ainsi qu’une vision prospec-tive, à une époque où l’articulation desforces, la doctrine, les capacités opéra-tionnelles, l’instruction de la troupe etdes cadres de l’Armée 61 atteignent unapogée.

«L’Helvétie, type 1984, nous apparaîtcomme un chaudron dans lequel cuit unpot-au-feu où l’on jette pêle-mêle la criseéconomique et le spectre robotique, lamalnutrition et l’écologie, l’énergie nu-cléaire et la guerre apocalyptique, l’idéo-logie politique et la religion, le surarme-ment et le pacifisme, l’altruisme au loinet l’égoïsme tout proche, le mouton et leloup, les purs revêtus de lin blanc et lesdémons sulfureux.» Alors que, dans lemême temps, le «poker mondial» neconnaît que la règle du coup fourré etde la stratégie indirecte. L’Europe divi-sée supporte sur son territoire un poten-tiel militaire conventionnel et nucléaired’une densité inconnue jusqu’à ce jour.Dans ce contexte, la Suisse, qui a fait uneffort militaire considérable, «a l’insigneprivilège d’avoir des hommes et des fem-mes à hautes qualités d’instruction sco-laire et de formation professionnelle, ce

Le 24 mars 1984, la Société cantonalejurassienne des officiers tient son assem-blée constitutive à l’ancienne église desjésuites à Porrentruy. Quelque 80 mem-bres (sur les 195 qui figurent sur les listesde contrôle) sont présents, ainsi qu’unevingtaine d’invités, dont Jean-Louis Wern-li et François Lachat, respectivement pré-sidents du Parlement et du Gouverne-ment jurassiens, les conseillers nationauxPierre Etique et Gabriel Theubet, le com-mandant du corps d’armée de campagne 1,Edwin Stettler, le président de la Sociétésuisse des officiers, le colonel RolandBertch.

La Société des officiers d’Ajoie, Vorortdésigné pour la période 1984-1986, achoisi comme premier président le lieu-tenant colonel EMG Jacques Valley, fu-tur commandant du régiment d’infante-rie 9. Le major Charles Socchi, de laSociété des officiers de Delémont etenvirons (futur Vorort), est vice-prési-dent. Le Comité ne comprend que desreprésentants ajoulots et delémontains,puisque la section des Franches-Monta-gnes n’existe pas encore. Dans la fou-lée, il a été décidé de publier, une foispar année, un Bulletin.

Le premier numéro, qui sort en février1985, est entièrement consacré à l’assemblée constitutive. Il reprend l’allocution-programme du Président,les discours des hommes politiques, du

Billet du Président

Notre «Bulletin» a vingt-cinq ans!

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qui lui permet de maintenir, malgré decourtes périodes d’entraînement, unearmée comparable en modernité à cellesdes autres pays industrialisés qui nousentourent.»

Mais Edwin Stettler ne tombe pas dansle panégyrique. Il prend en compte lesproblèmes du moment et ceux qui seprofilent. «L’armée suisse de l’horizon2000 est condamnée, sous peine de per-dre en efficacité, à devenir une armée degrande puissance en format de poche.»Sans doute n’a-t-il pas en tête, tel Zeus,l’Armée 95 et ses faiblesses dues à desplanificateurs qui se croiront infaillibles.Il n’imagine pas les politiques déciderde coupes claires dans les budgets de ladéfense, mais il voit très tôt l’indispen-sable nécessité de réformer l’outil dedéfense et de l’adapter aux conditionsde la fin du XXe siècle.

Au fil des années, le Bulletin reprend lesexposés des personnalités civiles et mi-litaires suisses qui se sont exprimées lorsdes assemblées générales de la Sociétéjurassienne des officiers, entre autres lesconseillers fédéraux Jean-Pascal Dela-muraz (1986), Kaspar Villiger (1991) etAdolf Ogi (1998), les chefs de l’Instruc-tion Roger Mabillard (1985), Rolf Binder (1990) et Jacques Dousse (2003), le chef de l’armée Christophe Keckeis(2007), le président du CICR CornelioSommaruga (1992), Pierre Maurer, ob-servateur de l’OSCE en Albanie (2000),Eduard Gnesa, chef de l’Office fédéraldes migrations (2008). En 1994, le colo-nel français Michel Stouff, sous-chefd’état-major à la Force d’action rapide,évoque l’action des troupes françaisesen Somalie dans le cadre de l’ONU, saprésentation se situant dans la perspec-tive du vote en Suisse sur les Casquesbleus…

Evoquer ces exposés revient à mettre enévidence le but premier d’une sociétéd’officiers, partant de son bulletin:informer les membres, lever un peu duvoile qui cache l’avenir en tenantcompte de la force du passé et de la tradition.

Le Bulletin prête aussi attention auxtechniques en rapport avec la défense,aux problèmes militaires qui concer-nent plus particulièrement le Jura et leJura bernois, que les médias prennentpeu en compte. Dans le souci de per-mettre à ses lecteurs de mieux se situerdans le présent, il accorde une placeimportante à l’histoire militaire du Jura,du Jura bernois et des régions françaisesavoisinantes.

Les cinq premiers numéros étaient desimples sorties «Imprimante» de textessaisis par ordinateur. En 1985, la maisonMimotec à Courtemaîche avait mis gra-cieusement à disposition son systèmeinformatique… Dès 1990, l’entreprisede microédition Demotec effectue lestravaux de pré-presse, l’impression reve-nant à l’Imprimerie 2000.

Le nombre de pages augmente, 36 en1984, 64 en 1989, environ 90 par lasuite. Le Bulletin est envoyé aux mem-bres mais aussi à des privés et à desentreprises dans le Jura, le Jura bernoiset en Suisse romande. Son tirage atteint1500 exemplaires en 2009.

Assurer la continuité d’une telle publi-cation serait impossible sans le soutienfinancier des autorités cantonales et sur-tout des annonceurs, en grande majoritédes entreprises de la région, qui souscri-vent chaque année une quinzaine depages de publicité.

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L’agence qui a réalisé les sites Internetde l’Association suisse d’histoire et desciences militaires et du centre d’his-toire et de prospective militaires, pré-pare le site de la Société jurassienne desofficiers que sera logé dans le portailwww.militariahelvetica.ch. On y trou-vera entre autres des extraits du Bulletinde l’année, les bulletins plus anciens enformat PDF, un index des textes classéspar thèmes et un index des auteurs.

Depuis 1985, deux membres de laSociété jurassienne des officiers, le lieu-tenant-colonel Roger Jermann (1993-1995), qui nous a quittés, et le colonelHervé de Weck, ont assumé la rédac-tion en chef du Bulletin. Au nom des

membres de notre Société et, en géné-ral, des lecteurs, je remercie chaleureu-sement ces deux officiers, ainsi qu’An-dré Trouillat de Demotec, un ancien dela fanfare du régiment d’infanterie 9, lecapitaine Gérard Guenat, notre impri-meur, tous ceux et celles qui, de près oude loin, contribuent à la pérennité duBulletin de la Société jurassienne desofficiers.Le Bulletin SJO, c’est en quelque sortel’image d’une société qui continued’exister. Maintenir sa parution, c’est enassurer la vivacité!

Colonel Jean-François GnaegiPrésident de la Société jurassienne

des officiers

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mont et environs font partie de laSociété cantonale bernoise des officiers.Elles agissent dans l’esprit des associa-tions qui se développent dans le Jurabernois depuis le XIXe siècle. «Pour larecherche, écrit Reynold, on organisaitdes sociétés scientifiques. Elles étaientcantonales d'abord, puis générales. Re-cherche et organisation. Tout ce travail sefaisait en dehors de la politique. Il avaitcet avantage d'apporter à des adversai-res l'occasion de se rencontrer et de col-laborer. Cette trêve des esprits était unbienfait dont nous vivons encore.»

Quand les passions s'exacerbent...

Ces lieux de rencontre n'empêchent pasdes divisions, des tensions politico-religieuses, même au sein des officiers.Les luttes entre les conservateurs (lesnoirs) et les libéraux-radicaux (les rou-ges) définissent la vie politique dans leJura-Nord. A partir de 1830, le climats'alourdit dans la vallée de Delémont,les Franches-Montagnes et l’Ajoie, ré-gions catholiques, à la suite des Articlesde Baden qui marquent la volonté desCantons libéraux de contrôler plusétroitement l'Église catholique. Les for-ces de police étant insignifiantes, le

A la veille de la Première Guerre mon-diale, découvrant le nord du Jura bernois, Gonzague de Reynold a l'impres-sion que ce coin de pays se trouve à l'écart, «comme le cadet de la famille estassis au bas de la table, sur un escabeau,près de la porte au courant d'air (...).» Ce n'est pas dans cet état d'esprit que lesofficiers jurassiens créent en 1984 laSociété cantonale jurassienne des offi-ciers, nouvelle section de la Société suissedes officiers. Ils se présentent à leurscamarades des autres Cantons avec calmeet sérénité, avec le sentiment du devoiraccompli1.

Sous l'uniforme, Ajoulots, Francs-Mon-tagnards et Delémontains se montrentsouvent gouailleurs, mais ils saventmériter la confiance, même celle d'unchef aussi exigeant qu'Henri Guisan,que celui-ci se trouve à la tête dubataillon de fusiliers 24, du régimentd'infanterie 9 ou de l’armée suisse.Depuis 1870, chaque fois que le dangermenace, ils acceptent les privationsqu'entraînent un service actif et la pré-sence dans leur région de troupes char-gées d’assurer la frontière.

Depuis leur création en 1913, la Sociétédes officiers d’Ajoie et celle de Delé-

Près de cent ans d’existence pour la Société jurassienne des officiers

Col Hervé de Weck

1Une première version de cet historique a paru dans la Revue militaire suisse N° 10/1983, pp. 407-411.

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Gouvernement bernois envoie des trou-pes pour rétablir ou maintenir l'ordre.Quarante ans plus tard, pendant le Kul-turkampf, des unités militaires, en-voyées par le Gouvernement radicalbernois, stationnent dans plusieurs loca-lités, la durée de leur séjour variant

entre huit et trente jours. On peut dèslors comprendre que, dans le Jura ber-nois, une partie de l'opinion considèrel'armée comme l'émanation du libéra-lisme et du radicalisme, que certainsofficiers manifestent de fortes réticencesface aux réformes – pourtant nécessai-res – de l'institution militaire. Cette attitude, on la retrouve, lors du votepopulaire sur l'organisation militaire de 1907.

Ces forces centrifuges disparaissent dèsque la Suisse se trouve en danger, mêmesi, pendant la Première Guerre mon-diale, un fossé sépare des Suisses aléma-niques, plutôt germanophiles, et desRomands, plutôt francophiles. Intellec-tuels et politiciens participent avec pas-sion aux polémiques, mais celles-ci tou-chent peu la population qui veut êtredéfendue. Dans le Jura bernois, les rap-ports restent bons entre les autochtoneset les troupes en service, que les soldatsparlent français ou un dialecte aléma-nique. Les problèmes cités dans lesjournaux proviennent d'une coexis-tence prolongée toujours difficile entremilitaires et civils dans des bâtiments,des installations qu'il faut partager, dedégâts aux cultures qu'occasionnent lesexercices de troupes.

En septembre 1934, Delémont devientVorort de la Société cantonale bernoisedes officiers, dont le président est, pen-dant trois ans, le major Henri Farron2.De 1962 à 1965, le flambeau revientdans la région, puisque le capitainePierre Christe 3 devient président canto-

Page de couverture du Bulletin N° 1,février 1985, de la Société cantonalejurassienne des officiers.

2Né en 1891, originaire de Tramelan, maître à l’Ecole professionnelle de Saint-Imier, Henri Farron,officier de milice, s’installe à Delémont en 1930 comme commandant d’arrondissement. En 1934, il préside la Société des officiers de Delémont et environs; il accédera à la présidence du parti libéral-radical jurassien.3Né en 1927, avocat et notaire à Delémont. Député PDC à l’Assemblée constituante jurassienne.Officier de milice dans l’artillerie, il obtient le grade de colonel et termine sa carrière comme chef de l’artillerie de la division de campagne 2. Président de la Société cantonale bernoise des officiers(1962-1965).

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suisse des officiers comme d'«une desinstitutions les plus puissantes du pays».Pendant trop d'années, son inspirationest venue «de l'Ecole de guerre de Ber-lin» et elle a imposé d'une manière dictatoriale «les promotions des cadressupérieurs de l'armée suisse». En 1968,une mise de piquet de troupes dans leJura Nord, décidée à la suite d’attentatscontre des objets militaires et maladroi-tement tenue secrète, provoque la réac-tion d'une trentaine d'officiers juras-siens, qui envoient une lettre ouverte auconseiller fédéral Rudolf Gnägi.

Voilà qui ne manque pas de perturberl'activité et les esprits des officiers d'A-joie et de Delémont qui continuentpourtant à entretenir de bonnes rela-tions avec leurs camarades des districtsde Moutier et de Courtelary. Il en va demême au régiment d’infanterie 9 et à labrigade frontière 3, dont les hommescomme les cadres proviennent de l’en-semble des districts jurassiens.

Création d'une Société cantonale

Le 1er janvier 1979, la République etCanton du Jura entre en souveraineté. Ilfaut laisser le temps aux blessures de sefermer, mais les contradictions entre unpatriotisme cantonal et les sentimentsface au reste de la Suisse tendent à dis-paraître.

Dès avril 1976, la Société des officiersd'Ajoie et celle de Delémont, qui fonttoujours partie de la Société cantonalebernoise, réfléchissent à de nouvellesstructures: il faut réunir les sociétés mili-taires du futur Canton dans une organi-sation faîtière. Le 3 janvier 1979, l'U-nion des sociétés militaires annonce saconstitution aux autorités. Elle coiffe les

nal bernois, à la tête de douze sections,soit environ cinq mille officiers. Avec lerecul, cette période, marquée par lesvotations «atomiques», lui apparaît dif-ficile, car il fallait, «dans des assem-blées populaires, défendre la positionde l'armée contre des gens souvent bienintentionnés, honnêtes, rêveurs, et quipouvaient soutenir des arguments depure démagogie, alors que nous de-vions opposer des raisons politiques ouconstitutionnelles».

Depuis le début des années 1960, lamontée du séparatisme jurassien, desluttes politiques, qui provoquent uneguerre des propagandes et une radicali-sation des attitudes, modifient l'imageque les habitants du Jura Nord se font de l'armée et de la défense nationale.Depuis 1948, les projets successifs deplaces d'armes aux Franches-Monta-gnes et en Ajoie posent problème à descitoyens tout à fait honorables, d'autantplus que les différents camps tendent àtout mélanger, un procédé habituel enpériode de tension! La presse régionalerelaie les thèses du Rassemblementjurassien. Dans son numéro du 17 août1968, Le Jura rapporte que «la Directiondes affaires militaires du Canton deBerne met en évidence le peu d'inclinai-son des Jurassiens à l'égard des carrièresmilitaires (...). Une tentative d'analysedes motifs qui poussent les jeunes Juras-siens à refuser un avancement militaireferait certainement apparaître des mobi-les politiques en relation avec la Ques-tion jurassienne (...). En outre, l'idée quel'armée suisse, qui n'a de milice que lenom, est dirigée par une caste politiquesouvent réactionnaire, n'a aujourd'huiplus guère de raison d'être, rencontre deplus en plus d'adeptes.»

Le 18 avril 1970, Jean Wilhelm, rédac-teur en chef du Pays, parle de la Société

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deux sociétés d'officiers, la Société dessous-officiers d'Ajoie et l'Associationdes fourriers. Tout en respectant leurindépendance, l'Union veut assurer ladéfense des intérêts militaires pendantla mise en place du nouveau Canton etfournir une information objective lorsdes débats relatifs aux problèmes dedéfense. En fait, elle envoie son acte denaissance, mais n'a aucune autre acti-vité! L’indépendance des sociétés-mem-bres, l'inexistence d'une politique mili-taire au niveau cantonal, la nominationsans incident d'une poignée de fonc-tionnaires expliquent cette mort parinanition.

Cet échec retarde le moment où l'onpense à une Société jurassienne des offi-ciers. A la fin du mois de septembre1983, année qui marque le 150e anni-versaire de la Société suisse des offi-ciers, les officiers d’Ajoie et de Delé-mont acceptent les statuts d’une Sociétécantonale. Au printemps 1984, assem-blée constitutive sous la présidence dulieutenant colonel EMG Jacques Valley.Une Société d'officiers se crée aux Franches-Montagnes, et une des sec-tions de district assure le Vorort. Les sections de district, qui conservent unelarge autonomie, assurent l’essentiel desactivités.

Assemblée constitutive de la Société cantonale jurassienne des officiers du 24 mars1984 à l’Aula des jésuites à Porrentruy (1985). De gauche à droite, du premier autroisième rang: div Jean-Pierre Gremaud, col Pierre Paupe, brig Jacques Saucy, capLuc Baehler, maj Jean-Claude Salomon, col Pierre Christe, col Jean Eckert, XXX, majErnest Grossniklaus, maj Georges-André Thaler, maj David Stucki jr, maj Hervé deWeck, maj Roger Jermann.

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Une Société comme les autres…

La situation se normalise, et l’assiduitédes officiers jurassiens baisse… Depuisles années 1990, la Société jurassiennedes officiers fait un effort principal surl’organisation de colloques et la publi-cation d’ouvrages d’histoire militaire.Dans la foulée, elle lance un Bulletinannuel qui connaît un beau succès: plusde mille exemplaires aux membres, àdes entreprises et à des personnalitésdans et à l’extérieur du Canton.

Avec les réformes «95» et «XXI», ladiminution des effectifs de l’armée destrois quarts, la libération des obligationsmilitaires aux environs de trente ans, laSociété jurassienne des officiers seretrouve avec moins de deux centsmembres (deux cent cinquante au débutdes années 1990), dont la moyenned’âge est élevée. L’avenir ne s’annoncepas rose, puisque la République et Can-ton du Jura ne produit pas plus de cinqofficiers par année. On semble s’ache-miner vers une époque de fusion. Avecles officiers du Jura bernois et de Neu-châtel?

H.W.

De 1984 jusqu’au début des années1990, les officiers jurassiens vivent unepériode difficile. Leurs réunions sontsouvent perturbées par des manifesta-tions du groupe séparatiste Bélier. Leconseiller fédéral Jean-Pascal Delamu-raz, venu parler à une assemblée géné-rale à Delémont, en sait quelque chose!Comme Kaspar Villiger, à Porrentruy,qui reçoit des tomates, certaines lancéespar un chef de service de l’administra-tion cantonale… Le brigadier JacquesSaucy, commandant de la brigade fron-tière 3, a le courage de condamner pu-bliquement ces menées anti-démocra-tique, dans une prise de position restéefameuse, intitulée «C’en est trop, ça suf-fit». Les officiers jurassiens se serrent lescoudes, et ils participent nombreux auxactivités: près de la moitié des deuxcents membres, les jeunes et les moinsjeunes, se retrouvent aux assembléesgénérales.

Le fait de se mesurer avec l'obstacle leurfait apprécier le véritable sens de la soli-darité confédérale, du fédéralisme et lesavantages de se trouver sur un pied d'é-galité avec leurs camarades des autresCantons.

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La vie de la SJO

Procès-verbal de l’assemblée 2008

Procès-verbal de la 24e Assemblée gé-nérale ordinaire de la Société juras-sienne des officiers. Miécourt, restau-rant de la Cigogne, samedi 29 mars2008 à 16 h 30.

1. Ouverture de l’Assemblée

Après que la fanfare Le Grütli de Alle aitinterprété La Rauracienne et l’Hymnenational, l’Assemblée rend hommageaux disparus. Depuis l’Assemblée géné-rale 2007, nous avons malheureuse-ment deux disparitions à déplorer ausein de notre société, deux camaradesnous ont quittés, les capitaines Ray-mond Beuchat et Jean-Pierre Terrier.

Le président, le col Jean-François Gnae-gi, ouvre la 24e Assemblée générale ensouhaitant une cordiale bienvenue auxmembres présents et aux invités quinous honorent de leur présence:

– M. le conseiller aux Etats ClaudeHêche;

– M. le conseiller national DominiqueBaettig;

– M. François-Xavier Boillat, présidentdu Parlement jurassien;

– M. le ministre Charles Juillard, chefdu Département des finances, de lajustice et de la police, membre SJO;

– M. Romain Schaer, maire de Mié-court;

– M. Hubert Ackermann, vice-prési-dent de l'Assemblée interjurassienne;

– M. Eduard Gnesa, directeur de l'Of-fice des migrations, orateur du jour;

– Col EMG Hans Schatzmann, nou-veau président de la Société suissedes officiers;

– Col Charles Socchi, chef de l'Officede la sécurité et de la protection etcommandant de l'arrondissement 9b,ancien président, membre d'honneurSJO;

– Div Jean-François Corminbœuf, cdtrég ter 1;

– Div Frédéric Greub, ancien cdt divcamp 2, membre d'honneur SJO;

– Div Dominique Juilland, président del'Association de la Revue militairesuisse;

– Br Michel Chabloz, cdt Foap inf 3/6;– Br Jacques Saucy, ancien cdt br fr 3;– Br Jean-Pierre Weber, ancien cdt br

fr 3;– Col EMG Pierre Paupe, ancien prési-

dent, membre d'honneur SJO;– Col EMG Jean-Pierre Guélat, cdt

place d'armes de Bure;– Col EMG Michel Thiébaud, ancien

cdt place d'armes de Bure et ancienprésident de la Fédération jurassienne de tir;

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– Col Hervé de Weck, ancien rédacteurde la Revue militaire suisse, membred'honneur SJO;

– Maj Béat Leuenberger, ancien prési-dent, membre d’honneur SJO;

– Cap Christophe Chollet, président dela Société neuchâteloise des officiers;

– Of spéc Bertrand Mollier, représen-tant l'Association des sous-officiers deReconvilier;

– Cap. Eddy Comastri, représentant del'Association romande des fourriers;

Se sont excusés:

– Mme Anne Seydoux, conseillère auxEtats;

– Br Daniel Berger, cdt br bl 1;– Br Martin Chevallaz, cdt br inf 2;– M. Henri-Joseph Theubet, comman-

dant de la Police cantonale juras-sienne;

– Col EMG Benoît Fragnières, présidentde la Société fribourgeoise des offi-ciers;

– Col EMG Jacques Valley, ancien pré-sident, membre d'honneur SJO;

– Col André Bacon, ancien président,membre d'honneur SJO;

– Col Romain Seuret, cdt EM cant, li terJU;

– Lt col EMG Norberto Birchler, prési-dent de la Société militaire du Cantonde Genève;

– Lt col Vincent Piguet, président de laSociété vaudoise des officiers;

– Lt col Jean-Paul Grünenwald, prési-dent de l'assurance accident des so-ciétés de tir, membre d'honneur SJO;

– M. Jacques-Olivier Riche, présidentdes Artilleurs d'Ajoie;

– M. Yves Domont, président de l’Asso-ciation des sous-officiers d’Ajoie;

– 32 membres SJO.

L’ordre du jour est accepté sans opposi-tion.

2. Nomination des scrutateurs

Les majors Dimitry Queloz et DamienScheder sont désignés comme scruta-teurs.

3. Approbation du PV de l’AG SJO2007

Le PV, publié dans le Bulletin SCJON° 24, est accepté sans remarque niquestion. Son auteur est remercié.

4. Rapport du Président

L'année dernière, le Président constataitque le nombre de membres avait passéde 235 en 2005 (moment de la fusion) à173. La courbe de l'hémorragie s'estheureusement atténuée, puisque la SJOcompte 167 membres à la date de l’AG2008. Malheureusement, aucun nou-veau membre n'a adhéré à la SJO en2007, malgré les sollicitations. Les jeu-nes sont accaparés par leur avenir pro-fessionnel et d'innombrables possibili-tés de loisirs. Nos sociétés militairesdoivent donc être très attractives, et iln'est pas simple d'établir un programmealliant animations traditionnelles (tirs aupistolet, tirs de combat, pique-niquefamilial, apéritif de fin d'année) et desdécouvertes, comme celle du Centre derecrutement de Lausanne, intéressanteet instructive. L'organisation mise enplace à Lausanne permet d'orienter cha-que conscrit selon ses aptitudes et sessouhaits de carrière. Un grand merci aucol Bernard Probst, commandant duCentre de recrutement, qui nous a pré-senté son bébé avec une fierté légitime.

Une solution pour augmenter la palettedes activités pourrait être la collabora-

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– Au fil du temps, Chronique militaire duJura et du Jura bernois (1318-2003) deDenis Moine, qui sortira en septembre2008, avec le partenariat des EditionsD+P S.A. à Delémont.

– Défense et fortification des Rangiers,en automne 2010.

– Jura et Jura bernois – Aviation et guerreaérienne en 2013, pour marquer le 100e

anniversaire de la création de la Sociétédes officiers d’Ajoie et de la Société desofficiers de Delémont et environs, tou-tes deux fondatrices, en 1984, de la Société jurassienne des officiers.

En Suisse, l'année 2007 a été marquéepar le débat sur la conservation de l'ar-me personnelle à domicile. Des événe-ments tragiques, durant lesquels unearme d'ordonnance a été utilisée, ontalimenté le débat et ont été instrumenta-lisés par les opposants à notre armée. LeDépartement de la défense a fait un pre-mier pas dans leur direction en retirantla munition de poche qui était confiéeaux soldats. Le pas suivant consistera àfaire déposer l'arme à l'arsenal à la finde chaque période de service, ce quiaura pour conséquence, à terme, la sup-pression du tir obligatoire, la mort debeaucoup de sociétés de tir, la ferme-ture de nombreux stands. Et pourtantnotre armée a besoin d'un ancrage populaire et du soutien de tous ceux –ils sont très nombreux – qui pratiquentle tir!

Les opposants à l’armée vont poursuivreleur travail de destruction par desactions échelonnées dans le temps. Lepeuple a montré son attachement à uneaviation et à une armée crédible en re-fusant très nettement, à la double majo-rité, l'initiative sur le bruit des avions.

tion avec d'autres sociétés d'officiers oude sous-officiers. L'union fait la force,cette voie vaut donc la peine d'êtreexplorée.

Pour régler les affaires courantes etorganiser les différentes manifestations,le Comité s'est réuni à cinq reprises. Il aprocédé au tri des archives des sociétésde district et de la SJO. Ces documentsseront désormais déposés aux Archivescantonales à Porrentruy.

Le Président remercie très sincèrementtous les membres du Comité qui le se-condent efficacement dans la conduitede la SJO.

Le Bulletin SJO, tiré à 1300 exemplaires,est distribué aux membres SJO ainsiqu'à plus de mille personnalités poli-tiques et militaires du Canton et de Suis-se romande. L’édition 2008 est une nou-velle fois d'excellente qualité, grâce autravail du rédacteur responsable, le colHervé de Weck, de son éditeur, le capGérard Guenat, au soutien financier dela République et Canton du Jura et àcelui de nombreuses entreprises.

Le Président annonce le colloque Plani-fication de la défense dans l'Armée 61, le17 octobre 2008, organisé à Berne parl'Association suisse d'histoire et desciences militaires, ainsi que le collo-que franco-suisse Des grandes heures àla disparition, Lucelle, une abbaye cister-cienne transfrontalière au XVIIIe siècle,organisé par le Centre européen de ren-contres à Lucelle le 25 octobre.

La SJO s'est forgée une image d'excel-lence grâce à la publication de plusieursouvrages. Elle a mis ou mettra en chantier:

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Espérons que le même sort sera réservéà l'initiative sur la conservation del'arme à domicile et sur des objetscomme la suppression de l'obligationde servir et le renouvellement des chasseurs Tiger F5, objets qui serontvraisemblablement soumis au verdictpopulaire.

La SJO continuera de défendre avecénergie notre armée et son système demilice, car elle est persuadée qu'elle esttoujours un outil très adapté pour ré-pondre aux besoins de sécurité du pays.

La Société suisse des officiers a fait del'excellent travail sous l'égide de sonancien président, le col EMG MicheleMoor. Très présente dans tous les débatssur l'armée, elle a défendu sa vision deschoses en tenant compte des exigencesdu système de milice qu'elle soutientavec fermeté. Elle a un long passé – 175ans – dernière elle. Avec son nouveauprésident, le col EMG Hans Schatz-mann, elle continuera de travailler dansle même esprit, avec sa sensibilité et saperception de l'avenir. Michele Moor aété l'acteur d'un certain renouveau,d'une réconciliation entre Alémaniqueset Latins. Hans Schatzmann suivra lechemin de la continuité et du renforce-ment de la cohésion entre les officiersdes différentes régions du pays.

Démissions

– Maj Antoine Perrey– Maj Maurice Raboud– Maj Théo Voelke– Cap Hubert Comment– Lt Christoph Pamberg

Promotions au 1.1.2008

– Cap Frédéric Péchin, major, cdt cplog inf 19;

– Cap Manuel Piquerez, major, TM2auditeur;

– Cap Edouard Vifian, major, EM batinf 19, cdt remplaçant;

– Plt Till Saxer, capitaine, EM batexplo 7, médecin;

– Plt Eddy Comastri, capitaine;– Lt Mathieu Vermeille, premier-

lieutenant, cp EM expl 2, médecin;– Sgt chef Florian Boeckle, lieute-

nant des Forces aériennes.

Différentes mutations touchent 13officiers du grade de premier-lieute-nant à celui de colonel.

Sont libérés de leurs obligations mili-taires:

– Maj Pierre-Alain Lachat;– Plt Frédéric Scheurer;– Plt Patrick Tarricone.

5. Présentation des comptes 2007

Les comptes 2007 sont présentés par lelt-col Jean-François Bertholet.

ProduitsCotisations encaissées 5470.—Subvention cantonale 3000.—Bulletin SJO – 82.10Produits divers 546.45Total produits 8934.35

ChargesAssemblée générale 3496.40Cotisation RMS 600.—Cotisation SSO 1600.—Prix SJO 1000.—Coût des activités 957.22Frais administratifs 173.50Perte sur débiteurs 200.—Total charges 10180.88

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6. Rapport des vérificateurs des comptes

Le cap Eddy Comastri, vérificateur descomptes avec Laurence Boillat, donnelecture du rapport qui met en évidencela bonne tenue de la comptabilité et enpropose l’acceptation avec décharge aucaissier.

7. Approbation des rapports

Les rapports du Président et du Caissiersont acceptés à l’unanimité.

8. Cotisation 2008

La cotisation annuelle pour l’année2008 est maintenue à 50 francs, dont 15vont au Bulletin SJO et 10 à la Sociétésuisse des officiers.

9. Budget 2008

Le budget 2008 est présenté par le lt-colJean-François Bertholet.

ProduitsCotisations 5400.—Subvention cantonale 3000.—Bulletin SJO 500.—Produits divers 500.—Total produits 9400.—

ChargesAssemblée générale 3000.—Cotisation RMS 600.—Cotisation SSO 1600.—Prix SJOCoût des activités 2000.—Frais administratifs 2200.—Total charges 9400.—

Le budget, équilibré, est accepté à l’unanimité.

Perte exercice 1246.53

Bilan au 31.12.2007

DisponibleCaisse —.—CCP 17-50861-0 11084.58UBS 226-39399962.0 14205.71UBS 226-39399962.1 (votations) 3203.80Total disponible 28494.09

Réalisable c/m termeDébiteurs cotisations 840.—Débiteurs Bulletin 1440.—Impôt anticipé 93.20Total réalisable 2373.20

Compte de régulationActifs transitoiresTotal actif 30867.29

PassifCréanciers 673.45Compte de régulationPassifs transitoires 1153.35Fonds propresCapital 30287.02Perte de l’exercice – 1246.53Total fonds propres 29040.49Total passif 30867.29

Fonds Publications (hors bilan) au 31.12.2007Capital initial 16546.80Ventes de l’année 921.85Achat livre Queloz – 1500.—Intérêts bancaires 59.—Frais 10.—

Total fonds 16017.65Impôt anticipé 56.85

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10. Election du Comité SJO

Selon l'article 13 des statuts adoptés le 9 avril 2005, «les membres du Comitésont nommés pour une période de troisans et sont immédiatement rééligibles àl'exception du Président». Le col Jean-François Gnaegi devrait par conséquentremettre mon mandat. Faute d'avoirtrouvé un successeur, il accepte, entransgression des statuts, de demeurerPrésident durant encore deux ans. Ilremettra définitivement son mandat, auplus tard lors de l'Assemblée généralede 2010. Il propose de ne pas procéderà une modification des statuts, car cetteentorse devrait rester une exception.L’Assemblée accepte à l’unanimité saproposition.

Le plt Marcel Trummer, membre duComité depuis la fondation de la Sectiondes Franches-Montagnes il y a vingt-et-un ans, a souhaité être remplacé. Le ltcol Olivier Jacot-Guillarmod souhaiteégalement quitter le Comité, à la suitede son déplacement de Bure à Cham-blon. Le Président remercie chaleureu-sement ces deux membres qui ont œu-vré avec un grand engagement pour la

SJO. Pour combler ces départs, le majorBernard Donzé, ancien officier de répa-ration au bataillon du génie 2 et au régi-ment d’infanterie 9, est prêt à entrer au Comité, il est élu par acclamation,comme les autres membres qui se représentent.

11. Activités SJO 2008

Les activités, dont la liste a été envoyéeà chaque membre, sont présentées etcommentées par le Président. Il sou-haite une bonne participation et se ditouvert à toutes les propositions desmembres de la Société.

12. Divers

Avec les documents de l'Assembléegénérale était jointe une invitation àparticiper à la soirée de gala des offi-ciers romands. Cette manifestation,dont les bénéfices iront à la FondationSwisscor et au Swiss Disabled SailingTeam, mérite d'être soutenue. Le Prési-dent souhaite que les officiers jurassiensoccupent au moins une table de huitpersonnes.

Composition du Comité SJO

Président col Jean-François GnaegiVice-président vacantSecrétaire plt Patrice WannierCaissier lt col Jean-François BertholetResponsable des publications col Hervé de WeckAssesseurs Ajoie maj Edouard Vifian

plt Johann PerrinAssesseurs Delémont maj Fabien Kohler

plt Pascal DocourtAssesseurs Franches-Montagnes maj Bernard Donzé

maj Dimitry Queloz

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ciers de Reconvilier, transmet le salutamical de son Association. Il faut déve-lopper synergies et collaborations, ensauvegardant les spécificités de chaqueassociation.

Le Président annonce la fin de la 24e

Assemblée générale de la SJO au minis-tre Charles Juillard.

Eduard Gnesa, directeur de l'Officefédéral des migrations, présente ensuiteles Défis actuels dans la politique mi-gratoire, un exposé qui, visiblement,passionne les personnes présentes (voirle texte à la page 21). Il traite avecdoigté et sans langue de bois un thèmedélicat, car on touche à la détressehumaine qui est toujours le résultat deconflits nationaux ou internationaux,également de la grande inégalité du partage des richesses. Dans la conduited’une politique réaliste des migrations,il faut mettre de côté sa sensibilité pourintroduire des mesures concrètes trèssouvent décriées par les médias et lesbonnes âmes.

Pendant l'apéritif offert par la Communede Miécourt, message du maire, Ro-main Schaer.

Comité SJO

Le ministre Charles Juillard, chef du Dé-partement des finances, de la justice etde la police, chargé des affaires militai-res, prend la parole pour apporter sonmessage et celui des autorités cantona-les. Il donne quelques informations: laconférence latine des chefs de départe-ment de la sécurité a été réactivée, Burerestera la plus grande place d’armes dupays, la Protection civile jurassienne,réorganisée, comptera 150 hommespour les interventions. Il en profite pourremercier, le divisionnaire Corminbœufqui a mis des moyens militaires à dispo-sition du Canton lors des inondationsd’août 2007. Avec l’Armée XXI, la SJO,si elle veut survivre, devra explorer despistes nouvelles, les collaborations nesuffisent plus…

Le col EMG Hans Schatzmann, fait dansle Jura sa première visite en tant queprésident de la Société suisse des offi-ciers; il se dit impressionné par les acti-vités de publication de la SJO et fait partde sa volonté de maintenir au sein de laSSO une bonne cohésion et un esprit de collaboration entre officiers alémani-ques, romands et italophones. Sa prio-rité, c’est le renforcement de la milicedans l’Armée XXI.

L’officier spécialiste Bertrand Mollier,représentant l'Association des sous-offi-

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– La prospérité.– L'économie suisse abesoin des travailleurs étrangers.– La solidarité.– Nous sommes fiers denotre tradition humanitaire! Les persé-cutés trouvent une place en Suisse.– La sécurité.– Les populations suisses etétrangères doivent vivre en sécurité.Celle-ci est garantie par une meilleureintégration et par la lutte contre lesabus.

I. Intégration

1. Encourager et exiger

Le Conseil fédéral estime qu'une inté-gration réussie des étrangers constitue labase d'une politique migratoire efficace.L'intégration a pour objectif d'instaurerl'égalité des chances et d'encourager laparticipation des étrangers. Les person-nes étrangères, résidant de manièrelégale et durable en Suisse, doivent pou-voir participer à la vie économique etsociale au même titre que les citoyenssuisses.

En 2006, le peuple suisse et tous les Can-tons ont approuvé la nouvelle loi sur lesétrangers et la révision de la loi sur l'asile.Où en sommes-nous aujourd'hui? J'aime-rais dresser un état des lieux et mettre enévidence le plus grand défi à relever, l'in-tégration des étrangers, qui est dans l'in-térêt aussi bien de l'Etat que de la sociétéet des employeurs. Je me prononceraibrièvement sur l'accord sur la libre circu-lation des personnes avec l'Union euro-péenne.

J'aimerais relever que, depuis desannées, la politique migratoire est aucentre des discussions en Suisse. Pourles uns, il faut limiter l'immigration,avec 21%, nous avons assez d'étran-gers, beaucoup d'entre eux ne sont pasintégrés. Il y a trop de criminalité et desabus, etc. Pour les autres, la populationétrangère enrichit notre vie nationale,c'est aussi un bien pour l'économie. Lapolitique actuelle est trop dure, il fautune meilleure intégration, l'Etat doittout payer. Comment le Conseil fédéralréagit-il face à ces avis très divergents?Sa politique est basée sur trois valeurs:

Exposé présenté à l’Assemblée générale 2008 de la SJOle 29 mars 2008

Défis actuels dans lapolitique migratoiresuisse

Eduard Gnesa1

11991-1997, conseiller scientifique du conseiller fédéral Arnold Koller au Secrétariat général du DFJP(migrations, question jurassienne). 1997-2001, premier secrétaire général suppléant du DFJP.Depuis 2001, directeur de l'Office fédéral de l'immigration, de l'intégration et de l'émigration,dénommé depuis 2005 Office fédéral des migrations.

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L'intégration est un processus auquelparticipent, non seulement les ressortis-sants étrangers, mais aussi la populationsuisse. Une certaine ouverture de la partdes citoyens et une disposition à la reconnaissance sont indispensables.Quant aux immigrés, ils doivent s'effor-cer de s'intégrer, de respecter nos règleset nos lois. L'objectif est de favoriserune coexistence pacifique de toutes lespersonnes vivant en Suisse, sur la basedes valeurs de la Constitution fédérale,dans le respect mutuel et la tolérance.

L’intégration des étrangers peut êtrequalifiée de réussie, lorsque les valeursstatistiques enregistrées dans les diffé-rents domaines d’intégration sont com-parables à celles relatives aux Suissesd’âge, de sexe, de situation sociale etéconomique, de statut familial et de for-mation professionnelle comparables. Sil’on en juge par le nombre relativementélevé d’étrangers dans notre pays, leurintégration peut, à ce jour, être qualifiéede bonne en comparaison avec d’autresEtats. Cette appréciation résume le rap-port fouillé sur l'intégration des ressor-tissants étrangers, sur les causes des pro-blèmes rencontrés et sur les groupes àrisques, publié en 2006 par l'Office fé-déral des migrations. Même en compa-raison avec d'autres pays comme l'Alle-magne, la France et la Grande-Bretagne,nous faisons bonne figure en matièred'intégration des étrangers.

Au-delà de ce bilan positif, nous avonsrelevé un certain nombre de déficiencesen matière d'intégration. Les problèmesd'intégration des étrangers se situentavant tout aux niveaux de la langue, dela formation et du travail. Un étrangersur quinze ne parle aucune de nos lan-gues nationales, ni sur son lieu de travailni pendant ses loisirs. Or, la langue est

l'élément clé d'une bonne intégrationdans le monde de la formation et du tra-vail. Un tiers de la population activeétrangère ne bénéficie d'aucune forma-tion postobligatoire. A titre de compa-raison, cette proportion n'est que de10% parmi les Suisses. La formationprofessionnelle joue pourtant un rôlecapital face aux exigences sans cessecroissantes du marché du travail. Cha-que année, jusqu'à 3000 jeunes étran-gers n'ont pas accès à une formationprofessionnelle ordinaire. Le taux dechômage des jeunes est pratiquementtrois fois plus élevé chez les étrangersque chez les Suisses. La délinquance estégalement trois fois plus importantechez les jeunes étrangers que chez lesSuisses du même âge.

Le travail est un facteur d'intégrationparticulièrement important, car notresociété repose sur le travail. Quand descatégories entières de personnes sontexclues de la vie active, c'est l'Etat et lasociété dans son ensemble qui en souf-frent. Les assurances sociales sont éga-lement affectées par cette situation. Etce sont les jeunes ayant des emploisprécaires qui risquent le plus de fairedes bêtises.

3. Mesures prévues par la nouvelleloi sur les étrangers (LEtr)

Un domaine important est, bien sûr, laréglementation de l'admission de lamain-d’œuvre étrangère. La Suisse ap-plique un système binaire. Grâce à l'accord sur la libre circulation des per-sonnes, les patrons suisses peuvent au-jourd'hui embaucher librement des tra-vailleurs issus des pays de l'UE et del'AELE. Jusqu'à présent, on constate queles travailleurs européens, venus chez

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mesures les unes avec les autres et à lesintégrer dans un concept d'ensemble.L'Office fédéral des migrations assurecette tâche de coordination.

4. Mesures d'intégration décidéespar la Confédération

Dans le Rapport sur l'intégration de2006, nous avons identifié les princi-paux problèmes, la langue, la formationet le travail. Sur la base de ce constat, leConseil fédéral a chargé les départe-ments et les offices de prendre les mesu-res qui s'imposent dans leurs domainesde compétences respectifs. Une sommed’environ 100 millions de francs leur estconsacrée. Un montant supplémentaired’environ 2,6 millions par an seraalloué dès 2009 aux trois nouvellesmesures. Le Conseil fédéral a adopté cepaquet le 22 août 2007.

Parmi les quarante-cinq mesures setrouvent des projets d'amélioration dela sécurité publique ainsi que des mesu-res touchant au sport, à la santé, aulogement, au développement territorial,à la statistique et à la lutte contre leracisme. Nous mettons bien sûr l'accentprincipal sur la langue, la formation etle travail, là où nous constatons les défi-cits les plus criants.

Les mesures reposent sur deux appro-ches, l'amélioration des ressources despersonnes concernées et la réductiondes disparités.

Nous cherchons à améliorer les ressour-ces des personnes concernées, notam-ment en encourageant l'acquisition deconnaissances linguistiques et les quali-fications professionnelles, ainsi qu'enrenforçant la motivation, entre autrespar des possibilités de reconnaissanceet de rattrapage de certaines formations.

nous à la faveur de la libre circulationdes personnes, possèdent pour la plu-part de bonnes, voire de très bonnesqualifications. Les experts estiment quela croissance économique observée cesdernières années a été rendue possibleen grande partie grâce à la libre circula-tion des personnes. Des personnes bienqualifiées de provenance non euro-péenne sont également admises ennombre limité. On sait d'expérienceque les personnes qualifiées s'intègrentplus vite et mieux que celles qui le sontmoins.

Dans l'intérêt d'une scolarisation pré-coce, les parents doivent faire venir dé-sormais leurs enfants de l'étranger dansun délai de cinq ans après leur arrivéeen Suisse et d'un an pour les enfants àpartir de douze ans.

En cas d'intégration réussie, le permisd'établissement peut être octroyé aubout de cinq ans au lieu de dix. Il garan-tit une situation juridique favorable enSuisse, comparable à l'accord sur lalibre circulation des personnes.

Avec les conventions d'intégration, lesCantons peuvent définir clairement, sur-tout au niveau des groupes à risques, lesdroits et les devoirs des ressortissantsétrangers, par exemple en matière decours de langues, et tirer un bilan auterme d'une année. Si les étrangersconcernés ne respectent pas ces con-ventions, leur autorisation de séjourpeut ne pas être renouvelée.

Dans de nombreux domaines, il existedéjà des mesures d'intégration qui ontété mises en œuvre depuis longtemps,par les acteurs publics permanents, auxniveaux communal, cantonal ou natio-nal, aussi bien que par des organisationsprivées. L'enjeu consiste maintenant àfaire jouer encore mieux ces diverses

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Au chapitre de l'amélioration des res-sources, nous mettons prioritairementl'accent sur la promotion des langues.Les connaissances linguistiques (projetsurbains, case management, monitoring)sont pour les jeunes la condition sinequa non de leur scolarisation ou de leurformation professionnelle, et les adultesen ont besoin pour pouvoir s'affirmersur le marché du travail.

Il va sans dire que les étrangers portenteux-mêmes une grande part de respon-sabilité dans l'amélioration de leurs res-sources. C’est un principe inscrit dansla nouvelle loi sur les étrangers. Pourréussir l'intégration, les étrangers vivanten Suisse doivent s'adapter aux règles etaux usages en vigueur dans notre payset apprendre une langue nationale. Onpeut désormais faire de cet apprentis-sage une exigence fixée par écrit dansles conventions d'intégration.

Les mesures destinées à l'insertion pro-fessionnelle des réfugiés ou des person-nes admises à titre provisoire sont aussiimportantes. Elles sont connues sous lenom «d'apprentissages pour les réfu-giés». Ces dernières années, environ unquart des réfugiés reconnus et en âge detravailler, avaient un emploi. C'est déci-dément trop peu lorsqu'on pense que laConfédération verse pour cette catégo-rie de personnes quelque 55 millionsde francs par année au titre de l'assis-tance.

Depuis 2006, nous menons trois pro-jets-pilotes dans lesquels une cinquan-taine de réfugiés peuvent s'initier à unmétier, par exemple dans le domainede l'hôtellerie ou comme magasinier.Cela nous a permis de récolter beau-coup d'expériences précieuses et positi-ves que nous avons déjà intégrées dans

le paquet de mesures. Nous pouvonsêtre reconnaissants aux employeurs deleur développement ultérieur.

En collaboration avec les cantons et lescommunes, la Confédération fait déjàbeaucoup de choses pour faciliter l'in-sertion des ressortissants étrangers dansle monde du travail. Grâce au nouveautrain de mesures, nous allons encoreintensifier et mieux harmoniser cesefforts.

II. Accord sur la libre circulation,reconduction après 2009 et extension à la Bulgarie et à la Roumanie

Depuis l'entrée en vigueur de l'accordle 1er juin 2002, la libre circulation despersonnes a eu les effets positifs escomp-tés: l'immigration a évolué de manièrecontrôlée et conformément aux besoinsde l'économie. Aucun effet négatif n'aété constaté sur l'évolution des salaireset sur le taux de chômage. Les condi-tions de salaire et de travail en Suissesont respectées dans la grande majoritédes cas. Sur le plan qualitatif, l'immi-gration touche les travailleurs moyenne-ment à hautement qualifiés. En ce quiconcerne l'accord sur la libre circula-tion (ALC), deux décisions sont actuel-lement en suspens:

– La décision relative à la reconductionaprès 2009. L'accord a été conclu dansle paquet des Bilatérales I pour unedurée initiale de sept ans, soit jusqu'au31 mai 2009. Il sera prolongé pour unedurée indéterminée si l'UE et la Suissene prennent pas de décision contraireet en informent l'autre partie dans lesdélais fixés, soit avant le 31 mai 2009.

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d'un régime transitoire adéquat devantfaire l'objet de négociations. Comme cefut le cas pour l'UE-15 et les Etats d'Eu-rope de l'Est ayant adhéré en 2004, l'in-troduction de la libre circulation despersonnes doit également se faire defaçon progressive et contrôlée pour laRoumanie et la Bulgarie. Les négocia-tions portent notamment sur le délai demaintien des restrictions en matièred'accès au marché du travail (principede la priorité nationale, contrôle préala-ble des conditions de travail et desalaire et contingents) ainsi que sur l'im-portance des contingents. Un délaitransitoire de sept ans est prévu.

Le Conseil des Etats a décidé en avril2008, le Conseil National en juin de lamême année sur ces deux sujets.

E.G.

Du côté suisse, l'Assemblée fédéraledoit décider de la reconduction de l'ac-cord par arrêté fédéral susceptible d'êtresoumis au référendum facultatif. Si laSuisse rejette la reconduction de l'ALC,les autres accords des Bilatérales I se-ront automatiquement annulés, six moisaprès transmission de la notificationcorrespondante à l'UE. La raison en estla «clause-guillotine» qui lie juridi-quement entre eux les accords des Bilatérales I.

– La décision relative à l'extention del'ALC à la Bulgarie et à la Roumanie.Avec l'adhésion à l'UE de la Bulgarie etde la Roumanie, le 1er janvier 2007, sepose pour la Suisse la question d'uneextension de l'ALC à ces deux Etats.Alors que les autres accords bilatérauxont été automatiquement étendus auxnouveaux Etats de l'UE, l'ALC est assorti

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Septembre 2000, les perspectives de paixentre Israéliens et Palestiniens s’effon-drent, le Proche-Orient s’enfonce dans unnouveau cycle de violence. Les attentats-suicides se multiplient en Israël, tandisqu’en France des synagogues brûlent.Noam Ohana, un juif français dont lesancêtres viennent du Maroc, a terminéSciences Po et est parti se perfectionner àla prestigieuse Université de Stanford auxEtats-Unis. Une carrière très confortablel’attend1…

Les événements en Israël et en France,surtout les réactions pro-palestiniennesdes médias, le poussent à partir pourJérusalem. Contre l’avis de sa famille etde son amie, il demande à être recrutédans les troupes d’élite de Tsahal. Pour yentrer, il faut d’abord se faire accepterlors du Gibush (recrutement) par lesexaminateurs, des officiers de réservequi ont servi dans ces formations, ensui-te ne pas se faire renvoyer pendant lesdeux phases d’instruction qui s’étendentsur une année et demie. Les performan-ces et l’attitude de Noam Ohana finis-sent par convaincre les officiers de recrutement d’abord réticents. Le voilà candidat à l’incorporation dans la Sayeret Tzanhanim (commando para-chutiste).

La recrue fait d’abord pendant troismois son école de soldat avec des

Israël: comment devenir commando parachutiste?

Col Hervé de Weck

«En Israël, pas de grandes écoles, pasd’Ecole polytechnique, pas d’Ecolenationale d’administration. La sociétéisraélienne sélectionne ses élites à dix-huit ans et, en quelques jours seule-ment. Car les heureux élus, une foisachevé leur service, non contents d'a-voir formé l'élite militaire, formerontaussi l'élite sociale du pays. Hommesd'Etat, grands chefs d'entreprise, pres-que tous, dans l'Israël d'aujourd'hui,sont passés par là, se sont connus du-rant leur carrière militaire, et beau-coup ont combattu côte à côte. L’an-cien premier ministre de droite etactuel chef de l'opposition, BenyaminNetanyahou, a servi sous les ordresd'Ehud Barak, ancien premier ministretravailliste aujourd'hui ministre de laDéfense. Shaul Mofaz, ancien chef del'Etat-major, ancien ministre de la Dé-fense et actuel vice-premier ministre,connaît bien Matan Vïlnaï, ancien gé-néral et ministre travailliste pour avoirété sous ses ordres dans l'une des uni-tés que j'aspire à rejoindre [la SayeretTzanhanim]. Dans les milieux d'affai-res et notamment dans la high-tech, lenombre d'exemples semblables estimpressionnant.»

1Ohana, Noam: Journal de guerre. De Sciences Po aux unités d’élite de Tsahal. Paris, Denoël, 2007.249 pp.

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camarades de l’armée régulière, puis leMasloul (le chemin) réservé aux futurscombattants de la Sayeret. Pendant cettephase, il doit s’intégrer dans son groupe,aider les autres et compter sur eux, laseule possibilité de faire face et de sup-porter les conditions infernales crééespar les instructeurs. A certains moments,on lui demande de noter ses camaradeset, si une de ses appréciations est tropdifférente de celle des autres, il est ren-voyé… Ces jeunes hommes n’ont ja-mais connaissance de l’ordre du jour,de la durée des engagements. Lorsqu’ilsarrivent épuisés au camp, il y a de fortsrisques qu’on leur réserve des festivitésinattendues. Une nuit, le groupe deNoam Ohana est alarmé à trois reprisespour des marches forcées… Les instruc-teurs se trouvent toujours devant et dic-tent le rythme.

La période «Nivoutim» (navigation) estcentrée sur l’orientation dans le terrainde groupes de deux hommes. Avantchaque mouvement dans le terrain, lebinôme segmente l’itinéraire sur la carteen se fixant des repaires clairementidentifiables qu’il doit mémoriser à laperfection, car il va être interrogé par lesinstructeurs pendant trente à quaranteminutes, avant de partir sans carte…Après maints exercices, on ne reçoitplus de carte topographique mais desphotos aériennes ou des photos-satelli-tes. C’est une difficulté supplémentairecar, sur ces dernières, on voit jusqu’aumoindre buisson. Il faut mémoriser un nombre de détails beaucoup plusimportant, d’autant plus que les objec-tifs sont bien plus difficiles à trouver!

Les premiers arrivés à l’objectif finalpeuvent dormir plus longtemps et ilsseront plus frais le lendemain, lorsqu’ilsrepartiront pour un exercice similaire.Les derniers arrivés auront plus de mal à

mémoriser le nouvel itinéraire, ce quiaggravera le risque qu’ils se perdent.L’apothéose de cette phase, c’est la na-vigation en solitaire. «Rares sont les uni-tés dans le monde dont les membrespeuvent naviguer seuls, de nuit, sans carte,sur des distances dépassant allègrementles trente kilomètres, les épaules char-gées de sacs pouvant peser jusqu’auxdeux tiers du poids du soldat.»

La période «Anti-terrorisme – combaten zone bâtie – maniement des armes»prépare aux engagements dans les terri-toires palestiniens dans lesquels il fau-dra intercepter des terroristes et des can-didats aux attentats-suicides.

Les différentes phases d’instruction,un enfer!

«Le Gibush vise à déceler chez de jeunesgarçons les germes des qualités qui fe-ront d'eux, non seulement d'excellentscombattants, mais aussi des citoyens horspair. Détermination, intelligence, leader-ship, vivacité, condition physique, apti-tude à travailler en groupe – et puis lereste, l'indicible, ce qui relève de l'ins-tinct des examinateurs. Une certaineaptitude, chez les candidats, à souriredans les moments les plus difficiles,quand ils sont à bout de force après unexercice de plusieurs heures qui devaitêtre le dernier, et qu'on leur ordonnesoudain de recommencer de A à Z.

La chaleur (…) est infernale. Une penséem'obsède littéralement, se répète à l'in-fini dans mon esprit. Je n'en peux plus, jevais abandonner, je me suis embarquédans quelque chose qui me dépasse.Pourtant, je n'abandonne pas. Il y a cettedune en face de la mer qu'il faut monteret descendre avec un sac de sable sur ledos. Combien de fois? Pendant combien

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Au bas d'une colline, on installe un bran-card bien lesté de sacs de sable. Au som-met, on plante un piquet. Au signal, toutle monde se précipite. Il faut grimper encourant en haut de la colline, contournerle piquet, puis redescendre le plus vitepossible jusqu'au brancard. Les quatrepremiers ont gagné. Ils ont gagné le droitde recommencer, tout de suite, en por-tant le brancard. Les autres se contententde refaire un tour à vide. Puis, lorsquetout le monde est de retour en bas de lacolline, on pose le brancard et on remetça: on court le plus vite possible pourêtre dans les quatre chanceux qui aurontle droit de porter le brancard. Le côtémasochiste de l'exercice est évident. Oncourt pour être dans les quatre premiers.Mais si on gagne, le trophée prend laforme de ce satané brancard qui pèseune tonne, avec lequel il faut repartir àl'assaut de la colline, illico, de sortequ'on finit totalement épuisé, ce quin'est pas bon pour le tour suivant, car lebut est évidemment de gagner aussi letour suivant. Il faut donc tout donnerpour être à nouveau dans les quatre pre-miers. Les perdants, eux, sont nécessaire-ment plus en forme. La règle est doncaussi simple et brutale que l'exercice lui-même: il faut tout donner tout le temps.Que l'on arrive dans les premiers oudans les derniers, il ne faut jamais céderun pouce. Il ne faut jamais rien lâcher,tout en préservant une attitude positive,dans un esprit d'entraide et de camara-derie à l'égard de ceux qui sont pourtantnos compétiteurs.»

Un soir au début de l’instruction spé-ciale «Parachutiste» dans le maquis, ilmanque une cartouche de 5,6 mm dansle chargeur du fusil d’une recrue. Lecoupable reçoit l’ordre de la retrouver.Ses camarades, renonçant à quelquesheures d’un indispensable sommeil, luiviennent en aide, mais sans résultat. Le

de temps? Nul ne le sait. Assis sur deschaises en plastique au pied de la dune,les examinateurs font comme si nous n'é-tions pas là. Ils sirotent leur café, tout enbavardant. Nous sommes censés comp-ter le nombre d'aller et retour à mesureque nous les effectuons, mais il sembleque personne ne vérifie. Pour autant, pasquestion de tricher sur le nombre detours. Cette règle implicite est immédia-tement comprise par tous: ici, mentir àses officiers ou, pire encore, à ses cama-rades, c'est mourir. C'est loin d'être laseule épreuve de la journée et nous som-mes épuisés. Il y a, à intervalles réguliers,de longues et exténuantes courses dansle sable. A la souffrance physique s'a-joute la souffrance mentale. Quoi de pireque ne pas savoir quand tout cela vas'arrêter, combien de temps encore,combien de minutes, combien d'heures– si tant est que cela doive jamais s'arrê-ter. Parmi les épreuves qui jalonnent lesjournées, il y en a une qui revient tous lesjours. C'est certainement l'exercice pré-féré des instructeurs. Il s'agit d'un jeusimple, sa simplicité est même ce qu'il ade plus terrible.

Parachutistes israéliens.

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groupe est puni: il doit fournir deux sen-tinelles au lieu d’une. Tout le monde estdonc privé de sommeil. La cartoucheest retrouvée au lever du jour. Il s’agit«de nous convaincre que chaque fautede l’un d’entre nous a des conséquencespour le groupe tout entier.»

Il faut passer le plus de temps possible àl'entraînement, c’est pourquoi il «règneune sorte de frénésie permanente dans legroupe. On est bombardé d'ordres et oncourt frénétiquement pour les exécuter.Nos journées sont rythmées par les cen-taines de déflagrations produites par lescentaines de coups de feu tirés pendantles exercices. La pression est inimagina-ble: une pression physique épouvanta-ble, doublée d'une pression mentaleconstante non moins terrifiante, pire quecelle que l'on ressent lors d'un examenou d'un entretien d'embauche impor-tants. Et ici, il n'y a pas de répit. C'est àchaque instant, du lever au coucher,qu'on y est soumis. Nerveusement c'esttrès éprouvant. D'autant que nous n'a-vons pas la moindre idée du temps queces classes vont durer et de ce que nous

serons en train de faire dans un mois,dans une semaine, demain ou dans uneheure. La seule façon de tenir est de seconcentrer sur l'exercice en cours, fairede son mieux, et d'oublier que la fin decelui-ci ne marquera que le début du suivant. Et il faut aussi pouvoir comptersur les autres, sur le groupe. De toutefaçon, sans cela, ce serait proprementinvivable.»

«Le Masloul se termine par trois semai-nes d’enfer absolu dont la teneur est clas-sée «Secret Défense». (…) C’est un con-densé particulièrement déprimant etpénible de toutes les souffrances accu-mulées au cours de notre formation. Lecauchemar s’achève par une marche for-cée jusqu’au sommet d’une montagneinaccessible où nous attendent tous lescombattants de l’unité. (…) Il nous restejuste assez de force pour former un cer-cle et, comme le veut la tradition, comp-ter à rebours en partant de dix avant denous laisser tomber en arrière sur les sacsmonumentaux qui ne nous ont pas quit-tés pendant toute la durée de cet enfer.»

H.W.

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Lors des opérations militaires de demain,robots et drones seront pilotés à distance.En sera-t-il de même des soldats? Qu’ilssoient d’une armée de terre, de mer ou del’air, ceux-ci seront en tout cas reliés auxsystèmes d’information des états-majors.Afin que soit évalué en temps réel leurétat de santé – pour intervenir plus effica-cement en cas de maladie ou de blessure– mais aussi leur combativité.

A quel moment l’état psychologique etphysique des troupes devient-il si basqu’il les mette en danger? Aux Etats-Unis, pour mieux juger ce potentielopérationnel, la Defense AdvancedResearch Projects Agency (DARPA)mène le projet de «cognition augmen-tée», qui vise à analyser la façon dontle cerveau intègre les informations au-ditives, visuelles ou tactiles qui lui sontadressées. Modalités de la mission, mé-téo, armes, positions amies et enne-mies: ce flot de données, en effet, a dequoi saturer le cerveau de militairesdéjà soumis à la tension d’une opéra-tion sur le terrain. Les capteurs d’activitécérébrale développés par Honeywellfourniront une image de leurs capaci-tés à assimiler sans dommage l’ensem-ble de ces informations. L’état-majorévaluera ainsi les surcharges d’atten-tion auxquelles sont soumises ses trou-pes, ainsi que leur niveau de stress. Enfonction de ce dernier, il pourra dé-cider de retirer certains combattants

du champ de bataille, avant qu’ils nesoient véritablement hors d’état depoursuivre leur mission.

Le soldat de demain ne sera donc pluslivré à lui-même. Truffé de capteurs, ilrestera en contact très étroit avec lescentres de commandement. La priorité,bien sûr, ira à la surveillance de son étatde santé. En cas de blessure, un premierdiagnostic à distance déterminera, parexemple, les moyens d’évacuation lesplus adéquats. Le tout dans un contextecomplexe, où il s’agira à la fois de limi-ter les pertes humaines, de faire face àdes menaces les plus diverses (nucléaire,radiologique, biologique et chimique),et de développer des solutions techni-ques adaptées à une tendance à la ré-duction des moyens de l’armée.

Aux Etats-Unis, les recherches s’atta-chent à mettre au point une panoplied’équipements qui ne seront plus por-tés par les soldats, mais incorporés.D’abord destiné aux astronautes, puisétendu aux applications militaires, lesystème LifeGuard développé par laNASA comprend un appareil électro-nique portable de collecte des informa-tions provenant de plusieurs capteurs.Des électrodes disposées sur le torse, lethorax et même le bout du doigt mesu-rent l’électrocardiogramme, la respira-tion, l’activité physique, la températuredu corps, la tension et le taux d’oxygènedans le sang. Les paramètres peuvent

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Soldat sous haute surveillance

Michel Alberganti1

1 Ce texte est un condensé de l’article paru dans Le Monde du 19 avril 2008.

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être enregistrés pendant huit heures outransmis par radio à un ordinateur à dis-tance. Ainsi équipé, le soldat se trouvepresque aussi bien suivi que sur un litd’hôpital… alors qu’il se trouve enpleine action.

En France, un objectif du même ordre aconduit, pour la première fois, le Servicede santé des armées à collaborer avec laDélégation générale pour l’armement,dans le cadre du Plan prospectif à trenteans qui définit les grandes orientationsde l’équipement de la défense française.De nombreuses solutions existent déjà,mais elles sont isolées. Jusqu’en 2015, ils’agira de donner une cohérence à l’en-semble. Pas question de développer dessystèmes uniquement dédiés aux appli-cations militaires, donc fort coûteuses.L’armée recherche des solutions dans lecivil, auprès d’entreprises françaises dehaute technologie.

Pour respecter ce délai relativementcourt, l’armée ne part pas d’une feuilleblanche. De nombreux capteurs exis-tent, le suivi à distance du diabète ou durythme cardiaque est en cours d’expéri-mentation, les mesures du taux d’hydra-tation ou de la température corporelleviendront les compléter. L’entreprisefrançaise Cyberfab, associée à l’austra-lienne Alive Technologies, propose déjàune batterie de capteurs: électrocardio-gramme, mesure de la tension et dutaux d’oxygène, spiromètre (volumed’air aspiré), glucomètre. La mesure parinfrarouge de la température au tympanpourrait y être ajoutée. Les données sonttransmises par liaison radio Bluetooth àun téléphone mobile qui les commu-nique, éventuellement par satellite:développements récents de la télépho-nie mobile associée aux systèmes delocalisation!

Fantassin du futurAu-delà de la prise en charge médicaledes soldats, la plupart des grands paysdéveloppent des programmes pourmoderniser l’équipement des fantassinset augmenter l’efficacité des combat-tants grâce aux derniers développe-ments de l’électronique, de l’informa-tique et des télécommunications.

En France, le programme Félin (fantas-sin à équipements et liaisons intégrés)est doté d’un budget d’environ 800millions d’euros. Amorcé en 1986, ildoit aboutir à une mise en service en2009 et 2010. Grâce à lui, 32000 soldats pourront communiquer sur le champ de bataille, et le comman-dement connaître l’état et la positionprécise de ses hommes.

Combattant du futur (dessin d’artiste).

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Qu’en sera-t-il, enfin, des opérationsmobilisant un grand nombre de person-nes, dont l’identification et la localisa-tion précise sur le terrain constituent unenjeu déterminant? Ce sont encore desrecherches menées dans le civil, pourd’autres professions (sauveteurs, pom-piers), qui amélioreront demain le con-trôle des troupes. La société d’ingénie-rie Mercury Technologie travaille sur unnouveau badge, aux performances iné-dites: implanté, par exemple, dans lecasque des pompiers, il permettra deles localiser en trois dimensions aucours de leurs interventions. D’autressolutions, telles celles proposées parVerichip (Etats-Unis) ou par Trovan(Grande-Bretagne), tous deux fabricantsde puces radio implantables sous lapeau, évitent qu’une personne puisse se

faire passer pour une autre, mais cessystèmes posent des problèmes éthi-ques et leur portée est très réduite.

Pour Jean-Claude Sarron, médecin prin-cipal à la DGA, l’ensemble de ces tech-nologies doit servir une doctrine d’as-sistance qui tiendra compte des coûts.Les militaires espèrent que ces nouvel-les solutions optimiseront l’utilisationdes ressources humaines, dont ils pré-voient qu’elles se feront de plus en plusrares dans les années à venir. L’échanged’informations entre le théâtre des opé-rations et le commandement sera d’au-tant plus précieux que le nombre demédecins militaires sera réduit.

M.A.

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Evolution des services de renseignement

Rostaud, «l’espion oublié au froid»

Cap Gabriel Minder

1Ce texte a paru dans EclairaGE, le bulletin de la Société militaire de Genève. Merci à son rédacteur,Alexandre Vautravers, d’en avoir autorisé la reprise.

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un certain degré – très relatif il est vrai –de transparence afin d'assurer un con-trôle par les instances démocratiques(parlements et leurs commissions), seulmoyen de réunir les fonds annuels néces-saires. Cet aspect de transparence méritequelques commentaires d'actualité.

En Allemagne, après diverses controver-ses, le Service international de recher-ches (International Tracing Service) àBad Arolsen a ouvert ses portes aupublic le 30 avril 2008. Il donne ainsiaux chercheurs accès aux fiches despersonnes disparues et recherchées, àsavoir aux documents archivés depuissa constitution en 1948 par les Alliés,ainsi qu'à la correspondance antérieureà 1983. Le CICR, à Genève, est chargéde la supervision de ce Centre et ennomme le directeur résident.

En Grande-Bretagne, par contre, uneaffaire étonnante constitue l'actualité enmatière d'espionnage nucléaire mili-taire et révèle l'absence de transparenceplus de soixante ans après les faits. Voici«un espion oublié au froid»! En cetteannée 2008 où le CERN et son nouvelaccélérateur LHC confirment la prépon-dérance européenne en matière de «re-cherche sub-nucléaire non militaire»,on peut se demander pourquoi il n'y apas eu de prépondérance européennesur le plan des armes atomiques. Et

Dans le cadre d'un colloque en avril2008, le colonel EMG Fred Schreier duDemocratic Control of Armes ForcesGenève, montrait que récemment tous lesservices de renseignements ont dû s'adap-ter aux aspects complexes de la guerreasymétrique.

Ils doivent pour cela privilégier lesdémarches parallèles lors de la recher-che, notamment à l'aide de satellites, etde l'exploitation des renseignements,par opposition à la démarche séquen-tielle qui prédominait du temps de laguerre symétrique. Toutes les catégoriessont concernées: affaires étrangères, do-mestiques, militaires, criminelles et spé-ciales. Les frontières entre ces catégo-ries sont évidemment devenues trèsfloues et le nombre des services varieselon les pays1.

Un petit Etat peut encore tout concen-trer en un seul Service, tandis que lesEtats-Unis en comptent 16, qui coûtentau total bien plus de 400 milliards dedollars par an! A elle seule, la NationalSecurity Agency a recours à 18 puis-sants centres informatiques et emploie130000 personnes, tandis que la pluscélèbre, la CIA, revient moins cher, carelle fait moins appel aux moyens tech-nologiques sophistiqués.

Une conclusion de cet exposé fit ressor-tir la nécessité pour tout SR de trouver

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pourtant, dans les années 1930, l'Eu-rope occupait la place de pointe enscience nucléaire, tant sur le plan théo-rique (Copenhague, Göttingen, Zurich)qu'expérimental (Cambridge, Paris, puisPeenemünde pour les fusées). Les rai-sons principales sont connues:

– Fuite des juifs lors des persécutions enAllemagne, à commencer par Einstein,établi aux Etats-Unis et dont la lettre àRoosevelt contribua à déclencher l'é-norme projet «MANHATTAN», donnantaux Etats-Unis la victoire sur le Japon en1945.– Difficultés d'expérimentation dans uneEurope densément peuplée.– Recherche très dirigiste en Allemagneet en Russie, donc peu propice à lacréativité.– Transfert au Canada des réserves desAlliés en eau lourde, substance indis-pensable à la recherche nucléaire, aprèsles succès franco-anglais et norvégiensdans la bataille de ce nom.

Néanmoins, Hitler disposa pendantpresque toute la guerre de scientifiqueset d’ingénieurs tels que Heisenberg,Hahn et Werner von Braun, sans quecela ait semblé inquiéter outre-mesureLondres. Pourquoi? Un des physiciensallemands s'appelait Paul Rosbaud(Graz 1896 - Londres 1963), dont lefrère Hans fut un excellent chef d'or-chestre établi à Zurich après la guerre. ABerlin, en tant que rédacteur de publi-cations scientifiques, notamment duSpringer-Verlag, Paul Rosbaud bénéfi-ciait de contacts privilégiés avec leschercheurs de pointe en Allemagne,ainsi que d'une certaine considérationde la part des autorités. Déjà avant laguerre, Rosbaud avait pris contact à

Londres avec le fameux M16, subdivi-sion du Secret Intelligence Service, dontle responsable des activités en Allema-gne, le major Frank Foley (1884-1958),lui avait alors demandé de communi-quer des renseignements scientifiques et techniques relatifs aux progrès alle-mands.

Acheminées à Londres par la Norvège,la France et même à travers la Suisse,ces informations rendirent un immensedouble service aux Alliés. Elles ame-naient des éléments de vérification auxAlliés et, surtout, elles leur révélèrentque l'Allemagne n'était pas sur la bonnevoie pour mettre au point rapidementune arme atomique. On peut donc direque la contribution de Rosbaud futessentielle et qu'elle évita aux Alliésmaintes erreurs et craintes infondées. Ala fin de la guerre, la Grande-Bretagnereconnut les mérites de Rosbaud. ALondres où il allait passer, avec safemme, les dernières années de sa vie,le M16 le mit en rapport avec RobertMaxwell et ils fondèrent les EditionsPergamon Press qui leur assurèrent desrevenus confortables.

En revanche, les circonstances de l'es-pionnage scientifique de Paul Rosbaudpendant la guerre ne furent jamais ren-dues publiques. C'est pourquoi, en2005, son neveu, Vincent Frank de Bâle,demanda au M16 l'accès à ces docu-ments vieux de soixante ans, d'autantplus qu'en 1986 déjà un livre avaitretracé le rôle historique et héroïque de Rosbaud comme agent du M16 àBerlin, notamment sous le nom-code«Griffin»2. L’auteur américain, ArnoldKramisch, né en 1923 et ayant travaillécomme jeune physicien sur le Projet

2Arnold Kramish: The Griffin: The Greatest Untold Espionage Story of World War, 1986.

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A l'opposé, les télévisions autrichienne(ORF2) et allemande (ARD) documentè-rent le cas à plusieurs reprises en sebasant sur les sources fournies par M.Frank et sur le livre de Kramish. La Télé-vision suisse pourrait aussi s'y intéresser.Les choses en sont actuellement là.

En conclusion, comme on pouvait s'yattendre, la notion de transparence sem-ble devoir rester encore longtempssujette au bon vouloir et aux intérêts dechaque service de renseignement, mê-me soixante ans après les faits...

G.M.

«MANHATTAN», s'était enthousiasméaprès la guerre pour l'incroyable rôle deRosbaud. Malgré tous ces faits, le M16ne répondit que de manière très évasiveà la demande de M. Frank.

Celui-ci s'adressa alors à une avocaterenommée, Cherie Booth, membre duQueen's Council et épouse de TonyBlair. Elle monta et présenta en 2006/07un dossier très complet contre leSIS/M16. Fin février 2008, le Investiga-tory Power's Tribunal de la Royal Courtof Justice émit une sentence quelquepeu surprenante et, semble-t-il, pro-visoire. Le SIS est dans ce cas effec-tivement tenu de se retrancher dans l'attitude neutre appelée NGND (niconfirmation, ni démenti). La justifica-tion de cette sentence s'étend sur denombreuses pages.

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ligérants. Elle atteint l'Europe sous uneforme bénigne en avril 1918, sous uneforme très virulente en été de la mêmeannée.

Elle n’a pas grand-chose d’une grippe etrien d’espagnol, bien que les premiersmorts fassent plus de bruit en Espagneque dans les pays belligérants. Sa quali-fication a deux origines, l'une histo-rique, l'autre fantasmatique. Les éruditsfont référence à la grippe qui, en 1889,a fait au moins 200000 morts en Espa-gne. Pour le plus grand nombre, l'ori-gine de la grippe vient de la consomma-tion de conserves alimentaires venuesd'Espagne. Des rumeurs plus ou moinshystériques y adjoignent bientôt l'intro-duction de bacilles dans ces conservespar les Allemands. La maladie frappeaussi les imaginations par le caractèreextraordinairement rapide de l'incuba-tion. Tel homme, sain le matin, peut êtremoribond le soir. Ainsi resurgissent tou-tes les angoisses des grandes épidémiesdu passé, de la Peste noire de 1349 àcelles de 1720 et de 1832.

Apparue en février 1918 en Chine àCanton, puis dans les camps militairesaux Etats-Unis, elle semble arriver enEurope avec le corps expéditionnaireaméricain… Le virus apparaît à Bor-deaux entre avril et mai 1918. Il se pro-page au sein des forces armées, s’étend

La Première Guerre mondiale reste l’évé-nement le plus tragique du début du XXe

siècle, mais un autre fléau s'est avéréencore bien plus meurtrier... la grippedite espagnole. Elle s’est répandue par-tout dans le monde plus vite qu’aucunemaladie et a tué quelque 25 millions d’in-dividus, deux fois plus que la GrandeGuerre. Trois ou quatre fois par siècleapparaît un virus contre lequel aucungroupe humain ne possède la moindredéfense immunitaire. L’épidémie se ré-pand sans obstacle partout dans le mondeet devient une pandémie.

En février 1916, une épidémie pneumo-cocique avait été identifiée dans lesrangs des travailleurs annamites enFrance. Jusqu'en avril 1918, le mal restecantonné chez ces personnels, ce quilui vaut le surnom de «pneumonie desAnnamites» et provoque des jugementsde valeur sur la pathologie, conformesaux normes de lecture raciales de l'é-poque. «Ces Annamites réagissent comme des enfants ou des animauxsensibles», écrit le docteur Ribadeau-Dumas.

La grippe vient ajouter son action àcelle du pneumocoque des Annamites.A partir d'avril 1918, elle déferle entrois vagues successives jusqu’en février1919. On la signale partout dans lemonde, bien au-delà des seuls Etats bel-

Avril 1918 – février 1919, la «grippe espagnole» a tué plus que la guerre!

Col Hervé de Weck

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en Italie et en Espagne. Les premièresvictimes identifiées se trouvent dans lapéninsule ibérique. Des articles de pres-se français mentionnent que la grippefait des ravages en Espagne… Bien en-tendu, comme l’ennemi doit ignorerque l’armée est affaiblie, ils n’évoquentjamais l’épidémie en France.

La pandémie progresse de manière fou-droyante; en moins de trois mois, desfoyers sont localisés dans tous les conti-nents. La grippe espagnole, qui a subiune mutation particulièrement rapide,entre dans sa deuxième phase en au-tomne 1918, puis dans une troisièmephase en janvier 1919. En été 1918, ellecloue le malade au lit pendant troisjours, en 1919, elle tue en trois jours.Les pharmacies sont prises d'assaut, lamultiplication des remèdes de charla-tans constituent autant de signes de lagravité de la situation. Des mesures pro-

phylactiques sont prises. En France, lesautorités ordonnent la fermeture de cer-taines écoles des villes de l'arrière.

Dès le mois de juin, les premiers cassont recensés à Mulhouse, puis la mala-die se développe de façon fulgurante.En octobre, l’hécatombe se poursuitavec douze à quatorze enterrements parjour au cimetière catholique. Peu à peu,on constate une baisse des cas recenséset les écoles fermées depuis un moisouvrent à nouveau leurs portes.

Les pertes humaines sont particulière-ment impressionnantes, même si ellesrestent mal mesurées. Pour la France, lesestimations les plus sérieuses se situentà 211000 victimes, autour de deux picsde mortalité en octobre 1918 et février1919. En Allemagne, environ 225000personnes seraient mortes; 228000 enGrande-Bretagne; autour de 500000

Un hôpital improvisé.

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la pandémie de grippe espagnole. Le 15juillet 1918, on recense plus de 16000malades, le rythme de la contagion esteffrayant à l'armée, et les conditionsprécaires du service en campagne ag-gravent encore la situation. Les infirmiè-res directement en contact avec les malades ne sont pas épargnées; pra-tiquement toutes doivent s’aliter. A Por-rentruy, les convois funéraires ne ces-sent de se succéder. Selon le journal Le Jura, la grippe aurait provoqué lamort de 457 militaires jusqu'au 15 août1918. En ville, les établissements scolai-res servent de lazarets, l'Ecole normaledes instituteurs reste fermée depuis ledébut juillet 1918 jusqu'en février1919, ce qui perturbe gravement la for-mation des élèves et explique des réac-tions de mécontentement!

Pendant le service actif: 85 mortsau régiment d'infanterie 9 !

1914 11915 11916 81917 51918 471919 231920 1

Afin de limiter les risques de contamina-tions, les Cantons ont émis des interdic-tions de réunion publiques, il faut unlaissez-passer pour voyager en cheminde fer… L'épidémie décroît à partir denovembre, après avoir atteint des picsen juillet et en août. Elle a touché 40%de la population et causé la mort deplus de 21000 personnes, dont 3000soldats. Le taux de décès atteint 1,4%.

H.W.

aux Etats-Unis. Certaines estimationsfont état de plusieurs millions de mortspour l'Inde.

Quel lien entre cette épidémie et la Pre-mière Guerre mondiale? A l'évidence,même les Etats qui ne participent pas auconflit, comme l’Espagne, sont considé-rablement touchés. La grippe espagnolecomprend en fait la superposition dedeux chocs épidémiques qui, cumulés,font des ravages: le choc de la fièvreannamite qui touche des populations enguerre en les affaiblissant, et celui de lagrippe elle-même, forme de pandémiequi ne doit pas grand-chose à la guerre,mais qui est d'autant plus grave qu'elletouche les populations des belligérants.L'épidémie, comme d'habitude frappede manière privilégiée les enfants jeu-nes adultes. Il semble qu'un quart desvictimes aient moins de quinze ans1.

En Suisse et dans le Jura bernois

En 1917, une épidémie de typhus sedéclare en Ajoie; en Suisse, elle toucheles troupes en mai, sans alerter le Ser-vice de santé. Le pays n’échappe pas à

1Dictionnaire de la Grande Guerre 1914-1918. Sous la direction de François Cochet et de Rémy Porte.Paris, Laffont, 2008, p. 498.

Ces infirmières portent une protectionqui semble, aujourd’hui, dérisoire.

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des prestations identiques à celles deshommes, même si leur formation étaitplus brève. Aujourd'hui, femmes et hom-mes suivent une instruction commune.»On lui proposa de continuer sa carrièremilitaire et elle suivit successivement laformation de chef de groupe et de chefde section. Elle fit ses cours de répéti-tion au sein du service de repérage et designalisation d'avions.

Une pionnière sur l'aérodrome militaire

En 1984, Marianne Froelicher-Beck a étéprovisoirement incorporée comme offi-cier dans la compagnie d'état-major 3des Troupes d'aviation et de défensecontre avions. Un an plus tard, elle apassé à l'état-major de la brigade d'aé-rodromes 32. «Les dix ans passés danscet état-major ont été pour moi unepériode passionnante, la plus belle detoute ma carrière militaire. D'une part,j'avais encore énormément de contactsavec certaines femmes militaires; d'au-tre part, j'étais un membre à part entièrede l'état-major. Jusqu'alors, aucune fem-me n'était incorporée sur les aérodro-mes militaires ni n'avait été formée àcette fonction dans les cours d'introduc-tion SCF. J'ai évalué sur divers aérodro-

«Très bien», telle est la réponse du colo-nel Marianne Froelicher-Beck lorsqu'onlui demande comment elle a vécu la col-laboration avec ses camarades, hommeset femmes, durant ses trente-six ans deservice au sein de l'armée. «Naturelle-ment, il y avait de temps à autre des pro-blèmes, mais on trouvait toujours dessolutions. Aujourd'hui, ce n'est certaine-ment pas plus simple pour les femmes quifont du service militaire. L'adhésion ànotre armée est moins forte dans diffé-rents milieux de la population, et les fem-mes commencent à le ressentir plus vive-ment que les hommes1.»

En 1971, lorsque Marianne Froelicher-Beck a été recrutée, les fonctions acces-sibles aux femmes du Service complé-mentaire féminin (SCF) étaient encorerares. Elle a été incorporée dans le ser-vice de repérage et de signalisation d'a-vions (SRSA) du SCF. Les cours d'intro-duction SCF – tel était le nom des écolesde recrues pour les femmes – duraienttrois semaines. Les femmes faisaientensuite leurs cours de répétition avec leshommes au sein des compagnies; seuleexception à cette règle, les chauffeurssanitaires qui formaient leurs proprescolonnes de transport. Cependant, lesfemmes n'étaient pas encore armées. EtMarianne Froelicher Beck de souligner:«Il s'agissait pour les femmes de fournir

L'histoire des femmes dans l'armée: une aventure marquante

Lieutenant-colonel Pia Zürcher-Vercelli

1Info Femmes dans l'armée – Revue sur Internet, 20 décembre 2007.

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mes militaires quelques fonctions sus-ceptibles d'intéresser les femmes et j'aiinitialisé avec les commandants d'aéro-dromes la formation qui était nécessairependant les cours de répétition.»

Marianne Froelicher-Beck ajoute son-geuse: «Bien sûr qu'il y avait çà et làquelque résistance; en effet, l'aérodro-me militaire était un domaine tradition-nellement réservé aux hommes.» Unesituation que les femmes retrouventaujourd'hui dans les troupes de combatde la nouvelle armée. Mais tout n'a étépossible que grâce à l'esprit d'innova-tion des commandants de tous les éche-lons hiérarchiques et au fait que les fem-mes étaient prêtes à tester de nouvelleschoses.

La lutte pour l'égalité des droits

En 1986, le SCF a été dissous et c'est leService féminin de l'armée (SFA) qui apris le relais. D'autres possibilités d'a-

vancement se sont alors ouvertes pourMarianne Froelicher-Beck. Elle a étépromue capitaine, puis major.

En 1995, le Service féminin de l'armée(SFA) a été transféré dans l'organisationdes Femmes dans l'armée (FDA). Letemps des écoles militaires séparéespour les femmes était ainsi révolu.Marianne Froelicher-Beck fut alors lapremière femme à suivre le stage decommandement III. «Au début, j'ai étéassez débordée, malgré les nombreusesexpériences que j'avais acquises sur leterrain; en effet, je souffrais d'un déficitde connaissances théoriques à cause dela formation des femmes, qui était alorsplus brève que celle des hommes. Jen'étais pas aussi polyvalente qu'on mele demandait. Cependant, je pouvaiscompter sur des camarades fantastiquesqui m'ont aidée à surmonter ces diffi-cultés initiales – et il faut dire que j'aitravaillé dur pour y parvenir.»

Finalement, elle a fait son service dansle domaine de la logistique à l'état-major des Forces aériennes et, commechef du SFA des Forces aériennes, elleétait responsable des questions touchantau domaine des femmes incorporéesdans les Forces aériennes. En 1997, ellea eu l'opportunité de reprendre la fonc-tion de chef du service territorial avec legrade de colonel. Il fallait y voir l'abou-tissement de ses années d'expérience dechef de classe des cours d'introductionà la défense générale. Le 1er janvier2004, le colonel Marianne Froelicher-Beck s'est vue confier une nouvelle mis-sion passionnante au sein de la commu-nication de l'«engagement des Forcesaériennes». A la fin de cette année, ellea été libérée de ses obligations militairesaprès trente-six ans de service aux Forces aériennes.

Le colonel Froelicher-Beck (deuxièmedepuis la gauche) active au niveau in-ternational.

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poque de son service militaire. Elle a puassumer beaucoup de missions aussiintéressantes que fascinantes. Elle a pusurtout enseigner l'autodiscipline et en-traîner la collaboration au sein d'unétat-major. «C'est par pure curiosité quej'ai été amenée à faire du service.» Sonintérêt pour le service militaire a étééveillé en 1968 lors d'une conférenceconsacrée à l'armée à laquelle elle aassisté avec son père et son frère.Cependant, les récits de sa mère, quiavait également fait du service pendantla guerre au sein du SRSA du SCF, nesont pas étrangers à son choix. Le bilandu colonel Marianne Froelicher-Beck: «C'est fantastique d'avoir vécu autantd'expériences et d'avoir pu faire un peubouger les choses.»

P.Z-V.

«Chaque mission m'a fascinée»

Parfois cela a été difficile à cause dumanque de formation. Dans son rôle depionnière, elle n'aurait pas pu atteindreautant d'objectifs, s'il n'y avait pas eudes personnes pour l'aider à suivre lesformations – en partie à l'étranger –inhérentes aux missions qu'on lui aconfiées. Au début de sa période de ser-vice militaire, elle a dû faire face à desrésistances, également dans sa profes-sion de maîtresse secondaire en phy-sique, biologie, chimie et sport. Elle amême dû présenter au Conseil de l'é-cole une lettre du commandant de labrigade dans laquelle il décrivait cequ’elle faisait au service militaire. Laréaction de ses élèves est restée lamême: «Wow!»

En aucun cas, le colonel Marianne Froe-licher-Beck n'aurait aimé manquer l'é-

En compagnie de la conseillère d’Etat Sabine Pegoraro, chef du Département de lasécurité du Canton de Bâle-Campagne.

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Pendant la guerre d’Algérie, la Suisse n’apas bonne presse dans les milieux du ren-seignement français. Le 20 février 1959,le Comité interministériel à Paris prendconnaissance d’un mémorandum sur lesaides extérieures à la rébellion, dont lesannexes dénoncent les banques de Berne,Zurich, Genève et Lucerne (le texte n’estpas plus précis), qui recueilleraient lesfinancements destinés au Front de libéra-tion national. Une banque de Lucernegérerait même un stock de 60000 pis-tolets-mitrailleurs et de 1 million de grenades!

La situation se débloque brusquementfin janvier 1963; dans une conférencede presse, Ben Bella promet l'ouverturedes prisons, sans doute à la demandeconjointe de David Rousset et de Jeande Broglie. Ce dernier se rend à Genèvele 4 février et demande au CICR d'inter-venir en Algérie au profit des harkis etde rechercher les Français disparus en1962, dont il estime le nombre à 865.Le CICR accepte d'organiser une mis-sion spéciale de recherche des dispa-rus. Le financement est à la charge duGouvernement français1.

La mission spéciale de 1963

Le 8 février, Roger Vust est convoquépar Ben Bella qui renouvelle son offrede «portes ouvertes». Que la Croix-Rouge arrive avec 30 ou 100 enquê-teurs, affirme-t-il, le Gouvernement al-gérien les fera accompagner par 30 ou100 policiers ou officiers, et mettra desmoyens de transport à leur disposition.Mais le CICR ne souhaite pas la pré-sence de policiers, qui pourraient fairepeur aux témoins. De grandes divergen-ces apparaissent sur les estimations dunombre des harkis et des disparus. BenBella estime qu'il y avait 150000 har-kis, que 1200 sont détenus à MaisonCarrée et 4000 en Kabylie. Il ignorel'existence de camps et souhaite que laCroix-Rouge le renseigne. Vust estimequ'il n'y avait que 80000 supplétifs:30000 ont été rapatriés, 10000 sont enprison, 10000 ont été assassinés, 20000sont morts dans les opérations de démi-nage et 10000 ont disparu.

Désigné pour organiser la mission derecherche, le commandant de corps Sa-muel Gonard, vice-président du CICR,rencontre le 21 février le président Ben

A la fin de la guerre d’Algérie en 1963...

Le CICR recherche les prisonniers, les disparus et les morts

Col Hervé de Weck

1Ces données proviennent du livre du général Maurice Faivre, Le renseignement dans la guerre d’Algérie. Panazol, Lavauzelle, 2006.

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Bella. L’audience apparaît d'autant pluschaleureuse, que les ministres Boume-diene, Bentoumi et Neccache sontopposés à la libération des harkis; con-sidérés comme des traîtres, ceux-ci me-naceraient la paix civile. Boumedienevoudrait les faire juger, en révisant aubesoin les accords d'Evian. Mais BenBella signe le jour même le projet d'accord.

Sans perdre de temps, le CICR recrutede jeunes enquêteurs suisses, parmi desdiplômés de droit, et les forme en unesemaine aux procédures de recherchede la Croix-Rouge. Le 10 avril, SamuelGonard répond à Mgr Lallier, arche-vêque de Marseille, qu'il partage sonpessimisme sur les possibilités de retrou-ver beaucoup de disparus. Il précisequ'à la demande du Gouvernementalgérien, il a prié le Gouvernementfrançais de ne rien publier sans l'accord

du CICR. Dirigée successivement parClaude Pilloud, Bertrand de Haller (11avril) et le brigadier Georges Marti (8juillet), la mission spéciale engage unevingtaine d'enquêteurs du CICR, dontJacques de Heller, qui vont d'abord visi-ter 2400 harkis dans les prisons, dont1300 demandent leur rapatriement.

Claude Pilloud rencontre fin mars SiBakhti, directeur de cabinet de Boume-diene. Le compte rendu de ce dernierconcernant le 5 juillet à Oran est pourle moins inexact. Il déclare qu'aucuneliste de disparus n'a été établie. Lescadavres ont été ensevelis par la popu-lation après avoir été déchiquetés etdépouillés. Aucune trace ne peut êtrerelevée au Petit Lac, les bulldozers onttout effacé le 6 juillet. Tous les disparussont morts, des fouilles ou des exhuma-tions sont inutiles, elles n'auraientaucune chance de réussite. La recher-

Négociations à Evian: la délégation française.

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les camps militaires où sont détenuesdes personnes enlevées, dont on a laliste. Cette dernière demande ne serajamais acceptée, Boumediene s'y oppo-se; Ben Bella et les autorités algériennesprétendent qu'il n'y a pas de harkis dansces camps.

Samuel Gonard observe que les délé-gués de la Croix-Rouge sympathisentavec les harkis; il le comprend sur leplan humain, mais il craint que leurjugement ne soit pas impartial. Lui-même semble manquer d'objectivité,car la situation des harkis est loin d'êtrebrillante. Les uns sont maintenus en pri-son, sous l'inculpation «d'associationde malfaiteurs»; des centaines, voire desmilliers d'autres sont soumis à des tra-vaux forcés dans les camps; d'autresenfin, appelés «les subsistants», sontbrimés dans des douars reculés, privésde tous les droits et livrés à une sorte de«mort physique». Chaque semaine enavril, dix harkis se réfugient dans lescentres d'accueil français.

che des disparus commence plus tard, ilfaut d'abord mettre à jour les fiches duCICR en les comparant à celles desconsuls, et à celle de l'archevêché (abbéCapomaccio). Ce travail est effectué àAlger sous la conduite experte d'Ed-mond Jacquet, directeur de l'agencecentrale de recherche du CICR. Lefichage est terminé fin avril, il comprend1265 fiches de civils disparus2.

Du 1er mai au 12 septembre, les enquê-teurs vont effectuer 1128 enquêtes au-près des consulats, des autorités localeset des témoins. Ils se heurtent au silencedes témoins, même les Européens hési-tent à parler pour éviter les représailles.Le chef de mission interdit d'interrogerles terroristes responsables des enlève-ments. Les autorités locales sont peucoopératives et font preuve de mauvaisefoi. L’espoir des familles de retrouverdes disparus vivants, désigné sous leterme de «psychose d'Oran», est vain.Les offres de rançon sont inefficaces, lestraces des disparus sont perdues, et il ya peu de chances de récupérer lescorps.

Bertrand de Haller a rencontré le 24avril le ministre de la Justice Bentoumi,qui propose l'échange des harkis contrela libération de 400 prisonniers algé-riens en France (en réalité des «droitscommuns»), et de 8 Européens qui ontsoutenu le FLN pendant la guerre. Ilobserve que certains harkis, libérés deMaison Carrée, ont été assassinés à leurarrivée en Kabylie. Il a fallu incarcérerde nouveau les autres «libérés». SamuelGonard revient en Algérie du 11 au 24juin. Reçu à nouveau par Ben Bella, ilessaie de le persuader de libérer les har-kis et d'autoriser les délégués à visiter

2En principe la mission ne s'intéresse pas aux militaires disparus.

Commandantde corpsSamuelGonard.

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Les enquêteurs visitent systématique-ment les prisons, les maisons d'arrêt etles hôpitaux, où ils constatent que lessévices sont devenus exceptionnels.S'agissant des Européens disparus, Sa-muel Gonard estime que 20% des dos-siers correspondent à de fausses dispari-tions, et que 15% ont été libérés desprisons où ils étaient incarcérés. Ceschiffres demandent de nouvelles vérifi-cations.

Le 3 juin, Ben Bella dénonce les actescriminels contre les harkis. Nous ironsjusqu'à exécuter les coupables, affirme-t-il. Nous avons 130000 harkis en Algé-rie. Sous couvert de patriotisme, desgens se sont livrés à des actes criminels.Ces actes seront découragés et la justicepassera. En mars et avril 1963, l'Asso-ciation de défense des droits des Fran-çais d'Algérie prend contact avec le

CICR et propose sa collaboration dansl'établissement des listes de disparus.Elle sera déçue par les résultats de lamission spéciale, et ne pourra en obte-nir le bilan précis.

Les enquêteurs du CICR quittent l'Algé-rie début septembre. Leur rapport final,adressé le 24 octobre 1963 au Gouver-nement français, restera secret pendantquarante ans. Il ne sera diffusé que le 23avril 2003, à la demande d'un groupede recherche historique constitué enoctobre 20023.

Ce rapport présente un intérêt histo-rique et humanitaire évident. Il montreque le CICR a accepté cette missiondans le but de venir en aide auxfamilles. Il a obtenu l'accord des autori-tés algériennes. Il a engagé sur le terrainpendant six mois 13 à 20 enquêteurs etvisité 2500 harkis dans les lieux dedétention. Faisant état de 1200 deman-

3Jean Monneret, Mgr Boz, Colette Ducos-Ader, Geneviève Leblanc-Astier, le général Maurice Faivre.

Bâtiment du CICR à Genève.

Les notables musulmans, fiers d’êtrefrançais par le sang versé, sont assassi-nés par dizaine de milliers.

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tions en suspens. S'agissant de la libéra-tion de harkis détenus par le FLN, l'Agence centrale de recherche du CICRnote que certains ont été rapatriés; mais5% de ceux qui ont demandé à rega-gner leurs villages ayant été tués, il afallu incarcérer à nouveau les harkislibérés. L’Agence continue à recevoir denombreuses demandes des familles deharkis, auxquelles personne ne vient en aide.

Dans sa déclaration du 6 novembre1963, le secrétaire d'Etat J. de Broglieaffirme qu'il y a environ 1800 disparuset non 3 ou 4000, que des familles ontété exploitées par des individus sansscrupule et des avocats indélicats, qu'iln'existe plus de camps de prisonniers,sauf peut-être dans des maquis opposésau Gouvernement algérien, que la gran-

des de recherche, sur un total de 1500présumés disparus dont 80 militaires, ildément les évaluations traumatisantesde certains auteurs, qui font état de25000 Européens enlevés en 1962,confirmant que 70% des disparus sontdécédés et 20% présumés décédés. Ilsouligne les difficultés rencontrées,venant d'individus sans scrupule qui ontmonnayé de fausses informations, d'au-tres refusant de témoigner, et l'impossi-bilité d'accéder à une vingtaine decamps militaires. Il reste donc des zonesd'ombre, en particulier concernant lesort des supplétifs.

L'après 1963

A l'issue de la mission de 1963, le CICRcharge – vœu pieux – le Croissant-Rouge algérien de poursuivre les ac-

Des harkis à cheval.

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de majorité des disparus ont été tuéspresque immédiatement.

L’Agence centrale de recherche réagitaux «rumeurs propagées notammentdans la presse au sujet des camps clan-destins [qui] ont contribué à entretenirdans de nombreuses familles le senti-ment, malheureusement erroné, quebeaucoup de disparus étaient encore envie et qu'on s'efforçait de leur cacher lavérité. Les bruits concernant l'existencede camps clandestins n'ont cependantpas résisté à l'examen, chaque fois queles délégués du CICR ont pu procéder àdes vérifications.»

Il n'y aura pas d'autres interventions dela Croix-Rouge, à l'exception de l'orga-nisation, les 14 et 15 avril 1964, d'unéchange de 433 prisonniers marocainset algériens à Oujda. Il faudra attendreles négociations de Jean de Broglie, en1964-1965, pour que 1330 harkis pri-sonniers soient rapatriés (5340 person-nes avec les familles).

Le 6 octobre 1966, Pierre Gaillard cri-tique le mémoire du professeur Fran-

ceschetti, relatif aux camps de l'Arméede libération nationale qui n'ont pas étévisités. Il partage l'opinion des associa-tions, selon lesquelles aucun campclandestin n'a été localisé. Les Arabesont cherché à exploiter la détresse et lacrédulité des familles. Si, triste vérité,les consuls n'ont retrouvé personne,c'est parce que tous les disparus sontmorts. Rien ne permet d'affirmer quedes femmes enlevées ont été reclusesdans des maisons closes.

Les autorités françaises ont désormaisdes moyens d'investigation plus largesque ceux de la Croix-Rouge. De janvier2005 à octobre 2006, la consultationde 3781 dossiers de disparus, détenusaux archives des affaires étrangères apermis d'établir un bilan provisoire:362 disparus entre 1954 et le 18 mars1962, 1868 personnes décédées (dontseulement 158 décès constatés) après le18 mars 1962, 650 personnes retrou-vées et 901 prisonniers libérés.

H.W.

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Dans son analyse du comportementhelvétique, l’auteur a opté pour deuxangles d’attaque, liés entre eux: celui dela neutralité politico-diplomatique etcelui de la neutralité économique. Ilreplace, avec raison, le conflit vietna-mien dans le contexte plus global de laguerre froide, avec ses jeux diploma-tiques et ses affrontements triangulairesWashington - Moscou - Pékin. En dépitde sa neutralité, la Suisse est clairementancrée dans le bloc occidental. L’opi-nion publique est majoritairement anti-communiste, l’Union soviétique faitpeur, surtout au moment des affaires dePrague en 1948 et en 1968, de Hongrieen 1956, même si les partis politiquesde gauche n’hésitent pas à exprimerleur sympathie pour les régimes seréclamant du marxisme.

Au lendemain de la conférence deGenève de 1954, la partition du pays endeux parties pose de sérieux problèmesdiplomatico-juridiques aux pays neu-tres. Faut-il reconnaître les deux moitiésdu pays? Doit-on établir des relationsdiplomatiques avec chacune d’entreelles? Ne risque-t-on pas d’agir en dés-accord avec le droit international etcelui de la neutralité en particulier? LaSuisse, qui entretient des relationsdiplomatiques avec le Sud Viêt Nam,

Ce livre de David Gaffino est issu d’unmémoire de licence dirigé par le profes-seur Laurent Tissot et soutenu à l’Univer-sité de Neuchâtel en 2004. Il aborde laquestion de la reconnaissance par laSuisse de la République démocratique duViêt Nam (Nord Viêt Nam) en septembre1971. Pourquoi la Suisse est-elle dans cecas si rapide, alors qu’elle met de nom-breuses années pour reconnaître d’autrespays se trouvant dans des situations simi-laires, comme la Corée du Nord et l’Alle-magne de l’Est1?

Au lendemain de la Seconde Guerremondiale, la Suisse, sous l’impulsion du conseiller fédéral neuchâtelois MaxPetitpierre, développe une politiqueétrangère s’appuyant sur quatre piliers:neutralité, solidarité, universalité et dis-ponibilité. Cette nouvelle politique apour ambition de redonner à la Suisseune certaine crédibilité, sa politique deneutralité ayant été fortement critiquéepar plusieurs des grandes puissances aucours du conflit. Dans ce nouveau ca-dre politique, la Suisse joue un rôleimportant dans nombre de négociationsinternationales. En ce qui concerne plusparticulièrement le Viêt Nam, c’est ellequi organise, à Genève, la conférencequi met fin à la guerre d’Indochine en1954. En 1961-1962, c’est également àGenève que se règle le sort du Laos.

Autorités et entreprises suissesface à la guerre du Viêt Nam,1960-1975

Major Dimitry Queloz

1Gaffino, David: Autorités et entreprises suisses face à la guerre du Viêt Nam, 1960-1975. Neuchâtel.Editions Alphil, 2006. 280 pp.

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hésite donc à en faire autant avec leNord. Une des principales raisons decette hésitation réside dans la crainte dela «doctrine Hallstein2». Ne risque-t-onpas de voir Saigon rompre ses relationsavec la Suisse, si cette dernière recon-nait le régime de Hanoi? De plus, d’aut-res facteurs compliquent la réflexion etrestreignent la marge de manœuvre hel-vétique en matière de neutralité. Le pre-mier d’entre eux est la solidarité. Cepilier de la politique extérieure suisse sevoit soutenu par le courant tiers-mon-diste et pousse à une reconnaissance duNord Viêt Nam. Le deuxième est consti-tué par les pressions économiques des

Etats-Unis, qui n’hésitent pas à menacerd’embargo les pays qui soutiendraientleur ennemi. Enfin, à la recherche denouveaux marchés pour son économie,la Suisse est tentée de reconnaître leNord Viêt Nam, dans le but de s’ouvrirdes débouchés économiques. La situa-tion est donc délicate pour la Suisse,d’autant que le conflit est particulière-ment politisé et médiatisé, que chaquegeste peut être mal interprété par l’unou l’autre des belligérants.

La présence économique de la Suisse enIndochine commence à la fin du XIXe

siècle. Elle est suivie en 1926 de cellede sa diplomatie, avec l’ouverture d’unconsulat honoraire à Saigon. Economieet diplomatie sont alors étroitementliées, et la firme Diethlem & Cie joue unrôle fondamental, les trois premiersconsuls étant tous directeur de la socié-té. Une agence consulaire est ouverte àHaiphong en 1935. Après le retrait fran-çais et le partage de l’Indochine en qua-tre entités – Laos, Cambodge, Nord ViêtNam et Sud Viêt Nam – la présencediplomatique suisse est modifiée. L’a-gence consulaire de Haiphong est fer-mée en 1955 pour des raisons qu’il estdifficile d’expliquer. Y a-t-il une volontépolitique anticommuniste ou est-ce,plus prosaïquement, en raison du faitque les ressortissants suisses ont pres-que tous quitté le Nord Viêt Nam? En1958, la Suisse reconnaît, mais de ma-nière plus ou moins cachée, la Répu-blique du Viêt Nam (Sud Viêt Nam) ennommant à Saigon un consul général.Elle agit sous la pression des milieuxéconomiques internationaux et suisses,notamment la Chambre suisse de l’hor-logerie. La Suisse n’est que le quarante-

2La doctrine Hallstein définit la République fédérale d’Allemagne comme la seule héritière légitime del’Allemagne. En conséquence, la République fédérale allemande doit rompre ses relations diploma-tiques avec tout Etat qui a reconnu la République démocratique allemande.

Le Suisse Max Petitpierre, «ministre desaffaires étrangères» et le Français PierreMendès-France, président du Conseil, àla Conférence de Genève en 1954.

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marginale du commerce extérieur total.Le Viêt Nam n’absorbe en effet qu’envi-ron 1% de l’ensemble des exportationssuisses vers l’Asie. De son côté, le Sudconstitue le principal partenaire com-mercial. Au début des années 1960, ilimporte des produits helvétiques pourune valeur environ quarante fois supé-rieure aux importations nord-vietna-miennes, et cette tendance s’accroîtchaque année. Ce déséquilibre s’ex-plique par la présence suisse nettementplus marquée au Sud depuis l’époquecoloniale, par le fait que le Nord est

troisième pays à reconnaître le Sud ViêtNam, la plupart d’entre eux l’ayant faiten 1955. A partir de 1958, il y a doncun déséquilibre diplomatique de lareprésentation diplomatique suisse auViêt Nam, déséquilibre qui va durertreize ans. En 1972, le consulat généralde Saigon est élevé au rang d’ambas-sade, tandis qu’une ambassade est ou-verte à Hanoi.

Le commerce de la Suisse avec le ViêtNam (Nord et Sud) représente une part

Bombardement aérien américain au Viêt-Nam.

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essentiellement tourné vers la Chine etl’Union soviétique et, dans une certainemesure, par la demande de biens deconsommation très forte, demande sou-tenue par l’aide financière des Etats-Unis et l’arrivée de plus en plus massivedes troupes américaines.

En ce qui concerne les relations entre laSuisse et les Etats-Unis, l’auteur se limiteà quelques aspects, laissant notammentde côté les exportations d’armementhelvétique, le rôle de la neutralité, es-sentiellement dans la résolution du problème des prisonniers de guerre, laquestion des déserteurs américains seréfugiant en Suisse et les exportations deproduits horlogers vers les Etats-Unis. Ilmet en évidence le soutien importantaccordé par les autorités suisses à l’in-dustrie horlogère, y compris dans le ca-dre de programmes destinés à fournirdes pièces mécaniques à l’industried’armement américaine.

Les années 1965-1968 sont essentielle-ment marquées, au point de vue poli-tique, par les demandes américaines desoutenir le combat du monde libre auViêt Nam, par la lettre du président HôChi Minh, qui cherche à contrer l’offen-sive diplomatique des Etats-Unis, pardes prises de contact avec Hanoi et leViêt Công, dans l’espoir de jouer un rôlediplomatique important dans la résolu-tion du conflit, et par l’ouverture d’uneambassade sud-vietnamienne à Berne.

Durant la période, la valeur des expor-tations suisses vers le Sud Viêt Nam estmultipliée par trois, alors que celles endirection du Nord stagnent. Les effortsde rapprochement diplomatiques versHanoi ne débouchent donc pas sur undéveloppement immédiat du commerceavec le Nord Viêt Nam. Le Département

politique fédéral n’y voit pas un grandintérêt. En ce qui concerne les exporta-tions vers les Etats-Unis, des polémiquesnaissent à propos de certains produits,notamment les avions Pilatus PC-6 et despièces d’horlogerie. Dans ce dernier do-maine, les exportations suisses sontmultipliées par cinq et servent à soute-nir de manière significative l’effort deguerre américain au Viêt Nam.

Au lendemain de l’échec de l’offensivedu Têt, la guerre prend un nouveautournant. Des négociations bilatéraless’ouvrent à Paris entre Washington etHanoi, tandis que le conflit se vietna-mise. Les combats ne cessent pas, chacun des belligérants cherchant à setrouver en position de force dans les négociations. De nouveaux contacts di-plomatiques sont pris entre Berne etHanoi. La situation de la Suisse se com-plique avec la création, au Sud, d’unGouvernement révolutionnaire provi-soire. Pour jouer un rôle dans les négo-ciations de paix, Berne devrait recon-naître ce dernier. Toutefois, en le faisant,elle risque de créer des tensions avec leGouvernement de Saigon. La Suisse semontre donc prudente…

En 1971, Berne reconnaît la Républiquedémocratique du Viêt Nam. L’année sui-vante, le consulat à Saigon est élevé aurang d’ambassade. Son histoire estcependant très courte, le Nord Viêt Namenvahissant le Sud en avril 1975. Lapaix de 1973 modifie également le fluxdes exportations suisses. Désormais, lecommerce avec Hanoi prend de l’im-portance. Un chargé d’affaire s’installeet divers projets économiques se met-tent en place.

D.Q

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l'ordre de pénétrer en Alsace. L'offen-sive se déroule le long de la frontièrejurassienne, où les troupes suisses tien-nent le terrain, ce qui permet d’éliminertout risque d’action de l'ennemi alle-mand sur le flanc droit de cette opéra-tion de reconquête. Le lieutenant Jeande Loisy, chef d'un peloton de 17 charsblindés, a pour mission de se porterjusque sur le Rhin. Le jeune officier, néle 14 février 1916, a déjà été engagédans les combats, en Belgique et enFrance. Plusieurs fois il a été cité à l'or-dre de l'armée. Le 19 novembre 1944,stationné à Delle, il reçoit l'ordre demouvement. A bord de son char Auster-litz, évocation prestigieuse, il pénètredans le Sundgau à Seppois. Après unraid de soixante kilomètres, il atteintRosenau, localité française bordant lefleuve. L'équipée n'a duré qu'une dizai-ne d'heures, le lieutenant de Loisy n’apas dû véritablement livrer combat,sinon pour liquider quelques faiblesnids de résistance allemands. Son pelo-ton est ainsi la première unité françaiseà atteindre le Rhin.

Le jeune lieutenant trempe fièrementson fanion tricolore dans les flots, onimagine l'instant d'émotion pour sessoldats en route vers la victoire. Le pelo-ton participe à la libération de Mul-house, c'est lui qui, en tête, ouvre à

Pèlerinage du souvenir, samedi 22 novem-bre 2008 dans le Sundgau. Une promo-tion de 175 officiers de l'Ecole spécialemilitaire de Saint-Cyr a parcouru l'itiné-raire victorieux du lieutenant Jean deLoisy et de ses chars blindés, fer de lanceen automne 1944 de l'offensive de la 1re

Armée française pour la libération de nosvoisins et amis français.

La promotion d'officiers de Saint-Cyr,baptisée Jean de Loisy, a suivi samedi 22 novembre 2008 l’itinéraire exact duraid mené par l'officier et ses blindés àtravers le Sundgau. Plusieurs cérémo-nies hautes en couleurs ont été organi-sées au long de ce parcours. Prises d'ar-mes près des monuments aux morts, lesSaint-Cyriens en grand uniforme bleu etrouge, képi à plumes de casoar, dans lagrande tradition des manifestations mili-taires françaises. A la fin de la journée,le bataillon a achevé son pèlerinage surla rive du Rhin, seul et dans le recueille-ment, laissant place à l'émotion, auxaccents du chant de leur promotion,Lieutenant de Loisy, voici vos héritiers!

Un raid vers le Rhin

Le général Jean de Lattre de Tassigny,commandant en chef de la 1re Arméefrançaise, donne le 19 novembre 1944

Prise d'armes le 22 novembre 2008 à la frontière jurassienne

Une promotion de Saint-Cyr sur les traces des libérateurs de l'Alsace en 1944

Denis Moine

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travers les rues le chemin à l'infanterie.Le 23 novembre 1944, engagé dans uneopération périlleuse contre la caserneLefebvre tenue par les Allemands quirésistent encore, le lieutenant Jean deLoisy a rendez-vous avec le destin. Lechar Austerlitz est touché en pleine tou-relle par un obus allemand, l'officierfrappé à mort. On voit encore, dans lacour de la caserne, le char Austerlitz et,sur son blindage, l'impact du projectileallemand qui a coûté la vie à Jean deLoisy, mort pour la France.

Le Jura était associé de près à cette jour-née. Parmi divers exposés sur la situa-tion militaire en automne 1944, les étapes de la libération du Sundgau, lecolonel Hervé de Weck, historien, a pré-senté aux jeunes officiers de Saint-Cyr

un aspect peu connu des relations entrela France et la Suisse, entre deux chefsd'armée vivant de part et d'autre de la frontière pendant la reconquête duterritoire français.

Le général de Lattre et le généralGuisan, une «complicité» franco-suisse

En 1940, le général de brigade Jean deLattre de Tassigny se trouve à l’Etat-major de l’armée d’armistice. En no-vembre, il se rend à Berne afin de négo-cier le rapatriement des soldats françaisdu 45e corps d'armée Daille, internés enSuisse en juin 1940. Du côté suisse,c'est le colonel Masson, chef du Servicede renseignement helvétique, qui est

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dents à la frontière. Un mois plus tard, ilpropose même une rencontre avec Gui-san au col des Roches dans le Jurasuisse, une offre que celui-ci doit refu-ser, après discussion avec le conseillerfédéral Karl Kobelt, chef du Départe-ment militaire fédéral. Ces contacts in-directs sont le fait de deux hommes quise sont connus à Strasbourg en 1938.

Le 3 octobre, la 1re Armée se trouve à laporte Sud de la trouée de Belfort. DeLattre, qui se trouve au fort du Lomont,réfléchit à la manœuvre qui lui permet-tra de libérer le pays de Montbéliard etle territoire de Belfort. «(...) j’étais apriori assuré de n’être pas exposé à unemanœuvre de débordement de monflanc puisque je savais qu’animée d’unfier patriotisme et conduite par un cheféminent, l’armée suisse s’opposerait àtoute violation de son sol national.Depuis septembre d’ailleurs, la Confédé-

chargé des pourparlers. Les discussions,menées avec l'accord exprès du IIIeReich, aboutissent au rapatriement enFrance non occupée, via Genève, des33000 soldats français. Les transportscommencent à fin janvier 1941. Lors-que de Lattre fuira la France après l’oc-cupation de la Zone libre par les Alle-mands, il passera un certain temps dansun petit chalet à Crans-sur-Sierre.

Depuis lors, il va faire du chemin, puis-qu’en été 1944, commandant de la 1re

Armée française, il remonte à toute vi-tesse la vallée du Rhône en direction dela frontière suisse. Le 26 août (le débar-quement de Provence a eu lieu une dizaine de jours auparavant), il reçoit le premier-lieutenant suisse René-HenriWüst, envoyé officieux du général Gui-san. De Lattre affirme à cette occasionsa volonté de respecter, quoiqu’il arrive,la neutralité suisse et d’éviter les inci-

Waldighofen, prise d’arme en présence du secrétaire d’Etat aux anciens combat-tants, Jean-Marie Bockel…

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ration avait renforcé encore sa mobilisa-tion et le général Guisan avait concentrédes unités importantes dans la région de Porrentruy, l’Ajoie.» Dès le début fé-vrier 1944, Guisan s’était rendu comptequ’un débarquement allié dans le sudde la France nécessiterait de faire sortirune partie de l’armée de son Réduitnational dans les Alpes et de porter plu-sieurs divisions sur la frontière Ouest. Illui fallait entraîner ces Grandes Unités àse déployer en dehors du Réduit. C’étaitle but des manœuvres d’une durée dedix jours en février 1944.

En octobre, le journaliste René Payot,dont les appréciations de situation dansle Journal de Genève sont très lues sousle manteau en France depuis l’été 1940,fait un séjour de trois jours chez de Lat-tre à Besançon, qui lui dit sa volonté derendre service à la Suisse. Il lui déclare:«L’idée de votre Réduit est extrêmementingénieuse. (…) Je suis persuadé que,dans vos montagnes, vous auriez offertune résistance extrêmement vigoureu-se.» Le général Guisan a approuvé cettemission officieuse, et Payot en rapportel’ordre de bataille de la 1re Armée et uneproposition d’échange d’officiers deliaison qui n’a pas de suite, neutralitéoblige. René Payot fait un second séjourau QG de la 1re Armée du 16 au 23novembre.

A la mi-novembre, alors que les troupesfrançaises s’apprêtent à forcer la trouéede Belfort, le général Béthouard, com-mandant du corps d’armée dont la limi-te droite se trouve à la frontière suisse,fait prévenir son homologue suisse, lecommandant du 2e corps d’armée, Al-fred Gübeli, de l’imminence de l’offen-

sive. Il recommande d’évacuer les fem-mes et les enfants de certaines zonesdangereuses et de bien marquer la fron-tière, de remplacer les panneaux entrois langues par des croix fédérales, carses soldats nord-africains et sénégalaisne savent pas lire! Le divisionnaire Clau-de Du Pasquier, à la tête de la 2e divi-sion déployée dans la partie Nord duJura bernois, reçoit un avis similaire dela part du général Magan, commandantde la 9e division d’infanterie coloniale,par l’entremise du lieutenant-colonelGarteiser, l’officier qui, avec le majorEMG Bernard Barbey, assurait en 1939/40 la liaison et les discussions de colla-boration entre le commandement fran-çais et le commandement suisse1. Lecommandement suisse reçoit «à temps»la date du début de l’offensive.

A l’époque de Noël 1944, le colonelHenry Guisan, le fils du Général, setrouve avec son régiment dans la régionde Bâle. Il reçoit sur sol suisse de Lattreen civil, accompagné de deux adju-dants. Durant la phase terminale de lacampagne de la 1re Armée en Allema-gne, le fils du Général se rend officieu-sement, à plusieurs reprises, au quartier-général de la 1re Armée, sans que leChef de l’Etat-major général suisse n’ensache rien. Il semble qu’il insiste auprèsdu général de Lattre sur l’intérêt de laSuisse pour un mouvement offensif destroupes françaises en Allemagne du Sudau plus près de la frontière helvétique,afin d’éviter le passage en Suisse de for-mations du 18e corps SS. Ainsi, on évite-rait également que les usines électriquessur le Rhin ne soient détruites.

1Voir Hervé de Weck: «Le général Henri Guisan, commandant en chef de l’armée suisse et les conven-tions franco-suisses en cas d’invasion de la Suisse par la Wehrmacht», Des deux côté de la frontière: leJura bernois, les régions françaises et alsaciennes avoisinantes (1939-1945). Actes du Colloque franco-suisse du 29 avril 2006 à Lucelle (F). Porrentruy, Société jurassienne des officiers, 2007, pp. 15-40.

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morts. Le commandant de la 1re Arméeest accompagné des généraux Salan,Béthouard et Valluy, ainsi que de l’écri-vain François Mauriac. Guisan fait ca-deau à son hôte d’une paire de chaussu-res militaires de montagne, que deLattre a demandée parce que meilleuresque celles équipant son armée, ainsiqu’un réveil. Guisan fait malicieuse-ment observer que cet instrument rap-pellerait peut-être, non seulement l'heu-re du lever, mais celle du coucher...Succès dans la suite du général de Lat-tre! Le 13 juin, Guisan se rend à Cons-tance, avec le commandant du 1er corps,Jules Borel, les divisionnaires SamuelGonard et Claude Du Pasquier, pourune visite à son ami de Lattre. Celle-ci a

En février 1945, une mission de dix offi-ciers suisses, conduite par le colonel di-visionnaire Marius Corbat, visite le frontd’Alsace et la 1re Armée française. Enavril 1945, dix autres officiers suisses,emmenés par le colonel divisionnaireRihner, suivent la dernière offensive dela 1re Armée entre le Rhin et le Danube.Ces missions sont spécialement chargéesde recueillir des expériences de guerreet des renseignements sur la coopéra-tion entre forces terrestres et aériennes.

Après l’armistice, le 18 mai 1945, legénéral Guisan invite le général de Lat-tre à Stein am Rhein. Le 22 février 1945,la petite ville avait été touchée par unbombardement allié qui avait fait neuf

…Parmi les élèves, des jeunes femmes.

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une dimension grandiose et solen-nelle... Le 17 août, Guisan rencontre enSuisse à Laufenburg le général Koenigqui a succédé à de Lattre.

Les relations entre Guisan et de Lattrese détériorent après la guerre à cause dedivergences sur l’ampleur des promes-ses faites par le Suisse concernant letraitement des soldats français mutilés,en contrepartie de la bienveillance stra-tégique à l’égard de la Suisse en 1945du commandant de la 1re Armée fran-çaise. Cela n’empêche pas le chef d’ar-me des troupes légères, le colonel divi-sionnaire de Muralt, de consulter legénéral de Lattre en été 1949 à proposdu futur équipement de l’armée suisse

en chars de combat. Celui-ci croit à l’a-venir du char léger et à la fin du charlourd… Pense-t-il à une acquisition parla Suisse d’une série d’AMX-13 français?

La complicité entre Henri Guisan etJean de Lattre a contribué à éviter laretraite par le Plateau suisse d’une par-tie des forces allemandes déployéesdans le sud de la France, partant desopérations alliées sur le territoire dupetit Etat neutre. En 1945, la manœuvrede la 1re Armée au plus près de la fron-tière Nord de la Suisse a, d’autre part,évité aux autorités helvétiques dedevoir interner des SS.

D.M.

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au deuxième semestre 2009. Suivrontdans l'ordre, le 1er régiment de tirail-leurs, le 152e RI, le Régiment de marchedu Tchad, le 16e Bataillon de chasseurs,le 1er RI, enfin le 126e RI.

2. SuisseNos morts à nous sont vivants

J’avais quoi? Dix-neuf ans, peut-être. Jesortais du concert d’un groupe de post-punk obscur et sans avenir. Mais j’avaisrencontré une fille; elle travaillait dansune assurance, je crois. Elle avait com-pris que j’étudiais à l’Uni, mais elle vou-lait savoir quoi. (…) son regard incré-dule face à ma réponse (l’histoire etl’archéologie), je m’en souviens parfai-tement. «Comment? Mais pourquoi onfait encore de l’histoire aujourd’hui?» A l’école, on lui avait tout expliqué, despeintures rupestres de Lascaux jusqu’àla bombe atomique. Toutes ces dates,tous ces événements documentés: lepassé était sagement couché dans leslivres et les manuels. Alors avant, certes,ça pouvait peut-être encore faire dusens; mais maintenant, ces histoires,c’était derrière nous. En toute sincérité,elle refusait donc de croire qu’il y avaitvraiment, aujourd’hui encore, des gensqui travaillaient sur le passé.

Ce soir-là, j’ai pris conscience du tra-gique malentendu qui touche au travaildes historiens, des archéologues et detous ceux qui s’occupent du patrimoine.(…) Dans les milieux culturels, dans lescafés branchés, dans les sections «Spon-soring» des grande entreprises, dans lesallées du pouvoir politique et jusque

1. Monde

Le 35e régiment d’infanterie de Belfort a reçu un véhicule blindéde nouvelle génération

En octobre 2008, le 35e Régiment d’in-fanterie (35e RI) de Belfort a été la première formation opérationnelle àrecevoir un nouvel engin de haute tech-nologie, le Véhicule blindé de combatd’infanterie (VBCI). Cet engin est montédans les ateliers de l’usine Nexter (ex-Giat Industries) à Roanne (Loire). Il ré-pond aux besoins opérationnels actuelsde projection et de protection des for-ces armées, et est appelé à succéder àl’AMX 10P. Deux versions seront pro-duites: «Combat d’infanterie» et «Postede commandement». Véhicule tout ter-rain à 8 roues motrices, il peut atteindreune vitesse de pointe de 100 km/h. Sonblindage résiste aux tirs de moyen cali-bre, aux éclats d’obus et aux enginsexplosifs improvisés (IED). Il sera unevéritable base de vie pour le fantassinéquipé du système FELIN (Fantassin àéquipements et liaisons intégrés).

Les fantassins de Belfort sont allés rece-voir leur nouvelle monture chez les ca-valiers. Les régiments d'infanterie méca-nisée vont tous passer par Canjuers (Var)pour percevoir le nouveau Véhiculeblindé de combat d'infanterie et s’y for-mer. Le stage de transformation a étéassuré par le 1er Régiment de Chasseursd'Afrique. Il s'est agi, au total, de formerplus de 2800 fantassins de huit régi-ments mécanisés. Le 35e Régiment d’in-fanterie de Belfort a ouvert le bal enoctobre 2008, Le 92e RI lui succédera

Reflets

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dans les couloirs de l’administration, onoppose en effet souvent la culture dite«vivante», celle des créateurs, et cellequi s’occupe du patrimoine qu’on per-çoit, sans oser le dire, comme la culturedes choses mortes.

Là contre, nous nous défendons d’ordi-naire en rappelant que nous découvronssans arrêt du nouveau. (…) Mais ces jus-tifications ne satisfont que les convain-cus. A ceux qui sourient volontiers denos «vieux cailloux», il s’agit plutôt derappeler que le passé ne nous intéressejamais pour lui-même. Si nous voulonsle comprendre et en protéger les vesti-ges, c’est à la lumière, toujours, des en-jeux de notre monde actuel. Car ce quinous importe, c’est le rapport, conscientou inconscient, que notre société entre-tient avec cet héritage.

En somme, si nous devons sauvegarderle patrimoine, c’est pour qu’il puissecontinuer à nous parler et nous enrichir,aujourd’hui et demain. (…) alors que lescréateurs sont obsédés par la relectureet la citation des œuvres d’hier et d’a-vant-hier, ce ne devrait pas être difficileà comprendre, dans les cercles culturelsles plus éclairés. (Marc-Antoine Kaeser,directeur du Laténium, Musée d’archéo-logie de Neuchâtel, L’Express, 21 août2008).

«Pendons-les d’abord», on les jugera ensuiteLa dénonciation et le lynchage d’indivi-dus présumés innocents est devenu unsport prisé des médias. Qui arrêtera cet-te dérive aux relents fascistes? Dans sachronique du 30 mai 2008 dans LeTemps, Marie-Hélène Miauton s'étonnede la dérive journalistique qui consiste àlyncher des individus, dénoncés par desmouchards anonymes, sans le moindreégard pour la présomption d'innocence

ni la protection de la personnalité (…).L’un des plus récents de ces dérapagesest évidemment l'affaire Xavier Ba-gnoud, commencée sur les chapeaux deroues par la publication complaisantede vidéos et d'images compromettantes,tournées à la sauvette ou volées dans lavie privée du député valaisan. Quitte àjouer le jeu de maîtres chanteurs et desalopards divers, quitte à assassiner mo-ralement et socialement une personne,pourvu qu'on puisse se payer un per-sonnage public et faire glousser dans leschaumières. De toute façon, les médiasn'ont rien à craindre et ils le savent, nide la justice, ni de leurs organes de sur-veillance interne, plutôt rigolos quandon y pense, comme le Conseil de lapresse. Champion toutes catégories ducynisme, il dégaine à chaque fois l'im-parable argument du «devoir d’infor-mer». (…)

Dans sa chronique, Mme Miauton dé-nonce de surcroît l'incohérence desmédias dans leurs basses manœuvres dejustice expéditive: en effet, pour des dé-rapages comparables et peut-être plusgraves, la Neuchâteloise Valérie Gar-bani a été l'objet de toutes les mansué-tudes et des plus grotesques complai-sances, jusqu'à la retransmission inté-grale de sa conférence de presse sur LaPremière, un honneur auquel le prési-dent Couchepin n'a évidemment pasdroit. (…)

Or la presse n'a pas à juger, ni à con-damner, ni à lyncher des personnes sup-posées innocentes, et encore moins surla base de dénonciations anonymes. Ilest tout de même préoccupant que desjournalistes professionnels se laissentainsi manipuler par des inconnus, dontles visées sont évidemment suspectes.Malheureusement, la délation média-tique est devenue une habitude, une

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nin, s'est découvert un nouveau chevalde bataille: il a déposé une initiativeparlementaire visant à interdire les dou-bles mandats. En hommage, probable-ment, à un politicien popiste vaudoisqui alla, il y a quelques années, jus-qu'à occuper, parallèlement à sa chargede secrétaire cantonal du parti, quatremandats simultanés: conseiller natio-nal, député, constituant et conseillercommunal. Mais ce n'est pas la premiè-re fois que les griseries de la politiquerendent Josef Zisyadis amnésique. Lescouloirs de l'administration vaudoisebruissent encore du souvenir d'un éphé-mère conseiller d'Etat popiste venu s'in-quiéter, par un beau matin de décembre1996, de ce qu'il était advenu de sontreizième salaire. On lui avait rappeléque les conseillers d'Etat avaient vu leurtreizième salaire supprimé, suite à lamotion d'un certain Josef Zisyadis. (LaLiberté, avril 2008)

Nouvelle articulation des brigadesde réserve des Forces terrestres

Berne, 22 février 2008.– Les deux briga-des de réserve des Forces terrestres, labrigade d'infanterie 7 et la brigade d'in-fanterie de montagne 10, sont restructu-rées dans le cadre de l'étape de déve-loppement 2008/2011. Les états-majorsdes brigades des Forces terrestres con-naissent une réduction par étapes de-puis le 1er janvier 2008 pour passer deneuf à huit. A cet égard, la brigade d'in-fanterie 7 et la brigade d'infanterie demontagne 10 sont maintenues. Ne leursont toutefois désormais subordonnésque des bataillons de réserve.

Les formations de réserve dont les mili-taires sont issus de la partie occidentalede la Suisse (cantons de Genève, deVaud, du Valais, de Fribourg, de Berne,

façon de vendre du papier ou de l'au-dience, donc de la publicité (soyonsclairs). Et si les médias s'embarrassentparfois de précautions, comme de tairele nom des personnes ou de ne pasmontrer leur photo, c'est devenu l'ex-ception, certains individus étant con-damnés avant même d'avoir été arrêtés.On se croirait dans M. le Maudit, chef-d’œuvre de Fritz Lang tourné en pleinemontée du nazisme, où le pédophile estcondamné à mort par... les gangsters quil'ont capturé, parce qu'il gênait leurbusiness. Toute ressemblance avec l'é-poque présente n'est pas fortuite dutout. (L’Atout N° 3, juin 2008)

Nouveau chef de la Communication «Défense»

Dès le 1er mai 2008, la Communication«Défense», qui a été réorganisée, est di-rigée par Jacques Andres. Agé de qua-rante-huit ans, titulaire d'un diplôme enjournalisme et communications socialesde l'Université de Fribourg et d'un Exe-cutive Master of Science in Communica-tions Management de l'Université deLugano, Jacques Andres était jusqu’alorschef des Relations publiques «Défen-se». Il assume l'entière responsabilité dela Communication «Défense», appuyépar les responsables de la communica-tion du domaine «Défense». Il dirigeégalement les officiers de milice de lacommunication. Il a succédé à PhilippeZahno, colonel de milice et membre de la Société jurassienne des officiers,qui réoriente sa carrière professionnelleaprès cinq années passées à ce poste.

Zizyadis: «Faites comme je dis»

Son étoile a beau pâlir, il a gardé toutson punch. Josef Zisyadis, qui a sauvéson siège au National grâce à la défec-tion de sa camarade Marianne Hugue-

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du Jura, de Soleure et de Bâle-Campa-gne) sont subordonnées à la brigaded'infanterie de montagne 10. La brigaded'infanterie 7 englobe les formations deréserve de la partie orientale de la Suis-se (cantons de Bâle-Ville, d'Argovie, deSchaffhouse, de Schwyz, de Thurgovie,de Saint-Gall, d'Appenzell Rhodes-Exté-rieures et des Grisons).

Les états-majors des brigades de réservese tiennent avant tout prêts à planifier età mener des engagements en vue d'unerelève d'autres états-majors. Ils peuventprendre part à des exercices d'état-major en tant qu'état-major exercé, sontresponsables de l'instruction des offi-ciers des corps de troupe subordonnés.Ils peuvent également prendre en char-ge des tâches particulières, telles que laplanification et la conduite de grandesmanifestations de l'armée ou, dans lecadre d'exercices, être engagés pourdes services d'arbitrage.

Tous les membres des états-majors debrigade accomplissent au maximumtrente jours de service en deux ans. Lesofficiers aux fonctions-clés des états-majors de brigade accomplissent aumaximum dix jours supplémentaires deservice en deux ans pour les travauxpréparatoires. Les officiers des corps detroupe de réserve accomplissent leurservice conformément à l'ordonnancesur les obligations militaires actuelle-ment en vigueur. Il n'est en principe paspossible de procéder à des avancementsau sein des fonctions de réserve, excep-tion faite de l'avancement avec un dou-ble grade comme dans les fonctionsactives.

«Sécurité et défense», le sondage2008 de Karl W. Haltiner de l’Académie militaire

Le sondage effectué en 2008 révèle quele sentiment général de sécurité et l'ap-probation de la neutralité obtiennentdes valeurs élevées, jamais atteintesdepuis 1991. Les fonctions de la neutra-lité se référant à l'identité et à la solida-rité (conception de l'Etat, bons offices)gagnent en importance. Par contre, lesaspects de la neutralité relatifs à la sécurité sont considérés comme moinsimportants1.

• L’évaluation de l'avenir de la Suisseest marquée par un degré d'optimismeélevé et une appréciation légèrementplus optimiste de la situation interna-tionale.• Autonomie et volonté d'ouverture: lavolonté de coopération/rapprochementavec l'Union européenne reste basse.L’ONU recueille une approbation majo-ritaire.• La coopération internationale est sou-haitée mais, si possible, sans restrictionsde souveraineté (préférence à «l'ouver-ture douce»).• La confiance dans les institutions resteinchangée: valeurs de confiance élevéespour la police et la justice, suivies desautorités fédérales, de l'armée et de l’é-conomie, valeurs basses pour les mé-dias et les partis.•Sécurité intérieure: la tolérance enversles mesures de protection a légèrementdiminué par rapport à l'année précé-dente. Cependant, bien des mesures desécurité sont soutenues par une largemajorité de la population.

1Sicherheit 2008. Aussen-, Sicherheits- und Verteidigungspolitische Meinungsbldung im Trend. Zürich,ETH, 2008.

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les rafles et les déportations. Ainsi elleaccueille, du 15 octobre au 21 novem-bre 1942, sept juifs néerlandais, M. etMme Hedeman Joosten et leurs deuxenfants, M. et Mme Hertsberger et Corrie,leur fille. Elle se rend à Lausanne pour yrencontrer quelqu'un susceptible d'in-tervenir auprès de la Légation des Pays-Bas à Berne… Ces personnes passentpar le camp de quarantaine de Büren a/Aare, puis sont été assignées à résidencedans la région lémanique. Nombred'autres réfugiés belges et néerlandaissont hébergés par Yvonne Quain, quisera honorée, après guerre, par la Prin-cesse Juliana. Elle rend également, à denombreuses reprises, d'éminents servi-ces au SR suisse du colonel brigadierRoger Masson, aux services alliés (bri-tanniques, américains et français). Desmembres importants de la Résistance,venant de la zone Sud via Genève, quit-tent le territoire suisse avec l'aide d'Y-vonne Quain et sont pris en charge parle groupe de résistance de Grandvillars.

Ces activités, interdites au nom de laneutralité, provoquent une surveillanceétroite de la part de la gendarmerie d'ar-mée. La police cantonale bernoise doitempêcher le franchissement illégal de lafrontière, et les enquêteurs des douanestentent de s'opposer à la contrebande.Pour ces raisons, la ferme Quain, Yvon-ne en particulier, se trouvent sous hautesurveillance. A plusieurs reprises, elleest incarcérée sur ordre des autoritésmilitaires. Le 2 mai 1946, le Tribunalmilitaire de division 2A, siégeant à De-lémont, l’acquitte du délit d'espionnageau préjudice d'un état étranger (leReich), et d'infractions aux arrêtés duConseil fédéral relatifs à la fermeturepartielle de la frontière. Elle est défen-due par Me Henri Spira. (Henry Spira)

• Confiance élevée dans les préparatifsconcernant la sécurité de l'Euro 08.• L’armée (dimension, forme des obli-gations de servir) connaît un regain depopularité.• Dépenses d'armement 1998-2008.Les grandes variations constatées dansles relevés concernant les prestationsattendues de l'armée, particulièrementles services d'appui et la sûreté secto-rielle, révèlent une certaine incertitudede la population en ce qui concerne laraison d'être de l'armée.• L’attitude sceptique quant aux enga-gements militaires à l'étranger perdure:les troupes onusiennes sont approuvées,mais l'armement des soldats fait l'objetde contestation.• Recul du scepticisme envers les dé-penses d'armement: seule une minoritéles juge trop élevées.• Scepticisme accru envers les armesd'ordonnance à domicile: cette année,une majorité se manifeste contre lesarmes d'ordonnance à domicile.• Les avis sont partagés sur l'acquisitionde nouveaux avions de combat pourremplacer les Tigre. Le scepticisme prévaut.

3. Jura/Jura bernois

Décès d’Yvonne Estre née Quain de la Queue-au-Loup (Boncourt)

Une grande dame méconnue s’estéteinte au Foyer de Saint-Ursanne, danssa 93e année. Toute sa vie, elle l’a pas-sée à La Queue-au-Loup, à vingt mètresde la frontière, puis à Boncourt. Pendantla Seconde Guerre mondiale, elle s'in-vestit, avec ténacité et don de soi, enfaveur des fugitifs juifs et autres, fuyant

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Décès de Xavier Jobin, gendarmed’armée pendant la SecondeGuerre mondiale

Xavier Jobin des Bois s’est éteint le 19mai 2008 à l’âge de quatre-vingt-huitans. Henry Spira, dans Le Franc-Monta-gnard, rappelle qu’il fut «un homme debien qui, sa vie durant, a pratiqué l’a-mour du prochain, l’aide aux affligés etson soutien aux pourchassés. Au coursde son existence jurassienne, avant des’expatrier en ces terres lointaines del’île de Ceylan (…) à la fin de la Secon-de Guerre mondiale, il avait accomplides centaines de jours de service dansles rangs de la gendarmerie d’armée etaccompli son devoir de citoyen et desoldat en honnête homme, s’opposantavec efficacité aux Diktats de sa hiérar-chie, lorsque les ordres heurtaient sesconvictions.» Certains juifs fuyant lespersécutions, les rafles et la déportation,qui tentent de trouver refuge en Suisse,doivent leur survie à Xavier Jobin. Ils luiont exprimé leur reconnaissance…

Le 25 mai 2002, un important colloque,consacré aux réfugiés en Suisse roman-de pendant la Seconde Guerre mon-diale, a lieu à Porrentruy, avec la participation de Jean-François Bergier,président de la Commission indépen-dante d'experts Suisse – Seconde Guer-re mondiale. Lors d’une discussion, unhomme, de passé quatre-vingts ans, selève et apporte un témoignage que l'as-sistance écoute dans un silence respec-tueux. C’est Xavier Jobin, il dit avecbeaucoup de maîtrise qu'il n'est que filsde paysan, qu'il n'a pas fait d'études,mais qu'il tient à expliquer ce qu'était satrès lourde tâche de gendarme d'arméeen Ajoie. «On nous donnait d'écrasan-tes responsabilités sans nous former. Ladiscipline était impitoyable; je devais

exécuter les ordres, sinon je serais alléen prison. Vous ne pouvez pas imaginerce que c'est que refouler une familleavec de jeunes enfants! Il m'est arrivéde pleurer; une fois, je me suis mis àgenoux pour implorer le pardon deceux que je devais refouler. Il est arrivéque certains de mes supérieurs, inhu-mains ou antisémites, aient donné desordres qui allaient plus loin que lesdirectives de l'Office fédéral de la po-lice. Une fois, le refoulement injustifiéde plusieurs adolescents a tourné court,parce que nous avons eu un accident devoiture! Ces gens ont pu rester en Suis-se. Tout cela m'a beaucoup travailléaprès la guerre...» Admirable, cet hom-me d'une grande intelligence naturellequi témoigne devant un parterre d'histo-riens. Il y a des yeux humides dans lasalle.

A droite, le gendarme d’armée XavierJobin en 1943, devant l’Hôtel Suisse àPorrentruy.

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En 1896, il accepte de figurer sur la listedes radicaux bernois pour le Conseilnational et est élu. Il s'engage avec pas-sion aux côtés d'Eugen Huber, dans lestravaux qui iront de l'adoption de lanorme constitutionnelle établissant leprincipe de l'unification du droit pénalet du droit civil à l'entrée en vigueur duCode civil suisse en 1912, année où ilquitte la politique pour s'installer à Lau-sanne, comme juge fédéral. Virgile Ros-sel a le souci de défendre l'unité dupays. Cette unité, les radicaux la jugentmenacée par le séparatisme socialiste etles velléités traditionalistes du mondepaysan. Rossel, sur ce point, approuvepleinement ses camarades de parti. Pas-sionné par l'avenir de son pays juras-sien, fier de l'appartenance de sa régionà la Confédération autant que de sonidentité romande, il ne peut être doncconsidéré comme un fédéraliste1.

Saluons l'initiative de Roland Stähli derendre hommage à Virgile Rossel, ressor-tissant de Tramelan, peut-être «le meilleuret le plus grand des Jurassiens». L’Officedes affaires culturelles du Canton de Ber-ne et Pro Helvetia se sont associés auxcommémorations marquant les cent cin-quante ans de la naissance de cette personnalité hors du commun.

Virgile Rossel est d’abord un grand ju-riste, professeur extraordinaire de droitcivil en 1883, professeur ordinaire troisans plus tard, étroitement lié au Codecivil et au Code des obligations dont ilest l’un des rédacteurs. C’est égalementun homme politique important à lacharnière des XIXe et XXe siècles, quis’est révélé très jeune dans l'écriture. Ilpublie des articles dans la presse de sonCanton, il taquine la muse.

Né à Tramelan le 19 mars 1858, Vir-gile Rossel obtient sa maturité litté-raire à l'École cantonale de Porren-truy. Etudes juridiques et littérairesaux universités de Leipzig, Berne,Strasbourg et Paris. Docteur en droitde l'Université de Berne (1879), avo-cat à Courtelary (1881-1883), profes-seur de droit civil à l'Université deBerne (1883-1912) recteur en 1894et en 1907. Membre de la Consti-tuante bernoise (1884 à 1885), dépu-té au Conseil national (1896-1912)qu’il préside en 1910. Membre duTribunal fédéral (1912-1932), accèdeà sa présidence en 1929 et en 1930.Auteur de nombreux ouvrages juri-diques.

A l’occasion du 150e anniversaire de sa naissance…

Virgile Rossel, «le plus grand des Jurassiens»?

1Olivier Meuwly: Le Temps – Eclairages, 26 août 2008.

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A côté de sa profession, il s'adonne àl'écriture: tour à tour poète, romancier,dramaturge, historien et critique litté-raire, on lui doit plusieurs recueils depoèmes, une quinzaine de romans, desbiographies de Louis Ruchonnet et d'Eu-gène Rambert, cinq pièces de théâtre etplusieurs ouvrages d'histoire littéraire. Il écrit de nombreux articles dans LeDémocrate, dont il est le chroniqueurlittéraire, et dans La Gazette de Lau-sanne, ainsi que dans plusieurs revuesjuridiques, politiques et littéraires, no-tamment les Actes de la Société juras-sienne d'Emulation.

Virgile Rossel, en 1918, publie Le romand'un neutre, dans lequel il entreprendde «raconter l'un des moments les plusdramatiques de notre vie nationale», ceque les historiens ont appelé le fosséentre Romands et Alémaniques pendant

la Première Guerre mondiale. Jean Réal,un Lausannois de vieille souche, aépousé Annie Maykirch de Berne, dontle frère, capitaine à l'armée, admirel'Allemagne avec un tel fanatisme qu'ilne peut plus se voir en Suisse romande.Il faut convenir que cette œuvre a malvieilli; ses personnages semblent artifi-ciels, parce que Rossel les veut des re-présentants exemplaires de leur com-munauté. Il n’en reste pas moins queleurs idées, leurs propos recoupent ceuxdes notables zurichois que l'on décou-vre dans Schweizerspiegel du Schwyt-zois Meinrad Inglin, un roman paru en1938 et très vite épuisé2, dont l'intriguecommence en 1912, avec la visite enSuisse du Kaiser Guillaume II, et s'a-chève pendant les grèves de 1918, etqui raconte la saga des Amman, une fa-mille de la haute bourgeoisie des bordsde la Limmat.

2Les éditions de l'Aire, en collaboration avec Ex Libris, en ont publié une traduction française en 1985.

Quelques œuvres de Virgile Rossel

– Histoire littéraire de la Suisse romande des origines à nos jours. Genève 1889-1891, 2 vol. (rééd. Neuchâtel 1903; Lausanne 1990).

– Poèmes suisses. Lausanne, 1893.– Cœurs simples. Roman de mœurs suisses. Genève, 1894.– Jours difficiles. Roman de mœurs suisses. Genève, 1896.– Davel. Poème dramatique en cinq actes. Lausanne, 1898.– Une mère. Episode de la guerre anglo-transvaalienne. Drame en un acte en

vers. Lausanne, 1901.– Clément Rochard. Roman de mœurs politiques suisses. La Chaux-de-Fonds,

1903.– Morgarten. Drame en quatre actes en vers. Lausanne, 1905.– Le Maître. Roman, Lausanne, 1906.– Histoire du Jura bernois. Genève 1914. – Le Roi des paysans. Lausanne, 1915. – Le roman d'un neutre. Lausanne, 1918.– Là-haut sur la Montagne... Poèmes alpestres. Lausanne, 1921.– Sorbeval. Roman jurassien, Lausanne 1925.

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que pour la défense de la Principauté, etles Cantons combourgeois y faisaientappel aux contingents dont ils avaientbesoin, sauf lorsqu’ils étaient en guerrecontre l’Evêque.»

«L’ancien Evêché de Bâle n’a pas tenudans les lettres, les sciences et les artsbeaucoup plus de place que dans l’his-toire. Et pourtant son rôle n’y fut pas nul;il aurait pu être fort honorable, si les prin-ces-évêques n’avaient pas été des étran-gers, et presque tous de simples passantsdont l’esprit et le cœur ne communi-quaient pas avec l’âme du pays3.»

Dans l’historiographie jurassienne, Vir-gile Rossel occupe une place à part. Sonpatriotisme, son attachement à sa régionne le font pas tomber dans le dithy-rambe. Son Histoire du Jura bernois n’apas pris beaucoup de rides!

R.V.

Dans son Histoire du Jura bernois, Vir-gile Rossel se révèle un très bon histo-rien qui prend de la hauteur et ne suc-combe pas à la tentation – courante àl’époque – de faire dans le lyrico-épique. Au début du XVIIe siècle, laPrincipauté épiscopale de Bâle «n’étaitqu’une minuscule Principauté qui rele-vait de l’Empire par surcroît et qui avaitnaturellement pour ennemi les ennemisde son suzerain. N’étant pas maître deses destinées, exposé d’ailleurs par fai-blesse à tous les périls lorsque ses voisinss’armaient (…), incapable d’assumer lerespect de ses frontières, comment n’au-rait-il pas subi le contrecoup (…) desconflits qui déchirèrent l’Europe centra-le?» Dans les années 1730, l’armée duprince-évêque Jean-Conrad de Reinachne comptait que quarante-deux hom-mes… «Le souverain n’avait le droit delever des troupes que dans ses Etatscatholiques; dans les bailliages protes-tants, il ne pouvait requérir des hommes

3Histoire du Jura bernois. Genève, 1914, pp. 119, 139, 182, 209.

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Visitez le fortin du Chételat!Visiter le fortin d’infanterie du Ché-telat sur la route du col des Ran-giers… une activité originale pourles familles, les sorties d’associationou d’entreprise!

Et pourquoi ne pas prendre l’apéri-tif, puis une fondue dans l’ouvragedu Chételat? C’est le choix qu’ontfait de nombreux groupes, sociétéset entreprises du Jura et de Suisseromande.

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qu'il s'agissait d'une course d'orienta-tion dans le terrain, à la recherche depoints-carte. Cela ne se fait pas unearme à la main, donc le holster estindispensable.

Admettons quand même l'idée de fairedisparaître l'arme dans le temps du sui-cide. Des éclats de grenade ont été retrouvés dans la partie inférieure ducorps, mais pas de trace de métal prove-nant, soit du pistolet ou du magasin del'arme, qui contenait tout de même dela munition. Encore moins de débris decuir du holster. Si l'arme n'a pas étédétruite lors de l'explosion, où a-t-elledisparu? Personne ne l’a revue. Enterrée?Un suicidaire se fiche de tout lorsqu'ilest prêt de mourir, alors enterrer sonarme! Volée? Cela voudrait dire que lechasseur qui a retrouvé le corps se seraitapproprié un objet faisant partie de l'en-quête, dans le but d'augmenter le mys-tère. Hypothèse difficile à soutenir. Ouque quelqu'un d'autre aurait passé enpremier, aurait pris l'arme et laissé lecadavre en l'état? Hypothèse aussi diffi-cile à soutenir.

L'arme a bel et bien disparu, sans qu'el-le fasse l'objet d'une recherche trèspoussée lors de l'enquête. Du moinscela n'apparaît pas dans les rapports àdisposition du grand public. Cette armea un numéro de série, noté dans le Livretde service de l'aspirant. Ce numéro n'ajamais fait l'objet d'une quelconquepublicité, bien que l'arme ait disparu. Sielle a été détruite dans l'explosion, il ne

Quelques réflexions après la lecture dutexte aux pages 59 et suivantes du Bulle-tin SJO de février 2008. L’aspirant Fluki-ger s'est suicidé. Ceci est une affirmationde la justice. Est-ce la réalité? Tout d'a-bord, le profil psychologique de l'élèveofficier ne laissait rien paraître d'une telle possibilité, mais admettons cetteéventualité.

La partie inférieure de son corps estretrouvée avec des éclats de grenade etla moitié de la plaque d'identité. Dansune poche? Si oui, laquelle: gauche oudroite, devant ou derrière? Casser laplaque d'identité est un geste de mili-taire, pour montrer la fin, soit. Maisdans le cas présent, il ne peut s'agir qued'un geste programmé qui est à rappro-cher du détournement d'une grenade,de son transport camouflé et de la miseà exécution du projet. Briser sa plaquepeut faire partie du tout, à conditionqu'elle ait été trouvée sur le corps ducôté de la main dominante. Flukigerétait-il gaucher ou droitier?

Lors d'une course de patrouille en tenuebleue, ce qui était le cas, chaque officiera sur lui son arme, dans le holster. Etait-ce un P-210 ou un P-220? Le holstern'est pas le même, mais les deux se por-tent à la ceinture. Le 210 peut être portéen bandoulière latérale. Pour se suiciderà la grenade, au niveau du thorax, il estparticulièrement encombrant de pren-dre son arme contre soi au niveau duthorax dans le seul but de la faire dispa-raître avec le holster. N'oublions pas

A propos de l’aspirant FlukigerSpectator

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sert à rien. Si elle a été volée, il aurait puservir à retrouver un témoin confirmantle suicide, ou ouvrir une autre piste,celle d'un crime.

L'hypothèse d'un crime tient-elle laroute? Le contexte: la cascade des refe-rendum liés à la création du Canton duJura dépend du choix du district deMoutier. Dans la mesure où il basculeau Nord, la victoire serait importante.Mais l'argent manque cruellement pourfaire de la publicité et de la propagande.Le 16 septembre au soir, une réunion demilitants se tient à Grandfontaine. Dansquel but?

Le procès-verbal de la séance de Grand-fontaine mentionne les membres pré-sents: tous sont là, sauf un, «le choucasmulticolore». Cet oiseau apportera plustard une importante somme d'argent,pas suffisante pour faire basculer le plé-biscite, mais il a rempli son contrat. Cetargent provient d'une transaction quis'est passée dans la nuit du 16 au 17septembre 1977. Armes et munitionscontre de l’argent. Ce que le procès-ver-bal ne dit pas, ce sont les circonstances

de la transaction. Les autres l'appren-dront quelques jours plus tard. L'hypo-thèse de travail peut être la suivante.Flukiger fait sa course aux points. Il tom-be par inadvertance sur la transaction etil est éliminé par une arme qui n'est pasla sienne (tir au thorax). La transactionse termine dans la hâte et le corps estembarqué pour ne pas attirer l'attentionsur la réunion de Grandfontaine. Pouréliminer toute preuve de l’interventiond'une tierce personne, le crime est ca-mouflé en suicide, avec une grenadeprélevée sur le stock des munitionséchangées. Le pistolet est gardé en com-pensation. N'oublions pas qu'il s'agitd'une arme inconnue des services depolice.

Qui était à Grandfontaine? Qui n'y étaitpas? Quel était le sujet à l'ordre dujour? Quelle somme d'argent est appa-rue et dans quelle circonstance? Si cettehypothèse est proche de la réalité, denombreux acteurs sont encore bien vi-vants, alors attention où nous mènentnos pas.

Sp

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allemandes. Pendant ces moments tra-giques, sa femme, une Saint-Galloise devingt-trois ans, enceinte de huit mois,publie dans les Basler Nachrichten des«Tagebuchblätter» de haute tenue. Elleaime les arts et la littérature et est venue dans le Jura bernois apprendre le français…

23 septembre 2008, jamais la Biblio-thèque militaire fédérale à Berne, dénom-mée depuis deux ans Bibliothèque AmGuisanplatz, n’avait accueilli en mêmetemps autant de Jurassiens! Claude Hê-che, conseiller aux Etats, Pierre Paupe, unancien de la Chambre des Cantons, Mi-chel Hauser, chef de l’Office de la cul-ture, Jean-Pierre Beuret, président de laLoterie romande, le colonel Jean-FrançoisGnaegi, président de la Société juras-sienne des officiers. Mais surtout Fran-çoise et Michel Girardin-Boillat entourésde nombreux amis. Pourquoi un tel afflux?

Ce jour-là, Françoise Girardin-Boillatremet à la Bibliothèque Am Guisanplatzle modèle en plâtre d’une statue éques-tre du général Guisan, créé par son pè-re, l’artiste de Tramelan Laurent Boillat.Elle fait également don à cette institu-tion de carnets de notes, datant de laSeconde Guerre mondiale, entre autresle journal d’observation du Spiegelberg.De cet endroit très escarpé, vestige d’unchâteau médiéval, Laurent Boillat pou-vait apercevoir les villages de Goumois-Suisse et de Goumois-France. Avec descamarades, il a observé en mai-juin1940 les allées et venues des soldatsfrançais, leur départ puis, vingt-quatreheures plus tard, l’arrivée des troupes

Laurent Boillat, l’artiste de Tramelan, a modelé une statue du général Guisan

Col Hervé de Weck

Laurent Boillat en train de sculpter.

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Laurent Boillat (1911-1985), né à Tra-melan. Ecoles primaire et secondaireà Tramelan puis Ecole normale desinstituteurs à Porrentruy. Formationpour le dessin et la peinture à Porren-truy avec Willi Nicolet, avec Zadkineet Elia, à Paris, pour la sculpture.Instituteur à Tramelan jusqu’en 1963puis professeur de dessin à Delé-mont. Un des fondateurs de la So-ciété des peintres et sculpteurs juras-siens, un des animateurs de la revueTransjurane, un des organisateurs desSalons jurassiens des beaux-arts. Il aprésidé la Société littéraire de Trame-lan. Exposition dans le Jura, en Suisseet à l’étranger. Plusieurs premiers prixde sculpture: à San Remo (1970), àLyon (1973) et à Nice. Prix de la Fon-dation Bertrand Russell à Londres.Auteur de plusieurs suites de gravuressur les coutumes, cités et paysagesjurassiens.1

Laurent Boillat, dessinateur, illustrateur,graveur, sculpteur, est l’un des artistesjurassiens les plus connus et appréciés.Pendant la Seconde Guerre mondiale,cet homme sensible fait son devoir desoldat dans les troupes frontière. Il ac-cepte de graver de nombreuses couver-tures et illustrations de journaux detroupe comme le Sac à pain. Durant sesjours de garde aux Sommêtres, il sculpteen bas-relief un soldat en observation.Celui-ci se trouve à une vingtaine demètres du sommet, à droite du sentier,dans un endroit quelque peu escarpé. Ala même époque, Coghuf met égale-ment ses talents à disposition de ses ca-marades de service, décorant entre au-tres le foyer du soldat de Saignelégier.

En 1949, à l’occasion d’une manifesta-tion marquant le dixième anniversairede la mobilisation générale, LaurentBoillat rencontre le général Henri Gui-san à Montfaucon. L’homme l’impres-sionne beaucoup, il projette une statueéquestre du Général. Entre 1963 et1970, il moule en plâtre un modèled’environ quatre-vingts centimètres dehauteur, qui figure dans son catalogue,sous le numéro 111 et l’appellation«Général Guisan à cheval».

1D’après le Dictionnaire du Jura /(www.diju.ch). Cercle d’études historiques de la Société jurassienned’Emulation.

Modelage en plâtre de la statue de Guisan.

Les années passent… Dans les années2000, la fête du 1er août au Grütli estrégulièrement perturbée par des extré-mistes de droite. En 2007, le Conseil

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«Le 25 juillet 1940, l'Europe tremble etparfois se couche devant les barbares hit-lériens. En Suisse, les amis de l'Allema-gne, estimant que la guerre est terminée,demandent la démobilisation de l'armée.Le général Guisan, lui, refuse de s'incli-ner. Sur la plaine du Grütli, il réunit qua-tre cents officiers supérieurs et fait distri-buer un ordre d'armée qui doit être lu àla troupe. Son contenu peut se résumeren un mot: tenir.

Soixante-sept ans plus tard, heureuse-ment dans des conditions de paix et desécurité retrouvées, cette même plainedu Grütli n'est pas accessible à ses auto-rités: les mesures garantissant la sécuritédes participants sont estimées trop coû-teuses! Le Conseil fédéral cherche dansses tiroirs mais ne trouve pas les deuxcent mille francs nécessaires. Les gouver-nements des Cantons concernés rumi-nent. L'extrême gauche rigole. L'extrêmedroite ricane et se frotte les mains. Lesgrandes banques détournent les yeux...

J'ai été sidérée par une telle lâcheté, fas-cinée par une telle débandade, révoltéepar cette atteinte portée aux droits dé-mocratiques fondamentaux.

Mon père, simple soldat, à travers saterre jurassienne natale, aimait son pays.Il me l'a fait aimer par l'évocation de sessouvenirs, par son témoignage et surtoutà travers les cinq cents bois qu'il a gravéspuis imprimés, célébrant les paysages, lesmonuments, les joies et les peines de seshabitants. Il m'a raconté la montée de la«peste brune», le rapport du Grütli de1940 et, surtout, la rencontre avec legénéral Guisan le 28 août 1949 à Mont-faucon, à l'occasion du dixième anniver-saire de la Mobilisation.

fédéral et les Cantons concernés refu-sent d’assumer une dépense de deuxcent mille francs pour les indispensa-bles mesures de sécurité pour la fêtenationale à la prairie mythique. Avec lecélèbre horloger Nicolas Hayek, le con-seiller national Johann N. Schneider-Ammann, patron de Ammann Group àLangenthal, décide de financer le dispo-sitif de sécurité au Grütli. A fin août, trèstouchée par ce geste, Françoise Girar-din-Boillat, fille de Laurent Boillat, faitdon au député fédéral du modelage dela statue équestre d’Henri Guisan, faitpar son père. Johann Schneider, parrespect pour le Général et l’artiste, neveut pas que l’œuvre reste une propriétéprivée. D’entente avec Françoise Girar-din-Boillat, il décide de la remettre à laBibliothèque Am Guisanplatz. La géné-rosité entraîne la générosité! Lors de lacérémonie de remise, Françoise Girar-din-Boillat a tenu des propos qui ontémotionné l’assistance.

Statue du Général à Ouchy.

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De mon côté, des années durant, j'ai sys-tématiquement préparé des élèves à de-venir des citoyens. Chaque semaine, àl'école, j'ai exercé l'écoute de l'autre, lechoc des opinions, le respect d'autrui, lenon-recours à la violence, la recherchedu consensus et, ce qui ne gâte rien, unbrin d'élégance et une pointe de courtoi-sie dans les échanges.

Alors quand j'apprends que des citoyensde ce pays se redressent et relèvent latête face aux aboiements et aux ricane-ments des extrémistes, j'applaudis. Lors-que je lis dans la presse que, spontané-ment, sans calcul, par pur esprit decitoyenneté, des patriotes (au sens noblede ce terme) sont prêts à payer de leurpoche pour que la Présidente de laConfédération et la Présidente des Cham-bres fédérales puissent prendre la paroleau Grütli le 1er août, j'ai envie de me join-dre à eux.

Je ne sais pas, à ce moment-là, qui estMonsieur Johann-Niklaus Schneider. Jelis dans L'Illustré qu'il passe des vacan-

ces à Saanen. Alors, avec la même spon-tanéité que lui, je lui écris à Saanen pourlui dire mon émotion devant son geste. Jelui exprime mon désir de participer àcette expression de soutien à la défensede notre démocratie. Ne disposant pasd'argent, je lui fais don d'une statueéquestre du général Guisan que monpère avait créée peu après sa rencontrede Montfaucon.»

Le modèle de Laurent Boillat fait regret-ter que l’on n’ait pas retenu l’artistejurassien pour la réalisation de la statueéquestre du Général, inaugurée à Ou-chy le 27 mai 1967, dans un granddéploiement officiel et médiatique. Dèsla phase «Concours», l’œuvre du sculp-teur zurichois Otto Bänninger a en effetprovoqué la polémique: on a critiqué àjuste titre la posture rigide du Général,de surcroît en manteau, ainsi que lecheval qualifié de «gazelle dansante»…

H.W.

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dans la région. Elle se substitue en quel-que sorte aux historiens qui, longtemps,ont boudé le sujet dans leurs recher-ches: «Ce manque d'intérêt s'expliquepeut-être par la lutte pour la création duCanton du Jura, estime Hervé de Weck.Tout ce qui est alémanique et militairesert de repoussoir, alors que les têtespensantes du Département militaire fé-déral ne savent pas toujours éviter lesmaladresses qui fournissent des argu-ments aux séparatistes.»

Commande de Au fil du temps,chronique militaire du Jura et du Jura bernois de Denis Moine

Editions D+P S.A.Route de Courroux 62800 DelémontTél. 032 421 18 20E-mail: [email protected]

En s'adressant à Denis Moine, les offi-ciers se lancent en terrain ouvert. Leschroniques qui composeront le livresont déjà connues pour avoir été pu-bliées dans un quotidien et leur auteurfait partie de la grande famille des officiers.

Difficile de trouver un ouvrage de réfé-rence consacré à l'histoire militaire duJura et du Jura bernois. Au fil du temps,chronique militaire du Jura et du Jura bernois ne se substitue pas à un véritablelivre d'histoire mais est conçu d'une manière telle qu'il peut séduire même lesallergiques à la chose militaire1.

Denis Moine peut s'enorgueillir d'avoireffectué un parcours professionnel pourle moins varié. Ce natif de Porrentruy atout d'abord été enseignant à Lajoux,directeur de Pro Jura puis correspondantà la Radio et à la Télévision suisse ro-mande. Alors qu'il aurait dû s'apprêter àjouir d'une retraite méritée, ce passion-né d'histoire se lance dans la rédactiond'une chronique historique dans les co-lonnes du Quotidien Jurassien. Ce sontdeux cents de ces chroniques parmi lesquatre mille huit cent quarante-quatredéjà publiées, qui forment l'essentield'un livre consacré à la chose militairedans le Jura et le Jura bernois. Disposéede manière chronologique, chaque pé-riode est introduite par Hervé de Weekpour inscrire les petites histoires qui sui-vent dans leur contexte historique.

La Société jurassienne des officiers apris l'habitude de collaborer à l'éditionde livres consacrés à la chose militaire

«Chronique militaire du Jura et du Jura bernois»

Un livre qui n’est pas d’histoiremais en recueille de belles

Dominique Dumas

1 Journal du Jura, 30 septembre 2008.

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Les chroniques rédigées par DenisMoine séduisent tout d'abord parcequ'elles semblent s'adresser à des per-sonnes qui ne recherchent pas forcé-ment à se plonger dans un bouquin his-torique mais à mieux connaître leurrégion. La collecte d'éléments histori-ques classés dans un agenda a débutélorsque Denis Moine, jeune maître d'é-cole, se trouvait souvent bien empruntépour répondre à ses petits élèves qui lequestionnaient sur le passé de leur ré-gion. Et l'instituteur de se plonger dansles ouvrages existants, dans les archivesde l'Evêché de Bâle ou celles de Bernebien sûr, mais aussi dans les collectionsdes journaux régionaux afin de tenter deleur répondre.

Choix dans l'abondance

Au fil du temps regroupe deux centschroniques militaires déjà publiéesdans le Quotidien Jurassien. Le choixn'a pas été évident puisque le thèmemilitaire a déjà été traité entre sixcents et huit cents fois dans le cadrede cette rubrique. Mais n'allez pascroire que ce bouquin n'est qu'uneaffaire de spécialistes écrit pour desspécialistes, même si l'auteur de lapréface, Walter von Kaenel a été officier dans le régiment 9 en mê-me temps que Denis Moine, alorsqu'Hervé de Weck, qui a aussi portédes galons, met en situation dans lelivre les différentes périodes de cettehistoire militaire. Imprimé à milleexemplaires, le livre sort avec un moisd'avance et a déjà connu un joli suc-cès lors de la souscription. Reste, qu'àce stade du moins, il ne préfigure pasla publication de l'ensemble deschroniques de Denis Moine, classéespar thèmes ou non.

Au fil des années, sa moisson comprendprès de quatorze mille fiches qui lui ser-vent de base à la rédaction de sa chro-nique. Cette chronologie commencée ily a plus de cinquante ans, lui permet decontinuer à alimenter sa rubrique quoti-dienne Mais Denis Moine voit plus loinet sait déjà que ce trésor historiquereviendra à Mémoires d'ici et aux Archi-ves du Canton du Jura pour faire peut-être l'objet d'une publication un jourcomme le sont celles qui composent lachronique militaire de la région.

D.D.

Les publications de la Société jurassienne des officiers

n Ecrivains militaires de l’Ancien Evêchéde Bâle. Choix de textes et documents.Saignelégier, Saint-Imier, SCJO, SCBO,1990. 211 pp.

n Fin de la Seconde Guerre mondialeaux frontières de l’Ajoie. Actes du colloque tenu à Porrentruy le 26 no-vembre 1994. Porrentruy, SCJO,1994. 94 pp.

n Hans Senn: Bâle et le plateau deGempen au début de la SecondeGuerre mondiale. Porrentruy, Saint-Imier, sociétés des officiers du Jura etdu Jura bernois, 1997. 114 pp.

n Arnold Keller: Géographie militairedu Jura bernois 1907. Avec une intro-duction scientifique de Derck Engel-berts et d’Hervé de Weck. Porrentruy,Saint-Imier, sociétés des officiers duJura et du Jura bernois, 2000.188 pp.

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n Hervé de Weck: L’armée et la popula-tion dans le Jura et le Jura bernois.1815-2003. Régiment d’infanterie 9 et bataillons jurassiens. Porrentruy,Saint-Imier, sociétés des officiers duJura et du Jura bernois, 2004. 216 pp.

n Les attachés militaires français à Berneet les grandes manœuvres de l’arméesuisse (1874-1910). Publication desources avec une introduction scien-tifique par le capitaine Dimitry Queloz. Berne, Association suissed’histoire et de sciences militaires,Bibliothèque militaire fédérale, 2006.

n Des deux côtés de la frontière: le Jurabernois, les régions françaises et alsa-ciennes avoisinantes (1939-1950).Actes du Colloque franco-suisse du29 avril 2006 à Lucelle. Porrentruy,Société jurassienne des officiers,2007. (épuisé)

Pour les commandes, s’adresser à:Hervé de WeckRue Saint-Michel 7CH-2900 PorrentruyFax 032 466 29 74E-mail [email protected]

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de la bâtisse, le collectionneur déve-loppe l'origine de sa passion. De par saformation, il s'émerveille devant lesmécanismes perfectionnés et astucieuxdes armes, où la diversité s'allie à la pré-cision. Il a d’autre part toujours été inté-ressé par l'histoire de la dernière guerrequi s’est déroulée à deux pas de chezlui, et le tir sportif ne le laisse pas indif-férent. Le cumul de ces affinités l’adirigé vers la collection d'armes. Unpeu essoufflé, on atteint le premier com-ble mansardé. Le sol, tout en métal, estconstitué de plaques d'envol qu'utilisaitl'armée américaine pour construire enune nuit une piste provisoire pour sesavions. La sécurité, même dans un lieuaussi hermétique, est assurée au plushaut degré. Les armes sont dans desvitrines ou solidement fixées, alors quela munition et les culasses se trouventdans un coffre tout aussi bien protégé.La collection se répartit en armes depoing, pistolets-mitrailleurs, fusils etfusils d'assaut, mitrailleuses et mêmecanons de DCA. Elle couvre la périodede 1850 à nos jours.

De grandes vitrines, naturellement fer-mées, recèlent des centaines de pisto-lets et revolvers de divers pays allant desUSA à l'URSS en passant par Israël.D'une propreté militaire, ils sont pré-

Lorsque l'on arrive dans le village fron-tière de Boncourt et que l’on franchit lepont pour pénétrer au centre du village,on est immédiatement frappé par unimposant immeuble de trois étages etdeux combles qui se dessinent dans levaste toit. Cette demeure date de 1740.Une annexe a été ajoutée postérieure-ment à l'une des façades et est entière-ment recouverte de bardeaux. C'était lamaison du maire Kilcher, une personna-lité locale du XIXe siècle.

Depuis 1988, elle appartient à ArsènePlomb, notre cicérone du jour. ArsènePlomb est forgeron-maréchal de forma-tion et propriétaire d'une entreprise de constructions métalliques. Au fil desannées, il est devenu un grand collec-tionneur d'armes. Athlétique, le physi-que à l’image de sa profession d'origineet d'une hérédité dans la forge, souriantcomme toujours, il n'a rien d'un Ram-bo. Arsène Plomb accueille le visiteuravec chaleur à l'entrée de son «arse-nal». Il faut naturellement pouvoir fran-chir la porte d'entrée, bien protégée etdissuasive, on s'en doute1.

La magie des mécanismes et l’attrait de l’histoire

En déambulant dans le dédale des deuxétages pour accéder aux deux combles

De la «Thomson» chère à Al Capone au canon de DCA,Arsène Plomb dévoile sa collection

Robert Prongué

1Ce texte a paru dans le Quotidien Jurassien du 21 juillet 2008. Nous le reproduisons avec l’aimableautorisation de son rédacteur en chef.

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sentés individuellement et bien docu-mentés. On y retrouve aussi bien leCalico avec son magasin à 50 ou même100 cartouches, que l'Ingram, un pisto-let-mitrailleur très compact que l'onretrouve dans toutes les (bonnes?) sériespolicières américaines. Le chargeur estmoins volumineux, même si les agentstrès spéciaux ne rechargent jamais! Ca-ché dans un coin, un missile anticharfiloguidé de l’Aérospatiale a juste labonne hauteur pour s'y accouder. Lesfusils de toutes les époques et de toutesles nations sont fixés sur des présentoirsverticaux et également bien identifiés.Naturellement, et ce n'est pas une sur-prise, la Kalachnikov AK 47, qui est lemodèle le plus classique, a pour voisinsd'autres modèles dérivés.

Si AI Capone, le fameux gangster deChicago des années 1930, revenait àBoncourt, il retrouverait son légendairepistolet-mitrailleur Thomson avec char-geur «camembert» bien caractéristique.

Arsène Plomb, au volant d’un Hafflinger.

Sécurité, traçabilité

Toutes les armes du musée sont ré-pertoriées. Tous les achats et les ven-tes font l'objet d'un accord écrit entreles parties pour assurer la traçabilitédes pièces. Le commerce des armesest très sensible et un vrai collection-neur ne peut pas se permettre detransiger avec la loi.

No entry! Le musée d’Arsène Plombest privé et ne peut être visité que surinvitation. Réservé donc aux passion-nés et connaisseurs avisés. L’Associa-tion suisse pour l’étude des armes etarmures Jura-Neuchâtel (ASEAA) re-groupe les collectionneurs. ArsènePlomb en est le président.

Un fusil fabriqué au Pont-d'Able à Porrentruy

Même si Arsène Plomb s'est limité dansle temps, il possède un rare fusil dechasseurs à pied fabriqué au Pont-d'Able à Porrentruy vers 1830. Encoreplus rare, un fusil à pierre du régimentd'Eptingen datant des années 1740. Ilest reconnaissable au poinçon de l'ar-murier, à la crosse de Bâle et à la lettre«G» de Gléresse, frappés sur la partiesupérieure du canon. La garniture enlaiton atteste son appartenance à unsous-officier.

Un escalier hélicoïdal en métal de fabri-cation maison conduit au deuxièmecomble. Le local de même conceptionabrite essentiellement des fusils suisses.Toutes les générations de mousquetonsy sont présentées, des modèles les plus

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anciens, comme les fusils cantonaux,jusqu'aux fusils d'assaut avec toutesleurs variantes: fusil à lunette, de tirsportif, fusils-mitrailleurs que les an-ciens de la Mob ont bien connus...

Trois canons de DCA, de marqueHispano-Swiza, Oerlikon et Waffenfa-brik, pointent vers un hypothétiqueennemi aérien. A la question de savoircomment on a pu les faire parvenir aufaîte de la maison, Arsène Plomb ré-pond qu’il les a transportés avant lacouverture du toit!

Cette prestigieuse collection ne s'estpas constituée en un jour. La prove-nance, comme pour toutes les collec-tions, est le fruit du hasard, de la décou-verte, du bouche à oreille et des ventesd'autres passionnés. C'est un réseauconstitué d'intéressés assez discrets quiconnaissent les pièces recherchées ou àvendre de leurs correspondants. Patien-ce, flair et ténacité ont permis à ArsènePlomb de constituer une collection dis-crète et unique que l'on préfère décou-vrir ici que sur les champs de bataille.

R.P.

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Condor International s'embarque à borddu Rafale. La société de Courfaivre four-nira des pièces mécaniques complexespour l'avion de combat français. Elle sepositionne ainsi idéalement si la Confédé-ration retient le Rafale pour remplacer lesF-5 Tiger de l'armée suisse1.

Chez Condor International, le temps desbicyclettes de l'armée suisse est bel etbien révolu. Devant un aréopage depolitiques jurassiens et de représentantsdes milieux économique et industriel, lasociété a signé, le 30 janvier 2009, avecDassault Aviation, Thales et Snecma –sociétés du consortium industriel duRafale – des contrats stratégiques por-tant sur l'avion de combat français.

Condor fabriquera pour Dassault Avia-tion des pièces mécaniques complexesen titane pour le Rafale. Les premièresseront livrées dans moins de quatremois. Un accord de partenariat indus-triel a également été signé avec Snecmapour la fabrication de pièces du moteurde l'avion de combat. Parallèlement, unaccord avec Thales porte sur la réalisa-tion par Condor d'éléments mécaniquesde précision de plusieurs équipementsembarqués sur le Rafale. La signature deces contrats est «un acte fort de collabo-ration», convient Michel Passkoff, repré-sentant de Dassault. «Nous attendonsde ce partenariat un transfert de techno-

Condor reprend son envol avec le «Rafale»

David Joly

1Ce texte a paru dans L’Express du 31 janvier 2009.

Au départ, les vélos

L’histoire de Condor, fondée en 1893,c'est premièrement les vélos militai-res. Les bataillons de soldats cyclistessuisses ont usé leurs fesses sur 80 à90000 d'entre eux entre 1905 et1993. Puis les motos, dès 1912, quiont même séduit la police parisienne.La dernière est remise à l'armée suis-se en 1980. Condor s'est même es-sayé aux voiturettes. La société enréalisera vingt-trois avant d'abandon-ner le créneau. L’histoire de Condorest également marquée par deserreurs stratégiques. «Condor n'a passu prendre le tournant du VTT, ob-serve Rainier Biétry. A l'époque, unrapport interne a conclu que le VTTn'avait pas d'avenir». Idem pour lescooter, la société n'y a pas cru. Trèsdépendante des contrats militaires,qui représentent 80% de son chiffred'affaires, la société tombe de hautlorsque ceux-ci disparaissent d'unseul coup en 2005. Elle doit son salutà la réorientation industrielle vouluepar son nouveau propriétaire. Ce der-nier désire d'ailleurs limiter la dépen-dance aux commandes militaires à20% du chiffre d'affaires.

logie important», relève pour sa part leprésident de Condor, Rainier Blétry.

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Les engagements pris par les partenairessont liés aux marchés compensatoires,soit l'obligation faite aux constructeursdes trois avions de combat candidats auremplacement des F-5 Tiger de trouveren Suisse l’équivalent de 2,2 milliardsde francs de commandes et de coopéra-tions techniques. «Si le Rafale devaitêtre choisi par la Confédération, celaassurerait du travail à condor pour lesvingt-huit prochaines années», prétendRainier Biétry.

Rafale ou non, Condor continuera àœuvrer dans l'aéronautique. Depuis sareprise en août 2007 – soutenue par leCanton du Jura – par l'industriel lande-ronnais et Jurassien d'origine RainierBiétry et le groupe russe RamenskoyeDesign Company, Condor, rebaptiséCondor International, s'est salutaire-ment tourné vers l'aviation civile et militaire. La société s’est spécialiséedans les marchés de niche en produi-

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sant de petites séries de pièces de hautetechnicité à grande valeur ajoutée, réa-lisées dans des matériaux très difficiles àusiner.

Condor fabrique notamment des postesde commandes pour les hélicoptères del'armée française et des systèmes d'é-quipements pour les sièges de premièreclasse de Lufthansa. Mais cette recon-version ne s'est pas faite sans mal. Outredes investissements importants dans lesbiens d'équipements, il a fallu se sépa-rer de collaborateurs pour en engagerd'autres plus qualifiés, confie RainierBiétry. Une stratégie qui commence àpayer. Condor compte aujourd’hui unequarantaine d'employés. En attendantde retrouver les effectifs des années fas-tes. Condor occupait alors près de deuxcents personnes.

D. J.

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les communistes français à l’époque dela Guerre froide… Et il y a des liaisonsdangereuses !

Après l’implosion de l’Union soviéti-que, d’anciens Spetznaz entraînent desmafieux et, vraisemblablement, des ter-roristes. Les services britanniques ontparfois aidé l’IRA à mettre au point desengins explosifs, ce qui leur permettaitde mettre au point des contre-mesures,puisqu’ils connaissaient les techniquesdes terroristes. Les attentats du 11 sep-tembre 2001 constituent le point culmi-nant des attentats des vétérans de laguerre contre les Soviétiques en Afgha-nistan qui avaient été entraînés par laCIA. En collaboration avec elle, les ser-vices pakistanais, entre 1983 et 1997,ont formé 83000 moudjahidines. La CIAet le GRU (service de renseignementmilitaire) de l’Union soviétique ont aidéles services de Saddam Hussein enguerre contre l’Iran, et ceux-ci vont for-mer l’épine dorsale de l’insurrection enIrak après la deuxième guerre du Golfe.

Les terroristes cherchent à se procurerdes manuels explicites des forces spé-ciales et exploitent des procédés utilisésà des époques anciennes. Le 22 décem-bre 2001, Richard Colvin Reid embar-que dans un avion de l’American Airli-nes avec de l’explosif dans la semelle deses chaussures, une technique utiliséepar les agents allemands pendant laSeconde Guerre mondiale. Mais les terroristes savent aussi s’adapter: lesvéhicules piégés ne sont-ils pas l’artille-rie automotrice du pauvre?

Melnik, Constantin: Les espions, mythes et réalité.Editions Ellipses, 2008. 456 pp.

Constantin Melnik, analyste de l’Unionsoviétique et coordinateur pendant laphase terminale de la guerre d’Algériede l’ensemble des services de police etde renseignement, brosse une fresquehistorique de l’affrontement des servicessecrets au XXe siècle. La fin de la Guerrefroide, l’accès d’un expert aux investi-gations des chercheurs américains et àdes archives soviétiques entrouvertesont rendu possible une approche objec-tive d’un phénomène remis à l’ordre du jour par le 11 septembre et l’hyper-terrorisme.

Cécile, Jean-Jacques: Espions et terroristes. Les liaisons dangereuses.Paris, Nouveau Monde Editions,2008. 273 pp.

Les terroristes copient beaucoup maisinventent peu. Comment ce savoir parti-culier se transmet-il entre les militaires,les troupes spéciales, les départements«Action» des services de renseigne-ments et les groupes terroristes? Le scé-nario du prochain attentat d’envergurene se trouverait-il pas dans les livresd’histoire, parce qu’il a déjà été mis enscène par les organismes officiels del’action clandestine? Les fanatiques s’in-téressent aux forces armées pour l’en-traînement et l’expertise qu’ils peuventy acquérir. C’est déjà ce que faisaient

Sécurité, défense, histoire militaire

Publications 2005-2008

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Thomas, Gordon: Histoire secrètedu Mossad de 1951 à nos jours.S.l., Nouveau Monde Editions, 2006.527 pp.

Pour son Histoire secrète du Mossad de1951 à nos jours, Gordon Thomas, ainterrogé de nombreux membres hautplacés dans les services secrets israé-liens, vérifié et recoupé leurs informa-tions. Impossible pourtant de vérifiertoutes les affirmations de l’auteur, lesscandales, les bavures des services se-crets israéliens et américains.

La CIA est-elle liée aux mafias italien-nes? Le règne du pape Jean-Paul II est-ilmarqué par un gigantesque blanchi-ment d’argent de la CIA? Selon le Mos-sad, l’attentat contre le pape Jean-Paul IIa été organisé à Téhéran, avec l’appro-bation de l’ayatollah Khomeiny. Il devaitmarquer le début du djihad contre l’Occident et ses valeurs décadentessymbolisées et défendues par l’Eglisecatholique. Les manipulateurs d’Agça,l’auteur de l’attentat, ont fait le néces-saire pour que celui-ci puisse être perçucomme un fanatique isolé.

A propos du fameux service israélien,Gordon Thomas met en évidence troisgrandes tendances. La connaissances’avère la première ligne de défensed’un pays qui, ces vingt-cinq dernièresannées, a subi 10000 attentats ayant faitplus de 400 morts et 1000 blessés. Jus-qu’en 2005, 557 agents des servicessecrets de l’Etat hébreu, dont 71 appar-tenaient au Mossad, sont tombés auxquatre coins du monde.

Les services secrets reflètent le subcon-scient et l’histoire du pays qu’ils servent;les Américains s’appuient surtout sur latechnologie, parce qu’ils cherchent plusà démasquer qu’à tirer les ficelles. AuMossad, on sait être patient et ne pas

tout miser sur la technologie. Même ceservice, légendaire par son efficacité etson audace, connaît des ratés, des affai-res ou des scandales, depuis l’assassinaten 1995 du premier ministre travaillisteYitzhak Rabin.

En Israël, on se prétend obligé de mettrela mort d’un individu en balance avec lasécurité de l’Etat. Ce ne sont pas desmeurtres commandités par le Premierministre, mais des «sanctions judiciairessuprêmes». Le Mossad a toujours recou-ru à des assassinats ciblés, en particulierceux des commanditaires et des exécu-tants d’opérations terroristes. Le Mossadn’est pas un modèle réduit de la CIA oudu KGB, qui emploient par centaines demilliers analystes, scientifiques, stratè-ges et planificateurs. A l’époque de laguerre du Kippour, il ne compte que1500 collaborateurs, mais il infiltre lescentres névralgiques des ennemis d’Is-raël et de ses… alliés, prend connais-sance de leurs secrets politiques et militaires, réussit des opérations spec-taculaires. Les forces spéciales serventde vivier à son service «Action». En1991, il comptait, semble-t-il, 35000informateurs dans le monde; les «agentsd’alerte», informateurs stratégiques, sur-veillent les préparatifs de guerre, trans-mettant l’arrivée de gros stocks de médi-caments inhabituels, un regain d’acti-vités de navires de guerre, etc.

Kitson, Simon: Vichy et la chasseaux espions nazis, 1940-1942:complexités de la politique de collaboration. Paris, Editions Autrement, 2005. 269 pp.

Simon Kitson étudie les méthodes, l’or-ganisation et le comportement des ser-vices spéciaux du gouvernement deVichy, avec une attention particulière

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à des initiatives de collaboration venuesd’en bas, qui portent atteinte aux mar-chandages de Vichy avec les Allemands.L’administration de la France doit resteraux mains des institutions autochtones,ce qui postule de limiter le noyautageallemand. Il s’agit d’une politique dedéfense de la souveraineté et de centra-lisation de la collaboration.

Après l’occupation totale de la Franceen novembre 1942, alors que l’arméed’armistice disparaît, les têtes des servi-ces spéciaux de Vichy rejoignent legénéral Giraud, dont la plate-formepolitique est plus proche de Vichy quecelle des gaullistes. D’autres possibilitéss’offrent aux fonctionnaires de la Sur-veillance du territoire, puisque seul leurservice est dissous, non l’ensemble de lapolice dont ils faisaient partie. Leur con-tentieux avec les gaullistes semble moinsimportant que celui des militaires.

Claude, Fernand: Pour ne pasoublier. Histoire d’un «Malgrénous». Valdoie, Imprimerie Schraag,2007. 124 pp.

La Seconde Guerre mondiale surprendà Altkirch Fernand Claude, né en 1924,qui habite à Chavannes-sur-l’Etang, unvillage du Sundgau, très proche du Terri-toire de Belfort et de la Suisse. Commeil n’a que seize ans lors de la débâclefrançaise en 1940, il n’est pas évacuécomme les hommes de 18 à 55 ans.Avec des jeunes de son âge, Fernandrécupère, cache et entretient des armesfrançaises abandonnées lors de la débâ-cle. Grâce au maire du village, il échap-pe au Service obligatoire du travail,s’improvisant mécanicien sur bicyclet-tes, une profession considérée commeprioritaire par l’occupant. Il sert de pas-

pour la chasse aux espions dans laFrance dite libre. Le 2e Bureau, lesbureaux des menées antinationales, lesTravaux ruraux (noms de camouflage),la Surveillance du territoire veulentempêcher les Allemands d’avoir libreaccès aux secrets d’Etat dans un pays enpartie occupé, et avec la complicationsupplémentaire que le régime collaboreavec l’occupant. Il y a équilibre entre larépression des espionnages allemand etbritannique, mais indulgence de cer-tains membres des services spéciauxpour les agents américains et mêmegaullistes. C’est l’espionnage allemandqui est la première cible, et de loin, deces services.

Qui sont ces espions nazis? Des natio-naux français dans le 80% des cas. Lesmotivations et le sort de ces espions per-met de réexaminer les rapports entreVichy et la population française, en cla-rifiant les contours de la collaborationindividuelle permise par l’Etat. Les bu-reaux des menées antinationales coor-donnent et centralisent les enquêtes dela police visant à démasquer les espionset les saboteurs, que ceux-ci travaillentpour l’Axe ou pour les Alliés. L’activitéantiallemande des services spéciaux,qui fait partie de la politique de Vichy,ne doit pourtant pas compromettre lacollaboration franco-allemande. Desmembres éminents du régime, spéciale-ment des militaires, sont des sympathi-sants de l’Action française qui considé-rait l’Allemagne comme l’ennemi prin-cipal. La nomination d’un Weygand,d’un Huntziger et d’un Rollin à des pos-tes-clés renforce la volonté de préserverl’indépendance du Gouvernement, bienque ces messieurs acceptent la politiquede collaboration jusqu’à ce que la Fran-ce puisse entrer à nouveau en guerre.Plusieurs ministres se montrent hostiles

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seur bénévole dans une filière d’évasionde prisonniers de guerre, d’aviateursalliés, de réfractaires et de déserteurs.

Fernand est pourtant convoqué pour lerecrutement dans la Wehrmacht en oc-tobre 1943. En accord avec sa famillequi risque la déportation en Allemagne,il cherche à gagner la Zone libre, puisl’Angleterre. Trahi par un chauffeur decar français, il est arrêté par les Alle-mands à Arbois… En mai 1944, il béné-ficie de la liberté conditionnelle et re-joint les siens déportés en Forêt-Noire.Le 10 décembre 1944, il reçoit un ordrede mobilisation dans la Wehrmacht. Il yrépond par peur de représailles à l’en-contre de ses parents, qui risqueraientcette fois le camp de concentration, etse trouve incorporé dans une compa-gnie disciplinaire sur le front Est, à l’em-bouchure de l’Oder et de la Neisse.Blessé à un genou et évacué près deBerlin, il déserte une seconde fois. Faitprisonnier par les Russes peu avant l’ar-mistice, il n’est pas trop maltraité, maisse fait voler tous ses objets de quelquevaleur, dont sa montre.

Heyer, Vincent: Le front oublié.Seppois et ses proches alentoursdans la Première Guerre mondiale.S.l., Editions C.S.V., 2007. 193 pp.

Originaire de Seppois-le-Haut, VincentHeyer s’est consacré à l’histoire desconflits dans son coin de pays. Docu-ments, témoignages inédits sur les com-bats de la Première Guerre mondiale del’entre-Largue et du Bois-Pointu, les con-ditions d’un village sur un front, le seulavec celui des Vosges à se maintenir surle territoire allemand pendant tout leconflit, bien présent au niveau du hautcommandement, mais préservé des

massacres de la Somme et de Verdun.Pourtant, des hommes et des femmessont morts sur le front oublié. Ils nousparlent encore.

Burtschy, Bernard: 1914-1918.La Grande Guerre sur le front duJura aux Vosges. S.l., chez l’auteur,2008. 184 pp.

Bernard Burtschy a rassemblé des histoi-res, des récits et une iconographie (sur-tout des cartes postales) concernant laPremière Guerre mondiale, plus parti-culièrement à Altkirch, Belfort, Cernay,Dannemarie, Delle, Ferrette, Mulhouse,Saint-Louis, Thann. Pour leurs études etleurs synthèses, les historiens doiventrecourir aux érudits, aux passionnés,aux amateurs qui font de l’explorationet de la recherche dans le terrain. Dontles chroniques, les monographies, lesexploitations de correspondances ou detémoignages sont de véritables bases dedonnées mémorielles ou de la micro-histoire. Leurs travaux, souvent mécon-nus, permettent aux historiens de pein-dre de grandes fresques. L’histoire de laPremière Guerre mondiale n’échappepas à cette règle. Il faut cependant constater que les régions n’offrent pastoujours une matière première iden-tique.

Belot, Robert; Lamard, Pierre: Peugeot à Sochaux. Des hommes,une usine, un territoire.2007. Ill. 372 pp.

Au début du XIXe siècle, les frères Jean-Pierre et Jean-Frédéric Peugeot, associésà Jacques Maillard-Salins, créent uneentreprise de fonderie à Hérimoncourt.

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italien), compte maintenant 21 volumes(3 x 7), soit plus de la moitié du tout (13volumes par langue, soit 39 au total). Letome 7 en français, fort de 866 pages,s’ouvre sur Italianité et se ferme surAlexander Lozza ( poète romanche).

L’article le plus long (17 pages), signéFrançois Schifferdecker et François Koh-ler, est consacré au Canton du Jura. Ilcommence au Paléolithique, couvre l’é-poque romaine, évoque la christianisa-tion et montre comment le territoire aété englobé dans l’Evêché de Bâle. L’ac-cent est mis aussi sur la création, l’orga-nisation du nouveau Canton et la nor-malisation rapide qui a suivi, le Juradevenant un Canton «presque commeles autres». Le volume traite aussi duJura bernois, dans un article de 8 pages,signé Peter Gilg, François Kohler et Ber-nard Voutat. L’article en allemand figu-rait dans le volume 2 (Berner Jura) et enitalien dans le volume 6 (Giura bernese).Un autre article important (5 pages) s’in-téresse à l’arc jurassien, du Jura vaudoisà Schaffhouse, l’une des trois régionsnaturelles de la Suisse. De l’installationde l’homme au Paléolithique jusqu’àl’industrie horlogère, les auteurs s’atta-chent à présenter l’histoire politique,culturelle et économique de la région.

Des articles particuliers traitent d’entre-prises ou d’industriels de ces régions,par exemple Louis Lang de Porrentruy etLongines à Saint-Imier. Une quinzained’auteurs de la région signent cinq arti-cles «Famille» et une quarantaine por-tant sur des personnalités du Jura et duJura bernois. Pour le tome 7, quelque120 articles touchant au Jura et au Jurabernois avaient été proposées à la ré-daction centrale qui n’en a retenuqu’une septantaine. Plus de 600 person-nalités jurassiennes devraient figurerdans les 13 volumes du DHS.

La qualité des fabrications donne à l’en-treprise une renommée mondiale. Du-rant la Première Guerre mondiale, l’en-treprise se développe considérablementcomme les sociétés qui travaillent dansla métallurgie, l’automobile et les muni-tions. Peugeot fabrique pour les arméesdes biyclettes, des voitures et des ca-mions, des automitrailleuses et desautos-canons. Ce n’est qu’en 1921 quela firme se consacre exclusivement à laproduction automobile.

Dictionnaire historique de la Suisse,tome 7: un volume jurassien!

Le volume 7 du Dictionnaire historiquede la Suisse (DHS) a été lancé à Delé-mont, le 31 octobre 2008. La versionfrançaise couvre les lettres I à L de l’al-phabet et comprend notamment degrands articles sur le Jura, Lausanne,Locarno et le Léman. Le DHS, qui paraîten trois langues (français, allemand et

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Le tome 7 contient une vingtaine d’arti-cles thématiques, dont Italien (langue),Jésuites, Jeunesse, Journalisme, Judaïsme,Kulturkampf, Liberté, Littérature (suisse)dans les quatre langues nationales, Lec-ture et Livre. Deux grandes familles mé-diévales, les Kibourg et les Lenzbourg,ont un article, ainsi que les biographiesde leurs membres les plus importants.C’est le cas pour les Liechtenstein, ladynastie et les souverains, sans compterl’article sur la Principauté. Il n’est pasnécessaire d’être noble pour figurerdans le DHS. Des centaines d’articlesrésument la vie de personnalités moinsconnues, entre autres deux abbés deLucelle, Louis Jäger et Laurent Lorillard.

Certaines ont joué un rôle militaire plusou moins glorieux, dont le brigadierJean-Louis Jeanmaire… le général An-toine Henri Jomini, Arnold Keller etJakob Labhart, chefs de l’Etat-major gé-néral, respectivement à la fin du XIXe

siècle et au début de la Seconde Guerremondiale, Treytorrens de Loys, com-mandant de la 2e division, mort en ser-vice à Delémont pendant la PremièreGuerre mondiale. Parmi les Jurassiens,le général de brigade Jean-Pierre Jaquet,de Porrentruy et Saint-Imier, barond’Empire, qui fit la campagne de Russie.Parmi les articles thématiques, guerresd’Italie et de Kappel, Justice militaire,Landsturm, Landwehr, Letzi, Logistique.

Comme les six premiers volumes, letome 7 du DHS coûte 298 francs. Leprix est identique pour les trois édi-tions. Il peut l’acheter en librairie oule commander aux Editions GillesAttinger, Longschamps 2, 2068 Hau-terive (tél 032 753 82 73, fax 032753 82 74, e-mail [email protected]).

Le rythme de parution prévu est annuel,le volume 8 sortira de presse en autom-ne 2009. La publication électronique, lee-DHS (www.dhs.ch), met gratuitementà disposition de l’internaute environ69000 articles, soit le 69% des quelque100000 notices prévues pour les troiséditions. Cette version offre en plus destextes non encore imprimés, surtout desvolumes 8 et 9. Une base de donnéespermettant d’actualiser les articles im-primés est à l’étude.

Desfayes-Boccard, Marguerite; Oli-va Marra-Lopez, Andrès: Théodorede Reding – Le général suisse vain-queur de Napoléon. Le Mont-sur-Lausanne, LEP, 2007. 432 pp.

Ce livre raconte la vie du SchwytzoisThéodore de Reding qui gravit les éche-lons dans l’armée espagnole. Il se trou-ve à la tête de l’armée espagnole qui batNapoléon Ier à la bataille de Baylen le19 juillet 1808. Ce jour-là, deux divi-sions espagnoles infligent une défaitecinglante au général français PierreDupont de l’Etang, le forçant à deman-der un cessez-le-feu. La nouvelle de lareddition d’un général de l’Empire et deseize mille hommes se propage danstoute l’Europe. Un fait est resté large-ment méconnu ou passé sous silence:c’est un Suisse, Théodore de Reding, néà Schwytz au milieu du XVIIIe siècle,qui est l’acteur principal de cette journée.

Faivre, Maurice: La Croix-Rougependant la guerre d’Algérie.Un éclairage nouveau sur les victimes et les internés. Panazol,Lavauzelle, 2007. 212 pp.

Pendant la guerre d’Algérie, le CICR faitœuvre de pionnier. Bien qu’en 1954, les

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dix missions visitent ainsi cinq centslieux de détention. LE FLN voit d’unmauvais œil ces visites qui enlèventtoute crédibilité à ses accusations d’a-trocités commises par la France. En1961-1962, des délégués s’entretien-nent avec des activistes français de l’Or-ganisation de l’arme secrète, dont cer-tains ont été torturés… En revanche, ilsne parviennent pas à obtenir des infor-mations sur les prisonniers de l’ALN ouà y accéder, que ceux-ci se trouvent surterritoire algérien, tunisien ou maro-cain. Le CICR lance même des appelspar Radio Sottens à destination deswilayas pour obtenir des informations…

Dans ses contacts avec les autoritésfrançaises, le CICR négocie avec desinterlocuteurs qui ont les moyens defaire respecter leurs ordres; ces démar-ches aboutissent à de nombreuses amé-liorations des conditions de détentionen Algérie et en France. De 1954 à1962, le nombre de Français aux mainsdu FLN s’élève à 330 militaires et quel-que 260 civils. Les contacts du CICRavec le FLN révèlent qu’une action enfaveur des prisonniers et des harkis seheurte à des obstacles insurmontables,entre autres le manque de contrôle duFLN sur une partie des combattants.Près de 160000 harkis servent dans l’ar-mée française en 1961. Après l’entréeen vigueur des accords d’Evian qui lesprotègent, 20000 sont évacués en Fran-ce, 25000 se retrouvent en prison, plusde 60000 sont massacrés, 55000 ontdisparu...

Maurer, Jacques: La guerre a aussi frappé chez nous. Dommagescollatéraux. Le Noirmont, Jacques Maurer, 2008. 92 pp.

Pendant des années, Jacques Maurer arassemblé une importante documenta-

autorités françaises considèrent le FNLcomme un mouvement terroriste, leCICR prend contact avec des représen-tants algériens pour qu’ils s’engagent àrespecter les principes fondamentauxdu droit humanitaire, donc à traiter avecceux que le monde occidental honnit…

Tués au combat, torturés, détenus, pri-sonniers, suspects, déplacés, regroupés,enlevés, disparus, repliés, transférés, ré-fugiés, rapatriés, intégrés, assimilés,voilà une typologie approximative desvictimes de la guerre d’Algérie. Ce livredu général Faivre traite de cette questionsensible, mal connue et trop souventabordée de manière partiale et polémi-que. Il semble même y avoir de la con-currence entre ces différents types devictimes! Chaque camp, les porte-parole plus ou moins autoproclamésdes différents types de victimes décu-plent les pertes: au million de martyrsde la révolution algérienne correspondles dizaines de milliers de Français et deharkis massacrés ou disparus. Le dé-pouillement des archives du Comitéinternational de la Croix-Rouge apportedes éléments nouveaux et crédibles surles violations des Conventions de Ge-nève pendant la guerre d’Algérie, lesdétenus musulmans et européens, lesharkis (ces supplétifs algériens de l’ar-mée française), les prisonniers françaismais aussi ceux du Front de libérationnational (FLN).

Selon les délégués du Comité de laCroix-Rouge internationale, des mem-bres de l’Armée de libération nationale(ALN) ou des suspects de terrorisme ontsubi des sévices, mais il ne s’agit pas detorture généralisée ou banalisée. Dès ledébut 1955, le Gouvernement françaisautorise le CICR à visiter les lieux dedétention où ses délégués peuvent s’en-tretenir sans témoin avec les individusde leur choix. Jusqu’au 1er juillet 1962,

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tion sur le bombardement du Noirmontpar des avions américains le dimanche29 octobre 1944 et il en présente unesynthèse dans une plaquette illustrée.Dans une première partie, il situe lecontexte, la situation politico-militaireen Suisse. Puis il passe au microscopel’événement majeur de la guerre pourson village. Une formation de septThunderbolt américains pénètre dansl’espace aérien suisse à la hauteur deDamvant, deux d’entre eux attaquent àl’arme de bord et à la bombe (trois) levillage du Noirmont, incendiant deuxfermes et endommageant entre autresune locomotive à vapeur du chemin defer Saignelégier – La Chaux-de-Fonds.Les appareils, jamais formellementidentifiés, effectuent, semble-t-il, uneopération «RHUBARB» pendant la-quelle ils peuvent s’attaquer librement àtout ce qui peut être utile à l’ennemi.Chez les Américains, on ne se préoc-cupe pas des dommages collatéraux!Les pilotes, volant à basse altitude, au-raient dû voir les emblèmes suissespeints en grand sur plusieurs bâtimentsdu Noirmont…

On compte 21 sinistrés. Les dégâts s’é-lèvent à 460000 francs suisses de l’é-poque. La troupe, qui stationne dans levillage, n’a pas ouvert le feu: vu la si-tuation et leur degré de préparation, leshommes, sauf la garde, n’avaient pas demunitions. Il n’y avait pas de postes defantassins en alerte DCA permanenteavec armes chargées, il n’y avait pas deDCA dans le secteur.

L’attaque aérienne du Noirmont va faireréagir en haut lieu. Karl Kobelt, chef duDépartement militaire fédéral, deman-de que la DCA ne néglige pas la protec-tion des troupes amies et qu’elle setrouve dans un état de préparation per-manente dans la zone frontière; l’Etat-major de l’armée ordonne que «le feudoit être ouvert contre tout avion étran-ger (…) par toutes les subdivisions oumilitaires isolés en possession d’armesadéquates, ce même dans la zone fron-tière.» Le Mousqueton 31 est-il unearme adéquate?