Upload
ecoentreprise
View
94
Download
17
Embed Size (px)
Citation preview
ManagementCHEF, JE VEUXPAS ÊTRE CHEF
AfterworksMÉTRO, BOULOT,
APÉRO
Créer son jobUNE ISSUE DE SECOURS
FACE À LA CRISE
DIPLÔMÉS : un tour dumonde de l’emploi
FORMATION | RECRUTEMENT | CARRIÈRE
Supplémen
tau
Mon
de21093datédu13
nove
mbre20
12.N
epeu
têtre
venduséparém
ent
Au cœur des projets technologiques
Ingénierie et Conseil enTechnologies
ALTEN, c’est 13500 ingénieurs dans le monde...et peut-être vous demain ?
Leader européen de l’Ingénierie et du Conseil en Technologies, le Groupe ALTEN (15500 collaborateurs dont 88% d’ingénieurs) accompagne lastratégie industrielle des plus grandes entreprises françaises et internationales dans les domaines de l’innovation, de la R&D et des Systèmesd’Information. Avec 2800 recrutements prévus en France en 2013 dont la moitié à destination des jeunes diplômés,ALTEN se positionnecomme un acteur incontournable du marché de l’emploi.
RejoindreALTEN, c’est la promesse d’évoluer dans un monde d’ingénieurs stimulant,et de découvrir des métiers et des secteurs d’activité variés en France et à l’international.
Rejoignez nos équipesPour accéder à toutes nos offres de postes en France
www.alten.fr/recrute
Et découvrez ALTEN autrement sur notre blogwww.alten-touch.fr
mardi 13 novembre 2012 Le Monde Campus / 3
C inq ans, c’est long quand on a 20 ans. Une éternité, même.En cinq ans, la crise économique qui a éclaté aux Etats-Unisen 2008 a gagné l’Europe du Sud, puis l’Europe entière,mise à l’arrêt par l’austérité budgétaire, et enfin, les pays
émergents – Chine, Inde, Brésil –, dont la croissance est menacée parl’effondrement des exportations vers les pays développés.Lorsque l’activité ralentit et lorsque les entreprises hésitent à recru-ter, ce sont d’abord les jeunes qui trinquent. L’Organisation interna-tionale du travail (OIT) prévoyait en septembre la poursuite de lahausse du taux de chômage mondial des jeunes d’ici à 2017, de 9,5 %à 10,4 % en Asie de l’Est, de 14,6 % à 14,7 % en Amérique latine, de13,1 % à 14,2 % en Asie du Sud-Est, de 26,4 % à 28,4 % auMoyen-Orient,mais aussi une baisse de 17,5 % à 15,6 % dans les pays développés.Serait-ce la reprise?Quenenni : l’OIT anticipe «le découragement d’ungrandnombre de jeunes qui finissent par quitter lemarché du travail»!Lorsque les Etats ne parviennent plus àboucler leurs budgets pour payer les en-seignants, financer la recherche, mainte-nir les filets de sécurité sociale, ce sont en-core les jeunes qui trinquent. Selon uneétude publiée le 22 octobre par la Fonda-tion pour l’amélioration des conditionsde travail, une agence européenne baséeà Dublin, le nombre de neets (not in em-ployment, education or training, «ni en emploi, ni en formation») de15 ans à 29 ans a atteint 14 millions dans l’Union européenne, dont5,5 millions inscrits au chômage. Un tiers seulement de cette classed’âge est en activité, le taux le plus bas jamais enregistré.La fondation dublinoise, observant que ces neets font preuve, par rap-port aux autres jeunes, d’un niveau d’engagement politique et socialet d’un degré de confiance dans les institutions spectaculairementplus bas, sonne l’alarme et appelle à une révision complète des me-sures prises en faveur de l’emploi des jeunes : celles-ci devraient êtreorientées vers le soutien direct aux personnes plutôt qu’aux entre-prises ou aux institutions censées les employer, privilégier les em-plois stables, durables et de bonne qualité plutôt que la flexibilité, etsurtout viser à la qualification pour faciliter l’intégration sur le mar-ché du travail, plus que jamais réservée aux diplômés.L’OIT estime que garantir à tous les jeunes un emploi stable et uneformation représenterait pour les pays développés un investissementd’un demi-point de produit intérieur brut. «Cela peut sembler unelourde charge additionnelle, mais elle sera inférieure aux coûts sup-plémentaires qu’engendre l’éloignement durable des jeunes chômeursayant perdu contact avec le marché du travail.» CQFD.
Antoine ReveRchon
édito
Génération sacrifiée
Lorsque L’activité raLentitet Lorsque Les entreprises
hésitent à recruter,ce sont d’abord Les jeunes
qui trinquent
Président du directoire,directeur de la publication
Louis Dreyfus
Directeur du «Monde»,membre du directoire,directeur des rédactions
erik izraeLewiCz
Secrétaire généralede la rédaction
Christine Laget
Coordination rédactionnelleantoine reverChon
Pierre JuLLien
Directeur artistiquegiLLes Le nozahiC
EditriceDoriane kaLbe
IllustrateursgiuLia D’anna LuPo
aLJosCha bLauJean-ManueL Duvivier
freDDy MartinJoan negresCoLor
zoé vaDiM
Publicitébrigitte antoine
FabricationaLex Monnet
Jean-MarC Moreau
Imprimeursego, taverny
ManagementCHEF, JE VEUXPAS ÊTRE CHEF
AfterworksMÉTRO, BOULOT,
APÉRO
Créer son jobUNE ISSUE DE SECOURS
FACE À LA CRISE
DIPLÔMÉS : un tour dumonde de l’emploi
FORMATION | RECRUTEMENT | CARRIÈRE
Supplémen
tau
Monde
21093datédu13
nove
mbre20
12.N
epeu
têtre
venduséparém
ent
ILLUSTrATIOnDE COUvErTUrE :jean-manuelduvivier
4 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
3 Edito
6 En bref
24 Chef, je veux pas être chef !
28 Afterworks : métro, boulot, apéro
30 Université recherche anciens étudiants
32 La guerre des âges n’aura pas lieu
34 La vertu, ça peut rapporter gros
52 Le remue-ménage des repreneurs étrangers
58 Le e-learning tarde à décoller
62 Ces jeunes diplômés qui boudent le DIF
64 L’avenir bien engagé des leaders étudiants
66 A lire
8 Dossier Créer sonpropre job, une issue de secours?14 L’appel du large de jeunes chefs d’entreprise
18 Entretien avec Nadine Levratto, économiste
20 Quel statut choisir ?
22 Où trouver les financements ?
36Dossier Que vautmon diplômedans unmonde en crise?
39 Dans les débris du rêve américain
41 Le difficile retour en Tunisie des jeunes partis pour étudier
43 Entretien avec Ragui Assaad, économiste
44 Les Chinois se lancent dans le grand show de l’emploi
45 En Espagne, toute une génération de jeunes désœuvrés
46 France : quatre jobs pour faire un emploi
48 Diplômés, stagiaires, hors-la-loi
50 Vous empruntiez ? Et bien , remboursez maintenant !
Sommaire
Supplément auMonde 21093 daté du 13 novembre 2012
Safran recrute des ingénieurspour vivre desmissions clés
Les ingénieurs de Safran permettentà desmillions de voyageursde parcourir lemonde, tout en réduisantleur impact sur l’environnement
Le LEAP est une nouvelle génération demoteurs
destinés à équiper les avions monocouloirs,
et faisant largement appel à des matériaux
composites révolutionnaires. Plus léger, moins
bruyant, ce moteur consomme 15 % de carburant
enmoins par rapport aux précédentes générations
demoteurs.safran-talents.com
Grâce au LEAP, le nouveaumoteur d’avionmoins consommateur
en carburant et moins polluant, conçu par les ingénieurs de Safran
en partenariat avec GE, Léa peut continuer de voyager pour
découvrir de nouveaux horizons. Une innovation qui va bien au-delà
d’une simple avancée technologique.
Créditphoto:S.Casimiro/GettyImages-Snecma
6 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
JobTeaser, une plate-forme Webde recrutement et de découvertedu monde de l’entreprise à des-
tination des étudiants et des jeunesdiplômés, a lancé le label «StageAd-visor», qui donne la parole aux sta-giaires et distingue les entreprisesles plus intéressantes pour effec-tuer un stage. L’étude a été menéeen juillet 2012 dans 60 entreprises– dont 8 du CAC 40 – ayant choiside jouer le jeu. Elles ont acceptéde transmettre un questionnaire à
plus de 4 000 personnes de niveaubac+4 ou +5 effectuant un stage ouemployées en alternance. Celles-ci sesont ainsi prononcées sur la capacitéde leur entreprise à les intégrer, à lesformer, à leur fournir des missionsintéressantes et valorisantes. Au fi-nal, 10 entreprises ont obtenu le la-bel «StageAdvisor» : Bureau Veritas,Coca-Cola Entreprise, Ferrero, Heine-ken Entreprise, Kronenbourg, Micro-soft France, Pepsico France, Philips,Schlumberger, Solucom.
Vive le luxe!Les entreprises des biensde consommation etdu luxe retrouvent leurattractivité chez lesdiplômés des grandesécoles de commerce,selon le palmarès établipar TNS-Sofres en 2012.Danone (+7 rangs)et LVMH (+11 rangs)prennent la tête duclassement des sociétéscitées spontanément,devant BNP Paribas(premier en 2011), tandisque la Société généralepasse du 2e au 9e rang.
En bref
Les entreprises préféréesdes stagiaires
13%C’est le pourcentage des salariés payés au smicqui le sont toujours cinq ans plus tard, tandisque 22 % ont fait des «allers-retours» entre smicet salaires supérieurs. Ceux dont la rémunérationne décolle pas sont plus souvent des femmes etdes ouvriers, selon une étude de l’Insee publiéele 25 octobre dans la revue Economie et statistique.
L’espionqui jouaitLa Grande-Bretagne a lancéle 18 octobre une campagneinédite pour recruter et formerdes jeunes férus de réseauxsociaux et de jeux vidéo dansle cadre d’un nouveau schémad’apprentissage, afin d’aiderses services du renseignementà contrer les attaquesinformatiques. «Nous voulonsaccroître notre effort pourdénicher les plus talentueux,afin que ceux-ci nous aident àconserver notre expertise dansle domaine informatique »,a souligné le ministre
britannique des affairesétrangères, William Hague,lors d’un déplacement enoctobre à Bletchley Park (sud del’Angleterre). Ce site historiqueétait le siège de l’ancienquartier général des servicesd’écoutes et de renseignementchargés de décrypter les codeset les messages chiffrés desnazis pendant la seconde guerremondiale. Un diplôme de find’études secondaires ou unequalification professionnelledans le domaine des sciencesou de la technologie suffirontpour faire acte de candidature.– (AFP)
Ça balance sur InternetUn quart des jeunes salariés de 18 à 25 ans sont «amis» avec leur patron sur
Facebook, selon une récente étude de la société de sécurité informatique AVGmenée auprès de 4 400 jeunes de 11 pays. Cependant, cette proportion varie beaucoupd’un pays à l’autre : elle s’élève à 33 % aux Etats-Unis, mais s’établit à seulement 8 % enFrance, pays où le taux est le plus bas. Celui-ci atteint ou dépasse les 30 % en Espagne,au Royaume-Uni, en République tchèque (30 %), ou encore en Australie (31 %) et enItalie (33 %). Et 13 % des personnes interrogées reconnaissentavoir déjà mis en ligne sur leur page des contenus «abusifs»concernant leur patron ou leur société après «une mauvaisejournée au travail». Ce sont les jeunes employés italiens quisont les plus enclins à partager leur colère : ils sont 18 % àposter leurs humeurs concernant leurs employeurs, contre10 % des Français, Japonais ou Néo-Zélandais. IM
AgES
D.R
.
mardi 13 novembre 2012 Le Monde Campus / 7
Qualité de vie Avancée numérique1er 27e Bombay SéoulParis 12eParis1er
27e
Sao Paulo
Internationalisation Facilité pour les affaires1er 27e Abou Dhabi SingapourLondres
2e Paris 14e Paris
1er 27e Shanghaï
Transport et infrastructures Coût de la vie1er 27e Johannesburg BerlinSingapour
10eParis 24eParis
1er 27e Tokyo
Puissance économique Capital intellectuel et innovation
Source:P
wC,C
itiesof
Opportunity20
12
Paris
Pékin
Londres
1er
2e
3e
Toronto
Stockholm
Paris
1er
2e
3e
Moins de fonctionnaires
Les effectifs de l’ensemble de la fonction publique ont très légèrement diminuéen 2010 par rapport à l’année précédente, selon un rapport ministériel publié
chaque année. Les fonctions publiques d’Etat, territoriale et hospitalière employaient5,2 millions de personnes en 2010, soit 20 % de l’emploi total du pays. Sur un an, lenombre de fonctionnaires a diminué de 0,1 %, soit 5 000 agents. Les agents de l’Etat ontperçu en 2010 un salaire net moyen de 2 459 euros par mois (+0,8 % sur un an en eurosconstants, c’est-à-dire en tenant compte de l’inflation). Dans la fonction territoriale, lesalaire net moyen s’établissait à 1 800 euros par mois (–0,2 % en euros constants) et ilétait de 2 205 euros pour les agents hospitaliers (+9 % en euros constants). – (AFP)
Entrepreneurssociaux de talentSFR lance un appel à projetsdans le cadre de son concoursannuel « SFR Jeunes Talents-Entrepreneurs sociaux ».A travers cette initiative,SFR souhaite promouvoirl’entrepreneuriat socialen soutenant huit porteurs deprojets ayant pour objectif derépondre à une problématiquesociétale ou environnementale.L’appel à projets se dérouleen deux temps : une premièresélection de finalistesrégionaux de mi-janvier à mi-février 2013, suivie d’une finalenationale en mars 2013. Il estouvert jusqu’au 7 janvier 2013.
Pour en savoir plus :Sfrjeunestalents.fr
InégalitéssalarialesLa rémunération des femmesest inférieure de 22 % à celle deshommes, selon l’étude publiéeen septembre et réalisée par lescabinets Deloitte et Nominationauprès d’un panel de plus de5 500 décideurs, dont 21 % defemmes. Un dernier chiffre quiillustre la faible représentativitéde celles-ci dans les postes àresponsabilité. La majoritédes femmes interrogéessont issues d’une formationuniversitaire (contre 32 % pourles hommes) et seules6 % d’entre elles ontsuivi une formationde type ingénieurs(contre 27 % pour leshommes).
.
Une chaire auxpetits oignonsL’école de commerceEdhec a créé une chairede recherche Bonduellesur le campus de Lillepour étudier l’impact desmutations technologiquessur le marketing desmarques alimentaires.Le professeur titulaireorganisera le programmede recherche et constitueral’équipe nécessaire auxétudes, recherches etenseignements pour lancerun nouveau cours dèsjanvier 2013.
Paris rejoint cette année letop 5 des villes mondiales.
Elle se classe derrière New York,Londres et Toronto, et gagnequatre places par rapport à 2011.C’est la principale conclusionde «Cities of Opportunity 2012»,une étude mondiale de PwC,publiée le 11 octobre, quicompare la situation de 27 villes– toutes des capitales de lafinance, du commerce et de laculture –, selon dix catégoriesregroupant des critères aussibien économiques que sociaux.
Si Paris est la deuxième ville enterme de puissance économique(calculée sur la base du nombred’entreprises de plus de500 personnes ayant leur siègedans les villes concernées, dela part de la population activedans les services, du nombrede projets et du montant desinvestissements étrangers, de laproductivité, ainsi que du tauxde croissance), la première pourla qualité de vie et la troisièmeen terme de capital intellectuelet d’innovation, elle traînerespectivement aux 14e, 16e et24e places pour la facilité defaire des affaires, pour le coûtd’un appartement en centre-ville et pour le coût de la vie.
« Innovation » et « puissance économique »
Paris sur le podium
61,3%C’est la part des salariés qui se déclarent en difficultélors d’un appel téléphonique en anglais, selon unsondage réalisé de juin à août 2012 auprès de 150 salariéspar Jobintree.com pour le Wall Street Institute.En revanche, ils sont moins nombreux (42,6 %)à paniquer dans le cadre d’une présentation orale.
61,3
8 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
doss i er
Créer son propre job,une issue de secours?Les difficultés d’accès à un travail salarié et «l’héroïsation»de la figure de l’entrepreneur devraient inciter les jeunesdiplômés français à créer leur entreprise. Et pourtant...
jean-m
anuel
duviv
ier
mardi 13 novembre 2012 Le Monde Campus / 9
Est-ce un de ces nom-breux paradoxes àla française? Plus lesjeunes sont diplô-més, moins ilscréent d’entreprise.Et la crise n’y changeguère. Selon l’en-quête de la Confé-
rence des grandes écoles intitulée «Inser-tion 2012», seuls… 0,5 % des sortants ontmonté leur activité dans la foulée.Une étude de l’Insee sur les profils de
créateurs d’entreprise en 2010montre que3 % d’entre eux étaient étudiants avant delancer leur structure, la même proportionqu’en 2006. Les diplômés de l’enseigne-ment supérieur de 20 ans à 29 ans repré-sentaient 5,1 % des porteurs de projets sui-vis par les chambres de commerce etd’industrie (CCI) en 2011, contre 22 % pourles jeunes de la même tranche d’âge maisdemoindre qualification.Pourtant, quandon les interroge, près de
lamoitié des étudiants déclarent souhaitercréer un jour une entreprise. Leur diplômeen poche, pourquoi ne passent-ils pas rapi-dement à l’action? Selon un sondage effec-tué cet été par Didaxis, cabinet de conseilen ressources humaines, 80% des jeunesdiplômés jugent que le contexte écono-
mique ne s’y prête pas. Et 88 % en sont dis-suadés par leur entourage : «La créationd’entreprise n’est pas la filière rêvée des fa-milles, note le PDG de Didaxis, GuillaumeCairou. La réussite à la française reste defaire carrière dans un grand groupe.»D’autres facteurs, plus profonds, expli-
quent que les jeunes diplômés soient peutentés par l’aventure à la fin de leur forma-tion. «La crise et la crainte de ne pas trou-ver un emploi à la mesure de leurs aspira-tions n’influencent pas vraiment leurmotivation, estime Hervé Demazure, res-ponsable de service à la direction forma-tion et compétences de CCI France. Ce quicompte pour eux, c’est d’avoir une idée etde prendre le temps de murir leur projet.»Une analyse que partage Neïla Tabli,
consultante à l’Agence pour la créationd’entreprise : «Ils entendent d’abord éprou-ver leurs connaissances théoriques et déve-lopper une expérience professionnelle pourasseoir leur crédibilité.»Les jeunes les plus diplômés pêche-
raient donc par excès de prudence. Maisaussi par manque de réalisme : selon Na-
SeulS 0,5 % deS SortantSdeS grandeS écoleS
ontmonté leur activitédanS la foulée
témoignage
alexandre curtelin
CofondateurdeMobblesCorp
«Avec sa propreboîte, on peut allerplus haut qu’enétant salarié»
Avec deux amis, Alexandre
Curtelin a créé Mobbles, un
jeu sur smartphone : grâce à
la géolocalisation, le joueur
repère sur son téléphone le
«mobble», un monstre
virtuel rôdant dans la vie
réelle, et le capture. Il peut
ensuite le nourrir, le
distraire et l’endormir, à la
manière d’un Tamagotchi.
Le jeune homme voulait
créer son entreprise dès sa
sortie d’école d’ingénieurs,
en 2010. «Il n’y a pas de
limites. En travaillant bien, on
peut aller plus haut qu’en
étant salarié», explique-t-il.
Pour lui, «le plus dur est de se
fier aux goûts des joueurs
mais aussi à son instinct, en
prenant des risques».
«En 2011, nous avons été
sélectionnés par un
accélérateur de start-up
américain de la Silicon Valley.
Après trois mois de travail,
nous avons levé
500 000 dollars [soit
385 000 euros] auprès
d’investisseurs», raconte le
jeune homme, qui s’est
inspiré des Pokémons, une
passion d’enfance. Lancé il y
a quatre mois, le jeu «a été
téléchargé 85 000 fois et
15 000 utilisateurs jouent
quotidiennement. L’entreprise
génère des revenus grâce aux
accessoires et créatures qu’ils
achètent», détaille
M. Curtelin. Il prévoit une
rentabilité d’ici à six mois. Et
fourmille de nouvelles idées.Léonor Lumineau
10 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
doss i er | créer son propre job
thalie Carré, animatrice du réseau créa-tion, transmission et reprise des CCI, ilsont parfois la tête pleine de «concepts dedimension mondiale», pensant qu’unetendance qui marche ailleurs pourra fairesouche en France. «Or, il faut unmarché etdes clients, ici et maintenant, explique-t-elle. On ne crée pas en surfant sur le Web,mais en allafnt sur le terrain.»Pour Renaud Redien-Collot, enseignant-
chercheur en entrepreneuriat à Novancia
Business School, à Paris, les manageursd’élite et les ingénieurs d’exception sontaux premières loges de l’information :«Ils constatent que les investissements ac-tuels dans l’économie réelle sont faibles etça les décourage.»Pourtant, des efforts ont été accomplis
pour insuffler la fibre entrepreneuriale.Dans les grandes écoles d’abord, qui ontmultiplié formations, outils d’accompa-gnement et «incubateurs» – des struc-tures d’accueil et d’accompagnement desjeunes entreprises. Mais aussi à l’univer-sité, avec les 20 pôles de l’entrepreneuriatétudiantmis en place en 2010 à l’initiativeduministère de l’économie.Une enquête de la Conférence des
grandes écoles montre un frémissementqu’il faut prendre avec prudence : enmoyenne, par établissement, 6,4 entre-prises ont été créées (ou reprises) par desétudiants de la promotion 2010-2011, soitune augmentation de 35 % par rapport àceux de la promotion précédente. Mais ilfaut noter que les chiffres de 2009-2010étaient en recul de 3 % par rapport à ceuxde 2008-2009, conséquence probable dela crise financière qui a sapé des vocations.
Avec unmarché du travail plus quemo-rose, certains jeunes diplômés ont crééleur activité pour échapper au chômage.Le recours au portage salarial – procédépar lequel un indépendant fait appel à unesociété intermédiaire afin d’obtenir uncadre juridique et administratif qui luipermette de travailler pour une entre-prise – et la création d’entreprise en fran-chise ont légèrement augmenté. Lesjeunes diplômés ont également été unpeuplus nombreux à se tourner vers les orga-nismes de microcrédit, tels que l’Associa-tion pour le droit à l’initiative écono-mique (Adie). Selon Catherine Barbaroux,sa présidente, «avec 37 % de bac+2, lesjeunes porteurs de projet [qu’ils ont] ac-compagnés en 2011 étaient plus qualifiésque ceux de 2010».Dans un environnement économique
difficile, avoir des qualifications reste un
Témoignage
marion govin
CofondatricedeMaelshop
«L’entrepreneuriats’est révélé une trèsbonne surprise»
A sa sortie d’école de communication, en
septembre 2011, Marion Govin déchante :
«Je ne trouvais pas d’offre de travail qui me
correspondait», se souvient-elle. La jeune
fille décide alors de lancer sa marque de
bijoux faits main, Maelshop. Elle s’associe
avec Elodie Revel, rencontrée à l’école, et
une SARL est créée en mai 2012. Depuis
deux mois, leurs créations sont disponibles
sur leur site Internet : «On a enregistré
quelques ventes et nous cherchons de
nouveaux comptoirs», se réjouit Marion,
qui porte ses créations, un collier avec des
pendentifs en croix et un fin bracelet en
argent agrémenté d’une rose.
«Notre société, c’est du réseau. Nous avons
été aidées par des amis pour l’aspect
juridique, la comptabilité, le site, poursuit
la jeune femme. On est à la fois comptable,
directrice des ressources humaines,
secrétaire et créatrice.» L’expérience est,
quoi qu’il advienne, positive : «On sait ce
que c’est de gérer une boîte. Ce ne sont pas
des choses qu’on apprend à l’école.»
Pour Marion et Elodie, l’entrepreneuriat est
une «très bonne surprise». «Si le marché
du travail était meilleur, on serait peut-être
passées à côté», s’exclament-elles.
Léonor Lumineau
Témoignage
nathalie Fargeon
Cofondatriced’Emoi-émoi
«Il y a des hauts et des bas.Mais dans les hauts,c’est euphorique»
Il y a trois ans, Nathalie Fargeon,
fraîchement diplômée d’HEC, lançait, avec
sa camarade Adèle Bounine, Emoi-émoi,
un site de vente en ligne de vêtements de
mode à destination des femmes enceintes.
Les bureaux dans lesquels elle reçoit
maintenant, en plein cœur de Paris, sont
flambant neufs. «Il y a encore quelques
semaines, nous étions à Arcueil [Val-
de-Marne], au milieu des cartons. Mais
nous avons réussi à externaliser la
préparation des commandes», dit la
jeune entrepreneuse, visiblement pas
mécontente de ne plus avoir à emballer,
scotcher et étiqueter les produits
commandés par les jeunes mamans.
«J’adore le vêtement ! Ça, je le sais
depuis toute petite. En revanche, je ne
pensais pas spécialement créer mon
entreprise», explique-t-elle. Entre un
passage comme vendeuse chez Jules,
une marque de vêtements masculins,
et un stage au site Web de La Redoute,
cette bonne élève d’HEC comprend vite
que les grosses structures lui pèsent.
Sur les conseils d’amis, elle choisit la
filière «Entrepreneuriat». «Lire des
études économiques dans sa chambre
ne sert à rien. Il faut aller à la rencontre
d’entrepreneurs, se rendre compte que
c’est fou ce que l’on peut réaliser en deux
mois avec quelques personnes.» Les deux
étudiantes ont 23 ans, commencent à avoir
des copines enceintes. L’idée d’Emoi-émoi
germe. Elles interrogent alors 200 femmes
enceintes et vont rencontrer les petits
créateurs sur les salons. Le compagnon
de Nathalie est mis à contribution sur
la partie informatique, sa mère sur la
comptabilité. L’acharnement finit par
payer. Aujourd’hui, le site référence
1 000 produits de 40 designers et vient
de sortir sa version anglaise. La société
a embauché deux salariés et deux
stagiaires. «Il y a des hauts et des bas. Mais
dans les hauts, c’est euphorique.»SébaStien DumouLin
PourTanT, des eFForTsonT éTé accomPlis
Pour insuFFler la FibreenTrePreneuriale
Et si ses responsabilité
s passaient
par c
efil
L’énergie est notre avenir, économisons-la!
Pour Céline, travailler dans une centrale,c’est évoluer au cœur d’un environnementtechnologique, garantir la sécurité de tous,prendre toujours plus de responsabilités etenrichir son expérience. 94% de nosjeunes ingénieurs recommandent EDFen tant qu’employeur.
EDF recrute des ingénieurs Grandes Écoleset Universités H/F sur edfrecrute.com
EDF552081317RCSPARIS,75008Paris–
12 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
doss i er | créer son propre job
atout. D’après l’Insee, 71 % des structuresmontées par des diplômés de l’enseigne-ment supérieur en 2006 (tous âgesconfondus) sont toujours actives trois ansplus tard, contre 58 % de celles créées pardes non-diplômés. Un bon résultat, mêmesi l’âge joue un rôle important, puisque59 % des entreprises des moins de 30 anssurvivent, contre 68 % de celles des créa-teurs plus âgés.
«Les jeunes diplômés qui se lancent s’ensortent plutôt bien, juge Cyrille Saint-Olive, de l’association Réseau entre-prendre Paris. Ils sont en phase avec lesnouvelles attentes de la société et peuventtrouver des opportunités sur des micro-marchés, même avec la crise.» S’ils sontquelques fois freinés par le manqued’épargne personnelle pour apporter desfonds propres, leur situation – pas ou peude charges familiales et de crédits loge-ment – les favorise pour traverser les pre-mières années, en se rémunérant peu.En outre, si le succès n’est pas au ren-
dez-vous, ils sauront rebondir : «Ils ont étédirigeants, ont embauché du personnel,ont su convaincre des banquiers et gérerdes fournisseurs et des clients… Autantd’atouts pour se repositionner sur un mar-ché du travail même atone», considèrePierre Tapie, président de la Conférencedes grandes écoles.
Néanmoins, créer sa propre activitécomme alternative à un emploi salarié quise dérobe n’est pas une panacée. «Les deuxou trois premières années, les jeunes entre-preneurs gagnent moins que s’ils étaientemployés par une entreprise, indique Blan-dine Bierre, responsable du pôle appui duréseau Initiative France. Il faut donc qu’ilssoient vraiment convaincus par leur idée.»Par exemple, au bout de trois ans d’activi-té, 90 % des autoentrepeneurs, et particu-lièrement les moins de 30 ans, dégagentun revenu inférieur au smic, selon uneétude de l’Insee publiée en septembre.C’est là l’un des enjeux de la création d’unemicro-entreprise, en particulier avec lacrise : «Elle ne doit pas fabriquer des tra-vailleurs pauvres, observe Catherine Bar-baroux, de l’Adie. Je crois cependant que,pour les jeunes, et notamment les moinsqualifiés, elle joue un rôle de tremplin.»Avant de s’inscrire comme autoentre-
preneur, 30 % d’entre eux étaient chô-meurs et… 5 %, étudiants. Cela n’étonnepas Dominique Restino, président duMouvement pour les jeunes et les étu-diants entrepreneurs (MoovJee) : «Lesprojets des jeunes diplômés sont en généralportés par au moins deux personnes, ce quirend caduc l’accès à ce statut. Ils addition-nent les compétences et chacun apportedes fonds pour la mise initiale. Ils en fontune aventure partagée.» Loin de la soli-tude du coureur de fond entrepreneurial,encore plus pesante en temps de crise…
Nathalie Quéruel
90 % des autoentrepreneursdégagent un revenu inférieur
au smic, selon l’insee
témoignage
antoine gentil
Cofondateur
de Baby-speaking
«Si je devaisdonner un conseil,c’est de s’associer»Un concept polyglotte pour une idée
apatride. C’est suite à ses expatriations
qu’Antoine Gentil mûrit l’idée d’un
service de garde d’enfants en langue
étrangère. Aux Etats-Unis d’abord,
pendant son adolescence. Puis en Chine,
dans le cadre d’un double diplôme.
«Je suis revenu avec un très bon niveau
d’anglais, alors pourquoi ne pas proposer
des services d’immersion à domicile?»
Cette question, Antoine se la pose avec
Julien Viaud sur les bancs de l’école
de commerce ESCP. En 2009, les deux
camarades lancent Baby-speaking.
«Si je devais donner un conseil dans la
création d’entreprise, c’est de s’associer.
Julien et moi, on est complémentaires :
je m’occupe du commercial et de la
communication, il prend en charge la
finance et la gestion. C’est le premier
atout de notre entreprise.» Une
entreprise qui mobilise aujourd’hui
500 nounous afin d’initier les enfants
aux langues étrangères. Baby-speaking
vise 1,6 million en chiffre d’affaires
pour l’année à venir et lorgne sur
le marché international. Toutefois,
si les perspectives sont ambitieuses
aujourd’hui, les débuts ont été difficiles :
«Pendant plus de deux ans, nous ne nous
sommes pas payés.» Les deux jeunes ont
finalement emprunté 100 000 euros
auprès d’une banque. «Ça s’est bien
passé parce que nous avions la garantie
Oseo et nous étions lauréats du Réseau
Entreprendre. Sans ces appuis, c’est très
compliqué d’emprunter, surtout lorsqu’il
s’agit de financer du développement et
non de l’investissement.»Mais, pour
Antoine Gentil, la principale entrave à
la création d’entreprise est «la lourdeur
administrative française» : «Dès qu’on
veut embaucher, ça devient compliqué,
législativement et fiscalement. Les petites
entreprises paient des charges énormes et
ne sont pas du tout soutenues.»Margherita Nasi
L’agence pour La création
d’entreprise (apce) :l’association donne des
informations sur son portail
Internet (Apce.fr)
Les chambres de commerce
et d’industrie (cci) :1 400 conseillers en création
et reprise d’entreprise
reçoivent les porteurs de
projets dans les 234 «espaces
entreprendre» du réseau
consulaire.
Le réseau des boutiques de
gestion (bge) : il compte
950 salariés et 750 bénévoles
pour accompagner les
créateurs d’entreprise.
Les agences de déveLoppement
économiques (et les comités
d’expansion) : elles ont
des antennes dans chaque
département et région pour
aider les porteurs de projets.
Les pLateformes d’initiative
LocaLe (pfiL) : ce sont
des associations créées à
l’initiative des collectivités
publiques pour soutenir
les créateurs par le biais de
prêts d’honneur. La plupart
des PFIL sont membres du
réseau Initiative France.
Les centres européens
d’entreprise et
d’innovation (ceei) : ilsaccompagnent dans les
départements les porteurs
de projets technologiques.
où se renseigner sur la création d’entreprise?
Devenez un auditeurde haut vol et il vous pousserades ailes
-G
etty
imag
es
carrieres.pwc.fr
Rejoignez-nous en postulant dès maintenant sur carrieres.pwc.fr
Accompagner les dirigeants en audit, conseil, transactions et stratégie requiert plusqu’une simple expertise. C’est pourquoi PwC vous procure l’atout essentiel pour menerune carrière à la hauteur de vos ambitions : une vision créative et audacieuse qui vouspermettra d’aller toujours plus loin.
Audit
Expertise comptable
Stratégie
Consulting
Transactions
Juridique et fiscal
Unmonded’opportunitéss’ouvre à vous
14 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
doss i er | créer son propre job
Partir dès la fin de ses études créer sa start-updans la Silicon Valley ou à Shanghaï?Chaque année, le rêve devient réalitépour quelques dizaines d’étudiants qui osentl’aventure de l’entrepreneuriat à l’étranger.
L’appel du large de jeuneschefs d’entreprise
C ’est un mouvement très dis-cret, mais que plusieurs res-ponsables de grandes écolesont remarqué. Ces dernièresannées, certains étudiants ont
envie de créer une entreprise à l’étranger.Quelques jeunes diplômés de l’Ecole su-périeure des sciences économiques etcommerciales (Essec), par exemple, ontpoursuivi cette ambition : «C’est un phé-nomène encoremodeste, qu’on observe de-puis trois ou quatre ans, relève Julien Mo-rel, directeur d’Essec Ventures, le pôleentrepreneuriat de l’école. Trois créateursse sont lancés aux États-Unis, et nous no-tons un intérêt croissant pour la Chine.»Pourquoi un tel frémissement? La pre-
mière explication est sans doute la crise.
Quelques pays attirent naturellement lesjeunes diplômés quand la France afficheune morosité économique et renvoiel’image d’une terre peu favorable aux en-trepreneurs. «Dans l’imaginaire collectif,
un pays comme les Etats-Unis offre plus defacilités juridiques et administratives quela France», constate Manuelle Malot, di-rectrice carrière et prospective à l’Ecole deshautes études commerciales (Edhec).Les candidats au départ peuvent donc
avoir l’impression que l’environnementéconomique y sera plus adapté à l’entre-
preneuriat. Ce qui n’est pas totalementfaux, à en croire Thibault Lanxade, prési-dent de l’association Positive entreprise :«Les financements d’entreprise, comme lecapital-risque, y sont beaucoup plus déve-loppés, les investisseurs y trouvant davan-tage d’intérêts. Non pas que les succès desociétés nouvellement créées soient plusnombreux, mais celles qui réussissent lefont avec plus d’ampleur qu’en France, enraison de l’importance dumarché.»
Projets InternetLe développement de certains secteurs
d’activités a pu également éveiller des en-vies d’ailleurs. Parmi les projets de créa-tion qui lui sont présentés, JulienMorel necompte plus ceux en lien avec Internet.
Pourquoi un tel frémissement?la Première exPlicationest sans doute la crise
jean-m
anuel
duviv
ier
16 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
doss i er | créer son propre job
çais de l’étranger, les Euro-info-centres…)disposent aussi d’importantes ressourcessur l’expatriation et le monde de l’entre-prise à l’étranger. Enfin, des informationspertinentes pourront être obtenues surplace, auprès des CCI établies à l’étrangeret des missions économiques des ambas-sades. Des services, là encore, pensés pourdes entreprises françaises désirant s’ins-taller sur place ou pénétrer unmarché.
«Il manque un dispositif fort»«La possibilité de créer son entreprise à
l’étranger n’est pas réellement prise encompte dans les mesures d’accompagne-ment et d’aides pour les jeunes entrepre-neurs, résume Thibault. Lanxade. Ilmanque un dispositif fort pour qu’ils puis-sent développer un tel projet. Ce sont sur-tout les dispositifs éducatifs qui l’encoura-gent : Erasmus incite les étudiants àpoursuivre leur route dans un pays où ilsont séjourné, et les écoles de commerce semontrent beaucoup plus réactives qu’au-paravant pour aider les entreprises, enFrance comme à l’étranger.»A l’Essec, Julien Morel confirme cette
évolution : «Nous avons parmi nos parte-naires des fonds jouant un rôle à l’interna-tional, et un cabinet d’avocats américain.»Surtout, l’école vient de signer un accordavec un incubateur de la Silicon Valley
qui propose locaux et accompagnement.Un partenariat a également été établiavec un incubateur chinois.L’aide a toutefois ses limites. «Nous les
accompagnons pour le business plan, leséléments juridiques, mais pour incuber, ilsse tourneront vers les structures locales,note Manuelle Malot, de l’Edhec. Ce n’estpas un hasard si la plupart des créateursne sont pas des jeunes diplômés juste sortisd’école. Ils ont souvent acquis au préalableune nécessaire connaissance du pays, àtravers un premier emploi par exemple.»C’est le cas d’Arnaud, sorti d’une école
de commerce française voici quatre ans,et qui crée aujourd’hui son entrepriseaux Etats-Unis : «Si on n’a pas de connais-sances spécifiques, le minimum est d’avoirrecours aux conseils d’un réseau d’entre-preneurs sur place, indique-t-il. Toutefois,avant de se lancer, expérimenter soi-même le pays, s’adapter à la culture localeet s’entourer d’autochtones me semble in-contournable.»
François Desnoyers
L’internationaLisation croissantedes études – stage, année
de scoLarité à L’étranger –a aussi joué un rôLe
«Et dans ce domaine, l’aura des Etats-Unisest grande.» L’internationalisation crois-sante des études – stage, année de scolaritéà l’étranger – a aussi joué un rôle.Mais, l’idée acquise, comment trouver
les informations et les appuis pour menerà bien son projet? Un rapide tour d’hori-zon des structures françaises d’aide auxentrepreneurs montre que celles-ci se
consacrent avant tout à la création… enFrance. Les chambres de commerce et d’in-dustrie (CCI) avouent ne pas savoir versquel service diriger ceux qui désirent créerune entreprise hors du pays. Rien de pluslogique : la raison d’être des organismesconsulaires est bien plus de développer lecommerce extérieur en soutenant les so-ciétés de leur territoire, que d’aider les cer-veaux à s’éloigner de leurs frontières.Même déficit d’interlocuteurs à l’Agence
pour la création d’entreprise (APCE). Onpeut cependant trouver une documenta-tion abondante classée par pays (struc-tures juridiques des entreprises, fiscalité,aides…) sur son site Internet. D’autres or-ganismes (Ubifrance, la Maison des Fran-
L’épopée indienne d’un jeune entrepreneurEn IndE comme ailleurs,
les cadeaux ont parfois
tendance à se ressembler.
Jérémy Grasset, jeune
entrepreneur de 31 ans
installé dans ce pays
depuis 2004, en a fait
l’expérience : il ne compte
plus les sets de table qu’il a
reçus pour son mariage, à
New Delhi.
Dans ce constat, le
jeune homme a vu
une opportunité : celle
d’importer dans son pays
d’adoption le concept
du coffret cadeau, qui
laisse à son destinataire
le soin de choisir ce qu’il
souhaite dans un catalogue
d’activités et de séjours.
Lui qui a aidé plus de
150 entreprises françaises
à s’implanter en Inde, et
en a créé lui-même trois
sur place, savait qu’il était
très facile de créer une
nouvelle société dans le
secteur des services. Les
compétences des Français
y sont recherchées, comme
dans la gastronomie ou
l’hôtellerie, et le démarrage
de l’activité exige souvent
moins d’investissements
que dans l’industrie. «Il
est faux de croire que l’Inde
est le pays du bas coût :
les prix des terrains sont
devenus horriblement chers
et les salaires ont fortement
augmenté ces dernières
années», constate-il.
Pour créer le catalogue de
sa «dhoom box», Jérémy
Grasset et son équipe ont
passé beaucoup de temps à
trouver les établissements
qui n’allaient pas fermer
leurs portes au bout de
quelques mois. Car, en Inde,
les difficultés ne sont pas
là où on les attend : il est
plus difficile d’acheter que
de vendre. Dans presque
tous les domaines, que ce
soit pour un intercalaire
ou une machine-outil, les
fournisseurs fiables sont
rares. «Ce sont même eux qui
dictent leur loi», soupire le
jeune entrepreneur.
Depuis huit ans qu’il est à
New Delhi, il a beaucoup
appris sur la gestion délicate
des ressources humaines :
«Je donne rarement des
titres de “manageur” à mes
salariés, sinon ils exigent des
assistants, des salaires élevés
et rechignent à exécuter
toutes les tâches.» Donner un
titre d’«assistant-manageur»
permet donc d’économiser
de l’argent et bien des soucis.
Dans une société aussi
hiérarchisée que celle de
l’Inde, chaque titre a son
importance, tout comme
l’adresse de l’hôtel où on
séjourne ou la marque de la
voiture que l’on conduit.
«Etre un étranger n’est
pas un handicap, bien au
contraire», estime le jeune
entrepreneur. Il réserve
même des privilèges,
auxquels, malheureusement,
on ne s’attend pas toujours.
Jérémy Grasset se souviendra
longtemps d’un rendez-vous
avec les responsables d’une
zone économique spéciale
dans le sud de l’Inde. Arrivé
en triporteur, couvert de
poussière, il pensait que son
interlocuteur l’attendrait
dans son bureau. Il a été
accueilli avec des fleurs
par l’ensemble du conseil
d’administration, au pied
de son véhicule, comme
s’il sortait d’un avion
présidentiel.
Pour ceux qui veulent tenter
l’aventure dans le pays,
Jérémy Grasset conseille…
la lecture duMahabharata
en bande dessinée : «Cette
grande épopée permet de
mieux comprendre la société
indienne, ses conceptions
du devoir, de la hiérarchie
ou encore l’importance
de la famille.» Lire les
200 000 vers en version
originale peut aussi être un
bon exercice pour tester sa
sa capacité à vivre dans le
pays. Car, en Inde, la patience
s’apprend, ou se perd.Julien Bouissou,
new Delhi, corresponDance
Libre à vous d’évoluer…
…avec un Groupequi porte vos ambitions
LE GROUPE LA POSTE RECRUTE PLUSIEURS MILLIERS DE COLLABORATEURS EN 2012
En nous rejoignant, vous intégrez un grand groupe de services. L’ambition du Groupe La Poste : devenir le leader européen des serviceset des échanges, tout en restant fidèle à ses valeurs. Le Groupe La Poste, c’est aujourd’hui plus de 250 sociétés, rassemblant 260 000collaborateurs. La force du Groupe, c’est vous !
Retrouvez toutes les informations sur : www.laposte.fr/recrute
C E R T I F I E D B Y T H E C R F I N S T I T U T E
18 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
doss i er | créer son propre job
QQue recouvre la notion d’entrepreneur?Avant d’être une personne, l’entrepreneurest un concept, analysé depuis longtemps,notamment par l’économiste autrichienJoseph Schumpeter [1883-1950] comme ce-lui qui investit et qui accumule du capital.Par la suite, l’école autrichienne d’écono-mie en a donné une image assez idéalisée :l’entrepreneur comme leader charisma-tique, visionnaire capable de dépasserl’existant pour innover.L’approche anglo-saxonne, quant à elle,met davantage en avant le self-made-man,sorte de cow-boy des temps modernes, in-dépendant. L’économiste contemporainMark Casson le décrit commeun chef d’or-chestre, avec des capacités pour coordon-ner des tâches variées, et qui ne trouve pasdans le travail salarié, à cause du lien desubordination, la liberté de faire fructifierson talent. Pour ses successeurs, tout indi-vidu économiquement rationnel fait unarbitrage entre salariat et entrepreneuriat,après comparaison des contraintes et pos-sibilités de chacun des statuts.Est-ce toujours une figuremythique?Lemythe de la success story, à la Bill Gatesou à la Mark Zuckerberg [le fondateur deFacebook], reste très vivace parmi lesjeunes diplômés, qui baignent dans unflou conceptuel quand on leur demandede définir un entrepreneur : pour eux,c’est quelqu’un qui s’épanouit en mettanten œuvre un projet personnel. Parti derien, il devient richissime et connu grâce àune idée géniale. Quelques exemples édi-
Nadine Levratto est professeurd’économie. Depuis 2007, elle est chargéede recherches au Centre nationalde la recherche scientifique (CNRS),au laboratoire Economix de l’universitéde Paris-Ouest-Nanterre-la Défense.
Entretien avec Nadine LevrattoLemythe de Bill Gates
reste vivace parmiles jeunes diplômés»
fiants nourrissent cette légende, mais ilsne représentent que la queue de comètedes créateurs d’entreprise. La plupartd’entre eux ne partent pas de rien et beau-coup ont hérité de l’affaire de papa. La réa-lité est que, sans capitaux, il est difficiled’étendre son «empire». La réussites’avère généralement liée à la mise defond initiale. La probabilité d’échec estélevéemais, sans grands risques, il n’y au-rait pas d’opportunité de profits.Depuis vingt ans, comment a évoluél’image de l’entrepreneur en France?Un glissement sémantique s’est opéréen 1998, lorsque, sous la houlette d’Ernest-Antoine Seillière, le Conseil national du pa-tronat français (CNPF) a muté en Mouve-ment des entreprises de France (Medef).«Le patron», comme figure opposée auxsalariés, laisse la place à «l’entrepreneur»,
une représentation conno-tée nettement plus positi-vement, qui fond dans unmême ensemble toustypes de chefs d’entreprise.La figure historique de lapersonne qui engage descapitaux et utilise unemain-d’œuvre salariée envue d’une production dé-terminée, avec son imagenégative d’exploiteur dupeuple, tend à disparaîtreet à laisser la place à l’en-trepreneur «près de chezvous», sympathique etbonhomme.D’ailleurs, sur le papier,tout le monde peut le de-venir : nul besoin de di-plômeni de capitaux. C’estparticulièrement vrai de-puis 2003, avec la loi pro-
mulguant les sociétés sans capital socialminimal. Depuis règne une certaineconfusion entre, d’un côté, les manageursconnus de grandes entreprises, qui sontdes salariés, et, de l’autre, des entrepre-neurs sans capital et sans salarié, qui nedirigent pas grand-chose.Les politiques publiques n’ont cesséd’encourager la création d’entrepriseces dernières années. Ont-ellescontribué àmodifier la figurede l’entrepreneur?Dès la fin des années 1970, alors que Ray-mond Barre était premier ministre, se dé-veloppe l’idée de sortir les personnes sansemploi du chômagepar la créationd’entre-prise. D’une certaine façon, son pointculminant a été atteint en 2009avec le lan-cement du statut d’auto-entrepreneur.
Dans les chiffres, le résultat est impres-sionnant : le nombre de créations atteintaujourd’hui un niveau inégalé dans l’his-toire. Avons-nouspour autantplusd’entre-preneurs? Loin de là. L’entrepreneuriat deconquête au sens classique, avec un véri-table projet dans une logique de crois-sance, s’entremêle avec l’entrepreneuriatpar défaut, dans une logique de survie, quiamène à créer son propre emploi.L’auto-entrepreneur ne dégage parfois, etmême souvent, aucune activité. Celabrouille le concept d’entrepreneur tel quedéterminé par la théorie économique, etaussi son image. Il n’est plus forcément lehéros apportant des innovations qui vonttransformer la société.
ProPos recueillis
Par Nathalie Quéruel
Publications
2012 Chercheur associé auCentre d’étude de l’emploi,elle publie en collaborationavec Evelyne Serverin «Letravailleur individuel enrégime d’auto-entrepreneur :quels risques pour quelsprofits? Bilan de trois annéesde fonctionnement durégime», dans Revue de laRégulation, automne.
2011 La Défaillance desentreprises. Etude sur donnéesfrançaises entre 2000 et 2010,éd. Oséo, collection «Regardssur les PME», n°21, LaDocumentation française,148 p., 19 €.
2009 Les PME : Définition,rôle économique et politiquespubliques, éd. De Boeckuniversité, 192 p., 19,50 €.
«La PLuPart dEs créatEursd’ENtrEPrisE NE PartENt
Pas dE riEN Et bEaucouP oNthérité dE L’affairE dE PaPa»
20 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
doss i er | créer son propre job
Statut apport initial,conditionS d’accèS
Qui dirige
l’entrepriSe ?Mode d’iMpoSition
de l’entrepriSerégiMe fiScal
du dirigeant
entrepriSeindividuelle
(ei)
Il n’y a pas de notion decapital social, l’entreprise etl’entrepreneur ne formantjuridiquement qu’une seuleet même personne
L’entrepreneur individuelest le seul «maître à bord»
Le chef d’entrepriseest imposé directementau titre de l’impôtsur le revenu
Impôt sur le revenu dansla catégorie correspondantà l’activité de l’entreprise
entrepreneurindividuel à
reSponSabilitéliMitée
(eirl)
L’entrepreneur individuel àresponsabilité limitée estun statut qui permet deconstituer un patrimoineaffecté à l’activitéprofessionnelle distinct dupatrimoine personnel
L’entrepreneur individuelest le seul «maître à bord»
Sous certaines conditions,il est possible d’opter pourl’impôt sur les sociétés
Impôt sur le revenu dansla catégorie correspondantà l’activité de l’entreprise
autoentrepreneur
L’autoentrepreneur est unentrepreneur individuel quiexerce une activitéindépendante, commerciale,artisanale ou libérale, dontle chiffre d’affaires (horstaxes) n’excède pas :− 81 500 euros pour uneactivité commerciale− 32 600 euros pour uneactivité de services
L’entrepreneur individuelest le seul «maître à bord»
L’autoentrepreneur déclarechaque trimestre ouchaque mois le chiffred’affaires (CA) réaliséet verse les cotisationssociales correspondantes,soit 12 % du CA pour lespersonnes dont l’activitéest commerciale, 21,3 %du CA pour les prestatairesde services et pour lesprofessions libérales
Son régime fiscalest celui de l’entrepriseindividuelle. Le montantdu chiffre d’affaires estporté sur la déclarationcomplémentaire de revenuset le bénéfice imposablesera déterminé parl’administration fiscale quiappliquera au montantdéclaré un abattementforfaitaire pour fraisprofessionnels
JeuneentrepriSeinnovante
(Jei)
Entreprise de moins de250 salariés et créée depuismoins de huit ans, dontle chiffre d’affaires estinférieur à 50 millionsd’euros. Le capital doitêtre détenu pour 50 %au minimum par despersonnes physiques, desassociations ou fondationsreconnues d’utilité publiqueà caractère scientifique, desétablissements de rechercheet d’enseignement et leursfiliales, etc. Les dépenses derecherche-développementdoivent représenter aumoins 15 % de leurs charges
En fonction du statutjuridique de l’entreprise(EI, EIRL, EURL, SARL…)
− Exonération d’impôtsur les bénéfices etd’imposition forfaitaireannuelle (IFA) pendantvingt-quatre mois− Exonération d’impôt surles plus-values de cessionde titres pour les associésde la JEI− Allégement des chargessociales patronales sur lessalaires versés aux salariésparticipant à la recherche
En fonction du statutjuridique de l’entreprise(EI, EIRL, EURL, SARL…)
Quel statut choisir?
Source : Agence nAtionAle de lA créAtion d’entrepriSe
La gamme des statuts juridiquespossibles pour créer une micro-activité s’est élargie. Encore faut-iltrouver chaussure à son pied...
mardi 13 novembre 2012 Le Monde Campus / 21
Statut apport initial,conditionS d’accèS
Qui dirige
l’entrepriSe ?Mode d’iMpoSition
de l’entrepriSerégiMe fiScal
du dirigeant
JeuneentrepriSe
univerSitaire
(Jeu )
10 % du capital del’entreprise doit êtredirectement détenupar des étudiants,des personnes titulairesdepuis moins de cinq ansd’un master ou d’undoctorat, ou des personnesaffectées à des activitésd’enseignements et derecherche. L’entreprisedoit signer une conventionavec un établissementd’enseignement supérieur
L’entreprise doit être dirigéepar des étudiants, despersonnes titulaires depuismoins de cinq ans d’unmaster ou d’un doctorat,ou des personnesaffectées à des activitésd’enseignementset de recherche
- Exonération d’impôtsur les bénéfices etd’imposition forfaitaireannuelle (IFA) pendantvingt-quatre mois- Exonération d’impôt surles plus-values de cessionde titres pour les associésde la JEU- Allégement des chargessociales patronales sur lessalaires versés aux salariésparticipant à la recherche
En fonction du statutjuridique de l’entreprise(EI, EIRL, EURL, SARL…)
entrepriSeuniperSonnelleà reSponSabilité liMitée
(eurl )
Le montant du capitalsocial est librement fixé parl’associé. 20 % des apportsen espèces sont versésobligatoirement aumomentde la constitution, le soldedevant être libéré dansles cinq ans
L’EURL est dirigée par ungérant (obligatoirementpersonne physique)qui peut être soit l’associéunique, soit un tiers
L’associé unique est imposédirectement au titre del’impôt sur le revenu(catégorie des bénéficesindustriels et commerciauxou des bénéfices noncommerciaux).L’EURL peut cependantopter pour l’impôtsur les sociétés
Impôt sur le revenu soitdans la catégorie desbénéfices industriels etcommerciaux ou desbénéfices non commer-ciaux (EURL à l’impôt sur lerevenu), soit dans celle destraitements et salaires(EURL à l’impôt sur lessociétés)
Société àreSponSabilité
liMitée
(Sarl)
Le montant du capitalsocial est librement fixépar les associés
La SARL est dirigée par unou plusieurs gérant(s),obligatoirement per-sonne(s) physique(s).Le gérant peut être soit l’undes associés, soit un tiers
Les bénéfices sont soumis àl’impôt sur les sociétés.Il est toutefois possibled’opter pour l’impôt sur lerevenu (IR) dans le cas de laSARL de famille. Une optionpour l’IR est égalementpossible, sous certainesconditions, pour lesSARL de moins de cinq ans
Traitements et salaires,sauf si option de la sociétépour l’impôt sur le revenu
aSSociation
Il n’y a pas de capital social.L’association perçoit descotisations de ses membressi la facturation de sesservices et les réservesqu’elle a pu constituers’avèrent insuffisantes.Les membres peuventégalement effectuer desapports en nature, enindustrie ou en espèces,avec la possibilité derécupérer les apportsen nature à la dissolutionde l’association
Sonmode de gestion estchoisi librement. L’associa-tion est souvent dirigée parun conseil d’administra-tion, qui élit généralementun bureau composé d’unprésident, d’un trésorieret d’un secrétaire
Les associations qui réalisentdes bénéfices, dans un butlucratif, sont assujettiesà la TVA et doivent acquitterl’impôt sur les sociétés (IS)au tauxnormal.Les associations sans butlucratif ne sont pasredevables de l’IS de droitcommun, et elles sontexonérées d’impôtscommerciaux si leursrecettes commercialesaccessoires n’excèdentpas 60000 euros par an
Traitements et salairessi une rémunérationest versée
22 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
doss i er | créer son propre job
Types de financemenTssources eT naTure
de financemenTsmonTanTs
Aides ou subventionsà lA personne
L’Etat : prêt sans intérêt et sansgarantie Nacre (Nouvel accompagnementpour la création et la reprise d’entreprise)
Les collectivités locales
Les fondations
De 1 000 ¤ à 10 000 ¤, attribués pour unedurée maximale de cinq ans à des jeunes de18 à 30 ans en complément d’un prêt bancairede même montant et durée.
prêt d’honneur(c’est-à-dire sans garanties)
eT crÉdiT soLidaire
Les plates-formes Initiative France
Le réseau Entreprendre
L’ADIE (Association pour le droit à l’initiativeéconomique)
France Active
Les collectivités locales
Les fondations
Certains employeurs, dans le cadrede l’essaimage
De 1 500 ¤ à 30 000 ¤
45 000 ¤maximum
10 000 ¤maximum
10 000 ¤maximum
prêt bAncAire personnel Les banques commerciales
pArticipAtion dAns le cApitAl
Les organismes de capital-risqueLes clubs d’investisseurs (Cigales…)Les sociétés de reconversionLes investisseurs individuelsLes associations
primes, subventionsà l’entreprise
L’EtatLes collectivités locales
prêts à moyen ou long termeà l’entreprise
OSEO : prêt à la création d’entreprise (PCE)
Les établissements de crédit (banques)
De 2 000 ¤ à 7 000 ¤ sans cautionpersonnelle ni garantie, en complémentd’un prêt bancaire
crédit-bAilLes banquesLes organismes spécialisés
Où trouver des financements?
Les sources pour financer un projetde création ne manquent pas.Mais les guichets sont nombreuxet les circuits administratifs complexes...
Source : Agence nAtionAle de lA créAtion d’entrepriSe
mardi 13 novembre 2012 Le Monde Campus / 23
Types de financemenTssources eT naTure
de financemenTsmonTanTs
aides à l’innovation
aides au financemenTdes fonds propres
France Active : fonds Innov’ess
Le réseau Entreprendre – Initiative France –conseil régional : prêts d’honneur
OSEO : prêt participatif d’amorçage
de 5 000 € à 500 000 €
de 15 000 € à 90 000 €
Jusqu’à 75 000 €(150 000 € avec le soutien de la région)
aides à la faisabiliTédu projeT innovanT
OSEO : aide au projet innovant
OSEO :aide à la création d’entreprise innovante
OSEO :aide au partenariat technologique (APT)
OSEO – Conseil régional – Réseau dedéveloppement technologique (RDT) :prestation technologique réseau (PTR)
Critt – Biocritt :aide régionale à l’innovationet au transfert de technologie (ARITT)
Avance à taux zéro, remboursableen cas de succès, soutien jusqu’à 50 %des dépenses retenues
Subvention de 30 000 € maximumpour les études de faisabilité.
Subvention plafonnée à 50 000 €
Financement jusqu’à 80 %d’une étude technico-économiqueSubvention plafonnée à 10 000 €
Financement de 75 % des études,subvention plafonnée à 15 000 € et 50 000 €Recrutement : subvention de 50 % des salaireset charges plafonnées à 13 000 € pour unbac+2 et à 35 000 € pour un ingénieur
aides à l’invesTissemenT
Drire :fonds de développement des PMI (FDPMI)
OSEO :garantie innovation
OSEO :contrat de développement innovation
OSEO :biotech garantie
OSEO :contrat de développement participatif
Subvention régionale. Pour Paris,financement de 15 % d’un programmed’investissement de 3 M€ maximum
Garantie des interventions bancaires jusqu’à80 % d’un montant maximum de 300 000 €
Prêt de 40 000 € à 300 000 € encofinancement avec une banque
Garantie du concours bancaire à hauteurde 70 % pour les PME de biotechnologiede moins de 5 ans
Prêt d’un montant maxi de 3 M€ dansla limite des fonds propres de l’entreprise
aides pour les jeunes
fonds de prêTs d’honneurpour les jeunes créaTeurs d’enTreprise
ADIE (Association pour le droit à l’initiativeéconomique) et Pôle emploi avec la Caissedes Dépôts : prêts sans intérêts
Montant maximum de 5 000 eurosà 1 000 jeunes chaque annéeCondition : le besoin de financement duprojet doit être inférieur à 10 000 euros
créajeunes
ADIE (Association pour le droit à l’initiativeéconomique)
Public visé : jeunes de 18 à 32 ans.Formation de un à quatre mois, accompa-gnement par des professionnels, suivipost-création de dix-huit mois, immersion enentreprise, financement des dépenses liées àla préparation ou au démarrage du projet
envie d’agirMinistère de l’éducation nationale Accompagnement personnalisé
et de proximité dans chaque département
24 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
A
De nombreux salariés se montrentréticents à diriger une équipe.Un problème qui a pour toile defond la dégradation des conditionsde travail liée à la crise.
Alors que ses amis finissent leursétudes ou peinent à trouver untravail, Laure décroche à 22 ansun contrat à durée indétermi-née (CDI) en tant que chef de pro-jetWeb en agence de communica-tion. Une belle façon de couron-ner un parcours brillant : classeprépa, puis Sciences Po.Pourtant, deux ans plus tard, la
jeune fille quitte son poste pourun contrat à durée détermi-née (CDD ) de responsable decontenus digitaux pour unemarque. «Je voulais avoir dutemps pour moi et pour mes pro-jets personnels, explique-t-elle.Quand je rentrais chez moi le soir,je me rendais compte que j’avaispassé 70 % de mon temps à ma-nageur des employés. C’est trèsstressant, et j’aurais aimé avoirun supérieur. Je veux bien trouverdes solutions, à condition quequelqu’un les valide. Dans manouvelle boîte, j’ai un responsableet des objectifs plus précis.»
Si cette décision a pu sur-prendre son entourage, la situa-tion de la jeune femme n’est pasexceptionnelle. Selon une en-quête réalisée en 2009 par l’Asso-ciation pour l’emploi descadres (APEC), environ la moitiédes salariés du secteur privé nesouhaite pas passer cadre.
«Une situation infernale»Un résultat qui n’étonne pas
Alain Pichon, docteur en sociolo-gie à l’université d’Evry-Val-d’Es-sonne et auteur de l’ouvrage LesCadres à l’épreuve (PUF, 2008):«J’ai toujours été extrêmementfrappé par l’image épurée qu’ondonnait des cadres, représentéscomme des gens épanouis, alorsque ce que je voyais autour de moine me semblait pas si simple.»La situation des cadres s’est dé-
tériorée un peu plus «à chaquecrise économique», constateAlain Pichon : «Ils sont désormaistouchés au même titre que lesautres par les plans sociaux.»Mais, selon lui, c’est surtout la fi-gure du cadre encadrant qui estaujourd’hui en crise, car celui-cise trouve bloqué «dans une situa-tion absolument infernale» : «Es-sayez d’interroger les cadres dechez PSA-Aulnay! Ils se retrouvent
notamment le management parobjectifs : «Le non-respect deceux-ci est considéré comme unéchec dont la responsabilité estrejetée sur le cadre.» Sans parlerde l’impact des nouvelles techno-logies dans la vie de l’employé.«Les entreprises estiment qu’ilfaut être joignable à tout mo-ment. Les cadres n’ont plus letemps de respirer!»Nathalie Bosse, auteur de l’en-
quête «Devenir cadre, une pers-pective pas toujours attrayante»du Centre d’études et de re-cherches sur lesqualifications (Cé-req), en avril 2012, partage cesmêmes constats : les salariés re-doutent stress et horaires tropcontraignants. Mais, pour la cher-cheuse, ces motivations «s’ap-puient davantage sur la représen-tation que les salariés se font durôle et de l’activité des cadres quesur une vision réelle de leur travail,car ils les côtoient peu».Nathalie Bosse remarque qu’il
faut également prendre encompte l’intériorisation de l’ab-sence de réelle possibilité de pro-motion. «Le passage au statut decadre peut être vu comme trop sé-lectif, et l’évaluation des compé-tences est vécue comme uneépreuve, un jugement.»
entre le marteau et l’enclume, carce ne sont pas les hauts dirigeantsqui font le sale boulot.»
Sylvaine Pascual, consultantespécialiste des relations hu-maines et de la reconversion pro-fessionnelle, confirme : «Avec lacrise, l’ambiance s’est dégradéedans les entreprises, les relationssont plus tendues, et il peut s’avé-rer stressant de prendre en chargeles équipes.» D’autant plus quandle salaire ne suit pas.
Pour Eric Peres, secrétaire géné-ral de FO-cadres, si des salariésrefusent de passer cadre, c’estavant tout en raison d’une tropfaible rémunération. Même s’ilconcède que ce facteur n’expliquepas à lui seul le malaise descadres : «C’est aussi une questionde coût humain dans la vie detous les jours.»Eric Peres pointe ainsi du doigt
la politique de management denombreuses entreprises, citant
Chef, je veux pasêtre chef!
«Les entreprisesconsidèrent qu’iL faut
être joignabLeà tout moment.
Les cadres n’ont pLusLe temps de respirer!»
Eric PErEs, secrétairegénéral de FO-cadres
management
mardi 13 novembre 2012 Le Monde Campus / 25
ils souhaitent protéger leur car-rière. La perspective d’adhérer à unsyndicat est encore plus lointaine,car c’est perçu comme un acte dedéloyauté envers l’entreprise.»Le refus d’une promotion,
l’abandon d’un poste à hautesresponsabilités suscitent souventl’incompréhension de la direc-tion des ressources humaines.«On a encore des idées assez arrê-tées sur ce que doit être une car-rière. Au sein de l’entreprise, ons’interroge sur la place d’un sala-rié qui ne souhaite pas évoluer»,constate le sociologue.
Porte de sortieSophie Gros, employée dans un
grand groupe industriel, vient dedonner sa démission. «Aprèsquinze ans de travail, je commen-çais à voir des failles partout.J’avais un poste à responsabilités,et il était difficile de satisfaire lahiérarchie en gérant des équipespas forcément motivées.»Elle a donc préparé sa porte de
sortie en passant un certificatd’aptitude professionnelle (CAP)en candidat libre afin d’ouvrir un
Ce qui est certain, c’est qu’unmalaise s’instaure entre lescadres et l’entreprise. «L’identitéinitiale des cadres repose sur la fi-gure de l’expert, note Alain Pi-chon.Quand de jeunes ingénieursarrivent dans les entreprises, ilssont motivés par l’innovation.Mais, depuis le début de la finan-ciarisation des entreprises, lesquestions de gestion et de rentabi-lité capitalistique sont devenuesles principales préoccupations.»C’est ici que se creuse «le hiatus
entre les attentes du cadre et cellesde l’entreprise». Alain Pichon citele «cas emblématique» de Peu-geot, où «des salariés qui croienten leur produit se heurtent à ungroupe essentiellement préoccupépar des problèmes gestionnaires».Comment les cadres réagis-
sent-ils à une situation qui se dé-grade? Il n’est pas rare de voir dejeunes diplômés choisir un em-ploi sans rapport avec leur ni-veau d’études. A la sortie de Poly-
technique, Luc ne tient quequelques mois comme assistanttrader dans une banque. «Je suispeut-être trop sensible pour tra-vailler dans une grande boîte, jene supporte pas la pression ins-taurée par le système hiérar-chique. Ce qui est dommage, c’estque tous les jobs qu’on me propo-sait n’étaient pas du toutrock’n’roll, juste parce que je sor-tais de Polytechnique. Comme sij’étais trop au-dessus des autrespour accomplir certaines tâches.»Aujourd’hui, l’ancien de l’X estguitariste-chanteur pour ungroupe demusique.Mais se révolter contre une si-
tuation qui se dégrade n’est pastoujours facile. Alain Pichon parled’une «désapprobation silen-cieuse» :«Souvent isolés, les cadresn’osent pas prendre la parole car
atelier de couture. Mais cette re-conversion ne s’est pas faite sansdifficulté : «Même en ayant uneissue de secours, ce n’est passimple de quitter un statut recon-nu. On a peur du regard desautres. Je suis passée par un tra-vail psychologique, j’ai écrit noirsur blanc les pour et les contreavant de prendre ma décision.»Pour la consultante en rela-
tions humaine Sylvaine Pascual,la reconversion est injustementdévalorisée. «On a beaucoup in-sisté sur les difficultés liées à unchangement de carrière et c’estlégitime : c’est un parcours com-plexe. Mais, à force de se concen-trer sur les problèmes, on ne voitplus les aspects positifs. Or lespersonnes qui identifient un mé-tier qui les passionne font preuved’une grande détermination quileur permet de gérer de frontl’emploi qu’elles veulentquitter etleur nouvelle formation.»
Margherita Nasi
«il est difficilede satisfairela hiérarchie
en gérant des équipespas forcément
motivées»sophie gros, ex-chef d’équipe
dans un grand groupe
Joan
negrescolor
/les
illustrateurs
26 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
estiment que la voie normale,celle qui est valorisée dans l’entreprise, est d’avoir dix, puis vingt,puis cinquante personnes sous sadirection… C’est aussi celle quipermet de rester dans la course, etde ne pas êtremenacé.Ils constatent qu’en effet, les entreprises sont dirigées par desmanageurs, non par des experts, etque toute autre filière que celle dumanagement est considérée comme une voie de garage.Le paradoxe est que les jeunes diplômés sont tout à fait clairvoyants sur l’extrême difficultéde la fonction de manageur, surl’insatisfaction qu’elle génère,mais n’en concluent pas moinsqu’il faut en passer par là.Vous venez d’achever uneautre étude sur la «qualité»des carrières. Qu’avez-vousobservé?Le profil type de celui qui effectue une «bonne carrière» est unhomme, très diplômé, qui restelongtemps dans la même entreprise et suit la filière managériale. Malgré les discours sur lesavantages de la mobilité externe, la promotion de la diversité et le développement des« talents», les parcours gagnantsrestent très classiques.Pourtant, les entreprisesn’ont-elles pasmultipliéles dispositifs de détectionet de promotion des «hautspotentiels», de gestionprévisionnelle des postes?
Entretien avec Jean PralongPersonne ne s’intéresse
à ce qu’est lemétierdemanageur»
Management
Certes, mais il n’est pas sûr queces dispositifs soient utilisés. Lefameux «entretien annuel d’évaluation», par exemple, ne sert pasaux nominations : la progressionhiérarchique reste une affaire depolitique interne. La complaintedes DRH sur la difficulté à trouverde «bons manageurs» tient à lamontée des exigences : ceux à qui
on donnait leur chance il y a dixans, on ne la leur donne plus aujourd’hui, à la fois par crainte dese voir reprocher une «erreur decasting», et parce qu’on exige desrésultats à court terme, sans laisser le temps de se former.Cette pression influence aussi lespratiques de recrutement. Là oùun employeur acceptait autrefois d’avoir à choisir entre dixcandidats, il exige aujourd’huiqu’on lui amène le mouton àcinq pattes. Le tout sur fond dediscours du type : «Les mauvais,on ne peut pas se permettre de lesgarder», alors que les entreprisesse permettaient, il y a encorequelques années, de garder les«moyens».
Quelles sont les conséquencesde ces attitudes sur la fonctionmanagériale elle-même?Le problème est que ceux quisont jugés bons pour devenirchefs sont ceux qui sont prêts àen passer par là pour avancer, etnon ceux qui ont le goût ou l’aptitude pour la fonction. Personnene s’intéresse à la question de savoir ce qu’est le métier de manageur : diriger un projet? Coordonner des équipes?Il y a quinze ans, les chosesétaient claires : le manageur étaitchargé d’appliquer les décisionsde la direction. Aujourd’hui, onlui demande de décider localement de ce qu’il faut faire, ce quiprésuppose, premièrement, qu’ilest capable de décider, deuxièmement, qu’il n’y a plus de décision venue d’en haut! Ce qui estfaux la plupart du temps : la réalité, c’est la généralisation de l’injonction paradoxale.Les plus jeunes ne résistent-ilspas à ce type demanagement?Le discours sur la “génération Y”ne fait pas le poids face à la réalitéde 25 % de chômage des jeunesactifs. Tout pousse au conformisme et au respect des règlesdès lors qu’on a réussi à intégrerune entreprise. Le comportementpseudolibéré de la génération Ys’arrête à la porte du bureau, oùils se savent évalués sur de toutautres critères.
ProPos recueillis Par
antoine reverchon
VVous avez réalisé il y a troisans une enquête qualitativeauprès de jeunes diplômés enactivité âgés de 25 à 35 ans, oùils étaient invités à comparerleurs attentes personnellesavec la réalité de l’entrepriseoù ils travaillent. Quelles sontvos principales conclusions?Ces jeunes sont écartelés entreleur propre projet professionnelet la nécessité de faire carrière. Ilsressentent une contradictionentre ce qu’ils souhaitent et cequ’ils doivent effectivement fairepour progresser, ou même seulement rester, au sein de l’organisation qui les emploie.Le choix d’un emploi semble plusguidé par un besoin de sécurité– «Je vais là où “ça marche” – quepar le goût pour un métier, unefonction. La plupart intègrent lesgrandes entreprises en pensant :«Je sais que je vais m’y emmerder,je sais qu’on va m’y emmerder,mais j’aurai une belle ligne surmon CV». En début de carrière, onremet à plus tard la réalisation deson vrai projet pour pouvoirmettre un pied dans l’emploi.Quelle est leur attitude parrapport aux responsabilitésmanageuriales?Ils ne déclarent guère d’intérêtpour lemétier demanageur, mais
Jean Pralong dirige la chaire «nouvellescarrières» à Rouen Business School.Il a réalisé en 2009 l’étude «La “génération Y”au travail : un péril jeune?». Il signe en 2012«La “qualité” des carrières des cadres français :diversification ou hétérogénéisation?».
«LE coMPortEMEntPsEudo-Libéré
dE La génération Ys’arrêtE à La PortE
du burEau»
présentent
le salon Des MASTERS&MASTÈRESSPÉCIALISÉSsamedi 2 FéVRieR 2013CiTé de La mOde eT dU desiGNLES DOCKS 34 quai d’Austerlitz PaRis
enTRÉeGRaTUITe
InfOS & InSCRIPTIOn :
www.salondesmasters.com
28 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
UUn mail, simple et encourageant.«Hello, seriez-vous dispo mardiprochainpourunpot“afterwork”?Nous avons des choses à fêter…»Neuf réponses positives sur dix.L’affaire est entendue. Le mardisuivant à 19 heures pétantes, Phi-lippe, responsable du service Re-search d’Accenture France, lance àla cantonade : «Allez, vous êtesprêts? On y va!»Enmoins de tempsqu’il ne faut
pour le dire, tout son petitmondese retrouve attablé à L’Avenue, unbar cosy situé au pied des bu-reaux de l’entreprise, dans leXIIIe arrondissement de Paris.«Notre service est né de la réunionde deux équipes : l’une chargée deconseil en stratégie, l’autre de do-cumentation, explique Philippe,en attrapant une poignée dechips. C’est pour fédérer cette nou-velle équipe que nous avons lancél’idée d’un afterwork.»Un concept de soirée importé
des Etats-Unis il y a une dizained’années qui consiste à retrouver
deux jours par semaine, ce quinous conduit à moins nous voir,confie cette chargée d’étude.Parfois, je regrette qu’on ne par-tage pas davantage de tempstous ensemble. »Renouer du lien, découvrir ses
collègues dans un autre contexte,prendre le temps de discuter, voi-
là ce qu’attendent les adeptes desapéros pros. «On a beau être hy-perconnecté, avoir 2 000 amis surFacebook, on n’a pas forcémentson compte de relations socialespour autant, explique MichaëlHoffmann-Hervé, directeur gé-néral délégué aux ressources hu-maines au sein du groupe Rands-tad France. Cela peut semblerparadoxal, mais l’avènement desnouvelles technologies a plutôtfavorisé la solitude.»La mise en place de la réforme
des 35 heures, en 2000, n’a rienarrangé non plus. «Pour gagneren productivité, la plupart des en-treprises françaises ont chassétous les moments d’échange et de
Aller boire un verre entre collèguesjuste après le travail, en veillant à nepas se coucher après 1 heure du matin :le concept séduit de plus en plus decadres surbookés en mal de sorties.
ses collègues après le travail pourprendre un verre. Lumière tami-sée et musique pop-rock en sour-dine, on échange sur les pro-chains entretiens individuelsd’évaluation, les films à ne pasmanquer dans les salles obscuresou les performances de ZlatanIbrahimovic au PSG.
«L’objectif n’est pas d’en faire unrendez-vous formel auquel tout lemonde se sentirait obligé de parti-ciper, mais un moment convivialoù l’on peut discuter à bâtons rom-pus sans barrière hiérarchique»,insiste Francis, responsable mon-dial des études stratégiques chezAccenture. Idéal pour intégrerune nouvelle recrue. Samira en afait l’expérience. «Quand j’ai dé-barqué chez Accenture, en sep-tembre 2011, j’avais un peu peur deme sentir exclue car tout le mondedans le service se connaissait de-puis longtemps. Finalement, grâceaux afterworks, j’ai très vite réussià trouver ma place.»
Renouer du lienMalgré ses onze années d’an-
cienneté, Emilie ne raterait cesrendez-vous pour rien aumonde. «Depuis l’accord signéen février 2010 par la direction etles organisations syndicales,nous travaillons tous à distance
partage d’expérience, constateRoger Sue, professeur de sociolo-gie à l’université Paris-Descartes.Or, c’est dans ces temps intersti-tiels que se forgent la motivationet l’esprit d’équipe.»Les sociétés anglo-saxonnes et
japonaises ont, elles, compris l’in-térêt de ces moments de détente.Pour développer la culture d’en-treprise, nombreuses sont cellesqui réunissent leurs équipes, unefois par semaine ou une fois parmois, dans un endroit branché.Une aubaine pour les bars, les res-taurants et les discothèques desgrandes villes, enmal de clientèlependant la semaine.Open bulles, open buffet et
soirée dansante pour 20 euros enmoyenne, plus le vestiaire, toutest bon pour attirer cette nou-velle clientèle. Signe de la popu-larité du concept, la marque demode Sandro propose dans cer-taines de ses boutiques, en plusd’un bar, un atelier «BarberShop» où la clientèle masculinepeut se refaire une beauté.En lançant au début des an-
nées 2000 les premières soirées«seven to one», de 19 heures à1 heure du matin, le jeudi soir, lebar La Galerie – rebaptisé depuisLe Players –, dans le IIe arrondis-sement de Paris, a trouvé un fi-
Afterworks:métro, boulot, apéro
Lumière tamiséeetmusique
pop-rock en sourdine,on échange
sur Les prochainsentretiensd’évaLuation
vie de bureau
mardi 13 novembre 2012 Le Monde Campus / 29
lon très lucratif. «Auparavant,trouver un endroit où l’on pou-vait danser avant 1 heure du ma-tin était mission impossible, sesouvient le directeur de nuit del’établissement, Nicolas Monta-tin. Désormais, les gens qui tra-vaillent peuvent s’amuser sans secoucher très tard.»Vincent, chef de projet envi-
ronnement et développementdurable chez AEW Europe, entre-
prise de conseil en investisse-ment, apprécie. «On retrouvel’ambiance des soirées étu-diantes, en version plus classe,s’enthousiasme le jeune hommede 28 ans, dans son costumesombre impeccablement coupé.On se détend, on s’amuse. Mais à1 heure du matin au plus tard onest couché. Ça permet d’être d’at-taque le lendemain.»Sur la piste de danse du
Concorde-Atlantique, une pé-niche amarrée sur la Seine, unebande de joyeux drilles tirés àquatre épingles pouffentbruyamment. Cadre à la Sociétégénérale, Jessica, 24 ans, leur jetteun regard réprobateur. «Avec l’al-cool, on peut vite perdre lecontrôle et donner une mauvaiseimage de soi. Pour éviter les en-nuis, mieux vaut garder une cer-taine retenue.»Avec ses collègues, Jessica parle
musique, voyages ou exposi-tions, mais veille à ne jamaiss’épandre sur sa vie privée. San-dra, 23 ans, s’impose lamême dis-cipline. «Je préfère ne pas mélan-ger le travail et la fête, témoignecette chargée de communication.J’ai trop peur de ce qui pourrait sedire ensuite au bureau.»
ElodiE ChErmann
UneaUbainepoUrlesbars,
lesrestaUrantsetlesdiscothèqUes,enmaldeclientèlependantlasemaine
recruter autour d’un verreSe détendre ou
«réSeauter»? Avec les
apéros «networking»,
plus besoin de choisir !
Encore assez confidentielles
en France, ces soirées
permettent d’étoffer son
carnet d’adresses dans
une ambiance détendue.
On boit un verre, on
échange ses cartes de visites,
et plus si affinités.
C’est le principe des
afterworks organisés quatre
fois par an par le Club des
jeunes pros du marketing.
«Gratuites et ouvertes à tous,
ces rencontres sont l’occasion
pour les marketeurs de
communiquer sur les bonnes
pratiques, de démarcher de
nouveaux clients, voire de
décrocher un job», témoigne
Stéphane Alcaraz, le co-
président du club.
Mais cela ne peut
évidemment fonctionner
qu’en mélangeant les
générations. «Prendre un
verre avec des collègues du
même âge, c’est rarement
efficace pour trouver du
boulot», rappelle ainsi
Bénédicte Poinsart, directrice
d’un cabinet de conseil et
de formation à l’usage des
réseaux sociaux.
D’où son idée d’organiser,
tous les trimestres,
des afterworks inter-
générationnels. «J’invite entre
50 et 80 personnes d’âges
et d’horizons différents :
des jeunes cadres, des
chercheurs expérimentés, des
demandeurs d’emploi, des
recruteurs…» Apéro, buffet,
séquence artistique, puis
chacun navigue d’une table
à une autre pour élargir son
cercle professionnel.
Les jeunes diplômés auront
toutefois plus de chances de
décrocher leur premier job
lors des soirées spéciales
recrutement. Adetel Group,
spécialisé en électronique,
et la société de conseil
en sécurité Lexsi en sont
devenus adeptes, de même
qu’Akka Technologies.
«Les afterworks sont un bon
moyen d’attirer les jeunes
talents dans l’entreprise,
assure Eve Royer, la
directrice recrutement
France de la société de
services en ingénierie
informatique. Nous invitons
les candidats à se regrouper
autour d’un événement
sportif, puis nous organisons
des tables rondes et des
“speed entretiens” d’un quart
d’heure avec nos managers.»
La recette semble plutôt
efficace. La société embauche
en moyenne 10 % des
personnes rencontrées
à ces soirées.
E. C.
Giu
lia
D’a
nna
lupo
30 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
U
Les établissements publics misentdésormais sur leur réseau d’anciens élèvespour favoriser l’insertion professionnelledes étudiants et doper les levées de fonds.Mais le processus est laborieux.
Réseaux
Université Paris-Dauphine dansle chic XVIe arrondissement,20 heures. Dans les couloirs du7e étage flotte une forte odeur decigare. Au loin résonne de la mu-sique cubaine. Sur la terrasse sur-plombant Paris, une vingtaine depersonnes discutent, cigare dansune main et verre de rhum dansl’autre. Ce soir, le Club DauphineCigare réunit des anciens.Ici, on discute passion, mais
aussi affaires. « Je suis d’abordvenu pour le cigare, mais je ren-contre des gens intéressants.Alors pourquoi pas faire dunetworking? Nous vivons dansun monde de réseaux», souritBernard Kayat, promo 1989, gé-rant d’une filiale spécialiséedans la tuyauterie industrielle.«C’est utile pour se donner des
contacts, des conseils et desbonnes infos», précise l’avocatAntoine Jacquet, promo 2008,entre deux bouffées. Le club estégalement ouvert aux personnesextérieures, sur invitation.
versités (LRU). «Elle a créé uneautre mission pour les universi-tés : l’insertion professionnelle. Etsavoir ce que les anciens font estdevenu une obligation. Les asso-ciations d’alumni [«élèves» enlatin] ont été vues commeune op-portunité de remplir ces mis-sions», explique Christian Daran-tière, directeur délégué del’Association pour faciliter l’inser-tion professionnelle des jeunesdiplômés (AFIJ).«Notre voulons proposer un
réseau clés en main», confirmeStéphane De Caro, chef de projetà la direction de l’insertionprofessionnelle de l’universitéPierre-et-Marie-Curie (UPMC), àParis. Il espère que les anciensfournissent conseils et contactsaux plus jeunes. «C’est impor-tant pour l’égalité des chances.Et c’est gratuit, contrairementaux réseaux sociaux profession-nels», ajoute t-il.Un carnet d’adresses d’autant
plus précieux qu’avec la crise leréseau a pris de la valeur. PourChristian Darantière, « les uni-versités sont très mal représen-tées dans les réseaux d’entre-prises. Or, depuis 2008, celles-cirecrutent moins par offres d’em-ploi, car il faut gérer les candida-tures. Elles font appel aux ré-
Cigare, mais aussi voile ou bu-siness angels... Dauphine Alum-ni, l’association des anciens deParis-IX, chapeaute une quin-zaine de clubs où actuels et ex-dauphinois se côtoient. L’uni-versité souhaite en tirer partipour développer un réseau d’an-ciens structuré, à la manière desécoles de commerce ou des uni-versités américaines. Formationde haut niveau et esprit de corpslui facilitent la tâche.
Paris-Dauphine n’est pas laseule à s’être lancée dans l’aven-ture. Depuis quelques années,les universités publiques fran-çaises sont de plus en plus nom-breuses à consacrer un service àla mise en place d’un réseaud’anciens. Car il y a du retard àrattraper par rapport aux gran-des écoles hexagonales.Ce nouvel intérêt date de la loi
du 10 août 2007 relative aux li-bertés et responsabilités des uni-
seaux, qui ont un effet filtrant».«Avec la LRU, le réseau des di-
plômés participe aussi du fund-raising [collecte de fonds]»,ajoute Kim-Loan Nguyen, char-gée du réseau des anciens del’université de Cergy-Pon-toise (Val-d’Oise), qui organisetoute l’année forums, débats etapéros networking. La loi a auto-risé les universités à créer desfondations. Leurs projets sont fi-nancés par des levées de fondsauprès d’entreprises et de parti-culiers. «Les anciens sont lamanne des universités, vu le vo-lume d’étudiants qui y sont pas-sés», assure Yaële Aferiat, direc-trice de l’Association françaisedes fundraisers (AFF).Pour Philippe Aghion, profes-
seur d’économie à Harvard, lesanciens étudiants participent aurayonnement de leur établisse-ment de formation. Les universi-tés les mieux classées au plan in-ternational sont souvent cellesqui ont des réseaux d’anciens dé-veloppés. «Ce sont aussi celles quiont mis en place des conseils d’ad-ministration où les anciens jouentun rôle important», ajoute t-il.«Le réseau des anciens nous
permet d’avoir le regard des per-sonnes diplômées sur leur univer-sité, de profiter de leurs conseils,
Université rechercheanciens étudiants
«C’est impoRtantpouRl’égalitédesChanCes.
etC’estgRatuit,ContRaiRement
auxRéseauxsoCiauxpRofessionnels»
StéphaneDeCaro, service insertionde l’université Pierre-et-Marie-Curie, Paris
mardi 13 novembre 2012 Le Monde Campus / 31
Selon une enquête en ligne
publiée en juin 2011 par
CampusFrance, l’agence
nationale pour la promotion
de l’enseignement supérieur,
l’accueil et la mobilité
internationale, 58 % des
116 établissements du supérieur
adhérents ayant répondu (sur
248) ont un réseau d’anciens
étudiants, mais les trois quarts
des universités n’en ont pas
encore. Cependant, toutes ont
répondu qu’elles songeaient à
créer un fichier d’alumni.
Pour les établissements, le
but principal de ce type de ce
réseau est de «mettre en relation
les anciens et les nouveaux
étudiants». Vient ensuite la
volonté de «favoriser l’insertion
professionnelle». La promotion
de la structure hors des murs de
l’université arrive en troisième
position. La possibilité de
recueillir les dons financiers
des anciens n’est pas affichée
comme prioritaire.
Selon les établissements, la
principale motivation attribuée
aux étudiants qui participent
à un réseau d’anciens serait le
souhait de «se constituer un
réseau professionnel» (61%). La
«dimension amicale» n’arrive en
tête des motivations supposées
que dans 20 % des cas.
L. L.
de leur expertise sur un plan na-tional et international», expliqueJean-Marc Jeltsch, vice-présidenten charge des partenariats avecles entreprises à l’université deStrasbourg. Cette dernière s’estlancée depuis janvier 2011 dans lastructuration de son réseaud’alumni, et espère récupérer lescoordonnées de plus de 40 000d’entre eux d’ici 2016.
Sentiment d’appartenanceStrasbourg n’est pas un cas iso-
lé. Depuis 2008, plusieurs univer-sités emploient du personnelpour construire et animer de telsréseaux. Elles ne cachent pas leurssources d’inspiration : «On re-prend des choses qui fonctionnentbien dans les universités améri-caines et dans les grandes écolesfrançaises», explique StéphaneCalipel, vice-président délégué àla communication de l’universitéd’Auvergne (UDA), qui a réussi àattirer 12 000 personnes sur sonréseau virtuel, baptisé UDA Pro.Mais difficile de donner vie à
un réseau d’anciens sans senti-ment d’appartenance. L’universi-té d’Auvergne tente d’en façonnerun. Elle a créé la marque «Madein UDA». «Elle sert de poinçon surles campagnes de communicationet nous montons une boutique
«On met la gomme sur la re-cherche des coordonnées»,confirme Dominique Blanche-cotte, présidente de DauphineAlumni. A l’association, deuxpersonnes se consacrent exclusi-vement à cette mission labo-rieuse, très encadrée par la loi. «Ilfaut que les étudiants aient don-né leur autorisation sur leur fichepour que l’université nous trans-mette leurs données», expliqueDominique Blanchecotte. Un im-pératif problématique pour les«vieux» diplômés, à qui la ques-tion n’a pas été posée.Dauphine Alumni a trouvé
une façon ludique de récupérernoms et adresses mail. «Le jeu“ le réseau, c’est nous ! ” proposeaux dauphinois de retrouverleurs ex-camarades, avec des ca-deaux à la clé», explique Domi-nique Blanchecotte.En 2008, c’est l’UPMC qui avait
innové avec le jeu «Docteur XWanted», pour retrouver ses an-ciens docteurs. «80 %des promo-tions ciblées ont été retrouvées»,souligne Stéphane De Caro. Lejeu a ensuite été élargi à toutel’université. «La propagationd’une idée est toujours plus effi-cace lorsqu’elle se fait via les gensimpliqués», philosophe t-il.
Léonor Lumineau
avec des vêtements, des mugs, desporte-clés portant ce slogan», dé-taille Stéphane Calipel.D’autres universités misent sur
les «rituels». Parmi ceux-ci, la re-mise des diplômes, très soignée àl’université de Cergy-Pontoise.«Nous l’avons entourée d’un céré-monial. Les diplômés sont en toge.Il y a des animations sur le cam-pus. C’est “la” date importantepour les anciens et les étudiants»,explique Kim-Loan Nguyen, laresponsable du réseau.
Mais ces associations se heur-tent à des difficultés spécifiques àl’université. «Le gros problèmeest qu’elles n’avaient pas, au dé-part, de logique d’entretien d’unréseau, et donc pas de fichiers desanciens», souligne Yaële Aferiat,de l’AFF. A Strasbourg, «nousavons juste des noms : nous sa-vons qu’ils ont été chez nous, etpour quel diplôme», expliqueJean-Marc Jeltsch, qui prévoit dixà quinze ans pour récupérer lesdonnées des 400 000 anciens.
Les réseaux d’anciens en chiffres
ALJO
SHA
BLAU/cOm
iLLUS
32 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
H
De nombreux jeunes cadres sont amenésà diriger des seniors, moins diplômésmais plus expérimentés. Quelles sontles clés d’une cohabitation réussie?
Ressources humaines
De quoi contrarier le discoursambiant qui véhicule l’idée d’uneguerre des âges. «Certes, pendantlongtemps, l’entreprise a été unlieu d’apartheid générationnel, re-connaît le sociologue Serge Gué-rin, professeur à l’ESG Manage-ment School à Paris et auteur deLaNouvelle Société des seniors (Mi-chalon, 2011). Les jeunes avaientdu mal à y entrer et les vieux dumal à y rester. Mais la société aévolué. Avec les stages de find’études et le maintien en activitédes seniors, les générations sont deplus en plus amenées à se côtoyer,et force est de constater que ça sepasse plutôt bien.»
L’effet de miroir y est aussipour beaucoup. «Les seniors ac-cordent à leur jeune manageur lerespect qu’ils souhaiteraient qu’onmanifeste à leurs enfants dumême âge, et vice versa.»Directeur du service solutions
répétitives à Schneider ElectricParis, Benoît, 30 ans, inscrit surun grand tableau blanc les objec-
La guerre des âgesn’aura pas lieu
Huit heures trente. Blouseblanche, chaussures de sécurité etcharlotte sur la tête, Vincent, res-ponsable d’une usine agroalimen-taire en Vendée, arrive à la chaînede production pour saluer toutson petit monde : Patrick, Deniseet, bien sûr, Michel, le doyen de labande. Vincent a 33 ans, Michel,55 ans, mais, entre eux, ça a tou-jours été l’entente cordiale.«Dans l’ensemble, les seniors
me donnent moins de fil à re-tordre que les jeunes fraîchementémoulus de l’école, qui ont peul’habitude d’être cadrés, accor-dent une place secondaire au tra-vail et connaissent leurs droitsmieux que leurs devoirs, confie àmi-voix le directeur. Les anciens,eux, nourrissent un profond atta-chement pour leur boutique etrespectent la hiérarchie. Ils saventqu’un patron ne compte pas sesheures et ne gagne pas dix foisleur salaire. D’ailleurs, si on leurproposait la place, aucun d’entreeux n’en voudraient.»
«l’entRepRisea longtemps été
un lieu d’apaRtheidgénéRationnel.mais la société
a évolué»Serge guérin, sociologue
Joan
negrescolor
/les
illustrateurs
mardi 13 novembre 2012 Le Monde Campus / 33
Des destins liés par le contrat de générationAlors que le chômage
des jeunes et des seniors
a particulièrement
augmenté en septembre, le
gouvernement présentera
le 12 décembre un projet
de loi sur les contrats de
génération, dispositif visant
à associer l’embauche de
jeunes au maintien en
activité des seniors, pour un
vote début 2013.
Le contrat de génération
devrait revêtir trois visages
différents selon la taille
des entreprises (moins de
50 salariés, entre 50 et 300,
plus de 300). Il se substituera
aux accords et plans seniors
obligatoires depuis 2010 dans
les entreprises de plus de
50 salariés.
L’accord concernera les
seniors à partir de 55 ans
et les moins de 30 ans, si le
jeune embauché en contrat
à durée indéterminée (CDI)
était déjà en CDD ou en
apprentissage, handicapé ou
doctorant ; 25 ans sinon.
L’entreprise qui recrutera un
jeune en CDI et maintiendra
dans l’emploi un salarié
senior identifié sera liée à
l’Etat par une «convention
de génération».
Les entreprises de moins
de 300 salariés recevront
une aide financière de deux
fois 2 000 euros annuels,
durant trois ans pour le
jeune et jusqu’à la retraite
pour le senior. Au-delà de
300 salariés, les entreprises
seront obligées de conclure
des accords ou des plans,
sous peine de sanction.
Pierre Jullien
bouchons dans les oreilles et en-file son casque. Pendant trois ans,la jolie brunette de 31 ans, a dirigéune équipe de 90 personnes. Unevingtaine d’entre elles avaiententre 50 ans et 55 ans. «Les deuxpremières semaines, ils m’ontbeaucoup observée, un brin mé-fiants. Mais quand ils ont vu que jetenais la route, ils m’ont naturelle-ment intégrée dans le circuit.»
Bien sûr, Amandine n’a paséchappé aux remarques dugenre : «Ecoute, t’es gentille, j’enai vu passer plein des comme toi.Je n’ai jamais courbé l’échinejusqu’à maintenant, et ce n’estpas aujourd’hui que ça va chan-ger.» Certains seniors ont telle-ment peur que les jeunes leur«piquent» leur poste qu’ils es-saient de leur barrer la route.
Pour éviter des conflits de cegenre, Amandine a trouvé l’as-tuce. «Les seniors sont très in-fluents dans une équipe, sou-
ligne-t-elle. Ils détiennent lesavoir-faire, la technique, le re-tour d’expérience. Plutôt que deme les mettre à dos, j’ai choisi dem’appuyer sur eux. Dès lors qu’onleur confie des responsabilités, laplupart sont très faciles à gérer.»
La sociologue Béatrice Delaypartage le même constat dansune étude intitulée «La Trans-mission des savoirs dans l’entre-prise. Construire des espaces decoopération entre les généra-tions au travail» (2006). «S’ils sesentent investis d’une mission deformation auprès des nouveaux,c’est aussi dans l’objectif de “pas-ser le flambeau” et de contribuerà la pérennité de l’activité, la-quelle, en retour, confère du sensà leur propre engagement profes-sionnel, sur le mode : “Si ça conti-nue après nous, on n’aura pastravaillé pour rien.”»
Une solution gagnant-gagnantqui semble faire recette. En avril2011, le groupe de restaurationSodexo France a, lui aussi, signéun accord avec les organisationssyndicales pour promouvoir,entre autres, le tutorat et latransmission du savoir-faireentre générations.
elodie Chermann
travail pour leur montrer qu’ilssont meilleurs qu’eux.
C’est ce qu’a vécu Jean-Phi-lippe, 53 ans, vendeur automo-bile à Toulouse. «J’exerce ce mé-tier depuis trente ans, raconte-t-il.Je maîtrise donc parfaitement lestechniques de questionnement,d’argumentation, de réponse auxobjections et de conclusion. Pour-tant, lorsque le nouveau respon-sable des ventes a pris ses fonc-tions, il m’a obligé à revoir toutesmes méthodes, sous prétexte debooster le chiffre d’affaires. De-puis, nos relations sont glaciales.»
Imposer un système hiérar-chique pyramidal, rien de telpour se tailler une réputationd’arriviste. Plutôt que d’appli-quer des théories toutes faites,mieux vaut donc se laisser letemps d’observer, de com-prendre le mode de fonctionne-ment de l’équipe et d’appréhen-der les différentes personnalitésqui la composent : leurs par-cours, leurs motivations, maisaussi leurs attentes par rapport àla hiérarchie. «Un bonmanageurest comme un caméléon, rappelleBenoît, en se remémorant le dis-cours de ses formateurs en ma-nagement. Il a la capacité d’adap-ter son comportement à chaquecollaborateur. »
«Ecoute, t’es gentille...»Sur le pont dès 6 h 30 du matin,
Amandine, chargée de la régula-tion industrielle à la direction dumatériel de la SNCF, se met des
tifs à atteindre dans l’année. Unsilence religieux règne dans lasalle. «Nous allons devoir amélio-rer de 7 points le net promotorscore [un indice mesurant le tauxde satisfaction des clients]», an-nonce l’ingénieur des Arts et mé-tiers, l’air parfaitement à l’aise.«Aujourd’hui, je ne fais plus dutout attentionà la différence d’âgequi me sépare de certains collè-gues. Mais cela n’a pas toujoursété le cas», avoue-t-il au sortir desa réunion d’équipe.«Quand j’ai pris mon premier
poste de manageur en 2008, monautorité n’était pas du tout natu-relle. Il arrivait d’ailleurs souventque les clients me demandent quiétait mon responsable…» Et pourcause! A tout juste 26 ans, Benoîtétait le plus jeune du service, et deloin. La plupart de ses collèguesavaient autour de 45 ans, l’âge deses parents. «J’avais beau avoir debeaux diplômes et un statut decadre, je me demandais vraimentce que j’allais pouvoir leur appor-ter. Jeme sentais d’autantmoins àl’aise que ma mission de respon-sable édition, logistique et événe-mentiel consistait, entre autres, àremettre les médailles du travailet à accompagner les seniors versle départ à la retraite…»
Avec l’allongement de la duréedes études, nombre de salariés ju-niors se retrouvent ainsi catapul-tés à la tête d’équipes plus âgées,alors qu’ils n’ont aucune expé-rience de management. «Beau-coup manquent de confiance eneux et ont du mal à trouver leurplace, constate Hélène Silvert, for-matrice en management et com-munication. C’est en travaillantsur leur savoir-être qu’ils parvien-nent à gagner en charisme.»
Pour asseoir leur légitimité,certains jeunes manageurs sonttentés de la jouer «copain-co-pain» avec leurs aînés. D’autres,au contraire, se risquent à révolu-tionner toute l’organisation du
Imposerun systèmehIérarchIquepyramIDal,
rIenDe tel pourse taIller
une réputatIonD’arrIvIste
34 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
AA La Poste, au Crédit agricole,chez Rhodia, Schneider Electric,France Télécom-Orange, Danoneou Vivendi, une part de la rému-nération des dirigeants est condi-tionnée aux progrès de la «res-ponsabilité sociale» de leurentreprise (RSE).Une aubaine? Une contrainte
supplémentaire? Une nouvelleusine à gaz? Un progrès social?Quoi qu’il en soit, le phénomènese développe. Mais pour associerrémunérations des dirigeants etRSE, il a fallu au préalable la défi-nir et se doter des instrumentsnécessaires à sa mise en place.
Sensibilisation efficaceLa responsabilité sociale des en-
treprises recouvre trois champs :le social, l’environnemental et lesociétal. Du bilan carbone auxéconomies d’eau en passant parla réduction des inégalités de sa-laire, la RSE est une notion assezvague, ce qui a permis à certainesentreprises d’en faire pendant
Formation des salariés, féminisationdes équipes, ou encore économies d’eau...Dans de nombreux grands groupes, le bonusdes cadres est désormais lié aux progrès dela responsabilité sociale de l’entreprise (RSE).
des années un instrument de«greenwashing» (que l’on pour-rait traduire par «peindre envert») pour soigner leur image àpeu de frais.Mais, depuis avril, les entre-
prises cotées se penchent un peuplus sérieusement sur la ques-tion : un décret d’ application dela loi dite du Grenelle de l’envi-ronnement les oblige en effet àinscrire d’ici à 2013 un reportingenvironnemental et sociétal àleur bilan. Et celui-ci est regardéde près par les investisseurs.Convaincues que l’incitation fi-
nancière est la plus efficace despolitiques de sensibilisation auxquestions sociales et environne-mentales, plusieurs entreprisesont intégré des critères RSE dansla part variable de rémunérationdes dirigeants et desmanageurs.«Les entreprises qui souhaitent
inscrire la RSE dans une vision àlong terme ont besoin de l’adhé-sion de leurs salariés», note l’Ob-servatoire sur la responsabilitésociétale des entreprises (ORSE),qui a passé en revue les dé-marches de grands groupes dansce domaine : définition des objec-tifs, choix des critères et des bé-néficiaires, calcul des bonus etarticulation avec la politique deressources humaines.
Pérenniser la démarche RSE oul’intégrer dans la stratégie de l’en-treprise, modifier les comporte-ments, coresponsabiliser les sala-riés, sont autant d’objectifsauxquels répondent autant depolitiques différentes. Le choixde l’une ou l’autre dépendant no-tamment de la maturité de l’en-treprise à l’égard de la RSE.
«Traditionnellement, il y avaitdans les entreprises des indica-teurs sur la santé au travail», rap-pelle François Fatoux, délégué gé-néral de l’ORSE.Mais laRSE couvreun champ beaucoup plus large.Les entreprises ont donc dû défi-nir de nouveaux indicateurs, dé-terminer où ils devaient s’appli-quer (France, Europe, monde?),
La vertu, ça peutrapporter gros
Rémunération
Ne sait pas
15 %
1 %
32 %
N’a pas l’intention d’investir
A déjà investi
Va investir
52 %
Source : Baromètre entreprise « engagement dans le développement durable »de BVA réalisé à la demande du ministère de l’économie, des financeset de l’industrie et du ministère du budget et des comptes publics, juin 2010.
LAMOITIÉ DES PME N’ONT PAS L’INTENTION D’INVESTIRDANS LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
Quelle est la position de votre entreprise sur la prise en comptedu développement durable ?en % des PME interrogées
mardi 13 novembre 2012 Le Monde Campus / 35
selon quel calendrier, et enfinfixer la part du salaire qui devaitêtre conditionnée aux indicateursindividuels et collectifs.A La Poste, la mise en place
d’une politique RSE a demandédes mois de consultation préa-lable. Quelque 10 000manageursont été mis à contribution, à rai-son d’une ou deux réunionsmen-suelles en groupe de travail, pourétablir une liste d’indicateurs pos-sibles dont on puisse suivre l’évo-lution sur le long terme.Le groupe a défini des recom-
mandations, puis chaque filiale amené son projet. «La difficulté aété de choisir des critères en lienavec notre stratégie générale, etd’éviter à tout prix les critèresanecdotiques qui décrédibilisent ladémarche auprès de manageurstrès pragmatiques, témoigneLaure Mandaron, déléguée au dé-veloppement durable du groupeLa Poste. Les critères doivent êtremesurables, valoriser les mana-geurs et ne pas être anxiogènes.»Le choix d’un indicateur indivi-
duel ou collectif est déterminantpour l’objectif visé. A France Télé-com-Orange, «la démarche a étéinitiée dans un moment difficile»,rappelle Brigitte Combes di Mar-tino, directrice qualité sociale etprojets RH du groupe. Les valeurssociales de l’entreprise avaient étéébranlées par le programme demobilité professionnelle «Timeto move», qui a précédé une va-gue de suicides en 2008 et 2009.L’objectif était donc de corespon-sabiliser l’ensemble des salariéssur la qualité sociale de l’entre-prise : «Des critères communs ontété déterminés par un collège in-terne pour les 850 principauxcadres dirigeants du groupe», in-diqueMme Combes diMartino.Lapart variable de leur rémuné-
ration dépend depuis 2010 d’uncoefficient multiplicateur consti-tué à 30% de résultats en perfor-mance sociale, à 50% d’objectifsfinanciers (contre 80% aupara-vant) et à 20% de critères de qua-lité de service. Les résultats de laperformance sociale sont mesu-rés pourmoitié à partir d’un baro-mètre de la qualité de vie au tra-vail réalisé tous les six mois au-près des salariés, et pour l’autre
La RSE, un enjeu pour les PMEDavantage que par
obligation, «la
responsabilité sociale
des entreprises se
développera par
capillarité. Les grandes
entreprises l’exigeront
de leurs sous-traitants,
fournisseurs ou
partenaires. Déjà,
certains assureurs
n’acceptent plus
d’entreprises sans
enquête préalable
sur leur RSE»,
affirme Françoise
Savès, présidente de
l’Institut français des
experts-comptables
et des commissaires
aux comptes (IFEC).
Les PME, qui sont
au premier rang des
sous-traitants, auraient
donc tout intérêt à
investir dans la RSE dès
aujourd’hui.
En France, certaines
sont signataires du
Global Compact, en
vertu duquel elles
doivent chaque
année faire état de
leur engagement sur
10 principes universels
qui couvrent les
domaines des droits
de l’homme, des
normes du travail, de
l’environnement et de
la corruption.
Beaucoup prennent
des mesures de bon
sens favorables à
l’environnement
et à leurs salariés.
Les PME s’engagent
davantage que les TPE.
Mais «l’intégration
de la RSE par les PME
reste disparate», note
Frédérique Smadja, qui
vient de rendre une
thèse sur le sujet dans
le cadre d’un MBA sur
le management de la
performance globale.
«Les freins sont
nombreux : manque
de moyens, de
disponibilité,
d’expertise. Mais le
facteur déterminant
est la proximité du
dirigeant avec les
valeurs RSE», a-t-elle
constaté. La RSE, levier
de compétitivité,
est donc toujours
aujourd’hui une
question de conviction.A. R.
moitié selon cinq indicateurs sui-vis par la direction des ressourceshumaines du groupe : le tauxd’absentéisme de courte durée, letaux de féminisation des ins-tances dirigeantes, le taux d’entre-tiens individuels, le taux de sala-riés sans formation au cours destrois dernières années et enfin letaux de départ dans les trois ansaprès l’embauche.Ces critères sont analysés au
niveau national. Ce qui a faitgrincer des dents certains mana-geurs. «Sortir du classement dumeilleur au plus mauvais pourpasser à une logique de corespon-sabilité, voire de solidarité, n’étaitpas naturel, explique BrigitteCombes di Martino. Dans les pre-miers temps, certains manageursne se sentaient concernés que parles résultats de leur entité.»D’autres entreprises ont choisi
d’associer des indicateurs par en-tité ou par fonction avec un réfé-rentiel collectif, afin de garantir lacohésion au niveau du groupetout en adaptant la politique RSEà une logique de métier. C’est lecas de Rhodia (groupe Solvay, in-dustrie chimique) dont les indica-teurs de développement durableont été intégrés dans la part
variable de rémunération de3 000 manageurs en 2011. Santé,sécurité, maîtrise des risques… Legroupe avait déployé dès 2007une série d’objectifs pour l’en-semble du réseau mondial, puischaque entité (entreprise ou fonc-tion) a fixé les siens propres.
«Le fait de lier les 10 %de bonusaux indicateurs RSE aprovoquéunintérêt certain», constate JacquesKheliff, directeur du développe-ment durable de Rhodia. D’autantplus que le groupe applique inci-tations et sanctions. Si, dans uneentité, les objectifs ne sont pas at-teints, les manageurs ne touchent
pas les 10 % de part variable; parexemple, si un accidentmortel in-tervient dans l’entité, ils sont évi-demment perdus; il en est demême si le seuil minimal de l’in-dicateur collectif, baptisé le «Rho-diaWay», n’est pas atteint.Dans les cas étudiés par l’ORSE,
entre 10 % et 30 % de la part va-riable de la rémunération sontconditionnés aux critères RSE, cequi, dans un contexte de crise oùles performances boursières ré-duisent sérieusement les primeset intéressement, n’est pas négli-geable. «Vu le cours boursier et lerésultat net, l’indice Fred a suscitébeaucoup d’intérêt», témoigneJérôme Courcier, responsable dudéveloppement durable au Cré-dit agricole. L’indice Fred, créépar la banque pour mesurer lacréation de valeur sociétale,compte pour un tiers dans la ré-munération variable long termeen actions de performance des650 cadres dirigeants du groupe.De ce travail de pionniers, il est
un peu tôt pour tirer des conclu-sions en termes de progrès social.Les entreprises étudiées estimenttoutefois que «ça marche».Quant aux syndicats, ils saluentune tendance intéressante, quine peut que doper la productivitéet la croissance de l’entreprise,puisqu’elle vise à améliorer lesconditions de travail.Mais, «pour aller au-delà du
greenwashing, il faut associer lessalariés aux réflexions», proposeFranca Salis Madinier, secrétairenationale en charge de la gouver-nance et du RSE à la CFDT-cadres.«Ces démarches RSE seront ver-tueuses si elles sont bien intégréesdans le dialogue social, parexemple en créant un comité RSEincluant des administrateurs sala-riés», renchérit Anne-Marie Mou-rer, élue CFE-CGC au conseil d’ad-ministration de GDF-Suez.Quelles que soient les nouvelles
obligations légales, «le bon baro-mètre de préparation, c’est la pré-sence d’un responsable développe-ment durable au comité dedirection», estime Myriam Boni-face, cofondatrice de Nicomak, so-ciété de conseil et de formation enresponsabilité sociale.
Anne RodieR
«CESdéMaRChESRSESERontvERtuEuSES
Si ELLES SontbiEn intégRéES
danSLEdiaLoguESoCiaL»
Anne-MARie MouReR, élue CFE-CGCau conseil d’administration de GDF-Suez
36 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
doss i er
Que vautmon diplômedans unmonde en crise ?En France, en Chine, aux Etats-Unis... Obtenir un premier emploi stable estsouvent une gageure. Pour échapper à la précarité, certains jeunes diplômés
choisissent l’expatriation, une option encore peu exploitée.
aljo
sha
blau
/com
illus
mardi 13 novembre 2012 Le Monde Campus / 37
Beaucoup de genssont partis à l’étran-ger dans les an-nées 1950, en Alle-magne, en Suisse,pour s’en sortir.Mais, avec le retourde la démocratie,nous pensions que
nous ne reverrions jamais ça…», racontaiten juillet José Caballero, 79 ans. Son petit-fils, Alberto Orozco, venait d’avouer qu’ildevrait quitter l’Espagne. La moitié descompagnons d’université d’Alberto, jeuneingénieur madrilène, étaient alors déjàpartis à l’étranger. Confrontés à un tauxde chômage desmoins de 25 ans de 52,9 %,les jeunes Espagnols sont de plus en plusnombreux à franchir le pas de l’expatria-tion. Ils redécouvrent aujourd’hui l’Amé-rique du Sud comme un Eldorado.Avec la hausse du chômage de masse,
«la mobilité professionnelle a connu uneaugmentation au cours des trente der-nières années», notent Richard Duhau-tois, Héloïse Petit et Delphine Remillon,chercheurs du Centre d’études de l’emploiet coauteurs de LaMobilité professionnelle(éd. La Découverte, 128 p., 10 €). Or, la zoneeuro compte 3,4 millions de chômeurs demoins de 25 ans, même si les taux de chô-mage des jeunes font le grand écart entrel’Allemagne (8,1 %) et l’Espagne (52,9 %).La situation de l’emploi des jeunes di-
plômés y est donc critique, mais elle n’estpas encore désespérée – la Grèce et l’Es-pagne mises à part. En France, parexemple, en 2010, 82 % des jeunes diplô-més du supérieur occupaient un emploitrois ans après la fin de leurs études. L’ex-patriation n’intervient que lorsque toutesles autres pistes ont été épuisées. En at-tendant, chacun reste chez soi.
CDD, intérim, contrat aidé...Reste que les conditions d’entrée sur le
marché du travail se sont durcies : lesstages souvent non rémunérés ont rem-placé les périodes d’essai, voire les contratsà durée déterminée (CDD). En France, unjeune sur quatre de moins de 25 ans et ti-tulaire d’un diplôme d’aumoins bac+3 estrecruté en CDD, en intérim ou en contrataidé. Aux Etats-Unis, où le taux de chô-
mage des jeunes atteignait 12,4 % en sep-tembre, l’usage des stages se généralise.Lorsqu’on a envoyé des centaines de CVsans obtenir de réponse, une offre de stageprend facilement les couleurs d’une pro-messe d’embauche… souvent illusoire.La création d’entreprise, parfois préco-
nisée par les pouvoirs publics comme al-ternative au salariat, n’intéresse en Europeque 32 % des jeunes, avec de grandes dis-parités d’un pays à l’autre. Elle séduit da-vantage les Italiens (47 %) et les Britan-niques (35 %) que les Allemands (27 %) oules Français (22 %), indique une enquêtedu cabinet de conseil et de formation Ce-gos, réalisée enmai auprèsde 3000 jeunesEuropéens d’Allemagne, du Royaume-Uni,de France, d’Italie et d’Espagne.
Le poste idéal selon les jeunes sondés setrouve dans les grandes entreprises (ils lespréfèrent à 59 %, contre 31 % pour les pe-tites et moyennes entreprises).
La crise fait logiquement privilégier lastabilité de l’emploi à la rémunération etaux opportunités de carrière, exceptionfaite des Britanniques qui désignent cesdernières comme critère prioritaire dansleur recherche d’une première embauche :il est vrai que, sur le marché du travail bri-tannique, l’idée même de stabilité est de-venue une chimère. En France, la stabilitéde l’emploi est passée du 8e au 1er rang despriorités des jeunes entre 2009 et 2012.«La crise a un impact sur cette généra-
tion qui, lorsqu’elle dispose d’un emploistable, s’y accroche», commente JacquesCoquerel, PDG de Cegos, dans un entre-tien à l’hebdomadaire L’Inffo. Mais, cettefois encore, la stabilité de l’emploi nerime pas avec mobilité : la localisation de
Reste que les conditionsd’entRée suR lemaRché du tRavail
se sont duRcies
Sources : «Atlas des jeunes en France», éditions Autrement 2012 ; Commission européenne
France
Allemagne
Lux.
Belgique
Pays-Bas
Danemark
Islande
NorvègeFinlandeSuède
Irlande
Roy.-UniEstonie
Lituanie
Lettonie
Pologne
SlovaquieRep.Tchèque
HongrieRoumanie
Bulgarie
Grèce
Turquie
CroatieSlovénie
EspagneItaliePortugal
Autriche
Malte Chypre
Nombre d’étudiantsétrangers accueillis
Nombre d’étudiantsnationaux partisà l’étranger
Taux de croissance 2009-2010des échanges erasmus
En %
Baisse
0 à 4
5 à 7
Plus de 7
35 00010 0002 000100
38 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
doss i er | unmonde en crise
l’entreprise reste un facteur déterminantlors du recrutement.Pourtant, la mobilité pourrait devenir
une opportunité plutôt qu’un ultime re-cours. «Dans une économie mondiale va-cillante, les entreprises apprécient de pou-voir opérer en souplesse des transfertsd’activité vers des marchés nouveaux etinexploités. Cette nécessité qui s’impose à
elles incite un nombre croissant de multi-nationales à développer des populationssalariées internationalement mobiles etde bon niveau», indique Mariam La-mech, directrice générale de l’associationWorldwide ERC, un centre de ressourcespour la mobilité de la main-d’œuvre auservice des entreprises.Cet organisme a publié le 4 octobre, avec
le cabinet de conseil en ressources hu-maines Towers Watson, une étude sur lagestion des cadres à l’horizon 2021. Selonses conclusions, la demande mondiale detalents sera en forte hausse d’ici dix ans,particulièrement enAsie, auMoyen-Orientet en Amérique du Sud, avec des métiersqui changent au rythme des évolutionstechnologiques et de lamondialisation.Les jeunes diplômés, qui sont les
cadres de demain, devraient donc rapide-ment adhérer à la mobilité pour profiterdès les cinq prochaines années des op-portunités de plus en plus nombreusesdans les pays émergents, alors que lacroissance des économies occidentalessemble durablement atone.
Vers plus de mobilitéCette suggestion est avancée à la fois
par les directions de ressources humaineset par les dirigeants politiques à la re-cherche de réponses au chômage desjeunes, devenu un véritable fléau. Denombreuses entreprises travaillentd’ailleurs directement avec les gouverne-ments pour simplifier la mobilité géogra-phique de leurs salariés ou la formationinternationale des étudiants.Mais l’adaptation à la culture, à la langue
et la situation familiale demeurent desfreins importants à cette mobilité. C’estpourquoi les échanges internationaux en
cours de cursus représentent un atoutconsidérable pour les futurs diplômés.Pour les étudiants des pays émergents, lamobilité est devenue une norme d’inté-gration sociale et professionnelle. Lenombre de jeunes Chinois qui partentétudier à l’étranger a ainsi augmenté de24 % par an ces trois dernières années.
Entre 2009 et 2011, les échanges Eras-mus ont augmenté de plus de 7 % auRoyaume-Uni, en Espagne, en Italie et enSuède. Le nombre d’étudiants concernéspar ce programme communautaired’échanges entre les différentes universi-tés et grandes écoles européennes est pas-sé, sur la même période, de 160 000 à180 000. La remise en cause du finance-ment d’Erasmus en raison des restrictionsbudgétaires envisagées par les Etatsmembres de l’Union européenne serait àcet égard une catastrophe.A plus long terme, le rapport entre la
demande et l’offre de compétences aurachangé. «Dans le futur, les marchés ma-tures vont manquer de main-d’œuvrequalifiée», explique Fanny Potier-Ko-ninckx, directrice de la gestion globaledes talents chez Towers Watson. Parailleurs, les technologies de l’informationet de la communication vont faciliter deplus en plus le travail à distance, toutcomme la gestion à distance des compé-tences et des performances par les entre-prises. Les salariés qualifiés seront ainsi enmesure de vendre leurs compétences auplus offrant sur un marché mondialisé.Sansmême avoir à quitter le sol natal !
Anne RodieR
Les opportunités serontde pLus en pLus nombreusesdans Les pays émergents
Famille, travail, amis : les priorités des 20-30 ansEn EuropE, la famillE est dans
le trio de tête des valeurs
importantes pour 86 % des
jeunes (73 % la définissent
même comme leur priorité),
le travail n’arrivant qu’en
seconde position (59 %),
indique l’Observatoire Cegos
dans une étude réalisée en
mai auprès de 3 000 actifs
âgés de 20 ans à 30 ans
dans cinq pays européens
(Allemagne, France, Espagne,
Italie, Royaume-Uni).
En France, «les attentes
matérielles sont passées
au second plan, derrière
la réalisation de soi et
la qualité des relations
interpersonnelles», indiquait
déjà en 2008 l’«enquête
valeurs» réalisée pour
l’Institut national de la
jeunesse et de l’éducation
populaire (Injep). La crise n’y
a rien changé : les 20-30 ans
travaillent avant tout pour
gagner leur vie (83 % en
Europe, 93 % en France). Ils
exercent aussi leur métier
pour se réaliser (53%)
et développer leurs
compétences (48%).
La nouveauté est que les
jeunes Européens s’appuient
aujourd’hui davantage sur
leur réseau d’amis, jugé
«important» par 50 % d’entre
eux, selon l’enquête Cegos.
En France en particulier, les
amis (55 %) arrivent avant le
travail (51 %). «Les relations
amicales sont devenues
fondamentales et prennent
la forme d’un réseau d’amis
cooptés et interconnectés
en permanence», remarque
Virginie Loye, responsable
des formations ressources
humaines de Cegos.A. R.
JEUNES DIPLÔMÉS SORTANTDE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR,ÉLOIGNÉS DE L’EMPLOI*en %
JEUNES DIPLÔMÉS SORTANTDE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR,EN EMPLOI STABLE*en %
1,9
2,5
3,5
5
7,1
*Ayant travaillé moins de six mois au coursdes trois premières années d’activité
*Ayant travaillé sous contrat à durée indéterminéeou durant une période ininterrompue de dix-huit moisau cours des trois premières années d’activité
Source : Cereq, « Quand l’école est finie...Premiers pas dans la vie active de la génération 2004 », 2008
45,7
53
59
62
66,3
mardi 13 novembre 2012 Le Monde Campus / 39mardi 13 novembre 2012 Le Monde Campus / 39
unmonde en crise | doss i er
L’Amérique de l’après-crise n’est pas tendrepour les nouveaux arrivants sur lemarchédu travail. Face au chômage, à la baissedes salaires, même sortir d’une universitéprestigieuse n’est plus une garantie.
Dans les débris du rêve américain
New York, correspondance
En mai 2011, Ericka, une ambi-tieuse jeune femme de 27 ans, afièrement décroché son MBA(Master of Business Administra-tion) à l’université Columbia de
New York. Depuis, elle cherche, avec deplus en plus d’impatience, l’emploi decadre supérieur que sa prestigieuse écolelui permettait d’espérer. « J’ai eu une ving-taine d’entretiens, dit-elle. J’ai envoyé150 CV, et toujours rien.»Ericka a étendu ses recherches à l’en-
semble des Etats-Unis. Elle préférait audépart l’industrie des médias et du diver-tissement, mais, aujourd’hui, elle se ditprête à travailler dans les services finan-ciers, la santé, l’univers des consultants...«On se sent rejetée, décrit-elle, mes nerfssont en pelote.» Et d’invoquer la reprise
tropmolle de l’économie. «Il y a des tas degens qui postulent pour les mêmes em-plois, et ce sont toujours les plus expéri-mentés qui sont choisis. Si j’avais su, j’au-rais travaillé plus longtemps avant decommencer mon MBA.»
Economie fragilePour tenir le coup financièrement, Eric-
ka est retournée vivre chez samère en Ca-lifornie. Elle s’occupe en animant un blog,Thebeautydossiers.com, et en écrivant leroman d’une jeune femme, célibataire...au chômage. L’histoire d’Ericka n’est mal-heureusement pas originale. L’économie,fragile, ne produit pas assez d’emploisqualifiés pour répondre au rêve améri-cain de la «génération Y».Trois professeurs du John Heldrich Cen-
ter forWorkforceDevelopmentde l’univer-
sité Rutgers (New Jersey) ont réalisé uneenquête sur les diplômés du supérieur de2006 à 2011. Parmi les 444 ex-étudiantssondés, les trois quarts ont eu un premieremploi depuis l’obtention de leur diplôme.Mais leur carrière est loin d’être toute tra-cée. La moitié d’entre eux seulement oc-cupe aujourd’hui un poste à temps plein,26% sont à temps partiel, 12% sont au chô-mage et les autres sont repartis à l’école,perfectionner leurs connaissances.
Plusieurs indices montrent l’insatisfac-tion des intéressés, même quand ils ontun emploi. La moitié d’entre eux sont dé-çus par leur salaire : ils avaient comptésur plus au sortir de l’école. Quatre sondés
même quand ils ont un emploi,lamoitié des jeunes diplômés sondés
sont déçus par leur salaire
Giu
lia
d’a
nna
lupo
40 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 201240 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
doss i er | un monde en crise
sur dix estiment avoir pris un poste n’exi-geant pas quatre ans d’études. Ils se sen-tent sous-employés. Et 25 % exercent unmétier en dehors de leur compétence.«La chasse au rêve américain» – c’est le
titre de l’étude de l’université Rutgers – seheurte à de dures réalités. Pourtant, les en-fants de l’Oncle Samy croient encore. «AuxEtats-Unis, le diplôme universitaire amènetoujours d’incroyables avantages, déclareJen Mishory, le directeur adjoint de YoungInvincibles, une association qui représenteles intérêts des 18-34 ans à Washington. Laproportion des chômeurs est bien pire par-mi les personnes sans diplôme.» De fait,l’US Bureau of Labor Statistics, l’Insee amé-ricaine, annonçait en septembre 2012 untaux de chômage pour l’ensemble des 20-24 ans de 12,4 %, alors que le taux de chô-mage, évalué annuellement, des titulairesd’un bachelor degree – qui ont suivi avecsuccès quatre ans d’études – était de 9 %.Il n’empêche, la quête d’un emploi peut
se révéler désespérante. Kevin Flowers estsorti de la faculté de droit de Dayton, enOhio, en 2006. L’année suivante, il a réussi
le concours pour devenir avocat en Cali-fornie et en 2008, il récidivait dans l’Ohio.En vain. Il a envoyé 250 CV par mois auxcabinets juridiques de Californie, au mo-ment où les professionnels de Los Angelesrenvoyaient 1 500 avocats. Il a essayé d’ou-vrir son propre cabinet mais il a vite dé-chanté : il y avait une liste d’attente decinq ans pour les avocats commis d’officeau palais de justice. Le voilà donc au-jourd’hui sans emploi, de retour chez sesparents, avec 250000dollars (192 000 eu-ros) de prêts étudiants à rembourser. Etpas question de tenter sa chance derrièrele comptoir de McDonald’s. Le groupe abien trop peur d’être poursuivi en justicepar un salarié surqualifié.
«Nous ne sommes plus officiellement enrécession, dit Linda Barrington, professeurà la School of Industrial and Labor Rela-tions (ILR) de l’université Cornell, àNew York. Mais les embauches ne sont tou-jours pas là. La crise économique actuellene peut donc pas être comparée à la sévèrerécession des années 1980 qui avait, elle, étésuivie par une reprise rapide.»Cette fois-ci, les offres d’emploi sont
non seulement plus rares, mais les sa-laires moins généreux. Une étude réaliséepar l’Economic Policy Institute, un thinktank basé à Washington, atteste d’unebaisse de 5,2 % des salaires des jeuneshommes diplômés sur la période 2007-2011. Pour les femmes, le recul est légère-
mentmoindre (4,4 %). L’enquête des cher-cheurs de l’université Rutgers remarquela même tendance. Avant la récession, lafiche de paie annuelle moyenne d’un pre-mier emploi s’élevait à 30 000 dollars. De-puis, elle est tombée à 27 000 dollars. Et,renchérit Linda Barrington, «il faudra aumoins quinze ans pour rattraper le retardpris en début de carrière.»
Comment alors naviguer au mieux parces temps difficiles? Linda Barringtonconstate la montée en puissance du phé-nomène des stages : «L’employeur neprend pas de risques. Il utilise les stagesgratuits pour selectionner les candidats.»C’est en jouant cette carte qu’Hayleigh Co-lombo, 22 ans, a décroché son premierposte de reporter économique au Lafa-yette Journal and Courier : «J’ai commencél’université Butler, dans l’Indiana, à l’au-tomne 2008, une époque très incertaine, sesouvient-elle. Pire encore, je voulais mefaire une place dans une industrie qu’on di-sait mourante. Je savais que ce ne serait pasune simple promenade dans le parc.»Hayleigh s’est battue. Dès la deuxième
année de fac, elle alignait un premier stageà Indianapolis. Elle en a ensuite enchaînéquatre autres, dans unmagazine politique,un journal d’affaires, une entreprise de re-lationspubliques et un journal dans leWis-consin. Elle en a tant fait que, deux moisavant la fin de l’université, le LafayetteJournal and Courier lui faisait une offre.Anne Dancy, 23 ans, ancienne élève en
ingénierie biomédicale de l’universitétechnologique duMichigan (MTU), a aussisu tirer profit de son staged’été chezChrys-ler : «J’ai travaillé sur la reconnaissance vo-cale dans les voitures. Cela m’a mis le pied àl’étrier.» La direction du constructeur auto-mobile, emballée, lui a proposé un posteun an avant son diplôme. Elle travaille au-jourd’hui sur le nouveau véhicule de lamarque Ram, pour un salaire annuel de60 000 dollars. Et elle poursuit ses étudesà l’université aux frais de son employeur.Le rêve américain perdure. Quandmême.
Caroline TalboT
Aux Etats-Unis, l’endettement écrase les étudiantsPour financer leurs coûteuses
études, les jeunes Américains
ont de plus en plus recours
à l’emprunt. Selon les
chiffres les plus récents de
l’Institute for College Access
and Success, deux tiers des
étudiants diplômés en 2010
avaient emprunté. Et la
dette moyenne atteignait
25 250 dollars ( 19 500 euros ),
soit 5 % de plus qu’en 2009.
«Les étudiants des universités
publiques sont un petit peu
moins touchés. Leur fardeau
est de 20 000 dollars en
moyenne», explique Rachel
Fishman, analyste à la New
America Foundation.
La note reste tout de même
salée, et ce pour beaucoup
de personnes. L’association
Young Invincibles a ainsi
calculé que les mille
milliards de dollars de
dettes étudiantes concernait
39 millions de citoyens de
tous âges. «L’étudiant typique
met dix ans à rembourser
ses prêts, dit Jen Mishory,
directeur adjoint de Young
Invincibles. Il aura tendance
à remettre à plus tard l’achat
d’une maison, ou d’une
voiture.» Et si ce même
étudiant ne trouve pas
rapidement un emploi bien
payé, sa situation devient
vite précaire.
Les Américains disposent
de deux types de prêts : les
prêts fédéraux soutenus
par l’Etat et les prêts
privés. Les premiers
sont les plus souples.
L’étudiant ne commence
ses remboursements que
six mois après la fin de
l’université et, souligne
Rachel Fishman, «ses
mensualités sont calculées en
fonction de son revenu». Le
prêt privé, en revanche, est
moins modulable.
Et, au cas où l’étudiant se
retrouve au chômage, pas
question pour lui d’éliminer
sa dette en se déclarant en
faillite, une option pourtant
accessible aux autres
catégories de citoyens. Une
loi, votée par les républicains
sous la pression du lobby
bancaire, l’en empêche
depuis 2005.
Si Barack Obama n’a rien
fait jusqu’à maintenant pour
modifier la donne, l’abolition
du texte est désormais
inscrite dans le programme
du candidat démocrate.C. T.
PAs qUEstion dE tEntEr sA chAncEà McdonAld’s. lE groUPE A biEn troP
PEUr d’êtrE PoUrsUivi En jUsticEPAr Un sAlArié sUrqUAlifié
mardi 13 novembre 2012 Le Monde Campus / 41
un monde en crise | doss i er
«Rentrer au pays» reste l’objectif des jeunesTunisiens exilés pour suivre leur cursusuniversitaire. Mais comment composeravec un marché du travail souvent inadaptéà leur formation et leurs aspirations?
Le difficile retour en Tunisiedes jeunes partis pour étudierTunis, correspondance
L ’envie de rentrer, latente, s’estfaite pressante avec la révolu-tion. Après un master à Paris-Dauphine et une première ex-périence de quatre ans dans le
conseil en management, Selim Kharrat asauté le pas cet été : il a démissionnépour prendre la direction d’une ONG ba-sée à Tunis, Al-Bawsala, spécialisée dansle soutien au processus démocratique.Lui qui n’avait « pas l’ambition de resteren France » y a finalement passé huit ans.Mais, « par rapport à une Europe en crise,j’ai senti que le champ des possibilitésétait désormais plus grand en Tunisie »,explique le jeune homme de 31 ans.Six mille Tunisiens partent chaque an-
née étudier en France, ce qui en fait leurpremière destination universitaire. Une«tradition de l’excellence», souligne SaïdAïdi, ministre de l’emploi dans le premiergouvernement post-révolution. Mais, lesétudes terminées, le retour sur le marchédu travail tunisien n’est pas sans en-combres. Quand rentrer, comment trou-
ver un emploi à la hauteur des attentes?Ces questions préoccupent une majoritéde ces jeunes qui, souvent, attendent dese ménager un bon site d’atterrissage.
«C’est très rare que les gens reviennenttout de suite. En général, ils restent aumoins trois, quatre ans, pour acquérir unepremière expérience professionnelle», noteAmine Aloulou, ancien d’AgroParisTech etmembre de l’Association des Tunisiens desgrandes écoles (ATUGE), qui fédère4 000 anciens élèves. Pourtant, poursuit-il, «90 % disent vouloir rentrer, même sicela reste parfois longtemps à l’état de fan-
Selim Kharrat n’avait«paS l’ambition de reSter enFrance». il y a paSSé huit anS
freddy
martin
42 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
doss i er | unmonde en crise
Dans le tissu des entreprises tunisiennes,essentiellement composé de PME, «peut-être une quarantaine seulement ont la struc-ture, l’encadrement, l’organisation et laculture nécessaires pour faire évoluer cesjeunes», reconnaît Amine Aloulou. Parmiles secteurs qui absorbent un peu de hautescompétences, quelques fleurons nationaux,les banques, les grands groupes publics quise restructurent, les multinationales.
Quant à la fonction publique, «c’estmort», tranche Amine Aloulou : «La no-tion de grand corps de l’Etat n’existe paset on ne peut pas y faire carrière. » Pour-tant, la filière «grandes écoles» a été créée,dans les années 1960, pour fournir leshauts cadres dont le jeune pays avait be-soin. A l’époque, « tout le monde rentraitdès la fin des études, avec un poste qui at-tendait», raconte Amine Aloulou. Depuis,la crème des bacheliers et des élèves prépacontinue de partir, avec une bourse. «Maispersonne ne les appelle à rentrer. »
«L’éLément décLencheur n’est pasprofessionneL, c’est unmariage,
une naissance»Amine Aloulou, ex-étudiant d’AgroParisTech
tasme». Souvent, «l’élément déclencheurn’est pas professionnel, c’est un mariage,une naissance». Ceux qui rentrent vitesont aussi «ceux qui ont des facilités, quipeuvent intégrer l’entreprise familiale».
C’est le cas de Molka et Emna Taktak. Lesdeux sœurs, parties respectivement àLondres et Paris, sont revenues au bercailsitôt leurs études terminées. «Nous étionsles seules dans nos promos dans ce cas»,souligne Emna, attachée à sa famille et à saqualité de vie en Tunisie. Molka, elle, s’estmariée. Toutes deux viennent de commen-cer à travailler dans l’hôtel de leur père.
Elles n’ont pour le moment «ni fonc-tion précise ni salaire», mais s’en accom-modent. «Le travail est intéressant et lesperspectives claires», souligne Molka.«Même si tu n’es pas très bien payé, tu faisgrandir un projet, ajoute Emna. De toutefaçon, en Tunisie, la rémunération n’estpas proportionnelle aux diplômes. Ils nesont pas valorisés, c’est frustrant.» C’estd’ailleurs pour ça qu’une majorité deleurs compatriotes et camarades de classe«ont fait le choix de rester» à l’étranger.
«On a tous envie de rentrer, tôt outard». Diplômée d’une grande école, Me-riem est revenue en Tunisie en fé-vrier 2012 après trois ans dans la finance,pensant que la révolution apporteraitson lot d’opportunités. L’expérience atourné court. Sept mois plus tard, elle aregagné Paris. « J’ai ressenti un décalagepar rapport à ce que j’attends du mondeprofessionnel : il n’y a pas de services deressources humaines, les postes ne sontpas bien définis et on a l’impression querien n’est sûr par rapport aux engage-ments de recrutement», détaille-t-elle.
La jeune femme n’envisage pas de re-tenter sa chance avant plusieurs années :«Les employeurs étaient intéressés parmon profil “grande école ”. Mais ils ne sa-vaient pas vraiment où me mettre, car jesuis encore junior. D’habitude, ceux quirentrent ont dix ou quinze ans d’expé-rience et reviennent pour occuper despostes à responsabilités. »
dans le public commedans le privé, le règne du pistonLes tunisiens ont tous dans leur
entourage quelqu’un qui a trouvé
un job grâce à ses relations. «On
engage quelqu’un qu’on connaît,
pour des questions de confiance et
parce qu’on s’aide beaucoup entre
Tunisiens. Genre, si j’aide ton
cousin un jour, tu pourras m’aider
pour des papiers plus tard»,
détaille une diplômée.
La pratique est courante aussi
bien dans le secteur privé que
dans la fonction publique, que
beaucoup de jeunes rêvent
d’intégrer. Karim parle dumaire
de son village «qui a placé son
fils dans la douane», du cousin
«entré dans la police judiciaire
par des pots-de-vin».
«Beaucoup de mes amis
travaillent dans des entreprises
publiques grâce à leur père,
un ami de leur père ou, avant,
grâce au RCD [l’ex-parti d’Etat de
Ben Ali]», ajoute Rafaâ, 23 ans,
diplômé en imagerie médicale.
Un autre jeune homme raconte
sans grands complexes comment
il a lui-même eu recours aux
«épaules», selon l’expression
consacrée : «A l’époque de Ben Ali,
je connaissais la famille d’un
ministre, originaire de ma région.
Il était rentré pour les fêtes de
l’Aïd. Je suis allé le voir, il m’a
trouvé un poste de chef de service
dans l’administration.» «Quand
on se noie, on s’accroche même à
une paille», se justifie-t-il.
Pour Wided, la galère a
commencé juste après la
révolution, quand sa société,
une entreprise d’accueil de VIP à
l’aéroport et propriété de proches
de Ben Ali, a été confisquée par
l’Etat et s’est débarrassée de ses
précaires. Depuis, elle essaie
tout. Elle a décroché une licence
pour ouvrir un cybercafé et
cherche un local. Elle fait aussi
un stage dans une compagnie
d’assurances pour, peut-être,
un jour, avoir une franchise, car
«tous ceux qui l’obtiennent, c’est
par connaissances».
La jeune femme a même essayé
de jouer le jeu du piston. «Une
fois, à l’aéroport, je n’ai pas fait
payer le directeur d’une société
publique, pensant qu’il pourrait
m’aider. Quand je suis allée le
voir à son bureau, il m’a fait des
avances», raconte-t-elle, dégoûtée
qu’«en Tunisie, les compétences
ne représentent rien».
Ce lundi matin, au bureau
d’emploi des cadres de Tunis,
Wided vient déposer un dossier
de candidature à la fonction
publique. Le «trentième»,
compte-t-elle. Après la
révolution, les autorités ont
lancé de multiples concours :
34 000 personnes ont été
recrutées en 2011 ; 25 000
doivent l’être en 2012.
En 2008, le résultat d’un
concours de recrutement pour
la Compagnie des phosphates
de Gafsa (CPG), quasiment la
seule industrie dans cette région
du Sud, avait déclenché six
mois d’émeutes. Les habitants
dénonçaient alors les passe-droits
dont avaient bénéficié les enfants
de syndicalistes et de cadres
locaux du RCD.
«Ceux qui ne connaissaient
pas de responsables ou qui
n’achetaient pas leur poste
n’avaient aucune chance»,
confirme Hédi Triki, chargé de
mission auministère de l’emploi.
Sa mission, justement : faire le
tri parmi les 45 000 candidats
aux 6 000 postes ouverts à la
CPG. Les premiers résultats,
publiés fin 2011, ont engendré de
violentes protestations, les jeunes
ayant décelé des injustices. Les
autorités ont fait preuve de bonne
volonté et les nouvelles décisions,
connues depuis septembre,
semblent mieux acceptées.e. A.
«La meilleure façon d’exercer en Tuni-sie, c’est de créer son entreprise», aconclu,pour sa part, Elyès Jeribi. Ce polytechniciende 30 ans vient de lancer une start-up dansl’e-commerce, un pied en France, un pieden Tunisie. Le projet s’est concrétisé dansla foulée de la révolution, qui a précipitéson retour : le jeune homme a intégréquelques mois le cabinet d’un ministre.
Si la chute du régime de Ben Ali a suscitéun enthousiasme, «il ne s’est pas concrétisédans la durée, remarque Saïd Aïdi. Faceaux difficultés économiques et à l’instabili-té politique, la prudence a repris le pas.»
elodie AuffrAy
mardi 13 novembre 2012 Le Monde Campus / 43
QQuelle est la situation des jeunesdiplômés égyptiens, un an aprèsla révolution?Avant deparler de la situationdes jeunes, ilfaut noter que le taux de chômage dans lepays a atteint 12,6%audeuxième trimestrede 2012, contre 11,8 % en 2011, selon leschiffres officiels. Le plus alarmant est effec-tivement la situation des jeunes : entre 20et 24 ans, le taux de chômage est de 41% et,de 25 à 29 ans, il est de 25,3 %. Cette situa-tion est surtout due à la crise des secteursdu tourisme et de la construction, viviersd’emplois traditionnels pour les jeunes.Dans le cas des diplômés, nous observonsun rallongement de la période de re-cherche d’emploi, qui, avant la révolution,pouvait déjà atteindre trente-sixmois. Celaen force certains à se diriger vers les em-plois du secteur informel. Sans contrat detravail, ils ne bénéficient pas de couverturesociale. Le phénomène est en forte haussedepuis la révolution. Les autres acceptentdes postes inférieurs à leurs qualificationset donc des salairesmoindres.Une dernière option possible pour entrersur le marché du travail est l’émigration.En 2009, 30%des jeunes diplômés souhai-taient déjà quitter le pays. Peu y parvien-nent. Car, pour s’installer dans les pays duGolfe, il faut un contrat signé, et l’émigra-tion en Europe est très coûteuse.Cette précarité des jeunes est source defrustration. Beaucoup dépendent de leursparents pour survivre et doivent parfoisreporter leurs projets de mariage et d’ins-
Ragui Assaad est professeur de politiquepublique à l’université duMinnesota.Il dirige également le département travailet ressources humaines de l’EconomicResearch Forum au Caire, à l’origined’une enquête annuelle sur lemarchédu travail en Egypte.
Entretien avec Ragui AssaadLa révolutionn’a fait
qu’accentuer les problèmesd’emploi des jeunes Egyptiens »
tallation. Si l’ensemble de ces problèmesexistait auparavant, la révolution n’a faitque les accentuer.Le chômage des jeunes est un problèmeendémique, pourquoi?Dans les pays arabes, 90 % des chômeursn’ont jamais travaillé, et 80%ontmoins de30 ans. Cela montre que le chômage desjeunes est principalement un problèmed’insertion. La première explication est larigidité de la législation qui encadre le tra-vail : licencier un salarié est très difficile etextrêmement mal perçu en Egypte. Lesemployeurs sont donc très frileux et préfè-rent ne pas se risquer à embaucher sans enavoir le besoin impérieux.
Un autre obstacle est la qualité des di-plômes délivrés. La plupart des étudiants àl’université atteignent le niveau bac+4, ilsne sont donc pas sous-diplômés. Mais lesétudes ne garantissent pas un emploi, bienau contraire. Les détenteurs de diplômesintermédiaires, universitaires et post-uni-versitaires sont les plus frappés par le chô-mage : huit sur dix ne trouvent pas d’em-ploi, selon les sources officielles.Le problème est que le niveau de l’ensei-gnement laisse souvent à désirer : les com-pétences ne correspondent pas aux at-tentes des recruteurs. Le récent succès desinstituts techniques privés tend égalementà tirer le niveau général vers le bas, car il y apeu de contrôle.La situation des jeunes femmesdiplômées est-elle différente?En ce qui concerne les femmes, les chiffresparlent d’eux-mêmes : leur taux de chô-mage, 24,1 %, est presque le triple de celuides hommes (9,2 %). Depuis la révolution,
le problème s’aggrave, surtout chez les plusdiplômées. Elles sont nombreuses à tra-vailler dans le secteur public, mais beau-coup arrêtent leur carrière après leur ma-riage. Leur proportion est en baisseconstante dans le secteur privé, une baisseaccentuée par la contraction générale dumarché du travail. Quand les hommes setournent vers le secteur informel, il est trèsmal vu pour les femmes d’occuper desmé-tiers nondéclarés pourdes raisonsde sécu-rité et de bienséance. Face à ces obstacles,beaucoup de jeunes diplômées ne cher-chentmême plus de travail.Quellesmesures préconisez-vous?Je pense que le marché du travail va re-prendre, mais cela peut prendre du temps.Pour tenter d’endiguer le phénomène, legouvernement a récemment annoncé larequalification enCDI de tous les CDDde lafonction publique, ce qui correspond à en-viron un million de personnes. Mais jepense que cela va entraîner l’inverse de l’ef-fet escompté : cette mesure pousse lesjeunes à postuler dans l’administration età bouder le secteur privé, qui offre pour-tant davantaged’opportunités. Ce qui, fina-lement, va augmenter le chômage.Le gouvernement devrait s’allier aux en-treprises pour faciliter les embauchesdans le secteur privé, avec par exempledes réductions d’impôts ou des subven-tions. Car, aujourd’hui, ce secteur est malvu : en 2003, une loi a renforcé la flexibi-lité des contrats, et a autorisé ainsi le re-nouvellement à l’infini des CDD. EnEgypte, près de 3 % des adultes en âge detravailler arrivent sur le marché du travailchaque année, ce qui est une proportionénorme. Il faut trouver un moyen de lesabsorber coûte que coûte.
ProPos recueillis Par camille Février,Beyrouth (liBan ), corresPondance
«lE tAux dE chômAgE dAns lE pAysA AttEint 12,6 % Au dEuxièmE tRimEstRE
dE 2012, contRE 11,8 % l’An dERniER»
44 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
doss i er | unmonde en crise
Shanghaï, correspondance
C haque mardi soir sur Jiang-su TV, des candidats se relaientpendant une heure devant dix-huit juges. A la différenced’autres programmes, il ne
s’agit pas d’exhiber ses talents musicauxmais de présenter son CV, poussé par leprésentateur, Li Xiang.Produite depuis 2010, l’émission, bapti-
sée «Zhilai zhiwang», «Les jobs, ça va, çavient», rencontre un franc succès dansun pays où le marché de l’emploi devientde plus en plus compétitif. Les examina-teurs vont du gestionnaire de grand hôtelau rédacteur en chef de magazine devoyage, en passant par de hauts respon-sables des ressources humaines du géant
du web Sina ou de Starbucks.Malgré le ralentissement de sa crois-
sance, l’économie chinoise continue denourrir un fort besoin demain-d’oeuvre :douze millions d’emplois ont été créésen 2011, selon les chiffres officiels. Iln’empêche que les diplômés de la géné-ration «enfant unique», sur lesquels lafamille mise tous ses espoirs et ses éco-nomies, doivent savoir se vendre. « Ils nes’attendent nullement à ce que ce soit ga-gné d’avance, ils savent que le marché estdur», constate Dominic Johnson-Hill,connu en Chine pour ses boutiques detee-shirts branchés et membre du jurydepuis la première émission.A l’embauche, l’épreuve de la pratique
est la première barrière. « Ils ont étudié du-rement, leurs connaissances sont bonnes,mais le système éducatif se focalise sur la
Passer un entretien devant des millionsde téléspectateurs, tel est est le conceptd’une émission de télé-réalité très populaireen Chine. Et pour cause : le marché du travaily devient de plus en plus compétitif.
«leurs connaissances sontbonnes, mais ilsmanquent
parfois de créativité»Dominic Johnson-hill, jury de l’émission
de télé-réalité «Zhilai zhiwang»
Les Chinois se lancentdans le grand show de l’emploi
mémorisation et ils manquent parfois decréativité. Nous cherchons également descompétences sociales, pas juste un robotqui a travaillé au maximum», dit l’entre-preneur d’origine britannique.Selon une étude publiée par le Quoti-
dien de la jeunesse, 69 % des premièresembauches à la sortie de l’université sefont en dessous de 2 000 yuans (247 eu-ros) par mois. De tels salaires placent lesjeunes cols blancs presque au niveau desouvriers d’usine, douchant leurs espoirsd’ascension rapide grâce à l’éducation. Cesjeunes, qualifiés mais toujours pas aisés,sont surnommés la «tribu des fourmis».
Ils n’ont pas les moyens de résider dans lecentre-ville moderne où ils travaillent etsont ainsi contraints de rentrer le soir dansdes chambres exiguës de quartiers péri-phériques, généralement perçus commele lieu de vie des ruraux peu qualifiés fraî-chement débarqués.
Les temps sont difficiles«Trouver un emploi n’est pas si difficile
en soi après de bonnes études, mais denombreux jeunes peinent ensuite à joindreles deux bouts», constate M. Johnson-Hill.Même pour l’élite issue de l’universitéTsinghua de Pékin, régulièrement classéepremière du pays, le premier salaire est enmoyenne de 2 719 yuans, c’est à diremoinsqu’une partie des ouvriers qui cumulentles heures supplémentaires sur les lignesd’assemblage des iPhones, chez Foxconn.Les temps sont difficiles aussi pour Liu
Hanzhao, un ancien élève de l’académiedes arts dramatiques de la province duJiangsu, dans l’est du pays. Il peine à trou-ver des opportunités,même s’il sait jouer,chanter et animer des émissions de télé-vision à son tour : «Certains de mes amisme surnomment multi-tâches», se dé-fend-il devant l’audience.Les attentes des futurs employés par
rapport à leur travail ont aussi évolué. «Ily a bien sûr des interrogations communes,telles que le salaire, la couverture sociale etla pénibilité. Mais, au-delà de ces préoccu-pations de base, l’étudiant chinois se foca-lise désormais sur le potentiel pour son dé-veloppement personnel, les perspectives etles opportunités de formation», constateYanXiaoke, coproducteur de l’émission. Se-lon lui, pourtant, les jeunes diplôméschinois trouveront in fine un emploi.«C’est subjectif, poursuitM. Yan, il est natu-rel d’avoir de hautes exigences.»
harolD ThibaulT
C’est le nombre de personnes ayant obtenu
leur diplôme dans une université chinoise
au cours de l’été 2012. Un record : ils étaient
6,6 millions en 2011 et 6,3 millions en 2010,
selon le ministère des ressources humaines
et de la sécurité sociale.
C’est la progression annuelle moyenne,
au cours des trois dernières années,
du nombre de jeunes partant étudier à
l’étranger, une manière de mettre en valeur
son CV dans un environnement compétitif.
6,8millions
24 %
mardi 13 novembre 2012 Le Monde Campus / 45
unmonde en crise | doss i er
Madrid, correspondante
I ls ont entre 15 et 29 ans, ne tra-vaillent pas et n’étudient pas nonplus. Les «ni-ni», comme on lessurnomme familièrement, repré-sentent près de 23,7 % des jeunes
Espagnols, selon le rapport «Regards surl’éducation 2012» de l’Organisation decoopération et de développement écono-miques (OCDE), réalisé à partir de chiffresde 2010 et présenté début septembre. Soitsept points de plus qu’en 2008.
Alors que la moyenne est de 15,8 %dans les pays développés, l’Espagne seplace en tête des pays européens, devantla Grèce ou le Portugal : actuellement, lenombre de «ni-ni» s’y élève à 1,9 millionde personnes, mais il augmente de ma-nière vertigineuse.
La faute d’abord aux maigres perspec-tives d’emploi, dans un pays où le taux dechômage des moins de 25 ans dépasse les52 %, insiste Julio Carabaña, professeur desociologie à l’université Complutense deMadrid. Il pointe aussi du doigt un mo-dèle de développement économique per-vers et un système éducatif défaillant.«Les jeunes qui n’obtiennent pas le brevetdes collèges ne peuvent pas poursuivreleur scolarité», explique M. Carabaña. Ilsse retrouvent de fait «expulsés de l’école».
Durant les dix années qui ont précédé lacrise économique, le taux d’abandon sco-laire, proche de 30 %, ne semblait pas vrai-ment un problème pour l’Espagne : les sec-teurs du tourisme et, surtout, de laconstruction, alors en plein boom, fournis-saient des places peu qualifiées à foison.Qui plus est, souvent mieux rémunéréesque beaucoup d’emplois qualifiés, puisque
On les appelle les «ni-ni». Ils ne travaillentni n’étudient. Le phénomène se répandpartout en Europe, mais c’est en Espagnequ’il atteint des sommets, avec un quartdes jeunes de 15 à 29 ans concernés.
La faute à unmodèLe dedéveLoppement économique perverset un système éducatif défaiLLant
En Espagne, toute une générationde jeunes désœuvrés
de nombreux jeunes diplômés, surnom-més les Mileuristas, se contentaient alorsd’un salairemensuel de 1 000 euros.
Aujourd’hui, ces jeunes sans formationse retrouvent sans emploi. Point positif :beaucoup sont disposés à reprendre leursétudes pour chercher une solution auchômage. Signe de ce revirement, lenombre d’élèves en formation profes-sionnelle a augmenté de 127 000 ces troisdernières années, selon José Campos-Tru-jillo, le responsable éducation du princi-pal syndicat espagnol, les Commissionsouvrières (CCOO). Il estime que, cette an-née, « près de 80 000 jeunes risquent de seretrouver sans la place qu’ils ont deman-dée » dans ces filières saturées.
Beaucoup d’autres «ni-ni», choyés pardes familles où le nombre d’enfants a bru-talement chuté ces trente dernières an-nées, préfèrent clamerhaut et fort que « lesétudes ne servent à rien, car il n’y a pas detravail », en dépit des chiffres qui démon-trent que les qualifications sont un atoutdans la recherche d’emploi.
Car, parmi les «ni-ni», on trouve deplus en plus de diplômés, comme SaraGandullo et Mar Fernandez, deux jeunes
femmes de 26 ans titulaires d’un di-plôme universitaire en administrationd’entreprises. Toutes les deux sont ve-nues de Séville, en Andalousie, chercherun emploi àMadrid. « Nous nous sommesdonné quatre mois pour trouver unposte, de caissière ou de serveuse s’il lefaut. Si nous n’y parvenons pas, nous re-tournerons vivre chez nos parents », ex-pliquent-elles, en reconnaissant qu’ellesont peu d’espoir. «La seule possibilitépour avoir un travail aujourd’hui, c’estd’avoir des contacts, un piston. C’estcomme ça que nous avons trouvé notrepremier emploi. »
En 2011, Sara a travaillé comme comp-table, Mar comme secrétaire administra-tive. La première n’a pas eu son contratd’un an renouvelé. « Ils préfèrent prendredes jeunes diplômés pour les exploiter »,dénonce-t-elle. La deuxième a jeté l’épongeaprès quatre mois sans avoir été payée,« parce que l’entreprise coulait ». Dans cesconditions, de plus en plus de jeunes choi-sissent l’exil, en Europe ou en Amériquelatine, après avoir cherché en vain du tra-vail en Espagne.
Sandrine Morel
La classe politique enmal de vraies solutionsLes responsabLes politiques
espagnols semblent avoir
renoncé à l’idée d’offrir
un futur prometteur aux
jeunes diplômés sur leur
sol. En marge du sommet
hispano-germanique
du 6 septembre 2012,
l’ancienne présidente
de la région de Madrid,
Esperanza Aguirre, a
déclaré avec enthousiasme :
«Si l’Allemagne a besoin de
jeunes biens formés,
Madrid peut les lui fournir.»
Pour permettre cette
expatriation massive
en terre germanique,
Mme Aguirre amême promis
d’offrir 20 000 cours
d’allemand «de base ».
Pas un mot sur les craintes
des économistes de voir
l’Espagne se délester de ses
meilleurs cerveaux, ceux
qui justement seraient les
plus aptes à aider
le pays à sortir de la crise.
Pas l’ombre d’un regret
non plus sur le fait que
d’autres pays puissent
profiter à moindres frais
d’une formation payée
par l’Espagne, sans que
celle-ci puisse en attendre
un retour quelconque.
Aujourd’hui, l’ambiance est
plutôt au «sauve-qui-peut».
S. M.
46 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
doss i er | unmonde en crise
E lle le sait, elle est assise sur unsiège éjectable. Professeurd’éducation physique et spor-tive en Saône-et-Loire, Laëtitia,26 ans, attend chaque rentrée
avec l’angoisse de se retrouver sur le car-reau. «Comme j’ai raté le concours, je nepeux prétendre, avec ma maîtrise, qu’àdes contrats de maîtres auxiliaires dansdes établissements privés reculés», ex-plique la jeune Bourguignonne. Ainsi a-t-elle dû accepter, en 2007, huit heures decours dans une cité scolaire à Autun, àprès de 80 km de chez elle.
Nouveaux galériens«Pour compléter, j’occupais unposte d’as-
sistante d’éducation dans un collège deSaint-Vallier. En tout, je parcourais plus de700 km par semaine pour gagner à peine1 000 euros par mois!» Cinq ans plus tard,rien n’a changé ou presque. Laëtitia jongleentre ses seize heures de cours hebdoma-daires à La Clayette, ses deux heures à Pa-ray-le-Monial et les séances de step qu’elleanime dans un centre de remise en forme.Laëtitia est loin d’être un cas isolé. Pour
beaucoup de jeunes, même très diplô-més, l’emploi précaire est devenu, sinonla norme, du moins un passage obligé endébut de carrière. D’après une enquêteréalisée en 2010 par le Centre d’études etde recherches sur les qualifications (Ce-req), 75 % des sortants d’écoles d’ingé-nieurs sont embauchés en CDI dès la finde leurs études. La proportion tombe à52 % pour les étudiants en écoles de com-merce et à 50 % pour les détenteurs d’unmaster scientifique.De ce phénomène de déclassement est
née une génération de précaires, condam-nés, pour s’en sortir, à cumuler les petitsboulots. Au Japon, on appelle ces nou-veaux galériens les «parasaito shinguru»
– «les célibataires parasites», vivant aucrochet de leurs parents. En Chine, on lessurnomme les «ant tribes» – «tribus defourmis» –, quand, outre-Atlantique, onles qualifie de «limbo generation» – «lagénération des limbes».«Malgré les difficultés qu’ils rencontrent
à intégrer la vie professionnelle, les diplô-
més des grandes écoles s’en sortent propor-tionnellement mieux que les moins quali-fiés», temporise Frédéric Lerais, directeurgénéral de l’Institut de recherche écono-mique et sociale (IRES). Il suffit de compa-rer le taux de chômage des actifs récentspar degré de qualification. En 2010, il s’éle-vait à 45 % pour les détenteurs du brevet
des collèges, contre seulement 10 % pourles diplômés du supérieur.N’empêche, aussi nécessaire soit-il, le di-
plôme ne constitue plus une garantie ab-solue d’accéder à l’emploi. La faute au chô-mage structurel qui pèse sur certainesbranches d’activités, mais aussi à la proli-férationdes stagiaires dans les entreprises.«Des secteurs comme la communica-
tion ont pris l’habitude de fonctionneravec un minimum de permanents et unmaximum de stagiaires, ce qui pèse évi-demment sur les conditions d’emploi»,constate Claude-Emmanuel Triomphe,délégué général de l’Association travailemploi Europe société (Astrees).Sandrine en a fait durement les frais.
En un an et demi, cette journaliste-repor-ter d’images de 26 ans a envoyé pasmoins de 250 candidatures et passé desdizaines d’entretiens. Sans succès. En dé-
Cumul d’emplois : ce que dit la loiExErcEr unE doublE, voireune triple activité… A
priori, rien ne s’y oppose.
A condition de respecter
la durée légale du travail.
«Sauf dérogation, celle-ci
ne peut excéder dix heures
par jour, quarante-huit
heures par semaine ou
quarante-quatre heures
sur une période de douze
semaines consécutives»,
rappelle Bruno Rosier,
juriste en droit social.
Le régime des heures
supplémentaires ne
s’applique pas dans ce cas.
Le salarié est par ailleurs
soumis à une obligation
de loyauté vis-à-vis de son
employeur. Pas question
donc d’exercer une activité
concurrente, que ce soit
pour son compte ou celui
d’une autre entreprise. Tout
contrevenant s’exposerait à
un licenciement pour faute.
«Avant de vous engager
sur un autre poste, relisez
votre premier contrat,
conseille Bruno Rosier. Si
vous avez signé une clause
d’exclusivité, vous n’aurez
plus qu’à faire une croix sur
le cumul d’activités.»
Pour les fonctionnaires,
la question ne se pose
même pas, puisqu’ils
sont censés se consacrer
entièrement à leur emploi.
Une dérogation leur est
cependant accordée pour
le bénévolat et les travaux
scientifiques, littéraires
ou artistiques.
La création du régime
d’auto-entrepreneur en
2009 a considérablement
simplifié l’exercice
des petites activités
indépendantes. Encore
faut-il respecter les seuils
de chiffre d’affaires...E. C.
PourbeauCouPde jeunes,l’emPloi PréCaire estdevenu,
sinonlanorme,dumoinsunPassageobligé
En France, pour joindre les deux bouts,de nombreux actifs sont obligésde cumuler plusieurs emplois.Et le phénomène n’épargne plusles jeunes diplômés. Loin de là.
Quatre jobs pour faire un emploi
mardi 13 novembre 2012 Le Monde Campus / 47
l’assouplissement du RSA jeunes. «En im-posant aux moins de 25 ans des conditionsd’accès plus strictes que pour les autres, àsavoir justifier d’un emploi d’au moinsdeux ans à plein temps au cours des troisdernières années, l’Etat les oblige à accepterle premier job qui passe», s’insurge JulienBayou, un animateur du collectif.
Un brin hyperactifsFace à cette situation de précarité écono-
mique, certains décident d’aller tenter leurchance à l’étranger. D’autres, un brin hype-ractifs, en profitent pour élargir leurchamp de compétences. On les appelle les«slasheurs». Un anglicisme, dérivé dusigne typographique «slash», qui désigneces jeunes travailleurs devenus experts èszapping professionnel.
C’est le cas de Yannick, 27 ans, respon-sable administratif d’une licence profes-sionnelle au Conservatoire national desarts et métiers, à Paris. «Au bout de deuxans, je commençais à m’ennuyer à monposte, raconte-t-il. Pour enrichir mon expé-rience et aussi élargir mon réseau decontacts, j’ai déposé un statut d’auto-entre-preneur qui m’a permis de développer desprogrammes internationaux pour desécoles désireuses d’attirer des étudiantsétrangers», une activité qu’il mène deconserve avec son autre métier.
Consultant en informatique à Nîmes,Xavier a, lui, trouvé son équilibre en ani-mant des colonies sur ses congés payés.«Chaque année, je bloque trois à quatresemaines de vacances pour encadrer desséjours itinérants, confie-t-il. Cela me per-met non seulement de voyager à moindrefrais, mais surtout de transmettre le plaisirque j’ai éprouvé, petit, à partir en colo.»Décidément, les enfants de la crise sontdifficiles à suivre.
ElodiE ChErmann
pit de ses diplômes – une licence d’infor-mation et de communication à l’univer-sité de Villetaneuse (Paris-XIII), suivied’un cursus à l’Institut supérieur de for-mation au journalisme (ISFJ), à Paris –,Sandrine ne parvient pas à dégotermieux qu’une pige par-ci, un CDD dedeux mois par-là.
Alors, en attendant d’arriver à vivre desa passion, la jeune femme n’a pasd’autre choix que de courir plusieurslièvres à la fois : elle joue les agents litté-raires pour un jeune auteur, tourne desvidéos institutionnelles pour une mairie,donne des cours de théâtre à des enfants,assure des remplacements comme ser-veuse dans des cantines scolaires.«Cela me dessert parfois en entretien,
ironise-t-elle. Certains recruteurs estimentqu’on ne peut être vraiment compétentdans un domaine si on est touche-à-tout.Mais je ne multiplie pas les contrats de
gaieté de cœur. Même avec tout ça, je n’aipas de quoi payer un loyer.»
C’est cette situation d’immense fragilitéque les essayistes Anne et Marine Ram-bach ont souhaitémettre au jour dans leur
enquête en deux parties, Les Intellos pré-caires (Fayard, 2001) et Les Nouveaux Intel-los précaires (Stock, 2009). «Onpointe tou-jours la précarité des contrats, mais ce quipèse le plus, aujourd’hui, sur les travailleursdes milieux intellectuels, c’est la baisse duprix du travail, insiste Anne. Ce qui nour-rissait à peu près il y a quinze ans ne nour-rit plus aujourd’hui.»
D’où le combat que mène le mouve-ment Génération précaire en faveur de
Sandrinejoue leS agentS littéraireS,
tourne deS vidéoS,aSSure deS remplacementS
comme ServeuSe
zoé
vadim
48 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
doss i er | un monde en crise
En sEptEmbrE 2005, lanaissance de Génération
précaire attire l’attention sur
la question des stagiaires. Le
collectif rassemble des jeunes
«révoltés par l’existence d’un
véritable sous-salariat toujours
disponible, sans cesse renouvelé
et sans aucun droit». Une série
de textes est alors votée pour
que le stage reste un outil de
formation. Le décret portant
sur la loi du 31 mars 2006 pour
l’égalité des chances précise
qu’un stagiaire ne doit pas
servir à remplacer un salarié
absent ou non remplacé. La
loi du 24 novembre 2009
relative à l’orientation et à la
formation professionnelle tout
au long de la vie impose quant
à elle une gratification de
436 eurosmensuels pour les
stages de plus de deuxmois.
La loi du 28 juillet 2011 pour le
développement de l’alternance
et la sécurisation des parcours
professionnels, dite «loi
Cherpion», impose un délai
de carence du tiers de la durée
du stage entre l’accueil de
deux jeunes.
L. L.
La législation française en progrès
Q uand tu ne trouves pas deboulot, tu finis par être ten-tée d’accepter n’importequoi», confesse Nathalie. A23 ans, deux masters de
grandes écoles en poche et deux ans destages cumulés (dont un post-diplôme,grâce à une convention délivrée parl’université étrangère qu’elle venait determiner), elle cherchait «un vraicontrat» en communication. «Les em-ployeurs me disaient que je n’avais pasassez d’expérience. Quand j’ai postulédans une ONG, on m’a expliqué la mêmechose mais on m’a proposé de faire unstage pour parfaire mes compétences»,se souvient-elle. La jeune fille refuse.Après plusieurs mois de recherches, elletrouve un CDD de quatre mois.
Les stages dits «hors cursus pédago-gique» sont pourtant interdits par le dé-cret d’application de la loi du 24 no-vembre 2009. Entré en vigueur enseptembre 2010, son but était d’éradiquerles stages «post-diplôme», acceptés parde jeunes actifs faute de propositiond’emploi. Car la pratique a un effet per-vers : les stages phagocytent les emploisjuniors. Mêmes tâches, même pression,mais pas même rémunération.Les syndicats étudiants et les organisa-
tions représentatives des jeunes diplô-més dressent un bilan en demi-teinte. «Lefait que les stages hors cursus aient été in-terdits est une victoire importante, car lestage doit intervenir dans le cadre de laformation et pas dans celui de l’insertion.Mais ils continuent d’exister», regretteYannis Burgat, responsable des questions
universitaires à l’Union nationale des étu-diants de France (UNEF).Même constat du côté d’Antoine Diers,
président du Mouvement des étu-diants (MET), pourqui cettedérivemontre«que le stage de fin de cursus n’a pas eul’effet escompté d’insertion, puisque lejeune reste coincé dans ce sas.» Pour Gaë-tan Mortier, du collectif Génération pré-caire, le problème s’est étendu avec lacrise : «Il faut une action supplémentairepour combler les trous du dispositif.»«Demoins enmoins de jeunes nous solli-
citent en pensant qu’on peut leur donnerune convention de stage, alors que c’étaitfréquent avant 2010», tranche ChristianDarantière, directeur délégué de l’Associa-tion pour faciliter l’insertion profession-nelle des jeunes diplômés (AFIJ). Cet «indi-cateur» lui fait dire que le phénomène abaissé, «même si plusieurs paliers de diffi-cultés subsistent». Une observation qu’iltire de son expérience de terrain, commed’ailleurs tous les autres acteurs concernés.Car il n’y a pas de suivi statistique des
stages hors cursus qui, officiellement,n’existent pas. «Qui peut contrôler quoi?C’est le problème de ce décret. Le monde
professionnel dépend du ministère du tra-vail tandis que les stages dépendent de l’en-seignement supérieur», souligne Domi-nique Glaymann, enseignant-chercheuren sociologie à l’université Paris-Est-Cré-teil. Cas hybrides, les jeunes diplômés sta-giaires passent entre les gouttes.
Davantage de contrôleS’il a besoin d’une convention, une
simple inscription à la fac suffit au jeunediplômé pour redevenir étudiant. «Lesuniversités sont moins complaisantesqu’auparavant lorsqu’elles délivrent desconventions, elles font plus attention», as-sure cependant Christian Darantière.Depuis 2010, la Conférence des prési-
dents d’universités (CPU) pousse à davan-tage de contrôle des précieux feuillets.Elle demande par exemple qu’un nombrerestreint de personnes soient habilitées àles signer. Elle exige que seuls les étu-diants présents aux examens y aientdroit et réclame la création d’un serviceunique consacré aux stages. Mais l’orga-nisme le reconnaît : l’application du dé-cret dépend de la volonté et de l’interpré-tation de chaque établissement.
La pratique phagocyteLes empLois juniors. mêmes tâches,
même pression, mais pas mêmerémunération
En France, les stages «hors cursus» sontillégaux depuis 2010. Mais la pratique persiste,acceptée par de jeunes diplômés aux prisesavec un contexte économique difficile.
Diplômés, stagiaires, hors-la-loi
en fournissent moyennant 150 euros,à ma charge évidemment», sesouvient Nathalie.
«Construire son CV»Pour le sociologue Domi-
nique Glaymann, «les em-ployeursontpris l’habituded’externaliser les coûts quegénère l’acquisition d’ex-périence d’un jeune en-trant dans l’emploi, soiten les reportant sur l’Etat,qui subventionne et exo-nère de charges sociales,soit sur le jeune et sa fa-mille, qui supportent des
rémunérations très faibles etintermittentes». En usantd’une dose de manipulation –ils ont de la chance d’être là – etd’une carotte – un emploi estpeut-être à la clé.Cette stratégie – accepter un
stage lorsqu’on est diplômé plu-tôt quene rien faire – est-elle effi-cace pour décrocher un emploi?Peut-être, mais pas forcément ce-lui qui était prévu. Claire, 25 ans,diplômée des grandes écoles, sedestinait à travailler dans les rela-
tions internationales, en ONGou en ins-titution. «Je ne trouvais rien, on me disaitque je n’avais pas assez d’expérience. Mastratégie a donc été d’en acquérir, de
construire mon CV.»En juillet 2011, elle s’est inscrit dans une
universitéparisienne, sansdifficulté. Lapré-sence aux cours n’était pas obligatoire. Lajeune fille a obtienu des conventions et faitdeuxstages, l’unde cinqmois, l’autrede six.«J’ai fini par chercher un emploi dans un
autre secteur, car je ne trouvais tou-jours rien. Par défaut, car, au
bout d’un an et demi destages, il faut bien trou-ver un salaire.»
Léonor Lumineau
certains établissementsprivés continuent
de délivrer des conventionssans formation
giu
lia
d’a
nna
lupo
Pour les syndicats étudiants, ledécret a eu un «effet pervers» :lamultiplicationdesdiplômesuniversitaires (DU). «Denombreuses universités enont créé dans le seul but dedélivrer des conventions.En termes pédago-giques, beaucoup sontvides. C’est une vraiedérive», constate Yan-nis Burgat, de l’UNEF.Le syndicat étudiant
demande un «audit»de ces DU. «Les univer-sités décident seules deleur création car ce nesont pas des diplômes na-tionaux. Elles fixent elles-mêmes les frais d’inscrip-tion. Il n’y a pas de contrôle»,dénonce Philippe Loup, an-cien président de la Fédéra-tion des associations géné-rales étudiantes (FAGE).Selon lui, plusieurs déroga-
tions permettraient aussi à lapratique de perdurer : «Lestage hors cursus est autorisédurant l’année de césure, encas de réorientation, et dans lecadre des stages complémen-taires de fin de formation.Ce flou permet decontourner tropfacilement l’in-terdiction.»Déjà pointés du
doigt en 2010, cer-tains établissementsd’enseignement su-périeur privés conti-nuent de délivrer desconventions sans for-mation pédagogique,assure le collectif Gé-nération précaire.Des « distributeurs »
que certains employeursconnaissent bien. «Lorsque cette ONGm’a proposé un stage, je leur ai signalé que,n’étant plus étudiante, je n’aurais pas deconvention. Ils m’ont expliqué qu’ils tra-vaillaient avec des organismes privés qui
Le Monde Campus / 49
50 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
doss i er | unmonde en crise
Q uand il est arrivé à Angersen 2008 pour trois ans decycle d’ingénieur, Nicolas sa-vait ce qui l’attendait sur leplan financier. Impossible
pour ce jeune homme d’un milieu mo-deste de continuer à casser la tirelire fa-miliale pour les 5 000 euros de frais descolarité annuels. Pas après les deux an-nées de classe préparatoire intégréepayées par ses parents. Les banques étantséduites par ce type de cursus, il n’a euaucun mal à trouver un banquier pourlui avancer 15 000 euros, à rembourser àpartir de septembre 2011.
En effet, le gros avantage des prêts étu-diants, qui sont un type de crédit à laconsommation, est que le bénéficiairepeut rembourser seulement les intérêtspendant ses études et le capital bien plustard, à l’issue de son cursus.
Jusque-là tout allait bien. Mais ungrain de sable est venu gripper lesrouages : Nicolas a raté ses examens ets’est vu contraint de redoubler sa pre-mière année d’école. Sa banque a refuséde décaler d’un an le remboursement deson prêt. «Par conséquent, ma dernièreannée d’études a été extrêmement tenduesur le plan financier. Je devais trouver unlogement à Paris pour un stage, payermon année et commencer à rembourser350 euros par mois à la banque.»
Par chance, après une année à racler lesfonds de tiroir, le stage de fin d’études dujeune homme a débouché sur un contratà durée indéterminée (CDI) : il n’auradonc pas à endurer de longs mois de chô-
Pour qui a besoin de financer ses études,s’adresser aux banques est le premier réflexe.Mais une fois le diplôme obtenu, il faut payerses dettes, peu importe les imprévus. D’oùl’intérêt de bien se renseigner avant de signer.
Nicolas a dû redoublersa première aNNée.sa baNque a refuséde décaler d’uN aNle remboursemeNt
Vous empruntiez ?Et bien, remboursezmaintenant !
mage avec un emprunt sur le dos, commecertains de ses camarades.
C’est tout le paradoxe de l’équation.Alors que de plus en plus d’étudiants sontamenés à emprunter, du fait notammentde l’augmentation des loyers et des fraisd’inscription, leur capacité de rembour-
sement s’amenuise, l’accès à l’emploi desjeunes s’étant singulièrement compliquédepuis le début de la crise.
Entre les étudiants qui veulent négo-cier quelques mois de délai supplémen-taire et ceux qui voudraient au contraireaugmenter leurs mensualités pour se dé-
Autres19 %
Scientifique et technique 17 %
Médico-social14 %
Littéraire
4 %
Economie-gestion19 %
Commerce-vente27 %
Université et IUT17 %
Ecole d’ingénieurs 1 %
Ecole (bac+5 ou plus)35 %
Ecole(bac+2 à bac+4)
24 %
Classe préparatoire2 %
BTS
14 %
Autres
7 %
Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, 2012
DOMAINE D’ÉTUDES DES ÉTUDIANTS AYANT EMPRUNTÉ (en %)
NIVEAU D’ÉTUDES DES ÉTUDIANTS AYANT EMPRUNTÉ (en %)
mardi 13 novembre 2012 Le Monde Campus / 51
leurmontant, leur durée et les taux de dé-faillance. Mais le ministère de l’enseigne-ment supérieur et de la recherche esti-mait en 2008 que les prêts bancairesétaient «des produits de marché ouverts àun faible segment de la population» avec«environ 60 000 prêts accordés actuelle-ment par les banques aux étudiants», es-sentiellement à ceux des grandes écoles.C’est pour le démocratiser qu’en 2008,
le ministère de l’enseignement supérieuret de la recherche a mis en place avec legroupe financier public Oseo un prêtétudiant d’un montant maximal de15 000 euros, sans conditions de res-source ni caution d’un tiers, dont lerisque de défaillance est garanti parl’Etat à hauteur de 70 %.Depuis leur création, 20 000 de ces
prêts ont été accordés, pour un montantmoyen de 7 840 euros, sur une duréemoyenne de six ans – soit autant de prêtsen cinq ans que ses concepteurs avaientprévu d’en écouler dès la première année,signe s’il en est que le marché françaisn’est pas non plus en train d’exploser.
Christian Kamayou, fondateur du cour-tier spécialisé Financetesetudes.com, areçu 4 000 dossiers depuis mars : «Lenombre de demandes augmente, maisl’emprunt ne concerne qu’un étudiant surdix. 60 % des demandes que nous étudionsproviennent d’étudiants des grandes écoles,qui cherchent à emprunter 20 000 eurosen moyenne, et 40 % d’étudiants d’univer-sité, qui empruntentdes sommesmoindres,7 000 euros en moyenne.»Pour ce jeune chef d’entreprise, qui a
lui-même dû emprunter 30 000 eurospour financer sa scolarité à HEC, le rem-boursement n’est pas particulièrementproblématique en France car les condi-tions proposées aux étudiants sontavantageuses. «Les banques convoitentla clientèle jeune, car elles savent qu’onchange peu de banque par la suite. Avecdes taux attractifs, entre 2,5 % et 4,5 %, leprêt étudiant est un produit d’appel. »
SébaStien Dumoulin
barrasser d’un emprunt qui les empêchede se réendetter – pour acheter un loge-ment par exemple –, il semble évidentque bien des jeunes gagneraient à mieuxcomprendre et mieux négocier les condi-tions de remboursement de leur prêtétudiant au moment de sa souscription.
Caution parentale ou étatiqueCela dit, il est inutile de dramatiser. En
France, les prêts sont généralement ga-rantis par une caution, parentale ou éta-tique, à laquelle les banques ne manque-ront pas de faire appel au besoin. Lasituation est très loin d’y être aussi pro-
blématique qu’ailleurs dans le monde,pays anglo-saxons en tête.Ainsi, aux Etats-Unis, l’endettement
étudiant a atteint en 2011 le montant re-cord de 1 000milliards de dollars. Selon lecentre de recherches Pew pour le public etlesmédias, un foyer américain sur cinq estconcerné et la dette moyenne atteignaiten 2010 près de 27 000 dollars, soit prèsde 21 000 euros. Certains économistesvoient dans ces données une probablesource de nouvelle crise économique.En France, rien de tel à l’horizon. Certes,
très peu de chiffres sont communiquéspar les banques sur le nombre de prêts,
Couverturemédicale : les jeunes diplômés dans le flou
Plus étudiants, mais pasencore salariés. Un entre-
deux angoissant à bien des
titres, notamment en matière
de couverture-santé : «Les
jeunes tombent dans un
“trou” lorsqu’ils ont terminé
leurs études et ont perdu
les droits qui vont avec le
statut d’étudiant, mais qu’ils
ne trouvent pas d’emploi»,
explique Gaëtan Mortier, du
collectif Génération précaire.
Car, dans ce cas, l’affiliation
au régime général de sécurité
sociale en tant que salarié
est évidemment impossible.
Des solutions existent pour
continuer d’être couvert…
mais elles sont limitées.
Il faut d’abord rappeler que fin
des études ne veut pas dire fin
immédiate de la couverture
sociale étudiante. «Quand
ils quittent l’enseignement
supérieur, les jeunes
diplômés voient leurs droits
automatiquement reconduits
jusqu’au 31 décembre par les
organismes de sécurité sociale
étudiante [LMDE, EmeVia],
sans aucune démarche de
leur part», rassure Gaëlle
Kergutuil, administratrice
déléguée chargée de l’accès
aux soins à la LMDE.
Un laps de temps prévu pour
permettre aux ex-étudiants
d’effectuer les démarches
nécessaires. «Le jeune diplômé
qui n’est pas encore salarié
doit faire une demande de
maintien de droits étudiants
auprès de la Caisse primaire
d’assurance-maladie (CPAM)
de son domicile, qui le couvrira
pendant un an», explique
Benjamin Chkroun, délégué
général d’EmeVia. Attention,
la démarche est volontaire : en
cas d’oubli, plus de couverture
sociale.
C’est après, soit un an après la
fin des études, que la situation
se complique. Ceux qui n’ont
pas décroché le gros lot avec
un contrat doivent faire
une demande d’affiliation
à la couverture-maladie
universelle (CMU) s’ils veulent
continuer à être remboursés
de leurs dépenses de santé.
Mais le panier de soins est
assez limité, notamment en
ce qui concerne le dentaire et
l’optique.
«Le maintien des droits
étudiants ne dure pas assez
longtemps. Les jeunes
parviennent de moins en moins
facilement à trouver un emploi
stable et cette couverture d’un
an paraît faible», déplore
Gaëtan Mortier.
Laure Delair, chargée des
questions sociales à l’Union
nationale des étudiants de
France (UNEF), constate l’effet
pervers de cette situation:
«Les jeunes – y compris ceux
qui, récemment diplômés,
sont en recherche d’emploi –
arbitrent dans leur budget.
Leur santé devient secondaire.
Certains n’ont même pas de
mutuelle. Pour eux, aller chez le
médecin est un risque financier
important.»
Le problème de la couverture
médicale des jeunes alimente
aussi une «dévaluation
générale» : «Certains jeunes
diplômés acceptent le premier
emploi venu pour sortir de
cette précarité», explique
Philippe Loup, ex-président de
la Fédération des associations
générales étudiantes (FAGE).
Pour les syndicats étudiants
et Génération précaire, il
faut que l’Etat entame une
réflexion à ce sujet.
De leur côté, les mutuelles
étudiantes se sont adaptées à
l’évolution de la situation des
jeunes diplômés. «Nous nous
sommes aperçus qu’ils avaient
de plus en plus de difficultés
à bénéficier d’une couverture
mutualiste liée au salariat.
Depuis deux ans, nous leur
offrons donc la possibilité
de renouveler la couverture
complémentaire qu’ils avaient
chez nous lorsqu’ils étaient
étudiants. Cette offre est
disponible par tranches de
plusieurs mois jusqu’à 28 ans»,
détaille Gaëlle Kergutuil.
Même chose chez EmeVia,
qui étend l’offre jusqu’à
30 ans. Une solution plus
économique que le recours à
une mutuelle classique ou à
une assurance.léonor lumineau
En FrancE, la situationEst très loin d’êtrE aussi
problématiquE qu’aillEursdans lEmondE
52 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
QQu’on ne s’y trompe pas. Ce n’estpas parce qu’il est de nationalitéindienne que Lakshmi Mittal apour habitude d’intégrer «àl’asiatique» les sociétés que songroupe rachète. En 2006, les diri-geants d’Arcelor l’ont vite perçu :pas de doutes, la manière de faireétait très «anglo-saxonne». Unvéritable rouleau-compresseurs’estmis enmarche, a pris posses-sion des lieux de façon métho-dique avec, en point d’orgue, lafermeture de l’aciérie de Gan-drange en 2009 et celle, annon-cée, des hauts-fourneaux de Flo-range (Moselle).«L’approche est très ration-
nelle, très financière, indiqueBéatrice Collin, professeur destratégie à l’école de commerceESCP-Europe. Des processus demanagement ont été institués etdes équipes sont venues rapide-ment occuper les postes-clés.Tout cela a été un choc culturelterrible pour les salariés en place.»Lorsque des entreprises étran-
une volonté d’acculturer quireste très forte», résume Béa-trice Collin.Volonté qui passe par le rem-
placement des équipes demana-gement et par la mise en placede techniques de gestion des res-sources humaines très précises.
Français le lundi, Chinois le mardi !Les rachats d’entreprises ont souvent delourdes conséquences sur l’encadrement.Car, avec les nouveaux propriétaires,c’est toute une culture qui fait son entrée.
gères mettent la main sur dessociétés françaises, la prise depossession peut être totale, sansnuances. Et, en la matière, les casd’école souvent cités ciblent desfirmes américaines.Lorsque Yahoo! a croqué les
Français du comparateur de prixKelkoo, en 2004, le groupe amé-ricain a plaqué son modèle degestion sur la société nouvelle-ment rachetée. «L’aventure hu-maine de Kelkoo avait été telle-ment forte qu’on ne pouvait pasrester longtemps dans une telleorganisation matricielle», ré-sume l’un de ses anciens cadres.Huit mois après le rachat, lesmanageurs avaient tous quitté lenavire. «L’arrivée des Américains,c’est spécial…», conclut-il.
Spécial ? Les Américains pre-nant possession d’une entre-prise ont très souvent la volontéd’imposer leur mode de mana-gement et leurs façons de faire.«Même si leur façon de procédera pu être plus intense par le pas-sé, ils ont encore aujourd’hui
«Les Américains ont un mode demanagement plutôt technique,qualitatif et centré sur les résul-tats, poursuit le professeur del’ESCP-Europe. Les regards sonttournés vers les tâches plus quevers les personnes, ce qui peutsurprendre les Européens. On est
Le remue-ménagedes repreneurs étrangers
Mondialisation
Lorsqu’iL a décidé de vendre
PriceMinister, Pierre Kosciusko-
Morizet ne voulait pas d’un
supérieur français. «Je suis jaloux
de mon indépendance et de mon
autonomie, je n’avais vraiment
pas envie d’avoir des Français sur
le dos.» Sa préférence allait donc
aux patrons… lointains.
Mais pas aux Américains. Les
fondateurs du site de vente en
ligne, dont il fait partie, voulaient
en effet poursuivre l’aventure. Et
ils le savaient : «Les Américains
gardent rarement le management
de l’entreprise qu’ils rachètent.»
Après des discussions multiples,
c’est finalement aux Japonais de
Rakuten que le géant français
du e-commerce a été vendu, en
juin 2010, pour 200 millions
d’euros. Et, même s’il doit
désormais rendre des comptes à
un supérieur, Pierre Kosciusko-
Morizet, toujours PDG du site,
se dit ravi des évolutions qui ont
suivi le rachat. «Pour s’adapter
à un pays dont ils ne maîtrisent
pas tous les codes, les Japonais
jugent nécessaire de garder
l’équipe fondatrice, indique-t-il.
Ils sont conscients de leur valeur,
mais savent aussi qu’ils sont très
différents de nous et que, par
conséquent, le mieux est de nous
faire confiance pour développer
l’activité en France et en Europe.»
Les adaptations managériales
se sont faites à la marge, avec
parfois quelques nouveautés
insolites. Comme le souhait que
les membres de PriceMinister
s’appellent entre eux par un
surnom qu’ils se sont eux-
mêmes trouvé. Ce n’est pas sur ce
plan-là non plus que les Japonais
auront réussi à bousculer les
habitudes de Pierre Kosciusko-
Morizet : il a choisi PKM.F. D.
PriceMinister à l’heure japonaise
«Les AMéricAinsont une voLonté
d’AccuLturer qui restetrès forte»
Béatrice collin, professeurde stratégie à ESCP-Europe
mardi 13 novembre 2012 Le Monde Campus / 53
en réalité dans des systèmes qua-siment scientifiques.»
L’intégration menée à marcheforcée n’est toutefois pas unerègle absolue chez les Américains.En effet, au-delà de la nationalitédes acquéreurs, leur approchemanagériale dépend égalementde leurs intentions. S’ils souhai-tent que la société reste forte-ment insérée dans son marchélocal, les repreneurs pourrontlaisser davantage de «respira-tions» aux salariés comme aumanagement présents.
Le secteur d’activité a aussison importance. «Ce n’est pas lamême chose de reprendre une en-treprise industrielle et une société
tant de différences culturelles,mais aussi et surtout pour s’ap-proprier des techniques qu’ils nemaîtrisent pas encore.
«Les Chinois vont éviter la plu-part du temps de supprimer desemplois, ils vont garantir un ni-veau de revenu égal, voire, dansquelques cas, l’augmenter, et neprocéder qu’à peu de change-ments de têtes au sein de l’équipe
sonnel en place que pourraientavoir par exemple des acheteurschinois, venant pour la technolo-gie et le savoir-faire et qui onttout à apprendre.»
Il est vrai qu’on ne pourraittrouver deux modes de fonction-nement plus différents que celuides Chinois et des Américains.Lors de leurs acquisitions d’entre-prises étrangères – encore relati-vement rares aujourd’hui –, lesentrepreneurs de l’empire du Mi-lieu ont conscience que leur arri-vée va susciter de la méfiance,des suspicions. Ils savent aussiqu’ils ont besoin des équipes enplace pour comprendre un ter-rain européen avec lequel ils ont
travaillant dans les biens deconsommation ou les services,juge Béatrice Collin. Dans le se-cond cas, il peut être néfaste dedétruire le lien de proximité exis-tant avec le consommateur et quifait la force de l’entreprise.»
MéfianceEn dépit de ces nuances, l’in-
fluence de la nationalité et de laculture des acheteurs se fait tou-jours sentir : «Les acquisitionsaméricaines ont souvent une fi-nalité financière, estime un syn-dicaliste ayant suivi plusieursdossiers de rachat en France. Lesacteurs n’auront pas le mêmesouci de laisser s’exprimer le per-
au-delà dela nationalité,
l’approchemanagériale
des acquéreursdépend aussi
de leurs intentions
ALJO
SHA
BLAU/cOm
iLLUS
54 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
de direction», note un syndica-liste CFDT. Ce qui ne les empê-chera pas, de façon plus lente etprogressive, de procéder à lamise en place d’un système demanagement à leur main.
Cette prise de possession rela-tivement équilibrée n’a toute-fois pas toujours été la règle. Lespremiers Chinois à s’emparerd’entreprises françaises ont es-suyé les plâtres. Certains d’entreeux ont tenté de développer unmanagement identique à celuiqu’ils pratiquaient sur leursterres : relativement autoritaire,et adapté à des salariés s’effaçantd’eux-mêmes derrière l’intérêtde l’entreprise.
Ils ont découvert que les sala-riés français étaient d’un autrebois. Et que leur habitude desluttes syndicales et des rapportsde force imposait une stratégiedifférente. Les convocations à desréunions le dimanche ont doncrapidement disparu. Au fait de cesprécédentsmalheureux, les entre-preneurs chinois ont su s’adapter.
L’approche européenne se si-tue à mi-chemin entre le modèleaméricain d’intégration àmarcheforcée dans un groupe et ce nou-veau modèle chinois qui offreune grande liberté à la société ra-chetée. On parle de «coconstruc-tion» : la recherche d’un consen-sus est jugée nécessaire – un peudans le même esprit que celui dela construction politique del’Union européenne.
L’empreinte locale est doncpréservée : elle permettra de pé-nétrer le marché. L’acheteur bé-néficie ainsi des apports de sanouvelle acquisition, tout en en-gageant le processus d’intégra-tion dans un réseau : les compé-
tences de la maison mère sontainsi infusées dans l’entreprise.
Le mode de fonctionnementeuropéen est celui qu’emprun-tent généralement les paysémergents lorsqu’ils rachètentune société. C’est le cas des Brési-liens, chez lesquels on retrouvecette approche médiane dansleur propre culture d’entreprise.Celle-ci marie une proximitédans le contact (tutoiement,usage du prénom…) et un grandrespect de la hiérarchie.
Si les grands traits de ces di-vers modes de management de-meurent, des évolutions se fonttoutefois jour ces dernières an-nées : «Nous évoluons douce-ment vers un lissage des varia-tions entre pays», note BéatriceCollin. L’internationalisation descarrières estompe les différences.
C’est notamment le cas en Eu-rope, où les managements alle-mand, espagnol ou français,fruits de cultures différentes,peuvent être finalement fortsemblables. «L’effet de généra-tion est considérable, observeBéatrice Collin. La césure se faitaux alentours de 40 ans. En des-sous de cet âge, les manageursont souvent fait une partie deleurs études à l’étranger, ils onttoujours circulé à travers l’Europepour leur travail et ont donc unevision qui dépasse leurs frontièresnationales.»
Restent quelques pays quiéchappent à cette règle, comme,par exemple, les Etats-Unis.«L’orientation internationale yest bien moins fréquente qu’enEurope», estime la professeur destratégie à ESCP-Europe. D’où unrelatif maintien des caractéris-tiques de « l’acquisition à l’amé-ricaine». Et du rôle d’épouvan-tail endossé par ces Américainsque bien des cadres redoutent devoir arriver aux commandes deleur entreprise.
François Desnoyers
L’internationaLisationdes carrières estompe
Les différencesdemanagement
entre pays
mondialisation
Les investissements étrangersdécidés enFrance en2011
Pays d’origine Projets emPlois
Etats-UnisAllemagneItalieSuisseBelgiqueJaponRoyaume-UniEspagneSuèdeCanadaChineHongkongPays-BasAutricheIndeDanemarkFinlandeRussieAustralieBrésilIrlandeLuxembourgTaïwanAutres
Total général
149120464639383627262417620151211654444435
698
6 0874 4351 6102 2381 3918741 3592 18791080869631836058318822115950651007020835
3 006
27 958
698nouveauxprojets
27 958emplois créésou sauvegardés
Source : rapport annuel 2011 de l’Agence française pour les investissements internationaux.
Nombrede projetspar régionen 2011
30
120233
DOM-TOM
mardi 13 novembre 2012 Le Monde Campus / 55
Xuefei Lu est directrice du départementAsie du cabinet de conseil Inter CulturalManagement Associates (ICM). Elle atravaillé plusieurs années en Chine, dansl’industrie et le commerce international.
Entretien avec Xuefei LuLes Chinois louent
le professionnalismeet l’expertise des Français»
doit-on faire?», les Français in-terrogent : «Pourquoi dois-jefaire cela?»Quel regard lesmanageurschinois portent-ils surles salariés français?En Chine, le consensus et le com-promis sont toujours recherchésen interne avant d’exprimer pu-bliquement une décision. LesChinois trouvent donc que lesFrançais sont trop directs quandils s’expriment ou prennent unedécision. Eux sont au contraireadeptes d’une communicationbeaucoup plus «oblique».Bien souvent, les Français necomprendront d’ailleurs pas lemessage et sa structuration trèsindirecte, pas toujours facile à dé-crypter. Les manageurs chinois
ne disent jamais «non», ils sontdonc parfois choqués par l’atti-tude des salariés français.Autre différence culturelle : lecheminement des discussionsprofessionnelles n’est pas iden-tique. Les Français ont tendance
à aller du particulier vers le gé-néral, et les Chinois l’inverse :pour eux, le contexte global im-porte plus que les détails. Ilstrouvent en conséquence que lesFrançais portent trop d’atten-tion à ces mêmes détails.Quelles qualités attribue-t-on,en Chine, aux salariésfrançais?Les différences culturelles sontprésentes, mais les Chinois fontmalgré cela beaucoup d’éloges àpropos des Français. Ils louentnotamment leur professionna-lisme et leur expertise. De même,ils jugent mature et particulière-ment avancée l’organisation éco-nomique de la France.Après analyse dumodèlefrançais et des spécificités deses salariés, la France attire-t-elle toujours les Chinois?Oui, et ce sera de plus en plus lecas. La plupart des acquisitionsen France sont de petite taille,mais les choses pourraient évo-luer. En ce qui concerne l’indus-trie, il est clair que le regard desChinois se tourne davantage versl’Allemagne.Mais la France a un atout consi-dérable : c’est un pays qui ren-voie une excellente image de sa-voir-vivre, avec des secteurs depointe, comme la mode et le vin.Les Chinois s’y intéressent deprès et les rachats devraient doncse développer dans les annéesqui viennent.
ProPos recueillis Par F. D.
portant : l’implantation de cer-taines entreprises qui ne s’yétaient pas préparées a été unéchec retentissant.La première différence à analy-ser se situe au niveau de la men-talité. Celle des Chinois est fon-dée sur le confucianisme :l’intérêt collectif l’emporte surcelui de l’individu. Le groupe a laplus forte priorité. Cela im-plique que lorsqu’il y a unconflit entre un employé et sonentreprise, comme entre un ci-toyen et son gouvernement, ilconvient de mettre ses intérêtspropres en retrait.C’est le contraire de la culture in-dividualiste qu’on peut souventretrouver, notamment en France.D’où des incompréhensions po-tentielles et de possibles conflitsqu’il faut anticiper et éviter.Les styles demanagementsont-ils différents entre laFrance et la Chine?Le manageur chinois qui arriveen France doit s’adapter : les em-ployés qu’il a face à lui n’ont pasdu tout la même approche quela sienne des tâches à effectuer.En Chine, il n’a pas à se justifier :les salariés chinois exécutentdes ordres, ils ne discutent pasavec la hiérarchie. C’est le mana-gement «top down».Les salariés français sont diffé-rents, ils ont besoin d’êtreconvaincus avant d’accepter unordre. En somme, là où les sala-riés chinois demandent : «Que
«Là où LEs saLariéschinois dEmandEnt :“QuE doit-on fairE?”,
LEs françaisintErrogEnt :
“PourQuoi dois-jEfairE cELa?”
CComment les Chinois rachetantdes entreprises hexagonalesenvisagent-ils leurs relationsavec les Français?Les Chinois ont une mentalitétrès flexible quand ils ne se trou-vent pas sur leur propre terrain.Même lorsqu’ils deviennent l’ac-tionnaire majoritaire, ils ontconscience qu’ils sont minori-taires en nombre. Ils n’apportentdonc pas de changements mas-sifs et rapides. Au contraire, ilscherchent dans un premiertemps à plaire, à rassurer. Ils sesavent en terre inconnue.Les quelque manageurs qui sontdépêchés sur place vont doncfaire l’effort de vivre avec lesFrançais et essayer de s’adapteraux habitudes et à la mentalitédu pays. Ils sont en recherched’intermédiaires qui vont leurpermettre d’améliorer la com-munication avec les salariés, despécialistes pour leur expliquerqui sont les Français, commentils fonctionnent…Les fortes différences culturellessont-elles une gêne?Oui, il peut y avoir de fortes in-compréhensions à ce niveau.D’où la conscience, de la part desChinois, d’un nécessaire travailde compréhension mutuelle.C’est d’ailleurs un point très im-
56 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
Mondialisation
T out cela est tout demême paradoxal!»Lorsqu’elle décrit leschangements opérésdepuis le rachat de son
entreprise agroalimentaire, Hé-lène, déléguée CFE-CGC, le recon-naît : «On ne vit pas douloureuse-ment lemanagement allemand.»Les décideurs d’outre-Rhin qui
ont repris cette société d’un mil-lier de salariés voici quelques an-nées y ont réinsufflé l’espritd’équipe. «Ils organisent desgrands rassemblements de fa-mille avec la direction, note-t-elle. C’est le genre de choses quiavait disparu. Il n’y avait plusnon plus de repas de service.»Les repreneurs allemands sont
même allés jusqu’à mettre enplace des courses à pied où le per-sonnel, sans considération hiérar-chique, se mélange à petites fou-lées. Contrairement à l’imagetraditionnellement véhiculée parles rachats, le changement de«pavillon» peut donc apporterdes évolutions saluées en interne.«La volonté de rationaliser l’or-
ganisation de l’entreprise n’a tou-tefois pas été appréciée de tous lessalariés», tempère la syndicaliste.Le mode de fonctionnement àl’allemande, par sa rigueur, a purefroidir. Logiquement, la centra-lisation du pouvoir outre-Rhin aété vécue douloureusement. «Dé-sormais, les décisions sont prises
ailleurs et il faut les respecter», ré-sume Hélène. Cette restructura-tion de la chaîne de décision s’estaccompagnée d’un renouvelle-ment du comité de direction. «Sesmembres ont été remplacés petit àpetit, parfois à l’occasion de dé-parts en retraite.»Une reprise en main en dou-
ceur destinée à ne pas heurter lessalariés. «Le management à l’al-lemande ressemble finalement àcelui pratiqué en France. Nous nesommes pas dans la violence desrapports qu’on peut parfois ren-contrer chez les Anglo-Saxons»,indique Hélène.
Cela ne va pas sans quelquesincompréhensions culturelles. Larugosité des affrontements, no-tamment avec les syndicats, laissecertains Allemands songeurs. «Ilsn’appréhendent pas bien la rela-tion conflictuelle. Notre nouveauPDG s’est, un jour, fait bousculerpar des syndicalistes, il a été tota-lement affolé.»Mais ce choc des cultures peut,
toutefois, à ses yeux, avoir aussidu bon : «La manière de nousprésenter les choses, notammentles réalités économiques, est par-
fois beaucoup plus franche quece qu’on connaissait auparavant.Nos anciens responsables avaientplutôt une culture du secret.»
Fini la fêteLa culture du secret n’était pas
vraiment la caractéristiqueprinci-pale de cette autre société fran-çaise passée au début des an-nées 2000 sous pavillon étranger.C’était même tout le contraire :dans cette enseigne de vente debiens de consommation, lescontacts entre le patron et les sala-riés étaient permanents.Responsable adjoint d’un des
magasins de l’enseigne, Jean-Paul,syndicaliste CFDT-cadres, se sou-vientque«tous les salariésavaientle portable du PDG, et celui-ciconnaissait le prénom d’unnombre impressionnant d’em-ployés. Chaque soir, on téléphonaitpour donner le chiffre d’affaires deson magasin.» La promotion in-terne était encouragée, certainescarrières ont été fulgurantes.Mais le caractère familial de la
conduite de l’entreprise pouvaitavoir son revers. «Les affairesn’étaient pas bien gérées», notele syndicaliste. Et ce jusqu’à la ca-ricature : «Tout le monde se sou-vient de fêtes grandioses où tousles salariés étaient conviés… Alorsque l’entreprise coulait !»Les Chinois, repreneurs de la
société, ont donc été vus par cer-
tains comme des sauveurs. «Heu-reusement qu’ils sont arrivés avecleurs millions!», concède bien vo-lontiers Jean-Paul. Les temps ontalors changé. Fini la fête, place à larigueur. Adieu le patron fonda-teur qu’on surnommait «papy»,bonjour au PDG vivant à des mil-liers de kilomètres de la France.Les salariés sont passés d’un
extrême à l’autre. «Les nouveauxpropriétaires ontmis en place uneorganisation basée sur de mul-tiples procédures, avec beaucoupde lourdeurs, l’humain passant ausecond plan. Ça a été une douchefroide pour certains.»Là aussi, l’équipe dirigeante a
été renouvelée progressivement.Un plan social a par ailleurs étémis en place au bout de quelquesannées. Et le poste de directeur gé-néral a pris des allures de siègeéjectable : depuis le rachat, la du-rée moyenne du maintien à cettefonction est inférieure à deux ans.«Mais, dans l’ensemble, les
cadres ont cerné la nécessité dedavantage structurer la marchede l’entreprise, note le militantCFDT. Nous avons compris que lesnouveaux dirigeants voulaientque les choses soient faites correc-tement. A commencer par les fon-damentaux. On a ainsi réapprisque le fond de caisse d’un maga-sin doit être contrôlé par la hié-rarchie.»
FrançoisDesnoyers
Les rachats d’entreprises parun groupe étranger ne se font pastoujours dans la douleur. Le nouveaumode de management peut mêmeavoir un effet salutaire. Exemples.
Sauvés par desméthodesvenues d’ailleurs
«HeureuseMentque les CHinois
sont arrivés aveCleursMillions!»
Jean-Paul, cadre dans une enseignede biens de consommation
I love my city : j’aime ma ville
I love my city : j’aime ma ville
CHEZ NOUS,IL Y A MÉTIERS
ET MILLE ET FAÇONS DEPARTAGER VOTRE PASSION
234
VOUS AIMEZ LA VILLE ?
1
I love my city : j’aime ma ville
Comme nous, vous pensez que l’avenir de la ville est à la mobilité ? Rejoignez le 5e acteur mondial de transport public et del’écomobilité. Aujourd’hui, la RATP vous propose plus de 200 métiers et autant d’opportunités de carrière au sein d’une
entreprise où la performance passe par l’esprit d’équipe et l’innovation au service de tous.
QUELLE QUE SOIT VOTRE PASSION, À LA RATP, IL Y A UN MÉTIER QUI LUI CORRESPOND.Découvrez tous nos métiers sur ratp.fr/carrieres
58 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
L
La formation en ligne peine à séduireles petites entreprises. En cause :les réticences des patrons, le manqued’impulsion des pouvoirs publics,mais aussi les lacunes de l’offre.
Internet
La France est à la traîne dans laformation en ligne. Le constatvientd’uneétudedugroupeCegossur la formation professionnelleen Europe, menée dans six pays(France, Allemagne, Espagne, Ita-lie, Hollande et au Royaume-Uni).Malgré un titre enthousiaste – «Leboomdes formationsmixtes et dututorat» (avril 2012) –, l’enquêteducentre de formation profession-nelle ne livre pas une image flat-teuse de la France en termes de e-learning. Si les salariés françaissont en première ligne en ce quiconcerne la formation classique(95% d’entre eux en ont bénéfi-cié), ils arrivent derniers en termesde formation en ligne et de forma-tionmixte (en salle et à distance).
Michel Lisowski, consultante-formation à Centre Inffo, orga-nisme d’information sur la for-mation permanente, ne s’étonnepas de ces résultats et dénonce lediscours tenu par les prestatairesdu e-learning «qui ont intérêt àdire que les choses vont se dévelop-
Lisowski : «Pour la plupart desdirigeants de PME, la formationest avant tout une obligation,pas une stratégie d’entreprise.Elle est prise en charge par l’ex-pert-comptable, car elle est vécuepresque comme un impôt.»
Et si la formation semble uneobligation fastidieuse, le e-lear-ning suscite parfois la crainte deschefs d’entreprise. «Les servicesinformatiques n’acceptent pas delever les pare-feu qui permettentl’utilisation de plates-formes. Unpetit patron accepte difficilementque des informations entrentdans l’entreprise sans qu’il puisseles contrôler», explique le consul-tant de Centre Inffo.
Michel Diaz, cofondateur dusite E-learning letter, confirme :«Les dirigeants prennent des pin-cettes car ils veulent s’assurer lamaîtrise de l’information, éviterque les salariés racontent n’im-porte quoi à n’importe qui.»M. Diaz souligne aussi que les ré-ticences face au e-learning neconcernent pas que les chefsd’entreprise. «Ce système fait del’apprenant le principal acteur desa formation, ça vaut pour les sa-lariés comme pour les managers.Tout le monde n’a pas la capacitéou la motivation à se former et àremettre en question le train-
pant. Or, quandon regarde qui uti-lise le e-learning, on se rendcompte que les grandes entre-prises représentent 80% du mar-ché. Et encore, il s’agit de secteursprécis : banques et assurances es-sentiellement», explique-t-il.
Le e-learning, apanage desgrandes structures au détrimentdes PME? C’est afin de répondreà cette question que la Confédé-ration générale du patronat despetites et moyennes entre-prises (CGPME) a fait réaliser parOpinion Way une enquête surl’utilisation d’Internet par lespetites structures.
ParadoxePour l’année à venir, 6 % des
entreprises de moins de 50 sala-riés prévoient de recourir à uneformation à distance, pour leursdirigeants ou leurs employés.«Les PME de moins de 50 salariésutilisent très peu, ou en tout casbeaucoup moins que d’autrespays, le numérique pour accom-pagner leur développement, ana-lyse Christian Sainz, chargé dunumérique pour la CGPME.Seules 25 % de ces entreprises ontun site Internet, contre 80 % enAngleterre. Alors que la France fi-gure parmi les pays les mieuxconnectés, les patrons de PME uti-
lisent le numérique pour lire leursmails ou acheter des billets detrain, mais pas pour le développe-ment de leur entreprise. Nous es-sayons de comprendre les raisonsde ce paradoxe.»
Christian Sainz pointe des réti-cences culturelles par rapport aunumérique : «Aujourd’hui, unchef d’entreprise a plutôt 50 ansque 30, il ne perçoit pas forcémentle potentiel de ces technologies etse sent vite perdu, d’autant plusqu’il est habitué au face-à-face.»Un constat que partage Michel
Le e-learningtarde à décoller
«Aujourd’huI,un pAtron A plutôt50 Ans que 30, Il ne
perçoIt pAs forcémentle potentIel de
ces technologIes»Christian sainz, chargé
du numérique pour la CGPME
124 PAGES - 7,90 € - A DÉCOUVRIR EN KIOSQUE
A l’occasion du 30e anniversaire de sa mort, le 24 décembre 1982, un grand portrait de Louis Aragon parDaniel Bougnoux, directeur de l’édition desŒuvres romanesques complètes d’Aragon dans « La Pléiade ».
Une sélection de textes de l’auteur le montrant à la fois romancier, poète, essayiste, militant.
Un entretien avec Pierre Juquin, qui publie ces jours-ci une biographie monumentale consacréeà l’écrivain.
Et aussi les hommages et les débats que, tout autant adulé que détesté, il sucita de la part de FrançoisMauriac, Philippe Sollers, d’André Breton ou Léo Ferré. Ses prises de position ont suscité des réactionspassionnées.
Ce hors-série du Monde vous propose de revenir sur cet auteur majeur, un homme qui a traversé sonsiècle avec unemaîtrise imparable de la confusion des genres.
60 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
train du stage de formation donton bénéficie une fois par an, quiest connu et confortable.»Il ne faut pas non plus négliger
les difficultés d’accès au e-lear-ning que peuvent rencontrer lesentreprises. «Pendant long-temps, les OPCA [organismes pa-ritaires collecteurs agréés, char-gés de réunir les fonds desentreprises destinés à la forma-tion professionnelle ] étaient ré-ticents pour financer le e-lear-ning, raconte François Mazoyer,responsable de la formation chezEuromaster. La situation a chan-gé depuis deux ou trois ans. Maisil faudrait que les pouvoirs pu-blics fassent évoluer les dispositifsde prise en charge et incitent lesentreprises à investir dans ce typede formation.»
Le prix reste en effet élevé. «Sion veut inciter les entreprises quine font pas de e-learning à se lan-cer, il faut que les prix baissent : unmodule sur mesure de quarante-cinq minutes coûte 25 000 euros,voire plus selon le niveau d’inte-ractivité recherché. A cela s’ajou-tent 80 à 100 heures de travailpour nos équipes. Cet investisse-ment est intéressant pour unnombre compris entre 200 et250 apprenants par module», dé-taille le responsable du serviceformation d’Euromaster.A ce niveau, le e-learning n’est
donc pas intéressant pour les pe-tites structures. Mais, avec uncoup de pouce, la donne pourraitchanger : «Les organismes debranche ont une carte à jouerpour permettre aux TPE et PMEd’avoir accès à ce type de forma-tion en mutualisant les besoins»,estime François Mazoyer. Car,même si elles parviennent à fi-
treprises en fonction des ce qu’ellesproposent en ce domaine».Le consultant à Centre Inffo cite
les grandes compagnies améri-caines, qui en font un facteur derecrutement. «Il commence à yavoir des entreprises, notammentbanques et assurances, qui propo-sent aux salariés des formationsnomades à télécharger sur tablettenumérique ou smartphone. LesPME qui voudront attirer les jeunestalents devront en passer par là.»
Margherita Nasi
nancer le e-learning, les entre-prises n’ont pas toujours accès à«des formations correspondant àleurs attentes», explique Chris-tain Sainz. L’enquête de la CGPMEmontre qu’elles «sont deman-deuses de formations courtesdans une logique métier, quin’existent pas sur le marché».Le responsable du numérique
pour la CGPME note tout demême une «évolution» dans ledomaine du e-learning : «Noussommes contents qu’il y ait dans
le nouveau gouvernement uneministre déléguée aux PME et àl’économie numérique, et lespremiers contacts sont assez en-courageants. »Michel Lisowski est plus miti-
gé : «Je pense que le changementn’interviendra pas avec la généra-tion actuelle, les 30-60 ans.» Enrevanche, la situation pourraitévoluer avec la nouvelle généra-tion, «très consommatrice denouvelles technologies, où leshauts diplômés vont choisir les en-
L’ère du «blended learning»,la formation en ligne à visage humainLa formation à distance
s’est développée en France
au début du millénaire,
«en même temps que la
bulle Internet, raconte
Patrick Bérard, directeur
du développement de
Demos e-Learning. C’était
très avant-gardiste :
Internet était tout jeune,
les débits pas terribles. »
Ce développement précoce
explique en partie la
désaffection des salariés :
«Les modules n’étaient
pas toujours de bonne
qualité, graphiquement
ou pédagogiquement»,
se souvient Michel Diaz,
cofondateur du site
E-learning letter.
Mais les failles de la
formation à distance
n’étaient pas seulement
techniques. Selon Patrick
Bérard, cette première
version du e-learning
reposait sur «un postulat
naïf» : «Croire que
l’autoformation convient à
tout le monde.»
Michel Diaz confirme : «Le
e-learning représentait un
tel changement dans les
habitudes, après des siècles
de formation en face-à-face,
qu’il est apparu nécessaire
de le compléter par une
médiation humaine entre
les apprenants et un
tuteur.»
C’est la naissance du
«blended learning»,
l’association entre
formation virtuelle et
présentielle, sur fond
d’augmentation des
capacités techniques,
autour de 2010. «Il a fallu
raisonner de façon plus
pragmatique, puisqu’il
y a des thèmes qui ne se
traitent pas à distance.
Désormais, la théorie se
fait à distance et la mise en
application en présentiel»,
explique Patrick Bérard.
Problème : le «blended
learning» requiert des
compétences en ingénierie
de formation. «Il faut
distinguer ce qui sera
délivré en amont ou en
aval, à distance, et ce qui
sera délivré en présentiel»,
explique Michel Diaz. Pour
le rédacteur en chef de
E-learning letter, le grand
enjeu de la formation
en France aujourd’hui
consiste à «réussir à créer
le cadre des apprentissages
informels, par lequel passe
l’essentiel de l’apprentissage
des salariés».M. Diaz cite
le modèle anglo-saxon du
«70-20-10» : «70 % des
connaissances sont acquises
sur le tas, 20 % dans le
contact entre les salariés,
10 % seulement par des
dispositifs de formation.»
Mais réussir à encadrer
l’apprentissage informel
est une tâche difficile
pour des entreprises qui
n’en ont ni le temps ni
les moyens. «La mise en
œuvre d’une telle politique
suppose de s’appuyer sur
un corpus technologique
qui existe, mais que peu
d’entreprises se sont
aujourd’hui approprié : il
faut avoir des compétences
significatives en plate-forme
participative et savoir
animer des communautés.
Les départements formation
sont dans la gestion du
quotidien et des aspects
réglementaires, au
détriment de la réflexion
stratégique.»M. N.
«UnmodULe sUrmesUrede qUarante-cinqminUtes
coûte 25 000 eUros»FraNçois Mazoyer, responsablede la formation chez Euromaster
internet
LES GRANDES SIGNATURES DU MONDE POUR VOUS AIDER À
COMPRENDRE UN MONDE QUI CHANGELES GRANDES SIGNATURES DU MONDE
COMPRENDRE UN MONDE
N° 3 - LA RÉPUBLIQUEet ses présidents depuis 1944
Dès le jeudi 8 novembre
Préface de Michel Noblecourt
Le Monde vous propose 20 ouvrages thématiques à découvrir,pour mieux comprendre l’histoire contemporaine et ses répercussionssur l’actualité. S’appuyant sur une sélection d’articles d’une exceptionnellerichesse et sur l’expertise des grandes signatures du Monde, cette sériepermet de conjuguer le passé et le présent, qu’il s’agisse de mettre à jourses connaissances… ou de briller aux examens !
Plus d’informations surwww.lemonde.fr/boutique ou au 32 89 (0,34€ TTC/min).
Flashez et découvrez avec la MAIFla nouvelle collection Le Monde Histoire
EN PARTENARIAT AVEC
N° 1 11/10 Crises : du krach de 1929 aux menaces sur l’euro
N° 2 25/10 Chine : de la révolution à la naissance d’un géant
N° 3 8/11 La République et ses présidents depuis 1944
N° 4 22/11 Egypte : de Nasser au printemps arabe
N° 5 6/12 Europe : de la construction à l’enlisement
N° 6 20/12 Japon : de Hiroshima à Fukushima
N° 7 3/01 Etats-Unis : de Roosevelt à Obama
N° 8 17/01 Israël : l’Etat inachevé
N° 9 31/01 Les femmes : du droit de vote à la parité
N° 10 14/02 Brésil : l’épopée d’une puissance émergente
N° 11 28/02 France : les religions et la laïcité
N° 12 14/03 Afrique du Sud : de l’apartheid à Mandela
N° 13 28/03 Etat-providence : un modèle à réinventer
N° 14 11/04 Guerre d’Algérie : le choc des mémoires
N° 15 25/04 Climat : la catastrophe annoncée
N° 16 9/05 Monde : à la recherche d’une gouvernance
N° 1 7 23/05 Espace : de la Lune à Mars
N° 18 6/06 Sida : trente ans de lutte contre le virus
N° 19 20/06 Russie : de Staline à Poutine
N° 20 4/07 Sports : un enjeu géopolitique
f
f
f
f
f
f
f
f
f
f
f
f
f
f
f
f
f
f
f
f
En vente tous les 15 jours // le jeudiDans tous les kiosques
À paraître le volume 4ÉGYPTE
de Nasser au printemps arabePréface de Robert Solé
*Chaque volume de la collection est vendu au prix de 6,90 € en plus du Monde, sauf le n° 1, offre de lancement au prix de 3,90 € en plus du Monde. Chaque élément peut être acheté séparément à la Boutique du Monde, 80, bd Auguste-Blanqui, 75013 Paris.Offre réservée à la France métropolitaine, sans obligation d’achat du Monde et dans la limite des stocks disponibles. Visuels non contractuels. Société éditrice du Monde Monde, 433 891 850 RCS Paris.
6€*
,90
62 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
LLes yeux rivés sur son écran d’or-dinateur, Virginie, chargée declientèle dans une agence BNP-Paribas à Marseille, relit une der-nière fois sa lettre. «Monsieur,dans le cadre du droit individuel àla formation [DIF], je souhaite-rais bénéficier d’un perfectionne-ment de soixante heures en an-glais auprès de l’APFA. Cetteformation me permettra demieux répondre aux objectifsd’évolution évoqués lors de monentretien d’évaluation. Vous trou-verez ci-jointe la proposition dé-taillée de l’organisme APFA corres-pondant à ma demande…»Elle clique sur l’icône d’im-
pression, appose sa signature enbas de la page et glisse le cour-rier dans une enveloppe. La ré-ponse lui parvient une semaineplus tard par lettre recomman-dée avec accusé de réception :DIF accepté.A l’instar de Virginie, tout sala-
rié justifiant d’un an d’ancienne-té dans l’entreprise jouit, de-
Ces jeunes diplômésqui boudent le DIF
Huit ans après son lancement,le droit individuel à la formationest largement sous-utilisépar les jeunes actifs. En têtedes explications : l’autocensure.
puis 2004, d’un crédit annuel devingt heures de formation,cumulables sur six ans à hauteurde cent vingt heures. Mais de lathéorie à la pratique, il y a un pasque peu de jeunes diplômés sem-blent prêts à franchir.D’après l’édition 2011 du rap-
port sur la formation profes-sionnelle publié par l’Union descaisses nationales de sécuritésociale (UCANSS ), « le DIF estl’un des dispositifs qui favorise leplus l’accès à la formation dessalariés en seconde partie ou enfin de carrière». Ainsi, en 2010,57 % des bénéficiaires avaientplus de 44 ans.Ceci s’explique d’abord par
l’élévation du niveau d’études.«En cinquante ans, la durée de lascolarité a doublé et la part debacheliers dans une générationest passée de 4 % en 1946 à plusde 60 % aujourd’hui», rappelleAlain-Frédéric Fernandez, direc-teur du développement de Sy-darta Conseil.Plus diplômés que leurs aînés,
les jeunes actifs éprouvent d’au-tant moins le besoin d’user deleur DIF qu’ils sont lesmieux lotisen ce qui concerne les plans deformation en entreprise. En té-moigne, par exemple, le cycleCampus que la société immobi-
lière Foncière des régions amis enplace pour onze jeunes cadresnouvellement embauchés. «Nousleur permettons de s’appropriertoutes les activités internes dugroupe et d’acquérir les bases dumanagement par le biais de deuxjours de formation tous les deuxmois», explique la responsable duprojet, Elise Blaevoet.Mais pour bénéficier de tels
avantages, encore faut-il disposerd’un emploi stable. «Or, au-jourd’hui, les jeunes diplôméssont rarement bien installés dansles entreprises en début de car-rière», rappelle Didier Cozin, fon-dateur de l’Agence pour la forma-
tion tout au long de la vie.D’après une étude publiée en
octobre 2012 par l’Associationpour l’emploi des cadres (APEC),seuls 56 % des jeunes sortis del’école en 2011 auraient obtenuun contrat à durée indéterminée.Chez les diplômés universitaires,le taux tombemême à 47 %.
Pas étonnant que le DIF soit lecadet de leurs soucis. «A l’entréedans la vie active, on ne songe gé-néralement qu’à être titularisé etlégitimé à son poste», constateMarie-Françoise Leflon, prési-dente de l’APEC.Juriste dans une société de
transports, Marion, 23 ans, semoque éperdument des heuresde DIF qu’elle a thésaurisées de-puis son embauche, il y a un anet demi. «Si j’ai passé cinq ans àl’université, ce n’est pas pour re-tourner sur les bancs de l’école àpeine sortie», s’amuse la Stras-bourgeoise, révélant à demi-motsa crainte de perdre toute crédi-bilité auprès de son patron.
«Beaucoup de jeunes actifs ontle sentiment que demander unDIF est un aveu de faiblesse, unepreuve d’incompétence», constateà regret Frédéric Desandrieux,responsable formation à lachambre de commerce et d’in-dustrie du Havre. Alors ils lais-sent leur compteur DIF grossird’année en année.Une façon aussi d’éviter un
bras de fer avec leur employeur.«Contrairement à ce que laisseentendre son nom, le droit indi-viduel à la formation n’est pasacquis d’office, dénonce IsabelleDuc, qui gère le dossier au sein
«Si j’ai paSSécinq anS
à l’univerSité,ce n’eSt paS
pour retourner SurleS bancS de l’école
à peine Sortie»Marion, 23 ans, juriste
Formation
mardi 13 novembre 2012 Le Monde Campus / 63
du groupe Randstad. Il est sou-mis à l’accord de l’entreprise. Ilne s’agit donc pas d’un véritabledroit. » Une enquête réaliséed’octobre 2011 à mars 2012 parle groupe de formation Demosrévèle en effet que près d’unquart des entreprises privées etla moitié des organismes pu-blics acceptent moins de 20 %des demandes.
Frilosité des patronsJulien, consultant en informa-
tique, en a fait les frais. «Deux an-nées de suite, lors de mes entre-tiens individuels d’évaluation, j’aidemandé à bénéficier d’une for-mation sur Swift, un formatd’échanges d’informations ban-caires que je rencontre dans montravail. Et tout ce qu’on a trouvé àme proposer à chaque fois, c’estdes diaporamas Powerpoint sur lesujet. Depuis, je n’insiste plus», ra-conte le jeune homme, dépité.Pour justifier leur frilosité à
l’égard du DIF, certains patrons,comme Alec Fargier, directeur gé-néral d’Ortec, groupe spécialisédans les services à l’industrie, ar-guent de l’inadéquation du dispo-sitif aux besoins de leur entre-prise : «Non seulement le DIFouvre la voie aux demandes lesplus farfelues, mais en plus il nepermet pas, avec seulement vingtheures par an, d’acquérir des com-pétences solides.»Unpoint de vuepartagéparDa-
vid Lelong, associé gérant de lasociété Castelis. «Dans le domaineinformatique, les organismes deformation ont toujours un trainde retard par rapport à nos be-soins. Jusqu’à présent, aucun demes collaborateurs n’a donc solli-cité son DIF. Mais leur capitald’heures arrivant pour beaucoupau plafond, ils pourraient tousfaire jouer leur droit aumêmemo-ment. Et là, j’ignore comment jeferais tournerma boîte…»
ElodiE ChErmann
Duréemoyenne des formations en DIFen heures par salarié bénéficiaire
(échelle de gauche)
Taux d’accès au DIFen %
(échelle de droite)
0 0
15
10
5
2005 2006 20102007 2008 2009
30
20
10
Source : déclarations 24-83, exploitation Céreq.
Sources : déclarations 24-83, exploitation Céreq, projet de loi de finances 2012, ESF.
DIF : ÉVOLUTION DU TAUX D’ACCÈS ET DE LA DURÉE
LES DIFFÉRENTS DISPOSITIFS DE FORMATION POUR LES SALARIÉS(en 2010 en heures par salarié et par an)
Plan de formation 11,9
Congé individuelde formation - CDI
2,8
Périodes de professionnalisation 1,8
DIF 1,4
Congé individuelde formation - CDD
0,7
Qui peut en bénéficier?Les saLariés en CDijustifiant d’un an
d’ancienneté bénéficient
d’un crédit annuel de
vingt heures de formation
cumulables sur six ans,
dans la limite de cent
vingt heures. Les titulaires
d’un CDD doivent justifier
de quatre mois de
présence dans l’entreprise
(consécutifs ou non) au
cours des douze derniers
mois pour en profiter. Le
nombre d’heures est alors
calculé au prorata temporis.
Comment faire sa DemanDe
De Dif?Il suffit d’adresser un courrier
à son employeur avec le type
de formation souhaitée, le
nom de l’organisme choisi,
les dates, la durée et le coût.
Il est important d’expliquer
ses motivations, l’intérêt
de cette formation pour
son projet professionnel,
mais aussi et surtout celui
de l’entreprise à l’accepter.
L’employeur dispose d’un
mois pour transmettre sa
réponse; au-delà de ce délai,
la demande est considérée
comme acceptée.
Peut-on DemanDer n’imPorte
queLLe formation?En théorie, le salarié est
libre de demander la
formation qu’il souhaite,
sous réserve de disposer d’un
crédit d’heures suffisant.
En pratique, il a toutes les
chances d’essuyer un refus si
le stage souhaité n’est pas en
adéquation avec son projet
professionnel et les intérêts
de son entreprise.
queLs sont Les reCours
PossibLes en Cas De refus ?L’employeur a le droit de
rejeter le DIF pendant deux
années consécutives, sans
avoir à se justifier. Au bout
de deux ans, le salarié peut
formuler une nouvelle
demande auprès du
Fonds de gestion du congé
individuel de formation, le
Fongecif, qui peut lui aussi la
refuser si elle ne répond pas
aux priorités et aux critères
qu’il a fixés.
A queLLe rémunération Peut-on PrétenDre PenDant
La formation?Si le salarié suit sa formation
en dehors du temps de
travail, ce qui est en principe
la règle, il est censé percevoir
une allocation égale à 50 %
de son salaire net. Dans le
cas contraire, il perçoit sa
rémunération habituelle.
que Deviennent Les Droits au
Dif en Cas De LiCenCiement ?La loi de 2009 sur la
formation professionnelle
permet de faire valoir son
crédit d’heures de DIF après
la rupture de son contrat
de travail, qu’on soit au
chômage ou salarié dans
une nouvelle entreprise.
Seul le licenciement pour
faute lourde exclut la
portabilité du DIF.
E. C.
64 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
Carrière
LCe dernier poncif est, il faut le
reconnaître, alimenté par les tra-jectoires météoritiques de cer-tains anciens responsables étu-diants (voir encadré). Pourtant, ày regarder de plus près, si la filia-tion entre syndicats étudiants etpartis politiques ne saurait êtrecomplètement niée, elle n’estpas aussi automatique que l’onveut bien le croire.
«La perception générale estdéformée par quelques person-nalités emblématiques», pré-vient ainsi le juriste Robi Mor-der, spécialiste des organisationsétudiantes. «Il y a un mythe qui
fait des syndicats étudiants uneécole de formation politique,mais, dans les cabinets ministé-riels, le cursus scolaire est bienplus déterminant que le militan-tisme étudiant.»En analysant les bureaux na-
tionaux de l’Union nationale desétudiants de France (UNEF)d’avant-1968, il montre ainsi que,sur plus de 200personnes, seules
Le syndicalisme étudiant évoquela grogne, les amphis bloqués et lajeunesse révoltée. Le prisme mé-diatique y est sans doute pourbeaucoup, mais le fait est que lesigle «UNEF», par exemple, ré-sonne comme un écho desconflits qui ont marqué l’ensei-gnement supérieur : la loi Deva-quet pour les plus anciens (unprojet de réformes, présentéen 1986 et abandonné la mêmeannée, qui prévoyait entre autresune sélection à l’entrée des uni-versités), le contrat première em-bauche (CPE) pour une autre gé-nération, la loi relative auxlibertés et responsabilités des uni-versités (LRU)pour lesplus jeunes.En conséquence, pour le grand
public, comme pour de nom-breux étudiants qui ne les fré-quentent que de loin, les organisa-tions représentatives étudiantessont au pire des groupusculesd’indécrottables mécontents, aumieuxun tremplinpolitiquepourjeunes arrivistes hyperpolitisés.
une quinzaine sont arrivées à despostes de député ou de ministre.«Ça n’a jamais dépassé 5 % ou6 % de l’ensemble!»
Proximité avec les partisMême si, dans les faits, l’UNEF
est aussi connue pour sa proxi-mité avec le PS que le Mouve-ment des étudiants (MET) avecl’UMP, toutes ces organisations serevendiquent apolitiques et au-cune ne place systématiquementses anciensmembres dans les ap-pareils politiques, loin de là.Les organisations de jeunesse
des partis jouent de ce point devue un rôle autrement plus cen-tral, sans être incompatible.
«Benoît Hamon ou Michel Rocard,par exemple, ont bien fait partiede l’UNEF, mais ils ont avant toutété des responsables du MJS [Mou-vement des jeunes socialistes]»,poursuit Robi Morder.Un autre point à ne pas négli-
ger est la grande diversité des or-ganismes représentatifs étu-diants. Certaines structures tellesque la Fédération des associa-tions générales étudiantes (FAGE)ou Promotion et défense des étu-diants (PDE) se démarquent enne regroupant pas des militants,mais des associations membres.Les bureaux nationaux sont
alors composés d’étudiants ayantdéjà une expérience associative
L’avenir bien engagédes leaders étudiants
Diriger un syndicat étudiant supposedes compétences souvent appréciéesdes employeurs. Si ce n’était pas suffisant,les ex-militants peuvent aussi s’appuyersur un carnet d’adresses bien fourni.
«Se préSenterComme préSident
d’un bureaudeS élèveS
eSt toujourS vupoSitivement»
Steven Da Cruz, président de PDE
les principaux syndicatsMêMe si d’autres structures
existent localement sur les
campus, comme par exemple
Fac verte, une organisation
écologique créée en 2003,
la loi donne le statut
d’associations étudiantes
représentatives à celles ayant
des élus au Centre national
des œuvres universitaires
et scolaires (Cnous) ou
au Conseil national de
l’enseignement supérieur et
de la recherche (Cneser), dont
les élections ont lieu tous
les deux ans. Aujourd’hui,
elles sont au nombre de cinq :
la Confédération étudiante (CÉ),
la Fédération des associations
générales étudiantes (FAGE),
le Mouvement des
étudiants (MET), Promotion et
défense des étudiants (PDE) et
l’Union nationale des étudiants
de France (UNEF).
S. D.
mardi 13 novembre 2012 Le Monde Campus / 65
locale. «Nous pouvons toujoursnous présenter comme présidentou trésorier d’un bureau desélèves (BDE) par exemple, ce quiest toujours vu positivement»,explique Steven Da Cruz, actuelprésident de PDE. «Et puis, face àun employeur, c’est avant tout lecursus qui parle.»
Ici, comme à la FAGE, on ré-cuse d’ailleurs la terminologie«syndicat étudiant», abusivedans la mesure où ces organisa-tions représentatives sont en faitdes associations. Ce petit conflit
sur le vocabulaire en dit long surles représentations véhiculées.«Nous n’utilisons même pas le
terme “militant”. Nous sommesdes étudiants engagés dans la vieassociative», explique Jean-Syl-vain Chavanne, qui vient dequitter le bureau de la FAGE, or-ganisation représentative qui re-groupe 2 000 associations étu-diantes, dont le BDE qu’il avaitrejoint en première année de li-cence à Brest.
Pour les membres des bu-reaux nationaux, l’expérienceengrangée en quelques annéesest sans équivalent. Ils gèrent devéritables petites entreprises,avec des salariés, une trésorerie…Ils sont amenés à rencontrer lesresponsables des universités,mais aussi des journalistes etdes responsables politiques,jusqu’au ministre en personne.«Il me faudrait dix ans d’expé-
rience professionnelle pour arri-ver à ce niveau», résume StevenDa Cruz. Ses journées feraientpeur à plus d’un étudiant. Ellescommencent toutes à 8 heurespour terminer tard dans la nuit,la quantité de documents à in-
L’attrait de l’arènepolitiquePlusieurs Personnalités
dumonde politique ont
fait leurs classes dans les
bureaux nationaux des
syndicats étudiants.
Pour ne citer que quelques
exemples parmi les plus
connus, on pourra par
exemple mentionner
Bruno Julliard, qui a été
président de l’Union
nationale des étudiants
de France (UNEF) de 2005
à 2007, avant de devenir
secrétaire à l’éducation du
Parti socialiste et conseiller
auprès du ministre de
l’éducation nationale dans
le nouveau gouvernement
de Jean-Marc Ayrault.
Au même poste
(président de l’UNEF-
Unité syndicale puis de
l’UNEF-Indépendante et
démocratique) entre 1978
et 1984, on retrouve un
certain Jean-Christophe
Cambadélis, député et
candidat malheureux au
poste de premier secrétaire
du PS en 2012.
La dernière campagne
présidentielle fut une
occasion de plus de
vérifier que les anciens
responsables étudiants
tenaient quelques rôles-
clés. Au centre, le directeur
de communication du
candidat François Bayrou,
Jean-François Martins,
fut le président de la
Fédération des associations
générales étudiantes (FAGE)
de 2004 à 2006. Occupant
la même fonction auprès
de Jean-Luc Mélenchon,
Arnauld Champremier-
Trigano, un ancien vice-
président de l’UNEF.S. D.
ment pas terminé sa formationd’ingénieur à l’INSA de Lyon estloin de regretter son engage-ment. «En 2005, je suis sorti avecun “master UNEF”, plaisante-t-il.Ça a profondément changé mavie. A l’heure qu’il est, je pourraisêtre ingénieur automobile.»
Multiples propositionsYassir Fichtali est le premier à
le reconnaître, il s’est normalisé :« Je suis chef de service, je metsdes cravates…» La transition versle monde professionnel n’apourtant pas été le moins dumonde douloureuse. Après avoirenvisagé de faire partie del’équipe travaillant sur la candi-dature parisienne aux JO de2012, il a été contacté par le pa-tron du groupe coopératifChèque Déjeuner qui lui a pro-posé de rejoindre la direction.
Au cœur d’un réseau relation-nel important, il n’est pas rareque les responsables des organi-sations étudiantes reçoivent despropositions d’emploi, des syn-dicats notamment, mais aussides élus ou des responsables as-sociatifs ou chefs d’entrepriseavec qui ils ont pu travailler lors
de leurs mandats. «Mon expé-rience pouvait intéresser certainsrecruteurs comme des acteurs dulogement étudiant par exemple.Les propositions syndicales af-fluent également, même si je n’aijamais été encarté», expliqueGuillaume Joyeux.
Engagés un jour, engagés tou-jours... Il n’est pas rare que lesanciens militants se retrouventdans des structures représenta-tives professionnelles ou ausein de conseils municipaux outerritoriaux. «Nous avons en gé-néral le sens du service public,cela peut jouer sur les choix pro-fessionnels», avance Jean-Syl-vain Chavanne, qui, pour sapart, a été approché par la direc-tion de la communication de lamairie de Brest.«C’est vrai que je ne connais
pas d’anciens du bureau nationalde l’UNEF qui travaillent chezCoca. Cela ne ferait pas grandsens», ajoute Yassir Fichtali.«Une chose est sûre, la crainte dece que l’on pourra faire derrièren’existe pas. D’ailleurs, elle seraitinjustifiée, un ancien présidentde l’UNEF, ça s’achète cher !»
SébaStien Dumoulin
gurgiter rapidement est phéno-ménale et il n’a pas un week-endde libre de tout le premier tri-mestre. «Ma vraie peur pour lasuite, ce n’est pas qu’on me re-proche cet engagement, c’est plu-tôt lemanque quim’attend quandje retournerai à la vie normale.»
Pour les étudiants engagés, lescompétences engrangées sont àla hauteur des responsabilitésconfiées. SelonGuillaume Joyeux,ancien président de PDE au-jourd’hui chargé d’affaire dans laconstruction, diriger une organi-sation étudiante «est une véri-table expérience de management.Conduire une réunion, motiverdes équipes… Ce sont des savoir-être de plus en plus reconnus parle monde professionnel». Il sesouvient de sa première sortie duministère face à trente journa-listes. «C’est très impressionnant.Il n’y a pas de droit à l’erreur. Onapprend beaucoup sur soi».
Yassir Fichtali, président del’UNEF de 2001 à 2005, abonde :«C’est une vie trépidante, se sou-vient-il. A 25 ans, Il faut animerdes meetings de centaines de per-sonnes ou négocier avec des par-lementaires !» Lui qui n’a finale-
«A 25 Ans, iL fAutAnimer desmeetingsou négocier Avec
des pArLementAires»YaSSir Fichtali, président l’UNEF
de 2001 à 2005
66 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
Restaurerl’égalitédes chances
La chronique est un genreefficace pour faire toucher du
doigt les origines et la dynamiquede la discrimination à traversdes situations ordinaires, oùrien de fondamentalementgrave ne se produit, mais où,jour après jour, petites lâchetés,gestes d’exclusion, remarquesdéfavorables et pressions dediverses natures construisent desinégalités irréversibles à l’égardde l’éducation, de l’emploi oudu logement, entre hommes etfemmes, entre handicapés etvalides, entre immigrés et non-immigrés, entre les seniors et lesautres. Vincent Edin, journaliste,et Saïd Hammouche, fondateur etdirecteur général de Mozaïk RH,cabinet de recrutement spécialisédans la diversité, nous en livrentsix portraits. Pour «restaurerl’égalité des chances», commeest titrée la troisième partie del’ouvrage, les auteurs en appellentà Léon Gambetta et prônent unmodèle politique qui se préoccupede «faire des égaux plutôt quede les reconnaître» : en ouvrantunmaximum de lieux d’accueilpour les enfants en bas âge,en redonnant aux habitantsdes quartiers, où le chômageest très important, la mêmediversité d’orientation scolaire etprofessionnelle, en «changeant lagestion des âges de la vie»...Bref, toute une série de pistespratiques qui peuvent paraîtreévidentes, mais qui restent àréaliser. Elles sont adresséesaux décideurs politiqueset économiques, ainsi qu’àl’ensemble des citoyens. Le B.A.-BAde la lutte anti-discrimination està la portée de tous : l’usage desmots qui, bien choisis, peuventenrayer la construction de ladiscrimination ordinaire.
Anne RodieR
ChRonique de ladisCRimination oRdinaiRe
de Vincent Edin et SaïdHammouche, éd. Gallimard,
240 p., 3,60 €.
allez les jeunes!
Cet ouvrage bourré d’informa-tions, réalisé en partenariat avecl’Institut national de la jeunesse
et de l’éducation populaire (Injep) etl’Observatoire de la jeunesse, dresseun portrait des jeunes en Franceaujourd’hui, à l’aide d’une abondanteinfographie – cartes, tableaux, gra-phiques. «Sont-ils plus en difficultéqu’hier?», interrogent les auteurs.«Sont-ils si désintéressés des enjeuxde la société, si peu engagés quel’on voudrait bien le dire?», commel’assène une opinion répandue…La réalité montre que «la moitiéd’une génération accède aujourd’huià l’enseignement supérieur». Les740 000 personnes qui quittentles bancs de l’école aujourd’huipour entrer dans la vie active sontconfrontées à un emploi des jeunes
qui a «reculé davantage que l’emploi total entre 2007 et 2010».Si on constate, dans des enquêtes sur les valeurs, que la familleet le travail sont privilégiés toutes catégories d’âge confondues,les jeunes valorisent relations amicales et loisirs, au contraire dela religion et de la politique. L’ouvrage explique toutefois que,confrontés à des difficultés d’insertion professionnelle et sociale,ils ne sont pas tant «dépolitisés» que «politisés autrement» :s’ils se «retrouvent plus largement dans l’abstention», cela ne lesempêche pas de manifester, pétitionner, défendre des causeshumanitaires ou humanistes, «dans une temporalité différentede l’action politique classique». Le dernier chapitre fait le constatque «la mobilité est devenue une norme d’intégration sociale».En effet, «un jeune ayant changé de région entre le collège et lafin de ses études a près de deux fois plus de chance de trouver unemploi qu’un jeune qui n’a pas été mobile».
PieRRe Jullien
devenir fonctionnaire, mode d’emploi
En temps de crise, pourquoi ne pas tenter la voie de la fonction publique?Postes accessibles sans diplôme; avec le BEPC, un CAP ou un BEP; du
bac à bac+2; avec un bac+3 et plus… Ce livre liste les différents métiers oùil est possible de passer le concours pour devenir fonctionnaire, ainsi queleurs niveaux de rémunérations, et donne les moyens d’y parvenir. Chacun– «800 000 personnes s’inscrivent chaque année aux concours de la fonctionpublique» – y trouvera son bonheur : ceux qui s’intéressent aux métiers dela santé – agent des services hospitaliers (sans diplôme), orthophoniste,sage-femme, etc. –, comme ceux qui se destinent à la culture – agent dupatrimoine (sans diplôme), conservateur d’Etat de l’Ecole des chartes...Le «top»? Les écoles de fonctionnaires où les élèves sont rémunérés, tellesque l’ENA, l’Ecole nationale des impôts ou encore celle de la magistrature.Très pratique avec ses adresses utiles, conseils et fiches métiers...
P. J.
le Guide des ConCouRs 2013«Comment intégrer la fonction publique»,
sous la direction de Sylvie Grasser,Nathan, 464 p., 14,90 €.
secrètes élites
Fruit de quatre ans d’enquêtesur le terrain, ce remarquable
ouvrage est «l’histoire d’un Etatdans l’Etat, d’un monde parallèle,secret, privé, où l’élitisme joue unrôle majeur au cœur d’une universitéd’élite elle aussi», expliqueStéphanie Grousset-Charrière dansson introduction. Les «final clubs»de Harvard – «J’ai le sentimentde pénétrer le parc de Poudlard»,avoue-t-elle – sont constitués de huitclubs masculins ancestraux – quisont d’abord de riches propriétairesimmobiliers – rejoints plusrécemment par six clubs féminins.A travers ces sociétés secrètess’opère un triple apprentissage :«le maniement du secret, des jeuxde pouvoir et de la sélection desmeilleurs». Une passionnanteplongée ethnographique qui permetde comprendre qu’il subsiste unlien entre ces clubs étudiants et lepouvoir politique et économiqueaux Etats-Unis.
P. J.
la FaCe CaChée de haRvaRd«La socialisation de l’élite dansles sociétés secrètes étudiantes»,de Stéphanie Grousset-Charrière.
La Documentation française,230 p., 19 €.
a lire
atlas des jeunes en FRanCe«Les 15-30 ans, une génération
enmarche», de Yaëlle Amsellem-Mainguy et Joaquim Timoteo,
Editions Autrement,96 p., 19 €.
1 iPADPAR JOURÀ GAGNER
présentent
LE SALONFORMATIONS ARTISTIQUESARCHITECTURE – ARTS – AUDIOVISUEL – COMMUNICATION – DESIGN – ESTHÉTIQUE –GRAPHISME – JEUX VIDÉO – MODE – MULTIMÉDIA – MUSIQUE – SPECTACLES VIVANTS
SAMEDI 1 & DIMANCHE 2 DÉCEMBRE 2012CITÉ DE LA MODE ET DU DESIGNLES DOCKS 34 quai d’Austerlitz PARIS
ENTRÉEGRATUITE
INFOS & INSCRIPTION : www.le-start.comEn partenariat avec
AUDIT, CONSEIL,EXPERTISE COMPTABLE
Rendez-vous suret kpmgrecrute.fr