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C A H I E R S B A T A I L L E 2 ÉDITIONS LES CAHIERS

Cahiers Bataille n°2

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Éditions les Cahiers / Octobre 2014 / ISBN : 978-2-9534806-5-8 / 16,5x24 cm / 256 pages / 35 euros

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ÉDITIONS LES CAHIERS

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cahiers bataille

éditions les cahiers

numéro deux

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cahiers bataillesommaire numéro deux

entretienElisabeth PROUVOST – Photographier l'indicible

critiqueElisabeth ARNOULD-BLOOMFIELD – Bataille et ses bêtesPietro PALUMBO – La raison et le désir de la continuité originaireNidesh LAWTOO – Bataille et la naissance de l'ego : à partir du rire du SociusMark MEYERS – La virilité et la psychologie des foules dans l'antifascime de Bataille

contexteJan CEULEERS – Resté sans suite. Magritte illustrateur de Madame EdwardaHiroshi YOSHIDA – Deux lectures de Manet : Bataille et Foucault

traductionMiguel MOREY – La sanctification du rire

création littéraireJean-Louis BAUDRY – SéparationsABRASO, Deura FLAMMEN – Incorpore

inéditGeorges BATAILLE – Lettres à Joseph Roche (1921-1922)

appendices

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C omme l'a montré le numéro hommage de la revue Critique de janvier/février 2013, Georges Bataille continue d'intéresser depuis plusieurs décennies les universitaires et les esprits curieux

au-delà de nos frontières. Ce deuxième numéro des Cahiers Bataille vient le confirmer : dix pays, répartis sur trois continents, sont représentés à travers ses douze contributions. Outre cette « internationalisation » de l'intérêt porté à Bataille, les va-et-vient incessants de sa pensée au sein des nombreux domaines de l'esprit humain apparaissent également ici. Loin de seulement les féconder, l'hétérologie bataillienne continue souverainement, de l'intérieur, de faire trembler sur leur base les multiples champs du savoir.

bataille et la philosophie

« Comment peut-on soumettre [l']écriture débordante [de Bataille] à de si étroites limites (celles de la philosophie [...]) ? », se demandait Robert Sasso en 1978 1. Mais à l'intérieur de ses « limites », la philosophie fournit des outils pour penser Bataille, dans les marges les plus anthropologiques de sa pensée, celles où il théorise l'opposition homme/animal. C'est à travers les analyses de Théorie de la religion et Lascaux ou la naissance de l'art qu'Elisabeth Bloomfield tente d'éclairer l'anthropologie bataillienne. De l'animalité, la philosophie nous enseigne que l'homme se différencie par la raison ; mais cette dernière s'oppose violemment au désir qui, si la raison est limitée, est pour Bataille une énergie débordante transgressant les limites. Bataille réussit-il alors à sortir des mécanismes du discours rationnel pour mener à bien son entreprise de transgression des limites de la pensée occidentale ? C'est en quelque sorte cette question décisive que pose Pietro Palumbo. La philosophie permet aussi d'aborder les frontières psychologiques – ou serait-ce l'inverse ? – de l'univers bataillien. À travers la relation mimétique entre le moi (ego) et l'autre (le socius), et à l'appui des pensées de Nietzsche, bien sûr, mais aussi du psychologue Pierre Janet, Nidesh Lawtoo interroge la notion bataillienne, à son sens fondamentale, de « communication souveraine », en particulier dans ce qu'elle met en œuvre pour dépasser la notion de sujet.

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bataille et la politique

Les années 1930 sont, pour Bataille comme pour d'autres, une période résolument politique. Dans le contexte brûlant de l'entre-deux-guerres, la montée des totalitarismes est une préoccupation majeure des intellectuels. Sur le fascisme, Bataille développe une réflexion à la fois originale et ambiguë. Originale, car il le voit comme une montée de pulsion 2 contre laquelle, pense-t-il, un régime démocratique ne peut rien. Afin de mieux comprendre ses positions sur le fascisme, Mark Meyers dissèque les conceptions batailliennes de la virilité et de la foule. Ambiguë, car ces mêmes positions, qui vont dans le sens d'une « virilisation » nietzschéenne de la société, lui attirent les faveurs de certains penseurs d'extrême-droite, dont Pierre Drieu la Rochelle. Ce sont les entreprises du Collège de sociologie et d'Acéphale que Takashi Ichikawa interroge, afin de rappeler le combat de Bataille pour défendre l'originalité de sa pensée mythique face aux récupérations nationalistes, et extirper Nietzsche du carcan idéologique des totalitarismes.

bataille et l'art

Bataille a intensément côtoyé la création artistique dès sa rencontre avec les membres du « cénacle » de la rue Blomet en 1924. Il identifie même l'art comme la dernière manifestation du sacré, et les artistes comme les êtres propres à le révéler. Édouard Manet est vu comme l'un d'entre eux ; sur ce dernier, Bataille publie un texte important chez Skira en 1955. Hiroshi Yoshida croise son analyse avec celle de Michel Foucault en 1971, afin de mettre en exergue leur complémentarité et montrer leur volonté de faire de Manet un précurseur de l'art moderne. Si Bataille a écrit sur l'art, nombre de ses livres ont aussi été illustrés par des créations artistiques, ses illustrateurs les plus connus étant André Masson, Hans Bellmer, Jean Fautrier 3. Jan Ceuleers dévoile ici un autre nom, de réputation tout aussi internationale mais dont les liens avec Bataille sont peu connus : celui de René Magritte. Si Bataille, sa vie durant, a échangé avec les artistes, des créateurs continuent aujourd’hui

présentation

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de « communiquer » avec son œuvre, dans les domaines les plus variés. La photographe Elizabeth Prouvost témoigne ainsi de sa découverte décisive de Madame Edwarda, laquelle lui a permis de « mettre son esprit dans un état d'éternelle insatisfaction, moteur de [s]on inspiration ».

bataille et la littérature

Philosophie, politique, art... Et littérature. Ou plutôt « écriture ». Marguerite Duras a déclaré : « Des gens très, très célèbres, pour moi, n'ont pas écrit [...]. Je dirais que Maurice Blanchot écrit, Georges Bataille a écrit [...]. Il y a des gens qui croient écrire, et puis des gens qui écrivent. » 4 On pourrait ajouter que Bataille continue de « faire écrire ». Sur la mort et le désir, d'abord : les photographies de la femme aimée, désormais morte, font naître chez Jean-Louis Baudry un torrent de réminiscences et de réflexions sur l'amour, l'écriture, le poids de l'absence, au long de périodes proustiennes et sur fond d'angoisse sensiblement bataillien. Sur le rire, ensuite : Miguel Morey livre une histoire culturelle concise et personnelle de l'étude du rire, en tant qu'acte sacralisé, des présocratiques à Foucault, en passant par Nietzsche et Bataille. Sur le corps, enfin : Abraso et Deura Flammen délivrent une suite de poèmes – n'en forment-ils qu'un ? – français et espagnols, et de dessins. Courts récits et scènes furtives de mises à l'épreuve et de mises en mouvement du corps.

les archives batailliennes

De nombreuses archives personnelles de Georges Bataille ont été révélées depuis le début de la publication des Œuvres complètes en 1970. Mais certaines collections particulières réservent des surprises, et apportent des informations sur des périodes de la vie de Bataille parfois peu renseignées. C'est le cas des trois courriers, de 1921 et 1922, publiés en fin de cahier, qu'annote et contextualise Marina Galletti. Leur destinataire, Joseph Roche, demeure un grand inconnu parmi le riche entourage de Bataille. Pourtant, comme il le confie, c'est par cet ami auvergnat que le jeune Bataille découvrira Nietzsche. n o. meunier

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rien n'est tragique pour

l'animal qui ne tombe pasdans le piège du moi

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entretien

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photographier l'indicibleelisabeth prouvost

Elle a commencé sa carrière comme cadreuse et directrice de la photographie dans le cinéma avant de devenir photographe indépendante. Après un travail de quinze ans sur le thème du Radeau de la Méduse, Elizabeth Prouvost s'intéresse depuis à La Divine Comédie de Dante (l’Enfer). La découverte de Bataille a été pour elle une révélation et demeure une base pour son expérience créative.

Vous avez publié en 1995 un livre de photographies, Edwarda. Vous avez exposé la série à de nombreuses oc-casions, notamment lors du cen-tenaire de la naissance de Bataille en 1997. Quinze ans plus tard, vous republiez cet ouvrage sous le titre L’Autre Edwarda. Peut-on consi-dérer que Bataille est une source d'inspiration importante et durable pour votre travail ?

Quand j’ai lu Madame Edwarda, ce fut une fulgurance. En résulta mon premier travail photogra-

phique. J’ai été portée par ce texte pendant trois ans, le temps de faire les trente-trois photos du livre Ed-warda. Cette Edwarda avide impé-rative, toujours en révolte et la face décomposée par l’extase amou-reuse. Pendant ces trois années, j’ai défini mon style de travail : le corps nu en mouvement, refus de toute limite ; le noir, domaine du révolté ; et puis, cette opposi-tion créatrice constante de l’infini possible et du néant.

Depuis, tout mon travail me permet d’atteindre les régions ir-réelles de l’infini. Quand je perds courage, je relis Georges Bataille.

entretien réalisé par olivier meunier