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Rhizome Bulletin national santé mentale et précarité édito RHIZOME n.m. (gr. rhiza, racine). Tige souterraine vivante, souvent horizontale, émettant chaque année des racines et des tiges aériennes. 9 Au sommaire DOSSIER Septembre 2002 Jean FURTOS RHIZOME est téléchargeable sur le Web : www.ch-le-vinatier.fr/orspere Le Paradigme fondateur du secteur : le désaliénisme, à contre-courant Paul BRETÉCHER p. 2 et 6 Chronique sur 35 ans de sectorisation psychiatrique Jean-François BAUDURET p. 3/4 Les résistances à la psychiatrie de secteur, dès l’origine Jacques HOCHMANN p. 5/6 Le secteur : quel bazar ! Jean PERRET p. 7 Le modèle bio-psycho-social p. 8 Interview de Michel REYNAUD Autrefois comme aujourd’hui, les trains qui passent... Gérard MASSÉ p. 9 Précarités : extension du domaine de la clinique Jean-Pierre MARTIN p. 10 La psychiatrie aux risques de la santé Anne GOLSE, Laurent BOCENO p. 11 20 ans d’expérience locale en santé publique : quelle contribution pour le débat psychiatrie/santé mentale Fernando BERTOLOTTO p. 12/13 APRÈS LES ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES Christian LAVAL p. 14 LE COIN DU CLINICIEN p. 15 ACTUALITES p. 16 La psychiatrie publique en questions 2 ème volet : Un héritage à réinventer Oui, la circulaire de 1960 fut un texte révolutionnaire pour la psychiatrie de secteur, qui pourtant n’a jamais connu d’âge d’or. Ce texte s’est en effet heurté à 12 ans d’inertie quasi totale. Des équipes pionnières, il est vrai (associations et service public), ont su utiliser les sources de financement, très ouvertes à l’époque, pour constituer des équipes et des pratiques qui ont fait référence. LE modèle était là, l’enthousiasme aussi. Mais le dispositif dans son ensemble résistait de toutes ses forces. A partir de 1985, une loi légitime la circulaire et unifie les sources de financement... dans les suites du choc pétrolier. Malgré tout, les dispositifs afférents au secteur se développent dans toute la France, non sans disparités. Mais la psychiatrie de secteur était chahutée par trois sortes de questionnement incessants : Celui de l’extension de la clinique, qui a été en partie récusée : addiction alcoolique, toxicomanies, délinquance des jeunes, psychiatrie de liaison, psychopathologie de la modernité avancée. La question de la gestion des risques qui porte le paradigme bio-psycho- social à un niveau de «causalité molle à quantité de facteurs bio-psycho- sociaux» ; on construit des populations à risque, la souffrance psychique devient écart à la norme : c’est la santé mentale vue d’avion, cartographie froide et trop distanciée pour beaucoup de cliniciens car ils y voient la disparition du sujet. A l’inverse, la question de la santé mentale vue au prisme de l’approche locale (20 ans de politique de la ville et de dispositifs sociaux transversaux) a fait apparaître une souffrance des individus rencontrés par des intervenants de terrain; ici la santé mentale est trop chaude, et déspécifique, pour ceux des cliniciens psy qui ont pensé pouvoir «s’exclure de la question sociale». En réalité, il semble s’agir maintenant d’un même enjeu de reconnaissance pour le schizophrène, l’adolescent en galère, le Rmiste : exister comme sujet sur la scène publique et citoyenne; même combat mais pas même “ traitement ”. Ne peut-on reconnaître que les psy de secteur sont devenus, la plupart du temps à leur corps défendant, des acteurs de santé mentale, improvisant un texte non écrit avec leur savoir propre et avec d’autres ? A ce jeu, la psychiatrie se restaure dans sa spécificité, s’articulant avec ses partenaires en se distinguant d’eux. Si les héritiers de la circulaire de 1960 sont embarqués, en tant que psy, dans l’aventure de la santé mentale, avec leurs valeurs et leur savoir, faudra-t-il attendre 12 ans pour l’admettre et en tirer les conséquences ?

Bulletin national santé mentale et précarité La psychiatrie … BULLETIN - LA... · 2016. 3. 12. · législatifs sur la psychiatrie entre 1983 et 1994. Chef du Bureau de la Psychiatrie

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eBulletin national santé mentale et précarité

édit

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RHIZOME n.m. (gr. rhiza, racine). Tige souterraine vivante, souventhorizontale, émettant chaque année des racines et des tiges aériennes.

9Au sommaire

DOSSIER

Septembre 2002

Jean FURTOS

RHIZOME est téléchargeablesur le Web : www.ch-le-vinatier.fr/orspere

Le Paradigme fondateur du secteur :le désaliénisme, à contre-courant Paul BRETÉCHER p. 2 et 6Chronique sur 35 ans de sectorisationpsychiatrique Jean-François BAUDURET p. 3/4Les résistances à la psychiatrie de secteur, dès l’origine Jacques HOCHMANN p. 5/6Le secteur : quel bazar ! Jean PERRET p. 7Le modèle bio-psycho-social p. 8Interview de Michel REYNAUD

Autrefois comme aujourd’hui, les trains qui passent... Gérard MASSÉ p. 9

Précarités : extension du domaine de la clinique Jean-Pierre MARTIN p. 10La psychiatrie aux risques de la santé Anne GOLSE, Laurent BOCENO p. 1120 ans d’expérience locale en santépublique : quelle contribution pourle débat psychiatrie/santé mentaleFernando BERTOLOTTO p. 12/13

APRÈS LES ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES Christian LAVAL p. 14

LE COIN DU CLINICIEN p. 15

ACTUALITES p. 16

La psychiatrie publique en questions2ème volet : Un héritage à réinventer

Oui, la circulaire de 1960 fut un texte révolutionnaire pour la psychiatrie desecteur, qui pourtant n’a jamais connu d’âge d’or.Ce texte s’est en effet heurté à 12 ans d’inertie quasi totale. Des équipespionnières, il est vrai (associations et service public), ont su utiliser les sourcesde financement, très ouvertes à l’époque, pour constituer des équipes et despratiques qui ont fait référence. LE modèle était là, l’enthousiasme aussi. Maisle dispositif dans son ensemble résistait de toutes ses forces.A partir de 1985, une loi légitime la circulaire et unifie les sources definancement... dans les suites du choc pétrolier. Malgré tout, les dispositifsafférents au secteur se développent dans toute la France, non sans disparités. Mais la psychiatrie de secteur était chahutée par trois sortes dequestionnement incessants :

• Celui de l’extension de la clinique, qui a été en partie récusée : addictionalcoolique, toxicomanies, délinquance des jeunes, psychiatrie de liaison,psychopathologie de la modernité avancée.

• La question de la gestion des risques qui porte le paradigme bio-psycho-social à un niveau de «causalité molle à quantité de facteurs bio-psycho-sociaux» ; on construit des populations à risque, la souffrance psychiquedevient écart à la norme : c’est la santé mentale vue d’avion,cartographie froide et trop distanciée pour beaucoup de cliniciens car ilsy voient la disparition du sujet.

• A l’inverse, la question de la santé mentale vue au prisme de l’approchelocale (20 ans de politique de la ville et de dispositifs sociauxtransversaux) a fait apparaître une souffrance des individus rencontréspar des intervenants de terrain; ici la santé mentale est trop chaude, etdéspécifique, pour ceux des cliniciens psy qui ont pensé pouvoir«s’exclure de la question sociale».

En réalité, il semble s’agir maintenant d’un même enjeu de reconnaissancepour le schizophrène, l’adolescent en galère, le Rmiste : exister comme sujet surla scène publique et citoyenne; même combat mais pas même “ traitement ”.Ne peut-on reconnaître que les psy de secteur sont devenus, la plupart dutemps à leur corps défendant, des acteurs de santé mentale, improvisant untexte non écrit avec leur savoir propre et avec d’autres ? A ce jeu, la psychiatriese restaure dans sa spécificité, s’articulant avec ses partenaires en sedistinguant d’eux.Si les héritiers de la circulaire de 1960 sont embarqués, en tant que psy, dansl’aventure de la santé mentale, avec leurs valeurs et leur savoir, faudra-t-ilattendre 12 ans pour l’admettre et en tirer les conséquences ?

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Le Paradigme fondateur du secteur :le désaliénisme, à contre-courant

Paul BRETÉCHERPraticien Hospitalier(Corbeil), Psychanalyste

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* Lucien Bonnafé : psychiatreconsidéré comme l’un despères fondateurs du secteur.

** On sait que toute lapensée de Bonnafé traverse lapoésie, la littérature, lemarxisme, la philosophie dessciences - Bachelard,Canguilhem -.

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Le terme de «désaliénisme» estdû à Lucien Bonnafé* qui l’a

forgé comme un mot valisepour désigner l’esprit et la

méthode présidant, selon lui, àla mise en place d’une politique

de psychiatrie de secteur.

Par sa construction même, le mot«désaliénisme» associe l’idée dedésaliénation et celle de ruptureavec le système asilaire. Ce voca-ble qui émaille maints textes deBonnafé n’a pas connu un grandsuccès comme si ce qu’il désigneétait hors actualité.Pour beaucoup aujourd’hui eneffet, la problématique de la dé-saliénation est surannée. En psy-chiatrie, on ne parle plusd’aliénation mentale et la figurede l’aliéniste à la De Clérambaultappartient au passé. Au plansocio-politique, le conceptd’aliénation a pâti du désintérêtpour les recherches inspirées dumarxisme. Désormais, quand lespsy croisent des sociologues, leursdébats empruntent un autre voca-bulaire. Ils parlent d’exclusion, dediscrimination, de désaffiliation.Quant au système psychiatrique,les critiques portent surtout surses insuffisances : manque demoyens, d’ouverture à la cité, fai-blesse des dispositifs de réinser-tion...

Mais ces approches résolumentmodernes considèrent souventcomme réglé ce qui, pourBonnafé, ne relevait pas de l’évi-dence. Ainsi, la loi de 1990, régis-sant les internements, a remplacéla loi de 1838 sans en modifier lesfondements. Elle est admisecomme un outil dans l’arsenald’intervention dont disposent lespolitiques, les familles et les soi-gnants. Mais curieusement, dansun contexte où domine l’idéolo-gie de la sécurité, on ne s’interrogeplus sur ses effets paradoxaux.

Une telle observation a t-elleencore une quelconque actualité ?A chacun d’en juger. Mais si on lepense, on peut dès lors admettrequ’il n’est pas sans intérêt, au-delàde l’apparence de changement, decomprendre ce que désignaitBonnafé quand il formulait sespropositions «désaliénistes».Pour le dire simplement, alorsqu’il s’agit d’une réflexion foison-nante**, on peut avancer qu’elles’efforce de revenir au plus élé-mentaire, tout en considérant lesphénomènes liés à la folie dansleur complexité. Le plus élémen-taire, c’est le principe hippocra-tique auquel tout soignant estattaché mais qui dans le feu del’action est si difficile à mettre enoeuvre : «commencer par ne pasnuire». Or sur ce plan, l’histoirenous a appris qu’avec peut-être lesmeilleures intentions, le «systèmeasilaire» a largement échoué. Etdans cette expression, le mot «sys-tème» a toute son importance. Enl’occurrence, cela signifie qu’au-cune approche réductionniste etparcellaire, centrée uniquementsur la clinique, l’institution, lesocial, l’économique, le juridique,

ou le politique ne rend compte del’effectivité des pratiques. Il fautplutôt dégager les invariants àl’oeuvre sur chacun de ces plansdont les effets cumulés condui-sent à l’invalidation de l’initiativesoignante.

Schématiquement, si l’on consi-dère le «système asilaire», on peutle caractériser par :

1. Au plan anthropologique, laprévalence du refus de l’altérité.Cette «conduite primitive» parti-culièrement nette à l’égard de lafolie, a partie liée avec les peurs lesplus irraisonnées toujours prêtes àresurgir dans une société en malde cohésion. A l’inverse, l’accueilest un exercice ou un art qui passepar un travail à contre-courant deces réflexes immédiats (c’est lafonction de la culture mais aussiau plus intime de soi d’un travailpour accueillir l’étranger quihabite le «je»).

2. Au plan épistémologique, leprimat de l’objectivation et de sesavatars technocratiques sur touterecherche concernant les préala-bles à l’échange inter subjectif.L’objectivation n’est qu’une repré-sentation particulière de la réalité,répondant à un souci de classifica-tion ou à l’établissement de mesu-res quantifiables. Elle fixe lespositions de l’observateur et del’observé, le second devenant sousle regard du premier l’objet d’uneexpertise qui, du certificat au plancomptable, laisse dans l’ombre cequi se passe entre ces deux sujets.Là aussi, le recours à l’histoire estinstructif. Que l’on songe parexemple, à ce que la postérité aretenu du dispositif clinique deCharcot à La Salpétrière, modèlede l’observation objectivante.Dans ce cas, l’ignorance desinfluences réciproques entremédecin et malade - inhérentes àtoute relation thérapeutique -

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Chronique sur 35 ans de sectorisationpsychiatrique : 1960 – 1995

Jean-François BAUDURET A été l’un des principauxrédacteurs des texteslégislatifs sur la psychiatrieentre 1983 et 1994.Chef du Bureau de laPsychiatrie à la DGS de1983 à 1989,Sous-Directeur de laDirection des Soins à laDirection des Hôpitaux de1989 à 1994, il estactuellement conseillertechnique à la DGAS.

* Marie Rose MAMELET, filled’un directeur à l’hôpital psy-chiatrique connaissant parti-culièrement bien la réalitéasilaire.

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I – Un concept novateur restéinappliqué pendant 12 ans

Une idée géniale repose souvent surun concept simple et logique : c’estle cas du secteur psychiatrique.Quoi de plus logique en effet quede considérer que la prévention, lediagnostic et les soins psychia-triques sont organisés par unemême équipe délivrant ses presta-tions dans la cité comme à l’hôpi-tal. Le secteur repose donc sur uncontinuum “ dedans – dehors ” etsur l’unicité du pilotage de cedispositif par des acteurs apparte-nant à une même équipe pluridis-ciplinaire, garantissant notammentla continuité des soins.A cet égard, la circulaire du 15mars 1960 qui a fondé la sectori-sation psychiatrique est un texterévolutionnaire, conçu par uneadministrative inventive Marie-Rose Mamelet* avec la complicitéactive de quelques psychiatresdynamiques tels Le Guillan,Mignot, Bonnafé, Bailly-Salin etquelques autres. Il est rarissimequ’une administration devance àce point la réalité des pratiques.Elle se contente généralement deprendre en compte avec retard lesinnovations du terrain. Malheu-reusement cette circulaire, particu-lièrement novatrice, était trop enavance sur son temps et les forcesconservatrices ont su pendant 12ans faire en sorte que ce texte fon-dateur ne trouve aucune applica-tion autre que les quelques oasiscultivées par des psychiatres déjàadeptes d’une psychiatrie commu-nautaire et souhaitant rompre avecla majorité de leurs confrères, restésdes médecins aliénistes avec lameilleure conscience du monde.Ce n’est en effet qu’à partir de1972 que l’on assiste à un certaindécollage de la sectorisation et àla création de structures extra-hospitalières : les dispensairesd’hygiène mentale (comme on disait alors), les hôpitaux de jour, ledéveloppement des “ visites à

domicile ” permettant de mainte-nir dans la cité la personne atteinted’une affection mentale. Certes ledéveloppement de ces pratiquesreste disparate et le découpage ensecteurs psychiatriques correspondencore trop souvent à un conceptvide, non encore habité par despratiques thérapeutiques hors lesmurs. On peut dire aujourd’huique la psychiatrie publique a perdu12 ans et a laissé passer une chancehistorique de se rénover rapide-ment grâce à un contexte écono-mique favorable et un mécanismede financement souple et efficace.Les actions extra-hospitalièresétaient en effet financées sur desdépenses obligatoires de groupe I,destinées à lutter contre ce que l’onappelait alors les fléaux sociaux(tuberculose, maladies vénériennes,alcoolisme, toxicomanies..) et àdévelopper des actions de préven-tion (vaccinations, protectionmaternelle et infantile …).

Ce mécanisme de financementétait particulièrement “ héré-tique ”, mais d’une efficacité sanspareille pour développer une poli-tique dynamique de santépublique : l’Etat remboursait eneffet à hauteur de 83% enmoyenne le coût des actions déci-dées par les Conseils généraux.Ainsi la collectivité départementaledécidait d’une dépense dont ellen’assurait que 17% du finance-ment ! Si dans les années 60, lespsychiatres avaient sollicité lesConseils généraux pour créer despostes en extra-hospitalier, nuldoute que les Présidents deConseils Généraux les leursauraient accordés comme ce fut lecas dans les années 70, au coursdesquelles les dépenses extra-hospi-talières d’hygiène mentale ont pro-gressé selon des taux qui nous fontrêver aujourd’hui : 20 à 30% l’an !Rappelons qu’à l’époque l’extra-hospitalier (à l’exception des hôpi-taux de jour) relevait de la seuleresponsabilité des psychiatres chefs

de secteur, et non des directeurs desétablissements hospitaliers de ratta-chement. Bon nombre de psychia-tres apprirent à utiliser lemécanisme du “ financementcroisé ” des dépenses d’hygiènementale, mais une décennie troptard. D’autres ne bougèrent pas etse trouvèrent fort dépourvuslorsque l’austérité budgétaire futvenue.

II - Le tournant des années80 : une réforme tardive

A la suite des divers chocs pétro-liers et de la crise économique quis’ensuivit, les années 80 furent eneffet marquées par une volonté demaîtrise rigoureuse des dépenses,qu’il s’agisse des crédits de l’Etat,comme de ceux de l’assurance maladie. La loi du 22 juillet 1983 relativeaux transferts des compétencesentre l’Etat et les collectivités terri-toriales avait mis fin au paradis definancements croisés des dépensesd’hygiène mentale et confié à l’Etatseul le soin de financer sur ses cré-dits les actions extra-hospitalièresen psychiatrie.

Les exercices 1984-1985 furentparticulièrement difficiles : sur les2,5 milliards de francs que coûtaitla psychiatrie de secteur, 200 MFn’avaient pas été transférés du bud-get des départements sur celui del’Etat et par ailleurs le ministère del’Economie et des Finances s’em-ployait scrupuleusement à refusertoute progression de ces dépenses,afin de pousser le ministère desaffaires sociales à mettre ces créditsà la charge de la Sécurité Sociale.Nous étions alors dans une impassefinancière, il fallait donc en sortirpar une réforme.

La première étape consista alégaliser enfin le secteur psychia-trique. Ce statut juridique futdonné par la loi du 25 juillet1985. Le secteur psychiatrique,

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Chronique sur 35 ans de sectorisation psychiatrique : 1960 – 1995 (suite)

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dans sa double dimension intra etextra-hospitalière, fut juridique-ment consacré en tant que moded’organisation de base de la psy-chiatrie publique permettant d’as-surer la continuité des actions deprévention de diagnostic et desoins en faveur d’une populationrésidant dans une aire géogra-phique donnée et ce, dans lerespect du libre choix du malade. Cet article de loi a par ailleurs insti-tué un nouvel organisme consulta-tif : le conseil départemental desanté mentale. Cet organisme étaitchargé de donner un avis et de fairedes propositions sur les moyensqu’il convenait de mettre en oeuvreafin de mieux adapter nos disposi-tifs publics et privés de lutte contreles maladies mentales aux besoinsdes populations. Ce nouveauconseil constituait un échelondéconcentré de concertation et depropositions associant, non seule-ment les principaux professionnelspublics et privés concernés par lapsychiatrie, mais aussi les caisses deprotection sociale, les élus départe-mentaux et municipaux ainsi quedes représentants des familles demalades.La loi du 25 juillet 1985 consti-tuait une étape importante etnécessaire à la réforme envisagéemais il restait à réaliser l’essentiel :permettre que le principe de lacontinuité des soins entre l’intra etl’extra-hospitalier qui venait d’êtrelégalisé trouve sa traduction dansune enveloppe budgétaire uniquefinancée par l’assurance maladie,enveloppe qui soit gérée pour leservice public par un seul orga-nisme : l’hôpital.C’est ce que réalisent les lois des 30et 31 décembre 1985.Ainsi , la loi de finances pour 1986(loi du 30 décembre 1985) dansson article 79 mit, à compter du 1er

janvier 1986, les dépenses de luttecontre les maladies mentales expo-sées au titre du nouvel article L326du code de la santé publique à lacharge de l’assurance maladie.La loi n° 85-1468 du 31 décem-bre 1985 relative à la sectorisa-

tion psychiatrique tira les consé-quences de la loi précitée eninstaurant 5 principaux types dedispositions :

• la mise en place d’une véritablecarte sanitaire de la psychiatrie(articles 1 et 2),• la possibilité pour l’hôpital degérer des équipements alternatifs àl’hospitalisation et de dispenser desprestations en dehors de ses murs(article 3),• l’intégration dans la dotation glo-bale hospitalière du financementdes services publics départemen-taux participant à la sectorisationpsychiatrique qui furent mis à ladisposition de l’hôpital (articles 5et 6),• la mise à disposition en 1986,puis l’intégration, à partir de 1987,à l’hôpital des personnels des col-lectivités territoriales, titulaires ounon, travaillant dans les secteurspsychiatriques (articles 8 et 14).

En application des lois du 25 juilletet du 31 décembre 1985, un décretdu 14 mars 1986 est venu préciserl’organisation de la sectorisationpsychiatrique.Cette réforme, dans sa doublecomposante organisationnelle etfinancière, fut globalement bienaccueillie par les syndicats et orga-nisations représentatifs de la psy-chiatrie publique.Elle fut suivie par de nombreuxautres textes destinés à conforterl’organisation de la psychiatrie etfaciliter son fonctionnement.

III – La refondation de la politique de santé mentale etde la sectorisation en 1990

La circulaire de 14 mars 1990,publiée au Journal Officiel, aincontestablement refondé, trenteans après la circulaire du 15 mars1960, les grandes orientations denotre politique de santé mentale.Ce texte reste à mon sens d’unegrande actualité et mérite qu’on s’yattarde quelque peu.La circulaire ne se contente pas

d’évoquer l’organisation des soinscentrée sur le secteur, elle met aussil’accent sur une véritable dimen-sion de santé publique : améliora-tion de la connaissance épidémio-logique des besoins, développe-ment de programmes de préven-tion, décloisonnement entre lapsychiatrie et les soins généraux,actions prioritaires en direction desadolescents et des personnes âgées,respect du libre choix de l’usager,développement de prestationsintersectorielles, déploiement desmoyens sur l’extra-hospitalier. Cetexte a également pour originalitéde détailler les niveaux quedevraient atteindre en 5 ans chaquesecteur psychiatrique notammenten matière d’accueil et d’urgence,de prestations extra-hospitalières,de soins à temps complet, deréadaptation…

En guise de conclusionprovisoire :

Malgré la maîtrise des dépenses etla compression des moyens, le sec-teur psychiatrique reste globale-ment une réussite : en 1999, 86%des patients sont suivis à domicileou sur un mode ambulatoire, 11%au sein de services à temps partiel(CATTP, hospitalisation de jour etde nuit) et 27% en hospitalisationà temps complet. Ces proportionsne sauraient s’additionner puisquecertains patients itinèrent d’unmode de prise en charge à un autreau cours de la même année. Il resteque globalement une très largemajorité de la file active est suivieet traitée hors les murs de l’hôpital. Le bilan de la sectorisation psychia-trique est globalement positif,même si son mode d’organisationreste très perfectible et ne doit pasconstituer un dogme intangible. ■

Pour un caractère plus exhaustifdes textes législatifs, cet article

peut être consulté sur le siteinternet de l’Orspere-Onsmp :

[email protected]

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Les résistances à la psychiatriede secteur, dès l’origine

Jacques HOCHMANNProfesseur de psychiatrie,Psychanalyste,Chef de service au CHle Vinatier (Bron) de1976 à 2001.Il a été à l’origine de lacréation de l’AssociationSanté Mentale etCommunautés, àVilleurbanne (69), en1968.Il a notamment publié en1971 “ Pour unepsychiatriecommunautaire ”.

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On oublie souvent l’espritmilitant qui marqua les débuts

de la psychiatrie de secteur,lorsqu’il fallait affronter de

nombreuses résistances.

Les résistances des psychiatresLes promoteurs du secteur, audépart, étaient une poignée. Leurprojet surgissait dans un contexteoù la psychiatrie publique hospita-

lière, longtemps immobilisée parl’inefficacité thérapeutique et parles théories pessimistes de la dégé-nérescence, connaissait quelquesfrémissements. La psychanalysepoussait çà et là ses premierspseudopodes, mais n’affectaitguère encore la vie quotidienne dessoignants et des soignés. Les médi-caments psychotropes faisaientleur apparition et, dans un petitnombre d’établissements ou deservices, la psychothérapie institu-tionnelle avait introduit des chan-gements notables, traduitsadministrativement par des circu-laires ministérielles sur l’ergothéra-pie et l’humanisation des hôpitauxpsychiatriques.

Curieusement, les psychothéra-peutes institutionnels n’adhérèrentpas tous, au moins dans l’immé-diat, à un programme qui préconi-sait la diversification et lacontinuité des soins. Certainsd’entre eux, encore fidèles à lavieille doctrine esquirolienne del’isolement, voyaient avec suspi-cion le développement des soinsambulatoires extra-hospitaliers,perçus comme concurrentiels plu-tôt que comme complémentaires.

Ils craignaient qu’une délocalisa-tion des traitements, avec des sor-ties plus fréquentes et plusrapprochées, ne privent leursréunions de pavillon et leurs clubsde leurs meilleurs éléments.Imprégnés, par ailleurs, d’unmarxisme militant matiné de psy-chanalyse, ils redoutaient que, horsles murs, les patients ne perdent lesrepères protecteurs d’une commu-nauté fraternelle, tolérante etcontenante, sorte de société idéale,héritée du traitement moral, oùpouvaient se jouer et s’analyserlibrement les rapports transféro-contretransférentiels. En mêmetemps, opposés à la société mar-chande, ils craignaient que, prolé-taires des prolétaires, les maladesmentaux ne soient livrés sansdéfense à l’oppression et à l’exploi-tation capitaliste, sous le règned’un régime de normalisationsociale. On vit ainsi fleurir des ter-mes péjoratifs comme celui de“ flichiatrie de secteur ”, et des psy-chiatres d’extrême gauche et d’ex-

trême droite, objectivement alliés,dénoncer les soins à domicile nais-sants, en les assimilant à des “ visi-tes domiciliaires ” *.

Cependant, la plupart des psychia-tres des hôpitaux avaient d’autressoucis. Confortablement établisdans leur asile, logés, blanchis,chauffés, éclairés par l’hôpital, ilsne sortaient guère en ville, sinonpour quelques consultations dedispensaire ou quelques expertises,pour compléter leur maigre salaire.La politique de secteur dérangeaitleur confort. Après avoir fait long-temps preuve d’inertie, ils la tra-vestirent en la réduisant à unerépartition de territoires. On vit

donc saucissonner le pays en zonesde soixante dix mille habitants,dessinées avec un esprit égalita-riste, souvent au mépris de toutecohérence. Les réunions de miseen place du secteur évoquaientalors un jeu de Monopoly (“ je telaisse la Place de la Concorde contrela rue la Paix ” ), et c’est seulementdouze ans après la première circu-laire que la décision d’accorder uneprime conséquente à ceux “ quifaisaient du secteur ” permit enfinde généraliser la politique voulueen 1960. Une nouvelle générationarrivait, nombreuse et enthou-siaste, le secteur enfin naissait et lepays tout entier se dotait d’undispositif qui, en dépit des cri-tiques dont il fait aujourd’hui l’ob-jet, reste remarquable.

Les résistances infirmières Le personnel hospitalier, forméessentiellement par les bataillonsdu corps infirmier, était lui aussipartagé. Ils furent très peu nom-breux, et d’autant plus méritants,au début, ceux qui acceptèrent des’inscrire dans une pratique extra-hospitalière pionnière, où toutétait à inventer, et où leur diplômen’était pas officiellement reconnu.Sans le filet protecteur de l’équipeet de l’institution, sans modèleprécis, ils s’engagèrent courageuse-ment dans des soins individuels,en dispensaire ou à domicile**,sous les quolibets de leurs pairs quiles accusaient “ d’aller se promenerau lieu de travailler ”. Quelquesleaders syndicaux intelligentsavaient très vite compris que cetteévolution apportait une valorisa-tion de leur profession en termes

* cf. les critiques répétées deMaud Mannoni, et un articlevengeur de Pierre Deniker,dans un numéro du Mondede l’époque .

** En particulierl’Association Santé Mentaleet Communautés pour le sec-teur de l’Est lyonnais, etl’Association de SantéMentale du 13ème arrondisse-ment à Paris.

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Les résistances à la psychiatrie de secteur, dès l’origine(suite)

Le Paradigme fondateur du secteur :le désaliénisme, à contre-courant (suite)

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de statut et de perfectionnementtechnique, mais dans leur majo-rité, les organisations syndicalesrestaient sur la réserve. Elles se fai-saient l’écho des inquiétudes et dela résistance au changement deleurs membres et redoutaient,peut-être, qu’une trop grande mul-tiplication des lieux de soin et unéloignement de la maison mère nediminuent leur influence, en lais-sant échapper les individus disper-sés aux mots d’ordre et au contrôlecollectif.

Les résistancesadministrativesC’est sans doute la même crainted’affaiblir leur contrôle sur leursagents, qui explique, au moinspour une part, les réticences desadministrations locales à suivre

une politique pourtant proclaméede manière répétée par les instan-ces ministérielles. Il s’y ajoutait unmode de financement quasischizophrénique. Alors, les bud-gets intra et extra-hospitaliersétaient séparés et leur gestionconfiée à deux organismes souventen conflit : l’hôpital pour l’un, laD.D.A.S.S. pour l’autre. Les direc-tions hospitalières, dans leurlogique, s’opposaient à des réduc-tions de lits qui risquaient d’en-traîner la diminution d’uneenveloppe budgétaire tributaire duprix de journée. Les D.D.A.S.S,bridées par les Conseils Générauxqui votaient (à un niveau trèsinégal d’un département à l’autre)les crédits de l’extra-hospitalier,refusaient de recruter de nouveauxsoignants ou de détacher, extra-

muros, des personnels hospitaliers.

Il fallut attendre vingt cinq ans(1985) pour qu’une loi vienneenfin unifier les budgets et confieraux hôpitaux la totalité de l’enve-loppe de secteur. C’est alors seule-ment qu’il devint possible deredéployer librement vers l’exté-rieur des personnels hospitaliers aufur et à mesure de la fermeture delits devenus techniquementinadaptés grâce aux psychotropeset au développement parallèle despsychothérapies ambulatoires.C’est alors seulement que lesdispositifs de secteur purent pren-dre leur envol véritable et trouverun rythme de croisière, au moinspour ceux qui n’ont pas pervertiun exercice novateur et révolution-naire. ■

conduit à prendre l’artefact pourla réalité. C’est une parfaite illus-tration d’aliénation mutuelle,quand la personne s’efface devantle personnage.

3. Au plan institutionnel, la pré-éminence accordée au lieu, enl’occurrence l’hôpital qui reste lecentre organisateur des pratiquesde soin. Sur ce point, les critiquesde Bonnafé n’ont pas toujours étécomprises. On a interprété sespropos comme une condamna-tion a priori de l’hospitalisation.Ce n’était pas son intention. Sacritique vise l’hégémonie d’unmodèle «bloquant la recherche dela meilleure diversification du tra-vail de soins». L’asile était uneinstitution totale conçue commeun dépôt pour une catégorie d’ex-clus. Aujourd’hui, le modèlehospitalier impose une autreforme d’emprise sur les pratiques :

emprise d’un mode de gestion,d’un type de formation des per-sonnels, d’organisation hiérarchi-sée et morcelée des tâches, d’uneidéologie du soin, centrée surtoutsur la «réparation». Et il y a déjàplus de quinze ans, Bonnafé s’in-quiétait de la standardisation desréponses apportées aux situationsde grande détresse psychique,assimilées de plus en plus auxurgences médicales, en mêmetemps qu’il notait la tendance desstructures «extrahospitalières» à serefermer sur elles-mêmes. Dans lepremier cas, il y voyait un signe destérilisation des recherches cli-niques et institutionnelles. Quantà la clôture des institutions surelles-mêmes, il craignait qu’ellesne succombent à cette «patholo-gie des isolats» qui guette toutesles institutions autocentrées :installation dans la routine, déca-lage entre les offres et les deman-

des de soin, inadaptation à l’envi-ronnement, perte des capacitéscréatrices, reconduction desvieilles séparations entre espacesdévolus aux «chroniques» et zonesde transit des «aigus».

Dès lors, le désaliénisme se pro-jette «par contraste», sur fond deces trois critiques anthropolo-gique, épistémologique et institu-tionnelle, en inversant chacunedes oppositions citées : - primat de l’accueil sur le rejet, - mise en place des conditionsfavorables à l’émergence de lafonction sujet, - institutionalisation de disposi-tifs en rupture avec l’hospitalo-centrisme…

Ces perspectives de travail sont-elles encore d’actualité ? Quoiqu’ilen soit, remonter le courant esttoujours un signe de vitalité. ■

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Le secteur : quel bazar !

Jean PERRETDirecteur de SantéMentale et Communautésde 1981 à 2001.Il a participé au groupeDIV-DIRMI qui produisitle rapport Strohl-Lazarus“ Une souffrance qu’on nepeut plus cacher ”

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En 1985, le projet de loi relatif à lasectorisation psychiatrique est sou-mis à la Commission de l’AssuranceMaladie de la CNAM. Il fait l’objetde plusieurs réunions. C’est peudire que les comptes rendus de cesréunions laissent transpirer unmanque d’enthousiasme certain,pour ne pas dire des résistances soli-des, à l’encontre de ce projet de loi.S’y expriment évidemment desconsidérations financières (et eneffet l’enjeu est important pourl’Assurance Maladie) et des interro-gations relatives à l’organisation, auchamp d’application pour les éta-blissements et les personnels.On y note :• la crainte d’un transfert de chargesaux dépens de l’Assurance Maladiepour des dépenses qui ne relèventpas de sa compétence (patientsnon-assurés sociaux, prévention del’alcoolisme et de la toxicomanie,transports, etc...)• la crainte (significative de l’imagequ’elle renvoie du soin psychia-trique) d’une impossibilité d’enassurer le contrôle : “ assiduité dessoins inévaluable ”, prescriptionsinfondées, “ récupération ” desmalades à titre privé par les méde-cins de secteur à temps partiel, rap-port d’activité de secteur plus“ moral ” que fiable, données “ sub-jectives et invérifiables ”, etc…Mais surtout, ils révèlent une singu-lière méfiance vis à vis de l’activitésoignante de la sectorisation psy-chiatrique explicitement considéréecomme un bazar d’initiatives“ développées de manière anar-chique ”, sans référence, s’organi-sant “ à leur guise ”, hors normes,aux appellations les plus diverses,“ sans aucune définition ”. “ Toutest possible ” (danse, cri primal,théâtre, dessin …) y compris le far-felu : “ croisières sur les canaux eten mer ! ” (ponctué d’un pointd’exclamation significatif…) ; letout exécuté par des personnels“paramédicaux reconnus ou nonpar l’Ordre des Médecins et lesCaisses (professeurs de gymnas-tique, de danse, de peinture …)”.Lorsqu’on parle des soins distribués

on ne manque pas d’entourer lemot “ soins ” de guillemets quiexhalent un parfum d’ironie etmontrent le sérieux qu’on leuraccorde …

Ces réflexions sont certes datées,émises dans les circonstances parti-culières d’un débat , et ne consti-tuent pas une prise de position de laCNAM ; elles n’en sont pas moinsrévélatrices d’une image de la secto-risation psychiatrique et plus géné-ralement du soin psychique quin’est sans doute pas exceptionnelle,même aujourd’hui :

• conception du soin sur le seulmodèle du somatique, c’est à direessentiellement médical et hospita-lier, faisant l’objet d’actes identifiéset normés ;• incompréhension du soin psy-chique et de l’imbrication néces-saire du soin et du travaild’autonomisation et de resocialisa-tion des patients ;• soupçon sur les pratiques inno-vantes et sur la participation au seindes équipes soignantes d’interve-nants non médicaux ou paramédi-caux ;• réticence à ce qui n’est pas unifor-mément pratiqué et reconnu partous quels que soient le lieu, lapopulation concernée , la situationsociale, etc...

Ce n’est certes pas une raison derenoncer à affirmer que la psychia-trie ne sera jamais une disciplinemédicale comme les autres, sauf àrenoncer à ce qui lui donne sens : cequi a fondé historiquement le sec-teur et qui ne relève ni du cadastre,ni de la féodalité1, ni de la fantaisiede quelques hurluberlus, ni nonplus de la chimie ou de la psycho-chirurgie2, mais qui est pour l’es-sentiel la mise en place desconditions favorisant au maximum,dans un espace donné, avec unepopulation donnée, une “ pratiquede la relation ”3 destinée à des per-sonnes en extrême difficulté psy-chique susceptibles précisément deglisser hors de la relation c’est à direde l’humain. ■

Lorsqu’un dispositif, quel qu’ilsoit, est l’objet de questionne-

ments tels qu’ils engendrent unmalaise persistant de ses acteurs,

il n’est pas inutile de faire unretour sur le passé, de se remet-tre en tête les éléments qui l’ont

fait naître et les difficultés etrésistances qu’il a rencontrées.

Le dispositif de sectorisation psy-chiatrique ne devrait pas échapper àce regard sur les origines : “ Quandtu ne sais pas où tu vas, n’oublie pasd’où tu viens ! ”A ce titre, la relecture du n°17 deRECHERCHES (mars 1975) sur“ Histoire de la psychiatrie de sec-teur ou le secteur impossible ”demeure un exercice plein d’ensei-gnement pour aujourd’hui.Cependant on n’y trouvera pas d’al-lusion à celui des acteurs qui en estdevenu depuis 1985 le financeurunique à savoir l’AssuranceMaladie. Le peu de documentsdont on dispose permet cependantde repérer quelques éléments inté-ressants dans la mesure où ils sontsignificatifs des résistances, voire dela disqualification de la sectorisa-tion et peut-être plus largement dusoin psychiatrique lui-même parceux-là même qui ont en charge ledispositif de santé.

Dès les années 1970, la CNAMpublie une circulaire autorisant lacréation de services d’Hospi-talisation à Domicile (HAD). Defaçon étonnante, elle en exclutnommément et uniquement laPsychiatrie, alors même qu’à cetteépoque des initiatives de mise enœuvre de la politique de secteur secréaient sous cet emblème del’HAD. Seules deux expériences semettront en place en parfaite déro-gation à cette circulaire : le 13ème àParis et Santé Mentale etCommunautés à Villeurbanne,cette dernière n’ayant obtenu sondroit à l’existence qu’à la fermedétermination du Médecin conseilde la CRAM Rhône-Alpes de pas-ser outre à l’injonction de laCNAM.

BIBLIOGRAPHIE :

1 Dr Paillot “ Le Barond’Ostende ” in Recherchesn°17, mars 1975

2 Le Monde du 6 juin 2002

3 Francis Jeanson “ Eloge dela psychiatrie ” Ed.le Seuil,janv.1979

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BIBLIOGRAPHIE :

•Lalonde, Aubut, Grunberget collaborateurs “ Psychiatrieclinique. Une approche bio-psycho-sociale ” Tome 1(Introduction et syndromescliniques) Ed. GaëtanMorin,1999 (2ème édition).

•Henri Hey “ EtudesPsychiatriques.Historique-Méthodologie-Psychopatologiegénérale ” 2ème Ed. DescléeDe Brouwer et Cie, 1952Paris

•G.Devereux “ De l’angoisseà la méthode, dans les sciencesdu comportement ”Ed.Flammarion, 1980.Pages 44 et 452 : 1952 a(Practical Problems ofConceptual PsychiatricResearch. Psychiatry) et1952 b (Psychiatry andAnthropology : Some ResearchObjectives. Bulletin of theMenninger Clinic)

•M.Reynaud / J.AMalarewicz “ La souffrancede l’homme ” Ed. AlbinMichel, mars 1996

•V.Kovess, A.Lopez, J.CPénochet, M.Reynaud“ Psychiatrie années 2000 ”Ed. Flammarion, Fév 2001

•“ Modèle bio-médical etmodèle bio-psycho-social ”M.Vanotti. Centre derecherches Familiales etSystémiques,[email protected]

Le modèle bio-psycho-social est extrêmement répandu parmi les psychiatres de service public ; pour-tant, chose étonnante, bien peu, même parmi les plus érudits, savent très exactement à qui on doiten attribuer la paternité. Il y a sûrement plusieurs points d’origine. Il s’agit en quelque sorte d’un modèle “ quiva de soi ” et qui se démarque radicalement du modèle bio médical. Selon Lalonde, il a été explicitement théo-risé par le psychiatre américain Engel, en 1977. Il est certain que le modèle a été décrit avant Engel, en particu-lier par G.Devereux (1952). Trois paradigmes sont posés en interaction constante pour expliquer et comprendreles diverses facettes des maladies et des comportements : le biologique, le psychologique et le social. Lalondeconsidère ce modèle comme la reprise et le prolongement de l’approche organo-dynamique d’Henri EY. Dès1947, en effet, ce grand psychiatre français s’oppose à ce qu’il appelle “ le dualisme psychiatricide ”(du soma-tique et du psychique); il rejette le réductionnisme linéaire, qu’il soit d’ordre biologique, psychologique ou social.On doit noter que la pensée d’Henri EY est apparue à la même époque où l’OMS a produit sa définition, éga-lement ternaire, de la santé comme “ un état complet de bien être physique, mental, et social, et (qui) ne consiste passeulement en une absence de maladie ou d’infirmité ” (Paris, 1946). On a oublié, dans ce type de définition, laliberté de pensée, l’ouverture des cadres épistémologiques, et l’orientation utopique de l’action visant à donnerun sens à l’avenir, dans l’enthousiasme de l’immédiat après-guerre.

Rhizome a interviewé Michel Reynaud, auteur de plusieurs textes sur ce sujet, sur la manière dont il utilise cemodèle aujourd’hui : comme une forme d’œcuménisme conservatoire.

Interview de Michel ReynaudPUPH Hôpital Universitaire Paul Brousse, Villejuif

Comment comprendre simplementle modèle bio-psycho-social ?■ Ce modèle m’est venu à l’espritlorsque, jeune chef de clinique, j’aiété amené à m’intéresser à l’alcoo-lisme et aux toxicomanies.Olivenstein disait alors : “ La toxi-comanie, c’est la rencontre entre unproduit, un individu, et unesociété ”. Cette formulation lapi-daire définit parfaitement l’une desformes du paradigme. Son applica-tion dans la pratique clinique étaittellement efficace que je l’ai toutnaturellement transposé à la pra-tique psychiatrique.

Il y a donc plusieurs formes ?■ Oui. L’idée générale est qu’enmatière de psychiatrie, il convientde refuser de choisir son campentre les trois grands modèles, cha-cun pouvant devenir exagérémenthégémonique : la biologie ou lesneuro-sciences, la psychanalyse etd’autres théories psychologiques,la psychiatrie sociale. Il s’agit enfait d’une approche intégrative,éclectique, pragmatique, globale,antidote à une démarche totali-taire.

Totalitaire ?■ Oui. Il m’est arrivé de me fairevirer de certains lieux où dominait

l’idéologie psychanalytique, autre-fois, lorsque je faisais des scannersaux patients schizophrènes, alorsqu’il apparaissait clairement qu’ilsavaient des atrophies cérébrales.Mais cette dimension “ biolo-gique ” de la schizophrénie étaitinaudible et même “ hérétique ”.Et pourtant, vingt cinq ans plustard, c’est une évidence incontesta-ble.

Quand ce ternaire est-il apparu ?■ Je ne sais pas exactement. Ilsemble être apparu en plusieurslieux et en plusieurs pays au débutdes années 80. En ce qui concernenotre pays, à partir de 1981, onpeut dire que nous sommes rentrésdans une époque de consensusmou où les grandes passions théo-riques et idéologiques se sontestompées au profit d’un pragma-tisme gestionnaire.

Ça n’est pas très excitant de pré-senter ce modèle comme unconsensus désenchanté !■ A vrai dire, cette possibilité deconsensus n’empêche pas chaquediscipline ou chaque sous-disci-pline d’aller au plus loin de salogique propre, du côté de larecherche et c’est d’ailleurs ce quifait avancer la connaissance. En

fait, aucune théorie à elle seule nesuffit à la compréhension des pro-cessus et à l’acte thérapeutique.Nous sommes dans l’ère des ponts,des passages, des interactions, etcela est excitant.

Y a t-il d’autres éléments qui ontsuscité cette obligation des ponts ?■ Oui. Entre autre, l’intégrationd’une partie des secteurs depsychiatrie à l’hôpital général : lespsychiatres ont été confrontés auxtentatives de suicide, à la toxico-manie, à la neurologie, aux patho-logies psychosomatiques, auSIDA, ce qui a stimulé le pôle bio-logique. Mais aussi le dévelop-pement des connaissances neuro-biologiques et génétiques, les diver-ses formes de psychothérapies etd’accompagnement social.

Ce dispositif a t-il encore un inté-rêt ? Ne semble t-il pas qu’on observe de nouveau une tendancehégémonique des différentes pistesde recherche actuelles ?■ A notre époque, le paradigmebio-psycho-social reste encore lameilleure manière d’empêcher untriomphe excessif de l’industriepharmaceutique et de son pouvoirinducteur sur les pratiques et lesrecherches. ■

Le modèle bio-psycho-social

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Autrefois comme aujourd’hui, les trainsqui passent…

Gérard MASSÉPraticien hospitalier.Chef de Service au CentreHospitalier Sainte-Anne(Paris).Coordinateur de laMission Nationaled’Appui en SantéMentale.

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Chacun se souvient de la for-mule de Claude Bernard : «La

médecine n’est ni un art niune science, c’est un état

comme l’agriculture». Si l’onaccepte et que l’on vit une

telle condition d’artisan, éprisdu métier, il n’est décemmentpas possible de faire le coup

du «l’agriculture cela eut payémais cela ne paye plus» alorsque nous continuons à faireun très beau métier, ce qui

mérite d’être dit, avanttoute chose.

Au-delà de sa technicité, la médecine,et donc la psychiatrie, se présentecomme une situation sociale dévoluepar le groupe auquel elle appartient.Le savoir technique et la fonctionsociale des psychiatres évoluent, defaçon de plus en plus rapide au fil dutemps. En son temps, notre société s’estdotée de techniciens pour organiser laperte de liberté des aliénés. Elle adonc créé les aliénistes. Et puis ce futEdouard Toulouse très contesté par laprofession, la politique de secteur,avec ce que cela implique «de souples-se, d’adaptation à la réalité sociale 1», ledéveloppement de la psychiatrie pri-vée. Dès la fin des années 60, HenriEy se félicitait que «le psychiatre nes’occupe plus seulement du «grand alié-né» et pointait que cette extensioncomportait des «inconvénients théo-riques et pratiques» parmi lesquels ilprécisait la nécessité «que les servicespublics de psychiatrie soient intégrésaux hôpitaux généraux2». Au mêmemoment, Georges Daumezon formu-lait la principale question car tout endépend : «au nom de quoi la société sepréoccupe de la santé mentale 3»?Question qu’il ne cessait de poserdepuis la Libération.

Actuellement, de partout, on entendqu’on nous demande d’intervenir au-delà du champ strict de la discipline,que nous avons été formés pour pren-dre en charge les pathologies mentales«pures et dures», que nous ne pou-vons faire face au vertige induit pardes sollicitations multiples, que noussommes appelés à tous propos au delàde notre champ d’intervention.

Fréquemment, la souffrance psy-chique relève plus d’une mauvaisesanté mentale que de pathologies avé-rées qu’elle précède souvent comme lemontrent les données épidémiolo-giques, les conférences régionales desanté, la conférence nationale desanté. Notre absence est trop souventregrettée auprès de populations quidemeurent sans réponses : exclus,victimes d’addiction, séropositifs,etc… ce que nous appelons “ lestrains qui passent ”.Sommes-nous confrontés à une psy-chiatrie d’extension excessive ? Non,tout simplement à une psychiatrie quise veut fidèle au secteur, voulant s’a-dapter aux demandes qui lui sont fai-tes dans un contexte de proximité etavec disponibilité, d’une psychiatriequi se déplace et n’attend pas qu’onvienne vers elle, qui sait que la cli-nique ne se résume pas aux chapitresde nos manuels et apparaît, constam-ment, évolutive.

Certes, ces dernières années, les équi-pes de psychiatrie de secteur sont deplus en plus impliquées dans desréseaux constitués autour de certainespathologies (VIH, cancer, périnatalitéetc…) ce qui correspond assez bienau concept de psychiatrie de liaison(qui ne s’applique pas seulement auxdisciplines somatiques). La souplesseest alors de règle dans un mouvementspontané à côté des institutions lour-des, permettant un passage d’infor-mations, une mise en communmomentanée de moyens, une réponsemodulable pour être efficace et adap-tée. La coordination n’est pas alorsnécessairement centralisée par unmédecin, elle peut changer d’unesituation à l’autre en fonction desbesoins et des habitudes de travail. Ils’agit d’un abord collectif pour maî-triser la complexité des pathologies lesmoins accessibles et l’on comprendpourquoi les premiers réseaux se sontconstitués en réponse aux besoins depersonnes elles-mêmes regroupées enréseaux : toxicomanes, alcooliques,sidéens, etc… Il n’en demeure pasmoins que les thèmes prioritairesd’application au champ médico-social et social des réseaux au sein des-quels la psychiatrie doit prendre laplace qui lui revient sont :

- les réseaux gérontologiques coor-donnés favorisant le maintien audomicile,- les réseaux alternatifs ou complé-mentaires à la prise en charge à tempscomplet ou partiel des handicapés,- l’accès aux soins des plus démunis,- les réseaux de soins concernant cer-taines pathologies à forte composantesociale (conduites addictives,sidéens).

Au-delà du «concept de liaison»applicable non uniquement aux com-plémentarités nécessaires avec lessoins somatiques, la santé mentales’est élargie à de multiples interac-tions entre les personnes et leur envi-ronnement qu’il s’agisse des jeunes,des migrants, du milieu du travail,des politiques de prévention ou del’impact de la pauvreté. Il nous fauttravailler avec d’autres, notammentparce que nous ne pouvons apporterqu’une partie, certes indispensablevoire essentielle, des solutions possi-bles.Comment ne pas s’en féliciter nonpas du fait «de nouvelles parts de mar-ché» mais parce que nous pouvonsêtre mieux et plus utiles.Evidemment, il n’est pas question dedire qu’il faut répondre à toutes lesdemandes : la possibilité du oui sup-pose celle du non, un non argumentéréfléchi, éthique. Mais à l’inverse, onne peut faire comme si la psychiatrieétait une discipline an-historique,centrée sur une psychose détachée detoute pesanteur sociétale. Pourquoiavoir refusé les toxicomanies lors-qu’elles constituent le vêtement d’ar-lequin de nombre de processuspsychotiques chez les jeunes ? Ondevrait faire retour sur ce qui aconduit la psychiatrie publique àréfuter la pertinence de sa pratiquesur certaines formes de délinquance,sur l’addictologie alcoolique, plusrécemment sur les nouvelles formesde psychopathologies de la modernitéavancée.

Hier comme aujourd’hui, refuser deprendre les trains qui passent au nomd’une pureté professionnelle intrin-sèque, cela se discute. ■

BIBLIOGRAPHIE :

1 E. TRILLAT. Où va la psy-chiatrie de service public ?L’Information Psychiatrique.1984, 60, n° spécial, 1159-1168.

2 H. EY - L’abolition desprincipales dispositions de laloi. L’exception de 1838 surl’effet et la condition de pro-grès de l’assistance psychia-trique. AnnalesMédico-Psychologiques 1967,2, 608-614.

3 G. DAUMEZON. La psy-chiatrie face aux donnéesmodernes de la psychiatried’adulte. Rapport introductifà la troisième réunion d’étudede la XIIIème AssembléeFédérale des Croix Marines.

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Précarités :extension du domaine de la clinique

Jean-Pierre MARTINPsychiatre, Chef de service à l’HôpitalEsquirol, St Maurice (94)

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La notion de précarité s’inscritdans un élargissement des

populations concernées quidépasse les personnes à la rue de

façon durable et les clochards.Elle est un concept social qui

indique que la pauvreté etl’exclusion ne se limitent pas au

“noyau dur” des errants.

L’approche clinique de l’errance,qu’elle concerne les sans-abri ou lespersonnes en rupture occasionnellede domicile, amène en effet deuxpremiers constats :- la notion d’exclusion sociale parson caractère totalisant ne rendcompte ni des différents processus àl’œuvre ni du moment où ils sontabordés dans l’itinéraire de la per-sonne.

- un grand nombre de sujets“ inclus ” mènent leur existencede façon extrêmement précaireet sont exclus de champs entiersde la vie sociale.

Nous sommes alors confrontés àdes faits qui explicitent les rup-tures avec l’environnementsocio-familial, les différentsmoments de l’itinéraire du sujet(il est fréquent, par exemple, derencontrer des personnes quialternent des séjours en hôtel deplusieurs jours avec desmoments de galère dans la rue etdes passages en foyers d’urgence)et les situations d’insertionsociale précaires.

A partir d’une approche des errancesextrêmes et des risques de “mortpsychique” qu’elles entraînent, uneréflexion sur la dimension cliniquede la précarité sociale nous permetde constater que cette évolution s’estimposée dans les pratiques et le dis-cours général de la plupart des inter-venants engagés dans la lutte contrel’exclusion. Il nous semble qu’ellecroise le débat de ces dernièresannées sur la gestion des risques*.

Il en résulte une série de questions : S’agit-il d’une nouvelle tentative demasquer les causes réelles de la pau-vreté par le déni des inégalités socia-les et des rapports d’exploitation ?

S’agit-il d’une nouvelle élaborationd’un discours de psychologisationde la misère qui traduirait l’échecd’efficience du sujet dans son adap-tation aux évolutions de la société ?Nous pouvons interroger le nouvelintérêt pour les politiques de santémentale dans une telle probléma-tique.Ce débat ouvre la question du rap-port au politique. En effet les condi-tions sociales et culturellesfaçonnent le sujet dès sa conceptionet, dans cette perspective, la réfé-rence à la précarité de l’existence estdéterminante dans la compréhen-sion des avatars qui arrivent au sujet.Le terme - précarité - questionne lesens d’une altération symbolique dulien social alors que le terme - exclu-sion - le barre, tout comme, le mot -curabilité - s’oppose à - incurable -.Ce qui est précaire peut cesser del’être alors que l’exclusion tend àfermer tout avenir.Précarité et souffrance psychiquefont partie des mots qui permettentd’aborder l’indicible du trauma et dela perte.La précarité extrême a révélé leserrances catastrophiques et lesmodes d’existences marginales, danslesquels le remaniement des investis-sements du sujet amène des rupturessymboliques graves de ses lienssociaux. Elle a mis en évidence laperte du sens des objets sociaux quifondent la civilisation laissant aupremier plan les défenses archaïquesque sont le clivage mélancolique outraumatique, et la récusation desinstitutions qui dénie la reconnais-sance d’un besoin d’aide. Elle nous asensibilisés à la réalité des itinérairesd’exclusion, sans tiers métaphoriquepossible autre que la rue.Mais la précarité ordinaire apparaîtdans les nouvelles approches de laclinique psychosociale à travers lacritique des forçages de sens institu-tionnels appelés - urgence -.Cette démarche ne concerne passeulement la “ fonction d’asile ”décrite par Patrick Declerck avec seslieux de passages qui sont souventdes lieux d’enfermement et d’objec-tivation de la réalité du clochard,reproduisant la violence qui est faite

à ces sujets en souffrance.Elle s’applique à tous les lieuxsociaux ordinaires qui concourent àla protection sociale. Il est essentielde percevoir ici la dimension collec-tive de l’Autre qui concerne le rap-port des précaires et des intervenantsà la collectivité : chacun s’engageavec sa subjectivité et ses limites.C’est la présence de sujets ( errantsou partenaires ) différents qui fondela continuité de la rencontre et sonpossible effet de symbolisation.La précarité extrême ou ordinairerenvoient à la violence sociale vis àvis de ceux qui ne s’adaptent pas ouratent leur insertion, de ceux quirencontrent un trauma déstabilisantsur le mode : divorce, perte du loge-ment, perte du travail, galère d’unesolution d’urgence à une autre.Leurs itinéraires sont la réalité de lasociété, dans laquelle ces sujets fragi-lisés sont en permanence confrontésà la catastrophe du passage d’uneidentité d’insertion à une identitéd’exclusion.Cette précarité sociale dans toutesses formes est le principal vecteurd’insécurité du sujet dans ses dimen-sions individuelles et collectives, elleest devenue l’enjeu d’une lutte entreceux qui en font une nouvelle figuredes “ classes dangereuses ” et ceux,dont nous sommes, qui en font uneaction publique de reconnaissancehumaine et d’intégration à l’accès àla protection sociale commune.

Une réflexion clinique sur la préca-rité est emblématique de la crise dela psychiatrie de secteur, car ledispositif médico-administratif n’estpas intégré à une politique s’ap-puyant sur les expériences généralis-tes et préventives locales**. Lapsychiatrie se retrouve ainsi dans unentre-deux constitué d’une part dessoins spécifiques des pathologies etd’autre part d’une participation à lagestion des risques. L’approche cli-nique des différentes formes de pré-carité sociales nécessite aussi derevisiter le sens du secteur et de ceque peut être une politique de santémentale basée sur un dispositif depsychiatrie publique généralisteintégré à la vie sociale. ■

* Cf. Anne Golse et LaurentBoceno, p. 11.

** Cf. Fernando Bertolotto,p. 12 et 13.

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Dossier Un héritage à réinventer

La psychiatrie aux risques de la santé

Anne GOLSE,Laurent BOCENOSociologues,Laboratoire d’AnalyseSocio-Anthropologique duRisque (LASAR),Université de Caen.

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La psychiatrie est en crise,certains s’en émeuvent,

d’autres tentent d’inventer. Soit. Il serait plus juste de

remarquer que la psychiatrie,comme l’ensemble de la

médecine, est prise dans unmouvement de transformationde grande ampleur qui effritele socle sur lequel elle s’étaitédifiée au XIX°, la maladie,

pour lui en substituer un autrefondé sur la notion de santé,définie comme équilibre bio-

psycho-social, bien-être,voire capital.

Il nous faut montrer comment cetteconstruction nouvelle du savoirmédical, pour laquelle nous avonsforgé le terme de médecine de lasanté, s’articule sur la notion derisque issue de la technique assu-rantielle et comment elle renouvelleles enjeux de la psychiatrie.

Le risque est la probabilité de sur-venue d’un événement à l’échelled’une population. Si, à l’échelled’un individu, un événement estaléatoire, à l’échelle d’une popula-tion, il présente une certaine régularité. C’est la fréquence d’ap-parition d’un événement à l’échelle de cette population qu’onappelle risque. Rien en soi n’estrisque, tout peut l’être si on appré-hende sa fréquence de survenue àl’échelle de la population. Ainsi lamort, les accidents mais aussi lamaladie sont des risques qui affec-tent le capital santé de l’individu,mais aussi de la population. Une telle connaissance ne suffit pas.L’important n’est pas de connaîtrela probabilité de survenue mais sur-tout de connaître avec quelles varia-bles (facteurs de risque) ces risquessont liés. Si la dépression est unrisque qui atteint chaque année xindividus de la population, mieuxvaut connaître quels sont les fac-teurs c’est-à-dire quelles sont lesvariables qui sont en corrélationpositive avec ce risque. En d’autrestermes, qu’est-ce qui distingue lespersonnes atteintes de dépressiondu reste de la population ? L’analysestatistique des grands nombresmontre que le deuil est un facteurde survenue de la dépression. Le traitement des grands nombres

inaugure un renouvellement dumodèle étiologique, devenu pluri-factoriel : la maladie-risque est liéepar une causalité molle à quantitéde facteurs bio-psycho-sociaux. Lesfacteurs de risque par excellencesont ceux qui sont renvoyés à l’indi-vidu sous forme de comportements(conduites à risque, alcoolisme...),d’événements de vie ou de caracté-ristiques sociales. L’individu présen-tant ces facteurs va se trouver rangédans la catégorie de population diteà risque élevé et de ce fait cible spé-cifique d’un certain nombre dedémarches visant à réduire cerisque, notamment par une adresseau système de soins.

Une telle construction reflète aumoins trois changements essentielspour la médecine : dans la concep-tualisation de la maladie, le prin-cipe de connaissance, la temporalitéde l’action «soignante». En premierlieu, la maladie perd sa positivité.Elle n’est plus événement, maisrisque. En second lieu, ce n’est plusla clinique de l’individu qui tire laconnaissance de la maladie maisl’épidémiologie. Et avec elle lerègne de l’expert dans un affran-chissement de l’expérience sensible.La maladie–risque devient une pureabstraction, une virtualité que lemalade ne peut ressentir ni lemédecin déceler à partir des symp-tômes. Ultime conséquence de cemodèle, le principe d’action et latemporalité changent. Pas besoinde connaître une maladie, pasbesoin de la différencier des autres,la seule chose rationnelle à faire,c’est d’éviter sa probable survenuedu fait de la présence des facteursde risque. Ainsi, il n’y a plus lieu delaisser les individus déprimer aprèsun deuil ou développer un stresspost-traumatique, il faut mettre enplace dès que possible un suivi psy.La temporalité change, ce n’est plusle temps a posteriori de la maladie-événement mais le temps a priori dela maladie-risque. Il faut agir avanttout signe pathologique sur ce quiest pure virtualité à l’échelon del’individu. C’est le principe même de la méde-cine prédictive mais c’est aussi leprincipe d’une nouvelle mobilisa-tion des soignants en psychiatrie.

En effet, cette nouvelle étiologiecrée un mouvement de déport dusomatique vers le psychique ou dusocial vers le psychique. Ceci metfin aux anciennes logiques d’altéritéde ces institutions du XIX° (mesfous, vos malades, vos pauvres) auprofit d’une logique de complé-mentarité (nos fous sont aussi vosmalades, vos pauvres). La théoriepsychiatrique, qui ne peut plus sefonder sur l’ancienne barrière nor-mal/pathologique et se cherche,recouvre tout ceci du terme desouffrance psychique, comme écartpar rapport au bien-être, désormaispromu comme idéal normatifauquel on ne peut qu’aspirer.Cette nouvelle mobilisation reposesur une dissociation entre la pro-duction du savoir, le repérage desindividus et leur traitement :comme cette construction ne sefonde pas sur un ressenti de symp-tômes mais sur une corrélation sta-tistique, la plupart des individus nepeuvent donc qu’être détectés etpoussés vers le système de soins. Unmoment clé s’introduit dans cemodèle, c’est le repérage des indivi-dus porteurs de risques. Le travailprès des endeuillés, l’interventionaprès un traumatisme, la prise encharge de la souffrance psychiquedes exclus sont des exemples parmid’autres. De ce fait de nouveauxtiers émergent que sont les prati-ciens du travail social et de la méde-cine somatique.

Une question cruciale émerge éga-lement, c’est celle de la demande.Elle est au cœur des théorisations etdes pratiques à travers l’émergencede notions comme celle de “ patho-logies en rapport avec la non-demande ” ou avec l’inventiond’une nouvelle modalité soignante,celle de faire émerger une demandechez la personne désignée commesouffrante mais qui ne demanderien au système de soin. A travers cechangement de socle, un desrisques de cette politique de la santéest la disparition de la demandesubjective et de sa lente maturation,conçues dans la nouvelle concep-tualisation comme des freins à l’é-vacuation de la souffrancepsychique. Il nous faut avancer avecdiscernement. ■

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20 ans d’expérience locale en santé publique : quelle contribution pour le débat psychiatrie/santé mentale

Fernando BERTOLOTTOSociologue consultant enSanté Publique

BIBLIOGRAPHIE :

1 Depuis les textes fondateursdu secteur, jusqu’auxprincipaux rapports d’expertsà propos de l’adéquation del’offre de la psychiatriepublique face à la demandesociale (cf. le mythiquerapport Strohl-Lazarus“ Une souffrance qu’on nepeut plus cacher ” remis à laDIV et à la DIRMI ennovembre 1993, ainsi queplus récemment : “ De lapsychiatrie à la santémentale ”, par le Dr E. Pielet le Dr J.L. Roelandt,juil. 2001 ; et “ Ladémocratie sanitaire dans lechamp de la santé mentale.La place des usagers et letravail en partenariat dans lacité ”, par le Dr J-L Roelandtle 12 Avril 2002).

2 Cf. nos derniers travaux deréflexion menés dans le cadredu SéminaireRESSCOM/DIV/DGSconsacré à la problématique“ Villes, violence et santémentale ”, dont lesproductions sont accessiblessur les sites Internet de laDIV (www.ville.gouv.fr) etde l’association RESSCOM(www.resscom.org), ainsi quedans l’ouvrage “ Santémentale, ville et violences ”,sous la direction deM. Joubert aux éditionsOBVIES-ERES, 2002.

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Dans une société de plus enplus paradoxale, en même

temps que s’effacent les repèresidentitaires dans le grand mou-vement de globalisation / mon-

dialisation, se structure unnouvel ordre social centré sur laresponsabilisation de l’individu,

se développent une nouvellesouffrance psychosociale et desnouvelles figures pathologiques

qui se caractérisent par leuraspect protéiforme, difficiles àqualifier et “ situer ” dans un

champ d’action précis.

Ces problématiques semblent cor-respondre avec ce qu’on pourraitattendre du dispositif public depsychiatrie en charge de la ques-tion, à la fois sur le terrain de l’ex-pertise médicale nécessaire àclarifier les situations rencontrées,et sur celui des missions qui luisont formellement assignées enmatière de prévention etde proximité de positionpar rapport à lademande sociale, depuisla mise en place de lasectorisation.Pourtant, l’expérienceconcrète du terrainainsi que la lecture del’importante littératurescientifique et journalis-tique produite depuisplus de 40 ans en lamatière1, indiquent quecela n’est pas si évidentque ça. Quand on pré-sente des expériences qui vontdans ce sens, force est de constaterque lorsqu’elles ne contournentpas l’institution psychiatrique,elles apparaissent comme l’excep-tion qui confirme la règle.Comment comprendre la dissocia-tion qui semble s’être opérée entrecette institution et ce que nousappellerons ici la “ société ordi-naire ” afin de la distinguer de celleà laquelle semble s’adresser la psy-chiatrie publique ? Et surtout,comment dépasser le constat des

difficultés structurelles de l’institu-tion psychiatrique à se situer dansla problématique sociale, et déga-ger des orientations pragmatiquesqui permettraient d’améliorer lesystème dans une perspective desanté publique ?Les travaux sur la problématique“ ville et santé ”2 indiquent quececi semble passer par une actuali-sation des paradigmes de l’actionpublique en la matière, au niveaude l’institution psychiatrique elle-même ainsi qu’au niveau de l’orga-nisation du système.

Actualiser les paradigmes

L’observation de l’évolution de laplace et du rôle de la psychiatriedans le champ de la santé publiquelocale, montre qu’une dissociationsemble s’être opérée entre cetteinstitution et la demande socialeen santé mentale, aussi bien au

niveau clinique quesur des aspects d’or-dre politique, qui nepourra être réduitesans une révision

des paradigmesqui l’organisent.Sans nous éten-dre sur la dimen-

sion clinique, nousnous contenteronsici de noter qu’ilnous semble qu’unedissociation d’ordrepolitique s’est égale-ment opérée du fait

que la psychiatrie publique choisitsouvent de s’exclure délibérémentdu débat sur la question sociale* :ce défaut de positionnement poli-tique, fragilise la confiance et lareconnaissance sociale de sonexpertise, y compris au niveaumédical.

En effet, par son expertise la psy-chiatrie apparaît souvent (à tort ouà raison) comme le dernier lieususceptible de “ situer ” médicale-ment et socialement le sujet et sa

problématique, ce qui lui confèrela faculté de pouvoir pacifier lestermes de la relation entre lasociété et les individus ainsi vulné-rabilisés**. Lorsqu’elle renonce à ce rôle derégulation sociale positive, la psy-chiatrie génère un soupçon quant àses choix d’alliance chez tous lesacteurs sociaux (y compris les usa-gers) : en désertant l’espace de l’ex-pertise et en renonçant à participerà l’élaboration sociale des problé-matiques complexes, non seule-ment elle laisse entendre qu’elle estparticulièrement éloignée des pré-occupations des autres acteurssociaux, mais elle laisse aussi laplace à d’autres institutions qui,seules, n’apportent pas toujours lesréponses les plus adaptées (cf. lesdérives sécuritaires et la judiciarisa-tion des rapports avec ces publics).Ce mécanisme contribue à fairepersister une représentation néga-tive de l’institution psychiatrique,qui la maintient éloignée de lasociété concrète, et repousse tousceux qui ne vont pas suffisammentmal pour être pris en charge dansun cadre d’exception (cf. évolutiondes recours en urgence et deshospitalisations sous contrainte).

Dans une perspective de santépublique, on peut donc faire l’hy-pothèse que travailler à l’intégra-tion active de la psychiatrie auxpolitiques de santé mentale, passepar une clarification préalable deson positionnement à l’égard de laquestion sociale et de ses effets surla santé mentale de la population.

Si depuis une dizaine d’années ceprocessus semble relativement bienenclenché au sein de l’institution(la démultiplication des expérien-ces de reformulation de la place del’institution psychiatrique dans lechamp de la précarité par exem-ple), il apparaît néanmoins qu’uneffort d’ouverture du débat versl’opinion publique reste à faire.

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Dossier Un héritage à réinventer

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La réorganisation locale duchamp de la santé mentale

Il s’agit ici de redéfinir la place dela psychiatrie, en intégrant au sec-teur un dispositif de soins de santéprimaire reposant sur les nouvellesstructures chargées de la santémentale, afin de répondre aux pro-blèmes de santé mentale posés parles publics massivement victimesdepuis les années quatre-vingt des“fractures” économiques, sociales,urbaines, institutionnelles, etc…Au sein de ces mêmes fracturess’est progressivement (re)constituéun tissu de ressources sociales axéessur la prévention et la prise encharge de la souffrance et de lamaladie mentale, dans des cadresd’exception reconnus par l’actionpublique (cf. nouveaux dispositifsde lutte contre les exclusions telsque le RMI, ceux dirigés vers lesjeunes en difficultés d’insertion, lapolitique de la ville, etc.). Cesdispositifs sont situés au plus prèsdes besoins des populations, dansles interstices de l’action institu-tionnelle formelle (c’est là qu’ontrouve les expériences les plusadaptées, mais paradoxalementconsidérées comme “ atypiques ”face aux pratiques dominantes), etparfois à la place des servicespublics spécialisés (avec tous lesdérapages possibles aussi bien dupoint de vue éthique que tech-nique maintes fois soulignés).

Dans cet univers, où cohabitentdes spécialistes “ psy ” (notam-ment des psychologues) et des pro-fessionnels généralistes des secteursmédical et social avec des profanesplus ou moins militants et éclairés(associations représentant unecatégorie de publics, groupes depersonnes engagées dans desactions de prévention accompa-gnées par des professionnels, etc.),des interactions ont eu lieu qui ontpermis souvent de relier la nou-velle demande sociale à l’actioninstitutionnelle, en reformulant lesbases conceptuelles et les termes dela relation entre les institutions etles publics : des méthodes plus oumoins novatrices (très rares dans lapratique de la psychiatrie institu-tionnelle) vont alors apparaîtreautant sur le registre de la préven-

demande qu’exige un travail deproximité, ainsi que de la densitémédico-sociale locale qui doit êtresuffisamment importante pourêtre considérée dans une optiquede planification de servicespublics. Dans cette perspective, ilsemble que les échelles les plus per-tinentes pour les services de santéprimaire en santé mentale soientdes territoires correspondant à desbassins de vie abritant des popula-tions qui se situeraient entre30000 et 60000 personnes. Endessous de ce seuil de population,le champ de la santé est rarementorganisé, et au dessus, il est sou-

vent trop complexe pourqu’un seul dispositif puisse

répondre aux besoins despopulations dans une logique

de proximité. Pour ce qui réfèreau dispositif de soins spécialiséstels que ceux proposés aujourd’huipar la psychiatrie publique, il sem-ble possible de les envisager dansune échelle plus proche de celleshabituellement utilisées pour laplanification des services hospita-liers (SROS par exemple), ce quivoudrait dire qu’ils pourraient s’a-dresser à des populations plusimportantes et s’articuler sur plu-sieurs secteurs de santé primaire.

•Le système doit fonctionner surun principe de régulation horizon-tal dont l’animation doit être assu-rée par une instance politiquelocale : il semble ici indispensable d’intégrer les municipalités auxschémas d’organisation actuels duchamp de la santé publique, alorsqu’elles assument de fait des nom-breuses responsabilités en matièrede dispositifs de premier niveau,même si elles ne sont pas toujoursclairement situées au sein desConseils régionaux de Santé crééspar la loi du 4 mars 2002 relativeaux droits de malade et à la qualitédu système de santé.

Vingt ans après l’initialisation dece processus de recomposition duchamp de la santé mentale à labase, il semble indispensable dereconsidérer la place occupée par lapsychiatrie, alors que ni sesmoyens , ni son projet social, n’ontété en mesure de répondre à toutesles attentes sociales à son égard. ■

* Le refus de “ psychiatriserles problèmes sociaux ” aunom d’une fonction discipli-naire décriée dans le passé,l’absence de demande desoins du sujet, et l’insuffi-sance des moyens qui permet-tent à la fois la prise encharge des malades et lademande sociale d’expertise,sont les arguments le plussouvent mobilisés.

** La problématique de lasanté mentale des jeunes est àce sujet très éclairante. Cf. par exemple l’interventionde Robert BRES au séminaireRESSCOM déjà cité.

tion que des soins (travail enréseau, action communautaire,écoute et orientation, préventionpar les pairs, stratégies de proxi-mité, réduction des risques, etc.).

Dans une perspective de santépublique élaborée à partir d’uneapproche locale des problèmes desanté mentale, il nous semble quela question centrale posée n’est passeulement celui du devenir de la

20 ans d’expérience locale en santé publique (suite)

psychiatrie, mais bien celui de laréorganisation du champ de lasanté mentale au niveau local, enintégrant le nouveau tissu de res-sources de premier niveau à celuides services spécialisés.

Le modèle d’organisation pourraittoujours être celui de la sectorisa-tion, mais cette fois enrichi de l’in-terface qui manquait à sonfonctionnement de première ligne(ce qui permet de situer la “ psy-chiatrie réelle ” à une place plusconforme à ses moyens : “ Le sec-teur de psychiatrie ne doit plus avoirdes partenaires, mais être parte-naire ” ), ainsi que de quelquesajustements de planification quinous semblent nécessaires pourque le système soit opératoire,notamment :

•Une combinaison serait à cons-truire entre des secteurs chargésdes soins primaires en santémentale constitués par le réseau destructures d’interface apparues cesdernières années au sein des dispo-sitifs de lutte contre les exclusions,et le dispositif spécialisé. Notreexpérience du champ local de lasanté nous montre que la planifi-cation de ces services doit se faireen tenant compte de la nature de la

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Christian LAVALSociologue, ORSPERE-ONSMP

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La stupeur provoquée par lesrésultats du premier tour des

élections présidentielles nous adonné envie de revisiter le type

de rapport qu’entretiennentaujourd’hui le champ politique

et celui du soin psychique.Nous avons essayé dedépasser les prises de

positions dites de grandprincipe afin de dégager

quelques points récurrentsqui interrogent...

La dimension psychique de la viesociale est devenue un objet problé-matique interpellant à la fois la psy-chiatrie et le politique.

Cette interpellation se pose dansun contexte de triple crise :•Le politique est en crise en tant queprocessus démocratique de prise deconscience collective, de discussionréflexive et contradictoire, et de puis-sance de résolution des problèmessociaux.•La psychiatrie est en crise. En tantque notion trans ou extra nosogra-phique, la souffrance psychique appli-quée au champ de la précarité aaccéléré la crise des couples d’opposi-tion normal/pathologique et soi-gnant/patient qui structurent ladiscipline psychiatrique depuis deuxsiècles.• Mais surtout, cette interpellationdévoile une crise du type de rapportentretenu jusqu’alors entre psychiatrieet politique : questions, réponses etprospectives !

Comment la psychiatriese situe-t-elle par rapportau politique ?L’intervention psychosociale, notam-ment auprès des personnes précari-sées, doit-elle être seulement examinéecomme une offre technique et nonaffectée par les mutations de fond quitravaillent une société de plus en plusconnectique, donc inégalitaire ? Lasituation actuelle nécessite une appro-priation par les psy de la dimensionclinique de ce nouveau problèmesocial. Mais ne nécessite-t-elle pasaussi de ne pas se laisser enfermer dansune arène de débat techniciste qui enabraserait la dimension politique ?

Comment le politique se situe-t-il vis à vis de la psychiatrie ? Doit-il continuer à authentifier lasouffrance psychique comme une figurenouvelle de problèmes sociaux dont larésolution doit être programmée etsanitarisée, c’est à dire projetée dansun calendrier politique ? La questionposée est alors celle du rapport entrepolitique et subjectivités. Commentdéjouer les formes modernes de lastandardisation et du contrôle “ soft ”des subjectivités ? Comment ne pasconstater, dans les cas les plus extrê-mes, que la dimension psychique estévoquée en bout de course pour que lavie, même pour rien, même sans rien,même sans toit ni loi, continue ? Touten revendiquant l’autonomie et laréalisation de soi comme un acquis dela civilisation, est-il encore possible dedénier les dégâts de l’individualismeforcené lorsque celui-ci n’est plus seu-lement porté par des valeurs émanci-patrices mais est devenu, pour certainsde nos concitoyens, une obligationnéo-libérale à se “ réaliser ” ou à vivretransparent aux politiques sociales quise proposent ?

Que le politique soit en souci dessouffrances individuelles est une desconditions de sa crédibilité et mêmede sa requalification dans le contexteactuel, de la part de ceux-là même quisouffrent mais aussi de la part de tousles professionnels et bénévoles (ensei-gnants, médecins généralistes, éduca-teurs, soignants, militants, humanitaires)qui côtoient ces souffrances tous lesjours. Car en l’absence de la recon-naissance des mouvements subjectifs(joie, peur, souffrance, angoisse faceaux mutations sociales), comment lepolitique peut continuer à produiredu droit et non de la victimologie, dela confiance et non de l’agressivité, dessécurités et non du sécuritarisme, brefde la solidarité ? Lorsqu’il se contented’enregistrer la plainte sans relier lessouffrances et les inégalités, lorsque lapublicisation inflationniste des souf-frances est déconnectée de la cons-truction du droit, le vivre ensembledevient de plus en plus problématiqueet le progrès social se fige au moinssubjectivement. Alors la capacité dupolitique à résoudre les nouveaux pro-blèmes sociaux donne l’impression destagner.

Les règles du jeu de la démocratie segrippant, pourraient apparaître, endehors du cercle démocratique maisau sein de la démocratie, deux ten-tations d’emprise :- La première consisterait à gérer lasouffrance psychique comme unepandémie ; or être en souci des sub-jectivités ne veut pas dire gérer lessujets. La notion de santé mentale nepeut se confondre avec une politiquehygiéniste. Elle doit sans cesse outre-passer la logique médicale et êtreextensive à d’autres secteurs d’actionpublique qu’il s’agit d’aménager enfonction de cet impératif de santémentale : le travail, le logement, laprotection de la nature, le rapportentre les sexes et les générations, lesloisirs, la formation, la culture…- La seconde consisterait à substituer àune politique de reconnaissance inter-subjective une politique des identitésopposables dont les manifestationssociales conjugueraient racisme, xéno-phobie, bouc émissariat et expulsionde l’autre. La force de nuisance decette politique extrême c’est qu’elles’annonce toute puissante à résoudretoutes les souffrances alors qu’elle romptavec le processus démocratique deprise de conscience collective et sur-tout de discussion réflexive et contra-dictoire.

La santé psychique des individus estdevenue un enjeu collectif majeur.Mieux discerner l’importance de cetenjeu engage à se méfier des logiquesde classements et des explicationsmono causales. Paradoxalement, celaengage aussi à promouvoir une cli-nique du lien et non des entités. C’estl’affirmation de ces engagements quidonne du sens à une conceptionvivante de la santé mentale, dépassantmais incluant la psychiatrie, qui ouvrela possibilité d’une meilleure compré-hension des processus (créatifs ou des-tructeurs) de l’individuation et du liensocial.

Tenir cette perspective de santé men-tale déplace le mode de rapport entre-tenu classiquement entre soinpsychique et politique. Il ne s’agit plusseulement de soigner des pathologiesde la liberté (selon le mot de H. Ey)mais de considérer les souffrances psy-chiques individuelles comme le signele plus révélateur des problèmessociaux de notre temps. ■

Santé mentale et démocratie

-Après les élections présidentielles

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Jean FURTOSPsychiatre, ORSPERE-ONSMP

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1) Réalité et psychodynamique

Les intervenants de la cliniquepsychosociale, travailleurs sociauxou soignants, sont confrontésd’une manière non exceptionnelleà un certain nombre de comporte-ments d’abord incompréhen-sibles : parfois, plus ils travaillentavec certaines personnes dans lecadre de leur métier, plus ces per-sonnes cassent le projet ou “ se cas-sent ” elles-mêmes, c’est à dire sefont du mal ou fuient, sans quel’on puisse parler d’erreur tech-nique ; il s’agit plutôt d’uneméconnaissance. Cette clinique est en effet à com-prendre dans le cadre du syndromed’auto-exclusion. Il y a des niveauxde souffrance intolérable qui visentà abolir la souffrance par désubjec-tivation violente.La solution consiste, littéralement,à sortir de soi-même, comme unretournement en doigt de gant ;s’exclure de soi pour ne plus souf-frir, sortir du désespoir, de l’ago-nie, de l’effondrement, de larévolte impossible. De ce fait, le

sujet ne se sent plus ni dans soncorps ni dans sa subjecti-vité. Il perd ainsi le senti-

ment de la continuitéde son existence, et

entre dans uncycle de destruc-

tivité, avec desd é f e n s e s

parado-xales très coûteuses qui

accélèrent la spiralede l’exclusion.

Ces processus, portés pardes mécanismes serrés de

“ clivage au moi ” (au-delà du cli-vage du moi), s’accompagnent designes de la lignée du déni et d’uneincapacité au deuil, avec un affai-blissement majeur des capacités“du moi ”. L’auto-exclusion, méca-

nisme psychique de désubjecti-vation, est intimement corrélé àl’exclusion sociale qui la précèdelogiquement en tant quedéfaillance de l’environnement.

2) Sémiologie : sept signes

1° Le rapprochement subjectif, ausein d’une relation d’aide, entraînedes effets inverses à ceux quiétaient attendus ; aider un usagerou un patient l’aggrave, c’est lesigne cardinal.2° Le corps est anesthésié ou hypoes-thésié sur le plan cutané mais aussicénesthésique. Cela entraîne unediminution voire une abolition dela perception des douleurs soma-tiques en cas de lésions et de maladies. Ce signe est directementassocié à l’émoussement émotion-nel, avec des signes de repli et d’inhibition affectivo-cognitive.3° Sur ce fond d’émoussement, onobserve des comportements paroxys-tiques : le retour brutal du clivé(retour de la souffrance), parfois àl’occasion de rapprochementsaffectifs, entraîne des comporte-ments plus ou moins violentsvisant à la rupture du lien.L’alcoolisation en est souvent l’oc-casion.4° On note une tendance générale àl’incurie, à l’absence du souci desoi-même. La demande d’aide estabolie et l’aide proposée souventrécusée.5° Certains objets concrets, tenantlieu de ce qui est perdable etperdu, sont hyper-investis.6° Il y a (presque) toujours unerupture activement entretenue desliens transgénérationnels.7° La plupart des signes vontcontre l’accès au soin (signes 1, 2, 4,6) tandis que le retour paroxys-tique du clivé conduit souvent àl’urgence, ouvrant paradoxalementune occasion de soin.

3) Commentaires

Ces personnes sont psychique-ment dans un monde à l’envers,pour se protéger. Par exemple ducôté de l’inversion de la demande1.

Le syndrome d’auto-exclusion est-il réversible ?Il y a des situations réactives etfacilement résolutives via une rela-tion de respect. Il est aussi des syn-dromes avec clivage serré, surtoutlorsqu’ils s’accompagnent d’uneanesthésie effective du corps et dela sensibilité. Dans ces situations,on doit certes garder l’idée d’uneréappropriation de sa subjectivitépar le sujet, mais sans jamais la for-cer. Cela peut durer des mois, desannées, à travers les échecs multi-ples. Vouloir forcer les défenses,c’est empêcher que le sujet viveainsi protégé, pouvant entraînerl’ultime complication : la mort.

Le syndrome d’auto-exclusionn’est pas spécifique, il constitue ladéfense ultime commune pour toutprocessus d’exclusion lorsqu’un êtrehumain n’est plus reconnu commedigne d’exister dans une situationextrême : précarité sociale, maladieà valence excluante, situation d’inhumanité.

Nous n’éludons pas le rapport avecl’histoire personnelle du sujet, lestraumatismes et les clivages préco-ces. Cependant, il faut savoir quedans les circonstances du syn-drome d’auto-exclusion, l’anam-nèse est difficile et mêmedangereuse ; elle révèle un black-out quasi complet sur le passé, avecune prévalence de l’actuel en situa-tion d’exclusion. Lorsqu’on suit unadolescent qui entame un trajetcalamiteux d’exclusion, il peutévoluer, mais heureusement pasnécessairement, vers un syndromed’auto-exclusion. ■

BIBLIOGRAPHIE :

1 Cf. Rhizome n°2, Le coindu clinicien, p. 9 “ Connaîtrel’impossibilité de lademande ”.

Le syndrome d’auto-exclusion

-Le coin du Clinicien

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Nous avons lu■ Histoire de la Psychiatrie de secteur ou le secteur

impossible ?Recherches N°17, mars 1975 réalisé par Lion Murard et FrançoisFouquet.

Un classique à lire et à relire : l’histoire de la psychiatrie de sec-teur racontée par ses acteurs (psychiatres et administrateurs), et lerécit de l’expérience de “ programmation institutionnelle ” sur leterrain des villes nouvelles qui ont permis de cerner trois para-doxes interpellant sur la possibilité du secteur...

■ Le deuxième corps Marie Pezé Ed. La Dispute Série Legenredumonde, Février 2002

La souffrance mentale est irrecevable au travail ; seule la maladiephysique peut être entendue et bénéficie d’un statut de réalité.Ce livre, nourri de toute une série de situations concrètes vécuespar des patients accidentés du travail, décrit avec précision le tra-vail thérapeutique qui aidera à faire surgir ce «deuxième corps».

■ Toxicomanies et Lois : controversesEd. L’Harmattan, Juin 2002.

Cet ouvrage collectif est le fruit de plusieurs années de travailmené au sein d’une commission de réflexion de l’AssociationNationale des Intervenants en Toxicomanie (A.N.I.T).

■ Manuel de Psychiatrie citoyenne : l’avenir d’une désillusionJean-Luc Roelandt et Patrice Desmons Ed. In press, Coll. Des penséeset des actes en Santé Mentale, juin 2002.

A lire pour le titre… Son contenu sera abordé dans le prochainnuméro.■ Pour une psychiatrie sociale - 50 ans d’action de la

Croix-MarineSous la direction de Jean-Paul Arveiller. Ed. Erès, Septembre 2002.

Cet ouvrage retrace l’histoire de la pyschiatrie sociale et donne laparole à des praticiens de cette politique militante de santé men-tale.

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-Actualités

RHIZOME est un bulletin national trimestriel édité par l’Observatoire National des pratiquesen Santé Mentale et Précarité(ORSPERE-ONSMP) avec le soutien dela Direction Générale de l’Action SocialeDirecteur de publication : Jean FURTOSAssistante de rédaction : Claudine BASSINI

Comité de rédaction : - Guy ARDIET, psychiatre (St Cyr au Mont d’Or)- Jean-Paul CARASCO, infirmier (St Maurice)- François CHOBEAUX, sociologue (CEMEA Paris)- Valérie COLIN, docteur en psychologie, Orspere- Jean DALERY, prof. de psychiatrie (Univ. Lyon 1)- Philippe DAVEZIES, enseignant, chercheur en

médecine du travail (Univ. Lyon 1) - Gilles DEVERS, avocat (Lyon)- Bernard ELGHOZI, médecin (Réseau Créteil)- Marie GILLOOTS, pédopsychiatre (Vénissieux) - Jean-François GOLSE, psychiatre (Picauville) - Alain GOUIFFÈS, psychiatre (UMAPPP Rouen)- Pierre LARCHER, DGAS- Christian LAVAL, sociologue, Orspere - Antoine LAZARUS, prof. santé publique (Bobigny)- Marc LIVET, cadre infirmier (Paris) - Jean MAISONDIEU, psychiatre (Poissy

St Germain en Laye) - Jean-Pierre MARTIN, psychiatre (Paris)- Alain MERCUEL, psychiatre (St Anne Paris) - Michel MINARD, psychiatre (Dax) - Gladys MONDIERE, psychologue (Lille)- Pierre MORCELLET, psychiatre (Marseille)- Christian MULLER , psychiatre (Lille)- Jean PERRET, président d’association (Lyon) - Eric PIEL, psychiatre (Paris) - Christiane RICON, Directrice Etablissement Social- Olivier QUEROUIL, conseiller technique fonds

CMU (Paris).

Contact rédaction : Claudine BASSINI - Tél. 04 37 91 54 60Valérie BATTACHE - Tél. 04 37 91 53 90

CH Le Vinatier, 95, Bd Pinel 69677 Bron Cedex Tél. 04 37 91 53 90 Fax 04 37 91 53 92 E-mail : [email protected] : www.ch-le-vinatier.fr/orspereImpression et conception : MEDCOM(Lyon) - Tél. 04 72 78 01 33Tirage : 8 000 ex.ISSN 1622 2032

AgendaOCTOBRE 2002■ Quels dispositifs de soins ou

de prévention pour les sujets dontles souffrances se manifestentsur la scène sociale ?

Journée d’étude organisée par l’AERPP(Association pour l’étude et la Recherche enPsychologie clinique et Psychopathologie). 19 octobre 2002 Université F.Rabelais à Tours.Tél : 02 47 32 08 18 Mel : [email protected]■ Les Rapports Psychiatrie et JusticeCycle de Conférences de l’A.N.R.E.P(Association Nationale de Recherche et d’Etudeen Psychiatrie) Dimanche 20 octobre 2002, àAvignon. Tél 04 90 03 94 01 ou 04 90 03 91 05■ Souffrance sociale ou souffrance

psychique : mieux comprendrepour mieux agir

Journée d’étude organisée par l’AssociationRégionale FNARS PACA-CORSE-DOMMardi 22 octobre 2002 Centre La Baume-Les-Aix.Tél : 04 96 11 06 10 Fax : 04 91 33 40 55.

NOVEMBRE 2002■ La livre de chair - Au vif du sujet2ème Colloque de l’Association Psychanalyseet Médecine les 22, 23 et 24 novembre 2002.Hôpital de la Pitié Salpétrière, Amphithéâtre deStomatologie 47-83, bd de l’Hôpital, 75013Paris. Tél 01 42 63 57 52 ou 06 19 70 16 12.■ Abus, Violences et Contextes :

comment intervenir en famille, enquartier et en institution dans dessituations de violences.

Congrès-Formation les 27, 28 et 29 novembre2002 - Centre de Congrès Pierre Baudis àToulouse.Tél : 05 61 52 31 34 Fax 05 61 52 22 92.

DECEMBRE 2002■ La souffrance psychique et sociale Colloque organisé par le Réseau Médico-Socialde Sénart (77) le 5 décembre 2002.Inscriptions à l’Association le Relais de Sénart.Tél : 01 64 89 76 40 Fax 01 64 89 76 41Mel : [email protected]■ Frontières de la psychiatrie,

dedans/dehors, quelles limites ? Les 6èmes journées scientifiques de l’hôpitalEsquirolJeudi 5 et vendredi 6 décembre 2002, EspaceEugène Delacroix , 27 Rue du Maréchal Leclercà St Maurice (94) - Tél : 01 43 96 60 37■ La chronicité en psychiatrie

aujourd’hui. Historicité etinstitution.

Les 4èmes journées d’Angers. Jeudi 12 et vendredi 13 décembre 2002Centre des Congrès à Angers Tél : 02 41 80 77 30 Fax : 02 41 80 77 50

MAI 2003■ La pensée dans le corps, le corps

dans la penséeJournées Nationales de la Société Française dePsychiatrie de l’Enfant, de l’Adolescent et desDisciplines Associées 16 et 17 mai 2003, Centre de Congrès,Toulouse.Renseignements : Pr Jean Philippe RAYNAUDService de Psychiatrie de l’Enfant et del’Adolescent, Hôpital La Grave, Place Lange,31052 Toulouse CedexTél : 05 61 77 78 74 – Fax : 05 61 77 79 02Mel : [email protected]

Iconographie réalisée à partir de photosd’archives mises à disposition par le CHdu Vinatier (Bron).