Cahiers de la cooperation descentralisée

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    Cahiers de la

    coopérationdécentralisée

    5Numéro spécial

    Septembre 2015

    - Français, Español,Português -

    L’action internationale des collectivités locales

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    Directeurs de rédaction :

    Bertrand Gallet

    Eugene D. Zapata

     Agustí Fernández de Losada, Coordinateur duréseau d’experts AL-LAs-CUF

    María del Huerto Romero, Coordinatrice duréseau d’experts AL-LAs-CUF

     Jeannette Vélez, Chancelière à l’Université duRosario, Colombie

    Traduction espagnol-français :

    Emilie Faruya

    Traduction espagnol-portugais :

    Maria Mercedes Salgado

    Coordination éditoriale :

    Felicia Medina

    Braulio Díaz Castro

    Sandra Olaya, Enseignante, chercheuse à l’Uni- versité du Rosario, Colombie

    Lucía Hornes, Chargée de mission, Bureaudes Relations Internationales, Municipalité de

    Montevideo, UruguayPaola Andrea Arjona Caycedo, Coordinatricetechnique du projet AL-LAs, Ville de Mexico

    Document mis en page par :Bertrand Allombert

    Document imprimé par :Promoprint

     Jefatura de Gobierno del Distrito FederalCoordinación General de Asuntos InternacionalesRepública de Chile 6

    Centro Histórico, Delegación CuauhtémocMéxico, D.F. 06010 México www.df.gob.mx

    Miguel Ángel Mancera EspinosaJefe de Gobierno de la Ciudad de México

    Cuauhtémoc Cárdenas SolórzanoCoordinador General de Asuntos Internacionales

    Cités Unies France9 rue Christiani75018 Paris - France

     www.cites-unies-france.org

    Roland RiesPrésident de Cités Unies France

    Bertrand GalletDirecteur général de Cités Unies France

    Cahiers de la coopération décentralisée n°5Numéro Spécial - Septembre 2015

    Ce document a été réalisé, sans but lucratif, par Cités Unies France et la Coordination Générale des Affaires Internationales du Gouvernement de la Ville de Mexico, dans le cadre du projet « AL-LAs ». Alliance euro-latino-américaine de coopération entre villes, avec l’appui financier de la Commissioneuropéenne. Les opinions exprimées dans ce cahier sont de la responsabilité de leurs auteurs uni-quement, et ne reflètent d’aucune manière la position officielle des partenaires et collaborateurs du

    projet, ni de la Commission européenne ni des Etats membres de l’Union européenne.

    Document réalisé sous la direction d’un comité de rédaction composé de :

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    Sommaire

     Avant-propos AL-LAsBraulio Díaz Castro  ....................................................................................... 3

     Avant-propos Cités Unies FranceBertrand Gallet  .............................................................................................. 6

     Articles

    Réseaux de gouvernements locaux et nouvel agenda mondial :une perspective multi-niveau Javier Sánchez Cano  ..................................................................................... 10

    La paradiplomatie de Chiapas comme moteur de développement social :le cas de l’Agenda ONU-ChiapasVictorino Morales Dávila  .............................................................................. 29

    La frontière et les perspectives pour les villes-jumelles brésiliennes

    Henrique Sartori de Almeida Prado  .............................................................. 48

    Éléments-clés pour la durabilité des processus d’internationalisation territoriale :le rôle des institutions d’éducation supérieure et des centres de réflexion Jeannette Velez Ramirez, Sandra Olaya Barbosa. ........................................... 63

    La coopération décentralisée espagnole. Risques et opportunités :le cas de l’andalousie Antonio Zurita Contreras  ............................................................................. 78

    Les grands enjeux de l’action internationale des gouvernements locaux :réflexions à partir des débats au sein du Café AL-LAs Agustí Fernández de Losada et Maria del Huerto Romero .............................. 89

    Les messages AL-LAs : l’irréversible internationalisation des collectivitésterritoriales .................................................................................. 100

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    Avant-propos AL-LAs

    On en peut nier aujourd’hui que toute décision de politique mondiale impli-quera fortement les sphères locales. C’est ce qui est prouvé par les discussions surl’agenda post-2015 qui incluent pour la première fois une proposition d’Objectif

    de Développement Durable promue par des groupes d’autorités locales, parmid’autres exemples quotidiens.

    Face à cette situation, l’action extérieure des collectivités territoriales est devenueun outil d’expression qui, au fil des décennies, a permis aux territoires d’Amé-rique latine et de France de tendre des ponts et de renforcer les liens historiquesd’amitié et de fraternité, d’échanger des expériences, de mettre en place des pro- jets en commun et de partager des connaissances, avec l’objectif d’améliorer laqualité de vie de leurs habitants.

    Nous avons ainsi été témoins et acteurs d’une évolution dans la manière d’établir

    les relations internationales. Les leçons apprises et partagées dans l’espace euro-latinoaméricain ont forgé des caractéristiques incontournables pour l’étude et lacompréhension de ce phénomène, qui se manifeste aussi bien par des change-ments de paradigme que par de nouvelles modalités et thématiques. Ces change-ments méritent d’être étudiés avec la rigueur de l’analyse scientifique.

    C’est dans cet esprit que l’Alliance Euro-latinoaméricaine de Coopération entre Villes, projet AL-LAs, a formé une communauté d’experts et d’institutions en lienavec l’action extérieure des collectivités territoriales. Cités Unies France (CUF),partenaire d’AL-LAs, est l’institution chargée de la coordination de cette com-

    munauté, qui se constitue comme un espace de confluence pour les différentespersonnes qui travaillons ces thèmes, où nous partageons et créons des connais-sances : elle favorise les dialogues, les débats et une collaboration en réseau.

    Parmi les activités AL-LAs organisées par CUF, l’appel à publications pour leprix de recherche AL-LAs « Internationalisation des gouvernements locaux » aété lancé à destination des chercheurs, universitaires et professionnels de l’actionextérieure, entre septembre et décembre 2014, sur quatre thèmes spécifiques :

    1- Action internationale pour des villes et territoires durables2- Action internationale pour l’inclusion sociale au niveau local

    3- Attractivité internationale des villes4- Gouvernements locaux et agenda mondial

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    Neuf articles inédits ont été reçus au total, et les trois meilleurs, présentés pardes auteurs espagnol, brésilien et mexicain, ont reçu un prix. Les articles primésmettent en évidence l’intérêt latent partagé par différents secteurs pour profes-sionnaliser l’action extérieure des collectivités territoriales.

    Ce numéro spécial AL-LAs des « Cahiers de la coopération décentralisée » éditéspar CUF inclut aussi deux textes inédits des membres du projet, qui apportentune vision critique sur l’état actuel de l’action extérieure des villes et gouverne-ments locaux, ainsi que les messages, fruit de la réflexion de deux ans de travaildes membres du projet.

    Le projet AL-LAs a pour objectif de renforcer la capacité d’action collective desautorités locales d’Amérique latine, de leurs réseaux et associations, dans les rela-tions internationales contemporaines. Il s’agit de tirer profit de l’action extérieuredu gouvernement local pour améliorer la qualité de ses politiques publiques et

    son développement territorial, sur trois thèmes prioritaires: développement du-rable, inclusion sociale, et attractivité du territoire.

    Ce projet s’est mis en place avec le soutien financier de l’Union Européenne, sousla coordination du Gouvernement de la Ville de Mexico, et en collaboration avecles gouvernements des villes de Quito, Equateur ; Lima, Pérou ; Medellin, Co-lombie; Belo Horizonte, Brésil ; Morón, Argentine et Montevideo, Uruguay. Acela s’ajoutent comme partenaires européens le réseau Cités Unies France (CUF)et le Fonds Andalou de Municipalités pour la Solidarité Internationale (FAMSI)en Espagne.

     AL-LAs est aussi soutenu par quatre institutions spécialisées sur ces thèmes quicollaborent avec le projet: l’Association Mexicaine de Bureaux de Relations In-ternationales des Etats (AMAIE), l’Association Française de Professionnels del’Action Européenne et Internationale des Collectivités Territoriales Françaises(ARRICOD), l’Institut Français d’Amérique latine (IFAL, Ambassade de Franceau Mexique) et l’Université del Rosario en Colombie. La Mairie de Rio de Janei-ro au Brésil est aussi alliée de AL-LAs.

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    Les objectifs spécifiques du projet AL-LAs sont :1- Renforcer la capacité institutionnelle des autorités locales pour établir unepolitique publique professionnelle de relations internationales et travailler defaçon coordonnée en réseau;2- S’appuyer sur des plans stratégiques participatifs et de long terme et desmécanismes de concertation multiacteur pour l’internationalisation et la coo-pération décentralisée;3- Accompagner des actions spécifiques de relation internationale et coopéra-tion décentralisée sur les trois thèmes prioritaires.

    C’est un plaisir pour le Gouvernement de la Ville de Mexico et Cités UniesFrance de présenter cette édition spéciale des « Cahiers de la coopération décen-tralisée » pour inviter encore au débat, à l’étude et à l’incidence de l’action exté-rieure des collectivités territoriales de France et d’Amérique latine.

    Braulio Díaz CastroResponsable des communications, projet AL-LAs

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    Avant-propos Cités Unies France

    Cités Unies France (CUF) publie depuis 2009 les « Cahiers de la coopérationdécentralisée » pour disposer d’un espace d’expression et débat, libre et critique,centré sur cet ‘objet non identifié’ qu’est l’action internationale des gouverne-ments locaux. Dans les quatre éditions précédentes, les Cahiers ont centré laréflexion sur différents aspects des processus d’internationalisation, en apportantla perspective, l’expérience et les connaissances de différents acteurs, pour contri-buer à améliorer une politique publique qui a encore beaucoup de chemin à faire.Les Cahiers ont aussi servi à documenter un bon nombre d’expériences à succèsqui ont contribué à démontrer la pertinence et l’impact de ces coopérations entregouvernements locaux de différentes régions du monde.

    Ce numéro spécial des Cahiers portera sur les relations entre gouvernements lo-caux d’Amérique Latine et d’Europe, et ce que le Projet AL-LAs leur a apporté.CUF est l’un des partenaires européens du Projet qui coordonne, entre autres,la Communauté d’Experts AL-LAs. Ce numéro constitue, dans une certainemesure, un résumé de ce qu’a été le projet AL-LAs au cours de ses plus de deuxans d’existence: un espace de dialogue, d’échange, de réflexion et d’apprentissageentre experts, praticiens et responsables politiques des relations internationalesdes villes. Ainsi, le Cahier regroupe les principales conclusions des dialogues ducafé avec AL-LAs, les leçons apprises par deux de ses partenaires, et les réflexionsdes trois experts récompensés par le Prix sur « L’action internationale des gou- vernements locaux et la coopération décentralisée » lancée par le Projet mi-2014.

    Le café avec AL-LAs est un forum numérique ouvert de discussion et débat entreles membres de la Communauté d’Experts du Projet. Un lieu de rencontre quia permis de réfléchir librement sur certains des thèmes fondamentaux abordéspar AL-LAs. Des débats conceptuels ont été soulevés autour de la pratique del’action extérieure des villes, et de sa prise en compte et sa reconnaissance dans lessystèmes juridiques institutionnels des Etats européens et latino-américains; lesréformes législatives qui ont eu lieu en France, en Espagne, en Italie ou au Bré-sil, et qui ont introduit des changements substantiels dans les compétences desgouvernements locaux concernant leurs opérations sur la scène internationale,ont été discutées; on y a réfléchi sur l’évolution des modèles traditionnels, surles principales tendances observées en Amérique Latine (comme la coopérationsud-sud), et sur les impacts de la crise sur l’action extérieure des gouvernementslocaux européennes, traditionnellement très dynamiques.

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    Le café avec AL-LAs a aussi été lieu de débats sur d’autres thèmes d’importancepour l’action extérieure des villes : la dimension stratégique de l’internationalisa-tion (et le nécessaire lien à établir avec la stratégie de la ville) ; l’implication descitoyens et des acteurs qui opérent dans la ville (entreprises, syndicats, organisa-tions de la société civile; universités…) dans la définition et la mise en œuvre de

    l’agenda international ; la confrontation entre les concepts “modèle de ville” et“marque de ville” ; le lien entre ville inclusive et internationalisation; et l’impor-tance d’avoir une incidence sur l’agenda global depuis les villes, au moment oùla communauté internationale défini les grandes priorités qui vont configurer lespolitiques de développement jusqu’en 2030.

    Le Cahier réunit aussi deux travaux élaborés par un partenaire et un associé de AL-LAs, le Fond Andalou de Municipalités pour la Solidarité Internationale(FAMSI) l’Université del Rosario en Colombie, qui y transmettent leur largetrajectoire en la matière. Le FAMSI nous présente son expérience, étant l’un

    des référents européens en matière de coopération décentralisée, et sa vocationà contribuer à renforcer les capacités des gouvernements locaux et leur capacitéd’incidence sur l’agenda régional et global. Quant à elle, l’Université del Rosario,associée au projet, et l’un des centres universitaires de référence en AmériqueLatine concernant l’internationalisation des villes, explore le potentiel des univer-sités comme agents qui contribuent à la durabilité des processus d’internationali-sation territoriale, à partir d’expériences pratiques propres à l’Université.

    Finalement, le Cahier intégre trois articles sélectionnés dans le cadre du Prix deRecherche lancé par le Projet AL-LAs mi-2014. Le règlement du Prix visait à

    mettre en valeur des travaux de recherche sur trois domaines d’action AL-LAs, àsavoir: l’action internationale pour des villes et territoires durables, pour l’inclu-sion sociale au niveau local, et pour l’attractivité internationale des villes. Unequatrième thématique sur la capacité d’incidence des gouvernements locaux surl’agenda global a été intégrée au concours, étant donnée son importance et sonactualité pour les villes.

    Le travail qui a gagné le concours, du chercheur barcelonais Javier Sánchez Cano,examine la pertinence de la gouvernance multi-niveau pour la participation desréseaux de gouvernements locaux dans les institutions et agendas globaux. Le

    deuxième prix, remis au travail présenté par le mexicain Victorino Morales Dá- vila, analyse le processus d’appropriation d’un agenda global - les Objectifs duMillénaire pour le Développement (OMD)- par un gouvernement infra-national-celui de l’État du Chiapas au Mexique- ; ainsi que l’impact positif des OMD surla politique publique de développement social. Finalement, le travail récompensépar le troisième prix, présenté par le chercheur brésilien Henrique Sartori, se situedans le champ de la coopération transfrontalière et territoriale à partir de l’expé-rience des villes brésiliennes, en mettant l’accent sur la pertinence et l’impactpositif de ce type de coopération.

    Ce Cahier est, finalement, le témoin du travail réalisé par le Projet AL-LAs aucours des deux dernières années. Deux ans qui ont permis à AL-LAs de devenir

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    une référence de la coopération entre villes européennes et latino-américaines. Etceci, grâce au pari de renforcer les capacités d’action internationale des villes etgouvernements locaux des deux régions, à partir de la connaissance, et de l’expé-rience. C’est pourquoi nous vous invitons à naviguer entre les idées et expériencesque nous avons partagées, avec l’idée de contribuer à renforcer la présence des

    gouvernements locaux sur la scène internationale, et l’objectif d’améliorer la qua-lité de vie et le bien-être des citoyens qui vivent sur nos territoires.

    Bertrand GalletDirecteur général Cités Unies France

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     ARTICLES

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    Réseaux de gouvernements locaux et nouvelagenda mondial : une perspective multi-niveau

    Javier Sánchez Cano

    Javier Sánchez Cano (Courriel : [email protected]) est philologue et politologue. Aprèsavoir été professeur de Relations Internationales à la Universitat Autonoma de Barcelona (UAB),puis avoir exercé plusieurs fonctions dans l’action extérieure de gouvernement de Catalogne, il estactuellement chargé de la Planification, suivi et évaluation à la Direction Générale du Développe-ment de la Generalitat de Catalogne. Il est également doctorant à la UAB où il travaille sur le rôle

    des gouvernements locaux et leurs réseaux dans les relations internationales.

    Résumé

    Ce travail étudie l’utilité de la gouvernance multi-niveau pour l’étude de la participation desréseaux de gouvernements locaux dans les institutions globales. Pour cela, et après avoir préciséle concept et son usage dans des contextes différents de celui de l’Union Européenne, il appliqueune analyse multi-niveau à deux grands secteurs, de portée mondiale : celui de la coopérationau développement et celui des politiques environnementales et de la lutte contre le changementclimatique. L’analyse montre comment les réseaux de gouvernements locaux vont adapter leurs fonctions à chaque contexte, profitant des opportunités du jeu multi-niveau, et essayant, quand

    ils ne peuvent participer, de créer les conditions pour le rendre possible. Entre autres conclu- sions, l’insertion dans un schéma de travail multi-niveau permet aux réseaux d’atteindre un fonctionnement plus autonome et innovateur. Il s’adapte aux dynamiques actuelles du systèmeinternational et de ses organisations, où dominent l’orientation à l’efficacité, le travail pluri- acteur, et la création de mécanismes internes de régulation, engagement et responsabilité.

     Mots-clés

     Agenda international - Gouvernance multi-niveau -Réseaux transnationaux - Gouverne- ment local - Institutions globales - OMD - ODD - Coopération décentralisée - AOD.

    Thème “Gouvernements locaux et agenda mondial”. Premier prix de recherche AL-LAs sur l’internationalisation des collectivités locales

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    Introduction

    Pour l’analyste, la réflexion à laquelle nousinvite le projet Alliance euro-latino-améri-caine de coopération entre villes (AL-LAS)

    sur les gouvernements locaux et l’agendamondial constitue un défi véritablement sti-mulant. D’une part, il oblige à des partis prisméthodologiques d’une certaine difficulté.Délimiter un thème plus précis, permet-tant une approche scientifique, et élaborerun travail de recherche bref et complet, quisoit également différent de la communica-tion attendue pour un congrès. En somme,un essai accessible pour une communauté

    intéressée par ces thématiques, sans êtrenécessairement académique. D’autre part,il s’agit sans doute du moment idéal pourfaire le bilan de deux réalités qui ont évoluéparallèlement au cours des deux dernièresdécennies: la reconfiguration des systèmesde gouvernance internationaux, à partir desinstitutions des Nations Unies (ONU) etde ses organismes spécialisés; et la consoli-dation du gouvernement local comme unnouvel acteur des institutions globales.En effet, les deux décennies passées entreles deux Conférences de l’ONU sur les Eta-blissements Humains (Habitat II et Habi-tat III, 1996-2016) sont aussi celles de laconstruction d’une organisation globale desautorités locales: Cités et GouvernementsLocaux Unis, CGLU. Une période longueet exigeante, au cours de laquelle la conso-lidation d’une voix unifiée pour s’adresserau monde a dû cohabiter avec l’effort d’éla-borer et concevoir les priorités des gouver-nements locaux vis-à-vis de l’agenda inter-national, dans un contexte d’activités trèsintense, qui se cristallise en 2015. Commenous le savons, au moment où cet articleest publié, nous arrivons à l’aboutissementde la révision des Objectifs du Millénairepour le Développement (OMD) et de leurconvergence avec le processus de Rio, parl’intermédiaire d’un ensemble d’Objectifsde Développement Durable (ODD).Nous nous proposons d’examiner les pers-

    pectives de participation des réseaux degouvernements locaux dans les institutionsglobales à partir d’une analyse fondée sur lagouvernance multi-niveau. Une propositionqui induit trois choix que nous défendons

    ci-dessous.

    En ce qui concerne le choix des réseauxde gouvernements locaux comme objetde cette étude, il répond à un critère clair.L’un des facteurs de complexité de l’analysede l’action extérieure des gouvernementslocaux (GL) est la fragmentation, diver-sité, discontinuité et en général le caractèreindéfini de ce que nous appelons l’action

    extérieure infra-étatique, ou “paradiplo-matie”. Le choix au sein de cette diversitéde pratiques n’est dans ce cas pas difficile,il est orienté par une considération élémen-taire: c’est seulement par leur articulationen réseau que les gouvernements locauxconstruisent la masse critique, la continuitédans l’action et le dialogue, et la capacité di-plomatique qui leur permettent d’atteindrela condition d’acteur (Hocking, 1999) face

    aux institutions de gouvernance globale.Ceci n’implique pas que, dans certainesoccasions, une seule ville ne puisse réussir àêtre influente, ou que les gouvernements lo-caux ne puissent, de façon individuelle, faireentendre avec succès leurs intérêts interna-tionaux par le biais de l’Etat, sans avoir be-soin d’une action « paradiplomatique » entant que telle1. Cependant, comme nous le verrons, il existe un consensus sur l’impor-

    tance des réseaux pour l’organisation effi-cace de la participation des gouvernementsde niveau local dans l’espace international,qu’il s’agisse des processus d’intégrationrégionale ou ceux à échelle mondiale.Dans un second temps, c’est la gouvernancemulti-niveau (GMN) qui nous intéresse. Ils’agit d’une notion propre à la science poli-1 Les Etats peuvent agir comme médiateur entre le local et

    le global, en facilitant la connexionentre les deux, et danscertains occasions, en assumant la spécificité et l’apport del’action internationale municipale. La France, les Pays-Basou le Mexique sont en ce sens des cas exemplaires bienconnus.

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    L’évolution des institutions et dyna-miques globales

    Depuis la fin de la Guerre Froide, l’ONU etles organismes spécialisés jouent un rôle cen-

    tral dans la création d’accords politiques etde nouvelles formes de gouvernance mon-diale. Une fonction pour laquelle l’ONUs’appuie sur ses institutions et organisationspermanentes, notamment sur le système deconférences qui, à partir des années 1990et jusqu’à aujourd’hui, ont contribué demanière décisive à configurer l’agenda in-ternational. Dans un texte déjà classique,Paul Taylor y John Groom (1989) analysent

    ces rencontres de haut-niveau (sessionsspéciales de l’Assemblée Générale et confé-rences mondiales), en mettant l’accent surleurs capacités à dépasser les formes habi-tuelles de travail.En effet, ces rencontres extraordinaires ontpermis d’attirer l’attention de toute la com-munauté internationale - les médias, le sec-teur privé, et le public en général - sur uneseule problématique, et en dépassant ainsi lasectorisation inhérente au système des Na-tions Unies et ses organismes spécialisés. Desréunions fondamentales comme la Confé-rence de l’ONU sur l’Environnement et leDéveloppement (Río, 1992), le quatrièmeSommet Mondial sur les femmes (Beijing,1995), ou le Sommet du Millénaire (New York, 2000) ont favorisé la création d’undébat public technique et dépolitisé, quiaborde de façon innovante des problèmescomplexes de gouvernance globale et ouvredes espaces de participation à de nouveauxacteurs.4  Acteurs non gouvernementaux,et dans certains cas, gouvernementaux,comme les gouvernements locaux.Du point du vue du gouvernement local,la conférence clé est Habitat II: la secondeConférence des Nations Unies sur les Eta-blissements Humains ou “Sommet des

    4 Le site web du Département des Nations Unies surles Sujets Economiques et Sociaux offre une liste desprincipaux sommets et conférences: http://www.un.org/en/development/desa/what-we-do/conferences.html

     Villes”, qui a eu lieu à Istanbul du 3 au 14 juin 1996. Habitat II a été convoqué afin dedonner des réponses globales aux problèmesurgents d’une population mondiale sur lepoint de devenir majoritairement urbaine.

    L’affluence massive des autorités locales leura permis d’accéder à un système d’habilita-tion propre, non comme des représentantsofficiels des Etats, ni comme des agents nongouvernementaux, mais bien comme desmembres gouvernementaux de la commu-nauté étendue d’acteurs liés aux NationsUnies. A Istanbul, l’Organisation mondialea exprimé le souhait que la multiplicité desréseaux présents améliorent leurs formes

    d’articulation, afin d’aller vers la créationd’une association unique de gouvernementslocaux.Une organisation unifiée, qui passe outre lesdifférences existantes – beaucoup étant héri-tées de la Guerre Froide – assurant une meil-leure représentation des autorités locales etune meilleure capacité d’échange avec lesEtats et organisations internationales (Sa-lomón y Sánchez Cano 2008:135). Cités

    et Gouvernements Locaux Unis, CGLU,engage ainsi depuis sa création une relationspéciale avec ONU-Habitat – agence qui sedéclare toujours “point focal pour les auto-rités locales dans le système de l’ONU. Aumême moment, la nouvelle organisationmondiale de villes comprend que la partici-pation à un agenda international plus large,et concrètement aux débats globaux surle développement, le genre, les politiques

    environnementales, et bien entendu l’urba-nisation, vont lui permettre de dépasser lecontact bilatéral avec un organisme unique,et lui permettre d’avoir un impact bien plusimportant.Une tendance importante en rapport aveccette institutionnalité globale configurée parles conférences mondiales est la création decadres de résultats qui doivent servir pourmesurer les avancées. Etant donnée la diffi-

    culté inhérente à la création d’instrumentspurement législatifs – comme les chartes et

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    Articles

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    traités internationaux – et la faible opérati- vité des déclarations non contraignantes, lacommunauté internationale choisit de s’en-gager avec les « outcomes », avec les effetsdésirés, plutôt qu’avec les mécanismes de

    mise en pratique.

    C’est clairement le cas de la Déclarationdu Millénaire : un document qui établitdes objectifs, des buts, et des instrumentspour une réduction vérifiable et multidi-mensionnelle de la pauvreté en 2015, etl’action coordonnée des acteurs dans cetteperspective. Les quinze ans d’expérience desuivi et évaluation des Objectifs du Millé-

    naire pour le Développement (OMD) sonttrès présents aujourd’hui, à la convergencedes agendas du développement et des poli-tiques environnementales. C’est pourquoile débat actuel sur les nouveaux Objectifsde Développement Durable (ODD) estaxé sur l’identification de quelques objec-tifs, buts et indicateurs encore plus limités,pratiques, vérifiables et comparables avec lesOMD. Un débat qui ne met cependant pas

    tant la priorité sur la délimitation des res-ponsabilités, mais plutôt sur l’engagementsur les résultats. Ce qui n’est pas surprenant,étant donné que l’on considère ces résultatscomme l’effet, non seulement des politiquespubliques, mais aussi de l’action concertéede multiples acteurs, publics et privés.Cette orientation vers l’efficacité permet decomprendre le fonctionnement de l’institu-tionnalité globale qui va ouvrir le jeu aux

    acteurs (y compris les autorités locales) enfonction de leur capacité à articuler desintérêts, fournir de l’information, s’enga-ger dans les actions futures, et apporter desrésultats pertinents. Bien que les gouverne-ments locaux mettent l’accent sur l’obten-tion d’une reconnaissance de leur statutdémocratique, l’opération du système estspécialisée par secteurs et recherche l’effica-cité des politiques et décisions.

     Alors que les institutions intergouverne-mentales globales semblent se concentrer

    moins sur les dimensions normatives quesur les résultats et l’efficacité – notam-ment sur les questions d’ordre économiqueet social –, d’autres secteurs institution-nels apparaissent, beaucoup plus réduits

    et parviennent à atteindre une capacité decontrôle considérable.

    Deux auteurs de renommée (Thomas Haleet David Held, 2011) ont cartographié ces«institutions et innovations» du nouveausystème de gouvernance transnationale.«Transnational» et non international ouglobal, car leur caractéristique principale estla nature des acteurs (principalement pri-

     vés), non le territoire d’où ils opèrent. Desacteurs qui n’agissent pas selon la traditionde la diplomatie, fondée sur la délégation,et que l’on peut qualifier d’ “entrepreneursnormatifs”. Il s’agit d’agents qui génèrentune conscience publique sur l’importancede sujets déterminés – ou même “créent”ces sujets, par l’utilisation du langage–5.Hale et Held établissent une typologie pourla cinquantaine de cas que leurs travaux ana-

    lysent: des réseaux trans-gouvernementaux(qui réunissent des techniciens des gouver-nements nationaux, et non des diplomates,comme le Comité de Basilea de SupervisionBancaire ou même le G-20) à des orga-nismes purement privés, comme l’Initiativede Transparence des Industries Extractivesou le Clean Clothes Campaign.Toutes ces institutions et innovations ontquelque chose en commun: elles n’ont

    pas besoin d’un caractère normatif pourêtre efficaces, il leur suffit d’engager leursacteurs principaux, ou ceux qui possèdentune qualité technique supérieure à celle quepeuvent atteindre les régulateurs publics.Transparence et bonne pratique se trans-forment en mécanismes d’exécution.6  Ces5 Des exemples historiques sont le suffrage féminin ou

    le fait de considérer les blessés de guerre comme non-combattants (Finnemore y Sikkink, 1998:896).

    6 Par exemple, différentes initiatives de certification sanitaireprivées, qui seront ensuite adoptées par des régulateurspublics; ou la standardisation des systèmes de santédans les pays en développement, à partir de l’initiative desoutien privé de la fondation Gates.

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    nouvelles institutions ne sont pas non plusdotées des normes, procédures, et proces-sus d’adoption de décisions qui facilitent lastabilité propre aux régimes internationaux(Krasner, 1983). En d’autres termes, elles

    sont très éloignées des organismes intergou- vernementaux classiques.Nous sommes face à un nouveau typed’organisations, propres à cette phase de lamondialisation, et les Etats s’y sont adap-tés d’une manière que nous caractériseronscomme le fait Sassen (1996). Pour cette au-teure, la mondialisation n’implique pas denouvelles institutions “globales”, mais unerestructuration des relations et fonctions des

    acteurs internationaux, en particulier desEtats. Une restructuration qui provoque lacréation de nouveaux “ordres spécialisés”,nouveaux secteurs, globalisés et peu hiérar-chiques. En leur sein, les Etats ne perdentpas de pouvoir vers le haut ou vers le bas,mais se transforment. Leurs gouvernementscentraux se “privatisent”, en adaptant leursintérêts à ceux d’acteurs globaux, en parti-culier des milieux d’affaires et financiers, et

    en créant les modèles d’ordre et de régu-lation nécessaires au fonctionnement d’uneéconomie capitaliste d’ordre mondial.C’est dans ce contexte international com-plexe et changeant, que les gouvernementslocaux, articulés en réseau, devront pro-mouvoir leurs intérêts communs.

    Les réseaux de gouvernements locauxcomme nouveaux acteurs internatio-

    nauxLa création et l’utilisation de réseaux, pourdes fonctions multiples et complémentaires,constituent la caractéristique de base del’évolution récente de l’action internatio-nale des gouvernements locaux. Commed’autres réseaux transnationaux, ceux quiregroupent les gouvernements locaux se ca-ractérisent par leur caractère volontaire, leuradaptabilité, leur orientation aux objectifs,et pour la dimension plus négative par leur volatilité et instabilité face au changement

    politique. Concrètement, les deux dernièresdécennies ont vu naître, sans fondementlégal commun, des réseaux et associationsde villes, institutions de droit privé du paysoù ils se constituent, un facteur qui explique

    leur fort taux de prolifération, ainsi que lechevauchement, voire la concurrence entreeux.Jordi Borja et Manuel Castells (1997:321)ont élaboré un schéma, encore d’actualité,qui nous permet de présenter les fonctionsde ces réseaux. C’est à dire a) structurerdes systèmes de lobbying face à des tiers; b)consolider des espaces territoriaux, écono-miques, politiques, démographiques (…)

    de petite échelle qui permettent la mise enplace d’économies d’échelle et d’agglomé-ration, ainsi que le développement d’infras-tructures et technologies; c) s’insérer dansle système international pour accéder à etutiliser un volume croissant d’informations,échanges d’expériences et technologies; d)atteindre des fonctions de leadership; et e)s’inscrire dans des espaces d’action de pluslarge portée.

    Des fonctions que, en référence à la typolo-gie utilisée dans différents travaux (Weyand,1997 ; plus récemment Happaerts et al.,2010), nous pouvons organiser en deuxgrands blocs, selon leur caractère externeou interne. A l’externe, le réseau assure lareprésentation, le lobbying, et la recherchede reconnaissance face aux institutions in-ternationales. A l’interne – et il s’agit d’unedimension fondamentale pour comprendre

    le rôle des associations dans les schémasde gouvernance multi-niveau – le réseaupromeut la coopération technique et l’ap-prentissage de politiques publiques (policylearning) entre ses membres, facilite leuradaptation à l’environnement politique etnormatif international, et ainsi, organisela participation responsable des autoritéslocales, avec leurs propres compétences,dans les systèmes de la gouvernance globale

    (Grasa y Sánchez Cano, p. 88).

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    La littérature sur les réseaux transnationaux,ou transnational advocacy networks, est leprincipal outil analytique pour comprendrele phénomène d’articulation de ces nou- veaux acteurs dans les instances interna-

    tionales. Certains travaux d’autorité (Fin-nemore y Sikkink, 1998 ; Keck y Sikkink,1999), ont apporté une lumière nouvellesur l’organisation et la diffusion des agendasde certains d’entre eux : ONG, nationalesou internationales; acteurs qui organisentle plaidoyer (advocacy) et la recherche; oumouvements sociaux transnationaux, entreautres. Le modèle d’analyse des réseauxtransnationaux devra cependant s’affiner

    pour incorporer le comportement, singu-lier et différencié, des réseaux de gouver-nements locaux et régionaux (Salomón,2011). En effet, nous pouvons constater enquoi les GL constituent un cas particulierparmi ses nouveaux acteurs, à partir de cer-tains traits distinctifs.En premier lieu, leur condition politique,souvent de nature démocratique, qui donneà leurs demandes une légitimité supérieure

    à celle des autres acteurs. Deuxièmement, larecherche de reconnaissance présente dansleurs actions de lobby: ils n’essayent passeulement d’influencer les décisions et lesprogrammes, mais cherchent aussi à obtenirune présence institutionnelle et un impactdans la structure de l’organisation. Troisiè-mement, le potentiel caractère conflictuelde leur recherche de représentation directe:donner la parole aux représentants des col-

    lectivités territoriales implique d’accepter,d’une certaine manière, que la délégationétatique ne représente pas de manière adé-quate les différents niveaux administratifs.Quatrièmement, leur caractère d’ “acteurmixte” (Hocking, 1997),7  capable d’utili-7 Hocking (1997, p. 97) reélabore la fameuse distinction

    de Rosenau entre acteurs “sovereignity-bound” et“sovereignity-free” (liés ou non liés par la souveraineté),et propose les gouvernements subnationaux comme des“acteurs mixtes”, qui peuvent choisir d’agir uniquementlorsqu’ils ont un intérêt (à la différence des Etats), à partird’une combinaison d’actions, instruments, et alliancespropres au monde gouvernemental et au monde nongouvernemental.

    ser des ressources propres aux acteurs éta-tiques (compétences légales, légitimité dé-mocratique, coopération administrative) etd’autres propres aux acteurs non étatiques(partage d’informations, alliances avec des

    ONG et avec les bureaucraties internatio-nales...). Pour finir, le cinquième trait dis-tinct est le caractère d’administration pu-blique, avec des responsabilités et capacitésformelles, qu’il conviendra d’associer – enfonction du degré d’autonomie de l’auto-rité locale – à la conception et la mise enplace territoriale de l’agenda international.Ce dernier point – la participation des ni- veaux territoriaux comme condition sine

    qua non pour une action internationaleefficace – se trouve au fondement d’unenouvelle vision analytique, fondée sur la no-tion de gouvernance multi-niveau (GMN).Une vision qui va s’appliquer à l’étude del’activité de certains réseaux d’autoritéslocales dans la régulation environnemen-tale globale, portée par deux chercheusesaméricaines, Michele Betsill et Harriet Bul-keley. Betsill et Bulkeley (2004) analysent

    la campagne “Villes pour la Protection duClimat”, une étude lancée en 1993 parl’association Gouvernements Locaux pourle Développement Durable (ICLEI) pourl’élaboration d’agendas 21 locaux et la miseen place d’engagements volontaires de lapart des gouvernements locaux en matièrede lutte contre le changement climatique.Les mêmes auteures, dans une étude posté-rieure (2006), ont observé que les approches

    classiques sur les nouveaux acteurs (réseauxtransnationaux) ne sont pas adaptées pourles gouvernements locaux, étant donné leurcaractère politico-administratif et l’existenced’éléments reliant local et global, commel’agenda 21 local. Leur conclusion est queles villes et régions possèdent “un cer-tain degré de capacité d’action- agence ou‘agency’- indépendante” (2006:150) qui lestransforme en partenaires incontournables

    de la mise en place des politiques et leur per-met aussi de s’organiser pour, parfois, laisser

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    de côté ou dépasser l’Etat.8

    L’application d’un modèle de gouvernancemulti-niveau peut être d’un grand inté-rêt dans la mesure où il permet de rendrecompte des formes d’association des pou-

     voirs locaux, dans l’exercice de leurs propresresponsabilités, avec les institutions glo-bales. La GMN coïncide avec la tendanceprincipale du fonctionnement de ces insti-tutions: l’importance accordée à l’efficacitéet aux résultats. De même, un environne-ment de GMN facilite le déploiement defonctions internes dans les réseaux de gou- vernement locaux, comme la formationmutuelle, l’organisation de la participation

    dans l’agenda international, et surtout, ledéveloppement d’engagements volontaireset la présentation de résultats. Des fonc-tions très proches des nouvelles tendances,avec les innovations institutionnelles trans-nationales, qui peuvent donner aux gouver-nements locaux un rôle plus autonome, etune place importante dans les schémas degouvernance globale.Cependant, et comme nous le verrons par

    la suite, cet intérêt a priori pour une ana-lyse de GMN devra prendre en compte cequ’implique de transférer un concept déve-loppé pour l’intégration européenne à uncontexte global.

    La gouvernance multi-niveau et l’agen-da international: considérations et élé-ments d’analyse

    Selon les mots de Francesc Morata, “laGMN présuppose l’existence de beaucoupd’acteurs interdépendants porteurs d’inté-rêts et ressources divers (…) (et) demandedes capacités pour coordonner et gérer unedouble interaction: verticale, entre niveauxde gouvernement, du local à l’européen ;

    8 Un autre groupe de chercheurs, de l’Université Catholiquede Louvain, applique également et avec de bons résultatsla GMN à d’autres réseaux environnementaux, dans cecas régionaux (Happaerts, Van Den Brande, y Bruyninckx,2010). Concrétement, ils étudient l’utilisation des réseaux– face à la médiation de l’Etat – pour canaliser les intérêtsinternationaux des régions.

    et horizontale: plusieurs administrations etinstitutions de niveaux différents, mais aussides acteurs non publics, privés et sociaux,qui participent à la définition des problèmeset l’élaboration des solutions. De ce point

    de vue, la GMN exprime l’interdépendanceet la complémentarité entre la sphère pu-blique et les différents secteurs de la société”(Morata, 2010:4). La GMN part d’uneperspective clairement européenne, et sonapplication à l’analyse de contextes interna-tionaux doit se faire avec prudence et tenircompte de l’intégrité du concept, compre-nant à la fois ses limites et spécificités. Nousles listons ci-dessous en raison de leur inté-

    rêt pour cette étude.• En pemie lieu, la GMN inclut danl’analyse aussi bien les acteurs publics queprivés, de manière égale, et uniquementen fonction de leur possibilité de contri-buer au fonctionnement du secteur enquestion. En ce sens, elle accorde plusd’importance à la capacité d’action qu’à lalégitimité démocratique.

    • En ecnd lieu, la GMN pat du pincipe

    qu’il existe, dans chaque secteur des poli-tiques de l’UE, des chevauchements entreles attributions des différents niveaux poli-tico-administratifs. Ce chevauchement estinévitable, étant donné que la création del’Union Européenne et le transfert d’au-torités vers ses institutions n’ont pas étésuivis d’une restructuration administrativeinterne dans chacun des Etats membres,et que leurs modèles d’organisation ter-

    ritoriale n’ont pas convergés. C’est pour-quoi la GMN examine les échanges entreacteurs et administrations dans la miseen place des politiques communautaires,mais ne considère pas nécessaire de clari-fier les compétences pour éviter la super-position des attributions.

    • En tiième lieu, la GMN ne pend pa encompte le besoin de sécurité juridique oude protection dans les différentes attribu-

    tions de compétences: elle s’intéresse auxtendances de coopération et conflit dans

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    le jeu multi-niveau mais ne prescrit pas deformules pour la sauvegarde des mandatslégaux face à d’autres administrations.

    • En quatième lieu, le fnctinnement dela GMN est différent pour chaque secteur

    européen. La diversité normative entre lespolitiques de l’UE – qui vont de l’obliga-tion à la simple bonne pratique – confi-gure, dans chaque cas, des cartes d’ac-teurs, compétences et intérêts différents.La GMN dépend donc du contexte, et sesétudes appliquées devront se circonscrireà un secteur politique spécifique.

     A partir de là, et concernant le sujet de notre

    étude sur gouvernement local et agendainternational, deux points semblent impor-tants. Le premier est que la GMN n’appuiepas, depuis une perspective théorico-pro-grammatique, certaines des revendicationshabituelles du gouvernement local face auxinstitutions globales. Elle ne favorise pas ensoi la distinction entre les autorités locales etles acteurs de la société civile. Pas plus quedes logiques fédérales, répartitions claires

    de compétences, proximité dans l’action dugouvernement ou décentralisation ; en cesens, l’agenda politique local a plus d’affi-nités avec d’autres courants théoriques, enparticulier celui des relations intergouverne-mentales.

    Second point, la GMN est un concept po-lémique, qui ouvre l’analyse à des acteursnécessaires au bon fonctionnement des

    politiques européennes, mais sans distin-guer ceux qui affichent des responsabilitésdémocratiques et ceux qui, par leur nature,ne peuvent le faire. C’est pourquoi Fran-cesc Morata situe la GMN dans le débatentre l’efficacité et la démocratie (2010:7).Comme nous le rappelle Simona Piattoni(2009:38), le schéma multi-niveau est l’unde ceux où les intérêts privés sont présen-tés comme publics, mais qui oblige aussi les

    défenseurs des intérêts démocratiques, gé-néraux, à les présenter et à négocier comme

    s’ils étaient particuliers.Pour résumer : l’application de l’analysemulti-niveau est en lien avec les tendancesorganisationnelles du système internationalcontemporain, et peut permettre d’iden-

    tifier des apports local-global pertinents.Mais la perspective de la GMN n’est pasnon plus neutre, et possède un certain poidsprogrammatique en privilégiant l’efficacitéà la responsabilité démocratique. Ce poidsdevra être pris en compte dans tout usagede la GMN dans le discours politique, enparticulier quand le gouvernement local etses réseaux – comme il arrive de plus en plusfréquemment – revendiquent une « gouver-

    nance multi-niveau » devant les institutionsinternationales.

     A partir de ces commentaires, qui condi-tionnent mais ne limitent pas la capacitéd’explication de la GMN, nous exposeronsnotre propre modèle d’analyse. Nous nousproposons d’étudier, sous un prisme mul-ti-niveau, deux grands secteurs globaux :celui de la coopération au développement,

    et celui des politiques environnementaleset changement climatique. Nous examine-rons la participation des réseaux de gou- vernements locaux en leurs seins, à partirde trois grandes questions : a) Quel est lerôle des gouvernements concernant le bienpublic global? b) Comment ce rôle local estil connecté avec le niveau global ? Existe-t-ildes mécanismes de relation connus et établisentre les deux niveaux ? Et c) Quelles sont,

    dans ce secteur, les fonctions principales desréseaux d’autorités locales ?

    Le système global de coopération audéveloppement et les réseaux de gou-vernements locaux

    Le système de la coopération au dévelop-pement, bigarré et complexe, a été l’objetd’attention préféré des réseaux de GL.Comme d’autres nouveaux acteurs, cesréseaux vont profiter des espaces ouvertspar le processus de révision et d’améliora-

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    tion du système, principalement autour dedeux scènes. D’une part, la réflexion sur lesinstruments – l’efficacité de l’aide officielleau développement – impulsée par l’OCDEà travers différents Forums de Haut Niveau

    (Rome, Paris, Accra et Busan en 2003,2005, 2008 et 2011). D’autre part, le tra- vail sur les objectifs de développement, avecun appui marqué sur les résultats, qui a étéau centre des efforts de l’ONU à partir duSommet du Millénaire (2000) et sa Décla-ration.

    Le rôle des gouvernements locaux

    Les GL ont deux rôles différents en ma-tière de bien public global (coopérationet développement) selon qu’il s’agisse degouvernements de pays donateurs ou récep-teurs de l’aide officielle au développement(AOD). Dans le premier cas, on constatequ’on porte plus d’attention à leur parti-cipation à l’AOD globale, surtout à partird’un rapport monographique, déjà devenurelativement classique, que le CAD a dédié àla “Aid extended by local and state govern-ments” (OCDE, 2005). De fait, plusieursanalyses élaborées au cours des dernièresannées sur la coopération décentralisée de-puis une perspective multilatérale partentdu principe, que l’on considère avéré, maisqu’il est difficile de comptabiliser avec préci-sion : l’augmentation des parts d’AOD desgouvernements locaux des pays donateurs,qui a généré un flux de ressources dont ontbénéficié à la fois les récepteurs bilatérauxet globaux (Martínez y Sanahuja, 2012).En 2012 par exemple, les apports desgouvernements non centraux ont financéenviron 11 % du budget de PNUD-ART(20.777.757 $) (ART PNUD, 2013:40).

    Cependant, et malgré cette augmenta-tion des flux – qui a certainement pris unecourbe négative au cours des dernièresannées, en particulier pour des donateurscomme l’Espagne et l’Italie – les organismesmultilatéraux ne considèrent pas la coopé-

    ration au développement provenant des GLcomme un instrument qu’il faut nécessaire-ment associer au cadre d’action global. Ledébat sur l’efficacité de l’aide au dévelop-pement est en ce sens révélateur. La décla-

    ration finale du dernier Forum de HautNiveau (Busan, 2011) a accordé un espacetrès limité aux autorités locales ; elle ne faitpas référence à la coopération décentraliséeet limite le rôle des municipalités (commecelui des parlements) à « la création de liensentre les citoyens et les gouvernements pourassurer une appropriation vaste et démocra-tique des programmes nationaux de déve-loppement » (p. 21)9.

    En parallèle, les instances multilatéraleselles-mêmes considèrent que les GL du Sud,faisant partie des pays bénéficiaires, doiventquant à eux avoir un espace dans les débatsnationaux sur le développement, et desfonctions importantes sur ses différents as-pects (décentralisation, renforcement insti-tutionnel, création de capacités endogènes,politiques d’égalité…). Un rôle nécessaire

    en rapport à leur condition d’autorités duterritoire, entendu comme l’espace physiqueoù doit se produire le développement, et oùle politique doit nécessairement dialogueravec le social et le géographique (DeLoG,2013 ; Mansuri y Rao, 2013 ; C.U.F., F3E,PAD Marroc, 2009). Le consensus sur l’im-plication des acteurs locaux dans le déve-loppement du Sud s’est vu renforcé à partirde 2008 : le Plan d’Action d’Accra accorde

    une nouvelle centralité aux demandes et àla capacité de programmation et priorisationdes pays récepteurs (Grasa y Sánchez Cano,2013, p. 92-93). Ainsi, les différences de rôles entre GL duNord et du Sud entraînent une reconnais-sance tout aussi différente, où l’on concèdeaux premiers la condition d’acteurs du dé-9 A l’inverse, la déclaration et les travaux en cours aujourd’hui

    cherchent à relier la notion d’AOD avec l’apparition denouveaux agents et phénomènes – coopération Sud-Sud, initiatives privées et nouveaux donateurs, nouvellegéographie de la pauvreté…- dont l’impact est considérétrès important.

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     veloppement et où l’on nie aux seconds lacondition d’acteurs importants du systèmede coopération : ce qui est avéré pour lesystème global comme pour le système eu-ropéen10. Le document d’orientation poli-

    tique de CGLU « La coopération au déve-loppement et les gouvernements locaux »(2013:32-35), qui dédie ainsi une sectionà analyser la « reconnaissance formellede la part de la communauté internatio-nale » coïncide avec cette interprétation. Ilconclut justement que les autorités localesne sont pas considérées comme des acteurspolitiques avec qui dialoguer, mais commedes agents que les pays en développement

    doivent relier à leurs plans nationaux, et quipeuvent en tout cas être formés pour cela.

    Mécanismes de lien local-global

    Les GL et leurs réseaux disposent de peud’instruments pour participer réellement ausein des espaces de la gouvernance globalede la coopération au développement. Nile cadre de l’OCDE (la déclaration de Bu-san de 2011 déjà citée) ni celui de l’ONU(Déclaration du Millénaire) ne précisent detâches et responsabilités spécifiques pour legouvernement local. Ils ne créent pas nonplus de formats ou d’espaces qui lui per-mettent de présenter et mettre en avant sespropres résultats de développement, et ainsisa contribution au cadre d’objectifs global.

    Ces restrictions sont en lien avec la frag-mentation des rôles des GL par rapport aubien public global, mais aussi avec la spéci-ficité de la coopération municipale, dans lepanorama global de l’AOD mondiale. Déjà,en 2002, Desmet y Develtere signalaient ladifficulté objective pour la bonne insertionde la coopération municipale dans le cadrestratégique global, pour différentes raisons.

    10 Voir la dernière communication de la CommissionEuropéenne sur ce sujet, “Formation des autorités localesdes pays partenaires dans les domaines de l’améliorationde la gouvernance et l’efficacité des résultats dudéveloppement” COM (2013)280 final.

    Selon les auteurs, les autorités locales a)n’orienteraient pas suffisamment leurs poli-tiques vers la lutte contre la pauvreté ; b)ne disposeraient pas de systèmes de plani-fication adaptés pour créer des actions de

    qualité et basées sur les résultats ; c) pour-raient être efficaces dans la création de capa-cité institutionnelle locale, mais cet objectifdemanderait des moyens et une permanencedans le temps dont ils ne peuvent disposer ;d) leurs apports à l’AOD seraient peu im-portants et volatiles ; et e) ils ne faciliteraientpas la coordination avec d’autres donateurs,en particulier sur le terrain. Des étudespostérieures et peer reviews (examens par

    les pairs) du CAD ont insisté sur ces fac-teurs de perte d’efficacité et d’efficience, etd’augmentation des coûts de transaction, enconsolidant une vision clairement critiqueou sceptique vis à vis de l’AOD municipale.

    Les gouvernements locaux eux mêmes ontcherché à contrecarrer cette vision critique,en mettant en avant les apports positifsque la coopération municipale réalise en

    rapport avec les principes de l’efficacité del’aide : appropriation, adaptation, harmoni-sation, gestion par résultats et transparence.La coopération décentralisée prétend ainsiréaffirmer ses avantages comparatifs parrapport à l’AOD classique : une meilleureconnexion entre les sociétés donatrice etréceptrice ; une association ou partenariathorizontal entre les partenaires, pour unapprentissage mutuel ; et une transparence

    proche et responsable. Mais aussi une capa-cité d’action effective pour le renforcementde la société, la gouvernance et l’institu-tionnalité locales, par la canalisation desconnaissances des gouvernements locaux enla matière (CGLU, 2009). Cette tentative aobtenu un succès limité, égal à la faible re-connaissance de l’AOD municipale à Busan.La fragmentation réelle du rôle des gouver-nements locaux et le désaccord sur l’efficaci-

    té de l’AOD expliquent l’absence de méca-nismes formels de liens entre local et global,

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    mais aussi le débat constant sur la « coo-pération décentralisée » elle-même. Cettenotion est l’objet de tensions considérables.D’une part, les organismes internationaux,même s’ils ne partagent pas une définition

    unique du terme, l’utilisent en général pourfaire référence à l’AOD qui n’est pas direc-tement canalisée par les exécutifs centraux.Un appui qui peut être dirigé vers différentsagents de développement, généralementterritoriaux : société civile, ONG, tissu en-trepreneurial, et gouvernement local, entreautres (Matovu et Nardi, 2008). D’autrepart, les GL et leurs réseaux vont lutter pourlui donner leur propre sens : la coopération

    décentralisée se réclame politiquement dugouvernement local, qui affirme par là soncaractère d’acteur principal et différent desautres, non étatiques. Une entreprise quin’est pas des plus simples, puisque le gou- vernement local non plus n’a pas une défi-nition univoque de la coopération décentra-lisée11.

     Fonctions des réseaux

    L’univers de la coopération au développe-ment ne facilite pas une participation desgouvernements locaux en terme de gouver-nance multi-niveau, car il lui manque deuxéléments nécessaires : la reconnaissance del’importance de leur apport, et l’existencede mécanismes de liens. Les réseaux vontprioriser une série de fonctions qui per-mettent de compenser ces manques, avec unaccent compréhensible sur le plan extérieur. Vers l’extérieur, les réseaux organisent le po-11 La difficulté à redéfinir ce concept dans le cadre global

    a suscité des questionnements chez les gouvernementslocaux sur l’abandon de ce terme ou la restriction deson contenu. En ce sens, le questionnaire que CGLU adistribué à ses partenaires pour construire son Documentd’orientation politique en matière de coopération audéveloppement affirmait que “en ce moment, CGLU enpossède pas une définition unique ou consensuelle sur ceque certains appellent “coopération décentralisée”, d’autres“coopération municipale internationale”, ou “coopérationde ville à ville” etcétera”. Le document évoquait mêmela possibilité de mettre en avant le travail de plaidoyerinternational sur des “partenariats locaux et régionauxpour le développement” (CGLU, 2011).

    sitionnement et le lobby face aux institutionsde la gouvernance globale de la coopérationau développement, afin d’atteindre, juste-ment, ces deux objectifs: création de recon-naissance et de mécanismes de lien. En ce

    qui concerne le premier point, les réseaux,CGLU en tête, font un grand effort de pré-sence et représentation. Un effort qui a étéaccompagné de résultats : le plus probantest le fait que le Président de CGLU (KadirTopbas, maire d’Istanbul) ait été désignémembre du Groupe de Haut Niveau del’ONU, créé par le Secrétaire Général, pourrédiger un document programmatique surle futur des OMD post-2015. La présence

    institutionnelle s’accompagne d’un discourslégitimant la coopération municipale audéveloppement et la coopération décentra-lisée, qui met en valeur leurs possibilités etspécificités.

    Le second objectif, la création de méca-nismes de liens, est l’objet d’autant d’atten-tion. Conscients de l’absence d’instrumentsqui associent les tâches du gouvernement

    local aux objectifs globaux de développe-ment, les réseaux de gouvernements locauxont travaillé sur les deux fronts. Le premier,la territorialisation du cadre de résultats, estun travail qui a porté ses fruits. Les effortsconjoints de différents réseaux territoriauxet environnementaux ont permis d’inscriredans la proposition actuelle d’ODD un« objectif urbain » (le numéro 1) qui fait ex-plicitement référence à la création de villes

    « ouvertes à tous, sûres, résilientes et soute-nables »12. Le second concerne la territoria-lisation de la mise en place et de l’évaluationdes résultats. C’est ici qu’apparaît la ques-tion de la localisation du développement,ses exigences et implications (Bartlett, Ca-bannes y Satterthwaite, 2012). Les réseauxlocaux travaillent actuellement à l’élabo-ration d’une batterie d’indicateurs pour le

    12 Sur comment cet objectif a été obtenu, voir la série d’articlescourts rédigés par Christopher Swope pour Citiscope,http://citiscope.org/story/2014/urban-sdg-explainer.

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    suivi et l’évaluation de la dimension terri-toriale du cadre de résultats (ou en partie)et montrer l’importance de la participationet du renforcement du gouvernement local,en argumentant en particulier l’importance

    de son rôle d’outil des objectifs de dévelop-pement (Global Taskforce, 2014 ; Lucci,2015).

    En interne, les réseaux, et particulièrementCGLU, assurent une fonction de direc-tion importante pour la compréhension etl’orientation de la grande variété de leursmembres dans le système de l’AOD. Ils’agit ici de faire de lien entre l’activité quo-

    tidienne des autorités locales et l’agenda, laréflexion et le débat internationaux du déve-loppement. Une direction qui se déploie surdeux plans. D’une part, CGLU se proposed’articuler la participation de l’ensembledes acteurs du développement territorialdans les débats mondiaux ; pour cela, il alancé en 2013 un groupe de travail globalpour alimenter sa position dans le Groupede Haut Niveau de l’ONU. Les réseaux les

    plus importants sont des membres actifs decette global taskforce; entre autres, ICLEI,NRG4SD, Commonwealth Local Govern-ment Forum, ou le Development Partners Working Group on Decentralization andLocal Governance (DeLoG).

    Une seconde dimension de cette fonctioninterne de direction est la création de posi-tionnements et l’élaboration de déclarations

    et documents d’orientation, par la consulta-tion de ses membres. Ces positionnementstendront néanmoins à maintenir un degréd’engagement politique modéré, étant don-né que CGLU doit maintenir des équilibresinternes complexes. Un réseau de réseaux,de caractère global (en termes territoriauxet sectoriels), qui regroupe différents typesde membres : villes individuelles, fédéra-tions nationales et régionales (continen-

    tales), et même des réseaux thématiques etspécialisés.

     Politiques environnementales et chan-gement climatique

    Nous évoquons maintenant une institu-tion très différente, dont la création est

    plus récente. La Conférence de l’ONUsur l’Environnement et le Développementou « Sommet de la Terre » (Río, 1992)marque l’entrée des questions environne-mentales dans la politique mondiale, au plushaut niveau. D’une part, le Sommet de laTerre dote les questions environnemen-tales d’un cadre de résultats propre et spé-cifique : l’Agenda 21, un programme d’ac-tion volontaire qui envisage, comme nous

    le verrons, l’entrée en action du gouverne-ment local. D’autre part, à partir de Rio, lespolitiques environnementales devront aussiêtre transversales aux autres agendas inter-nationaux. Des problématiques comme ledéveloppement, la sécurité, l’urbanisation,la population ou l’énergie ne pourront plusêtre abordées sans prendre en compte leursdimensions et impacts environnementaux.

    Le rôle des gouvernements locaux

     A Rio déjà, une idée partagée par l’ensemblede la communauté internationale est rendueexplicite : les villes sont, sans équivoque etsans distinction entre Nord et Sud, le lieudu problème et de ses solutions. Les noyauxurbains sont le moteur de l’économie glo-bale, ainsi que des grands consommateursd’énergie et la plus grande source de gazà effets de serre (GES). Dans chaque pays,

    les villes sont responsables de la majorité dela production nationale, de l’innovation etde l’emploi. Pour ces raisons, et en parti-culier pour des pays qui vivent des proces-sus d’urbanisation accélérée, la voie vers unmodèle de développement respectueux del’environnement ouvre d’énormes oppor-tunités pour une action efficace et rentable(Cofree-Morlot et al, 2009:7 ; voir aussi3-23). Cette reconnaissance internationale

    renforce le rôle politique du niveau globalet réaffirme la responsabilité générale des

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    autorités locales à assurer que leurs villes etcommunes adoptent des mesures de poli-tique environnementale.

    La dimension internationale sera encoreune fois fondamentale pour l’exercice pra-tique de cette responsabilité. Les accordset mécanismes institutionnels internatio-naux, indépendants du contexte politiqueet normatif national, vont déterminer l’ac-tion du gouvernement local. Celui-ci prenden compte et interprète ces instruments(comme la Convention sur la Biodiversité,la Convention sur le Changement Clima-

    tique, ou l’Agenda 21 lui même, tous créésà Rio) pour orienter ses propres politiquespubliques. En plus des actions directes(amélioration de l’efficience énergétiquedans les rues, bâtiments, et systèmes detransport municipaux) les gouvernementsmunicipaux impulsent une législation spé-cifique (ordonnances municipales en termede consommation et environnement) ; desmesures d’incitation fiscale (aussi négatives :

    pénalisation de la consommation excessived’eau) ; ou des campagnes d’informationpublique (Borràs, 2011:7).Mais toutes les connexions des villes avec lesorientations globales des politiques environ-nementales ne sont pas de leurs propres ini-tiatives. Il existe aussi de bonnes pratiquesde médiation, de la part du niveau national,entre le local et le global. On peut soulignercelle de l’Agence de l’Environnement et

    de la Maîtrise de l’Energie (ADEME), enFrance. Il s’agit d’un organisme interminis-tériel dédié aux questions environnemen-tales et qui a créé le “Bilan Carbone”, unsystème de comptabilisation des émissionspar les usagers municipaux et les entre-prises13.

    13 . En France toujours, depuis 2005, la loi Oudin-Santini permet aux municipalités, régions et organismes

    publics responsables de l’eau et de l’assainissement de

    destiner 1% du budget de ces services à des projets

    internationaux de développement

    Mécanismes de lien local-global

    L’innovation principale de l’Agenda 21, denotre point de vue, est d’inclure un cha-pitre spécifique (le chapitre 28) dédié auxactivités des autorités locales. Pour MauriceStrong, président de la Conférence, il s’agi-ra d’un programme « prometteur et impor-tant » parmi ceux qui voient le jour à Rio,« des centaines d’autorités locales, dans lemonde entier, élaborent et exécutent déjàleur Agenda 21 local » (ICLEI, 2012:11).Le chapitre contient quatre objectifsconcrets :• À l’hizn 1996, la majité de auti-

    tés locales de chaque pays devraient avoirmis en place un processus de consulta-tion avec leurs populations respectives etatteint un consensus sur leur «Agenda 21local »

    •À l’hizn 1993, la cmmunauté intena-tionale devrait avoir entamé un processusde consultations pour augmenter la coo-pération entre autorités locales

    • À l’hizn 1994, le epéentant deassociations municipales et autres auto-rités locales devraient avoir augmenté lesniveaux de coopération et coordination,dans la perspective d’augmenter l’échanged’informations et d’expériences entre au-torités locales

    • Le autité lcale de chaque pay de- vraient être encouragées à exécuter etcoordonner des programmes pour queles femmes et les jeunes soient représentésdans les processus de décision, planifica-tion et exécution.

    Nous les citons intégralement car il s’agitde la tâche la plus concrète et déterminée jamais reçue par les gouvernements locauxet leurs associations, concernant un objectifde portée mondiale.Ce mécanisme de lien entre le niveau globalet le local offre aux gouvernements locauxun espace précieux, qu’ils vont occuper defaçon décisive avec des formules et initia-tives propres, “bottom-up”, d’engagement,

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    La paradiplomatie de Chiapascomme moteur de développement social:

    le cas de l’Agenda ONU-Chiapas

     Victorino Morales Dávila

    Diplômé en Relations Internationales, Victorino Morales Dávila (Courriel : [email protected])est actuellement doctorant en sciences sociales au Tecnológico de Monterrey (Mexique). Sa thèsede doctorat porte sur la participation internationale des collectivités territoriales, notamment sur

    l’analyse des stratégies de construction de marques territoriales.

    Résumé

    L’analyse de l’activité extérieure des autorités locales est devenue un nouveau champ d’explo- ration pour les sciences sociales. Elle se conforme théoriquement autour d’études de cas qui présentent les éléments phénoménologiques, que l’on peut utiliser comme catégories pour expli- quer le phénomène « paradiplomatique ». Cette étude analyse le cas de l’action internationaledu Chiapas, l’un des états les plus pauvres du Mexique, pour l’inclusion sociale au niveaulocal. Elle cherchera à établir des corrélations entre la collaboration, en 2008, du Système desNations Unies et de l’état du Chiapas, et la réduction de la pauvreté et l’amélioration de la

    santé maternelle dans la région, selon les études publiées en 2011. Cette enquête s’appuie au ni- veau méthodologique sur l’analyse de deux des Objectifs du Millénaire pour le Développement(OMD), en termes de santé maternelle et de réduction de pauvreté, via l’analyse statistiquedes programmes sociaux du Chiapas. Finalement, nous conclurons que le schéma de coopéra- tion entre l’ONU et l’Etat de Chiapas a permis, d’une part, la croissance du budget de l’Etatdans les dépenses sociales, et d’autre part, l’adaptation de la politique sociale (programmes)vis-à-vis des OMD. Les deux actions ont permis une amélioration sociale significative pour la population de l’état.

     Mots-clés

    Paradiplomatie - Coopération décentralisée - Autorités locales - Développement social - Inclu- sion sociale 

    Introduction

     Avant les rapports de 2010 sur le dévelop-pement social du Mexique, les indicateurstels que les indices de marginalisation, desous-développement social et de dévelop-pement humain ne présentaient pas de ten-

    dance à l’amélioration de la qualité de viede la population du Chiapas. L’indice de

    sous-développement social mesuré par leConseil National de l’Evaluation de la Poli-tique du Développement Social (CONE- VAL) en 2005 par exemple, positionnait leChiapas comme l’état le moins développédu Mexique. Cependant, les données pré-sentées par le même Conseil en 2010 mon-

    traient que l’extrême pauvreté dans la ré-gion s’était réduite de manière significative,

    Deuxième prix de recherche AL-LAS sur l’internationalisation des collectivités locales

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    ce qui permettait au Chiapas de ne plus êtrel’état le moins développé du pays.

    On constate que la réalité sociale du Chia-pas est en transformation, ce qui amène à

    s’interroger sur les possibles causes de cetteévolution. Depuis 2000, le gouvernementétatique est plongé dans le phénomènede la paradiplomatie : les actions réaliséespar l’administration publique du Chiapasdepuis 2008 avec les agences des NationsUnies, et qui ont permis la mise en placede l’Agenda ONU-Chipas et l’adaptation desa politique publique avec les Objectifs duMillénaire pour le Développement (OMD),

    permettent d’établir une relation de cause àeffet, considérant que l’inclusion des OMDdans sa politique sociale a eu un impact po-sitif sur l’amélioration de la qualité de vie desa population.La présente étude vise à analyser les pro-grammes sociaux que l’administrationpublique du Chiapas a développés (2007-2012), par l’observation et la mesure ducomportement des indicateurs qui ont un

    impact, en particulier sur deux OMD : lepremier, relatif à l’élimination de l’extrêmepauvreté et la faim, et le cinquième, lié àl’amélioration de la santé maternelle.La méthodologie définie pour atteindre cetobjectif comprend un examen des résultatssocio-économiques de l’état ; de l’activitéinternationale de l’administration locale,en observant en détail l’établissement del’Agenda ONU-Chiapas. Nous analyserons

    ensuite la structuration des programmes so-ciaux, en indiquant leurs contenus et leursbudgets. Enfin, nous reviendrons sur les ré-sultats par indicateur. Ainsi, nous pourronsexpliquer en quoi l’activité internationaledu Chiapas a permis l’inclusion sociale auniveau local.

    Chiapas : Contexte géographique etsocio-économique

    L’état de Chiapas1 est situé à l’extrême sud-1 Appelé occasionellement «entité» en référence à

    est du Mexique, il est délimité au nord parl’état de Tabasco, au sud, par l’Océan Paci-fique, à l’est, par la République du Guate-mala et finalement, à l’ouest par les états de Veracruz et du Oaxaca. Le Chiapas est com-

    posé de 118 municipalités, et représente3,8% du territoire national. Avec 73289km2, il se classe ainsi dixième dans le pays(INEGI, 2010). Actuellement, la popula-tion de Chiapas compte près de 5 millionsd’habitants, dont 51,4% sont des femmes.L’entité du Chiapas a connu une croissancesoutenue au niveau démographique. Entre2005 et 2010, le taux de croissance démo-graphique a été de 2,2%, l’un des plus éle-

     vés du pays. La population du Chiapas est jeune, avec un âge moyen de vingt-deuxans, et 34,3% de la population a moins dequinze ans. D’autre part, la population dela région est essentiellement rurale. Plusde la moitié des habitants vivent dans des villages de moins de 2500 personnes. LeChiapas est l’un des états du Mexique avecla plus grande population indigène : environ27,2% de la population de l’Etat est indi-

    gène (INEGI, 2010).

    La réalité économique de la population estdifficile. Selon les données du Recensementde la population et du logement de 2010,la région a enregistré un « taux de partici-pation économique »2 de 57,7% et un « ni- veau d’occupation »3  de 98%. Cependant,même si ces pourcentages peuvent refléterune population qui est active et productive,

    57,6% de cette population ne reçoit pas plusde deux fois le salaire minimum. Ces chiffresl’expression « entité fédérale » dans la constitutionmexicaine.

    2 Ce taux correspond au pourcentage de la populationéconomiquement active: des personnes qui ont eu uneactivité économique (population occupée) ou en cherchentune (chômeurs) sur une période de référence. (INEGI, 2015).

    3 Au Mexique, le « niveau d’occupation » est un indicateur quicomprend le pourcentage de la population occupée; ceuxqui effectuent une activité économique: qui travaillent aumoins une heure ou une journée pour produire des bienset / ou services indépendamment ou subordonnées avecou sans rémunération; qui sont absents du travail maismaintiennent une relation avec leur employeur; ou qui sontengagés dans le secteur primaire mais produisent des biende consommation (INEGI, 2015).

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    illustrent une inégalité importante, qui aune incidence négative sur l’économie del’Etat. Ainsi, 76,7% de la population souffrede pauvreté multidimensionnelle.

    Les indicateurs socio-économiques duChiapas révèlent, comme l’indiquentDewar et Viscarra (2009), que la situationcompétitive de l‘entité exige une atten-tion immédiate, pour offrir à ses habitantsles conditions du développement humain,comme elles existent dans d’autres régionsdu Mexique.

    Toutefois, selon l’information du CONE- VAL, en 2010, le Chiapas a cessé d’êtrel’entité avec le plus grand indice de sous-dé- veloppement social (IRS4) dans le pays, pas-sant en troisième position après le Oaxaca etle Guerrero. Le Chiapas se trouvait parmiles 10 Etats les plus avancés pour dix desonze indicateurs qui composent l’IRS, per-

    4 3 IRS: Indice qui rassemble différentes variables : éducation,accès aux services de santé, espaces de vie de qualité,services de base en matière de logement et biens desménages (CONEVAL, 2010).

    mettant la réduction de son sous-dévelop-pement, et pour quatre de ces indicateurs, ila été le plus avancé (analphabétisme, santé,plancher de terre, possession de machines à

    laver). Sur 118 municipa-

    lités, 51 ont amélioré leurIRS, et deux seulementont vu leurs situationss’aggraver, les autres lamaintenant constante.

    Concernant l’indice dedéveloppement humain(IDH)5, il enregistre aus-si une amélioration : de

    0,7078 en 2000, il passe à0,7395 en 2008 (PNUD,2011). Sur les 125 munici-palités mexicaines à l’IDHle plus faible, 28 se situentau Chiapas6. En ce quiconcerne l’Indice de Mar-ginalisation (IM)7, l’entitéa connu une amélioration,avec la diminution du

    pourcentage de personnesmarginali