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Cannes 2011
Discours du Président Renaud au congrès de Cannes
Monsieur le Premier Ministre
Monsieur le Garde des Sceaux
Monsieur le Préfet
Mesdames et Messieurs les parlementaires
Mesdames et Messieurs les hauts fonctionnaires
Mesdames et Messieurs les Présidents
Mesdames et Messieurs
Chers confrères,
Dans le mandat du président du conseil supérieur, le premier
discours qu’il prononce au congrès devant 3500 confrères est
le plus attendu car il survient six mois après l’élection
marquant alors un premier bilan et traçant les perspectives de
l’année à venir.
Alors, quand le jeune président que je suis doit en outre,
s’exprimer non seulement devant ses pairs, mais aussi les plus
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hautes autorités de l’Etat, vous conviendrez, Monsieur le
premier ministre, qu’il peut être ému.
Cependant, je dois vous dire que je suis serein, car je sais que
je m’exprime devant une salle qui vous accueille avec plaisir.
Comme l’a souligné le Président Brugerolle, c’est la première
fois, de mémoire de notaire, qu’un premier ministre
accompagné du ministre de la Justice, intervient lors de notre
séance inaugurale.
Vous nous direz, Monsieur le premier ministre, comment nous
devons interpréter cette venue ?
Pour ma part j’y vois le signe de la confiance de l’Etat dans
Ses notaires. Vos notaires qui accomplissent leur mission de
service public quelles que soient les turbulences,
économiques, financières ou politiques.
Mais Monsieur le premier ministre si je vous demande cet
éclairage, c’est que nous avons douté.
Oui ! Qu’elles furent longues ces dernières années, où le
notariat balloté entre les rapports et autres consultations, se
voyait accusé de tous les maux.
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Que s’est il donc passé pour que nous ayons été si impatients
de votre venue et que nous soyons dans la même fébrilité de
vous entendre ?
Que s’est il donc passé pour que les notaires dont la fonction
même est de délivrer la confiance à ceux qui viennent dans
leurs offices soient dans l’expectative du message de
confiance du gouvernement ?
Allons, me direz-vous, voilà une entrée en matière bien
dramatique. Car enfin rien ne justifie cette altération de la
sérénité notariale.
Et je devine déjà vos questions :
Votre tutelle vous aurait elle une fois manqué ? Et force est de
reconnaître que de Rachida Dati à Michel Mercier, nos Gardes
des Sceaux se sont toujours montré attentifs à nos
préoccupations.
Le champ de l’authenticité s’est il trouvé réduit ? Et force là
encore, sera de relever qu’il a été plutôt renforcé.
Le gouvernement a-t-il failli dans la défense de la profession
devant la cour de justice de Luxembourg ? Certainement pas
et cette troisième dénégation suffirait peut être à nous
convaincre que nous avions tort de douter.
4
Pourtant, puisque l’approche d’échéances majeures pour notre
pays incite aux bilans, je voudrais retracer ces quatre
dernières années émaillées de rapports. Quatre années qui se
concluent par votre présence et qui en donne le sens.
Ce sera l’objet de mes premières réflexions.
L’actualité vient de l’Europe. J’y ai fait une courte allusion. Il
s’agit de l’arrêt sur la condition de nationalité des notaires que
la commission européenne accompagnée dans sa plainte par le
seul gouvernement britannique reprochait à dix neuf Etats
dont la France.
Le présent du notariat en est naturellement marqué. J’y
consacrerai une deuxième partie.
Enfin, j’en viendrais à l’avenir non seulement de notre
profession au travers du projet des notaires de France –horizon
2020, mais encore à celui de notre pays au travers des
propositions que les notaires feront à ceux qui brigueront la
Présidence de la République en mai 2012.
En effet, en recevant chaque année vingt millions de citoyens
dans nos offices, sur l’ensemble du territoire, nous sommes à
même de traduire en propositions les attentes des français.
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Nos congrès en apportent la preuve chaque année. Celui
présidé par Henri Brugerolle ne faillira pas à cette tradition
comme l’excellence de l’équipe qu’il a réunie autour de lui le
laissait présager.
Je voudrais à cette occasion et en votre nom à tous, féliciter
l’ensemble de nos confrères qui depuis deux ans se sont
consacrés à l’organisation du congrès et à la rédaction de ce
rapport de grande qualité.
Avant de vous entrainer dans les couloirs du temps pour
rajeunir de quatre ans, je voudrais remercier également
Monsieur MERCIER, le ministre de la justice, pour sa
présence à vos côtés. Car, dès sa désignation, il a manifesté
son attachement à la profession.
Première partie :
Un quotidien national rapportait récemment que le chef de
l’Etat avait souhaité pour le bilan de son action présidentielle,
je cite, « un simple document très notarial qui constitue un
outil pour les élus… »
6
A la lecture de cet entrefilet, j’ai adressé mes remerciements à
Monsieur Sarkozy pour cette référence que j’interprétais
comme une forme de reconnaissance pour la rigueur avec
laquelle mes confrères dressent ce qu’il convient d’appeler en
termes notariés un inventaire.
C’est à cet exercice bien connu, que je vous invite.
A l’origine, on se souvient qu’un souci légitime de
simplification comme d’économie par une révision des
politiques publiques avait conduit à l’annonce de recourir au
service du notariat pour la résolution des divorces par
consentement mutuel.
Ce ne fut pas la seule initiative en la matière loin s’en faut.
Il convenait d’alléger les services de la Justice afin de
consacrer leurs moyens à d’autres fonctions plus essentielles,
ce que chacun pouvait comprendre.
Mais s’agissant du divorce, les notaires qui n’y pouvaient rien
ont été vilipendé et l’on sait ce qu’il s’en est suivi.
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Or c’est dans ce contexte qu’un rapport fut confié à Monsieur
Attali entouré d’un bataillon d’experts pour libérer la
croissance.
Quel ne fut pas notre étonnement de découvrir dans un
inventaire à la Prévert, une succession de propositions dont
les moins étonnantes n’étaient pas celles du chapitre sur les
professions juridiques et la 216ème décision qui évoquait le
notariat, alors même qu’aucun notaire n’avait été enrôlé dans
cette commission.
Pourtant, les rédacteurs, loin de demander la suppression de
notre belle profession, en recommandaient l’accroissement.
Dès lors que ce rapport se préoccupait de soulager la société
française des contraintes qui entraveraient ses progrès, cette
demande d’une présence plus nombreuse ne peut s’interpréter
que comme un hommage. Je le cite « tout en maintenant des
critères très stricts de qualification, de compétences et
d’exercice professionnel, il convient d’accroître massivement
le nombre des offices notariaux… »
8
Il se trouve que nous n’avions pas attendu l’expression de
cette sentence pour nous engager dans une politique de
développement concerté avec la chancellerie.
En effet dès 2006 nous avions rédigé les plans quinquennaux
d’adaptation structurelle dont les résultats démontrent que le
nombre de notaires a augmenté de 11,7%.
Ce résultat se situe en deçà de nos objectifs, car la crise
économique a, entre autres conséquences, vu les bénéfices de
nos offices chuter de plus de 40% et les effectifs salariés de
12%.
Nous traçons aujourd’hui les lignes d’expansion des 5 ans à
venir, et je sais infiniment gré au ministre de la justice d’avoir
consenti à revoir la procédure d’homologation par la CLON
pour la rendre plus rapide comme je le remercie de nous avoir
entendus pour réduire le délai d’instruction des dossiers des
notaires salariés.
Les nouveaux plans quinquennaux seront signés avant l’été et
je salue l’effort des présidents de chambre et de conseil
régional pour cette élaboration à marches forcées.
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Dans cette indispensable perspective de croissance, confirmée
dès mon élection, Mes chers confrères, je vous invite à
l’audace tant il est prouvé que la multiplication de l’offre
entraine celle de la demande. Le recours au notaire salarié est
une voie qui ne saurait se substituer bien sûr à celle
traditionnelle du nombre de notaires titulaires facilité par les
nouvelles formes d’exercice. Mais elle est aussi une
formidable opportunité de renforcer l’authenticité et d’offrir
aux diplômés notaires une passerelle supérieure à
l’habilitation.
Quant aux nouvelles formes d’exercice proposées par la loi de
modernisation, elles ne peuvent être conçues que dans l’intérêt
du citoyen et dans celui de l’Etat. L’ingénierie juridique
notariale ne peut avoir d’autre fin. Et l’inter-professionnalité
capitalistique, n’est envisageable qu’à la condition que notre
tutelle exige avec la même fermeté que toutes les structures
soient soumises aux mêmes obligations de contrôle qu’il
s’agisse de la société d’exercice ou des éventuelles sociétés
participatives.
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Si le rapport Attali n’était qu’un rapport parmi d’autres, nous
n’étions pas pour autant au bout de nos tracas.
Monsieur le Président de la République allait confier à Maître
DARROIS, Maître du Barreau parisien, une exploration des
professions du Droit dont la loi dite de modernisation est une
conséquence.
Par une lettre du 30 juin 2008, il était institué une commission
de réflexion ayant pour objectif la création d’une grande
profession du droit.
Ce rapport à la conclusion imposée n’était pas consenti, et le
moins qu’on puisse dire et qu’il ne nous a pas fait plaisir.
La fusion était un non sens.
On ne peut tout à la fois vouloir plus de notariat et nier ce qui
le fonde.
De ce point de vue, le rapport Darrois est clair, je le cite :
« L’idée de recourir à un rédacteur professionnel impartial
investi par la puissance publique, afin de doter l’acte d’une
force probante égale à celle d’un serment judiciaire, et de la
11
force exécutoire d’un jugement, dès lors qu’il s’agit d’un acte
engageant l’avenir est traditionnel d’un système de civil law ».
Monsieur le Premier Ministre, les notaires seront heureux de
vous entendre sur votre attachement à notre tradition juridique
dont le droit de la preuve et donc l’authenticité est une clé de
voute.
La crise des subprimes aura démontré a contrario la modernité
de l’authenticité et il s’est même trouvé des voix autorisées
outre Atlantique pour déplorer que ce grand pays ne bénéficie
pas de la garantie notariale.
Cependant, il importait pour Me Darrois de répondre à cette
tendance démultipliée par internet de l’automédication
juridique et de proposer là où le citoyen évitait l’appui d’un
professionnel, une sécurité accrue par un conseil.
Très vite, il fut entendu que ce rôle ne pouvait être confié qu’à
des avocats, lesquels n’entendaient pas que d’autres pourtant
dotés de compétences avérées puissent l’exercer. Et la
commission Darrois d’inventer le contreseing.
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L’exposé des motifs de la loi publiée le 29 mars dernier qui le
concrétise, précise justement :
« L’acte contresigné par avocat n’a pas vocation à constituer
un troisième type d’acte ».
C’est bien ce que nous avions compris.
Quand bien même on dénommerait Sceau ce qui n’est qu’un
simple tampon, quand bien même on dénommerait Minutier ce
qui n’est qu’un archivage, quand bien même on se fourvoierait
en parlant d’Authentifier ce qui n’est que vérifier.
On ne créera jamais par la magie de l’artifice un acte
assimilable à l’acte authentique !
En fait, mes chers confrères, il n’y aurait pas matière à
inquiétude face à cette nouveauté juridique si j’en crois le mot
du Professeur Théry qui dans cette intervention, voit comme
une assurance contre un évènement hautement improbable, en
l’espèce la dénégation de signature.
Cependant je comprends ceux qui se sont émus d’une
communication agressive qui pourrait entretenir la confusion
dans l’esprit des usagers du droit en promettant dans un
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amalgame peu soucieux de précision juridique des résultats
que seul l’acte authentique garantit.
Et si le président du CNB a pu citer en nous évoquant l’opéra
de la Chauve souris, je l’enverrai volontiers revoir Casse
noisettes.
Mais cette loi de modernisation contient bien d’autres
dispositions qui nous intéressent davantage. A commencer par
le fait de hisser dans le code civil les dispositions du décret de
1955 et de faire en sorte d’interdire la publication au fichier
d’actes non juridictionnels.
Par surcroît, ce nouvel article 710-1 du code civil prévoit que
le dépôt au rang des minutes d’un acte sous seing privé,
contresigné ou non, même avec reconnaissance d’écriture et
de signature, ne pourra donner lieu aux formalités de publicité
foncière.
Alors mes chers confrères, OUI nous avons douté, mais voilà
inscrit dans la loi, le symbole de la reconnaissance de la
prépondérance de l’acte authentique que nous appelions de
nos vœux.
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Et vous conviendrez que ces dispositions si elles nous
contentent nous obligent aussi.
Car enfin porter l’étendard de l’officier public n’a de sens
véritable que si dans notre exercice quotidien, l’authenticité
est toujours promue et respectée.
Promue ? Par la préférence constamment donnée à son recours
qui serait sans doute plus aisé si un droit d’enregistrement
n’en venait alourdir singulièrement le coût, notamment pour
les procurations.
N’avons-nous pas le devoir de faire bénéficier tous ceux qui
poussent notre porte de la force incomparable de l’acte
notarié. Ne viennent-ils pas chercher chez nous la sécurité la
plus grande : celle que confère la foi du sceau de l’Etat ?
Ainsi devrait-il en être des avant- contrats.
Respectée ? Et je veux avec solennité rappeler la valeur de
notre déontologie admise par chacun lors de sa prestation de
serment. Ceux qui la voient comme un fardeau n’ont pas leur
place dans nos rangs. L’authenticité a son corollaire :
l’honneur de l’officier public !
15
La loi du 28 mars non compté qu’elle rétablit le notaire à sa
juste place dans l’établissement des PACS, porte enfin un sort
aux mentions manuscrites.
Nous saluons la disparition d’une obligation qui suscitait au
moins l’incompréhension.
La loi attribue encore une nouvelle mission de service public à
la profession dans l’établissement des statistiques
immobilières, consacrant par là même notre place
prépondérante dans ce secteur essentiel à la vie de la nation.
Les bases notariales par une alimentation exhaustive
acquerront une fiabilité sans égale qui nous permettra à la fois
de répondre à l’attente du citoyen sur la valeur de son bien,
mais aussi à celle des pouvoirs publics et des professionnels
sur l’évolution du marché, comme le souhaitait Monsieur le
Ministre du logement.
Ce marché connait des variations considérables, soumettant
les ménages à une incertitude préjudiciable à l’acquisition
alors même qu’il a été souhaité un accroissement du nombre
des propriétaires. Nous constatons que cette crise de confiance
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a interrompu le parcours résidentiel des français qui était
devenu la règle d’un cercle vertueux dans la dernière
décennie.
Les produits de nos offices sont la traduction de cette situation
très contrastée qui aggrave le sort de ceux installés en zone
défavorisée.
C’est pourquoi, Monsieur le Premier Ministre, la profession
vous est particulièrement reconnaissante d’avoir décidé sur la
proposition de Monsieur le Garde des sceaux l’ajustement de
notre tarif qui, à la fois, a compensé les effets de l’inflation et
a ajouté aux mesures de simplification en forfaitisant les frais
fixes.
Ainsi deux rapports auront durant ces quatre années mobilisé
les énergies notariales. Ils auront eu le mérite, non seulement
de raffermir notre solidarité, mais encore de nous rapprocher
de la représentation nationale qui percevait davantage
l’authenticité dans ses effets que dans ses causes.
Notre mission n’est pas finie, car il est important que la
pertinence de notre modèle juridique comme son adaptation
aux réalités du monde contemporain soient encore plus
largement comprises.
17
Monsieur le Premier Ministre, vous avez à votre service, des
femmes et des hommes de consensus. C’est là notre tâche
quotidienne de rapprocher les intérêts divergents, de résoudre
les conflits, d’apaiser les colères, de rapprocher les bonnes
volontés.
Vous nous trouverez toujours disponibles sur ce terrain là, et
nous sommes prêts à oublier les affronts pourvu qu’ils cessent
enfin.
Un candidat à la présidence du CNB reconnaissait que notaires
et avocats ne sont pas de la même nature.
Il a fallu quatre ans pour que cette vérité simple soit partagée.
Il convient maintenant qu’elle le soit par tous.
2ème partie :
Si donc l’actualité à l’intérieur de nos frontières n’a pas
manqué de conforter notre unité légendaire, celle venue de
Bruxelles n’est pas en reste.
Car les institutions de l’Europe n’ont de cesse d’élargir leurs
domaines d’intervention.
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Le conseil des notariats de l’union européenne, le CNUE
présidé par notre confrère autrichien Me KAINDL que je
salue, entretient un dialogue constant avec la commission et le
parlement européen, ponctué de hauts comme la résolution du
parlement en décembre 2008 contenant des recommandations
à la Commission sur l’acte authentique européen et de bas
comme l’arrêt récent de la cour de justice.
L’acte authentique pourrait être mis en exergue dans les
projets du Conseil ou de la Commission qui traitent de la
création du certificat successoral européen, ou des régimes
matrimoniaux.
Le notariat manifeste ainsi son engagement pour une Europe
de sécurité, de liberté et de justice.
En retour les institutions de l’Union semblent intégrer la
dimension authentique dans leur législation, et vouloir faire
bénéficier le citoyen européen des bienfaits de la sécurité
juridique attachée à l’intervention notariale.
19
Pourtant depuis le 8 novembre 2000, la France et au fil des
années de nombreux autres Etats membres ont fait l’objet
d’une mise en demeure sur la condition de nationalité.
La cour a, on le sait, réfuté cette condition d’accès à la
profession de notaire, prétendant que le rôle public du
notaire ne constitue pas une participation directe et spécifique
à l’exercice de l’autorité publique.
La Cour précise dans ces considérations liminaires que le
recours formé par la Commission européenne concerne
uniquement la condition de nationalité, et qu’elle ne porte ni
sur l’organisation du notariat en France, ni sur les conditions
d’accès autres que la nationalité.
Elle souligne par ailleurs que ce recours ne concerne pas
l’application des dispositions du traité relatives à la libre
prestation des services.
Pour justifier sa décision, la cour estime que le notaire dans
ses fonctions ne décide ni n’impose sa décision quand bien
même il appose sur les actes qu’il reçoit le sceau de l’Etat.
20
Quelles conséquences doit on aujourd’hui en tirer ?
Tout simplement qu’un ressortissant européen qui aurait passé
avec succès les examens de contrôle des connaissances
professionnelles pourrait en théorie demander sa nomination
dans un office notarial.
Cependant, comme le souligne la Chancellerie dans son
communiqué, la suppression de cette condition ne modifie en
rien le statut du notariat, pas plus qu’elle n’affectera la qualité
des services rendus aux familles et aux entreprises par les
notaires qui continueront à garantir la sécurité juridique des
actes qu’ils reçoivent.
La Cour insiste sur le fait que les activités notariales
poursuivent des objectifs d’intérêt général qui visent
notamment à garantir la légalité et la sécurité juridique des
actes conclus entre particuliers ; la poursuite de cet objectif
constitue, selon la Cour, une raison impérieuse d’intérêt
général qui permet de justifier certaines spécificités propres à
l’activité notariale, tels que l’encadrement des procédures de
recrutement, la limitation de leur nombre ou encore les règles
21
de rémunération, d’indépendance, d’incompatibilités et
d’inamovibilité qui sont affectées aux notaires.
Ainsi, il convient bien sûr de prendre acte de la décision des
juges européens, mais de ne pas se laisser impressionner par
des conséquences hasardeuses autant que prématurées.
Au regard de la définition du traité, les notaires remplissent
une mission d’intérêt général, de service public qui justifie la
délégation que l’Etat leur fait d’une parcelle de l’autorité
publique.
Vous le savez, Monsieur le Premier Ministre, cet arrêt
interpelle logiquement les notaires. Ils seront heureux
d’entendre l’interprétation que vous en faites.
L’authenticité est au cœur du système de droit continental. Et
la France en est le berceau.
L’Etat français attend il des institutions européennes qu’elles
lui dictent à qui il entend déléguer une parcelle de son
autorité ?
22
3ème partie
Et maintenant ? Serais-je tenter de dire.
Les notaires ont trop connu d’évènements au travers des
décennies pour s’émouvoir des péripéties de l’histoire dès lors,
et c’est une condition majeure, qu’ils agissent avec le soutien
de celui qui les nomme.
Les questions sont simples.
L’Etat ressent-il le besoin de notaires pour délivrer la
confiance liée au sceau de l’Etat dans les actes fondateurs en
droit de la famille, comme dans ceux portant transfert de droits
réels ou constitution de sûretés ?
Entend-il répondre à l’attente des entreprises de disposer de
services notariés innovants conformes aux standards
internationaux ?
Veut-il par un maillage du territoire plus serré que bien
d’autres services publics que les citoyens disposent d’un
service juridique de proximité basé sur la recherche constante
de l’équilibre entre la volonté des parties ?
23
Cependant, en attendant les réponses de l’Etat, mes chers
confrères, pour justifier nos attentes, il convient sans relâche
de démontrer notre capacité d’adaptation comme notre
loyauté sans faille.
En l’espèce, le président du conseil supérieur ne manque pas
de preuves de la bonne volonté des notaires et de leur alliance
forte avec les services de l’Etat, notamment en matière de lutte
contre le blanchiment où la contribution notariale en dépit des
risques que les déclarations de soupçon génèrent, a été saluée
par Tracfin.
Il conviendrait peut être d’ailleurs que ces signalements
transitent par une structure spécifique du conseil supérieur afin
de créer une distance de précaution opportune.
Dans le domaine des nouvelles technologies qui participe à la
modernisation de l’Etat, la profession continue de faire la
course en tête, mais il importe de ne pas relâcher nos efforts
pour maintenir notre avance.
A commencer par télé@ctes où il nous faut parachever
l’œuvre entreprise. Le CSN ira à la rencontre des rares offices
24
en difficulté pour une mise à niveau indispensable. Le
déploiement de la Version 4 va nous permettre d’arriver à un
potentiel de 75% des actes télé-publiés.
De manière plus générale, la dématérialisation des échanges
entre les offices et les collectivités publiques devra passer du
stade des tests à la réalisation effective qu’il s’agisse de l’état
civil ou des déclarations d’intention d’aliéner ; comme nous
devons la promouvoir dans nos relations avec les SAFER ou
dans le contrôle des comptes de tutelle.
Mais le grand défi qui nous attend, mes chers confrères, tient
au déploiement de l’acte authentique électronique. 20 offices
pilotes bientôt suivis de 300 permettront au premier janvier
prochain une ouverture à tous. Nos clients attendent ce service
nouveau qui trouvera dans la visioconférence son exploitation
maximale en abolissant les distances.
La formation est un autre vecteur d’amélioration de la
performance des offices. L’obligation de l’actualisation des
compétences inscrite de longue date dans notre règlement
national mais récemment consacrée par la loi ajoutera à cette
25
volonté Il reviendra au CSN de déterminer les participations
qui concourront au quota de 30 heures qu’un prochain décret
définira. Il va de soi, pour moi, que suivre les travaux des
commissions de nos congrès doit être reconnu.
Cet engagement collectif et individuel se traduit aussi dans
l’adhésion à la qualité qui ne cesse de se développer si j’en
crois la hausse continue des effectifs du club des certifiés qui
s’enrichit désormais en nombre significatif de la présence des
instances. Investissez dans la qualité : le prix s’oublie, la
qualité reste.
Mais nous entendons aller plus loin par la mise en œuvre du
projet des notaires de France- horizon 2020 dont les
premières réalisations relayées par les groupes pilotes en
région sont désormais à disposition des offices.
Nous présenterons d’autres pistes tels le projet d’entreprise ou
encore le questionnaire sur les besoins des offices dans le
domaine du droit international privé à l’heure où la
chancellerie rédige le décret d’application relatif à l’assistance
des consuls dans leurs missions notariales.
26
Ce vaste mouvement, sans pareil dans les annales de la
profession, est une preuve de dynamisme. Comme l’est aussi
l’élection de notre confrère Jean Paul Decorps à la tête de
l’UINL.
L’union internationale du notariat réunit désormais 81 pays
après les adhésions de la Tunisie, la Corée du Sud, la Bosnie-
Herzégovine, et la Mauritanie. D’autres pays demandent à leur
tour leur admission : la Mongolie, l’Ukraine et même l’Etat de
Victoria en Australie, pays pourtant de common law.
Permettez-moi en cet instant de saluer les 35 délégations
étrangères qui nous font l’honneur de leur présence à ce
congrès. Je vous invite à l’exposition organisée dans ce palais
des festivals pour les dix ans du centre de Shanghai qui a tant
fait pour la promotion du notariat en Chine. Et ce n’est pas le
seul pays où l’authenticité gagne du terrain, Monsieur le
Premier Ministre, je ne prétends pas être un spécialiste de
l’import/export, mais je constate qu’il y a un produit français
qui conquiert chaque année des marchés, qui a été adopté par
la Chine comme par la Russie, et qui répond aux besoins des
deux tiers de la population mondiale.
27
Ce produit d’excellence a un beau nom : AUTHENTICITE !
Aidez nous à le promouvoir !
Par ailleurs l’opération titrement qui vise à aider les Etats et
les notariats à délivrer des titres sécurisés et simplifiés aux
propriétaires de parcelle dans les pays en développement
suscite un intérêt exceptionnel.
Ces opérations démontrent s’il en était besoin le lien étroit qui
arrime la croissance économique à la sécurité juridique.
Cette activité internationale intense ne nous fait pas oublier
que notre pays va connaître dans moins d’un an des échéances
majeures.
Notre fonction nous met dans l’intimité des familles et des
entreprises auprès desquelles nous exerçons le noble métier
d’instituteur de la loi.
Mais elle nous transforme aussi en sentinelles de la société
française.
Il nous revient de porter à la connaissance de ceux qui, demain
brigueront la magistrature suprême, des propositions concrètes
28
directement issues du terrain pour qu’ils les fassent leurs si
tant est qu’elles correspondent à leur vision.
Je ne doute pas que vous saurez intéresser votre candidat à nos
propositions.
Un recueil de vingt suggestions souvent issues de nos congrès
sera bientôt édité et je le porterais à ceux qui font acte de
candidature ou à leurs équipes.
Je ne peux les dévoiler toutes mais elles évoquent par exemple
la créance d’assistance pour prendre en considération le
dévouement des enfants pour leurs parents âgés,
l’aménagement qui pourrait être fait à la réserve pour faciliter
les transmissions aux enfants d’un premier lit en évitant le
recours trop contraignant de l’adoption, la création d’un
véritable code de l’eau ou la réforme des plus values
professionnelles.
Les notaires entendent par cette contribution au débat national
faire valoir qu’ils sont par nature des relais entre les pouvoirs
publics et les français.
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J’en viens à la fin de ce voyage dans l’histoire récente, dans
l’actualité et dans notre avenir proche. Puisse-t-il, Monsieur le
Premier Ministre vous avoir convaincu de notre engagement à
remplir notre mission au mieux des intérêts de l’Etat et du
citoyen.
J’ai mis dans mon propos plus de passion qu’il n’aurait
convenu à un instant aussi solennel, en espérant que vous
mettrez cette fougue au compte de la sincérité des convictions
d’un nouveau président.
Croyez que ces convictions sont partagées par tous les notaires
qui entendent porter haut les couleurs de l’authenticité, du
droit continental et celles de l’intérêt général.
Monsieur le Premier Ministre à l’instant de vous céder la
parole, je m’aperçois que le fils de notaire à cette tribune n’est
pas celui que l’on croit, ce qui renforce ma certitude que vous
aurez compris dans mes propos notre fierté d’être notaire en
France, surement et pour longtemps.