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8/16/2019 Campagne pour la Tradition Stambeli Rapport sur la tradition stambeli aujourd'hui
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8/16/2019 Campagne pour la Tradition Stambeli Rapport sur la tradition stambeli aujourd'hui
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© Ce rapport a été produit par Art Solution (TN)
et rédigé par Valeria Meneghelli,
Responsable de la Recherche et de la Coordination pour la CTS chez Art Solution,
https://www.facebook.com/WeARTSolution/?fref=ts
https://www.tumblr.com/blog/campaignstambelitradition
dans le cadre de la « Campagne pour la Tradition Stambeli » (CTS).
La campagne sinscrit dans le cadre de
« Drame, Diversité et Développement dans la région Afrique du Nord-Moyen Orient »,
projet financé par lUnion Européenne, via le programme MedCulture, et
la Fodatio Pie Claus pou la ultue et le deloppeet, et is e œue pa :
Ce rapport a été produit avec l aide financière de lUnion Européenne. Le contenu de ce rapportrelève de la seule responsabilité dArt Solution et ne pourra en aucun cas être considéré commereflétant la position de lUnion Européenne.
Traduction du rapport en langue française par
Sonia Bouzouita
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Table des matières
Table des illustrations……………………………………………………………………………………………………………. 2
Acronymes et abréviations…………………………………………………………………………………………….……… 3Introduction……………………………………………………………………………………………………………………..…… 4
I. Brève présentation de la tradition sṭabēlĪ ……………………………………………………………….. 6
I.1. Aperçu historique…………………………………………………………………………………………………. 6
I.2. Principales pratiques rituelles………………………………………………………………………………. 9
I.3. Représentations non-rituelles………………………………………………………………………………. 11
II. Analyse de la situation actuelle………………………………………………………………………………….. 13
II.1. Système de logement………………………………………………………………………………………….. 13
II.2. La communauté……………………………………………………………………………………………………. 14
II.3. Opportunités de travail……………………………………………………………………………..…………. 15
II.4. Patiipatio à la ie soiale et ultuelle………………………………………………………………. 18
II.5. ‘ites………………………………………………….....………………………………………………………………. 19
II.6. Perception sociale…………………………………………………………………………………………………. 21
II.7. Patrimoine culturel……………………………………………………………………………………………….. 23
III. Recommandations………………………………………………………………………………………………………. 29
Conclusion…………………………………………………………………………………………………………….………………... 32
Annexe I – Table des translitérations………………………………………………………………………………………. 34
Annexe II – Liens externes………………………………………………………………………………………………………. 35
Annexe III – Travaux consultés………………………………………………………………………………………………… 36
Table des illustrations
1. Le groupe sṭabēlī « Lasmar Tounsi » ………………………………………………………………………….….. 12
2. Membres du groupe sṭabēlī « Sīdī ‘Abd el-Selē » jouant à La Goulette………………….……. 16
3. Le ausole de Sīdī Sa‘d……………………………………………………………………………………………….….. 21
4. Un ensemble de photos à « La Maison du Musicien » ………………………………………………….…… 27
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Acronymes et abréviations
CESCR – Committee On Economic, Social and Cultural Rights (Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels)
CMAM – Centre des Musiques Arabes et Méditerranéennes
CNSS – Caisse Nationale de Sécurité Sociale
HCDH – Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de lHomme
DUDH –
Déclaration Universelle des Droits de lHomme
UNESCO – United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization (Organisation des
Nations Unies pour léducation, la science et la culture)
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Introduction
Ce rapport a été rédigé dans le cadre du projet « Campagne pour la Tradition Stambeli » mis en
œue pa At Solutio, iiti e Fie 6 et pu pou se teie au piteps 6. Ce
projet a été conçu pour sensibiliser les autorités locales, les opérateurs culturels et les jeunes
artistes à la situation de crise que connaît la tradition sṭabēlī 1 aujourdhui.
La campagne fait partie du projet « Drame, Diversité et Développement dans la région Afrique du
Nord-Moyen Orient », co-financé par lUnion Européenne – à travers le programme MedCulture –
et la Fodatio Pie Claus pou la ultue et le deloppeet, et is e œue pa Mioit
Rights Group International, Civic Forum Institute Palestine, Andalus Institute for Tolerance and
Anti-Violence Studies et la Fondation Prince Claus pour la culture et le développement.
Le but ultime de cette campagne ambitieuse est d accroître le respect de la tradition sṭabēlī et
de ses héritiers. Ce rapport doit donc être considéré à la fois comme une tentative de faire la
lumière sur létat réellement préoccupant de la tradition sṭabēlī en Tunisie et comme un appel à
entreprendre des actions immédiates visant à préserver une tradition qui, à défaut d être
sauvegardée, court le risque de séteindre.
Ce rapport est le résultat dun certain nombre dentretiens approfondis avec les principaux
membres et adeptes de la communauté sṭabēlī de Tunis, réalisés en février-mars 2016 ; de
consultations auprès de spécialistes et de chercheurs dans la musique et le domaine culturel ; de
lanalyse de sources écrites et audio-visuelles (web, livres, brochures, documents darchives du
Centre des Musiques Arabes et Méditerranéennes de Sidi Bou Said – CMAM) ; et de lassistance à
des événements de musique sṭabēlī organisés en février-mars 2016.
1
Remarque sur la transcription : afi dite toute ofusio, les tees e aae / tunisien seront transcrits dans lasuite du douet e utilisat le sste idiu das le Taleau de lAee I du pset appot. Lothogaphe
utilisée est basée sur la prononciation orale tunisienne. Les noms des villes et des lieux géographiques sontorthographiés selon les transcriptions françaises couramment utilisées.
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Le contenu de ce rapport est organisé en trois parties principales. La première partie situe la
tradition sṭabēlī dans une perspective historique. Loin de vouloir illustrer la tradition sṭabēlī de
façon exhaustive, cette partie se propose de fournir au lecteur des informations qui pourraient lui
être utiles pour la compréhension des parties suivantes. La deuxième partie précise la situationactuelle et les principales problématiques. Enfin, la troisième partie présente des
recommandations et des conseils pour faire face à la situation actuelle critique de la tradition
sṭabēlī et de ses héritiers.
Le présent rapport entend notamment exhorter les autorités locales tunisiennes à s engager dans
des actions visant à préserver et à réhabiliter le patrimoine traditionnel du sṭabēlī ,
conformément à la Convention de lUNESCO pour la Sauvegarde du Patrimoine Culturel
Immatériel (2003)2.
2 Ratifié par la Tunisie par la loi 2006-21 du 8 mais 2006.
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I. Brève présentation de la tradition s ṭambēlī
I.1. Aperçu historique
Le mot sṭabēlī désigne à la fois une musique de transe et de guérison et un ensemble decoutumes et de pratiques qui représentent un phénomène de syncrétisme entre des caractères
sub-sahariens, sahariens et nord-sahariens. Dune manière générale, ce terme est souvent utilisé
pour désigner toutes les traditions musicales tunisiennes avec un fort caractère noir ou sub-
saharien. Cependant, toutes ces traditions diffèrent les unes des autres en termes d origine, de
communauté à laquelle elles se réfèrent, dinstrumentation, de répertoire, de coutumes et de
rituels. Chacune dentre elles est dailleurs généralement connue sous un autre nom qui lui est
spécifique. Dans ce cadre, sṭabēlī est aussi le nom spécifiquement attribué à des pratiques
musicales de guérison utilisées à Tunis, et à l ensemble des coutumes qui leur sont associées3.
Dans ce rapport, le terme sṭabēlī sera employé pour faire référence à la tradition sṭabēlī
propre à la région de Tunis.
Les preuves semblent manquer pour déterminer le moment où la tradition sṭabēlī est apparue.
On peut supposer quelle remonte à danciennes tendances préislamiques de métissage entre les
populations sub-sahariennes et sahariennes et entre leurs caractères culturels ; un tel métissage
pourrait effectivement être considéré comme le substrat profond sur lequel reposent les systèmes
musicaux traditionnels tunisiens. Néanmoins, la tradition sṭabēlī est généralement associée à
lhistoire des esclaves noirs de Tunisie, alors que la période ottomane tardive reste
incontestablement la période que les membres des groupes sṭabēlī considèrent comme sa
période de prospérité (pendant un certain temps, des cérémonies sṭabēlī avaient lieu à la cour).
En fait, bien que la traite négrière eût lieu tout au long des périodes islamique et pré-ottomane,
elle augmenta de façon substantielle au cours de cette dernière période. Les nouveaux arrivants,
qui étaient employés principalement dans lagriculture, dans larmée ou en tant que serviteurs à la
cour ou dans les résidences des nobles, étaient plus ou moins introduits à la religion musulmane et
auraient ramené avec eux leurs propres traditions, langues et cultes. Par conséquent, l on peut
3 Due manière générale, le terme sṭabēlī est aussi souvent utilisé pour désigner la musique syncrétique et latradition rituelle noires tunisiennes de Sfax, étant donné que le gobī (genre de luth) joue un rôle central similaire à
elui ostat à Tuis. Cepedat, puisuauu joueu de gobī faisat autoit e peut te tou à Sfa à lheueactuelle, la terminologie devra éventuellement être revue – en fait, comme ce genre de processus passegaleet das les soits pa u phoe dadaptatio su le log tee, il est possile ue, quand une tellemise à jour arrivera, le sṭabēlī aura subi des changements encore plus radicaux, à la fois à Sfax et à Tunis.
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supposer que ces identités culturelles en provenance des pays aux confins de lAfrique centrale et,
en particulier, de la région de Kanem-Bornou (qui, dans une certaine mesure, avait déjà été
islamisée pendant le XIe siècle), se mêlèrent progressivement à celles partagées par la population
locale, combinant certains aspects de leur culture et de leur religion animiste à descaractéristiques traditionnelles locales préexistantes ainsi quà des particularités de lIslam et du
culte soufi des saints.
Dans la ville de Tunis, cette tendance connut sans doute un élan entre le dix-huit et le dix-
neuvième siècle, quand les membres de la communauté sub-saharienne étaient organisés en un
système de maisons communales. La vie sociale et privée des résidents était réglementée par la
législation ottomane et chaque ménage était organisé selon une division hiérarchique des rôles.
Les maisons communales devinrent une sorte de refuge pour tous les Noirs (généralement
regroupés en fonction de leur origine ethno-linguistique) qui vivaient – ou venaient darriver – en
Tunisie. Cette tendance se poursuivit même après l abolition de lesclavage en 1846 et jusquà très
récemment. Dans ces maisons, les descendants dAfricains de différentes origines ethniques se
mélangèrent les uns avec les autres ainsi quavec le groupe majoritaire des Tunisiens avec lequel
ils étaient forcément en relation4. Lexécution des rituels et la vie communautaire permirent aux
résidents des maisons communales de partager les coutumes, les langues ainsi que laconnaissance de la musique, de la danse, de la cuisine, des remèdes médicinaux et des récits
oraux. Ces connaissances, qui sont à la base de la tradition sṭabēlī , étaient transmises de
mère/père en fils/fille, ou de maître à disciple et, dans une certaine mesure, partagées avec les
adeptes ainsi quavec la majorité de la population de Tunis5.
Au vu de ces éléments, il ne serait pas anachronique de considérer l époque ottomane comme la
période durant laquelle la communauté sṭabēlī était devenue un groupe socio-culturel reconnu
par lÉtat, dont les activités étaient de plus en plus reconnues par la population.
Pourtant, même si de nombreux musulmans attribuaient aux populations noires des connexions
spéciales avec le monde du surnaturel, étant donné la nature des pratiques du sṭabēlī et leur
interconnexion avec lAfrique subsaharienne, la communauté sṭabēlī a toujours occupé une
4 Comme le prouve la proportion des membres de groupes sṭabēlī descendant de familles métissées, au fil du temps,
les mariages mixtes étaient devenus de plus en plus courants.5 Cette théorie est basée sur le livre de Richard C. Jankowsky Stambeli; Music, Trance, and Alterity in Tunisia , The
University of Chicago Press, Chicago and London, 2010, et a été confirmée par la majorité des personnes interviewées.En fait, une organisation similaire en maisons communales se trouverait à Beja, Sousse, Bizerte et Gabès.
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place controversée dans la société tunisienne et a souvent été confinée dans ses secteurs les plus
humbles. Cependant, cette marginalisation sociale des esclaves affranchis elle-même et leur
rassemblement dans de petites communautés peuvent être considérés comme deux facteurs
importants, probablement à lorigine de létablissement – et de la préservation au fil du temps – des cultes de la musique sṭabēlī parmi la population noire de Tunis et ses descendants.
Lorsque la Tunisie devint un protectorat français, les représentations de rituels sṭabēlī
demeurèrent autorisées par les colons. Ensuite, certains membres des groupes sṭabēlī furent
employés comme terrassiers : dans la capitale, ils travaillèrent à la construction de bâtiments et
dinfrastructures6. Dautres furent employés comme domestiques ou artisans tandis que les
femmes, entre autres occupations, utilisaient leurs connaissances culinaires pour préparer des
recettes spéciales pour les voisins et autres clients de l extérieur. En outre, les cérémonies de
guérison représentaient encore une forme importante de revenus pour les membres des groupes
sṭabēlī .
Après lindépendance de la Tunisie, les coutumes sṭabēlī ont été particulièrement méprisées par
le nouvel establishment politique, à un tel point quelles ont été découragées, que certains
ausoles de la ouaut ot t fes oe das le as de Sīdī Sa‘d, Mornag) et que leur
patrimoine musical et de danse sont restés non représentés par les institutions nationales. Dans la
deuxième partie des années 1960, le sṭabēlī suscita un certain regain dintérêt auprès des
autorités tunisiennes, quoiquaucune stratégie officielle pour sauvegarder le patrimoine
correspondant à cette tradition nait été mise en place. Depuis lors, la tradition a été exposée à
une tendance de plus en plus prononcée de « folklorisation » ou de « vulgarisation ». En outre,
malgré les quelques tentatives timides de certains chercheurs locaux et étrangers pour réhabiliter
la tradition, sa survie repose essentiellement sur les initiatives privées des membres de groupes
sṭabēlī qui, actuellement, font face à de sérieux problèmes au quotidien. Ces aspects seront
traités de façon plus détaillée dans la deuxième partie de ce document.
6
Ils taiet appaeet apales de dpasse lpuiseet iduit pa leffot phsiue e aopagat leus pasrythmés de chants : ils se asselaiet e foe de ele, leu aîte diigeait lehaîeet des hasos et,pour casser des pierres ou réparer la chaussée, ils frappaient un bâton au sol pour produire un son rythmique. Cetteactivité portait le nom de zēah.
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I.2. Principales pratiques rituelles
La tradition Sṭabēlī se concentre principalement sur le culte des saints et sur la pratique de
cérémonies de guérison qui sont assez spectaculaires.
Les rituels peuvent se tenir aussi bien en privé qu en public. La cérémonie de guérison elle-mêmeest généralement privée : on y traite des cas particuliers et il s y produit toujours une transe7. En
fait, selon la tradition Hausa bori par laquelle le sṭabēlī a été fortement influencé, les gens sont
touchés par un grand nombre de maladies qui pourraient être dues à la manifestation dun esprit.
Pour rétablir une bonne relation avec lesprit, il faut passer par un cérémonial très codifié où la
musique, la danse et les symboles sont destinés à conduire vers un état de transe de possession,
puis vers la guérison. En fait, ni les musiciens, ni les danseurs de sṭabēlī ne sont réellement
capable dapporter la guérison. Ils sont tout simplement les « connecteurs » entre les hommes et
les esprits. Seuls les esprits ont le pouvoir de guérison : il leur revient de décider si le rituel musical
leur donne satisfaction et, par conséquent, sils peuvent se concilier avec la personne concernée.
Comme ces cérémonies ne sont pas des exorcismes, elles doivent généralement être reproduites
une fois par an pour maintenir un bon équilibre entre les parties8.
Les manifestations publiques peuvent avoir lieu lors dévénements non-rituels tels que les festivals
ou les parades (comme dans le cas de la parade deBū Sa‘
diyyah), ou dans des circonstancesrituelles comme la ziyāah (pèlerinage au mausolée du saint patron de chaque maison / groupe
familial) pendant laquelle lensemble de la communauté participe aux célébrations de musique, de
danse et de transe typiques de ces occasions. Par le passé, les pèlerinages avaient lieu chaque
année pendant une période dédiée qui a été modifiée à plusieurs reprises au fil du temps. Ils
étaient aussi nombreux que le nombre de maisons communales9. Le pèlerinage était une forme
dhommage aux saints – et une obligation – à laquelle tous les membres des groupes sṭabēlī
prenaient part au moins une fois par an. Chaque groupe (habituellement d une même origine
ethno-linguistique) ou maison communale effectuait le pèlerinage au mausolée de son saint
patron et participait aux pèlerinages des autres groupes, le pèlerinage majeur étant organisé dans
7 Malgré le caractère privé de ces cérémonies, un certain nombre de personnes sélectionnées peuvent y assister.8 En réalité, cet aspect peut varier. En fait, selon le système de croyances du sṭabēlī , il y a les « bons » et les
« mauvais » esprits. Les bons esprits, si traités convenablement, peuvent effectivement quitter le corps affligé. Dansce cas, la personne atteinte est considérée comme totalement rétablie. Au contraire, les « mauvais » esprits peuvente jaais uitte leu hôte. Ue oie de guiso auelle peut alos sae essaie pou aitei leffet
du traitement curatif sur la durée.9 La majorité des personnes iteiees ot attest uà u oet idtei du igtie sile, il aait
quatorze maisons communales à Tunis ; toutefois, ces personnes appartenant à une génération plus jeune, cesdonnées devraient être vérifiées plus avant.
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le ausole de Sīdī Sa‘d (Mornag). Les pèlerinages étaient ainsi des moments de rassemblement
et déchange collectifs.
Dune manière générale, aussi bien dans les manifestations privées que publiques, on trouve de la
musique, de la danse et des pratiques rituelles. La musique se déroule selon des règles très
strictes. Chaque pièce (rythmique ou mélodique, avec ou sans sections vocales), appelée ūbah
(pl. nueb), est associée à un saint ou un esprit et doit être jouée en respectant un ordre
hiérarchique. En fait, le système de croyances du sṭabēlī comprend à la fois des saints
musulmans / tunisiens (awliyā , sing. walī , autrement appelés les « Blancs ») et des esprits (ṣālḥī,
sing. ṣāliḥ, les « Noirs ») émanant de contextes sub-sahariens. Les saints et les esprits sont
regroupés en familles qui donnent leur nom aux salēsil (sing. silsilah, ou chaîne de nueb). Chaque
famille desprits est associée à une couleur différente et à chaque saint ou esprit peuvent être
associées des caractéristiques et des pouvoirs divers. Les rituels impliquent généralement : le
sacrifice danimaux (labattage se fait généralement au début de la cérémonie), la combustion
dencens, le matériel rituel, la consommation daliments, les gestes codifiés et les cadeaux (ceux-ci
peuvent être de natures différentes et peuvent être offerts par les interprètes à l assistance ou
vice versa) et, bien évidemment, les prestations de danse et de musique. Quant au pèlerinage, il
commence généralement par une parade qui suit un parcours spécifique avec des arrêts codifiés.Il peut par ailleurs impliquer, outre les éléments déjà mentionnés, l utilisation dun attirail spécial
(par exemple, les saāji, sing. sanjaq, bannière), dinstruments, de répertoires de musique et de
danse particuliers, la préparation de plats spéciaux et une organisation spécifique pour le
déroulement du rituel.
La musique, lorsquelle est correctement exécutée, a le pouvoir dinvoquer les saints et les esprits
du système de croyances du sṭabēlī . Elle est toujours dirigée par le yinnah (pl. yiawēt ), maître
du gobī (luth à corps arrondi pas si différent du molo ghanéen), chanteur et principal détenteur
de la tradition. Les ṣuā‘ , ou groupe de musiciens, accompagnent le yinnah en jouant
généralement des shaāshi (deux ensembles de cymbales métalliques de forme arrondie) et en
chantant. Même si, de nos jours, certains dentre eux sont quasiment inutilisés, dautres
instruments peuvent être impliqués selon les circonstances et les moments de l année / du jour :
ṭ ablah, kokutū, dudfah, aṣ‘ ah lūḥ, gabaā, fakr ū, gūgay . Dans certains cas, le bedī peut
également être joué (même si celui-ci ne peut être classifié comme instrument d origine sub-
saharienne).
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La ‘ aīfah (pl. ‘ aāyef ) – qui peut être une femme ou un homme – est la principale connaisseuse en
matière de danse. Elle a des pouvoirs divinatoires, elle peut établir le diagnostic et indiquer les
prescriptions. On croit quil / elle bénéficie dune connexion spéciale avec un saint ou un esprit –
ou les deux – du système sṭabēlī . Cependant, le rôle attribué à la‘ aīfah peut varier en fonction
de linterprétation différente de chaque groupe sṭabēlī : il / elle peut être la personne désignée
pour superviser la transe de possession ou plutôt celle qui va la vivre pour permettre la
« connexion » entre la personne atteinte et les esprits. Une kashākā peut lui servir dassistant(e)
aussi bien dans le privé que pour les rituels et la vie professionnelle. Le répertoire de danse, de
même que celui de la musique, varie en fonction de la nature de la représentation, des
circonstances, des besoins et des personnes participant à la réunion. Il peut être de différentes
natures (loisir, transe ou possession). Chaque ūbah et, par conséquent, chaque saint et chaque
esprit, est associé à une danse et à une fonction de la danse spécifiques.
Aujourdhui, les représentations rituelles se produisent de moins en moins souvent, ce qui fait que
certaines pièces du répertoire rituel ne sont presque plus jouées. Si, par le passé, les groupes
sṭabēlī pouvaient être considérés comme une sorte de confrérie (étant donnée la similitude
entre leur organisation sociale et leurs expressions rituelles avec les pratiques soufies),
aujourdhui, ils agissent de plus en plus comme « troupes » en jouant dans des concerts et deslieux de spectacles pour des audiences de moins en moins au fait de la complexité des
significations de la tradition sṭabēlī .
I.3. Représentations non-rituelles
Une partie limitée de la tradition sṭabēlī sest toujours exprimée dans des représentations non
rituelles. Depuis une époque relativement récente (autour des années 1960), la musique sṭabēlī
a commencé à se jouer aux côtés de spectacles dillusionnisme et de musique populaire dans les
cafés et les hôtels autour de la capitale pendant le mois de Ramadan ; par ailleurs, l habitude
dinviter des groupes sṭabēlī pour célébrer les mariages est devenue de plus en plus en vogue.
Toutefois, habituellement, seule une sélection stricte de nueb est jouée et dansée dans ces
contextes et seuls quelques outils et formes rituels peuvent être représentés, sécartant souvent
des schémas rituels établis.
Cependant, aujourdhui, les possibilités de travail dans les environnements non-rituels sont
globalement moins fréquentes que par le passé. La musique sṭabēlī reste marginale dans le
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marché artistique local et international et, même si certains artistes sṭabēlī jouent dans des
festivals et des spectacles épars, les conditions générales sont en train de les pousser à
abandonner leur métier dartiste. Par conséquent, si aucune stratégie pour préserver et accroître
le respect du sṭabēlī nest mise en place, ce patrimoine court un risque sérieux dextinction. Uneanalyse approfondie des conditions actuelles et dautres considérations suivront dans la section ci-
dessous.
1. Le groupe sṭambēlī « Lasmar Tounsi » présentant le spectacle « Sṭambēlīnā Dūngā » le 13 février 2016 au
théâtre Le Mondial à Tunis.(Photo par Chouaib Brik)
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Tous ces facteurs, ainsi que dautres éléments tels que la concurrence accrue entre les groupes
(voir point II.3), la diminution des représentations publiques rituelles (voir les points II.3 et II.5) et
le changement des conditions de vie et des attentes vis-à-vis de l existence, ont contribué à
léparpillement des héritiers de la tradition sṭabēlī ainsi quà la détérioration de leur sens du liencommunautaire.
II.2. La communauté
Bien que les membres et le réseau des groupes sṭabēlī ne puissent pas être considérés comme
une minorité dans le sens communément admis du terme, ils représentaient, jusqu à une époque
relativement récente, un groupe social composé de personnes dont linterrelation était basée sur
un certain sens de lunité et de linterconnexion. Le terme « communauté » ne serait donc pas
inapproprié dans la mesure où il est appliqué à des groupes dindividus partageant des spécificités
culturelles et linguistiques communes, une solidarité sociale et une organisation à caractère
hiérarchique. Cependant, même si les membres de certains groupes sṭabēlī se considèrent
toujours comme faisant partie dune même « famille », la situation a connu de sérieux
changements.
Comme mentionné plus haut, lorsque les groupes sṭabēlī furent reconnus comme unités sociales
distinctes à lépoque ottomane, ils étaient composés de personnes noires (généralement des
esclaves affranchis) ou dascendance africaine originaires pour la plupart dAfrique centrale11.
Aujourdhui, ils sont soit dascendance africaine de troisième, quatrième ou cinquième génération
– naturalisés comme les autres Tunisiens noirs – , soit des Tunisiens blancs.
En fait, nonobstant les témoignages contraires, le lien familial ou lascendance africaine ne sont
pas les seules caractéristiques attestant de lappartenance dun individu à la communauté
sṭabēlī . Dune manière générale, lacceptation dune personne comme membre légitime de la
« communauté » ou de la « famille » peut également être due à : la qualité de la formation quelle
a reçue ; la position hiérarchique ou lorigine de la personne ayant dispensé la formation ou
transféré les connaissances ; le temps quelle a passé avec les grands maîtres de la tradition ou les
membres « légitimes » de la famille ; lattitude personnelle et lengagement. Dans le sṭabēlī , la
notion de famille doit donc être comprise dans un sens plus large : elle englobe un large éventail
de degrés de proximité et dinterrelation entre les membres qui partagent une connaissance et un
sentiment dappartenance à des groupes identitaires de petite taille (familles individuelles) ou plus11
Comme les membres des familles sṭabēlī e sot pas osids oe ue ioit, ils ot atuelleet pasde statut spécial les démarquant du reste des Tunisiens.
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étendus (communauté sṭabēlī dans son ensemble). Aujourdhui, cet aspect se dégrade à grande
vitesse.
Il faut reconnaître que : le manque de renouvellement des générations ; les conditions de travail et
le niveau de vie défavorables ; la mise en place de mauvaises pratiques dexploitation de lhéritageculturel commun ; le déclin du système de maisons communales ; le changement d organisation
de la structure familiale ; la perte des connaissances relatives à certains caractères culturels
communs (par exemple les langues dAfrique subsaharienne) et labsence durable de politique
dintégration visant à lutter contre les préjugés envers les descendants dAfricains et la tradition
sṭabēlī , ont considérablement réduit le nombre de personnes appartenant ou gravitant autour
des groupes sṭabēlī .
Dans certains cas, tous ces facteurs ont amené un nombre important de personnes à se détacher
des autres membres et de la tradition elle-même, si bien quaujourdhui, lutilisation du terme
« communauté » pourrait sembler presque anachronique. Une érosion du sens de lappartenance
communautaire peut être constatée dune façon plus générale. En fait, les connexions entre les
membres des groupes de Tunis avec ceux dautres groupes disséminés dans le pays et ayant le
même genre de pratiques traditionnelles ont sérieusement diminué. Ceci est principalement dû à
labsence de possibilités déchanges, précédemment offertes par laccomplissement des devoirs
rituels et la célébration dévénements spéciaux (par exemple les pèlerinages).
II.3. Opportunités de travail
Dune façon générale, on constate que les héritiers de la tradition sṭabēlī à Tunis souffrent dune
forte réduction des opportunités de travail. Les principales causes identifiées sont les suivantes :
A. Une méconnaissance croissante par le grand public de la tradition sṭabēlī en tant quensemble
de pratiques. Il a été rapporté que, dans certains cas, ceci serait aggravé par les médias qui
diffuseraient une image biaisée ou folklorique de la tradition sṭabēlī . Cette tendance impacterait
donc la possibilité pour le grand public de comprendre la complexité de la tradition sṭabēlī et de
faire appel aux groupes sṭabēlī pour différents services.
B. Une méfiance grandissante quant à lefficacité et le professionnalisme des groupes sṭabēlī .
Ceci est dû à la présence, sur le marché du divertissement, de mauvaises pratiques consistant en
lutilisation de lhéritage musical et de la danse par des individus sans réelle connaissance et sans
lien avec ce patrimoine ni avec les professionnels fiables.
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C. Malgré lengagement de lÉtat tunisien à promouvoir et à développer le patrimoine national de
façon équitable pour toutes les parties, comme énoncé à larticle 42 de la Constitution tunisienne
(2014, désignée dans la suite du document par la Constitution tunisienne) et à se conformer à la
prévention de toutes les formes de racisme, comme mentionné à larticle 1-24 du Rapport de
lÉtat partie soumis par la Tunisie au HCDH en vertu du CESCR (E/C.12/TUN/3, Juin 2015 – désigné
dans la suite par Rapport de lÉtat partie soumis par la Tunisie au HCDH en vertu du CESCR), le
manque cruel dévénements publics institutionnels dédiés visant à accroître la connaissance et le
respect de la tradition parmi le grand public contribue encore à saper les chances d employabilité
des groupes sṭabēlī .
D. En dépit de la volonté de lÉtat tunisien de permettre le renouvellement de la culture nationale,
et son engagement à protéger le patrimoine culturel comme énoncé à l article 42 de la
Constitution tunisienne, il a été observé un manque de mesures publiques visant à favoriser
lexpérimentation artistique et le dynamisme de lindustrie créative dans le domaine de la
musique traditionnelle.
2. Des membres du groupe sṭambēlī « Sīdī ‘Abd el-Selēm » jouant dans la rue à La Goulette après que la
Mairie locale a refusé de leur fournir l’électricité pour l’équipement technique de scène – cette dernière avait
été montée sur la place principale de la ville. (Photo par Valeria Meneghelli)
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E. Une augmentation des prix des représentations rituelles et commerciales de sṭabēlī due aux
stratégies commerciales ises e œue par des individus agissant comme décisionnaires du
business et contrôlant la relation entre les recruteurs et les musiciens à recruter.
F. La stagnation du tourisme et des marchés culturels qui affecte l ensemble du pays. Il convientdajouter ici que, même si un certain nombre de cas ont prouvé que le fait de combiner
patrimoine et tourisme durable pouvait combler les besoins pour l application des pratiques de
sauvegarde, et quen dépit de la création de nouveaux marchés (UNESCO, Sauvegarde du
patrimoine immatériel et tourisme culturel durable, 2007), aucune tentative dintégrer la tradition
sṭabēlī dans les politiques touristiques de long terme visant à promouvoir le patrimoine national
tunisien na été faite jusquà présent ; ainsi, lappel à développer des moyens innovants
permettant aux communautés de faire face aux problèmes actuels est resté presque sans réponse.
G. Les délais excessivement longs nécessaires à lobtention dun financement ou dune
autorisation de lÉtat pour les projets individuels découragent les acteurs du sṭabēlī de prendre
des initiatives personnelles pour promouvoir leurs propres projets artistiques.
H. Même si ceci a été signalé à un moindre degré, il convient de mentionner que certaines
personnes interrogées ont dénoncé lexistence de préjugés raciaux au sein du groupe majoritaire
des Tunisiens et ont évoqué la crainte du harcèlement par les islamistes radicaux. Ces éléments
ont été désignés comme autant de raisons supplémentaires décourageant les gens de faire appel
aux groupes sṭabēlī pour effectuer ou réitérer les pratiques de guérison annuelles dans les
habitations privées12.
Ces facteurs ont généré :
- une diminution de la demande pour les pratiques de guérison dans les habitations privées,
ce qui représentait une source importante de revenu pour les héritiers de la tradition
sṭabēlī .
- une concurrence croissante entre les groupes sṭabēlī , ce qui compromet sérieusement la
cohésion sociale des membres des groupes ainsi que leur chance de partager, de
communiquer et de se transmettre mutuellement la connaissance de la tradition et les
bonnes pratiques de travail.
- une demande de services bien moins diversifiée.
12 E gle gale, toute pesoe aat fii ue fois due oie de guiso pour remédier à une
aladie deait eouele le ituel haue ae afi de aitei u o uilie ae lespit ui la afflige oi
partie I, section I.2. du présent document).
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- labandon de la tradition par un nombre croissant dindividus.
II.4. Participation à la vie sociale et culturelle
En référence à larticle 22 de la Déclaration universelle des droits de lhomme (DUDH, 1948,désignée dans la suite par DUDH), toute personne a le droit, tel que garanti par lÉtat, à la
satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre
développement de sa personnalité. Pourtant, aujourdhui, le droit des membres des groupes
sṭabēlī à prendre part à la vie culturelle semble limité :
A. Bien que le gouvernement tunisien ait déclaré vouloir mieux garantir le droit des individus
davoir un rôle dans la vie culturelle, et malgré sa volonté de garantir le droit à un travail
décent sans aucune discrimination de sexe, dorigine ethnique, de couleur de peau ou de
croyance (cf. Art. 2-28 du Rapport de lÉtat partie soumis par la Tunisie au HCDH en vertu
du CESCR et Art. 40 de la Constitution tunisienne), aucun plan spécifique n a été mis en
place pour assurer aux professionnels des groupes sṭabēlī la pleine jouissance de ces
droits.
B. Les circonstances précédemment mentionnées et qui ont conduit les membres des
groupes sṭabēlī à mettre fin aux pèlerinages annuels les ont privés d occasions
importantes déchange et dexpression de leur croyance en société.
C. Bien que larticle 42 de la Constitution tunisienne stipule que « Le droit à la culture est
garanti. La liberté de création est garantie. LÉtat encourage la créativité culturelle et
soutient la culture nationale dans son enracinement, sa diversité et son renouvellement,
en vue de consacrer les valeurs de tolérance, de rejet de la violence, d ouverture sur les
différentes cultures et de dialogue entre les civilisations. L État protège le patrimoine
culturel et en garantit le droit au profit des générations futures. », aucune mesure réelle
na t ise e œue pou faoise le deloppeet pesoel ou atistiue des
groupes sṭabēlī . En particulier, il faut bien noter quaucun fonds na été affecté à la
valorisation du patrimoine sṭabēlī et quaucun programme de formation professionnelle
na été mis en place pour favoriser le développement professionnel des membres des
groupes sṭabēlī . En outre, labsence de festival dédié et dévénements pouvant
contribuer à la réhabilitation des groupes sṭabēlī dans la société confirme les anciens
schémas de négligence et de marginalisation de cet héritage et de ceux qui lereprésentent.
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D. Malgré les progrès de la Tunisie en matière de développement de régimes spéciaux de
couverture sociale « pour ceux qui ont un revenu limité et [...] pour les artistes, les
créateurs et les intellectuels », comme énoncé à larticle 9-115 du Rapport de lÉtat partie
soumis par la Tunisie au HCDH en vertu du CESCR, les régimes actuels de la CaisseNationale de Sécurité Sociale (CNSS) semblent incapables d offrir aux membres des
groupes sṭabēlī des coûts abordables et des avantages sociaux équitables. Ceci, conjugué
à la diminution des revenus des membres des groupes sṭabēlī , affecte leur niveau de vie
et leur possibilité de contribuer activement à la fois à la vie sociale et à la vie culturelle.
Dune manière générale, la situation globale de la communauté dartistes sṭabēlī affecte leurs
opportunités en termes demploi, de mariage et dinclusion sociale. En outre, labsence dune
stratégie visant à améliorer le respect de leur tradition et de leurs pratiques impacte sérieusement
leur possibilité de choisir librement leur profession et dexploiter leur patrimoine culturel comme
moyen de développement personnel et professionnel. Dautre part, ces mêmes éléments
empêchent les adeptes, les personnes qui gravitent autour des groupes sṭabēlī et le public
davoir un accès facile à une partie importante de leur patrimoine national.
II.5. Rites
Comme mentionné précédemment, aujourdhui, les cérémonies de guérison se font très rares.
Ceci, ainsi que larrêt des pèlerinages, a un impact négatif sur la conservation du patrimoine. En
outre, le premier facteur a fortement affecté les revenus des membres de groupes sṭabēlī et
provoqué une double tendance : tantôt le prix des cérémonies est fortement déprécié, tantôt il est
augmenté au point de décourager les gens de solliciter des prestations.
En ce qui concerne les pèlerinages, les mausolées les plus importants, encore visités jusquà il y a
uelues aes, taiet Sīdī Sa‘d Moag, Tuis et Sīdī Faj La Souka, Tuis. Sīdī ‘Amar
(Raoued, Tunis), bien que dans une moindre mesure, était encore visité par certains membres de
groupes sṭabēlī jusquà leur décès (le dernier dentre eux est décédé cette année). Le mausolée
de Sīdī ‘Alī al-Asmar (connu sous le nom de Sidi Ali Lasmar, Tunis) a récemment été converti en
résidence pour un membre dune troupe sṭabēlī mais des cérémonies y ont lieu assez
fréquemment. Toutefois, aucune preuve de lien historique avec les pèlerinages ne peut être
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certifiée concernant cet endroit13. Le ausole de Sīdī ‘Alī al-Mekkī Gha el-Melh, Bizerte)
accueille toujours des pèlerinages de façon occasionnelle.
Aujourdhui, la fragmentation de la communauté et linstauration de mauvaises pratiques
dexploitation de la tradition – trahie pour des raisons purement matérielles – ont modifié la
nature de la ziyāah. Celle-ci, quand elle est effectuée, est passée dun rassemblement collectif
auquel tous les membres des groupes pouvaient participer à un événement ouvert à un nombre
limité de participants sélectionnés selon leurs liens personnels avec les organisateurs ou la
motivation et les préférences de ces derniers.
Par ailleurs, dautres facteurs découragent le maintien de la ziyāah :
- Labsence de politique de préservation des mausolées en tant qu éléments du patrimoine
culturel matériel a eu un impact négatif sur leur attractivité – ils ont par exemple subi des
transformations sauvages.
- Le décès des aînés et le relâchement des liens avec la tradition au sein de la nouvelle
génération.
- Les membres des groupes ne peuvent pas se permettre les coûts des cérémonies. Pour la
même raison, la durée des pèlerinages est passée de trois jours à une seule journée14. Dans
certains cas, ils ont été remplacés par une cérémonie dune journée célébrée à la résidencede la ‘ aīfah (cest-à-dire une sha‘ bāiyyah).
- Les membres des groupes estiment que les pratiques aussi bien que le pèlerinage lui-
même ont perdu en authenticité.
Larrêt ou les transformations quont subis les pèlerinages qui étaient des occasions importantes
pour les gens non-initiés de découvrir les cultes du sṭabēlī , ont aggravé la méconnaissance de la
tradition et ont contribué à la diminution de la demande pour les pratiques de guérison privées.
Un exemple concret de la façon dont l ignorance peut alimenter les préjugés a été offert par les
gardiens dun mausolée. Lors de lentretien, ils ont déclaré que, indépendamment du fait que le
pèlerinage soit effectué ou non, tous les rites sṭabēlī sont « un mensonge », « un péché » – sous-
13
Selon certaines personnes interrogées, le mausolée peut être associ ae daiees epsetatios de dabdabū. Ue setio usiale spiale du ituel de pleiage à loigie effetu pa les fees ui, à Sīdī Alī el-Asmar,tait pte et tedue si ie uelle deit ue oie à pat etie. 14
Laugetatio du oût de la ie, la diiutio des eeus des ees des goupes sṭabēlī – due à laseede demande de cérémonies de guérison – et la fragmentation de la communauté (traditionnellement, tous lesmembres contribuaient à couvrir les frais) peuvent être considérés comme des raisons supplémentaires expliquantune telle tendance.
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entendu quils ne sont pas conformes aux préceptes de l Islam – , quand en fait la ziyāah et la
tradition sṭabēlī dans son ensemble sont principalement pratiquées au nom de Dieu et pour sa
bénédiction.
II.6. Perception sociale
Comme mentionné précédemment, les membres des groupes sṭabēlī peuvent être décrits
comme un grand groupe de personnes partageant un patrimoine syncrétique tunisien. Ils peuvent
être : A. dascendance africaine naturalisés ; B. tunisiens métis ; C. tunisiens blancs ou
dascendance africaine, disciples de personnes appartenant à l une des catégories précédentes. En
tant que tels, ils sont arabophones musulmans et citoyens tunisiens. Cependant, dans une certaine
mesure, la population les perçoit encore, ainsi que leur tradition, comme pas complètement
tunisiens. Ceci est le résultat dun certain nombre de facteurs.
Tout dabord, des années de négligence et de marginalisation sociale de la communauté noire
tunisienne (desclaves / esclaves affranchis), auxquels les groupes sṭabēlī appartenaient, et de
leurs descendants, ont amené les membres des groupes sṭabēlī à agir comme une entité fermée
– un ancien usage veut quils nont jamais révélé leurs secrets et leurs connaissances à la majorité
de la population. Deuxièmement, lignorance du grand public, linterprétation stéréotypée de la
3. La cour du mausolée de Sīdī Sa’d à Mornag, Tunisie . (Photo par Valeria Meneghelli)
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connexion des sṭabēlī avec lAfrique subsaharienne ainsi que la nature de leurs cultes, leur
musique et leurs langues syncrétiques, ont encouragé les gens à percevoir la tradition et les
praticiens du sṭabēlī comme « autres »15. Troisièmement, la croyance sṭabēlī aux saints et aux
esprits, bien quintégrée à la fois au culte nord-africain des saints et à la croyance répandue auxgénies ( jū, sing. jinn), est toujours à la base de la méfiance des personnes, voire parfois de leur
rejet. Ceci a été particulièrement clair dans la période qui a immédiatement suivi la révolution
tunisienne de 2011 et qui a permis à des islamistes radicaux davoir voix au chapitre sur la scène
politique. On peut observer les effets de cette situation dans le fait que certaines familles n ont
pas voulu renouveler leur habituelle cérémonie sṭabēlī annuelle dans leurs maisons afin de ne
pas rencontrer de problèmes avec les islamistes radicaux ou les voisins. Cette tendance se
manifeste de façon similaire dans le comportement de certains adeptes qui, après avoir participé à
une cérémonie sṭabēlī , ne veulent pas que cela se sache par crainte dêtre jugés.
Par ailleurs, malgré lengagement de lÉtat tunisien à lutter contre le racisme comme énoncé à
larticle 1-24 du Rapport de lÉtat partie soumis par la Tunisie au HCDH en vertu du CESCR, comme
dans le cas dautres Tunisiens noirs, les membres des groupes sṭabēlī dascendance africaine
souffrent encore de racisme. Pourtant, selon les informations mentionnées précédemment, on
peut affirmer que les préjugés actuels contre la tradition sṭabēlī
sont principalement basés surune interprétation erronée lassimilant à une forme de « superstition » ou de « tradition
rétrograde ». Même si on remarque que le jeune public montre un certain intérêt et apprécie la
musique et la danse sṭabēlī , ces préjugés sont favorisés par :
- le manque global de politique de mise en valeur de la culture traditionnelle, ce qui
reconfirme les « vieux schémas » de stratégies sélectives de soutien d un nombre limité de
formes dexpression culturelle nationale ;
- un manque de financement public pour les nouveaux projets : ceci empêche
lepietatio et le deloppeet de ouelles œues aties ui pouaiet
permettre au patrimoine sṭabēlī dêtre en adéquation avec les nouvelles normes du
marché artistique contemporain ;
15 Cet aspect a été mis en évidence par Richard C. Jankowsky dans Stambeli; Music, Trance, and Alterity in Tunisia (ibid.). En fait, il est dû en partie au fait que les paroles du Sṭabēlī trahissent la nature syncrétique de cette tradition
puisuils sot e patie e aae et e patie e ajī : un terme général utilisé pour désigner les langues non-arabes.Dans le cas du sṭabēlī , le terme désigne toutes les langues subsahariennes parlées par les membres subsahariensdes groupes sṭabēlī talis e Tuisie à taes lhistoie la plupat des lagues pales taiet le Husa dAfiuecentrale, le Kanuri et les dialectes de la famille Songhai).
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- labsence précédemment signalée de programmes de formation professionnelle visant à
améliorer les compétences professionnelles nécessaires aux musiciens et danseurs
sṭabēlī pour sintégrer dans des contextes de travail institutionnalisés ;
- les messages biaisés que véhiculent les médias sur le patrimoine sṭabēlī , qui en donnentune image folklorique et ne permettent pas au public de voir dans la musique et la danse
sṭabēlī des formes dexpression artistique.
II.7. Patrimoine culturel
Aujoudhui, le patrimoine culturel sṭabēlī apparaît comme extrêmement menacé. Les
problèmes les plus importants à signaler sont : A. la transmission insuffisante de la connaissance
de la tradition ; B. labsence de projet institutionnel pour la sauvegarde de ce patrimoine. En fait,
en dépit de lengagement de lÉtat tunisien à « protéger le patrimoine culturel et en garantir le
droit au profit des générations futures » (article 42 de la Constitution tunisienne) et des efforts de
lÉtat pour consolider le statut des créateurs comme prévu dans larticle 15-245 du Rapport de
lÉtat partie soumis par la Tunisie au HCDH en vertu du CESCR, aucune mesure visant à la
protection de la tradition sṭabēlī na t ise e œue jusuà lheure actuelle. Plus alarmant
encore, il semblerait quaucune action nait été entreprise par les autorités culturelles pour
dresser un inventaire de la musique traditionnelle tunisienne (y compris le genre musical de la
tradition sṭabēlī ). Si la situation ne change pas, cet état de fait rendrait la prise de mesures pour
la préservation du patrimoine sṭabēlī encore plus difficile.
Il faut dire aussi que le décès de la majorité des personnes appartenant aux anciennes générations
de membres de groupes sṭabēlī représente une perte considérable, tant sur le plan humain
quen matière de patrimoine. Les longues années de négligence et dabsence de politique visant à
favoriser lintégration socio-culturelle des communautés de noirs établis en Tunisie et de tunisiens
descendants de noirs ont poussé certains des anciens à ne pas transmettre leurs connaissances
aux jeunes – dans le but de leur épargner une vie de misère et de marginalisation sociale. La
disparition des artistes sṭabēlī de lancienne génération sest faite au détriment déléments
importants du patrimoine tels que : des composants et des techniques du répertoire de musique
et de danse ; des récits et des éléments dhistoire faisant partie de la littérature orale ; la
compréhension de mots sub-sahariens utilisés dans les paroles des chansons ; la possibilité de jouer de certains instruments de musique (par exemple le dundfah) et, dans une certaine mesure,
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des éléments de connaissances médicales et des aspects relatifs aux coutumes cérémonielles. La
disparition des aînés implique aussi la perte de personnes faisant autorité et détenant des liens
étroits avec la tradition et, par conséquent, avec sa représentation. Une autre question dintérêt
général est que le manque de renouvellement des générations et la dissolution du système demaisons communales ont entraîné une pénurie de styles, de techniques et de répertoires
diversifiés autrefois partagés par des individus appartenant à, ou gravitant autour, de chaque
famille ou groupe professionnel de sṭabēlī .16. Dans ce contexte appauvri, la connaissance et la
représentation effective dune bonne partie du patrimoine repose actuellement à Tunis sur une
génération jeune et dâge moyen, composée dune trentaine dindividus.17. Ceux-ci peinent à
maintenir en vie ce qui reste de l héritage qui leur a été transmis. Dautres points en rapport avec
ces faits doivent être soulignés.
Concernant lhéritage musical :
- Le manque de renouvellement des générations et labandon de la tradition a provoqué une
diminution importante du nombre de musiciens professionnels.
- A lheure où le présent rapport est rédigé, lenseignement de la musique sṭabēlī na été
expressément inclus dans aucun programme dédié des institutions musicales officielles.
Par conséquent, lenseignement du répertoire / des instruments de la musique sṭabēlī
repose sur leffort dune poignée de maîtres de gobī et de musique sṭabēlī reliés à
seulement deux écoles majeures ; ceux-ci peinent à former des étudiants sur une base
régulière et de façon économiquement viable.
- De même, aucun programme de formation professionnelle n a été mis en place pour
enseigner la théorie musicale aux maîtres de la musique sṭabēlī de manière à leur
faciliter laccès à des postes denseignants / formateurs dans les institutions officielles ou
même de musiciens dûment formés capables de prendre part à des productions musicales de
genres divers18.
16 Chaque groupe, avec les personnes qui lui sont reliées, peut différer des autres groupes en termes de coutumesrituelles, de pratiques de musique et de danse, de connaissances médicales, de langues parlées, de saint patron et de
façon dont la hiérarchie des esprits et des saints du système de croyance du sṭabēlī a été conçue.17 Cette estimation a été faite en référence au nombre de personnes engagées activement dans le maintien de la
taditio et auuelles lhitage a t tasis selo le sha taditioel de tasissio de pe e fils / fille ou
de maître à disciple. Elle ne comprend pas les étudiants et les chercheurs qui ont effectué des recherches sur lesṭabēlī i les pesoes ui ot ess dutilise et hitage das le ade de leu atiit pofessioelle. 18
En général, les musiciens sṭabēlī ne connaissent pas la théorie musicale ; ils doivent leur connaissance de lausiue à la patiue et à liitatio.
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- Labandon de la ziāah à Sīdī Faj et Sīdī Sa‘d et le choix limité dopportunités de travail ont
réduit les occasions de jouer le répertoire de musique réservé aux pèlerinages et aux
cérémonies de guérison privées. Ce phénomène a également un impact sur la possibilité
dutiliser une gamme diversifiée dinstruments qui sont spécifiques à des événements demusique sṭabēlī divers. Ceci entraîne un appauvrissement de loffre de musique sṭabēlī
sur la scène musicale commerciale, tant en termes de répertoire que dinstrumentation. Il
convient également de considérer le fait que les sessions de musique rituelle sṭabēlī sont
habituellement régies par une organisation variable de nueb, fonction du contexte dans
lequel la musique est jouée, des besoins / caractéristiques particuliers de lassistance,
dune organisation hiérarchique des morceaux de musique et des saints / esprits auxquels
ils sont dédiés et des circonstances particulières qui peuvent survenir au cours de la session
elle-même. En revanche, les performances commerciales impliquent un enchaînement de
morceaux de musique répondant à un programme / une chorégraphie codifié(e)
préétabli(e) qui diverge du schéma traditionnel.
Par conséquent, si les cérémonies de guérison privées continuent de manquer sur le long
terme, ceci impacterait sérieusement la capacité des professionnels de la musique à se
conformer à un aspect important de l héritage musical.
- La fragmentation de la communauté et la concurrence qui en découle entre les groupes
affecte la circulation dune information plurielle et diversifiée sur le patrimoine musical
parmi les personnes qui continuent de jouer, pratiquer et participer à des formes sṭabēlī
dexpression musicale.
- Labsence denregistrements méthodiques des artistes de lancienne génération a réduit la
possibilité des artistes actuels davoir accès à des données fiables, à des exemples et des
modèles utiles. Au fil des ans, des enregistrements épars et des inventaires ont été faits,
principalement grâce à des initiatives individuelles duniversitaires et de chercheurs. Une
tentative relativement récente pour enregistrer le répertoire de lune des familles sṭabēlī
restantes de Tunis a été faite par le CMAM de Sidi Bou Said, qui conserve quelques
documents darchives (par exemple des publications, quelques enregistrements audio et
des vidéos de spectacles qui ont été présentés dans le Centre). Cependant, le manque de
ressources et de politiques de sauvegarde na pas permis au Centre dentreprendre des
activités darchivage ou des études systématiques.
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En outre, les enregistrements actuels consistant principalement en enregistrements
sonores sans transcription de musique ni de paroles, ne peuvent suffire à fournir une
documentation exhaustive sur lhéritage sṭabēlī . En fait, ils ne mettent pas en évidence
les différences de spécificités culturelles entre les groupes sṭabēlī qui partageaient,surtout autrefois, des origines régionales et ethno-linguistiques différentes. La circulation
et laccès à ces données restent limités et parfois impossibles pour les membres des
groupes sṭabēlī (comme dans le cas dimportants documents écrits disponibles
seulement en langues étrangères, telles que le français et langlais).
De façon générale, il faut noter que, même si lon observe un regain dintérêt relatif pour la
musique sṭabēlī parmi la nouvelle génération de musiciens et de chercheurs et du jeune
public, aucun inventaire méthodique du répertoire de la musique sṭabēlī na été compilé
à ce jour. Cette carence, qui semble principalement due à la négligence institutionnelle, a
déjà causé la perte déléments importants relatifs aux caractéristiques instrumentales,
vocales et linguistiques.
- A lheure où le présent rapport est rédigé, aucun festival ni suite dévénements dédiés
nont été mis en place dans la région de Tunis, sur une base récurrente et stratégiquement
réfléchie, afin daccroître la connaissance, la préservation et la revitalisation du patrimoine
musical sṭabēlī .
Concernant lhéritage relatif à la danse :
Les observations précédentes concernant la musique sṭabēlī doivent être réitérées pour
lhéritage relatif à la danse. Cependant, dautres éléments ont contribué (et contribuent encore) à
nuire à la préservation de la danse sṭabēlī . Premièrement, les personnes interrogées ont déploré
une tendance relativement récente, à savoir le fait que le manque d opportunités de travail ait
poussé certaines ‘ aāyef à abuser de leur influence pour émettre de faux diagnostics afin de traiter
des maladies pour lesquelles la guérison sṭabēlī nest pas nécessaire, ni même applicable. Ceci
aurait conduit certains danseurs professionnels à ne plus prendre part aux sessions de musique et
de danse sṭabēlī , avec pour effet un appauvrissement des éléments et des styles de danse, aussi
bien dans les représentations rituelles que commerciales. Deuxièmement, même si certaines
études et compilations denregistrements ont été réalisées sur la musique et les coutumes
sṭabēlī (voir plus haut), elles ont échoué à considérer la danse – et les fonctions rituellesétroitement liées à la danse – comme des questions vraisemblablement importantes.
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Concernant les coutumes et les pratiques :
Les risques actuels et la situation que connaissent les coutumes et pratiques sṭabēlī sont peut-
être plus graves que ceux menaçant lhéritage relatif à la musique et à la danse sṭabēlī . En effet,
si ces derniers peuvent être inscrits dans les programmes d enseignement formel / informel, la
transmission de la connaissance des coutumes et pratiques traditionnelles repose sur leur
reproduction et sur la façon dont les gens les observent et les vivent. Une fois de plus, des
documents épars concernant les coutumes sṭabēlī sont disponibles mais ils nont pas su exposer
de façon méthodique les différences entre les groupes sṭabēlī dans une perspective
comparative.
Aujourdhui, certaines coutumes se sont déjà perdues ou ont subi des changements importants. La
transformation de lorganisation des ménages et des modes de vie a modifié la façon dont les
membres des groupes sṭabēlī organisent leur vie et obtiennent et échangent les informations
sur les habitudes de la vie quotidienne.
4. Un ensemble de photos de quelques-uns des musiciens tunisiens les plus célèbres, affichée dans la salle
d’attente de « La Maison du Musicien » de Tunis, Tunisie. Parmi les artistes importants du passé figurent quelques
maîtres de musique s
ṭambēlī de l’ancienne génération. (Photo par Valeria Meneghelli)
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La négligence des autorités culturelles et leur incapacité à préserver des sites qui jouaient le rôle
de structure porteuse factuelle et symbolique de l histoire des cultures dAfrique subsaharienne
de Tunis, ont laissé dimportants lieux et bâtiments disparaître ; il ny a quà penser au mausolée
de Sīdī Ghaī à Ba el-Khadra (Tunis) qui, jusquà sa démolition, a accueilli un grand pèlerinagerassemblant toute la communauté sṭabēlī des maisons communales.
Comme autre exemple, le déroulement de la cérémonie a dû être adapté du fait que les
pèlerinages ne durent plus quune journée, ce qui a entraîné la perte de certaines particularités du
rituel. Le manque de renouvellement des générations et le détachement de la jeune génération de
la tradition ont entraîné une pénurie de personnes portant véritablement des connaissances à son
sujet. Encore une fois, comme dans le cas de la musique et de la danse, le manque de
représentations rituelles implique une insuffisance dans le maintien de gestes, recettes,
traitements, schémas sociaux et relationnels spécifiques ainsi que dans la préservations de
significations incarnées associées à chaque type de rituel, silsilah, ūbah, saint, esprit,
circonstance et maladie. Beaucoup de ces éléments ne sont pas du tout représentés dans les
performances commerciales.
Si la tendance actuelle ne change pas dans un avenir proche, la conséquence en sera un nombre
de moins en moins important de personnes capables d accomplir les rituels et dutiliser lhéritage
sṭabēlī à des fins thérapeutiques.
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III. Recommandations
Au vu de lensemble des données présentées dans ce rapport, la tradition sṭabēlī savère en
sérieux danger dextinction. Par conséquent, il est recommandé que :1. Les autorités tunisiennes, en particulier le Ministère de la Culture et les institutions
culturelles actives dans le domaine de la sauvegarde du patrimoine national, respectent
l’article 12 de la Convention de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel
immatériel (2003 – désigné dans la suite du document par Convention de l’UNESCO) en
prenant les mesures nécessaires à la mise à jour de l’inventaire du patrimoine culturel
immatériel national, y compris la tradition s ṭambēlī .
2. Les autorités tunisiennes, en particulier le Ministère de la Culture, la Commission Nationale
du Patrimoine et les institutions culturelles, sengagent dans des activités visant à accroître
le respect de la tradition sṭabēlī , conformément au principe énoncé à larticle 42 de la
Constitution tunisienne et à larticle 14 de la Convention de lUNESCO.
3. Les autorités tunisiennes, en particulier le Ministère de la Culture et les institutions
culturelles actives dans le domaine de la sauvegarde du patrimoine national,
conformément à l’article 13 de la Convention de l’UNESCO, conçoivent un programme
spécifique visant à la sauvegarde de la tradition s ṭambēlī et incluant les activités de
collecte de données et les études sur le terrain (éventuellement étendu à dautres formes
de la même tradition existant encore dans le reste du pays).
Dans le cas où les autorités tunisiennes ne disposent pas du financement nécessaire à de
telles démarches, ils leur est fortement conseillé d appliquer larticle 23 de la Convention
de lUNESCO et de soumettre une demande dassistance internationale au Comité
intergouvernemental de lUNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel
(ou au Bureau du Comité, en fonction du montant demandé).
Surtout, il est fortement recommandé que les autorités mentionnées ci-dessus engagent
avec le Comité intergouvernemental de l’UNESCO la procédure d’inscription du s ṭambēlī
sur la liste de l’UNESCO du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde
urgente.
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4. Les autorités tunisiennes, en particulier le Ministère de la Culture et les institutions
culturelles actives dans le domaine de la sauvegarde du patrimoine national, assurent la
plus large participation possible des représentants des groupes sṭabēlī dans le processus
mentionné ci-dessus, conformément à larticle 15 de la Convention de lUNESCO.
5. Les autorités tunisiennes, en particulier le Ministère de la Culture et tous les organismes
culturels compétents, allouent des fonds spéciaux pour le développement dactivités
culturelles favorisant le respect et la sensibilisation de lopinion publique au patrimoine
culturel sṭabēlī . En particulier, les autorités culturelles sont fortement encouragées à
mettre en place un événement annuel dédié à l’héritage de musique et de danse
s ṭambēlī .
6. Les autorités tunisiennes, en particulier le Ministère de la Culture et les représentants de la
CNSS, conformément à larticle 38 de la Constitution tunisienne et à larticle 9-115 du
Rapport de lÉtat partie soumis par la Tunisie au HCDH en vertu du CESCR, revoient le
régime de sécurité sociale actuel afin doffrir des conditions équitables aux membres des
groupes sṭabēlī .
7. Conformément aux article 22 et 23 de la DUDH et à l article 14 de la Convention de
lUNESCO, les autorités tunisiennes, en particulier le Ministère de la Culture et le Ministère
de lEnseignement Supérieur, promeuvent un enseignement spécialisé et des programmes
de formation professionnelle qui pourraient permettre aux musiciens sṭabēlī davoir
accès à lenseignement et à la formation dans un contexte institutionnalisé formel, de
prendre activement part à la société culturelle et de jouir de leur droit de travailler et de
développer leurs compétences professionnelles et personnelles.
Conformément aux recommandations ci-dessus, les autorités tunisiennes, les organisations
culturelles et la société civile sont vivement encouragées :
8. A promouvoir les activités visant à réhabiliter et diffuser la connaissance de la tradition
sṭabēlī dans un climat de dignité et de respect de la diversité culturelle.
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9. A participer au processus de création dun organisme gouvernemental ou non
gouvernemental qui pourrait représenter le patrimoine et les membres des groupes
sṭabēlī devant lÉtat et la société civile.
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Conclusion
La tradition Sṭabēlī est une tradition tunisienne combinant des caractères identitaires et
culturels différents. Par ses caractéristiques et son interconnexion avec lhistoire de lacommunauté subsaharienne établie en Tunisie, elle est à la fois un symbole du patrimoine culturel
immatériel historique de la nation tunisienne et une illustration de sa diversité culturelle.
Ce rapport a mis laccent sur la tradition sṭabēlī propre à la ville de Tunis. Dans cette ville, après
une période de mise en valeur relative, la tradition sṭabēlī na pas été incluse dans les politiques
culturelles nationales de mise en valeur du patrimoine traditionnel, même si elle a continué à être
représentée et appréciée par une partie limitée de la population de Tunis. En fait, compte tenu de
la nature des pratiques sṭabēlī et de leur interconnexion avec lhistoire de la traite négrière et de
la marginalisation, les membres des groupes sṭabēlī ont toujours occupé une place controversée
dans la société tunisienne. Aujourdhui, même si on observe un nouvel intérêt pour le sṭabēlī
parmi la jeune génération, les années de négligence des autorités culturelles, le manque de
renouvellement des générations, ainsi que labsence dinterlocuteurs, ont fortement affecté létat
de la tradition.
En effet, toutes les données présentées indiquent que les coutumes et les pratiques rituelles sont
déjà sur le point de disparaître. Pourtant, il subsiste encore une connaissance préservée et
incarnée par les membres restants des groupes sṭabēlī de Tunis. Ces membres, malgré leur
volonté nouvellement acquise de transmettre leur patrimoine au public, ont du mal à poursuivre
dans cette voie.
À la lumière de tous ces éléments, et en conformité avec les principes universels des droits de
lhomme et de la Convention de lUNESCO, ce rapport a proposé un certain nombre de
recommandations qui permettraient : lamélioration du respect de la tradition et des membres
des groupes sṭabēlī ; la sauvegarde dune composante importante du patrimoine immatériel
national tunisien ; une amélioration du niveau de vie des héritiers de la tradition sṭabēlī ; une
participation accrue de ces derniers à la vie sociale et culturelle ; une amélioration des
compétences professionnelles et personnelles des praticiens du sṭabēlī ; une application
effective de la volonté déclarée de lÉtat de promouvoir la politique visant à lutter contre les
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préjugés et le racisme dans la société ; lamélioration et la diversification de loffre culturelle
nationale.
Comme constat final, ce rapport a démontré que, si aucune action n est entreprise dans lavenir
immédiat, une partie importante du patrimoine national tunisien, et donc du patrimoine mondial,
est en sérieux danger dextinction.
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Annexe I - Table des translitérations
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Annexe II - Liens externes
http://unesdoc.unesco.org/images//0013/001325/132540f.pdf
http://tbinternet.ohchr.org/_layouts/TreatyBodyExternal/countries.aspx?CountryCode=TUN&Lan
g=FR
http://www.legislation.tn/sites/default/files/news/constitution-b-a-t.pdf
http://www.wipo.int/edocs/lexdocs/laws/fr/tn/tn039fr.pdf
http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/RES/217(III)
http://unesdoc.unesco.org/images/0017/001787/178732e.pdf
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Annexe III - Travaux consultés
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commercial ». In K. Boissevain, 2010, Nouveaux usages touristiques de la culture religieuse
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142.
DERMENGHEM., É., 1954. Le culte des saints dans l Islam maghrébin. Paris, Gallimard.
FONTAINE, J., 1996. « Les Populations Sahariennes ». Les Cahiers d URBAMA, 1996, n. 12. Tours,
Centre détudes et de recherches sur lurbanisation du monde arabe, pp. 33-44.
FROELICH, J., C., 1962. Les Musulmans d Afrique Noire. Paris, Éditions de lOrante.
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Disponible sur : http://vimeo.com/34149295 [consultée le 1er mars 2016].
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Inquiry and the Challenge of Trance ». Ethnomusicology Forum, 16 (2) pp. 185-208.
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Chicago Press.
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http://www.youtube.com/watch?v=X6TRjLRpUYk[consultée le 10 mars 2016].
OTHMANI, A., [?]. Musique Traditionnelle Stambeli avec Zouhair Ghoujah. Hors Champ., Part 2.,
Inspired Production. [Vidéo en ligne] 1er mars 2013. Disponible sur :
http://www.youtube.com/watch?v=ufGMpZwRVXU [consultée le 10 mars 2016].
RAHAL, A., 2000. La communauté noire de Tunis : thérapie initiatique et rite de possession . Paris,
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Stambali Trans-Mission, 1997 [brochure imprimée]. Sidi Bou Said ; Tunis, CMAM (Centre des
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TREMEARNE, A., J., N., 1914. The Ban of the Bori: Demons and Demon Dancing in West and North
Africa, London, Heath, Cranton & Ouseley Ltd.
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