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1 Cannes 2011 Discours du Président Renaud au congrès de Cannes Monsieur le Premier Ministre Monsieur le Garde des Sceaux Monsieur le Préfet Mesdames et Messieurs les parlementaires Mesdames et Messieurs les hauts fonctionnaires Mesdames et Messieurs les Présidents Mesdames et Messieurs Chers confrères, Dans le mandat du président du conseil supérieur, le premier discours qu’il prononce au congrès devant 3500 confrères est le plus attendu car il survient six mois après l’élection marquant alors un premier bilan et traçant les perspectives de l’année à venir. Alors, quand le jeune président que je suis doit en outre, s’exprimer non seulement devant ses pairs, mais aussi les plus

Cannes 2011 Discours du Président Renaud au … pdt CSN_def.pdf · leurs offices soient dans l’expectative du message de confiance du gouvernement ? Allons, me direz-vous, voilà

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Cannes 2011

Discours du Président Renaud au congrès de Cannes

Monsieur le Premier Ministre

Monsieur le Garde des Sceaux

Monsieur le Préfet

Mesdames et Messieurs les parlementaires

Mesdames et Messieurs les hauts fonctionnaires

Mesdames et Messieurs les Présidents

Mesdames et Messieurs

Chers confrères,

Dans le mandat du président du conseil supérieur, le premier

discours qu’il prononce au congrès devant 3500 confrères est

le plus attendu car il survient six mois après l’élection

marquant alors un premier bilan et traçant les perspectives de

l’année à venir.

Alors, quand le jeune président que je suis doit en outre,

s’exprimer non seulement devant ses pairs, mais aussi les plus

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hautes autorités de l’Etat, vous conviendrez, Monsieur le

premier ministre, qu’il peut être ému.

Cependant, je dois vous dire que je suis serein, car je sais que

je m’exprime devant une salle qui vous accueille avec plaisir.

Comme l’a souligné le Président Brugerolle, c’est la première

fois, de mémoire de notaire, qu’un premier ministre

accompagné du ministre de la Justice, intervient lors de notre

séance inaugurale.

Vous nous direz, Monsieur le premier ministre, comment nous

devons interpréter cette venue ?

Pour ma part j’y vois le signe de la confiance de l’Etat dans

Ses notaires. Vos notaires qui accomplissent leur mission de

service public quelles que soient les turbulences,

économiques, financières ou politiques.

Mais Monsieur le premier ministre si je vous demande cet

éclairage, c’est que nous avons douté.

Oui ! Qu’elles furent longues ces dernières années, où le

notariat balloté entre les rapports et autres consultations, se

voyait accusé de tous les maux.

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Que s’est il donc passé pour que nous ayons été si impatients

de votre venue et que nous soyons dans la même fébrilité de

vous entendre ?

Que s’est il donc passé pour que les notaires dont la fonction

même est de délivrer la confiance à ceux qui viennent dans

leurs offices soient dans l’expectative du message de

confiance du gouvernement ?

Allons, me direz-vous, voilà une entrée en matière bien

dramatique. Car enfin rien ne justifie cette altération de la

sérénité notariale.

Et je devine déjà vos questions :

Votre tutelle vous aurait elle une fois manqué ? Et force est de

reconnaître que de Rachida Dati à Michel Mercier, nos Gardes

des Sceaux se sont toujours montré attentifs à nos

préoccupations.

Le champ de l’authenticité s’est il trouvé réduit ? Et force là

encore, sera de relever qu’il a été plutôt renforcé.

Le gouvernement a-t-il failli dans la défense de la profession

devant la cour de justice de Luxembourg ? Certainement pas

et cette troisième dénégation suffirait peut être à nous

convaincre que nous avions tort de douter.

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Pourtant, puisque l’approche d’échéances majeures pour notre

pays incite aux bilans, je voudrais retracer ces quatre

dernières années émaillées de rapports. Quatre années qui se

concluent par votre présence et qui en donne le sens.

Ce sera l’objet de mes premières réflexions.

L’actualité vient de l’Europe. J’y ai fait une courte allusion. Il

s’agit de l’arrêt sur la condition de nationalité des notaires que

la commission européenne accompagnée dans sa plainte par le

seul gouvernement britannique reprochait à dix neuf Etats

dont la France.

Le présent du notariat en est naturellement marqué. J’y

consacrerai une deuxième partie.

Enfin, j’en viendrais à l’avenir non seulement de notre

profession au travers du projet des notaires de France –horizon

2020, mais encore à celui de notre pays au travers des

propositions que les notaires feront à ceux qui brigueront la

Présidence de la République en mai 2012.

En effet, en recevant chaque année vingt millions de citoyens

dans nos offices, sur l’ensemble du territoire, nous sommes à

même de traduire en propositions les attentes des français.

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Nos congrès en apportent la preuve chaque année. Celui

présidé par Henri Brugerolle ne faillira pas à cette tradition

comme l’excellence de l’équipe qu’il a réunie autour de lui le

laissait présager.

Je voudrais à cette occasion et en votre nom à tous, féliciter

l’ensemble de nos confrères qui depuis deux ans se sont

consacrés à l’organisation du congrès et à la rédaction de ce

rapport de grande qualité.

Avant de vous entrainer dans les couloirs du temps pour

rajeunir de quatre ans, je voudrais remercier également

Monsieur MERCIER, le ministre de la justice, pour sa

présence à vos côtés. Car, dès sa désignation, il a manifesté

son attachement à la profession.

Première partie :

Un quotidien national rapportait récemment que le chef de

l’Etat avait souhaité pour le bilan de son action présidentielle,

je cite, « un simple document très notarial qui constitue un

outil pour les élus… »

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A la lecture de cet entrefilet, j’ai adressé mes remerciements à

Monsieur Sarkozy pour cette référence que j’interprétais

comme une forme de reconnaissance pour la rigueur avec

laquelle mes confrères dressent ce qu’il convient d’appeler en

termes notariés un inventaire.

C’est à cet exercice bien connu, que je vous invite.

A l’origine, on se souvient qu’un souci légitime de

simplification comme d’économie par une révision des

politiques publiques avait conduit à l’annonce de recourir au

service du notariat pour la résolution des divorces par

consentement mutuel.

Ce ne fut pas la seule initiative en la matière loin s’en faut.

Il convenait d’alléger les services de la Justice afin de

consacrer leurs moyens à d’autres fonctions plus essentielles,

ce que chacun pouvait comprendre.

Mais s’agissant du divorce, les notaires qui n’y pouvaient rien

ont été vilipendé et l’on sait ce qu’il s’en est suivi.

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Or c’est dans ce contexte qu’un rapport fut confié à Monsieur

Attali entouré d’un bataillon d’experts pour libérer la

croissance.

Quel ne fut pas notre étonnement de découvrir dans un

inventaire à la Prévert, une succession de propositions dont

les moins étonnantes n’étaient pas celles du chapitre sur les

professions juridiques et la 216ème décision qui évoquait le

notariat, alors même qu’aucun notaire n’avait été enrôlé dans

cette commission.

Pourtant, les rédacteurs, loin de demander la suppression de

notre belle profession, en recommandaient l’accroissement.

Dès lors que ce rapport se préoccupait de soulager la société

française des contraintes qui entraveraient ses progrès, cette

demande d’une présence plus nombreuse ne peut s’interpréter

que comme un hommage. Je le cite « tout en maintenant des

critères très stricts de qualification, de compétences et

d’exercice professionnel, il convient d’accroître massivement

le nombre des offices notariaux… »

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Il se trouve que nous n’avions pas attendu l’expression de

cette sentence pour nous engager dans une politique de

développement concerté avec la chancellerie.

En effet dès 2006 nous avions rédigé les plans quinquennaux

d’adaptation structurelle dont les résultats démontrent que le

nombre de notaires a augmenté de 11,7%.

Ce résultat se situe en deçà de nos objectifs, car la crise

économique a, entre autres conséquences, vu les bénéfices de

nos offices chuter de plus de 40% et les effectifs salariés de

12%.

Nous traçons aujourd’hui les lignes d’expansion des 5 ans à

venir, et je sais infiniment gré au ministre de la justice d’avoir

consenti à revoir la procédure d’homologation par la CLON

pour la rendre plus rapide comme je le remercie de nous avoir

entendus pour réduire le délai d’instruction des dossiers des

notaires salariés.

Les nouveaux plans quinquennaux seront signés avant l’été et

je salue l’effort des présidents de chambre et de conseil

régional pour cette élaboration à marches forcées.

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Dans cette indispensable perspective de croissance, confirmée

dès mon élection, Mes chers confrères, je vous invite à

l’audace tant il est prouvé que la multiplication de l’offre

entraine celle de la demande. Le recours au notaire salarié est

une voie qui ne saurait se substituer bien sûr à celle

traditionnelle du nombre de notaires titulaires facilité par les

nouvelles formes d’exercice. Mais elle est aussi une

formidable opportunité de renforcer l’authenticité et d’offrir

aux diplômés notaires une passerelle supérieure à

l’habilitation.

Quant aux nouvelles formes d’exercice proposées par la loi de

modernisation, elles ne peuvent être conçues que dans l’intérêt

du citoyen et dans celui de l’Etat. L’ingénierie juridique

notariale ne peut avoir d’autre fin. Et l’inter-professionnalité

capitalistique, n’est envisageable qu’à la condition que notre

tutelle exige avec la même fermeté que toutes les structures

soient soumises aux mêmes obligations de contrôle qu’il

s’agisse de la société d’exercice ou des éventuelles sociétés

participatives.

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Si le rapport Attali n’était qu’un rapport parmi d’autres, nous

n’étions pas pour autant au bout de nos tracas.

Monsieur le Président de la République allait confier à Maître

DARROIS, Maître du Barreau parisien, une exploration des

professions du Droit dont la loi dite de modernisation est une

conséquence.

Par une lettre du 30 juin 2008, il était institué une commission

de réflexion ayant pour objectif la création d’une grande

profession du droit.

Ce rapport à la conclusion imposée n’était pas consenti, et le

moins qu’on puisse dire et qu’il ne nous a pas fait plaisir.

La fusion était un non sens.

On ne peut tout à la fois vouloir plus de notariat et nier ce qui

le fonde.

De ce point de vue, le rapport Darrois est clair, je le cite :

« L’idée de recourir à un rédacteur professionnel impartial

investi par la puissance publique, afin de doter l’acte d’une

force probante égale à celle d’un serment judiciaire, et de la

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force exécutoire d’un jugement, dès lors qu’il s’agit d’un acte

engageant l’avenir est traditionnel d’un système de civil law ».

Monsieur le Premier Ministre, les notaires seront heureux de

vous entendre sur votre attachement à notre tradition juridique

dont le droit de la preuve et donc l’authenticité est une clé de

voute.

La crise des subprimes aura démontré a contrario la modernité

de l’authenticité et il s’est même trouvé des voix autorisées

outre Atlantique pour déplorer que ce grand pays ne bénéficie

pas de la garantie notariale.

Cependant, il importait pour Me Darrois de répondre à cette

tendance démultipliée par internet de l’automédication

juridique et de proposer là où le citoyen évitait l’appui d’un

professionnel, une sécurité accrue par un conseil.

Très vite, il fut entendu que ce rôle ne pouvait être confié qu’à

des avocats, lesquels n’entendaient pas que d’autres pourtant

dotés de compétences avérées puissent l’exercer. Et la

commission Darrois d’inventer le contreseing.

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L’exposé des motifs de la loi publiée le 29 mars dernier qui le

concrétise, précise justement :

« L’acte contresigné par avocat n’a pas vocation à constituer

un troisième type d’acte ».

C’est bien ce que nous avions compris.

Quand bien même on dénommerait Sceau ce qui n’est qu’un

simple tampon, quand bien même on dénommerait Minutier ce

qui n’est qu’un archivage, quand bien même on se fourvoierait

en parlant d’Authentifier ce qui n’est que vérifier.

On ne créera jamais par la magie de l’artifice un acte

assimilable à l’acte authentique !

En fait, mes chers confrères, il n’y aurait pas matière à

inquiétude face à cette nouveauté juridique si j’en crois le mot

du Professeur Théry qui dans cette intervention, voit comme

une assurance contre un évènement hautement improbable, en

l’espèce la dénégation de signature.

Cependant je comprends ceux qui se sont émus d’une

communication agressive qui pourrait entretenir la confusion

dans l’esprit des usagers du droit en promettant dans un

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amalgame peu soucieux de précision juridique des résultats

que seul l’acte authentique garantit.

Et si le président du CNB a pu citer en nous évoquant l’opéra

de la Chauve souris, je l’enverrai volontiers revoir Casse

noisettes.

Mais cette loi de modernisation contient bien d’autres

dispositions qui nous intéressent davantage. A commencer par

le fait de hisser dans le code civil les dispositions du décret de

1955 et de faire en sorte d’interdire la publication au fichier

d’actes non juridictionnels.

Par surcroît, ce nouvel article 710-1 du code civil prévoit que

le dépôt au rang des minutes d’un acte sous seing privé,

contresigné ou non, même avec reconnaissance d’écriture et

de signature, ne pourra donner lieu aux formalités de publicité

foncière.

Alors mes chers confrères, OUI nous avons douté, mais voilà

inscrit dans la loi, le symbole de la reconnaissance de la

prépondérance de l’acte authentique que nous appelions de

nos vœux.

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Et vous conviendrez que ces dispositions si elles nous

contentent nous obligent aussi.

Car enfin porter l’étendard de l’officier public n’a de sens

véritable que si dans notre exercice quotidien, l’authenticité

est toujours promue et respectée.

Promue ? Par la préférence constamment donnée à son recours

qui serait sans doute plus aisé si un droit d’enregistrement

n’en venait alourdir singulièrement le coût, notamment pour

les procurations.

N’avons-nous pas le devoir de faire bénéficier tous ceux qui

poussent notre porte de la force incomparable de l’acte

notarié. Ne viennent-ils pas chercher chez nous la sécurité la

plus grande : celle que confère la foi du sceau de l’Etat ?

Ainsi devrait-il en être des avant- contrats.

Respectée ? Et je veux avec solennité rappeler la valeur de

notre déontologie admise par chacun lors de sa prestation de

serment. Ceux qui la voient comme un fardeau n’ont pas leur

place dans nos rangs. L’authenticité a son corollaire :

l’honneur de l’officier public !

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La loi du 28 mars non compté qu’elle rétablit le notaire à sa

juste place dans l’établissement des PACS, porte enfin un sort

aux mentions manuscrites.

Nous saluons la disparition d’une obligation qui suscitait au

moins l’incompréhension.

La loi attribue encore une nouvelle mission de service public à

la profession dans l’établissement des statistiques

immobilières, consacrant par là même notre place

prépondérante dans ce secteur essentiel à la vie de la nation.

Les bases notariales par une alimentation exhaustive

acquerront une fiabilité sans égale qui nous permettra à la fois

de répondre à l’attente du citoyen sur la valeur de son bien,

mais aussi à celle des pouvoirs publics et des professionnels

sur l’évolution du marché, comme le souhaitait Monsieur le

Ministre du logement.

Ce marché connait des variations considérables, soumettant

les ménages à une incertitude préjudiciable à l’acquisition

alors même qu’il a été souhaité un accroissement du nombre

des propriétaires. Nous constatons que cette crise de confiance

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a interrompu le parcours résidentiel des français qui était

devenu la règle d’un cercle vertueux dans la dernière

décennie.

Les produits de nos offices sont la traduction de cette situation

très contrastée qui aggrave le sort de ceux installés en zone

défavorisée.

C’est pourquoi, Monsieur le Premier Ministre, la profession

vous est particulièrement reconnaissante d’avoir décidé sur la

proposition de Monsieur le Garde des sceaux l’ajustement de

notre tarif qui, à la fois, a compensé les effets de l’inflation et

a ajouté aux mesures de simplification en forfaitisant les frais

fixes.

Ainsi deux rapports auront durant ces quatre années mobilisé

les énergies notariales. Ils auront eu le mérite, non seulement

de raffermir notre solidarité, mais encore de nous rapprocher

de la représentation nationale qui percevait davantage

l’authenticité dans ses effets que dans ses causes.

Notre mission n’est pas finie, car il est important que la

pertinence de notre modèle juridique comme son adaptation

aux réalités du monde contemporain soient encore plus

largement comprises.

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Monsieur le Premier Ministre, vous avez à votre service, des

femmes et des hommes de consensus. C’est là notre tâche

quotidienne de rapprocher les intérêts divergents, de résoudre

les conflits, d’apaiser les colères, de rapprocher les bonnes

volontés.

Vous nous trouverez toujours disponibles sur ce terrain là, et

nous sommes prêts à oublier les affronts pourvu qu’ils cessent

enfin.

Un candidat à la présidence du CNB reconnaissait que notaires

et avocats ne sont pas de la même nature.

Il a fallu quatre ans pour que cette vérité simple soit partagée.

Il convient maintenant qu’elle le soit par tous.

2ème partie :

Si donc l’actualité à l’intérieur de nos frontières n’a pas

manqué de conforter notre unité légendaire, celle venue de

Bruxelles n’est pas en reste.

Car les institutions de l’Europe n’ont de cesse d’élargir leurs

domaines d’intervention.

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Le conseil des notariats de l’union européenne, le CNUE

présidé par notre confrère autrichien Me KAINDL que je

salue, entretient un dialogue constant avec la commission et le

parlement européen, ponctué de hauts comme la résolution du

parlement en décembre 2008 contenant des recommandations

à la Commission sur l’acte authentique européen et de bas

comme l’arrêt récent de la cour de justice.

L’acte authentique pourrait être mis en exergue dans les

projets du Conseil ou de la Commission qui traitent de la

création du certificat successoral européen, ou des régimes

matrimoniaux.

Le notariat manifeste ainsi son engagement pour une Europe

de sécurité, de liberté et de justice.

En retour les institutions de l’Union semblent intégrer la

dimension authentique dans leur législation, et vouloir faire

bénéficier le citoyen européen des bienfaits de la sécurité

juridique attachée à l’intervention notariale.

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Pourtant depuis le 8 novembre 2000, la France et au fil des

années de nombreux autres Etats membres ont fait l’objet

d’une mise en demeure sur la condition de nationalité.

La cour a, on le sait, réfuté cette condition d’accès à la

profession de notaire, prétendant que le rôle public du

notaire ne constitue pas une participation directe et spécifique

à l’exercice de l’autorité publique.

La Cour précise dans ces considérations liminaires que le

recours formé par la Commission européenne concerne

uniquement la condition de nationalité, et qu’elle ne porte ni

sur l’organisation du notariat en France, ni sur les conditions

d’accès autres que la nationalité.

Elle souligne par ailleurs que ce recours ne concerne pas

l’application des dispositions du traité relatives à la libre

prestation des services.

Pour justifier sa décision, la cour estime que le notaire dans

ses fonctions ne décide ni n’impose sa décision quand bien

même il appose sur les actes qu’il reçoit le sceau de l’Etat.

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Quelles conséquences doit on aujourd’hui en tirer ?

Tout simplement qu’un ressortissant européen qui aurait passé

avec succès les examens de contrôle des connaissances

professionnelles pourrait en théorie demander sa nomination

dans un office notarial.

Cependant, comme le souligne la Chancellerie dans son

communiqué, la suppression de cette condition ne modifie en

rien le statut du notariat, pas plus qu’elle n’affectera la qualité

des services rendus aux familles et aux entreprises par les

notaires qui continueront à garantir la sécurité juridique des

actes qu’ils reçoivent.

La Cour insiste sur le fait que les activités notariales

poursuivent des objectifs d’intérêt général qui visent

notamment à garantir la légalité et la sécurité juridique des

actes conclus entre particuliers ; la poursuite de cet objectif

constitue, selon la Cour, une raison impérieuse d’intérêt

général qui permet de justifier certaines spécificités propres à

l’activité notariale, tels que l’encadrement des procédures de

recrutement, la limitation de leur nombre ou encore les règles

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de rémunération, d’indépendance, d’incompatibilités et

d’inamovibilité qui sont affectées aux notaires.

Ainsi, il convient bien sûr de prendre acte de la décision des

juges européens, mais de ne pas se laisser impressionner par

des conséquences hasardeuses autant que prématurées.

Au regard de la définition du traité, les notaires remplissent

une mission d’intérêt général, de service public qui justifie la

délégation que l’Etat leur fait d’une parcelle de l’autorité

publique.

Vous le savez, Monsieur le Premier Ministre, cet arrêt

interpelle logiquement les notaires. Ils seront heureux

d’entendre l’interprétation que vous en faites.

L’authenticité est au cœur du système de droit continental. Et

la France en est le berceau.

L’Etat français attend il des institutions européennes qu’elles

lui dictent à qui il entend déléguer une parcelle de son

autorité ?

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3ème partie

Et maintenant ? Serais-je tenter de dire.

Les notaires ont trop connu d’évènements au travers des

décennies pour s’émouvoir des péripéties de l’histoire dès lors,

et c’est une condition majeure, qu’ils agissent avec le soutien

de celui qui les nomme.

Les questions sont simples.

L’Etat ressent-il le besoin de notaires pour délivrer la

confiance liée au sceau de l’Etat dans les actes fondateurs en

droit de la famille, comme dans ceux portant transfert de droits

réels ou constitution de sûretés ?

Entend-il répondre à l’attente des entreprises de disposer de

services notariés innovants conformes aux standards

internationaux ?

Veut-il par un maillage du territoire plus serré que bien

d’autres services publics que les citoyens disposent d’un

service juridique de proximité basé sur la recherche constante

de l’équilibre entre la volonté des parties ?

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Cependant, en attendant les réponses de l’Etat, mes chers

confrères, pour justifier nos attentes, il convient sans relâche

de démontrer notre capacité d’adaptation comme notre

loyauté sans faille.

En l’espèce, le président du conseil supérieur ne manque pas

de preuves de la bonne volonté des notaires et de leur alliance

forte avec les services de l’Etat, notamment en matière de lutte

contre le blanchiment où la contribution notariale en dépit des

risques que les déclarations de soupçon génèrent, a été saluée

par Tracfin.

Il conviendrait peut être d’ailleurs que ces signalements

transitent par une structure spécifique du conseil supérieur afin

de créer une distance de précaution opportune.

Dans le domaine des nouvelles technologies qui participe à la

modernisation de l’Etat, la profession continue de faire la

course en tête, mais il importe de ne pas relâcher nos efforts

pour maintenir notre avance.

A commencer par télé@ctes où il nous faut parachever

l’œuvre entreprise. Le CSN ira à la rencontre des rares offices

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en difficulté pour une mise à niveau indispensable. Le

déploiement de la Version 4 va nous permettre d’arriver à un

potentiel de 75% des actes télé-publiés.

De manière plus générale, la dématérialisation des échanges

entre les offices et les collectivités publiques devra passer du

stade des tests à la réalisation effective qu’il s’agisse de l’état

civil ou des déclarations d’intention d’aliéner ; comme nous

devons la promouvoir dans nos relations avec les SAFER ou

dans le contrôle des comptes de tutelle.

Mais le grand défi qui nous attend, mes chers confrères, tient

au déploiement de l’acte authentique électronique. 20 offices

pilotes bientôt suivis de 300 permettront au premier janvier

prochain une ouverture à tous. Nos clients attendent ce service

nouveau qui trouvera dans la visioconférence son exploitation

maximale en abolissant les distances.

La formation est un autre vecteur d’amélioration de la

performance des offices. L’obligation de l’actualisation des

compétences inscrite de longue date dans notre règlement

national mais récemment consacrée par la loi ajoutera à cette

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volonté Il reviendra au CSN de déterminer les participations

qui concourront au quota de 30 heures qu’un prochain décret

définira. Il va de soi, pour moi, que suivre les travaux des

commissions de nos congrès doit être reconnu.

Cet engagement collectif et individuel se traduit aussi dans

l’adhésion à la qualité qui ne cesse de se développer si j’en

crois la hausse continue des effectifs du club des certifiés qui

s’enrichit désormais en nombre significatif de la présence des

instances. Investissez dans la qualité : le prix s’oublie, la

qualité reste.

Mais nous entendons aller plus loin par la mise en œuvre du

projet des notaires de France- horizon 2020 dont les

premières réalisations relayées par les groupes pilotes en

région sont désormais à disposition des offices.

Nous présenterons d’autres pistes tels le projet d’entreprise ou

encore le questionnaire sur les besoins des offices dans le

domaine du droit international privé à l’heure où la

chancellerie rédige le décret d’application relatif à l’assistance

des consuls dans leurs missions notariales.

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Ce vaste mouvement, sans pareil dans les annales de la

profession, est une preuve de dynamisme. Comme l’est aussi

l’élection de notre confrère Jean Paul Decorps à la tête de

l’UINL.

L’union internationale du notariat réunit désormais 81 pays

après les adhésions de la Tunisie, la Corée du Sud, la Bosnie-

Herzégovine, et la Mauritanie. D’autres pays demandent à leur

tour leur admission : la Mongolie, l’Ukraine et même l’Etat de

Victoria en Australie, pays pourtant de common law.

Permettez-moi en cet instant de saluer les 35 délégations

étrangères qui nous font l’honneur de leur présence à ce

congrès. Je vous invite à l’exposition organisée dans ce palais

des festivals pour les dix ans du centre de Shanghai qui a tant

fait pour la promotion du notariat en Chine. Et ce n’est pas le

seul pays où l’authenticité gagne du terrain, Monsieur le

Premier Ministre, je ne prétends pas être un spécialiste de

l’import/export, mais je constate qu’il y a un produit français

qui conquiert chaque année des marchés, qui a été adopté par

la Chine comme par la Russie, et qui répond aux besoins des

deux tiers de la population mondiale.

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Ce produit d’excellence a un beau nom : AUTHENTICITE !

Aidez nous à le promouvoir !

Par ailleurs l’opération titrement qui vise à aider les Etats et

les notariats à délivrer des titres sécurisés et simplifiés aux

propriétaires de parcelle dans les pays en développement

suscite un intérêt exceptionnel.

Ces opérations démontrent s’il en était besoin le lien étroit qui

arrime la croissance économique à la sécurité juridique.

Cette activité internationale intense ne nous fait pas oublier

que notre pays va connaître dans moins d’un an des échéances

majeures.

Notre fonction nous met dans l’intimité des familles et des

entreprises auprès desquelles nous exerçons le noble métier

d’instituteur de la loi.

Mais elle nous transforme aussi en sentinelles de la société

française.

Il nous revient de porter à la connaissance de ceux qui, demain

brigueront la magistrature suprême, des propositions concrètes

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directement issues du terrain pour qu’ils les fassent leurs si

tant est qu’elles correspondent à leur vision.

Je ne doute pas que vous saurez intéresser votre candidat à nos

propositions.

Un recueil de vingt suggestions souvent issues de nos congrès

sera bientôt édité et je le porterais à ceux qui font acte de

candidature ou à leurs équipes.

Je ne peux les dévoiler toutes mais elles évoquent par exemple

la créance d’assistance pour prendre en considération le

dévouement des enfants pour leurs parents âgés,

l’aménagement qui pourrait être fait à la réserve pour faciliter

les transmissions aux enfants d’un premier lit en évitant le

recours trop contraignant de l’adoption, la création d’un

véritable code de l’eau ou la réforme des plus values

professionnelles.

Les notaires entendent par cette contribution au débat national

faire valoir qu’ils sont par nature des relais entre les pouvoirs

publics et les français.

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J’en viens à la fin de ce voyage dans l’histoire récente, dans

l’actualité et dans notre avenir proche. Puisse-t-il, Monsieur le

Premier Ministre vous avoir convaincu de notre engagement à

remplir notre mission au mieux des intérêts de l’Etat et du

citoyen.

J’ai mis dans mon propos plus de passion qu’il n’aurait

convenu à un instant aussi solennel, en espérant que vous

mettrez cette fougue au compte de la sincérité des convictions

d’un nouveau président.

Croyez que ces convictions sont partagées par tous les notaires

qui entendent porter haut les couleurs de l’authenticité, du

droit continental et celles de l’intérêt général.

Monsieur le Premier Ministre à l’instant de vous céder la

parole, je m’aperçois que le fils de notaire à cette tribune n’est

pas celui que l’on croit, ce qui renforce ma certitude que vous

aurez compris dans mes propos notre fierté d’être notaire en

France, surement et pour longtemps.