4
Cancer/Radiothérapie 17 (2013) 498–501 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Mise au point Cancers des voies aérodigestives supérieures : le retour de la chimiothérapie néoadjuvante ? Induction chemotherapy for locally advanced head and neck cancer G. Calais , S. Chapet , A. Ruffier-Loubière , G. Bernadou Clinique d’oncologie-radiothérapie, hôpital Bretonneau, CHRU de Tours, 2, boulevard Tonnellé, 37044 Tours cedex 9, France info article Historique de l’article : Rec ¸ u le 11 juin 2013 Accepté le 19 juin 2013 Mots clés : Carcinomes de la tête et du cou Chimiothérapie d’induction Préservation laryngée résumé La chimiothérapie fait partie intégrante de la prise en charge thérapeutique des carcinomes de la tête et du cou localement évolués. L’association concomitante avec la radiothérapie est actuellement le trai- tement de référence de ces formes. La supériorité du schéma docétaxel, cisplatine et 5-fluoro-uracile (TPF) sur le schéma classique cisplatine 5-fluoro-uracile (PF) a fait reposer la question de l’apport de la chimiothérapie d’induction au traitement des tumeurs localement évoluées. Dans une stratégie de pré- servation laryngée, la chimiothérapie par TPF suivie d’une radiothérapie en cas de bonne réponse est une option validée. Cependant, les études doivent être conduites pour comparer cette approche et une chimioradiothérapie concomitante en utilisant des critères de jugement prenant en compte les aspects fonctionnels de la préservation. En dehors d’une stratégie de préservation laryngée, malgré la supériorité du schéma TPF sur le PF, aucune étude n’a montré à ce jour le bénéfice à pratiquer un tel traitement avant la chimioradiothérapie concomitante. Deux études (DECIDE, PARADIGM) sont négatives mais ont dû être interrompues avant leur terme par manque d’inclusion ; d’autres sont en cours, ou sur le point d’achever leur phase d’inclusion et devraient nous aider à clarifier la place de ce traitement © 2013 Publi ´ e par Elsevier Masson SAS pour la Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Keywords: Head and neck cancer Induction chemotherapy Larynx preservation abstract Chemotherapy is a part of the combined multimodality treatment for locally advanced head and neck can- cers. Concomitant administration with radiation therapy is the standard treatment for these patients. The efficacy of the docetaxel–cisplatinum–5-fluoro-uracil (TPF) regimen compared to the platinum–5-fluoro- uracil (PF) regimen raised the question of whether this treatment could improve the therapeutic results for locally advanced tumours. For larynx preservation, induction chemotherapy using TPF, followed by radiation therapy for good responders is a valid option. However, clinical studies have to be performed to compare this approach to the concomitant radiation therapy–chemotherapy approach using functional endpoints. For locally advanced tumors, despite the superiority of the TPF regimen over the PF, there is no evidence in the literature to support the use of induction chemotherapy prior to concomitant radiation therapy–chemotherapy. Two recent studies (DECIDE, PARADIGM) failed to demonstrate any benefit, but both trials were stopped early because of slow enrollment. Other studies are on going, or with recently finished accrual, will help to shed light on the role of this treatment © 2013 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). 1. Introduction La prise en charge des cancers localement avancés des voies aérodigestives supérieures fait appel le plus souvent à des Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (G. Calais). traitements conjugués, incluant chirurgie, radiothérapie, chimio- thérapie et thérapie ciblées. Le concept de chimiothérapie d’induction a des avantages théoriques : réduction du volume tumoral, réduction du risque métastatique, évaluation de la réponse au traitement et possibilités de préservation d’organe [1]. Par ailleurs, les carcinomes épider- moïdes des voies aérodigestives supérieures sont chimio-sensibles et les taux de réponse avec un traitement d’induction utilisant un sel de platine varient entre 60 et 80 % [2]. 1278-3218/$ – see front matter © 2013 Publi ´ e par Elsevier Masson SAS pour la Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). http://dx.doi.org/10.1016/j.canrad.2013.06.038

Cancers des voies aérodigestives supérieures : le retour de la chimiothérapie néoadjuvante ?

  • Upload
    g

  • View
    216

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Cancers des voies aérodigestives supérieures : le retour de la chimiothérapie néoadjuvante ?

Cancer/Radiothérapie 17 (2013) 498–501

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Mise au point

Cancers des voies aérodigestives supérieures : le retour de lachimiothérapie néoadjuvante ?

Induction chemotherapy for locally advanced head and neck cancer

G. Calais ∗, S. Chapet , A. Ruffier-Loubière , G. BernadouClinique d’oncologie-radiothérapie, hôpital Bretonneau, CHRU de Tours, 2, boulevard Tonnellé, 37044 Tours cedex 9, France

i n f o a r t i c l e

Historique de l’article :Recu le 11 juin 2013Accepté le 19 juin 2013

Mots clés :Carcinomes de la tête et du couChimiothérapie d’inductionPréservation laryngée

r é s u m é

La chimiothérapie fait partie intégrante de la prise en charge thérapeutique des carcinomes de la têteet du cou localement évolués. L’association concomitante avec la radiothérapie est actuellement le trai-tement de référence de ces formes. La supériorité du schéma docétaxel, cisplatine et 5-fluoro-uracile(TPF) sur le schéma classique cisplatine 5-fluoro-uracile (PF) a fait reposer la question de l’apport de lachimiothérapie d’induction au traitement des tumeurs localement évoluées. Dans une stratégie de pré-servation laryngée, la chimiothérapie par TPF suivie d’une radiothérapie en cas de bonne réponse estune option validée. Cependant, les études doivent être conduites pour comparer cette approche et unechimioradiothérapie concomitante en utilisant des critères de jugement prenant en compte les aspectsfonctionnels de la préservation. En dehors d’une stratégie de préservation laryngée, malgré la supérioritédu schéma TPF sur le PF, aucune étude n’a montré à ce jour le bénéfice à pratiquer un tel traitement avantla chimioradiothérapie concomitante. Deux études (DECIDE, PARADIGM) sont négatives mais ont dû êtreinterrompues avant leur terme par manque d’inclusion ; d’autres sont en cours, ou sur le point d’acheverleur phase d’inclusion et devraient nous aider à clarifier la place de ce traitement

© 2013 Publie par Elsevier Masson SAS pour la Société française de radiothérapie oncologique (SFRO).

Keywords:Head and neck cancerInduction chemotherapyLarynx preservation

a b s t r a c t

Chemotherapy is a part of the combined multimodality treatment for locally advanced head and neck can-cers. Concomitant administration with radiation therapy is the standard treatment for these patients. Theefficacy of the docetaxel–cisplatinum–5-fluoro-uracil (TPF) regimen compared to the platinum–5-fluoro-uracil (PF) regimen raised the question of whether this treatment could improve the therapeutic resultsfor locally advanced tumours. For larynx preservation, induction chemotherapy using TPF, followed byradiation therapy for good responders is a valid option. However, clinical studies have to be performed tocompare this approach to the concomitant radiation therapy–chemotherapy approach using functionalendpoints. For locally advanced tumors, despite the superiority of the TPF regimen over the PF, there is noevidence in the literature to support the use of induction chemotherapy prior to concomitant radiationtherapy–chemotherapy. Two recent studies (DECIDE, PARADIGM) failed to demonstrate any benefit, butboth trials were stopped early because of slow enrollment. Other studies are on going, or with recentlyfinished accrual, will help to shed light on the role of this treatment

© 2013 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Société française de radiothérapieoncologique (SFRO).

1. Introduction

La prise en charge des cancers localement avancés des voiesaérodigestives supérieures fait appel le plus souvent à des

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (G. Calais).

traitements conjugués, incluant chirurgie, radiothérapie, chimio-thérapie et thérapie ciblées.

Le concept de chimiothérapie d’induction a des avantagesthéoriques : réduction du volume tumoral, réduction du risquemétastatique, évaluation de la réponse au traitement et possibilitésde préservation d’organe [1]. Par ailleurs, les carcinomes épider-moïdes des voies aérodigestives supérieures sont chimio-sensibleset les taux de réponse avec un traitement d’induction utilisant unsel de platine varient entre 60 et 80 % [2].

1278-3218/$ – see front matter © 2013 Publie par Elsevier Masson SAS pour la Société française de radiothérapie oncologique (SFRO).http://dx.doi.org/10.1016/j.canrad.2013.06.038

Page 2: Cancers des voies aérodigestives supérieures : le retour de la chimiothérapie néoadjuvante ?

G. Calais et al. / Cancer/Radiothérapie 17 (2013) 498–501 499

Dans les années 1980, l’association du cisplatine et du 5-fluoro-uracile (PF) est devenue le standard de traitement dans cettesituation [3]. De nombreux essais randomisés comparant un trai-tement locorégional seul (chirurgie et/ou radiothérapie) au mêmetraitement précédé d’une chimiothérapie d’induction ont été réali-sés dans les années 1980–1990. Malgré des taux de réponses élevés,aucun de ces essais n’a permis de mettre en évidence de bénéficesignificatif en termes de survie permettant de valider scientifique-ment le concept [4].

Par ailleurs, dans les années 1990, plusieurs essais randomiséscomparant un traitement locorégional seul (radiothérapie ou chi-rurgie et radiothérapie postopératoire) au même traitement associéà une chimiothérapie concomitante ont eux fait la preuve du béné-fice apporté par l’adjonction du traitement concomitant [5].

Ces données ont fait qu’à la fin des années 1990 et au débutdes années 2000, la pratique de la chimiothérapie d’induction a étélargement abandonnée au profit des traitements concomitants, endehors des stratégies de préservation laryngée.

Cette évolution des pratiques a été renforcée par la publicationd’une méta-analyse en 2000, actualisée en 2009 et portant sur plusde 17 000 patients. Le bénéfice absolu apporté par la pratique de lachimiothérapie a été de 4,5 % sur le taux de survie à cinq ans, maisil n’a été que de 2,4 % lorsque la chimiothérapie a été pratiquée eninduction et de 6,5 % en cas de traitement concomitant [6,7].

Le concept de chimiothérapie d’induction a fait l’objet d’unregain d’intérêt dans les dix dernières années du fait de la mise enévidence de l’efficacité des taxanes (paclitaxel et docétaxel) dansce type de tumeurs, notamment en association avec des schémasincluant un sel de platine [8,9].

Cependant, un état des lieux des données scientifiques dispo-nibles à ce jour s’impose. Deux situations cliniques doivent être dis-tinguées. La stratégie de préservation laryngée et la chimiothérapied’induction pour les formes localement évoluées non résécables.

2. Stratégie de préservation laryngée

Les essais des Vétérans, de l’European Organisation for Researchand Treatment of Cancer (EORTC) et du groupe d’étude des tumeursde la tête et du cou (Géttec) ont permis de valider la stratégie depréservation laryngée par radiothérapie en cas de bonne réponseà une chimiothérapie d’induction par PF comparativement à unechirurgie de type laryngectomie totale [10–12].

Cependant, dans cette stratégie de préservation laryngée, lesdonnées de l’étude du RTOG 91-11 ont mis en évidence qu’untraitement concomitant par irradiation et cisplatine permettaitd’obtenir un taux de contrôle locorégional et de préservationlaryngée supérieur à celui obtenu par chimiothérapie d’inductionsuivie de radiothérapie ou de radiothérapie exclusive [13]. Toute-fois, à dix ans, les deux approches étaient identiques en termesd’efficacité sur le critère « survie sans laryngectomie » [14]. Danscette étude, le schéma PF était utilisé en induction et le cisplatineseul (100 mg/m2 × 3) en concomitance.

L’étude du Gortec 2000-01 a cherché à démontrer si l’adjonctiondu docétaxel au PF permettait d’augmenter le taux de préserva-tion laryngée [15]. Deux cent treize patients atteints de tumeursdu larynx et/ou de l’hypopharynx ont été randomisés entre troiscycles de TPF ou de PF. Les patients ont été irradiés en cas de réponseau traitement, opérés par laryngectomie totale puis irradiés en casde non-réponse. Le taux de réponse au traitement d’induction a étésignificativement supérieur avec le schéma TPF (80 % contre 59,2 %)et le taux de préservation laryngée aussi (70,3 % contre 57,5 %). Lesrésultats de cette étude suggèrent la proposition d’une chimiothé-rapie d’induction, le schéma TPF étant plus actif que le PF.

Ces données suggérant la supériorité du schéma TPF sur leschéma PF ont été retrouvées dans deux autres essais évaluant

l’addition du docétaxel au cisplatine et au 5-fluoro-uracile. Dansl’étude européenne TAX-323, 358 patients atteints d’un carcinomede la tête et du cou de stade III ou IV, non résécable et nonmétastatique, ont été randomisés entre le schéma TPF (docé-taxel, 75 mg/m2 à j1, cisplatine, 75 mg/m2 à j1, et 5-fluoro-uracile,750 mg/m2 en perfusion continue de j1 à j5) ou le schéma PF (cis-platine, 100 mg/m2, et 5-fluoro-uracile, 1000 mg/m2 par jour enperfusion continue de j1 à j5) [9]. Les patients ont recu quatre cyclesde ce traitement puis une radiothérapie. Avec un suivi médiande 32 mois, la durée médiane de survie a été de 18,8 mois contre14,5 mois en faveur du schéma TPF (p = 0,02). Le schéma TPF a parailleurs été mieux toléré avec une moindre toxicité sévère maisnéanmoins une incidence plus élevée de neutropénie (76,9 % contre52,5 %) et de neutropénie fébrile (5,2 %contre 2,8 %). Les probabili-tés de survie globale à cinq ans étaient respectivement de 27,5 % de18,5 %.

Un deuxième essai, TAX-324 [8], mené aux États-Unis, a rando-misé 501 patients atteints de tumeurs de stade III ou IV, à la foisrésécables et non résécables. Les patients ont été randomisés làaussi entre le schéma TPF et le schéma PF selon les mêmes moda-lités que dans l’étude TAX-323. Trois cycles ont été administréspuis une chimioradiothérapie concomitante incluant du carbopla-tine délivrée chaque semaine. À cinq ans, 52 % des patients traitésavec le schéma TPF étaient en vie contre 42 % de ceux traités avec leschéma PF. Comme cela a été retrouvé dans l’étude TAX-323, le TPFa généré un taux plus élevé de neutropénie fébrile et l’utilisationprophylactique de facteurs de croissance est recommandée.

Les résultats de ces études sont confirmés par la pratique d’uneméta-analyse des cinq études (1772 patients) randomisées ayantcomparé le schéma PF et schéma TPF (avec docétaxel ou paclitaxel)[16]. Avec un suivi médian de 4,9 ans, le bénéfice absolu en termesde probabilité de survie globale à cinq ans en faveur du TPF parrapport au PF était de 7,4 % (35 % contre 42,4 %), la pratique du TPFpar rapport au PF a permis de réduire le taux d’échec locorégio-nal (7,4 %) ainsi que celui de dissémination métastatique à distance(6,4 %).

Au total, l’ensemble de ces trois études apporte des donnéesconvergentes sur une efficacité plus grande en situation d’inductiondu schéma TPF sur le schéma PF et permettent actuellement deconclure que l’association docétaxel–cisplatine–5-fluoro-uraciledoit être considérée comme le schéma de référence pour la pratiquede la chimiothérapie d’induction.

Cependant, dans la situation de la préservation laryngée, aucunecomparaison directe randomisée n’a été faite entre une chimiora-diothérapie concomitante selon les modalités de l’essai du RTOG91-11 et un traitement d’induction avec du TPF.

La pratique de la chimioradiothérapie d’emblée en situation depréservation laryngée a comme conséquence que le traitementchirurgical n’a plus sa place qu’en situation de rattrapage aprèschimioradiothérapie, ce qui peut poser des difficultés sur le plande la technique chirurgicale si les équipes ne sont pas entraînées àla pratique de ce type de chirurgie après chimioradiothérapie. Parailleurs, la chimioradiothérapie concomitante génère une toxicitétardive qui peut altérer le résultat fonctionnel dans une politique depréservation laryngée. Il est bien maintenant admis que les futursessais de préservation laryngée devront avoir comme critère dejugement principal, la possibilité de préserver un larynx fonction-nel, c’est-à-dire sans trachéotomie, sans nécessité d’une nutritionentérale et sans épisode de pneumopathie induit par des troublesde déglutition à répétition [17].

La question d’un traitement concomitant à la radiothérapieaprès la pratique de la chimiothérapie d’induction dans unestratégie de préservation laryngée chez les patients en situationde réponse reste entière. Trois options sont envisageables : laradiothérapie exclusive, la radiothérapie associée à de l’Erbitux®

et l’irradiation associée à un sel de platine. L’étude de phase II

Page 3: Cancers des voies aérodigestives supérieures : le retour de la chimiothérapie néoadjuvante ?

500 G. Calais et al. / Cancer/Radiothérapie 17 (2013) 498–501

randomisée Tremplin, ayant inclus 153 patients après une chimio-thérapie d’induction chez des patients, en situation de réponse, acomparé l’association radiothérapie et Erbitux® et celle radiothé-rapie et cisplatine à la dose de 100 mg/m2 toutes les trois semaines.Aucune différence significative n’a été retrouvée entre les deuxbras. L’observance du traitement avec l’Erbitux® a été meilleure.Aucune différence n’a été observée entre les deux groupes pourle taux de préservation laryngée à trois mois (95 % contre 93 %),le taux de préservation de la fonction laryngée (87 contre 82 %)ou celui de survie globale à 18 mois (92 % contre 89 %) [18]. À cejour, le traitement de référence dans cette situation peut rester lapratique de la radiothérapie exclusive.

Le traitement optimal à associer à la radiothérapie après unechimiothérapie d’induction reste à déterminer.

3. Chimiothérapie d’induction dans les formes localementévoluées

La supériorité du schéma TPF sur le schéma PF rapportée dans lestrois essais randomisés précités a conduit plusieurs équipes à repo-ser la question de l’intérêt de la chimiothérapie d’induction avant lachimioradiothérapie concomitante classique par comparaison avecla chimioradiothérapie seule [8,9,15].

Dans une étude de phase II, Paccagnella et al. ont rando-misé 101 patients entre une chimioradiothérapie exclusive (avecdeux cycles de 20 mg/m2 de cisplatine de j1 à j4 et 800 mg/m2 de5-fluoro-uracile en perfusion continue de j1 à j4) et le même trai-tement précédé de trois cycles de TPF (75 mg/m2 de docétaxel à j1,80 mg/m2 de cisplatine à j1, 800 mg/m2 par jour de 5-fluoro-uracileen perfusion continue 96 heures) [19]. Le critère de jugement prin-cipal était le taux de réponse radiologique complète à six semaines.Ce taux a été significativement supérieur dans le bras avec la chi-miothérapie d’induction (50 % conter 21,2 %). Les durées médianesde survie globale et de survie sans progression étaient plus longuesdans le bras TPF (33,3 contre 19,7 mois et 39,6 contre 30,4 mois). Latoxicité n’était pas été différente entre les deux bras. Les résultatsde cette étude sont à l’origine de la mise en place d’une étude dephase III selon les mêmes modalités.

Le concept a été aussi testé avant une prise en charge chirur-gicale dans des carcinomes de la cavité buccale [20]. Deux centcinquante-six patients ont été randomisés dans le cadre d’uneétude de phase III entre la chirurgie suivie d’une radiothérapie post-opératoire de 54 à 66 Gy et la même prise en charge précédée dedeux cycles de TPF (75 mg/m2 de docétaxel à j1, 75 mg/m2 de cis-platine à j1, 750 mg/m2 par jour de 5-fluoro-uracile de j1 à j5). Lecritère de jugement principal était la survie globale. Avec un reculmédian de 30 mois, les taux de survie globale à deux ans étaientrespectivement de 68,2 % et de 68,8 % dans les bras chirurgie seuleet dans celui avec la chimiothérapie. Le taux de réponse complètehistologique a été de 13,4 % lorsque la chimiothérapie d’inductiona été faite. La pratique de la chimiothérapie n’a pas augmenté lamorbidité de la chirurgie ni celle de la radiothérapie postopératoiremais aucune modification de la survie n’a été observée.

L’étude PARADIGM, étude de phase III, concue pour inclure300 patients, a dû être interrompue après 145 inclusions du faitd’un faible recrutement [21]. Les patients ont été randomisés entreune chimiothérapie d’induction de trois cycles de TPF suivie d’unechimioradiothérapie concomitante avec du docétaxel ou du car-boplatine et une chimioradiothérapie concomitante exclusive avecdu cisplatine. Dans cet effectif réduit, avec un recul de 49 mois, lestaux de survie globale à trois ans ont été de 73 % dans le groupe avecchimiothérapie d’induction et 78 % dans le groupe chimioradiothé-rapie seule. Le taux de neutropénie fébrile a été plus élevé dansle bras avec chimiothérapie d’induction. Aucune différence n’a étéobservée selon la localisation de la tumeur primitive (oropharynx

contre autre). Les résultats de l’analyse des causes d’échec étaientcomparables entre les deux groupes.

Les résultats de l’étude DECIDE ont aussi été rapportés en 2012[22]. Deux cent quatre-vingt patients ont été inclus dans le cadred’une étude de phase III. Il s’agissait de patients atteints de tumeurlocalement évoluée de la tête et du cou classée N2 ou N3. Ils ont étérandomisés entre une chimioradiothérapie concomitante exclusive(cinq jours de 25 mg/m2 par jour de docétaxel, 600 mg/m2 par jourde 5-fluoro-uracile, 500 mg d’hydroxyurée deux fois par jour etradiothérapie, à raison de deux séances de 1,5 Gy par jour) contrele même traitement précédé de deux cycles de chimiothérapied’induction par TPF (75 mg/m2 de docétaxel à j1, 75 mg/m2 de cis-platine à j1, 750 mg/m2 par jour de 5-fluoro-uracile de j1 à j5).L’étude prévoyait un recrutement de 400 patients. Cet objectif n’apas été atteint et 280 patients ont pu être inclus. Aucune différencen’a été observée entre les deux bras au regard du critère de juge-ment principal qui était la survie globale. Les taux de survie étaientélevés dans les deux bras. Un élément intéressant est le taux plusfaible de métastases dans le groupe ayant recu la chimiothérapied’induction, suggérant que ce traitement était capable d’éradiquerla maladie micro-métastatique.

Seule une étude espagnole dont les résultats ont été rapportésau congrès de l’American Society of Clinical Oncology de 2009 arapporté un bénéfice en faveur de la pratique de la chimiothé-rapie d’induction [23]. Il s’agissait d’une étude de phase III ayantinclus 439 patients atteints de tumeur de stades III ou IV localementévoluée, qui ont été randomisés entre trois bras : une chimioradio-thérapie concomitante avec du cisplatine et le même traitementprécédé d’une chimiothérapie d’induction par PF ou TPF. Le tempsmoyen avant progression a été de 12,5 mois en cas de traite-ment séquentiel, contre 4,9 mois avec la chimioradiothérapie seule(p < 0,001). Le taux de contrôle locorégional a été de 60,9 % en cas dechimiothérapie d’induction contre 44,5 % en cas de chimioradiothé-rapie seule (p = 0,003). Le taux de toxicité aiguë de grades 3 et 4 a étésignificativement plus élevé dans le groupe avec la chimiothérapied’induction. Cependant, aucune conclusion formelle ne peut êtretirée des résultats de cette étude du fait de l’absence de données desurvie, et des causes précises des échecs. L’analyse en intention detraiter n’a pas été présentée. Aucune mise à jour ni publication n’aété faite depuis 2009.

4. Conclusion

Au total, dans l’état actuel des données disponibles, aucun argu-ment ne permet de recommander, hors stratégie de préservationlaryngée, la pratique d’une chimiothérapie d’induction avant demettre en route le traitement de référence qui est la chimiora-diothérapie concomitante selon les modalités validées [24]. Lasupériorité du schéma TPF sur le schéma PF n’est pas un élémentsuffisant pour penser que cela se traduira par une améliorationdes résultats par rapport à la radio-chimiothérapie seule. Les essaisDECIDE et PARADIGM qui avaient été concus pour répondre à cettequestion sont négatifs mais tous deux n’ont pas inclus le nombrede patients prévu. Cependant, d’autres études en cours devraientnous apporter des éléments de réponse. Une étude italienne dephase III randomisée, comparant la chimioradiothérapie concomi-tante avec ou sans chimiothérapie d’induction vient de terminerla phase d’inclusion. L’étude du Gortec 2007-02 comparant unechimioradiothérapie et trois cures de TPF suivis de radiothérapieet d’Erbitux® est presque à son terme au regard des inclusions(360 patients).

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-tion avec cet article.

Page 4: Cancers des voies aérodigestives supérieures : le retour de la chimiothérapie néoadjuvante ?

G. Calais et al. / Cancer/Radiothérapie 17 (2013) 498–501 501

Références

[1] Pointreau Y, Atean I, Fayette J, Calais G, Lefebvre JL. Induction chemotherapy inhead and neck cancer: a new paradigm. Anticancer Drugs 2011;22:613–20.

[2] Posner M. Evolving strategies for combined-modality therapy for locally advan-ced head and neck cancer. Oncologist 2007;12:967–74.

[3] Rooney M, Kish J, Jacobs J, Kinzie J, Weaver A, Crissman J, et al. Improvedcomplete response rate and survival in advanced head and neck cancer afterthree-course induction therapy with 120-hour 5-FU infusion and cisplatin.Cancer 1985;55:1123–8.

[4] Morrison AB, Clarck JR. Induction chemotherapy. In: Snow GB, Clarck JR, editors.Multimodality therapy and head and neck cancer. New York: Thieme; 1992. p.95–112.

[5] Nwizu T, Ghi MG, Cohen EE, Paccagnella A. The role of chemotherapy inlocally advanced head and neck squamous cell carcinoma. Semin Radiat Oncol2012;22:198–206.

[6] Pignon JP, Bourhis J, Domenge C, Designe L, on behalf of the MACH-NC Colla-borative Group. Chemotherapy added to locoregional treatment for head andneck squamous cell carcinoma: three meta-analyses of updated individual data.Lancet 2000;355:949–55.

[7] Pignon JP, le Maitre A, Maillard E, Bourhis J. Meta-analysis of chemotherapyin head and neck cancer (MACH-NC): an update on 93 randomised trials and17,346 patients Radiother. Oncol 2009;92:4–14.

[8] Posner MR, Hershock DM, Blajman CR, Mickiewicz E, Winquist E, GorbounovaV, et al. Cisplatin and fluorouracil alone or with docetaxel in head and neckcancer. N Engl J Med 2007;357:1705–15.

[9] Vermorken JB, Remenar E, van Herpen C, Gorlia T, Mesia R, Degardin M, et al.Cisplatin, fluorouracil, and docetaxel in unresectable head and neck cancer. NEngl J Med 2007;357:1695–704.

[10] The department of veterans affairs laryngeal cancer study group. Inductionchemotherapy plus radiation compared with surgery plus radiation in patientswith advanced laryngeal cancer. N Engl J Med 1991;324:1685–90.

[11] Lefebvre JL, Chevalier D, Luboinski B, Kirkpatrick A, Collette L, Sahmoud T.Larynx preservation in pyriform sinus cancer: preliminary results of a Euro-pean organization for research and treatment of cancer phase III trial. EORTChead and neck cancer cooperative group. J Natl Cancer Inst 1996;88:890–9.

[12] Domenge C, Hill C, Lefebvre JL, De Raucourt D, Rhein B, Wibault P, et al.Randomized trial of neoadjuvant chemotherapy in oropharyngeal carcinoma.French groupe d’étude des tumeurs de la tête et du cou (GETTEC). Br J Cancer2000;83:1594–8.

[13] Forastiere AA, Goepfert H, Maor M, Pajak TF, Weber R, Morrison W, et al.Concurrent chemotherapy and radiotherapy for organ preservation in advan-ced laryngeal cancer. N Engl J Med 2003;349:2091–8.

[14] Forastiere AA, Zhang Q, Weber RS, Maor MH, Goepfert H, Pajak TF, et al. Long-term results of RTOG 91-11: a comparison of three nonsurgical treatment

strategies to preserve the larynx in patients with locally advanced larynx can-cer. J Clin Oncol 2013;31:845–52.

[15] Pointreau Y, Garaud P, Chapet S, Sire C, Tuchais C, Tortochaux J, et al. Ran-domized trial of induction chemotherapy with cisplatin and 5-fluorouracilwith or without docetaxel for larynx preservation. J Natl Cancer Inst2009;101:498–506.

[16] Blanchard P, Bourredjem A, Bourhis J. Taxane-cisplatin 5FU as induction che-motherapy in locally advanced head and neck squamous cell carcinoma: anindividual patient data meta-analysis of the MACH-NC group. Radiother Oncol2011;98:114.

[17] Lefebvre JL, Ang KK. Larynx preservation consensus panel. Larynx preserva-tion clinical trial design: key issues and recommendations-a consensus panelsummary. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2009;73:1293–303.

[18] Lefebvre JL, Pointreau Y, Rolland F, Alfonsi M, Baudoux A, Sire C, et al. Inductionchemotherapy followed by either chemoradiotherapy or bioradiotherapy forlarynx preservation: the TREMPLIN randomized phase II study. J Clin Oncol2013;31:853–9.

[19] Paccagnella A, Ghi MG, Loreggian L, Buffoli A, Koussis H, Mione CA, et al.Concomitant chemoradiotherapy versus induction docetaxel, cisplatin and5-fluorouracil (TPF) followed by concomitant chemoradiotherapy in locallyadvanced head and neck cancer: a phase II randomized study. Ann Oncol2010;21:1515–22.

[20] Zhong LP, Zhang CP, Ren GX, Guo W, William Jr WN, Sun J, et al. Randomizedphase III trial of induction chemotherapy with docetaxel, cisplatin, and fluorou-racil followed by surgery versus up-front surgery in locally advanced resectableoral squamous cell carcinoma. J Clin Oncol 2013;31:744–51.

[21] Haddad R, O’Neill A, Rabinowits G, Tishler R, Khuri F, Adkins D, et al. Inductionchemotherapy followed by concurrent chemoradiotherapy (sequential chemo-radiotherapy) versus concurrent chemoradiotherapy alone in locally advancedhead and neck cancer (PARADIGM): a randomised phase 3 trial. Lancet Oncol2013;14:257–64.

[22] Cohen E, Karrison T, Kocherginsky M, Huang CH, Agulnik M, Mittal BB,et al. DeCIDE: a phase III randomized trial of docetaxel (D), cisplatin(P), 5-fluorouracil (F) (TPF) induction chemotherapy (IC) in patients withN2/N3 locally advanced squamous cell carcinoma of the head and neck(SCCHN). Proc Am Soc Clin Oncol 2012;30 [abstr 5500].

[23] Hitt R, Grau J, Lopez-Pousa A, Berrocal A, Garcia-Giron C, Irigoyen A, et al.Final results of a randomized phase III trial comparing induction chemotherapywith cisplatin/5-FU or docetaxel/cisplatin/5-FU follow by chemoradiothe-rapy (CRT) versus CRT alone as first-line treatment of unresectable locallyadvanced head and neck cancer (LAHNC). Proc Am Soc Clin Oncol 2009;27[abstr 15s].

[24] Peyrade F, Saâda E, Benezery K, Hebert C, Dassonville O. Chimiothérapied’induction des carcinomes épidermoïdes de la tête et du cou. Cancer Radiother2011;15:460–5.