2
21 formation dossier Actualités pharmaceutiques n° 483 Mars 2009 Le cannabis Les effets psychopharmacologiques du cannabis sont dus au delta-9-tetrahydrocannabinol (THC) dont les concen- trations sont variables pour l’herbe et les résines. Il existe différentes formes de cannabis (herbe, shit, huile...) dont la consommation se fait par joint, bang (décoction), gâteau... Quels sont les effets aigus du cannabis ? À doses ordinaires, le cannabis est un révélateur de l’hu- meur. Pour certains, il est pourvoyeur d’euphorie, de bien- être et d’exaltation thymique. Pour d’autres, il engendre malaise anxieux, idées dépressives, attaque de panique, idées paranoïaques et symptomatologie délirante. Il inten- sifie les perceptions visuelles, tactiles et auditives. Survenant à fortes doses, l’ivresse cannabique a été décrite par Paul Moreau de Tours en 1845. Elle associe sentiment de bonheur, de bien-être, de joie, excitation et dissociation d’idées, erreurs d’appréciation du temps et de l’espace et perceptions sensorielles accrues en particulier auditives. Quels sont les effets chroniques du cannabis? Les effets chroniques du cannabis sont : une dépendance psychique et physique (avec un syndrome de sevrage apparaissant 10 heures à 5 jours après l’arrêt brutal des consommations et pouvant durer jusqu’à 28 jours chez les plus gros consommateurs), une psychose canna- bique aiguë (état délirant aigu avec plus d’hallucina- tions visuelles), décompensation d’une schizophrénie, dépression, boulimie, syndrome de dépersonnalisation, flashback cannabique pouvant survenir jusqu’à 3 mois après la dernière prise de cannabis, troubles cogni- tifs (altérations mnésiques et des capacités attention- nelles), syndrome amotivationnel (déficit de l’activité professionnelle ou scolaire, favorisant ou amplifiant la désinsertion ; indifférence affective avec retentissement sur la vie relationnelle). Il est parfois possible de recourir, pour motiver le patient, à des antipsychotiques de type désinhibiteurs comme la rispéridone (Risperdal ® ). Quelles sont les complications somatiques de l’usage du cannabis ? Les complications somatiques de l’usage du cannabis sont d’ordre : – bronchopulmonaire : bronchodilatation immédiate (recherchée en cas de dopage), bronchite chronique, bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) ; – cardiovasculaire : hypotension artérielle, bradycardie, artériopathie de Buerger ; – visuel : photosensibilité, hyperhémie importante, sou- vent mydriase ; – endocrinien : diminution de la prolactine, de la LH (Luteinizing Hormone ou hormone lutéinisante) et de la testostérone (baisse de la réversibilité, réversible) ; – carcinologique : voies aérodigestives supérieures, pou- mon en association ou non avec le tabac ; – autre : sécheresse buccale, augmentation de l’appétit. Psychostimulants, psychodysleptiques Ces drogues sont consommées notamment en milieu festif, rave parties, discothèques ou soirées privées. Les speed correspondent aux psychostimulants, de type amphétamines, cocaïne ou crack. Les trips sont les psychodysleptiques de type LSD (Lysergic Saüre Diethylamid ou acide lysergique diéthyl- amide) et champignons hallucinogènes. Les taz correspondant aux drogues entactogènes ou empathogènes, de type ecstasy. Cannabis, psychostimulants et psychodysleptiques Le cannabis est de la substance illicite la plus consommée, un Français sur cinq en ayant déjà fait usage, pour un sex-ratio de 2 en faveur des hommes. Ses effets psycho-actifs varient d’un sujet à l’autre et d’une expérience à l’autre. Le bilan des intoxications associées est toujours nécessaire. Par ailleurs, depuis quelques années, l’utilisation de psychostimulants et psychodysleptiques a fortement augmenté, devenant plus fréquente que celle des opiacés. Cette tendance est surtout marquée dans la population des moins de 25 ans. © Fotolia.com/Terre de Sienne © DR

Cannabis, psychostimulants et psychodysleptiques

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Cannabis, psychostimulants et psychodysleptiques

21 formation

dossier

Actualités pharmaceutiques n° 483 Mars 2009

Le cannabisLes effets psychopharmacologiques du cannabis sont dus au delta-9-tetrahydrocannabinol (THC) dont les concen-trations sont variables pour l’herbe et les résines. Il existe différentes formes de cannabis (herbe, shit, huile...) dont la consommation se fait par joint, bang (décoction), gâteau...

Quels sont les effets aigus du cannabis ?À doses ordinaires, le cannabis est un révélateur de l’hu-meur. Pour certains, il est pourvoyeur d’euphorie, de bien-être et d’exaltation thymique. Pour d’autres, il engendre malaise anxieux, idées dépressives, attaque de panique, idées paranoïaques et symptomatologie délirante. Il inten-sifie les perceptions visuelles, tactiles et auditives.Survenant à fortes doses, l’ivresse cannabique a été décrite par Paul Moreau de Tours en 1845. Elle associe sentiment de bonheur, de bien-être, de joie, excitation et dissociation d’idées, erreurs d’appréciation du temps et de l’espace et perceptions sensorielles accrues en particulier auditives.

Quels sont les effets chroniques du cannabis?Les effets chroniques du cannabis sont : une dépendance psychique et physique (avec un syndrome de sevrage apparaissant 10 heures à 5 jours après l’arrêt brutal des consommations et pouvant durer jusqu’à 28 jours chez les plus gros consommateurs), une psychose canna-bique aiguë (état délirant aigu avec plus d’hallucina-tions visuelles), décompensation d’une schizophrénie, dépression, boulimie, syndrome de dépersonnalisation,

flashback cannabique pouvant survenir jusqu’à 3 mois après la dernière prise de cannabis, troubles cogni-tifs (altérations mnésiques et des capacités attention-nelles), syndrome amotivationnel (déficit de l’activité professionnelle ou scolaire, favorisant ou amplifiant la désinsertion ; indifférence affective avec retentissement sur la vie relationnelle). Il est parfois possible de recourir, pour motiver le patient, à des antipsychotiques de type désinhibiteurs comme la rispéridone (Risperdal®).

Quelles sont les complications somatiques de l’usage du cannabis ?Les complications somatiques de l’usage du cannabis sont d’ordre :– bronchopulmonaire : bronchodilatation immédiate (recherchée en cas de dopage), bronchite chronique, bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) ;– cardiovasculaire : hypotension artérielle, bradycardie, artériopathie de Buerger ;– visuel : photosensibilité, hyperhémie importante, sou-vent mydriase ;– endocrinien : diminution de la prolactine, de la LH (Luteinizing Hormone ou hormone lutéinisante) et de la testostérone (baisse de la réversibilité, réversible) ;– carcinologique : voies aérodigestives supérieures, pou-mon en association ou non avec le tabac ;– autre : sécheresse buccale, augmentation de l’appétit.

Psychostimulants, psychodysleptiquesCes drogues sont consommées notamment en milieu festif, rave parties, discothèques ou soirées privées.

Les speed correspondent aux psychostimulants, de type amphétamines, cocaïne ou crack.

Les trips sont les psychodysleptiques de type LSD (Lysergic Saüre Diethylamid ou acide lysergique diéthyl-amide) et champignons hallucinogènes.

Les taz correspondant aux drogues entactogènes ou empathogènes, de type ecstasy.

Cannabis, psychostimulants et psychodysleptiquesLe cannabis est de la substance illicite la plus consommée, un Français sur cinq

en ayant déjà fait usage, pour un sex-ratio de 2 en faveur des hommes. Ses effets

psycho-actifs varient d’un sujet à l’autre et d’une expérience à l’autre. Le bilan

des intoxications associées est toujours nécessaire. Par ailleurs, depuis quelques

années, l’utilisation de psychostimulants et psychodysleptiques a fortement

augmenté, devenant plus fréquente que celle des opiacés.

Cette tendance est surtout marquée dans la population des moins de 25 ans.

© F

otol

ia.c

om/T

erre

de

Sie

nne

© D

R

Page 2: Cannabis, psychostimulants et psychodysleptiques

22formation

dossier

Cannabis, psychostimulants et psychodysleptiques

Actualités pharmaceutiques n° 483 Mars 2009

La consommation de cocaïne et surtout de crack (obtenu par la transformation de la cocaïne mélangée avec du bicarbonate de soude, de l’éther ou de l’ammoniaque), marginale jusque dans les années 1990, est en constante augmentation.La consommation de l’ecstasy, dont le principe actif est le 3,4 méthylènedioxyméthamphétamine, est en constante progression depuis son apparition dans les années 1990. Ce sont souvent de jeunes consommateurs inexpéri-mentés dans le domaine de la drogue qui en prennent. Il s’agit de la “drogue techno” par excellence. Elle est souvent mélangée à des excipients nombreux et dange-reux comme des anti dépresseurs, des β-bloquants ou des anti-arythmiques.Le LSD et les champignons hallucinogènes sont consom-més de manière équivalente.

Quels sont les effets recherchés ?Les psychostimulants (cocaïne, crack) produisent

une euphorie, une déshinibition, une augmentation des performances cognitives (mémoire, attention).

Les psychodysleptiques (LSD, champignons) occa-sionnent une altération cognitive (le cours de la pensée est altéré, des phénomènes mnésiques inhabituels sur-viennent) et sensorielle (lévitation, perceptions visuel-les et auditives curieuses, jusqu’à des phénomènes délirants).

Les entactogènes ou empathogènes (ecstasy) pro-curent une sensation de communication particulière avec son corps, en accord avec la musique rythmée des soi-

rées techno. En revanche, toute communication avec les personnes extérieures est coupée.L’ensemble de ces produits engendre une augmenta-tion de la température corporelle, une tachycardie, une élévation de la pression artérielle, une anorexie et une résistance au sommeil.

Quelles sont les complications de la consommation ?Les complications de la consommation sont de trois ordres.

Les complications psychiatriques appelées bad trip où l’on décrit des troubles anxiodépressifs, avec parfois attaque de panique, mais surtout des épisodes psycho-tiques, soit de type très agressifs (auto- ou hétéro-) para-noïdes avec les psychostimulants, soit très délirants hal-lucinatoires avec les psychodysleptiques.

Les complications somatiques sont à type d’altérations de l’état général quand la consommation est chronique et de déshydratation fréquente surtout avec l’ecstasy.La cocaïne et le crack provoquent des complications cardiovasculaires : poussées hypertensives avec ses complications (hémorragies cérébrales...), risque de nécrose, d’infarctus du myocarde et d’arythmie (tachy-cardie sinusale, fibrillation auriculaire, fibrillation ventri-culaire), et perforation de la cloison nasale.

Les complications sociales sont le repli et l’isolement. �

François Pillon

Docteur en pharmacie, Dijon (21)

[email protected]

Toute comme pour d’autres maladies chroniques (asthme, diabète), le pharmacien est l’un des acteurs incontournable de l’éducation thérapeutique du patient dépendant qui, par définition, est un malade chronique donc sujet aux rechutes et nécessitant parfois des traitements au long cours y compris en cas d’abstinence (rémission) prolongée. La motivation du patient, plus que la volonté, mais aussi celle des différents acteurs de santé, est le pivot central d’une prise en charge de qualité. Dans ce domaine, la place du pharmacien est clairement évoquée dans l’article R. 4235-2 du Code de santé publique indiquant qu’il « … contribue notamment à la lutte contre la toxicomanie, les maladies sexuellement transmissibles et le dopage ». De plus, l’article R. 5132-99 stipule que « tout médecin, pharmacien, chirurgien, dentiste ou sage-femme doit obligatoire-ment déclarer les cas d’abus graves et de pharmacodépendance graves aux centres d’évaluation et d’information sur les pharmaco-dépendances (CEIP) ». Par ailleurs, le renforcement des liens du tandem médecin-phar-macien semble être l’une des conditions sine qua none au bon

fonctionnement de la prise en charge globale du patient, qu’elle passe ou non par des réseaux de soins spécialisés dans les addictions. Enfin, une rencontre récente (janvier 2009) entre le président de l’Ordre des pharmaciens et le directeur de la Mission inter-ministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), portant sur la mobilisation des pharmaciens en tant qu’acteurs de santé publique dans le domaine des addictions, s’est soldée par la nécessité d’impliquer les journaux pharmaceutiques spécialisés dans les campagnes de communications sur ce sujet, de participer au groupe de travail de la MILDT en matière de prévention et de prise en charge des addictions, de relayer auprès des doyens de facultés de pharmacie la demande de création d’un module obli-gatoire “santé publique et sécurité sanitaire” et d’agir avec déter-mination contre l’usage détourné des médicaments psychoactifs par le biais du réseau des conseillers régionaux référents dans le domaine des toxicomanies.

Ce qu’il faut retenir sur l’addictologie à l’officine

© B

SIP

/Pho

tota

ke/H

anse

n

La consommation d’ecstasy est en constante progression depuis son apparition dans les années 1990.