504
UNIVERSITÉ NANCY 2 U.F.R. SCIENCES DU LANGAGE ÉCOLE DOCTORALE « LANGAGE, TEMPS, SOCIÉTÉ » ATILF Ŕ CNRS Thèse présentée et soutenue en vue de l‟obtention du Doctorat en Sciences du Langage Par Magali HUSIANYCIA CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES SITUATIONS DE TRAVAIL Volume I Sous la direction de Monsieur le Professeur Richard DUDA Et sous la co-direction de Madame Emmanuelle CANUT Soutenue le 2 décembre 2011 JURY Monsieur Jean-Michel ADAM, Université de Lausanne, rapporteur Monsieur Robert BOUCHARD, Université de Lyon 2, Monsieur Richard DUDA, Université de Nancy 2 Madame Jeanne-Marie DEBAISIEUX, Université Paris 3, rapporteure Madame Virginie ANDRÉ, Université de Nancy 2

CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

UNIVERSITÉ NANCY 2

U.F.R. SCIENCES DU LANGAGE

ÉCOLE DOCTORALE « LANGAGE, TEMPS, SOCIÉTÉ »

ATILF Ŕ CNRS

Thèse présentée et soutenue en vue de l‟obtention du

Doctorat en Sciences du Langage

Par

Magali HUSIANYCIA

CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS

DANS DES SITUATIONS DE TRAVAIL

Volume I

Sous la direction de

Monsieur le Professeur Richard DUDA

Et sous la co-direction de

Madame Emmanuelle CANUT

Soutenue le 2 décembre 2011

JURY

Monsieur Jean-Michel ADAM, Université de Lausanne, rapporteur

Monsieur Robert BOUCHARD, Université de Lyon 2,

Monsieur Richard DUDA, Université de Nancy 2

Madame Jeanne-Marie DEBAISIEUX, Université Paris 3, rapporteure

Madame Virginie ANDRÉ, Université de Nancy 2

Page 2: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …
Page 3: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

UNIVERSITÉ NANCY 2

U.F.R. SCIENCES DU LANGAGE

ÉCOLE DOCTORALE « LANGAGE, TEMPS, SOCIÉTÉ »

ATILF Ŕ CNRS

Thèse présentée et soutenue en vue de l‟obtention du

Doctorat en Sciences du Langage

Par

Magali HUSIANYCIA

CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS

DANS DES SITUATIONS DE TRAVAIL

Volume I

Sous la direction de

Monsieur le Professeur Richard DUDA

Et sous la co-direction de

Madame Emmanuelle CANUT

Soutenue le 2 décembre 2011

JURY

Monsieur Jean-Michel ADAM, Université de Lausanne, rapporteur

Monsieur Robert BOUCHARD, Université de Lyon 2,

Monsieur Richard DUDA, Université de Nancy 2

Madame Jeanne-Marie DEBAISIEUX, Université Paris 3, rapporteure

Madame Virginie ANDRÉ, Université de Nancy 2

Page 4: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …
Page 5: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

Remerciements

Je voudrais exprimer toute ma reconnaissance et ma profonde gratitude à tous ceux qui

m‟ont accompagnée, soutenue et conseillée tout au long de ces années. Je remercie

particulièrement

Monsieur le Professeur Richard Duda, mon Directeur de thèse, pour la confiance qu‟il m‟a

accordée et sa disponibilité,

Emmanuelle Canut, ma co-directrice, et Virginie André sans qui ce travail n‟aurait pu naître

et aboutir. Je les remercie pour leurs relectures attentives de mes manuscrits, leurs

critiques constructives, leurs conseils, leur patience et leur dynamisme,

Madame la Professeure Jeanne-Marie Debaisieux pour m‟avoir consacré du temps et guidée

dans mes analyses en me proposant des pistes intéressantes,

Monsieur Angelo Koudou pour son aide déterminante dans mes analyses quantitatives,

Aux Maîtres de Conférences et Professeurs qui ont accepté d‟être membres du jury :

Virginie André, Jeanne-Marie Debaisieux, Robert Bouchard et Jean-Michel Adam,

Les membres du laboratoire de l‟ATILF pour leur accueil chaleureux, et notamment le

Directeur Jean-Marie Pierrel pour m‟avoir offert les meilleures conditions de travail

possibles pour mon étude,

L‟ensemble du personnel de la biblothèque de l‟ATILF pour leur efficacité et les facilités

d‟accés aux prêts d‟ouvrages qui m‟ont été offertes et qui m‟ont procuré une grande

aisance dans mon travail,

Laurent Gobert pour son aide précieuse en informatique,

Les membres de l‟équipe de recherche LTF du CRAPEL pour m‟avoir accueillie au sein de

leur équipe,

Les membres de la Chambre des Commerces et d‟Industrie, des organismes de formations, de

l‟entreprise de transport et du Groupe immobilier Social, que je ne peux citer pour des

raisons de confidentialité, qui m‟ont permis d‟entreprendre cette recherche,

Mes amis pour leurs encouragements,

Stéphanie Miech, Youma Sow et Monsieur Etienne Gehin pour leurs minutieuses relectures,

Je souhaite enfin remercier ma famille, en particulier ma mère, Richard, ma sœur et mes

grands-parents, pour leur soutien indéfectible et leurs encouragements quotidiens.

Page 6: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

Table des matières

TABLE DES MATIÈRES ..................................................................................................................... 6

INTRODUCTION GÉNÉRALE ......................................................................................................... 13

PARTIE 1 : CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE POUR LA

CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES SITUATIONS DE

TRAVAIL ............................................................................................................................................. 17

CHAPITRE 1 : « Genre » ou « type » de discours ? Une dimension à explorer pour

l’étude du langage dans des situations de travail .............................................................................. 19

1.1. Un panorama historique de la notion de « genre » : de l‟Antiquité au XXè siècle ................. 19

1.1.1. La rhétorique et poétique des « genres » : la période de l‟Antiquité .............................. 19

1.1.2. La question des « genres » du Moyen-Âge à nos jours .................................................. 22

1.1.3. De l‟approche littéraire des « genres » au XXè siècle .................................................... 26

1.2. L‟apport de la linguistique à la caractérisation des genres et types de textes ......................... 27

1.2.1. L‟opposition « texte » et « discours » ............................................................................ 28

1.2.2. Vers une typologie textuelle ........................................................................................... 30

1.3. La caractérisation des textes et discours dans une approche socio-discursive ....................... 34

1.4. Les approches ethno-sociologiques : production des discours et situation

d‟énonciation .......................................................................................................................... 38

1.5. Les apports des études sur l‟oral pour l‟étude des discours ................................................... 40

1.6. La caractérisation de genres et de types de discours dans des recherches sur le

langage au travail : genre(s) ou type(s) de discours ? ............................................................. 48

CHAPITRE 2 : Langage et travail ..................................................................................................... 53

2.1 La place du langage au travail depuis le XVIIè siècle ............................................................ 53

2.2 La reconsidération du « facteur humain » et du langage dès le XIXè siècle .......................... 60

2.2.1. L‟entrée du management dans l‟entreprise ..................................................................... 61

2.2.2. La prise en compte du « facteur humain »...................................................................... 62

2.2.3. Le langage formaté des centres d‟appels ........................................................................ 63

2.3 Analyses de pratiques langagières en situation de travail ...................................................... 66

2.4 La caractérisation du langage dans l‟activité de travail .......................................................... 70

2.4.1 Le langage dans les activités de travail : les analyses de sociologues et

d‟ergonomes ...................................................................................................................... 71

2.4.2 Paroles « sur », « comme » et « dans » le travail ............................................................... 73

2.4.3 L‟approche praxéologique des discours ............................................................................. 75

2.4.4 Synthèse de la caractérisation du langage dans l‟activité de travail ................................... 76

Page 7: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

2.5 Langage et activité de travail .................................................................................................. 77

2.5.1 Les actions dans les activités discursives : découpage hiérarchique des

interactions ......................................................................................................................... 78

2.5.2 Eclaircissement terminologique ......................................................................................... 81

2.5.2.1 « Activités », « tâches » et « actions » ....................................................................... 82

2.5.2.2 Quelles terminologies pour nommer les individus dans les activités ? ...................... 83

2.5.3 Les types d‟action : « action individuelle » et « action à plusieurs » ................................. 84

CHAPITRE 3 : Méthodologie de constitution de corpus et de sous-corpus et

méthodologie d’analyse pour la caractérisation de types de discours dans des situations

de travail ................................................................................................................................................ 87

3.1 Méthodologie de recueil de données et de constitution du corpus ......................................... 87

3.1.1 Une méthodologie appuyée sur la linguistique de corpus .................................................. 87

3.1.2 Le développement des études sur des corpus : quelques travaux marquants ..................... 91

3.1.3 Constitution des données pour étudier les types de discours .............................................. 95

3.1.4 L‟influence des sociologies interactionnistes pour la prise en compte du contexte

pour le recueil et l‟analyse des données ............................................................................. 98

3.1.4.1 L‟influence de l‟interactionnisme d‟E. Goffman ....................................................... 98

3.1.4.2 L‟influence de la sociolinguistique variationniste .................................................... 101

3.1.4.3 Positionnement du chercheur sur le terrain .............................................................. 102

3.1.5 Description des terrains de recherche ............................................................................... 104

3.1.6 La constitution de deux sous-corpus ................................................................................ 113

3.1.6.1 Un premier sous-corpus pour réaliser une analyse qualitative ................................. 113

3.1.6.2 Un deuxième sous-corpus pour réaliser une analyse quantitative ............................ 115

3.1.7 Les choix pour la transcription de données orales ............................................................ 117

3.1.7.1 Quelle transcription et quelles conventions de transcription ? ................................. 119

3.1.7.2 Les conventions de transcriptions ............................................................................ 123

3.1.7.3 La place des activités de travail et des tâches dans la transcription ......................... 131

3.2 Méthodologie d‟analyse : le déroulement séquentiel des discours pour la

caractérisation de types de séquence et de types linguistiques ............................................. 134

3.2.1. La séquence : une unité d‟analyse interrogée ............................................................... 135

3.2.2. La délimitation des séquences ...................................................................................... 140

3.2.3. Critères de classification chez J.-M. Adam et J.-P. Bronckart ..................................... 145

3.2.4. Méthodologie envisagée pour déterminer des types de discours.................................. 148

3.3 Méthodologie pour l‟analyse quantitative : calcul des occurrences et des

prévalences ............................................................................................................................ 150

PARTIE 2 : ÉTUDE DES CRITÈRES CARACTÉRISANT DES SÉQUENCES ET

DES TYPES LINGUISTIQUES POUR LA RECHERCHE DE TYPES DE DISCOURS

DANS DES SITUATIONS DE TRAVAIL ....................................................................................... 155

CHAPITRE 4 : ................................................................................................................................... 157

Les critères identifiant des types de séquence et des types linguistiques pour la

caractérisation de types de discours dans des situations de travail ............................................... 157

4.1 Présentation des différents types de séquence et des types linguistiques ............................. 157

4.2 Le type linguistique « langage expositif » : séquences et critères ........................................ 162

4.2.1. La séquence encadrante ................................................................................................ 162

4.2.2. La séquence descriptive ................................................................................................ 170

4.2.2.1 Critère principal de la séquence descriptive : les phases .......................................... 170

Page 8: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

a. Analyse qualitative des phases ..................................................................................... 171

b. Analyse quantitative des phases ................................................................................... 174

4.2.2.2 Les critères secondaires de la séquence descriptive : les critères

linguistiques .............................................................................................................. 176

4.2.2.2.1. Premier critère linguistique : les nominalisations ............................................... 176

a. Analyse qualitative des nominalisations .................................................................. 176

b. Analyse quantitative des nominalisations ................................................................ 180

c. Conclusion des analyses des nominalisations .......................................................... 185

4.2.2.2.2. Deuxième critère linguistique : les « énoncés-titres » et les « formes bi-

nominales » ........................................................................................................... 187

a. Analyse qualitative des « énoncés-titres » et des « formes bi-nominales » .............. 187

b. Analyse quantitative des « énoncés-titres » et des « formes bi-nominales » ............ 191

c. Conclusion des analyses des énoncés-titres et des formes bi-nominales ................. 203

4.2.2.2.3. Troisième critère linguistique : les marqueurs de structuration et

organisateurs énumératifs ..................................................................................... 206

a. Analyse qualitative des marqueurs de structuration et des organisateurs

énumératifs ............................................................................................................... 206

b. Analyse quantitative des marqueurs de structuration et des organisateurs

énumératifs ............................................................................................................... 212

c. Conclusion de l‟analyse des marqueurs de structuration et des organisateurs

énumératifs ............................................................................................................... 220

4.2.2.2.4. Quatrième critère linguistique : l‟emploi du pronom-sujet « nous » .................. 222

a. Analyse qualitative du pronom-sujet « nous » ......................................................... 222

b. Analyse quantitative du pronom-sujet « nous » ....................................................... 224

c. Conclusion des analyses portant sur le pronom-sujet « nous » ................................ 226

4.2.2.2.5. Cinquième critère linguistique : l‟emploi des adverbes de cadre ....................... 227

a. Analyse qualitative des adverbes de cadre ............................................................... 227

b. Analyse quantitative des adverbes de cadre ............................................................. 229

c. Conclusion des analyses portant sur les adverbes de cadre ...................................... 232

4.2.2.2.6. Sixième critère linguistique : les postures anticipatoires .................................... 233

a. Analyse qualitative des postures anticipatoires ........................................................ 234

b. Analyse quantitative des postures anticipatoires ...................................................... 237

c. Conclusion des analyses portant sur les postures anticipatoires ............................... 240

4.2.2.2.7. Septième critère linguistique : les rappels informatifs et les reprises de

propos……….. ...................................................................................................... 241

a. Analyse qualitative des rappels informatifs et des reprises de propos ..................... 242

b. Analyse quantitative des rappels informatifs et les reprises de propos .................... 244

4.2.2.3 Analyses de deux séquences descriptives ................................................................. 244

4.2.2.3.1. Première analyse : séquence n° 4 du CoDir 1 à la CCI ...................................... 244

4.2.2.3.2. Seconde analyse : séquence n° 1 de la réunion interne 2 de la CCI ................... 251

4.2.3. La séquence prescriptive .............................................................................................. 259

4.2.3.1. Les critères linguistiques de la séquence prescriptive .............................................. 260

4.2.3.1.1. Premier critère linguistique : l‟emploi de « hein » ............................................. 261

a. Analyse qualitative de « hein » ................................................................................ 261

b. Analyse quantitative de « hein » .............................................................................. 262

c. Conclusion des analyses du marqueur « hein » ........................................................ 270

4.2.3.1.2. Deuxième critère linguistique : l‟emploi de « falloir » ....................................... 272

a. Analyse qualitative du verbe « falloir » ................................................................... 272

b. Analyse quantitative des emplois du verbe « falloir » .............................................. 275

c. Conclusion des analyses des emplois du verbe « falloir » ....................................... 282

4.2.3.1.3. Troisième critère linguistique : l‟emploi de l‟impératif ...................................... 284

a. Analyse qualitative des emplois de l‟impératif ........................................................ 284

b. Analyse quantitative des emplois de l‟impératif dans le deuxième sous-

corpus ....................................................................................................................... 286

c. Conclusion des analyses des emplois de l‟impératif ................................................ 293

Page 9: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

4.2.3.1.4. Quatrième critère : les énoncés à valeur injonctive ............................................ 295

a. Analyse qualitative des énoncés à valeur injonctive ................................................ 295

b. Analyse quantitative des énoncés à valeur injonctive .............................................. 297

c. Conclusion des analyses des énoncés à valeur injonctive ........................................ 301

4.2.3.2. Analyse de deux séquences prescriptives ................................................................. 302

4.2.3.2.1. Analyse de la séquence n° 16 du CoDir 1, CCI .................................................. 303

4.2.3.2.2. Analyse de la séquence n° 27 du CoDir 1, CCI .................................................. 305

4.2.4. Le « langage expositif » : synthèse des types de séquence et de leurs

caractéristiques linguistiques ........................................................................................... 306

4.3 Le type linguistique « langage de co-action » : séquences et critères .................................. 308

4.3.1. Première caractéristique : la négociation ...................................................................... 308

4.3.2. Deuxième caractéristique : l‟ « énonciation conjointe » .............................................. 318

a. Analyse qualitative de l‟énonciation conjointe ................................................................ 319

b. Analyse quantitative des énonciations conjointes ............................................................ 322

c. Conclusion des analyses quantitatives des énonciations conjointes ................................. 326

4.3.3. Le type linguistique « langage de co-action » : synthèse des types de séquence

et de leurs caractéristiques linguistiques .......................................................................... 327

4.3.3.1. La séquence opérative et ses critères ...................................................................... 327

4.3.3.1.1. L‟organisation en phases de certaines séquences opératives .............................. 329

a. Analyse qualitative de l‟organisation des séquences opératives en phases .............. 329

b. Analyse quantitative de l‟organisation des séquences opératives en phases ............ 331

4.3.3.1.2. Les phases métalinguistiques dans les séquences opératives ............................. 332

a. Analyse qualitative des phases métalinguistiques .................................................... 332

b. Analyse quantitative des phases métalinguistiques .................................................. 336

4.3.3.1.3. Les critères linguistiques caractérisant les séquences opératives ....................... 339

4.3.3.1.3.1. Premier critère : la négociation du rôle de scripteur .................................... 339

4.3.3.1.3.2. Deuxième critère : emploi d‟un langage opératif ......................................... 342

4.3.3.1.3.3. Troisième critère : l‟emploi du conditionnel et d‟autres formes

d‟atténuation ................................................................................................ 344

a. Analyse qualitative du conditionnel et les formes d‟atténuation ........................... 345

b. Analyse quantitative des formes d‟atténuation ...................................................... 348

c. Conclusion des analyses quantitatives des formes d‟atténuation ........................... 356

4.3.3.1.3.4. Quatrième critère linguistique : présence de la deixis ................................. 357

a. Analyse qualitative des déictiques ......................................................................... 357

b. Analyse quantitative des déictiques dans le deuxième sous-corpus ...................... 360

c. Conclusion des analyses quantitatives présentant les déictiques ........................... 365

4.3.3.1.3.5. Cinquième critère linguistique : omniprésence des écrits

professionnels et leur influence sur les discours ......................................... 365

a. L‟usage des écrits professionnels dans le langage au travail ................................. 366

b. Analyse quantitative portant sur l‟usage d‟écrits professionnels ........................... 374

c. Conclusion des analyses quantitatives portant sur l‟usage d‟écrits

professionnels ........................................................................................................ 378

4.3.3.1.3.6. Un critère transversal : le fort degré d‟interactivité ..................................... 379

a. Analyse qualitative du degré d‟interactivité .......................................................... 379

b. Analyse quantitative du degré d‟interactivité ........................................................ 381

4.3.3.2.2. La séquence explicative .......................................................................................... 383

4.3.3.2.1. Critère principal de la séquence explicative : les phases .................................... 383

4.3.3.2.2. Analyses de séquences complètes ...................................................................... 393

4.3.3.2.2.1. Première analyse : séquence n° 11 issue de la séance de travail,

organisme de formation (OF) ...................................................................... 393

4.3.3.2.2.2. Seconde analyse : séquence n° 13 issue de la séance de travail de

l‟organisme de formation (OF) ................................................................... 399

4.3.3.2.2.3. Troisième analyse : séquence n° 10 issue de la réunion interne 2 de

la CCI……………… .................................................................................. 403

Page 10: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

4.3.4. Synthèse des critères du type linguistique « langage de co-action » ............................ 420

4.4 Le type linguistique « langage péri-professionnel » : séquences et critères ......................... 422

4.4.1. Détermination de critères linguistiques dans les séquences ......................................... 422

4.4.1.1 La séquence d‟échanges interstitiels ........................................................................ 423

4.4.1.2 La séquence de conversation informelle .................................................................. 423

4.4.1.2.1 Premier critère : les phases narratives ................................................................. 425

4.4.1.2.2 Deuxième critère : la rupture humoristique ......................................................... 427

a. L‟analyse qualitative portant sur la rupture humoristique ........................................ 428

b. Analyse quantitative de la rupture humoristique ...................................................... 430

c. Synthèse sur les ruptures humoristiques ................................................................... 435

4.4.2. Analyse de séquences complètes .................................................................................. 435

4.4.2.1 Première analyse : séquence n° 5 issue de la réunion interne 2, CCI ....................... 436

4.4.2.2 Seconde analyse : séquence n° 5 des interactions langagières dans l‟open

space du service des Ressources Humaines au sein de l‟entreprise de

transport .................................................................................................................... 437

4.4.2.3 Troisième analyse : séquence n° 6 extraite du CoDir 2 de la CCI ........................... 440

4.4.3. Le type linguistique « langage péri-professionnel » : synthèse sur les types de

séquence et de leurs caractéristiques linguistiques .......................................................... 441

CHAPITRE 5 : La détermination des types de discours dans des situations de travail à

partir de la dominance des types de séquence et des types linguistiques ...................................... 443

5.1. Synthèse des types de séquence et des types linguistiques déterminés dans notre

corpus .................................................................................................................................... 443

5.2. Caractérisation des types de discours dans les activités langagières au travail à

partir des types de séquence et des types linguistiques dominants ....................................... 445

5.2.1. Types de séquence et des types linguistiques dominants dans les comités

direction (CoDir) ........................................................................................................... 445

5.2.1.1. Types de séquence et types linguistiques dominants dans le CoDir 1 de la

CCI ............................................................................................................................ 446

5.2.1.2. Types de séquence et types linguistiques dominants dans le CoDir 2 de

l‟entreprise de transport ............................................................................................ 447

5.2.1.3. Types de séquence et types linguistiques dominants dans le CoDir 2 du

Groupe Social Immobilier (GIS) ............................................................................... 449

5.2.2. Types de séquence et types linguistiques dominants dans les réunions internes

(ou « groupe », « séances » de travail) .......................................................................... 450

5.2.2.1. Types de séquence et types linguistiques dominants dans la réunion interne

1 au sein de la CCI .................................................................................................... 451

5.2.2.2. Types de séquence et types linguistiques dominants dans la séance de

travail de l‟organisme de formation .......................................................................... 452

5.2.2.3. Types de séquence et types linguistiques dominants dans la réunion des

responsables formateurs de l‟organisme de formation .............................................. 454

5.2.2.4. Types de séquence et types linguistiques dominants dans la première partie

de réunion de groupement 2 au sein de l‟organisme de formation ........................... 456

5.2.2.5. Types de séquence et types linguistiques dominants dans les interactions

dans l‟open space d‟un service des Ressources Humaines de l‟entreprise de

transport .................................................................................................................... 457

5.2.3. Types de séquence et types linguistiques dominants dans les échanges avant

ou après les réunions de travail et lors des pauses ........................................................ 459

5.2.3.1. Types de séquence et types linguistiques dominants dans la pause du CoDir

1 de la CCI ................................................................................................................ 459

Page 11: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

5.2.3.2. Types de séquence et types linguistiques dominants dans les échanges avant

une réunion de l‟organisme de formation ................................................................. 460

5.3. Les types d‟action caractérisant les types de discours .......................................................... 462

5.4. Notre typologie des discours en situation de travail ............................................................. 465

CONCLUSION ................................................................................................................................... 469

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................. 471

INDEX DES AUTEURS .................................................................................................................... 490

LISTE DES TABLEAUX .................................................................................................................. 493

LISTE DES FIGURES ....................................................................................................................... 501

LISTE DES SCHÉMAS ..................................................................................................................... 502

LISTES DES GRAPHIQUES ........................................................................................................... 503

Page 12: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …
Page 13: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

13

Introduction générale

Nous passons une partie de notre temps sur notre lieu de travail, mais aussi dans

diverses administrations, organisations ou agences de services. Pour diverses raisons, nous

nous rendons au quotidien de l‟agence immobilière aux services d‟aides sociales, du service

des impôts à la Mairie, de la crèche et/ou l‟école des enfants au secrétariat de telle ou telle

administration, etc. Et nous constatons dans chaque organisation des façons différentes de dire

ou d‟écrire, dont certaines ne sont pas toujours compréhensibles. C‟est au départ ce constat

qui nous a interpellée et qui a suscité notre intérêt pour le langage produit dans le cadre

professionnel. Nous avons également été sensible, dès le début de notre intérêt pour la

linguistique, à la place du langage au travail, une place qui a considérablement évolué au

travers des siècles : tantôt interdit dans les usines tayloriennes, tantôt au cœur même d‟un

certain nombre de métiers comme ceux liés aux métiers des télécommunications, le langage

au travail n‟a pas toujours été reconnu ou valorisé. Il suscite aujourd‟hui de plus en plus

l‟intérêt des chercheurs qui tentent de le décrire et de le caractériser ou d‟étudier sa place dans

les activités.

Dans une première étude (2005), nous nous étions interrogée sur la construction du

langage dans des réunions de travail d‟une entreprise de transport. Nous avions observé que le

statut du locuteur influençait la prise de parole, le développement des thèmes, ainsi que

l‟espace discursif. Cette étude nous a amenée à confirmer l‟existence d‟une relation entre les

formes linguistiques, les pratiques langagières et la hiérarchisation sociale des locuteurs dans

l‟entreprise. Cette analyse nous avait conduite à nous interroger sur les notions de « genres »

et de « types » de discours au travail. Nous avions décidé d‟élargir notre corpus de langage au

travail avec d‟autres situations de discours et de rechercher l‟existence de « genres » ou de

« types » de discours pour déterminer plus précisément les différences perçues et pour

caractériser linguistiquement ces discours. Nous partons de l‟idée que, dans chaque

organisation, qu‟elle soit publique ou privée, nous rencontrons différents types de

communication et de discours face auxquels nous devons nous adapter, tant au niveau de la

gestuelle qu‟au niveau linguistique. Chaque discours a son faisceau de normes, son

vocabulaire, son registre de langue (familier, courant, soutenu, technique), une situation

précise, des interlocuteurs changeants, etc. Le discours se caractériserait alors par des choix

énonciatifs et linguistiques. Quels sont les traits linguistiques (lexical, syntaxique,

Page 14: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

14

sémantique, pragmatique) caractéristiques des discours et quels traits permettent de mesurer

les proximités et les distances entre les discours ? Est-ce qu‟un discours peut appartenir

entièrement à un « genre » ou un « type » ou comporte-t-il des parties relevant chacune

d‟autres « genres » ou d‟autres « types » ? La recherche que nous avons entreprise tente

d‟examiner les traits linguistiques et extralinguistiques caractéristiques déterminant des

différences et des similitudes entre les discours et constituer des ensembles de discours.

Nous formulons l‟hypothèse que dans les discours en situation de travail il existe des

« types » de discours qui sont caractérisés par différents critères internes (linguistiques) et

externes (extralinguistiques), comme par exemple des éléments de construction d‟une tâche

particulière qu‟il nous appartient de mettre en lumière.

Afin de proposer une typologie de ces différents types de discours en situation de

travail, nous avons constitué un corpus d‟activités langagières au sein de quatre

organisations : une entreprise de transport, une Chambre de Commerce et d‟Industrie (CCI),

un organisme de formation et un groupe immobilier social dans lesquels nous avons

enregistré des réunions de direction (comités de direction, conseils d‟administrations, revues

de projet, etc.), des réunions avec des organisations extérieures (des « réunions de

négociation » avec des entreprises et des organismes de formations, des réunions avec des

sociétés pour la mise en place de contrats de location de voiture et de photocopieurs), des

interactions dans l‟open space d‟un service des ressources humaines, des « séances de

travail », des « réunions internes », des conversations informelles, etc. 41 enregistrements ont

été effectués avec 88 locuteurs, présentant ainsi un corpus de 74h51.

Cette recherche, au carrefour de différentes disciplines, implique de prendre en compte

non seulement les pratiques langagières, mais aussi les actions et l‟ensemble des données

situationnelles, ce que l‟analyse de discours seule ne peut faire. Nous nous sommes donc

orientée vers une approche s‟intéressant à la fois aux sciences du langage et aux sciences du

travail et de l‟action. La confrontation des cadres actionnels nous permet d‟identifier les types

d‟activités de travail et les différentes tâches et ouvre la voie à une typologie fondée non

seulement sur des critères linguistiques, mais aussi fondée sur la collaboration et le degré

d‟engagement dans le travail. Cette recherche interdisciplinaire implique également de

déterminer une méthode de recueil et d‟analyse permettant de caractériser des types de

discours généraux et spécifiques, ce que seule une analyse conversationnelle ne peut offrir.

Page 15: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

15

La première partie de cette recherche présentera les appuis théoriques et

méthodologiques pour l‟analyse et la caractérisation des types de discours dans différentes

situations de travail. Notre étude se nourrit de concepts et de théories issus de diverses

disciplines, telles que la littérature et la linguistique pour analyser les notions de « genre » et

de « type », ou encore de la sociologie et de l‟ergonomie pour étudier la place du langage au

travail. Cette étude prend aussi en compte les travaux dans le champ de la sociolinguistique et

de l‟oral pour le recueil et l‟analyse des données. Le premier chapitre présentera les études

ayant proposé des classifications de textes selon des « genres ». À l‟issue de ce panorama,

nous adopterons un positionnement terminologique sur les notions de « genre » et de « type »

de discours pour l‟étude spécifique du langage au travail. Le second chapitre sera consacré à

l‟évolution des usages linguistiques dans le cadre de l‟activité de travail et à la place du

langage au travail depuis le XVIIè siècle. Nous présenterons également les travaux majeurs

ayant mis en lumière des liens entre le langage et l‟activité de travail. Le troisième chapitre

se focalisera sur le receuil et la constitution de corpus : nous décrirons nos terrains de

recherche et nous présenterons notre méthode d‟analyse des discours en situation de travail

fondée sur les concepts de « séquence » et de « type linguistique ».

La seconde partie de la recherche sera consacrée à l‟analyse des types de séquence et

des types linguistiques dans les discours que l‟observation de notre corpus a mis en lumière

pour la recherche de types de discours. Nous ferons une analyse qualitative et quantitative des

critères caractérisant ces types de séquence et ces types linguistiques. Le premier chapitre

détaillera les sept types de séquence, regroupés en trois types linguistiques (langage expositif,

langage de co-action et langage péri-professionnel), et leurs critères. Dans le second chapitre,

nous déterminerons, à partir des types de séquence et des types linguistiques dominants, les

types de discours se manifestant dans notre corpus afin de dresser une typologie des discours

produits au travail.

Page 16: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

16

Page 17: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

17

PARTIE 1 :

CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE POUR LA

CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES

SITUATIONS DE TRAVAIL

Page 18: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

18

Page 19: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

19

CHAPITRE 1 :

« Genre » ou « type » de discours ? Une dimension à explorer pour l’étude du

langage dans des situations de travail

Afin de mener au mieux notre étude des types de discours dans des situations de

travail, il nous a semblé indispensable d‟exposer l‟origine et l‟histoire de la notion de

« genre ». Nous remonterons aux systèmes de classification depuis les origines gréco-latines

jusqu‟à nos jours. Ce panorama nous permettra d‟avoir une connaissance de la distinction

entre « type » et « genre », mais aussi entre « texte » et « discours », nécessaire pour notre

travail de catégorisation des discours en situation de travail.

1.1. Un panorama historique de la notion de « genre » : de l’Antiquité au

XXè siècle

Les multiples études menées depuis l‟Antiquité montrent que le « genre » est un

concept ancien issu des théories dans les domaines de la rhétorique, de la poétique et de la

littérature s‟intéressant aussi bien aux textes écrits qu‟à l‟oral. Leur objectif est de délimiter

les textes et de tenter de les étiqueter. Les systèmes de classement se bornent à la triade

judiciaire, délibératif et démonstratif pour la rhétorique, lyrique, épique, satirique et

didactique pour la poétique et roman, théâtre et poésie pour la littérature.

1.1.1. La rhétorique et poétique des « genres » : la période de l’Antiquité

La notion de « genre » naît de la volonté de catégoriser la poésie. On peut dater à

Platon les prémices d‟un classement des discours à partir duquel vont se succéder des

principes de classement des « genres », notion générale pour déterminer les variations de

discours écrits et/ou oraux. C‟est à partir de la réflexion sur les œuvres poétiques que Platon

relève différentes formes littéraires et les classe. Dans le livre III de « La République » (2002

[IVè siècle avt J.-C.]), Platon présente une opposition entre trois modes d‟énonciation ; la

Page 20: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

20

narration simple, l‟imitation et le mélange de la narration et de l‟imitation, à l‟intérieur

desquelles se distinguent différents discours :

- La narration simple, nommée « diégèsis ». Il s‟agissait pour le poête de raconter des

actions ou des paroles. C‟est un récit qui fait intervenir un narrateur. Cette narration

simple représente le genre narratif : « Il y a ensuite la narration racontée ; quand elle

est l‟œuvre du poête lui-même : tu la trouveras surtout dans les dithyrambes. »1 (Ibid).

Les faits sont rapportés par le poête lui-même.

- L‟imitation de paroles est appelée « mimésis » : il s‟agissait de faire parler des

personnages au style direct, c‟est une imitation du réel où il n‟y a que du dialogue. Les

genres du théâtre, de la poésie, de la comédie et de la tragédie y recourent :

Il existe une forme qui recourt entièrement, tant par l‟art de la composition poétique que pour

l‟art de raconter les histoires [394c] : comme tu dis, c‟est la tragédie et la comédie. (Ibid : 177)

- Le mélange récit simple (narration/ imitation) présentant une alternance entre le récit

et le dialogue :

Et enfin, il y a celle qui procède en recourant aux deux premières : on la trouve dans la poésie

épique et aussi dans plusieurs autres compositions, si tu vois ce que je veux dire. (Ibid)

Ces formes d‟énonciation constituent des « formes du discours », c'est-à-dire des

manières de dire les choses. Ces trois modes deviendront la base de toutes les autres

propositions de système de genres.

À la fin du IVè siècle, Diomède rebaptise ces trois formes platoniciennes « genres »

(« genera ») :

- le « genus imitativum » où il n‟y a pas de trace d‟intervention du poête et dans lequel

il range les tragédies, les comédies et les pastorales ;

- le « genus ennarativum » où le poête est le seul à avoir la parole ;

- le « genus commune » (ou « mixte ») où parlent à la fois le poête et les personnages.

Comme Platon, Diomède classe les genres en fonction de la ou des personne(s) qui a/ont

la parole.

La question des « genres » a été traitée par Aristote, dans La Poétique (rédigé vers -

347). Dans cette œuvre, Aristote s‟intéresse à l‟art poétique et notamment à l‟épopée et à la

tragédie. Il définit la poétique comme l‟art d‟imiter (mimesis) par le biais du rythme, du chant

1 Les dithyrambes sont des récits poétiques.

Page 21: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

21

ou du vers. Aristote conserve la notion de « mimésis » employée par Platon. Toutefois, ces

deux auteurs n‟en donnent pas la même définition. Platon employait la notion de « mimèsis »

en considérant l‟imitation à la seule condition qu‟un personnage parle au style direct. Selon

L. Jenny « la description d‟un récit ou le récit d‟une suite d‟actions ne relèvent pas pour lui

[Platon] de la mimésis » (2003 : 8). Aristote garde ce terme de « mimésis » en y incluant

d‟autres formes : la poésie tragique, l‟épopée, la comédie et le dithyrambe (pour Platon, le

dithyrambe n‟en relève pas et l‟épopée que partiellement). Pour Aristote, l‟épopée, la

tragédie, le dithyrambe, ainsi que les airs de flûtes ou de cythare, sont en général des

imitations. La notion de « mimèsis » est évoquée dans Poétique d‟Aristote et se dote d‟une

définition plus large puisqu‟il considère l‟art en général comme une imitation. L. Jenny en fait

l‟analyse suivante :

Tous les arts imitent ou représentent selon la traduction de Dupont-Roc et Lallot, mais ils ne

représentent pas seulement des paroles, ils peuvent aussi représenter des objets (dans le cas de la

peinture), des émotions et des caractères (dans le cas de la musique et de la danse), voire des actions Ŕ

ou plutôt des personnages parlant et agissant (dans le cas de l‟épopée ou de la tragédie). (2003 : 87)

Les principes de classification d‟Aristote présentent d‟autres variantes

comparativement à ceux de Platon. Il supprime le « mode mixte » et ne dégage que les modes

du récit et de l‟imitation en précisant que ces derniers dépendent de la situation d‟énonciation.

Aristote ne considère pas non plus la tragédie de la même façon que Platon. Platon pensait

que la tragédie faisait croire des choses fausses aux individus alors qu‟Aristote pense que la

tragédie permettait au contraire aux hommes de s‟épanouir.

En outre, A. Compagnon (2001) précise que pour Aristote, le genre prendrait trois

« caractères » qui réfèrent à des normes : le caractère « explicatif » pour expliquer des

œuvres, le caractère « prescriptif » pour composer les histoires et le caractère « descriptif »

pour décrire.

Aristote énumère trois genres rhétoriques : le délibératif, le judiciaire et le

démonstratif (ou l‟épidictique) comme des « étiquettes ». Ces genres s‟adaptent en fonction

des auditeurs et de l‟effet à produire. Le délibératif s'adresse au politique ; le judiciaire

s'adresse au juge ; le démonstratif fait l'éloge ou l‟accusation d'une personne. Chaque discours

utilise un temps précis. En effet, le genre judiciaire est marqué par l‟emploi du passé, car il

s‟agit de faits accomplis et c‟est sur ces faits que l‟accusation ou la défense va porter. Le

genre « délibératif » est marqué quant à lui par l‟emploi le futur, car il s‟agit de discuter des

conséquences d‟une décision. Enfin, le genre « démonstratif » est principalement caractérisé

par le présent, mais il est possible d‟y repérer les temps du passé et du futur, car il peut s‟agir

Page 22: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

22

d‟actes passés ou de choses présentes ou de l‟avenir des personnes. Dans ces genres, sont mis

en relation les lieux d‟énonciation des discours et les types d‟énoncés. En effet, le genre

délibératif est employé à l‟Assemblée, le genre judiciaire dans les tribunaux et le genre

démonstratif dans les manifestations publiques. Chaque genre répond à une situation

d‟énonciation précise et à un emploi de langue caractéristique.

Plus tard, Horace (-14) a considèré que les genres se déterminaient en fonction du

mode d‟expression (en vers, en quatrains, avec un schéma de rimes, etc.), du style (qualifié de

« sublime », « moyen » ou « bas ») et de la thématique. Il a ainsi constitué trois grands genres

poétiques : le genre épique, le genre dramatique (dans lequel il place la tragédie et la

comédie) et le genre lyrique (comprenant l‟ode, l‟élégie et la satire). À cette catégorisation,

Quintilien (premier siècle ap. J.-C.) ajoute un quatrième genre, nommé « didactique ». Ce

dernier permet d‟inclure toutes les formes discursives n‟appartenant pas à l‟un des trois autres

genres.

Ces tentatives de classification mises en œuvre tout au long de l‟Antiquité n‟ont pas

abouti à un système fini et stable, mais à un début de classification dans lequel étaient

opposées la narration et l‟imitation (aussi appelée « représentation » dans la théorie littéraire).

Cependant, ces concepts de narration et d‟imitation restent ambigus. Des questions restent en

suspens : comment est-il possible de définir précisément les genres ? Quel(s) trait(s)

spécifique(s) et quelle structure du discours viennent justifier l‟appartenance d‟un texte à un

genre ?

1.1.2. La question des « genres » du Moyen-Âge à nos jours

A. Compagnon (2001) explique qu‟au Moyen-Âge, les genres étaient classés selon

trois principes :

- les modalités du discours (démonstratif, délibératif, judiciaire)2 ;

- les formes de la représentation (narration, imitation, mélange de récit et d‟imitation) ;

- les objets de la représentation.

2 Ces modalités du discours seront reprises et retravaillées dans la seconde moitié du XVII

ème siècle.

Page 23: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

23

La caractérisation des genres se faisait à partir de la forme, du contenu et de l‟objectif des

discours.

Pendant la Renaissance, la plupart des théoriciens ont essayé de classer et de

différencier les textes à partir des critères de versification, de style et de contenu. Selon

G. Mathieu-Castellani, les textes étaient classés en fonction de leur structure :

Ils [les théoriciens] tentent bien de classer et de différencier les espèces (les structures formelles), en

fonction du mètre, de l‟organisation du matériau, du style, de l‟argument, mais ils procèdent en général

à une simple juxtaposition, sans attacher à distribuer en classes distinctes les caractéristiques et les traits

structuraux de chaque forme. (1984 : 21)

G. Mathieu-Castellani précise que les théoriciens de la Renaissance isolaient « des

genres d‟écrire » (comme le sonnet et l‟épopée par exemple) et « des genres de styles »

(1984 : 17) qui correspondraient à ce que l‟on caractériserait comme « registres de langue »

aujourd‟hui. Ces genres de styles s‟appuyaient sur une classification antérieure proposée par

le poête latin Virgile. Celui-ci a procédé à une tripartition des styles : le « sublime », le

« moyen » et le « bas » qui, selon G. Mathieu-Castellani, relève plus de la rhétorique que de la

classification pure des genres littéraires et qui renvoie à une métaphore : « la roue de Virgile »

(rota Virgilii). C. Heusch (2007) démontre que cette métaphore de la roue de Virgile reflète

les trois chefs d‟œuvres de ce poête latin, correspondant à trois styles différents :

- le style élevé ou sublime : « Gravis stylus », style réservé aux grands sujets que l‟on

retrouve dans l‟Enéide ;

- le style moyen ou tempéré : « Médiocris stylus », style caractérisé par la simplicité que

l‟on retrouve dans Les Géorgiques (œuvre écrite en quatre chants entre -36 et -29

avant J.- C.) ;

- le style bas ou simple : « Humilis stylus », style proche de la vulgarité, que l‟on

retrouve dans Les Bucoliques (recueil paru en -39 avant J.-C.).

Par cette « roue de Virgile », le poête expose la conception des styles de l‟époque

(sublime, tempéré, simple) qui correspondent à des niveaux d‟éloquence attachés à des

thèmes différents. D‟après C. Heusch (2007), ces trois styles sont aujourd‟hui repris et

reformulés sous les étiquettes « familier », « neutre » et « relevé » et peuvent être considérés

comme des caractéristiques internes des genres de textes.

Si le XVIè siècle a renforcé les systèmes de codification pour la tragédie et la comédie,

en revanche, dès le début du XVIIIè siècle, la poésie ne fait plus seulement qu‟imiter, mais

elle permet également aux poêtes d‟exprimer des sentiments.

Page 24: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

24

Le XIXè siècle fait l‟objet d‟une simplification des systèmes des genres littéraires qui

se résument à trois principales catégories : la poésie, le récit et le théâtre :

Après les systèmes des genres compliqués du Moyen-Âge, de l‟âge classique et du romantisme, le

système moderne des genres apparaît très simplifié et rudimentaire. Depuis, les environs du milieu du

XIXème

siècle, il se réduit de plus en plus à trois grandes cases fourre-tout : la poésie, le récit et le

théâtre. Comment et pourquoi en est-on arrivé là à cette schématisation ? En partie sans doute parce que

la polarité de la poésie et du récit est devenue déterminante dans l'histoire de la poésie depuis

Baudelaire, parce que la poésie s'est de plus en plus opposée au récit, a exclu le récit. (A. Compagnon,

2001 : 8)

A. Compagnon schématise le système des genres littéraires au milieu du XIXè siècle

de la façon suivante : la poésie, le récit et le théâtre sont considérés comme des codes

littéraires secondaires. La poésie est déterminée par trois genres à savoir l‟épique, le lyrique et

le dramatique. Un de ces trois genres, le lyrique, comprend trois sous-genres que sont l‟ode,

l‟élégie et l‟hymne. Le récit ne comprend qu‟un genre à savoir le roman.

Au XIXè siècle, pour J. W. Goethe (1940 [1819]), l‟épopée, la poésie lyrique et le

drame sont des « formes naturelles de la poésie » (« Naturformen »). Il détermine les genres

poétiques en fonction de la forme et des sentiments exprimés dans les textes. Selon L. Jenny

(2003), le drame correspondrait à l‟homme « de désir et d‟action », l‟épopée correspondrait à

l‟homme « qui connaît et qui contemple », le lyrisme correspondrait à un homme « de

sentiment », « voué à s‟exprimer ». J. W. Goethe n‟emploie pas la notion de « genre », mais

de « formes » (ou « modes »). Ces formes se fondraient sur trois états naturels du poête :

Il n‟y a que trois véritables formes de poésie : l‟une qui raconte clairement, une autre qui s‟exalte et

s‟enthousiasme, une troisième qui agit personnellement : l‟épopée, le lyrisme et le drame. Ces trois

modes poétiques peuvent agir ensemble ou séparément. (J. W. Goethe, 1940 [1819] : 377)

Figure 1 : Le système des genres littéraires au milieu du XIXe siècle selon A. Compagnon (2001)

Poésie

Roman Dramatique Lyrique

Élégie Hymne Ode

« CODE

LITTERAIRE

SECONDAIRE »

« GENRES »

Récit Théâtre

« SOUS-GENRES »

Épique

Page 25: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

25

E. Kant, J. W. Goethe et F. Hegel ont établi un modèle philosophique, appelé « modèle

métaphysique » dans lequel les genres seraient définis comme des « attitudes fondamentales »

du poête , c'est-à-dire des états émotionnels. K. Viëtor en fait l‟analyse suivante :

C‟est une réaction chaque fois différente de l‟homme vis-à-vis de la réalité que lui livre l‟expérience qui

fonde en effet ces trois domaines des formes poétiques : réactions ultimes, réponses créatrices, qui

correspondent à l‟organisation élémentaire de l‟homme. (1986 : 11-12)

Ainsi, non seulement le genre d‟une œuvre peut être difficile à définir, mais se pose la

question de savoir si l‟on peut déterminer des genres uniquement à partir de ressentis et selon

leur forme (prosodique, en vers) ? À la suite des remarques de J. W. Goethe, K. Viëtor pense

qu‟il est nécessaire de prendre en compte à la fois la forme interne (le contenu) et la forme

externe (la structure) :

L‟élément proprement générique, j‟y insiste, ne peut donc consister que dans une forme interne […]. Et

ce sont ces trois choses : le contenu spécifique, la forme interne et la forme externe, toutes deux

spécifiques, qui, seulement quand on les prend ensemble, dans leur unité spécifique, font « le » genre.

(1986 : 22)

Selon K. Viëtor, la forme externe déterminerait le contenu de l‟œuvre : nous ne

pouvons pas exprimer n‟importe quoi, dans n‟importe quelle forme. Chaque contenu porte

une forme bien particulière. Ainsi, un contenu historique n‟aura pas la même structure qu‟un

poème épique ; les faits sont différents et les sentiments mis en avant ne sont pas les mêmes.

Néanmoins, un contenu historique peut contenir autant de sentiments qu‟une poésie épique

qui peut elle-même être inspirée de faits historiques.

Par ailleurs, K. Viëtor mentionne le rôle de la réception et de l‟interprétation des

œuvres par le lecteur et en conclut que « le type générique […] ne s‟ordonnerait pas du tout

suivant des caractéristiques aussi simples. » (1986 : 26).

On retrouve cette problématique de la réception et de l‟interprétation de la lecture des

textes dans la théorie développée au sein de l‟Ecole de Constance, dans le milieu des années

1970, par W. Iser et H. R. Jauss3. Cette théorie se base sur la distinction entre texte et lecture :

le texte serait une trace fixe, alors que la lecture apparaîtrait comme quelque chose

d‟éphémère. Cette distinction paraît se rapprocher de la distinction entre oral et écrit. Selon

3 H. R. Jauss fait remonter la théorie de la réception à l'époque d'Homère et de la Bible : « The world receptio

appears for the first in Middle latin in the context of scholastic theology. » (1990 : 56). Puis, dans les années 50,

la théorie de la réception se développe dans d‟autres disciplines : « After 1950, „reception‟ appeared for the first

time as a methodological concept in jurisprudence, theology and philosophy » (1990 : 53).

Page 26: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

26

H. R. Jauss et W. Iser, les textes sont durables et transmissibles, contrairement à la lecture qui

est éphémère, fragmentée (car on ne lit pas tout en une seule fois) et tributaire de la mémoire

que nous en gardons. Dans ce cadre, H. R. Jauss élabore la notion d‟ « horizon d‟attente »

(1972) qui intervient dans la compréhension de l‟œuvre et qui dirige le lecteur dans sa lecture.

Selon L. Jenny : « Le genre nous fournit donc des éléments de reconnaissance du sens de

l‟œuvre et nous oriente dans son interprétation » (2003 : 12).

Ce bref panorama historique montre que la classification des œuvres est dirigée par un

système de genres. Ce système oriente donc la production mais aussi la réception des œuvres.

1.1.3. De l’approche littéraire des « genres » au XXè siècle

La notion de genre marque le XXè siècle et donne naissance à la stylistique moderne.

D‟après H. R. Jauss, B. Croce (1902) refuse les catégories génériques qui ne sont qu‟un

principe de classement des œuvres, « un catalogue classificateur » (H. R. Jauss, 1986 : 40).

Plusieurs chercheurs et critiques littéraires se sont alors posés la question de la fonction des

genres. Ainsi, F. Brunetière, historien de la littérature et critique littéraire français, pense que

les genres ne sont pas des étiquettes. Pour lui, les genres se modifient, voire se transforment et

ils opèrent comme une sorte de médiation entre l‟œuvre et le public (1914). Selon

A. Compagnon, les genres apparaîtraient plutôt comme un ensemble de normes, de

conventions qui peuvent être transgressées et qui permettent à l‟auteur de faire reconnaître son

œuvre. Dans ce cas, le genre pourrait être une sorte d‟étiquette, mais dotée d‟une finalité

précise.

Une autre évolution marquante au XXè siècle concerne la notion de « mimésis ». Dans

le cadre de l‟étude des formes littéraires et de l‟art, la réflexion autour de la question des

genres se renouvelle. La théorie littéraire va traduire la notion de « mimésis » (« imitation »)

par « représentation » ou « fiction », trouvant la définition d‟ « imitation » trop réductrice.

K. Hamburger (1977) et G. Genette (1991 [1930]) choisissent de traduire mimèsis par

« fiction ». K. Hamburger, en s‟appuyant sur les genres littéraires, sur la notion de

« mimésis », et sur le système énonciatif de la langue, propose une répartition des textes entre

fiction (genre mimétique et anciens genres épique et dramatique) et non fiction (genre

lyrique). Son classement des genres littéraires se base à la fois sur des théories du langage et

Page 27: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

27

sur le système littéraire (1977), ce qui l‟amène à établir « une logique littéraire », c‟est-à-dire

une relation entre littérature et langage. Alors que les classifications de Platon et d‟Aristote

étaient normatives, celles de G. Genette et K. Hamburger sont plutôt descriptives, c'est-à-dire

que la distinction des genres s‟effectue à partir de l‟analyse des traits caractéristiques des

textes.

G. Genette et T. Todorov ont fondé en 1970 la revue Poétique et ont poursuivi la

réflexion sur les genres et sur le système des genres. Pour T. Todorov, la définition des genres

est un va-et-vient continuel entre la description des faits littéraires et la théorie. Il ne voit

aucune nécessité à ce qu‟une œuvre incarne fidèlement son genre. Quant à G. Genette, il

constate tout d‟abord que les genres, définis au temps de Renaissance, étaient en fait des

« modes » (mode narratif, mode dramatique par exemple) déterminés indépendamment des

situations ou des pratiques sociales particulières, ce qui le conduit à développer la notion de

« situation d‟énonciation » (1986 : 98). Ces modes constitueraient des entités distinctes par

rapport aux genres :

Dans la mesure où ils étaient pris en considération (fort peu chez Platon, davantage chez Aristote), les

genres proprement dits venaient se répartir entre les modes en tant qu‟ils relevaient de telle ou telle

attitude d‟énonciation : le dithyrambe de la narration pure ; l‟épopée de la narration mixte ; la tragédie

et la comédie, de l‟imitation dramatique. Mais cette relation d‟inclusion n‟empêchait pas le critère

générique et le critère modal d‟être absolument hétérogènes, et de statut radicalement différent.

(G. Genette, 1986 : 140)

G. Genette introduit la notion d‟ « archigenres », qui sont des catégories englobantes,

car tout genre pourrait toujours contenir plusieurs genres. Il ramène les grands paramètres du

système générique à trois sortes de constantes : thématique, modale et formelle. Face à la

difficulté d‟établir une typologie des genres, il propose le concept d‟ « architextualité » pour

désigner l'ensemble des catégories générales : types de discours, modes d'énonciation et

genres littéraires notamment.

1.2. L’apport de la linguistique à la caractérisation des genres et types de textes

Les linguistes ont proposé un certain nombre de clefs ayant pour but de différencier

différentes modalités du langage et de la langue, affirmant ainsi les catégories en genre

proposées par la littérature.

Page 28: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

28

1.2.1. L’opposition « texte » et « discours »

« Texte » et « discours » sont des termes à l‟entrecroisement de différentes définitions.

On trouve à la fois :

- Phrase et discours : où le discours constitue une unité linguistique constituée d‟une

succession de phrases. C‟est en prenant en compte ce concept que Z. S. Harris (1952)

parle d‟ « analyse de discours » (Discourse Analysis).

- Langue et discours : proche de l‟opposition saussurienne langue et parole, la langue se

détermine comme un système de valeurs variant dans l‟usage, et le discours comme la

parole effective.

- Texte et discours : les notions d‟ « analyse du discours » et d‟« analyse textuelle » sont

parfois confondues. Dans le champ de l‟analyse du discours en France, le discours est

déterminé comme le texte en situation. Le texte est en quelque sorte la trace du

discours.

La notion de discours (« discourse ») a été proposée par Z. S. Harris dans son célèbre

article « Discours analysis » (1952). Z. S. Harris définit le discours comme un énoncé écrit ou

oral qui dépasse le cadre de la phrase, alors que les textes sont des échantillons de langue :

Language does not occur in stray word or sentences, but in connected discourse Ŕ from a one-word

utterance to a ten-volume work, from a monolog to a Union Square argument. Arbitrary

conglomerations of sentences are indeed of no interest except as a check on grammatical description;

and it is not surprising that we cannot find interdependence among the sentences of such an aggregate

(1952 : 315)

J. Dubois, M. Giacomo, L. Guespin, C. Marcellesi, J.-B. Marcellesi et J.-P. Mevel,

dans leur Dictionnaire de linguistique (1973), définissent le texte comme un ensemble

d‟énoncés pouvant être écrit ou parlé et le discours comme étant « le langage mis en action ».

Ils le rapprochent de la parole dont l‟unité est égale ou supérieure à la phrase et le distinguent

du texte en s‟appuyant sur les études d‟E. Benveniste.

À partir d‟une analyse des temps des verbes en français, E. Benveniste introduit une

distinction entre « discours » et « histoire » en deux plans distincts de l‟énonciation :

Les temps d‟un verbe français ne s‟emploient pas comme les membres d‟un système unique, ils se

distribuent en deux systèmes distincts et complémentaires. Chacun d‟eux ne comprend qu‟une partie des

temps du verbe ; tous les deux sont en usage concurrent et demeurent disponibles pour chaque locuteur.

Page 29: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

29

histoire

récit

Ces deux systèmes manifestent deux plans d'énonciation différents, que nous distinguerons comme celui

de l'histoire et celui du discours. L‟énonciation historique, aujourd‟hui réservée à la langue écrite,

caractérise le récit des événements passés. Ces trois termes, "récit", "événement", "passé", sont

également à souligner. Il s‟agit de la présentation des faits survenus à un certain moment du temps, sans

aucune intervention du locuteur dans le récit. Pour qu‟ils puissent être enregistrés comme s‟étant

produits, ces faits doivent appartenir au passé. Sans doute vaudrait-il mieux dire : dès lors qu‟ils sont

enregistrés et énoncés dans une expression temporelle historique, ils se trouvent caractérisés comme

passés. (1966 : 238-239)

L‟ « histoire » caractérise l‟écrit et plus précisément les récits d‟événements passés. Le

texte est caractérisé par le passé simple et l‟imparfait et ne présente pas de trace d‟un locuteur.

On trouvera chez G. Genette une différenciation du récit et de l‟histoire par rapport à la

narration :

L‟ordre véritable serait plutôt quelque chose comme narration , l‟acte narratif instaurant

(inventant) à la fois l‟histoire et son récit, alors parfaitement indissociable.

(G. Genette, 1983 : 11)

Le « discours », qui peut être aussi bien écrit que parlé, désigne les productions

langagières ancrées dans une situation d‟énonciation. Ce type d‟énonciation est notamment

marqué par les première et deuxième personnes (« je », « tu »), de certains adverbes spatio-

temporels, de pronoms possessifs et démonstratifs, de verbes au présent et de déictiques. Dans

le cas de textes relevant du discours, le temps du présent, ainsi que les première et deuxième

personnes prédominent. En revanche, les textes relevant du type « histoire » présentent la

troisième personne ainsi que les formes du passé simple.

J. Simonin-Grumbach s‟appuie sur la distinction que fait E. Benveniste entre histoire

et discours et explique que la différence entre ces deux notions se situe dans le rapport à

l‟énoncé et à l‟énonciation. Dans les textes réunis sous « discours », le repérage s‟effectue par

rapport à la situation d‟énonciation. Les « shifters » (ou embrayeurs) sont considérés comme

les déictiques temporels (tels que « aujourd‟hui », « hier »), les déictiques spatiaux (« ici »,

« là »), les pronoms personnels (« je », « tu »), les démonstratifs (« cette », « ce », « celui-

là ») et les possessifs (« mon », « tes »). Ils sont les indices de l‟énonciation qui ont pour

fonction d‟articuler l‟énoncé avec la situation d‟énonciation. Pour les textes considérés

comme appartenant à l‟histoire, le repérage se fait par rapport au texte :

Il faudrait, sans doute, reformuler l‟hypothèse de Benveniste en des termes un peu différents, et je

proposerai d‟appeler « discours » les textes où il y a repérage par rapport à la situation d‟énonciation

(= Sit£), et « histoire », les textes où le repérage n‟est pas effectué par rapport à Sit£, mais par rapport

au texte lui-même. Dans ce premier cas, je parlerai de « situation d‟énoncé » (= SitE). Il ne s‟agit donc

plus de la présence ou de l‟absence de shifters en surface, mais du fait que les déterminations renvoient

à la situation d‟énonciation (extra-linguistique) dans un cas, alors que, dans l‟autre, elles renvoient au

texte lui-même. (J. Simonin-Grumbach, 1975 : 87)

Page 30: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

30

Dans une dimension connexe, les fonctions du langage proposées par R. Jakobson

(1963) peuvent apparaître comme un modèle linguistique sur lequel peut s‟appuyer une

classification des discours. Les six fonctions du langage (fonction référentielle, fonction

expressive, fonction conative, fonction métalinguistique, fonction phatique, fonction

poétique) peuvent se rapporter à différents discours. Par exemple, en littérature, les trois

premières fonctions citées, se centrant exclusivement sur le destinateur et le destinataire, sont

associées à des genres littéraires. G. Mathieu-Castellani associe par exemple la fonction

référentielle au genre « épique », la fonction émotive au « lyrique » et la fonction conative au

« dramatique » :

La poésie épique serait celle qui met à contribution surtout la fonction référentielle (donner à voir, à

connaître), la poésie lyrique celle qui met à contribution surtout la fonction émotive ou expressive.

Quant à la fonction conative, Jakobson ne la voit représentée que dans le drame, mais dans la poésie de

type exhortative (lorsque la 2ème

personne est subordonnée à la 1ère

personne) ou de type supplicatoire

(subordonnant la 1ère

à la 2ème

). (1984 : 26)

1.2.2. Vers une typologie textuelle

Plusieurs linguistes ont cherché à typologiser les textes écrits.

La notion de « typologies textuelles » a été proposée par E. Werlich (1975), qui

distingue cinq types de textes : descriptif, narratif, expositif, argumentatif et instructif. J.-M.

Adam (1987) s‟appuie sur ces typologies et propose sept types textuels : récit, description,

argumentation, exposition, injonction-instruction, conversation et poème. Cependant, ces

typologies ne lui semblent pas rendre compte de l‟hétérogénéité des textes : « À ce niveau de

généralité Ŕ que nous avons adopté dans nos travaux antérieurs Ŕ, nous avons affaire à une

typologie trop globale qui ne tient pas assez compte de l‟hétérogénéité des textes eux-

mêmes. » (1987b : 55-56). Dès lors J.-M. Adam développe une typologie séquentielle, afin de

rendre compte de la diversité des productions textuelles et discursives (1992). Il remplace

ainsi le concept de « typologie des textes » par un modèle de structure compositionnelle des

textes. Le découpage des textes en séquences lui permet d‟observer des « faits de régularité »

et d‟analyser les différents éléments linguistiques qui composent le texte, ainsi que

l‟articulation de ces éléments.

Les structures séquentielles définies par J.-M. Adam correspondraient d‟une certaine

manière aux « structures compositionnelles » dont parle M. Bakhtine (1984). En effet, J.-M.

Page 31: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

31

Adam se base sur les travaux de M. Bakhtine (1984) qui avait déjà remarqué le caractère

changeant des genres de discours et relevé la composition hétérogène du discours :

L‟une des raisons qui fait que la linguistique ignore les formes d‟énoncés tient à l‟extrême hétérogénéité

de leur structure compositionnelle et aux particularités de leur volume (la longueur du discours) Ŕ qui va

de la réplique monolexématique au roman en plusieurs tomes. La forte variabilité du volume est valable

aussi pour les genres discursifs oraux. De ce fait, les genres de discours semblent incommensurables et

inopérants en tant qu‟unités du discours. (M. Bakhtine, 1984 : 288)

Le découpage en unités « séquences » de J.-M. Adam lui permet de mettre en lumière cette

hétérogénéité des textes.

J.-M. Adam se détache alors de la notion de « type de texte », considérant la notion

même de texte trop complexe et hétérogène. Il définit par conséquent la notion de « genre »

comme étant « une pratique socio-discursive » : « un genre relie ce que l‟analyse textuelle

parvient à décrire linguistiquement à ce que l‟analyse des pratiques discursives à pour but

d‟appréhender socio discursivement » (1999 : 83). Il oppose cette notion de « genre » à celle

de « types de texte » (textes écrits ou oraux) qui renvoie, selon lui, à une catégorie de

classement de textes à partir de critères linguistiques observables dans le texte.

Selon lui, chaque texte ou discours se rattache à « une famille » de textes ou de

discours nommé « genre ». Il explique que les séquences partagent un « air de famille » qui

nous permet de les identifier comme étant descriptives, narratives, explicatives ou

argumentatives (1992 : 28). Un texte ou un discours ne relève pas totalement d‟un genre, mais

partage avec lui un certain nombre de caractéristiques. J.-M. Adam explique que « les

catégorisations semblent fonctionner par regroupements autour de prototypes, par des airs de

famille » (1999 : 90).

Alors que jusqu‟à présent la littérature s‟intéressait au genre littéraire, J.-M. Adam

reprend l‟idée de Todorov selon laquelle une œuvre littéraire peut autant se rapprocher d‟un

type de discours qui n‟est pas littéraire et abroge l‟opposition littéraire/non littéraire :

« Chaque type de discours qualifié habituellement de littéraire a des « parents » non littéraires

qui lui sont plus proches que tout autre type de discours « littéraire ». […] Ainsi l‟opposition

entre littérature et non-littérature cède la place à une typologie des discours. » (2005 : 1).

Cette conception des genres et types de texte associée à la typologie séquentielle de J.-

M. Adam nous intéressera particulièrement dans notre travail de caractérisation des types de

discours au travail. Nous y reviendrons dans le chapitre 3.

Page 32: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

32

Dans une autre étude, F. Rastier (2001b) définit les genres comme étant des formes

textuelles standards articulées à des pratiques sociales déterminées. Dans le cadre de la

« sémantique différentielle unifiée », F. Rastier différencie la notion de « type » de celle de

« genre ». F. Rastier, M. Cavazza et A. Abeillé déterminent les « genres » par « la cohésion

d‟un faisceau de critères » (1994). Selon F. Rastier (2001a et 2001b), le genre n‟est pas

seulement une catégorie dans laquelle s‟insèrent des textes. Les genres seraient définis par

plusieurs critères énonciatifs (l‟alternance des propos par exemple) et linguistiques et les

« types de textes » seraient des classes ne reposant que sur un critère (par exemple le critère

énonciatif) tout en sachant que les critères de regroupement des genres sont les discours.

F. Rastier développe le fait que les pratiques sociales s‟articulent avec un discours

spécifique et se divisent en plusieurs activités spécifiques. Par exemple : « le jury de thèse, la

conférence, le cours et la correction des copies » sont des activités qui ont chacune leur genre.

Afin de relier les genres aux discours, l‟auteur propose d‟étudier les « symmories », c'est-à-

dire les systèmes génériques : « À chaque discours, on peut faire correspondre un système ou

symmorie générique. Chaque groupe de pratiques sociales correspondant à un discours se

divise en activités spécifiques. » (2001a : 4).

D. Malrieu et F. Rastier (2001) se proposent de rechercher les éléments qui

discriminent discours et genre, ainsi que d‟autres niveaux comme les champs génériques et les

sous-genres. Leurs travaux reposent sur l‟hypothèse que si, en tant que locuteur, nous

reconnaissons des « genres » différents, c‟est donc qu‟il y a des différences perceptibles sur le

plan linguistique. Le fait de pouvoir mettre en évidence ces différences linguistiques validerait

la différence de genres. Leur objectif est donc de déterminer et de mettre en corrélation des

traits pour décrire des genres.

Selon D. Malrieu et F. Rastier (2001), le genre se définit par son appartenance à un

domaine, par le contexte, les comportements et par sa structure interne, ce qui les conduit à

distinguer quatre niveaux pour l‟analyse des genres et à établir un schéma de classification

des textes et discours à l‟écrit :

Page 33: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

33

Figure 2 : Les niveaux d’analyse des genres selon D. Malrieu et F. Rastier (2001 : 549)

Le champ générique se situe à l‟intérieur du discours. Il s‟agit de trouver

l‟appartenance générique d‟un texte ou d‟un discours pour déterminer ensuite un genre.

Chaque discours compte un nombre déterminé de « genres ». Le genre est déterminé à la fois

par la situation d‟énonciation, le(s) émetteur(s), le(s) destinateur(s), l‟objet, la structure et des

contraintes formelles, tels que la langue et le style de la langue. Ainsi, le genre représente un

ensemble de règles préexistant aux textes et aux discours. Les genres peuvent aussi compter

des sous-genres :

Les sous-genres, comme le roman “de formation” ou le roman policier sont définis par diverses

restrictions qui intéressent soit le plan de l‟expression (par exemple le roman par lettres, le traité

versifié), soit celui du signifié. Elles doivent être spécifiées selon les composantes mises en jeu :

thématique et dialectique pour le roman policier, par exemple, dialogique pour les romans fantastiques,

tactique pour les sonnets liminaires, etc. (2001 : 550)

Pour aboutir à cette classification, D. Malrieu et F. Rastier ont adopté une démarche

déductive4 sur un corpus de 2 541 ouvrages étiquetés. Cette première méthode a permis de

mettre en évidence l'existence de variations morphosyntaxiques systématiques selon les

champs génériques et les genres textuels. Par la suite, une démarche inductive, s‟appuyant sur

la classification de 250 variables morphosyntaxiques, redonnait de façon nette les découpages

en domaines et champs génériques (juridique, théâtre, poésie, essais) :

Les analyses, effectuées avec le logiciel SAS, montraient trois choses : par l‟analyse univariée

l‟existence de différences significatives importantes sur un grand nombre de variables morpho-

syntaxiques entre domaines et entre champs génériques ; par l‟analyse en composantes principales

l‟importance dans le premier facteur des variables liées à l‟énonciation et à l‟interlocution représentée

(entre autres, personnes et temps verbaux) ; par la classification hiérarchique ascendante une « bonne »

4 Dans une démarche déductive, le chercheur part d‟une hypothèse pour l‟appliquer à des observations. Cela

s‟oppose à la démarche inductive où l‟on part d‟observations pour arriver à une hypothèse ou un modèle.

Page 34: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

34

classification des textes dans le bas de la hiérarchie (les premiers regroupements classent ensemble des

textes de même genre et souvent de même auteur mais le genre l‟emporte sur l‟auteur), dans le haut de

la hiérarchie une bonne discrimination des domaines, le juridique se différenciant plus nettement ; une

discrimination nette du théâtre et de la poésie, une moins nette entre genres narratifs et entre ces

derniers et les essais. (D. Malrieu, 2004 : 78)

1.3. La caractérisation des textes et discours dans une approche socio-discursive

Dans la dimension socio-discursive, croisant analyse de discours et sociologie, nous

portons un intérêt particulier à la théorie dialogique de M. Bakhtine et, à sa suite, à la

typologie proposée par J.-P. Bronckart, lesquelles partagent l‟idée que les genres ou types de

discours influencent la production des discours et inversement.

Dans le cadre de son étude des rapports dialogiques (en vue de fonder une

« translinguistique »), M. Bakhtine (1970-1977) s‟est intéressé à la notion de « genre de

discours » qui fait partie intégrante de langue : toute production verbale, écrite ou orale, se

réalise dans le cadre d‟un « genre du discours ». Il conçoit donc les genres comme des formes

socialement construites. Ce cadre est d‟ailleurs indispensable à l‟apprentissage du langage

puisqu‟il considère qu‟apprendre c‟est apprendre des formes de discours pré-établies :

La langue maternelle Ŕ la composition de son lexique et sa structure grammaticaleŔ, nous ne

l‟apprenons pas dans les dictionnaires et les grammaires, nous l‟acquérons à travers des énoncés

concrets que nous entendons et que nous reproduisons au cours de l‟échange verbal vivant qui se fait

avec les individus qui nous entourent. Les formes de la langue et les formes types d‟énoncés, c‟est-à-

dire les genres de discours, s‟introduisent dans notre expérience et dans notre conscience conjointement

et sans que leur corrélation étroite soit rompue. […] Les genres du discours organisent notre parole de la

même façon que l‟organisent les formes grammaticales (syntaxiques). Nous apprenons à mouler notre

parole dans les formes du genre et, entendant la parole d‟autrui, nous savons d‟emblée, aux tous

premiers mots, en pressentir le genre, en deviner le volume […], la structure compositionnelle donnée,

en prévoir la fin, autrement dit, dès le début, nous sommes sensibles au tout discursif. (1984 : 285)

Pour M. Bakhtine, ces « genres de discours » sont des « types relativement stables

d‟énoncés » : « Tout énoncé pris isolément est, bien entendu, individuel, mais chaque sphère

d‟utilisation de la langue élabore ses types relativement stables d‟énoncés, et c‟est ce que nous

appelons les genres de discours. »5 (1984 : 265).

5 Éléments mis en italique par M. Bakhtine.

Page 35: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

35

Le langage change selon les personnes et les usages et c‟est en cela qu‟il constitue des

genres de discours. Il existerait donc une variété infinie de genres, puisque chaque genre de

discours relève d‟un espace d‟échanges spécifique : « Le vouloir-dire du locuteur se réalise

avant tout dans le choix d'un genre de discours. Ce choix se détermine en fonction de la

spécificité d'une sphère donnée de l'échange verbal, des besoins d'une thématique (de l'objet

du sens), de l'ensemble constitué des partenaires, etc. » (1984 : 284).

Sans l‟existence et la maîtrise des genres, l‟échange verbal serait quasiment

impossible : un locuteur est capable intuitivement de repérer un « genre » de discours et c‟est

en reconnaissant ce « genre » qu‟il va adapter son discours. Les discours ont des

caractéristiques intrinsèques qui permettent de les reconnaître et de les classifier. Le fait de

repérer un genre et d‟adapter son discours tient de la compétence du locuteur.

D‟un point de vue typologique, M. Bakhtine ne sépare pas l‟écrit de l‟oral : il envisage

de « grands ensembles verbaux : longs énoncés de la vie courante, dialogues, discours, traités,

romans » (1978 : 59) produits dans des contextes différents mais qui peuvent comporter des

régularités. Sur cette base, il développe les notions de « genre premier » et « genre second »

pour classer les multiples activités langagières en catégories de discours. Les « genres

seconds » sont constitués des énonciations dans des contextes plus culturels et

institutionnalisés que les « genres premiers » :

Les genres seconds du discours Ŕ le roman, le théâtre, le discours scientifique, le discours idéologique,

etc. Ŕ apparaissent dans les circonstances d‟un échange culturel (principalement écrit) Ŕ artistique,

scientifique, socio-politique Ŕ plus complexe et relativement plus évolué. (1984 : 267)

Les genres seconds se construisent en quelque sorte sur les discours du genre premier : ils

« absorbent et transmutent les genres premiers » (M. Bakhtine, Ibid). La plupart des genres

littéraires sont des genres seconds composés de divers genres premiers transformés. Les

« genres premiers », eux, se réalisent dans le cadre d‟échanges spontanés quotidiens, dans des

situations assez peu institutionnalisées :

Les genres premiers, en devenant composantes des genres seconds, s‟y transforment et se dotent d‟une

caractéristique particulière : ils perdent leur rapport immédiat au réel existant et au réel des énoncés

d‟autrui Ŕ insérée dans un roman, par exemple, la réplique du dialogue quotidien ou la lettre, tout en

conservant sa forme et sa signification quotidienne sur le plan du seul contenu du roman, ne s‟intègre au

réel existant qu‟à travers le roman pris comme un tout, c'est-à-dire le roman conçu comme phénomène

de la vie littéraire-artistique et non de la vie quotidienne. (Ibid)

Page 36: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

36

S‟appuyant sur M. Bakhtine, J.-P. Bronckart (1997) parle de « types de discours »

qu‟il détermine aussi en lien avec le contexte, c'est-à-dire dépendant de l‟environnement

extra-langagier.

J.-P. Bronckart définit plusieurs notions : la notion de « texte » qu‟il associe à celle de

« genre », la notion de « type » qu‟il associe à celle de « discours », et la notion de « typologie

situationnelle » pour désigner l‟ensemble des discours. Le « texte » est considéré comme une

« production sociale située, qu‟elle soit orale ou écrite » (Ibid : 73) :

Un dialogue familier, un exposé pédagogique, un mode d‟emploi, un article de quotidien, un roman,

etc., constituent autant de textes, de tailles éventuellement très différentes, mais qui sont néanmoins

dotés de caractéristiques communes : chaque texte est en relation d‟interdépendance avec les propriétés

du contexte dans lequel il est produit ; chaque texte exhibe un mode déterminé d‟organisation de son

contenu référentiel ; chaque texte est composé de phrases articulées les unes aux autres selon des règles

compositionnelles plus ou moins strictes ; chaque texte enfin met en œuvre des mécanismes de

textualisation et de prise en charge destinés à lui assurer sa cohérence interne. (1997 : 74)

J.-P. Bronckart écarte le terme de « genre », car si les « genres de texte » sont

intuitivement différenciables, ils sont difficilement délimitables, en nombre illimité et ils ne

peuvent donc pas faire l‟objet d‟un classement stable :

À la suite de bien des auteurs (cf. notamment, Canvat, 1996 ; Chiss, 1987 ; Maingueneau, 1984 ;

Petitjean, 1989, 1992 ; Schneuwly, 1987b), nous avons également fait le constat que s‟ils sont

intuitivement différenciables, les genres ne peuvent jamais faire l‟objet d‟un classement rationnel, stable

et définitif. D‟abord parce que, comme les activités langagières dont ils procèdent, les genres sont en

nombre tendanciellement illimité ; ensuite parce que les paramètres susceptibles de servir de critères de

classement (finalité humaine générale, enjeu social médiatique, et.) sont à la fois hétérogènes, peu

délimitables et en constante interaction ; enfin et surtout parce que tel classement de textes ne peut se

fonder sur le seul critère aisément observable, à savoir les unités linguistiques qui y sont empiriquement

observables. (1997 : 138)

Selon l‟auteur, un texte comprendrait plusieurs segments typiques d‟un genre et c‟est

au niveau des « segments » qu‟il est possible d‟observer des régularités :

Et c‟est au seul niveau de ces segments que peuvent être identifiées des régularités d‟organisation et de

marquages linguistiques. Nous avons en conséquence soutenu que c‟étaient ces segments constitutifs

d‟un genre qui devaient être considérés comme des types linguistiques, c'est-à-dire comme des formes

spécifiques de sémiotisation ou de mise en discours. (1997 : 138)

Certains de ces segments peuvent être enchâssés, ce qui entraîne une relation de dépendance

entre quelques segments.

L‟étude des textes conduit J.-P. Bronckart à distinguer des « segments » et « types

linguistiques » ou « types de discours » (narration, récit, discours interactif, discours

Page 37: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

37

théorique) que l‟auteur définit comme des « formes spécifiques de sémiotisation ou de mise

en discours » (Ibid : 139). J.-P. Bronckart les articulent à partir de deux « mondes » (ou

« plans d‟énonciation ») : le « monde du RACONTER » et le « monde de l‟EXPOSER ». Dans le

monde de l‟EXPOSER, il y intègre les « discours interactifs », qu‟il repère dans le genre de la

conversation et dans le genre du roman, et les « discours théoriques », qu‟il repère dans les

monographies scientifiques et les dictionnaires. Le monde du RACONTER comporte quant à lui

les « récits interactifs », présents dans les interventions politiques orales, dans le roman et la

« narration » :

Nous qualifions d‟activité narrative le processus à l‟œuvre dans tout discours de l‟ordre de raconter. Et

pour désigner les produits de cette activité, nous parlons de récit interactif lorsqu‟est construit un monde

discursif impliquant les paramètres de l‟action langagière, et de narration lorsqu‟est construit un monde

autonome en égard à ces mêmes paramètres. (1997 : 184)

Ces distinctions sont articulées autour des notions d‟ « implication », dans le cas où

l‟activité langagière se déroule en interaction avec la situation matérielle et des points de

repères (références à des lieux, des moments définis, des interlocuteurs précis), et

d‟ « autonomie » dans le cas contraire.

J.-P. Bronckart croise également cette dimension avec celle de l‟ancrage du discours

dans la situation de production, dimension caractérisée par les modes « conjoint » et

« disjoint », ce dernier implicant une rupture entre le « monde dit » et le « monde agi ». C‟est

à partir de ces deux dimensions portant sur des paramètres situationnels (conjoint/disjoint et

autonomie/implication) que l‟auteur distingue les quatre discours : discours interactif, récit

interactif, discours théorique et narration. Voici sa présentation sous forme tabulaire :

Tableau 1 : Les architypes selon J.-P. Bronckart (1997 : 159)

Coordonnées générales des mondes

Conjonction

EXPOSER

Disjonction

RACONTER

Rapport à l‟acte

de production

Implication Discours interactif Récit interactif

Autonomie Discours théorique Narration

Dans cette présentation de la conception des discours dans leur rapport à l‟acte de

production, nous n‟explorerons pas les critères caractérisant les types de discours, mais nous

les détaillerons dans le chapitre 3.

Page 38: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

38

1.4. Les approches ethno-sociologiques : production des discours et situation

d’énonciation

Les travaux menés par D. Hymes et J. J. Gumperz dans le cadre de l‟ethnographie de

la communication6 s‟intéressent aux pratiques langagières de différents groupes socioculturels

en les articulant aux comportements des individus, à la culture de la communauté et aux

circonstances de la communication. En cherchant à décrire l‟environnement de la production

des discours et la mise en œuvre de la « compétence » des individus, D. Hymes a proposé la

notion de « genre » pour caractériser la situation de communication.

Selon D. Hymes et J. J. Gumperz, tout locuteur met en place une « compétence », afin

de bien comprendre et de bien se faire comprendre par son ou ses interlocuteur(s). La

compétence de communication se définit comme l‟ensemble des aptitudes permettant au

locuteur de communiquer efficacement dans des situations culturelles spécifiques :

Nous devons donc expliquer le fait qu‟un enfant normal acquiert une connaissance des phrases, non

seulement comme grammaticales, mais aussi comme étant ou non appropriées. Il acquiert une

compétence qui lui indique quand parler, quand ne pas parler, et aussi de quoi parler, avec qui, à quel

moment, où, de quelle manière. Bref, un enfant devient à même de réaliser un répertoire d‟actes de

parole, de prendre part à des évènements de parole et d‟évaluer la façon dont d‟autres accomplissent ces

actions. (D. Hymes, 1984 : 74)

Selon l‟auteur, la compétence communicative inclut la compétence grammaticale et la

compétence socioculturelle. La compétence serait constituée à la fois de la connaissance des

règles linguistiques qui permettent de générer des énoncés (compétence chomskienne7) et de

la connaissance des règles d‟usage social et culturel.

À partir de cette proposition, D. Hymes détermine le genre comme des événements de

parole (« speech events ») : « Genres often coincide with speech events, but must be treated as

analytically independent of them. They may occur in (or as) different events. » (1972 : 65), les

genres étant reconnaissables par des caractéristiques linguistiques formelles :

The notion of genre implies the possibility of identifying formal characteristics traditionally recognized.

It is heuristically important to proceed as though all speech has formal characteristics of some sort as

manifestation of genres; and it may well be true. (Ibid)

6 L‟ethnographie de la communication se situe au carrefour de l‟anthropologie, la linguistique et la sociologie.

Elle étudie les différences et les particularités d‟un même groupe social pour en dégager des comportements

récurrents. Elle sera à l‟origine de l‟ethnométhodologie sur laquelle s‟appuie l‟analyse conversationnelle. 7 Selon N. Chomsky (1971), la compétence est la faculté intrinsèque de tout individu de produire un nombre

infini d‟énoncés à partir de règles finies. Il l‟oppose à la performance qui est la production effective de la langue.

Page 39: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

39

Ces genres s‟insèrent dans un modèle plus large : le modèle SPEAKING qui comporte

huit éléments caractérisant toute situation de communication. Chaque lettre représente une

composante de l‟interaction. Ces composantes s‟influencent les unes les autres :

The sixteen component can be grouped together under the letters of the code word SPEAKING :

settings, participants, ends, act sequences, keys, instrumentalies, norms, genres. That the code word is

not wholly ethnocentric appears from the possibility of labeling and regrouping the necessary

components in terms of the French PARLANT : participants, actes, raison (résultat), locale, agents

(instrumentalities), normes, ton (key), types (genres). (D. Hymes, 1972 : 65)

Settings : C‟est l‟ensemble des éléments du cadre spatio-temporel de l‟interaction ;

Participants. Il s‟agit de toutes les personnes qui participent à l'évènement langagier ;

Ends. Il s‟agit des finalités et les intentions des locuteurs ;

Act sequences. Pour atteindre leurs objectifs, les participants utilisent des stratégies

discursives et communicatives, des actes de parole, des comportements kinésiques

et gestuels ;

Keys. Cela concerne la « tonalité » des échanges (intonation, registre, ton de voix) et

les aspects paraverbaux ;

Instrumentalities. Sont concernés ici les différents canaux intervenant dans la

communication : la vue, l‟odorat, l‟ouïe, le goût, la voix, ainsi que les modalités

orales ou écrites de la communication ;

Norms of interaction. Il s‟agit des normes, des conventions, des règles d‟organisation

de toute communication, fonction du statut, du rôle de chaque interlocution et des

conditions et circonstances de l‟interaction.

Genres. Le genre correspond à un type d‟activité de langage : poème, sermon, conte,

prière, consultation médicale, conférence, conversation sérieuse ou ordinaire, débat,

etc.

En s‟appuyant sur le concept de « genres » de D. Hymes, C. Kerbrat-Orecchioni et

V. Traverso, dans une tentative d‟analyse des « genres » à l‟oral, reconnaissent deux sortes de

genres ; les « G1 » et les « G2 » (2004 : 43). Les « G1 » correspondent à ce qu‟elles nomment

« les événements de communication » ou « types d‟interaction ». Ils reposent sur des critères

externes. Ils correspondent aux « speech events » de D. Hymes (1972), ou encore aux

« activity types » (« types d‟interaction ») de S. Levinson (1992). Quant aux « G2 », ils

correspondent aux « activités discursives » ou « types de discours ». Ceux-ci sont déterminés

par des critères internes. Dans un même texte ou discours, il est possible que les genres

« G1 » et « G2 » soient imbriqués.

Page 40: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

40

C. Kerbrat-Orecchioni et V. Traverso soulignent le fait que les genres « G1 » et « G2 »

sont « des catégories floues » et que le discours est constitué d‟unités hétérogènes. Par

exemple, il n‟est pas rare de relever dans une consultation médicale relevant d‟un genre

« G1 », à la fois de l‟interrogatoire et de la conversation, c‟est-à-dire deux types de discours

relevant du « G2 ».

Selon les auteures, les systèmes de « genres » feraient partie de la compétence de

communication des locuteurs et ils apparaîtraient comme des normes qui dictent aux locuteurs

leur façon de se comporter au cours des interactions :

Cette compétence générique est à considérer comme système de contraintes aussi bien que comme un

réservoir de ressources communicatives : elle nous oblige à nous comporter « comme il faut ».

(2004 : 46)

1.5. Les apports des études sur l’oral pour l’étude des discours

Les études sur l‟oral sont autant d‟attentions portées sur les variations de la langue, sur

la diversité des discours et sur la caractérisation de ces discours. Chaque recherche, relevant

d‟objectifs différents et se concentrant tantôt sur la langue parlée, tantôt sur langue parlée et

écrite, apporte des pistes de réflexion pour la caractérisation des discours. Nous nous sommes

particulièrement intéressée aux études de C. Blanche-Benveniste dans le cadre du français

parlé, d‟E. Ochs sur la planification des discours, de D. Biber sur l‟anglais parlé et écrit, ou

encore aux études menées dans le cadre de la typologie textuelle du Traitement Automatique

de la Langue.

En étudiant la syntaxe du français parlé, C. Blanche-Benveniste a pu observer la non

validité de la dichotomie oral/écrit. À l‟oral, les échanges se réalisent en situation et à l‟écrit

ils sont différés et les canaux de transmission des informations diffèrent8. Le français parlé est

souvent associé à l‟idée d‟une langue familière, avec une syntaxe relâchée et des mots

empreints d‟argot. Cette existence d‟un « code oral » et d‟un « code écrit » est fortement

contestée par C. Blanche-Benveniste :

8 Cette frontière par la distance est néanmoins fortement réduite avec les nouvelles formes de transmissions des

messages écrits comme les textos (SMS).

Page 41: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

41

Il est évident que le type de réalisation n‟a rien à voir avec le „niveau‟ de langue ; on peut écrire du

français „relâché‟ et parler en français „académique‟. La langue parlée n‟est pas le lieu de la vulgarité et

de la familiarité. (1983 : 24)

Il en est de même pour la langue anglaise. D. Biber parle de langue orale et écrite plus ou

moins complexe :

The general view is that written language is structurally elaborated, complex, formal, and abstract,

while spoken language is concrete, context dependent, and structurally simple. […] Historically,

academics have regarded writing, in particular literary works, as the true form of language, while

speech has been considered to be unstable, degenerate and not worthy of study. (1988 : 5)

L‟écrit apparaîtrait plus stable que l‟oral dans la mesure où il a recours à des normes

fixes, et c‟est bien souvent la version écrite que la langue légitime.

Le français parlé est caractérisé par certains phénomènes qui lui sont spécifiques.

Ainsi, comme l‟oral dépend plus étroitement du contexte, nous pourrons y repérer davantage

de déictiques et la présence de marqueurs discursifs ou de particules discursives comme

« hein », « bon », « ben », « tu sais ». La prosodie joue également un rôle important à l‟oral,

puisqu‟elle peut constituer un procédé de mise en relief (de par notamment les allongements

vocaliques, les accentuations de voyelles ou de syllabes et les différentes intonations) et elle

peut aussi insérer des commentaires qui interrompent le déroulement de la construction

verbale9. On pourra trouver en français parlé des énoncés inachevés qui témoignent de la

parole en construction et des répétitions employées comme procédé d‟insistance10

ou des

hésitations, des pauses silencieuses ou remplies (ou dites « pleines ») marquant de simples

silences et des marques de réflexion et de recherche de mots ou d‟idées, etc.

Néanmoins, ces caractéristiques spécifiques ne font pas du langage oral une langue

différente de l‟écrit et il faut davantage regarder l‟oral du point de vue des variations utilisées

en fonction des différents genres de discours. Les pratiques discursives font apparaître des

variations dans les « registres de langue » (« argotique », « vulgaire », « populaire »,

« familier », « courant », « standard », « soutenu »). Cependant, l‟oral ne peut pas être réduit à

une simple opposition familier/soutenu. En réalité, les locuteurs effectuent des choix

langagiers en fonction de leur analyse de la situation et du statut de son ou ses

interlocuteur(s) :

Les analyses sur des corpus montrent que les locuteurs peuvent manier une grande dose de variation,

interne à leurs productions, selon les genres dans lesquels ils se situent. Selon qu‟ils parlent en

9 « il existe une firme japonaise puissante je sais pas laquelle - enfin j'avais lu ça sur un canard une fois - qui

offrait une somme absolument euh - faramineuse quoi » (C. Blanche-Benveniste et M. Bilger, 1999 : 23). 10

« elle réclamait son frère son frère son frère toujours » (Ibid : 25).

Page 42: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

42

conversation privée ou en situation professionnelle, ils utiliseront ou non des nominalisations ou des

types de prépositions. (C. Blanche-Benveniste, 1997 : 28)

Un locuteur, quelle que soit sa région d‟appartenance, peut employer un parler plutôt

familier avec des amis ou sa famille à un parler plutôt académique lorsqu‟il est au travail,

parfois utilisant des variétés linguistiques qui lui semblent plus prestigieuses que d‟autres :

Car au lieu de parce que ou nous au lieu de on sont des variantes de prestige, qu‟on rencontre chez tous

les locuteurs. De ce fait, on ne peut les utiliser pour caractériser une appartenance sociologique ou

régionale. 11

(C. Blanche-Benveniste, 1997 : 23)

Ces variations peuvent par ailleurs survenir dans une même situation, aucun locuteur

n‟ayant un « style unique » (F. Gadet, 1992, 199912

) :

Par exemple, lorsqu'un locuteur parle d'un travail dans lequel il est fortement impliqué, il arrive qu'il

passe alternativement par des phases de langage qu'on pourrait caractériser comme très "spontanées",

surtout s'il s'adresse à un interlocuteur qu'il connaît bien, et, presque simultanément par d'autres phases

qu'on pourrait dire au contraire "très soutenues", surtout lorsqu'il semble parler en tant que représentant

de sa profession. (C. Blanche-Benveniste et M. Bilger, 1999 : 27)

L‟ensemble de ces observations, s‟appuyant sur de nombreuses données, ont amené

certains linguistes spécialistes du français parlé à tenter de constituer une typologie des

discours. D‟autres chercheurs comme E. Ochs ou encore D. Biber se sont intéressés aux

discours oraux et écrits en anglais et apportent d‟importantes pistes de réflexion pour la

caractérisation de discours en français.

En cherchant à déterminer les caractéristiques de l‟oral et de l‟écrit, E. Ochs (1979a)

va établir une distinction entre discours « planifié » et discours « non planifié ». Dans le cas

d‟un discours « non planifié », le locuteur produit un discours non préalablement travaillé

(c‟est le cas d‟une rencontre fortuite), alors que dans le discours planifié, le locuteur a anticipé

(mentalement ou par écrit) le contenu et la forme de son intervention :

At the heart of our notion of planning is the idea of forethought. Unplanned discourse is talk that has not

been thought out prior to its expression. […] In unplanned discourse, the communicator has not

organized how an idea or set of ideas is going to be expressed or how some speech act (Searle 1969) or

event (Hymes 1972) is going to be performed prior to the time of communication. We have arrived at

two working definitions :

1. UNPLANNED DISCOURSE is discourse that lacks forethought and organizational preparation.

2. PLANNED DISCOURSE is discourse that has been thought out and organized (designed) prior to its

expression. (E. Ochs, 1979a : 55)

11

Mots mis en italique par C. Blanche-Benveniste. 12

« Il n'existe pas de locuteur à style unique. Ainsi par exemple, un professeur qui emploie toujours le ne de

négation en faisant cours (« il ne vient pas»), peut l‟omettre dans son cadre intime (« il vient pas »). (1999 : 44)

Page 43: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

43

Selon E. Ochs, plusieurs critères linguistiques permettent de caractériser les types de

discours (planifié ou non planifié), comme celui de la subordination. Selon ses analyses, les

discours non planifiés comporteraient davantage de référents, dans la mesure où l‟absence de

contexte demande davantage d‟explicitation, alors que dans les discours planifiés, la relation

syntaxique entre le référent et le prédicat serait moins marquée grammaticalement :

There is a reliance on simpler, determiner (demonstrative, definite article) plus noun constructions in

situations in which, in planned discourse, the communicator would use a RELATIVE CLAUSE

CONSTRUCTION. Compare, for example, the unplanned and planned versions of the narrative “Subway in

London”. In the unplanned version illustrated in example (7), a character is referred to as this man – this

guy. The same individual is referred to as a friend with whom she had been talking in the planned

version, illustrated in (8). Similarly, in the same narrative, the major female character is referred to as

this woman lady in the unplanned version. […] In the planned version, the same woman is referred to as

a woman whose back was turned. Other alternatives to relative clause constructions found in relatively

unplanned discourse include referent + proposition constructions and noun + prepositional phrase

constructions. (E. Ochs, 1979a : 69)

Ses observations confortent celles d‟A. Duranti et R. Keenan (1976) dans lesquelles il

apparaîtrait que les conversations « spontanées » présenteraient plus de dislocations que dans

les articles de journaux ou de magazines, et valident également l‟analyse statistique de

B. Kroll (1977) qui indique que les propositions subordonnées sont produites dans 7,1 % des

discours non planifiés et 20 % des discours planifiés.

E. Ochs identifie d‟autres critères potentiellement pertinents : il apparaît que les

discours planifiés comptent moins de verbes passifs que les discours non planifiés ; les

discours planifiés comportent principalement les temps du présent même pour évoquer des

moments passés, alors que les discours non planifiés sont marqués par le temps du passé ; les

répétitions semblent caractériser un discours non planifié. Plus le discours est préparé, moins

les phénomènes sont récurrents :

In most cases, repetition and word replacement within a speech act reflect trouble spots in the

communication. Repetition of a lexical item may be part of the speakers‟s search for a particular word

(Schegloff, Jefferson, and Sacks 1977) or predication. The search may be motive by the speaker‟s desire

to select a term or construction that is appropriate to the addressee or clear to the addressee. (1979a : 70)

Le concept de planification des discours semble pouvoir aider à la caractérisation des

types de discours. En effet, ce qui peut, entre autres, différencier une réunion du comité de

direction d‟une séance de travail est, en partie, le degré de planification des discours. Les

discours des participants peuvent être préalablement travaillés et rédigés, c‟est notamment le

Page 44: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

44

cas pour les réunions de direction où les participants font d‟ailleurs parvenir à chaque membre

un document support à leur intervention.13

Dans ce même cadre de classification des discours et des analyses de l‟anglais,

D. Biber (1988) s‟est intéressé à la variation linguistique :

Variability in inherent in human language: a single speaker will use different linguistic form on

different occasions, and different speakers of a language will say the same thing in different ways. Most

of this variation is highly systematic: speakers of a language make choices in pronunciation,

morphology, word choice, and grammar depending on a number of non-linguistic factors. These factors

include the speaker‟s purpose in communication, the relationship between speaker and hearer, the

production circumstances, and various demographic affiliations that a speaker can have.

(D. Biber, 1995 : 1)

Il a tenté une classification des textes écrits et oraux en anglais en regroupant des

« textes » à partir de traits linguistiques internes. Un certain nombre de questions sous-tendent

cette démarche : quels traits linguistiques (lexical, syntaxique, sémantique, pragmatique)

permettent de caractériser les textes (écrits ou oraux) ? Quels traits permettent de mesurer les

proximités et les distances entre les textes ? Un texte peut-il appartenir entièrement à un

« genre » ou à un « type » et peut-il comporter des parties relevant chacune de « genres » ou

« types » différents ?

13

Du point de vue de notre étude, la planification des discours est indissociable de la planification des actions

Nous nous intéressons à deux notions clefs : « action située » (« situated actions ») et « plans d‟action » (« plans

actions ») développées par L. Suchman (1987). Cette auteure s‟intéresse aux interactions homme-machine en

intégrant une approche anthropologique de l‟action et de la communication humaine. Selon L. Suchman, les

actions humaines ne seraient pas d‟emblée contrôlées et planifiées : ce n'est que lorsque nous avons à rendre

compte de nos actions que nous les faisons entrer dans un plan. Les actions sont liées à une situation spécifique,

ce qui ne permet pas de prévoir et d‟établir des règles génériques. Les plans d‟action seraient donc des

représentations de l‟action située qui se définit de la façon suivante :

That term (situated action) underscores the view that every course of action depends in essential ways

upon its material and social circumstances. Rather than attempting to abstract action away from its

circumstances and represent it as a rational plan, the approach is to study how people use their

circumstances to achieve intelligent actions. Rather than build a theory of action out of a theory of

plans, the aim is to investigate how people produce and find evidence for plans in the course of situated

actions. (1987 : 50)

Selon elle, la communication a une influence majeure sur l‟intelligibilité des actions et les actions se réalisent par

les interactions entre les différents acteurs. Le modèle de L. Suchman intègre trois composantes : le modèle de

planification lui-même, qui identifie et décrit précisément l‟action et le problème qu‟il y a à résoudre, les actes

de parole qui mettent l‟action sur les intentions et la prise en compte de règles, et enfin, des connaissances

communes donnant une signification sociale aux actions individuelles (1987 : 28-48).

Dans les séances de travail de notre corpus, les locuteurs ne planifient pas leurs discours, car la communication

elle-même n‟est pas planifiée, seule l‟activité est planifiée : les collaborateurs savent ce qu‟ils devront élaborer.

Cependant, les méthodes de travail ne sont pas organisées au préalable. Certaines actions langagières sont

soumises à des mécanismes de planifications qui font que nous nous attendons à une forme particulière de

discours, c‟est notamment le cas des réunions de direction ou des conseils de d‟administration. Les séances de

travail sont, quant à elles, moins soumises à la planification. Elles s‟inscrivent dans une situation de « faire »,

d‟ « agir». Il ne s‟agit pas seulement d'écouter, mais de manipuler des concepts et de discuter. Les conversations

informelles sont de ce point de vue encore moins contraintes.

Page 45: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

45

D. Biber présente une interprétation de ces regroupements en termes de « types de

textes ». Il distingue clairement les « types de textes » et les « genres » :

I distinguish “genres” from “text types”: genres characterize texts on the basis of external criteria, while

text types represent groupings of texts that are similar in their linguistic form, irrespective of genre.

(2000 [1988] : 170)

Ainsi, les « types de texte » dépendent de leurs caractéristiques linguistiques : « I use

the term „text type‟ to refer to classes of texts that are grouped on the basis of similarities in

linguistic form. (2000 [1988] : 206) », alors que les « genres » sont déterminés par des critères

externes : « Genre categories are determined on the basis of external criteria relating to the

speaker‟s purpose and topic; they are assigned on the basis of use rather than on the basis of

form. It is also possible to considerer grouping of texts that are derived on the basis of

linguistic form. » (2000 [1988] : 170).

À l‟intérieur des types de textes, D Biber utilise la notion de « registre » pour parler

des différentes variations linguistiques conditionnées par le contexte situationnel. Afin

d‟identifier les dimensions linguistiques des textes écrits et oraux, il a procédé à un traitement

statistique sur 481 textes étiquetés. À partir d‟analyses à la fois macro- et micro-linguistique,

il a dans un premier temps déterminé 16 catégories distinctes, telles que les adverbes et

locutions adverbiales, les marqueurs de temps et de lieu, les pronoms, les modaux, la

négation, les passifs et il a repéré 67 caractéristiques linguistiques (2000 [1988] : 73-75). Il a

ensuite pu développer une typologie des textes en repérant 15 catégories majeures qui lui ont

permis d‟établir 6 « dimensions » définies par des traits linguistiques spécifiques (temps

verbaux, nominalisations, coordinations, contractions, négations, etc.) :

- Involved vs Informational Production ;

- Narrative vs Non-narrative concerns ;

- Explicit vs Situated Reference ;

- Persuasion ;

- Abstract vs non-abstract Information ;

- On-line Informational Elaboration.

À partir de ces dimensions, il propose huit types de textes majeurs :

- « Intimate Interpersonal Interaction » ;

- « Informational Interaction » ;

- « Scientific Exposition » ;

- « Learned Exposition » ;

Page 46: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

46

- « General Narrative Exposition » ;

- « Imaginative Narrative » ;

- « Situated Reportage » ;

- « Involved Persuasion ».

De ces types de textes émanent deux types majeurs : l‟interaction à visée interpersonnelle

(« Intimate interpersonal interaction ») et l‟interaction à visée informationnelle

(« Informational interaction ») (D. Biber, 2000 [1988] : 207).

Ce travail important a été ensuite développé d‟un point de vue informatique dans le

but de faire un repérage automatique des traits linguistiques et d‟étiqueter les textes.14

Ce travail réalisé en anglais n‟a pas été véritablement testé, dans sa globalité, pour le

français. Les chercheurs en français parlé ont travaillé spécifiquement sur quelques genres. La

dichotomie entre l‟oral et l‟écrit disparaît et les pratiques langagières sont différenciées en

fonction des situations d‟énonciation, de la planification des discours et de certains critères

linguistiques, ce qui tente de montrer les variétés des discours et de proposer des typologies.

Notre propre recherche s‟inscrit dans cette lignée.

À la lumière des études de D. Biber, C. Blanche-Benveniste avait l‟idée de constituer

un grand corpus afin de répertorier l‟ensemble des pratiques langagières. Dans cette optique,

de grands corpus ont vu le jour comme le corpus « CorpAix » du GARS (Groupe Aixois de

Recherche en Syntaxe), le « Corpus de Référence du Français Parlé » de l‟équipe DELIC

(anciennement GARS), le Corpus d‟Orléans, le corpus CLAPI (Corpus de LAngues Parlées

en Interaction) de Lyon II et plus récemment le corpus TCOF (Traitement de Corpus Oraux

en Français) de Nancy. J.-M. Debaisieux propose un état des lieux des corpus oraux en France

(2005) et dans le monde (2008), tout en présentant des perspectives et des problématiques

concernant la constitution des corpus et leur exploitation à partir d‟outils informatiques

(2005). Elle signale qu‟il n‟existe pas en France de corpus comportant à la fois de la langue

orale et de la langue écrite « comme il en existe en Espagne, au Portugal, en Italie et bien sûr

en Angleterre et aux Etats Unis » (Ibid : 10) et que les corpus sont difficilement accessibles

pour les chercheurs extérieurs.

14

Les algorithmes informatiques proposés pour l‟étiquetage sont difficilement réutilisables en dehors de la

classification de D. Biber. Si nous ne partageons pas la caractérisation des dimensions de cet auteur, c‟est

l‟ensemble du classement des « registres » qui est remis en cause.

Page 47: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

47

L‟étude sur de grands corpus permet donc de répertorier les pratiques langagières et

d‟ordonner les bases de données pour lesquelles il est nécessaire de recourir à des catégories

telles que « genres », « types ». Par exemple, les pratiques langagières de la base de données

TCOF (corpus adultes-enfants, adultes au travail, entretiens, débats, cours, discours

politiques, etc.), sont ordonnées principalement à partir de leur situation d‟énonciation

nommée « genre de discours » (entretien, conversation, réunion, relation de service, débat,

cours, discours politique, consultation), et aussi principalement à partir du « type de corpus »

(corpus adulte et corpus enfant), du « cadre situationnel » (public, privé, professionnel,

scolaire ou périscolaire) et du « canal de communication » (face à face, téléphone,

visioconférence, télévision, radio).

Les notions de « genre de discours » et de « genre textuel » sont très utilisées par la

linguistique de corpus pour décrire l‟ordonnancement des documents pour la recherche

d‟information et la catégorisation de textes dans l‟organisation de bases de données. Comme

il n‟existe pas de classification automatique des différents genres ou types de texte, se pose la

question de savoir : comment peut-on définir une typologie sachant qu‟un texte peut

appartenir à plusieurs genres ou types de textes, ou qu‟un texte peut comporter des parties

relevant chacune de genres ou types de textes différents ?

Le TAL tente d‟aboutir à l‟automatisation du repérage des traits linguistiques pour

identifier le genre d‟un texte. Selon F. Rastier et B. Pincemin, les genres caractérisés seraient

marqués par des éléments linguistiques, mais aussi par les pratiques sociales :

Chaque genre a son vocabulaire de construction, ses formes d‟organisation, ses contenus attendus, ses

modes rédactionnels. La portée sémantique d‟un mot, ou le sentiment de longueur ou de brièveté,

varient selon le genre. […] Les genres sont déterminés par les pratiques sociales. Ils sont reconnus et

décrits par la linguistique, car c‟est une réalité intertextuelle, par lesquels peuvent s‟expliquer certaines

affinités et certaines régularités entre des textes. (F. Rastier et B. Pincemin, 1999 : 83-85)

Mais, après avoir déterminé plus précisément les genres ou types à partir de traits

linguistiques et extralinguistiques, serait-il possible que l‟avancée de l‟informatique nous

permette d‟automatiser les repérages des traits et permette le calcul de traits de manière

automatique, afin d‟identifier systématiquement le genre ou type d‟un texte ? Comme l‟a

expliqué M.-P. Jacques (2006)15

, cela comporte le risque d‟une focalisation sur des traits

facilement automatisables plutôt que pertinents. En effet, l‟efficacité d‟un outil ne varie pas

seulement en fonction des objectifs des chercheurs, mais il va dépendre de sa capacité à

détecter un genre ou type de texte. Il serait donc nécessaire de détecter le genre ou type de

15

En introduction à la journée ATALA « Typologie de textes pour le traitement automatique », le 9 décembre

2006, à l‟ENST, Paris.

Page 48: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

48

texte pour y appliquer l‟utilisation de l‟outil approprié. Pour cela, il semble essentiel d‟aboutir

d‟abord à des définitions plus rigoureuses du « genre » et du « type », puis de préciser les

manifestations linguistiques de ce genre ou de ce type.

1.6. La caractérisation de genres et de types de discours dans des recherches sur

le langage au travail : genre(s) ou type(s) de discours ?

Dans le but d‟explorer les caractéristiques du langage en situation professionnelle,

A. Koester (2004) examine la façon dont est utilisé le langage oral et écrit au travail dans

diverses situations. Elle parle de « parlers institutionnels » (2004 : 2) et précise que ces

derniers diffèrent de la conversation ordinaire pour plusieurs raisons :

- L‟orientation du but : les professionnels se concentrent généralement sur des tâches et

des objectifs spécifiques ;

- Les règles de tours de parole : dans certains contextes professionnels, comme les salles

d'audience, les tours de rôle sont soumis à des règles de fonctionnement particulières ;

- Les contributions : les interventions de chacun sont considérées comme

« admissibles » ou non ;

- L‟emploi d‟un jargon professionnel spécifique au lieu de travail ;

- La structure du lieu de travail : les interactions professionnelles sont structurées de

manière spécifique ;

- Les rapports entre les locuteurs : les rapports sont symétriques ou asymétriques.

A. Koester observe à la fois des relations entre professionnels et des relations entre

clients/patients et professionnels en Angleterre. Dans ses recherches, elle différencie plusieurs

« textes » et « discours » en situation de travail, tels que les lettres de refus à un poste de

secrétaire rédigés par le représentant du service des Ressources humaines, l‟agenda d‟un

professeur d‟anglais à l‟université, les prises de rendez-vous entre un professeur et une

secrétaire ou encore les consultations médicales. En s‟appuyant notamment sur les recherches

de J. Swales (1990) et de P. Drew et J. Heritage (1992), elle qualifie ces différentes situations

de discours de « genres » et qualifie le contexte professionnel de « registre ».

Elle considère à la fois les caractéristiques interactionnelles (comme les tours de

parole), les caractéristiques extralinguistiques (comme la place et le statut des locuteurs, les

Page 49: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

49

buts des participants, le « style » formel ou informel) et les caractéristiques linguistiques

(comme le lexique et les structures grammaticales). Selon elle, les « genres » peuvent être

identifiés à partir de traits linguistiques (lexique, grammaire, syntaxe) et précise que la

structure des interactions est conditionnée par le rôle des locuteurs.

En France, J. Boutet (2005a et 2005b) s‟est intéressée à la problématique des

« genres » et définit cette notion comme « un niveau intermédiaire entre langue et discours »

(2005b : 20). Selon elle, les genres permettraient de saisir les diverses activités langagières en

situation de travail. Selon J. Boutet, les discours forment un nombre considérable de genres et

caractérisent des situations : « il s‟agit de formats reconnaissables qui vont permettre

d‟articuler au mieux les échanges » (J. Boutet, 2005b : 21). L‟identification des genres vont

amener les locuteurs à adopter un comportement adéquat. J. Boutet tente alors de caractériser

les activités langagières au travail comme des genres de discours. À partir de l‟analyse de la

« part langagière » du travail (1995) et en recherchant et décrivant les spécificités de ces

activités langagières, elle propose de parler de « genres professionnels » :

Cet ancrage fort du langage dans des contextes d‟action et, plus largement, dans des contextes

écologiques, génère un ensemble de propriétés des genres professionnels. Ces spécificités peuvent être

plus ou moins prégnantes selon les métiers et les activités, mais en tout état de cause elles demeurent à

l‟horizon tant de la conception du travail (du travail prescrit) que de l‟effectuation du travail (travail

réel). (2005b : 21)

Ces genres sont tout autant de types de discours et de types d‟activités qui se façonnent

réciproquement, mais de façons différentes selon l‟activité exercée. En situation de travail, les

activités langagières ont des finalités précises liées à l‟activité de travail et au contexte de

travail (son univers technique) qui constituent des caractéristiques faisant des activités

langagières au travail des genres professionnels. Les genres de discours en milieu

professionnel sont déterminés par un ensemble de critères linguistiques et par l‟activité :

Si on admet que les genres professionnels se caractérisent par un ensemble de propriétés, ce n‟est

certainement pas chaque propriété prise isolément qui permet de le montrer, mais bien une

combinatoire. Cette combinatoire est assurément variable selon les métiers, selon les activités, selon les

tâches en cours. (J. Boutet, 2005b : 33)

Dans le cadre de l‟analyse clinique de l‟activité, Y. Clot et D. Faïta (2000) empruntent

la notion de « genre » à M. Bakhtine. Les genres se présentent comme des formes fixes,

proposant des « stocks d‟énoncés attendus » :

Page 50: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

50

Les genres fixent, dans un milieu donné, le régime social de fonctionnement de la langue. Il s‟agit d‟un

stock d‟énoncés attendus, prototypes des manières de dire ou de ne pas dire dans un espace-temps

socio-discursif. […]. Ces énoncés retiennent la mémoire impersonnelle d‟un milieu social dans lequel

ils font autorité, donnent le ton. (Y. Clot et D. Faïta, 2000 : 10)

Les genres sont vus comme la trame d‟une situation sociale qui organisent la parole de

l‟individu :

Le genre professionnel peut être présenté comme une sorte de préfabriqué, stock de « mises en actes »,

de « mises en mots », mais aussi de conceptualisations pragmatiques (Samurçay et Pastré, 1995), prêts à

servir. C‟est aussi, une mémoire pour pré-dire. Un prétravaillé social. Cette mémoire, on peut la définir

comme un genre qui installe les conditions initiales de l‟activité en cours, préalables de l‟action.

Préactivité. (Y. Clot et D. Faïta, 2000 : 13)

Cependant, les genres professionnels ne cessent d‟évoluer, ils sont redéfinis par le

« style » des individus, c'est-à-dire leur façon d‟agir et de communiquer. Lorsque les

individus travaillent, ils agissent à travers les genres qu‟ils modifient parfois lorsque cela est

nécessaire. Alors que les genres sont des formes stables, fixes, les styles16

se présentent

comme des influences qui viennent modifier et retravailler les genres en situation :

Celui ou ceux qui travaillent agissent au travers des genres tant qu‟ils répondent aux exigences de

l‟action. Du coup, quand c‟est nécessaire, ils ajustent et retouchent les genres en se plaçant également

en dehors d‟eux par un mouvement, une oscillation parfois rythmique consistant à s‟éloigner, à se

solidariser, à se confondre selon de continuelles modifications de distance qu‟on peut considérer comme

des créations stylistiques. C‟est d‟ailleurs ce travail du style qui produit une stylisation des genres

susceptible de les « garder en état de marche », c‟est-à-dire de les transformer en les développant. Les

styles ne cessent de métamorphoser les genres professionnels qu‟ils prennent comme objets de travail

sitôt que ces derniers se « fatiguent » comme moyens d‟action. (Y. Clot et D. Faïta, 2000 : 15)

Les études que nous avons présentées jusqu‟alors avaient pour objectif soit de

rechercher explicitement des genres ou des types (de textes ou de discours), soit de rechercher

des modes de classification des genres et/ou des types, soit de s‟intéresser à la variation des

textes et des discours. Les auteurs n‟admettent pas de définition précise et commune. Nous

avons donc été confrontée à des critères de classement hétérogènes et des imprécisions dans la

terminologie. Dans le domaine de la littérature, J.-M. Schaeffer affirmait : « De tous les

champs dans lesquels s'ébat la théorie littéraire, celui des genres est sans nul doute un de ceux

où la confusion est la plus grande. » (1986 : 16).

Le genre apparaît tantôt comme une étiquette, tantôt comme un système de normes. Il

n‟existe pas d‟inventaire des genres et il n‟y a pas véritablement d‟accord entre les chercheurs

16

Cf F. Gadet (1992, 1999)

Page 51: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

51

sur la définition des notions de « type » et de « genre ». La diversité des points de vue a donc

rendu difficile le travail de définition.

La notion de « genre de discours » est traditionnellement employée pour classer les

textes littéraires (poésie, roman, théâtre, essai, etc.). Quant à la notion de « types de

discours », elle nomme des classes de discours et est parfois opposée à « genre de discours »

(comme dans les travaux de J.-P. Bronckart, 1997). Nous remarquons qu‟il n‟y a pas de

normes fixes et que les normes caractérisant les genres ou les types sont établies à partir d‟un

ensemble de caractéristiques internes (linguistiques) et externes (extra-linguistiques).

Certains des travaux comme ceux de M. Bakhtine, de C. Kerbrat-Orecchioni et

V. Traverso (2004) démontrent que les éléments extralinguistiques (activités et domaines)

sont également des éléments de variation des genres de discours. Il semblerait par ailleurs que

la difficulté à déterminer des « genres » ou « types » de discours résiderait principalement

dans l‟idée que le discours est changeant, qu‟il ne constitue pas une unité stable, le contexte

pouvant modifier aisément le discours. La relation de dépendance entre les discours et le

contexte rend donc assez difficile la typologisation des discours.

À l‟issue de cette investigation, nous avons fait le choix d‟une terminologie qui a

semblé pertinente pour l‟analyse de nos données recueillies dans le cadre professionnel.

Nous emploierons la notion de « genre professionnel » pour parler de l‟ensemble des

discours réalisés en situation de travail. Nous posons l‟hypothèse, qu‟au sein de ce genre

professionnel, il existe des « types de discours » caractérisés par la situation d‟énonciation, et

notamment par les activités de travail, et détectables par des caractéristiques linguistiques.

Cette hypothèse rejoint l‟approche de S. Branca-Rosoff qui explique que la classification des

discours se réalise selon des caractéristiques de la situation d‟énonciation (personne, temps,

diverses modalités) et que chaque genre répond à une situation d‟énonciation précise et à un

emploi de langue caractéristique :

À ces lieux d‟énonciations institutionnels, correspondent des actes de langage rituellement codifiés au

service d‟une finalité pragmatique. Au tribunal, deux adversaires présentent leur cause à un juge qui

devra trancher en faveur de l‟un ou de l‟autre ; l‟objet du litige se situe dans le passé. À l‟assemblée,

l‟orateur cherche à faire adopter à ses concitoyens une décision d‟action collective qui engage l‟avenir.

Enfin, dans les cérémonies où se pratique l‟épidictique, il loue ou blâme les individus en s‟appuyant sur

les croyances et les valeurs qui constituent le patrimoine symbolique de la société ; il est ainsi conduit à

renforcer ces mêmes valeurs en les refondant sur des exemples que l‟on pourra à leur tour se

remémorer. Ces intentions déterminent le recours à des éléments linguistiques réglés. (S. Branca-

Rosoff, 1999a : 8)

Page 52: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

52

Dans la mesure où nous considérons l‟ensemble des discours en situation de travail

comme un « genre professionnel », représentant l‟ensemble des activités langagières au

travail, nous utiliserons une seconde terminologie pour déterminer les différents discours au

sein de ce genre. Ainsi, nous parlerons de « type de discours », notion que nous empruntons

à J.-P. Bronckart. Nous la distinguerons de la notion de « type linguistique ». La notion de

« type de discours » nous permettra de déterminer les différents discours marqués par des

caractéristiques linguistiques et par un « cadre actionnel »17 précis. La notion de « type

linguistique », quant à elle, nous permettra de caractériser plus précisément la dimension

langagière du discours.

Les « discours en situation de travail » constituent donc un genre professionnel nous

permettant de désigner une multiplicité de productions réalisées sur le lieu de travail. C‟est à

partir d‟un critère non linguistique que nous regroupons des discours extrêmement

différents.18

Notre positionnement est également marqué par l‟idée que le foisonnement des études

et des terminologies nous empêche de prendre part à l‟une des classifications existantes ou à

une terminologie unique :

En l‟absence d‟une possibilité de modélisation globale des classes de discours, chaque chercheur retient

les axes descriptifs qui correspondent à ses intérêts de recherche particuliers. Un même texte peut donc

rentrer dans une multiplicité de classements. (S. Branca-Rosoff, 1999a : 6-7)

17

Nous empruntons la notion de « cadre actionnel » à L. Filliettaz (2002). Nous l‟expliquerons dans le

chapitre 2. 18

« Les “discours en situation de travail” constituent ensemble toute une multiplicité de productions à partir

d'une relation métonymique au lieu de travail (par opposition à la maison ou aux espaces publics). » (S. Branca-

Rosoff, 1999a : 10)

Page 53: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

53

CHAPITRE 2 :

Langage et travail

Pour analyser les discours produits dans des situations de travail, nous avons besoin de

saisir les liens entre l‟évolution de l‟activité de travail et le langage. Le regard porté sur

l‟évolution historique de la place de l‟ouvrier et de son activité verbale nous aide à

comprendre les rapports qu‟ils peuvent entretenir et développer.

En outre, les études qui ont pu être réalisées sur les pratiques langagières en situation

de travail et sur les premières caractérisations du langage au travail constitueront des bases

théoriques sur lesquelles s‟appuiera l‟analyse de nos données.

2.1 La place du langage au travail depuis le XVIIè siècle

La place du langage au travail n‟a cessé d‟évoluer depuis plusieurs siècles, en lien

avec l‟évolution de la conception du travail. Le langage n‟a pas la même place et la même

fonction dans une organisation du travail à laquelle répond le taylorisme ou le fordisme et

dans les métiers de la télécommunication qui se sont développés ces dernières années. Nous

examinerons donc ici, cette place du langage au travail, ainsi que quelques recherches menées

en situations professionnelles, afin de contextualiser notre étude.

Dans l‟industrie artisanale et le compagnonnage, le langage était au centre de l‟activité

de travail puisque les maitres artisans transmettaient un métier à leurs apprentis afin que ces

derniers puissent devenir compagnon, puis maître19

. Au sein des corporations, une variante

langagière qu‟on appelait « argot » ou « jargon » s‟est développée dès le Moyen-Âge. Depuis

cette époque, et jusqu‟au XVIIè siècle, l‟argot s‟est pratiqué d‟abord dans la corporation des

voleurs, qui l‟utilisaient entre eux pour ne pas être compris par d‟autres20

. Au XIXè siècle,

l‟argot se développe dans les différents corps de métiers.

19

« La transmission des savoirs professionnels reposait sur le compagnonnage issu des traditions corporatistes »

(P. Santelmann, 2003 : 10). 20

Selon le dictionnaire Le Petit Robert (2004), le mot « argot » date de 1628. F. Gadet (1992) estime que le mot

est attesté de façon plus ancienne (vers le XIIIè siècle). Ce serait dans les bagnes que se seraient créés des

Page 54: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

54

L‟argot permet à un groupe d‟individus de parler sans se faire comprendre de ceux qui

n‟appartiennent pas à leur groupe : de ce point de vue, il remplit une fonction cryptique. Il

permet également la reconnaissance mutuelle des membres du groupe, et remplit dès lors une

fonction identitaire. Cette variante langagière fédère le groupe en introduisant une complicité

et permet sa cohésion. Le groupe crée des mots qui reflètent une expérience particulière de la

réalité, et, l‟argot est alors une marque de l'identité et de la culture du groupe.

Nous trouvons plusieurs types d‟argots ; les argots enfantins et adolescents (parler des

jeunes, le verlan, la langue de /f/, la langue des Schtroumpfs par exemple), puis les argots

corporatistes (ou jargons). Ces derniers nous intéressent plus particulièrement, tels que l‟argot

des bouchers parisiens (le « louchébém »21

), l‟argot des imprimeurs, etc.

La dissolution des corporations de métiers est instaurée par la loi Le Chapelier (1791),

la scolarité devient obligatoire (1882), l‟interdiction du travail des enfants se met en place, et

l‟industrie se développe. L‟industrialisation est en plein essor (dès 1895) et les employés ne

sont plus que de simples exécutants dans des entreprises mécanisées. Les « maîtres », qui

transmettaient le savoir dans les corporations, sont désormais des ingénieurs qui ne travaillent

plus avec les ouvriers, mais dans bureaux d‟étude (ou « bureaux des méthodes ») chargés

d‟analyser les processus de fabrication, les outils, les phases d'exécution. Il ne s‟agit plus de

transmettre un métier. Le langage est ainsi retranché dans ces bureaux et devient le privilège

de la direction.

À partir d‟une analyse des techniques de production (gestes, rythmes, cadences) le

taylorisme se développe au lendemain de la première guerre mondiale22

. F. W. Taylor

applique une méthode de travail pour obtenir le meilleur rendement possible23

. Pour cela, les

ateliers sont réorganisés pour optimiser l‟activité de travail des ouvriers et se met en place la

systèmes de maquillage des mots permettant aux détenus de communiquer sans être compris des gardiens de

prison. 21

F. Robert l'Argenton expliquait : « Le touch'bem, c'est des trucs, faut garder ça entre nous. Parc' qu'après, tout

l'monde va parler largomuche du louchébem et nous, on sera comme des lonkesse. Ça va pas. Ça fait désordre. »

Comme dans tout argot, un aspect important du louchébem est la fonction cryptique. Les bouchers désirent

garder le secret sur la pratique de leur langue, car si tout le monde la connaît, à quoi cela servirait-il ? Que

deviendrait la fierté d'appartenir à cette corporation, où serait la connivence qui leur permet de parler devant les

clients sans que ceux-ci les comprennent ? Si personne ne les comprend, il devient aisé de donner un autre

morceau que celui réclamé par la cliente. Bien sûr, pas un poulet à la place d'un rôti. » (1990 : 121) 22

F. W. Taylor publie en 1911 l‟ouvrage The principles scientific managment. 23

« Dans la période manufacturière on ne tardera guère à reconnaître que son principe n‟était que la diminution

du temps de travail nécessaire à la production des marchandises. » (K. Marx, 1969 : 258).

Page 55: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

55

division du travail décrite par A. Smith24

se met en place : les tâches se parcellisent et les

ouvriers se spécialisent, « Au lieu de faire exécuter les diverses opérations par le même

ouvrier les unes après les autres, on les sépare, on les isole, puis on confie chacune d‟elles à

un ouvrier spécial, et toutes ensemble sont exécutées simultanément et côte à côte par les

coopérateurs. » (K. Marx, 186 [1969] : 251).

La division du travail est sous-tendue par deux principes. D‟une part, chaque ouvrier

effectue une tâche précise qui doit être exécutée le plus rapidement possible (c‟est le niveau

horizontal) et d‟autre part, les employés de l‟usine sont différenciés par leur fonction : les cols

blancs sont ceux qui organisent le travail et les cols bleus sont ceux qui exécutent les tâches

(niveau vertical).

La séparation entre les ateliers et les bureaux (Administratif, Recherche et

Développement) Ŕ dans lesquels les activités de travail sont pensées et discutées Ŕ a conduit à

contrôler la productivité langagière des ouvriers. Certes ceux-ci pensent, mais alors qu‟ils sont

au cœur même de l‟activité, ils restent extérieurs aux paroles et aux écrits qui organisent la

production, et qui sont réservés à la direction. Le langage est réservé aux agents de méthodes,

aux ingénieurs, à tous ceux qui organisent et prescrivent le travail :

Les ouvriers n‟ont pas le droit à la parole, ils n‟ont pas accès à une corrélation de subjectivité, mais on

(du côté de la direction) parle d‟eux. On en parle comme des objets qu‟il faut discipliner, instruire,

auxquels il faut attacher des tâches et des moyens techniques de production (ou bien, ce sont les

nouveaux, comme « servants » des machines). On parle de leur psychologie qu‟il faut étudier et sur

laquelle il faut agir. (P. Zarifian, 1996 : 29)

24

A. Smith a observé dans une petite manufacture d‟épingles une organisation basée sur la division du travail :

« Un homme qui ne serait pas façonné à ce genre d'ouvrage, dont la division du travail a fait un métier

particulier, ni accoutumé à se servir des instruments qui y sont en usage, dont l'invention est probablement due

encore à la division du travail, cet ouvrier, quelque adroit qu'il fût, pourrait peut-être à peine faire une épingle

dans toute sa journée, et certainement il n'en ferait pas une vingtaine. Mais de la manière dont cette industrie est

maintenant conduite, non seulement l'ouvrage entier forme un métier particulier, mais même cet ouvrage est

divisé en un grand nombre de branches, dont la plupart constituent autant de métiers particuliers. Un ouvrier tire

le fil à la bobille, un autre le dresse, un troisième coupe la dressée, un quatrième empointe, un cinquième est

employé à émoudre le bout qui doit recevoir la tête. Cette tête est elle-même l'objet de deux ou trois opérations

séparées : la frapper est une besogne particulière; blanchir les épingles en est une autre; c'est même un métier

distinct et séparé que de piquer les papiers et d'y bouter les épingles; enfin l'important travail de faire une épingle

est divisé en dix-huit opérations distinctes ou environ, lesquelles, dans certaines fabriques, sont remplies par

autant de mains différentes, quoique dans d'autres le même ouvrier en remplisse deux ou trois. J'ai vu une petite

manufacture de ce genre qui n'employait que dix ouvriers, et où par conséquent quelques-uns d'eux étaient

chargés de deux ou trois opérations. Mais, quoique la fabrique fût fort pauvre et, par cette raison, mal outillée,

cependant, quand ils se mettaient en train, ils venaient à bout de faire entre eux environ douze livres d'épingles

par jour : or, chaque livre contient au-delà de quatre mille épingles de taille moyenne. Ainsi ces dix ouvriers

pouvaient faire entre eux plus de quarante-huit milliers d'épingles dans une journée; donc chaque ouvrier, faisant

une dixième partie de ce produit, peut être considéré comme faisant dans sa journée quatre mille huit cents

épingles. » (1776 : 12)

Cet exemple de cette petite manufacture d'épingles constitue une illustration de la division du travail à une

époque où la production est encore peu mécanisée.

Page 56: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

56

L‟implication subjective des ouvriers est donc exclue dans cette nouvelle organisation.

Après avoir rompu avec le paternalisme jugé rétrograde, F. W. Taylor donne à l‟ouvrier

comme seule tâche l‟exécution d‟un travail réfléchi et ordonné par la direction.

Cette vision n‟est pas sans conséquence sur la psychologie des ouvriers. Ceux-ci ne sont

plus traités comme des êtres pensants, car ils sont privés de ce qui différencie l‟homme des

animaux. Le taylorisme déshumanise l‟homme au travail et à ce propos, P. Zarifian précise :

Peut-on imaginer les effets, sur longue période, de cette exclusion structurelle du langage de

l‟organisation ? Car exclure du langage, ce n‟est pas seulement exclure de la production de

connaissance qui s‟effectue dans ce langage, c‟est aussi exclure de l‟accès au statut de « je », de sujet du

langage et du rapport à l‟autre inscrit dans cet acte. Les ouvriers ont été privés d‟être des « je » pour

parler de leurs propres actions, de leur travail dans le langage légitime de l‟organisation industrielle.

(1996 : 29-30)

C‟est aussi ce que montre l‟analyse psychologique du taylorisme menée par Y. Clot

(1998). Ce dernier insiste sur l‟importance de la parole au travail. Selon lui, travailler n‟est

pas seulement faire un effort, c‟est une activité plus complexe qui présente une dimension

psychologique. Chacun a quelque chose à apprendre, en prend conscience et cela passe par la

verbalisation au travail.

Y. Clot s‟appuie sur les travaux d‟H. Wallon pour critiquer l‟organisation taylorienne

du travail. Il explique qu‟on n‟en demande pas assez aux ouvriers, au contraire, on cherche à

les réduire leur capacité de réflexion et de parole :

Au lieu de laisser l‟homme agir, écrit-il, ce système d‟organisation « dissocie son activité en ne lui

demandant qu‟un certain geste artificiel ou une vigilance uniforme et sans geste. » En un certain sens,

Taylor ne réclame de sa part le moins d‟entremise, on prive l‟homme de son initiative […]. On

condamne l‟homme à une immobilité qui est une tension continue. (1998 : 165-166)

Il va jusqu‟à parler de « paralysie de l‟activité » (1998 : 170). En effet, les gestes des

hommes sont automatiques, il n‟y a pas de place pour l‟initiative, l‟homme est considéré

comme une machine et ne peut s‟accomplir. Cela est intensifié par le travail à la chaîne

instauré une vingtaine d‟années plus tard. Dans ce modèle de travail à la chaîne, chaque

ouvrier est affecté à un poste pour effectuer de manière répétitive la même tâche, ce qui

permet de réduire les coûts de fabrication et d‟accroître la productivité du travail. Les gestes

sont de plus en plus répétitifs et il n‟y a pas de communication entre les ouvriers, l‟activité

langagière étant considérée comme un frein à la production25

. Cette organisation fondée sur la

rationalisation du travail ne laisse pas la place à la parole des ouvriers. Le langage est perçu

comme du bavardage, parler est distrayant, inutile, « potentiellement subversif et contre-

25

Ce mode de production est illustré dans Les Temps Modernes (1936) où C. Chaplin est ouvrier d‟une chaîne de

production.

Page 57: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

57

productif » (P. Zarifian, 1997). Dès 1900, F. W. Taylor prônait le « zéro communication » ;

les ouvriers étaient isolés à leur poste de travail parce que parler les empêchait de se

concentrer sur leur travail26

. Communiquer était considéré comme une perte de temps pour la

production et communiquer pendant la réalisation d‟une tâche représentait le risque d'un

travail mal fait. Certains ateliers affichaient explicitement l'interdiction de parler. En effet, dès

le XVIIIè siècle, dans les grandes entreprises, le patron établissait un « règlement d‟atelier »

qui s‟appliquait à tous les ouvriers. Il s‟agit d‟un texte, composé de plusieurs articles, affiché

dans les ateliers et précisant entre autres la discipline de l‟atelier, les conditions d‟exécution

du contrat de travail et parfois la rémunération. Certains règlements d‟ateliers pouvaient

interdire la parole au travail. Avoir une activité verbale pouvait être sanctionné au même titre

que quitter son poste de travail : « Se trouvent donc placées au même niveau des infractions

tenant au comportement, ici verbal, et d‟autres tenant à la présence des ouvriers à leur poste. »

(J. Boutet, 2008 : 26). Par ailleurs, chanter ou siffler était également interdit. J. Boutet reprend

un article des règlements d‟ateliers de 1855 : « Aucun cris séditieux, jurements, ou paroles

déplacées ne devront se faire entendre dans les ateliers, le silence le plus parfait y régnera ; les

chants trop élevés seront interdits. » (2008 : 13). Même les règlements des employés de

bureau pouvaient comprendre une interdiction de parler. Par exemple, A. Sylvère, dans son

ouvrage Toinou, le cri d’un enfant auvergnat, présente un règlement intérieur datant du

15 juin 1850 fixant les conditions de travail des employés de bureau et dans lequel il est écrit :

« Il est strictement interdit de parler durant les heures de bureau. » (1980 : 362-363)27

.

Quand J. Boutet a observé des usines tayloriennes dans les années 1970-1980, elle a

constaté un vacarme, pas seulement lié au bruit des machines, mais également lié aux paroles

et cris des ouvriers. Elle explique qu‟à ce moment-là, l‟interdiction continuait à être écrite

dans les textes. En 1985, dans une forge, elle remarque un écriteau sur lequel est écrit

« Défense de cracher et de parler ». Elle constate alors cette différence, décrite également par

les ergonomes, psychologues ou sociologues du travail, entre le travail réel, c‟est-à-dire ce

qu‟on accomplit effectivement, et le travail prescrit, c‟est-à-dire ce qu‟on est supposé faire. À

partir de là, elle s‟interroge sur le statut de ces écrits. Comme il n‟y a pas de traces de la

26

On a pu observer sur des chaînes de production, une disposition spécifique mettant côte à côte des migrants

ayant une langue différente : M. Triper (1990), sociologue de l‟immigration, explique que la communication est

difficile entre les ouvriers de nationalités étrangères et évoque la politique d‟organisation du travail chez Renault

et Citroën où les ouvriers de nationalités différentes étaient dispersés sur les chaînes de montage afin de

compliquer leur communication. Ce qui compliquait par ailleurs la compréhension des consignes de travail.

(D. Linhart, 1978, a d‟ailleurs analysé la situation linguistique des ouvriers et les conséquences sur les activités

de travail.) 27

Voir annexe 4.

Page 58: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

58

parole des travailleurs, J. Boutet a étudié les journaux ouvriers et les règlements d‟ateliers

pour montrer la récurrence de l‟interdiction de parler.

Comme le souligne J. Boutet28

, si ces interdictions (de parler, hurler, siffler, chanter,

se déplacer, etc.) étaient écrites, c‟est que les ouvriers devaient certainement parler, hurler,

siffler, chanter, se déplacer, etc., ce qui dessinait une certaine vie verbale. Mais elle se

demande ce qui justifie l‟interdiction d‟un droit fondamental, c‟est-à-dire parler : le patron

interdisait-il de parler, chanter, etc., parce que cela nuisait à la productivité, ou bien pour des

raisons morales ? J. Boutet (2008) a remarqué qu‟il existait deux types d‟interdit :

On peut classer l‟ensemble des interdits portant sur la vie verbale au travail selon deux grandes

catégories :

- des interdits de nature productive. La parole et toute autre pratique langagière comme siffler ou

chanter sont interdites car elles empêchent de produire du travail bien fait, de bonne qualité ; le silence

est considéré comme la condition d‟une production de qualité. Ces interdits visent aussi parfois la

parole adressée à autrui en ce qu‟elle permet l‟organisation collective, qu‟elle en est la condition même ;

- des interdits de nature morale. L‟expression verbale ouvrière sous toutes ses modalités, la diversité

des pratiques langagières depuis la simple conversation jusqu‟aux injures ou querelles sont interdites en

tant qu‟elles sont porteuses de comportements inconvenants qui transgressent des normes de civilité et

portent atteinte à l‟ordre et aux bonnes mœurs. » (J. Boutet, 2008 : 28)

Il est difficile d‟explorer la parole ouvrière. En effet, jusqu‟au milieu des années 50, il

n‟existait pas de moyens techniques pour effectuer des enregistrements29

. À partir de quelques

témoignages et au travers de la littérature, les études montrent que, dans les usines au temps

du taylorisme, les salariés échangeaient quelques paroles lors des pauses et parfois même

pendant le travail. Travailler c‟est aussi communiquer, le travail se réalise aussi bien par les

mots que par les gestes. Les ouvriers avaient parfois des laps de temps pour parler.

E. Goffman explique qu‟ils parlaient pendant de brefs moments avant de retomber dans le

silence : « les participants peuvent délaisser à tout moment leur échange de paroles pour les

besoins du travail, puis, probablement, le reprendre dès que cela est visiblement possible. »

(1987 : 144). Dans les usines, il existait donc une communication que l‟on peut qualifier de

« clandestine », toujours présente, mais c‟est un langage contraint par l‟activité de travail ;

28

Lors d‟un débat sur les règlements du travail depuis la Révolution Française sur France Culture le 8 septembre

2010 avec J. Boutet et A. Cottereau. 29

A. Farge qui s‟intéresse à la parole et à l‟opinion publique du XVIIème siècle fait état de ce manque de trace

de parole : « Il est rare de retrouver les critiques émises par une population anonyme et l‟historien sait bien qu‟il

bute régulièrement sur cette absente si présente qu‟est la parole. Elle n‟a pas fait histoire et reste une énigme

quand le chercheur aimerait tant la voir apparaître dans les sources […]. De ces frémissements, de ces appels et

interjections, de ces dialogues secrets ou dits à découvert, il ne reste rien que l‟opaque certitude de savoir qu‟ils

ont existé, et fabriqué, autant que les actions (aux traces plus lisibles), d‟innombrables moments signifiants du

passé. Parfois s‟ouvre une brèche dans le silence des sources : des mots et des paroles sont rapportés. »

(1992 : 9 et 10).

Page 59: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

59

contraint par le temps, l‟espace et la concentration que demandent les tâches à réaliser.

J. Boutet parle du « caractère discontinu des échanges langagiers » (2005 : 24) et

d‟ « économie linguistique » qui dépend des contraintes du travail. Ces contraintes sont dans

presque tous les métiers (2005 : 28) :

[Les échanges des ouvriers qui parlaient] ne répondaient ni au format du dialogue, ni à celui de la

conversation ; ils dessinaient une pratique particulière du langage et de la communication, fortement

contrainte par les actions et les tâches auxquelles se livraient les opérateurs et, plus largement par

l‟univers matériel dans lequel elle s‟énonçait Ŕ machines, bruit, organisation taylorienne du travail,

placement côte à côte. (2005 : 23)

Les principales caractéristiques de cet environnement de travail sont le bruit des machines, le

placement côte à côte des opérateurs qui les empêche de voir leur interlocuteur, ainsi que le

temps qui est contrôlé et pendant lequel les opérateurs doivent effectuer plusieurs actions.

J. Boutet explique à ce propos que « dans [la] gestion taylorienne, le temps est contrôlé

strictement ce qui implique une grande vitesse de gestes et des actions […] qui contraints

fortement l‟exercice du langage articulé. » (2005 : 24).

Le langage, contraint par les tâches, prend une forme particulière. Privés de la parole

pendant le travail, les ouvriers ont été amenés à produire un certain nombre d‟écrits et ont pu

accéder à un ensemble de pratiques langagières, afin de parler de leurs conditions, de se

défendre, de revendiquer, etc. :

Depuis la Révolution industrielle, le groupe des ouvriers construit progressivement des pratiques

sociales comme se réunir, militer, s‟associer, faire grève, revendiquer, etc. Conjointement, il met en

place des pratiques langagières nouvelles qui y sont associées : pamphlets, chansons, prises de paroles

publiques, chartes, tracts, journaux, etc. Un ensemble de texte écrits, a ainsi été produit, à la fois par les

ouvriers eux-mêmes et par les divers observateurs du monde ouvrier. (J. Boutet, 2008 : 44)

Ces revendications se réalisent à partir de pratiques langagières spécifiques, telles que

des « pamphlets, chansons, prises de paroles publiques, chartes, tracts, journaux, etc. » et se

réalisent au sein de pratiques sociales spécifiques comme « se réunir, militer, s‟associer, faire

grève, revendiquer, etc. »), de revendications syndicales par exemple conduisant à

l‟instauration de lois (telles les lois Auroux, 1982), inscrites dans le Droit du Travail.

J. Auroux, Ministre du Travail, dans son rapport au Président de la République et au Premier

ministre (1981), indique que les travailleurs doivent être citoyens à part entière dans

l‟entreprise et qu‟ils doivent devenir les acteurs du changement dans l‟entreprise. J. Auroux

explique que le travail et l‟entreprise prennent une place considérable dans la cité :

Page 60: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

60

L‟entreprise, collectivité de travail, est une composante essentielle de la cité et de la nation. Entité

vivante, elle peut se transformer, se développer, s'amoindrir, être en mauvaise santé, vivre, mourir. Dans

cette perspective, il importe désormais que les uns prennent davantage conscience de sa dimension

sociale, et les autres davantage conscience de sa dimension économique. (1981 : 4)

En tenant compte de la dimension sociale et économique, il demande le

développement de l‟expression de chacun :

[…] il convient d'instituer des mécanismes qui rendent possible l'expression de toutes les énergies et les

capacités. Les travailleurs dans l'entreprise constituent un potentiel souvent mal utilisé de compétences,

d'innovations et de talents : il s'agit là d'un gisement précieux non encore mis en valeur. (1981 : 4)

Les lois Auroux favorisent l‟expression des salariés et inscrivent ainsi le langage au

travail dans l‟histoire. Plusieurs lois ont depuis été instaurées : il s‟agit de lois relatives aux

droits des salariés dans l‟entreprise, au développement d‟institutions pour représenter le

personnel, à la négociation collective, ainsi qu‟aux comités d‟hygiène, de sécurité et des

conditions de travail.

2.2 La reconsidération du « facteur humain » et du langage dès le XIXè siècle

Le XIXè siècle est marqué par ce que nous pouvons appeler la reconsidération du

« facteur humain » et de la parole au travail. Ce siècle est marqué par l‟entrée du management

dans l‟entreprise impulsé par H. Fayol, par la dimension sociologique de M. Weber et la prise

en compte du « facteur humain ». Les individus reprennent une place dans l‟entreprise et les

lois donnent une place à la parole. Le langage, longtemps interdit et calomnié, devient au

cours des années au centre de tout intérêt au point d‟en être exploité.

Page 61: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

61

2.2.1. L’entrée du management dans l’entreprise

On ne peut parler de F. W. Taylor (1856-1918) sans évoquer H. Fayol (1841-1925)30

.

Tous deux appartiennent à l‟époque du grand développement industriel. Ils sont ingénieurs et

apportent des solutions nouvelles aux problèmes techniques et organisationnels : organisation

du travail dans les usines pour F. W. Taylor et gestion générale des entreprises pour H. Fayol.

Le parallèle entre ces deux ingénieurs se fait régulièrement dans la mesure où la contribution

d‟H. Fayol dans le domaine administratif est comparable à celle de F. W. Taylor dans

l‟activité de production. H. Fayol est le fondateur du management et ses principes sont

toujours reconnus. C‟est lui qui ajoute la fonction administrative aux fonctions classiques de

production, des finances, du réapprovisionnement ou encore de la fonction commerciale en y

érigeant des principes fondés sur la « mesure ». Le rôle du dirigeant n‟est pas seulement,

selon lui, de commander : il comprend d‟autres tâches comme prévoir, organiser, contrôler et

coordonner31

. En observant, de l‟ouvrier au chef de l‟entreprise, les capacités technique,

commerciale, administrative, financière, de sécurité et de comptabilité, il a constaté qu‟à

mesure qu‟on s‟élève dans la hiérarchie, l‟importance relative de la capacité administrative

augmente, alors que celle de la capacité technique diminue (1999 : 30). Toutes ces fonctions

sont fondamentales pour le fonctionnement de l‟entreprise et si « l‟une de ces fonctions n‟est

pas accomplie, l‟entreprise peut en mourir et elle en est dans, tous les cas, affaiblie. »

(1999 : 34). Il met en place une « doctrine administrative » en propose quatorze principes : la

division du travail, l‟autorité, la discipline32

, l‟unité de commandement, l‟unité de direction33

,

la subordination des intérêts particulier à l‟intérêt général, la rémunération, la centralisation, la

hiérarchie, l‟ordre, l‟équité, la stabilité du personnel, l‟initiative et l‟union du personnel.

30

H. Fayol s‟est opposé à F. W. Taylor. Cela est assez explicite dans son ouvrage Administration Industrielle et

Générale (1916). Cependant, en 1925, dans un débat, H. Fayol accepte une certaine complémentarité de ses

pensées avec celles de F. W. Taylor. 31

« Administrer, c‟est prévoir, organiser, commander, coordonner et contrôler.

- Prévoir, c‟est-à-dire scruter l‟avenir et dresser le programme d‟action ;

- Organiser, c‟est-à-dire constituer le double organisme, matériel et social de l‟entreprise ;

- Commander, c‟est-à-dire faire fonctionner le personnel ;

- Coordonner, c‟est-à-dire relier, unir, harmoniser tous les actes et tous les efforts ;

- Contrôler, c‟est-à-dire veiller à ce que tout se passe conformément aux règles établies et aux ordres donnés.

Ainsi comprise, l‟administration n‟est ni un privilège exclusif, ni une charge personnelle du chef ou des

dirigeants de l‟entreprise, c‟est une fonction qui se répartit comme les autres fonctions essentielles, entre la tête

et les membres du corps social. » (H. Fayol, 1999 [1916] : 26) 32

« La discipline, c‟est essentiellement l‟obéissance, l‟assiduité, l‟activité, la tenue, les signes extérieurs de

respect réalisés conformément aux conventions établies entre l‟entreprise et ses agents. » (H. Fayol,

1999 [1916] : 44) 33

« Ce principe a pour expression : un seul chef et un seul programme pour un ensemble d’opérations visant le

même but. C‟est la condition nécessaire de l‟unité d‟action, de a coordination des forces, de la convergence des

efforts. » (H. Fayol, 1999 [1916] : 47)

Page 62: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

62

Concernant ce dernier principe, H. Fayol suggère de passer plutôt par la parole que par l‟écrit,

pour donner un ordre, traiter une affaire ou demander des explications. Il explique que les

conflits et les malentendus s‟enveniment souvent par correspondance, alors qu‟ils pourraient

se résoudre dans une conversation : « Il suit de là que toutes les fois où c‟est possible, les

relations doivent être verbales. On y gagne en rapidité, en clarté et en harmonie. » (H. Fayol,

1999 : 63). Il va même suggérer l‟interdiction des communications écrites qui peuvent

facilement être remplacées par la communication verbale. L‟importance de la hiérarchie, de

l‟ordre et de la communication horizontale et surtout verticale ressort de ces principes.

2.2.2. La prise en compte du « facteur humain »

Les années 1930 sont marquées par les travaux d‟E. Mayo et la reconsidération du

« facteur humain »34

. Cet auteur reprend et complète la théorie taylorienne fondée uniquement

sur les conditions matérielles et les techniques du travail. Alors chercheur à Harvard,

intervient durant neuf années dans une grande entreprise, la « Western Electric », afin de

mener des études de psychologie du travail. Il essaie de mesurer l'importance des variables de

l'environnement sur le travail (bruit, éclairage, pauses, etc.). Ses observations et analyses lui

permettent de comprendre que c'est le simple fait de s'intéresser aux personnes qui modifie les

attitudes des salariés. Cette célèbre expérience à Hawthorne a fait ressortir l'importance de

l'aspect cognitif et affectif au travail : existence de groupes à l'intérieur des ateliers, tissage

des liens entre les personnes, développement de « l‟informel » au sein de l‟entreprise. Dans

l‟organisation industrielle du début du siècle, on n‟accordait aucune place à la réflexion des

salariés sur leur activité de travail. Ils étaient destinés à exécuter des tâches qui étaient

pensées et réfléchies par des bureaux d‟étude. La prise en compte du facteur humain permet

de reconsidérer progressivement les salariés. À l‟issue de cette expérience, E. Mayo dégagea

les premières théories fondatrices du mouvement de l'École des Relations humaines.

Cette nouvelle attention portée aux salariés se développe dans les années 1960 avec

notamment les recherches de D. McGregor et son livre au titre évocateur : The Human Side of

Enterprise (1957). Ses observations le conduisent à proposer une nouvelle façon de gérer les

34

Bien plus tard un même constat est fait. En 1993, A. Finkelstein et J. Dowell ont mené une étude dans le

service des ambulances de Londres (LAS) et y ont rédigé un rapport dans lequel ils exliquent : « It is important

to understand that in any system implementation the people factor is as important, and arguably more important,

than the technical infrastructure. » (1995 : 31).

Page 63: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

63

organisations à partir de la formulation de deux théories antinomiques : l‟une est fondée sur

des présupposés tels que l‟homme n‟aime pas travailler, l‟homme a une aversion pour l‟effort,

l‟homme fuit les responsabilités, ne veut pas changer, etc. ; l‟autre, au contraire, est fondée

sur l‟idée que l‟homme aime travailler, souhaite s‟accomplir et prendre des responsabilités. La

direction de l‟entreprise peut adopter deux attitudes : soit être autoritaire, soit développer un

management plus participatif. Pour D. McGregor, l‟idéal est d‟opter pour un comportement de

management „entre les deux‟, mais juste, donnant l‟opportunité aux salariés d‟obtenir une

certaine satisfaction personnelle. Nous assistons à une nouvelle façon de concevoir et de gérer

les relations humaines au sein de l‟entreprise.

La fin du taylorisme laisse place à un nouveau modèle qui met au centre la

responsabilité, l‟autonomie, l‟esprit d‟initiative et de coopération. L‟individu est davantage au

centre du système de production. C‟est dans cette mouvance qu‟apparaît, en 1962, le

toyotisme. Instauré par T. Ōno et utilisé par Toyota, ce concept permet de réduire les coûts,

mais aussi et surtout de considérer davantage les ouvriers. Il s‟agit de les faire participer aux

diagnostics et résolutions de problèmes et de les rendre polyvalents. Cette reconnaissance et

considération jouent un rôle important sur leur motivation et investissement dans le travail

dans la mesure où les salariés se sentent importants pour l‟entreprise. Les pratiques

langagières en sont valorisées. Dans ce contexte, les études sur les organisations vont se

développer, telles le travail du psychologue A. Maslow35

et des sociologues M. Crozier et

E. Friedberg qui considèrent la communication comme le ciment du collectif.

2.2.3. Le langage formaté des centres d’appels

Au cours des années 1960 aux Etats-Unis, et des années 1970 en Europe, les métiers

de la télécommunication se développent. La mise en place et le développement des centres

d‟appels répondent à la volonté d‟accroître la productivité du travail. Cette volonté conduit à

rassembler sur une même plateforme l‟ensemble du personnel et des technologies pour

amenuiser les coûts. Mais elle conduit surtout à faire du téléphone et de l‟informatique les

instruments d‟un nouveau taylorisme. Le langage est au cœur de ces métiers, mais il est

35

A. Maslow a défini une hiérarchie des besoins chez chaque individu qu‟il a schématisé sous la forme d‟une

pyramide (1943). La « pyramide de Maslow » identifie les besoins de base pour la motivation des individus. Ces

besoins sont hiérarchisés. Il explique que la prise en compte des besoins de l‟interlocuteur est une façon de le

reconnaître.

Page 64: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

64

contrôlé et limité dans la mesure où les téléconseillers et téléopérateurs36

suivent un script

précis et ont un temps de parole minuté et contrôlé. On assiste à une certaine déshumanisation

du travail, car les salariés des centres d‟appels ne font qu‟appliquer un système en place. La

parole est formatée et standardisée. J. Boutet parle de « standardisation des interactions en

milieu de travail » et donne comme exemple d‟énoncé, prêt à l‟emploi, stéréotypé, produit

dans un centre d‟appel bancaire : « Madeleine Ŕ à votre service » (2005 : 30). Le langage est

dirigé par des scripts, restreint par une liste de « mots forts » (comme « économie »,

« gratuit », « parfait », « sécurité », « avantage ») et de « mots noirs » (comme « prix »,

« coût », « cher », « malheureusement »). Le téléopérateur doit respecter la « règle des 4 C »

(Clair, Cohérent, Court, Concret) et d‟autres règles du type :

- « Parler comme si vous lisiez un conte de fée devant des enfants, votre voix deviendra

ainsi plus mélodieuse » ;

- « Apprenez à accentuer les mots clefs de votre discours » ;

- « Ecoutez les professionnels de la radio et de la télévision et efforcez-vous de les

imiter » ;

- « Ne dites pas „je ne sais pas si‟, dites „je vérifie que‟ ».

Le téléopérateur doit utiliser des termes spécialisés, des termes caractéristiques de son

milieu professionnel qui évitent, à l‟oral comme l‟écrit, toute confusion. J. Boutet parle

d‟ « unicité de l‟interprétation » :

Il s‟agit d‟employer, sous forme écrite ou orale, des formes linguistiques non ambiguës qui assurent ou

tendent à assurer l‟identité entre la production par un locuteur et/ou scripteur et l‟interprétation d‟un

énoncé ou d‟un discours par autrui. Ce sont, par exemple, les termes spécialisés, le vocabulaire

technique tel qu‟enregistré par les offices de terminologie ; c‟est l‟écriture du droit, des modes

d‟emploi, des règlements. (2005 : 31)

Il ne faut pas laisser la place à une multitude d‟interprétations ; il faut au contraire une

lecture « univoque ». Les téléconseillers ont donc peu de liberté pour changer des mots. Une

téléconseillère travaillant dans le centre d'appel Call Expert à Abbeville témoigne37

:

36

Selon les fiches métiers : le téléconseiller gère les appels entrants et/ou sortants dans le respect d'objectifs

qualitatifs et / ou quantitatifs de l‟entreprise. Les téléopérateurs sont :

- soit téléprospecteurs et ont pour mission de constituer notre fichier client. Un automate d'appels les met

directement en ligne avec des clients potentiels ;

- soit télévendeur et ont pour fonction de favoriser le développement des ventes de produits et de veiller à

la prise en compte des demandes clients. Ils interviennent après les téléprospecteurs.

Le téléacteur est quant à lui chargé de prendre des rendez-vous pour le compte des commerciaux et de faire de

la qualification de fichiers. 37

Interviewé dans le cadre du reportage de C. Bienaimé et C. Diger « Le travail est mort, vive le travail ! (1/4) :

Les centres d'appel en Picardie, terre d'accueil des travailleurs du langage », France Culture, 24 janvier 2011.

Page 65: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

65

« On a le script devant l‟écran et après généralement on le refait à notre façon pour arriver à mieux

parler toujours en demandant l‟avis du supérieur quand même pour savoir si ça passe ou pas »

Les appels sont parfois écoutés, voire enregistrés, et font l‟objet d‟un débriefing afin

d‟évoluer en fonction d‟une grille d‟écoute l‟utilisation du vocabulaire, de la syntaxe,

l‟accueil au client, le degré d‟empathie, etc.

Le travail des téléconseillers est indiqué sur l‟ordinateur : ils ont un script et reçoivent

informatiquement les fiches de clients à appeler. Comme le dit une téléconseillère de Call

Expert : « il suffit de lire et de combler les petites trous ». La responsable révèle :

« Le métier s‟appelle TELEACTEUR c‟est pas pour rien. C‟est des gens qui jouent un rôle tout

simplement. Ils se positionnent en tant que vendeurs de tel produit quinze jours après ils peuvent très

bien se positionner en tant que vendeur de tel autre produit qui est complètement différent ils vont jouer

un rôle c‟est ça qui est amusant aussi quelque part »

Ainsi, le travail est vu comme un jeu et moins comme une activité constructive et

épanouissante. Pourtant, le Dr M. Delcroix, interrogé par H. Delmotte (2002), précise que les

scripts sont dangereux, car ils ne sont pas là pour aider le téléopérateur, mais pour contrôler

l‟intersubjectivité des opérateurs. Ce qui conduit ce médecin à parler de « robots humains

programmables » :

Ces outils qui, au départ, devraient constituer une aide pour le téléopérateur, visent en fait à maîtriser

l‟intersubjectivité des opérateurs et donc à les maintenir prisonniers du carcan d‟un discours

standardisé. Dans certaines structures, une inversion des mots peut être reprochée au salarié. Les

exigences peuvent être tellement fortes qu‟elles transforment ces hommes et ces femmes en robots

humains programmables, débitant par cœur ce qu‟ils ont appris. (H. Delmotte, 2002 : 30)

Selon les centres d‟appels, les scripts peuvent être de simples supports (des sortes de

référentiels) et dans d‟autres, il peut s‟agir de documents décrivant concrètement la démarche

à suivre.

Le langage est donc scripté, formaté, mais il est aussi minuté. Les métiers de la

télécommunication comptent la DMT (« Durée Moyenne de Traitement ») entre le moment où

le téléphone sonne et le moment où le téléconseiller raccroche. Selon les périodes et les

centres d‟appels, le temps est prescrit. Si le temps réel est supérieur au temps prescrit, le

téléopérateur peut être sanctionné. R. Di Ruzza (2003), à partir des notes d‟observations de V.

Aubreton (2000) pour l‟ISERES38

dans le cadre du programme OSPRACT39

, dénonce les

38

ISERES : Institut Syndical d‟Études et de Recherches Économiques et Sociales. 39

OSPRACT : Observatoire Syndical des Pratiques et des Conséquences du Télétravail.

Page 66: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

66

principes tayloriens et la quantité d‟appels à effectuer en un temps limité : il rapporte

l‟expérience d‟un opérateur qui doit passer quarante coups de téléphone à l‟heure. Cela le

conduit à parler d‟ « hypertaylorisation » (car les principes tayloriens de contrôle du temps

sont poussés à l‟extrême) et d‟ « hypofordisation » pour désigner un travail finalement contre-

productif.

Être téléconseiller, ou « travailleurs du langage » selon l‟expression de J. Boutet

(2008 : 141), demande des compétences particulières comme celles de respecter le temps

d‟appel, mais aussi de faire « vivre » son script et donner à la personne appelée l‟envie

d‟écouter ou encore celle de faire parler le client : par exemple lui faire dire ce qu‟il possède,

ce qu‟il aimerait avoir et pouvoir lui proposer des produits.

Les téléconseillers doivent être capables d‟utiliser simultanément différentes

technologies (l‟ordinateur et la téléphone notamment) réclamant à la fois des compétences

verbales écrites et orales. L‟informatique constitue une base de données et est un outil

classifiant l‟ensemble des opérations que le téléconseiller est amené à effectuer. Comme

l‟explique R. Di Ruzza (2003), les centres d‟appels sont à la pointe de la technologie, leurs

conditions de travail les rabaissent au rang d‟ « usines du tertiaire » inspiré du modèle

taylorien :

Tout en étant à la pointe de la modernité technologique, ces derniers apparaissent le plus souvent, du

fait des conditions de travail et d‟emploi qu‟ils proposent, comme des usines du tertiaire qui offriraient

de nouveaux beaux jours au modèle productif taylorien dont certains annonçaient la mort ou la crise

dans les industries manufacturières traditionnelles. (R. Di Ruzza, 2003 : 2)

2.3 Analyses de pratiques langagières en situation de travail

Les analyses des pratiques langagières en situation de travail se sont développées en

France au sein notamment du réseau Langage & Travail. Ce réseau a été fondé en 1986 et se

consacre à l‟analyse des pratiques langagières en situation de travail, et du langage en tant

qu‟activité en reliant les sciences du langage et les sciences du travail. Les recherches se sont

développées dans différentes entreprises (EDF, AIR FRANCE, SNCF notamment) et portent

toutes sur la dimension relationnelle des transactions de service entre agents et usagers. Ces

études ont parfois eu des applications sur le terrain. Les recherches d‟A. Borzeix dans les

guichets SNCF (1992) ont permis d‟améliorer les qualités de service. M. Grosjean et M.

Lacoste (1999) ont mené une étude sur l‟évolution du système de santé et de leurs

Page 67: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

67

conséquences pour le personnel et les malades en se concentrant sur la dimension

communicative et collective du travail des soignants dans un hôpital.

Dans le cadre des recherches de ce réseau, J. Boutet a montré que les prescriptions

langagières au travail (notamment dans les centres d‟appels) avaient des conséquences sur la

syntaxe. Ainsi, elle montre que les opérateurs ont recourt à des formes dites a-syntactiques, à

des « artefacts cognitifs » (listes, tableaux, etc.) (2005). Elle explique égalament que le

langage au travail est caractérisé par la « siglaison » qui est « un procédé linguistique et

pragmatique par lequel un groupe, une collectivité de travail, se met d‟accord pour admettre

une réduction morphologique de termes professionnels à leurs initiales » comme par exemple

ANPE, CHSCT, DRH, …, (2005 : 30). L‟auteure explique également que l‟économie des

moyens verbaux pour obtenir des communications rapides génère ces formes « a-

syntactiques » :

Les moyens linguistiques principaux en sont la réduction et l‟élimination des morphèmes ou des

catégories syntaxiques considérés comme non indispensable pour la communication […]. « L‟a-

syntacticité » serait un phénomène spécifique du genre professionnel, puisqu‟il se retrouve dans de

nombreux échanges professionnels oraux où il faut être concis, rapide. (2008 : 29)

Le langage professionnel semble présenter un certain nombre de propriétés (a-

syntacticité, siglaison et efforts de l‟unicité de l‟interprétation) dont la combinatoire autorise à

parler d‟un « genre professionnel ».

Nous pouvons également citer les travaux de L. Mondada (2001) qui s‟est intéressée

aux réunions de concertation d‟un groupe de chirurgiens suisses, français, belges et allemands

qui tentent de résoudre collectivement des cas cliniques. Cette étude a permis d‟analyser la

façon dont les interactions (en visio-conférence) s‟organisaient, de voir comment l‟activité de

concertation était gérée, comment les participants arrivaient à un accord et comment se

mettait en place l‟élaboration collective des savoirs.

P. Drew et J. Heritage (1992) s‟attachent à décrire les tâches et les conduites des

individus dans diverses situations de travail et la parole qui les accompagnent. Ils s‟intéressent

à une variété de situations institutionnelles : « The interactions that are analyzed here are

basically task-related and they involve at least one participant who represent a formal

organization of some kind. » (1992 : 3). Ils proposent la notion d‟ « institutional interaction »

pour référer à la parole des professionnels, qu‟ils distinguent de la conversation ordinaire

(« ordinary conversation »). Ces interactions peuvent être en face à face ou encore au

Page 68: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

68

téléphone et dans divers lieux (hôpitaux, écoles, tribunaux). Ils précisent toutefois que, sur un

lieu de travail, les individus peuvent entretenir des conversations plus informelles :

Just as people in a workplace may talk together about matters unconnected with their work, so too place

not usually considered "institutional", for example a private home, may become the settings for work-

related interactions. (1992 : 3)

Dans ce même ouvrage, S. C. Levinson introduit la notion de « types d‟activité »

(« activity type ») pour identifier des types d‟activités déterminés notamment par les objectifs

et le contexte :

My notion is to be preferred for present purposes because it refers to any culturally recognized activity,

whether or not that activity is coextensive with a period of speech or indeed whether any talk takes

place in it at all. In particular, I take the notion of an activity type to refer to a fuzzy category whose

focal members are goal-defined, socially constituted, bounded, events with constraints on participants,

setting, and so on, but above all on the kinds of allowable contributions. (1992 : 69)

Les types d‟activités ont donc un rôle central dans les usages de langue.

D‟autres études, développées dans le cadre des Workplace Studies, s‟intéressent à

l‟organisation sociale et interactionnelle du travail, aux conditions de travail, ainsi qu‟aux

technologies utilisées et au travail coopératif. L‟objectif de ces études est de mettre en place

de nouvelles technologies et méthodes de travail.

Les Workplace Studies ont été impulsés par le projet « Workplace Project » initié par

L. Suchman (1996) au Xerox PARC (Palo Alto Research Center) et se consacrent à l‟analyse

du travail comme pratique située40

dans des contextes d‟activités multiples. Les études ont été

principalement menées dans des centres de contrôle d‟aéroports. Parmi ces études, nous

pouvons citer celle de C. Goodwin et M. Harness Goodwin (1997) dans la compagnie

aérienne Atlantic Hawk. En s‟appuyant sur le cadre théorique de L. Suchman, ils ont analysé

ce que les individus faisaient dans le centre d‟opérations où sont coordonnées les opérations

au sol et ont analysé la façon dont la coopération se déroulait. Les employés disposent d‟un

nombre important d‟outils qu‟ils emploient en permanence selon les tâches à effectuer. Ces

outils sont le médium sur lequel s‟appuient les interactions. Cette étude a montré une

interdépendance des réflexions des employés, de l‟utilisation des outils et de l‟organisation

sociale (C. Goodwin et M. Harness Goodwin, 1997 : 155).

D‟autres lieux de travail ont été explorés par les Workplace Studies. Ainsi, M. Broth

s‟est intéressé aux studios de production télévisée et il a tenté de décrire les pratiques

40

Ce terme fait référence au concept d‟ « action située » de L. Suchman.

Page 69: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

69

interactionnelles et professionnelles des membres de l'équipe de réalisation en lien avec la

technologie en place (2004). C. Heath, M. Jirotka, P. Luff, et J. Hindmarsh (1995) ont mené

quant à eux des recherches dans la salle des marchés d‟un centre financier et boursier où

plusieurs « dealers » effectuent des ventes et des achats d‟actions. Ils ont observé et analysé

l'organisation interactionnelle des tâches, ainsi que les façons dont s'entremêlaient activité

individuelle et activité collaborative dans l‟activité. Ils démontrent que, malgré

l‟impressionnant développement technologique, il subsistait un problème d'organisation et de

gestion des activités coopératives. Ils ont montré qu‟un employé pouvait mener une tâche

individuelle tout en surveillant simultanément l‟environnement et les activités de ses

collègues. Cette salle des marchés est un espace ouvert où tous les employés peuvent

communiquer (parfois en criant). Les analyses qu‟ont menées ces chercheurs permettent à la

fois de redéfinir les notions d‟ « action individuelle »41

et de « collaboration », mais aussi de

redéfinir les formes de collaboration et de montrer la frontière floue entre « individuel » et

« collectif » et enfin, l‟analyse des façons dont les employés coordonnent leurs actions avec

leurs collègues a des implications dans la conception des systèmes et technologies en vue de

soutenir le travail collaboratif (en général). Dans un premier temps, les observations et

analyses de vidéos ont permis de voir que les individus se focalisaient sur l‟achèvement de

l‟activité dite « individuelle » de leurs collègues avant d‟entamer une collaboration. Les

employés préservent l‟intégrité des activités dans lesquelles leurs collègues sont engagés et

montrent une certaine réticence à interrompre l‟autre qui est impliqué dans une activité

potentiellement importante. Dans un deuxième temps, les analyses montrent que les employés

n‟attendent pas complètement la fin de l‟activité de leurs collègues avant d‟initier un

engagement mutuel. Un collègue peut, en effet, avoir conscience d‟une prochaine activité

avant même que les dernières actions soient en réalité accomplies. Ou bien il y a des activités

juxtaposées, afin d‟éviter d‟interrompre une action, ou bien chacun accomplit sa tâche

individuelle avant d‟entamer une collaboration. La collaboration au sein de la salle des

marchés implique souvent le chevauchement de multiples activités dans lesquelles plusieurs

personnes sont investies. Un « dealer » peut surveiller le cours d‟une action tout en

collaborant avec un collègue. Dans ce cas, il ne s‟agit pas d‟initier une nouvelle activité, mais

de contribuer à une activité. Ainsi, la frontière entre ces deux types d‟activités (individuelle et

collective) n‟est pas facile à délimiter. En outre, ces études permettent de mettre en lumière

différentes formes de collaboration. En effet, les engagements mutuels ne se réalisent pas

41

Nous développerons les notions d‟ « action individuelle » et d‟ « action collective » dans le point 2.5 de ce

chapitre.

Page 70: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

70

forcément par la parole, mais par des gestes et/ou des regards. Par exemple, un employé va se

tourner vers son collègue et chercher son regard, ce qui initie, selon les auteurs, une « co-

participation » (1995 : 9). Cette étude démontre que les employés de salle des marchés, et

ceux d‟autres contextes, peuvent être engagés dans une activité particulière tout en restant

attentif à la conduite de leurs collègues et à une possible collaboration. C. Heath, M. Jirotka,

P. Luff et J. Hindmarsh parlent de « surveillance périphérique » qui apparaît comme une

caractéristique essentielle du travail individuel et collaboratif42

.

Ces observations permettent de reconsidérer certains concepts centraux. En effet, ces

recherches permettent de reconsidérer les concepts d‟ « activités individuelles » et

d‟ « activités collectives » qui ne semblent pas se dissocier de façon si évidente dans les

activités de travail. Elles permettent aussi d‟observer la mise en place de la collaboration au

travail.

L‟ensemble de ces travaux montre à quel point dans l‟activité de travail et son

environnement ont une place centrale dans l‟activité de langage, et ont permis de mettre en

exergue le fait que chaque milieu de travail est unique et reflète des pratiques diverses, mais

aussi de présenter les relations entre les activités langagières et les activités de travail dans un

environnement parfois très technique. Par ailleurs, ces recherches soulignent la complexité

des activités de travail et des interactions, et permettent de reconsidérer le langage dans le

travail, en lien avec l‟action et l‟outil de travail

2.4 La caractérisation du langage dans l’activité de travail

L‟analyse des rapports entre langage et activité de travail, mis à jour dans divers

travaux de sociologues, d‟ergonomes et des sociolinguites apportent des pistes de réflexion

pour notre typologie discours en situation de travail.

42

« „Peripheral‟ monitoring or participant appears to be an essential feature of both individual and collaborative

work within these environments. » (1995 : 10)

Page 71: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

71

2.4.1 Le langage dans les activités de travail : les analyses de sociologues et

d’ergonomes

Le sociologue H. E. Cherrington est l‟un des représentants de l‟Ecole de Chicago au

début du XXè

siècle. Il s‟est consacré à l‟individu et son travail, au rôle du statut et à la

division du travail. Il s‟est également intéressé à la place de l‟interaction dans le travail et

dans la socialisation. Il cherche à comprendre le sens que les individus donnent à leurs

activités de travail et porte une attention particulière à la place qu‟ils donnent à la parole :

The language about work is so loaded with value and prestige judgments, and with defensive choice of

symbols, we should not be astonished that the concepts of social scientists who study work should carry

a similar load, for the relation of social-science concepts to popular speech remains close in spite of our

efforts to separate them. The difference is that while the value-weighting in popular speech is natural

and proper, for concealment and ego-protection are of the essence of social intercourse Ŕ in scientific

discourse the value-loaded concept may be a blinder. And part of the problem of method in the study of

work behavior is that the people who have the most knowledge about a given occupation, and from

whom therefore the data for analysis must come, are the people in the occupation. They may combine in

themselves a very sophisticated manipulative knowledge of the appropriate social relations, with a very

strongly motivated of the appropriate social relations, with a very strongly motivated suppression, and

even repression, of the deeper truths about these relationships, and, in occupations of higher status, with

great verbal skill in keeping these relationships from coming up for thought and discussion by other

people. This is done in part by the use of and insistence upon loaded value words where their work is

discussed. (1981 [1958] : 43-44)

Selon H. E. Cherrington, les recherches en sociologie devraient prendre davantage en

considération le langage, les rapports des individus avec leur travail et renouer avec une

méthodologie de l‟authenticité, c'est-à-dire une méthodologie qui ne fausse pas les

déclarations des individus comme cela semble souvent être le cas dans certaines recherches en

sociologie de cette époque. Il évoque l‟existence d‟un type de langage à propos du travail que

G. Johnson et C. D. Kaplan nommeront quelques années plus tard « talk-about-the-work »

(1980 : 352). Ce type de langage est caractérisé par la narration. En s‟appuyant sur une étude

des pratiques sociolinguistiques des programmateurs d‟un centre informatique, G. Johnson et

C. D. Kaplan emploient cette notion de « talk-about-the-work » pour désigner les paroles des

individus au sujet de leur travail : « In natural settings, talk-about-the-work takes the form of

narratives. » (1981 [1958]) : 352). Ces chercheurs distinguent deux autres types de langage au

travail :

- « talk-as-the-work » (Ibid) qui désigne le langage comme travail et plus précisément

la parole dans la construction de l‟activité. Le langage est identifié en tant qu‟activité de

travail et comprend essentiellement des énoncés performatifs.

- « talk-in-the-work ». Selon G. Johnson et C. D. Kaplan, ce type désigne le langage de

la réflexion et apparaît comme un « continuum » entre le récit et les énoncés performatifs :

Page 72: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

72

Whereas performative utterances are equivalent to actions, talk-in-the-work includes these but always in

association with the „spontaneous‟ reflections of the actor. […] Found only at the point of active

production in the work process talk-in-the-work stands in a sense midway on a continuum between

narratives and performatives. Talk-in-the-work is neither characterized by the totally reflective property

vis-à-vis the work process found in narratives, nor by the immediate and hyper-active quality of the

performative utterance. (1980 : 353)

Dans leurs travaux portant sur les dialogues lors des activités de travail, L. Karsenty et

P. Falzon (1993) relèvent différents types de langage dans le travail : langage opératif et

langage dit ‘naturel’. (1993 : 1). Leur étude des dialogues lors de la coopération entre

plusieurs opérateurs, les conduisent à opposer un « langage-description », où se déploie un

« langage naturel », et un « langage-action » où se déploie un « langage opératif »43

.

Leurs travaux de L. Karsenty et P. Falzon sont guidés par la dimension d‟action dont

témoigne le langage :

Depuis les travaux du philosophe J. L. Austin (1962), on a été amené à concevoir le langage comme

action : quand un individu A s‟adresse à un individu B, il cherche à faire quelque chose, et plus

exactement à transformer les représentations de choses et de buts d‟autrui, plutôt qu‟à uniquement dire

quelque chose (Austin, 1962 ; Searle, 1985). Ainsi, si A dit à B « il faut abaisser la température du

fourneau », en considérant le langage comme description, on dirait que cet énoncé traduit un but de A.

Dans une conception du langage en terme d‟action, cet énoncé correspondrait à un acte de requête

visant à transformer la représentation de but de B. (L. Karsenty et P. Falzon, 1993 : 1)

Ce qui rejoint l‟idée de P. Bange selon laquelle « parler n‟est pas seulement la mise en

fonctionnement individuelle d‟un code linguistique donné préalablement, c‟est d‟abord une

forme d‟action et même une forme socialement essentielle de l‟action » (1992 : 9).

L. Karsenty et P. Falzon mettent en relation ces types de langage avec le type

d‟activité : activité collective ou activité individuelle. Nous verrons que ces concepts ont

influencé notre recherche, puisque nous avons déterminé le « langage de co-action »,

comprenant dans certain cas un langage opératif, et le « langage descriptif » comme types

linguistiques.

43

Nous développerons cette notion au sein de nos analyses.

Page 73: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

73

2.4.2 Paroles « sur », « comme » et « dans » le travail

À partir des distinctions de G. Johnson et C. D. Kaplan (1980), M. Lacoste (1995 et

2005 [2001]) développe les notions de « parole dans le travail », « parole sur le travail » et

« parole comme travail » :

- La « parole sur le travail » est une parole qui accompagne l‟activité professionnelle.

Il s‟agit de commenter ou d‟évaluer une partie du travail effectué et permettre une certaine

prise de distance par rapport au travail :

La parole sur le travail est secrétée de l‟intérieur, par des exigences de l‟équipe ou de l‟entreprise : entre

collègues, on évoque le travail pour le commenter ou l‟évaluer, pour en garder la mémoire, pour se

justifier, ou pour mille raisons surgies de l‟instant. (M. Lacoste, 1995 : 24)

Cette notion est proche la notion de langage « sur » ou « à propos du travail » d‟A. Borzeix

(2005 [2001] : 62), qui détermine le langage comme servant à expliquer, commenter,

expliciter après coup le travail. C‟est aussi ce que J. Boutet nomme la « mise en mots »

(1993).

- La « parole comme travail » désigne le langage qui réalise l‟action.

Cette notion met en lien langage et activités de travail tout en désignant les activités

entièrement conduites par le langage. Elle est proche de ce que J. Boutet, B. Gardin et

M. Lacoste (1995) ont défini comme le « langage d‟action » pour nommer l‟enchaînement de

la parole et d‟un acte :

Ce « langage d‟action », souvent composé d‟ordres brefs (« vas-y »), d‟indications spatio-temporelles

(« ici », « plus haut »), d‟évaluations (« c‟est bon »), est caractérisé par sa dépendance à la situation

immédiate, son lien direct à un implicite événementiel (ce qui se voit, ce qui se fait). (1995b : 25)

Dans le cas de ces deux premiers types (« parole sur le travail » et « parole comme travail »),

la parole est souvent suivie ou soutenue par des écrits professionnels, que ce soit des prises de

notes, des lectures de dossiers ou encore des consultations sur un écran d‟ordinateur.

- La « parole dans le travail » n‟a pas de lien direct avec l‟activité de travail. Elle peut

accompagner l‟activité en train de se réaliser, mais ne porte pas sur l‟activité même. Il s‟agit

d‟échanges informels. Dans le même registre, A. Borzeix parle d‟un langage qui accompagne

l‟activité en train de se faire (2005 [2001] : 62). C‟est dans cet espace que se situent les

« échanges interstitiels ». M. Grosjean les définit de la façon suivante :

Page 74: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

74

Échanges purement conversationnels que nous avons appelé « interstitiels » parce qu‟ils se glissent

généralement dans les interstices d‟échanges opérationnels de coaction ou qu‟ils accompagnent une

action sans apparent avec elle : c‟est l‟infirmière qui parle des glaïeuls de son jardin à un malade tout en

lui faisant un pansement. (2005 [2001] : 149)

Ainsi, les paroles en marge des tâches officielles du travail, qui ne concernent pas

directement le travail (rires, blagues, apartés, ragots par exemple), sont nommées « paroles

interstitielles » (ou « échanges interstitiels », « conversations informelles » selon A. Borzeix

et B. Fraenkel, 2005 [2001]). Ces échanges peuvent modifier le climat du travail et permettre

aux personnes de mieux se connaitre et développer une identité collective :

La vie au travail ne se réduit pas à l‟accomplissement des tâches, ni à l‟entretien des compétences, ni à

l‟activité métafonctionnelle, elle est fondatrice de relations sociales. […] On pense aux échanges

interstitiels qui se glissent dans les creux de l‟activité, dans les couloirs ou distributeur de boissons,

hauts lieux des conversations informelles, aux rituels d‟arrivée du matin, aux pauses et aux repas à la

cantine. Ces interactions ont leur langage : plaisanterie, anecdotes, récits d‟incidents, de complots, de

malheur, de réussite, ragots et rumeurs, histoires personnelles, scènes ludiques, disputes rituelles. […]

Communication informelle, communication subreptice, parfois en contradiction avec le travail, mais

parfois en accord avec lui. (A. Borzeix et B. Fraenkel, 2005 [2001] : 47)

Pour qualifier « les interactions langagières qui ont lieu pendant l‟exécution du travail

et non pendant les pauses, mais qui ne sont pas officiellement associées à la réalisation de la

tâche. » (C. Teiger, 1995 : 55), C. Teiger parle d‟interaction verbale officieuse. Ce langage

aurait une influence sur le travail, puisqu‟il le ralentirait :

Si on ne parle pas c‟est pour travailler plus vite et ne pas perdre de temps ou le rattraper : « Pour

rattraper [le temps perdu] il faut se taire » (montage électronique) ; « si on parle, on ralentit, la

production diminue ! (couturière). À l‟inverse, « Quand on a de l‟avance, on peut travailler au ralenti et

on peut parler ». Et, en corrolaire, « on cherche toujours une nouvelle façon pour gagner du temps, pour

essayer de parler ! » (1995 : 56)

Les échanges interstitiels décrits par M. Grosjean s‟immiscent dans ce qu‟elle nomme

les « échanges opérationnels de coaction » qui eux cordonnent l‟activité des individus (2005

[2001] : 149). Ce sont des échanges comportant des instructions et des requêtes qui dépendent

de l‟action en cours. Selon elle, ces énoncés « servent à coordonner l‟activité entre les

interactants, ils sont étroitement entrelacés à l‟action et ne peuvent en être séparés sans perdre

leur signification. ». Elle donne comme exemple l‟énoncé suivant d‟une infirmière faisant une

prise de sang : « Tendez le bras, serrez le poing, plus fort… c‟est bon » (Ibid).

Nous reviendrons sur ces différentes distinctions de parole comme travail, sur le

travail et dans le travail, puisqu‟elles seront la base de notre réflexion sur la question des types

de discours.

Page 75: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

75

2.4.3 L’approche praxéologique des discours

À partir des catégories proposées par G. Johnson et C. D. Kaplan, et dans une

approche praxéologique, L. Filliettaz expose trois modes d‟articulation entre l‟activité et la

parole qu‟il nomme « textualisation ». Cette notion développée dans le modèle genevois par

J.-P. Bronckart désigne toute production verbale écrite ou orale et lui permet de relier les

phénomènes linguistiques et situationnels comprenant les actions :

Les mécanismes de textualisation sont articulés à la progression du contenu thématique, telle qu‟elle

est appréhendable au niveau de l‟infrastructure. Exploitant des chaînes d‟unités linguistiques (ou séries

isotopiques), ils organisent les éléments constitutifs de ce contenu en divers parcours entrecroisés ; ils

en explicitent ou marquent les relations de continuité, de rupture ou de contraste ; et ils contribuent de la

sorte à l‟établissement de la cohérence thématique du texte.44

(1997 : 263-264)

Ces mécanismes de textualisation, composés des phénomènes de connexion et de

cohésion nominale contribuent à marquer la cohérence des productions langagières orales ou

écrites. L. Filliettaz reprend ces trois modes de textualisation :

- Le premier mode de textualisation est la « textualisation dans l’activité ». Il s‟agit de

déterminer une situation où la parole est rare et où l‟action est au cœur des interactions.

L‟analyse de la communication ne peut être menée indépendamment de l‟activité. L. Filliettaz

se réfère à M. Lacoste (1995) qui parle de « structure d‟action-communication » reflétant

l‟interdépendance entre l‟action et la communication :

Ce qu‟il ne faut pas manquer de relever, c‟est d‟une part la fréquence des comportements non verbaux

et d‟autre part la brièveté des productions langagières qui sont exprimées dans cette interaction. […] À

l‟image de la communication de chantier étudiée par Lacoste (1995a) l‟usage de la parole ne constitue

pas l‟essentiel de l‟interaction dans le cadre de cette transaction particulière, et les ressources

apparaissent comme fortement interreliées avec le parcours praxéologique qu‟elles médiatisent.

(L. Filliettaz, 2002 : 263)

- Le second mode de textualisation est la « textualisation comme l’activité ». Cette

notion désigne les activités dominées par les mécanismes langagiers :

La conversation familière constitue à mon sens une illustration emblématique de ce mode de

textualisation. En effet, malgré les nombreuses fluctuations qui caractérisent la définition d‟une réalité

verbale aussi floue que la conversation, on s‟accorde généralement à considérer ce genre particulier

d‟interaction comme une activité peu contrainte, « coupée de tout but instrumental », ou, pour reprendre

les termes de Kerbrat-Orecchioni (1990 : 114), comme une activité langagière qui « comporte en elle-

même sa propre finalité ». (L. Filliettaz, 2002 : 284)

44

Mots mis en italiques et en gras par J.-P. Bronckart.

Page 76: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

76

- Enfin, le troisième mode de textualisation est la « textualisation de l’activité »,

caractérisée par une forte prise en charge langagière dépendante de l‟activité. Selon L.

Filliettaz, c‟est le mode le plus intéressant et le plus fréquent :

Les propriétés opérationnelles de cette situation d‟interaction se démarquent à plusieurs égards de celles

qui caractérisent ce que j‟ai appelé précédemment la textualisation dans l‟activité. Premièrement, on

peut relever que le degré de prise en charge langagière y est notoirement plus élevé, que les unités

textuelles, qu‟elles soient monologiques ou dialogiques, s‟imbriquent hiérarchiquement les unes dans

les autres, et que, par conséquent, les épisodes praxéologiques voire les transactions constitutives de

l‟incursion se trouve textuellement articulées. De plus, la part de la non verbalité y est moins

importante, non pas que les interactants recourent exclusivement à des procédés conventionnels pour

réguler l‟interaction, mais parce que la majorité des conduites non verbales qu‟ils adoptent se voient

évaluées comme des actions communicationnelles. (L. Filliettaz, 2002 : 283)

Ces trois modes de textualisation prennent en compte à la fois le verbal et le non

verbal et ne se concentrent pas uniquement sur les activités professionnelles. Ils permettent de

définir, non pas la parole au sein des activités, mais de définir des environnements dans

lesquels se mêlent à la fois langage et activité, puisque qu‟il y a un mode où l‟action prévaut

sur le langage, un mode où le langage réalise l‟action et enfin un mode où les tâches

demandent une certaine activité de parole.

2.4.4 Synthèse de la caractérisation du langage dans l’activité de travail

Les travaux que nous venons d‟exposer reposent sur trois approches entre les activités

de travail et le langage :

Page 77: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

77

Tableau 2 : Types de parole selon les approches

Approches Types de parole Auteurs

Approche

sociologique

- « talk-about-the work »

- « talk as the work »

- « talk-in-the work »

G. Johnson. et C. D. Kaplan

(1980)

Approche

sociolinguistique

- « parole dans le travail »

- « parole sur le travail»

- « parole comme travail»

M. Lacoste (1995 et 2005 [2001])

A. Borzeix et B. Fraenkel (2005

[2001])

« langage d‟action » J. Boutet, B. Gardin, M. Lacoste

(1995)

« mise en mots » J. Boutet (1993)

- « échanges interstitiels »

- « échanges opérationnels de

coaction »

M. Grosjean (2005 [2001])

« interaction verbale officieuse » C. Teiger (2005 [2001])

Approche

praxéologique

- « textualisation dans l‟activité »

- « textualisation comme l‟activité »

- « textualisation de l‟activité »

L. Filliettaz (2002)

Notre propre travail s‟appuie sur les types de langage définis par les différents auteurs,

et nous considérerons dans le corpus les trois rapports entre l‟activité de travail et le langage

qui l‟accompagne ou le réalise : « langage sur le travail », « langage comme travail » et

« langage dans le travail ». Nous privilégierons le classement de M. Lacoste (1995 et 2005) et

A. Borzeix et B. Fraenkel (2005) dans la mesure où il s‟inscrit dans le champ de la

sociolinguistique et qu‟il a été défini à partir d‟études sur des corpus recueillis dans les

organismes et entreprises françaises.

2.5 Langage et activité de travail

L‟analyse du langage au travail ne peut se faire indépendamment de l‟activité de

travail. Les interactions et le langage dépendent des activités conduites, et, réciproquement,

les activités vont être influencées par le langage.

Un certain nombre de conduites, au sein des réunions par exemple, relèvent du

domaine de la non-verbalité45

. D‟après R. Bouchard, « l‟interaction verbale n‟est que la partie

45

Dans notre corpus, nous avons annoté entre accolades et en italiques les actions et gestes des locuteurs (voir

les conventions de transcription, chapitre 3).

Page 78: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

78

audible d‟une réalité hétérogène » (1995 : 13), ce qui rend bien compte de la place des actions

dans l‟interaction :

Des conduites aussi variées que a) AVANCER LA MAIN POUR SAISIR UN OBJET, b) LAISSER TOMBER

ACCIDENTELLEMENT UN OBJET, c) CONSULTER UN CATALOGUE, d) TENDRE UN BILLET DE BANQUE AU

LIBRAIRE, e) SALUER D‟UN SIGNE DE LA MAIN, f) BOUGER LE CORPS EN PARLANT, relèvent toutes du

domaine de la « non-verbalité », mais elles constituent à certains égards des unités fort différentes quant

à leurs statuts communicationnels et praxéologiques. Alors que certaines peuvent être considérées

comme des actions communicationnelles à part entière (d), parfois même fondées conventionnellement

(e), d‟autres ne font qu‟accompagner la parole (f), opérationnaliser l‟action (a) ou ne sont pas même

orientées vers l‟intercompréhension (c). Ainsi, selon qu‟elles sont autonomes ou qu‟elles

accompagnent, selon qu‟elles sont conventionnelles ou non conventionnelles, selon qu‟elles sont

adressées ou non, les conduites non verbales doivent nécessairement être traitées de manières distinctes.

(L. Filliettaz, 2002 : 174)

Dans la réalisation des activités, la coopération joue un rôle particulièrement important

et le degré de cette coopération dans les discours au travail va intervenir dans la

caractérisation des types d‟activité. En effet, la coopération est plus importante dans certains

discours, notamment lorsque les locuteurs réalisent ensemble une même tâche. L. Karsenty et

P. Falzon (1993) ont différencié deux types d‟activités : une activité plutôt individuelle où

« l‟opérateur » agirait seul et une activité collective où la collaboration est au centre de

l‟activité.

Afin d‟analyser le langage au travail, il est essentiel de comprendre ce qui les

orientent, c‟est-à-dire l‟activité de travail et les types d‟actions qui la déterminent, car : « les

pratiques langagières sont liées aux pratiques productives qui en constituent l‟un des aspects

intrinsèques » (D. Faïta, 1989 : 122). L‟activité répond à la réalisation de plusieurs actions et

sous-buts pouvant être menés de façon individuelle ou collective.

2.5.1 Les actions dans les activités discursives : découpage hiérarchique des

interactions

Au sein des activités langagières, se déroule une activité de travail cherchant à

atteindre un objectif majeur, et dominant, à partir duquel va se mettre en place une série

d‟actions en amont répondant à des sous-buts (comme le remplissage d‟une série de fiches :

« fiches opération » et « fiches action » au de l‟élaboration d‟un projet par exemple). Cette

articulation d‟ « unités praxéologiques », selon les termes de L. Filliettaz, constitue l‟activité

dans son ensemble et répond à un objectif majeur.

Page 79: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

79

L‟activité de travail présente ainsi un caractère séquentiel et hiérarchique. En effet, les

activités des collaborateurs se présentent comme une succession d‟actions avec des buts et des

sous-buts, et le découpage de séquences dans l‟interaction reflète le déroulement de ses

actions. Les séquences peuvent être aussi circonscrites par l‟entrée d‟un nouvel acteur, le

départ d‟un participant ou encore par un par quelqu‟autre événement (on parle de

« déclencheur d‟activité »). Les locuteurs passent d‟une action à une autre (ou d‟un thème à

un autre) en employant plusieurs types de marqueurs linguistiques, tels que « alors » ou

« bon » pour ouvrir ou clore une action (ou un thème de conversation).

M. Von Cranach et al. (1982 [1980]) expliquent que les comportements verbaux

seraient organisés de façon hiérarchique et séquentielle. Il y aurait une mise en rapport des

segments linguistiques et des unités praxéologiques :

On the one hand I want to establish features of the temporal sequence ; on the other, I want to give

several descriptions of varying fineness, in which I present the action as a system of super- and

subordination of larger and smaller units standing in an ordered relationship with each other and so

establish a kind of hierarchical order. (M. Von Cranach, 1982 [1980] : 3)

Pour montrer que l‟activité résulte d‟une série d‟actes et d‟opérations répondant à des

buts et des sous-buts, L. Filliettaz a analysé la dimension processuelle de « l‟agir » (2002) en

s‟appuyant sur les travaux de G. Miller, E. Galanter et K. H. Pribram (1960) et de W. Hacker.

Le schéma ci-après présente le découpage de l‟activité élaboré par W. Hacker :

Figure 3 : Structure hiérarchique de l’activité d’après W. Hacker (1973)

Ensemble de buts Activités

Buts Actes

Sous-buts Opérations

Mouvements

Activation de muscles

Page 80: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

80

Ce modèle psycho-cognitif décrit l‟activité comme un ensemble complexe d‟unités

emboitées. Les différentes actions (nommées « actes » dans ce modèle) s‟intègrent dans une

structure et ne sont pas menées séparément. Elles servent des sous-buts (« buts

intermédiaires »), ainsi que l‟objectif majeur de l‟activité.

L. Filliettaz a également proposé une segmentation de l‟activité en présentant un

modèle d‟articulation des unités praxéologiques (des unités actionnelles). La plus grande unité

praxéologique est l‟incursion c'est-à-dire « une interaction verbale délimitée par la rencontre

et la séparation de deux interlocuteurs […] » (2002 : 150).

Schéma 1 : Macrostructure praxéologique selon L. Filliettaz

Transaction 1

Transaction 2

Episode 1 Phase 1 Action minimale 1

Action minimale 2

Phase 2

Episode 2

I N C U R S I O N

Ce schéma est constitué d‟unités (transactions, épisodes, phases, actions minimales)

qui sont des unités séquentielles. La notion d‟incursion est définit comme la rencontre entre

les participants de l‟interaction ; « elle renvoie matériellement à la „rencontre‟ dans son

ensemble » (2001a : 132). Une « transaction » est l‟unité praxéologique maximale. Le terme

d‟ « épisode » désigne une étape transactionnelle pour la réalisation de la transaction. Quant

aux « phases », elles sont une sorte de sous-épisodes et sont découpées en actions minimales

(unités minimales de base).

L. Filliettaz a mis en œuvre une structure opérationnelle qui permet de faire apparaître

un certain nombre de caractéristiques d‟une incursion (2002 : 243). Cette structure reflète un

double processus de structuration à la fois praxéologique et textuel. Il s‟agit donc de mettre en

relation les mécanismes conversationnels avec une dimension actionnelle. Cette structure nait

d‟un couplage entre les éléments de la structure praxéologique et ceux de la structure

Page 81: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

81

hiérarchique textuelle : entre deux « modules » (2002 : 247). Ce modèle permet de mettre en

exergue le fait que les productions verbales ne sont pas réduites à des unités de discours et que

nous devons considérer des séquences d‟actions. Il met en évidence l‟articulation entre les

activités pratiques et les activités langagières indispensable pour une typologisation des

discours en situation professionnelle. Pour lui, le discours apparaît ainsi comme une

textualisation de l‟activité (voir J.-P. Bronckart, page 85).

Les travaux de L. Filliettaz nous ont rendue plus attentive à l‟idée d‟actions et

d‟activités se développant au travail et en lien avec les discours, ce qui se trouve être au centre

de notre conception du langage de co-action que nous développerons plus tard.

La place des tâches de travail étant au centre de certaines de nos séquences,

notamment des séances de travail, il nous semble nécessaire de tenter d'identifier au sein des

séquences l‟ensemble des unités praxéologiques. Le cadre théorique mis au jour par

L. Filliettaz (2002) nous paraît approprié pour mener nos analyses. Toutefois, nous ne

pouvons appliquer de façon stricte ce modèle dans la mesure où la dimension langagière est

plus importante dans nos sotuations de travail que dans les séquences en librairie analysés par

L. Filliettaz. Il s‟agit dans notre analyse de voir comment se construit la tâche par le langage.

De plus, les tâches sont enchâssées, c‟est-à-dire que l‟accomplissement d‟une tâche demande

à revenir sur le récit d‟un travail précédent et sur des explications (enchâssement de séquences

descriptive et explicative).

2.5.2 Eclaircissement terminologique

L‟objet de notre étude étant complexe, nous avons besoin d‟emprunter quelques

concepts et terminologies issus à d‟autres cadres d‟analyses. Les travaux sur lesquels nous

nous appuyons pour appréhender l‟activité déployée au sein des situations de travail

présentent des notions pertinentes pour notre étude.

Page 82: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

82

2.5.2.1 « Activités », « tâches » et « actions »

Nous remarquons une certaine confusion entre les termes d‟ « action », d‟ « activité »

et de « pratique » qui sont parfois utilisés comme synonymes et ont fait l‟objet de plusieurs

analyses notamment par D. Vernant (1997) dans son approche actionnelle de la pratique

langagière et de J.-P. Bronckart (1997) dans le cadre de l‟interactionnisme socio-discursif.

L‟« activité » désigne ce qui se passe d‟une façon générale dans les situations de

travail ; il s‟agit de la mise en action de l‟objectif de ces situations et nous l‟employons pour

désigner un ensemble distinct d‟actions identifiées. Nous nommerons par « objectif majeur »

l‟ensemble de buts, (ou « but final ») inscrit dans l‟activité. En nous appuyant sur différentes

études, voici comment nous pouvons schématiser cela :

Figure 4 : Découpage de l'activité

L‟activité porte un objectif principal et se trouve être la somme de plusieurs actions

comportant des sous-buts. L‟activité est donc décomposée en actions, ces dernières

comportant une série d‟actes (ou de tâches) à réaliser.

Afin d‟illustrer ce schéma, nous proposons de prendre un exemple issu de notre

corpus : la séance de travail qui a été menée au sein de l‟organisme de formation avait pour

objectif d‟uniformiser des CV qui seront par la suite joints à l‟appel d‟offres auquel répond

l‟organisme de formation. Ainsi, l‟activité est la constitution d‟un dossier de réponse à un

appel d‟offres et a pour objectif principal la réponse à un appel d‟offres. Cela nécessite

plusieurs actions dont l‟uniformisation des CV des formateurs. La séance de travail se met en

place dans le cadre de ce but 1 et se décomposent et en actes qui sont la correction une à une

des CV.

Page 83: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

83

2.5.2.2 Quelles terminologies pour nommer les individus dans les activités ?

Lors de la rédaction des transcriptions, nous parlons de locuteurs ou de participants

puisque nous nous centrons sur les discours et leur transcription. Dans le cadre de l‟analyse

des données, nous employons également la notion de « collaborateurs » qui met davantage

l‟accent sur les actions, sur le déroulement des activités et sur la notion de collaboration entre

les personnes. L. Filliettaz emploie les notions d‟ « agent », d‟ « opérateur », et d‟ « acteur »

qu‟il différencie de cette façon, à l‟aide du schéma suivant (2002 : 75-77) :

La notion d‟ « agent » renvoie d‟une façon générale à l‟individu. Il peut tantôt se

présenter comme « opérateur », c'est-à-dire comme quelqu‟un qui agit sur l‟environnement,

et comme « acteur » afin de produire des impressions sur l‟environnement.

D. Vernant emploie le terme de « co-agent », qui nous semble particulièrement

pertinent pour notre étude car elle prend en compte une personne en situation :

Il faut concevoir la personne non comme un agent isolé, mais comme un co-agent immergé dans une

situation historiquement déterminée qui compose un champ de transactions où, avec d‟autres agents, il

instaure un rapport aux mondes qu‟ils construisent ensemble. (1997 : 151)

Cette conception conduit l‟auteur à proposer la notion de « coopération » entre les co-agents :

La plupart des situations humaines composent le contexte actionnel, le site d‟une coopération entre co-

agents. Dès lors, les actions humaines répondent à un principe de coopération qui fixe les règles

positives de toute transaction possible. (1997 : 152)

Les actions sont donc menées à partir d‟un principe de coopération des co-agents.

Figure 5 : Les instances de l'agentivité (L. Filliettaz, 2002 : 76)

Page 84: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

84

2.5.3 Les types d’action : « action individuelle » et « action à plusieurs »

L‟analyse des discours en situation de travail ne peut se faire sans la prise en compte

des actions conduites au sein des activités de travail. Les discours s'entremêlent à l‟activité

mettant en évidence des types d‟actions : action individuelle et/ou action collaborative.

L‟étude de ces concepts repose sur les travaux de D. Vernant (1997) et de L. Filliettaz (2002).

D. Vernant a proposé une typologie des actions permettant de caractériser les diverses formes

de l‟action humaine. L. Filliettaz s‟est consacré à l‟aspect praxéologique des discours en

posant la problématique de l‟action dans le cadre d‟une analyse situationnelle de l‟interaction.

En s‟intéressant aux processus actionnels mis en œuvre, ce dernier s‟est attaché à analyser les

formes de coordination entre les agents et distingue les actions individuelles des actions à

plusieurs, concepts qu‟il emprunte à D. Vernant.

La notion d‟action individuelle pointe une conduite qu‟un agent peut mener de façon

autonome. Dans cette notion, D. Vernant y distingue deux autres types d‟actions :

- l‟ « action singulière » que l‟auteur présente comme étant une « action individuelle

autonome » menée de façon autonome et qui est exclue de toute coordination avec un autre

agent,

- l‟ « action particulière » qui est, quant à elle, intégrée à une action collective,

commune ou autonome.

Ce concept d‟ « action commune », D. Vernant la définit comme une action qui

« répond à une intentionnalité collective manifestée par le choix d‟un même objectif et d‟une

même stratégie. » (1997 : 157-158).

L‟auteur résume sous forme tabulaire cette typologie :

Une action collective peut donc être « commune » avec des stratégies et des actes identiques

pour chacun des acteurs ou bien « conjointe » et comprendre des buts différents.

Tableau 3 : Résumé de l'analyse des transactions de D. Vernant (1997 : 160)

Page 85: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

85

L. Filliettaz développe et analyse un ensemble d‟éléments qui déterminent l‟agir. Il

reprend de M. Lacoste (1989) les notions de « cadre interprétatif » et de « cadre

participationnel » qui correspondent à la dynamique interactionnelle. À partir de ces deux

concepts, L. Filliettaz propose le concept de « cadre actionnel » (qui correspond à la notion

de « transactions » chez D. Vernant) résultant de plusieurs paramètres interdépendants à

savoir le mode de l‟action, le type de finalité, les rôles praxéologiques et le degré

d‟engagement des agents. Il développe ensuite la notion de « mode actionnel » au sein de

laquelle il décrit plusieurs situations d‟actions, telles qu‟une promenade dans les bois, une

transaction en librairie, etc. Ces actions impliquent des conduites intentionnelles qui ont tantôt

un caractère individuel, tantôt un caractère collectif. Il propose dès lors une typologie des

modes actionnels reposant sur les terminologies de D. Vernant (1997), P. Livet (1994) et H.

H. Clark (1996) :

Concernant la notion d‟ « action à plusieurs », L. Filliettaz l‟emprunte à P. Livet

(1994) et la redéfinit ainsi :

Actions qui résultent de conduites inter-individuelles, mais ne supposent pas la mise en place d‟espace

intersubjectif d‟interaction, c'est-à-dire d‟influence réciproque entre les participants. (2002 : 63)

P. Livet (1994) qui distingue trois formes d‟action collective qui se différencient par leur

différence graduelle de participation des acteurs :

(1) L’action commune est constituée d‟actions individuelles. Les acteurs aient un but

commun et qu‟ils coordonnent leurs actions individuelles en fonction de ce but.

L‟action commune n‟exige nullement le savoir mutuel d‟intentions entrelacées. Il n‟est même pas

nécessaire que nous explicitions un but commun. Il faut seulement qu‟à aucun moment le but nominal

que chacun suppose être le but commun ne soit contredit par les actions de l‟un ou de l‟autre. » (1994 :

250-251)

collective

Figure 6 : Typologie des modes actionnels selon L. Filliettaz (2002 : 61)

Action individuelle Action

collectivecollective

Action à plusieurs Action conjointe

Action

Page 86: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

86

P. Livet explique que ce type d‟action peut amener à commettre des erreurs dans la mesure où

chaque acteur n‟agit pas en fonction de son propre plan, mais par rapport à l‟action d‟autrui et

au principe de coordination :

L‟action commune étant faite d‟actions individuelles, chacun de nous peut commettre des erreurs en

jouant sa partie. Les possibilités d‟erreurs sont d‟ailleurs multipliées puisqu‟il ne s‟agit pas d‟agir

conformément à notre plan, mais qu‟il faut encore se soucier de la coordination de noter action avec

celle d‟autrui. Or autrui peut aussi commettre des erreurs. (1994 : 250)

(2) L’action à plusieurs reprise par L. Filliettaz. Ce type d‟action est fait de l‟agrégation

d‟actions individuelles s‟imposant à l‟ensemble des acteurs. Il précise que cette action est « la

simple résultante de multiples actions menées individuellement. » (1994 : 226). Il précise :

« Les acteurs sont conscients de faire partie d‟une collectivité. Ils savent que leurs actions ont

des conséquences les unes sur les autres. » (1994 : 254).

(3) L’action ensemble est une action collective reposant sur une participation minimale. P.

Livet va jusqu‟à parler de « quasi-participation ». Cette action permet à l‟ensemble des

acteurs de coopérer un minimum et de garder une certaine « marge de manœuvre » :

« L‟action ensemble permet à tous ceux qui coopèrent au bien collectif de cependant garder

une marge de manœuvre. Ils peuvent ainsi concevoir leur participation, comme un choix qui

n‟est pas imposé. » (1994 : 262)

L. Filliettaz emprunte la notion d‟ « action conjointe » à H. H. Clark (« joint

action », 1996) et la définit ainsi : « Elle se fonde sur une connaissance mutuelle des

participants et sur la mise en commun de leurs ressources individuelles. » (2002 : 63). Il

donne comme exemples la transaction en librairie, les prises de rendez-vous chez le médecin

ou encore les débats radiophoniques. L‟action conjointe comporte quelques propriétés.

Premièrement, elle s‟articule autour de visées distinctes mais interdépendantes, c'est-à-dire

que les agents ont un enjeu commun, mais ne poursuivent pas le même objectif. La notion

d‟enjeu commun « désigne ce que les interactants font ensemble ou encore la finalité

partagée qui articule leur engagement dans l‟action collective » (L. Filliettaz, 2001b : 113).

Chaque agent participe à l‟action et y apporte quelque chose tout en ayant un intérêt. L‟action

conjointe nécessite une coopération entre les agents. Enfin, les agents vont ajuster leurs

objectifs afin de servir l‟enjeu commun. Selon L. Filliettaz : « toute coopération implique

l‟émergence d‟un espace intersubjectif d‟intercompréhension » (2002 : 67).

Page 87: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

87

CHAPITRE 3 :

Méthodologie de constitution de corpus et de sous-corpus et méthodologie

d’analyse pour la caractérisation de types de discours dans des situations de

travail

Ce chapitre présente notre réflexion et notre cheminement méthodologique pour la

constitution de notre corpus et l‟analyse des discours en situation de travail à partir desquels

nous tenterons d‟identifier les différents types de discours. Dans un premier temps, nous

présenterons notre méthodologie de recueil, de constitution et de traitement des données.

Nous expliquerons notamment comment nous avons sélectionné les données et constituer

deux sous-corpus. Dans un deuxième temps, nous développerons notre méthodologie

d‟analyse fondée sur un découpage séquentiel avant d‟expliciter nos méthodes de calculs des

occurrences et des prévalences pour l‟analyse quantitative de critères.

3.1 Méthodologie de recueil de données et de constitution du corpus

Notre recherche a nécessité la constitution d‟un corpus d‟activités langagières produits

dans des situations de travail recueilli dans différentes organisations46

. Ce corpus est constitué

d‟enregistrements, et de leur transcription, de différentes activités langagières en situation de

travail (réunions de direction, réunions internes, séances de travail, conversations). Pour la

constitution de corpus, nous avons exploré la linguistique de corpus et convoqué les études

existantes sur corpus.

3.1.1 Une méthodologie appuyée sur la linguistique de corpus

Dans la mesure où nous cherchons à analyser les productions langagières dans des

situations de travail afin de déterminer des types de discours au travail, nous nous situons

dans le cadre de la méthodologie de la linguistique de corpus.

46

Précisons que le terme organisation est un terme générique permettant de faire référence à tous types de

structure : entreprise, institution, administration, etc.

Page 88: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

88

C‟est véritablement à la fin des années 1970 qu‟apparaît le mot « linguistique de

corpus » (« corpus linguistics »). Le terme de « Corpus Linguistics » a été introduit en

Grande-Bretagne par J. Sinclair en 1996 dans le cadre du projet EAGLES (Expert Advisory

Group on Language Engineering Standards). En France, le terme de « Linguistique de

corpus » est apparu dans les années 1990 et est employé par B. Habert (1997), puis M. Bilger

(2000).

Les recherches en linguistique de corpus peuvent être menées selon l‟une des deux

approches : « Corpus-based » et « corpus-driven » que M. Stubbs (1993), puis E. Tognini-

Bonelli (2001) opposent. Ces approches ont toutefois une origine commune ; elles sont toutes

deux britanniques et issues de la London School. L‟approche « Corpus-based » permet de

vérifier des hypothèses sur des corpus et constitue ainsi une approche appliquée aux corpus.

Les données sont utilisées comme des exemples authentiques permettant de valider ou non

des théories. Cette approche est notamment employée par G. Leech (1993) et D. Biber (1999)

et c‟est sur celle-ci que notre étude linguistique se base. L‟approche « Corpus-driven » est

motivée par le corpus et est une méthode inductive. L‟observation des données permet de

formuler des hypothèses. L‟étude des récurrences, des constructions grammaticales s‟appuient

sur des observations d‟unités de corpus afin d‟aboutir à une description de la langue. Cette

approche est notamment développée par J. Sinclair (1987).

En fonction des objectifs de recherche, les corpus écrits ou oraux sont constitués de

discours, de conversations, de textes (extraits ou entiers) : « corpus de spécialité » restreint à

une situation de communication ou à un domaine, « corpus de référence » avec des données

plus conséquentes et présentant des échantillons de variétés d‟une langue. E. Tognini-Bonelli

explique que la linguistique de corpus permet de décrire le langage et qu‟il s‟agit d‟une

pratique plutôt ancienne dont le précurseur était l‟enquête linguistique47

.

Plusieurs méthodes permettent de travailler à partir de corpus : rechercher des corpus

en libre accès, exploiter des corpus de référence ou constituer soi-même son corpus en

fonction de ses objectifs de recherche.

47

« Although the discipline of corpus linguistics as such is relatively new, the practice of it Ŕ and by this is meant

the use of a corpus of language as the basis for language description Ŕ is as old as linguistic enquiry. »

(E. Tognini-Bonelli, 2001 : 50)

Page 89: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

89

T. McEnery et A. Wilson (1996), puis T. McEnery, R. Xiao et T. Yukio (2006), se

demandent alors si nous devons considérer la linguistique de corpus comme une théorie ou

comme une méthodologie. La linguistique de corpus n‟est en effet pas explicitement définie

comme une discipline. T. McEnery et A. Wilson considèrent la linguistique de corpus plutôt

comme une méthodologie et expliquent comment ils la situent par rapport aux disciplines de

la linguistique :

Corpus linguistics is not a branch of linguistics in the same sense as syntax, semantics, sociolinguistics

and so on. All of these discipline concentrate on describing / explaining some aspect of language use.

Corpus linguistics in contrast is a methodology rather than an aspect of language requiring explanation

or description. (1996 : 3)

La linguistique de corpus serait une branche transversale à toutes les disciplines ; elle

se présente comme étant une méthodologie aidant à l‟analyse et la description des autres

disciplines. Plusieurs champs des sciences du langage, telles que l‟acquisition du langage, la

sociolinguistique, la linguistique comparative, la didactique, la syntaxe ou encore la

sémantique travaillent à partir de corpus. Disposer d‟une quantité de données de langue

authentique permet d‟effectuer des analyses linguistiques de façon objective.

G. Williams, quant à lui, présente la linguistique de corpus comme une « discipline » :

La linguistique de corpus est une discipline qui s‟est développée à partir des années dix-neuf cent

quatre-vingts mais qui a vraiment pris son essor avec l‟arrivée sur le marché d‟ordinateurs personnels.

Largement issue de l‟école contextualiste, la discipline s‟intéresse à la langue en contexte sous la forme

de grands ensembles de textes, les corpus. C‟est une discipline qui est très liée à l‟utilisation de

l‟informatique, mais qui reste une discipline des sciences humaines et non de l‟informatique. Les

maitres mots sont linguistique et corpus. (2005 : 13)

Il précise ensuite que « la linguistique de corpus est à la fois une discipline et une

méthodologie » (Ibid : 17).

Nous nous associons à M. Cori et S. David qui s‟interrogent sur cette discipline, dans

le but « d‟éclairer les fondements historiques et les enjeux épistémologiques et linguistiques

sous-jacents » du développement de la linguistique de corpus, et propose une « approche sur

corpus » (2008).

La linguistique de corpus va à l‟encontre de la linguistique introspective dans laquelle

les linguistes se fient à leurs propres intuitions de la langue. Au milieu des années 1950,

N. Chomsky prend position et explique qu‟il n‟avalise pas « l‟accumulation de masse de

données » :

Page 90: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

90

Corpus linguistics doesn't mean anything. It's like saying suppose a physicist decides, suppose physics

and chemistry decide that instead of relying on experiments, what they're going to do is take videotapes

of things happening in the world and they'll collect huge videotapes of everything that's happening and

from that maybe they'll come up with some generalizations or insights. Well, you know, sciences don't

do this. But maybe they're wrong. Maybe the sciences should just collect lots and lots of data and try to

develop the results from them. Well if someone wants to try that, fine. They're not going to get much

support in the chemistry or physics or biology department. But if they feel like trying it, well, it's a free

country, try that. We'll judge it by the results that come out. So if results come from study of massive

data, rather like videotaping what's happening outside the window, fine-look at the results. I don't pay

much attention to it. I don't see much in the way of results. My judgment, if you like, is that we learn

more about language by following the standard method of the sciences. The standard method of the

sciences is not to accumulate huge masses of unanalyzed data and to try to draw some generalization

from them. (N. Chomsky, 2004 : 97)48

N. Chomsky ne travaille pas à partir de corpus, mais à partir de la connaissance

intuitive de la langue (observations par introspection). Le corpus ne peut, selon lui, mener à la

construction d‟une grammaire. Pour N. Chomsky, afin de pouvoir raisonner sur la langue, il

faut pouvoir confronter ce qui est possible et ce qui ne l‟est pas et dans le « corpus », il n‟est

pas possible d‟observer des exemples de ce que la langue ne permet pas.

Au contraire, L. Bloomfield pense que les locuteurs ne sont pas conscients de leurs

structures langagières. Selon lui, il n‟est donc pas possible d‟étudier des énoncés restitués par

les souvenirs que nous en avons ou par l‟introspection.

A. M. McEnery, R. Xiao et T. Yukio mettent en garde sur cette approche fondée sur

l‟introspection et défendent l‟approche fondée sur corpus :

In principle, by using in intuition-based approach, researchers can invent purer examples instantly for

analysis, because intuition is readily available and invented examples are free from language-external

influences existing in naturally occurring language. However, intuition should be applied with caution.

(2006 : 6)

L‟approche à base de corpus s‟appuie sur des textes ou discours authentiques, réels

facilement observables et vérifiables. M.-P. Jacques explique que la linguistique de corpus

permet de « corriger les intuitions sur le fonctionnement de la langue », mais aussi de

« donner des indications en terme de fréquence et établir des relations statistiques entre

ensembles de faits » (2005 : 25). M.-P. Jacques affirme que la linguistique de corpus permet

d‟observer et d‟étudier des aspects « impossible à traiter par l‟introspection et l‟intuition »

(Ibid : 24).

L‟introspection ne peut constituer une base pour l‟analyse car elle est subjective,

influencée et non vérifiable. A. M. McEnery, R. Xiao et T. Yukio développent cette idée en

proposant trois arguments que nous partageons ; ils mettent en avant le fait que les locuteurs

48

Dans une interview avec J. Andor qui a fait l‟objet de l‟article en 2004 « The master and his performance: An

Interview with Noam Chomsky », revue Intercultural Pragmatics 1. Pages 93 à 111.

Page 91: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

91

sont influencés par leur sociolecte, qu‟ils ne peuvent contrôler de façon consciente leurs

énoncés et finalement, ces auteurs expliquent que les résultats issus de l‟introspection sont

plutôt difficiles à vérifier :

First, it is possible to be influenced by one‟s dialect or sociolect ; what appears unacceptable to one

speaker may be perfectly felicitous to another. Assuming that what we see in a corpus is largely

grammatical and/or acceptable, the corpus at least provides evidence of what speakers believe to be

acceptable utterances in their language, typically free of the overt judgement of others. Second, when

one invents an example to support or disprove an argument, one is consciously monitoring one‟s

language production. Therefore, even if one‟s intuition is correct, the utterance may not represent

typical language use. The corpus-based approach, in contrast, draws upon authentic or real texts, though

authenticity itself may be a cause of dispute. Finally, results based on introspection alone are difficult to

verify as introspection is not observable. Additional advantages of the corpus-based approach are that a

corpus can find differences that intuition alone cannot perceive, and a corpus can yield reliable

quantitative data. (2006 : 6-7)

Selon eux, un corpus présente les énonciations exactes des locuteurs sans que ceux-ci soient

influencés par leur dialecte ou sociolecte. En inventant un exemple pour soutenir un

argument, nous contrôlons ses productions et ne pouvons représenter une véritable utilisation

de la langue. L'approche à partir de corpus s‟appuie sur des textes ou discours authentiques.

Les résultats reposant sur l'introspection sont difficiles à vérifier dans la mesure où

l'introspection n'est pas observable. Enfin, ils précisent que l'approche sur corpus permet

d‟observer des éléments que l‟intuition ne peut pas percevoir et permet également d‟effectuer

des analyses quantitatives.

3.1.2 Le développement des études sur des corpus : quelques travaux marquants

Certains corpus, que nous allons citer ci-après, ont marqué un tournant dans la

linguistique. Du XIXè au XX

è siècle, des corpus pour des études du langage des enfants voient

le jour. Ils sont constitués de prises de notes de locutions des enfants par les parents.

T.McEnery et A. Wilson parlent de « Corpus primitifs » :

These primitive corpora, on which later speculation were based by the researches of the period such as

Preyer (1889) and Stern (1924), are still used as sources of normative data in language acquisition

research today, for example, Ingram (1978). Corpus collection continued and diversified beyond the

diary studies period. (1996 : 3)

En France, le premier corpus français « archives de la parole » date de 1912-1913 et

est réalisé par F. Brunot qui enregistre des manifestations de la langue parlée.

Page 92: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

92

Dès les années 1940, se sont constitués des corpus dans le cadre de la linguistique

comparative (H. S. Eaton, 1940) pour comparer la fréquence et les sens des mots dans

plusieurs langues :

Comparative linguistics also shows evidence of a corpus-based inclination. A good example here is

Eaton‟s (1940) study comparing the frequency of word meanings in Dutch, French, German and Italian.

(T. McEnery et A. Wilson, 1996 : 4)

Se sont constitués ensuite des corpus pour la recherche en pédagogie des langues

étrangères avec notamment C. C. Fries (1952) qui s‟intéresse à la grammaire descriptive de

l‟anglais à partir de corpus. C. Fries, A. Traver et J. Bongers utilisent des corpus d‟anglais

parlé afin d‟étudier les fréquences de mots et développer une pédagogie de la langue.

Dans les années 1951-1955 est constitué le corpus « Français fondamental »

comportant 275 enregistrements. C‟est à partir de ce grand corpus que G. Gougenheim,

R. Michéa, P. Rivenc et A. Sauvageot ont travaillé sur l‟enseignement du français aux

étrangers.

Entre 1966 et 1970, le « Corpus d‟Orléans » est réalisé et comprend 144 entretiens et

compte environ 300h d‟enregistrements de locuteurs vivant à Orléans. Ce corpus est issu du

projet ESLO49

(Enquête Sociolinguistique à Orléans) du laboratoire CORAL (Centre

Orléanais de Recherche en Anthropologie et Linguistique).

L‟un des premiers corpus réalisés dans le cadre d‟une étude sociolinguistique est le

corpus de W. Labov dans la ville de New York dans les années 1960-1970. W. Labov

souhaitait répondre à des hypothèses sur les changements phonétiques qui s‟opéraient dans la

ville New York et plus particulièrement au sein de la population de Lower East Side. Il a

procédé à une série d‟enquêtes à partir d‟interviews dans des lieux publics. En 1962, il a

enregistré sur magnétophone des interviews individuelles et a étudié les variables

phonologiques de /r/ chez les employés des trois grands magasins : Saks, Macy‟s, S. Klein.

Les résultats ont montré que ces variables déterminaient une stratification sociale. W. Labov

expliquait que les vendeuses des grands magasins auraient tendance à employer les formes de

prestige. Ces recherches démontrent que l‟activité professionnelle influence le langage. Il

s‟agit des premiers corpus s‟attachant à la description linguistique dans un milieu déterminé

(quartier de Lower East Side à Manhattan).

49

Projet ESLO : consultation du site http://www.univ-orleans.fr/eslo/

Page 93: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

93

Peu de temps après, D. Sankoff et H. Cedergren (1971-1980) ont réalisé un corpus

sociolinguistique au Québec : le grand « corpus Sankoff-Cedergren » sur le français de

Montréal. Ce corpus est composé de 120 entrevus (interviews libres ou semi-dirigées) de

locuteurs francophones et montréalais âgés de 15 à 85 ans dans les quartiers présentant plus

de 64 % de francophones. Ces recherches se penchent sur trois aspects principaux de la

langue : la grammaire, la lexicologie et la phonologie.

En France, l‟équipe du GARS (Groupe Aixois de Recherche en Syntaxe) de

l‟Université de Provence a réalisé des corpus pour l‟étude descriptive du français parlé :

Lorsque s‟est formée l‟équipe du GARS, autour d‟un projet de recherche sur le français parlé, c‟était

l‟intention de fournir un instrument de travail intéressant pour la linguistique descriptive. (C. Blanche-

Benveniste, 2000 : 15)

Les études sur le français parlé de C. Blanche-Benveniste ont impulsé la description de la

langue parlée en France. Le corpus de référence du DELIC, nommé CRFP (Corpus de

Référence du Français Parlé), a été constitué par l‟équipe Corpus de l‟Université de Provence,

dirigé par C. Blanche-Benveniste (puis financé par la Délégation Générale à la Langue

Française et aux Langues de France). J.-M. Debaisieux explique qu‟en 2005 le corpus le plus

important était le CorpAix :

Les corpus les plus importants en France sont ceux constitués par l‟équipe DELIC, (Description

Linguistique sur Corpus Ŕ anciennement Gars. Le premier corpus en taille, plus d‟un million de mots est

le corpus oral CorpAix, initié par le Gars. […] La plupart des autres corpus francophones importants se

trouvent en Belgique et au Canada. (2005 : 10)

Dans les années 1980, d‟autres grands corpus se sont constitués :

Depuis le début des années 1980, de grands corpus de langue écrite et de langue parlée ont été

constitués dans plusieurs pays européens. Souvent reliés à des projets internationaux, ces corpus ont été

élaborés pour permettre une standardisation des données et des méthodes d‟investigation. Aujourd‟hui,

ce matériel est couramment utilisé dans « les industries de la langue », pour la constitution de

dictionnaires spécialisés, pour l‟assistance à la traduction, pour l‟enseignement des langues vivantes, ou

pour les études contrastives. Ce matériel est aussi à l‟origine de nouvelles orientations de la description

linguistique qui ont déjà suscité de nouvelles méthodes de travail et des théorisations intéressantes

(recherches sur les « genres », calculs de collocations, relations graduées entre grammaire et lexique,

analyse automatique, etc.). (M. Bilger, 2000a : 7)

À partir de 2003, le laboratoire ICAR (Interactions, Corpus, Apprentissages,

Représentations) a constitué un important corpus collectés dans le cadre de recherches sur

l'interaction. Les enregistrements, les transcriptions, ainsi que le traitement de données orales

Page 94: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

94

interactionnelles et multimodales permettent les recherches sur les corpus de langue parlée en

interaction. Une partie de ce corpus est intégrée dans la plate-forme CLAPI (Corpus de

Langues Parlées en Interaction), une base de données outillée. 45 corpus sont en accès libre,

soit 327 enregistrements totalisant 135 heures.

Récemment, dans le cadre du projet TCOF (Traitement de Corpus Oraux en Français)

né dans les années 2000 au laboratoire ATILF (Analyse et Traitement Informatique de la

Langue Française) à Nancy, des chercheurs ont constitué un corpus comprenant 176 heures

numérisés de productions orales d‟adultes et 250 heures d‟interactions entre adultes et enfants.

Ce corpus répond à des besoins de description et de comparaison des productions langagières

et nourrissent des différentes recherches en syntaxe, acquisition du langage, sociolinguistique,

etc. :

Le projet est lié à une volonté de partage des ressources et à des besoins de recherche, en particulier

celui d‟affiner la description de la langue orale, celui de mettre au jour les processus interactionnels qui

régissent les pratiques langagières, ou encore les processus interactionnels d‟apprentissage au cours de

la période d‟acuqisition du langage. (V. André et E. Canut, 2010 :38)

À l‟heure actuelle, les corpus sont des outils majoritairement utilisés :

Les corpus de langue parlée sont actuellement très sollicités. Le corpus du GARS avait surtout été

demandé, dans les années récentes, pour servir de base de comparaison pour d‟autres études : études sur

l‟acquisition de la langue par de jeunes enfants, études de maladies aphasiques, comparaison avec le

français parlé hors de France, etc. Il avait été également très sollicité à titre de documentation pour

l‟enseignement du français hors de France. (C. Blanche-Benveniste, 2000b : 25)

Grâce au développement de l‟informatisation, les corpus peuvent servir d‟autres

chercheurs pour d‟autres recherches :

L‟ensemble des textes d‟un auteur peut former un corpus dans lequel on peut projeter diverses

organisations pour la recherche linguistique. La taille des grands corpus permet d‟y découper plusieurs

sous-corpus structurés. (C. Blanche-Benveniste, 2000a : 14)

Cette possibilité d‟enregistrement et de façon plus générale cette possibilité de recueil

de données, permet d‟orienter les recherches un peu différemment. C. Blanche-Benveniste

parle de « reconversion » :

Nous assistons actuellement à une reconversion complète des études linguistiques, qui ne pourront plus

se passer, d‟ici peu, de la consultation des ressources de langue informatisées. Dans cette perspective,

on peut prévoir une variété de corpus linguistiques encore plus grande que celles que l‟on voit se

dessiner aujourd‟hui. […] Comme ils sont informatisés, ils se prêtent facilement à des structurations

internes en sous-corpus. Comme ils contiennent des données attestées, dont on peut vérifier les sources,

ils engagent à faire un travail d‟analyse linguistique qui ne repose pas seulement sur l‟intuition mais sur

la confrontation avec des données parfois étonnantes, que la simple intuition n‟aurait pas pu atteindre.

(2000a : 14-15)

Page 95: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

95

Certains corpus comprennent à la fois de la langue parlée et de la langue écrite. Par

exemple, D. Biber a réalisé son propre corpus à partir duquel il a mené une recherche de

description de la langue parlée et écrite en anglais :

This book identifies several of the basic linguistic dimensions of variation among spoken and written

texts in English, and it specifies the multi-dimensional relations among texts within speech and writing.

(1988 : 25-26)

À partir de textes parlés et écrits, il a identifié plusieurs dimensions linguistiques et a

montré que la variation au sein des textes dans le discours et l'écriture était parfois aussi

importante que la variation à travers les deux modes.

Le corpus est donc une collection de textes ou de discours représentatifs d‟une variété

de langue et il se constitue en fonction des objectifs de recherche. Nous retiendrons la

définition qu‟en donne B. Habert :

Un corpus est une collection de données langagières qui sont sélectionnées et organisées selon des

critères linguistiques et extra-linguistiques explicites pour servir d‟échantillon d’emplois déterminés

d’une langue. (2000 : 13)

Les corpus de données orales permettent de mener différentes recherches à la fois

qualitatives et quantitatives dans le domaine de la linguistique, tant au niveau des interactions

verbales, comme les travaux de C. Kerbrat-Orecchioni, de V. Traverso et de L. Mondada,

qu‟au niveau des variations sociolinguistiques, comme c‟est le cas de certaines recherches de

F. Gadet, ou qu‟au niveau de la grammaire et de la syntaxe avec les travaux engagés par le

GARS ou des intonations (travaux de M.-A. Morel). Ces corpus peuvent également servir de

base de données pour servir les recherches dans le domaine de l‟acquisition du langage, des

troubles du langage, de l‟évolution du lexique, mais aussi pour l‟enseignement des langues.

3.1.3 Constitution des données pour étudier les types de discours

Notre propre recherche a nécessité, dans un premier temps, de mettre au jour une

méthodologie de recueil de données précisant les types de données à recueillir, la façon de les

recueillir et le type d‟étude à adopter (transversale ou longitudinale).

Les objectifs du chercheur déterminent la constitution d‟un corpus et la méthode

employée pour la constitution d‟un corpus influence incontestablement la recherche et ses

Page 96: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

96

résultats. Il semble donc indispensable de mener une réflexion sur ce qu‟il est nécessaire

d‟enregistrer, mais aussi sur la manière d‟enregistrer.

Les enregistrements sont le minimum indispensable pour notre étude dans la mesure

où nous ne pouvons étudier les pratiques langagières en situation de travail à partir de notes

ou de souvenirs :

So I started to play around with tap recorded conversations, for the single virtue that I could replay

them ; that I could type them out somewhat, and study them extendedly, who knew how long it might

take. And that was a good enough record of what happened, to some extent. Other things, to besure,

happened. But at least that happened. It wasn‟t from any large interest in language, or from some

theoretical formulation of what should be studied but simply by virtue of that; I could get my hands on

it, and I could study it again and again. And also, consequentially, others could look at what I had

studied, and make of it what they could, if they wanted to be able to disagree with me. (H. Sacks, 1995

[1992] : 622)

Comme il n‟est pas possible d‟étudier l‟oral par l‟oral, « en se fiant à la mémoire

qu‟on en garde » (C. Blanche-Benveniste, 1997 : 17), il est donc nécessaire de procéder à des

enregistrements. Le développement de l‟informatique dans les années 1980-1990 a permis de

constituer des corpus de langue parlée plus modernes. Maintenant que nous pouvons stocker

et conserver l‟oral, il nous paraît plus facile d‟analyser l‟oral. Grâce aux enregistrements, nous

pouvons enfin analyser les conversations, ce qui permet aux chercheurs de réaliser de

nombreux corpus authentiques, afin de favoriser leurs recherches dans l‟ensemble des

disciplines de la linguistique.

Afin d‟être le plus discret possible et de ne pas trop influencer les situations de travail,

nous avons opté pour des enregistrements audio, réalisés avec des enregistreurs numériques.

Nous disposions parfois de deux enregistreurs lorsqu‟il y avait un nombre important de

participants, comme par exemple au sein du Groupe immobilier social lors de la revue de

direction (13 participants), des deux Comités de direction (8 et 9 participants) et de la réunion

interne du service Activités Locatives et Relation Clients (11 participants). Les diverses

activités langagières au travail enregistrées ont été ensuite transcrites orthographiquement en

utilisant des conventions de transcriptions présentées ci-après.

La vidéo offre une vision plus complète et plus complexe en offrant une meilleure

compréhension de l‟activité de par le visionnement de l‟ensemble des activités. Ce type

d‟enregistrement peut conduire à une analyse fine de la parole en interaction et de rendre

Page 97: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

97

observable des dimensions matérielles et comportementales. Cependant, pour plusieurs

raisons, nous avons choisi l‟enregistrement audio :

1) Étant donné la difficulté d‟intégrer des milieux professionnels pour réaliser des

enregistrements audio, la vidéo limitait nos chances d‟intégrer des lieux d‟observation car elle

suscite davantage de réticence.

2) L‟enregistrement vidéo nécessite la mise en place de plusieurs caméras, de

plusieurs micros et de plus de chercheurs, notamment dans les activités langagières où les

participants sont nombreux. De plus, cette organisation doit prendre en compte la

manipulation spécifique des caméras pour veiller aux divers problèmes d‟hors cadre, de

personnes mal filmées, non filmées ou peu audibles tout en veillant à la visibilité des objets

manipulés. Ces contraintes techniques ont une influence incontestable sur le déroulement

naturel des activités de travail. C‟est pourquoi nous avons exclu l‟enregistrement vidéo.

3) Certains lieux, trop étroits, ne permettent pas d‟obtenir de bonnes prises de vue.

4) Les personnes enregistrées sur les différents terrains de recherche nous ont avoué

qu‟elles ne souhaitaient pas être filmées. Bien que nous soyons consciente de l‟importance

des gestes et des regards, notre choix a été opéré aussi en fonction de cette donnée. Nous

avons alors repéré et pris en note les actions, les gestes et les regards qui, nous pensons, ont

pu influencer et/ou orienter différemment le discours.

Notre objectif était d‟enregistrer des pratiques dans des situations de travail les plus

naturelles possibles, tout en considérant qu‟un enregistrement peut perturber le déroulement

normal d‟une activité de travail. Cette méthodologie a permis de recueillir des enregistrements

d‟activités langagières qui se sont déroulées ordinairement, sans être provoquées, modifiées

ou simulées.

Notre recherche consiste à observer le langage au travail, dans des organisations

différentes et des situations variées ; réunions de direction, réunions de service, séances de

travail et interactions dans l‟open space d‟un service des Ressources humaines, conversations

plus informelles qui sont autant de situations d‟énonciation différentes. Comme l‟explique

justement M. Bilger, « Le travail du linguiste ne se limite pas à l‟exploitation du corpus, mais

commence dès la conception de ce dernier, qui pour permettre des recherches futures

d‟intérêt, les plus diverses qu‟il soit, doit répondre à deux exigences : avoir une taille

suffisante et répondre à une certaine variété. » (2008 : 17).

Les enregistrements ont été réalisés dans divers services de quatre organisations

présentant des modes de fonctionnements, des objectifs, ainsi que des méthodes de travail

Page 98: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

98

différents. Nos données constituent ainsi un « corpus-échantillon » de pratiques langagières et

interactionnelles des situations professionelles.

3.1.4 L’influence des sociologies interactionnistes pour la prise en compte du

contexte pour le recueil et l’analyse des données

Nous présenterons deux approches sociologiques des interactions qui mettent en

lumière l‟importance du contexte et de la situation et de leur influence sur l‟activité

langagière : l‟interactionnisme d‟E. Goffman et la sociolinguistique variationniste. Ces

approches nous permettront d‟engager une réflexion sur la position du chercheur sur le

terrain.

3.1.4.1 L’influence de l’interactionnisme d’E. Goffman

L‟interactionnisme d‟E. Goffman s‟est développé à partir des années 1950 au sein de

l‟école de Chicago. L‟un des principes de l‟interactionnisme est d‟étudier l‟interaction entre

un objet et son environnement et plus précisément d‟étudier le langage en situation.

L‟ « ethnographie de communication » implique donc une description de l‟interaction, des

participants et de la situation.

L‟interactionnisme est un courant de pensée au sein duquel se rencontrent la

sociologie, l‟anthropologie, la psychologie, l‟ethnologie et les sciences de la communication.

L‟unité de base pour son analyse est l‟interaction entre deux ou plusieurs individus, analysée

en situation réelle et non dans des situations provoquées. La méthodologie employée est

l‟observation, puis la description des interactions. Il s‟agit d‟étudier les situations de discours,

c'est-à-dire qui parle, avec qui, quand et où. L‟environnement physique et social a toute son

importance, car il conditionne les échanges. La réalité sociale ne s‟impose pas aux individus

mais elle se construit à travers l‟interaction. L'interactionnisme met en œuvre une démarche

ethnographique : l' « observation participante » est notamment utilisée, comme le fit E.

Page 99: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

99

Goffman lors de ses recherches sur les conditions sociales des malades mentaux dans l‟hôpital

Washington50

, où, pendant un an, il vécut interné.

Ce courant de pensée comprend l‟ethnométhodologie développé dans les années 1960

par H. Garfinkel. Il s‟agit de décrire les méthodes dont disposent les individus pour agir et

organiser leurs interactions en fonction du contexte et de leur savoir. Les éthnométhodologues

considèrent les interactions comme des « négociations », car il s‟agit sans cesse négocier la

prise de parole (l‟ordre des tours n‟étant pas déterminé à l‟avance) et le bon déroulement de

l‟interaction.

E. Goffman prend part aux courants de l'ethnométhodologie et de l'interactionnisme

symbolique. En interaction, la règle fondamentale que doit respecter tout participant est de

préserver sa face et celle de ses partenaires : « Garder la face est une condition de l‟interaction

et non son but » (E. Goffman, 1974 : 15). Il définit la face comme étant « la valeur sociale

positive qu‟une personne revendique effectivement à travers sa ligne d‟action que les autres

supposent qu‟elle a adoptée au cours d‟un contact particulier » (Ibid : 9).

Lors de l‟interaction, l‟individu doit donner une image du Moi et ne doit pas faire

« mauvaise figure », autrement dit « perdre la face », car cela le rendrait honteux et humilié.

Si lors d‟une rencontre, son image ne lui est pas confirmée, la face est alors menacée. Il y a

ainsi sans cesse cette lutte, ce risque de blessure narcissique, de perte de crédibilité et

d‟humiliation lors d‟une interaction. Mais l‟interaction peut être, au contraire, une occasion de

se vendre et de gagner du prestige. Les interactants doivent alors évaluer les risques de perte

et de prestige et adopter des stratégies pour les limiter.

Dans l‟interaction, et plus largement dans la vie sociale, il est important de préserver la

face de son ou de ses interlocuteur(s) en même temps que la sienne. La politesse prend ainsi

une place importante. En 1978, P. Brown et S. Levinson développent leur conception de

politesse dans les conversations à partir des notions de « face » et de « territoire du Moi »

d‟E. Goffman en les rebaptisant « face positive » et « face négative ». La « face négative » est

présentée comme notre « territoire », notre territoire corporel, spatial autrement dit notre

place, notre chez soi et, selon C. Kerbrat-Orecchioni « notre temps de parole auquel on estime

avoir droit » (1992 : 167). La « face positive » est présentée comme l‟image valorisante que

nous construisons et offrons lors des interactions ; c‟est ce besoin d‟être apprécié par les

autres locuteurs, ce qui renvoie en quelque sorte au « narcissisme ». Nous possédons chacun

50

Cette recherche est présentée dans son ouvrage Asylums (1961).

Page 100: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

100

ces deux faces et en entrant en interaction, les locuteurs réalisent des actes de paroles qui

peuvent présenter des menaces potentielles pour chacune des faces des participants.

Dans les interactions, les individus tentent de sauvegarder leurs faces et, selon les

personnes et les situations, de sauvegarder ou de faire perdre celles de leurs interlocuteurs :

Tout comme les jeux, les échanges communicatifs sont à la fois coopératifs, et compétitifs (les

participants étant à la fois des partenaires, et des adversaires) :

- L‟idée que tout échange est de nature fondamentalement coopérative a été énoncée par Grice bien sûr,

ou par Schütz, mais aussi par tous les spécialistes des interactions, qui ont montré que tout discours

dialogué est le produit d‟un « travail collaboratif », les partenaires en présence mettent en œuvre en

permanence des processus de négociation, et d‟harmonisation de leurs comportements respectifs, et de

« synchronisation interactionnelle ».

- Mais en même temps, ces mêmes spécialistes répètent à l‟envi que le système des tours de parole a un

caractère intrinsèquement compétitif, que la structuration des conversations se fait souvent sur un mode

conflictuel, que les rapports de place sont souvent l‟enjeu de « bagarre pour la dominance » […].

(C. Kerbrat-Orecchioni, 1992 : 147-148)

Tout au long de l‟interaction, les participants sont amenés à accomplir un certain nombre

d‟actes (verbaux et non-verbaux) et la plupart de ces actes sont jugés comme des menaces

potentielles par P. Brown et S. Levinson.

Dans l‟élaboration d‟un système de politesse, et à partir de la notion de « face »

empruntée à E. Goffman (1967)51

, P. Brown et S. Levinson (1978) ont proposé les notions

suivantes :

- La « face négative » qui correspond à ce qu‟E. Goffman décrit comme « les territoires

du moi ». Ce sont les propriétés de l‟individu, son territoire : « the want of every

„competent adult member‟ that his actions be unimpeded by other » (P. Brown et S.

Levinson, 1987 [1978] : 62).

- La « face positive » qui correspond à l‟ensemble des images valorisantes que les

interlocuteurs construisent et tentent d‟imposer. C‟est l‟élaboration et la projection de

l‟image de soi dans l‟interaction : « the want of every member that his wants be

desirable to at least some others. » (Ibid). C‟est ce qu‟E. Goffman appelle « la face ».

Les notions d‟E. Goffman sont plus parlantes (on parle de notre territoire et le sens de « face »

a tout son sens dans les expressions telles que « perdre la face » ou « garder la face »). Mais

les terminologies de P. Brown et S. Levinson permettent de mettre en exergue la

complémentarité des deux entités complémentaires. Les participants possèdent donc deux

51

« The term face may be defined as the positive social value a person effectively claims for himself by the line

others assume he has taken during a particular contact. Face is an image of self delineated in terms of approved

social attributes-albeit an image that others may share, as when a person makes a good showing for his

profession or religion by making a good showing for himself. » (E. Goffman, 2005 [1967] : 5)

Page 101: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

101

faces (la face négative et la face positive) et ont un travail de « figuration » (face-work) à faire

lors de chaque interaction.

P. Brown et S. Levinson élaborent ensuite la notion de « Face Threatening Act »

(FTAs) qui sont les actes potentiellement menaçant pour les faces52

. Cette conception de la

politesse peut être discutée. C. Kerbrat-Orecchioni émet d‟ailleurs quelques réserves. En effet,

elle considère cette conception excessivement négative, car elle repose sur la notion de FTA.

Selon elle, la vie sociale n‟est pas faite que de menaces potentielles que l‟on pourrait au

mieux éviter ou neutraliser.

P. Brown et S. Levinson introduisent ensuite la notion de « Face Flattering Act »

(FFAs) qui sont des actes valorisants pour les faces. Cette notion réunit tout ce qui relève de

la politesse ainsi que tous les actes qui valorisent la face de l'autre.

3.1.4.2 L’influence de la sociolinguistique variationniste

Dans le cadre de l‟analyse de nos données, il semble indispensable de considérer le

contexte dont dépendent les interactions. Pour comprendre un discours, il semble nécessaire

de procéder à une analyse qui prend en compte le contexte et les règles de production du

discours, les règles sociales partagées ainsi que les relations entre les locuteurs. Ce concept est

au cœur du courant de la sociolinguistique variationniste, fondé par W. Labov. Il a en effet

pour objet d‟étude les formes linguistiques corrélées aux facteurs sociaux.

Dans le Nouveau dictionnaire encyclopédique des sciences du langage de O. Ducrot et

J.-M. Schaeffer, M. de Fornel donne la définition suivante : « La sociolinguistique

variationniste s‟intéresse à la langue telle qu‟elle est parlée dans une communauté

linguistique » (1995 : 121). En effet, les individus ont des pratiques langagières différentes

selon les situations, selon les autres (leur statut, leurs attributs), selon le lieu de

communication, le but de la conversation et les éléments de la situation de communication.

L‟appartenance à une certaine classe sociale par exemple peut engendrer des différences dans

l‟emploi de certains mots et va influencer les prononciations. Notre langage reflète notre

52

Par exemple :

- l‟offre ou la promesse sont des actes menaçants pour la face négative de celui qui l‟accomplit ;

- les aveux, les lapsus, les excuses sont des actes menaçants pour la face positive de celui qui l‟accomplit ;

- les insultes, les questions indiscrètes, les ordres ou encore les actes tels que le fait fouiller les poches de l‟autre

ou de lui lire son courrier sont des actes menaçants pour la face négative de celui qui les subit ;

- la critique, le reproche et tout ce qui risque de mettre en péril le narcissisme d‟autrui sont des actes menaçants

pour la face positive de celui qui les subit.

Page 102: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

102

appartenance à un certain groupe. Par ailleurs, un même locuteur utilise un langage nuancé

selon le rôle qu‟il tient dans diverses situations : père de famille ou chef d‟entreprise par

exemple. Il fait moduler les registres de langue en passant d‟un registre familier à un registre

formel et inversement. La classe sociale, le sexe, l‟âge sont des éléments extralinguistiques

qui vont faire varier les pratiques langagières des individus :

Pour nous, notre objet d‟étude est la structure et l‟évolution du langage au sein du contexte social formé

par la communauté linguistique. Les sujets considérés relèvent du domaine ordinairement appelé

« linguistique générale » : phonologie, morphologie, syntaxe et sémantique. Les problèmes théoriques

que nous soulèverons appartiennent également à cette catégorie, tels la forme des règles linguistiques,

leur combinaison en systèmes, la coexistence de plusieurs systèmes et l‟évolution dans le temps de ces

règles et de ces systèmes. S‟il n‟était pas nécessaire de marquer le contraste entre ce travail et l‟étude du

langage hors de tout contexte social, je dirais volontiers qu‟il s‟agit là tout simplement de linguistique.

(W. Labov, 1976 : 258)

W. Labov distingue quatre types de variation : la variation diachronique (ou historique),

la variation diastratique (ou sociale), la variation diatopique (ou géographique), la variation

diaphasique (ou stylistique).

3.1.4.3 Positionnement du chercheur sur le terrain

Les productions langagières au travail que nous avons enregistrées demandent une

importante considération du contexte d‟énonciation. Lors de ce recueil de données, nous

avons donc été présente à la table de travail des locuteurs, afin de prendre des notes sur les

prises de parole et sur les éventuels gestes, regards, souffles ou rires de chacun dans les

interactions. En effet, l'utilisation d‟appareils d‟enregistrement ne doit pas éliminer pas ce

travail d‟observation, essentiel, car il permet par la suite une bonne transcription. De plus, il

nous paraît aussi important de passer du temps dans les organisations où nous réalisons ces

enregistrements afin cette fois de comprendre au mieux le contenu des enregistrements. C‟est

l‟occasion d‟éclaircir des termes, de mieux connaître les fonctions des locuteurs et de saisir

plus précisément le rôle et la façon dont fonctionnent les organisations. J. Boutet a analysé le

langage au travail et constate que l‟on ne peut pas enregistrer de productions langagières sans

prendre en compte « les règlements, les dispositifs techniques, les processus de travail,

l‟organisation du travail et les relations sociales dans l‟entreprise où l‟on requête. »

(2005 : 22).

Page 103: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

103

Afin que les données enregistrées ne reflètent pas la présence de l‟enquêteur, il semble

nécessaire de réfléchir sur la façon de mener les enregistrements en mettant au point quelques

principes méthodologiques. L‟influence de l'enquêteur et de son enregistreur est

incontestablement forte. Pour que le degré d‟authenticité soit le plus élevé possible, il est

nécessaire d‟être le plus neutre et le plus discret possible tant du point de vue matériel que

comportemental.

Notre objectif étant d‟obtenir un corpus authentique, c'est-à-dire un corpus de

situations « naturelles », des situations de travail qui se seraient déroulées de la même manière

si nous n‟avions pas été présente, nous avons intégré les organisations en dehors des

enregistrements :

Le but de la recherche linguistique au sein de la communauté est de découvrir comment les gens parlent

quand on ne les observe pas systématiquement ; mais la seule façon d‟y parvenir est de les observer

systématiquement. (W. Labov, 1976 : 290)

Nous avons choisi d‟intégrer les organisations afin de connaître les personnes

enregistrées, de se familiariser avec nos terrains et pour qu‟un climat de confiance puisse

s‟installer et que l‟enregistrement ne soit pas un objet de jugement. Nous avons passé du

temps à discuter avec les employés, déjeuner avec eux et parfois même travailler avec eux. En

outre, afin de s‟assurer du déroulement „naturel‟ des activités langagières, nous demandions

aux participants à la fin de chaque enregistrement leur sentiment sur les comportements de

leurs collègues lors des enregistrements et savoir quels étaient ceux qui étaient gênés. Les

participants se sont en quelque sorte habitués à notre présence et nous ont intégrés dans leur

organisation. Nous avons visité les locaux des organisations, nous avons échangé avec nos

différents informateurs sur le fonctionnement général, les activités, les structures

hiérarchiques. Nos rencontres, ainsi que nos échanges informels avec nos collaborateurs lors

de pauses-café, lors d‟un repas ou tout simplement lors de visites plus ou moins informelles,

ont permis de nous intégrer et d‟échanger notre confiance. Cette méthodologie semble se

rapprocher de la méthode de l‟observation participante, initiée par l‟ethnographie de la

communication, qui consiste à partager le mode de vie d‟une organisation ou d‟une société en

participant aux activités et se faire accepter par ses membres. Cette approche est très

employée en sociologie et a d‟ailleurs été introduite par B. Malinowski, sociologue,

anthropologue et ethnologue. Le sociologue O. Schwartz s‟est également particulièrement

investi dans son enquête ethnographique menée entre 1980 et 1985 sur les modes de

fonctionnement des familles ouvrières de l‟ancienne région minière du Nord-Pas-de-Calais

(1990). Il s‟est installé sur son terrain de recherche et a vécu cinq ans dans la cité minière.

Page 104: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

104

Cette problématique concerne tous chercheurs. Nous partageons l‟idée de F. Gadet

selon laquelle le chercheur se doit d‟intégrer pleinement le terrain : « Dans cet „idéal type de

l‟enquête de terrain‟ (1998 : 35), le chercheur quitte le rôle d‟interlocuteur pour se faire

membre de la communauté. » (2000 : 64).

Avant de commencer les enregistrements, nous avions décidé de nous placer en dehors

de la table de travail. Mais, au moment d‟entreprendre les enregistrements, les locuteurs ne se

sentaient pas à l‟aise de savoir que quelqu‟un se tenait derrière eux. Tous les locuteurs de

chacune des organisations ont préféré nous intégrer à la table de travail.

Dans notre étude, il s‟agit plutôt d‟une observation « semi-participante », car nous

nous sommes intégrée et impliquée sur nos terrains d‟enquête. Cependant, à aucun moment

nous ne sommes devenue locuteur ou acteur ; nous sommes restée dans notre position

d‟observateur.

3.1.5 Description des terrains de recherche

Notre objectif est de constituer un corpus de pratiques langagières au travail, afin de

déterminer des types de discours en situation de travail. Cette problématique requiert donc

plusieurs terrains de recherche différents. Il s‟agit, sur ces terrains, de procéder à des

enregistrements variés (diverses situations) qui seront ensuite transcrits et analysés dans le but

de déterminer ces types de discours au travail.

Notre corpus est donc constitué de diverses interactions en situation de travail :

réunions de travail (comité de direction, nommé CoDir, réunion de service, réunion de revue

de projets, réunion entre deux ou plusieurs services, etc.), conversations entre collègues (dans

des situations plus ou moins formelles), briefings, entretiens entre employé(s) et supérieur(s)

hiérarchique(s), entretiens entre membres de la direction. Entre 2007 et 2008, nous avons

constitué un corpus de 41 enregistrements de diverses activités langagières dans trois

organisations. Notre corpus comprend également deux réunions de comité de direction

enregistrées lors de nos travaux dans le cadre de la maîtrise en 2005.

Chambre des Commerces et d’Industrie (CCI)

Les Chambres des Commerces et d‟Industrie sont des établissements publics à

caractère administratif et sont financièrement autonomes. Elles ont pour but de représenter,

promouvoir et défendre les intérêts des commerçants et des industriels. Elles sont chargées du

Page 105: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

105

développement économique de leur territoire en mettant en place des missions d‟appui

industriel. Il s‟agit de mettre en relation plusieurs partenaires professionnels sur des sujets

spécifiques ou sur des missions de soutien au commerce notamment pour le commerce de

proximité qui nécessite des analyses de dossier, des animations de rues commerçantes ou des

études d‟implantation, etc.

Il y a entre une et trois chambres de commerce et d‟industrie par département, chacune

étant dirigée par un Président et un bureau élu. Nous avons intégré la CCI d‟un département,

au sein de laquelle, nous avons assisté et enregistré différents échanges en situation de

travail :

1) Les comités de direction (CoDir) ; les comités de direction auxquels nous avons assisté

étaient composés des responsables des services de la CCI et étaient présidés par le directeur

de la CCI. Le CoDir est une réunion décisionnelle. Son rôle est de proposer au Conseil

d'Administration la stratégie de la société, d‟assurer une gestion quotidienne de l‟organisation

et d‟en faire un rapport au Conseil d‟Administration. Il se réunit une fois par mois afin de

suivre les projets et les résultats. Ce comité est un lieu d‟échange et de réflexion et joue un

rôle de contrôle en s‟assurant du bon fonctionnement de l‟ensemble de la Chambre. Les

membres du comité de direction établissent un rapport concernant les aspects importants de

leur gestion de leur service ; ils fournissent au Comité toutes les informations portant sur les

développements des activités de leur service, les stratégies employées, les prévisions, les

résultats financiers obtenus jusque-là, les résultats escomptés, les divers problèmes et les

solutions envisagées et ainsi que les actions futures.

2) Les Conseils d‟Administration (CA) ; il s‟agit d‟un groupe de personnes chargées de

diriger l‟organisation. Il comprend plusieurs membres, dont un président désigné ou élu et un

secrétaire.

3) Des réunions internes entre trois services (service Commerce, service Aménagement et

territoire et l‟Observatoire économique). Dans ces réunions, il s‟agit de réfléchir et de

travailler à la mise en place d‟un projet d‟urbanisme.

4) Quelques échanges informels avant et après les réunions, pendant les pauses, etc. Ces

enregistrements sont plus difficiles à exploiter en raison de leur mauvaise qualité sonore due

aux déplacements des personnes et des échanges à voix basse.

Les réunions se déroulaient dans les grandes salles. Seules les deux réunions internes

prenaient place dans une petite salle, près du bureau de la responsable du service

« Aménagement et territoire ».

Page 106: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

106

Pour l‟ensemble des enregistrements, nous restions la journée et nous discutions avec

certains membres de la réunion, puis nous allions déjeuner avant faire le point sur la réunion

et sur les termes à revoir avec la secrétaire de direction qui récupérait l‟enregistrement pour

faire son compte-rendu.

Groupe Immobilier Social (GIS)

Le Groupe est composé de plusieurs sociétés privées d'HLM implantées dans diverses

régions. Ce Groupe construit et rénove plusieurs logements chaque année et tente de faciliter

l'accès au logement. Leurs objectifs sont le bien-être et la bonne qualité de vie des habitants.

Plusieurs sociétés, implantées dans plusieurs régions, organisent ensemble le Groupe.

Chacune de ces sociétés est dirigée par un Président et un directeur.

Nous avons procédé à trois types de réunions :

1) Des CoDir ;

2) Une revue de direction. Les revues de direction permettent de faire le point sur l‟état

d‟avancement des projets. Ces réunions regroupent à la fois les membres du comité de

direction et les responsables d‟agences de la région.

3) Une réunion interne dans le service « Activité Locative et Relation Client ». Ce type de

réunion est piloté par le responsable du service.

Les réunions se déroulaient toujours dans la même grande salle de réunion.

Nous passions moins de temps dans cette organisation par faute de temps disponible des

membres. Nous restions seulement discuter avec les gens à la fin de la réunion et nous

faisions ensuite le point avec la secrétaire.

Organismes de formation (OF)

Les deux organismes de formation dans lesquels nous sommes intervenue ont tous les

deux un statut associatif, ce qui les différencie des autres types d‟organisation.

Le premier organisme de formation est une association qui a pour but de former des

travailleurs immigrés. Il est présent dans deux régions de France et intervient sur trois champs

d‟intervention :

- la linguistique. L‟organisme est titulaire de marchés linguistiques et a deux grands

financeurs principaux : un premier que nous avons anonymisé *F1* qui s‟occupe des primo-

arrivants via le Contrat d‟Accueil d‟Intégration (C.A.I.) et un second anonymisé *F2* qui

finance la formation linguistique des immigrés sur le sol français depuis quelques mois.

- l‟insertion professionnelle ;

Page 107: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

107

- les métiers de la propreté où ils proposent, avec la collaboration des conseils régionaux, des

formations de pré-qualification et de qualification. La formation est une part consacrée à la

remise à niveau ou à un apprentissage de la langue française, et d‟autre part consacrée à

l‟insertion et à la formation technique.

Nos enregistrements ont été effectués à la direction de l‟un des centres régionaux.

Nous avons procédé à divers enregistrements :

1) Des réunions entre la direction et les responsables de formations ;

2) Des conseils d‟administration ;

3) Un groupe de travail entre formatrices ;

4) Des réunions du Comité de formation ;

5) Des réunions avec des commerciaux (entreprise de photocopieurs et société de location de

voitures) ;

6) Des réunions de réflexion et d'organisation pour répondre aux nouveaux appels d'offres ;

7) Des « réunions de groupement » qui sont aussi nommées aussi « réunions de négociation »

par les membres de l‟organisme. Il s‟agit de réunions avec d‟autres organismes de formation

(OF) dans le cadre d‟un regroupement de cabinets conseil et d‟organismes de formation réunis

pour répondre ensemble à un appel d‟offres. Par « regroupement », il faut comprendre :

association de plusieurs structures pour répondre à un appel d‟offres et qui vont travailler

ensemble et se partager les prestations ANPE. Dans ces réunions interviennent entre 1 et 3

autres organismes de formation et tous les échanges se passent au sein de notre terrain de

recherche.

8) Une formation de formateurs dirigée la responsable d‟un secteur.

L‟ensemble des réunions se déroulaient dans la même salle de réunion, excepté une

réunion de groupement pour laquelle nous nous sommes déplacée dans une salle plus grande.

Le groupe de travail entre formatrices s‟est déroulé dans un bureau.

Nous passions généralement du temps avant et après les réunions pour discuter des

enregistrements et des sujets plus informels avec les membres de l‟organisme.

Le deuxième organisme est un organisme de formation professionnelle qualifiante

pour adultes, demandeurs d'emploi et salariés en France et en Europe. Il emploie à la fois des

formateurs, des psychologues du travail chargés de l'information sur les métiers, de

l'évaluation et de l'orientation des candidats, d‟ingénieurs-conseils et de consultants. Nous

n‟avons réalisé qu‟un seul enregistrement à la direction régionale : une revue de projet. Dans

ce type de réunion, le chef de projet et les principaux intervenants présentent des résultats

Page 108: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

108

(« des livrables ») d‟une phase d‟un projet. Les décisions prises au cours de cette réunion sont

en principe acceptées par tous les intéressés et irréversibles. La revue de projet permet de

valider des points de passage obligés au cours des projets, et éventuellement de réorienter des

phases des projets. Il s‟agit d‟un genre de « check-point » permettant de finaliser les projets.

Cet enregistrement n‟a pas été exploité, car la responsable veillait à ce que certains

points ne soient pas abordés lors de notre présence et nous a d‟ailleurs demandé de sortir

avant la fin de la réunion pour aborder certains thèmes avec son équipe. De plus, elle reprenait

les propos qu‟elle jugeait trop vulgaires. Comme l‟enregistrement ne s‟est pas déroulé dans

des conditions normales, nous avons décidé de ne pas poursuivre les enregistrements et de ne

pas prendre en compte la réunion enregistrée dans nos analyses.

Entreprise de transport

L‟entreprise de transport est une entreprise privée s‟occupant à la fois du

conditionnement et de la distribution de marchandises diverses (alimentation, matières

dangereuses, produits frais) et travaillant à la fois sur les plans régional, national et

international.

Nous avons enregistré deux réunions du comité de direction pour construire un corpus

dans le cadre de notre mémoire de maîtrise. C‟est à cette période que nous avions réalisé un

stage de dix jours d‟observation. Nous avions constaté que les relations entre les quatre

personnes du service Ressources Humaines et leur responsable étaient assez mauvaises. Ils

communiquaient très peu et la Responsable était la proie de critiques plus ou moins virulentes

de la part des quatre autres personnes de son service. D‟ailleurs, deux locuteurs de ce service,

conviés à certains CoDir, n‟intervenaient quasiment pas dans la réunion 2 et se tenaient assis

loin d‟elle. Lorsque nous sommes retournée sur le terrain afin de reprendre les

enregistrements pour le corpus de thèse, la responsable venait d‟être licenciée. Nous ne

sommes alors seulement restée la journée et nous avons enregistré les interactions des

employés du service des Ressources Humaines. Nous avons découpé cet enregistrement en

cinq segments, c'est-à-dire en cinq parties, toutes étant distinctes les unes des autres par de

longs moments de silence et de travail. Le premier segment n‟est pas exploitable, car

inaudible.

Ce service RH est constitué d‟une grande pièce commune où sont disposés les cinq

bureaux des cinq employés du service (la directrice des ressources humaines, la directrice

adjointe, le technicien de paie et les deux personnes chargées de la vérification des disques

des chauffeurs) : un open space. Les employés se parlent parfois à haute voix où se déplacent

Page 109: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

109

librement dans la pièce pour travailler et discuter ensemble. Les 4 locuteurs (l‟adjointe RH, le

technicien de paie et les deux personnes chargées de la vérification des disques des

chauffeurs) se connaissent bien : ils entretiennent une relation amicale et utilisent le plus

souvent un registre familier.

L‟ensemble de ces interactions langagières comptent 88 locuteurs au total et constitue

un corpus de 74h51 d‟enregistrement dont 27h22 sont transcrites. Le tableau ci-après reprend

précisément les données du corpus.

Tableau 4 : Récapitulatif des données recueillies et transcrites

Chambre de Commerce et d’Industrie : 9 enregistrements

Enregistrement Nombre de

participants Durée

Temps

transcrit

CoDir 1 7 04:36 04:36

CoDir 2 8 02:35 02:05

CoDir 3 7 04:04 00:00

CoDir 4 6 01:52 00:00

CoDir 5 9 02:42 00:00

Réunion interne 1 (trois services) 4 01:23 01:23

Réunion interne 2 (trois services) 4 02:24 00:54

Conversations avant/après CoDir 1 2, puis 3 00:03 00:03

Conversation avant la réunion interne 1 4 00:34 00:00

Conversation bureau avant la réunion interne 2 3 00:15 00:15

TOTAL : 10 enregistrements 20h36 09h16

Organisme de formation 1 : 22 enregistrements

Enregistrement Nombre de

participants Durée

Temps

transcrit

Réunion des responsables des formateurs 7 02:18 02:18

Réunion de service 5 01:50 00:12

Réunion de direction 1 4 01:32 00:05

Réunion de direction 2 4 01:14 00:07

C.A. 1 7 02:53 01:33

C.A. 2 10 02:21 00:10

Réunion du Comité de Formation 4 01:21 00:46

Séance de travail 3, puis 2 02:27 02:27

Réunion de travail : réflexion et organisation

pour les nouveaux appels d'offres (1) 3 02:12 00:22

Réunion de travail : réflexion et organisation

pour les nouveaux appels d'offres (2) 3 02:04 00:09

Réunion de groupement 1 (entre 4 OF) 5 01:28 00:37

Réunion de groupement 2 (entre 3 OF) 3 02:18 00:00

Réunion de groupement 3 (entre 2 OF) 8, puis 10 02:40 00:00

Réunion de groupement 4 (entre 2 OF) 3 02:30 00:00

Page 110: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

110

Réunion de groupement 5 (entre 4 OF) 5, puis 4 02:07 00:11

Réunion avec le commercial et le coordinateur

techniques de l'entreprise de photocopieur 3 01:30 00:12

Réunion avec le responsable des locations de

véhicules 3 00:35 00:19

Conversation avant la réunion du Comité de

Formation 2 00:05 00:05

Conversation avant la réunion direction-

Responsables Formations 3 00:03 00:03

Conversation avant la réunion avec deux

organismes 2, puis 3 00:21 00:21

Conversation avant la réunion de groupement 4 01:01 00:09

Conversation avant réunion de groupement 3 00:03 00:00

Formation de base pour les formateurs de la

région 21 03:40 00:00

TOTAL : 23 enregistrements 39h04 10h07

Organisme de formation 2 : 1 enregistrement

Enregistrement Nombre de

participants Durée

Temps

transcrit

Réunion Revue de Projets 6 02:23 00:36

Groupe Social Immobilier : 4 enregistrements

Enregistrement Nombre de

participants Durée

Temps

transcrit

CoDir 1 8 01:28 00:56

CoDir 2 8 01:30 01:30

Revue de direction 13 02:15 00:27

Réunion interne du service ALRC (Activités

Locatives et Relations Clients) 10, puis 11 04:00 00:57

TOTAL : 4 enregistrements 09h13 3h50

Entreprise de transport : 7 enregistrements

Enregistrement Nombre de

participants Durée

Temps

transcrit

CoDir 1 8 01:30 01:30

CoDir 2 10 01:22 01:22

Interactions dans l‟open space du

service des Ressources humaines

Segment 2 3 00:11 00:11

Segment 3 2 00:01 00:01

Segment 4 4 00:10 00:10

Segment 5 6 00:19 00:19

TOTAL : 3 enregistrements 03h33 03h33

Parmi ces 74h51 d‟enregistrement, nous avons donc décidé de ne pas tout transcrire

parce que nous ne pouvons pas exploiter l‟ensemble des données et avons donc choisi de ne

pas transcrire l‟ensemble des enregistrements (d‟où cette différence entre les durées

d‟enregistrement et les temps transcrits). Nous avions enregistré tout ce qu‟il nous été

Page 111: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

111

possible même si nous n‟étions pas certaine de tout exploiter et cela pour deux raisons. D‟une

part, pour habituer les locuteurs à l‟enregistrement, et d‟autre part pour exploiter au maximum

le terrain et obtenir des enregistrements suivis.

Le tableau ci-après propose une stynthèse des enregistrements :

Tableau 5: Synthèse des enregistrements

41 enregistrements

8 conversations

9 comités direction (CoDir)

4 réunions internes

1 réunion des responsables des formateurs

7 réunions avec d‟autres organismes, dont 5 « réunions de groupement »

2 Conseils d‟Administration (CA)

2 réunions de direction

1 revue de direction

2 réunions de réflexion et d‟organisation

1 groupe de travail

1 revue de projets

1 réunion du Comité de Formation

1 journée de formation pour les formateurs d‟une région

1 enregistrement des interactions dans l‟open space d‟un service RH

Notre corpus est composé d‟une multitude de discours produits dans diverses

situations : des interactions dans l‟open space d‟un service des ressources humaines, des

conversations informelles et un certain nombre de réunions de travail de tous types. Ces

interactions au travail permettent, en groupe, de traiter des problèmes, de prendre des

décisions, de faire le point sur les activités et actions au sein de l‟organisation et/ou de

travailler sur la mise en place un ou plusieurs projets. Elles peuvent être différenciées en

fonction de leur objectif de travail. Nous avons donc choisi de les répertorier dans le tableau

ci-après :

Page 112: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

112

Tableau 6 : Classement des réunions de notre corpus

Dénomination des réunions Objectif de ce type de réunion

« Séance de travail », « Groupe

de travail », « Réunion interne »,

« Réunion du Comité de

formation »

Réunions dirigées par la réflexion dont l‟objectif

dominant est l‟élaboration d‟un projet.

Lors des réunions du comité de direction, il s‟agit de

travailler sur les améliorations possibles à apporter à la

formation des employés, d‟établir des plannings de

formation en valorisant et diversifiant l‟offre de

formation de l‟organisation.

« Comité de direction »,

« Conseil d‟administration »,

réunion de direction

Réunions centrées à la fois sur la mise au point et

l‟exposé des travaux effectués, en cours et à mener, des

objectifs, et sur la résolution de problèmes ou de

questions. Ces réunions sont régulières et planifiées à

l‟avance (tous les mois ou tous les 15 jours selon les

organisations).

« Revue de projets », « Réunion

de groupement »

Réunions d‟avancement dans lesquelles les

collaborateurs assurent et optimisent le bon déroulement

d‟un projet.

Réunion avec un organisme

extérieur

Exposé de la demande de l‟organisation et négociation

pour l‟achat ou la location d‟un produit et / ou d‟un

service.

Il ressort trois types d‟activité majeurs :

- les collaborateurs présentent leurs objectifs et font état de leurs travaux ;

- ils travaillent collectivement dans l‟élaboration d‟un projet ou négocient avec des

organismes extérieurs pour une future collaboration ;

- ils s‟échangent des informations de façon plus ou moins informelle.

Le nombre de participants-locuteurs par enregistrement s‟échelonne de 2 à 13. Le

nombre moyen de participants-locuteurs par enregistrement se situe entre 4 et 5. La situation

la plus fréquente est le comité de direction ; il fait intervenir entre 7 et 8 locuteurs.

Nous avons tenté de recueillir, dans la mesure de possible, le maximum de documents

utilisés lors des réunions, ainsi que les comptes-rendus des comités direction. Ce recueil

dépendait du degré de confidentialité des éléments y apparaissant. La plupart du temps, nous

avons principalement obtenu les documents manipulés lors des séances de travail, ainsi que

quelques comptes-rendus de CoDir de la CCI.

Page 113: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

113

3.1.6 La constitution de deux sous-corpus

Lors de la constitution du corpus, nous nous sommes posée la question de l‟étendue du

corpus. Nous n‟avons pas exploité la totalité de ce corpus et nous avons constitué deux sous-

corpus :

- un premier sous-corpus que nous nommons « sous-corpus 1 » pour réaliser l‟analyse

qualitative. Ce sous-corpus est constitué d‟une sélection de séquences provenant de plusieurs

activités langagières de notre corpus. Nous expliquerons dans le point 2.1 ce que sont ces

séquences.

- un deuxième sous-corpus que nous nommons « sous-corpus 2 » pour réaliser

l‟analyse quantitative des critères linguistiques repérés lors de l‟analyse qualitative du sous-

corpus 1. Ce sous-corpus est composé d‟interactions complètes et décomposées en séquences.

3.1.6.1 Un premier sous-corpus pour réaliser une analyse qualitative

Notre premier sous-corpus est composé de séquences pour lesquelles nous avons

effectué l‟analyse qualitative des critères linguistiques pour la caractérisation de type de

discours dans des situations de travail, et dans lesquelles nous avons puisé l‟ensemble des

exemples pour l‟analyse des critères. Ces séquences ont été extraites de 16 situations

langagières des 4 terrains de recherche. Il ne s‟agit pas de séquences qui se suivent dans une

même transcription, mais de séquences sélectionnées de façon aléatoire dans le sous-corpus.

Page 114: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

114

Tableau 7 : Sous-corpus 1 constitué pour l’analyse qualitative

Terrains de recherche Activités langagières au travail Nombre de séquences

CCI

CoDir 1 15

CoDir 2 1

Réunion interne 1 2

Réunion interne 2 11

Organisme de formation

Réunion des responsables des

formateurs 6

Séance de travail 11

C.A. 1 3

Réunion du Comité de formation 4

Réunion de groupement 2 2

Réunion interne 5

Groupe immobilier

social

CoDir 1 9

CoDir 2 6

Réunion interne du service ALRC 5

Revue de direction 3

Entreprise de transport

CoDir 1 4

CoDir 2 7

Interactions dans l‟open space d‟un

service RH 3

TOTAL 16 enregistrements 97 séquences

Nous nous sommes appuyée sur les premières 28 séquences pour effectuer les

premières analyses qui consistent à repérer les critères linguistiques. Ce sont ces mêmes

séquences pour lesquelles nous avons proposé une analyse détaillée afin d‟illustrer les types

de séquence. Nous les présentons ci-après :

Page 115: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

115

Tableau 8 : Les 28 séquences de base pour l'analyse qualitative

Terrains de recherche Activités langagières au travail Les séquences

CCI

CoDir 1

Séquence 2

Séquence 4

Séquence 6

Séquence 16

Séquence 27

CoDir 2 Séquence 6

Réunion interne 1 Séquence 1

Séquence 4

Réunion interne 2

Séquence 1

Séquence 2

Séquence 3

Séquence 4

Séquence 5

Séquence 7

Séquence 10

Organisme de formation

Réunion des responsables des

formateurs

Séquence 5

Séquence 12

Séance de travail

Séquence 11

Séquence 13

Séquence 36

C.A. 1 Séquence 3

Séquence 4

Groupe immobilier social CoDir 1

Séquence 1

Séquence 2

CoDir 2 Séquence 3

Entreprise de transport

CoDir 2 Séquence 2

Interactions dans l‟open space d‟un

service des Ressources humaines

Séquence 4

Séquence 5

TOTAL 11 enregistrements 28 séquences

Ces séquences sont présentées en annexe au sein du premier sous-corpus (et sont

repérables de par leur couleur violette).

3.1.6.2 Un deuxième sous-corpus pour réaliser une analyse quantitative

Pour l‟analyse quantitative, nous avons constitué un deuxième sous-corpus que nous

présentons ci-après. Il se présente comme un ensemble varié d‟activités langagières, à l‟image

du corpus complet.

Page 116: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

116

Tableau 9 : Sous-corpus 2 constitué pour l'analyse quantitative

Terrains de

recherche

Activités langagières au

travail

Temps

d’enregistrement

et transcrit

Nombre de

séquences

CCI

CoDir 1

4h36

72

Échanges pendant la pause du

CoDir 1 5

Échanges informels avant le

CoDir 0h03 1

Réunion interne 1 1h23 26

Organisme de

formation

Réunion des responsables

formateurs 2h18 36

Première partie de réunion de

groupement 2 0h21 7

Conversation 0h003 3

Groupe de travail 2h27 38

Groupe

immobilier social CoDir 2 1h30 20

Entreprise de

transport

CoDir 2 1h22 16

Interactions dans l‟open

space d‟un service des

Ressources humaines

0h42 13

TOTAL 10 enregistrements 14h37 237 séquences

Le sous-corpus compte donc 10 enregistrements découpés en 237 séquences à partir

d‟une cohérence thématique, de marqueurs de structuration et de déclencheurs de l‟activité. Il

compte 156 112 mots53

.

53

Le comptage des mots par séquence s‟effectue avec un traitement de texte qui considère par exemple que

l‟énoncé « *C7* c‟est une action » (extrait du CoDir, CCI) compte quatre mots.

Le comptage des mots a été fait après « nettoyage », c'est-à-dire après avoir enlevé les indicateurs de locuteurs

pour les tours de parole (L1, L2, etc.), les chevrons indiquent les chevauchements, les didascalies, les notes de

bas de page, les points d‟interrogations, ainsi que les indications {approx} et {sic} et les symboles : « + », « /// »,

« = », « $$$ », « ### ». Lors des écoutes multiples tels que : /bis, dix/, nous supprimons l‟une des solutions ainsi

que les « / ».

Pour ce qui est du comptage des tours de paroles, nous le faisons à la main. L‟élément ne nous avions nommé

continuateur de tour dans notre méthodologie de recueil de données (« = ») indique que le tour de Ln est

interrompu. Ainsi, dans l‟exemple de l‟extrait suivant, nous comptons trois tours de parole : L2 oui < c‟est oui c‟est pas des entreprises=

L3 *** développement >

L2 =qui vont euh:

L3 non + ce qui n‟em- ce qui n‟empêche pas par exemple

Page 117: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

117

3.1.7 Les choix pour la transcription de données orales

Dans de nombreux domaines des sciences humaines et sociales où l'interaction entre

les hommes est l'intérêt des chercheurs (psychologie, linguistique, orthophonie,

anthropologie, sociologie, sciences de l‟éducation, etc.), la recherche s‟appuie sur des

observations ainsi que des enregistrements audio et/ou vidéo que ce soit en contexte naturel

ou provoqué. Cette collecte de données s‟est développée depuis plusieurs années et la

question de la méthode du recueil et de la transcription s‟est trouvée être une problématique et

déterminante pour l‟analyse des données. E. Ochs (1979b) aborde la problématique de la

transcription en considérant cette pratique comme une théorie. Nous appuyons ainsi la

conception de F. Gadet :

Si la transcription est bien un geste théorique, alors elle prend place dans une chaîne de gestes

théoriques (de la constitution du protocole de première approche du terrain jusqu‟à la rédaction du texte

scientifique, en passant par les étapes successives d‟observation, de recueil, de transcription, d‟analyse).

Et sa mise en œuvre découle de son inscription dans cette succession spécifique, qui ne prend pas le

même sens d‟être inscrite dans tel ou tel enchaînement de gestes, et qui n‟est donc certainement pas la

même pour le syntacticien, le pragmaticien ou le sociolinguiste. Pas plus qu‟il n‟y a d‟analyse tous

azimut, et tous objectifs, il ne saurait y avoir de transcription tous azimut et tous objectifs, aussi

minimale puisse-t-elle paraître ; et il faut renoncer aux rêves d‟harmonisation. (2008 : 46)

Il y a peu d'accord entre les chercheurs sur une éventuelle standardisation de

conventions. Chaque chercheur doit faire des choix concernant la façon de transcrire et de

quelle façon transcrire : devons-nous faire une transcription orthographique ou phonétique ?

Quel type de convention adopter ? Faut-il inclure les éléments non-linguistiques, les

accentuations, les tonalités, les activités accompagnant la parole, les pauses, etc. ? Et si oui,

comment ? Nous sommes guidée par nos propres objectifs de recherche ainsi que par la

dimension théorique qui sous-tend notre recherche. E. Ochs souligne d‟ailleurs : « the

transcriptions are the researcher‟s data » et « transcription is a selective process reflecting

theorical goals and definitions » (1979b : 44). Par conséquent, la transcription mérite d'être

examinée comme un processus de recherche.

Dans notre cas, l‟objectif de la transcription n‟est pas de recueillir des contenus

informatifs, mais de nous permettre d‟analyser la construction des discours en situation

professionnelle ainsi que l‟organisation du travail dans le but de déterminer des types de

discours.

Ce travail est non seulement indispensable pour notre recherche, mais c‟est à partir de

ce travail que vont s‟appuyer les analyses. Pour les corpus d‟interactions, L. Mondada

Page 118: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

118

explique que la transcription tente au mieux de rendre compte de l‟interaction pour supporter

ensuite les analyses :

La transcription est la pratique par laquelle les enregistrements sont rendus disponibles à l‟analyse. Elle

tente de conserver les détails pertinents de la parole-en-interaction Ŕ comme les chevauchements, les

bribes, les énoncés incomplets, les hésitations, les pauses, … Dans son effort de rendre compte des

détails spécifiques de l‟interaction, elle évite de recourir aux conventions propres à la culture et aux

normes du texte, surtout à la ponctuation qui relève d‟une organisation, segmentation, articulation

spécifiquement écrites, à ne pas confondre avec celles qui sont assurées par la prosodie dans l‟oralité.

C‟est pourquoi les transcriptions évitent soigneusement de réduire la parole à un texte ; dans leur effort

d‟en préserver les caractéristiques essentielles Ŕ notamment temporelles Ŕ elles utilisent des conventions

particulières. (2005 : 28)

Le travail de transcription est une démarche à la fois essentielle et délicate, la

transcription ne peut être regardée comme une opération banale, car on transcrit pour donner à

voir quelque chose. » (F. Gadet, 2008 : 37).

Il n‟existe pas de conventions de transcriptions universelles ; chaque chercheur doit

adapter des conventions de transcription selon ses objectifs de recherche. C. Blanche-

Benveniste précise à propos des corpus de français parlé :

Les corpus de français parlé ont été transcrits selon des méthodes très variées, en fonction des objectifs

de recherche. L‟analyse des interactions impose qu‟on tienne compte des positions des locuteurs, de la

répartition de leurs tours de parole, de leur gestuelle et de la qualité de leurs voix. (2000b : 22)

Les corpus sont donc recueillis et constitués pour une recherche précise et peuvent

difficilement être employés pour différentes études, car « le corpus est aussi le résultat d‟une

série d‟interventions du chercheur, depuis le terrain jusqu‟à la réalisation des représentations

des données sous forme de transcriptions. Dans cette perspective, il traduit une série de choix

et de sélections effectués à chaque étape : choix de situations, sélection d‟activités, choix prise

de vue / de son, choix de transcriptions. » (V. Traverso, 2008 : 315).

Après avoir déterminé quoi transcrire, nous avons dû mener une réflexion sur

comment transcrire les paroles des locuteurs, mais aussi comment rendre compte des gestes,

de la prosodie ou encore des documents et des supports manipulés. Aussi, la transcription

nécessite le choix de conventions.

Page 119: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

119

3.1.7.1 Quelle transcription et quelles conventions de transcription ?

La transcription des données orales est un travail minutieux qui va constituer le

support à l‟analyse, c‟est donc une étape décisive dont va dépendre les résultats de la

recherche. Ce travail est réalisé par le chercheur lui-même, celui-ci étant familiarisé avec son

terrain et avec les locuteurs.

Notre étude nécessite de mettre en place des conventions spécifiques, en s‟appuyant

éventuellement sur une convention existante que le chercheur modifie selon ses besoins.

Notre étude portant sur phénomènes interactionnels et linguistiques (lexicaux et syntaxiques),

il ne nous a pas paru nécessaire d‟effectuer une transcription phonétique ou phonologique.

Nos transcriptions sont des transcriptions orthographiques standards des données et s‟appuient

sur les conventions du DELIC que nous avons modifiées et enrichies avec des conventions

ICOR54

(version 1.0.4, d‟avril 2005) pour la prosodie. En effet, la transcription de

phénomènes phonétiques comme les allongements de sons, les liaisons non-standards et les

intonations s‟avèrent être des aspects à considérer pour la compréhension du discours et sa

bonne interprétation.

La question de la transcription de l‟oral soulève la question de la ponctuation. Elle

permettrait de soutenir la lecture, cependant, ne viendrait-elle pas faire perdre quelques

spécificités de l‟oral et fausser le sens de certains dires ? C. Blanche-Benveniste se demande

s‟il est possible de ponctuer les corpus pour soutenir la lecture, mais sans en fausser le sens et

sans faire apparaître une quelconque interprétation du transcripteur. C. Blanche-Benveniste et

C. Jeanjean expliquent qu‟apposer la ponctuation impose un découpage qui préjuge d‟une

analyse syntaxique et nous conduit à indiquer des « regroupements syntaxiques contestables »

(1987 [1986] : 139-140). Puis, ils précisent que finalement la lecture des transcriptions se fait

assez aisément et sans ambigüité :

On pourrait rétorquer que les textes non ponctués vont être difficiles à lire et pleins d‟ambigüités. En

fait, lorsque l‟on prend l‟habitude de lire ces transcriptions non ponctuées, on se rend compte qu‟il y a

très peu de cas réels d‟ambigüité ; la régulation interne des textes et leur cohérence sémantique fait que,

le plus souvent, une interprétation se dégage avec plus de vraisemblance que les autres. (1987 : 140)

54

Le groupe Lyonnais ICOR (Interaction CORpus) développe la plateforme de base de données CLAPI (Corpus

de LAngues Parlées en Interaction) et le site CORINTE (CORpus en INTEraction).

Page 120: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

120

La ponctuation est une spécificité de l'écrit. M. Grevisse (1969) l‟a d‟ailleurs définit

comme étant une spécificité des discours écrits : « La ponctuation est l‟art d‟indiquer dans le

discours écrit, par le moyen de signes conventionnels, soit les pauses à faire dans la lecture,

soit certaines modifications mélodiques du débit, soit certains changements de registre de la

voix. » (1969 : 1 140)

Dans le cadre de travaux sur les transcriptions de discours oraux, V. André précise que

les signes de ponctuation sont « réservés traditionnellement au découpage de l‟écrit et se

révélant souvent trompeurs lors d‟une application forcée à la langue parlée. » (2006 : 171). Au

travers d‟une éventuelle ponctuation de l‟oral, il y a la crainte que la ponctuation vienne

gommer les spécificités de l‟oral.

À l‟oral, la prosodie joue ce rôle de ponctuation. Dans notre corpus, les « + » et

« + + » identifient des segments en signalant les pauses plus ou moins longues, les petites

majuscules soulignent les fortes intonations, les « : » et « :: » marquent les allongement de

syllabes. Mais, d‟autres conventions de transcriptions permettent d‟aller beaucoup plus loin en

marquant par exemple les variations mélodiques et d‟intensité, l‟ensemble des contours

intonatifs montants et descendants, les pauses calculées à la milliseconde.

De plus, les syntagmes sont parfois réalisés avec des répétitions. Ceci peut être mis en

valeur dans la méthode d‟analyse en grille55

que propose C. Banche-Benveniste. Par

exemple :

si on peut

si on peut liquider une ou deux affaires c‟est bien parce que ça permet d‟avoir un suivi (L1, CoDir 2, GIS)

La question de la ponctuation est également problématique dans le cas des bribes d‟énoncés :

comment traiter la ponctuation dans les bribes ? Par exemple dans les bribes suivantes :

L5 […] l‟ANRU a validé euh le contenu du protocole sauf euh la résen- LES résidentialisations

des immeubles côté *Q3* et *Q4* puisqu‟il y a toujours le le devenir là de ce du no man‟s land

(CoDir 1, GIS)

Les phénomènes prosodiques ainsi que les ponctuants ou « marqueurs discursifs » sont

caractéristiques de la langue parlée et permettent de marquer les segments du discours et ainsi

la cohérence :

55

Nous développerons cette analyse en grille dans le chapitre 4 (page 410).

Page 121: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

121

Il existe, dans le langage parlé, un ensemble de signaux dont les fonctions discursives ne s‟expliquent

que d‟un point de vue prosodique. J‟ai identifié deux catégories de ces marqueurs. Les premiers, qui

donnent l‟impulsion à l‟énoncé, peuvent être considérés comme des « démarreurs atones » (bon, bien) ;

les seconds, en marquant le découpage des constituants et en prolongeant l‟intonème du syntagme

prosodique, « ponctuent » le discours. Leur fonction syntaxique est nulle et ils sont vides de sens et

d‟expression. […] À l‟oral, l‟articulation de la phrase se marque principalement par la prosodie via

l‟intonation et les pauses. L‟auditeur peut suivre les glissements, les différentes parties du discours ou

les différents thèmes au fur et à mesure qu‟ils sont produits, compte tenu du découpage fait par

l‟intonation et la tonalité, les signaux et les indices. Mais il existe, de surcroît, des ponctuants56

du

discours, qui ont aussi été nommés « pauses oralisées » (Laroche-Bouvy, 1980) ou « filled pauses »

(Duncan, 1972). (D. Vincent, 1993 : 60)

Nous n‟avons apporté aucune ponctuation à nos transcriptions, excepté quelques

points d‟interrogation lorsque nous sommes absolument certaine lorsqu‟il s‟agit d‟une

question.

Nous ne marquons pas à l‟aide de la transcription les différents types de

prononciations, ni mêmes les éventuels accents afin de limiter les risques de catégorisation

des locuteurs. Nous nous joignons à ce que dit F. Gadet :

Sans réflexion spécifique, le fait de ne transcrire que des traits remarquables risque d‟accorder un statut

privilégié à la prononciation du transcripteur, qui peut être tenté de ne représenter que ce qu‟il ne

prononce pas (ou croit prononcer), faisant ainsi de sa prononciation quelque chose de « normal » ou de

« naturel » (une variante savante de « l‟accent, c‟est les autres »). Il y a ainsi risque de pré-

catégorisation d‟un locuteur au parler non standard, une graphie manipulée ne pouvant se lire que

comme péjorante, voire condescendante. Le lecteur fait immanquablement des inférences en lisant des

transcriptions comme j’vous sers un p’tit thé ? ou toucheu pas à mon fliqueu, et ces inférences

conduisent immanquablement à catégoriser, stéréotyper, caricaturer. (2008 : 41)

Notre objectif est de travailler sur le français parlé en situations professionnelles sans

porter de jugement de valeur, ni attirer l‟attention sur les accents ou tiques verbaux des

locuteurs. Nous ne disposons d‟aucune justification scientifique pour mettre en avant les traits

spécifiques des prononciations.

La transcription se heurte également au problème d‟interprétation de certains mots

monosyllabiques. Prenons les exemples de C. Blanche-Benveniste (2008 : 196) : pot ou peau,

met ou mais, roue ou roux. C‟est le contexte qui va nous permettre d‟identifier les sens : la

peau de l’orange, des mets sur la table, une roue sur son axe.

Il arrive que certaines liaisons provoquent des ambigüités. C. Blanche-Benveniste

(2008 : 197) donne quelques exemples :

- il est tailleur / il est ailleurs

- des petits trous / des petites roues

56

D. Vincent précise qu‟elle a emprunté cette notion de ponctuant à J. Vendryès (1968).

Page 122: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

122

Et certaines identifications restent difficiles :

- un ami qu’il aime / un ami qui l’aime (Ullman, 1952 cité par C. Blanche-Benveniste, 2008 : 196)

- moi c’est moi toi t’es toi / moi c’est moi toi tais-toi (corpus Gars, cité par C. Blanche-Benveniste,

2008 : 196)

Le scripteur peut faire des erreurs de transcriptions, c‟est ce qu‟a repéré P. Cappeau

lors de l‟étude de comparaisons entre version de la transcription réalisée par les étudiants

(« version initiale ») et celle finalement éditée suite à une vérification du travail par un expert

(enseignant expérimenté). Il a relevé cinq grands types d‟erreurs qu‟il a présentées dans un

tableau :

Tableau 10 : Typologie des erreurs recensées (P. Cappeau, 2008 : 346)

Version initiale Version éditée

Conventions m‟enfin mais enfin

Oubli vous l‟acceptez vous l‟acceptez

pas

vous l‟acceptez vous ou l‟acceptez

pas

Ajout je ne me suis pas je me suis pas

Transformation vous avez la permission avec la permission

Orthographe on m‟a rétablit les américains on m‟a rétabli les Américains

Le scripteur connaît la situation d‟énonciation et doit être, dans la majeure partie des

cas, capable de distinguer d‟identifier les unités. P. Cappeau démontre que certaines erreurs

peuvent être le fait d‟une non-reconnaissance de mots et propose des exemples dont celui-ci :

(2a) pourquoi les écrevisses à l’aneth (version initiale)

(2b) pourquoi les écrevisses à la nage (VAL09-Cuisine Ŕ version corrigée) (2008 : 348)

ou encore d‟un manque de connaissance culturelle, comme dans l‟exemple suivant :

(6a) c’était une nouvelle approche la la la méthode de marche (version initiale)

(6b) c’était une nouvelle approche la la la méthode de Marsch (GRE09-Arsenic Ŕ version éditée)

(Ibid : 349)

L‟ensemble de ces erreurs nuit à la qualité des transcriptions : à leur interprétation et

leur compréhension, et peuvent parfois même contrarier les analyses.

La transcription est un travail minutieux qui demande une écoute attentive : « les

difficultés d‟écoute ne sont pas toujours reconnues par l‟auditeur et débouchent sur les

interprétations erronées » (P. Cappeau, 2008 : 344).

Les transcriptions peuvent être alignées avec le son ou avec la vidéo, selon le mode, le

choix de l‟enregistrement et les objectifs de recherche. Cette méthode n‟était pas

Page 123: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

123

indispensable pour la suite de notre travail ; nous n‟avions pas besoin d‟un alignement texte-

son.

3.1.7.2 Les conventions de transcriptions

Nos conventions de transcriptions s‟inspirent de celles proposées par le DELIC,

reprise par TCOF57

, et de quelques éléments de la convention ICOR. Nous les avions

expérimentées lors de nos précédentes recherches (2005, 2006).

Nous présentons les principales conventions de transcription :

- Dans notre transcription du sous-corpus, nous avons anonymisé toutes les données

susceptibles d‟identifier un locuteur ou l‟organisation dans laquelle il travaille. Nous

anonymisons tous les éléments qui permettraient d‟identifier le terrain de recherche (noms des

personnes, entreprises, organismes, noms des projets de l‟organisation, chiffres, indications de

lieux, etc.). Nous attribuons une lettre majuscule et un chiffre entre deux étoiles pour chaque

élément. Quelques exemples viennent illustrer ce principe d‟anonymisation :

Jacques sera anonymisé ainsi : *Pp1*. Le P indique qu‟il s‟agit d‟une personne, et le p

indique que le locuteur a prononcé le prénom de P. Le chiffre 1 indique qu‟il s‟agit de la

première personne anonymisée dans le discours.

Parfois, nous pouvons trouver :

« C‟est Gégé le patron de ce bar », nous anonymisons : « C‟est *Pdim3* le patron de ce bar ».

La majuscule P indique qu‟il s‟agit d‟une personne, dim d‟un diminutif et 3 de la troisième

personne anonymisée dans le discours. Nous trouverons dans le tableau suivant les principales

anonymisations :

57

Disponibles sur le site du CNRTL : http://www.cnrtl.fr/corpus/tcof/TCOFConventions.pdf

Page 124: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

124

Tableau 11 : Principales anonymisations dans notre corpus

Principales anonymisations effectuées dans notre corpus

*Ac* Les actions

*As* Les noms des associations

*Année* Les années

*B* Les noms de bases données

*C* Les chiffres

*CC* Les noms des communautés de communes

*CP* Les codes postaux

*D* Les départements

*Dat* Les dates

*DA* Les domaines d‟activité

*Do* Les noms de dossiers

*E* Les noms d‟entreprises

*Eve* Les événements *F* Les noms de financeurs

*G* Les noms des Groupes regroupant plusieurs sociétés

*IR* Les noms d‟immeubles et de résidences

*Lab* Les noms de laboratoires de recherche

*Le* Les légendes et traditions d‟une région

*N* Les nombres (nombres de personnes, nombre de voix lors d‟un vote, etc.)

*Pays* Les noms de Pays

*P*

Les noms des personnes

Nous précisons : *Pp* pour le prénom ; *Pn* pour le nom et *Ppn* ou *Pnp*

lorsque le locuteur indique le prénom accompagné du nom ou inversement.

*Pr* Les noms de projets

*R* Les noms des régions

*Rue* Les noms des rues

*S* Les noms de sociétés

*V* Les villes

*HabV*

Pour les habitants d‟une ville : nous allons noter « Hab » auquel nous ajoutons la

ville et son numéro d‟anonymisation.

Par exemple, pour les Parisiens : si *V1* sert à anonymiser Paris, alors nous

noterons *HabV1*.

*OF* Les organismes de formation

D‟autres types d‟anonymisations seront réalisés en fonction des besoins de la

transcription.

- Chaque locuteur se voit attribuer un numéro en fonction de l‟ordre d‟apparition. L1 est

donc le premier locuteur à prendre la parole, L2 le deuxième, etc.

- Les amorces de mots sont notées selon l‟exemple suivant : « un héli- un hélicoptère ».

- Les marques grammaticales sont parfois ambiguës. Malgré plusieurs écoutes, il est

possible d‟hésiter entre plusieurs séquences, nous notons ainsi : /ces, ses/ ou /d‟accord,

Page 125: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

125

d‟abord/. S‟il y a une hésitation quant à la présence d‟une séquence sonore alors la notation

sera /mais, 0/.

- Les réalisations morphologiques non standard des règles d‟accord seront notées telles

quelles suivies de {sic}. Par exemple : « tous {sic} les femmes ».

- Dans les échanges, il est assez fréquent que deux ou plusieurs locuteurs parlent en

même temps : certains énoncés sont chevauchés. Il est important de noter les chevauchements,

notamment pour les études interactionnelles ; on note le début et la fin de chaque

chevauchement à l‟aide de chevrons (non collés au mot). Par exemple :

L1 pardon < toujours lié à l‟ordinateur

L2 et euh sou- souvent souvent > je veux pas dire

Dans certaines réunions de travail, nous avions des conversations parallèles. Dans ce

cas, soit nous ne pouvions en transcrire qu‟une et n‟étions pas en mesure d‟entendre et de

transcrire la seconde, soit, nous arrivions à transcrire les deux conversations parallèles que

nous présentons en colonne pour marquer la simultanéité :

L2 < les mêmes

L7 {L7 s’adresse à L2} c‟est les > mêmes: <

d‟accord et à *V2* pareil

L2 pour *F1*

L7 donc ces tableaux-là i- ils servent à rien

L3 là on parle *F2* mais ça se reproduit pour

toutes les conventions donc le

(Extrait séquence 11, réunion des responsables formateurs, OF)

- S‟il y a une incertitude sur l‟identité du locuteur, celui-ci est notée X, par exemple :

L2 c‟est > le suivi des parcours mais c‟est le tableau qu‟on a enfin c‟est le tableau qu‟on a depuis

longtemps hein le tableau euh

LX oui mais moi je le connais pas ce tableau

(Extrait séquence 3, réunion des responsables formateurs, OF)

- Chaque tour de parole s‟accompagne d‟un retour à la ligne.

- Chaque tour de parole est numéroté pour faciliter les renvois dans l‟analyse. Les lignes

comprenant des commentaires ne sont pas numérotées.

- Les pauses dans le discours.

+ pour les pauses de 2 à 5 secondes,

Page 126: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

126

+ + pour les pauses de 5 à 10 secondes,

/// pour les interruptions de plus de 10 secondes.

Les pauses sont importantes dans les échanges au travail, car même si l‟activité verbale est

fondamentale, les activités professionnelles ne sont pas réduites à l‟activité verbale.

S‟il y a un changement de locuteurs après une pause, la pause est marquée seule avec un

retour à la ligne, afin de ne pas l‟attribuer à un locuteur. Cela évite l‟interprétation, c'est-à-dire

d‟attribuer une pause à un locuteur.

- Les nombres sont écrits en toutes lettres, exepté lorsque plusieurs nombres se

succèdent, et exepté les années, pour faciliter la lecture.

- Il n‟y a aucune ponctuation. Excepté quelques points d‟interrogations lorsque

l‟interrogation est formellement reconnaissable par tous.

- La forme graphique des onomatopées est celle des dictionnaires (ah, euh, ben, ouais,

eh bien, hum, etc.…).

- Les notes en bas de pages viennent éclaircir les mots, expressions, abréviations ou

acronymes.

- Il n‟y a aucune intervention de la part de celui qui transcrit. Nous n‟avons fait que

reproduire fidèlement les échanges produits au cours des discussions. Les éléments absents ne

sont pas réintroduits, les répétitions, les hésitations, les mots et constructions inachevées sont

transcrits intégralement.

- Entre accolades et en italiques, des commentaires et des descriptions sont intégrés,

afin de donner davantage d‟informations sur la situation d‟énonciation. L‟équipe DELIC

nomme cela des « événements non linguistiques » (P. Cappeau, F. Sabio, M. Bilger, C.

Chanet, 2004 : 38). Ces genres de didascalies prennent donc en charge la dimension

contextuelle et certaines dimensions gestuelles :

- annotation de gestes, d‟actions, de déplacements ;

- commentaires justifiant les longues pauses et interruptions dans les discours, tels que {Les

locuteurs lisent le document.} ;

Page 127: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

127

- certaines mimiques corporelles et faciales significatives (colère, étonnement, regards,

hochements de tête) ;

- l‟intervention de facteurs externes (téléphone qui sonne, arrivée ou sortie de quelqu‟un).

Ces extraits ci-après présentent quelques exemples de didascalies :

Exemple 1.

L1 voilà on va passer au au troisième {Début : L1 regarde L9} à moins qu‟il y ait des infos générales

de *Lp9* {Fin : L1 regarde L9}

L6 non:

(Extrait séquence 3, revue de direction, GIS)

Exemple 2.

L1 on va passer au développement durable + alors hier il y a eu une première séance là + c‟est un un

brut c‟est

L12 {L12 projette un tableau sur le mur. Tout le monde regarde} oui c‟est un brut c‟est une liste des

des propositions

(Extrait séquence 4, revue de direction, GIS)

Nous délimitons certains faits à l‟aide des inscriptions Début et Fin. Par exemple :

L5 et te souvenir si elle était dans < douze dans le trente dans trente et un dans

{Début : conversation à voix basse entre L1 et L7}

L2 voilà exactement et puis moi je le mets à jour à chaque fois si il y a une personne qui a abandonné

{Fin : conversation à voix basse entre L1 et L7} je le note: je le note dans remarque je mets

abandon le et puis

(Extrait séquence 5, réunion des responsables formateurs, OF)

- Les lectures des locuteurs par le soulignement. Par exemple :

L1 enfin > la lettre du maire de *V17* euh: le conseiller municipal de *V17* envisage la session du

centre *Ce1* {Début : lecture d’un extrait de la lettre} ancienne école ELEmentaire sa

transformation en logements sociaux de répondre à la demande de quelques ménages et à l‟esprit

de la loi SRU je me tiens donc à votre disposition pour tous renseignements *** entretiens visites

{Fin : lecture d’un extrait de la lettre} voilà

(Extrait séquence 6, CoDir 2, GIS)

- Les syllabes inaudibles. Toute transcription exige une bonne qualité sonore de

l‟enregistrement. Cependant, il peut y avoir des bruits de fond, des conversations superposées

qui rendent la transcription difficile. Une syllabe incompréhensible ou inaudible est

retranscrite * et une suite quelconque de syllabes inaudibles ***. Dans ce cas, une

transcription phonétique peut être fournie entre crochets et accolades. Par exemple : « ***

[pron={alart}] ».

Page 128: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

128

- Les prononciations courantes ne sont pas indiquées. Par exemple :

« il y a » est noté ainsi, et non « y‟a » [ja] ;

« puis » est noté ainsi, et non « pi » [pi] ;

« tu as » est noté ainsi, et non « t‟as » [ta].

C. Blanche-Benveniste et C. Jeanjean nomment ces caractéristiques de « trucages

orthographiques » (1987 [1986] : 130). Bien que dans la littérature, on cherche, par l‟emploi

de cette orthographe, à rendre compte d‟un certain réalisme, « ces transformations de

l‟orthographe, somme toutes mineures, font toujours un effet péjoratif : elles signalent un

texte "populaire" et "relâché" » (Ibid : 130-131).

Pour l‟annotation de la prosodie, nous avons marqué plusieurs phénomènes que nous

avons choisi d‟annoter en empruntant quelques éléments de la convention ICOR du

laboratoire ICAR de Lyon (version 1.0.4. d‟avril 2005) :

Tableau 12 : Signes des conventions de transcriptions

Signes Significations Exemples

< … > Chevauchements de

locuteurs

L1 il < il accepte

L2 il veut bien >

+ Pauses de 2 à 5 secondes L1 ok

+

L1 c‟est bon là-dessus ?

+

L1 d‟ici là on va vous donner la liste euh on aura

des choses on aura la liste des produits et services58

+ + Pauses de 5 à 10 secondes

/// Interruptions de plus de 10

secondes

L1 qu‟elle nous confie la maîtrise d‟œuvre eu là je vois

bien mais la maîtrise euh d‟ouvrage euh:

/// {L1 et L2 corrigent le document}59

{…}

Eléments

métalinguistiques

(commentaires, description

de la situation, etc.)

L1 et *V21* on en a combien

{L2 gonfle les joues pour dire qu’il ne sait pas}

{Quelqu’un toque à la porte}

L1 oui

{L’assistance de L1 apporte le café}

LX le café60

…- Amorces de mots un élément imp- important

/…,…/ Hésitation entre deux ou

plusieurs transcriptions des /sites, cibles/ particuliers

* Syllabe incompréhensible L1 ah bon *** ils m‟ont dit ah non c‟est la fin du

premier semestre61

*** Suite de syllabes

incompréhensibles

*…* Nom anonymisé *P1*, *V2*

58

Exemple issu du CoDir 2, CCI. 59

Exemple issu de la réunion interne 2, CCI. 60

Exemples issus de la réunion interne ALRC, GIS. 61

Exemple issu du CoDir 2, CCI.

Page 129: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

129

- Les fortes accentuations sur les mots ou les syllabes.

Les syllabes ou mots en petites majuscules montrent une insistance de la part du locuteur. Par

exemple : dans « PARCE QUE je ne veux pas », on comprend que le locuteur a insisté,

autrement dit il a porté une intensité vocale sur « parce que ».

- Parfois, les locuteurs insistent sur certains mots ou groupes de mots, mais en détachant

chaque syllabe. Ce phénomène est transcrit ainsi : « Ce ne sont que-des-pré-vi-sions ». Les

allongements de sons. Ils sont annotés « :, ::, ::: ». Les deux points simples ou les deux points

multiples signalent que le son est plus ou moins allongé. Par exemple : « il faut dire que: » ou

« je sais pas si:: ».

Tableau 13 : Signes marquants les éléments prosodiques

Signe Signification Exemple

: ou :: Allongements

vocaliques on: on ne peut pas

Petites majuscules Accentuation de

syllabes et ou de mots

les locaux commerciaux ET les

disponibilités foncières

= Enchainements,

continuation du tour

L2 on l‟a déjà fait euh ben des

formations à *V2* sur la form-

formations(s) qualité=

LX hum

L4 =je suis assez je suis assez

impatient de voir comment ça va

fonctionner

Par exemple, les allongements vocaliques que nous pouvons considérer comme des marques

d‟hésitations nous permettent d‟identifier les moments où les locuteurs recherchent un mot ou

cherchent à formuler une idée. Ce qui est un moment important dans le langage au travail et

plus particulièrement dans la formulation d‟une idée ou dans la demande d‟explication. Il est

cependant important de ne pas confondre certains allongements vocaliques avec les « euh ».

M. Candéa a analysé ces différents phénomènes et formule l‟hypothèse selon laquelle il

s‟agirait de deux marques ayant une distribution complémentaire :

L‟allongement vocalique porterait presque exclusivement sur la syllabes (C)V des mots outils alors que

le euh serait largement plus souvent distribué à la suite des mots pleins ou des syllabes (C)VC des mots

outils. (M. Candéa, 2000 : 1)

Les accentuations (que nous notons en petites majuscules) se caractérisent par une grande

netteté articulatoire et une élévation de l'intensité. Elles permettent au locuteur de mettre en

relief les mots clés de leur discours. Si les locuteurs insistent sur certains mots c‟est que ceux-

Page 130: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

130

ci sont fondamentaux dans leur discours (rôle d‟intensif) pour ce qu‟ils veulent faire passer et

pour que ce qu‟ils veulent faire passer puissent passer. Prenons un exemple dans la réunion

interne à la CCI du 26 février :

L1 parce que > je me demande même si il convient de parler du: de l‟exercice du droit de

préemption parce que là c‟est pas un but c‟est MOYEN + donc à la limite je crois pas que ça:

que ça a quelque chose à voir ou à faire ici

Dans ce tour de parole, le locuteur insiste, il met l‟accent sur le terme « moyen », afin de

l‟opposer davantage à « but ». Il constitue ainsi un mot clé dans la suite des échanges.

Nous devons toutefois veiller à ce que les notations ne soient pas trop nombreuses afin de ne

pas gêner la lecture et les analyses du corpus. C. Blanche-Benveniste explique par exemple

que « les études de morpho-syntaxe exigent qu‟on parcourt de grands morceaux de textes, les

transcriptions doivent être très lisibles, donc assez peu chargées de notation » (2000b : 23).

Cependant, il est parfois difficile de sélectionner, avant les analyses, les éléments à transcrire

ou pas et de connaître tous les éléments pertinents ou pas pour l‟étude.

Notre objectif de recherche ne porte pas sur les phénomènes prosodiques et donc nous

ne nous attarderons pas sur une identification fine mais nous y restons sensibles.

A.- C. Simon a présenté, lors d‟un colloque de l‟AFLS à Oxford (2009), que la typologie des

discours pourrait être recherchée à partir d‟une analyse prosodique. Les recherches sont en

cours62

et tendent à vérifier cette hypothèse :

The statistical framework chosen is based on a discriminant prosodic patterns analysis in order to set up

a methodology that enables to validate a given discourse genre typology and, on this base, to develop

dynamic classifications. (N. Obin, A. Lacheret-Dujour, C. Veaux, X. Rodet, A.-C. Simon, 2008 : 4)

Ces chercheurs ont travaillé à partir de cinq types de discours, ils ont identifié préalablement

comme cinq genres de discours différents. L‟analyse prosodique menée en parallèle présente

des résultats qui corrèlent. Cependant, ils précisent que de nouvelles enquêtes sur de plus

grands corpus sont nécessaires :

Further investigations are necessary, based on larger corpora (more dis- course genres, more speakers)

and on automatic tools for ac- cent and dysfluencies tagging. Then, the proposed method will be

available both in an automatic detection task and in a mod- eling task. (2008 : 4)

Les auteurs expliquent que les recherches doivent être effectuées sur des corpus plus larges

afin de valider les premières analyses.

62

Article soumis, à paraître: A.- S. Simon, P. Mertens et L. Degand, « Automatic detection of prosodic

boundaries in spoken French. A step towards the identification of basic discourse units. ».

Page 131: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

131

3.1.7.3 La place des activités de travail et des tâches dans la transcription

Lors du recueil de données, nous prenons en note le maximum d‟éléments du contexte

qui ne peuvent apparaître dans l‟enregistrement audio. Nous nous efforcerons de donner le

maximum d‟éléments lors de la transcription de nos données afin de contextualiser au mieux

les enregistrements pour une meilleure compréhension et interprétation des échanges. En

complément de ces informations, nous schématisons l‟organisation spatiale des interactions.

En voici deux exemples :

Page 132: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

132

Exemple 1

Centre de formation

Réunion (3 personnes) suivie d’une séance de travail (2 personnes)

Mardi 4 décembre 2007

Contexte

La première partie de cet enregistrement est une réunion entre deux formatrices et leur supérieure.

Cette dernière leur donne quelques informations quant à l‟état de l‟appel d‟offres auquel leur

organisme est en train de répondre. Jusqu‟à présent l‟organisme obtenait tous les trois ans une

habilitation pour les formations de la région. Dans la suite de cet enregistrement, L2 et L3 travaillent

ensemble sur l‟harmonisation des CV des formateurs du centre de formation pour joindre à l‟appel

d‟offres. Face à l‟ordinateur, elles apportent ensemble des corrections sur les CV.

Plan des participants

Exemple 2

Entreprise de transport

Interactions dans l’open space du service des Ressources humaines

Lundi 12 février 2007

Contexte

Ce lundi matin, les employés de l‟entreprise doivent élire les représentants syndicaux. L‟organisation

de cette journée de votes devait être dirigée par la responsable des Ressources humaines. Cependant,

celle-ci a appris son licenciement le vendredi précédent et devait recevoir sa lettre recommandée d‟ici

quelques jours. Ses collègues, avec qui elle ne s‟entendait pas, doivent s‟occuper des élections à sa

place et font quelques hypothèses sur son absence de ce matin.

Plan du service des Ressources Humaines

L1

Responsable du

secteur *V1*

L3

Formatrice en

insertion sociale et

professionnelle

L2

Formatrice en

Insertion sociale

et

professionnelle

Enquêtrice

P

O

R

T

E

L1

Technicien

de paie

L2 Employée qui enregistre

les frais et les disques des

chauffeurs routiers

L3 Employé qui

enregistre les frais et

les disques des

chauffeurs routiers

L4 Responsable RH et

Communication adjointe

Bureau de la

responsable RH et

Communication

Espace

café

PORTE

Page 133: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

133

Afin de considérer les comportements non verbaux des locuteurs, nous nous sommes

intéressée au modèle de transcription proposé par E. Ochs (1979b) qui propose une

transcription. Son format de transcription se présente sous forme tabulaire comprenant une

colonne pour le verbal et une colonne pour le non verbal et ce pour chaque locuteur :

One possible solution to these demands is to display verbal and nonverbal data in separate locations but

to use superscripts to locate where verbal and nonverbal acts occur. In so doing, utterances and

nonverbal information would be distinguishable, yet, through superscripting, would be integrated.

(E. Ochs, 1979b : 59)

Voici l‟exemple qu‟elle propose :

Figure 7 : E. Ochs : Numbered actions are explained in the nonverbal column

David Toby

Nonverbal Verbal Nonverbal Verbal 1Sucks thumb,

Toby‟s blanket

(1.2) mm//mm 2 moves blanket &

monkey towards rt., > 3 blanket, blanket

reaches rest loc. 4 pushes blanket into

ball 5 picks up part of

blanket 6 holds part, part

7 pushes part down

8 picks up another part,

holds it 9 releases part

//yeah]2 Im gonna

make, (3) car 4

heres/ 5 here that’s? (

6)

7 handle ≠

and thats, (8)

people ≠ 9

(Ibid : 60)

Elle souhaite que les données non verbales soient prises en compte dans la transcription, mais

sans pour autant en gêner la lecture :

We do not want a transcript that discourages the reader from integrating verbal and nonverbal acts. On

the other hand, we want a readable transcript, on that displays clearly and systematically utterances and

contexts. (Ibid : 59)

Nous avons eu recours à la méthode tabulaire pour les échanges superposés

(conversations menées parallèlement) et non pour mettre en relief les actions.

Dans la mesure où nous nous intéressons à la dimension contextuelle et actionnelle des

interactions, nous nous sommes également penchée sur les unités praxéologiques. Les actes

des participants ainsi que tous éléments contextuels intervenant lors de l‟enregistrement sont

intégrés dans la linéarité de la transcription (entre accolades en en italiques). En voici deux

exemples :

Page 134: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

134

Exemple 1.

L2 il est il est allumé ?

L3 oui oui il est allumé

L2 oui oui oui

L3 il faut bouger la souris

L2 attends {L2 déplace la souris de l’ordinateur}

+

L1 voilà je l‟ai éteint

L2 tu veux y aller ?

L1 non non vas-y connecte toi c‟est dans le commun de toute manière là où je veux aller

L2 d‟accord + alors euh: c‟est dans le commun ?

L1 oui

{L2 navigue sur l’ordinateur}

L2 alors je vais faire mon {L2 clique} CV attends + hop {L2 clique} et dans commun

L1 < poste de travail

L2 là je vois rien > (Extrait séquence 7, séance de travail, OF)

Exemple 2.

L3 objectif emploi voilà {Fin : L3 écrit à l’ordinateur} accompagnement de prestations {L3 écrit à

l’ordinateur} < ANPE

L2 ANPE >

L3 objectif projet objectif emploi responsable d‟une formation qualifiante dans les métiers de

*DA1* sur le bassin de *V34*

L2 et d‟une action organisation sur l‟emploi sur le secteur de *V36* suivi pédagogique

professionnel administratif

{Début : L3 écrit à l’ordinateur}

L2 < bon après

L3 faut le valoriser > attends attends attends faut réorganiser ça {Début : L3 écrit à l’ordinateur et

dicte en même temps ce qu’elle écrit} responsable + d‟une prestation d‟une action {Fin : L3

écrit à l’ordinateur et dicte en même temps ce qu’elle écrit} de mobilisation vers l‟emploi parce

que ça c‟est du c‟est de l- c‟est de l‟insertion professionnelle (Extrait séquence 22, séance de travail, OF)

De cette façon, nous suivons les actions menées en même temps où entrent les pratiques

langagières.

3.2 Méthodologie d’analyse : le déroulement séquentiel des discours pour la

caractérisation de types de séquence et de types linguistiques

Avant de procéder à l‟analyse de nos données, nous avons effectué un découpage des

interactions en séquences à partir de l‟approche linguistique et textuelle de J.-M. Adam (1992)

s‟intéressant à la structure séquentielle des textes et aux prototypes de schémas séquentiels de

base. Cette approche, centrée sur « la structure compositionnelle des énoncés », nous

Page 135: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

135

permettra de déterminer des séquences en fonction d‟une cohérence thématique, de marqueurs

de structuration et de « déclencheur de l‟activité ». Nous nous appuyons également sur les

études relatives aux types de discours de J.-P. Bronckart (1997) développées dans le cadre de

l‟interactionnisme socio-discursif. Si nous faisons appel à ces cadres théoriques, c‟est avant

tout parce qu‟ils proposent une méthode qui nous a paru adéquate pour l‟analyse de nos

données et parce que nous partageons un même objectif, celui de caractériser des types de

textes et/ou de discours.

Notre méthodologie d‟analyse ne s‟appuie pas scrupuleusement sur l‟un des modèles,

mais fait appel à ces derniers. Notre objectif n‟est pas d‟effectuer une analyse contrastive des

modèles, mais de rechercher une méthodologie d‟analyse qui nous permettrait d‟analyser nos

données de façon cohérente et méthodique.

Cette partie a pour objet de présenter ce qui constitue le premier aspect de notre

méthodologie d‟analyse : la séquence. Nous allons justifier la nécessité du découpage en

séquences pour l‟analyse de notre corpus avant de présenter ce qui constitue notre sous-corpus

à partir duquel nous mènerons nos analyses qualitatives et quantitatives.

3.2.1. La séquence : une unité d’analyse interrogée

Face à la masse de données dont nous disposons (74h51 d‟enregistrements), nous

avons opté pour un découpage du corpus. Nous avons procédé à un pré-découpage de 19h

d‟enregistrement et nous avons réalisé une première analyse qualitative. Cette méthode nous a

permis de déterminer 95 séquences de diverses activités langagières, issues de nos quatre

terrains de recherche, à partir desquelles nous avons repéré des critères linguistiques qui ont

permis de définir des types de discours au travail. À l‟issu de ce premier découpage

séquentiel, nous avons repris la phase de transcription afin de déterminer d‟autres séquences

et de constituer un deuxième sous-corpus pour effectuer les analyses quantitatives.

Les activités langagières au travail comportent des séquences hétérogènes. La

transcription, ainsi que les premières analyses, ont permis de dégager des sortes de « grandes

unités de discours » pouvant être analysées isolément. Ces « grandes unités de discours »

correspondent à ce que J.-M. Adam a nommé « séquences ». Selon lui, un texte est composé

de plusieurs séquences qui s‟articulent entre elles. Il définit la séquence comme une unité à la

fois « constituée » et « constituante » ; « constituée » car la séquence comporte une structure

Page 136: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

136

interne à décrire et « constituante » car un texte comporte bien souvent plusieurs séquences

dont il est nécessaire d‟analyser leur enchaînement. Selon J.-M. Adam, les relations entre ces

séquences font la spécificité d‟un texte et le fait de typologiser les textes gommerait ces

relations spécifiques. C‟est pour cette raison que l‟auteur propose de remplacer la notion de

« typologie de textes » par un modèle de structure de textes mettant en évidence les

spécificités récurrentes. Un texte dit homogène comporterait un seul et même type de

discours, ce qui est assez rare. Cela conforte ce qu‟explique B. Habert au regard des analyses

de D. Biber et E. Finegan :

Un texte donné n‟est pas forcément homogène sur le plan des types de texte. Il peut inclure des « sous-

types » de texte auxquels il recourt. Il peut inclure des « sous-types » ou faire appel pour telle ou telle

part à un autre type que celui qui y prédomine. Le « gain » pour l‟étude des types de textes n‟est donc

pas forcément un document dans son ensemble, même s‟il est bref, ce qui est le cas des articles de

médecine étudiés par Biber et Finegan. (2001 : 8)

D. Biber et E. Finegan ont en effet analysé un corpus d‟articles issus du New England Journal

of Medecine et du Scottish Medical Journal et avaient constaté des différences linguistiques

entre les différentes parties des articles (introduction, méthodes, résultats et conclusion).

Selon eux, un certain nombre de critères conditionnent de façon systématique les différents

« registres » (1994 : 201).

Pour J.-M. Adam, la séquence représente une unité de description typologique et la

théorie compositionnelle des séquences permet de saisir l‟articulation entre les différents

éléments du texte et d‟appréhender le texte comme un ensemble plus complexe, en prenant

davantage en compte sa spécificité.

La notion de séquence nous semble dès lors tout à fait adaptée à ces unités hétérogènes

que nous avons relevées dans notre corpus. Nous utiliserons ce découpage séquentiel pour

l‟analyse de notre corpus afin de tenter une caractérisation des types de discours en situation

de travail.

J.-P. Bronckart (1997) reprend le concept de séquentialité63

de J.-M. Adam (1992) dans

son analyse des infrastructures des textes64

et définit la « séquence » comme étant un élément

planifié :

63

La notion de séquentialité dans le sens de J.-M. Adam est différent de la notion de séquentialité (ou

séquentialistaion) dans le cadre de l‟analyse conversationnelle qui définit l‟enchaînement des tours de parole :

« Aspects of organization we call turn-taking have forced themselves on investigators of „small-group‟ behavior

Ŕ who, in dealing with problems concerning the distribution of talk among participants in Small groups, or the

kinds of „acts‟ which form sequences in Small-group sessions, have encountered problems conditioned in central

Page 137: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

137

Un mode de planification, plus conventionnelle ou plus spécifiquement langagière, qui se déploie à

l‟intérieur du plan général de texte (séquences narrative, explicative, argumentative, etc. (1997 : 122)

Les séquences se déploient à l‟intérieur des plans de textes : il peut s‟agir de séquences

narrative, argumentative, explicative. Elles peuvent elles-mêmes être découpées en phases

comme nous le verrons ensuite.

Pour J.-P. Bronckart, les prototypes de séquence sont des « constructions théoriques »

(1997 : 236) élaborées à partir de l‟étude de séquences observées dans les textes. Selon lui,

tout texte est organisé en trois niveaux superposés, ce qui le conduit à parler de « feuilleté

textuel » (Ibid : 120), notion inspirée de S. Haller, qu‟il définit ainsi :

- la première couche constitue « l‟infrastructure générale du texte ». Cette

infrastructure est constituée par les types de séquence et leurs articulations entre elles.

- la seconde couche est constituée par « les mécanismes de textualisation » qui

contribuent à la cohésion thématique du texte. Ce sont plus précisément les mécanismes de

connexion (organisateurs textuels, marqueurs d‟articulation internes entre les séquences et

entre les phases), de « cohésion nominale » (introduction des thèmes, des personnages,

anaphores) et de « cohésion verbale » (organisation temporelle des actions par les temps des

verbes) qui assurent la cohésion thématique du texte.

- enfin, la troisième couche est composée par « les mécanismes de prise en charge

énonciative » qui contribuent à la cohérence pragmatique du texte. Ce concept nous intéresse

particulièrement car il nous permet de poser un regard à la fois global et détaillé sur les

structures des textes et des discours.

J.-P. Bronckart considère les séquences comme des éléments constitutifs des types de

discours. Ainsi, le type de texte va être déterminé par un « type de discours dominant »,

appelé aussi « type majeur » et d‟un « type de discours secondaire », nommé « type mineur ».

Il donne comme exemple le genre du roman dans lequel le type majeur est la narration et les

types mineurs sont les diverses formes de discours interactifs. Dans le genre professionnel,

nous déterminons les types de discours en fonction des types de séquence observées et du

type linguistique dominant. La récurrence d‟un type de séquence (type de séquence

ways by the turn-talking system, though for the most part they have not addressed them in this light. » (E. H.

Sacks, E. A. Schegloff et G. Jefferson, 1974 : 697). C. Kerbrat-Orecchioni reprend la séquentialité comme

principe découpage pour l‟analyse des conversations : « Les actes de langage se combinent pour constituer des

interventions, actes et interventions étant produits par un seul et même locuteur ; dès que deux locuteurs au

moins interviennent, on a affaire à un échange ; les échanges se combinent pour constituer les séquences,

lesquelles se combinent pour constituer les interactions, unités maximales de l‟analyse. » (1996 : 36). 64

J.-P. Bronckart détermine l‟infrastructure générale du texte constitué par différents types de discours qu‟il

comporte, par les articulations entre ces types et par les séquences qui y apparaissent.

Page 138: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

138

dominant majeur) nous permettra de caractériser le type linguistique dominant et donc le type

de discours.

J.-P. Bronckart et J.-M. Adam sont en désaccord sur certains points notamment sur la

terminologie employée, ainsi que sur quelques aspects épistémologiques qui sous-tendent la

« typologie séquentielle » de J.-M. Adam (1992). D‟abord, l‟approche de J.-M. Adam

s‟appuie sur les conceptions de M. Bakhtine et M. Foucault, sur la distribution des discours en

genres et sur la bipartition texte/discours. Pour J.-P. Bronckart, il semble difficile de s‟en tenir

à cette dichotomie. En effet, il évoque les notions de « modalité orale », qui renvoie aux textes

dits, et de « modalité écrite » qui renvoie aux textes écrits et ce, tout en précisant qu‟un texte

produit en modalité orale peut être transcrit et qu‟un texte produit en modalité écrite peut être

reproduit oralement :

En réalité, on peut observer, par exemple que la production (orale) d‟une conférence sollicite un registre

lexical et syntaxique plus soutenu que la production (écrite) de certains romans policiers. (1997 : 187)

Ces auteurs ont en commun la méthodologie fondée sur le découpage en séquences et

sur les l‟analyses de textes. Le fait que J.-P. Bronckart considère les notions de modalités

orale et écrite tout en exploitant le concept de séquentialité nous incite à adopter cette

méthodologie pour notre recherche.

Avant d‟employer la notion de séquence et pour mieux appréhender ce concept, nous

avons observé la façon dont J.-M. Adam décomposait la séquence. Pour lui, une séquence est

une unité textuelle, elle-même constituée de macro-propositions constituées à leurs tours de

propositions :

La séquence est une unité constituante du texte que je définis comme constituée de paquets de

propositions, les macros-propositions, à leur tour constituées de n (micro)propositions. (1990 : 85)

En 1992, il fait le schéma suivant et précise :

[# T # [Séquence(s) [macro-propositions [propositions(s)]]]]

Les propositions sont les composantes d‟une unité supérieure, la macro-proposition, elle-même unité

constituante du texte. Cette définition de chaque unité comme constituante d‟une unité de rang

hiérarchique supérieur et constituée d‟unité de rang inférieur est la condition première d‟une approche

unifiée de la séquentialité textuelle (1992 : 30)

Page 139: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

139

Avant d‟arriver à cette notion de séquence, J.-M. Adam est parti de la notion de « période »65

issue de la rhétorique classique. Il explique que M. Charolles a été le premier, dans le champ

de la linguistique textuelle, à considérer la période comme un mécanisme d'organisation du

texte. J.-M. Adam arrive enfin à la notion de « proposition-énoncé » qu‟il présente comme

étant l‟unité textuelle élémentaire :

L‟unité minimale que nous adopterons sera la proposition-énoncé. Nous la disons « énoncé(e) » pour

souligner le fait qu‟il s‟agit toujours du produit d’un acte d’énonciation à destination d‟un

destinataire-interprétant ayant valeur de co-énonciateur. Nous la disons en même temps « proposition »

pour souligner le fait qu‟il s‟agit à la fois d’une micro-unité et d’une micro-unité de sens […]. Nous

retenons de la proposition classique le lien entre un objet du discours (« sujet » ou « thème ») et ce qui

en est dit à l‟aide (énoncé verbal) ou non (énoncé nominal) d‟un prédicat verbal. À ces deux types

d‟unités élémentaires, il faut ajouter les énoncés monorèmes de type « Bravo ! », « Merde ! » ou

« Toi ? ».66

(2005 : 65)

Il précise qu‟il n‟existe pas d‟ « énoncé isolé » :

Il n‟existe pas d‟énoncé isolé : même apparaissant seul, un énoncé élémentaire répond à un ou plusieurs

autres et/ou en appelle un ou plusieurs autres en réponse ou simple continuation. (2005 : 66)

C‟est ce qu‟il appellera plus tard la « condition de liage » (2005 : 66). Ce sont les opérations

de liage qui vont assurer la continuité dans les textes et ce sont ces propositions et macro-

propositions qui vont permettre de délimiter les séquences.

Pour ce découpage, J.-M. Adam s‟appuie sur les analyses réalisées par J.-B. Grize (1990) et

D. Coltier (1986). Ceux-ci envisagent une structure séquentielle de la séquence explicative

(phase de questionnement, phase résolutive et phase conclusive) pour découper la séquence.

J.-M. Adam s‟en inspire et subdivise ainsi la séquence explicative prototypique :

0. Macro-proposition explicative 0 : schématisation initiales

1 Pourquoi X ?

(ou Comment ?) Macro-proposition explicative 1 : Problème (question)

2. Parce que Macro-proposition explicative 2 : Explication (réponse)

3. Macro-proposition explicative 3 : Conclusion-évaluation

(1992 : 132)

Nos séquences ne sont pas composées de macro-propositions et de propositions,

puisque notre corpus est un corpus d‟oral, mais de plusieurs tours de parole.

J.-M. Adam délimite les séquences en fonction des « macro-propositions », ce qui

correspond aux « phases » de J.-P. Bronckart. Ce dernier a remarqué que, dans une longue

65

Cette notion de « période » n‟est pas à comprendre dans le même sens que celui que donne A. Berrendonner

pour la syntaxe (unité de macro-syntaxe). 66

Mots mis en gras et en italique par l‟auteur.

Page 140: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

140

séquence, nous pouvons distinguer différentes phases. Il donne comme exemple le découpage

en phase d‟une séquence narrative :

a) Orientation générale

Phase qui peut elle-même être décomposée en trois phases sous-ordonnées :

a1) situation initiale

a2) actions

a3) évaluation et résolution

b) Complication

Phase qui peut elle-même être décomposée en trois phases sous-ordonnées :

b1) situation initiale

b2) actions

c) Actions

d) Résolution intermédiaire

e) Nouvelle complication

f) Nouvelles actions

g) Résolution finale

(1997 : 122)

Ces notions de « macro-propositions » et « propositions » de J.-M. Adam ne semblent pas

adaptées à notre étude. Nous proposons d‟utiliser les notions d‟ « énoncés » et de « phases ».

Cette méthodologie fondée sur la séquentialité est également expérimentée et prise en

compte dans d‟autres recherches, comme celle menée par B. Schneuwly et J. Dolz (2009). Ils

prennent la séquence comme unité de base dans leur modèle synoptique afin de réduire leur

corpus. Il s‟agit pour eux d‟obtenir un document plutôt schématique décrivant les principales

actions ainsi que les thèmes abordés. La réalisation des synopsis part d‟un découpage des

éléments en séquences, première unité de base, puis en éléments sous-ordonnés.

B. Schneuwly, J. Dolz et al. ne parlent pas de « découpage » de l‟activité, mais de

« hiérarchisation » des éléments qui s‟effectue en fonction de deux critères majeurs qui sont le

déclencheur de l‟activité et le maintien d‟un même support matériel lors de l‟interaction.

3.2.2. La délimitation des séquences

Les séquences, en nombre illimité, sont délimitées par des marques : des connecteurs

(« puis », « alors », « et après », « alors ») et/ou la ponctuation. Dans le cas de notre étude,

nous repérons les différentes séquences à partir d‟une cohérence thématique, en fonction de

marqueurs de structuration et de « déclencheurs d‟activité ».

1) Les thèmes abordés permettent de délimiter les séquences.

Page 141: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

141

La cohérence thématique renvoie à l‟objet du discours, ce à propos de quoi on dit quelque

chose. Le changement de thème justifie la fin d‟une séquence et le début d‟une autre. Une

séquence s'organise donc autour d‟une thématique ou d‟un point précis d‟une problématique.

C. Kerbrat-Orecchioni explique que les thèmes et les sous-thèmes « ont une fonction

structurante (au niveau de la « séquence ») et peuvent être introduits ou clos par tels ou tels

participants » (1992 : 91). Selon elle, « la séquence peut être définie comme un bloc

d‟échanges reliés par un fort degré de cohérence sémantique et/ou pragmatique. »

(1990 : 218). Cependant, ce seul critère thématique n‟est pas suffisant pour délimiter la

séquence dans la mesure où les thèmes évoluent de façon très variable.

2) Les marqueurs de structuration (tels que « donc » et « alors ») permettant d‟engager

des thèmes, à les articuler et structurer ainsi le discours.

3) La notion de « déclencheur d‟activité » est une notion que nous empruntons à

B. Schneuwly et J. Dolz et analysée dans le cadre de leur recherche en didactique (2009). Ils

définissent le « déclencheur d‟activité » de la façon suivante :

Le déclencheur de l‟activité peut être l‟annonce d‟un nouvel exercice ou d‟une nouvelle action,

l‟introduction d‟un nouveau support matériel (texte, questionnaire, transparents, notes au tableau noir),

une consigne ou encore le simple changement du type d‟action (par exemple travail individuel à travail

collectif). (2009 : 94)

Dans notre corpus, le déclencheur de l‟activité peut être une multitude d‟actions

verbales, tels que l‟annonce d‟un nouveau point à aborder par exemple, ou d‟actions non-

verbales comme l‟arrivée d‟une personne pour apporter les repas (CoDir 1, CCI), la projection

de documents sur vidéoprojecteur (Revue de direction, GIS) ou encore le départ d‟une

personne pour faire des photocopies des documents de travail (Réunion interne 2, CCI).

Quant à la longueur d‟une séquence, elle ne peut être déterminée à l‟avance. Dans la

mesure où l‟interaction n‟est pas un ensemble défini d‟unités, nous ne pouvons dicter un

nombre de mots. Comme l‟explique clairement R. Vion, « postuler qu‟une interaction

fonctionne comme un mécano géant où s‟agencerait, sans discontinuité, des micro-modules

correspondant aux échanges, risquerait de nous entraîner vers une conception rigide de

l‟interaction » (1992 : 166). Nous délimitons les séquences en fonction des trois critères que

nous venons de présenter sans être contraint du nombre de tours de parole et/ou de mots. C‟est

pour cette raison que nos séquences varient de 1 à 562 tours de parole et de 7 à 2 679 mots.

Nous prenons en compte ces éléments pour l‟analyse quantitative des critères caractéristiques

repérés dans la recherche de types de discours.

Page 142: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

142

Les séquences rendent compte d‟une organisation discursive et le découpage

séquentiel semble convenir pour l‟ensemble de nos activités langagières au travail ; qu‟il

s‟agisse des réunions dirigées par un leader où les différents points abordés sont le reflet de

l‟ordre du jour ; celles où les personnes élaborent un objet ; ou celles où les personnes

échangent de façon plus informelle ou s‟informent.

Prenons trois extraits de réunion afin d‟illustrer le découpage séquentiel :

Page 143: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

143

Schéma 3: Découpage de séquences dans un extrait de réunion de travail (Réunion

interne 1, CCI)

Schéma 2 : Découpage de séquences dans un extrait de réunion de travail (CoDir 1, CCI)

Extrait du CoDir 1 (CCI)

[Séquence 2]

L1 allez *Lp4* c‟est *Lp4* qui

démarre donc je vous invite à prendre

son document

(3 tours de parole)

L1 allez vas-y *Lp4*

[Séquence 3]

L4 donc notre: budget 2008

(6 tours de parole)

[Séquence 4]

L4 alors sur la partie commerce

+

(21 tours de parole)

L1 d’accord + ok + c’est bon

pour tout le monde +

Extrait du CoDir 1 (CCI)

[Séquence 1]

L1 donc euh: on est en réunion

euh de travail interne entre le Service

Commerce le Service Observatoire

pour: une étude que l‟on conduit sur

la communauté de communes *CC1*

[…]

(56 tours de parole)

{L4 se lève et va faire des

photocopies}

+

[Séquence 2]

L4 alors hier matin j‟ai travaillé

avec lui sur le volet industriel

(11 tours de parole)

Séquence 2 : Deuxième séquence : séquence encadrante d’ouverture de la réunion. L’effet de bouclage entre le premier et le dernier tour de parole avec « allez *Lp4* » nous aide à la délimitation de la séquence.

Séquence 3 : Cette troisième séquence est marquée par la prise de parole de L4 qui rappelle une information au sein de son service (composition du service et son objectif). L’ouverture d’une nouvelle séquence s’exprime par l’emploi d’un marqueur d’ouverture (« donc ») et l’annonce d’un thème.

Séquence 4 : L’annonce du premier point introduit par l’emploi d’un marqueur d’ouverture (« alors ») nous permet de clore la séquence suivante et d’en ouvrir une nouvelle. Cette séquence comprend des questions d’autres locuteurs en lien avec les propos de L4. La séquence se clôt par une succession de deux marqueurs d’approbation « d’accord » et « ok » ainsi qu’une question à laquelle l’absence de réponse amène systématiquement à la clôture. Ces marqueurs sont entrecoupés de pauses permettant aux collaborateurs d’intervenir de nouveau.

Séquence 1 : La séquence est interrompue par un déclencheur d’activité qui est ici une action non-verbale : L4 sort faire des photocopies des supports de travail.

Séquence 2 : Pendant que L4 fait les photocopies, les autres locuteurs échangent au sujet d’une rencontre professionnelle et d’un compte-rendu de réunion.

Page 144: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

144

Schéma 4 : Découpage de séquences dans un extrait d’un groupe de travail (OF)

Le découpage de cet extrait de réunion se réalise à partir d‟une cohérence thématique.

En effet, la séquence 2 vient couper et clore la séquence 1 et fait l‟objet d‟une narration

d‟informations informelles et distancée de l‟activité de travail. La séquence 3 s‟ouvre sur la

reprise du travail et clôt ainsi la séquence 2.

Extrait de la séance de travail (OF)

[Séquence 35]

L3 animation des prestations ANPE en

matière d‟accompagnement à l‟emploi et d‟aide à

la construction de projet animation d‟ateliers

emploi création d‟entreprise

+

(156 tours de parole)

L2 voilà alors là < tu vois

[Séquence 36]

L3 tu sais mon beau-père il était alcoolique

alors quand il voyait une bouteille quand il voyait

une bouteille si c‟était du onze degrés hum quand

c‟était du douze il disait hu:m c‟est du douze

c‟est du bon {Rires de L2}

(5 tours de parole)

L3 je t‟assure même une aspirine il la

prenait dans un verre de vin

{Rires de L2 et L3}

[Séquence 37]

L2 là le le problème là j‟ai j‟ai l‟impression

est-ce que tu veux faire euh est-ce que ça fait

partie d‟animation et accompagnement de

prestations là objectif projet ou c‟est est-ce que tu

développes cette phrase < là

(70 tours de parole)

L3 bon

Séquence 35 : séquence opérative interrompue

Séquence 36 : il y a un changement de thème qui vient couper et clore la séquence 1 et qui ouvre sur une séquence de conversation informelle : une

narration

.d‟informations

informelles et

distancés

Séquence 37 : séquence opérative : reprise de l’activité de travail sur les CV

Page 145: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

145

Ce travail de mise en séquence semble pouvoir être considéré comme une première

phase d‟analyse dans la mesure où il s‟agit de hiérarchiser les éléments, de mettre en avant les

éléments constitutifs des séquences et de faire ressortir les contenus.

3.2.3. Critères de classification chez J.-M. Adam et J.-P. Bronckart

La typologie fondée sur la séquentialité permet à J.-M. Adam (1992) de classifier les

textes à partir de cinq types de séquence textuelles : séquence narrative (ou séquence de récit),

séquence descriptive, séquence argumentative, séquence explicative et séquence dialogale. Ce

modèle et ces composants orientent notre propre analyse, bien qu‟il ne s‟agisse pas de textes

(écrits) dans nos travaux. Nous tenterons de déterminer des types de séquence à partir de

caractéristiques. L‟observation des caractéristiques déterminantes et relevées par J.-M. Adam

(1992) pour déterminer des types de séquence et l‟observation des critères relevés par J.-P.

Bronckart (1997) pour déterminer des types de discours nous conduit à nous interroger sur les

caractéristiques susceptibles de détermier des types de discours dans notre corpus.

Chaque type de séquence chez J.-M. Adam et chaque type de discours chez J.-P.

Bronckart sont caractérisés par des critères variés et des phases caractéristiques. Les critères

peuvent être des temps verbaux, des types de verbes, des organisateurs ou connecteurs précis,

un vocabulaire spécifique, l‟emploi de certains pronom-sujets, l‟importante appartition de

déictiques, des auxiliaires de modes, des modalisations du discours, etc. Les séquences et

types de discours peuvent également être organisés par ce que J.-P. Bronckart nomme des

« phases » et par ce que J.-M. Adam nomme des macro-propositions. Lors de notre analyse,

nous examinerons nos séquences afin de vérifier si celles-ci sont, ou non, organisées en

« phases », notion que nous reprendrons de J.-P. Bronckart.

Les deux tableaux suivants présentent l‟ensemble des critères de ces deux auteurs leur

permettant de caractériser des types de séquence pour J.-M. Adam, et des types de discours

pour J.-P. Bronckart.

Page 146: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

146

Tableau 14 : Les prototypes de séquence de J.-M. Adam (1992)

Séquence récit Séquence descriptive

Séquence

argumentative Séquence explicative Séquence dialogale

Caractéristiques

- Temps du passé

simple, imparfait,

présent de narration

- Verbes d‟action

- Anaphores

pronominales

- Organisateurs

- Prédicats actionnels

- Adjectifs qualificatifs

- Enumérations

- Reformulations

- Injonctions

- Formes nominales et thèmes-titres

- Segments injonctifs, pragmatiques

ou instructionnels correspondant à

des descriptions d‟actions.

J.-P. Bronckart place ces segments

dans les séquences injonctives car

ces séquences ont pour but de faire

agir le destinataire.

- Marqueurs de

l‟argumentation :

connecteurs et

organisateurs

- Argument(s),

conclusion

- « parce que »

- « on a observé »

- « c‟est pourquoi »

- Suites d‟échanges

- Échanges confirmatifs (remerciements et

salutations dans les conversations)

- Thèmes de conversation

- « Paires adjacentes » avec intervention

initiative (de A1) et intervention réactive (de

B1) (A1 - Bonjour !

B1 - Bonjour !)

Ou intervention initiative (A1) + intervention

réactive (B1) + intervention évaluative (A2) (A1 Ŕ Qu‟est-ce que tu lis ?

B1 Ŕ Un bouquin de linguistique textuelle

A2 Ŕ Linguistique textuelle ! / Ah bon ! / Ben dis

donc ! / Très bien ! / Ben merde ! )

Macro-

propositions

(« Phases » chez

J.P. Bronckart)

- Situation initiale

- Complication

- Evaluation

centrale

- Résolution

- Situation finale

- Phase d‟ancrage

- Phase d‟aspectualisation

- Phase de thématisation

- Phase de mise en relation

- Phase de prémices

(ou données)

- Etayage

(présentation

d‟arguments)

- Restriction

(présentation de

contre-arguments)

- Conclusion

Inspiré de Grize (1981)

- Schématisation

initiale

- Problème (question)

- Explication (réponse)

- Conclusion Ŕ

évaluation

- Phase d‟ouverture

- Phase transactionnelle : cette phase constitue

le corps de l‟interaction. Lorsqu‟on change de

sujet, on change de séquence transactionnelle.

- Phase de clôture67

Commentaires

Séquences types présente dans les

recettes de cuisine, les modes

d‟emploi ou encore les règlements.

J.-M. Adam

s‟appuie sur le

schéma du

mouvement

argumentatif de

Toulmin (1958).

Les dialogues-conversations sont considérés

comme des « coconstruction » présentant une

succession d‟échanges.

67

J.-P. Bronckart explique que ces trois phases peuvent être décomposées en unités dialogales ou « échanges », composés eux-mêmes d‟interventions (c'est-à-dire de tours de

parole) : « On ne peut parler que de dialogue que dans la mesure où les interactants sont engagés dans une conversation. » (1997 : 233)

Page 147: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

147

Tableau 15 : Tableau des critères de J.-P. Bronckart caractérisant les différents types de discours et de texte (1997).

« Mondes » ou « plans d’énonciation » EXPOSER RACONTER

« Type de discours » (« type linguistique ») Discours interactif Discours théorique Récit interactif Activité narrative

Types de phrases Impératives, interrogatives,

exclamatives

Impératives, interrogatives,

exclamatives Déclaratives Déclaratives

Formes passives X

Temps

Présent Dominant Dominant

Passé composé Dominant Dominant

Passé simple Quelques formes Dominant

Plus que Parfait Quelques formes

Passé antérieur Quelques formes

Futur Dominant : futur périphrastique

en aller + infinitif Quelques formes

Imparfait Dominant Dominant

Conditionnel Quelques formes Quelques formes

Ostensifs (« et ça, tu sais ce que c‟est », « voilà du vin ») X

Déictiques Déictiques spatiaux X

Déictiques temporels X

Présence de noms propres X

Pronoms et adj. de 1ère

et 2ème

personne (sing .et plur.) X valeur exophosique X

Pronoms indéfinis « on » X

Organisateurs temporels X X

Organisateurs à valeur logico-argumentative (en effet,

mais, et tout d’abord, comme d’autre part) X

Auxiliaires de mode (pouvoir, vouloir, devoir, falloir) X X (pouvoir)

Modalisations logiques (de façon générale, il est

évidemment difficile, on peut faire …) X

Procédés de mise en évidence de certains segments de

texte : procédés métatextuels, de renvois intra-textuels et

procédés de renvois inter-textuels.

X

Anaphores nominales X X X (par substitution

lexicale)

Anaphores pronominales X X

Densité verbale Elevée

Densité syntagmatique Faible

X : critère principal (nombreuses occurrences)

Page 148: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

148

Lors de l‟analyse de nos sous-corpus, nous tenterons d‟identifier ces critères repérés par

ces deux auteurs et étudierons leurs occurrences afin de vérifier s‟ils permettent de

caractériser des types de discours dans notre corpus.

3.2.4. Méthodologie envisagée pour déterminer des types de discours

Est-ce la prédominance de séquences qui détermine le type ou est-ce que le type

suppose l‟apparition de certaines séquences ? En d‟autres termes, est-ce les séquences qui

déterminent le type de discours ou est-ce le discours qui est prédisposé à recevoir tel ou tel

type de séquence ? J.-M. Adam définit le texte de par les combinaisons de séquences, ce qui

s‟oppose à la thèse de J.-P. Bronckart :

Si la théorie développée par Adam définit le texte par la combinaison des types de séquence qui y sont

attestables, et accorde donc de fait une importance primordiale aux processus de planification, nous

avons, pour notre part, soutenu la thèse inverse de la prééminence des types de discours. Thèse qui se

fonde d‟une part sur le fait qui si tout texte est nécessairement composé de types de discours, reposant

sur les opérations constitutives des mondes discursifs, les séquences telles qu‟Adam les définit n‟y

apparaissent qu‟éventuellement, au titre de manifestations d‟opérations supplémentaires, à caractère

dialogique. Et thèse qui découle d‟autre part du constat selon lequel la distribution des types de

séquence est largement (mais pas complètement) déterminée par les types de discours. (1997 : 254)

Dans notre étude, il semble que les types de discours sont en effet prédisposés à

recevoir des types précis de séquences. En revanche, il est possible que le type de séquence

dominant attendu peut ne pas être celui que nous observons réellement dans l‟analyse d‟un

discours mais nous pensons que des séquences, quelle qu‟elles soient, y apparaissent. La

complémentarité des deux approches nous a permis de mettre au point notre méthodologie

d‟analyse.

L‟analyse de nos données nous permettra de vérifier si le contexte, et plus précisément

l‟activité exercée pendant les interactions, influence de façon incontestable les types de

discours professionnels. Il nous semble que l‟intitulé même de l‟activité, donné par les

collaborateurs, déterminerait de façon plus ou moins implicite le contenu attendu68

. Par

ailleurs, nos analyses permettront de déterminer si, linguistiquement, des types de discours

émergent. Les analyses de nos données nous permettront de vérifier le lien entre le type

linguistique et le type d‟activité (activité individuelle, activité collaborative et activité

phatique). La détermination des types de séquence apparaît sur la base de critères

68

Nous avons développé cette idée de M. Bakthine dans le chapitre 1 (partie 1.3) : le discours est influencé et

modelé par l‟expérience des échanges que nous avons avec autrui.

Page 149: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

149

linguistiques et extralinguistiques. Nous représentons ainsi la hiérarchie des éléments « types

de discours », « type linguistique », « type de séquence » et « critères » :

Un type de discours est caractérisé par un type spécifique de langage (« type linguistique »)

déterminé lui-même par des types de séquence. Ces types de séquence sont déterminés par

des critères caractéristiques.

J.-P. Bronckart considère les paramètres contextuels déterminants pour l‟analyse des

phénomènes linguistiques. Et ce, contrairement à la linguistique textuelle, à laquelle

appartient J.-M. Adam, qui ne considère pas le rapport au contexte. La situation d‟interaction

nous semble en effet centrale pour l‟étude des textes et des discours. D‟ailleurs, l‟organisation

des séquences et même les types de séquence varient selon le type d‟activité :

L‟organisation interne de ces séquences varie en fonction de nombreux facteurs Ŕ type d‟interaction et

de situation interactive ; but, durée, circonstance de la rencontre ; fréquence des rencontres entre les

personnes concernées ; degré de connaissance mutuelle des participants ; nature de la relation

interpersonnelle, etc. (C. Kerbrat-Orecchioni, 1990 : 221)

La mise en séquence permet en effet un premier repérage des types activités, des

actions et des tâches dans la mesure où elle les met en évidence : activités individuelles ou

Type de

séquence

1.1.3

Type linguistique 1.1

Type de

séquence

1.1.2

Type de discours 1

Type de

séquence

1.1.1

Critère 1.1.1

Critère 1.1.1

Critère 1.1.1

Critère 1.1.2

Critère 1.1.2

Critère 1.1.2

Critère 1.1.3

Critère 1.1.3

Critère 1.1.3

Figure 8 : Les éléments composant les types de discours

Page 150: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

150

activités à plusieurs, exposé du travail ou élaboration d‟un objet. Il s‟agit d‟une première

analyse de la dimension praxéologique des activités langagières au travail.

3.3 Méthodologie pour l’analyse quantitative : calcul des occurrences et des

prévalences

L‟analyse quantitative des critères linguistiques vient valider les analyses qualitatives

présentant les critères comme caractéristiques de certains types de séquence. Il s‟agit

d‟observer les fréquences d‟apparition des critères dans chaque type de séquence pour

l‟ensemble des activités langagières du deuxième sous-corpus. Les nombres d‟occurrences et

les prévalences d‟un critère font apparaître le critère comme caractéristique d‟un type de

séquence en comparaison d'autres types de séquence où les occurrences et les prévalences ce

même critère sont inférieurs.

Après avoir délimité le deuxième sous-corpus, nous avons répertorié dans un tableau

tous les critères caractéristiques de nos sept types de séquences afin de réaliser une analyse

quantitative. Pour chaque séquence de ce sous-corpus, nous avons rapporté dans le tableau le

nombre d‟occurrences et la prévalence de ces occurrences (tableau en annexe 7) de tous les

critères repérés.

Le calcul des occurrences de quatre critères a nécéssité la détermination de quatre

principes :

Page 151: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

151

Tableau 16 : Principes méthodologiques pour quatre critères particulier pour l’analyse quantitative

Critères Principes Exemples

Nominalisations

Tenter de remplacer la

nominalisation par un

autre mot syntagme afin

de savoir si nous le

considérons ou pas

comme une

nominalisation.

« sensibilisation CM2 » (CoDir, CCI) est considérer

comme une nominalisation dans la mesure où nous

pouvons la remplacer par « sensibiliser les élèves de

CM2 »

Les pronoms

sujets

Ne compter qu‟une

occurrence dans le cas

de répétition.

« euh on on on: on fait passer de l‟information »

(CoDir 1, CCI) compte une seule occurrence de

« on » est comptée.

En revanche,

« on envoie on l‟envoie » compte deux occurrences.

Ne pas compter le

« on » ou le « je »

général

L4 après c‟est évident que si je suis bloquée je

vais rester à dire non je travaille pas j‟attends

que ce truc-là arrive et puis euh je fais 2006

bêtement quand j‟aurais fini 2005 mais à

force d‟ouvrir de refermer tu demandes à un

renseignement < tu t‟arrêtes=

L7 oui oui

L4 =sur le 2007 on te donne le renseignement du

2005 tu il y a des fois c‟est hard

(OF, réunion des responsables formateurs)

L1 moi je préfère entendre un formateur qui dise

bon et moi je suis coulé j’ai besoin d‟une

demi-journée pour me remettre à flot ou

plutôt que de masquer les choses de de bon si

il a besoin d‟une demi-journée on lui donne

(OF, réunion de responsables formateurs)

« On » et « je » en gras ne sont pas comptabilisés.

Marqueurs

organisationnels

Veiller au contexte pour

éviter les homonymes,

ainsi que les marqueurs

qui sont issus des

discours rapportés ou

dans la formulation

d‟hypothèses.

Exemples d‟éléments à ne pas prendre en compte

dans le calcul :

« c‟est de se dire bon si je mutualise des opérations

avec *D2*» (CoDir 1, CCI)

« Hein »,

marqueur

employé pour

demander

l‟attention de ses

interlocuteurs

Veiller au contexte.

L1 *C7* c‟est une action

L3 *C7* à peine

L1 hein

L3 à peine + à peine

(CoDir 1, CCI)

Ce « hein » est une demande de répétition et non un

marqueur demandant l‟attention.

Nous n‟effectuerons pas d‟analyse statistique, le corpus n‟étant pas suffisamment

étendu, mais une analyse quantitative à partir d‟un calcul des occurrences des critères et des

prévalences.

Page 152: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

152

La prévalence indique un rapport entre le nombre d‟occurrences dans une séquence et

le nombre total de mots de cette séquence. Nous présentons ci-dessous la formule adoptée et

les calculs opérés :

- Nombre d’occurrences : addition des nombres d‟apparition d‟un critère dans la

séquence, l‟interaction ou le sous-corpus.

- Prévalence des occurrences d’un critère x dans une séquence :

(Nombre d‟occurrences du critère x × 100) ÷ Nombre de mots de la séquence

Le résultat est exprimé en ‰

Prenons un exemple :

Terrain de

recherche

Activités

langagières

N° de

séquence

Nombre de mots

dans la séquence Déictiques

Prévalences des

déictiques (‰)

CCI CoDir 1 1 199 1 5,03

La séquence 1 comprend 199 mots dont 1 déictique. La prévalence de ce critère se calcule

ainsi : (1 × 100) ÷ 199 = 0,50, soit 5,03 ‰.

Pour connaitre la prévalence de plusieurs séquences, nous procédons ainsi :

Terrain de

recherche

Activités

langagières

N° de

séquence

Nombre de mots

dans la séquence Déictiques

Prévalences des

déictiques (‰)

CCI CoDir 1

1 199 1 5,03

5 247 1 4,05

8 698 2 2,87

3 séquences 1 144 4 3,49

La prévalence des occurrences de ces trois séquences :

(4 × 100) ÷ 1 144 = 0,349, soit 3,49 ‰.

Les calculs des prévalences ne sont pas applicables pour l‟analyse quantitative de

certains critères : les phases, puisqu‟elles structurent une séquence, les postures anticipatoires

qui sont transversales au sein de tours de parole, les négociations du rôle de scripteur, les

ruptures humoristiques les rappels informatifs, les présences d‟écrits professionnels et les

Page 153: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

153

usages d‟un langage opératif. Dans ces cas précis, ce qui importe c‟est la présence même de

ces critères dans la séquence.

Les prévalences d‟autres critères se calculent à partir du nombre de tours de parole :

les énonciations conjointes, et le degré d‟interactivité analysé à partir de la quantité de

chevauchements.

Page 154: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

154

Page 155: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

155

PARTIE 2 :

ÉTUDE DES CRITÈRES CARACTÉRISANT

DES SÉQUENCES ET DES TYPES LINGUISTIQUES POUR

LA RECHERCHE DE TYPES DE DISCOURS DANS DES

SITUATIONS DE TRAVAIL

Page 156: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

156

L‟objectif de notre recherche est de vérifier si nous pouvons linguistiquement

déterminer des types de discours produits dans des situations de travail. À partir d‟un corpus

de diverses activités langagières au travail, constitué dans quatre organisations, nous avons

établi deux sous-corpus à partir desquels nous avons pu repérer un certain nombre de critères

déterminant des types de séquence.

Dans cette partie, nous nous concentrons sur les caractéristiques linguistiques, en

prenant en compte les critères extra-linguistiques, tels que la situation d‟énonciation, les

statuts des locuteurs, le type d‟organisation, les activités et les tâches ainsi que les objectifs

des discours qui ont évidemment leur importance. Il semble nécessaire d‟analyser certaines

caractéristiques grammaticales et lexicales, ainsi que les types de constructions pour

déterminer les types de discours.

Notre hypothèse s‟appuie en effet sur l‟idée que chaque type de discours présente une

caractéristique langagière majeure que nous nommons « type linguistique » et que les

différents rapports entre langage et activité constitue des types de discours en situation de

travail. Nous pensons que l‟activité menée par les participants influe sur l‟activité langagière

et son organisation qui en deviennent typiques.

Le chapitre 4 sera consacré à l‟analyse qualitative et quantitative des critères

déterminant des types de séquence et des types linguistiques. Le chapitre 5 présentera les

types de séquence et les types linguistiques dominants dans l‟ensemble des discours en

situation de travail du sous-corpus 2 dans le but de déterminer le type de discours de chaque

activité langagière (réunions, séances de travail, conversations, etc.).

Page 157: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

157

CHAPITRE 4 :

Les critères identifiant des types de séquence et des types linguistiques pour la

caractérisation de types de discours dans des situations de travail

Nous avons procédé à une première analyse qualitative de notre sous-corpus 1

constitué de 28 séquences issues de différentes réunions de travail de diverses organisations.

Cette analyse nous a permis de rendre compte de différents rapports entre le langage et

l‟activité : le « langage sur le travail », le « langage comme travail » et le « langage dans le

travail », notions que nous reprenons de M. Lacoste (1995 et 2005 [2001]). Les analyses qui

suivent nous permettront de montrer que ces trois rapports (ou trois axes) constituent des

« types de discours » en situation de travail.

Dans ce chapitre, nous présentons la répartition des types de séquence et des types

linguistiques dans le deuxième sous-corpus, puis nous proposons une analyse qualitative et

quantitative de chaque type de séquence et de leurs critères pour nos trois types linguistiques :

« langage expositif », « langage de co-action » et « langage péri-professionnel ».

4.1 Présentation des différents types de séquence et des types linguistiques

Notre travail se fonde sur l‟hypothèse selon laquelle chaque type de discours présente

une caractéristique linguistique majeure que nous nommons « type linguistique ». Notre étude

nous a permis d‟en dégager trois : le « langage expositif » (ou « langage d‟exposition »), le

« langage de co-action » et le « langage péri-professionnel ». Ces types linguistiques sont

communs à plusieurs séquences. La figure 1 ci-après permet d‟illustrer la façon dont se

situent, les uns par rapport aux autres, les rapports entre le langage et le travail, les types

linguistiques et les types de séquence.

Page 158: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

158

Nous avons dégagé trois rapports entre le langage et l‟activité. L‟analyse de nos sous-

corpus fait apparaître trois types linguistiques, c‟est-à-dire trois types de langage à partir de

caractéristiques qui déterminent linguistiquement les rapports entre langage et activité. Ces

types linguistiques comprennent diverses types de séquence caractérisées elles-mêmes par des

critères. L‟analyse de nos sous-corpus nous a permis de dégager sept types de séquence

majeurs : séquences de conversation informelle, d‟échanges interstitiels, séquence descriptive,

encadrante, explicative, opérative et prescriptive. Aussi, nous avons relevé trois types de

séquence partageant les caractéristiques de plusieurs séquences : séquences

descriptive/prescriptive, opérative/explicative et opérative/prescriptive.

Type de

séquence

1.1.3

Rapport langage et activité 1 Rapport langage et activité 2 Rapport langage et activité 3

Type de discours 1.1 Type de discours 2.1 Type de discours 3.1

Type de

séquence

1.1.2

Type de

séquence

2.1.1

Type de

séquence

2.1.2

Type de

séquence

3.1.1

Type de

séquence

3.1.2

Type linguistique 1 Type linguistique 2 Type linguistique 3

Type de

séquence

1.1.1

Activité et langage

Figure 9 : Rapports entre langage et travail, les types linguistiques et les types de séquence

Page 159: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

159

Tableau 17 : Répartition des types de séquence dans notre sous-corpus 2

Types de séquence Nombre de

séquences Pourcentage

Séquences opératives 72 30,4%

Séquences descriptives 64 27,0%

Séquences prescriptives 22 8,8%

Séquences explicatives 18 7,6%

Séquences opératives/prescriptives 14 5,9%

Séquences de conversation informelle 12 5,1%

Séquences d'échanges interstitiels 12 5,1%

Séquences non déterminées (ND) 10 4,2%

Séquences encadrantes 9 3,8%

Séquences descriptives/prescriptives 1 0,4%

Séquences opératives/explicatives 1 0,4%

Séquences non considérées (NC) 2 0,8%

TOTAL 237 séquences 100 %

Graphique 1 : Répartition des types de séquence dans le sous-corpus 2

Page 160: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

160

Malgré les critères linguistiques, certaines séquences restent indéterminées par

manque d‟occurrences. Nous avons donc appelé ces séquences « ND » pour « non

déterminées ». Deux séquences sont annotées « NC » pour « non considérées », il s‟agit de

séquences de conversations téléphoniques lors de la séance de travail à l‟organisme de

formation. Il n‟est pas possible de les supprimer dans la mesure où elles ont un impact sur le

déroulement de l‟activité de travail. Dans ces séquences, les tours de parole des locuteurs au

téléphone ont été transcrits, mais n‟ont pas été analysés.

La répartition des séquences dans notre sous-corpus 2 fait apparaître quatre

dominances :

- les séquences opératives (30,4 %) appartenant au type linguistique « langage de co-

action » ;

- les séquences descriptives (27 %) appartenant au type linguistique « langage

expositif » ;

- les autres séquences de tous types linguistiques et que nous avons déterminées lors de

l‟observation de nos corpus : prescriptives, explicatives, encadrantes, séquences de

conversation informelle et celles d'échanges interstitiels, ce qui représente 30,4 % du sous-

corpus 2.

- les autres séquences ND, NC, ainsi que les séquences que nous avons seulement

identifiées lors de l‟analyse quantitative des séquences du sous-corpus 2 et qui partagent des

critères de deux types de séquence. Parmi ces dernières, certaines d‟entre elles peuvent être

catégorisées dans un type linguitique si elles partagent les critères de séquences appartenant à

un même type linguistique. L‟ensemble de ces séquences ND, NC et séquences dont les

critères sont partagés représentent 11,7 % du sous-corpus.

Certaines séquences présentent un point commun :

- l‟exposé du travail réalisé et en cours pour les séquences encadrante, descriptive et

prescriptive ; nous appelons ce type linguistique « langage expositif » ;

- la construction d‟un objet à partir du langage pour les séquences explicative et

opérative ; pour ce type linguistique, nous parlons de « langage opératif » ;

- la distance par rapport à l‟activité de travail et la dimension phatique pour les

séquences d‟échanges interstitiels et de conversations informelles, que nous

regroupons sous le type linguistique « langage péri-professionnel ».

Page 161: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

161

Notre corpus comporte donc trois types linguistiques différents, dont deux dominants :

les types linguistiques « langage expositif » et « langage de co-action ».

Figure 10 : Répartition des types linguistiques dans le sous-corpus 2

Types linguistiques Nombre de séquences

par type linguistique

Pourcentage par rapport au

nombre total de séquences

Langage expositif 96 40,5 %

Langage de co-action 91 38,4 %

Langage péri-professionnel 24 10,1 %

Type linguistique des séquences

non comptabilisées (NC) 2 0,8 %

Type linguistique non déterminé

(ND) 24 10,1 %

TOTAL 237 100 %

Graphique 2 : Répartition des types linguistiques dans le sous-corpus 2

Le sous-corpus 2 est constitué de presque autant de séquences appartenant au type

linguistique du langage de co-action (38,4 %) que de séquences appartenant au type

linguistique du langage expositif (40,5 %). Les séquences appartenant au type linguistique du

langage péri-professionnel ne représentent que 10,1 %, tout comme les séquences non

déterminées (ND).

Page 162: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

162

4.2 Le type linguistique « langage expositif » : séquences et critères

À partir de l‟observation de notre corpus et sous-corpus 1, nous avons pu identifier un

premier type linguistique que nous nommons « le langage expositif » ; les interlocuteurs

présentent à l‟ensemble des responsables de l‟organisation le travail réalisé au sein de leur

service, les objectifs et les résultats obtenus. A. Borzeix parle de « l‟explicite après coup »

(2005 [2001] : 62), car on commente ce qui a été fait et décidé. Ce type linguistique est

caractérisé par l‟acte d‟exposer, de présentation du travail réalisé et d‟anticipation sur les

prochaines activités du service. Les participants font le bilan des actions menées au sein de

leur service et annoncent leurs intentions et objectifs. Les séquences où les locuteurs

présentent (exposent) les tâches effectuées, les résultats et les objectifs, relèvent des

spécificités du langage que nous nommerons « langage expositif », notion que nous

empruntons à M.-J. Bessom (1993). Cet auteur définit le discours expositif à partir de la

définition qu‟en donne P. Boscolo : « Discours dont le but général est l‟apport de

connaissance et la transmission de savoirs » (M.-J. Bessom, 1993 : 43, cite P. Boscolo, 1990).

Dans ce « langage expositif », nous identifions trois types de séquence caractéristiques

qui s‟alternent ou s‟enchevêtrent : les séquences encadrante, descriptive et prescriptive. Ces

séquences ont en commun le trait de l‟exposition et renvoient à des caractéristiques

linguistiques.

4.2.1. La séquence encadrante

Les séquences encadrantes sont les séquences d‟ouverture et de clôture présentes le

plus souvent dans les réunions ; assez courtes, elles annoncent et préparent l‟exposition qui va

suivre ou closent la réunion de travail :

Certains types de séquence se prêtent tout de même mieux que d‟autres à la généralisation, dans la

mesure où elles sont plus fortement grammaticalisées : c‟est en particulier le cas des séquences

d’ouverture et de clôture. La plupart des interactions se déroulent en effet selon le schéma global :

(1) Séquence d‟ouverture

(2) Corps de l‟interaction (qui peut lui-même comporter un nombre indéterminé de séquences)

(3) Séquence de clôture,

Les séquences encadrantes (1) et (3) étant forcément « ritualisées » Ŕ ce qui signifie à la fois qu‟elles

ont une fonction essentiellement relationnelle, et une structure fortement stéréotypée Ŕ, tandis que les

séquences constitutives de (2) ont une organisation beaucoup plus aléatoire et polymorphe. En d‟autres

termes, le paradigme des échanges possibles est au début de l‟interaction relativement restreint, puis il

s‟élargit considérablement, pour se resserrer à nouveau sur la fin. (C. Kerbrat-Orecchioni, 1990 : 220)

Page 163: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

163

Pour notre part, nous considérerons et analyserons les séquences d‟ouverture et de

clôture comme des séquences à part entière et nous les appellerons « séquences encadrantes ».

L‟ouverture est menée par un responsable qui se charge d‟ouvrir l‟interaction en

rappelant le contexte, l‟objectif et la façon dont va être menée la réunion ou de la séance de

travail. Dans certaines réunions de travail, cette séquence d‟ouverture comprend également

l‟attribution du premier tour de parole par le leader69

. La clôture, quant à elle, formalise la fin

de la réunion. Un des locuteurs prend en charge l‟acte de clore la réunion. Par exemple, les

comités de direction réunissent les responsables de chaque service autour du directeur et du

secrétaire général, les objectifs étant, pour chaque personne, de faire le point sur le travail qui

a été réalisé, sur le travail en cours de réalisation, ainsi que sur les objectifs que chacun

poursuit au sein de son service. Ce type de réunion fait appel à un leader, qui est bien souvent

un supérieur hiérarchique et qui va gérer à la fois l‟ouverture et la clôture des thèmes et de la

réunion, l‟approbation des points énoncés, le recadrage des sujets, les demandes de précisions,

le pointage d‟éventuels problèmes, les tours et les temps de parole ; il va également intervenir

sur les contenus des discours des participants. C. Kerbrat-Orecchioni explique les processus à

l‟œuvre lors de la séquence d‟ouverture :

En ce qui concerne la séquence d‟ouverture, ses fonctions, que l‟on regroupe un peu trop commodément

sous le terme de « phatique », sont en réalité multiples et diverses : il s‟agit à la fois de rendre possible

l‟échange, et de l‟amorcer ; en détaillant un peu les diverses tâches que l‟on a à accompagner : assurer

l‟ouverture du canal, établir le contact physique et psychologique, faire connaissance avec l‟autre ou

manifester sa reconnaissance de l‟autre, « donner le ton », opérer une première mais décisive

« définition de la situation » Ŕ c'est-à-dire que la phase d‟ouverture comporte de nombreuses

négociations, explicites ou implicites, en ce qui concerne les identités, la relation, le but de la rencontre,

son type et son style, et parfois, son existence même : lorsque l‟initiative de la rencontre est unilatérale,

son responsable a à faire admettre sans l‟espace de l‟autre, et à « réparer » par des excuses ou des

justifications l‟incursion territoriale qu‟il inflige à son partenaire. (1990 : 221)

C‟est précisément dans la séquence d‟ouverture que nous percevons clairement le rôle

de gestion de la réunion par le responsable (le directeur, nommé L1). En ouvrant la réunion, il

« donne le ton », « amorce l‟échange » (C. Kerbrat-Orecchioni, ibid.), donne la parole et

rappelle les consignes (ceci faisant partie des « nombreuses négociations » que comporte la

phase d‟ouverture). Dans les autres réunions telles que les revues de direction ou les réunions

rassemblant des responsables et un dirigeant, c‟est le dirigeant qui aura le rôle de leader. Pour

69

Le responsable se présente comme le « leader » et est le plus souvent le supérieur hiérarchique. C. Kerbrat-

Orecchioni parle de « modérateur plus ou moins extérieur à l‟interaction […], distributeur officiel des tours qui

occupe la position haute du chef d‟orchestre » (1992 : 86-87). Il ouvre et clôt les réunions, il introduit les

nouveaux thèmes : c‟est le meneur de l‟interaction. En effet, selon C. Kerbrat-Orecchioni, « l‟ouverture du

dialogue est souvent réservée aux sujets occupants dans l‟interaction une position dominante » (Ibid).

Page 164: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

164

ce qui est des réunions internes, comme celles que nous avons pu observer à la CCI, c‟est la

personne à l‟initiative de la réunion qui ouvrira la réunion et se chargera de la prise de notes et

des comptes-rendus. Quant aux séances de travail, comme celle qui a eu lieu à l‟organisme de

formation, le travail de rédacteur sera négocié, mais il n‟y a pas de rôle de leader déterminé.

Voici quelques exemples d‟ouverture et de clôture de réunions prélevés dans notre corpus :

Page 165: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

165

Tableau 18 : Les séquences encadrantes de notre corpus

Réunions Séquence d‟ouverture Séquence de clôture

CCI, CoDir 1

L1 allez *Lp4* c‟est *Lp4* qui démarre donc je vous invite à

prendre son document < euh=

+ +

L1 c‟est bon ?

LX hum

L1 merci beaucoup + la séance est levée

+ + {Les participants se lèvent et s’en vont}

CCI, CoDir 2 L1 bon + quelques petits mots j‟en (n‟)ai pas forcément beaucoup

donc euh: cette semaine nous avions *Ev1* sur *V1* +

L1 bon il est midi dix

{Les participants se lèvent et s’en vont}

CCI, réunion

interne 1

L1 donc euh: on est en réunion euh de travail interne entre le

Service Commerce le Service Observatoire pour: une étude que

l‟on conduit sur la communauté de communes *CC1*

L1 bon ben on est bon on s‟arrête là

{Les participants se lèvent et s’en vont}

CCI, Réunion

interne 2

L2 alors quand on s‟était vu en janvier on avait euh: commencé à

regarder ce que pouvait être les actions à conduire derrière euh

les deux euh: propositions qui étaient d‟a- de conforter le: le

commerce de centre-ville soutenir le commerce de centre-ville

et diversifier l‟offre commercial

La clôture se fait en deux temps :

L2 ça y est on a fini

[…]

+

L2 alors donc la prochaine fois on est euh sur la finalisation des

fiches

L2 vous avez vos agendas ?

{Choix d’une date pour la prochaine réunion}

GIS, CoDir 1

L1 bien ben écoutez on va on va démarrer bon je propose de

démarrer l‟ordre du jour par les affaires générales et et tout ce

qui touche à la communication en général donc

La clôture se fait en deux temps :

L1 bien est-ce qu‟il y a d‟autres euh points qu‟on (n‟)aurait pas

abordés les uns les autres + c‟est bon donc euh tout le monde va

à la convention euh demain alors apriori oui

L3 moi je voudrais juste

[…]

L1 bien c‟est bon bonne semaine à tous […] nous terminons cette

séance […] eh bien bon travail pour cette première séance alors

hein et puis à la prochaine séance qui aura lieu je sais plus

quand

{Les participants se lèvent et s’en vont}

GIS, CoDir 2

+ +

L1 bon on va démarrer hein alors euh pour les informations

GENErales euh:

L1 bien < on a fait le tour

[…]

L1 c‟est bon ? bonne semaine

{Les participants se lèvent et s’en vont}

GIS, Revue de L1 bon on est au complet là ouais un deux trois quatre trois quatre L1 bien bonne semaine à vous *

Page 166: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

166

direction/Revue de

projets

Serge euh Serge il est en congé euh:

LX ***

L1 *** + vous pouvez peut-être venir ici non Jean-Luc parce que

bon {et lui indique la place à côté de lui} vous allez avoir un

torticolis {Jean-Luc se déplace} bon il y a quelques absents

aujourd‟hui + bien alors on démarre + donc

{Les participants se lèvent et s’en vont}

Réunion de service

(ALRC), GIS

L1 on est tous au complet

/// {L1 se prépare à commencer la réunion}

L1 compte-rendu de la dernière fois des remarques + bon ben on y

va c‟est bon + pas de: pas de soucis particuliers + bien on va

passer aux informations générales

+

L1 + bien + ok + alors restez quand même très vigilant hein je sais

bien que vous faites le maximum mis euh faut surtout pas

baisser la garde au niveau des des impayés c‟est sûr que il y

aura quelque chose par rapport à la situation fragile

économique qu‟on connait à l‟heure actuelle mais bon + il y a

quelquefois c‟est des petits montants qu‟il faut récupérer ça fait

partie ça fait après des grosses des grosses *

+

{Les participants se lèvent et s’en vont}

CoDir 2, Entreprise

de transport

L1 euh les élections ont eu lieu tout le monde a été élu est élu + ça

s‟est fait dans la douleur et puis après euh ça s‟est fait tout seul

donc euh +

L1 bon alors donc on reporte au onze avril et ben on aura peut-être

d‟ici là les + mais toute façon euh on on fera un rapport de ce

qui se de ce qui se dira ou des pistes qui ont été apportées euh

on va faire cette réunion là et on on va laisser huit jours de

réflexion /pour, faut/ qu‟on refasse une réunion pour savoir ce

que chacun apporte

+ +

L1 ça y est

{Fin de la réunion. Les participants se lèvent et s’en vont.}

CA 1, OF

L4 voilà donc l‟ordre l‟ordre du jour on va y on va: on va attaquer

par l‟ordre du jour donc

+

L5 c‟est bon ? + c‟est bon ?

L4 oui oui

{Les participants se lèvent et s’en vont}

CA 2, OF

L5 donc on a un ordre du jour assez chargé là on a appr- approuvé

le compte-rendu du CA précédent + est-ce qu‟il y a des

L6 faut distribuer

La clôture se fait en deux temps :

+

L5 c‟est on lève le: + c‟est bon vous aviez des:

L1 < ouais non c‟est bon

[…]

+

L5 je vous remercie

{Les participants se lèvent et s’en vont}

Page 167: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

167

Afin d‟illustrer ce type de séquence encadrante, analysons une séquence de notre

corpus : séquence issue du CoDir 1 de la CCI. Cette réunion compte sept participants : le

directeur, six chefs de service dont un qui est également le secrétaire général de

l‟organisation.

Séquence 2, CoDir 1, CCI :

1. L1 allez *Lp4* c‟est *Lp4* qui démarre donc je vous invite à prendre son document <

euh=

2. L4 c‟est > pour me réveiller

3. L1 =budget 2008 CCI *D1* donc ce que je vous avais dit dans un premier temps on va

parcourir les documents euh les projets euh de plan(s) d‟action qui vont être présentés

au bureau + on les commente on les on les discute hein vous avez tous un exemplaire

donc vous avez tous POSSIbilité de faire: des observations ou pas et puis euh: une fois

que c‟est fait on valide et on passe au suivant ok

4. L4 ça marche

5. L1 allez vas-y *Lp4*

Dans cette réunion, c‟est le directeur qui se charge de l‟ouverture. La séquence que

nous allons analyser introduit la réunion et permet au directeur de donner les instructions à

suivre pour le déroulement de la réunion et attribue le premier tour de parole.

Il convient tout d‟abord de replacer cette séquence dans son contexte. Les locuteurs

entrent dans la salle de réunion, se saluent et commencent à discuter de façon informelle les

uns avec les autres. Le responsable (le directeur) donne une information sur la venue d‟une

personne qu‟il a sollicitée, il y a quelques temps, avec le secrétaire général, pour travailler sur

un projet. Le directeur, qui va diriger la réunion, après s‟être absenté pour répondre au

téléphone et une fois que tous les participants sont installés et silencieux, ouvre la réunion de

manière indirecte en donnant la parole à L4 : « allez *Lp4* c‟est *Lp4* qui démarre donc je

vous invite à prendre son document » (tour de parole 1). Cette ouverture par L1 est marquée

par une intonation fortement montante, puis descendante dans « allez *Lp4* ». L‟utilisation

de cette intonation montante marque une rupture avec les discussions précédentes et une

ouverture vers un autre « type » d‟échange plus formel.

L1 attribue le premier tour de parole à L4 en lui demandant de commencer à présenter

les activités de son service. L1 emploie pour cela des formes à l‟impératif : « allez *Lp4* »

(premier tour de parole) et « allez vas-y *Lp4* » (tour de parole 5). E. Roulet explique

l‟emploi de ce mode :

Page 168: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

168

L‟emploi de la tournure impérative situe le locuteur dans une position de force par rapport à

l‟interlocuteur et met celui-ci dans une situation de réagir par une action, de faire. (1980 : 90)

L‟emploi de cette tournure syntaxique particulière, présentant des formes impératives,

positionne L1 et L4 de façon spécifique où L1 gère l‟interaction. L‟emploi de tournures

impératives oblige L4 à l‟action, à « faire dire », c'est-à-dire, dans ce cas présent, à prendre la

parole et à présenter les travaux de son service. Le démarrage de cette réunion est particulier,

puisque L1 invite un locuteur, L4, à commencer : « allez *P4* c‟est *P4* qui démarre »

(premier tour de parole), mais c‟est finalement L1 lui-même qui commence :

« =budget 2008 CCI *D1* donc ce que je vous avais dit dans un premier temps on va parcourir les

documents euh les projets euh de plan(s) d‟action qui vont être présentés au bureau + on les commente

on les on les discute hein vous avez tous un exemplaire donc vous avez tous POSSIbilité de faire: des

observations ou pas et puis euh: une fois que c‟est fait on valide et on passe au suivant ok » (tour de

parole 3)

Avant que L4 ne prenne la parole et ne commence à parler des activités de son service, le

directeur rappelle les consignes du déroulement de la réunion en employant des structures à

valeur injonctive : « on va parcourir les documents euh les projets euh de plan(s) d‟action »,

« on les commente on les on les discute », « une fois que c‟est fait on valide et on passe au

suivant » (tour de parole 3). L1 donne les consignes de travail avant de commencer la

réunion ; il décrit les étapes à suivre dans le travail à plusieurs. Cet acte lui permet de rappeler

son autorité.

L‟emploi du temps du présent de l‟indicatif dans ces énoncés à valeur injonctive

permet d‟ancrer les participants dans l‟action. De plus, l‟emploi du pronom « on », référant à

tous les participants de la réunion, indique non seulement une réelle implication de la part de

celui qui l‟énonce, mais permet de solliciter implicitement une collaboration dans le travail.

L‟emploi du marqueur interactif « hein » vient appuyer les structures à valeur injonctive de

L1 en réclamant indirectement l‟attention et la collaboration de tous les participants. L1

appelle donc le groupe à écouter L4 et ce en se référant au document nécessaire : « c‟est

*Lp4* qui démarre donc je vous invite à prendre son document » (tour de parole 1).

Les situations de communication au travail sont bien souvent accompagnées de

documents servant, selon les situations, soit de supports, soit de feuilles de travail. Dans ce

CoDir, des supports écrits sont distribués à tous les locuteurs, par chacun des participants

invités à présenter les travaux de son service et donc figurant dans l‟ordre du jour. Ces

supports sont parfois envoyés par voie électronique peu avant la réunion afin de ne pas perdre

Page 169: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

169

de temps dans la distribution des documents. Ainsi, tous les participants ont sous les yeux les

principales informations que les chefs des services vont annoncer. Ces documents offrent des

clefs aux participants pour le suivi des discours, mais seront aussi parfois corrigés par

l‟ensemble des membres du CoDir lors de la réunion et remis au propre par l‟auteur après

cette réunion pour être présentés au bureau. Cela est d‟ailleurs rappelé par L1 lors de l‟énoncé

des consignes à l‟ouverture de la réunion : « on va parcourir les documents euh les projets euh

de plan(s) d‟action qui vont être présentés au bureau ». L1 s‟assure ensuite que tous les

participants ont un exemplaire : « vous avez tous un exemplaire » et ajoute « donc vous avez

tous POSSIbilité de faire: des observations ou pas » qui lui permet de demander indirectement

la participation de chacun et de rendre possible une réflexion collective.

Après avoir rappelé les consignes et cadré la réunion, L1 appelle l‟accord des

participants avec « ok », marqué d‟une forme interrogative (intonation montante). L4 accepte

les consignes de L1, au nom de toute l‟équipe par « ça marche » (tour de parole 4). L1

reprend ensuite la parole en reprenant la même structure que celle qu‟il énonçait lorsqu‟il

avait donné la parole à L4 dans le premier tour de parole « allez *Lp4* » :

1. L1 allez *Lp4* c‟est *Lp4* qui démarre donc je vous invite à prendre son document < euh=

2. L4 Réactions/commentaires

3. L1 Rappel des consignes

4. L4 Acceptation des consignes au nom de tous les locuteurs

5. L1 allez vas-y *Lp4*

La séquence s‟achève alors avec un effet de bouclage ; L1 avait ouvert la réunion avec « allez

*Lp4* c‟est *Lp4* qui démarre » (premier tour de parole), puis, seulement après avoir

rappelé les instructions, il laisse la parole à L4 avec « allez vas-y *Lp4* » (tour de parole 5).

Cette séquence montre clairement le rôle d‟un leader chargé de gérer la réunion. Cette

particularité est caractéristique des CoDir ; en effet, dans les autres situations professionnelles

telles que les réunions internes, les séances de travail ou les conversations entre collègues,

nous ne percevons pas de leader gérant l‟organisation des échanges (temps de parole, tours de

parole). Les réunions dans lesquelles un supérieur hiérarchique gère l‟interaction semblent

présenter un langage plutôt orienté vers la description, les commentaires, l‟évaluation du

travail réalisé, du travail en réalisation (projet en cours) et/ou du travail à réaliser et parfois

vers l‟explication.

Page 170: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

170

La séquence encadrante est donc une séquence courte qui ouvre ou qui clôt un thème

ou une réunion. Elle initie la collaboration et, dans certaine réunion, elle est marquée la

présence d‟un leader qui va gérer l‟interaction, c‟est-à-dire qui va gérer les tours de parole et

les thèmes abordé et à aborder. Ce type de séquence est la seule à ne pas être caractérisée par

des critères linguistiques.

4.2.2. La séquence descriptive

Notre analyse de la séquence descriptive est inspirée des travaux de J.-P. Bronckart

(1997). Pour ce dernier, cette séquence comprend des opérations destinées à faire voir. En

effet, dans ce type de séquence, le locuteur décrit et développe un point. J.-M. Adam décrit

également ce type de séquence qu‟il différencie de la séquence narrative par l‟organisation

des propos par le scripteur ; il se réfère à « Vannier [qui,] par exemple, en 1912, souligne que

dans la description, l‟ordre des parties est facultatif, le scripteur est maître de son plan. » (J.-

M. Adam, 1992 : 77). Nous avons pu constater ce même phénomène : le locuteur (le

« scripteur » si nous reprenons le terme de J.-M. Adam) a rédigé et organisé ses propos avant

de les soumettre à ses collaborateurs.

Ce type de séquence est déterminé par des critères linguistiques, mais a aussi cette

particularité d‟être composée la plupart du temps de trois phases majeures qui se suivent dans

un ordre hiérarchique. Dans un premier temps, nous présenterons les phases, que nous avons

identifiées comme étant le critère principal, puis nous nous concentrerons sur les critères

secondaires, à savoir les critères linguistiques.

4.2.2.1 Critère principal de la séquence descriptive : les phases

Nous commencerons par présenter l‟analyse qualitative des phases, puis l‟analyse

quantitative de ce critère principal dans l‟ensemble des séquences des activités langagières au

travail appuiera notre première approche.

Page 171: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

171

a. Analyse qualitative des phases

Les séquences de notre corpus font apparaître les phases organisant la séquence

descriptive qui ont été observées par J.-M. Adam (1992), puis par J.-P. Bronckart (1997), à

l‟écrit et à l‟oral. Pour J.-M. Adam, la séquence descriptive est organisée selon trois phases

(qu‟il nomme des macro-propositions), où se manifestent trois types de procédures : la

procédure d‟ancrage, la procédure d‟aspectualisation et la procédure de mise en relation

(1992 : 85-94). La terminologie de J.-M. Adam nous a semblé appropriée à l‟analyse de notre

séquence et de ses phases.

- la première phase, phase d‟ancrage, est caractérisée par la description du thème, lui-

même introduit par un énoncé-titre (ou « thème-titre ») généralement en début de séquence et

parfois répété au sein de la séquence lors de reformulations.

- la seconde phase, phase d‟aspectualisation, correspond à l‟énumération d‟éléments se

rapportant à l‟énoncé-titre : le thème est développé et se trouve bien souvent décomposé en

plusieurs parties mises en relation. Il est alors possible d‟observer des sous-thématisations,

c‟est-à-dire qu‟un thème peut être découpé en plusieurs parties, elles-mêmes découpées en

sous-thèmes.

- lors de la dernière phase, phase des questionnements et de mise au point, il s‟agit de

reprendre certains des points qui viennent d‟être présentés par l‟un des interactants. Cette

dernière phase, que nous nommons « phase de régulation », ne correspond pas tout à fait à

celle décrite par J.-M. Adam et par J.-P. Bronckart. Ce dernier a observé une phase de mise en

relation dans laquelle « les éléments décrits sont assimilés à d‟autres par des opérations à

caractère comparatif ou métaphorique » (1997 : 226-227). Notre corpus et notre analyse nous

conduient à apporter une nuance quant à cette dernière phase qui, selon nos observations,

comprend des questions posées par les interactants à la suite de la phase d‟aspectualisation,

des réponses, ainsi que l‟expression d‟accords ou de désaccords, et la clôture du thème.

Contrairement à J.-M. Adam et J.-P. Bronckart, nous n‟avons pas observé de phénomènes de

comparaison entre les thèmes abordés.

Deux exemples tirés de notre corpus illustrent cette organisation en phases :

Page 172: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

172

Exemple 1.

Cet exemple de séquence descriptive ne contient que deux phases : phase d‟ancrage et phase

d‟aspectualisation. Il n‟y a ni questionnement, ni commentaires de la part des locuteurs,

seulement une approbation du directeur (L1).

Séquence 3 du CoDir 1, CCI

1. L4 donc notre: budget 2008 euh en ce qui concerne le Service

Commerce Service et Tourisme

donc un rappel de la composition de notre service donc euh *Pp4*

*Pp5* /votre, notre/ serviteur et avec un appui euh qui est celui de

*Ppn6* + avec donc une organisation où *Pp4* est plutôt dédiée au

tourisme et elle vient en appui lorsque au au fil des projets nous

avons BESOIN de sa présence dans le service

2. L1 hum

3. L4 alors notre notre objectif c‟est de répondre à notre orientation numéro

trois je la je la rappelle accompagner le développement des

entreprises des secteurs du commerce et du tourisme dans l‟animation

de leur(s) réseau(x) et dans la VALOrisation de leurs compétences

donc deux axes animation des réseaux valorisation des compétences à

travers une démarche collective des actions collectives et également

des actions individuelles alors la première feuille dans un premier

temps il s‟agit de répondre à l‟objectif de L‟ANIMAtion des réseaux +

c‟est la feuille deux /bis, dix/ hein + avec euh une sous-rubrique +

aider les *A1* à s‟organiser par des actions structurantes euh

auparavant je tiens à rappeler le MONTANT du budget global du

service c‟est peut-être un élément imp- important

4. L1 hum

5. L4 donc euh en ce qui concerne la partie commerce *C1* euros et en qui

concerne la partie tourisme *C2* euros

6. L1 hum c‟est ça

Phase d’ancrage

L4 donne le thème avant de commencer sa description.

Phase d’aspectualisation

L4 développe le thème qui se décompose en plusieurs parties : objectif, les axes et le budget. L’ouverture de cette phase s’effectue par le marqueur « donc ».

Page 173: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

173

Exemple 2.

Cet extrait de séquence descriptive comporte quant à lui les trois phases caractéristiques de la

séquence descriptive : phase d‟ancrage, phase d‟aspectualisation et phase de questionnement

et commentaires.

Extrait de la séquence 6 du CoDir 1, CCI

+

1. L4 sur donc: l‟aspect tourisme: donc un travail qui va être

effectué cette année d‟édition euh de plaquettes

+ alors euh première thématique les séminaires euh dans

notre beau pays surtout avec une vision tourisme d‟affaires

euh les saveurs de *D1* et les camping-cars donc à chaque

fois euh l‟objectif c‟est de faire un ETAT des lieux de la

disponibilité et le diffuser auprès des professionnels d‟abord

dans notre réseau interne bien évidemment et d‟aller les

chercher à l‟EXTErieur euh donc pour ça on s‟appuiera euh

c‟est pas forcément euh noter mais c‟est l‟objet de la

quatriunième {sic}quatrième ligne

(3 tours de parole)

6. L3 tourisme > d‟affaires c‟est quoi c‟est visites d‟entreprise et

cetera

7. L4 voilà tout à fait c‟est surtout euh l‟accueil d‟un certain

nombre d‟entreprises ayant déjà un ** endogène < qui existe

8. L3 hum ouais >

9. L4 mais qui n‟ont pas < forcément de structures

10. L3 hum ouais >

11. L4 et donc on sera là pour les aider les orienter puis euh peut-

être des entreprises plus périphériques qui souhaitent

également découvrir notre pays

12. L3 hum

13. L1 il a raison *Lp3* parce que quand on marque pour définir des

cibles de particuliers aux tourismes d‟affaires euh or les

tourismes d‟affaires si on les intègre dans les adresses on n‟a

pas de support pour eux ah si séminaire(s) < tourisme

(7 tours de parole)

Phase d’ancrage

L4 annonce le thème consacré au tourisme.

Phase d’aspectualisation

L4 développe le thème qui se décompose en plusieurs thématiques. Il développe la première thématique qu’il annonce par un énoncé-titres (« première thématique les

séminaires »).

Phase de questionnement

L3 demande des précisions, puis L1 fait

quelques commentaires.

Page 174: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

174

b. Analyse quantitative des phases

Les séquences descriptives ne sont pas systématiquement organisées en phases.

Certaines ne sont caractérisées que par d‟autres critères, étudiés à la suite de l‟analyse

quantitative des phases. Cette organisation en phases concerne toutefois 76,5 % des séquences

descriptives ; les analyses suivantes en témoignent.

Dans les analyses quantitatives suivantes, nous présentons le nombre de

manifestations de ce critère. Une séquence organisée en phase suppose la présence de la phase

d‟ancrage, la phase d‟aspectualisation et parfois la phase de questionnement. Nous ne

pouvons calculer de prévalence dans la mesure où il s‟agit de phases comprenant un ensemble

variable de mots. Ce qui est important dans l‟analyse de ce critère, c‟est la présence même de

phases.

CoDir 1, CCI

Tout d‟abord, au sein du CoDir 1 à la CCI, nous comptons 72 séquences dont 31 sont

des séquences descriptives. Trois séquences descriptives seulement ne comportent pas le

critère principal (les séquences 1, 17 et 58), soit 9,3 % des séquences de ce type.

CoDir 2, entreprise de transport

Cette réunion CoDir compte 16 séquences dont 10 sont des séquences descriptives.

Parmi elles, 3 ne sont pas organisées en phases (soit 19 %).

CoDir 2, GIS

Le CoDir du GIS compte 20 séquences dont 9 sont des séquences descriptives (soit

45 %). Parmi ces 9 séquences, 5 ne sont pas organisées en phases.

Réunion interne 1, CCI

La réunion interne 1 de la CCI compte 26 séquences dont 9 séquences descriptives.

Parmi ces 9 séquences, 2 ne sont pas organisées en phases.

Dans les autres réunions

Dans les autres réunions, il y a très peu de séquences descriptives, seulement une,

voire deux :

Page 175: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

175

- la réunion des responsables-formateurs de l‟organisme de formation dénombre

36 séquences dont une seule est une séquence descriptive (soit 2,8 %) qui ne

s‟organise pas en phases.

- la séance de travail menée au sein de l‟organisme de formation compte 38 séquences

dont deux seulement sont des séquences descriptives (soit 5,3 %) et ne s‟organisent

pas en phases.

- la première partie de la réunion qui a eu lieu au sein de l‟organisme de formation avec

deux organismes présentent 7 séquences (soit 14,3 %) dont une seule est descriptive et

ne s‟organise pas en phases.

- les activités langagières au sein de l‟entreprise de transport comptent 13 séquences

dont une seule est une séquence descriptive (soit 7,7 %) qui ne s‟organise pas en

phases.

Pour conclure, sur 64 séquences descriptives dans notre sous-corpus, seules 15 ne

comportent pas de phases, soit 23,4 %. Sur ces 15 séquences, 7 sont des séquences issues de

réunions ne relevant pas du type linguistique « langage expositif », c‟est-à-dire des séquences

minoritaires.

Tableau 19 : Synthèse des séquences descriptives organisées en phases

Nombre de séquences dans le sous-corpus 2 237

Nombre de séquences descriptives dans le

sous-corpus 2

64

soit 27 % des séquences du sous-corpus 2

Nombre de séquences descriptives

organisées en phases

49

soit 76,5 % des séquences descriptives

Nombre de séquences descriptives n’étant

pas organisées en phases

15

soit 23,4 % des séquences descriptives

La majorité des séquences descriptives est organisée en phases (76,5 % d‟entre elles).

Ainsi, nous pouvons dire que les phases constituent véritablement le critère déterminant la

séquence descriptive.

D‟autres critères viennent caractériser la séquence descriptive : ce sont les critères

linguistiques (critères secondaires).

Page 176: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

176

4.2.2.2 Les critères secondaires de la séquence descriptive : les critères linguistiques

Nous allons développer les critères linguistiques qui nous permettent de caractériser la

séquence descriptive. Pour chaque critère, nous présenterons une analyse qualitative dans

l‟ensemble séquences des réunions du sous-corpus 2, afin de vérifier leur caractère

typologisant.

4.2.2.2.1. Premier critère linguistique : les nominalisations

Nous présenterons l‟analyse qualitative des nominalisations puis l‟analyse quantitative

des occurrences et de leurs prévalences dans les divers types de séquence des réunions de

travail du sous-corpus 2.

a. Analyse qualitative des nominalisations

Les réunions mettant en avant un langage expositif présentent un certain nombre de

« nominalisations de langue ». Si nous nous référons au Dictionnaire de linguistique, ce terme

nominalisation est défini par J. Dubois et al. comme suit :

Une nominalisation est une transformation qui convertit une phrase en un syntagme nominal et qui

l‟enchâsse dans une autre phrase dite « phrase matrice » : la phrase enchâssée joue alors le rôle d‟un

syntagme nominal. (1973 : 340)

Pour nos anayses, nous retiendrons cette notion de phrase, ou d‟énoncé, reprise par un

syntagme nominal.

G. Guillaume (2002) a différencié deux types de nominalisation : les nominalisations

de langue (arrivée => arrivage) et les nominalisations de discours (il arrive => j’attends son

arrivée => j’attends qu’il arrive). Il existe en effet plusieurs types de nominalisation :

- La nominalisation à base adjective :

La nominalisation reprend un adjectif. Par exemple « Ce service est performant » devient :

« Cette performance est un atout pour l‟entreprise ».

- La nominalisation à base verbale :

Page 177: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

177

La nominalisation reprend un verbe. Par exemple « Les bénéfices ont diminué. » devient

« Cette diminution (ou cette baisse) est due à l‟absence d‟une partie du personnel ».

- La nominalisation à base complétive :

La nominalisation reprend une proposition complétive. Par exemple : « On a constaté que les

prix avaient fortement augmenté » devient : « On a constaté une forte augmentation des

prix ».

Dans le phénomène des nominalisations, nous retenons ces trois types. Ce qu‟il est

intéressant d‟observer est le moment et le lieu des manifestations de ce procédé.

Selon R. Lagane, cette particularité que constitue la nominalisation est très présente

dans les articles de presse :

La nominalisation est un moyen grammatical utilisé dans la langue écrite pour construire les phrases des

narrations et des exposés ; les nominalisations accroissent la densité d‟un texte, permettent de

hiérarchiser les données de l‟expérience et les argumentations. (1971 : 34, cité par S. Moirand,

1975 : 60)

Les nominalisations de langue reflèteraient un langage professionnel et apparaîtrait

comme un trait caractéristique récurrent dans les discours scientifiques et dans divers

documents de travail.

S. Moirand a étudié le rôle de la nominalisation dans les discours de la presse :

Sur le plan de l‟expression écrite, la nominalisation aide le scripteur à avancer dans le discours,

facilitant ainsi l‟enchaînement des propositions. (S. Moirand, 1978 : 63)

La nominalisation permettrait alors au scripteur, ou à l‟auditeur, d‟être plus précis et de

synthétiser ses propos. Plus récemment, C. Rouget explique :

Il est connu que l‟écrit scientifique présente une concentration remarquable de nominalisations, que je

définirai de façon vague pour commencer : formes nominales apparentées à un verbe. (2000 : 296)

Si l‟utilisation des nominalisations est si importante c‟est aussi parce qu‟elle permet au

locuteur de résumer et de donner des informations sans que celles-ci soient misent en cause et

rediscutées. Le locuteur expose une situation, un fait, et ne s‟attend pas à ce qu‟un élément

soit remis en cause, car il ne s‟agit pas de discuter ou de travailler sur des aspects de la

situation en question, il s‟agit seulement de les exposer, ce qui est l‟objectif même du type

linguistique « expositif », de donner des informations sans les discuter. Si nous prenons

comme exemple ces énoncés a) et b), nous passons de l‟affirmation au supposé :

- Mes analyses sont exactes.

Page 178: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

178

- L‟exactitude de mes analyses.

Il se trouve que les nominalisations ne sont pas seulement une caractéristique du

langage scientifique et journalistique, elles constituent aussi une caractéristique du langage

oral professionnel. Par ailleurs, comme l‟étude de D. Coltier (1986) le signale, les

nominalisations permettent également de « condenser », de « compactifier » (1986 : 11) les

informations. Nos analyses mettent en évidence ce recours aux nominalisations dans certains

discours oraux en situation professionnelle, notamment dans les séquences expositives et plus

précisément dans les phases de descriptions où les locuteurs ont ce besoin de condenser les

informations et de les présenter comme étant non discutables. L‟utilisation des

nominalisations donne une tonalité professionnelle qui témoigne d‟une maîtrise des

informations à transmettre et d‟une maîtrise du discours.

Les exemples suivants viennent appuyer les analyses de S. Moirand et justifier les

propos de C. Rouget, R. Lagane et D. Coltier précédemment cités.

Exemple 3.

1. L4 donc notre: budget 2008 euh en ce qui concerne le Service Commerce Service et Tourisme

donc un rappel de la composition de notre service donc euh *Pp4* *Pp5* /votre, notre/

serviteur et avec un appui euh qui est celui de *Ppn6* + avec donc une organisation où

*Pp4* est plutôt dédiée au tourisme et elle vient en appui lorsque au au fil des projets nous

avons BESOIN de sa présence dans le service

2. L1 hum

3. L4 alors notre notre objectif c‟est de répondre à notre orientation numéro trois je la je la

rappelle accompagner le développement des entreprises des secteurs du commerce et du

tourisme dans l‟animation de leur(s) réseau(x) et dans la VALOrisation de leurs

compétences donc deux axes animation des réseaux valorisation des compétences à travers

une démarche collective des actions collectives et également des actions individuelles alors

la première feuille dans un premier temps il s‟agit de répondre à l‟objectif de

L‟ANIMAtion des réseaux + c‟est la feuille deux /bis, dix/ hein + avec euh une sous-

rubrique

+

(Extrait séquence 3, CoDir 1, CCI)

Cet extrait est caractérisé par une densité lexicale marquée par beaucoup de

nominalisations à base verbale (en gras dans l’extrait). L‟utilisation de ces nominalisations

permet au locuteur non seulement de condenser l‟information, d‟aider le locuteur à avancer

dans le discours, de hiérarchiser les données, mais aussi de donner des informations sans que

celles-ci soient rediscutées. Le locuteur expose une situation et ne prévoit pas de remise en

cause d‟un élément. On repère fréquemment ces formes sont souvent repérées dans les

Page 179: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

179

discours professionnels (discours en milieu professionnel, discours scientifiques, discours de

presse). Nous mettons entre parenthèses ce que pourrait être le discours sans nominalisations.

Exemple 4.

1. L2 [donc l‟objectif de cette étude d‟urbanisme serait d‟améliorer le cheminement commercial]

[et densifier l‟offre pour recréer une centralité commerciale visible attractive et accessible]

[ce qui renvoie aux autres items euh=

2. L1 [ouais]

3. L2 =euh de des sens de circulation:=

4. L1 [hum]

5. L2 =de stationnement: euh et de signalétiques]

6. L1 [hum]

7. L2 [maître d‟ouvrage commune de *V3*] [avec un cahier des charges euh sur la base de du

travail de l‟observatoire] + [deuxièmement] [soutenir le commerce de centre-ville] [avec un

premier volet qui est d‟accompagner les commerçants] [d‟ailleurs il y a qu‟un volet je

crois] [ouais] + [il y a qu‟un volet] + [avec un donc euh c‟est l’accompagnement

(accompagner) des commerçants] [avec pour objectif de favoriser les bonnes pratiques

professionnelles et fidéliser la clientèle]

{L3 entre, serre la main à L4}

8. L3 [il fait chaud]

9. L2 [ouais il fait chaud]

10. L3 ***

11. L2 [et là on a décliné plusieurs euh: opérations] {L3 s’installe} + [charte de qualité] [carte de

fidélité] [programme annuel d‟animation (pour animer le centre-ville)] [sur les deux

premières on est maître d‟ouvrage] [sur la troisième programme annuel d‟animation ce

serait une UCIA] [le guide des commerces et services avec une maîtrise d‟ouvrage

commune de *V3*] [et un appui tech* technique pardon CCI C*A] + [euh dernier dernière

opération manager de centre-ville] [c'est-à-dire créer un poste d‟animation et coordination

dont le maître d‟ouvrage sera la commune de *V3*] + [deuxième axe] [diversifier l‟offre

commercial] [l‟objectif est de favoriser les implantations commerciales exogènes]

[recherche de promoteurs et d‟enseignes] [identification (identifier) des ressources

existantes et exercice par la commune des droit(s) de préemption] [avec euh deux trois

opérations] [euh la première euh recen- faire un recensement et une veille sur les locaux

commerciaux ET les disponibilités foncières] [maîtrise d‟ouvrage maître d‟ouvrage CCI]

[euh faire l‟expertise de l‟existant et des propositions de nouvelles zones commerciales]

[maître d‟ouvrage CCI] [et troisième euh: proposition] [euh prospection (propecter sur …)

conduire une prospection offensive de nouveaux opérateurs commerciaux] + [avec un

maître d‟ouvrage qui est la CCI] 70

(Extrait séquence 1, réunion interne 2, CCI)

L‟emploi des nominalisations (à base verbale) permet à L2 d‟être concis. Les termes

de « cheminement » et d‟ « accompagnement » par exemple permettent d‟obtenir une

information compacte et d‟acheminer l‟information de façon précise et cohérente.

Précisons que les nominalisations peuvent être présentes dans les séquences de

langage de co-action (que nous analyserons en point 4.3) lorsque les collaborateurs effectuent

un travail de rédaction de projet par exemple, mais leur nombre d‟occurrences est moins

important.

70

Les crochets [ ] utilisés permettent de délimiter les blocs intonatifs pour la compréhension de l‟exemple.

Page 180: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

180

b. Analyse quantitative des nominalisations

Nous avons observé que les nominalisations sont caractéristiques de la séquence

descriptive ; l‟analyse quantitative des caractéristiques de ce critère vient confirmer nos

analyses.

Dans les tableaux et graphiques ci-dessous, nous présentons le nombre (en valeur

absolue) d‟occurrences de ce critère et leurs prévalences pour les séquences des activités

langagières au travail du sous-corpus 2.

CoDir 1, CCI

Tableau 20 : Les manifestations des nominalisations par type de séquence dans le CoDir 1 (CCI)

Types de séquence

dans le CoDir 1

(CCI)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de

séquences

comportant

des nominalisations

Nombre

d’occurrences

des

nominalisations

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 7 0 0 0 0

Séquences prescriptives 14 10 71,4 % 16 1,57

Séquences descriptives 31 27 87 % 56 2,85

Séquences opératives 4 3 75 % 4 1,35

Séquences explicatives 14 8 57,1 % 13 2,61

Séquences d‟échanges

interstitiels 1 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences ND 1 1 100 % 4 2,51

TOTAL 72 49 68 % 93 2,36

Les analyses quantitatives montrent que les séquences descriptives, puis explicatives,

présentent des prévalences des occurrences plus élevées que les autres séquences : 2,85 ‰

pour les séquences descriptives et 2,61 ‰ pour les séquences explicatives. Concernant les

séquences descriptives, 87 % d‟entre elles comptent des nominalisations et présentent une

prévalence de 2,85 ‰, en outre, 16,1 % des séquences se démarquent des autres avec des

prévalences très élevées (entre 8,77 ‰ et 14,92 ‰) et 71 % d‟entre elles comptent des

prévalences comprises entre 0,79 ‰ et 4,54 ‰.

Pour ce qui est des séquences explicatives, deux séquences comportent une prévalence

plus importante (de plus de 13 ‰) que les autres et que la prévalence de l‟ensemble des

séquences de la réunion présentant au moins une occurrence. Les autres prévalences sont

comprises entre 1,32 ‰ et 3,90 ‰. Par ailleurs, 75 % des séquences opératives comptent des

Page 181: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

181

occurrences et une prévalence des occurrences de 1,35 ‰, ce qui est inférieur à la prévalence

des 49 séquences de la réunion présentant des nominalisations.

Enfin, les 10 séquences prescriptives qui présentent des nominalisations ont des

prévalences situées entre 0,62 ‰ et 2,86 ‰ Ŕ une séquence se démarque avec une prévalence

élevée, 10,52 ‰.

Les analyses quantitatives de cette réunion montrent que les nominalisations sont

caractéristiques des séquences explicatives et descriptives, sont pour ces dernières, dans la

mesure où 87 % d‟entre elles comportent au moins une nominalisation, alors qu‟environ 57 %

des séquences explicatives comportent ce critère.

Réunion interne 1, CCI

Tableau 21 : Les manifestations des nominalisations par type de séquence dans la réunion interne 1

(CCI)

Types de séquence

dans la réunion

interne

(CCI)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de

séquences

comportant

des nominalisations

Nombre

d’occurrences

des

nominalisations

Prévalence des

occurrences (‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences prescriptives 1 1 100 % 3 6,86

Séquences descriptives 9 9 100 % 44 8,03

Séquences descriptives/

prescriptives 1 1 100 % 3 7,04

Séquences opératives 10 9 90 % 42 8,72

Séquences explicatives 3 3 100 % 22 10,12

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 1 0 0 0 0

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 26 23 88,4 % 114 8,55

Nous constatons que les séquences opératives et explicatives sont celles dont les

prévalences des occurrences (8,55 ‰) sont les plus importantes : 8,72 ‰ pour les séquences

opératives et 10,12 ‰ pour les séquences explicatives. La prévalence des séquences

descriptives est de 8,03 ‰. Les séquences ont des prévalences variant de 3,21 ‰ à 6,61 ‰, à

l‟exception de trois séquences qui présentent des prévalences assez élevées : 11,90 ‰ ; 15,45

et 53,33 ‰.

Ainsi, il apparaît que l‟ensemble des séquences descriptives comportent au moins une

nominalisation, mais que les prévalences des occurrences sont plus élevées dans les séquences

Page 182: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

182

opératives et explicatives. Ainsi, nous pouvons dire que, dans cette réunion, le critère de

nominalisation est caractéristique de ce type de séquence.

CoDir 2, entreprise de transport

Tableau 22 : Les manifestations des nominalisations par type de séquence dans le CoDir 2 (ets de

transport)

Types de séquence

dans le CoDir 2

(ets de transport)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de

séquences

comportant

des

nominalisations

Nombre

d’occurrences

des

nominalisations

Prévalence des

occurrences (‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences prescriptives 0 - - - -

Séquences descriptives 10 8 80 % 34 5,68

Séquences opératives 4 4 100 % 6 1,29

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences

opératives/prescriptives 1 1 100 % 5 2,75

Séquences ND 1 1 100 % 2 1,50

TOTAL 16 14 87,5 % 47 3,41

Les nominalisations se manifestent essentiellement dans les séquences descriptives, puis

dans une moindre mesure dans les séquences opératives/prescriptives, qui comportent une

prévalence des occurrences inférieure à la prévalence générale de la réunion dans la séquence

non déterminée (ND) et dans les séquences opératives. Nous remarquons que les séquences

descriptives sont celles dont la prévalence est la plus importante (5,68 ‰). Parmi les

séquences descriptives de la réunion, seules deux séquences ne présentent pas ce critère.

Concernant les 4 séquences opératives comportant au moins une occurrence de ce critère, les

prévalences varient entre 0,72 ‰ et 1,68 ‰.

Nous pouvons conclure que dans ce type de réunion, le CoDir de l‟entreprise, de

transport, le critère nominalisation est caractéristique de la séquence descriptive.

Page 183: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

183

CoDir 2, GIS

Tableau 23 : Les manifestations des nominalisations par type de séquence dans le CoDir 2 (GIS)

Types de séquence

dans le CoDir 2

(GIS)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de

séquences

comportant

des nominalisations

Nombre

d’occurrences des

nominalisations

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 1 0 0 0 0

Séquences prescriptives 2 1 50 % 1 3,69

Séquences descriptives 9 7 77,8 % 17 2,50

Séquences opératives 1 1 100 % 1 1,02

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 1 0 0 0 0

Séquences

opérative/prescriptive 5 1 20 % 1 0,70

Séquences NC 1 - - - -

TOTAL 20 10 50 % 20 2,11

Parmi les 7 séquences descriptives de la réunion comportant au moins une

nominalisation, les prévalences varient de 0,60 ‰ à 6,90 ‰. Dans les autres types de

séquence, seules trois séquences présentent une nominalisation avec une prévalence assez

élevée pour la séquence prescriptive.

Au vue de ces analyses, nous pouvons dire que les nominalisations sont

caractéristiques des séquences explicatives et descriptives, surtout pour ce dernières, dans la

mesure où elles présentent le plus grand nombre d‟occurrences (17) et que près de 78 %

d‟entre elles comportent au moins une nominalisation.

La réunion des responsables formateurs, OF

La réunion des formateurs de l‟organisme de formation compte 36 séquences dont

une seule est une séquence descriptive (soit 2,8 % de la réunion) dans laquelle se manifestent

trois nominalisations. Ce critère apparaît dans un peu plus de 33 % des séquences opérative

avec une prévalence inférieure.

Page 184: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

184

Tableau 24 : Les manifestations des nominalisations par type de séquence dans la réunion de

responsables formateurs (OF)

Types de séquence de

la réunion des

responsables

formateurs (OF)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

nominalisations

Nombre

d’occurrences

des

nominalisations

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 1 1 100 % 1 1,83

Séquences descriptives 1 1 100 % 3 8,88

Séquences prescriptives 2 1 50 % 1 3,95

Séquences opératives 21 7 33,3 % 12 1,50

Séquences explicatives 1 0 0 0 0

Séquences opératives/

explicatives 1 1 100 % 2 1,48

Séquences d‟échanges

interstitiels 3 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 0 0 0 0 0

Séquences opératives/

prescriptives 5 2 40 % 4 1,38

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 36 13 36,1 % 23 1,72

Dans cette réunion des responsables formateurs, les prévalences des nominalisations

sont les plus élevées dans les séquences descriptives (8,88 ‰), puis dans les séquences

prescriptives (3,95 ‰).

Séance de travail, OF

La séance de travail menée au sein de l‟organisme de formation compte 38 séquences

dont 3 seulement présentent des nominalisations : 1 séquence descriptive et 2 séquences

opératives.

Tableau 25 : Les manifestations des nominalisations par type de séquence dans la séance de travail

(OF)

Types de séquence

dans la séance de

travail (OF)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

nominalisations

Nombre

d’occurrences

des

nominalisations

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 0 0 0 0

Séquences prescriptives 0 0 0 0 0

Séquences descriptives 2 1 50 % 4 7,63

Séquences opératives 19 2 10,5 % 5 1,51

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 7 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 3 0 0 0 0

TOTAL 31 3 9,6 % 9 2,34

Page 185: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

185

Les résultats obtenus font apparaître que, dans ce type de réunion, c‟est la séquence

descriptive qui est la plus caractérisée par les nominalisations.

Partie 1 de la réunion entre deux organismes de formation, OF

La première partie de la réunion présentent 7 séquences dont 2 présentent des

nominalisations :

- la seule séquence descriptive de la réunion, avec 2 occurrences et une prévalence des

occurrences de 35 ‰ ;

- une séquence parmi les 5 séquences opératives, avec 1 occurrence et une prévalence

de 30,30 ‰.

Échanges avant la réunion et pendant la pause du CoDir, CCI

Une séquence de conversation informelle compte une nominalisation avec une

prévalence de 0,10 ‰.

Interactions dans l’open space d’un service RH, entreprise de transport

Les séquences des interactions dans l‟open space d‟un service RH de l‟entreprise de

transport et celle de la conversation de l‟OF ne comptent aucune nominalisation.

c. Conclusion des analyses des nominalisations

Le sous-corpus 2 compte 115 séquences comportant au moins une nominalisation et

totalise 310 nominalisations avec une prévalence des occurrences de 2,98 ‰. La prévalence

pour l‟ensemble du sous-corpus 2, c‟est-à-dire en comprenant les séquences sans

nominalisation, est de 2 ‰. Nous avons réuni l‟ensemble des résultats pour le sous-corpus 2

dans le tableau ci-dessous.

Page 186: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

186

Tableau 26 : Les manifestations des nominalisations dans les séquences du sous-corpus 2

Types de séquence

dans le sous-corpus 2

Nombre

de

séquences

Nombre de

séquences

comportant

des

nominalisations

Nombre

d’occurrences

des

nominalisations

Nombre

total de

mots

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 9 1 11,1 % 1 546 1,83

Séquences prescriptives 22 13 59 % 21 11 156 1,88

Séquences descriptives 64 54 84,3 % 160 44 596 4,01

Séquences

descriptives/prescriptives 1 1 100 % 3 426 7,04

Séquences opératives 72 28 38,9 % 59 25 401 2,32

Séquences explicatives 18 11 61,1 % 18 6 195 2,91

Séquences

opératives/explicatives 1 1 100 % 2 1 353 1,48

Séquences d‟échanges

interstitiels 12 0 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 12 0 0 0 0 0

Séquences

opératives/prescriptives 14 4 28,5 % 10 6 140 1,63

Séquences ND 10 2 20 % 6 2 927 2,05

Séquences NC 2 - - - - -

TOTAL 237 115 48,5 % 280 94 030 5,01

Les nominalisations se manifestent dans plus de 84 % des séquences descriptives et

plus de 61 % des séquences explicatives.

Les graphiques ci-dessous permettent de visualiser ces données :

Graphique 3 : Prévalences des occurrences des nominalisations pour chaque type de séquence du

sous-corpus 2

Page 187: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

187

Graphique 4 : Nombres d’occurrences des nominalisations pour chaque type de séquence du sous-

corpus 2

Nous remarquons que le critère des nominalisations se manifeste essentiellement dans

les séquences descriptives dans lesquelles nous observons le plus grand nombre d‟occurrences

et la prévalence la plus élevée. Ainsi, les nominalisations sont caractéristiques de la séquence

descriptive.

4.2.2.2.2. Deuxième critère linguistique : les « énoncés-titres » et les « formes bi-

nominales »

Après avoir présenté et exemplifié les énoncés-titres et les formes bi-nominales, nous

proposerons une analyse quantitative de ces critères linguistiques dans les diverses séquences

des activités langagières au travail du sous-corpus 2.

a. Analyse qualitative des « énoncés-titres » et des « formes bi-nominales »

Certains thèmes sont introduits comme des titres, nous parlerons donc d‟ « énoncés-

titres ». Ce procédé caractérise la séquence descriptive dans la mesure où il permet au

locuteur de délivrer des informations de manière compacte tout en donnant un aspect figé à

Page 188: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

188

ses propos. Ainsi, le type linguistique « langage expositif » semble être également caractérisé

par des « énoncés-titres », qui sont :

- soit construits à partir d‟un verbe souvent à l‟infinitif suivi d‟une construction bi-nominale,

par exemple : « soutenir les commerces de centre-ville », « conduire une prospection

offensive de nouveaux opérateurs commerciaux » ;

- soit constitués de un ou plusieurs syntagmes nominaux et le plus souvent constitutifs

d‟énoncés elliptiques. Ils sont employés pour annoncer un nouveau thème. Par exemple,

« point cinq licenciement de *P3* », « point trois l‟augmentation générale de deux pourcent

différée pour le personnel du quai du bâtiment deux », « analyse des facteurs urbanistiques du

centre-ville », « point deux mauvaise rédaction dans le compte-rendu de janvier ».

L‟utilisation des « énoncés-titres » se présente comme un procédé langagier spécifique

que nous retrouvons très souvent utilisé dans la presse pour donner un effet de figement qui

permet de renfermer/traduire une idée. J.-M. Adam et F. Revaz parlent plutôt de « thème-

titre » ou d‟ « hyperthème » :

Donné dès le début Ŕ ou seulement à la fin, le thème-titre garantit l‟unité sémantico-référentielle de la

séquence mais il peut aussi, comme les autres unités du texte, être soumis à une ou à plusieurs

reformulations. (1989 : 62)

Les titres des articles de presse sont souvent présentés sous une forme nominalisée et

sont nommés « phrases-titres » par S. Moirand :

Quand l'article débute à la une du journal et se poursuit en pages intérieures, le titre intérieur se présente

comme la forme « déprédicativisée » de la phrase-titre du même article en première page. […] Les

rapprochements que l‟on peut faire entre les titres verbalisés et les mêmes titres nominalisés montrent

que l‟économie et la concision réalisées par les seconds se font au détriment de certaines informations et

d‟une certaine précision (traits par ailleurs typiques de toute procédure de nominalisation verbo-

affixale) : disparition des marques de temps et d‟aspect ; élimination dans le titre nominalisé des

circonstants, des compléments et même de l‟agent. (1975 : 67)

La notion d‟ « énoncé-titre » relève de la notion de « thème-titre » qu‟utilisent J.-M.

Adam et F. Revaz pour l‟analyse des textes, et de la notion de « phrase-titre » que S. Moirand

emploie pour l‟analyse des articles de quotidiens. L‟« énoncé-titre » renferme une forme

nominalisée, une unité sémantico-référentielle. En outre, l‟emploi des énoncés-titres permet

d‟extraire les lexèmes centraux du discours et relève ainsi d‟un fonctionnement proche de

celui de la nominalisation. Ce procédé adopte en effet le même mode de fonctionnement que

la nominalisation puisqu‟il s‟agit d‟une reformulation synthétique :

Page 189: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

189

Certains traits caractéristiques du fonctionnement de la nominalisation dans l‟énoncé de presse sont vite

repérables : des titres et des pré-titres se présentent sous forme de syntagmes nominalisés (SNé). (S.

Moirand, 1975 : 61)

Quelques exemples d‟énoncés-titres prélevés dans notre corpus permettent d‟illustrer

nos propos ainsi que les analyses de S. Moirand :

Exemple 5.

L1 bien niveau de service alors on a euh on a reçu euh un document qui émane de monsieur *Pn53*

là et qui est le résultat d‟analyse un petit peu de ce qui se passe en matière de permanence hein {L1

regarde L6}

(Extrait séquence 11, CoDir 2, GIS)

L‟énoncé-titre est formé à partir d‟une construction bi-nominale.

Exemple 6.

L1 quatrième thème les affaires domaniales donc là-dessus euh c‟est assez classique + on propose

un certain nombre d‟opérations qu‟il faut euh: entériner au niveau du du CA euh il y a également

des des financements *P5pn* m‟a *** qu‟il y avait sans doute quelques opérations de financement

à me présenter ET PUIS c‟est un espoir toujours c‟est de présenter des clôtures d‟opérations +

d‟arriver à clôturer certaines affaires on a des fois du mal mais il faudra en présenter

(Extrait séquence 2, CoDir 1, GIS)

Dans les deux exemples ci-dessus, L1 annonce le point suivant en utilisant un énoncé-

titre. Dans l‟exemple 5, L1 annonce un nouveau point à l‟aide d‟un énoncé-titre composé d‟un

organisateur énumératif et d‟un syntagme nominal reprenant le thème à développer.

Exemple 7.

L1 : Directeur général des services

L4 : Chef du service Commerce Services et Tourisme

1. L4 donc notre: budget 2008 euh en ce qui concerne le Service Commerce Service et Tourisme

donc un rappel de la composition de notre service donc euh *Pp4* *Pp5* /votre, notre/

serviteur et avec un appui euh qui est celui de *Ppn6* + avec donc une organisation où

*Pp4* est plutôt dédiée au tourisme et elle vient en appui lorsque au au fil des projets nous

avons BESOIN de sa présence dans le service

2. L1 hum

3. L4 alors notre notre objectif c‟est de répondre à notre orientation numéro trois je la je la

rappelle accompagner le développement des entreprises des secteurs du commerce et du

tourisme dans l‟animation de leur(s) réseau(x) et dans la VALOrisation de leurs

compétences donc deux axes animation des réseaux valorisation des compétences à

travers une démarche collective des actions collectives et également des actions

individuelles alors la première feuille dans un premier temps il s‟agit de répondre à

l‟objectif de L‟ANIMAtion des réseaux + c‟est la feuille deux /bis, dix/ hein + avec euh une

sous-rubrique + aider les *A1* à s’organiser par des actions structurantes euh

auparavant je tiens à rappeler le MONTANT du budget global du service c‟est peut-être un

élément imp- important

4. L1 hum

5. L4 donc euh en ce qui concerne la partie commerce *C1* euros et en qui concerne la partie

tourisme *C2* euros

Page 190: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

190

6. L1 hum c‟est ça

(Séquence 3, CoDir 1, CCI)

Cette séquence présente de nombreuses formes de l‟impersonnel. En effet, lorsque L4

fait un point sur la présentation de son service avant de proposer une sorte de rapport

d‟activité, il emploie peu de pronoms-sujets et a plutôt recours à des formes impersonnelles :

- « avec donc une organisation où *Pp4* est plutôt dédiée au tourisme » (premier tour de parole) ;

- « donc euh en ce qui concerne la partie commerce *C1* euros et en qui concerne la partie tourisme

*C2* euros » (tour de parole 5).

Certains thèmes sont formulés à l‟aide de constructions sans verbe, ce qui confère aux

énoncés la forme d‟un titre :

« donc deux axes animation des réseaux valorisation des compétences à travers une démarche collective

des actions collectives et également des actions individuelles » (tour de parole 3)

Cet énoncé ne comporte aucun verbe, mais présente deux nominalisations à base

verbale (animation et valorisation) qui jouent une fonction de liaison. Le fait de présenter des

idées sous cette forme permet au locuteur de paraître clair, plus concis, mais aussi de faire

progresser le discours et de faciliter l‟enchaînement avec d‟autres propos. Ces formes que

nous nommons « énoncés-titres » se présentent sous la forme de syntagmes nominalisés et

donnent lieu à un discours impersonnel marqué par le faible emploi de verbes et par de

nombreuses nominalisations.

L‟énoncé-titre est posé dès la prise de parole « deux axes animation des réseaux

valorisation des compétences » et engendre un énoncé descriptif :

« alors la première feuille dans un premier temps il s‟agit de répondre à l‟objectif de l‟animation des

réseaux + c‟est la feuille deux /bis, dix/ hein + avec euh une sous-rubrique + aider les *A1* à

s‟organiser par des actions structurantes » (tour de parole 3)

Selon J.-M. Adam et F. Revaz, l‟emploi de ce qu‟ils nomment des « thèmes-titres »

(ou « hyperthèmes »), est caractéristique de la description. Dans notre séquence, le locuteur

L4 expose et décrit les éléments importants concernant son service.

Les phénomènes d‟énoncés-titres, de formes bi-nominales et de nominalisations

apparaissent donc comme des caractéristiques des séquences descriptives dans lesquelles les

locuteurs présentent le travail qui a été réalisé et les objectifs à atteindre. Ils ont pour but de

Page 191: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

191

donner des informations et du savoir. Ils semblent aider les locuteurs à synthétiser les

informations et à être plus précis.

L‟observation de nos corpus nous a permis de constater que les formes bi-nominales

sont également présentes dans certaines séquences opératives lorsque les collaborateurs

tentent de rédiger un texte, elles leur permettent de synthétiser leur discours.

b. Analyse quantitative des « énoncés-titres » et des « formes bi-nominales »

Dans les analyses suivantes, nous verrons que les énoncés-titres et les formes bi-

nominales sont caractéristiques de la séquence descriptive, même s‟ils ne se présentent pas de

façon systématique.

Dans les analyses ci-dessous, nous présentons le nombre (en valeur absolue)

d‟occurrences de ces deux critères pour chaque séquence descriptive et d‟autres types de

séquence où se manifestent ces critères linguistiques et ce pour chaque activités langagières.

CoDir 1, CCI

Le CoDir de la CCI compte 72 séquences dont 31 sont des séquences descriptives.

Parmi ces 31 séquences, 4 ne comportent pas d‟énoncés-titres. Les autres dénombrent au

moins une occurrence.

Tableau 27 : Les manifestations des énoncés-titres dans les séquences du CoDir 1 (CCI)

Types de séquence

dans le CoDir 1

(CCI)

Nombre de

séquences

type dans la

réunion

Nombre de séquences

comportant

des énoncés-titres

Nombre

d’occurrences

des énoncés-

titres

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 7 1 14,2 % 1 0,99

Séquences prescriptives 14 1 7,1 % 1 0,14

Séquences descriptives 31 25 80,6 % 104 5,26

Séquences opératives 4 1 25 % 1 0,06

Séquences explicatives 14 1 7,1 % 1 0,29

Séquences d‟échanges

interstitiels 1 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 0 0 0 0 0

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 72 29 40,2 % 108 4,78

Page 192: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

192

Nous remarquons que les séquences descriptives sont les séquences dans lesquelles les

énoncés-titres se manifestent le plus largement. Elles comptent en effet une prévalence des

occurrences très élevée, à savoir 5,26 ‰. 80 % des séquences descriptives de cette réunion

comptent au moins un énoncé-titre. L‟ensemble des autres séquences comptent des préalences

inférieures à la prévalence des séquences de la réunion comportant au moins un énoncé-titre

(4,78 ‰). Ainsi, dans cette réunion de la CCI, l‟énoncé-titre se présente véritablement comme

un critère caractéristique de la séquence descriptive.

Pour ce qui est des formes bi-nominales, le tableau ci-après présente les occurrences et

les prévalences de ces occurrences par type de séquence pour la réunion CoDir de la CCI.

Tableau 28 : Les manifestations des formes bi-nominales dans les séquences du CoDir 1 (CCI)

Types de séquence

dans le CoDir 1

(CCI)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de

séquences

comportant

des formes bi-

nominales

Nombre

d’occurrences

des énoncés-

titres

Prévalence des

occurrences (‰)

Séquences encadrantes 7 1 14,2 % 1 9,90

Séquences prescriptives 14 12 85,7 % 89 8,21

Séquences descriptives 31 30 96,7 % 343 15,63

Séquences opératives 4 4 100 % 43 11,04

Séquences explicatives 14 11 78,5 % 73 10,98

Séquences d‟échanges

interstitiels 1 1 100 % 1 3,47

Séquences de

conversation informelle 0 0 0 0 0

Séquences ND 1 1 100 % 13 8,16

TOTAL 72 60 83,3 % 563 12,42

Les formes bi-nominales se manifestent dans l‟ensemble des séquences de la réunion,

puisque 83,3 % d‟entre elles présentent ce critère avec une prévalence des occurrences de

12,42 ‰. Parmi l‟ensemble des types de séquence, les séquences descriptives attirent notre

attention, puisque 96,7 % d‟entre elles comptent au moins une forme bi-nominale et ont la

prévalence la plus élevée (15,63 ‰). Les prévalences varient de 2,57 ‰ à 35,40 ‰.

Les analyses quantitatives montrent par ailleurs que les formes bi-nominales sont

récurrentes dans les séquences opératives, mais de façon moins forte, puisque la prévalence

(11,04 ‰) est inférieure à celle des séquences descriptives et de la prévalence de l‟ensemble

des séquences de la réunion comportant au moins une forme bi-nominale (12,42 ‰).

Page 193: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

193

Les formes bi-nominales se manifestent également dans l‟ensemble des séquences

explicatives : 78,5 % d‟entre elles comptent au moins une forme bi-nominale. Ces séquences

comptent une prévalence des occurrences importante (10,98 ‰), inférieure à celle de

l‟ensemble des séquences de la réunion comportant au moins une forme bi-nominale. Les

prévalences des séquences explicatives varient entre 5,20 ‰ à 12,20 ‰ avec 4 séquences

présentant des prévalences assez élevées : entre 19,48 ‰ et 24,46 ‰.

Les analyses montrent que dans ce CoDir 1 de la CCI, les formes bi-nominales se

manifestent dans toutes les séquences opératives, dans la majorité des séquences descriptives

(96,7 %), ainsi que dans une grande partie des séquences explicatives (78,5 %). Les nombres

d‟occurrences et les prévalences de ces occurrences sont plus élevés dans les séquences

descriptives, ce qui fait des formes bi-nominales une caractéristique de ce type de séquence.

CoDir 2, entreprise de transport

Le CoDir de l‟entreprise de transport compte 16 séquences dont 10 séquences

descriptives (soit 62,5 %). Parmi ces 10 séquences descriptives, 7 séquences présentent au

moins un énoncé-titre (soit 70 % des séquences descriptives) et présente une prévalence des

occurrences de 2,03 ‰. Les autres séquences de la réunion ne comportent pas ce critère.

Ainsi, dans cette réunion CoDir, l‟énoncé-titre est caractéristique de la séquence descriptive.

Pour ce qui est des formes bi-nominales, elles sont récurrentes dans les séquences

descriptives avec une prévalence de 6,85 ‰.

Tableau 29 : Les manifestations des formes bi-nominales dans les séquences du CoDir 2 (entreprise

de transport)

Types de séquence

dans le CoDir 2

(ets de transport)

Nombre de

séquences

type dans

la réunion

Nombre de séquences

comportant

formes

bi-nominales

Nombre

d’occurrences

des énoncés-

titres

Prévalence des

occurrences (‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences prescriptives 0 - - - -

Séquences descriptives 10 8 80 % 41 6,85

Séquences opératives 4 4 100 % 12 2,58

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences ND 1 1 100 % 3 2,25

Séquences

opératives/prescriptives 1 1 100 % 4 2,20

TOTAL 16 14 87,5 % 60 4,35

Page 194: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

194

Les formes bi-nominales sont présentes dans 80 % des séquences descriptives, 100 %

des opératives, ainsi que dans les deux seules séquences opérative/prescriptive et ND.

Parmi toutes ces séquences, on remarque une prévalence des occurrences de ce critère

plus importante dans les séquences descriptives (6,85 ‰). Ces dernières présentent des

prévalences variant de 2,06 ‰ à 18,12 ‰ pour les 8 séquences présentant des formes bi-

nominales.

En outre, les formes bi-nominales se présentent dans les 4 séquences opératives, mais

dans une moindre mesure puisque la prévalence des occurrences est de 2,58 ‰, les

prévalences des occurrences de ces 4 séquences opératives variant entre 2,24 ‰ et 2,90 ‰.

Les analyses de ces critères, énoncés-titres et formes bi-nominales, dans cette réunion

CoDir de l‟entreprise de transport, montrent que les énoncés-titres sont caractéristiques des

séquences descriptives et que les formes bi-nominales, quant à elles, sont caractéristiques des

séquences descriptives et dans une moindre mesure, des séquences opératives.

CoDir 2, GIS

Tableau 30 : Les manifestations des formes bi-nominales et les énoncés-titres dans les séquences du

CoDir 2 (GIS)

Types de séquence

dans le CoDir 2 (GIS)

Nombre de

séquences

type dans

la réunion

Nombre de séquences

comportant

des énoncés-titres

Nombre

d’occurrences

des énoncés-

titres

Prévalence des

occurrences (‰)

Séquences encadrantes 1 0 0 0 0

Séquences prescriptives 2 0 0 0 0

Séquences descriptives 9 3 33,3 % 5 1,78

Séquences opératives 1 0 0 0 0

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 1 0 0 0 0

Séquences

opératives/prescriptives 5 3 60 % 3 0,82

Séquences NC 1 - - - -

TOTAL 20 6 30 % 8 1,24

Toutes les séquences descriptives du CoDir du GIS ne comportent pas

systématiquement d‟énoncés-titres, puisque seulement 33,3 % d‟entre elles comptent entre 1

et 3 énoncés-titres avec une prévalence des occurrences de 1,78 ‰.

Page 195: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

195

Par ailleurs, 60 % des séquences opératives/prescriptives comportent au moins une

forme bi-nominale et rend compte d‟une prévalence inférieure à celles des séquences

descriptives, à savoir 0,82 ‰.

Les autres types séquences ne comportent aucun énoncé-titre. Dans cette réunion, ce critère

ne se manifeste que dans les séquences descriptives.

Quant aux formes bi-nominales, elles sont essentiellement présentes dans les

séquences prescriptives et descriptives, ainsi que dans les seules séquences opérative,

opérative/prescriptive et la séquence non déterminée.

Tableau 31 : Les manifestations des formes bi-nominales dans les séquences dans le CoDir 2 (GIS)

Types de séquence

dans le CoDir 2 (GIS)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

comportant

des formes

bi-nominales

Nombre

d’occurrences

des formes bi-

nominales

Prévalence des

occurrences (‰)

Séquences encadrantes 1 0 0 0 0

Séquences prescriptives 2 2 100 % 3 3,36

Séquences descriptives 9 7 77,8 % 23 3,35

Séquences opératives 1 1 100 % 2 2,04

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 1 0 0 0 0

Séquences ND 1 1 100 % 1 2,09

Séquences

opératives/prescriptives 5 5 100 % 22 3,03

TOTAL 20 16 80 % 51 3,10

Les formes bi-nominales se manifestent dans les deux séquences prescriptives et dans

77,8 % des séquences descriptives. Les prévalences des occurrences pour ces types de

séquence sont proches, avec un avantage pour les séquences prescriptives qui présentent une

prévalence de 3,36 ‰ contre 3,35 ‰ pour les séquences descriptives. Concernant ces deux

séquences prescriptives, les prévalences sont de 1,61 ‰ et 7,38 ‰. Les prévalences des sept

séquences descriptives varient entre 0,81 ‰ et 7,43 ‰ et comprennent deux séquences avec

des prévalences élevées de 7,43 ‰ et 18,69 ‰. Quant aux cinq séquences

opératives/prescriptives, leur prévalence des occurrences est de 3,03 ‰ (les prévalences des

cinq séquences s‟échelonnant de 0,96 ‰ à 6,76 ‰).

Page 196: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

196

Les analyses quantitatives montrent que dans le CoDir 2 du GIS, les énoncés-titres ne

se manifestent que dans les séquences descriptives et que les formes bi-nominales sont

caractéristiques des séquences descriptives et prescriptives.

Réunion interne 1, CCI

Tableau 32 : Les manifestations des énoncés-titres dans les séquences dans la réunion interne 1

(CCI)

Types de séquence

dans la réunion

interne 1

(CCI)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

énoncés-titres

Nombre

d’occurrences

des énoncés-

titres

Prévalence des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences prescriptives 1 0 0 0 0

Séquences descriptives 9 3 33,3 % 8

Séquences descriptives/

prescriptives 1 0 0 0 0

Séquences opératives 10 3 30 % 4

Séquences explicatives 3 1 33,3 % 1 1,04

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 1 0 0 0 0

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 26 7 27 % 13 13,15

La réunion interne 1 de la CCI compte 26 séquences dont 9 séquences descriptives.

Parmi ces 9 séquences, seules 3 comptent des énoncés-titres (soit 33,3 % des séquences) avec

des prévalences des occurrences de 0,94 ‰. Les énoncés-titres n‟apparaissent donc pas de

façon systématique dans les séquences descriptives. Les thèmes peuvent être anoncés d‟une

autre manière, sans recours à ce type de critère. Prenons un exemple tiré d‟une séquence de la

réunion interne :

Exemple 8.

+

L3 alors il y a deux aspects il y a sur le fond il a entièrement raison mais en termes de

communication c‟est pas toujours bien perçu donc euh il y a cette difficulté à gérer en ce sens

où euh:

(Extrait séquence 2, réunion interne 1, CCI)

Dans cet exemple, le thème que L3 va développer est introduit par la forme « il y a ».

Page 197: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

197

Parmi les 26 séquences de la réunion interne, 10 séquences sont opératives. Parmi ces

10 séquences, 3 comptent des énoncés-titres (soit 30 % des séquences) avec des prévalences

des occurrences de 1,52 ‰, 3,09 ‰ et 6,41 ‰.

Nous constatons que, dans cette réunion interne, les énoncés-titres sont récurrents dans

les séquences descriptives et opératives.

Pour ce qui est des formes bi-nominales, le tableau ci-après présente les occurrences et

les prévalences de ces occurrences par type de séquence pour la réunion interne :

Tableau 33 : Les manifestations des formes bi-nominales dans les séquences dans la réunion

interne 1 (CCI)

Types de séquence

dans la réunion

interne 1

(CCI)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de

séquences

comportant

des formes

bi-nominales

Nombre

d’occurrences

des formes

bi-nominales

Prévalences des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences prescriptives 1 1 100 % 2 4,58

Séquences descriptives 9 9 100 % 95 17,33

Séquences descriptives

/prescriptives 1 1 100 % 2 4,69

Séquences opératives 10 8 80 % 51 10,83

Séquences explicatives 3 3 100 % 24 11,04

Séquences de

conversation informelle 1 0 0 0 0

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 26 22 84,6 % 174 13,15

84,6 % des séquences de la réunion comptent des formes bi-nominales. Toutes les

séquences descriptives, explicatives et prescriptives en comptent au moins une. La prévalence

des occurrences la plus élevée est celle des séquences descriptives (17,33 ‰). Les neuf

séquences descriptives présentent des prévalences variant de 3,60 ‰ à 26,96 ‰.

Chaque séquence explicative compte au moins une forme bi-nominale et offre une

prévalence de 11,04 ‰, qui est la seconde prévalence la plus importante, mais qui reste tout

de même une prévalence inférieure à celle de l‟ensemble des séquences de la réunion

comportant au moins une forme bi-nominale. Cette prévalence des séquences explicatives est

suivie par celle des séquences opératives (10,83 ‰).

Quant aux autres séquences dans lesquelles se manifestent ce critère, les prévalences

sont moins importantes : 4,58 ‰ pour la séquence prescriptive, qui compte deux formes bi-

Page 198: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

198

nominales, et 4,69 ‰ pour la séquence descriptive/prescriptive qui compte également deux

formes bi-nominales.

Ainsi, dans cette réunion interne, les énoncés-titres sont caractéristiques des séquences

descriptives, même s‟ils ne se manifestent pas de façon systématique. Quant aux formes bi-

nominales, elles se manifestent, mais dans une moindre mesure, dans d‟autres types de

séquence : les séquences opératives, explicatives et prescriptives.

Réunion des responsables des formateurs, OF

Dans cette réunion des responsables des formateurs de l‟OF, trois types de séquence

comptent au moins un énoncé-titre.

Tableau 34 : Les manifestations des énoncés-titres dans les séquences dans la réunion des

responsables formateurs (OF)

Types de séquence

dans la réunion des

responsables

formateurs (OF)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de

séquences

comportant

des énoncés-titres

Nombre

d’occurrences

d’énoncés-

titres

Prévalence des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 1 0 0 0 0

Séquences prescriptives 2 0 0 0 0

Séquences descriptives 1 1 100 % 1 2,96

Séquences opératives 21 4 19 % 6 1,31

Séquences explicatives 1 0 0 0 0

Séquences

opératives/explicatives 1 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 3 0 0 0 0

Séquences

opératives/prescriptives 5 1 20 % 1 1,05

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 36 6 16,7 % 8 1,36

La seule séquence descriptive compte un énoncé-titre et présente une des prévalences

des occurrences la plus élevée avec 2,96 ‰. Sur 21 séquences opératives, seulement

4 comportent des énoncés-titres. Ces quatre séquences opératives comptent des prévalences

de 1,31 ‰, inférieure à la prévalence des séquences descriptives et de l‟ensemble des

séquences de la réunion présentant au moins un énoncé-titre. Sur les cinq séquences

opératives/prescriptives, une séquence compte 1 énoncé-titre et une prévalence de 1,05 ‰.

Page 199: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

199

Dans cette réunion des responsables des formateurs, le critère est principalement

représenté dans la séquence descriptive et dans 19 % des séquences opératives avec une

prévalence plus faible.

Pour ce qui est des formes bi-nominales, nous avons répertorié les nombre

d‟occurrences et les prévalences de ces occurrences dans le tableau suivant :

Tableau 35 : Les manifestations des formes bi-nominales dans les séquences dans la réunion des

responsables formateurs (OF)

Types de séquence

dans la réunion des

responsables

formateurs (OF)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

comportant

des formes bi-

nominales

Nombre

d’occurrences

des formes

bi-nominales

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 1 0 0 0 0

Séquences prescriptives 2 2 100 % 21 14,60

Séquences descriptives 1 0 0 0 0

Séquences opératives 21 18 84,7 % 110 5,58

Séquences explicatives 1 1 100 % 2 3,77

Séquences

opératives/explicatives 1 1 100 % 3 2,22

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 3 0 0 0 0

Séquences

opératives/prescriptives 5 4 80 % 12 2,36

Séquences ND 1 1 100 % 1 1,52

TOTAL 36 27 75 % 149 5,17

Cette réunion compte 36 séquences dont une seule est une séquence descriptive. Cette

dernière ne compte pas de formes bi-nominales contrairement aux deux séquences

prescriptives qui comptent 21 occurrences et une prévalence des occurrences particulièrement

élevée (14,60 ‰) : une séquence a une prévalence de 11,81 ‰ et l‟autre de 27,37 ‰. Leur

prévalence est supérieure à celle des séquences opératives (5,58 ‰), ainsi qu‟à celle de

l‟ensemble des séquences de la réunion comportant au moins une forme bi-nominale

(5,17 ‰). Concernant les séquences opératives, 18 parmi les 21 comptent des occurrences de

formes bi-nominales. Celles-ci s‟élèvent à 110 ‰. La prévalence des occurrences des

séquences est de 5,58 ‰, ce qui supérieur à la prévalence de l‟ensemble des séquences de la

réunion comportant au moins une forme bi-nominale (5,17 ‰).

Cette importante récurrence de formes bi-nominales dans les séquences opératives de

cette réunion s‟explique par la forte utilisation des formes « feuille d‟émargement », « fiche

de prescription », « tableau de bord » et « tableau des mouvements » qui sont autant de

Page 200: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

200

documents sur lesquels les participants ont travaillé tout au long de la réunion. La séquence

16, comprenant 26 occurrences, est en fait la séquence où les participants tentent de

renommer les tableaux (« tableaux de suivi », « tableaux de bord », etc.).

Séance de travail, OF

Cette séance de travail compte 38 séquences, dont la moitié est composée de

séquences opératives. Nous n‟observons aucune occurrence dans les séquences descriptives.

Dans cette séance de travail, seules 3 séquences opératives comportent 3 énoncés-titres et ont

une prévalence de 0,77 ‰.

Pour ce qui est des formes bi-nominales, l‟analyse quantitative montre qu‟elles se

manifestent dans la majeure partie des séquences de la séance de travail.

Tableau 36 : Les manifestations des formes bi-nominales dans les séquences dans la séance de

travail (OF)

Types de séquence

dans la séance de

travail (OF)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

comportant

des formes

bi-nominales

Nombre

d’occurrences

des formes

bi-nominales

Prévalences

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences prescriptives 0 - - - -

Séquences descriptives 2 2 100 % 8 10,57

Séquences opératives 19 18 94,7 % 139 9,14

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 7 2 28,5 % 2 4,38

Séquences de

conversation informelle 3 2 66,7 % 2 14,60

Séquences ND 2 0 0 0 0

Séquences

opératives/prescriptives 3 1 33,3 % 6 8,06

Séquences NC 2 - - - -

TOTAL 38 25 65,7 % 157 9,09

Nous remarquons que, dans cette réunion, ce critère est plutôt récurrent :

- dans les deux séquences descriptives : elles comptent 8 occurrences et une

prévalence des occurrences de 10,57 ‰, qui est plus élevée que la prévalence de l‟ensemble

des séquences de la réunion comportant une forme bi-nominale (9,09 ‰) et inférieure à celle

des séquences de conversation informelle (14,60 ‰) ;

- dans 66,7 % des séquences de conversation informelle ayant une prévalence

particulièrement élevée, à savoir 14,60 ‰ ;

Page 201: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

201

- dans 94,7 % des séquences opératives. Une séquence seulement ne présente

aucune forme bi-nominale. Ces séquences opératives dénombrent 139 occurrences et ont une

prévalence de 9,14 ‰.

Dans cette réunion, les formes bi-nominales semblent caractéristiques des séquences

de conversations informelles, puis des séquences descriptives.

Partie 1 de la réunion de groupement 2, OF

Cette partie de réunion qui a eu lieu au sein de l‟organisme de formation présente

sept séquences dont une seule est descriptive. Aucune séquence ne comporte d‟énoncé-titre.

Pour ce qui est des formes bi-nominales, le tableau ci-après permet de synthétiser les

manifestations de ce critère dans les différents types de séquence :

Tableau 37 : Les manifestations des formes bi-nominales dans les séquences de la partie 1 de la

réunion de groupement 2 (OF)

Types de séquence

dans la partie 1 de la

réunion de

groupement 2 (OF)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

comportant

des formes

bi-nominales

Nombre

d’occurrences

des formes

bi-nominales

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 1 1 100 % 5 4,64

Séquences prescriptives 0 - - - -

Séquences opératives 5 3 60 % 5 3,26

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 7 4 57,1 % 10 3,83

Les formes bi-nominales sont présentes dans la séquence descriptive avec une

prévalence des occurrences la plus élevée (4,64 ‰) et dans trois séquences opératives, avec le

même nombre d‟occurrences et une prévalence de 3,26 ‰.

Alors que les formes bi-nominales semblent caractéristiques des séquences

descriptives, puis des séquences opératives, les énoncés-titres ne sont présents dans aucune

séquence de cette réunion.

Page 202: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

202

Interactions dans l’open space d’un service RH, entreprise de transport

Les activités langagières au sein de l‟entreprise de transport comptent 13 séquences

dont une seule est une séquence descriptive (soit 7,7 % des séquences de la réunion). Aucune

séquence ne compte d‟énoncé-titre.

Pour ce qui est des formes bi-nominales, nous avons repéré des occurrences dans les

séquences descriptives, opératives et dans une séquence non déterminée (ND).

Tableau 38 : Les manifestations des formes bi-nominales dans les séquences des interactions dans

l’open space d’un service RH (ets de transport)

Types de séquence

dans les interactions

dans l’open space d’un

service RH (ets de

transport)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

comportant

des formes

bi-nominales

Nombre

d’occurrences

des formes

bi-nominales

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 1 1 100 % 1 2,79

Séquences prescriptives 1 0 0 0 0

Séquences opératives 7 3 42,8 % 3 3,17

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 1 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 2 0 0 0 0

Séquences ND 1 1 100 % 1 7,14

TOTAL 13 5 38,4 % 5 3,46

Dans les interactions d‟un open space d‟un service des ressources humaines de

l‟entreprise de transport, les formes bi-nominales se manifestent dans les seules séquences

descriptives et ND et dans 3 séquences opératives. Ces dernières ont une prévalence des

occurrences la plus élevée, à savoir 3,17 ‰.

Échanges avant la réunion et pendant la pause du CoDir 1, CCI

Parmi les 6 séquences, il n‟y a pas de séquence descriptive et aucune ne comporte

d‟énoncé-titre.

Deux séquences comptent des occurrences de formes bi-nominales :

- une seule séquence opérative présente 9 occurrences avec une prévalence des

occurrences de 9,34 ‰ ;

- une séquence de conversation informelle (parmi les trois) compte une occurrence de ce

critère avec une prévalence des occurrences de 4,35 ‰.

Les formes bi-nominales ne sont donc pas la caractéristique d‟un type de séquence.

Page 203: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

203

Conversation, OF

Nous n‟observons ni énoncé-titre, ni forme bi-nominale dans les séquences de cette

conversation.

c. Conclusion des analyses des énoncés-titres et des formes bi-nominales

Au vue de ces analyses quantitatives, nous pouvons dire que les formes bi-nominales

ne se présentent pas de façon systématique dans les séquences descriptives. En effet, il arrive

que certaines séquences descriptives ne présentent pas de formes bi-nominales, mais ce

phénomène ne se produit que dans 9,3 % des séquences descriptives. Ainsi, 91 % des

séquences descriptives comportent au moins une forme bi-nominale.

En ce qui concerne les énoncés-titres, les comités de direction sont les seules réunions

où ce critère se manifeste de façon caractéristique dans les séquences descriptives, mais pas

de façon systématique. 78,1 % des séquences descriptives se manifestent dans les comités de

direction, et parmi elles, 30 % de séquences ne comportent pas d‟énoncé-titre.

Tableau 39 : Les manifestations des énoncés-titres dans les séquences du sous-corpus 2

Types de séquence

dans le sous-corpus 2

Nombre de

séquences

dans le

sous-corpus

Nombre de

séquences dans

lesquelles se

manifestent les

énoncés-titres

Nombre

d’occurrences

des énoncés-

titres

Nombre

total de

mots

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 9 1 11,1 % 1 101 9,90

Séquences descriptives 64 39 60,93 % 126 29445 4,28

Séquences prescriptives 22 1 4,54 % 1 697 1,43

Séquences descriptives/

prescriptives 1 0 0 0 0 0

Séquences opératives 72 11 15,27 % 14 11647 1,20

Séquences explicatives 18 2 11,11 % 2 1292 1,55

Séquences opératives/

explicatives 1 0 0 0 0 0

Séquences d'échanges

interstitiels 12 0 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 12 0 0 0 0 0

Séquences ND 10 0 0 0 0 0

Séquences opératives/

prescriptives 14 4 28,5 % 4 4602 0,87

Séquences NC 2 - - - - -

TOTAL 237 58 24,47% 148 47784 3,98

Page 204: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

204

Le graphique ci-dessous permet de visualiser ces données :

Graphique 5 : Prévalences des occurrences pour chaque type de séquences du sous-corpus 2

D‟une façon générale, nous remarquons que près de 61 % des séquences descriptives

présentent au moins un énoncé-titre et ont une prévalence des occurrences la plus élevée

(4,28 ‰), après les séquences encadrantes (9,90 ‰).

Pour ce qui est des formes bi-nominales, les analyses montrent également que les

séquences descriptives sont celles qui en comptent le plus grand nombre d‟occurrences (516).

Les séquences prescriptives et surtout les séquences opératives comportent également un

nombre important d‟occurrences de cette forme :

- 83,3 % des séquences opératives comptent 374 occurrences et une prévalence des

occurrences de 7,11 ‰ ;

- 81,8 % séquences prescriptives comptent 99 occurrences et une prévalence des

occurrences de 8,53 ‰.

Page 205: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

205

Tableau 40 : Les manifestations des formes bi-nominales par type de séquence dans le sous-

corpus 2

Types de séquence

dans le sous-corpus 2

Nombre de

séquences

dans le

sous-

corpus

Nombre de

séquences dans

lesquelles se

manifestent les

formes bi-

nominales

Nombre

d’occurrences

des formes bi-

nominales

Nombre

total de

mots

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 9 1 11,1 % 1 101 9,90

Séquences descriptives 64 58 90,6 % 516 42 464 12,15

Séquences prescriptives 22 18 81,8 % 123 14 423 8,53

Séquences opératives/

prescriptives 14 11 78,5 % 44 14 916 2,95

Séquences explicatives 18 15 83,3 % 99 9 349 10,59

Séquences opératives 72 60 83,3 % 374 52 607 7,11

Séquences opératives/

explicatives 1 1 100 % 3 1 353 2,22

Séquences d'échanges

interstitiels 12 3 25 % 3 745 4,03

Séquences de

conversation informelle 12 3 25 % 3 367 8,17

Séquences descriptives/

prescriptives 1 1 100 % 2 426 4,69

Séquences ND 10 4 40 % 18 3 725 4,83

Séquences NC 2 - - - - -

TOTAL 237 176 74,2 % 1 186 14 0476 8,44

Graphique 6 : Prévalences pour chaque type séquence du sous-corpus 2

Page 206: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

206

Graphique 7 : Nombre d’occurrences pour chaque type séquence du sous-corpus 2

Les analyses quantitatives montrent que les énoncés-titres se manifestent plus

généralement dans les séquences encadrantes et descriptives, et que les formes binominales se

manifestent plus largement dans les séquences descriptives avec un plus grand nombre

d‟occurrences et des prévalences plus élevées.

4.2.2.2.3. Troisième critère linguistique : les marqueurs de structuration et

organisateurs énumératifs

Nous présenterons dans un premier temps les marqueurs de structuration et

organisateurs énumératifs, puis nous procéderons à une analyse quantitative de ces critères

linguistiques dans les diverses séquences des activités langagières du sous-corpus 2.

a. Analyse qualitative des marqueurs de structuration et des organisateurs

énumératifs

Les thèmes sont articulés à l‟aide de marqueurs de structuration comme « alors » et

« donc ». Ceux-ci ne servent pas seulement à ouvrir des thèmes et/ou des sous-thèmes, mais

aussi à extraire les thèmes et à les articuler pour ainsi structurer le discours. Selon A. Auchlin

Page 207: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

207

(1981), ces « marqueurs de structuration » de la conversation jouent un rôle dans la

hiérarchisation de l‟information, rejoignant ainsi la notion de « signaux d‟ouverture »

(« Eröffnungssignale ») d‟E. Gülich. Selon elle, le mot qui désigne l‟ouverture d‟un tour de

parole est le « donc » : « an dem man erkennen kann, dass es sich um eine Wiederaufnahme

handelt, nähmlich donc71

», (1970 : 171). Des exemples de notre corpus confortent les

analyses d‟E. Gülich et A. Auchlin :

Exemple 9.

L1 : Directeur général des services

L4 : Chef du service Commerce Services et Tourisme

1. L4 donc notre: budget 2008 euh en ce qui concerne le Service Commerce Service et Tourisme

donc un rappel de la composition de notre service donc euh *Pp4* *Pp5* /votre, notre/

serviteur et avec un appui euh qui est celui de *Ppn6* + avec donc une organisation où

*Pp4* est plutôt dédiée au tourisme et elle vient en appui lorsque au au fil des projets nous

avons BESOIN de sa présence dans le service

2. L1 hum

3. L4 alors notre notre objectif c‟est de répondre à notre orientation numéro trois je la je la

rappelle accompagner le développement des entreprises des secteurs du commerce et du

tourisme dans l‟animation de leur(s) réseau(x) et dans la VALOrisation de leurs

compétences donc deux axes animation des réseaux valorisation des compétences à travers

une démarche collective des actions collectives et également des actions individuelles alors

la première feuille dans un premier temps il s‟agit de répondre à l‟objectif de

L‟ANIMAtion des réseaux + c‟est la feuille deux /bis, dix/ hein + avec euh une sous-

rubrique + aider les *A1* à s‟organiser par des actions structurantes euh auparavant je tiens

à rappeler le MONTANT du budget global du service c‟est peut-être un élément imp-

important

4. L1 hum

5. L4 donc euh en ce qui concerne la partie commerce *C1* euros et en qui concerne la partie

tourisme *C2* euros

6. L1 hum c‟est ça

(Séquence 3, CoDir 1, CCI)

Après avoir introduit le thème, L4 commence par une première information sur les

membres composant son service. L4 part d‟un propos général « budget 2008 » pour arriver à

des points plus précis, tels que la composition de son service Commerce et Tourisme, les

objectifs de ce service, leurs orientations et donne des chiffres. Il commence par partager les

informations générales avant de développer les informations plus détaillées. Nous pouvons

représenter cette construction du discours avec une pyramide, induisant une organisation

hiérarchique des informations, qui s'enchaînent entre elles.

71

Mot souligné par l‟auteure.

Page 208: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

208

Figure 1 : Construction du discours sous forme pyramidale

Cette schématisation donne à voir en premier lieu l'essentiel du propos (sommet de

la pyramide) qui est ensuite développé du général vers le particulier. Les informations sont

hiérarchisées ce qui permet aux interlocuteurs de suivre facilement le discours.

Nous avons essayé de décomposer les points abordés dans le discours afin de dégager

l‟organisation des thèmes et des sous-thèmes. Nous repérons ainsi un certain nombre d‟

« organisateurs énumératifs » définis par J.-M. Adam et F. Revaz. Selon eux, ces éléments

« servent à mettre de l‟ordre dans un ensemble » et jouent un rôle dans l‟organisation

sémantico-pragmatique du discours (1989 : 66) ; ces organisateurs sont « responsables de la

mise en évidence de la progression du texte descriptif et de la hiérarchisation d‟une séquence

qui serait autrement platement linéaire et non ordonnée » (1989 : 62). Bien que ces

« organisateurs énumératifs » soient, selon ces deux auteurs, des caractéristiques des

séquences explicatives, nous pouvons aisément les retrouver dans des séquences du type

« descriptives », puisque ces dernières, tout comme les séquences explicatives, présentent une

hiérarchisation des informations.

Si nous reprenons l'exemple précédent, L4 emploie dans son discours des

organisateurs énumératifs qui l‟aident à structurer et ordonner son discours : « deux axes »,

« dans un premier temps », « avec euh une sous-rubrique », « en ce qui concerne la partie

commerce *C1* euros et en ce qui concerne la partie tourisme *C2* euros ». Par ailleurs,

l‟emploi de marqueurs de temps, tel que « auparavant » montre le fait que le locuteur gère la

Page 209: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

209

progression chronologique de ses informations en amenant un contexte plus large pour

apporter plus de sens à ces informations. Il nous est d‟ailleurs possible d‟établir un plan

schématisé, plus détaillé que le précédent (cf figure 2), reprenant la structure des informations

données par L4 :

Figure 2 : Schématisation des parties et sous-parties du discours

Le plan de la séquence est une succession d‟informations hiérarchisées. L4 cadre ces propos

pour que ses collaborateurs ne se perdent pas dans la multitude des informations. Les thèmes

sont articulés à l‟aide de l‟emploi de marqueurs de structurations « alors » et « donc », qui

permettent d‟extraire les thèmes, de les articuler et ainsi de structurer le discours. L‟emploi du

marqueur « donc » dans le tour de parole suivant : « donc notre: budget 2008 euh en ce qui

concerne le Service Commerce Service et Tourisme » (premier tour de parole), aide L4 à

structurer son discours et introduire un sous-titre, et marque une reprise du thème principal

après une rupture assurée par le changement de locuteur. Nous reconnaissons les « signaux

d‟ouverture » identifiés par E. Gülich citée précédemment.

L4 annonce un premier point concernant la composition de son service et amorce ce

thème avec l‟emploi d‟un marqueur de structuration : « donc un rappel de la composition de

notre service », pour ensuite développer le thème dans le premier tour de parole :

« donc euh *Pp4* *Pp5* /votre, notre/ serviteur et avec un appui euh qui est celui de *Ppn6* + avec

donc une organisation où *Pp4* est plutôt dédiée au tourisme et elle vient en appui lorsque au au fil des

projets nous avons BESOIN de sa présence dans le service » (premier tour de parole)

Après avoir développé la composition du service, L4 s‟intéresse au développement des

objectifs et introduit explicitement le point concernant l‟objectif principal de son service :

« alors notre notre objectif c‟est de répondre à notre orientation numéro trois » (tour de parole 3).

Page 210: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

210

Dans cette séquence, l‟emploi de « alors » permet au locuteur d‟amener des précisions

sur le contenu (sur les « sous-tâches ») et sert en effet à décomposer des unités thèmes qui

constitueront son discours. Ce phénomène fait écho à A. A. Bouacha, selon laquelle l‟emploi

de « alors » dans une intervention monologale servirait d‟articulation entre séquences

discursives :

[…] je m‟attacherai à définir les valeurs alors dans le discours pédagogique en tant que trace de méta-

opérations discursives et de mettre en rapport ces valeurs avec d‟autres opérations (comme l‟anaphore)

qui articulent entre elles des unités de discours. L‟hypothèse qui sous-tend cette analyse consiste à

envisager les occurrences de alors non comme des éléments de jonction entre trois dimensions à

l‟œuvre dans le discours pédagogique : dimensions assertive, narrative, argumentative. (1981 : 44)

Notre locuteur L4 développe l‟objectif de son service en rappelant l‟orientation dans

laquelle il s‟inscrit :

« alors notre notre objectif c‟est de répondre à notre orientation numéro trois je la je la rappelle

accompagner le développement des entreprises des secteurs du commerce et du tourisme dans

l‟animation de leur(s) réseau(x) et dans la VALOrisation de leurs compétences » (tour de parole 3)

Le locuteur élargit ensuite son propos et précise à ses interlocuteurs les deux

orientations présentes dans cet objectif :

« donc deux axes animation des réseaux valorisation des compétences à travers une démarche collective

des actions collectives et également des actions individuelles » (tour de parole 3)

Par l‟emploi de l‟organisateur énumératif « deux axes », L4 introduit une énumération

permettant, d‟une part de donner à ses interlocuteurs le plus d‟informations possible pour que

ceux-ci puissent reconstruire un contexte, d‟autre part et de saisir au mieux les informations

de L4. Une fois que le cadre est consciencieusement posé, L4 peut donc entrer davantage dans

le détail. Il décompose alors l‟un de ces axes en se référant au document support :

« alors la première feuille dans un premier temps il s‟agit de répondre à l‟objectif de L‟ANIMAtion des

réseaux + c‟est la feuille deux /bis, dix/ hein + » (tour de parole 3)

Il donne ensuite l‟architecture de ce premier axe, en donnant la sous-rubrique : « avec

euh une sous-rubrique + aider les *A1* à s‟organiser par des actions structurantes » et les

éléments composant cette sous-rubrique :

« donc euh en ce qui concerne la partie commerce *C1* euros et en qui concerne la partie tourisme

*C2* euros » (tour de parole 5)

L‟emploi de la locution « il s‟agit de » permet d‟introduire un développement, et

l‟utilisation de reprises lexicales « en ce qui concerne » permet d‟organiser le discours.

Page 211: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

211

L‟analyse de cet extrait montre que le discours est organisé par une série de marqueurs

de structuration (tels que « donc » et « alors ») et des « organisateurs énumératifs » (tels que

« en ce qui concerne », « deux axes ») ; il s‟agit d‟un discours du type expositif où le locuteur

(L4) transmet, expose des informations sur son service et sur ses objectifs. Plusieurs exemples

de notre corpus permettent d‟appuyer notre propos :

Exemple 10.

L1 bien ben écoutez on va on va démarrer bon je propose de démarrer l‟ordre du jour par les affaires

générales et et tout ce qui touche à la communication en général donc on a demain la la

convention hein la convention annuelle de *GIS* qui se passera aux aux *Q1* donc bien sûr que

tout y est convié je crois qu‟il y avait encore quelques personnes qui n‟avaient pas répondu donc

euh on a relancé les uns les autres

(Extrait séquence 1, CoDir 1, GIS)

L1 annonce le premier point de la réunion. « Donc » signale l‟ouverture d‟un thème et son

emploi permet à L1 de hiérarchiser les informations :

affaires générales => « donc » => convention annuelle => « donc » => invitations

L'emploi de « donc » conduit à des précisions et au développement de sous-thèmes.

Exemple 11.

« voilà donc l‟ordre l‟ordre du jour on va y on va: on va attaquer par l‟ordre du jour donc il y avait

l‟accord transactionnelle » (Extrait séquence 1, CA 1, OF)

L4 annonce l‟ordre du jour de la réunion après avoir clos ce qui précédait à l‟aide de « voilà ».

L‟emploi de « donc » fonctionne ici comme un signal d‟ouverture et ouvre sur l‟annonce de

l‟ordre du jour.

Exemple 12.

L1 bon alors les infos générales + alors on a- euh on avait envisagé euh de rencontrer le maire de

*V1* pour inaugurer l‟agence bon ce sera rapporté à octobre hein

(Extrait séquence 3, CoDir 2, GIS)

L1 annonce le premier point de la réunion (les informations générales) grâce à l‟emploi de

« alors » comme un marqueur de structuration. Dans cet énoncé, le second « alors » employé

fonctionne quant à lui comme un élément de hiérarchisation. Parmi les informations

générales, il y a cette rencontre envisagée avec le maire de *V1*.

Page 212: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

212

L‟emploi des organisateurs énumératifs permet donc aux locuteurs d‟ouvrir les

thèmes, mais aussi de hiérarchiser les informations dans leurs discours.

b. Analyse quantitative des marqueurs de structuration et des organisateurs

énumératifs

Dans l‟analyse quantitative suivante, nous présentons, pour chaque activité langagière

du sous-corpus 2, le nombre (en valeur absolue) d‟occurrences de marqueurs de structuration

et d‟organisateurs énumératifs pour chaque séquence descriptive et d‟autres types de séquence

où se manifestent ces critères linguistiques.

CoDir 1, CCI

Nous avons recensé les occurrences de ces critères et observé les séquences dans

lesquels ils se manifestaient.

Tableau 41 : Les manifestations des marqueurs de structuration et des organisateurs énumératifs

dans les séquences du CoDir 1 (CCI)

Types de séquence

dans le CoDir 1

(CCI)

Nombre

de

séquences

dans la

réunion

Nombre

d’occurrences des

marqueurs de

structuration et des

organisateurs

énumératifs

Nombre

d’occurrences des

marqueurs de

structuration et des

organisateurs

énumératifs

Prévalence des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 7 3 42,8 % 4 37,04

Séquences descriptives 31 30 96,7 % 272 12,84

Séquences prescriptives 14 11 78,5 % 50 4,96

Séquences opératives 4 3 75 % 9 3,03

Séquences explicatives 14 10 71,4 % 43 7,56

Séquences d‟échanges

interstitiels 1 1 100 % 2 6,94

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences ND 1 1 100 % 11 6,91

TOTAL 72 58 80,5 % 391 9,33

Les séquences descriptives sont celles qui comptent le plus de marqueurs de

structuration et organisateurs énumératifs (96,7 % des séquences descriptives). Elles en

comptent 272 occurrences et ont une prévalence de 12,84 ‰, qui est la plus élevée après celle

des 3 séquences encadrantes (37,04 ‰). Dans 71,4 % des séquences explicatives, nous avons

repéré 43 occurrences et une prévalence de 7,56 ‰.

Page 213: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

213

Les marqueurs de structuration et organisateurs énumératifs semblent être

caractéristiques des séquences descriptives dans la mesure où plus de 96 % d‟entre elles

comportent des occurrences de ce critère et que ces séquences ont une prévalence supérieure à

celle de l‟ensemble des séquences de la réunion présentant le critère.

CoDir 2, entreprise de transport

Le CoDir de l‟entreprise de transport comprend 16 séquences : 10 séquences

descriptives, 4 séquences opératives, 1 séquence opérative/prescriptive et 1 séquence non

déterminées (ND). Toutes ces séquences au moins 3 marqueurs de structuration ou

organisateurs énumératifs.

Tableau 42 : Les manifestations des marqueurs de structuration et des organisateurs énumératifs

dans les séquences du CoDir 2 (ets de transport)

Types de séquence

dans le CoDir 2

(ets de transport)

Nombre de

séquences

Nombre de séquences

comportant des marqueurs

de structuration et des

organisateurs énumératifs

Nombre

d’occurrences

de ces critères

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 10 10 100 % 81 12,27

Séquences opératives 4 4 100 % 30 6,45

Séquences ND 1 1 100 % 8 6

Séquences opératives/

prescriptives 1 1 100 % 6 3,30

Total 16 16 100 % 125 8,68

Les marqueurs de structuration ou organisateurs énumératifs sont présents dans tous

les types de séquence de la réunion, mais de façon plus marquée dans les séquences

descriptives. En effet, nous en comptons le plus grand nombre d‟occurrences et la plus

importante prévalence, à savoir 12,27. Ainsi, nous pouvons dire que les marqueurs de

structuration et les organisateurs énumératifs se manifestent largement dans l‟ensemble des

séquences de ce CoDir et notamment dans les séquences descriptives.

Page 214: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

214

CoDir 2, GIS

Tableau 43 : Les manifestations des marqueurs de structuration et des organisateurs énumératifs

dans les séquences du CoDir 2 (GIS)

Types de séquence

dans le CoDir 2

(GIS)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

comportant des marqueurs

de structuration et des

organisateurs énumératifs

Nombre

d’occurrenc

es de ces

critères

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 1 1 100 % 2 166,67

Séquences descriptives 9 9 100 % 131 16,53

Séquences prescriptives 2 2 100 % 10 11,23

Séquences opératives 1 1 100 % 11 11,24

Séquences explicatives 0 0 0 0 0

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 1 0 0 0 0

Séquences ND 1 0 0 0 0

Séquences

opératives/prescriptives 5 0 0 0 0

TOTAL 20 14 70 % 152 13,39

70 % des séquences comprennent des marqueurs de structuration et organisateurs

énumératifs. Les occurrences sont plus élevées dans les séquences descriptives (131) et la

prévalence de ces occurrences est la plus forte (16,53 ‰) après celle de la séquence

encadrante (166,67 ‰). Cette dernière comporte 2 occurrences pour 12 mots, d‟où une valeur

de prévalence élevée.

Cette analyse quantitative montre que les marqueurs de structuration et organisateurs

énumératifs sont caractéristiques des séquences encadrantes et descriptives.

Page 215: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

215

Réunion interne 1, CCI

Tableau 44 : Les manifestations des marqueurs de structuration et des organisateurs énumératifs

dans les séquences de la réunion interne (CCI)

Types de séquence

dans la réunion

interne 1 (CCI)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

comportant des

marqueurs de

structuration et des

organisateurs énumératifs

Nombre

d’occurrences

de ces critères

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 9 9 100 % 86 15,69

Séquences prescriptives 1 1 100 % 3 6,86

Séquences descriptives/

prescriptives 1 1 100 % 4 9,39

Séquences opératives 10 9 90 % 77 15,99

Séquences explicatives 3 3 100 % 22 10,12

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 1 0 0 0 0

Séquences ND 1 1 100 % 1 52,63

TOTAL 26 23 88,4 % 193 14,45

Les marqueurs de structuration et organisateurs énumératifs se manifestent dans

presque toutes les séquences de la réunion (88,4 % des séquences). Ce critère est présent dans

100 % des séquences descriptives avec une prévalence de 15,69 ‰, la plus élevée juste après

celle des séquences opératives (15,99 ‰). Ces séquences opératives totalisent cependant

moins d‟occurrences : 77 contre 86 pour les séquences descriptives. De plus, alors que 100 %

des séquences descriptives présentent des occurrences de marqueurs de structuration et

d‟organisateurs énumératifs, 90 % des séquences opératives sont concernées. Quant à la

séquence ND, elle présente une prévalence très élevée (52,63 ‰) avec seulement

1 occurrence, mais pour seulement 19 mots.

Dans cette réunion interne (CCI), les marqueurs de structuration et organisateurs

énumératifs sont donc carécatéristiques de la séquence descriptive.

Réunion des responsables formateurs, OF

Cette réunion ne comporte qu‟une séquence descriptive comptant 4 marqueurs de

structuration et/ou d‟organisateurs énumératifs. Sur l‟ensemble des séquences de cette

réunion, seule la séquence d‟échanges interstitiels ne comporte pas de marqueurs et

d‟organisateurs.

Page 216: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

216

Tableau 45 : Les manifestations des marqueurs de structuration et des organisateurs énumératifs

dans les séquences de la réunion des responsables formateurs (OF)

Types de séquence de

la réunion des

responsables

formateurs (OF)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

comportant des

marqueurs de

structuration et des

organisateurs énumératifs

Nombre

d’occurrences

de ces critères

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 1 1 100 % 11 20,15

Séquences prescriptives 2 2 100 % 18 12,52

Séquences descriptives 1 1 100 % 4 11,83

Séquences opératives 21 21 100 % 190 8,73

Séquences explicatives 1 1 100 % 2 3,77

Séquences opératives/

explicatives 1 1 100 % 15 11,09

Séquences d‟échanges

interstitiels 3 2 66,6 % 3 51,72

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences ND 1 1 100 % 7 10,64

Séquences opératives/

prescriptives 5 5 100 % 41 7,06

TOTAL 36 35 97,2 % 291 8,96

Les deux séquences d‟échanges interstitiels ont une prévalence assez forte (51,72),

étant donné que ces deux séquences comptent peu de mots (25 et 33 mots).

Les analyses montrent que les marqueurs de structuration et/ou d‟organisateurs

énumératifs apparaissent dans presque toutes les séquences de la réunion des responsables des

formateurs et qu‟ils sont fortement récurrents dans les séquences opératives (type de séquence

dominante dans cette réunion), encadrantes, prescriptives, descriptive, opérative/explicative.

L‟ensemble des séquences opératives compte 190 occurrences, mais compte une prévalence

faible, à savoir 8,73 ‰. La séquence encadrante compte à elle seule 11 occurrences et une

prévalence de 20,15 ‰, ce qui est nettement supérieur à la prévalence de l‟ensemble des

séquences de la réunion comptant des marqueurs et des organisateurs (8,96). Pour ce qui est

de la séquence descriptive, elle compte 4 occurrences et une prévalence de 11,83 ‰,

également supérieure à celle de l‟ensemble des séquences de la réunion comptant des

marqueurs et des organisateurs. Les séquences prescriptives, quant à elles, comptent 18

occurrences avec une prévalence importante, puisqu‟elle est de 12,52 ‰.

Dans cette réunion, les marqueurs de structuration et organisateurs énumératifs

semblent caractéristiques des séquences encadrantes et descriptives.

Page 217: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

217

Séance de travail, OF

Les analyses montrent que ce critère est fortement récurrent dans les deux seules

séquences descriptives et dans les séquences opératives qui sont les séquences dominantes

dans cette réunion.

Tableau 46 : Les manifestations des marqueurs de structuration et des organisateurs énumératifs

dans les séquences de la séance de travail (OF)

Types de séquence

dans la séance de

travail

(OF)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

comportant des

marqueurs de

structuration et des

organisateurs énumératifs

Nombre

d’occurrences

de ces critères

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 2 2 100 % 15 19,82

Séquences prescriptives 0 - - - -

Séquences opératives 19 19 100 % 344 22,51

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 7 4 57,1 % 9 12,43

Séquences de

conversation informelle 3 1 33,3 % 1 7,58

Séquences ND 4 2 50 % 2 16,67

Séquences opératives/

prescriptives 3 0 0 0 0

TOTAL 38 26 68,4 % 395 20,44

Dans cette réunion, les marqueurs de structuration et les organisateurs énumératifs

sont caractéristiques des séquences opératives, puis descriptives. L‟ensemble des séquences

opératives compte le plus d‟occurrences (344) et présente la prévalence la plus élevée

(22,51 ‰). Les prévalences de ces séquences s‟échelonnent de 5,95 ‰ à 34,33 ‰, puis 3

séquences opératives présentent des prévalences particulièrement élevées : 54,12 ‰ ;

95,07 ‰ et 101,27 ‰. Concernant les séquences descriptives, elles comptent au total 15

occurrences du critère étudié avec une prévalence assez forte de 19,82 ‰, inférieure à celle

des séquences opératives et à celle de l‟ensemble des séquences de la séance de travail dans

lesquelles se manifestent au moins un marqueur de structuration et un organisateur

énumératif.

Dans cette séance de travail, les marqueurs de structuration et les organisateurs

énumératifs sont caractéristiques des séquences opératives.

Page 218: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

218

Partie 1 de la réunion de groupement 2, OF

Cette partie de réunion, qui a eu lieu au sein de l‟organisme de formation, présente

sept séquences dont une seule est une séquence descriptive (soit 14,3 %).

Tableau 47 : Les manifestations des marqueurs de structuration et des organisateurs énumératifs

dans les séquences de la partie de la réunion de groupement 2 (OF)

Types de séquence

dans la partie 1 de la

réunion de

groupement 2 (OF)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

comportant des marqueurs

de structuration et des

organisateurs énumératifs

Nombre

d’occurrences

de ces critères

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 1 1 100 % 5 4,64

Séquences prescriptives 0 - - - -

Séquences opératives 5 4 80 % 14 6,49

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 7 5 71,4 % 19 6,12

Dans la réunion entre deux organismes de formation, seules deux séquences ne

comportent pas de marqueurs de structuration et d‟organisateurs énumératifs : une séquence

non déterminée (ND) et une séquence opérative. Ce critère est le plus largement présent dans

la séquence descriptive avec 5 occurrences, et dans les séquences opératives dont 4 d‟entre

elles comptent le critère. La prévalence de ces occurrrences est plus importante dans les

séquences opératives (6,49). Les prévalences de ces quatre séquences opératives varient de

2,10 ‰ à 11,56 ‰.

Dans cette réunion, le critère est caractéristique de deux types de séquence :

descriptive et opérative.

Activités langagières au sein du service RH, entreprise de transport

Sur les 13 séquences, 5 comptent des occurrences de marqueurs de structuration et

d‟organisateurs énumératifs.

Page 219: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

219

Tableau 48 : Les manifestations des marqueurs de structuration et des organisateurs énumératifs

dans les séquences des activités langagières au service RH (entreprise de transport)

Types de séquence

dans les interactions

dans l’open space d’un

service RH

(ets de transport)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

comportant des marqueurs

de structuration et des

organisateurs énumératifs

Nombre

d’occurrences

de ces critères

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 1 1 100 % 4 11,14

Séquences prescriptives 1 1 100 % 1 17,24

Séquences opératives 7 3 42,8 % 11 7,99

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 1 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 2 0 0 0 0

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 13 5 38,4 % 16 8,92

Ce critère est présent dans la seule séquence descriptive où nous en comptons quatre

occurrences avec une prévalence de 11,14 ‰, ainsi que dans 42,8 % des séquences opératives

où nous en comptons 11 occurrences avec une prévalence moins élevée, à savoir 7,99 ‰. La

séquence prescriptive présente la plus forte prévalence (17,24 ‰), mais ne dénombre qu‟une

seule occurrence.

Les marqueurs de structuration et les organisateurs énumératifs sont caractéristiques

de la séquence opérative et de la séquence descriptive.

Échanges avant la réunion et pendant la pause du CoDir, CCI

Parmi les six séquences, seule une séquence de conversation informelle compte

4 occurrences de marqueurs de structuration avec une importante prévalence de 76,92 ‰.

Conversation à l’OF

Nous relevons aucun marqueur de structuration ni organisateurs énumératifs dans les

séquences.

Page 220: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

220

c. Conclusion de l’analyse des marqueurs de structuration et des organisateurs

énumératifs

Les marqueurs de structuration et les organisateurs énumératifs sont particulièrement

récurrents dans les séquences descriptives, ainsi que dans les séquences opératives lorsque

celles-ci sont dominantes dans les réunions. En effet, sur 64 séquences descriptives de notre

sous-corpus, une seule ne comporte pas le critère étudié. Ainsi, ce critère linguistique est donc

représenté dans 98,4 % des séquences descriptives avec 686 occurrences et une prévalence

des occurrences de 13,68 ‰. Concernant les 72 séquences opératives du sous-corpus, seules 8

n‟en comportent pas ; ainsi ce critère est présent dans 88,9 % de ces séquences avec

598 occurrences, avec une prévalence de ces occurrences légèrement inférieure (12,74 ‰).

Par ailleurs, précisons que ce critère linguistique est présent dans quelques autres

séquences :

- dans 77,7 % des séquences explicatives avec 67 occurrences et une prévalence de

7,98 ‰ ;

- dans 77,2 % des séquences prescriptives avec 82 occurrences, mais une

prévalence assez faible, à savoir 6,35 ‰ ;

- dans 55,5 % des séquences encadrantes avec 17 occurrences seulement, mais une

prévalence de 25,53 ‰.

Ce critère est donc caractéristique des séquences encadrantes, qui présentent de fortes

prévalences, et des séquences descriptives qui comprennent un important nombre

d‟occurrences et une prévalence supérieure à celle des séquences opératives. Les séquences

descriptives sont les seconds types de séquence à comporter le plus d‟occurrences.

Page 221: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

221

Tableau 49 : Les manifestations des marqueurs de structuration et des organisateurs énumératifs

par type de séquence dans le sous-corpus 2

Types de séquence dans

le sous-corpus 2

Nombre de

séquences

dans le

sous-corpus

2

Nombre de

séquences

comportant des

marqueurs de

structuration et des

organisateurs

énumératifs

Nombre

d’occurrences

de ces critères

Nombre

de mots de

toutes les

séquences

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 9 5 55,5 % 17 666 25,53

Séquences descriptives 64 63 98,4 % 598 43721 13,68

Séquences prescriptives 22 17 77,2 % 82 12910 6,35

Séquences descriptives/

prescriptives 1 1 100 % 4 426 9,39

Séquences opératives 72 64 88,9 % 686 53858 12,74

Séquences explicatives 18 14 77,8 % 67 8391 7,68

Séquences

opératives/explicatives 1 1 100 % 15 1353 11,09

Séquences d'échanges

interstitiels 12 7 58, 3 % 14 1070 13,08

Séquences de

conversation informelle 12 2 16,7 % 5 184 27,17

Séquences ND 10 7 70 % 33 4203 7,85

Séquences

opératives/prescriptives 14 14 100 % 148 17195 8,61

Séquences NC 2 - - - - -

TOTAL 237 195 82,2 % 1 669 143 977 11,59

Ces analyses quantitatives confirment ce fait linguistique : les marqueurs de

structuration et les organisateurs énumératifs sont caractéristiques des séquences descriptives,

puisque 98,4 % d‟entre elles présentent ce critère. Toutefois, ce critère est également

fortement présent dans les séquences opératives, notamment lorsque celles-ci sont les types de

séquence dominantes dans les réunions de travail.

Le graphique ci-dessous permet de visualiser ces données :

Page 222: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

222

Graphique 8 : Prévalences des occurrences (‰) des marqueurs de structuration et des

organisateurs énumératifs pour chaque type de séquence du sous-corpus 2

Les marqueurs de structuration et les organisateurs énumératifs sont caractéristiques

des séquences descriptives, mais aussi des séquences encadrantes, puis opératives de notre

sous-corpus.

4.2.2.2.4. Quatrième critère linguistique : l’emploi du pronom-sujet « nous »

Après avoir présenté les emplois du pronom-sujet « nous », nous procéderons à une

analyse quantitative de ce critère linguistique dans les diverses séquences de réunions de

travail du sous-corpus 2.

a. Analyse qualitative du pronom-sujet « nous »

Nous avons repéré le pronom-sujet de la première personne du pluriel uniquement

dans les séquences de langage expositif, et plus particulièrement dans les séquences

descriptives. Par exemple, dans le CoDir 1 de la CCI, le responsable du service Commerce et

Tourisme (L4) expose son travail et emploie le pronom-sujet « nous » qui renvoie aux autres

membres de son équipe et à lui-même. On remarque que ce même locuteur n‟emploie pas ce

Page 223: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

223

pronom dans les réunions internes auxquelles il participe. Nous pensons alors que l‟emploi de

ce pronom serait caractéristique de la séquence expositive où un locuteur est amené à

présenter le travail réalisé par l‟ensemble de son service.

Exemple 13.

L4 alors sur la partie commerce + nous avons mis au point un certain nombre d‟actions CIblées

euh la la première de faire de * c‟est euh cartes de fidélité il s‟agit de la mise en place pratique

euh du fond FISAC72

sur la ville de *V1* où euh donc nous avons lancé une carte de fidélité

et où nous visons une cinquantaine de dossiers pour un montant budgétaire de *C3* euros

L4 euh nous allons travailler également avec les *A1* à orGANISER leurs opérations de trafic

qui sont souvent les opérations de noël /ou, de/ fin d‟année ça concerne douze associations

départementales pour un montant total de *C8* euros

L4 et puis dernier élément mais lui est plus spécifique A la fédération euh nous accompagnons

sur le plan logistique la fédération départementale mais également euh nous sommes support

à l‟action euh nationale de la semaine du goût +

(Extraits séquence 4, CoDir 1, CCI)

Nous repérons cette même utilisation dans un autre CoDir d‟une autre organisation, le

Groupe Immobilier Social :

Exemple 14.

L4 encore > encore deux petites infos donc concernant la la journée rencontre du vingt quatre juin

donc cet après-midi euh nous allons faire la répétition […]

L4 euh: le dix juin donc mardi nous avons la la réunion communication groupe + et euh je

rappelle euh: je rappelle également que vendredi donc il y a la signature le treize juin à quinze

heures en mairie du dispositif euh insertion pôle économique euh: […]

L4 dernière in- info la mairie ** donc qui a envoyé des invitations concernant *Eve1* et eu nous

sommes partenaires de: de cet événement […]

(Extraits séquence 4, CoDir 2, GIS)

Cet emploi du pronom-sujet « nous » accentue l‟idée de collectif, puisqu‟il réfère à

l‟ensemble de l‟équipe du service, voire à l‟ensemble des employés de l‟organisation.

Par ailleurs, les discours de ce type de réunion sont en partie rédigés. En effet, les

participants fournissent à leurs collaborateurs un rapport écrit qui leur permet de suivre tout

au long de la réunion ce qui est présenté par les différents locuteurs. Les exemples précédents

montrent que les discours sont préparés ; ces rapports sont rédigés en recourant à la forme

plurielle. Les locuteurs utilisent ce document pour exposer leur travail lors de la réunion ;

nous pouvons faire l‟hypothèse que l‟appui de cet écrit influencerait l‟utilisation de la

72 Fonds FISAC : Fonds d‟Intervention pour les Services, l‟Artisanat et le Commerce. C‟est un outil financier qui finance

des projets d‟investissements individuels et collectifs d‟entreprises et de collectivités dans des communes urbaines ou rurales.

Il est géré par le Secrétariat d‟État aux PME, au Commerce, à l‟Artisanat, aux professions libérales et à la consommation, et

est financé par la TACA (Taxe d‟Aide au Commerce et à l‟Artisanat).

Page 224: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

224

première personne du pluriel. De plus, cette réunion convie le directeur et tous les

responsables de service, ce qui appelle à un registre plutôt soutenu. Ce pronom-sujet « nous »

réfère au locuteur et aux membres de son service. En tant que chefs de service, ils parlent au

nom de leur service.

b. Analyse quantitative du pronom-sujet « nous »

Dans l‟analyse quantitative suivante, nous présentons le nombre d‟occurrences des

pronoms-sujets « nous » pour chaque séquence descriptive et pour d‟autres types de séquence

où se manifeste ce critère linguistique et ce pour chaque activité langagière au travail.

CoDir 1, CCI

Le tableau ci-après nous permet de rendre compte du nombre d‟occurrences du

pronom-sujet « nous » et des prévalences de ces occurrences pour chaque type de séquence de

la réunion :

Tableau 50 : Les manifestations du pronom-sujet « nous » dans les types de séquence du CoDir 1

(CCI)

Types de séquence

dans le CoDir 1 (CCI)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifeste le pronom-

sujet « nous »

Nombre

d’occurrences

du pronom-

sujet « nous »

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 7 0 0 0 0

Séquences descriptives 31 10 32,2 % 33 6,55

Séquences prescriptives 14 1 7,1 % 1 0,98

Séquences opératives 4 1 25 % 2 3,19

Séquences explicatives 14 4 28,5 % 4 1,41

Séquences d‟échanges

interstitiels 1 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 72 16 22,2 % 40 4,20

Ce sont dans les séquences descriptives que le pronom-sujet « nous » est le plus

présent. En effet, dans 32,2 % d‟entre elles, nous relevons 33 occurrences, avec une

prévalence la plus élevée (6,55 ‰). Ces analyses montrent que, dans cette réunion, le

pronom-sujet « nous » est caractéristique de la séquence descriptive.

Page 225: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

225

CoDir 2, entreprise de transport

Dans le CoDir qui a eu lieu au sein de l‟entreprise de transport, nous ne repérons

aucune occurrence du pronom-sujet « nous ».

CoDir 2, GIS

Le CoDir du GIS compte 9 des séquences descriptives. Seules deux d‟entre elles

(soit 33,3 %) comptent au moins une occurrence du pronom-sujet « nous » : une occurrence

dans la séquence 11 avec une prévalence de 0,60 ‰ et 3 occurrences dans la séquence 4 avec

une prévalence de 2,43 ‰. Ce critère n‟est présent dans aucun autre type de séquence.

Réunion interne 1, CCI

La réunion interne de la CCI compte 26 séquences dont 2 séquences présentent un

pronom-sujet « nous » :

- une séquence descriptive (sur 9 séquences descriptives) qui ne compte qu‟une seule

occurrenc, d‟où une prévalence de 1,16 ‰ ;

- une séquence opérative (sur 10 séquences opératives) : elle dénombre également une

seule occurrence, avec une prévalence de 1,22 ‰.

Réunion des responsables formateurs, OF

Dans la réunion des responsables formateurs qui a eu lieu au sein de l‟organisme de

formation, nous ne repérons aucune occurrence du pronom-sujet « nous ».

Séance de travail, OF

La séance de travail qui a eu lieu au sein de l‟organisme de formation est dominée par

les séquences opératives. En effet, cette réunion de travail compte 38 séquences dont 19 sont

opératives et deux séquences sont descriptives. Les seules occurrences du pronom-sujet

« nous » se trouvent dans trois séquences opératives :

- la séquence 2 présente 1 occurrence et une prévalence de 0,59 ‰ ;

- la séquence 13 présente 1 occurrence et une prévalence de 2,46 ‰ ;

- la séquence 20 en présente 2 et une prévalence de 2,08 ‰.

Dans cette séance de travail, le pronom-sujet « nous » est caractéristique des

séquences opératives, sans pour autant être présent dans l‟ensemble des séquences de ce type.

Page 226: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

226

Partie 1 de la réunion de groupement 2, OF

Cette partie de réunion, qui a eu lieu au sein de l‟organisme de formation, présente

7 séquences, dont la seule descriptive (la séquence 6) présente une occurrence du pronom-

sujet « nous », avec une prévalence de 0,93 ‰.

Échanges au sein du service RH, entreprise de transport

Les séquences des activités langagières au sein du service RH, entreprise de transport,

ainsi que les échanges avant la réunion et pendant la pause du CoDir de la CCI et de la

conversation de l‟OF, ne présentent pas de pronom-sujet « nous ».

c. Conclusion des analyses portant sur le pronom-sujet « nous »

Pour conclure, sur les 237 séquences de notre sous-corpus, nous relevons 24 séquences

présentent 51 occurrences du pronom-sujet « nous » (soit 58,3 % des séquences). La

prévalence de ces occurrences est de 2,79 ‰.

Parmi ces 24 séquences, nous observons que :

- 14 séquences (soit 58,3 %) sont des séquences descriptives. Elles comptent

39 occurrences et une prévalence de 3,94 ‰ ;

- 5 séquences (soit 20,8 %) sont des séquences opératives. Elles comptent 7 occurrences

et une prévalence de 1,55 ‰ ;

- 4 séquences (soit 16,7 %) sont des séquences explicatives. Elles comptent 4

occurrences et une prévalence de 1,66 ‰ ;

- 1 séquence (soit 4,1 %) est une séquence prescriptive qui ne compte qu‟une

occurrence, avec une prévalence de 1,41 ‰.

Ainsi, les analyses quantitatives valident notre hypothèse qui identifiait le critère concernant

le pronom-sujet « nous » comme étant caractéristique de la séquence descriptive.

Les analyses quantitatives ont également montré que :

- 75 % des séquences comportant le pronom-sujet « nous » sont issues de CoDir : 16 de

ces séquences sont issus du CoDir de la CCI (soit 66,7 % des séquences comprenant

ce critère) et 2 du CoDir du GIS (soit 8,3 %) ;

- 4,1 % de ces séquences sont représentées par une séquence issue d‟une réunion de

responsables de deux organismes de formation à l‟OF ;

Page 227: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

227

- 20,8 % sont issues de séances de travail : 2 séquences de la réunion interne 1 de la

CCI, et 3 de la séance de travail qui a eu lieu à l‟OF.

Pour conclure sur ce pronom-sujet « nous », nous pouvons dire, au vue des analyses

que nous venons de présenter, que ce critère est caractéristique des séquences descriptives

dans la mesure où ce sont dans ces types de séquence qu‟il est le plus présent, en particulier

dans les séquences des comités de direction. Ce pronom-sujet « nous » apparaît plus

frequemment dans le type linguistique « langage expositif », composé des séquences

descriptives et prescriptives, puis, de façon moins caractéristique, dans le type linguistique

« langage de co-action », composé des séquences opératives et explicatives.

4.2.2.2.5. Cinquième critère linguistique : l’emploi des adverbes de cadre

Nous présenterons dans un premier temps les emplois des adverbes de cadre, puis nous

proposerons une analyse quantitative de ce critère linguistique dans les diverses séquences des

activités langagièresde notre sous-corpus 2.

a. Analyse qualitative des adverbes de cadre

La séquence descriptive est caractérisée par de nombreuses occurrences d‟adverbes de

cadre permettant aux locuteurs de situer les informations qu‟ils transmettent en désignant le

cadre de l‟information. Ils peuvent être paraphrasés par « au niveau de » ou « du point de vue

de … ». P. Blumenthal en donne une définition :

Ces adverbes que nous qualifierons de « quasi-référentiels » renvoient à un corps de principe ou à un

domaine de la praxis définissant le cadre dans lequel la phrase est valable. […] ils ont un comportement

syntaxique semblable à celui des adverbes relationnels de temps et de lieu qui surtout en antéposition,

désignent également le « cadre » de l‟information principale. (1990 : 46)

Ces adverbes de cadre précisent les contextes expositifs. Quelques exemples

permettront d‟en donner une illustration :

Page 228: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

228

Exemple 15.

L3 ouais se former techniquement euh on l‟avait fait et dernier point c‟est la formation des agents

de service sur les: utilisations des produits des services

[…]

+

L3 sur les métiers de *DA1* on est passé complètement à côté PARCE QUE ce qui était prévu enfin

ce qui devait se faire il y a un an euh le développement des contrats de pro est complètement

tombé à l‟eau euh: ça n‟avance pas euh: on en a vu plusieurs fois avec les collègues de *V14* les

les les: on a essayé de de de faire avancer les choses avec les les entreprises avec euh et on en est

arrivé rapidement a en juin juin juillet 2007 on constate que: on pouvait pas ni financièrement et

se se permettre le luxe de mobiliser des collègues qui ne feraient que du commercial contrat de

pro parce que les entreprises n‟étaient pas au rendez-vous parce que c‟est pas une demande donc

on a euh: mis ce projet entre parenthèses et à mon avis pour longtemps

(Extrait séquence 1, Comité de Formation, OF)

Le locuteur cadre l‟information et la condense par le seul emploi d‟adverbes :

« techniquement » et « financièrement » (du point de vue financier).

Exemple 16.

L3 alors il y a deux aspects il y a sur le fond il a entièrement raison mais en termes de

communication c‟est pas toujours bien perçu donc euh il y a cette difficulté à gérer en ce sens

où euh: il faut travailler comme si il s‟agissait d‟une priorité je pense mais en termes de

communication il faut veiller AUSSI à valoriser d‟autres facteurs de développement sur le volet

industriel que euh seul euh le laboratoire de *V38* même si intellectuellement et de par notre

euh la nature même de notre activité on sait NOUS que c‟est le levier le plus important euh: il

faut quand même veiller en termes de communication à faire en sorte que justement euh: ce

soit UN des ** potentiels sur lesquels il convient de capitaliser

(Extrait séquence 2, réunion interne 1, CCI)

Ce tour de parole de L3 présente un adverbe de cadre « intellectuellement », qui a le

même rôle que « financièrement » dans le tour de parole précédent, mais présente également

trois emplois d‟un adverbe paraphrasé « en termes de communication » permettant de définir

les limites dans lesquelles le locuteur élabore sa réflexion.

Exemple 17.

L1 cinquante dossiers sachant que budgétairement euh leur ** à *V1* c‟est *C7* est-ce que

tactiquement on (n‟)a pas intérêt à laisser *C7*

L4 alors euh: tactiquement oui dans la mesure où notre budget réel serait de *C7*

(Extrait séquence 4, réunion interne 2, CCI)

Le tour de parole de L1 présente un adverbe de cadre « budgétairement », mais aussi

un adverbe de manière « tactiquement » que L4 reprend d‟ailleurs dans sa réponse. L‟emploi

de ces adverbes permet de condenser les informations.

Nous constatons également que les adverbes en -ment sont très présents dans

l‟ensemble de notre corpus, ce qui constitue une caractéristique du langage expositif.

Page 229: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

229

Nos analyses viennent à la fois justifier la définition de P. Blumenthal et la compléter

en ce sens où les adverbes sont employés dans le discours professionnel et notamment dans

des séquences descriptives relevant du type linguistique expositif.

b. Analyse quantitative des adverbes de cadre

Les analyses quantitatives suivantes présentent les manifestations des adverbes de

cadre dans les séquences. Nous remarquons que ce critère est présent au moins une fois dans

toutes les réunions, excepté dans la partie 1 d‟une réunion entre deux organismes à l‟OF, et ni

dans la conversation à l‟OF ni dans les activités langagières au sein du service des Ressources

Humaines de l‟entreprise de transport.

Nous présentons ci-après le nombre d‟occurrences des adverbes de cadre pour chaque

séquence descriptive, ainsi que les prévalences de ces occurrences, et ce pour l‟ensemble des

types de séquence de chaque activité langagière de travail dans lesquelles se manifeste ce

critère linguistique.

CoDir 1, CCI

Le CoDir de la CCI compte 72 séquences dont 17 (soit 23,6 %) présentent au moins

un adverbe de cadre.

Tableau 51 : Les manifestations des adverbes de cadre dans chaque type de séquence du CoDir 1

(CCI)

Types de séquence

dans le CoDir 1

(CCI)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

adverbes de cadre

Nombre

d’occurrences

des adverbes

de cadre

Prévalence des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 7 0 0 0 0

Séquences descriptives 31 9 29 % 14 1,79

Séquences prescriptives 14 2 14,2 % 2 0,90

Séquences opératives 4 1 25 % 3 1,79

Séquences explicatives 14 4 28,5 % 9 3,67

Séquences d‟échanges

interstitiels 1 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences ND 1 1 100 % 1 0,63

TOTAL 72 17 23,6 % 29 1,84

Page 230: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

230

Les adverbes de cadre sont plus récurrents dans les séquences descriptives, puis dans

les séquences explicatives. En effet, les séquences descriptives comptent 14 occurrences

parmi 9 séquences. Ces séquences présentent une prévalence de 1,79 ‰, légèrement

inférieure à la prévalence de l‟ensemble des séquences de la réunion comprenant au moins un

adverbe de cadre. Les prévalences des occurrences de ce critère au sein de ces neuf séquences

varient entre 0,42 ‰ et 4,54 ‰, une séquence ayant une prévalence de 12,15 ‰. Pour ce qui

est des séquences explicatives, on compte 9 occurrences de notre critère dans 4 séquences.

Ces quatre séquences présentent une prévalence élevée, puisqu‟elle est de 3,67 ‰. Les autres

séquences (opératives et prescriptives) comptent peu d‟occurrences et ont des prévalences

plus faibles.

Ainsi, dans ce CoDir, les adverbes de cadre sont caractéristiques des séquences

explicatives.

CoDir, entreprise de transport

Tableau 52 : Les manifestations des adverbes de cadre dans les séquences du CoDir 2 (entreprise de

transport)

Types de séquence

dans le CoDir 2

(ets de transport)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de

séquences dans

lesquelles se

manifestent les

adverbes de cadre

Nombre

d’occurrences

des adverbes

de cadre

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - -

Séquences descriptives 10 6 60 % 8 1,72

Séquences prescriptives 0 - - - -

Séquences opératives 4 1 25 % 2 1,45

Séquences explicatives 0 - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences ND 1 0 0 0 0

Séquences

opératives/prescriptives 1 0 0 0 0

TOTAL 16 7 43,7 % 10 1,66

Page 231: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

231

Les analyses montrent que la majorité des adverbes de cadre sont présents dans les

séquences descriptives, qui sont au nombre de 6 et comptent 8 occurrences de notre critère.

La prévalence des ces séquences est la plus élevée à savoir 1,72 ‰. Dans cette réunion, une

séquence opérative compte 2 occurrences, avec une prévalence de 1,45 ‰.

Ainsi, dans ce CoDir, les adverbes de cadre sont caractéristiques des séquences

descriptives.

CoDir 2, GIS

Dans les séquences du CoDir du GIS, les adverbes de cadre ne sont présents que dans

seulement deux séquences que nous avons nommées « opératives/prescriptives », car elles

comportent autant de critères appartenant à la séquence opérative que de critères appartenant à

la séquence prescriptive. Ces types de séquence, partageant les caractéristiques de deux types

de séquence, sont au nombre de 5 dans cette réunion. Deux d‟entre elles comptent une

occurrence d‟adverbe de cadre.

Réunion interne 1, CCI

La réunion interne de la CCI compte 26 séquences, dont 9 comportent au moins un

adverbe de cadre.

Tableau 53 : Les manifestations des adverbes de cadre par type de séquence dans une réunion

interne (CCI)

Types de séquence

dans la réunion

interne 1

(CCI)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

adverbes de cadre

Nombre

d’occurrences

des adverbes

de cadre

Prévalence des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 0 0 0 0

Séquences descriptives 9 4 44,4 % 4 1,41

Séquences prescriptives 1 1 100 % 1 2,29

Séquences descriptives

/prescriptives 1 1 100 % 1 2,35

Séquences opératives 10 2 20 % 2 1,03

Séquences explicatives 3 1 33,3 % 2 2,09

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 1 0 0 0 0

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 26 9 34,6 % 10 1,52

Ce sont dans les séquences descriptives que nous repérons la plupart des adverbes. Les

quatre séquences descriptives comptent 4 occurrences et une prévalence de 1,41 ‰.

Page 232: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

232

Cependant, les types de séquence présentant la prévalence la plus importante sont les

séquences descriptives/prescriptives (2,35 ‰), prescriptives (2,29 ‰), puis explicatives

(2,09 ‰).

Dans cette réunion, il semble difficile de déterminer de quel type de séquence les

adverbes de cadre sont caractéristiques. Ceux-ci se manifestent davantage dans les séquences

descriptives (plus de 44 % d‟entre elles) et dans les seules séquences prescriptives et

descriptives/prescriptives.

Réunion des responsables des formateurs, OF

Cette réunion est dominée par les séquences opératives et ne comprend qu‟une

séquence descriptive. Nous comptons 4 adverbes de cadre dans :

- deux séquences opératives : la séquence 9 avec 1 occurrence et une prévalence de

1,86 ‰, et la séquence 35 avec 2 occurrences et une prévalence de 1,39 ‰ ;

- une séquence qui n‟a pas pu être déterminée par manque d‟occurrences de notre

critère. Cette séquence ND compte 1 occurrence, avec une prévalence de 1,52 ‰.

Séance de travail, OF

Cette réunion compte 38 séquences dont 2 seulement sont descriptives. Nous relevons

un seul adverbe de cadre dans une de ces séquences descriptives. Elle présente une prévalence

de 1,91 ‰.

Échanges avant la réunion et pendant la pause du CoDir, CCI

Nous relevons un seul adverbe de cadre dans une séquence opérative ; celle-ci

présente une prévalence de 1,04 ‰.

c. Conclusion des analyses portant sur les adverbes de cadre

Les analyses montrent que les adverbes de cadre sont plus particulièrement dans les

séquences descriptives.

Page 233: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

233

Tableau 54 : Les manifestations des adverbes de cadre dans chaque type de séquence du sous-

corpus 2

Types de séquence

dans le sous-corpus 2

Nombre de

séquences

dans le sous-

corpus 2

Nombre de

séquences où se

manifeste au

moins un

adverbe de cadre

Nombre

d’occurrences

des adverbes

de cadre

Nombre

de mots de

toutes les

séquences

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 9 0 0 0 0 0

Séquences prescriptives 22 3 13,6 % 3 2 656 1,13

Séquences descriptives 64 20 31,2 % 27 15 822 1,71

Séquences descriptives/

prescriptives 1 1 100 % 1 426 2,35

Séquences opératives 72 7 9,7 % 11 7 941 1,39

Séquences explicatives 18 5 27,7 % 11 3 407 3,23

Séquences

opératives/explicatives 1 0 0 0 0 0

Séquences d'échanges

interstitiels 12 0 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 12 0 0 0 0 0

Séquences ND 10 2 20 % 2 2 251 0,86

Séquences

opératives/prescriptives 14 2 14,2 % 2 3 608 0,70

Séquences NC 2 - - - - -

TOTAL 237 38 16 % 57 36 111 1,58

Les occurrences d‟adverbes de cadre sont plus importantes dans les séquences

descriptives (27 occurrences). Ces dernières ont une prévalence importante (1,71 ‰), mais

inférieure à celle des séquences explicatives (3,23 ‰) et descriptives/precriptives (2,35 ‰)

repérés. Cependant, 31,2 % des séquences descriptives comptent des occurrences, alors que

les séquences explicatives ne sont que 27,7 % dans les mêmes cas. Les analyses montrent

donc que les adverbes de cadre sont plus récurrents dans les séquences descriptives et

confirment ainsi le fait que ce critère soit caractéristique de ce type de séquence. Ces analyses

montrent en outre que les séquences explicatives sont sensibles à ce critère.

4.2.2.2.6. Sixième critère linguistique : les postures anticipatoires

Nous présenterons dans un premier temps le critère que constituent les postures

anticipatoires, puis nous fournirons une analyse quantitative de ce critère dans les diverses

séquences de réunions de travail.

Page 234: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

234

a. Analyse qualitative des postures anticipatoires

Dans nos séquences, nous avons repéré des références à des événements ou actions

futur(e)s qui rejoignent le concept d‟ « anticipatory discourse » que définit R. Scollon :

A theory of anticipatory discourse should provide for some orientation toward future events, actions or

states. Such a theory would contrast with narrative theory, which is retrospective in that it is primarily

oriented toward the past. (2001 : 106)

Cette théorie a été élaborée en 2000 par S. et R. Scollon, puis reprise et décrite par

I. de Saint-Georges :

Un grand nombre d‟échanges au sein de l‟organisation portent sur des événements à venir. Les

participants à des situations de travail font des projets, planifient leurs actions, forment des intentions

quant à leurs réalisations, s‟engagent à réaliser certains objectifs ou négocient des « avenirs partagés »

(R. Scollon, 2002a). (2005 : 201)

Les analyses de discours anticipatoires ont permis à ces auteurs de dégager différentes

postures chez les locuteurs, qu‟ils ont nommées « postures anticipatoires » (« anticipatory

discourse », 2001 : 97), et qui sont représentées sur une « matrice des actions sociales »

comprenant les savoirs et l‟agentivité :

Besides the epistemological dimension of knowledge, a theory of anticipation should also include a

dimension of agency or agentivity in relation to future events or actions. (2001 : 106)

Les postures représentent les sentiments des locuteurs par rapport à un événement

futur (prédiction, spéculation, doutes). Quant à l‟agentivité, elle exprime l‟attitude du locuteur

vis-à-vis de l‟événement futur (intention, conditionnelle, action impossible). I. de Saint-

Georges (2005) a synthétisé les différentes positions dans un tableau :

Page 235: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

235

Figure 3 : Postures anticipatoires de S. et R. Scollon (2000) schématisées par I. de Saint-Georges

(2005 : 205)

Parler sur le travail conduit inévitablement les locuteurs à parler de ce qui est à faire

afin de compléter l‟exposé du travail réalisé. Les actions et travaux effectués par les agents

prennent place dans un ensemble d‟actions à accomplir, ce qui conduit à parler à la fois de ce

qui a été fait et de ce qu‟il y a à faire. Quelques exemples tirés de notre corpus permettent

d‟illustrer notre propos :

Exemple 18.

L4 voilà et on a également cette semaine une réunion concernant l‟affichage dynamique avec la

gestion des deux zones les zones d‟attente euh de l‟agence de *V1* et *Q7* et effectivement

l‟aménagement de la la vitrine par rapport aux offres immobilières donc là c‟est euh: c‟est un c‟est

un travail qui: mérite vraiment de: enfin de prendre du TEMPS de de bien faire parce que c‟est

effectivement c‟est en vitrine et il faut bien la chartE graphique qu‟on soit co- en cohérence avec

euh: le site internet qui est déjà en ligne donc qu‟on est vraiment quelque chose euh de

harmonieux en fait < euh:

L1 le le > site est en ligne MAIS les annonces c‟est < fin du mois

L4 c‟est dans un > deuxième temps

L1 c‟est fin du mois ***

L4 euh je crois que c‟était fin: fin juin < ils avaient dit

L1 ouais c‟est ça ouais >

L4 voilà

L1 peut-être qu’on pourrait au mois de juillet euh collectivement rendre cohérent tout ça quoi

c’est-à-dire à la fois avoir les offres sur internet L4 oui

L1 et nous commencer à imaginer un dispositif=

L3 hum

L1 =qui soit < en

L4 qui soit facile > aussi pour la personne qui aura à gérer < la:

L1 c‟est l‟idéal > quoi mais bon

(Extrait séquence 4, CoDir 9 juin, GIS)

Les participants abordent la question des affichages dynamiques (des annonces interactives

seront affichées sur des écrans) qui vont être mis en place dans les vitrines des agences, ce qui

les conduit à aborder le problème des offres à afficher et de leur gestion. Ils anticipent ainsi

Page 236: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

236

sur la mise en place effective et sur la gestion de ce type de dispositif. Dans cet extrait, L4

prend une posture contingente dans la mesure où il fait une suggestion modalisée avec

l‟emploi du conditionnel. La question n‟est cependant pas approfondie, mais nous faisons

l‟hypothèse que cette question sera étudiée et détaillée dans une réunion ultérieure.

Exemple 19.

L4 la thématique de valorisation des compétences euh donc c‟est dégager une un besoin au niveau des

acteurs et de leur(s) formation(s) donc pour ça on va mettre en place euh deux actions ciblées

l‟apprentissage de la langue anglaise par téléphone on vise une dizaine de ressortissants c‟est assez

beaucoup je pense c‟est la première fois qu‟on fait çà

L1 ouais c‟est cher d‟ailleurs

L4 voilà c‟est vrai mais on va essayer de répondre à ce besoin permanent des commerçants ils sont

conscients de leur besoin ils n‟ont pas toujours la disponibilité nécessaire donc on va essayer

d‟inverser le problème et de faire en sorte que ce soit pas le professeur qui se mette un + qui soit

MOBILE si je puis dire

(Extrait séquence 8, CoDir 1, CCI)

L4 je suis assez je suis assez impatient de voir comment ça va fonctionner + c‟est /un, 0/ c‟est un

module assez intéressant de voir comment ça si il va y avoir une prise au niveau du terrain ou pas à

partir si la méthode fonctionne on pourra l’élargir à plein à plein de choses hein

L5 d‟accord +

(Extrait séquence 9, CoDir 1, CCI)

Au sein de son service, L4 met en place une action pour l‟apprentissage de l‟anglais

aux commerçants. Dans cet extrait, L4 prend une posture plutôt active. Par « si la méthode

fonctionne on pourra l‟élargir à plein à plein de choses », le locuteur prend une posture

anticipatoire ; il montre non seulement son impatience, sa motivation à mener son projet au

mieux pour le développer ensuite, mais aussi l‟amplitude que l‟objet peut prendre si la

méthode fonctionne.

Ces analyses confortent celles de L. Filliettaz (2002), qui identifie d‟une part des

« transactions ancrées rétrospectivement », c'est-à-dire qui renvoient à des « éventualités »

(terme qu‟il emprunte à J. Moeschler et al., 1998) antérieures à l‟action, d‟autre part des

transactions ancrées « prospectivement » à l‟ensemble des conduites, autrement dit qui

désignent des états à venir.

Page 237: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

237

b. Analyse quantitative des postures anticipatoires

Les analyses montrent que les postures anticipatoires se manifestent dans plusieurs

réunions de travail, mais sont absentes des échanges avant les réunions ou des conversations

lors des pauses.

Dans l‟analyse qualitative suivante, nous présentons les manifestations de postures

anticipatoires dans l‟ensemble des types de séquence de chaque activité langagière au travail.

Nous ne pouvons donner de prévalences de ce critère, dans la mesure où la posture s‟identifie

de façon transversale dans les énoncés des locuteurs. Ce qui est important dans l‟analyse de ce

critère est la présence même de phases.

CoDir, CCI

Le CoDir de la CCI compte 35 séquences où se manifestent des postures

anticipatoires. Le tableau ci-après présente les manifestations des postures anticipatoires dans

chaque type de séquence de la réunion :

Tableau 55 : Les manifestations des postures anticipatoires par type de séquence dans le CoDir 1

(CCI)

Types de séquence

dans le CoDir 1 (CCI)

Nombre de

séquences

Nombre de séquences où se

manifeste une ou plusieurs

posture(s) anticipatoire(s)

Nombre de

postures

anticipatoires

Séquences encadrantes 7 2 28,5 % 2

Séquences descriptives 31 18 58 % 21

Séquences prescriptives 14 8 57,1 % 11

Séquences opératives 4 3 75 % 4

Séquences explicatives 14 7 50 % 9

Séquences d‟échanges

interstitiels 1 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 0 - - -

Séquences ND 1 1 100 % 1

TOTAL 72 39 54,1 % 48

Dans cette réunion, les séquences opératives sont celles qui présentent le plus de

postures anticipatoires (75 %), suivi des séquences descriptives (58 %), prescriptives (57 %)

et explicatives (42 %). L‟analyse quantitative montre que les postures anticipatoires sont

fréquentent dans 75 % des séquences opératives (en minorité dans ce corpus), dans 58 % des

séquences descriptives (séquences dominantes dans cette réunion) et dans 57 % des séquences

Page 238: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

238

prescriptives. Ce critère des postures anticipatoires ne semble donc pas être la caractéristique

de la seule séquence descriptive, même s‟il se trouve de façon récurrente dans celle-ci.

CoDir, entreprise de transport

Dans le CoDir qui a eu lieu au sein de l‟entreprise de transport, 6 séquences présentent

une posture anticipatoire, dont voici le détail dans le tableau ci-après :

Tableau 56 : Les manifestations des postures anticipatoires par types de séquence dans le CoDir 2

(ets de transport)

Types de séquence

dans le CoDir 2

(ets de transport)

Nombre de

séquences

Nombre de séquences où

se manifeste une ou

plusieurs posture(s)

anticipatoire(s)

Nombre de

postures

anticipatoires

Séquences encadrantes 0 - - -

Séquences descriptives 10 3 30 % 3

Séquences prescriptives 0 - - -

Séquences opératives 4 1 25 % 1

Séquences explicatives 0 - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - -

Séquences de

conversation informelle 0 - - -

Séquences ND 1 1 100 % 1

Séquences opératives/

prescriptives 1 1 100 % 1

Total 16 4 25 % 6

Les postures anticipatoires sont présentes dans une séquence ND, ainsi que dans une

séquence que nous avons nommée « opérative/prescriptive » parce qu‟elle comporte des

critères de la séquence opérative et des critères de la séquence prescriptive. Ces apparaissent

dans 30 % des séquences descriptives et 25 % des séquences opératives. Il semble que ce

critère, que nous avions rattaché à la séquence descriptive, semble caractéristique de la

séquence opérative puisque ce second CoDir démontre que la séquence opérative est

caractéristique.

CoDir 2, GIS

Trois postures anticipatoires sont présentes dans trois séquences descriptives, type de

séquence dominant dans cette réunion.

Page 239: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

239

Réunion interne 1, CCI

Au sein de cette réunion interne, on trouve 10 postures anticipatoires au sein de

9 séquences :

Tableau 57 : Les manifestations des postures anticipatoires par type de séquence dans la réunion

interne 1 (CCI)

Types de séquence dans

la réunion interne 1

(CCI)

Nombre

de

séquences

Nombre de séquences où se

manifeste au moins une

posture anticipatoire

Nombre de

postures

anticipatoires

Séquences encadrantes 0 - - -

Séquences descriptives 9 4 44 % 4

Séquences prescriptives 1 0 0 0

Séquences

descriptives/prescriptives 1 0 0 0

Séquences opératives 10 3 30 % 3

Séquences explicatives 3 2 66,7% 3

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - -

Séquences de

conversation informelle 1 0 0 0

Séquences ND 1 0 0 0

TOTAL 26 9 34,6 % 10

Les postures anticipatoires se manifestent dans trois types séquences : 66 % des

séquences explicatives, 44 % des séquences descriptives et 30 % des séquences opératives.

Comme dans le CoDir précédent, les postures anticipatoires sont présentes non seulement

dans quelques séquences descriptives, mais aussi dans des séquences opératives et

explicatives.

Au sein des CoDir, dans les séquences relevant du type linguistique de co-action, les

participants corrigent leur document support à partir duquel ils s‟appuient pour le déroulement

de la réunion. Les locuteurs exposent le travail réalisé, mais aussi les travaux à venir.

Réunion des formateurs, OF

Cette réunion compte 21 séquences opératives, parmi lesquelles 5 (soit 23,8 %)

comportent une posture anticipatoire. Par ailleurs, parmi les 5 séquences

opératives/prescriptives, ce critère est présent dans deux d‟entre elles (soit 40 %).

Page 240: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

240

Séance de travail, OF

Dans cette réunion de travail, les séquences opératives sont dominantes (50 %). Parmi

elles, une séquence comporte une posture anticipatoire. Elle se situe au début de la réunion,

lorsque les locutrices évoquent l‟appel d‟offres en cours auquel leur organisme de formation

répond. C‟est d‟ailleurs pour cette raison que cette réunion de travail a lieu : pour réorganiser

les curriculum vitae des formateurs afin de répondre à cet appel d‟offres.

Partie 1 de la réunion de groupement 2, OF

Dans cette réunion, nous repérons deux postures anticipatoires dans la seule séquence

descriptive et dans une des cinq séquences opératives.

Activités langagières au sein du service RH, entreprise de transport

Dans cette réunion, nous repérons une posture anticipatoire dans la seule séquence

descriptive.

c. Conclusion des analyses portant sur les postures anticipatoires

65 séquences de notre sous-corpus comportent au moins une posture anticipatoire (soit

27,4 % des séquences du sous-corpus 2). Les analyses montrent que ce critère ne se manifeste

pas seulement dans les séquences descriptives. En effet, nous l‟avons observé dans des

séquences opératives, explicatives et prescriptives, ainsi que dans des séquences que nous

n‟avons pu déterminer ou des séquences partageant à la fois des caractéristiques de la

séquence opérative et de la séquence prescriptive.

Nous reprenons l‟ensemble des occurrences des postures anticipatoires par type de

séquence :

Page 241: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

241

Tableau 58 : Les manifestations des postures anticipatoires par type de séquence dans le sous-

corpus 2

Types de séquence dans

le sous-corpus 2

Nombre de séquences où

se manifeste au moins

une posture anticipatoire

Nombre de séquences où se

manifeste au moins une posture

anticipatoire

Séquences encadrantes 9 0 0

Séquences descriptives 64 30 46,8 %

Séquences prescriptives 22 8 36,3 %

Séquences

descriptives/prescriptives 1 0 0

Séquences opératives 72 14 19,4 %

Séquences explicatives 18 8 44 %

Séquences

opératives/explicatives 1 0 0

Séquences d'échanges

interstitiels 12 0 0

Séquences de

conversation informelle 12 0 0

Séquences ND 10 2 20 %

Séquences

opératives/prescriptives 14 3 21 %

Séquences NC 2 - -

TOTAL 237 65 27,4 %

Les postures anticipatoires se manifestent plus largement dans les séquences

descriptives : 46,8 % des séquences descriptives et 30 postures anticipatoires. En outre, ce

critère se manifeste aussi de façn notable dans les séquences explicatives (44 % d‟entre elles).

4.2.2.2.7. Septième critère linguistique : les rappels informatifs et les reprises de

propos

Nous présenterons dans un premier temps le critère des rappels informatifs et des

reprises de propos, puis nous procéderons à l‟analyse quantitative de ce critère dans les

diverses séquences de réunions de travail.

Page 242: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

242

a. Analyse qualitative des rappels informatifs et des reprises de propos

Les échanges entre les locuteurs sont orientés vers le futur, mais portent des traces du

travail déjà effectué et des éléments ancrés dans la mémoire collective mais qui ont parfois

besoin d‟être rappelés. L‟exposé du travail effectué par le service est souvent l‟occasion de

rappeler certains de ces éléments afin que les interlocuteurs ne soient pas perdus dans la

masse d‟informations. Les locuteurs tentent de contextualiser le plus possible leurs

informations en partant d‟éléments connus mais peut-être oubliés. Nous allons analyser, dans

notre corpus, quelques exemples de rappels.

Exemple 20.

L1 : Directeur général des services

L4 : Chef du service Commerce Services et Tourisme

1. L4 donc notre: budget 2008 euh en ce qui concerne le Service Commerce Service et Tourisme

donc un rappel de la composition de notre service donc euh *Pp4* *Pp5* /votre, notre/

serviteur et avec un appui euh qui est celui de *Ppn6* + avec donc une organisation où

*Pp4* est plutôt dédiée au tourisme et elle vient en appui lorsque au au fil des projets nous

avons BESOIN de sa présence dans le service

2. L1 hum

3. L4 alors notre notre objectif c‟est de répondre à notre orientation numéro trois je la je la

rappelle accompagner le développement des entreprises des secteurs du commerce et du

tourisme dans l‟animation de leur(s) réseau(x) et dans la VALOrisation de leurs

compétences donc deux axes animation des réseaux valorisation des compétences à travers

une démarche collective des actions collectives et également des actions individuelles alors

la première feuille dans un premier temps il s‟agit de répondre à l‟objectif de

L‟ANIMAtion des réseaux + c‟est la feuille deux /bis, dix/ hein + avec euh une sous-

rubrique + aider les *A1* à s‟organiser par des actions structurantes euh auparavant je tiens

à rappeler le MONTANT du budget global du service c‟est peut-être un élément imp-

important

(Séquence 3, CoDir 1, CCI)

L4 engage son discours en reprenant textuellement le thème « budget 2008 » qui a été

introduit par le responsable (L1) dans le tour de parole 3 de la séquence précédente : « donc

notre: budget 2008 euh en ce qui concerne le Service Commerce Service et Tourisme » (tour

de parole 1). En reprenant textuellement les propos de L1, L4 marque une continuité dans le

discours.

Dans cet extrait de séquence, le locuteur gère les informations pour ses collègues en

procédant à de nombreux rappels : « je la (l‟orientation) rappelle » (tour de parole 3), « je

tiens à rappeler » (tour de parole 3). Il s‟assure que tout le monde est bien d‟accord avec ce

dont il parle et les renvoie dans la mémoire discursive.

Page 243: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

243

Ces analyses contribuent également à stabiliser ce qu‟A. Berrendonner explique de la

manière suivante :

Toute interaction verbale met en jeu un ensemble évolutif M (mémoire discursive, ou savoir partagé),

contenant les informations qui, à chaque instant, sont valides pour les deux interlocuteurs et publiques

entre eux. En parlant, ceux-ci opèrent tour à tour dans M des révisions, transformations, incrémentations

pour les deux parties. (1990 : 25)

La mémoire discursive est alimentée par les discours et les différents éléments des

situations d‟énonciation. Son état évolue donc à mesure que l‟activité interactive s‟étend. Elle

renferme les diverses représentations construites collectivement et partagées par l‟ensemble

des participants. Les réunions de comité de direction ont pour objectif de faire le point sur les

travaux effectués, en cours et en projet. Il s‟agit d‟une sorte de débriefing faisant

nécessairement divers renvois aux précédentes réunions, conversations ou autres types

d‟échanges oraux ou écrits. En rappelant certains éléments à ses interlocuteurs, les locuteurs

opèrent une révision de la mémoire discursive et accèdent à un contexte partagé évitant ce qui

conduit à une certaine rigueur et pare à certaines ambiguïtés.

Ces rappels nous conduisent inévitablement à parler d‟ « histoire conversationnelle ».

Chaque discours est lié à des discours précédents, c‟est-à-dire que les discours font référence

à d‟autres discours qui ont eu lieu à un autre moment entre deux ou plusieurs locuteurs. Pour

signifier ce continuum, S. Golopentja parle d‟ « histoire conversationnelle » ; elle la définit

ainsi :

Dans la vie courante, la somme des conversations se déroulant entre les membres d‟une famille

représente une histoire conversationnelle. On pourrait définir de la même manière : la somme des

interactions conversationnelles qui ont lieu à des intervalles plus ou moins réguliers entre des voisins,

des collègues de bureau, des amis ; la somme des interviews patient/psychanalyste depuis leur premier

contact jusqu‟à la guérison du malade ou à son abandon ; la somme des interactions conversationnelles

entre un professeur et les élèves (étudiants) pris séparément et/ou ensemble, qui composent „sa‟ classe

durant l‟année scolaire. (1988 : 71)

Dans le cas d‟interactions entre plusieurs individus comme les réunions de travail, il

n‟y a pas seulement une histoire conversationnelle commune, accessible à l‟ensemble des

locuteurs, mais des histoires conversationnelles. Les interactions des individus s‟inscrivent

dans des histoires conversationnelles qui sont actualisées à chaque interaction.

Page 244: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

244

b. Analyse quantitative des rappels informatifs et les reprises de propos

Dans notre sous-corpus 2, nous avons repéré, 16 séquences dans lesquelles se

manifestent des rappels informatifs :

- 10 séquences descriptives (soit 15,6 % des séquences descriptives) ;

- 3 séquences prescriptives (soit 13,6 % des séquences prescriptives) ;

- 1 séquence d‟échanges interstitiels (soit 8,3 % des séquences d‟échanges interstitiels) ;

- 2 séquences opératives/prescriptives (soit 14,2 % des séquences

opératives/prescriptives) ;

Ces séquences sont majoritairement des séquences descriptives.

Par ailleurs, nous remarquons que ces séquences sont essentiellement des séquences

issues de deux CoDir : celui du GIS (21,4 %) et celui de la CCI (72,4 %). Une séquence est

tirée de la réunion de formateur (OF) ; il s‟agit de la séquence 2 dans laquelle le directeur

rappelle l‟objectif de la réunion qui avait été précisé lors de la séquence 1, au moment de la

mise en place de cette réunion.

4.2.2.3 Analyses de deux séquences descriptives

Après avoir présenté l‟ensemble des critères linguistiques caractérisant la séquence

descriptive, nous allons procéder à l‟analyse complète de deux séquences descriptives : la

séquence 4 issue du comité de direction 1 de la CCI et la première séquence réunion interne 2

de la CCI.

Dans l‟analyse des séquences, nous mettrons en évidence d‟autres critères, non

répertoriés précédemment, car ces critères ne sont pas suffisamment récurrents dans

l‟ensemble des séquences pour en faire une étude particulière. Il s‟agit de critères partagés,

c'est-à-dire caractéristiques de plusieurs types de séquence comme les temps des verbes ou les

champs sémantiques.

4.2.2.3.1. Première analyse : séquence n° 4 du CoDir 1 à la CCI

Page 245: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

245

Séquence n° 4 issue du CoDir 1 de la CCI

1. L4 alors sur la partie commerce + nous avons mis au point un certain nombre d‟actions CIblées euh

la la première de faire de * c‟est euh cartes de fidélité il s‟agit de la mise place pratique euh du

fond FISAC sur la ville de *V1* où euh donc nous avons lancé une carte de fidélité et où nous

visons une cinquantaine de dossiers pour un montant budgétaire de *C3* euros euh alors qu‟y a-

t-il dans ces *C3* euros il y a le salaire de *P7* des actions de prémédication et des prises en

charge techniques euh de type TPE ou achat de cartes + deuxième opération autour de la carte de

fidélité euh et ce dans le prolongement des actions qui ont eu lieu en n moins un sur *V2* et

*V3* il s‟agit de faire de la communication autour soit d‟une carte de fidélité qui a été lancée à

*V3* soit de PROMOUvoir celle-ci c‟est notamment le cas de *V2* nous avons programmé

*C4* euros + puis euh deuxième AXE de travail qui va être important pour nous cette année

c‟est euh la mise en place de la charte de qualité avec un objectif départemental de quatre vingt

/*, 0/ dossiers dont je vous soumets la répartition euh vingt sur le pays nord *D1* trente-deux sur

le pays de *V4* et vingt-huit sur le pays de *V5* + pour un budget de *C5* alors ces *C5*

euros sont un rapport entre quatre-vingt fois cent les *C6* euros sont en fait euh le budget que la

CCI met sur la table pour accompagner les dossiers des commerçants

+

2. L1 est-ce que c‟est ça rentre dans ce que ça rentre dans les dans ce qu‟on verse aux *A1* ça

3. L4 exactement ça fait partie du budget des *C7* euros

4. L1 d‟accord

5. L4 euh nous allons travailler également avec les *A1* à orGANISER leurs opérations de trafic qui

sont souvent les opérations de noël /ou, de/ fin d‟année ça concerne douze associations

départementales pour un montant total de *C8* euros donc avec une REgle qui est liée euh je

dirais à la à la DENSIté de l‟association c'est-à-dire les GROSSES associations ont budget global

de *C4* euros et les plus petites le budget oscille entre *C9* et *C10*

6. L1 d‟accord

7. L4 et puis dernier élément mais lui est plus spécifique A la fédération euh nous accompagnons sur le

plan logistique la fédération départementale mais également euh nous sommes support à l‟action

euh nationale de la semaine du goût + bon j‟ai mis comme résultat attendu soixante quinze

tickets gagnants puisque en fait si on fait le budget à l‟envers c‟est un peu que ce CE QUE cela

nous coûte à travers un certain nombre de repas à gagner pour *C11* euros

8. L1 euh une question *Lp4* les *C4* euros de campagne *V2* et *V3*

9. L4 hum hum

10. L1 ça fait partie des contributions qu‟on verse aux deux *A1* en question ?

11. L4 oui

12. L1 oui

13. L4 ça fait partie du budget à l‟intérieur des deux *A1*

14. L1 d‟accord ok

15. L4 pour *V3* il y a *C4* euros de budget global DONT cette action de communication

16. L1 ok

17. L4 le reste étant euh + toutes les opérations de ** classique

18. L1 d‟accord je retrouve d‟une façon ou d‟une autre on retrouve nos *C7* euros dédiés aux *A1*

euh

19. L4 *C7* avec *C8* en action spécifique et *C8* en action structurante

20. L1 ouais

21. L4 dans lequel on va trouver un axe fidélité un axe qualité euh et un axe euh: semaine du goût

22. L1 d‟accord + ok + c‟est bon pour tout le monde

+

Page 246: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

246

Dans la séquence 4 issue du comité de direction de la CCI, nous faisons l‟analyse suivante.

1. Les marqueurs de structurations et organisateurs énumératifs

Après avoir situé le service, son travail et ses objectifs, L4 parle des actions menées. Il

introduit son discours par l‟emploi d‟un marqueur d‟ouverture « alors » qui produit une attente,

celle d‟une énumération des diverses actions mises en place par le service Commerce et

Tourisme. L‟emploi de ce marqueur nous indique que L4 commence à développer un

point concernant la partie « commerce » qui est « les actions ciblées » :

« alors sur la partie commerce + nous avons mis au point un certain nombre d‟actions Ciblées » (premier

tour de parole)

C‟est ce que fait le locuteur et de façon structurée. En effet, nous relevons des

« organisateurs énumératifs » au sens de J.-M. Adam et F. Revaz (1989), marquant l‟ajout

d‟éléments et l‟ordre :

- « la première » (premier tour de parole) ;

- « deuxième opération » (premier tour de parole) ;

- « puis euh deuxième axe de travail » (premier tour de parole) ;

- « nous allons travailler également avec les *A1* » (tour de parole 5) ;

- « et puis dernier élément » (tour de parole 7).

Ces éléments permettent d‟ordonner le discours expositif, c'est-à-dire que ces éléments

vont permettre au locuteur de développer une série de points en les ordonnant.

Par ailleurs, nous relevons des éléments appartenant au champ sémantique des finances

et du budget. Nous repérons en effet un certain nombre de chiffres et de mots dont 8 occurrences

du substantif « budget » dont voici quelques exemples :

a. « nous visons une cinquantaine de dossiers pour un montant budgétaire de *C3* euros euh alors

qu‟y a-t-il dans ces *C3* euros il y a le salaire de *P7* des actions de prémédication » (premier tour

de parole) ;

b. « nous avons programmé *C4* euros » (premier tour de parole) ;

c. « pour un budget de *C5* alors ces *C5* euros sont un rapport entre quatre vingt fois cent les *C6*

euros sont en fait euh le budget que la CCI met sur la table pour accompagner les dossiers des

commerçants » (premier tour de parole) ;

d. « opérations de trafic qui sont souvent les opérations de noël /ou, de/ fin d‟année ça concerne douze

associations départementales pour un montant total de *C8* euros donc avec une REgle qui est liée

euh je dirais à la à la DENSIté de l‟association c'est-à-dire les GROSSES associations ont budget

global de *C4* euros et les plus petites le budget oscille entre *C9* et *C10* » (tour de parole 5) ;

e. « en fait si on fait le budget à l‟envers c‟est un peu que ce CE QUE cela nous coûte à travers un

certain nombre de repas à gagner pour *C11* euros » (tour de parole 7) ;

f. « ça fait partie des contributions qu’on verse aux deux *A1* en question ? » (tour de parole 10).

Page 247: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

247

2. Gestion du discours par L1

Les points développés par L4 sont suivis soit de l‟approbation du responsable, soit de

questions. Afin de mettre en valeur ce phénomène, le schéma suivant tente de représenter

l‟organisation du discours dans la séquence :

Tableau 59 : Organisation de la séquence descriptive : enchevêtrement des phases

Thème 1

L4 annonce le thème des « actions ciblées » (premier tour de parole) (phase d‟ancrage)

et le développe (phase d‟aspectualisation)

L1 pose une question (tour de parole 2)

L4 répond (tour de parole 3)

L1 donne son approbation pour lui dire qu‟il est d‟accord ou qu‟il a

compris et pour que L4 puisse continuer : « d‟accord » (tour de parole 4)

QUESTION

RÉPONSE

APPROBATION

(phase de régulation)

L4 reprend son discours (tour de parole 5) (reprise de la phase d‟aspectualisation)

L1acquiesce : « d‟accord » (tour de parole 6) APPROBATION

L4 reprend son discours (tour de parole 7)

L1 pose des questions (tour de parole 8 et 10)

L4 répond (tours de parole 9 et 11)

L1 répète la réponse de L4 (tour de parole 12), puis L4 complète sa réponse

(tour de parole 13)

L1 donne son approbation pour lui dire qu‟il est d‟accord ou qu‟il a

compris et pour qu‟il continue : « d‟accord ok » (tour de parole 14)

QUESTION

RÉPONSE

APPROBATION

(phase de régulation)

L4 reprend son discours (tour de parole 15)

L1acquiesce : « ok » (tour de parole 16) APPROBATION

L4 donne une information supplémentaire (tour de parole 17)

L1acquiesce : « d‟accord » et fait une synthèse (tour de parole 18) APPROBATION

SYNTHÈSE

L4 donne une information supplémentaire (tour de parole 19)

L1acquiesce : « ouais » (tour de parole 20) APPROBATION

L4 donne une information supplémentaire (tour de parole 21)

L1 acquiesce, conclu et ouvre vers un nouvel échange collectif :

« d‟accord + ok + c‟est bon pour tout le monde » (tour de parole 22)

APPROBATION ET

CLOTURE

(phase de régulation)

Thème 2

Page 248: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

248

Chaque propos de L4 est approuvé par L1 qui contrôle la réunion en suivant

scrupuleusement le discours de L4. Les questions du directeur ne sont pas des questions dirigées

pour son propre compte, mais elles permettent d‟apporter des informations à l‟ensemble des

membres de la réunion. De plus, une fois que L4 a répondu aux demandes de précisions et que

L1 n‟a plus rien à ajouter, il s‟adresse à l‟ensemble des locuteurs auditeurs : « c‟est bon pour

tout le monde ? » (tour de parole 22) ; il ouvre ainsi vers un échange collectif en laissant la

parole aux autres locuteurs pour qu‟ils puissent poser des questions, faire des remarques et/ou

apporter des informations complémentaires.

3. Temps verbaux et discours anticipatoire

La dominance du temps du passé dans notre séquence confère au discours une dimension

de « débriefing » du travail effectué, où chacun présente ce qui a été réalisé dans son service. Le

discours de L4 est marqué par des verbes d‟action au passé permettant de décrire le travail mené

au sein de son équipe :

- « nous avons mis au point un certain nombre d‟actions Ciblées » (premier tour de parole) ;

- « il s‟agit de la mise place pratique euh du fond FISAC sur la ville de *V1* où euh donc nous avons

lancé une carte de fidélité et où nous visons une cinquantaine de dossiers pour un montant budgétaire

de *C3* euros » (premier tour de parole) ;

- « c‟est notamment le cas de *V2* nous avons programmé *C4* euros » (premier tour de parole) ;

- « il s‟agit de faire de la communication autour soit d‟une carte de fidélité qui a été lancée à *V3* soit

de PROMOUvoir celle-ci » (premier tour de parole) ;

- « deuxième opération autour de la carte de fidélité euh et ce dans le prolongement des actions qui ont

eu lieu en n moins un sur *V2* et *V3* » (premier tour de parole).

Cette séquence comporte des intentions et prédictions sur des événements ou actions

futurs. Le locuteur fait état des tâches effectuées par son service, mais il procède également à

des anticipations sur les résultats des actions déjà mises en place (voir les analyses de R. Scollon

sur le « anticipatory discourse »). Dans notre séquence, quelques formes présentant des

événements futurs marquent des prédictions et intentions de la part de L4. Par exemple, dans le

tour de parole suivant, le locuteur prend une « posture prophétique » en formulant une sorte de

prédiction :

- « donc nous avons lancé une carte de fidélité et où nous visons une cinquantaine de dossiers pour un

montant budgétaire de *C3* euros » (premier tour de parole) ;

- « puis euh deuxième AXE de travail qui va être important pour nous cette année c‟est euh la mise en

place de la charte de qualité » (premier tour de parole) ;

- « bon j‟ai mis comme résultat attendu soixante quinze tickets gagnants puisque en fait si on fait le

budget à l’envers c’est un peu que ce CE QUE cela nous coûte à travers un certain nombre de repas

à gagner pour *C11* euros » (tour de parole 7)

De plus, comme l‟illustrent les deux énoncés ci-dessous, le locuteur prend une posture

active en se projetant dans le futur :

Page 249: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

249

1) il affirme une action future en utilisant le temps du futur :

« euh nous allons travailler également avec les *A1* à orGANISER leurs opérations de trafic qui sont

souvent les opérations de noël /ou, de/ fin d‟année » (tour de parole 5) ;

2) il affirme une action future en utilisant le temps du présent :

« deuxième opération autour de la carte de fidélité euh et ce dans le prolongement des actions qui ont eu

lieu en n moins un sur *V2* et *V3* il s’agit de faire de la communication » (premier tour de parole)

L‟emploi des temps du passé montre que l‟on parle du travail qui a été réalisé, l‟emploi

du temps du présent indique que le locuteur est en train de parler du travail en cours de

réalisation, et les marques de futur dans le discours du locuteur permet à celui-ci d‟indiquer le

travail qu‟il reste à réaliser et de faire des prédictions sur les projets en cours.

4. L‟emploi des pronoms-sujets

Le discours de L4 n‟est pas un discours personnel, il parle au nom de son service, que ce

soit pour parler du travail réalisé ou pour parler des actions et projets qui seront prochainement

mis en place. En tant que responsable du service Commerce et Tourisme, L4 est le porte-parole.

D‟ailleurs, son discours présente une prédominance du « nous » sujet, renvoyant à L4 et aux

membres de son équipe Commerce et Tourisme. Nous relevons en effet sept occurrences du

pronom-sujet « nous ». Nous avons sélectionné quelques exemples dans la CoDir de la CCI.

Lorsque L4 expose l‟ensemble des activités de son service, il emploie la première personne du

pluriel :

- « alors sur la partie commerce + nous avons mis au point un certain nombre d‟actions CIblées euh la

la première de faire de * c‟est euh cartes de fidélité il s‟agit de la mise place pratique euh du fond

FISAC sur la ville de *V1* où euh donc nous avons lancé une carte de fidélité et où nous visons une

cinquantaine de dossiers pour un montant budgétaire de *C3* euros » (premier tour de parole) ;

- « il s‟agit de faire de la communication autour soit d‟une carte de fidélité qui a été lancée à *V3* soit

de PROMOUvoir celle-ci c‟est notamment le cas de *V2* nous avons programmé *C4* euros »

(premier tour de parole) ;

- « nous accompagnons sur le plan logistique la fédération départementale mais également euh nous

sommes support à l‟action euh nationale de la semaine du goût » (tour de parole 7).

Son discours est marqué par l‟action, car la plupart des verbes sont des verbes d‟action

comme « lancer », « programmer », « viser », « accompagner » ou encore « mettre au point ».

Cependant, lorsque L4 agit en tant qu‟acteur de la réunion et tant que personne dans le

groupe, il emploie le « je » :

Exemple 1 : « puis euh deuxième AXE de travail qui va être important pour nous cette année c‟est euh la

mise en place de la charte de qualité avec un objectif départemental de quatre vingt /*, 0/ dossiers dont je

vous soumets la répartition euh vingt sur le pays nord *D1* » (premier tour de parole).

Page 250: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

250

Exemple 2 : « ça concerne douze associations départementales pour un montant total de *C8* euros donc

avec une REgle qui est liée euh je dirais à la à la DENSIté de l‟association » (tour de parole 5).

Exemple 3 : « bon j’ai mis comme résultat attendu soixante quinze tickets gagnants puisque en fait si on

fait le budget à l‟envers c‟est un peu que ce CE QUE cela nous coûte » (tour de parole 7).

Deux de ces pronoms « je » (exemples 1 et 3) sont accompagnés de verbes d‟action

décrivant son activité de rédaction du document support de son discours, qu‟il a préalablement

fait parvenir à ses locuteurs auditeurs. L‟un de ces pronoms (exemple 2) est quant à lui la

marque d‟une prise en charge énonciative, caractéristique d‟un positionnement personnel.

5. Formes descriptives

En outre, le discours de L4 présente des formes descriptives telles que « il s‟agit de »

(deux occurrences), « il y a » (3 occurrences) et « c‟est » (3 occurrences) dont voici

quelques exemples :

- « il s’agit de la mise place pratique euh du fond FISAC sur la ville de *V1* » (premier tour de parole) ;

- « il s’agit de faire de la communication autour soit d‟une carte de fidélité qui a été lancée à *V3* soit

de PROMOUvoir celle-ci c’est notamment le cas de *V2* nous avons programmé *C4* euros »

(premier tour de parole) ;

- « alors qu‟y a-t-il dans ces *C3* euros il y a le salaire de *P7* des actions de prémédication et des

prises en charge techniques euh de type TPE ou achat de cartes » (premier tour de parole) ;

- « deuxième AXE de travail qui va être important pour nous cette année c’est euh la mise en place de la

charte de qualité » (premier tour de parole).

Le discours de L1, quant à lui, est plutôt consacré aux remarques et aux questions par

rapport à l‟exposé fait par L4. Il ne comporte que des verbes au présent, ce qui justifie son

inscription dans l‟action, précédés principalement du pronom-sujet « on » renvoyant à

l‟ensemble des membres de l‟organisation.

6. Conclusion de l‟analyse de la séquence 4 tirées du comité de direction de la CCI

Notre réunion de comité de direction a pour objectif de présenter le travail réalisé et les

objectifs à atteindre.

Pour conclure l‟analyse de cette séquence, nous pouvons dire que, de par des énoncés

complexes amenant beaucoup d‟éléments aux locuteurs auditeurs, appuyés d‟organisateurs

énumératifs, le discours de L4 relève de l‟ordre de « l‟exposer » et partage les caractéristiques

d‟un type de séquence descriptive. En effet, le locuteur expose le travail réalisé par son équipe,

en cours de réalisation et à réaliser tout en faisant quelques hypothèses sur les résultats des

actions et projets en place. Ce type de séquence porte une visée informative ; les locuteurs

auditeurs s‟attendent à recevoir des informations qui ne sont pas à remettre en question. Comme

nous l‟avons démontré dans notre analyse, les temps employés (passé, présent et futur) viennent

renforcer ce phénomène. Par ailleurs, cette séquence est marquée par un positionnement

Page 251: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

251

collectif de par l‟emploi dominant de pronoms tel que « nous ». Le type linguistique « langage

expositif » (de l‟ordre du faire voir) est dominant dans cette séquence qui se présente

précisément comme une séquence descriptive.

4.2.2.3.2. Seconde analyse : séquence n° 1 de la réunion interne 2 de la CCI

Page 252: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

252

Séquence n° 1 de la réunion interne 2 de CCI

Le contexte :

Les participants décident de mener une étude sur le commerce de centre-ville du

département. Ce projet se déroule dans le cadre de trois services : Aménagement et

Territoire, Commerce et Tourisme, Observatoire économique. Les collaborateurs nomment

ces réunions de travail des « réunions internes », car elles associent les participants suivants

de trois services internes à la CCI : la chef du service Aménagement et Territoire (L2), le

chef du service Commerce et Tourisme (L4), le chef du service Observatoire économique

(L1), accompagné d‟une personne chargée d‟étude dans son service (L3). Le service

Observatoire économique est plus exactement un sous-service du service Aménagement et

Territoire et est dirigé par le consultant L1.

Les participants sont installés autour de la table dans une petite salle de réunion de la CCI.

La séquence :

1. L2 alors quand on s‟était vu en janvier on avait euh: commencé à regarder ce que

pouvait être les actions à conduire derrière euh les deux euh: propositions qui

étaient d‟a- de conforter le: le commerce de centre-ville soutenir le commerce de

centre-ville et diversifier l‟offre commercial ça avait été notre base de de

réflexion en janvier donc on s‟était donné déjà euh posé un un objectif ou en tout

cas une euh une une FINAlité peut-être même plus qui est de créer {L2 lit ses

notes} une dynamique communautaire à partir de *V3* en renforçant les

fonctionnalités du pourcentre c‟était notre + notre finalité *** premièrement donc

soutenir les commerces de centre-ville deuxièmement diversifier l‟offre

commerciale c'est-à-dire de mettre en place un schéma de cohérence entre l‟offre

commerciale au centre-ville et pour les ** + sur la première partie soutenir le

commerce de centre-ville on avait constaté qu‟il était important de réaliser une

étude /globalisme, ***/ commercial parce que le développement du commerce

endogène implique l‟évolution du centre-ville véritable outil de travail des

commerçants et que sans ça il y avait pas de développement euh des commerces

de centre-ville < possible

2. L1 hum hum >

3. L2 donc l‟objectif de cette étude d‟urbanisme serait d‟améliorer le cheminement

commercial et densifier l‟offre pour recréer une centralité commerciale visible

attractive et accessible ce qui renvoie aux autres items euh

4. L1 ouais

5. L2 euh de des sens de circulation:

6. L1 hum

7. L2 de stationnement: euh et de signalétique

8. L1 hum

9. L2 maître d‟ouvrage commune de *V3* avec un cahier des charges euh sur la base

de du travail de l‟observatoire + deuxièmement soutenir le commerce de centre-

ville avec un premier volet qui est d‟accompagner les commerçants d‟ailleurs il y

a qu‟un volet je crois ouais + il y a qu‟un volet + avec un donc euh c‟est

l‟accompagnement des commerçants avec pour objectif de favoriser les bonnes

pratiques professionnelles et fidéliser la clientèle {L3 entre, serre la main à L4}

10. L3 il fait chaud

11. L2 ouais il fait chaud

12. L3 ***

13. L2 et là on a décliné plusieurs euh: opérations {L3 s’installe} + charte de qualité

carte de fidélité programme annuel d‟animation sur les deux premières on est

maître d‟ouvrage sur la troisième programme annuel d‟animation ce serait une

UCIA le guide des commerces et services avec une maîtrise d‟ouvrage commune

de *V3* et un appui tech* technique pardon CCI C*A + euh dernier dernière

opération manager de centre-ville c'est-à-dire créer un poste d‟animation et

coordination dont le maître d‟ouvrage sera la commune de *V3* + deuxième axe

diversifier l‟offre commercial l‟objectif est de favoriser les implantations

commerciales exogènes recherche de promoteurs et d‟enseignes identification des

ressources existantes et exercice par la commune des droit(s) de préemption avec

euh deux trois opérations euh la première euh recen- faire un recensement et une

veille sur les locaux commerciaux ET les disponibilités foncières maîtrise

d‟ouvrage maître d‟ouvrage CCI faire l‟expertise de l‟existant et des propositions

de nouvelles zones commerciales maître d‟ouvrage CCI et troisième euh:

proposition euh prospection conduire une prospection offensive de nouveaux

opérateurs commerciaux + avec un maître d‟ouvrage qui est la CCI

+ +

14. L1 je suis en train de réfléchir si enfin je me trompe peut-être

15. L4 il fait déjà chaud hein

16. L1 ouais {Rires de L1 et L4} non je te rassure quand je réfléchis euh

17. L2 < il se passe rien {Rires de L2}

18. L1 c‟est petit > c‟est petit c‟est petit ça reste à mon échelle euh prospection offensive

euh de nouveaux opérateurs est-ce que la maîtrise d‟ouvrage est à assumer par la

CCI OU la maîtrise D‟ŒUVRE sachant que c‟est quand même *MO1* qui se

doit d‟être maître euh d‟ouvrage

19. L4 ouais

20. L2 hum

+

21. L1 qu‟elle nous confie la maîtrise d‟œuvre eu là je vois bien mais la maîtrise euh

d‟ouvrage euh

22. /// {L1 et L2 corrigent le document}

Page 253: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

253

Dans la séquence 1 tirée de la réunion interne de la CCI, nous faisons l‟analyse suivante.

1. Rappels informatifs

Dès que les participants sont installés, L2 ouvre la réunion et se charge de l‟animer en

commençant par en donner la cadre à partir d‟un rappel de ce qui avait été vu lors de la dernière

réunion, puis en rappelant les objectifs. Le début de la séquence est donc marqué par l‟exposé

du travail effectué lors de la dernière réunion. Le discours de L2 est caractérisé par un certain

nombre de temps verbaux du passé comme le plus-que-parfait, l‟imparfait et le passé composé :

- « quand on s’était vu, on avait commencé à regarder ce que pouvait être les actions à conduire »

(premier tour de parole) ;

- « ça avait été notre base de réflexion » (premier tour de parole) ;

- « on avait constaté qu’il était important de réaliser une étude […] et que sans ça il y avait pas de

développement euh des commerces » (premier tour de parole) ;

- « c’était notre + notre finalité » (premier tour de parole) ;

- « deux euh: propositions qui étaient d‟a- de confronter le: le commerce de centre-ville » (premier tour

de parole) ;

- « on a décliné plusieurs euh: opérations » (tour de parole 13).

L‟emploi des temps du passé, notamment employés dans le premier tour de parole,

souligne que les participants ont travaillé sur quelques points qu‟un des locuteurs se charge de

rappeler afin de poursuivre le travail. Ce discours de type expositif glisse progressivement vers

un discours plutôt « anticipatoire » dans lequel L2 emploie le conditionnel pour parler des

objectifs :

- « l‟objectif de cette étude d‟urbanisme serait d’améliorer le cheminement commercial et densifier

l‟offre pour recréer » (tour de parole 3) ;

- « sur le troisième programme annuel d‟animation ce serait une UCIA » (tour de parole 13).

Les échanges dans les tours de parole 1 à 13 constituent un exposé de ce qui a été

réalisé. La fin de cet exposé est marquée par une longue pause (notée + +). Les échanges

suivants (14 à 22) se différencient dans la mesure où un interlocuteur réagit sur un élément du

discours de L2 : « nouveaux opérateurs ». La pause et la réaction de L1 sur le discours de L2

marquent une rupture : nous passons d‟une phase d‟ouverture de la réunion à une phase de

travail proprement dit où les participants se mettent à réfléchir et à avancer leur réflexion sur un

projet.

Le tour de parole 13, ainsi que les échanges suivant, sont marqués par la prédominance

de l‟emploi du présent qui souligne le fait que les participants sont en train de travailler.

Page 254: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

254

L2 rappelle le travail effectué lors de la réunion précédente et les éléments énoncés ne sont pas

à remettre en cause. Le pronom-sujet utilisé par L2 est « on » ; il renvoie aux participants

présents et se présente accompagné de verbes d‟action relatifs au travail effectué lors de cette

précédente réunion :

« alors quand on s’était vu en janvier on avait euh: commencé à regarder ce que pouvait être les

actions à conduire » ;

« on s’était donné déjà euh posé un un objectif ou en tout cas une euh une une FINAlité » ;

« sur la première partie soutenir le commerce de centre-ville on avait constaté qu‟il était important de

réaliser une étude /globalisme, ***/ commercial parce que le développement du commerce endogène

implique l‟évolution du centre-ville véritable outil de travail des commerçants » ;

« et là on a décliné plusieurs euh: opérations {L3 s’installe} + charte de qualité carte de fidélité

programme annuel d‟animation ».

Chaque discours est lié à des discours précédents et ces rappels nous permettent de

parler d‟ « histoire conversationnelle ».

2. Le poids des nominalisations

Cette séquence est marquée par l‟emploi de nominalisations :

Tours de parole 3 à 7 :

3. L2 donc l‟objectif de cette étude d‟urbanisme serait d‟améliorer le cheminement commercial et

densifier l‟offre pour recréer une centralité commerciale visible attractive et accessible ce qui

renvoie aux autres items euh

4. L1 ouais

5. L2 euh de des sens de circulation:

6. L1 hum

7. L2 de stationnement: euh et de signalétique

L‟utilisation de ce procédé de nominalisation permet au locuteur d‟être concis.

3. Les énoncés-titres

Par ailleurs, L2 a recours à des énoncés-titres que nous repérons en masse dans les

exemples suivants :

- « premièrement donc soutenir les commerces de centre-ville deuxièmement diversifier l’offre

commerciale » (premier tour de parole) ;

- « deuxièmement soutenir le commerce de centre-ville avec un premier volet qui est

d‟accompagner les commerçants » (tour de parole 9) ;

- « dernière opération manager de centre-ville » (tour de parole 13) ;

- « recherche de promoteurs et d‟enseignes identification des ressources existantes et exercice par

la commune du droit de préemption » (tour de parole 13) ;

Page 255: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

255

- « troisième euh: proposition euh prospection conduire une prospection offensive de nouveaux

opérateurs commerciaux » (tour de parole 13).

Ces énoncés-titres sont construits à partir d‟un verbe à l‟infinitif et suivi d‟une

construction bi-nominale : « soutenir les commerces de centre-ville », « diversifier l‟offre

commerciale », « conduire une prospection offensive de nouveaux opérateurs commerciaux »,

« recherche de promoteurs et d‟enseignes ». L2 fait le bilan du travail effectué lors de la

dernière réunion interne en s‟appuyant sur les notes rédigées qui avaient été prises : elle a

réalisé un document reprenant ce qui avait été dit et décidé lors de la dernière réunion et y fait

apparaître ce qu‟elle propose pour la réalisation du projet. L2 s‟appuie donc sur ce document,

que chaque participant a en sa possession, pour exposer les points traités et rappeler les

objectifs. D‟ailleurs, dans cette séquence, L2 lit ses notes (parties soulignées) à plusieurs

reprises. En outre, l‟objectif de ces réunions de travail est l‟élaboration d‟un projet d‟urbanisme

et doit donner lieu à un document écrit. Nous étudierons la construction collective et

collaborative d‟un document dans une séquence issue de la réunion interne CCI.

Nous relevons dans cette séquence 1, comme dans d‟autres réunions, de l‟écrit oralisé ;

il s‟agit ici de lectures de courriers ou de notes à communiquer ou bien de prises de notes des

locuteurs.

4. Les organisateurs énumératifs

Dans cette séquence, le discours de L2 est marqué par des « organisateurs énumératifs »

au sens de J.-M. Adam et F. Revaz (1989). Ces éléments permettent d‟introduire de nouveaux

éléments et de les ordonner :

« premièrement donc soutenir les commerces de centre-ville deuxièmement diversifier l‟offre

commerciale c'est-à-dire de mettre en place un schéma de cohérence entre l‟offre commerciale au centre-

ville et pour les ** + sur la première partie soutenir le commerce de centre-ville on avait constaté … »

(tour de parole 1)

« + deuxièmement soutenir le commerce de centre-ville avec un premier volet qui est d‟accompagner les

commerçants » (tour de parole 9)

Ces éléments permettent à L2 d‟ordonner son discours et assurent la progression du

discours. Les échanges au sein de la séquence, dominés par le discours de L2 qui se charge du

débriefing, présentent un discours qui relève de l‟expositif.

L‟emploi de nominalisations et d‟énoncés-titres est un trait spécifique de notre séquence

et semble définir une langue de spécialité et, plus précisément, un type particulier de séquence.

En effet, ces échanges usent d‟un langage de type professionnel comme en témoigne l‟emploi

Page 256: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

256

des nombreuses nominalisations, des énoncés-titres et des organisateurs énumératifs, et

démontrent qu‟il s‟agit d‟une séquence descriptive.

5. Une particularité : l‟enchevêtrement de séquences

Les types de discours sont caractérisés par l‟enchêtrement des séquences. Dans la

séquence que nous analysons, nous pouvons repérer une autre séquence, courte, relevant du

type linguistique « langage de co-action » que nous analyserons dans le détail dans la

partie 4.3 :

14. L1 je suis en train de réfléchir si enfin je me trompe peut-être

15. L4 il fait déjà chaud hein

16. L1 ouais {Rires de L1 et L4} non je te rassure quand je réfléchis euh

17. L2 < il se passe rien {Rires de L2}

18. L1 c‟est petit > c‟est petit c‟est petit ça reste à mon échelle euh prospection offensive euh

de nouveaux opérateurs est-ce que la maîtrise d‟ouvrage est à assumer par la CCI OU la

maîtrise D‟ŒUVRE sachant que c‟est quand même *MO1* qui se doit d‟être maître

euh d‟ouvrage

19. L4 ouais

20. L2 hum

+

21. L1 qu‟elle nous confie la maîtrise d‟œuvre euh là je vois bien mais la maîtrise euh

d‟ouvrage euh:

/// {L1 et L2 corrigent le document}

L1 cherche à introduire une idée en employant un énoncé assertif : « je suis en train de

réfléchir si » (tour de parole 14) qui annonce son intention de développer une idée. Il amorce

l‟annonce avec l‟emploi du conditionnel introduit par « si », qu‟il abandonne pour introduire

une modalisation « enfin je me trompe peut-être », démontrant qu‟il est dans un processs de

réfléxion et qu‟il souhaite ne pas imposer une idée, mais faire une proposition permettant

d‟avancer dans la réalisation du projet. Le discours de L1 est ainsi marqué par des atténuations

qui permettront d‟identifier son discours comme un discours modalisé.

Après une rupture humoristique, L4 pose sa question en donnant d‟abord le cadre de ses

propos (tour de parole 18) : « prospection offensive euh de nouveaux opérateurs ». Il ajoute un

élément qu‟il introduit par « sachant que » qui pourrait aider le groupe à répondre :

« c‟est petit > c‟est petit c‟est petit ça reste à mon échelle euh prospection offensive euh de nouveaux

opérateurs est-ce que la maîtrise d‟ouvrage est à assumer par la CCI OU la maîtrise D‟ŒUVRE sachant

que c‟est quand même *MO1* qui se doit d‟être maître euh d‟ouvrage » (tour de parole 18).

Page 257: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

257

En produisant « c‟est quand même *MO1* qui se doit d‟être maître euh d‟ouvrage », le

locuteur introduit une valeur de vérité, et l‟emploi de « quand même » modalise la valeur

assertive de l‟énoncé.

Les réponses de L4 « ouais » et de L2 « hum » attestent de la question de L1 et de sa

demande de modification : il s‟agit de noter la CCI comme maître d‟œuvre et que « MO1 » (un

maître d'ouvrage privé) prenne en charge la maîtrise d‟ouvrage. Le maître d‟ouvrage (ou

maîtrise d'ouvrage) est l'entité porteuse du besoin, définissant l'objectif du projet, le calendrier

et le budget consacré à un projet. Le résultat attendu du projet est la réalisation d'un produit,

appelé ouvrage. Le maître d‟ouvrage doit donc assurer la bonne gestion du patrimoine. Quant

au maître d‟œuvre (ou maîtrise d'œuvre), il est la personne retenue par le maître d'ouvrage pour

réaliser l'ouvrage. Il s‟occupe de la conception du cahier des charges, de la passation des

marchés, de la rédaction des contrats, de la surveillance des travaux et des prestations, de la

réception des ouvrages, des délais, de la qualité et du coût fixés conformément à un contrat. La

maîtrise d'œuvre est donc responsable des choix techniques et a la responsabilité de désigner

une personne physique chargée du bon déroulement du projet (on parle généralement de

maîtrise du projet), il s'agit du chef de projet.

Une partie de la séquence (tours de parole 18 à 21) est marquée par une négociation :

18. L1 euh prospection offensive euh de nouveaux opérateurs est-ce que la maîtrise d‟ouvrage est à

assumer par la CCI OU la maîtrise D‟ŒUVRE sachant que c‟est quand même *MO1* qui se

doit d‟être maître euh d‟ouvrage

19. L4 ouais

20. L2 hum

+

21. L1 qu‟elle nous confie la maîtrise d‟œuvre eu là je vois bien mais la maîtrise euh d‟ouvrage euh:

/// {L1 et L2 corrigent le document}

L1 s‟efforce d‟amener le groupe de travail à effectuer une rectification dans le

document. Il leur pose une question indirecte (tour de parole 18) qu‟il motive par une

information nécessaire à leur compréhension afin de les amener à un accord. En effet, après une

pause, L1 reprend le tour de parole et renforce sa proposition. Son énoncé prend une valeur de

vérité afin de convaincre ses interlocuteurs de la modification à apporter sur le document en

cours de rédaction. Dans un premier temps, il emploie la modalité propositionnelle « je vois

bien » qui est une stratégie propre au discours et qui indique la détention d‟une vérité. Dans un

deuxième temps, la valeur de vérité prend position dans l‟opposition des deux propositions

reliées par l‟emploi de la conjonction « mais ». Les locuteurs apportent aussitôt des corrections

sur le document et donnent ainsi leur accord de façon implicite. Si on se réfère à la

Page 258: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

258

terminologie d‟E. Roulet et al. de 1985, L1 et L2 ont une « réaction favorable » à la suggestion

de L1.

Cette séquence qui présente la négociation, relève plutôt du type de séquence « langage

de co-action ». En outre, cette analyse démontre que d‟autres types de séquence courtes

peuvent être imbriquées.

On peut isoler une partie de la séquence (tours de parole 14 à 22) dans laquelle alternent

des tours de parole qui ne fonctionne pas de la même manière que dans le début de la séquence

(au sein des tours de parole 1 à 13). Les tours de parole ne sont pas attribués et gérés par un

leader, mais fonctionnent sur le principe de la « négociation ». D‟une façon plus générale, la

gestion de l‟interaction de cette réunion interne est différente de celle de la réunion CoDir.

L‟emploi de certaines structures syntaxiques et de constructions grammaticales particulières,

ainsi que les particularités lexicales sont caractéristiques à d‟un type de discours et

corolairement, le sous-emploi de ces structures syntaxiques, grammaticales et particularités

lexicales est caractéristique d‟un autre type de discours. Par exemple, cette réunion a un poids

lexical moins important que dans la réunion CoDir (moins de nominalisations notamment).

Dans cet extrait de cette séquence 1 Ŕ qui relève du type linguistique « langage péri-

professionnel »73

(tours 14 à 22) Ŕ L4 s‟appuie sur le tour de parole d‟introduction de L1 « je

suis en train de réfléchir » pour effectuer une rupture humoristique, acceptée par L1 (tour de

parole 16). L1 se prête au jeu de L2 (tour de parole 16) :

33. L1 je suis en train de réfléchir si enfin je me trompe peut-être

34. L4 il fait déjà chaud hein

35. L1 ouais {Rires de L1 et L4} non je te rassure quand je réfléchis euh

36. L2 < il se passe rien {Rires de L2}

37. L1 c‟est petit > c‟est petit c‟est petit ça reste à mon échelle euh prospection offensive euh

de nouveaux opérateurs est-ce que la maîtrise d‟ouvrage est à assumer par la CCI OU la

maîtrise D‟ŒUVRE sachant que c‟est quand même *MO1* qui se doit d‟être maître

euh d‟ouvrage

Les tours de parole 35 et 36 présentent une « énonciation conjointe », concept de V.

André (2006 et 2011) que nous développerons dans la partie 4.3.

En effet, L2 complète le tour de parole de L1, qui accepte la réflexion ironique de L4 et

clôt cette rupture « c‟est petit > c‟est petit c‟est petit ça reste à mon échelle » (tour de parole

37), et recadre aussitôt le sujet avec une reprise immédiate de la situation de travail en revenant

73

Type linguistique analysé dans la partie 4.4.

Page 259: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

259

au thème de la réunion : « euh de nouveaux opérateurs est-ce que … ». Le « euh », dans le tour

de parole 37, permet de faire la transition entre la rupture humoristique et le retour au travail.

L1 se concentre, réfléchit pour revenir sur son thème initial. Cette rupture humoristique,

s‟étendant sur cinq tours de parole (33 à 37), est accompagnée de rires et permet au groupe de

travail de se renforcer en installant un climat décontracté.

Dans les études de R. Bouchard (1996 et 2000) sur les émotions dans l‟interaction,

l‟émotion se manifesterait par des moyens paraverbaux et par les rires en particulier. R.

Bouchard a distingué deux types de rires : les rires disjoints (rires plutôt solitaires) et les rires

conjoints (rires de complicité). Certes, les rires conjoints interrompent l‟interaction, mais

renforcent la relation entre les participants ; ils marquent une connivence entre eux. Les rires

disjoints expriment quant à eux une émotion plus individuelle et sont le plus souvent associés à

« un rire de malaise ». Dans notre corpus, et particulièrement dans les réunions CoDir de la

CCI, nous relevons de nombreux passages de rires conjoints entre les participants. Le climat de

ces réunions est ainsi plus détendu et les locuteurs osent davantage prendre la parole et parler

en public.

Par ailleurs, les participants utilisent un tutoiement professionnel, ce qui montre qu‟ils

entretiennent déjà une certaine relation et qu‟ils ont une histoire conversationnelle. Ainsi, ils

peuvent se permettre ce genre de digressions (comme dans le tour de parole 16) en situation de

travail.

4.2.3. La séquence prescriptive

Comme son nom l‟indique, ce type de séquence prescriptive est caractérisé par le

caractère prescriptif, voire injonctif. Les locuteurs échangent à propos de l‟activité de travail. Il

ne s‟agit pas d‟élaborer un document ou autre, mais de donner des instructions sur ce qu‟il reste

à faire à la suite de l‟exposé d‟un point par exemple. Ce type de séquence est marqué par

l‟action dire de faire où le contenu incite à l‟action. Notre notion de séquence « prescriptive »

peut donc être caractérisée par un faire conseillé, nécessaire, possible, souhaitable, que cela soit

dire de faire ou pouvoir faire. Il s‟agit de pousser à l'action et à faire en sorte que des consignes

de travail (ou autres) soient appliquées, ce qui fait référence à la fonction conative du langage.

Ce type de séquence prescriptive est donc caractérisé par l‟ordre et la suggestion permettant à

Page 260: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

260

chacun de progresser dans le travail. Ce phénomène témoigne d‟une certaine posture active et

anticipatoire.

Dans ce type de séquence, un locuteur va prescrire un comportement à ces

collaborateurs. J.-M. Adam parle de « séquence injonctive-instructionnelle » (1987a : 65)

répondant à la modalité de l‟instructionnelle. En 1992, il développe la notion de « textes

d'incitation à l'action, entre conseil et consigne », une catégorie qui mêle les recommandations

(quoi faire) et les instructions (comment faire).

Les énoncés injonctifs sont présents dans notre quotidien et notamment à l‟écrit

lorsqu‟il s‟agit de recettes de cuisines, de modes d'emploi, de règles de jeu ou encore de guides.

P. Cappeau, par exemple, a analysé l‟ordre dans les recettes de cuisine et a montré qu‟elles

étaient écrites avec des verbes à l‟impératif et/ou à l‟infinitif : « Épluchez l‟avocat, dénoyautez-

le. », « Réservez le reste pour le servir à part en saucière. » (2003 : 88).

Il y a évidemment plusieurs degrés d‟intensité des injonctions en fonction du mode, des

verbes et personnes employés ; les demandes, consignes, etc. seront plus ou moins modalisées.

Dans notre corpus, les critères linguistiques qui déterminent ce type linguistique sont

essentiellement les modes d‟injonction comme les emplois du marqueur « hein », du verbe

« falloir » et du mode de l‟impératif. Nous repérons aussi d‟autres énoncés ayant une valeur

injonctive sans recourir à ces dernières formes citées. Ces éléments sont caractéristiques des

expressions pour la réalisation d‟actes performatifs, notion que nous reprenons de J.-L. Austin.

Ce dernier définit les énoncés performatifs comme des énoncés qui tendent à accomplir

quelque chose (1962)74

. : « This kind of talk Austin terms „performative utterances‟. We choose

to think of this kind of language as talk-as-the-work. This kind of talk accomplishes, in otself, a

work activity. » (1981 [1958] : 235). Il s‟agit de faire faire quelque chose à quelqu‟un. Tout

acte injonctif suppose donc l‟existence d‟un agent de la demande qui produit un énoncé afin

d‟exprimer le contenu de cette demande à son énonciataire, lui-même traduisant l‟énoncé en

acte.

4.2.3.1. Les critères linguistiques de la séquence prescriptive

Dans cette partie, nous procéderons à l‟analyse qualitative et quantitative de chaque

critère, puis nous présenterons analyse de deux séquences prescriptives.

74

J. L. Austin définit certaines énonciations de « performatifs » (ou « performatoires ») : « En prononçant ces

paroles, nous faisons une chose, plutôt que nous ne rendons compte d‟une chose. » (1970 [1962] : 47-48).

Page 261: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

261

4.2.3.1.1. Premier critère linguistique : l’emploi de « hein »

Dans un premier temps, nous présenterons l‟analyse qualitative des emplois de « hein »,

puis nous ferons l‟analyse quantitative de ce critère dans les diverses séquences de nos réunions

de travail.

a. Analyse qualitative de « hein »

« Hein » peut être un exclamatif signalant la surprise, un interrogatif pour une demande

de répétition, mais il peut aussi être un mode d‟injonction et exprimer une demande d‟attention.

V. André a analysé cette marque :

Nous avons constaté que de nombreuses valeurs pragmatiques peuvent être attribuées au marqueur hein.

Ces valeurs sont généralement, nous l‟avons déjà observé, des demandes d‟attention, de prise en compte

de l‟importance d‟un phénomène, de la gravité d‟une situation ou encore des demandes d‟obtempérer.

(2006 : 391)

Dans nos séquences, nous avons observé ce type d‟emploi du marqueur « hein », dont nous

donnons quelques exemples :

Exemple 21.

91. L1 voilà il faut reprendre le dernier le dernier volet hein et puis le compléter le retravailler pour euh

euh voir euh à telle étape on fait ça à tel moment on fait ça euh

92. L6 hum

93. L1 on a parlé à un moment de l‟atlas de la création d‟entreprise ou du panorama de la création

d‟entreprise avec le *** d‟ailleurs

94. L6 hum hum

95. L1 hein qui est hors euh: hors courrier codecom

96. L2 oui voilà < on a:

97. L1 hein qui est > départemental

98. L2 oui oui

99. L1 donc un c‟est il faut le faire deux qu‟est-ce qu‟on en fait hein il faut toujours faire le lien avec

euh nos objectifs euh y compris en terme alors plutôt qu‟indicateurs de mesure enfin précision(s)

on marque bien objectifs 2007 objectifs 2008 c'est-à-dire que si sur le CFE ben euh les modifs

euh: je veux dire on (n‟)est pas maître du truc

100. L2 non non

101. L1 hein il y a quand même beaucoup de choses sur lesquelles on est maître de:: des choses hein

quand on dit qu‟on va nombre de stagiaires *N10* et *N11* comme objectif *N12* c‟est bien

euh je ne mesure pas ce que je fais c‟est je me donne un objectif qui est de faire *N12*

(Extrait séquence 38, CoDir 1, CCI)

Page 262: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

262

Dans cet extrait, les nombreuses occurrences de « hein » sont produites par L1, qui

donne des instructions. Elles appellent l‟attention des locuteurs afin qu‟ils écoutent et prennent

en compte ses remarques.

Exemple 22.

5. L1 euh: bon téléphone hein toujours le même souci hein il faut être vigilent sur euh sur notre qualité

de service en téléphone bon on est encore il y a encore un site euh qui est pas terrible là c‟est

*V5* hein

6. L6 oui ben oui de toute façon < c‟est **

7. L1 l‟organisation doit se mettre en > place d‟ici là

(Extrait séquence 9, CoDir 2, GIS)

Dans cet exemple, L1 commence son discours au sujet du service téléphonique qui pose

problème à l‟aide des marqueurs « hein » qu‟il répète à trois reprises. Ces emplois de « hein »

lui permettent de capter l‟attention des participants et de renforcer le caractère important et

problématique de ce point.

b. Analyse quantitative de « hein »

Les analyses montrent que le marqueur « hein » se manifeste dans 65 % des séquences

des réunions du sous-corpus 2 et avec des occurrences plus importantes dans les séquences

prescriptives. Dans l‟analyse quantitative suivante, nous présentons les manifestations de ce

critère dans l‟ensemble des séquences de chaque activité langagière au notre sous-corpus 2.

Page 263: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

263

CoDir 1, CCI

Tableau 60 : Les manifestations des marqueurs « hein » par type de séquence du CoDir 1 (CCI)

Types de séquence

dans le CoDir 1 (CCI)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

comportant

des marqueurs

« hein »

Nombre

d’occurrences

des marqueurs

« hein »

Prévalence des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 7 0 0 0 0

Séquences descriptives 31 25 80,6 % 71 3,55

Séquences prescriptives 14 13 92,8 % 88 7,34

Séquences opératives 4 4 100 % 22 5,65

Séquences explicatives 14 9 64,2 % 32 5,34

Séquences d‟échanges

interstitiels 1 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 0 0 0 0 0

Séquences ND 1 1 100 % 12 7,53

TOTAL 72 52 72,2 % 225 5,18

Le marqueur « hein » se manifeste le plus largement dans les séquences opératives

(100 % des séquences opératives comptent au moins un marqueur), prescriptives (92,8 % de

ces séquences comptent une occurrence de ce critère) et descriptives. Les séquences

prescriptives comptent le plus grand nombre d‟occurrences (88) et une prévalence importante, à

savoir 7,34 ‰, alors que les séquences opératives présentent une prévalence plus faible de

5,65 ‰.

Pour ce qui est des séquences descriptives, 80,6 % d‟entre elles comportent au moins un

marqueur et comptent le plus grand nombre d‟occurrences (71) ; toutefois, leur prévalence est

peu élevée : 3,55 ‰.

Ainsi, nous pouvons dire que les marqueurs « hein » sont plutôt caractéristiques des

séquences prescriptives, puisque 92,8 % d‟entre elles comptent un marqueur et ont une

prévalence élevée, après la séquence ND (7,53 ‰).

CoDir 2, entreprise de transport

Cette réunion ne comporte pas de séquence prescriptive. Toutefois, nous repérons le

marqueur « hein » dans d‟autres types séquences, y compris dans la séquence

opérative/prescriptive.

Page 264: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

264

Tableau 61 : Les manifestations des marqueurs « hein » par type de séquence dans le CoDir 2 (ets de

transport)

Types de séquence

dans le CoDir 2

(ets de transport)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

comportant

des marqueurs

« hein »

Nombre

d’occurrences

des marqueurs

« hein »

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 10 7 70 % 13 2,37

Séquences prescriptives 0 - - - -

Séquences opératives 4 4 100 % 12 2,58

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences ND 1 1 100 % 7 5,25

Séquences

opératives/prescriptives 1 1 100 % 7 3,85

TOTAL 16 13 81,2 % 39 2,93

Le marqueur « hein » se présente dans tous les types de séquence de cette réunion avec de

fortes occurrences dans les séquences opératives (12) et descriptives (13). Les prévalences sont

quant à elles les plus élevées dans les séquences ND (5,25 ‰), puis opératives/prescriptives

(3,85 ‰) qui semblent, dans cette réunion, être le type de séquences caractérisées par l‟emploi

du marqueur « hein ».

CoDir 2, GIS

Cette réunion comporte deux séquences prescriptives et une séquence partageant à la

fois les critères de la séquence opérative et ceux de la séquence prescriptive (dont le marqueur

« hein »). C‟est précisément dans cette séquence que nous relevons le plus d‟occurrences de

marqueurs (22), après les séquences descriptives qui en dénombrent 28.

Page 265: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

265

Tableau 62 : Les manifestations des marqueurs « hein » par type de séquence dans le CoDir 2 (GIS)

Types de séquence

dans le CoDir 2

(GIS)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

marqueurs « hein »

Nombre

d’occurrences

des marqueurs

« hein »

Prévalence des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 1 1 100 % 1 83,33

Séquences descriptives 9 8 88,9 % 28 3,58

Séquences prescriptives 2 1 50 % 2 3,22

Séquences opératives 1 1 100 % 1 1,02

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 1 0 0 0 0

Séquences ND 1 1 100 % 1 2,09

Séquences opératives/

prescriptives 5 5 50 % 22 3,03

TOTAL 20 17 85 % 55 3,20

D‟après les analyses des marqueurs dans les séquences de ce CoDir du GIS. Nous

observons le plus grand nombre d‟occurrences dans 88,9 % des séquences descriptives (28) et

50 % des opératives/prescriptives (22). Les séquences encadrantes et descriptives semblent les

plus caractérisées par le marquaur « hein ».

Réunion interne 1, CCI

La seule séquence prescriptive de cette réunion ne comporte pas de marqueur « hein »,

mais la séquence descriptive/prescriptive qui partage des critères avec la séquence prescriptive

en compte une occurrence.

Tableau 63 : Les manifestations des marqueurs « hein » par type de séquence de la réunion interne 1

(CCI)

Types de séquence

dans la réunion

interne 1 (CCI)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

marqueurs « hein »

Nombre

d’occurrences

des marqueurs

« hein »

Prévalence des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 9 7 77,8 % 17 3,61

Séquences prescriptives 1 0 0 0 0

Séquences descriptives/

prescriptives 1 1 100 % 1 2,35

Séquences opératives 10 8 80 % 27 5,73

Séquences explicatives 3 3 100 % 13 5,98

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 1 0 0 0 0

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 26 19 73 % 58 4,83

Page 266: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

266

Les analyses quantitatives montrent que dans cette réunion interne, le marqueur « hein »

est caractéristique des séquences opératives et explicatives. En effet, nous observons que 100 %

des séquences explicatives comportent des occurrences du marqueur « hein » et qu‟elles

présentent la prévalence la plus élevée, à savoir 5,98 ‰.

Pour ce qui est des séquences opératives, 80 % d‟entre elles compte au moins un

marqueur « hein » avec le plus grand nombre d‟occurrences (27), et présentent une prévalence

élevée : 5,73 ‰.

Ces deux types de séquence appartiennent au type linguistique « langage de co-action »

et non au « langage expositif » comme la séquence prescriptive.

Les séquences descriptives comportent un nombre important d‟occurrences (17), mais

présentent une prévalence plus faible (3,61 ‰). La seule séquence descriptive/prescriptive ne

compte qu‟une occurrence, avec une prévalence très basse (2,35 ‰).

Dans cette réunion, les analyses quantitatives montrent que le marqueur « hein » est la

caractéristique des séquences opératives et explicatives, qui appartiennent toutes les deux au

type linguistique « langage de co-action ».

Réunion des responsables formateurs, OF

Le tableau suivant présente l‟ensemble des occurrences du marqueur « hein », ainsi que

les prévalences de ces occurrences dans les différents types de séquence de la réunion des

responsables formateurs :

Tableau 64 : Les manifestations des marqueurs « hein » par type de séquence de la réunion des

responsables formateurs (OF)

Types de séquence de

la réunion des

responsables

formateurs (OF)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

marqueurs « hein »

Nombre

d’occurrences

des marqueurs

« hein »

Prévalence des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 1 1 100 % 1 1,83

Séquences descriptives 1 1 100 % 1 2,96

Séquences prescriptives 2 2 100 % 5 3,48

Séquences opératives 21 19 90,4 % 48 2,35

Séquences explicatives 1 0 0 0

Séquences opératives/

explicatives 1 1 100 % 3 2,22

Séquences d‟échanges

interstitiels 3 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences ND 1 1 100 % 1 1,52

Séquences opératives/

prescriptives 5 5 100 % 18 3,10

TOTAL 36 30 83,3 % 77 2,52

Page 267: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

267

Les séquences opératives/prescriptives, opératives et prescriptives sont celles qui

comptent le plus de marqueurs « hein ». Les séquences opératives sont les séquences

dominantes de cette réunion. 90,4 % d‟entre elles comptent au minimum une occurrence du

marqueur « hein » avec au total le plus nombre de marqueurs, à savoir 48. Cependant, la

prévalence de ces séquences reste assez faible : 2,35 ‰.

Concernant les séquences opératives/prescriptives, elles offrent le deuxième plus grand

nombre d‟occurrences (18), ainsi qu‟une prévalence de 3,10 ‰, moins élevée que celle des

séquences prescriptives, mais plus élevée que la prévalence de l‟ensemble des séquences de la

réunion dans lesquelles se manifestent au moins un marqueur.

Quant aux 2 séquences prescriptives de la réunion, elles dénombrent 5 occurrences et

présenttent une prévalence particulièrement élevée de 3,48 ‰.

Dans cette réunion de travail, le marqueur « hein » est plutôt caractéristique des

séquences prescritives dans la mesure où 100 % d‟entre elles comptent au moins un marqueur

et que la prévalence est la plus importante.

Séance de travail, OF

Tableau 65 : Les manifestations des marqueurs « hein » par type de séquence de la séance de travail

(OF)

Types de séquence dans

la séance de travail

(OF)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

marqueurs « hein »

Nombre

d’occurrences

des marqueurs

« hein »

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 2 1 50 % 1 1,91

Séquences prescriptives 0 - - - -

Séquences opératives 19 9 47,3 % 37 4,28

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 7 1 14,2 % 3 15,38

Séquences de

conversation informelle 3 0 0 0 0

Séquences ND 2 0 0 0 0

Séquences opératives/

prescriptives 3 3 100 % 7 3,03

Séquences NC 2 - - - -

TOTAL 38 14 36,8 % 48 4,11

La séance de travail au sein de l‟organisme de formation ne compte pas de séquence

prescriptive. Parmi les autres types de séquence, nous remarquons que le marqueur « hein » se

manifeste plus frequemment dans les séquences opératives où nous constatons un nombre

Page 268: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

268

d‟occurrences importants (37) et une prévalence particulièrement élevée (4,28 ‰) après celle

de la séquence d‟échanges interstiels (15,38 ‰). Cette dernière compte 3 occurrences pour

seulement 195 mots. En outre, le marqueur « hein » est récurrent dans l‟ensemble des

séquences opératives/prescriptives, où nous dénombrons 7 occurrences, avec une prévalence

plus faible de 3,03 ‰. Enfin, la séquence d‟échanges interstitiels compte une prévalence

importante.

Ainsi, les analyses quantitatives de cette séance de travail, où domine par la séquence

opérative, montrent que le marqueur « hein » est la caractéristique de cette dernière. 47,3 % des

séquences opératives comptent au moins un marqueur présentent ont une prévalence assez

élevée (4,28 ‰).

Partie 1 de la réunion de groupement 2, OF

Tableau 66 : Les manifestations des marqueurs « hein » par type de séquence de la partie 1 de la

réunion de groupement 2 (OF)

Types de séquence

dans la partie 1 de la

réunion de

groupement 2

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

marqueurs « hein »

Nombre

d’occurrences

des marqueurs

« hein »

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 1 1 100 % 2 1,86

Séquences prescriptives 0 - - - -

Séquences opératives 5 2 40 % 3 2,83

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 7 3 42,8 % 5 2,34

Le marqueur est présent dans la seule séquence descriptive (donc 100 % des séquences

descriptives) avec une prévalence de 1,86 ‰, inférieure à celle de l‟ensemble des séquences de

la réunion comportant au moins un marqueur. Ce marqueur est égalment présent dans 40 % des

séquences opératives, avec une prévalence plus importante (2,83 ‰). Pour cette réunion, il est

particulièrement difficile de déterminer de quel type de séquence le marqueur « hein » est

caractéristique dans la mesure où la prévalence la plus élevée est celle des séquences opératives

et que les séquences les plus concernées par ce critère sont les séquences descriptives (100 %).

Page 269: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

269

Activités langagières au sein du service RH, entreprise de transport

Tableau 67 : Les manifestations des marqueurs « hein » par type de séquence dans les interactions

dans l’open space d’un service RH (ets de transport)

Types de séquence

dans les interactions

dans l’open space d’un

service RH

(ets de transport)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

marqueurs « hein »

Nombre

d’occurrences

des marqueurs

« hein »

Prévalence des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 1 1 100 % 1 2,79

Séquences prescriptives 1 0 0 0 0

Séquences opératives 7 1 14,2 % 1 1,71

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 1 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 2 0 0 0 0

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 13 2 15,3 % 2 2,12

Le marqueur « hein » est très peu présent dans ces échanges. La seule séquence

prescriptive de cette réunion ne comporte pas de marqueur « hein ». La séquence descriptive

semble caractéristique de ce critère puisqu‟elle présente une prévalence de 2,79 ‰, plus élevée

que la prévalence de la séquence opérative et que la prévalence de l‟ensemble des séquences de

la réunion comportant au moins un marqueur (2,12 ‰).

Échanges avant la réunion et pendant la pause du CoDir, CCI

Tableau 68 : Les manifestations des marqueurs « hein » par type de séquence dans les échanges

avant le CoDir 1 et lors de la pause (CCI)

Types de séquence dans

les échanges avant la

réunion Codir 1 et lors de

la pause (CCI)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

marqueurs « hein »

Nombre

d’occurrences

des marqueurs

« hein »

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 0 - - - -

Séquences prescriptives 2 2 100 % 8 4,82

Séquences opératives 1 1 100 % 5 5,19

Séquences explicatives 0 - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de conversation

informelle 4 0 0 0 0

TOTAL 6 3 50 % 13 4,96

Le critère se présente dans la moitié des séquences de ces échanges : dans 100 % des

séquences prescriptives et dans 100 % des séquences opératives. Les séquences prescriptives

Page 270: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

270

comptent 8 occurrences et une prévalence de 4,82 ‰. La séquence opérative (séquence 5)

compte 5 occurrences et une prévalence plus élevée, à savoir 5,19 ‰.

Dans ces séances d‟échanges, le marqueur « hein » est caractéristique du type de

sséquence opérative, suivi des séquences prescriptives.

Conversation, OF

Parmi les 3 séquences, on compte 2 séquences de conversation informelle et une

séquence ND. Cette dernière seulement comporte une occurrence du marqueur « hein » avec

une prévalence de 4,27 ‰.

c. Conclusion des analyses du marqueur « hein »

Les analyses quantitatives montrent que le marqueur « hein » ne se présente pas

exclusivement dans les séquences prescriptives, même s‟il s‟y manifeste davantage : on le

relève dans plus de 80 % des séquences de ce type. Nous l‟observons dans près de 80 % des

séquences descriptives, types de séquence appartenant au même type linguistique que les

séquences prescriptives, et il se manifeste assez fréquemment dans 68 % séquences opératives

lorsque celles-ci se trouvent être les séquences dominantes de la réunion.

Tableau 69 : Les manifestations du marqueur « hein » par type de séquence dans le sous-corpus 2

Types de séquence

dans le sous-corpus 2

Nombre de

séquences

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

marqueurs « hein »

Nombre

d’occurrences

des marqueurs

« hein »

Nombre

total de

mots

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 9 2 22,2 % 2 558 3,58

Séquences descriptives 64 51 79,6 % 134 40 299 3,33

Séquences prescriptives 22 18 81,8 % 103 15 710 6,56

Séquences descriptives/

prescriptives 1 1 100 % 1 426 2,35

Séquences opératives 72 49 68 % 156 45 946 3,40

Séquences explicatives 18 12 66,6 % 45 8 165 5,51

Séquences opératives/

explicatives 1 1 100 % 3 1353 2,22

Séquences d'échanges

interstitiels 12 1 8,3 % 3 195 15,38

Séquences de

conversation informelle 12 1 8,3 % 1 234 4,27

Séquences ND 10 4 40 % 21 4064 5,17

Séquences opératives/

prescriptives 14 14 100 % 54 17 195 3,14

Séquences NC 2 - - - - -

TOTAL 237 154 65 % 523 134 145 3,90

Page 271: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

271

On peut visualiser ces résultats sous la forme d‟un graphique :

Graphique 9 : Nombres d'occurrences du marqueur "hein" par type de séquence dans le sous-

corpus 2

Les analyses quantitatives montrent que les occurrences de ce critère sont plus

nombreuses dans les séquences opératives, elles-mêmes les plus nombreuses dans le sous-

corpus, puis dans les séquences descriptives (134) et enfin dans les séquences prescriptives

(103).

Graphique 10 : Prévalences des occurrences du marqueur "hein" par type de séquence dans le sous-

corpus 2

Page 272: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

272

Mis à part la séquence d‟échanges interstitiels qui compte une prévalence

particulièrement élevée (15,38 ‰), les analyses montrent que la prévalence la plus élevée reste

celle des séquences prescriptives (6,56). Ces analyses quantitatives mettent en évidence la forte

récurrence du critère du marqueur « hein » dans les séquences prescriptives, puisque 81,8 %

des séquences prescriptives en comptent au moins une occurrence, et dans les séquences que

nous n‟avons pu déterminées (séquences ND).

Ainsi, les analyses confirment le fait que le marqueur « hein » est une caractéristique de

la séquence prescriptive, tout en apportant une nuance puisque ce critère est aussi récurrent

dans les séquences descriptives et opératives.

4.2.3.1.2. Deuxième critère linguistique : l’emploi de « falloir »

Nous présenterons d‟abord l‟analyse des emplois du verbe « falloir » dans notre corpus,

puis une analyse quantitative de ce critère au sein des séquences des conversations et des

réunions de travail du sous-corpus 2.

a. Analyse qualitative du verbe « falloir »

Le verbe de modalité « falloir » exprime la nécessité de faire, le devoir de faire,

l‟obligation, c‟est pourquoi il est souvent présent dans les séquences prescriptives. Il porte une

valeur déontique et, comme l‟explique A. J. Greimas, il définit la modalité déontique par le

dispositif « devoir-faire » (1976 : 9). Dans le cadre de la sémiotique structurale, cet auteur a

défini diverses modalités en partant de la notion d‟acte de langage qui se manifeste dans

l‟énoncé. Il oppose la modalité du « devoir-faire » à l‟interdiction et il la confronte à la

modalité du « /vouloir-faire/ » (Ibid). Le ou les interlocuteurs ont soit le choix d‟accepter, soit

celui de refuser. A. J. Greimas explique ce phénomène linguistique :

Le sujet, doté de deux modalités distinctes, se trouve dans une position qui peut donner lieu soit à

l'acceptation (en cas de compatibilité modale) soit au refus (en cas d'incompatibilité) du contrat,

l'acceptation et le refus (~ assertion et négation) relevant de la performance cognitive qu'est la décision.

(1976 : 104)

Page 273: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

273

Ces utilisations des « modalités », au sens d‟A. J. Greimas, par les locuteurs font partie

de leur appropriation de la langue. Nous employons un certain nombre d‟indices pour nous

positionner par rapport à nos interlocuteurs et nos buts. Parmi ces indices, il y a les verbes

(comme « pouvoir », « devoir », « aller », « vouloir », « falloir »), les modes (subjonctif,

impératif par exemple) et les adverbes tels que « peut-être », « probablement » qui indiquent

l‟incertitude, la possibilité.

Le verbe « falloir » est employé pour formuler un ordre de façon moins menaçante pour

les interlocuteurs que l‟impératif. C‟est à ce même titre que les participants emploient le

conditionnel que nous analyserons dans la partie 4.3.3. (page 341). Ce mode est plus souvent

employé dans les séquences opératives où nous observons la construction collaborative d‟un

objet textuel. En effet, les collègues emploient davantage ce mode pour faire une proposition ou

suggérer une modification. Dans la séquence prescriptive, un locuteur va se placer en tant que

donneur d‟ordre et demander à ce que quelque chose soit fait, mais de façon indirecte, puisque

le sujet est impersonnel.

« Falloir » ne se conjugue qu'à la troisième personne du singulier. De plus, l‟observation

de notre corpus nous a permis de constater que la plupart des emplois de ce verbe sont sans

sujet. À l‟oral, certains verbes peuvent être dispensés du sujet « il » impersonnel. C‟est

notamment le cas de « falloir » et de « valoir », contrairement au verbe « devoir » qui porte

aussi une valeur déontique et qui est souvent utilisé avec « on ». Par exemple : « faut le faire »

(CoDir 1, CCI) et « vaut mieux » (réunion de travail, OF).

Exemple 23.

L1 alors ensuite autre point sur lequel je voudrais rappeler et insister c‟est sur les trois dossiers par

logement alors c‟est pas facile + euh parce que on (n‟)a pas toujours euh les demandes nécessaires

on (n‟)a pas toujours les moyens nécessaires mais en même temps cette contrainte là sur certains

secteurs il faut qu‟on s‟en serve et ça c‟est pas à noter au compte-rendu non plus ça c‟est il faut

qu‟on s‟en serve et en l‟occurrence je prends l‟exemple là de *V6* avec quelqu‟un qui commence

à nous fouttre le souk sur les attributions de logements hein euh:: {Début : L1 s’adresse à L9} tu

sais de qui je veux euh de qui je veux parler de quelqu‟un de la mairie {Fin : L1 s’adresse à L9} et

le meilleur moyen effectivement dans ces cas là pour contrecarrer ces exigences c‟est de présenter

trois dossiers + et de laisser à ce moment-là la commission la la cal hein prendre prendre la

décision donc il faut aussi je veux dire à un moment donné c‟est une contrainte c‟est embêtant

mais à des moments ça peut AUSSI nous servir on l‟a déjà fait plus ou moins intuitivement en

passant un dossier à côté d‟un autre pour que certaines décisions soient prises et pour pouvoir

montrer que on peut quand même pas faire euh euh faire des euh: des miracles mais pensez bien

euh dans ces cas-là vous avez une difficulté sur euh sur un logement à utiliser le principe des trois

dossiers pour euh pour pour vous en pour vous en sortir + ok […] bien alors utilisez bien ces ces

trois dossiers quand vous avez euh des difficultés hein c‟est le faut faut bétonner

(Extrait séquence 5, réunion ALRC, 8 juillet, GIS)

Page 274: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

274

L1 est le chef du service ALRC (Activités Locatives et Relation Clients) et dirige la

réunion dans laquelle participent, entre autres, les responsables des agences. Tout au long de la

réunion, L1 donne des ordres à ces collaborateurs soit en employant l‟impératif (« pensez

bien » et « utilisez bien ces trois dossiers »), soit en s‟aidant d‟expressions modales « il faut »

(« il faut qu‟on s‟en serve ») ou « faut + infinitif » (« faut bétonner »).

Ce verbe « falloir » est parfois employé avec des modes de modalisation tels que

l‟utilisation de « peut-être », du conditionnel, ou encore de formules telles que « je pense que »,

« je crois que ». Il peut être accompagné de formules d‟atténuation intégrées à l‟énoncé,

comme dans les exemples suivants où L1 emploie « falloir » qu‟il couple avec le modalisateur

« peut-être » :

Exemple 24.

L1 bon ça laisse supposer ici que les questions posées dans l‟enquête de satisfaction vont être

particulièrement importantes alors alors on va pas alors peut-être qu’il faut marquer enquête

de satisfaction qui va permettre de mesurer l‟impact de l‟opération de communication qu‟on va

fai:re euh: hein il y a peut-être quelques rubriques de cette nature-là à se noter euh: pour bien

ancrer le fait que euh c‟est qu‟est-ce qu‟on cherche

(Extrait séquence 39, CoDir 1, CCI)

Dans cet exemple, L1 introduit une forme de modalisation avec « peut-être » pour

davantage adoucir sa requête indirecte.

Dans l‟exemple suivant, L1 emploie « falloir » au conditionnel avec une autre forme de

modalisation, à savoir « je crois que » :

Exemple 25.

L1 euh: et je pense que euh: faut réfléchir à: si on estime que le MIDEST on doit toujours y être

présent euh à à des formules de service qui permettent de de d‟être encore meilleur on a

beaucoup bossé sur la sur la logistique + tu sais avec *** le bu:s etc. et je crois qu’il faudrait en

venir à travailler un peu sur le fond + alors c‟est une suggestion je sais pas si c‟est celle-là ou une

autre mais euh

(Extrait séquence 47, CoDir 1, CCI)

Exemple 26.

L1 et et je pense qu’il faudrait que tu ailles voir *B1* + pour voir qu‟est-ce que *B1* peut pondre

+ pour voir si éventuellement il y a pas des choses pertinentes et le fait de remplir *B1* qu‟on tr-

qu‟on aura LES indicateurs à la sortie + et c‟est un bon moyen d‟utiliser l‟outil

(Extrait séquence 27, CoDir 1, CCI)

Page 275: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

275

L1 modalise sa demande avec « je crois que » et avec « je pense que » suivi de l‟emploi

du conditionnel dans les deux exemples précédents, ce qui n‟empêche pas la modalité « devoir-

faire » de s‟accomplir.

b. Analyse quantitative des emplois du verbe « falloir »

Dans les analyses suivantes, nous verrons que l‟emploi du verbe « falloir » est

caractéristique de la séquence prescriptive, même s‟il ne se présente que dans 90 % des

séquences de ce type dans le sous-corpus 2.

Dans les analyses ci-dessous, nous présentons le nombre d‟occurrences de ce critère

pour chaque type de séquence de chaque activité langagière.

CoDir 1, CCI

Cette réunion comporte 19,4 % de séquences prescriptives dans lesquelles nous

retrouvons systématiquement le verbe « falloir ».

Tableau 70 : Les manifestations du verbe « falloir » dans les séquences du CoDir 1 (CCI)

Types de séquence

dans le CoDir 1 (CCI)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifeste le verbe

« falloir »

Nombre

d’occurrences

du verbe

« falloir »

Prévalence des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 7 0 0 0 0

Séquences descriptives 31 15 48,3 % 37 2,91

Séquences prescriptives 14 14 100 % 104 8,51

Séquences opératives 4 3 75 % 18 5,50

Séquences explicatives 14 9 64,2 % 46 7,14

Séquences d‟échanges

interstitiels 1 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 0 0 0 0 0

Séquences ND 1 1 100 % 4 2,51

TOTAL 72 42 58,3 % 209 5,76

L‟emploi du verbe « falloir » ets prédominant dans les séquences prescriptives, puisque

100 % de ces séquences comptent au moins une occurrence et présentent la prévalence la plus

élevée, à savoir 8,51 ‰. Ce sont également ces séquences qui comptent le plus d‟occurrences

(104). Ensuite, les séquences explicatives attirent notre attention, puisque 64,2 % d‟entre elles

comptent 46 occurrences, avec une prévalence importante de 7,14 ‰, toutefois inférieure à

celles des séquences prescriptives.

Page 276: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

276

Les analyses quantitatives montrent que, dans cette réunion, le verbe « falloir » apparaît

comme étant le critère caractéristique de la séquence prescriptive.

CoDir 2, entreprise de transport

Cette réunion ne comporte pas de séquence prescriptive, seulement une séquence

opérative/prescriptive dans laquelle nous repérons 3 occurrences de « falloir ».

Tableau 71 : Les manifestations du verbe « falloir » par type de séquence du CoDir 2 (ets de

transport)

Types de séquence

dans le CoDir 2

(ets de transport)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de

séquences dans

lesquelles se

manifeste le verbe

« falloir »

Nombre

d’occurrences

du verbe

« falloir »

Prévalence des

occurrences (‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 10 6 60 % 11 2,19

Séquences prescriptives 0 - - - -

Séquences opératives 4 3 75 % 5 1,53

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences ND 1 1 100 % 2 1,50

Séquences

opératives/prescriptives 1 1 100 % 3 1,65

TOTAL 16 11 68,7 % 21 1,83

Dans cette réunion, le nombre d‟occurrences du verbe « falloir » est plus important dans

les séquences descriptives : 60 % d‟entre elles enregistrent au total 11 occurrences et la

prévalence la plus élevée (2,19 ‰). Par ailleurs, notons que 75 % des séquences opératives

comptent une occurrence de ce verbe, avec et une prévalence de 1,53 ‰, inférieure à la

prévalence des séquences descriptives et à celle de l‟ensemble des séquences de cette réunion

comportant une ocurrence de ce critère. Les séquences ND et opératives/prescriptives compte

également des occurrences et des prévalences plus faibles, également inférieures à la

prévalence des séquences descriptives et à celle de l‟ensemble des séquences de cette réunion

comportant une ocurrence de ce critère.

Dans cette réunion, le verbe « falloir » semble être caractéristique de la séquence

descriptive.

Page 277: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

277

CoDir 2, GIS

Tableau 72 : Les manifestations du verbe « falloir » par type de séquence d'un CoDir (GIS)

Types de séquence

dans le CoDir 2

(GIS)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifeste le verbe

« falloir »

Nombre

d’occurrences

du verbe

« falloir »

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 1 0 0 0 0

Séquences descriptives 9 7 77,8 % 29 3,78

Séquences prescriptives 2 1 50 % 4 14,76

Séquences opératives 1 1 100 % 1 1,02

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 1 0 0 0 0

Séquences ND 1 1 100 % 1 2,09

Séquences

opératives/prescriptives 5 5 100 % 36 4,96

TOTAL 20 15 75 % 71 4,26

Cette réunion ne présente que deux séquences prescriptives, ce qui représente 10 % de

la réunion. Nous repérons le verbe « falloir » dans 50 % d‟entre elles. Cette réunion compte

5 séquences opératives/prescriptives présentant toutes au moins une occurrence de ce verbe et

un total de 36 occurrences, ce qui est le nombre d‟occurrences le plus élevé. Les prévalences de

ces séquences opératives/prescriptives sont assez fortes, à savoir 4,96 ‰, ce qui est supérieur à

la prévalence de l‟ensemble des séquences de cette réunion comportant au moins une

occurrence du verbe « falloir ». Par ailleurs, 50 % des séquences prescriptives comprenant des

occurrences du verbe « falloir », présentent une prévalence particulièrement élevée, à savoir

14,76 ‰, en raison de son faible nombre de mots. Pour ce qui est des séquences descriptives :

77,8 % d‟entre elles comptent au moins une occurrence du verbe « falloir » et dénombrent un

nombre important d‟occurrences (29). Même si la prévalence est de 3,78 ‰, elle reste

inférieure à celle des séquences opératives/prescriptives et prescriptives. Cependant,

Déterminer de quel type de séquence le verbe « falloir » est la caractéristique semble

délicat. Toutefois, les analyses quantitatives montrent que le verbe « falloir » est plus fréquent

dans les séquences appartenant au type linguistique expositif, puisque nous repérons ce critère

dans au moins 50 % des séquences descriptives et prescriptives, ainsi que dans les séquences

opératives/prescriptives, partageant quant à elles deux types linguistiques (langage expositif et

langage de co-action).

Page 278: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

278

Réunion interne 1, CCI

Cette réunion comporte 26 séquences dont une seule est une séquence prescriptive.

Celle-ci présente 9 occurrences.

Tableau 73 : Les manifestations de « falloir » par type de séquence de la réunion interne 1 (CCI)

Types de séquence

dans la réunion

interne 1 (CCI)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifeste le verbe

« falloir »

Nombre

d’occurrences

du verbe

« falloir »

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 9 8 88,9 % 20 3,75

Séquences prescriptives 1 1 100 % 9 20,59

Séquences descriptives/

prescriptives 1 1 100 % 9 21,13

Séquences opératives 10 6 60 % 22 5,86

Séquences explicatives 3 3 100 % 13 5,98

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 1 0 0 0 0

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 26 19 73 % 73 6,02

Les prévalences les plus importantes sont celles des séquences descriptives/prescriptives

(21,13 ‰) et prescriptives (20,59 ‰). Les prévalences des autres types de séquence sont

inférieures à la prévalence de l‟ensemble des séquences de la réunion présentant au moins une

occurrence du verbe « falloir ». Le verbe « falloir » se manifeste dans 100 % des séquences

explicatives, mais avec une prévalence de 5,98 ‰, dans 88,9 % des séquences descriptives,

avec une prévalence encore plus faible, et dans seulement 60 % des séquences opératives avec

une prévalence de 5,86 ‰.

Les analyses quantitatives montrent que, dans cette réunion, les séquences prescriptives et

descriptives/prescriptives, sont caractérisées par l‟emploi du verbe « falloir »

Page 279: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

279

Réunion des responsables formateurs, OF

Tableau 74 : Les manifestations du verbe « falloir » par type de séquence de la réunion des

responsables formateurs (OF)

Types de séquence de

la réunion des

responsables

formateurs (OF)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifeste le verbe

« falloir »

Nombre

d’occurrences

du verbe

« falloir »

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 1 0 0 0 0

Séquences descriptives 1 0 0 0 0

Séquences prescriptives 2 1 50 % 3 2,53

Séquences opératives 21 17 81 % 48 2,54

Séquences explicatives 1 0 0 0 0

Séquences d‟échanges

interstitiels 3 0 0 0 0

Séquences ND 1 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences opératives/

explicatives 1 1 100 % 4 2,96

Séquences opératives/

prescriptives 5 5 100 % 17 2,93

TOTAL 36 24 66,7 % 72 2,64

Le verbe « falloir » est principalement présent dans les séquences opératives/explicatives

et opératives/prescriptives, qui comportent toutes au moins une occurrence du verbe « falloir » ;

elles ont les prévalences les plus élevées : 2,96 ‰ pour les séquences opératives/explicatives et

2,93 ‰ pour les séquences opératives/prescriptives. Par ailleurs, précisons que 81 % des

séquences opératives comptent 48 occurrences au total, mais une prévalence de 2,54 ‰, et que

50 % des séquences prescriptives comptent aussi au moins une fois la présence de ce verbe,

mais avec une prévalence de 2,53 ‰.

Dans cette réunion, le verbe « falloir » semble caractéristique des séquences

opératives/prescriptives et opératives/explicatives.

Séance de travail, OF

Cette séance de travail ne comporte pas de séquence prescriptive, mais comporte trois

séquences opératives/prescriptives.

Page 280: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

280

Tableau 75 : Les manifestations du verbe « falloir » par type de séquence de la séance de travail (OF)

Types de séquence

dans la séance de

travail (OF)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifeste le verbe

« falloir »

Nombre

d’occurrences

du verbe

« falloir »

Prévalence des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 2 1 50 % 1 4,29

Séquences prescriptives 0 - - - -

Séquences opératives 19 14 73,6 % 48 3,79

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 7 1 14,2 % 1 4,12

Séquences de

conversation informelle 3 0 0 0 0

Séquences ND 4 0 0 0 0

Séquences opératives/

prescriptives 3 3 100 % 11 4,77

TOTAL 38 19 50 % 61 3,95

Dans cette séance de travail, les emplois du verbe « falloir » sont plus importants dans

les séquences opératives/prescriptives, puisque 100 % de ces séquences comportent au moins

une occurrence de ce verbe et offrent la prévalence la plus élevée, à savoir 4,77 ‰.

Partie 1 de la réunion de groupement 2, OF

Cette réunion ne comporte que 7 séquences (dont aucune n‟est prescriptive), parmi

lesquelles nous repérons deux séquences comportant chacune une occurrence du verbe

« falloir ».

Tableau 76 : Les manifestations du verbe « falloir » par type de séquence de la partie de la réunion

de groupement 2 (OF)

Types de séquence dans

la réunion de

groupement 2 (OF)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de

séquences dans

lesquelles se

manifeste le verbe

« falloir »

Nombre

d’occurrences

du verbe

« falloir »

Prévalence des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 1 1 100 % 1 0,93

Séquences prescriptives 0 - - - -

Séquences opératives 5 1 20 % 1 1,45

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de conversation

informelle 0 - - - -

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 7 2 28,5 % 2 1,13

Page 281: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

281

Dans cette réunion, le critère linguistiquee étudié se manifeste assez peu, puisque nous

n‟en relevons que deux occurrences, ce qui ne permet pas de parler de séquence caractéristique.

Activités langagières au sein du service RH, entreprise de transport

Ces activités langagières ont été découpées en 13 séquences dont une seule est

caractérisée de séquence prescriptive. La plupart d‟entre elles sont des séquences opératives. Le

tableau suivant présente les occurrences des emplois du verbe « falloir » et les prévalences dans

chaque type de séquence dans les interactions dans l‟open space d‟un service RH de

l‟entreprise de transport :

Tableau 77 : Les manifestations du verbe « falloir » par type de séquence dans les interactions dans

l’open space d’un service RH (ets de transport)

Types de séquence dans

les interactions dans

l’open space d’un

service RH (ets de

transport)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifeste le verbe

« falloir »

Nombre

d’occurrenc

es du verbe

« falloir »

Prévalence des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 1 1 100 % 6 16,71

Séquences prescriptives 1 1 100 % 3 51,72

Séquences opératives 7 3 42,8 % 8 9,50

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 1 1 100 % 1 21,74

Séquences de

conversation informelle 2 1 50 % 3 5,42

Séquences ND 1 1 100 % 1 7,14

TOTAL 13 8 61,5 % 22 11,01

Les séquences prescriptive et d‟échanges interstitiels comptent des prévalences

importantes en raison du faible nombre de mots :

- la séquence prescriptive compte 3 occurrences du verbe « falloir » et peu de mots

(58), d‟où une prévalence assez importante, à savoir 51,72 ‰.

- la séquence d‟échanges interstitiels compte 1 occurrence du verbe « falloir » et peu

de mots (46), d‟où une prévalence également très élevée : 21,74 ‰.

Ces analyses montrent que les emplois de « falloir » se manifestent dans divers types de

séquence relevant des trois types linguistiques : dans le « langage expositif » avec les deux

séquences descriptive et prescriptive, dans le « langage de co-action » avec les séquences

opératives, et dans le « langage péri-professionnel » avec les séquences d‟échanges interstitiels

et de conversations informelles.

Page 282: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

282

Échanges avant la réunion et pendant la pause du CoDir, CCI

Pour ces échanges, qui ont eu lieu avant la réunion et lors de la pause du CoDir, nous

avons identifié 6 séquences ; trois d‟entre elles comportent les occurrences du verbe « falloir ».

Tableau 78 : Les manifestations du verbe « falloir » par type de séquence dans les échanges avant le

CoDir et lors de la pause (CCI)

Types de séquence dans

les échanges avant la

réunion CoDir et lors de

la pause (CCI)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifeste le verbe

« falloir »

Nombre

d’occurrences

du verbe

« falloir »

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 0 - - - -

Séquences prescriptives 2 2 100 % 11 6,63

Séquences opératives 1 1 100 % 3 3,11

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de conversation

informelle 4 0 0 0 0

TOTAL 6 3 50 % 14 5,34

Les analyses montrent que le verbe « falloir » est caractéristique de la séquence

prescriptive, puisque 100 % de ces séquences comptent au moins une occurrence et présentent

la prévalence la plus élevée, à savoir 6,63 ‰. La séquence opérative présente une prévalence

plus faible (3,11 ‰).

Conversation, OF

Parmi les 3 séquences qui constituent cette conversation d‟ordre informel (2 séquences

de conversation informelle et une séquence ND), une seule séquence de conversation

informelle compte 2 occurrences du verbe « falloir » avec une prévalence de 8,55 ‰.

c. Conclusion des analyses des emplois du verbe « falloir »

Les analyses quantitatives des emplois du verbe « falloir » dans les divers types de

séquence et dans l‟ensemble des réunions du sous-corpus 2 montrent que nous avons une

prédominance de ce critère dans la séquence prescriptive.

Page 283: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

283

Tableau 79 : Les manifestations du verbe « falloir » par type de séquence dans le sous-corpus 2

Types de séquence

dans le sous-corpus 2

Nombre de

séquences

Nombre de

séquences dans

lesquelles se

manifestent

« falloir »

Nombre

d’occurrences

Nombre

total de

mots

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 9 0 0 0 0 0

Séquences descriptives 64 39 61 % 105 32 435 3,24

Séquences prescriptives 22 20 90 % 134 15 834 8,46

Séquences descriptives/

prescriptives 1 1 100 % 9 426 21,13

Séquences opératives 72 49 68 % 154 45 357 3,40

Séquences explicatives 18 12 66,6 % 59 8 617 6,85

Séquences

opératives/explicatives 1 1 100 % 4 1 353 2,96

Séquences d'échanges

interstitiels 12 2 16,6 % 2 289 6,92

Séquences de

conversation informelle 12 2 16,6 % 5 787 6,35

Séquences ND 10 4 40 % 8 3 546 2,26

Séquences opératives/

prescriptives 14 14 100 % 67 17 195 3,90

Séquences NC 2 - - - - -

TOTAL 237 144 60,7 % 547 156 112 3,50

Les graphiques ci-dessous permettent de visualiser ces données :

Graphique 11 : Nombre de manifestations du verbe "falloir" pour chaque type de séquence

Page 284: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

284

Graphique 12 : Prévalences des manifestations du verbe "falloir" pour chaque type de séquence

L‟analyse quantitative du verbe « falloir » sur l‟ensemble du sous-corpus 2 confirme

qu‟il s‟agit d‟un critère caractéristique des séquences prescriptives. En effet, 90 % de ces

séquences comptent 134 occurrences de ce verbe, avec une prévalence importante de 8,46 ‰.

4.2.3.1.3. Troisième critère linguistique : l’emploi de l’impératif

Le mode l‟impératif apparaît comme un critère remarquable dans les séquences

prescriptives de notre corpus. Nous commencerons par présenter ce critère pour ensuite

proposer une analyse qualitative dans l‟ensemble des séquences des conversations et des

réunions de notre sous-corpus 2, afin de vérifier son caractère typologisant.

a. Analyse qualitative des emplois de l’impératif

Malgré les emplois modalisés du verbe « falloir », les locuteurs emploient des formes

impératives pour donner des instructions de façon plus directe et plus ferme. L'impératif est le

mode grammatical qui exprime l‟injonction ; il est souvent employé pour formuler un ordre,

Page 285: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

285

mais peut être aussi utilisé pour exprimer d‟autres valeurs telles que le conseil, l‟interdiction,

etc. Il est souvent employé à la deuxième du singulier (exemples 27 et 28), à la deuxième

personne du pluriel (exemple 29) et à la première personne du pluriel (exemple 30), on peut le

définir comme un critère de reconnaissance de la séquence prescriptive.

Exemple 27.

17. L1 dans dans le début > dans l‟endogène tu devrais un truc dans tes cent cinquante visites

par exemple *** c‟est < intensif=

18. L3 ouais >

19. L1 =ent cinquante visites tu devrais marque voir sys- SYSTEmatiquement TOUS nouveaux

dirigeants qui rentrent dans le département

20. L3 ouais + ouais

21. L1 hein systématiquement c'est-à-dire l‟histoire de *Ppn30* patron de *E8* qui découvre

qui nous dit qu‟après quatre ans il pas vu quelqu‟un

22. L3 ouais

23. L1 c‟est GRAVE

24. L3 hum c‟est vrai

25. L1 c‟est GRAVE

26. L3 hum

(Extrait séquence 49, CoDir 1, CCI)

L1 commence son énoncé avec le conditionnel « tu devrais » qu‟il abandonne pour

l‟impératif « marque ».

Exemple 28.

45. L3 bon écoute tu sais ce qu‟on fait on lâche parce que moi on va dire à *Lp1* qu‟il faut

qu‟elle finisse *Ppn48*

46. L2 attends on va

47. L3 c‟est trop compliqué < moi j‟ai-je

48. L2 attends on a fait > on a fait les trois quart on va terminer hein on va se débrouiller on

retourne à la thérapie du cheval {Rires de L2} regarde prends ton truc

49. L3 *** la thérapie du cheval non mais elle était bonne l‟expérience professionnelle

50. L2 oui oui mais attends

51. L3 faut qu‟on retourne dans la formation < c‟est là qu‟on est un peu coincé

(Extrait séquence 28, séance de travail, OF)

L2 tente de convaincre L3 de continuer le travail sur ce CV de *Ppn48*. Pour cela, L2

donne à L3, sa collaboratrice, un argument dans le tour 48 et emploie des formes impératives

pour la forcer à achever la correction (tours 46 et 48).

Exemple 29.

43. L1 bon ben il faut regarder les DC7 de *S20* quand ils répondent à *** et puis savoir où

est-ce qu‟ils vont le chercher hein

44. L3 hum

45. L1 parce que: si c‟est une attestation des impôts faut saisir le service des impôts compétent

hein < moi j‟ai ça en tête mais allez voir avec madame *Pn4* hein

Page 286: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

286

46. L6 la question est de savoir qui le fait >

47. L3 on va regarder ouais

48. L1 hein allez voir madame *Pn4* < la spécialiste=

49. L3 on va regarder >

50. L1 =des documents administratifs là

(Extrait séquence 18, CoDir, 9 juin, GIS)

Exemple 30.

36. L4 alors soyons crus ça c‟est euh ta vision de la stratégie mais nos élus est-ce que c‟est

comme ça qu‟ils ont cette lecture

(Extrait séquence 26, CoDir 1, CCI)

L‟emploi de l‟impératif à la première personne du pluriel reste assez rare. Il permet de

marquer l‟implication des locuteurs, la collaboration des participants tout en imposant une

certaine vision commune.

Exemple 31.

7. L1 commençons par *R3* euh on imaginera *R4* après donc on va essayer de réfléchir à

des hypothèses d‟organisation administrative pédagogique euh + en fonction des lots sur

lesquels on sera retenu + alors faisons des hypothèses avec euh sachant en plus

géographiquement c‟est euh: c‟est pas du tout la même ce sera pas du tout les mêmes la

même organisation si on ne répond que sur un lot *R8* par exemple enfin bon donc

voilà

(Extrait séquence 2, réunion interne, OF)

Dans cet exemple tiré d‟une réunion dans laquelle les collaborateurs doivent organiser

la partie administrative d‟un projet, l‟emploi de l‟impératif à la première personne du pluriel

par L1 lui permet d‟engager l‟action et d‟inciter au travail collaboratif.

b. Analyse quantitative des emplois de l’impératif dans le deuxième sous-corpus

Les analyses suivantes montrent que l‟impératif est plus usuellement employé dans les

séquences prescriptives. Dans l‟analyse quantitative suivante, nous présentons, pour chaque

activité langagière de notre sous-corpus 2, les manifestations de ce critère dans les séquences

prescriptives et dans d‟autres types de séquence où se manifestent cette caractéristique.

Page 287: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

287

CoDir 1, CCI

Tableau 80 : Les manifestations des formes impératives par type de séquence du CoDir 1 (CCI)

Types de séquence

dans le CoDir 1 (CCI)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent des

formes impératives

Nombre

d’occurrences

des formes

impératives

Prévalence des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 7 3 42,8 % 5 24,75

Séquences descriptives 31 6 19,3 % 6 1,15

Séquences prescriptives 14 10 71,4 % 20 2,55

Séquences opératives 4 2 50 % 3 1,15

Séquences explicatives 14 3 21,4 % 4 1,93

Séquences d‟échanges

interstitiels 1 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences ND 1 1 100 % 1 0,63

TOTAL 72 25 34,7 % 39 1,99

Les analyses montrent que les emplois de verbes à l‟impératif sont plus fréquents dans

les séquences prescriptives, où plus de 71 % des séquences comportent au moins une forme

impérative et présentent une prévalence élevée de 2,55 ‰. La prévalence des séquences

encadrantes est la plus forte (24,75 ‰), mais seulement 42,8 % des séquences encadrantes

comportent au moins une forme impérative.

Les analyses montrent que les formes impératives sont caractéristiques des séquences

encadrantes et prescriptives, toutes deux appartenant au type linguistique « langage expositif ».

CoDir 2, entreprise de transport

Cette réunion ne comporte pas de séquence prescriptive. Nous repérons des formes

d‟impératives dans seulement 40 % des séquences descriptives. Ces séquences dénombrent

9 occurrences, avec une prévalence de 2,13 ‰.

Page 288: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

288

CoDir 2, GIS

Cette réunion est dominée par les séquences descriptives. Nous comptons seulement deux

séquences prescriptives.

Tableau 81 : Les manifestations des formes impératives par type de séquence du CoDir 2 (GIS)

Types de séquence

dans le CoDir 2

(GIS)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent des

formes impératives

Nombre

d’occurrences

des formes

impératives

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 1 0 0 0 0

Séquences descriptives 9 0 0 0 0

Séquences prescriptives 2 1 50 % 3 4,82

Séquences opératives 1 0 0 0 0

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 1 0 0 0 0

Séquences

opératives/prescriptives 5 2 40 % 5 2,53

Séquences NC 1 0 0 0 0

TOTAL 20 3 15 % 6 3,08

Seulement 40 % des séquences opératives/prescriptives et 50 % des séquences

prescriptives présentent des formes impératives. Les séquences prescriptives présentent une

prévalence importante, à savoir 4,82 ‰, contre 2,53 ‰ pour les séquences

opératives/prescriptives.

Ainsi, les formes impératives semblent plutôt caractéristiques des séquences

prescriptives.

Réunion interne 1, CCI

Cette réunion de travail est caractérisée par des séquences opératives, qui sont

dominantes dans la réunion, et descriptives ; elle ne compte qu‟une seule séquence prescriptive.

Page 289: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

289

Tableau 82 : Les manifestations des formes impératives par type de séquence de la réunion interne 1

(CCI)

Types de séquence

dans la réunion

interne 1 (CCI)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent des

formes impératives

Nombre

d’occurrences

des formes

impératives

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 9 1 11,1 % 2 1,87

Séquences prescriptives 1 0 0 0 0

Séquences

descriptives/prescriptives 1 0 0 0 0

Séquences opératives 10 0 0 0 0

Séquences explicatives 3 2 66,7 % 2 1,65

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 1 0 0 0 0

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 26 3 11,5 % 4 1,75

Les analyses quantitatives de cette réunion montrent que la seule séquence prescriptive

ne compte pas de formes impératives. Seules 2 séquences explicatives et une séquence

descriptive manifestent quelques occurrences de formes impératives, ce qui est assez peu

puisque cela ne représente que 11,5 % des séquences de la réunion. Les séquences explicatives

sont plus nombreuses que les séquences descriptives à comporter des occurrences, mais ces

dernières ont une prévalence plus élevée.

Dans cette réunion, le critère se manifeste assez peu, ce qui ne permet pas de parler de

séquence caractéristique.

Réunion des responsables formateurs, OF

Cette réunion est majoritairement constituée de séquences opératives, dont la moitié

comporte des formes impératives.

Page 290: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

290

Tableau 83 : Les manifestations des formes impératives par type de séquence de la réunion des

responsables formateurs (OF)

Types de séquence de la

réunion des

responsables formateurs

(OF)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent des

formes impératives

Nombre

d’occurrences

des formes

impératives

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 1 0 0 0 0

Séquences descriptives 1 0 0 0 0

Séquences prescriptives 2 2 100 % 6 4,17

Séquences opératives 21 14 66,7 % 33 2,14

Séquences explicatives 1 1 100 % 4 7,55

Séquences opératives/

explicatives 1 1 100 % 2 1,48

Séquences d‟échanges

interstitiels 3 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences ND 1 1 100 % 1 1,52

Séquences opératives/

prescriptives 5 5 100 % 19 3,27

TOTAL 36 18 50 % 50 2,58

Nous comptons des formes impératives dans l‟ensemble des séquences explicatives,

prescriptives, opératives/explicatives, opératives/prescriptives et ND, ainsi que dans 66,7 % des

séquences opératives où nous comptons le plus grand nombre d‟occurrences (33).

Dans cette réunion, le critère linguistique étudié est pluôt caractéristique des séquences

explicatives, pusique celles-ci présentent la prévalence la plus élevée (7,55 ‰), suivies des

séquences prescriptives, avec une prévalence de 4,17 ‰ qui reste supérieure à la prévalence de

l‟ensemble des séquences de la réunion présentant au moins une forme impératives. La plupart

des occurrences se manifestent dans les séquences appartenant au type linguistique « langage

de co-action ».

Séance de travail, OF

Cette séance de travail ne comprend pas de séquence prescriptive, mais présente des

formes impératives dans d‟autres types de séquence.

Page 291: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

291

Tableau 84 : Les manifestations des formes impératives par type de séquence d'une séance de travail (OF)

Types de séquence dans

la séance de travail (OF)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent des

formes impératives

Nombre

d’occurrences

des formes

impératives

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences descriptives 2 1 50 % 1 4,29

Séquences encadrantes 0 0 0 0 0

Séquences opératives 19 13 68,4 % 68 5,58

Séquences explicatives 0 0 0 0 0

Séquences prescriptives 0 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 3 2 66,6 % 2 14,60

Séquences d‟échanges

interstitiels 7 2 28,5 % 3 6,56

Séquences opératives/

prescriptives 3 3 100 % 9 3,90

Séquences ND 4 0 0 0 0

TOTAL 38 21 55,2 % 83 5,42

100 % des séquences opératives/prescriptives comptent au moins une forme impérative,

mais ont une faible prévalence (3,90 ‰). La prévalence la plus élevée se trouve être celle des

séquences de conversation informelle qui se présentent comme les séquences caractéristiques

des formes impératives, suivies des séquences opératives. Ces dernières comptent

68 occurrences, avec une prévalence supérieure à celle de l‟ensemble des séquences de la

séance de travail présentant au moins une forme impérative.

Partie 1 de la réunion de groupement 2, OF

Cette réunion est découpée en sept séquences, dont seulement deux séquences

(descriptive et opérative) dénombrent une occurrence de forme impérative.

Tableau 85 : Les manifestations des formes impératives par type de séquence de la partie de la

réunion de groupement 2 (OF)

Types de séquence

dans la partie de la

réunion de

groupement 2 (OF)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent des

formes impératives

Nombre

d’occurrences

des formes

impératives

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 1 1 100 % 1 0,93

Séquences prescriptives 0 - - - -

Séquences opératives 5 1 20 % 1 2,10

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 7 2 28,5 % 2 1,29

Page 292: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

292

Dans cette réunion, le critère se manifeste assez peu, c‟est pourquoi nous ne parlons pas

de séquence caractéristique.

Activités langagières au sein du service RH, entreprise de transport

Le tableau suivant présente les occurrences des emplois de formes impératives et de leur

prévalence pour chaque type de séquence dans les interactions dans l‟open space d‟un service

RH de l‟entreprise de transport :

Tableau 86 : Les manifestations des formes impératives par type de séquence dans les interactions

dans l’open space d’un service RH (ets de transport)

Types de séquence

dans les interactions

dans l’open space d’un

service RH

(ets de transport)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent des

formes impératives

Nombre

d’occurrences

des formes

impératives

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 1 0 0 0 0

Séquences prescriptives 1 0 0 0 0

Séquences opératives 7 1 14,2 % 4 6,25

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 1 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 2 2 100 % 2 3,31

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 13 3 23 % 6 4,82

La seule séquence prescriptive des activités langagières ne comporte pas de formes

impératives. Une séquence opérative compte un nombre important d‟occurrences (4) et

présente une prévalence élevée, à savoir 6,25 ‰. 100 % des séquences de conversation

informelle comptent une forme impérative, avec une prévalence plus faible : 3,31 ‰.

Dans cette réunion, les formes impératives sont plutôt caractéristiques des séquences

opératives.

Échanges avant la réunion et pendant la pause du CoDir, CCI

Dans cette réunion découpée en 6 séquences, nous ne repérons aucune forme

impérative.

Page 293: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

293

Conversation, OF

Dans cette réunion, qui ne comportant que 3 séquences, nous ne repérons qu‟une seule

forme impérative dans une séquence de conversation informelle, avec une prévalence de

4,27 ‰

c. Conclusion des analyses des emplois de l’impératif

Les analyses quantitatives montrent que les emplois de l‟impératif se présentent

principalement dans les séquences prescriptives, la séquence opérative/explicative, puis dans

les séquences opératives/prescriptives.

Tableau 87 : Les manifestations des formes impératives dans les types de séquence dans le sous-

corpus 2

Types de séquence

dans le sous-corpus 2

Nombre de

séquences

Nombre de

séquences dans

lesquelles se

manifestent des

formes

impératives

Nombre

d’occurrences

des formes

impératives

Nombre

total de

mots

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 9 3 33,3 % 5 202 24,75

Séquences descriptives 64 13 17,1 % 19 11 833 1,61

Séquences prescriptives 22 13 45,4 % 29 9 914 2,93

Séquences descriptives/

prescriptives 1 0 0 0 0 0

Séquences opératives 72 31 26,3 % 109 31 347 3,48

Séquences explicatives 18 6 33,3 % 10 3 813 2,62

Séquences

opératives/explicatives 1 1 100 % 2 1 353 1,48

Séquences d'échanges

interstitiels 12 2 16,6 % 3 457 6,56

Séquences de

conversation informelle 12 5 41,6 % 5 975 5,13

Séquences ND 10 2 20 % 2 2 251 0,89

Séquences

opératives/prescriptives 14 10 42,8 % 33 10 091 3,27

Séquences NC 2 0 0 0 0 0

TOTAL 237 86 27,4 % 217 72 236 3

Nous proposons ci-dessous une visualisation graphique de ces données :

Page 294: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

294

Graphique 13: Prévalences des occurrences des formes impératives pour chaque type de séquence du

sous-corpus 2

Graphique 14 : Nombre d'occurrences des formes impératives pour chaque type de séquence du sous-

corpus 2

Ce dernier graphique montre que les séquences descriptives/prescriptives, puis les

séquences prescriptives et opératives/prescriptives sont celles qui comportent le plus

d‟occurrences de formes impératives.

Les analyses montrent que les séquences opératives, puis descriptives et enfin

prescriptives sont les séquences dans lesquelles se manifestent les formes impératives.

Page 295: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

295

4.2.3.1.4. Quatrième critère : les énoncés à valeur injonctive

Nous conserverons notre méthode de présentation, c‟est-à-dire d‟abord l‟analyse

qualitative des énoncés à valeur injonctive, puis l‟analyse quantitative de ce critère dans les

diverses séquences de nos réunions de travail du sous-corpus 2.

a. Analyse qualitative des énoncés à valeur injonctive

Dans les séquences prescriptives, les locuteurs élaborent parfois des énoncés sur le

mode injonctif, c‟est-à-dire des énoncés qui ont l'aspect des formes impératives proche de

celles que nous avons analysées précédemment. Parfois, dans les séquences prescriptives, les

énoncés ont une valeur injonctive, construits non pas à partir de l‟impératif ou en utilisant le

verbe « falloir », mais à partir par exemple du mode de l‟indicatif et de formes de modalisation

pour introduire leur demande (« je pense que » par exemple) de façon adoucie ou bien à partir

du conditionnel. Comme les énoncés à l‟impératif, ces énoncés ont une fonction conative et

sont destinés à faire agir un destinataire.

Quelques exemples de la manifestation du caractère injonctif des énoncés tirés

d‟extraits de nos séquences permettent d‟illustrer notre propos :

Exemple 32.

L1 *V28* pardon *V28* oui oui *V28* alors à partir de quand vous allez quand vous téléphonez

quand vous prévenez les mairies comme quoi il va y avoir les dossiers qui vont passer à la à la

commissions vous confirmez par fax + ok là vous avez une trace

(Extrait séquence 4, réunion interne ALRC, GIS)

Le syntagme verbal à l‟indicatif « vous confirmez par fax » porte une valeur injonctive.

Il s‟agit de donner un ordre sans employer l‟impératif.

Exemple 33.

37. L1 ça serait bien à moins alors ça ça serait bien sur une opération de cette nature que euh::

un vous avez déclenché deux vous avez fixé le cahier des charges trois l’observatoire

rempli

38. L2 hum

39. L1 ***

40. L6 < oui

41. L2 oui >

Page 296: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

296

42. L1 quatre vous vous chargez la gestion de l’entreprise

43. L2 hum

44. L1 hein ?

45. L2 hum

46. L1 c'est-à-dire que l‟observatoire est notre sous-traitant < entre guillemets

47. L2 oui >

48. L1 sur le contenu

49. L2 oui parce que forcément c‟est < ***

50. L1 mais que ça soit {sic}> vous qui l’envoyiez parce que auto- comme ça vous verrez

51. L2 hum

52. L1 CONCREtement ça ça sortira de chez vous vous le < suivrez:

(Extrait séquence 38, CoDir 1, CCI)

Dans cet extrait, les tours de paroles de L1 portent une valeur injonctive. Le directeur

fait le choix du temps du passé afin de projeter les résultats de la démarche qu‟il voudrait voir

L2 et L6 entreprendre. Ainsi, il les incite à agir.

Les énoncés injonctifs se différencient entre eux par la nature des rapports sociaux en

place entre les locuteurs (position sociale, hiérarchie). Dans cet exemple, les injonctions sont

énoncées par le directeur et ne sont pas réfutées, au contraire, L2 et L6 écoutent et acquiescent.

Exemple 34.

16. L1 ça c‟est pour les contacts téléphoniques les bûchettes c‟est pas pour les entretiens

17. L2 ben: {Rire de L1} si par exemple euh: projet accompagné du premier accueil jusqu‟au

CFE

18. L6 c‟est UNE bûchette complète

19. L1 c‟est: euh ah oui en:

20. LX < des bûchettes

21. L1 vous les mettez dans les ** à ceux que > vous voyez

22. L3 < une bûchette complète c‟est une bûche {Rires}

23. L2 oui mais pour les les les compter > après je regarde les créations d‟entreprise qu‟il y a euh

aussi

24. L1 oui

(Extrait séquence 40, CoDir 1, CCI)

Dans le tour 21, L1 fait une proposition à L2 en utilisant l‟indicatif, qui est un mode

d‟expression plus doux que l‟impératif.

La séquence opérative est caractérisée non pas par l‟ordre au sens strict comme dans la

séquence prescriptive, même si c‟est parfois modalisé, mais plutôt par l‟invitation à agir par

l‟ordre et la suggestion permettant à chacun de progresser dans le travail.

Page 297: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

297

b. Analyse quantitative des énoncés à valeur injonctive

Les analyses quantitatives suivantes présentent les manifestations des énoncés à valeur

injonctive dans les séquences. Pour chaque type de séquence de chaque activité langagière du

sous-corpus 2, nous présentons les nombres d‟occurrences de ce critère (en valeur absolue),

ainsi que leurs prévalences.

CoDir 1, CCI

Tableau 88 : Les manifestations d’énoncés injonctifs par type de séquence du CoDir 1 (CCI)

Types de séquence

dans le CoDir 1 (CCI)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

énoncés injonctifs

Nombre

d’occurrences

des énoncés

injonctifs

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 7 4 57,1 % 9 35,57

Séquences prescriptives 14 10 71,4 % 28 2,86

Séquences descriptives 31 3 5,9 % 3 1,06

Séquences opératives 4 2 50 % 2 1,2

Séquences explicatives 14 2 14,2 % 7 2,73

Séquences d‟échanges

interstitiels 1 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 72 21 29,1 % 49 2,88

Les énoncés à valeur injonctive se manifestent de façon assez importante dans les

séquences encadrantes. En effet, 57,1 % d‟entre elles comptent des énoncés à valeur injonctive

et présentent une forte prévalence : 35,57 ‰. Nous remarquons également que 71,4 % des

séquences prescriptives comptent au moins un énoncé à valeur injonctive. La prévalence est

inférieure à celle des séquences encadrantes et de la prévalence générale des séquences de la

réunion manifestant ce critère, mais est la seconde plus élevée.

Ainsi, les analyses montrent que ces genres d‟énoncés sont récurrents dans les

séquences encadrantes, puis dans les séquences prescriptives.

CoDir 2, entreprise de transport

Cette réunion compte 16 séquences dont 10 sont des séquences de type descriptives.

Parmi ces 10 séquences descriptives, 6 séquences comptent au moins un énoncé à valeur

injonctive. En somme, nous dénombrons 11 occurrences avec une prévalence de 3,01 ‰. Dans

Page 298: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

298

cette réunion, les énoncés à valeur injonctive sont plutôt caractéristiques des séquences

descriptives, dominantes dans la réunion.

CoDir 2, GIS

Cette réunion compte 20 séquences dont 9 sont des séquences de type descriptives.

Dans cette réunion, les énoncés à valeur injonctive sont plutôt caractéristiques de la séquence

encadrante.

Tableau 89 : Les manifestations d’énoncés injonctifs par type de séquence du CoDir 2 (GIS)

Types de séquence

dans le CoDir 2

(GIS)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

énoncés injonctifs

Nombre

d’occurrences

des énoncés

injonctifs

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 1 1 100 % 1 83,33

Séquences descriptives 9 3 33,3 % 3 0,82

Séquences prescriptives 2 1 50 % 3 4,82

Séquences opératives 1 0 0 0 0

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 1 0 0 0 0

Séquences

opératives/prescriptives 5 1 20 % 1 0,96

Séquences NC 1 0 0 0 0

TOTAL 20 6 30 % 8 1,50

Les énoncés injonctifs sont, comme dans le CoDir 1 de la CCI, caractéristiques de la

séquence encadrante. Dans cette réunion, la seule séquence de ce type compte une occurrence

d‟énoncé injoinctif et présente une forte prévalence (83,33 ‰).

Par ailleurs, nous remarquons qu‟une séquence prescriptive sur les deux compte trois

occurrences, avec une prévalence de 4,82 ‰, inférieure à la séquence encadrante, mais

supérieure aux deux autres types de séquence dans lesquelles se manifeste le critère.

Page 299: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

299

Réunion interne 1, CCI

Tableau 90 : Les manifestations d’énoncés injonctifs par type de séquence de la réunion interne 1

(CCI)

Types de séquence

dans la réunion interne

1

(CCI)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les énoncés

injonctifs

Nombre

d’occurrences

des énoncés

injonctifs

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 9 1 11,1 % 1 1,28

Séquences prescriptives 1 0 0 0 0

Séquences descriptives/

prescriptives 1 0 0 0 0

Séquences opératives 10 4 40 % 5 3,86

Séquences explicatives 3 0 0 0 0

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 1 0 0 0 0

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 26 5 19,23 % 6 2,89

Les énoncés à valeur injonctive sont caractéristiques de la séquence opérative, en effet,

40 % des séquences comptent au moins une occurrence de ce critère et présente la prévalence la

plus élevée, à savoir 3,86 ‰. Cette prévalence est supérieure à celle de la séquence descriptive

et à celle de l‟ensemble des séquences de la réunion comportant au moins une occurrence.

Réunion des responsables formateurs, OF

Tableau 91 : Les manifestations d’énoncés injonctifs par type de séquence de la réunion des responsables

formateurs (OF)

Types de séquence de la

réunion des responsables

formateurs (OF)

Nombre de

séquences dans

la réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

énoncés injonctifs

Nombre

d’occurrences

des énoncés

injonctifs

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 1 1 100 % 1 1,83

Séquences descriptives 1 0 0 0 0

Séquences prescriptives 2 2 100 % 4 2,78

Séquences opératives 21 13 61,9 % 25 1,77

Séquences explicatives 1 1 100 % 2 3,77

Séquences opératives/

explicatives 1 1 100 % 3 2,22

Séquences d‟échanges

interstitiels 3 1 33,3 % 1 30,30

Séquences de conversation

informelle 0 - - - -

Séquences ND 1 0 0 0 0

Séquences opératives/

prescriptives 5 3 60 % 10 3,44

TOTAL 36 22 61,1 % 46 2,20

Page 300: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

300

Dans cette réunion, les énoncés à valeur injonctive sont plutôt récurrents dans les

séquences prescriptives, explicatives et encadrante.

Les séquences prescriptives comptent 4 occurrences, avec une prévalence de 2,78 ‰.

Toutefois, cette prévalence est faible si nous la comparons à celles des séquences explicatives.

100 % d‟entre elles comptent 1 occurrence, avec une prévalence de 3,77 ‰. Par ailleurs, 60 %

des séquences opératives/prescriptives comptent au moins un énoncé à valeur injonctive et

présentent une prévalence de 3,44 ‰. Par ailleurs, la séquence d‟échanges interstitiels de cette

réunion comprend une prévalence des occurrrences particulièrement élevée (30,30 ‰).

Toutefois, seulement 33,3 % des séquences de ce type comportent une occurrence d‟énoncé à

valeur injonctive. Les séquences opératives sont celles qui comportent le plus d‟occurrences

d‟injonctions, mais ont une faible prévalence des occurrences (1,77 ‰).

Dans cette réunion, les énoncés à valeur injonctive sont plutôt caractéristiques des

séquences explicatives et opératives/prescriptives, dans la mesure où ces types de séquence

comptent des énoncés à valeur injonctive de façon plus sytématique, avec des prévalences des

occurrences élevées.

Séance de travail, OF

Tableau 92 : Les manifestations d’énoncés injonctifs par type de séquence de la séance de travail

(OF)

Types de séquence dans

la séance de travail

(OF)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de

séquences dans

lesquelles se

manifestent les

énoncés injonctifs

Nombre

d’occurrences

des énoncés

injonctifs

Prévalence des

occurrences

(‰)

Séquences descriptives 2 1 50 % 1 1,91

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences opératives 19 12 63,1 % 40 4,16

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences prescriptives 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 3 1 33,3 % 4 30,30

Séquences d‟échanges

interstitiels 7 1 14,2 % 2 10,36

Séquences opératives/

prescriptives 3 3 100 % 11 4,77

Séquences ND 2 0 0 0 0

Séquences NC 2 - - - -

TOTAL 38 18 47,3 % 58 4,54

Dans cette séance de travail, les occurrences d‟énoncés injonctifs sont plus nombreuses

dans les séquences opératives, mais les prévalences des occurrences sont plus élevée dans la

Page 301: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

301

séquence de conversation informelle (30,30 ‰) et la séquence d‟échanges interstitiels

(10,36 ‰). Les séquences opératives et opératives/prescriptives comptent davantage

d‟occurrences dans un plus grand nombre de séquences : plus de 63 % des séquences

opératives et 100 % des séquences opératives/prescriptives. Les énoncés à valeur injonctive

semblent plutôt caractéristiques de ces deux types de séquence.

Activités langagières au sein du service RH, entreprise de transport

Parmi les 13 séquences découpées dans les interactions de l‟open space d‟un service RH

de l‟entreprise de transport, seulement deux séquences comportent des énoncés valeur

injonctive. Il s‟agit de deux séquences opératives :

- la séquence opérative 1 compte 2 occurrences et présente une prévalence des

occurrences de 13,42 ‰ ;

- la séquence opérative 7 compte 1 occurrence, avec une prévalence des occurrences de

1,56 ‰.

Comme ce critère ne se présente que dans les séquences opératives (dans 28,6 % des

séquences opératives), nous pouvons dire qu‟il en est la caractéristique.

Aucune séquence de la partie 1 de la réunion de groupement 2 (OF), aucune séquence

des échanges avant la réunion et pendant la pause du CoDir 1 (CCI) et de la conversation (OF)

ne comporte d‟énoncés à valeur injonctive.

c. Conclusion des analyses des énoncés à valeur injonctive

Sur l‟ensemble des séquences du sous-corpus, 33,7 % comptent des énoncés à valeur

injonctive.

Page 302: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

302

Tableau 93 : Les manifestations d’énoncés injonctifs par type de séquence dans le sous-

corpus 2

Types de séquence

dans le sous-corpus 2

Nombre de

séquences

dans le sous-

corpus 2

Nombre de

séquences dans

lesquelles se

manifestent les

énoncés injonctifs

Nombre

d’occurren

ces des

énoncés

injonctifs

Nombre

total de

mots

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 9 6 66,6 % 11 811 13,56

Séquences descriptives 64 14 21,8 % 19 11 418 1,66

Séquences prescriptives 22 13 59 % 35 11 852 2,95

Séquences descriptives/

prescriptives 1 0 0 0 0 0

Séquences opératives 72 33 45,8 % 75 27 418 2,74

Séquences explicatives 18 3 16,6 % 9 3 090 2,91

Séquences opératives/

explicatives 1 1 100 % 3 1 353 2,22

Séquences d'échanges

interstitiels 12 2 16,6 % 3 228 13,16

Séquences de

conversation informelle 12 1 8,3 % 4 132 30,30

Séquences ND 10 0 0 0 0 0

Séquences opératives/

prescriptives 14 7 50 % 22 6 263 3,51

Séquences NC 2 - - - - -

TOTAL 237 80 33,7 % 181 62 565 2,89

Les énoncés à valeur injonctive s‟effectuent dans la majorité des séquences encadrantes

(66,6 %) et des séquences prescriptives (59 %), avec des prévalences particulièrement élevées

pour les séquences encadrantes. En effet, celles-ci présentent une prévalence des occurrences

supérieure à celle de l‟ensemble des séquences du sous-corpus 2 comportant au moins un

énoncé à valeur injonctive pour les séquences prescriptives.

4.2.3.2. Analyse de deux séquences prescriptives

Nous allons procéder à l‟analyse de deux séquences de notre corpus : les séquences 16

et 27 issues du comité de direction du 19 novembre de la CCI.

Page 303: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

303

4.2.3.2.1. Analyse de la séquence n° 16 du CoDir 1, CCI

Séquence :

1. L6 alors je pense qu’il > faut leur euh parce que parce que il PEUT y avoir des co-financements via les

pays ** dans le cadre des ORAC

2. L4 alors justement euh je voulais saisir l‟opportunité du: projet qu‟on a au niveau de la FEDEration pour

faire réémerger {sic} ces besoins là ce travail là

3. L6 par contre on est short au niveau des délais parce qu‟ils ont déjà bien avancé leur programme: donc il

faut quand même: aller assez vite pour ne pas < ***

4. L4 pour être clair > on est totalement à la bourre

5. L6 ouais

6. L4 on a été surpris euh parce que on a eu une démarche tout d‟abord de la côte pour vérifier si ce qu‟on

voulait mettre en place c‟était audible ou pas il nous a dit OUI c‟est possible mais appuyez-vous au

maximum sur les ORAC qui sont en train de se signer d‟ici la fin de l‟année

7. L1 hum

8. L6 par contre le promoteur /et, est/ c‟est trente et un décembre signature trente et un décembre donc là

faut qu’on aille très très vite qu‟on mette un peu la charrue avant les bœufs faut le faire si on peut

en bénéficier

+

9. L1 et c‟est forcément via les fiches action ?

10. L6 hum + c‟est via les fiches: que je vous ai remis pour le projet de *CC1* de vous savez à la fin des

documents

11. L3 ouais

12. L6 on avait mis deux fiches fiche opération fiche action donc la fiche action c‟est souvent le pays ou alors

le maître d‟ouvrage qui l‟a fait et elle permet de décliner derrière les opérations /bon, donc/ par

exemple: ça pourrait ani- être animation des réseaux la fiche: action et derrière fiche opération

démarche qualité

13. L1 hum

14. L6 et /il, 0/ faut la décliner pays par pays c'est-à-dire que c‟est la même fiche faut préciser que c‟est

une action départementale mais elle est proposée au pays Nord au pays *V4* et au pays de *V5* +

faut les préparer je les vois je les vois assez régulièrement

15. L2 si dans la:

16. L4 de de la même < manière

17. L2 les mêmes fiches > je vous avais fait passer une fiche j‟en ai envoyé une moi au pays de *D1* sur

euh: l‟accompagnement de la transmission d‟entreprise + c‟était cette fiche là + c‟est tout récent

18. L6 c‟est un réflexe qu‟on (n‟)a pas eu forcément euh: c‟est c‟est effectivement *** une année charnière

puisque c‟était la phase de renouvellement des contrats la préparation des contrats à venir toutes les

actions qu‟on propose en interne peuvent être proposées aux pays ils prennent ou ils prennent pas

mais si ils prennent on peut après dans le cas des négociations qu‟ils ont avec l‟Etat et la région

recevoir des financements du moment que nous on est co-financeurs hein on peut être co-financeurs

pour x pourcent et solliciter un financement euh pour le reste

19. L4 hum tout à fait

20. L6 et bon je sais que la Chambre d‟agriculture elle a déjà fait passer tous ses projets euh + auprès des

trois pays

21. L4 au risque de me répéter on est vraiment en retard sur ce dossier là et c‟est un dossier très important

parce que là on pourrait presque voir stratégies départementales

22. L6 absolument

23. L4 mais euh c‟est faut absolument qu’on aille dans **

24. L6 on a un avantage en ayant trois pays très ouverts à nos à nos actions très demandeurs mais bon on

(n‟)a pas forcément eu le réflexe de de de s‟appliquer dans leur timing et dans leur euh:

Page 304: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

304

Dans cette séquence, après l‟exposé de son travail, L6 sollicite ses collaborateurs afin

que ceux-ci demandent un co-financement pour la mise en place d‟un projet. Sa première

formulation est modalisée, puisqu‟il introduit sa demande de façon indirecte avec « je pense

que » (en gras dans le tour de parole 1), mais garde tout de même une valeur avec l‟emploi

de « falloir » :

- « faut aller quand même: assez vite », tour 3 ;

L4 se joint au discours de L6 pour insister sur la demande en utilisant un impératif :

« appuyez-vous au maximum sur les ORAC », tour 6.

- « faut qu‟on aille très très vite » et « faut le faire », tour 8 ;

- « /il, 0/ faut la décliner pays par pays c'est-à-dire que c‟est la même fiche faut préciser

que c‟est une action départementale […] faut les préparer », tour 14 ;

- « mais euh c‟est faut absolument qu’on aille dans ** », tour 23.

Cette séquence est particulièrement marquée par le discours prescriptif de L6 qui incite

ses collaborateurs à l‟action, il recourt pour cela à des énoncés à valeur injonctive comprenant

le verbe « falloir ».

Page 305: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

305

4.2.3.2.2. Analyse de la séquence n° 27 du CoDir 1, CCI

Séquence :

1. L1 je pense que là-dedans on peut avoir des indicateurs enfin oui des indicateurs ou des temps de

mesure qui t‟intéressent toi et euh dont on ne va pas faire forcément usage auprès des élus

2. L7 bien évidemment

3. L1 mais c‟est peut-être c‟est intéressant pour toi que de savoir j‟ai j‟ai pris cet exemple là les dossiers

de naturalisation comme ça le jour où tu le sauras une fois deux fois trois fois *** mais c‟est peut-

être intéressant effectivement de le savoir sans forcément aller très loin vis-à-vis des élus euh::

4. LX < ***

5. L1 c‟est c‟est une > façon de mesurer ce que l‟on fait + ce qui n‟est pas forcément idiot euh si ce n‟est

qu‟il faut aussi quelque part s‟engager à à à mettre les résul- les les enfin les chiffres < en face

6. L2 les indicateurs >

7. L7 hum

8. L1 et et je pense qu‟il faudrait que tu ailles voir *B1* + pour voir qu‟est-ce que *B1* peut pondre +

pour voir si éventuellement il y a pas des choses pertinentes et le fait de remplir *B1* qu‟on tr-

qu‟on aura LES indicateurs à la sortie + et c‟est un bon moyen d‟utiliser l‟outil + parce qu‟il faut

qu‟on /lui, 0/ trouve sa pertinence on est doté d‟un outil qui manifestement a du mal ou ou

fonctionne pas

9. L2 comme vous diriez qui emmerde ** {Rires de L2, L1 et L4}

10. L1 euh oh euh: on a d‟autres=z=outils que de faire des BAtons + hein et il faut utiliser *B1* justement

pour faire ce truc-là alors je sais pas si il est paramétré il y a quand même un minimum de <

paramétrage

11. L2 ah mais tout > est paramétré hein < tout il est prêt hein

12. L1 donc *B1* est paramétré > sur un certain nombre de CRItères dans le commerce < et cetera

13. L2 si il manque un > un critère un paramètre ça on le met bon le contrat de naturalisation je suis pas

sûre qu‟il y soit mais < bon euh

14. L1 ouais >

15. LX non non je je le note

16. L2 hein

17. L5 dossier de naturalisation j‟en ai deux sur mon bureau {Rires de L5}

18. L2 oui mais bon après bon c‟est

19. LX < ***

20. LX il y en a deux dans l‟année ***

21. L2 après si au lieu que ce soit contrats > de naturalisation c‟est peut-être mis euh bon partenariat ou je

sais pas moi collectivité a- avis donné ou je sais pas en général ça peut intégrer plusieurs avis pas

forcément que la naturalisation + tu l‟as tu l‟as eu la formation euh ?

22. L4 non pas du tout

23. L1 < ah non non non il connaît pas *Lp4* ne connaît pas du tout l‟outil

24. L4 je pense que ça fait partie des choses qu‟il faut que je fasse > qu‟il faut que je fasse

25. L1 mais c‟est un bon moyen de de de de relancer et de de de:

26. L2 et < oui si ***

27. L4 moi je suis preneur si c‟est > un outil synthétique qui me permette de PRE-remplir les cases là +

formidable + je prends

28. L1 par contre *** sur les dossiers euh

29. L4 disons que je reste cohérent entre {Rires de L5} ce que j‟annonce et l‟indicateur de mesure

30. L1 ça veut dire que tout le monde va devoir remplir dossier CDEC combien de temps j‟ai passé

dessus hein c‟est ça l‟indicateur

31. L4 c‟est on peut être: quantitatif c'est-à-dire combien de dossiers CDEC et après combien de temps je

vais passer dessus

32. L3 oui mais *Lp4* tu as le même souci que moi c‟est de dire à quel moment un chargé de mission

combien de dossiers peut-il suivre {Le téléphone de L6 sonne. Elle répond et sort} on va dire c‟est

trente-huit dossiers etc. mais c‟est

33. L7 < oui mais là

34. L3 non non mais > je suis d‟accord avec toi moi non plus c‟est < d‟arriver à *** c‟est ça

35. L2 mais là on est obligé de le faire pour tout le monde > {Début : conversations de fond inaudibles}

Page 306: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

306

Ce qui nous intéresse particulièrement dans cette séquence, ce sont les tours de parole 5

à 16 où L1, le directeur de la CCI, se positionne en tant que tel dans les réunions CoDir. En

effet, certaines séquences sont caractérisées par le caractère prescriptif de ses énoncés. Il prend

souvent un temps pour recadrer les propos, conseiller, voire ordonner. Dans cet extrait, il

demande à L2 d‟utiliser la base de données *B1*. Dans un premier temps, il modalise sa

demande avec « je pense que » suivi de l‟emploi du conditionnel, puis il renforce sa demande

en employant le subjonctif et le verbe « falloir » : « je pense qu‟il faudrait que tu ailles voir

*B1* » (tour de parole 8). Puis, il utilise des formes plus impératives en employant le verbe

« falloir » et le marqueur « hein » dans le même tour parole : « parce qu‟il faut qu‟on /lui, 0/

trouve sa pertinence » et dans le tour de parole 10 : « hein et il faut utiliser *B1* ».

4.2.4. Le « langage expositif » : synthèse des types de séquence et de leurs

caractéristiques linguistiques

Le type linguistique « langage expositif » est caractérisé par les trois types de séquence

encadrante, descriptive et prescriptive identifiablent à partir des critères que nous venons de

développer.

Le tableau suivant synthétise l‟ensemble des critères pour chaque type de séquence du

type linguistique « langage expositif » :

Page 307: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

307

Tableau 94 : les caractéristiques du type linguistique « langage expositif »

Type linguistique Langage expositif

(Faire voir)

Types de séquence Descriptive

Parler de

Séquences

encadrantes (Séquences

d‟ouverture et de

clôture)

Prescriptive

Dire de faire

Ca

ract

éris

tiq

ues

1) Critère

principal :

les phases

- Phase d‟ancrage

- Phase d‟aspectualisation

- Phase de questionnement et de

mise au point

Séquences courtes

2) Critère

secondaire :

caractéristiques

linguistiques

Énoncés-titres

Formes bi-nominales

Marqueurs de structuration et

organisateurs énumératifs

Pronom sujet « nous » récurrent

Adverbes de cadre

Discours anticipatoire

« Hein »

Verbe « falloir »

Mode de

l‟impératif

Énoncés à valeur

injonctive

3) Critères repérés

lors des analyses

de séquences, non

répertoriés

Temps du passé

Champ sémantique

Formes de description (« il y a »,

« c‟est »)

Le type linguistique « langage expositif » met en évidence trois types de séquence

(encadrante, expositive et prescriptive), caractérisées elles-mêmes par une liste de critères.

Seule la séquence descriptive peut comprendre des phases et est caractérisée par un ensemble

plus large de critères. Les séquences encadrantes sont reconnaissables par leur brièveté et sont

principalement situées en début et fin de réunion ou pour annoncer les pauses et les reprises de

réunion, mais ne comportent pas de critères linguistiques qui leur sont propres. Quant à la

séquence prescriptive, elle est principalement caractérisée par l‟action dire de faire, par

l‟incitation à l‟action, et se trouve donc marquée par des critères relevant du mode de

l‟injonction comme les emplois du marqueur « hein », du verbe « falloir » et du mode de

l‟impératif.

La description du travail effectué où les locuteurs mettent en mots et détaillent leurs

activités, les prescriptions opérées sur certains éléments décrits, ainsi que l‟ouverture et la

clôture des réunions (on ouvre explicitement une réunion et on invite les participants à écouter)

constituent les marques du type linguistique « langage expositif ». Ce type linguistique peut

être décrit dans des discours à propos de l‟activité et se présente ainsi comme étant

caractéristique d‟un certain type de rapport entre langage et activité, caractérisé par l‟exposé :

Page 308: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

308

ainsi nous parlerons de type de discours « langage sur le travail » (nous reprenons la notion

développée par A. Borzeix, 2005 [2001] : 62).

4.3 Le type linguistique « langage de co-action » : séquences et critères

Les observations de notre corpus et sous-corpus 1 ont mis en évidence un second type

linguistique que nous avons nommé « langage de co-action ». Cette notion de « langage de co-

action » renvoie au concept selon lequel le langage aide à effectuer ou effectue la tâche.

L‟activité est conduite par le langage. Nous avons emprunté cette notion de « co-action » à

M. Lacoste et M. Grosjean (1999) qui déterminent les « échanges opérationnels de coaction »

comme des échanges qui coordonnent l‟activité entre les interactants. Leur recherche dans le

travail en hôpital les a conduites à considérer des échanges qui ne peuvent être séparés de

l‟activité, « des échanges verbaux qu‟on peut qualifier d‟opérationnels dans la mesure où ils

sont directement liés à la dispense des soins » (1999 : 58). Notre type linguistique « langage de

co-action » est caractérisé par le fait que c‟est « la parole elle-même qui constitue l‟action »

(Ibid).

Dans ce type linguistique, le concept d‟action s‟appuie sur les travaux du philosophe

J. L. Austin (1962) qui a été amené à concevoir le langage comme action. En effet, il considère

que parfois, « dire une chose, c‟est la faire. Ou encore, des cas où par le fait de dire, ou en

disant quelque chose, nous faisons quelque chose » (1962 : 47).

Enfin, dans la lignée de ce concept de J. L. Austin, nous nous inspirons des analyses de

L. Karsenty et P. Falzon (1993) qui font émerger un « langage-action » (ou « langage opératif),

qu‟ils opposent au « langage-description » (« langage naturel »), c‟est-à-dire un langage qui ne

nous conduit pas à dire quelque chose, mais à faire quelque chose.

4.3.1. Première caractéristique : la négociation

Ce type linguistique est caractérisé par la négociation, qui constitue un critère

déterminant dans ce type linguistique.

Page 309: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

309

Selon la définition de « négociation » d‟E. Roulet et al.75

, la négociation part d‟une

initiative qui engendre une réaction qui va, soit clore la négociation, soit relancer l‟initiative. E.

Roulet parle de « complétude interactionnelle » lorsqu‟il y a un double accord entre

interlocuteurs concernant la clôture d‟une négociation ; il s‟effectue suivant un processus en

trois temps : initiative du locuteur, réaction de l‟interlocuteur et accord du locuteur. Si la

réaction est favorable, c‟est un échange simple, à trois constituants, qui se déroule. Si la

réaction est défavorable, le locuteur ne peut clore l‟échange et doit relancer son initiative pour

contrer la réaction défavorable et donc poursuivre la négociation jusqu‟à ce qu‟il y ait double

accord.

Par ailleurs, nous nous sommes inspirée des analyses de C. Kerbrat-Orecchioni

concernant la négociation :

E. Roulet et ses collaborateurs considèrent toutes conversations comme une vaste négociation, dans la

mesure où sa construction repose sur un principe de « complétude interactionnelle » (ou double accord),

laquelle repose elle-même sur un processus de négociation Ŕ ce que Roulet (1985 : 8) illustre par

l‟exemple d‟échange suivant (extrait d‟une conversation téléphonique) :

C : est-ce que le docteur pourrait passer chez madame Vesnouard à Mareuil

E : oui je le dirai

C : bien merci

(C. Kerbrat-Orecchioni, 2005 : 95)

C. Kerbrat-Orecchioni précise que ce terme de « négociation » est polysémique et qu‟il

ne peut être employé que lorsqu‟il y a un désaccord initial et que nous observons des situations

de conflit et de la coopération.

La négociation est particulièrement présente dans les séquences opératives et

explicatives puisque les collaborateurs vont travailler ensemble sur un projet et sont amenés à

75 « Dans toutes les définitions que proposent les dictionnaires de la négociation, on retrouve l‟idée d‟une

discussion entre interlocuteurs pour aboutir à un accord. Le processus peut être décrit tentativement ainsi : toute

négociation a sa source dans un problème qui donne lieu à une initiative du locuteur ; cette initiative appelle une

réaction qui peut être favorable ou défavorable, de l‟interlocuteur. Si elle est favorable, le locuteur peut clore la

négociation en exprimant à son tour son accord. La négociation donne lieu dans ce cas à un échange simple, à trois

constituants, entre les interlocuteurs. Nous qualifierons de complétude interactionnelle la satisfaction de cette

contrainte du double accord qui autorise la clôture d‟une négociation (et par conséquent, de l‟échange qui la

constitue).

Si la réaction de l‟interlocuteur est défavorable, la première condition de complétude interactionnelle n‟étant pas

remplie, le locuteur ne peut clore l‟échange ; il va donc tenter de contrer cette réaction défavorable et de relancer

son initiative, parfois sous une forme différente, et la négociation se poursuit, tant que la complétude

interactionnelle n‟est pas satisfaite par un double accord (fût-ce sur l‟impossibilité d‟aboutir à un accord) entre les

interlocuteurs ; la négociation donne lieu alors à un échange complexe, qui peut compter cinq, sept constituants,

voire davantage selon l‟entêtement des interlocuteurs. » (1985 : 15)

Page 310: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

310

négocier les désaccords et justifier des choix. Selon C. Kerbrat-Orecchioni, la négociation

implique forcément un désaccord que l'on tente de résoudre par la coopération :

Pour qu‟il y ait négociation il faut et il suffit d‟une part, qu‟il y ait désaccord initial ; et d‟autre part, que

les sujets en litige manifestent un certain désir (réel ou feint) de restaurer l‟accord, désir sans lequel on

sort d‟une logique de négociation pour entrer dans celle du conflit avoué. Dans le cas par exemple du

marchandage, qui peut être considéré comme une sorte de modèle en la matière, il y a bien divergence au

départ entre les deux acteurs, le vendeur (qui veut obtenir le prix le plus haut) et le client (qui veut obtenir

le prix le plus bas), mais ces buts individuels sont dominés par un but commun qui est la réussite de la

transaction, à laquelle les deux parties vont s‟employer en déployant tout un arsenal argumentatif visant à

trouver un « arrangement » satisfaisant les deux parties. […]. Or c‟est exactement le même principe qui

préside au fonctionnement de toutes les négociations conversationnelles. (C. Kerbrat-Orecchioni,

2005a : 96)

Les individus vont collaborer afin de s‟accorder et de faire progresser leurs tâches et

leur activité. La négociation implique quelques procédures que C. Kerbrat-Orecchioni a

énumérées (2005a : 94-96) :

- au départ, nous avons au moins deux « négociateurs », « un objet à négocier » et un

état initial ;

- il s‟agit ensuite pour les négociateurs de mettre en œuvre des procédures pour tenter de

résorber le désaccord ;

- à l‟issu de la négociation, il y a parfois un accord ou un compromis (état final).

La négociation constitue un processus qui vise à résoudre un différend.

C. Kerbrat-Orecchioni explique que la négociation se présente sous la forme d‟un

schéma où un locuteur A fait une proposition à un autre locuteur B. Celui-ci accepte ou bien

conteste et fait une contre-proposition. Si A accepte la contre-proposition de B, alors nous

avons affaire à un simple ajustement, dans le cas contraire, il y a cristallisation du désaccord et

la négociation voit le jour76

. V. Traverso reprend cette notion de cristallisation du désaccord

pour désigner « l‟activité de mise en place de la négociation durant laquelle le désaccord se

construit (ou se durcit), avec le maintien de chacun sur ses positions. Elle concerne donc les

suites possibles après l‟émergence d‟un désaccord. » (2004 : 49).

76 « (1) A fait à B une proposition (Prop) :

(2) B conteste cette proposition, en assortissant éventuellement cette contestation d‟une contre-proposition

(Contre-Prop) : il y a alors négociation potentielle, laquelle ne va pas nécessairement s‟actualiser. En effet :

(3) Si A accepte immédiatement cette Contre-Prop (ou décide de passer outre plutôt que de se focaliser sur le

différent), la négociation est en quelque sorte étouffée dans l‟œuf : on dira que l‟on a affaire à un simple

ajustement.

Si A la rejette et maintient sa proposition initiale, il y a cristallisation du désaccord, et c‟est l‟amorce d‟une

négociation (que nous faisons donc par convention démarre avec le troisième tour). » (2004 : 23)

Page 311: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

311

Ainsi, les locuteurs vont, soit rechercher une solution ensemble et se rallier ou trouver

un compromis, soit poursuivre les échanges à partir d‟argumentations. Dans certains cas,

C. Kerbrat-Orecchioni parle de « ralliement spontané » lorsque l‟un des locuteurs accepte la

position de l‟autre :

L‟un des deux participants accepte de son plein gré de s‟aligner sur la position de l‟autre ; il « s‟écrase »,

dit-on vulgairement, et « tombe d‟accord » avec son partenaire. (C. Kerbrat-Orecchioni, 2005a : 102)

Au travail, tout est négociation, que ce soit dans les prises de parole, dans la place du scripteur,

dans les points à aborder, dans l‟élaboration des tâches ou dans les places des interactants :

Tout le matériel produit de par et d‟autre durant l‟interaction peut être considéré comme autant de

propositions virtuelles que l‟on soumet à l‟évaluation d‟autrui. Mais il va de soi qu‟une petite partie

seulement de ces propositions va donner lieu à contestation, donc à d‟éventuelles négociations, la grande

majorité d‟entre elles étant sans autre forme de procès. (C. Kerbrat-Orecchioni, 2004 : 29)

L‟objectif de la négociation au travail est d‟amener à des consensus afin de permettre de

mener au mieux les tâches et être plus performant.

Dans le cadre de l‟analyse du discours, les chercheurs genevois (Roulet et al.) ont

montré que dans l‟interaction, les échanges des locuteurs sont sous-tendus par un schéma de

négociation.

Schéma 5 : Schéma de négociation langagière (Roulet et al., 1985)

La première ligne de ce schéma constitue la négociation principale, et la seconde les

négociations secondaires.

Page 312: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

312

La séquence de négociation s‟effectue donc en 3 phases : phases de proposition, de

réaction et de ratification. L. Filliettaz apporte des précisions sur ce phénomène :

Ce schéma montre que la communication procède toujours de la recherche d‟un accord en vue duquel

alternent des phases de proposition (C : j‟aimerais un livre sur le vocabulaire français s‟il vous plait »), de

réaction (L : « les ouvrages scolaires sont sur le premier rayon à gauche ») et de ratification (C : merci).

(2004 : 82)

Quelques exemples sous formes de schémas (schémas 6 et 7) permettent d‟illustrer ce principe

de négociation dans notre corpus.

Schéma 6 : Schématisation 1 d'une séquence de négociation

Dans cet exemple, L1 propose un licenciement économique pour l‟un des salariés, ce

qui entraîne une réaction de quelques locuteurs, notamment de L2, L4 et L5. L1 prend en

compte leurs propos (« je vais voir », dans le dernier tour de parole) avant de valider la

décision.

La validation du licenciement d‟un salarié (dans le dernier énoncé) a fait l‟objet d‟une

longue discussion et négociation entre les interactants. On remarque par ailleurs que le double

accord des locuteurs est implicite : les locuteurs n‟approuvent pas explicitement leur accord.

[…] L1 hum point cinq donc licenciement de *P3* donc […] donc euh on va aller au

licenciement économique L2 euh un licenciement économique alors que vous avez un intérimaire euh L1 il veut pas le poste + qu‟est - ce qu‟il faut faire /// {Réflexion des locuteurs} L8 ben oui L4 pourquoi il veut pas le poste L1 ah ben si il veut pas aller travailler au bâtiment trois puisque les horaires ne sont

pas les mêmes ça fait une modification de son contrat de travail parce qu‟il travaille en deux huit

L5 euh en étant licencié sous forme économique s‟il y a une forte reprise d‟activité il serait prioritaire pour un réembauchage

[…] L1 hum bon ben je vai s voir s‟il y a pas d‟autres idées en tête bon donc on valide ça

( Extrait séquence 4, CoDir 1, entreprise de transport)

Proposition

Réactions

Ratification

Page 313: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

313

Schéma 7 : Schématisation 2 d'une séquence de négociation

[…]

1. L3 c‟est pas la peine de tout changer 2005 /parce que, puisque/ ça va être fini

2. L2 voilà donc il y a ça il y a le TDB et < la fiche mensuelle

3. L3 le TDB > voilà moi je pense que pour 2005 ça vaut pas le coup de < tout

changer

4. L5 fiche mensuelle > et état < de ** à envoyer à *Lp4*

5. L2 oui c‟est vrai > qu‟à trois mois de la < fin

6. L3 à > trois mois de la fin on va pas tout bouleverser pour:

7. L7 deux mois

8. L5 < ouais

9. L2 ouais >

+

10. L1 on est d’accord on laisse en état les:

11. L3 pour 2005 < ouais

12. L5 on > laisse pour 2005 ouais

13. L1 allez **

+ {L1 prend des notes}

(Extrait de la séquence 3, réunion des responsables formateurs, OF)

Les interlocuteurs tentent de se mettre d‟accord sur les documents à compléter et à

remettre.

La décision est finalement prise et est actée par L1 qui prend des notes pour rédiger un compte-

rendu. La « complétude interactionnelle », notion d‟E. Roulet pour désigner le double accord

entre interlocuteurs pour la clôture de la négociation, signale la fin de l‟échange.

Un exemple plus ample permet d‟illustrer le principe de négociation.

Ratification

: accord

Réaction

Proposition

Page 314: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

314

Exemple 35.

11. L4 toujours dans la notion d‟action collective et pour répondre cette fois-

ci plutôt euh à la demande du tourisme aux besoins du tourisme +

nous allons éditer un certain nombre de plaquettes < *

12. L1 une > question avant

13. L4 oui

14. L1 je reviens sur de nouveau la carte de fidélité à *V1* dans le cadre du

FISAC

15. L4 oui

16. L1 cinquante dossiers sachant que budgétairement euh leur ** à *V1*

c‟est *C7* est-ce que tactiquement on (n‟)a pas intérêt à laisser *C7*

17. L4 alors euh: tactiquement oui dans la mesure où notre budget réel serait

de *C7*

18. L1 hum

19. L4 euh par contre les *C2* peuvent être intéressants comme un objectif

de dynamique < globale

20. L1 hum hum >

21. L4 pour faire en sorte que euh *V1* à fortiori euh à priori du moins

*V1* est une ville un peu plus importante c‟est la ville la plus

importante du département

22. L1 hum hum

23. L4 la base de travail de *V4* et de *V5* c‟est une trentaine de cartes de

fidélité donc je crois qu‟il serait important qu‟on se démarque < **

24. L1 alors ce > qu‟on peut indiquer au en dessous de cinquante dossiers

c‟est mettre je mets entre parenthèses minimum trente

25. L4 minimum trente

26. L1 hein

27. L4 tout à fait alors au jour d‟aujourd‟hui nous sommes nous avons vingt

huit dossiers qualifiés

28. L1 d‟accord

29. L4 donc euh: d‟ici le mois de février c'est-à-dire dernière semaine le

lancement se: devrait se passer dernière semaine de février nous

espérons bien obtenir une cinquantaine de dossiers supplémentaires

sachant que nous en avons quarante qui oscillent entre le oui et le non

30. L1 d‟accord + parfait merci

+

31. L4 sur donc: l‟aspect tourisme: donc un travail qui va être effectué cette

année d‟édition euh de plaquettes + alors euh première thématique les

séminaires euh dans notre beau pays surtout avec une vision tourisme

d‟affaires euh les saveurs de *D1* et les camping-cars donc à chaque

fois euh l‟objectif c‟est de faire un ETAT des lieux de la disponibilité

et le diffuser auprès des professionnels d‟abord dans notre réseau

interne bien évidemment et d‟aller les chercher à l‟EXTErieur euh

donc pour ça on s‟appuiera euh c‟est pas forcément euh noter mais

c‟est l‟objet de la quatriunième {sic}quatrième ligne

32. L1 hum hum

33. L4 on s‟appuiera effectivement sur une BASE de données pour définir

des cibles de particuliers ou de tourisme d‟affaires sachant que euh

ceci fera l‟objet d‟un débat à l‟intérieur à l‟intérieur de la commission

de tourisme c‟est elle qui choisira quelles sont les cibles et quelle est

la prospection que l‟on pourra effectuer à ce sujet là

34. L1 d‟accord

35. L4 < donc

36. L3 tourisme > d‟affaires c‟est quoi c‟est visites d‟entreprise et cetera

37. L4 voilà tout à fait c‟est surtout euh l‟accueil d‟un certain nombre

d‟entreprises ayant déjà un ** endogène < qui existe

38. L3 hum ouais >

39. L4 mais qui n‟ont pas < forcément de structures

40. L3 hum ouais >

41. L4 et donc on sera là pour les aider les orienter puis euh peut-être des

entreprises plus périphériques qui souhaitent également découvrir

notre pays

42. L3 hum

43. L1 il a raison *Lp3* parce que quand on marque pour définir des cibles

de particuliers aux tourismes d‟affaires euh or les tourismes d‟affaires

si on les intègre dans les adresses on n‟a pas de support pour eux ah si

séminaire(s) < tourisme

44. L3 si tu l- >

45. L1 ah ouais

46. L3 mais ça ça intègre également des délégations euh visiteurs étrangers

des choses comme < ça

47. L4 oui oui > oui tout à fait tout à fait + l‟idée étant de démontrer que

nous avons des infrastructures

48. L3 < oui

49. L4 qui > sont à même de les accueillir + mais pour ça il faut

communiquer autour de ça

50. L3 /hum, oui/

Page 315: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

315

51. L4 donc la démarche c‟est état des lieux

52. L3 hum

53. L4 mise en place de l‟outil diffusion de l‟outil

54. L3 je peux t‟aider moi sur ça

55. L4 ah avec plaisir avec plaisir euh: alors j‟ouvre une parenthèse on a on

est allé récupérer ce qui se fait en *R3* c‟est magnifique c‟est un

instrument de travail euh absolument euh c‟est l‟idéal pour nous c‟est

notre objectif si on voulait s‟en inspirer fortement ce serait formidable

56. L1 c‟est c‟est le le le bouquin sur euh: l‟état de l‟offre: en matière de

tourisme d‟affaires et cetera

57. L4 tout à fait

58. L3 oh la vache

59. L4 non non mais à la à la mesure de nos moyens

{Rires de L1}

60. L2 oui parce que ça coûte peut-être < plus de ***

61. L1 c‟est un super > document c‟est euh c‟est et puis là-bas il y a des

infrastructures hein entre *V6* euh: ah euh non c‟est pas non c‟est

pas *V6* < je me disais

62. L3 c‟est pas c‟est > pas encore *R3* *V6*

63. L1 c‟est pas *R3* mais euh

64. LX c‟est plutôt la *R4* c‟est plutôt la *R4*

65. L1 *V7*

66. L3 *V7* non

67. L4 si si il y a s‟il y a un document d‟excellence je crois que c‟est celui-là

68. L3 ouais

69. L4 je crois qu‟il faut vraiment s‟en inspirer au moins du moins < dans sa

construction

70. L1 ça sera pas ça sera pas le > même prix {Rires de L*}

71. L4 au moins dans sa construction

{Rires de L1}

72. L4 au moins dans sa construction + la façon dont c‟est décrit {approx}

73. L1 ok

+

74. L4 voilà et puis dernier dernier élément

(Extrait séquence 5, CoDir 1, CCI)

Page 316: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

316

Avant d‟analyser cet exemple 35 illustrant le concept de négociation, donnons

quelques éléments contextuels de cet extrait issu du CoDir 1 de la CCI.

L‟objectif de la réunion est de présenter le travail réalisé et celui en cours de

réalisation ainsi que les projets des différents services de l‟organisation. Ce qui est abordé lors

de cette réunion est inscrit dans les documents supports que chaque participant a rédigés et

distribués. Ces documents peuvent être modifiés collectivement lors de la réunion et corrigés

par le locuteur après la réunion pour enfin permettre de présenter les plans d‟action de la CCI

du département au bureau. Les participants vont donc essayer d‟être les plus précis possible

en donnant le maximum d‟informations claires.

Voici l‟analyse que nous faisons de cet exemple 35 :

Dans un premier temps, nous allons analyser le démarrage de cette séquence. Dans les

énoncés 6 à 7 et 14 à 18, les locuteurs proposent des modifications. Ces propositions de

modifications prennent la forme de « négociations » au sens d‟E. Roulet (1985).

L4 énonce un nouveau point (« l‟édition de plaquettes publicitaires », énoncé 1) qu‟il

inscrit dans la continuité de ce qu‟il a précédemment dit : « toujours dans la notion d‟action

collective » (tour de parole 1).

L4 replace le point énoncé dans son cadre en le rattachant à l‟ensemble des actions

menées au sein de son service mais dans la partie Tourisme (son service étant composé du

Tourisme et du Commerce) : « pour répondre cette fois-ci plutôt euh à la demande du

tourisme aux besoins du tourisme » (tour de parole 1). Le discours de L4 est précis dans le

sens où il donne le maximum d‟éléments nécessaires à la compréhension. L1 intervient alors

et pose une question sur le point précédent, à savoir « les cartes fidélité ». Dans cette

séquence, nous repérons donc une digression au cours de laquelle les locuteurs reviennent sur

le point précédent.

Dans les tours de parole 2 à 18, le responsable L1 va proposer de modifier quelques

éléments sur le document de travail de L4. L1 interrompt L4 (tour de parole 2) pour lui

demander une précision (tour de parole 4) sur ce qu‟il a précédemment présenté. Pour cela, il

commence par donner un cadre à son propos : « je reviens sur de nouveau la carte de fidélité à

*V1* dans le cadre du FISAC » (tour de parole 4).

L1 définit le cadre de sa question avant de donner une information à partir de laquelle

il articule sa proposition de modification (en gras) :

Page 317: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

317

6. L1 cinquante dossiers sachant que budgétairement euh leur ** à *V1* c‟est *C7* est-ce que

tactiquement on (n’)a pas intérêt à laisser *C7*

7. L4 alors euh: tactiquement oui dans la mesure où notre budget réel serait de *C7*

8. L1 hum

Il cadre sa question en introduisant une information nécessaire à la compréhension

qu‟il articule avec « sachant que ». Ainsi, il fait un rappel sur des informations qui sont

indispensables et qui ont besoin d‟être partagées par l‟équipe.

E. Roulet et ses collaborateurs (1985) conçoivent le discours comme une négociation

entre les interlocuteurs. Si nous reprenons cette conception, cette séquence constitue en effet

une négociation. L‟initiative de L1 dans le tour de parole 6 est immédiatement suivie d‟une

réaction favorable de L4 (tour de parole 5). L1 clôt alors la négociation en lui signalant son

accord et le fait qu‟il a pris acte des informations données (tour de parole 8). Cet échange peut

être qualifié de « complétude interactionnelle », si nous reprenons la terminologie d‟E.

Roulet.

L‟échange initié dans les tours de parole 14 à 18 présente l‟aboutissement à un

accord :

14. L1 alors ce > qu‟on peut indiquer au en dessous de cinquante dossiers c‟est mettre je mets

entre parenthèses minimum trente

15. L4 minimum trente

16. L1 hein

17. L4 tout à fait alors au jour d‟aujourd‟hui nous sommes nous avons vingt huit dossiers

qualifiés

18. L1 d‟accord

Ces échanges des énoncés 57 à 63 présentent une négociation non-aboutie :

57. L4 si si il y a s‟il y a un document d‟excellence je crois que c‟est celui-là

58. L3 ouais

59. L4 je crois qu‟il faut vraiment s‟en inspirer au moins du moins < dans sa construction

60. L1 ça sera pas ça sera pas le > même prix {Rires de L1}

61. L4 au moins dans sa construction

{Rires de L1}

62. L4 au moins dans sa construction + la façon dont c‟est décrit {approx}

63. L1 ok

+

Le tour de parle 59 est marqué par une initiative de L4 : il propose à ses collègues de

prendre en compte un instrument de travail qui a fait ses preuves dans d‟autres villes.

Indirectement, il propose à ses collègues de se munir d‟un outil de travail de ce genre. Dans le

tour de parole suivant, L1 est défavorable à cette proposition ; la « complétude

interactionnelle » n‟est donc pas remplie. L4 tente alors de contrer cette remarque et relance

Page 318: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

318

son initiative en la modulant par un modalisateur « au moins » qu‟il répète à deux reprises à

cause des rires de L1 (tour de parole 61 et 62).

La négociation ne donne pas place à un échange complexe, puisque L1 clôt ce thème

par « ok » et une pause est marquée avant d‟ouvrir vers un nouvel échange (tour de parole

64). La séquence se termine alors sur un non-accord, d‟autant plus que la proposition de L4 a

été énoncée à l‟intérieur d‟une incise discursive (parenthèse) :

49. L4 ah avec plaisir avec plaisir euh: alors j‟ouvre une parenthèse on a on est allé récupérer ce

qui se fait en *R3* c‟est magnifique c‟est un instrument de travail euh absolument euh

c‟est l‟idéal pour nous c‟est notre objectif si on voulait s‟en inspirer fortement ce serait

formidable

Dans ce type de réunion, les négociations n‟aboutissent à une complétude

interactionnelle que si elles permettent d‟avancer dans les objectifs de la réunion. Elles

portent généralement sur des propositions de modification des documents supports des

participants. Ces négociations sont abandonnées si elles n‟aboutissent pas à une complétude

interactionnelle.

4.3.2. Deuxième caractéristique : l’ « énonciation conjointe »

Les énonciations conjointes, les reprises et reformulation sont des phénomènes qui

marquent la collaboration discursive entre les locuteurs. Nous appuierons nos analyses sur les

études menées par V. André en 2006 dans le cadre de sa thèse et qui a fait l‟objet d‟un article

en 201077

. Nous présenterons dans un premier temps l‟analyse qualitative de l‟énonciation

conjointe, puis nous procéderons à l‟analyse quantitative de ce critère dans les séquences du

deuxième sous-corpus.

77

André V., 2010. « Eléments de construction collaborative du discours au sein de réunions de travail : la reprise

et le couple oui non. », revue Pratiques n°147-148. Pages 199 à 222.

Page 319: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

319

a. Analyse qualitative de l’énonciation conjointe

L‟énonciation conjointe est un phénomène interactionnel qui a été mis en évidence

par V. André (2006, 2010). Nous parlons d‟énonciation conjointe lorsque qu‟un locuteur

commence une énonciation et que celle-ci est complétée par un autre locuteur :

Nous désignons par « énonciation conjointe » une construction discursive constituée de l‟enchaînement

de deux interventions, la seconde s‟inscrivant dans le prolongement syntaxique ou discursif de la

première. (2006 : 241)

Pour résumer son approche des phénomènes d‟énonciation conjointe, elle propose le schéma

suivant (2010) :

Schéma 8 : Schématisation de l'énonciation conjointe (V. André, 2006)

Énonciation conjointe

= 2 tours de paroles

Premier locuteur : tour de parole 1

Second locuteur : complétion / tour de

parole 2

Ce phénomène a été mis en lumière par H. Sacks et al. dans la cadre de l‟analyse

conversationnelle, et ceux-ci ont proposé le terme de « complétion » (1974 : 703), H. Sacks

(1995 [1992]) parle de « joint sentence production ». On retrouve aussi le terme de

« collaborative sentences » chez G. Jefferson (1973), de « construction interactive d‟une

phrase » chez E. Gülich (1986). L. Mondada parle quant à elle de « complétion » (1999),

qu‟elle définit ainsi : « les énoncés sont construits par deux locuteurs où l‟un poursuit ce que

le premier avait commencé », définition de la « complétion » (1999 : 15) et de « construction

collaborative » (2001 : 10). T. Jeanneret (2001) propose la notion de »,

qu‟elle définit comme une forme de collaboration permettant de résoudre des problèmes.

L‟idée que développe T. Jeanneret a retenu toute notre attention : elle explique que l‟analyse

de ce phénomène renvoie à une caractérisation du genre d‟interaction au sein duquel il

survient (2001 : 81). La détermination de l‟interaction aurait un rôle dans la description de la

construction conjointe, en raison de la langue parlée entre les locuteurs et de l‟objet de

l‟interaction, c‟est-à-dire ce qui se passe au sein de l‟interaction (compte-rendu ou

conversation familière par exemple). À partir de cette constatation, elle remarque plusieurs

types de coénonciations selon le type d‟interaction : par attachement et en réparation. Le type

de coénonciation par attachement est caractérisé par le fait de compléter un énoncé,

phénomène que l‟on trouve notamment dans les conversations entre plusieurs locuteurs et

Page 320: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

320

interviews écrites. Le type de coénonciation en réparation est caractérisé par une dimension

d‟ai , que l‟on relève dans une conversation exolingue.

Le point commun entre toutes ces études, c‟est qu‟elles identifient ce phénomène

comme rendant compte d‟une construction discursive collaborative entre deux locuteurs.

Dans notre corpus de langage au travail, les énonciations conjointes se manifestent dans tous

les types de séquence, et plus particulièrement et plus fréquemment dans les « séquences

opératives » dont voici quelques exemples :

Exemple 36.

30. L2 est-ce que ça va jusqu‟à préconiser des cabinets proposer des adresses

31. L1 de toute façon on sera soumis < euh:

32. L2 à un appel d’offres >

33. L1 à l’appel d’offres public

34. L3 ouais

(Extrait de la séquence 9, réunion interne 1, CCI)

L2 complète le tour de parole de L1 qui le répète et le complète. La représentation de

ce phénomène peut prendre la forme d‟une grille, qui permet de visualiser la construction

d‟un énoncé :

Schéma 9 : Analyse en grille d’une énonciation conjointe

de toute façon on sera

soumis < euh: à un appel d’offres

l’appel d’offres

public

Cette représentation en grille a été développée par C. Blanche-Benveniste. Elle est

caractérisée par deux axes paradigmatique et syntagmatique, et part de l‟idée que la langue

s‟articulerait sur ces deux axes. Pour cela, elle s‟appuie sur F. de Saussure :

On doit cette distinction fondamentale à F. de Saussure, qui avait isolé « deux axes naturels » pour

l'analyse de la grammaire, sur lesquels i1 plaçait les rapports associatifs. […] On a systématiquement

représenté ces rapports par la suite, selon un axe horizontal et un axe vertical qu'on pourrait représenter

ainsi:

c'est un problème d'enseignement

éducation

apprentissage

(1990b : 13)

À l‟oral, comme à l‟écrit, les locuteurs cherchent leurs mots, cependant il n‟y qu‟à

l‟oral que nous pouvons nous en rendre compte, notamment lors des transcriptions. Dans la

langue parlée, nous remarquons la présence de nombreux redits, qui sont en réalité des

Page 321: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

321

marques d‟hésitation et de recherche de mots, car l‟oral se construit au fur et à mesure qu‟il

est produit. Ces hésitations et ces pauses ont un sens. À l‟écrit, nous avons le temps de

réfléchir, de choisir nos mots et les structures, alors qu‟à l‟oral nous réfléchissons pendant

notre échange, d‟où des hésitations marquées souvent avec « euh » entre autres, des pauses,

des ponctuants comme « alors », des marqueurs discursifs comme « je dirai que » par

exemple. Car une fois que c‟est dit, c‟est dit ; on ne peut reprendre ce qui a été dit pour

essayer de corriger, mais contrairement à l‟écrit nous ne pouvons pas effacer, gommer les

énoncés. Ce sont ces répétitions qui constituent la recherche des mots et qu‟on matérialise sur

l‟axe paradigmatique.

Les deux axes, paradigmatique et syntagmatique, reflètent correctement l‟idée de

C.Blanche-Benveniste :

L‟étude du français parlé, c‟est étudier des discours généralement non préparé à l‟avance. Nous les

composons au fur et à mesure de leur production, en laissant des traces de cette production. (1990a : 17)

Cette étude portant sur les axes syntagmatique et paradigmatique démontre que l‟oral

se construit de façon différente de l‟écrit.

Exemple 37.

132. L3 hein {Début : L3 tape sur l’ordinateur} donc animation:

102. L2 sur la plateforme linguistique < ***

103. L3 sur la plateforme *** > à *V3* j‟enlève le point: ensuite

(Extrait séquence 35, séance de travail, OF)

Dans cet exemple, L2 complète le tour de parole de L3 qui est en train de taper à l‟ordinateur.

Nous remarquons dans cet exemple que l‟énonciation conjointe est provoquée par un

allongement vocalique qui témoigne de la recherche d‟un terme.

Exemple 38.

102. L6 donc c‟est quoi les trois indicateurs résultats activité et

103. L7 < qualité

104. L3 qualité >

(Extrait séquence 26, CoDir 1, CCI)

Dans cet extrait, L6 tente de synthétiser ce qui vient d‟être énoncé et souhaite mentionner les

trois indicateurs de fonctionnement montrant la bonne santé des actions menées. L7 et L3

complètent simultanément l‟énoncé de L6.

Page 322: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

322

b. Analyse quantitative des énonciations conjointes

Afin d‟effectuer une analyse quantitative des énonciations conjointes, nous

considérerons la quotité de ce critère dans les séquences et calculerons les prévalences par

rapport au nombre de tours de parole.

CoDir 1, CCI

Tableau 95 : Les manifestations des énonciations conjointes par type de séquence dans le

CoDir 1 (CCI)

Types de séquence

dans le CoDir 1

(CCI)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

énonciations conjointes

Nombre

d’énonciations

conjointes

Prévalences des

occurrences

(%)

Séquences encadrantes 7 1 14,3 % 2 25

Séquences descriptives 31 1 3,2 % 1 2

Séquences prescriptives 14 2 14,3 % 3 2,26

Séquences opératives 4 1 25 % 1 0,96

Séquences explicatives 14 3 21,4 % 5 3,50

Séquences d‟échanges

interstitiels 1 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 72 8 11,1 % 12 2,74

Les séquences encadrantes et explicatives sont les plus marquées par les énonciations

conjointes. La prévalence de la séquence encadrante est particulièrement forte (25 ‰). Quant

aux séquences explicatives, 21,4 % d‟entre elles comptent au moins une énonciation conjointe

et ont une prévalence élevée, à savoir 3,50 ‰.

Les analyses quantitatives montrent que, dans cette réunion, les énonciations

conjointes sont caractéristiques des séquences explicatives et encadrantes.

Page 323: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

323

Réunion interne 1, CCI

Tableau 96 : Les manifestations des énonciations conjointes par type de séquence dans la réunion

interne 1 (CCI)

Types de séquence

dans la réunion

interne 1 (CCI)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

énonciations conjointes

Nombre

d’énonciations

conjointes

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 9 3 33,3 % 4 2,58

Séquences prescriptives 1 0 0 0 0

Séquences descriptives/

prescriptives 1 0 0 0 0

Séquences opératives 10 4 40 % 8 2,81

Séquences explicatives 3 1 33,3 % 1 1,45

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de conv.inf. 1 0 0 0 0

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 26 8 30,7 % 13 2,55

Dans cette réunion interne, 30,7 % des séquences comportent des énonciations

conjointes. Les séquences opératives sont les plus caractérisée par ce phénomène. En effet,

40 % de ces séquences comptent au moins une énonciation conjointe et présentent la

prévalence des occurrences la plus élevée, à savoir 2,81 ‰. Par ailleurs, 33,3 % des séquences

descriptives comptent au moins une énonciation conjointe et présentent une prévalence des

occurrences plus faible : 2,58 ‰. Enfin, ce critère se manifeste dans 33,3 % des séquences

eplicatives, qui présentent une prévalence encore plus faible : 1,45 ‰.

Ainsi, les analyses quantitatives montrent que, dans cette réunion interne, les

énonciations conjointes sont caractéristiques des séquences opératives.

CoDir 2, entreprise de transport

Aucune séquence de ce CoDir ne comporte d‟énonciations conjointes.

CoDir 2, GIS

Dans ce CoDir, une séquence descriptive (sur 9) compte une énonciation conjointe

avec une prévalence de 1,12 ‰.

Page 324: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

324

Réunion des responsables formateurs, OF

Tableau 97 : Les manifestations des énonciations conjointes dans les séquences de la

réunion des responsables formateurs (OF)

Types de séquence

dans la réunion des

responsables

formateurs (OF)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

énonciations conjointes

Nombre

d’énonciation

s conjointes

Prévalences

des

occurrences

(%)

Séquences encadrantes 1 0 0 0 0

Séquences descriptives 1 1 100 % 1 1,75

Séquences prescriptives 2 1 50 % 1 0,68

Séquences opératives 21 2 9,5 % 7 3,63

Séquences explicatives 1 0 0 0 0

Séquences

opératives/explicatives 1 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 3 1 33,3 % 1 14,29

Séquences ND 1 0 0 0 0

Séquences

opératives/prescriptives 5 2 40 % 3 0,83

TOTAL 36 7 19,4 % 13 1,69

Lors de la réunion des responsables des formateurs, les énonciations conjointes se

manifestent dans plusieurs types de séquence de façon éparse. Soit les prévalences sont

élevées, mais le nombre de séquences dans lesquelles se manifeste le critère est faible

(séquences d‟échanges interstitiels et séquences opératives), soit le nombre de séquences par

type est important et les prévalences sont faibles (séquences prescriptives et

opératives/prescriptives). L‟analyse quantitative présente les séquences d‟échanges

interstitiels comme étant celles pour qui le critère est le plus caractéristique.

Page 325: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

325

Séance de travail, OF

Tableau 98 : Les manifestations des énonciations conjointes dans les séquences de la

séance de travail (OF)

Types de séquence

dans la séance de

travail (OF)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

énonciations conjointes

Nombre

d’énonciations

conjointes

Prévalences

des

occurrences

(%)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 2 0 0 0 0

Séquences prescriptives 0 - - - -

Séquences opératives 19 6 31,6 % 10 1,22

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 7 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 3 0 0 0 0

Séquences ND 2 0 0 0 0

Séquences

opératives/prescriptives 3 2 66,7 % 3 1,69

Séquences NC 2 - - - -

TOTAL 38 8 21 % 13 1,30

Les énonciations conjointes sont très clairement caractéristiques des séquences

opératives/prescriptives, puisque 66,7 % d‟entre elles comptent au moins une énonciation

conjointe et leur prévalence des occurrences (1,69 ‰) est plus élevée que celle des séquences

opératives (1,22 ‰) et que celle de l‟ensemble des séquences de la réunion comprenant au

moins une occurrence du critère (1,30 ‰).

Aucune séquence de la conversation et de la partie 1 de la réunion de groupement 2 à

l‟OF, des échanges avant la réunion et pendant la pause du CoDir une de la CCI, ainsi que des

activités langagières au sein du service RH de l‟entreprise de transport ne comporte

d‟énonciations conjointes.

Page 326: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

326

c. Conclusion des analyses quantitatives des énonciations conjointes

Tableau 99 : Les manifestations des énonciations conjointes par type de séquence dans le

sous-corpus 2

Types de séquence

dans le sous-corpus 2

Nombre de

séquences

dans le

sous-

corpus 2

Nombre de

séquences dans

lesquelles se

manifestent les

énonciations

conjointes

Nombre d’

énonciations

conjointes

Nombre

total de

tours de

parole

Prévalences

des

occurrences

(%)

Séquences encadrantes 9 1 11,1 % 2 8 25

Séquences descriptives 64 6 9,3 % 7 351 1,99

Séquences prescriptives 22 3 13,6 % 4 280 1,43

Séquences descriptives/

prescriptives 1 0 0 0 0 0

Séquences opératives 72 13 18 % 26 1 402 1,85

Séquences explicatives 18 4 22,2 % 6 212 2,83

Séquences opératives/

explicatives 1 0 0 0 0 0

Séquences d'échanges

interstitiels 12 1 8,33 % 1 7 14,29

Séquences de

conversation informelle 12 0 0 0 0 0

Séquences ND 10 0 0 0 0 0

Séquences opératives/

prescriptives 14 4 28,5 % 6 540 1,11

Séquences NC 2 - - - - -

TOTAL 237 32 13,5 % 52 2 800 1,86

Le critère des énonciations conjointes est caractéristique des séquences explicatives,

puis des séquences opératives (deux types de séquence appartenant au même type linguistique

de langage de co-action). Ce sont en effet les types de séquence parmi lesquelles le nombre de

séquences présentant des énonciations conjointes est le plus élevé.

Nous remarquons que 28,5 % des séquences opératives/prescriptives comptent des

énonciations conjointes, mais celles-ci ont une faible prévalence (1,11 ‰), inférieure à la

prévalence de l‟ensemble des séquences du sous-corpus 2 présentant au moins une

énonciation conjointe (1,86 ‰) et inférieur aux prévalences des séquences opératives

(1,85 ‰) et explicatives (2,83 ‰).

Par ailleurs, les séquences descriptives comportent des énonciations conjointes et

présentent une prévalence intéressante (1,99 ‰), mais elles ne sont que 9,3 % à compter une

énonciation conjointe.

Page 327: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

327

Les analyses quantitatives montrent que les énonciations conjointes sont

caractéristiques des séquences explicatives, puis opératives et plus généralement du type

linguistique de langage de co-action.

4.3.3. Le type linguistique « langage de co-action » : synthèse des types de séquence

et de leurs caractéristiques linguistiques

Dans ce « langage de co-action », nous identifions deux types de séquence

caractéristiques : les séquences opérative et explicative. Elles prennent place dans une activité

collaborative et peuvent ainsi être mises en rapport avec la conception du langage-action.

Précisons que lorsque nous parlons de langage-action, nous employons un terme

générique englobant deux dimensions distinctes :

- le langage qui réalise l‟action, ce qui renvoie à la dimension praxéologique du langage

(c‟est agir en parlant) ;

- le langage qui accompagne l‟action, où le langage aide à agir.

4.3.3.1. La séquence opérative et ses critères

Ce type de séquence est caractérisé par le langage-action. Il s‟agit des moments où les

collaborateurs utilisent le langage pour mener l‟activité : ils sont face à l‟ordinateur pour lire

et corriger des CV, ils mettent en place un projet, d‟élire un trésorier pour le CE ou

manipulent et renomment des tableaux.

Ce type de séquence est marqué par la prise de décisions ; décisions collectives voire

des élections. Les prises de décisions arrivent après des négociations plus ou moins longues et

sont ainsi l‟aboutissement du processus de négociation. Les comités direction sont parfois le

lieu de prise de décisions qui permettront de poursuivre les actions. Par exemple, dans la

séquence 15 du CoDir 2 de l‟entreprise de transport, la responsable des ressources humaines

négocie la mise en place d‟un registre du personnel informatisé. À la suite d‟échanges entre

les participants et suite à l‟argumentation de la responsable, le directeur donne l‟accord et le

note.

Page 328: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

328

Prenons un autre exemple, dans la séquence 2 de cette même réunion, il s‟agit pour les

collaborateurs de se mettre d‟accord sur le licenciement d‟un salarié. Les participants

réfléchissent à la façon d‟effectuer ce licenciement, ce qui donne lieu à des phases

conflictuelles. Le directeur approuve finalement une décision. Voici l‟extrait de la séquence :

Exemple 39.

1. L2 faudrait peut-être réélire un un secrétaire et un trésorier

2. L1 ça il ça n‟a pas été fait ça

3. L2 non ça peut se faire que qu‟aujourd‟hui

+ +

4. L1 alors vous avez des candidats

5. L2 oui

+

6. L1 alors quels sont les candidats désignés + ou qui se proposent

7. L2 {L2 lève la main} secrétaire

8. L1 vous secrétaire

+ +

9. L2 oui

10. L5 {s’adresse à L2} c‟est toi qui fais le compte-rendu ?

11. L2 non je te laisse + tu fais ça tellement bien

12. L3 < donc on fait toujours X

13. L1 vous parlez vous parlez > vous parlez du CE là

14. L2 du CE oui

///

15. L1 le trésorier c‟était *P16* non

16. L6 < c‟est *P53*

17. L1 ah oui oui >

+ +

18. L1 trésorière *P52* *P53* secrétaire

19. L2 faut mettre un trésorier adjoint

+

20. L1 il y en a plus beaucoup hein qui ? *P16*

+ +

21. L2 bien entendu je renonce à la représentation syndicale au CE

+

22. L1 ça s‟écrit ou ça se < XX

23. L2 oh oui > ça s‟écrit c‟est important on aurait dû commencer par ça d‟ailleurs

///

24. L1 renonciation à pardon

25. L2 à la représentation syndicale du CE

(Extrait séquence 2, CoDir 2, entreprise de transport)

Cet exemple 39 est un extrait de séquence visant à illustrer le langage comme moyen

d‟action. En effet, on assiste à l‟élection d‟un secrétaire et d‟un trésorier pour la Comité

d‟Entreprise, ce qui se fait par la parole, mais aussi par le geste, car L2 lève la main pour se

présenter comme secrétaire (tour de parole 8). Cet énoncé, et plus précisément sa déclaration

« je renonce à la représentation syndicale au CE » dans le tour de parole 22, se présente

comme un acte illocutoire dans la mesure où sa parole prend la forme d‟un acte.

Page 329: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

329

Ce type de séquence opérative est déterminé par des critères linguistiques, mais

lorsque les collaborateurs rédigent ensemble un document, la séquence s‟organise dès lors en

trois phases majeures qui se suivent dans un ordre hiérarchique.

Nous allons présenter les phases qui structurent certaines séquences, puis nous nous

concentrerons sur les phases métalinguistiques pour enfin présenter l‟ensemble des critères

linguistiques qui déterminent la séquence opérative.

4.3.3.1.1. L’organisation en phases de certaines séquences opératives

Certaines séquences opératives s‟organisent en phases. Nous allons dans un premier

temps présenter ces phases et en faire une analyse qualitative, puis nous proposerons une

analyse quantitative qui mettra en lumière la manifestation de ces phases dans les séquences

du deuxième sous-corpus.

a. Analyse qualitative de l’organisation des séquences opératives en phases

La séquence opérative est parfois dominée par l‟élaboration collective d‟un objet. Il

s‟agit par exemple de la rédaction collective d‟un document, d‟un travail à effectuer en

groupe sur une même machine, etc. Le travail est alors le fruit d‟une « construction

collective », selon les termes de L. Mondada (1999). Cette construction collective est marquée

par l‟importante alternance des tours de parole des locuteurs. En effet, la distribution et

l‟alternance des tours de parole ne sont pas régulées par une seule personne (à savoir un

« leader » comme c‟est le cas dans certaines réunions), mais les participants organisent les

tours en fonction de la construction du document de travail :

Afin de pouvoir procéder à la prise, au passage ou au maintien de la parole, les interlocuteurs (les

énonciateurs comme les énonciataires) scrutent le déroulement du tour afin d‟identifier / de produire de

façon reconnaissable des points de complétude possible. Ils effectuent ainsi une analyse en temps réel

d‟une entité qui, de façon réflexive, est produite en étant sensible à ses interprétations, et qui prend

forme au fil de son émergence temporelle et séquentielle, en étant réalisée par les activités conjointes de

son producteur et de son récepteur. (L. Mondada, 1999 : 11)

L‟analyse du langage doit être menée en même temps qu‟une analyse de l‟activité,

d‟où la nécessité d‟une étude pluridisciplinaire.

Page 330: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

330

Dans le cas de l‟élaboration d‟un document de travail, se produit une activité

collaborative allant de la formulation à la rédaction. En effet, lors de la construction

collective, il nous est possible de repérer le cheminement de la mise en mots, de la première

formulation à la rédaction : « à partir d‟une première formulation, proposée par un des

partenaires ou élaborée à deux, on procède par corrections et expansions pour aboutir enfin à

la version à inscrire. » (U. Krafft et U. Dausdenschön-Gay, 1999 : 59).

Parmi tous les écrits que nous repérons en situations professionnelles78

, nous repérons

ce que B. Fraenkel appelle les « écrits d’action » qui sont les écrits qui se réalisent pendant le

travail. Ils sont insérés dans les activités de production. L‟élaboration d‟écrits d‟action forme

une action qui fait l‟objet des séquences opératives dans la mesure où le langage va permettre

d‟élaborer un document. Ce travail fait appel à une action conjointe où les collaborateurs vont

coopérer pour l‟accomplissement d‟un but qui est la réalisation d‟un écrit.

Pour l‟analyse de la rédaction collaborative, nous nous appuyons sur les travaux de

D. Apothéloz (2005). Selon lui, la rédaction collaborative s‟articule autour de quatre phases :

l‟élaboration, la récapitulation, l‟inscription et la lecture. Il s‟inspire lui-même de R. Bouchard

et M. M. de Gaulmyn (1997), lesquels déterminent cinq phases : la préformulation, la

formulation, l‟inscription, la lecture et l‟enchaînement et la sanction :

Ces auteurs observent que la transition d‟une phase à la suivante est généralement marquée par diverses

interventions métacommunicationnelles, et fait parfois l‟objet d‟une négociation explicite. Du point de

vue des objets textuels en cours de traitement, ces phases correspondent à différents statuts relativement

à la distinction oral/écrit. Les statuts suivants peuvent être distingués :

a. des objets oraux (OO), à savoir ceux qui sont produits dans la phase d‟élaboration,

b. des objets inscrits (OI), à savoir ceux qui sont matérialisés sur le papier, donc provisoirement

stabilisés (par exemple l‟inscription qui sert de support de lecture),

c. des objets inscrits oralisés (OIO), à savoir ceux qui sont produits dans les phases de lectures, qu‟il

s‟agisse de lecture pour le corédacteur ou de lecture pour soi,

d. des objets oraux en cours d‟inscriptions (OOI), à savoir ceux qui sont produits oralement pendant

l‟inscription, et destinés à instrumenter cette opération.

La succession de ces quatre statuts a lieu typiquement (ce qui ne veut pas dire toujours) dans l‟ordre

suivant :

OO > OOI < OI < OIO

(D. Apothéloz, 2005 : 170-171)

L. Filliettaz (2002 : 159) a analysé le processus d‟écriture et a constaté un

morcellement de ce qu‟il nomme la « transaction » en une succession d‟ « épisodes

rédactionnels coordonnés ». L‟action de rédaction lui apparaît comme systématiquement

précédée d‟une phase de vérification dans laquelle un agent va solliciter une validation de ce

78

Nous développerons ce point dans la partie 4.3.3.1.

Page 331: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

331

qui vient d‟être inscrit et suivie d‟une phase d‟évaluation où les participants vont négocier la

qualité du travail réalisé et s‟entendre sur des corrections ou sur l‟enchaînement d‟un nouvel

épisode rédactionnel. Le processus de rédaction ne se limite donc pas aux actions d‟écriture et

fait appel à une gestion conjointe de la transaction de par l‟accomplissement des étapes

successives que sont les épisodes rédactionnels.

Les interactions professionnelles articulent en permanence des activités matérielles,

des activités presque exclusivement verbales. J. Boutet, B. Gardin et M. Lacoste apportent des

explications à ces processus : « Dans le quotidien du travail en effet se présentent pêle-mêle

activités matérielles, pratiques sociales non langagières, manifestations plurisémiotiques

(geste, parole, écriture). » (1995 : 14) Il y a donc un rapport d‟interdépendance entre les faits

de communication et la question de l‟émergence des enjeux praxéologiques.

Ainsi, le type linguistique « langage de co-action » enclave des discours qui peuvent

être considérés comme du « faire » et analysés comme une action. Cela évite de réduire

l‟organisation des activités à uniquement des procédés conversationnels et permet la

réalisation des actions collectives.

b. Analyse quantitative de l’organisation des séquences opératives en phases

Cette organisation en phases des séquences opératives ne s‟opère pas de façon

systématique, mais uniquement dans les séquences de rédaction d‟un document. Nous

considérons que la séquence est organisée en phase lorsque se présente la phase d‟élaboration,

la phase autonymique, la phase d‟inscription et la phase de lecture (ou reformulation).

Nous ne pouvons donner de nombres d‟occurrences et ne pouvons calculer de

prévalences de ce critère parce qu‟il s‟agit de phases comprenant un ensemble variable de

mots. Ce qui est important dans l‟analyse de ce critère, c‟est la présence même de phases.

Sur 72 séquences opératives dans notre deuxième sous-corpus, 12 sont organisées en

phases, soit 16,7 %.

Page 332: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

332

Tableau 100 : Séquences opératives du sous-corpus 2 organisées en phases

Terrain de

recherche Réunion Séquence

CCI Réunion interne 1 Séquence 15

Séquence 17

OF

Réunion des responsables des formateurs Séquence 16

Séance de travail

Séquence 18

Séquence 19

Séquence 20

Séquence 22

Séquence 24

Séquence 26

Séquence 28

Séquence 35

Séquence 37

2 terrains de

recherche 3 réunions 12 séquences

D‟autres critères viennent caractériser ces séquences opératives : la présence de phases

métalinguistiques ainsi que des critères linguistiques.

4.3.3.1.2. Les phases métalinguistiques dans les séquences opératives

Nous présenterons l‟analyse qualitative des phases métalinguistiques. L‟analyse

quantitative qui suivra viendra d‟appuyer l‟analyse qualitative de ces phases dans l‟ensemble

des séquencees du deuxième un sous-corpus.

a. Analyse qualitative des phases métalinguistiques

Certaines séquences portent sur les problèmes de terminologie et sont donc l‟objet

d‟un métalangage redéfinissant quelques notions. Ces termes ou expressions relèvent de

connaissances spécialisées et peuvent ainsi être des objets de commentaires métadiscursifs.

Les collaborateurs débattent sur les termes à employer dans tel ou tel contexte. Il s‟agit pour

les locuteurs d‟expliquer des termes, les redéfinir, les nuancer et les comparer à d‟autres dans

un souci de clarté et de cohérence dans leur projet. Nous pouvons parler de langage au service

du langage. Relevons quelques exemples :

Page 333: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

333

Exemple 40.

1. L4 alors moi je comprends la démarche alors après c’est sur des mots maître d’ouvrage maître

d’œuvre aussi c‟est pareil je sais pas moi j‟essaie le de me positionner sur le plan pratique

parce que c‟est clair que dans le dialogue euh à un moment donné on *** le le distinguo hein

ils vont s‟appuyer sur nous mais après dans le dans la présentation du document est-ce que ça

va pas prêter à confusion < je me pose une question hein je

2. L1 parce que > je me demande même si il convient de parler du: de l‟exercice du droit de

préemption parce que là c‟est pas un but c‟est MOYEN + donc à la limite je crois pas que ça:

que ça a quelque chose à voir ou à faire ici

///

3. L4 c‟est un moyen et puis en même temps c‟est une conséquence de l‟élaboration de la * chez le

développement commercial de la ville c'est-à-dire en forme de conclusion on dit euh c‟est AU-

DELA de mes préserves

4. L1 oui mais nou- nous à notre niveau on (n‟)ira pas au-delà après la commune en tant que maître

d‟ouvrage elle utilise /ses, ces/ outils < elle utilise ***

5. L4 donc là tu dis > en tant que maître d‟ouvrage

6. L1 c‟est ah oui pour moi c‟est la commune < qui est maître d‟ouvrage tu vois

7. L4 voilà >

+

(Extrait séquence 3, réunion interne 2, CCI)

Cet extrait présente une réflexion sur le langage dans la mesure où les locuteurs

échangent autour de l‟utilisation des mots.

Dans le premier tour de parole, L4 exprime clairement son problème sur deux

notions : « maître d‟ouvrage » et « maître d‟œuvre » et montre qu‟il réfléchit à ce problème de

définition. Il emploie le pronom-sujet « je » suivi de verbes de doute et de verbes de modalité

propositionnelle : « c‟est pareil je sais pas moi j‟essaie le de me positionner » (premier tour de

parole, ligne 2), « je me pose une question hein » (premier tour de parole, ligne 5). L‟emploi

de « hein » présente une demande indirecte d‟affirmation aux interlocuteurs du fait qu‟il ne

remet pas totalement en cause leur mauvais emploi du terme « maître d‟ouvrage ».

Le locuteur L4 explicite sa difficulté à nuancer et différencier des lexèmes ; il énonce

explicitement que son incompréhension porte sur le lexique :

« alors moi je comprends la démarche alors après c’est sur des mots maître d‟ouvrage maître d‟œuvre »

(tour de parole 1)

Il mène une réflexion sur le lexique en mettant en relation deux lexèmes « maître d‟œuvre » et

« maître d‟ouvrage ». L4 exprime explicitement son problème de compréhension « c‟est sur

des mots » (premier tour de parole, ligne 1) et plus précisément la représentation des mots

dans la réalité, autrement dit leur implication sur le terrain :

« aussi c‟est pareil je sais pas moi j‟essaie le de me positionner sur le plan pratique parce que c‟est

clair que dans le dialogue euh à un moment donné on *** le le distinguo hein ils vont s‟appuyer sur

nous mais après dans le dans la présentation du document est-ce que ça va pas prêter à confusion < je

me pose une question hein je » (tour de parole 1)

Page 334: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

334

« Sur le plan pratique » renvoie à l‟utilisation des mots sur le terrain avec les

partenaires. Le locuteur travaille sur le langage à utiliser. Pour cela, il essaie de se représenter

concrètement la tâche du maître d‟œuvre et celle du maître d‟ouvrage en s‟appuyant sur son

savoir et son expérience professionnelle afin d‟employer les mors justes et d‟anticiper sur la

réalisation même du projet. Ainsi, tout se passe comme s‟il y avait trois dimensions qui

s‟articulaient :

- la dimension « réelle » que L4 paraphrase par « sur le plan pratique » (premier tour de

parole 1, ligne 2) ;

- la dimension « interactionnelle » que L4 paraphrase par « dans le dialogue » (premier

tour de parole, ligne 3) ;

- la dimension « textuelle » qui comprend ce qui est écrit dans le document en

construction et que L4 paraphrase par « dans la présentation du document » (premier

tour de parole, ligne 4).

Le problème de L4 repose sur l‟uniformatisation des termes dans le discours, dans la réalité et

sur les documents de travail qui seront à transmettre pour la réalisation du projet. Il exprime

sa difficulté : « est-ce que ça va pas prêter à confusion < je me pose une question hein je ».

L1 s‟appuie sur ce qu‟a dit L4 et va plus loin en employant le marqueur de surenchérissement

« même » :

« parce que > je me demande même si il convient de parler du: de l‟exercice du droit de préemption

parce que là c‟est pas un but c‟est MOYEN » (tour de parole 2)

L1 remet en cause tout le processus de réflexion en renvoyant les locuteurs à la notion

de « droit de préemption » d‟ailleurs remis en cause par L4 dans la séquence précédente. Pour

cela, L1 emploie des verbes d‟attitudes propositionnelles : « je me demande » et « je crois

pas », introduisant une modalité du doute qu‟il justifie ensuite par une simple juxtaposition

introduite par « parce que » : « parce que là c‟est pas un but c‟est MOYEN » (tour de parole 2)

et par la formulation d‟une conclusion introduite par « donc ». Ainsi, L1 propose

indirectement de supprimer la notion de « droit de préemption » : « je crois pas que ça: que ça

a quelque chose à voir ou à faire ici » (tour de parole 2). Il modalise sa proposition qui prend

une valeur de suggestion en employant la forme indirecte et une modalité propositionnelle

« je crois pas que ». De ce fait, il n‟impose pas son point de vue et ce qui justifie qu‟on parle

de travail de collaboration.

Après une longue pause lors de laquelle les locuteurs lisent les documents et

réfléchissent, L4 reprend la réflexion (tour de parole 3) afin d‟éclaircir les termes de façon

Page 335: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

335

collective et y ajoute un élément en l‟introduisant par un marqueur d‟addition « et puis en

même temps » :

« c‟est un moyen et puis en même temps c‟est une conséquence de l‟élaboration de la * chez le

développement commercial de la ville » (tour de parole 3)

Il essaie de « décortiquer » le sens des mots et ce qu‟ils impliquent dans la réalité, afin

de l‟aider et d‟aider ses collaborateurs à prendre une décision.

L1 essaie de résoudre le problème en procédant à une reformulation à l‟aide de :

« c'est-à-dire en forme de conclusion » (tour de parole 3). L1 reprend la parole afin de

formuler une contradiction avec « oui mais » (tour de parole 4) : le « oui » indique bien qu‟il

ne réfute pas complètement l‟explication de L4 et l‟emploi de « mais » lui permet d‟introduire

une information allant à l‟encontre des propos de L4 :

« oui mais nou- nous à notre niveau on (n‟)ira pas au-delà après la commune en tant que maître

d‟ouvrage elle utilise /ses, ces/ outils < elle utilise *** » (tour de parole 4)

L4 prend en compte les propos de L1 et synthétise son argument qu‟il introduit par

« donc » :

« donc là tu dis > en tant que maître d‟ouvrage » (tour de parole 5)

L1 réaffirme ces propos résumés par L4, ce qui montre qu‟il maintient la négociation et tente

encore de convaincre L4 :

« c‟est ah oui pour moi c‟est la commune < qui est maître d‟ouvrage tu vois » (tour de parole 6)

La réflexion sur les mots permet de déterminer les valeurs et les fonctions des mots

dans des objectifs déterminés.

Prenons un exemple tiré d‟une autre séquence :

Exemple 41.

L12 alors ce que je vous disais c‟est c'est-à-dire euh euh on on utilise euh euh comment dire + on on

utilise les les les les ce que les machines permettent de nous faire c'est-à-dire euh: euh: on on je

sais plus le terme euh ben on force il y a un terme spécial pour ** le mot forcer c‟est pas

grave on force le noir et blanc c'est-à-dire que si on ne dit pas qu‟on veut de la couleur c‟est

automatiquement

L1 hum

(Extrait séquence 4, revue de direction, GIS)

Page 336: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

336

Malgré le désir d‟être précis, L12 ne se souvient pas du mot approprié et les autres

locuteurs ne lui proposent pas d‟autres termes, peut-être parce que nous ne sommes pas dans

une activité conjointe, mais dans une « activité à plusieurs » où L12 expose seul ses

propositions pour le développement durable en revue de direction.

Ces extraits proposent des exemples d‟activités métalinguistiques en séance de travail.

La fonction de ces activités est de mettre en relief le savoir-dire spécialisé impliqué dans le

discours. L‟emploi de vocabulaires spécialisés, ce savoir-dire spécialisé, au sein d‟une

situation professionnelle peut donc être l‟objet d‟une activité métalinguistique, puisqu‟il est

constitué par le vocabulaire spécialisé.

Pour conclure sur l‟analyse de ces phases, nous pouvons dire que la recherche de mots

et la réflexion sur les termes à employer sont d‟autant plus fréquentes et appellent à des

discussions plus longues lorsque les collaborateurs-scripteurs effectuent un travail de

rédaction. La mise en mots et le passage à l‟écrit demandent aux collaborateurs de focaliser

leur attention sur des points d‟ordre méta-discursif ou méta-textuel, puisqu‟il s‟agit de réaliser

quelque chose, un « produit ». Les échanges verbaux se trouvent être au service de la

production d‟un écrit. Les locuteurs doivent donc appréhender au mieux les termes et leurs

référents et réaliser un certain travail conjoint d‟élaboration sémantique.

b. Analyse quantitative des phases métalinguistiques

Parmi les 237 séquences du deuxième sous-corpus, 24 séquences comportent une

phase métalinguistique. Nous les avons répertoriées dans le tableau ci-après :

Page 337: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

337

Tableau 101 : Liste des séquences par réunion de travail comportant des phases métalinguistiques

Terrain

de

recherche

Réunion Séquence Type de

séquence Type linguistique

CCI

CoDir 1

Séquence 4 Descriptive Langage expositif

Séquence 7 Descriptive Langage expositif

Séquence 27 Prescriptive Langage expositif

Séquence 9 Prescriptive Langage expositif

Séquence 57 Explicative Langage de co-action

Échanges pendant

la pause de la

réunion du CoDir 1

Séquence 2 Conversation

informelle

Langage péri-

professionnel

Réunion interne 1

Séquence 5 Explicative Langage de co-action

Séquence 9 Opérative Langage de co-action

Séquence 10 Explicative Langage de co-action

Séquence 10 Opérative Langage de co-action

OF

Réunion des

responsables

formateurs

Séquence 2 Prescriptive

Séquence 5 Opérative Langage de co-action

Séquence 8 Opérative/

Explicative Langage de co-action

Séquence 10 Opérative Langage de co-action

Séquence 13 Opérative Langage de co-action

Séquence 16 Opérative Langage de co-action

Séance de travail

Séquence 18 Opérative Langage de co-action

Séquence 19 Opérative Langage de co-action

Séquence 20 Opérative Langage de co-action

Séquence 22 Opérative Langage de co-action

Séquence 24 Opérative Langage de co-action

Séquence 27 Échanges

interstitiels

Langage péri-

professionnel

GIS CoDir 2 Séquence 4 Descriptive Langage expositif

Sur les 24 séquences présentant une phase métalinguistique, 16 sont issues de séquences

appartenant au type linguistique du langage de co-action (soit 66,7 %). Quant aux autres

séquences, 6 sont prescriptives ou descriptives et donc issues du langage expositif, et 2 sont

issues du langage péri-professionnelle : l‟une est une séquence d‟échange interstitiel et l‟autre

une séquence de conversation informelle lors de laquelle un locuteur fait un jeu de mots.

Page 338: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

338

Tableau 102 : Manifestation des phases métalinguistiques par type linguistique et type de séquence du sous-corpus 2

Type linguistique

Nombre de

séquences par

type

linguistique

Nombre de séquences

par type linguistique

comportant

des phases

métalinguistiques

Types de séquence

dans le sous-corpus 2

Nombre de

séquences dans

le sous-corpus 2

Nombre de

séquences

comportant

des phases

métalinguistiques

Langage expositif 96 6 6,25 %

Séquences descriptives 64 3

Séquences encadrantes 9 0

Séquences prescriptives 22 3

Séquences

descriptives/prescriptives 1 0

Langage de co-

action 91 16 16,5 %

Séquences opératives 72 12

Séquences explicatives 18 3

Séquences opératives/explicatives 1 1

Langage péri-

professionnel 24 2 8,3 %

Séquences de conversation

informelle 12 1

Séquences d‟échanges interstitiels 12 1

Type ND 24 0 0

Séquences

opératives/prescriptives 14 0

Séquences ND 10 0

Type NC 2 - - Séquence NC 2 -

Total 237 24 séquences, soit 10,12 % de l’ensemble des séquences

Les analyses quantitatives confirment le fait que les phases métalinguistiques se manifestent plutôt dans les séquences appartenant au type

linguistique de co-action.

Page 339: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

339

4.3.3.1.3. Les critères linguistiques caractérisant les séquences opératives

L‟analyse du premier sous-corpus nous a permis de relever un certain nombre de

critères linguistiques qui caractérisent les séquences opératives.

4.3.3.1.3.1. Premier critère : la négociation du rôle de scripteur

Avant de commencer la réunion de travail, les locuteurs négocient le rôle du scripteur.

Les locuteurs vont nommer une personne qui se chargera de prendre en notes ce qui sera dit,

décidé et gérera la rédaction collective. Comme l‟explique D. Apothéloz, « tout se passe

parfois comme s‟il y avait, dans le rôle du scripteur, quelque chose de la fonction de

greffier. » (2005 : 172).

Dans certaines réunions, le rôle de greffier n‟est pas discuté puisqu‟une personne

assiste à la réunion uniquement pour prendre des notes et rédiger ensuite le compte-rendu.

C‟est notamment le cas dans les CoDir de la CCI et au sein du GIS lors des réunions de

direction. Dans les autres réunions et les autres organismes, la place de greffier est négociée.

On peut en donner quelques exemples :

Exemple 42.

L5 {s’adresse à L2} c‟est toi qui fais le compte-rendu ?

L2 non je te laisse + tu fais ça tellement bien

(Extrait séquence 2, CoDir 2, entreprise de transport)

La prise en charge du compte-rendu nécessite la prise de notes tout au long de la réunion. L5

propose à L2 de faire le compte-rendu, mais celui-ci refuse. La décision se limite à ses deux

tours de parole. L5 ne négocie pas ici la tâche.

Exemple 43.

L3 moi je reçois des: des je reçois > des brochures je reçois mais bon donc là là il faut euh on peut

leur donner des infos sur la formation donc ça c‟est votre rôle aussi donc leur diffuser soit sur

euh sur inf- sur informatique < ou par support=

L1 ** affiches >

L3 =tous les catalogues de formation qu‟on a

L2 hum

L3 moi je euh: je sais pas toujours quoi en faire je le donne à *Pp71* {L4 revient} je le donne {L3

s’adresse à L2} voici ** pour le compte-rendu que tu vas faire

L2 que JE vais faire

Page 340: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

340

L3 ouais

L2 d‟accord

L3 donc on va revenir sur euh:

{Rires de L1, L2 et L4}

LX < ***

L2 vous avez décidé ça pendant que j‟étais > vous avez décidé ça pendant que < j‟étais pas là

L3 ce qu‟il faut c‟est > que les gens sachent alors en *R3* ce sera *Lp2* en *R4* *Lp1* les

locuteurs de la commission formation pour adresser toutes leurs demandes ou leurs questions

d‟accord

L2 je marque {L2 prend des notes}

L3 donc ça c‟est charge à vous de communiquer auprès des gens

L4 vous avez été désigné aussi d‟office

L3 ensuite c‟est comment on communique la la: la: *Lp1* disait elle a des des + des infos

d‟organismes de formation qui mettent en place qui ont des catalogues hein c‟est ça des des

(Extrait séquence 4, comité de formation, OF)

L2 est désignée pour rédiger le compte-rendu de la réunion. La première partie de cet

extrait porte sur sa désignation. Et c‟est à partir de l‟attribution de rôle que L2 décide de

prendre des notes et ce tout le long de la réunion.

Exemple 44.

{L2 revient avec les photocopies et les distribue}

1. L2 {L2 rend les documents originaux à L3} ça se sont vos originaux

2. L3 ouais merci

3. L2 *** on va voir si nos: ***

///

{L1 entre et reprend sa place}

4. L1 alors fiche opération

5. L2 on commence par la première fiche action < soutenir le

6. L1 ** > fiche action

7. L2 soutenir le commerce de centre-ville

+ {Chacun regarde, lit les documents}

8. L1 on on écrit il y a qu‟une seule personne qui écrit ou:

9. L2 oui oui j‟écris moi

10. L4 d‟accord

11. L2 alors articulation avec la charte ça euh on on passe objectif de l‟action euh quel est

l‟objectif de soutenir le commerce de centre-ville ?

(Extrait séquence 7, réunion interne 2, CCI)

Il convient tout d‟abord de situer cet extrait. Après avoir photocopié les fiches sur

lesquelles les participants vont travailler, L2 suivi de L1, qui en avait profité pour téléphoner,

reprennent leur place. Les membres de la réunion commencent à travailler sur leur projet

d‟étude d‟urbanisme à partir des fiches action et opération à remplir. Dans cette séquence, ils

remplissent la première fiche action.

Les participants remplissent la « fiche action »79

qui est découpée en sept parties (sept

cases sur la fiche) :

79

Voir annexe 2.

Page 341: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

341

1. Articulation avec la charte 2. Objectif de l’action 3. Public(s) visé(s) 4. Étude préalable 5. Description 6. Résultats attendus 7. Observations

Dans cette séquence, les participants vont compléter ensemble les six premières cases.

Avant de commencer la réunion de travail, les locuteurs négocient le rôle du scripteur,

c'est-à-dire la personne officiellement nommée qui va prendre en notes ce qui va être décidé

et compléter les fiches. L1 demande si chacun écrit ou si une personne se charge de la tâche

de scripteur : dans un premier temps, il emploie le pronom sujet « on », puis il emploie une

structure impersonnelle « il y a qu‟une personne qui écrit ou: » (tour de parole 8).

L‟allongement vocalique à la fin de cet énoncé indique qu‟il s‟agit d‟une question.

La réponse positive de L2 « oui oui j‟écris moi » (tour de parole 9) signale qu‟elle

accepte de prendre en charge cette tâche. Avec « oui oui », L2 affirme ce qui est supposé dans

la question de L1 : le fait qu‟une seule personne écrive. Sa réponse, complétée par « j‟écris

moi » et marquée l‟insistance avec je + moi, indique que L2 accepte de façon explicite le rôle

de scripteur. Cette prise en charge de la tâche est acceptée par L4 « d‟accord » (tour de parole

10). Ce « d‟accord » marque non seulement l‟accord du locuteur, mais signale également la

clôture de la „micro-séquence‟ où l‟on négocie le rôle de scripteur.

L2 prend alors des notes tout au long de la séquence et se charge de relire ce qui a été

inscrit. Tous les points abordés seront suivis d‟une pause plus ou moins longue lors de

laquelle L2 écrira dans les cases des fiches « action » et des fiches « opération » les

propositions retenues. En tant que scripteur, L2 prend en charge le suivi de lecture des fiches

en énonçant le premier point de la fiche (correspondant à la première case).

Il est possible que, dans certaines réunions, l‟ensemble des locuteurs prennent des

notes et qu‟aucune personne ne soit assignée à cette tâche. C‟est ce qui se passe dans la

première réunion interne de la CCI où il s‟agit de la première réunion de réflexion et de

recherche de pistes.

Dans notre sous-corpus, la négociation du scripteur ne s‟effectue que dans deux

séquences opératives issues du groupe de travail mené au sein de l‟organisme de formation et

Page 342: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

342

dans une séquence descriptive issue du comité de direction de l‟entreprise de transport. Dans

les comités direction de la CCI et du GIS, il y a une secrétaire qui assiste à la réunion pour

prendre des notes et rédiger par la suite les comptes-rendus.

Comme ce critère n‟est présenté que dans 1,2 % des séquences du corpus, il nous faudrait un

sous-corpus plus étendu pour être en mesure de l‟analyser davantage.

4.3.3.1.3.2. Deuxième critère : emploi d’un langage opératif

Nous présenterons l‟analyse du langage opératif dans notre corpus, nous procéderons à

une analyse quantitative de ce critère au sein des séquences des réunions de travail.

Le langage opératif fait appel à un lexique spécifique, à une syntaxe plutôt simple

(constituée parfois d‟un seul mot) et n‟est employé que dans des situations habituelles (sans

problème) de travail. Il s‟agit de donner des informations précises, sans avoir besoin de

formuler tous les éléments de façon explicite. Nous nous réferons aux travaux de L. Karsenty

et P. Falzon :

L‟utilisation d‟un langage opératif, dont les caractéristiques essentielles sont un lexique restreint, une

monolexémie, l‟existence de mots spécifiques ou rares, et une syntaxe restreinte et spécifique du

domaine, n‟est possible qu‟en situation habituelle. Or, le caractère habituel de la situation implique que

les participants au dialogue ont une représentation de la situation-problème (R-Pb), et une

représentation des procédures nécessaires pour traiter et résoudre le problème (R-Sol°) en grande partie

communes. Dans ce contexte fortement partagé, il suffit de très peu d‟indices pour communiquer une

importante masse d‟informations et pour assurer l‟inter-compréhension. (L. Karsenty et P. Falzon,

1993 : 5)

Ils opposent le langage opératif au langage plus « naturel » utilisé quant à lui dans les

situations plus conflictuelles qui font intervenir des justifications, des ajustements ou des

négociations.

Ce langage opératif mêle ainsi l‟activité et la parole. Sur ce point, M. Lacoste apporte

un éclairage :

Le langage est parfois directement mêlé aux activités matérielles, aux conduites perceptives, gestuelles,

cognitives, aux manipulations d‟objets et d‟outils. Dans cet univers où coexistent de multiples sources

d‟information Ŕ graphique, chiffres, images, écrans, tableaux d‟information Ŕ la parole fonctionne en

étroite relation avec l‟environnement : commentaires exclamatifs d‟un message apparaissant à l‟écran,

pointage d‟un signal, instruction à exécuter immédiatement, guidage d‟une activité dans l‟espace. Elle

sanctionne des événements techniques, elle les prolonge, les annonce, les interprète. Ce « langage

d‟action », elliptique, parfois codé, dépendant du contexte, contraint par l‟espace-temps du travail,

illustre la construction mutuelle de l‟activité et de la communication dans une étroite réciprocité entre le

dire et le faire. (2005 [2001] : 30)

Page 343: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

343

M. Lacoste a analysé ce langage d‟action (ou « parole d‟action », 1995 : 452) sur les

chantiers du bâtiment. Ce type de langage fait aussi référence au langage des pilotes dans la

tour de contrôle par exemple ; dans nos réunions ou séances de travail, lors du déroulement

d‟une activité, nous avons pu le repérer dans certaines séquences.

Dans notre corpus, certaines séquences présentent un langage proche de ce langage

opératif. Les discours des locuteurs en séance de travail utilisent parfois un langage que l‟on

pourrait qualifier d‟ « elliptique », c'est-à-dire, comme l‟explique J. Boutet, « sans verbe et

sans marque temporelle, sans termes lexicaux ordinaires » (1995 : 35). Elle parle également

de « langage codifié, opératif » qui nécessite des connaissances partagées entre les locuteurs.

Quelques exemples de notre corpus peuvent illustrer ce type de langage :

Exemple 45.

23. L4 étude préalable = > annonce du point suivant

24. L2 réalisée => ‘réponse’/proposition

25. L4 réalisée d‟accord => répétition + marque d’accord et de clôture du thème

(Séquence 6, réunion interne 2, CCI)

L4 annonce le point suivant de la fiche à remplir « étude préalable », L2 propose une

réponse brève (un mot) et L4 accepte la réponse de L2 en marquant une répétition de la

réponse de L2 : « réalisé ».

Exemple 46.

9. L1 58 64

10. L3 merci

11. L1 84

12. L2 84 ouais {à voix basse}

13. L1 169

14. L2 ouais

15. L1 191

16. L2 ouais

(Séquence 4, séance de travail, OF)

Le contexte permet aux locuteurs de saisir les informations et ont donc besoin de peu

d‟explicitation. Les collaborateurs sont en phase de travail et utilisent un langage codifié afin

de transmettre un maximum d‟informations tout en économisant le temps.

Nos analyses viennent donc compléter celles précédemment réalisées par L. Karsenty

et P. Falzon (1993), J. Boutet (1995) et M. Lacoste (1995, 2005 [2001]).

Page 344: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

344

Ce langage opératif relevé lors de l‟analyse de nos corpus est présent dans 8 séquences

des réunions du sous-corpus 2 : dans 6 séquences opératives, 1 séquence explicative et 1

séquence prescriptive.

Tableau 103 : Séquences du sous-corpus 2 dans lesquelles se manifeste un langage opératif

Terrain de

recherche Réunion

Type de

séquence Séquence

Nombre de

mots

CCI

CoDir 1 Prescriptive Séquence 71 694

Réunion interne 1

Opérative Séquence 9 659

Explicative Séquence 14 667

Opérative Séquence 19 156

Entreprise de

transport

Interactions dans l‟open

space du service des

ressources humaines

Opérative Séquence 7 640

OF Séance de travail

Opérative Séquence 7 336

Opérative Séquence 13 407

Opérative Séquence 28 1 613

3 terrains de

recherche 4 réunions

3 types de

séquence 8 séquences 5 172

Sur 72 séquences opératives du sous-corpus 2, un langage opératif est utilisé dans

8,3 % des séquences. Ce type de langage ne se présente que très peu dans d‟autres types de

séquence : 4,5 % des séquences prescriptives et 5,5 % des séquences explicatives, en sachant

que ces dernières appartiennent au même type linguistique (langage de co-action). Un sous-

corpus plus large pourrait venir compléter cette analyse.

Notre analyse valide ce critère comme un critère caractérisant la séquence opérative.

4.3.3.1.3.3. Troisième critère : l’emploi du conditionnel et d’autres formes

d’atténuation

Après avoir présenté l‟analyse qualitative des énoncés à valeur injonctive, nous

proposerons l‟analyse quantitative de ce critère dans les diverses séquences du deuxième

sous-corpus.

Page 345: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

345

a. Analyse qualitative du conditionnel et les formes d’atténuation

Le conditionnel est la forme récurrente de la modalisation. Dans un travail

collaboratif, la plupart des propositions et des requêtes explicites sont dotées d‟une

formulation syntaxique indirecte : « le conditionnel d‟atténuation a deux volets, le

conditionnel de politesse et le conditionnel d‟incertitude. » (J. Moeschler et A. Reboul,

2001 : 166). Les locuteurs emploient un conditionnel de politesse afin de modaliser leur

remarques et leurs propositions.

D‟une façon générale, les stratégies indirectes provoquent des actes de parole

euphémisés motivés par le tact et la politesse. L'approche de la politesse verbale de P. Brown

et S. Levinson est la plus commune et contribue à préserver les faces80

des locuteurs par les

conventions de politesse le respect. P. Brown et S. Levinson (1987 : 162-163) expliquent que

les stratégies indirectes renfermant l‟emploi du conditionnel permettent de réduire la rudesse

d'un acte de parole qui pourrait sembler trop directif. Le conditionnel se présente ainsi comme

une manœuvre d'atténuation, un adoucisseur. Quelques exemples d‟emploi du conditionnel

tirés dans notre corpus viennet illustrer notre propos :

Exemple 47.

36. L2 si euh si on a des des questions à poser sur euh les CV pour voir un peu parce que je trouve

que c‟est pas très explicite tu vois au niveau de l‟insertion

37. L1 et ben vous me les vous me les euh notez et vous me faites un envoi groupé après moi je

reprendrai par formateur

38. L2 d‟accord d‟accord parce qu‟il faudrait garder **

39. L3 parce que tu vois bon par exemple euh il y en a qui sont en caractère gras d‟autres qui y sont

pas: euh

40. L1 non ce serait bien de partir exactement sur euh la même chose je pense

41. L3 ah oui faut mais faudrait savoir déjà + après c‟est le contenu mais bon quoi que tout le

monde ait

42. L1 je pense qu‟un comme ça ce serait bien < tout simple rester sur quelque chose de simple

43. L3 oui: *** > + bon parce que là il y a même pas de puces il y en a qui ont des puces il y en a

qui en (n‟)ont pas il y en a qui euh qui sont < aérés avec euh:

44. L1 c‟est pas très très grave je pense *Lp3* >

(Extrait séquence 2, séance de travail, OF)

80

La conception de la politesse telle que la développent P. Brown et S. Levinson se fonde sur la notion de

« face » empruntée à E. Goffman. Tout être social possède deux faces : « la face négative » et la « face positive »

(1987 : 61-62).

La « face négative » de P. Brown et S. Levinson correspond à ce qu‟E. Goffman décrit comme « les

territoires du moi ». Ce sont les propriétés de l‟individu et de l‟ensemble des prolongements corporels, matériels,

spatiaux, affectifs. C‟est notre territoire, notre „bulle‟. Ils la définissent ainsi : « the want of every „competent

adult member‟ that his actions be unimpeded by others. »

La « face positive » quant à elle correspond à l‟ensemble des images valorisantes que les interlocuteurs

construisent et tentent d‟imposer. C‟est l‟élaboration et la projection de l‟image de soi dans l‟interaction. C‟est

ce que E. Goffman a appelé « la face ». Ils la définissent ainsi : « the want of every member that his wants be

desirable to at least some others. »

Les terminologies de P. Brown et S. Levinson permettent de mettre en exergue le lien étroit entre les deux

entités complémentaires.

Page 346: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

346

Les propositions de modifications des CV sont formulées par les locutrices à l‟aide du

conditionnel et des formes impersonnelles qui permettent d‟atténuer, de modaliser les

propositions. Par ailleurs, les propositions sont parfois introduites par une modalisation

énonciative, et plus précisément par un verbe d‟opinion « je pense » qui nuance également les

suggestions.

Exemple 48.

L1 ok + ok + alors description < de l‟opération

L2 alors description on pourrait mettre > les deux: opérations qu‟on va conduire c'est-à-dire euh:

euh: améliorer euh l‟urbanisme commercial

L1 hum hum

(Extrait séquence 7, réunion interne 2, CCI)

L2 utilise le conditionnel pour effectuer sa proposition. Par ailleurs, l‟emploi de « on » par L2

marque une prise de distance par rapport à son engagement. Par ce pronom, le locuteur

atténue la responsabilité de ses propos.

Exemple 49.

L1 je sais pas enfin c‟est comme ça que je le lis moi je sais pas si c‟est ça ou on (n‟)en a peut-être pas

moi je j’indiquerais quand même qu‟il faut euh

L4 mob- mobiliser tous les acteurs non là c‟est pas vraiment de l‟observation c‟est une

L1 ben il y a une obligation

L4 in- in- incitatif

L1 ouais ouais euh par contre moi j’y mettrais bien euh: trouver une coordination avec euh: le

contrat de site lancé au niveau euh: du pays nord

(Extrait séquence 8, réunion interne 2, CCI)

Les exemples 48 et 49 nous montrent que l‟emploi du conditionnel permet aux

locuteurs de modaliser leurs propositions. Le conditionnel d‟atténuation apparaît comme un

acte illocutoire déguisé. Contrairement à l‟exemple précédent, L1 utilise le pronom « je »

signalant ainsi la volonté du locuteur à assumer pleinement ses propos.

Dans l‟exemple 48, L2 emploie le pronom-sujet « on » afin d‟impliquer davantage ses

collaborateurs. Dans l‟exemple 49, L1 utilise la première personne du singulier, qui donne un

caractère un peu plus injonctif, mais apporte un adoucissment grâce à l‟emploi du mode

conditionnel. Dans le cas d‟un travail collectif, voire collaboratif, les locuteurs sont amenés à

faire des propositions, des remarques, etc. et cela convoque l‟emploi de formulations

modalisées à partir notamment du mode du conditionnel. C‟est pour cette raison que nous le

considérons comme étant un critère linguistique important et parfois même déterminant dans

la caractérisation de la séquence opérative.

Page 347: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

347

En plus d‟employer le conditionnel, les locuteurs ont parfois recours à d‟autres formes

de suggestion telles que « pourquoi pas imaginer », « il faut peut-être », « on pourrait ». Nous

en donnons quelques exemples :

Exemple 50.

L7 est-ce que: il serait pas bien que:: comment pas le trente ou le trente et un mois le le mois suivant

que vous veniez tous ici les référents je ne sais quoi avec les documents et vérifier peut-être

tranquillement et donner les infos échanger peut-être les infos

(Extrait séquence 25, Réunion des responsables formateurs, OF)

Dans cet exemple, le locuteur emploie le conditionnel et la forme négative pour

modaliser sa proposition. Il emploie dans le même tour de parole l‟adverbe modalisateur

« peut-être » à deux reprises. Sa proposition prend ainsi une véritable valeur suggestive. De

plus, il utilise le pronom « il » impersonnel, ce qui atténue la responsabilité de ses propos.

Certaines formules d‟atténuation sont composées du verbe « pouvoir » comme « on

peut essayer de », « on peut peut-être », etc. Les exemples suivants montrent que les locuteurs

recourent à des procédés de politesse pour atténuer leurs demandes ou suggestions à leurs

collègues.

Exemple 51.

L1 ok + ok + alors description < de l‟opération

L2 alors description on pourrait mettre > les deux: opérations qu‟on va conduire c'est-à-dire euh:

euh: améliorer euh l‟urbanisme commercial

L1 hum hum

L2 et euh: + et accompagner les commerçants

(Extrait séquence 7, Réunion interne 2, CCI)

L2 fait une suggestion pour la rédaction de l‟item « description » lorsqu‟il s‟agit de

remplir la « fiche opération »81

utile à la mise en place d‟un projet d‟urbanisme. Il emploie le

conditionnel et utilise le pronom-sujet « on » marquant ainsi une prise de distance par rapport

à son engagement.

Exemple 52.

L2 alors est-ce qu’on pourrait mettre euh regarde parce que là on est euh dans les dans les

descriptions euh: le contenu et là on est sur un lieu est-ce qu’on pourrait pas mettre le lieu en

italique

(Extrait séquence 18, Séance de travail, OF)

81

Voir annexe 1.

Page 348: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

348

Dans cet exemple, la locutrice emploie le même verbe au conditionnel que dans

l‟exemple précédent, mais elle utilise une forme interrogative qui accentue la proposition.

La plupart des occurrences de « pouvoir » expriment une possibilité abstraite. En effet,

il ne s‟agit pas pour les locuteurs d‟accorder une valeur de « pouvoir » proprement dite, mais

d‟exprimer une demande ou une suggestion.

Au même titre que le « vous » de politesse, le conditionnel, l‟emploi de l‟adverbe

modalisateur « peut-être », du verbe « pouvoir » permettent aux locuteurs d‟atténuer leurs

propositions, suggestions ou demandes. Il arrive même que certains locuteurs usent

simultanément de plusieurs de ces formes.

b. Analyse quantitative des formes d’atténuation

L‟analyse quantitative nous permet de confirmer le fait que les formes d‟atténuation

employées par les locuteurs pour effecteur une proposition, une demande ou une suggestion

sont caractéristiques des séquences opératives. Nous présentons les analyses par type de

séquence pour l‟ensemble de notre deuxième sous-corpus.

CoDir 1, CCI

Tableau 104 : Les manifestations des formes d’atténuation par type de séquence dans le CoDir 1

(CCI)

Types de séquence

dans le CoDir 1 (CCI)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les formes

d’atténuation

Nombre

d’occurrences

des formes

d’atténuation

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 7 0 0 0 0

Séquences descriptives 31 19 61,3 % 61 3,73

Séquences prescriptives 14 13 92,8 % 38 3,96

Séquences opératives 4 3 75 % 10 4,51

Séquences explicatives 14 7 50 % 14 2,73

Séquences d‟échanges

interstitiels 1 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences ND 1 1 100 % 5 3,14

TOTAL 72 43 59,7 % 128 3,50

Page 349: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

349

Les formes d‟atténuation sont plus fréquentes dans les séquences prescriptives,

opératives, puis descriptives.

75 % séquences opératives comptent au moins une forme d‟atténuation et présente une

prévalence des occurrences la plus élevée, à savoir 4,51 ‰. La prévalence des occurrences

des séquences descriptives (3,73 ‰) est supérieure à la celle de l‟ensemble des séquences de

la réunion présentant au moins un forme d‟atténuation (3,50 ‰), mais reste inférieure à celle

des séquences opératives. Les formes d‟atténuation apparaissent caractéristiques des

séquences opératives avec un taux de séquences le plus élevé (75 % des séquences comptent

au moins une forme d‟atténuation), après les séquences presciptives (92,8 %), mais aussi avec

une prévalence des occurrences la plus forte.

Réunion interne 1, CCI

Le tableau ci-après nous permet de synthétiser les occurrences des formes

d‟atténuations, ainsi que les prévalences des occurrences de chaque type de séquence de la

réunion :

Tableau 105 : Les manifestations des formes d’atténuation par type de séquence dans la réunion

interne 1 (CCI)

Types de séquence

dans la réunion interne

1 (CCI)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les formes

d’atténuation

Nombre

d’occurrences

des formes

d’atténuation

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 9 4 44,4 % 11 3,24

Séquences prescriptives 1 1 100 % 3 6,86

Séquences descriptives/

prescriptives 1 1 100 % 2 4,69

Séquences opératives 10 9 90 % 29 5,71

Séquences explicatives 3 3 100 % 11 5,06

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 1 0 0 0 0

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 26 18 69,2 % 56 4,86

Les formes d‟atténuation sont plus importantes dans les séquences opératives, où 90 %

d‟entre elles comptent au moins une forme d‟atténuation, avec une prévalence des

occurrences importante, à savoir 5,71 ‰. Cependant, 100 % des séquences prescriptives

comptent au moins une fome d‟atténuation et présente une prévalence plus importante

Page 350: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

350

(6,86 ‰). Dans cette réunion de travail, les formes d‟atténuation sont plutôt caractéristiques

des séquences prescriptives.

CoDir 2, entreprise de transport

Tableau 106 : Les manifestations des formes d’atténuation par type de séquence dans le CoDir 2

(ets de transport)

Types de séquence

dans le CoDir 2

(ets de transport)

Nombre de

séquences

type dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les formes

d’atténuation

Nombre

d’occurrences

des formes

d’atténuation

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 10 7 70 % 27 5,22

Séquences prescriptives 0 - - - -

Séquences opératives 4 4 100 % 12 2,58

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences ND 1 1 100 % 4 3

Séquences

opératives/prescriptives 1 1 100 % 8 4,40

TOTAL 16 13 81,2 % 51 3,93

Dans ce CoDir, où les séquences descriptives sont prédominantes, les formes

d‟atténuation sont plus fréquentes dans les séquences descriptives. Bien que les séquences

opératives comptent toutes au moins une forme, leur prévalence des occurrences (2,58 ‰) est

inférieure à celles des séquences descriptives (5,22 ‰) et inférieure à la prévalence des

occurrences de l‟ensemble des séquences de la réunion présentant au moins une forme

d‟atténuation (3,93 ‰). La prévalence des occurrences des séquences descriptives est la plus

élevée (5,22 ‰), mais seulement 70 % des séquences descriptives comptent une occurrence

de formes d‟atténuation. Les séquences opératives/prescriptives se présentent comme étant les

séquences dont les formes d‟atténuation sont caractéristiques. En effet, 100 % d‟entre elles

comportent des formes d‟atténuation et présentent une prévalence de 4,40 ‰.

CoDir 2, GIS

Nous avons répertorié les occurrences et prévalences des occurrences des formes

d‟atténuation par type de séquence dans le tableau ci-dessous :

Page 351: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

351

Tableau 107 : Les manifestations des formes d’atténuation dans les séquences dans le CoDir 2

(GIS)

Types de séquence

dans le CoDir 2 (GIS)

Nombre de

séquences

type dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les formes

d’atténuation

Nombre

d’occurrences

des formes

d’atténuation

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 1 0 0 0 0

Séquences descriptives 9 7 77,8 % 26 3,39

Séquences prescriptives 2 1 50 % 1 1,61

Séquences opératives 1 1 100 % 1 1,02

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 1 0 0 0 0

Séquences ND 1 1 100 % 1 2,09

Séquences

opératives/prescriptives 5 5 100 % 22 3,03

TOTAL 20 15 75 % 51 3

Dans ce CoDir, où les séquences descriptives sont prédominantes comme dans le

CoDir précédent, les formes d‟atténuation sont plus fréquentes dans ces séquences

descriptives. En effet, 77,8 % comportent au moins une forme d‟atténuation. Elles totalisent

26 occurrences et présentent la prévalence des occurrences la plus élevée, à savoir 3,39 ‰.

Par ailleurs, 100 % des séquences opératives/prescriptives comportent des formes

d‟atténuation et offrent une prévalence des occurrences de 3,03 ‰, ce qui est moins que la

prévalence des séquences descriptives, mais elles sont légérement plus élevée que la

prévalence de l‟ensemble des séquences de la réunion présentant au moins une forme

d‟atténuation.

Page 352: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

352

Réunion des responsables formateurs, OF

Tableau 108 : Les manifestations des formes d’atténuation dans les séquences de la réunion des

responsables formateurs (OF)

Types de séquence

dans la réunion des

responsables

formateurs (OF)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les formes

d’atténuation

Nombre

d’occurrences

des formes

d’atténuation

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 1 1 100 % 1 1,83

Séquences descriptives 1 0 0 0 0

Séquences prescriptives 2 0 0 0 0

Séquences opératives 21 16 76,2 % 72 2,80

Séquences explicatives 1 0 0 0 0

Séquences

opératives/explicatives 1 1 100 % 7 5,17

Séquences d‟échanges

interstitiels 3 1 33,3 % 1 30,30

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences ND 1 1 100 % 2 3,04

Séquences

opératives/prescriptives 5 3 60 % 10 3,49

TOTAL 36 23 63,8 % 93 3,83

Cette réunion comprend une majorité de séquences opératives. Parmi ces séquences,

76,2 % comptent au moins une forme d‟atténuation et dénombrent un nombre d‟occurrences

important (72). Cependant, la prévalence des occurrences reste peu élevée, 2,80 ‰, ce qui est

inférieur aux prévalences des séquences d‟échanges interstitiels (qui ne comptent toutefois

qu‟une forme d‟atténuation) et à la prévalence des séquences opératives/explicatives

présentant une prévalence des occurrences assez forte (5,17 ‰). Cette dernière appartient au

même type linguistique que les séquences opératives.

Les analyses quantitatives montrent que les formes d‟atténuation sont plutôt

récurrentes dans les séquences opératives et opératives/explicatives.

Séance de travail, OF

Cette séance de travail compte 38 séquences dont la moitié est composée de séquences

opératives.

Page 353: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

353

Tableau 109 : Les manifestations des formes d’atténuation dans les séquences de la séance de

travail (OF)

Types de séquence

dans la séance de

travail (OF)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les formes

d’atténuation

Nombre

d’occurrences

des formes

d’atténuation

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 2 0 0 0 0

Séquences prescriptives 0 - - - -

Séquences opératives 19 16 84,2 % 79 5,44

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 7 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 3 0 0 0 0

Séquences ND 2 0 0 0 0

Séquences

opératives/prescriptives 3 3 100 % 16 6,93

Séquences NC 2 - - - -

TOTAL 38 19 50 % 95 6,32

Les formes d‟atténuation se manifestent dans 84,2 % des séquences opératives et dans

100 % des séquences opératives/prescriptives. La prévalence des occurrences de ces dernières

(6,93 ‰) est plus importante que la prévalence des occurrences des séquences opératives

(5,44 ‰).

Ainsi, les formes d‟atténuation sont principalement caractéristiques de ces séquences,

puis des séquences opératives.

Partie 1 de la réunion de groupement 2, OF

Nous avons répertorié le nombre d‟occurrences des formes d‟atténuation et les

prévalences de ces occurrences pour chaque type de séquence dans le tableau suivant :

Page 354: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

354

Tableau 110 : Les manifestations des formes d’atténuation dans la partie de la réunion de

groupement 2 (OF)

Types de séquence

dans la partie 1 de la

réunion de

groupement 2 (OF)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

formes d’atténuation

Nombre

d’occurrences

des formes

d’atténuation

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 1 1 100 % 3 2,79

Séquences prescriptives 0 - - - -

Séquences opératives 5 5 100 % 18 7,63

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 7 6 85,7 % 21 6,11

Les formes d‟atténuation sont clairement caractéristiques des séquences opératives.

100 % de ces séquences comptent au moins une forme d‟atténuation et présentent une forte

prévalence des occurrences, à savoir 7,63 ‰.

Activités langagières au sein du service RH, entreprise de transport

Tableau 111 : Les manifestations des formes d’atténuation dans les interactions dans l’open space

d’un service RH (ets de transport)

Types de séquence

dans les interactions

dans l’open space

d’un service RH (ets

de transport)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

formes d’atténuation

Nombre

d’occurrences

des formes

d’atténuation

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 1 1 100 % 1 2,79

Séquences

prescriptives 1 0 0 0 0

Séquences opératives 7 2 28,5 % 2 2,72

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 1 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 2 1 50 % 1 1,81

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 13 4 30,7 % 4 2,43

D‟une façon générale, ces activités langagières comprennent peu de séquences dans

lesquelles se manifestent des formes d‟atténuation (30,7 % des séquences de la réunion). La

séquence descriptive est plus propice à l‟usage de formes d‟atténuation : 100 % des séquences

Page 355: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

355

de ce type, avec une prévalence des occurrences la plus élevée, à savoir 2,79 ‰. Par ailleurs,

28,5 % des séquences opératives comportent une forme d‟aténuation, avec une prévalence

proche de celle des séquences opératives, mais tout de même inférieure, à savoir 2,72 ‰.

Mais, ces séquences opértatives ne sont que 28,5 % où l‟on trouve le critère étudié.

Il semblerait dès lors que les formes d‟atténuation soient caractéristiques de la

séquence descriptive.

Échanges avant la réunion et pendant la pause du CoDir 1, CCI

Tableau 112 : Les manifestations des formes d’atténuation dans les échanges avant la réunion et

pendant la pause du CoDir 1 (CCI)

Types de séquence

dans les échanges avant

la réunion et pendant la

pause du CoDir 1 (CCI)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

formes d’atténuation

Nombre

d’occurrences

des formes

d’atténuation

Prévalence des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 0 - - - -

Séquences opératives 1 0 0 0 0

Séquences prescriptives 2 1 50 % 2 2,46

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 3 1 33,3 % 1 4,35

TOTAL 6 2 33,3 % 3 2,88

Les formes d‟atténuation ne se manifestent pas dans la séquence opérative, mais dans

deux séquences seulement (soit 33,3 % des séquences) : une séquence prescriptive et une

séquence de conversation informelle. Le critère est plus récurrent dans la séquence

prescriptive, malgré une prévalence des occurrences plus faible (2,46 ‰).

Conversation, OF

Nous n‟avons pas relevé de formes d‟atténuation dans les séquences de la

conversation.

Page 356: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

356

c. Conclusion des analyses quantitatives des formes d’atténuation

Tableau 113 : Les manifestations des formes d’atténuation par type de séquence dans le sous-

corpus 2

Types de séquence

dans le sous-corpus 2

Nombre de

séquences

dans le sous-

corpus 2

Nombre de

séquences dans

lesquelles se

manifestent les

formes

d’atténuation

Nombre

d’occurrences

des formes

d’atténuation

Nombre

total de

mots

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 9 1 11,1 % 1 546 1,83

Séquences descriptives 64 39 60,9 % 129 34 038 3,79

Séquences prescriptives 22 16 72,7 % 44 13 095 3,36

Séquences descriptives/

prescriptives 1 1 100 % 2 426 4,69

Séquences opératives 72 56 77,7 % 223 48 668 4,58

Séquences explicatives 18 10 55,5 % 25 7 303 3,42

Séquences opératives/

explicatives 1 1 100 % 7 1 353 5,17

Séquences d'échanges

interstitiels 12 1 8,33 % 1 33 30,30

Séquences de

conversation informelle 12 2 16,6 % 2 783 2,55

Séquences ND 10 4 40 % 12 4 064 2,95

Séquences opératives/

prescriptives 14 12 85,7 % 56 14 959 3,74

Séquences NC 2 - - - - -

TOTAL 237 143 60,3 % 502 125 268 4,01

Graphique 15 : Prévalences des occurrences (‰) des formes d'atténuation dans chaque type de

séquence du sous-corpus 2

Page 357: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

357

Les prévalences des occurrences des formes d‟atténuation les plus fortes sont celles

des séquences opératives (4,58 ‰) et celles des deux séquences ambivalentes (séquence

descriptive/prescriptive et séquence opérative/explicative). Les prévalences des occurrences

de ces trois types de séquence sont supérieures à la prévalence des occurrences de l‟ensemble

des séquences du sous-corpus 2 comportant au moins une forme d‟atténuation (4,01 ‰).

Ainsi, les analyses montrent que les formes d‟atténuation se manifestent comme un

critère partagé entre trois types de séquence, et comme un critère caractéristique du type

« langage de co-action » dans la mesure où les séquences opératives/explicatives et opératives

appartiennent à ce même type linguistique.

Même si nous observons de nombreuses occurrences dans les séquences descriptives,

celles-ci ne se manifestent que dans 60,9 % de ces types de séquence, et présentent une

prévalence plus faible (3,79 ‰). Nous remarquons que les séquences d'échanges interstitiels

présentent une prévalence particulièrement élevée (30,30 ‰). Toutefois, seulement 8,33 % de

ces séquences sont concernées par une forme d‟atténuation, ce qui ne nous autorise pas à

considérer les formes d‟atténuation comme caractéristiques de ce type de séquence.

Les analyses confirment que les formes d‟atténuation sont caractéristiques de la

séquence opérative. C‟est donc dans le langage réalisant l‟activité que les locuteurs emploient

davantage de formes d‟atténuation, contrairement au langage destiné à parler des activités

(langage expostitif).

4.3.3.1.3.4. Quatrième critère linguistique : présence de la deixis

Nous commençons par présenter l‟analyse qualitative des déictiques, puis nous

procéderons à une analyse quantitative des occurrences de ce critère ainsi que les prévalences

des occurrences dans les divers types de séquence du deuxième sous-corpus.

a. Analyse qualitative des déictiques

Une partie des analyses J. Simonin-Grumbach (1975) effectuée dans la continuité

d‟E. Benveniste (1966) avait démontré une forte présence d‟indices de l‟énonciation dans

certains types de discours. En effet, E. Benveniste, puis J. Simonin-Grumbach ont distingué

Page 358: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

358

des textes relevant du type « discours » et d‟autres relevant du type « histoire »82

et ce à partir,

entre autres, de la mise en relation avec la situation d‟énonciation et par les occurrences de ce

qu‟ils nomment des « shifters ». Le type « discours » est caractérisé par le fait qu‟il y a, dans

les textes, des éléments qui nous mettent en relation avec l‟instant d‟énonciation.

Les marqueurs déictiques ne prennent sens que dans un « ici et maintenant », dans le

cadre de la situation d‟énonciation que J. Simonin-Grumbach appelle « sit£ » (versus

« sitE ») : il s‟agit d‟une situation d‟énoncé où le repérage se fait par le texte lui-même et non

par la présence d‟éléments extralinguistiques (1975 : 87). Nous nous appyons sur ces travaux

pour étudier comment la déixis dans notre corpus se manifeste dans notre corpus.

La présence de déictiques est caractéristique des séquences opératives où dominent

des manipulations puisque, dans l‟activité professionnelle, et plus largement dans les séances

de travail où les collaborateurs construisent un projet, un certain nombre de documents sont

manipulés et retravaillés et donc cités et/ou pointés. Par exemple :

Exemple 53.

« moi moi je serais d‟avis > de faire les modifs tout de suite parce que on va pas d‟abord les marquer là

et puis après les refaire là » (tour de parole 26) (Extrait séquence 16, séance de travail, OF)

Le premier marqueur déictique « là » renvoie aux CV (comme documents papier) et le

second « là » renvoie aux fichiers informatiques. Ces éléments supposent un environnement

partagé.

Exemple 54.

L2 et L3 travaillent conjointement sur l‟harmonisation des CV des formateurs du

centre de formation. Face à l‟ordinateur, elles apportent ensemble des corrections sur les CV.

Dans cet extrait, leur attention se porte sur les numéros de départements à préciser (*N4*).

1. L3 j‟ai supprimé le premier + j‟ai supprimé celui-là déjà + pour pas remettre encore là

2. L2 attends qu‟est-ce que tu as supprimé ?

3. L3 j‟ai supprimé celui-là tu vois

4. L2 d‟accord

5. L3 de manière à laisser celui-là

6. L2 oui mais là tu es pas à *V45* tu es à *S6* donc normalement tu dois le laisser

7. L3 alors on le laisse allez zou {L3 tape à l’ordinateur} + *N4*

8. L2 voilà et après

9. L3 celui-là j‟enlève

10. L2 non celui-là tu le laisses

82

Cf chapitre 1, point 1.2.1.

Page 359: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

359

11. L3 encore mais on l‟a déjà marqué là

12. L2 *V45* non non non on (n‟) est pas *V45* {Rires de L2}

13. L3 oh: (Extrait de la séquence 26, séance de travail, OF)

Les collaborateurs manipulent des documents et sont inévitablement amenés à les

citer, les pointer, ce qui justifie l‟utilisation de déictiques. Nous relevons dans cet extrait

5 occurrences du démonstratif « celui-là » et 2 occurrences du marqueur déictique « là ». Ces

éléments nous renvoient à une situation réelle de travail dans laquelle les agents manipulent

des objets (documents ou autres).

Exemple 55.

1. L5 et vous vous avez pas plein d‟onglets en bas avec groupe qui commence à telle date groupe

à telle date tout ça

2. L2 non

3. L5 non ** je te l‟ai < montré le truc hein

4. L2 oui oui tu me l‟a >

5. L1 d‟accord

6. L5 quinze places et puis euh si tu as pas le quinze tu sais plus où les mettre les gens puisqu‟ils

sont venus sur *** date d‟après donc tu peux plus les mettre dans le date là

7. L3 si *P1* avait fait un truc comme ça sur *V1* avec des onglets nous après nous on utilise

ces deux-là quoi

8. L2 on utilise que celui-là hein

9. L5 ben ouais mais nous on voulait utiliser celui-là elle nous a dit que nous NON c‟était pas

possible < parce qu‟on avait

10. L2 et pourquoi >

11. L5 trop de groupes ou je sais pas quoi

(Extrait séquence 5, réunion des responsables formateurs, OF)

Cet extrait est riche en marqueurs déictiques. Nous repérons à la fois un marqueur de

lieu « en bas » (tour de parole 1) et des marques qui font références à des éléments présents

dans l‟énonciation comme « tout ça » (tour de parole 1) et « comme ça » avec des

démonstratifs (« ces deux-là » et « celui-là »).

Exemple 56.

L3 […] alors où est-ce que j‟ai vu parce que là c‟est pas écrit je l‟ai lu quelque part même que j‟ai

trouvé ça euh lourd le fait de devoir envoyer à l‟issu de chaque module le prestataire transmet le

livrable correspondant au bénéficiaire *** doit être signé par les deux parties la remise du livret

conditionne le début du module suivant mais on doit l‟adresser quand même au conseiller pour +

pour que le conseiller puisse avoir le: le déroulement savoir où il en sont en fait où est-ce que j‟ai

vu ça c‟est pas là

///

L2 dans la partie technique + * technique particulière

(Extrait séquence 6, réunion de réflexion et d‟organisation pour les nouveaux appels d‟offres, OF)

Dans cet extrait, les locuteurs cherchent une information dans un des documents à

partir duquel ils travaillent pour organiser les futures prestations à mettre en place. Les deux

Page 360: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

360

marqueurs déictiques « là » désignent le document qui est d‟ailleurs en partie lu dans cet

extrait (partie soulignée).

À l‟oral, des gestes et des actions accompagnent les échanges qui sont marqués par un

ensemble de marques déictiques qui reflètent la manipulation des objets dans l‟activité.

Lorsque les agents sont en situation de travail, ils voient et manipulent les mêmes éléments.

Ainsi, lorsque l‟un d‟eux dit « celui-là », « c‟est pas là », « on l‟a déjà marqué là », c‟est

précisément la situation d‟énonciation qui leur permet de savoir de quoi il s‟agit et de

comprendre. Les déictiques sont plus récurrents dans les séquences de manipulation d‟objets

que dans des séquences de type expositive, puisqu‟il s‟agit de pointer des éléments, de revenir

dessus pour les expliciter, les modifier et/ou les supprimer.

Par ailleurs, les séances de travail de notre corpus comptent moins de participants

(entre deux et cinq) qu‟une réunion du comité de direction ou une revue de direction où il faut

compter en moyenne entre sept et dix personnes. La manipulation d‟objets ou le pointage

d‟éléments sur une feuille par exemple est donc plus aisé.

b. Analyse quantitative des déictiques dans le deuxième sous-corpus

L‟analyse quantitative nous permet de confirmer le fait que les déictiques utilisés par

les locuteurs sont caractéristiques des séquences opératives. Nous présentons les analyses par

type de séquence pour des séquences de notre deuxième sous-corpus.

CoDir 1, CCI

Tableau 114 : Les manifestations des déictiques par type de séquence dans le CoDir 1 (CCI)

Types de séquence

dans le CoDir 1 (CCI)

Nombre de

séquences dans

la réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les déictiques

Nombre

d’occurrences

des déictiques

Prévalence des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 7 0 0 0 0

Séquences descriptives 31 9 29 % 17 2,51

Séquences prescriptives 14 6 42,8 % 12 1,89

Séquences opératives 4 1 25 % 2 1,19

Séquences explicatives 14 0 0 0 0

Séquences d‟échanges

interstitiels 1 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 72 16 22,2 % 31 2,09

Page 361: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

361

Dans cette réunion, les séquences les plus concernées par les déictiques sont les

séquences prescriptives, puisque 42 % d‟entre elles comptent au moins un déictique et

présentent une prévalence des occurrences de 1,89 ‰. Cependant, la prévalence des

occurrences la plus élevée est celle des séquences descriptives (2,51 ‰). Par ailleurs,

seulement 25 % des séquences opératives présentent des déictiques, avec une prévalence plus

faible (1,19 ‰).

Ainsi, il semblerait que dans ce CoDir, les déictiques soient la caractéristique des

séquences prescriptives, appartenant au même type lingusitique que les séquences opératives.

Réunion interne 1, CCI

Tableau 115 : Les manifestations des déictiques par type de séquence dans la réunion interne 1

(CCI)

Types de séquence

dans la réunion interne 1

(CCI)

Nombre de

séquences dans

la réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

déictiques

Nombre

d’occurrences

des déictiques

Prévalence des

occurrences (‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 9 2 22,2 % 8 8,83

Séquences prescriptives 1 0 0 0 0

Séquences descriptives/

prescriptives 1 0 0 0 0

Séquences opératives 10 0 0 0 0

Séquences explicatives 3 1 33,3 % 2 2,09

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - - -

Séquences de

conversation informelle 1 0 0 0 0

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 26 3 11,5 % 10 5,36

Aucune séquence opérative ne comporte de déictiques. 22,2 % des séquences

descriptives présentent au moins un déictique, avec la prévalence des occurrences la plus

élevée, à savoir 8,83 ‰. 33,3 % des séquences explicatives présentent ce critère, mais avec

une prévalence plus faible (2,09 ‰).

L‟analyse quantitative de cette réunion montre que les déictiques ne sont pas

caractéristiques des séquences opératives comme nous l‟avions constaté dans le sous-corpus

1, mais des séquences descriptives.

Page 362: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

362

CoDir 2, GIS

Parmi les 20 séquences du CoDir, seulement 50 % des séquences prescriptives

comportent des déictiques ; elles présentent une prévalence de 3,22 ‰.

Réunion des responsables formateurs, OF

Tableau 116 : Les manifestations des déictiques dans les séquences de la réunion des responsables

formateurs (OF)

Types de séquence

dans la réunion des

responsables

formateurs (OF)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

déictiques

Nombre

d’occurrences

des déictiques

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 1 0 0 0 0

Séquences descriptives 1 0 0 0 0

Séquences prescriptives 2 1 50 % 3 2,53

Séquences opératives 21 12 57,1 % 153 12,97

Séquences explicatives 1 1 100 % 3 5,66

Séquences

opératives/explicatives 1 0 0 0 0

Séquences d‟échanges

interstitiels 3 0 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 0 - - - -

Séquences ND 1 0 0 0 0

Séquences

opératives/prescriptives 5 2 40 % 11 3,44

TOTAL 36 16 44,4 % 170 9,16

Dans cette réunion, ce sont dans les séquences opératives que le nombre d‟occurrences

des déictiques (153), ainsi que la prévalence des occurrences (12,97 ‰) sont les plus

importants. 57,1 % d‟entre elles comportent au moins un déictique.

Ainsi, les déictiques constituent la caractéristique des séquences opératives de cette

réunion des responsables des formateurs.

Page 363: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

363

Séance de travail, OF

Tableau 117 : Les manifestations des déictiques dans les séquences de la séance de travail (OF)

Types de séquence

dans la séance de

travail (OF)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

déictiques

Nombre

d’occurrences

des déictiques

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 2 1 50 % 1 4,29

Séquences prescriptives 0 - - - -

Séquences opératives 19 15 78,9 % 168 13,14

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 7 1 14,2 % 1 16,13

Séquences de

conversation informelle 3 0 0 0 0

Séquences ND 2 0 0 0 0

Séquences

opératives/prescriptives 3 3 100 % 10 4,33

Séquences NC 2 - - - -

TOTAL 38 20 54,6 % 180 11,70

Les déictiques sont caractéristiques des séquences opératives dans la mesure où

78,9 % de ces séquences comptent au moins un critère, qu‟elles comptent le plus grand

nombre d‟occurrences (168) et que leur prévalence des occurrences est élevée (13,14 ‰).

Cette prévalence est en effet plus importante que celle de l‟ensemble des séquences de la

réunion comprenant au moins un déictique. Toutefois, la prévalence des séquences

d‟échanges interstitiels est plus importante, mais seulement 14,2 % des séquences de ce type

comportent une occurrence du critère.

Ainsi, nous pouvons dire que, dans cette séance de travail, les déictiques sont

caractéristiques des séquences opératives.

Page 364: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

364

Activités langagières au sein du service RH, entreprise de transport

Tableau 118 : Les manifestations des déictiques dans les interactions dans l’open space d’un service

RH (ets de transport)

Types de séquence

dans les interactions

dans l’open space d’un

service RH (ets de

transport)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences

dans lesquelles se

manifestent les

déictiques

Nombre

d’occurrences

des déictiques

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 0 - - - -

Séquences descriptives 1 1 100 % 1 2,79

Séquences prescriptives 1 0 0 0 0

Séquences opératives 7 4 57,1 % 18 10,63

Séquences explicatives 0 - - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 1 1 100 % 1 21,74

Séquences de

conversation informelle 2 1 50 % 4 7,23

Séquences ND 1 0 0 0 0

TOTAL 13 7 53,8 % 24 9,05

Dans les séquences des activités langagières, la prévalence de la séquence d‟échanges

interstitiels est élevée (21,74 ‰). En outre, l‟analyse quantitative met en avant les séquences

opératives, où 57,1 % comptent le plus grand nombre d‟occurrences (18) et présentent une

prévalence des occurrences tout de même élevée, à savoir 10,63 ‰. Cette prévalence est

moins élevée que celle de la séquences d‟échanges interstitiels, mais plus élevée que la

prévalence de l‟ensemble des séquences comportant au moins une occurrence.

Les analyses quantitatives montrent que, dans les échanges au sein du service RH, les

déictiques sont caractéristiques des séquences d‟échanges interstitiels et des séquences

opératives.

Échanges avant la réunion et pendant la pause du CoDir 1, CCI

Parmi les six séquences des échanges qui ont eu lieu avant la réunion et pendant la

pause du CoDir 1, 66,7 % des séquences de conversation informelle présentent au moins un

déictique. Les prévalences des occurrences de ces séquences sont de 5,76 ‰.

Les séquences du CoDir 2 de l‟entreprise de transport, ainsi que les séquences de la

partie de la réunion entre deux organismes de formation à l‟OF ne comportent pas de

déictiques.

Page 365: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

365

c. Conclusion des analyses quantitatives présentant les déictiques

Tableau 119 : Les manifestations des déictiques par type de séquence dans le sous-corpus 2

Types de séquence

dans le sous-corpus 2

Nombre de

séquences

dans le

sous-

corpus 2

Nombre de

séquences

dans lesquelles

se manifestent

les déictiques

Nombre

d’occurrences

des déictiques

Nombre

total de

mots

Prévalence

des

occurrences

(‰)

Séquences encadrantes 9 0 0 0 0 0

Séquences prescriptives 22 9 40,9 % 18 8 419 2,14

Séquences descriptives 64 13 20,3 % 27 8 260 3,27

Séquences opératives 72 32 44,4 % 341 27 954 12,20

Séquences descriptives/

prescriptives 1 0 0 0 0 0

Séquences explicatives 18 2 11,1 % 5 1 488 3,36

Séquences opératives/

explicatives 1 1 100 % 11 1 353 8,13

Séquences de

conversation informelle 12 3 25 % 6 848 7,08

Séquences d'échanges

interstitiels 12 3 25 % 3 133 22,56

Séquences ND 10 0 0 0 0 0

Séquences opératives/

prescriptives 14 8 57,1 % 30 8 116 3,70

Séquences NC 2 - - - - -

TOTAL 237 71 30 % 441 65 576 7,80

Les analyses quantitatives du deuxième sous-corpus confirment les analyses

qualitatives : la présence des déictiques est caractéristique de la séquence opérative. En effet,

nous remarquons dans le tableau ci-après que la prévalence la plus élevée est celle des

séquences opératives. Ces séquences comptent par ailleurs le plus grand nombre

d‟occurrences de déictiques.

4.3.3.1.3.5. Cinquième critère linguistique : omniprésence des écrits professionnels et

leur influence sur les discours

Nous présenterons dans un premier temps une analyse des écrits professionnels, puis

nous exposerons la place de leurs usages dans les séquences de notre deuxième sous-corpus.

Page 366: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

366

a. L’usage des écrits professionnels dans le langage au travail

Les constructions complexes que nous pouvons repérer dans certains discours reflètent

l‟influence de l‟écrit, qui est très présent dans les réunions de travail. En effet, les réunions de

travail sont le lieu d‟interactions qui reposent à la fois sur les modes de l‟oral et de l‟écrit.

Notre transcription met en évidence cette imbrication de l‟oral et de l‟écrit, car nous avons

souligné les parties lues et fait des commentaires sur les diverses manipulations de documents

assez fréquentes (lecture de documents ou courriers, rédaction de tous types, correction de

manuscrits, etc.). Nous avons essayé de différencier les parties du discours relevant de l‟écrit

(comme la lecture) dans le traitement de nos données :

Le risque majeur est de traiter sur le même plan un discours qui prend forme dans un débat et un

discours qui prend forme dans une écriture et de considérer les échanges oraux comme référence unique

de toutes pratiques de discours. (A. Witko, 2001 : 203)

Dans notre corpus, nous relevons des séquences de travail où les locuteurs élaborent

des textes, ce qui nous a conduit à mener une étude sur le processus collaboratif d‟un écrit

(cf point 4.3.3.1.1). Ce travail nous a permis de rendre compte de l‟importante place de la

communication écrite. Les écrits organisent l‟interaction. D‟autres réunions de travail, telles

que les comités direction, s‟appuient dans un premier temps sur un ordre du jour qui fixe au

préalable les points à aborder et les questions, sur des documents préalablement rédigés ; dans

un deuxième temps sur des documents préalablement rédigés de façon autonome par les

participants, qui constituent le support de leur discours et permettent une mise en commun du

contexte. Ces supports sont amenés à être corrigés, voire modifiés, pour une présentation

ultérieure à une instance supérieure. Il nous semble impossible d‟analyser les données orales

sans prendre en compte la dimension écrite largement présente dans le travail et notamment

dans des réunions de direction où les participants travaillent à partir de divers supports tels

que des comptes-rendus, des projets en cours d‟élaboration, des dossiers ou encore des

courriers. Et inversement, il est particulièrement difficile d‟analyser les écrits au travail

indépendamment de l‟oral, les analyses des situations de travail en témoignent. B. Fraenkel

explique d‟ailleurs que « l‟observation des situations montre le chevauchement constant de

l‟oral et de l‟écrit » et présente un « caractère hybride » (2005 [2001] : 123).

En observant notre corpus, nous remarquons une diversité de supports écrits qui

prennent place au sein des activités langagières, ce qui vient confirmer le « caractère

hybride » des réunions de travail développé par B. Fraenkel :

Page 367: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

367

L‟exemple des réunions de travail, si fréquentes en entreprise, présentent aussi ce caractère hybride :

bien qu‟elles soient réservées en principe à l‟échange de paroles, les écrits y sont cependant présents

comme ressources cognitives et communicationnelles et elles s‟achèvent la plupart du temps par la

rédaction d‟un compte-rendu. Enfin les écrits affichés représentent une part importante de

l‟environnement : les tableaux notamment sont à la fois des ressources cognitives, ils permettent de

savoir qui fait quoi, mais ce sont aussi des ressources interactionnelles qui structurent l‟échange de

paroles. (2005 [2001] : 123)

Les réunions de travail s‟appuient sur des supports qui participent à la construction du

sens et nous invitent à nous intéresser à la « matérialité du langage » (B. Fraenkel, Ibid).

M. de Montmollin a travaillé sur des discours publiés, présentés sous forme d‟articles

ou d‟actes. Ces discours portent sur l‟organisation du travail et non sur le travail lui-même. Il

distingue les discours « pour » le travail et les discours « sur » le travail, ces deux types de

discours se différenciant encore des discours « dans » le travail. Selon lui, les discours

« pour » l‟organisation réunissent les textes prescriptifs où sont notées les règles, les

instructions détaillées et dans lesquelles est décidé qui fait quoi, où, comment. Le but de ces

discours « pour » l‟organisation est de déterminer les fonctionnements et les structures, mais

aussi éventuellement de les améliorer. Quant aux discours « sur » l‟organisation, ils

assemblent les enquêtes, les réflexions, etc. c'est-à-dire les discours « qui ne prescrivent rien

mais commentent ce que les autres font, et souvent s‟en désolent. » (2001 : 11). Ces discours

« décrivent les fonctionnements et les structures » (2001 : 18) et ont donc une fonction plus

descriptive.

B. Fraenkel, quant à elle, distingue les écrits destinés au public et ceux à usage interne,

c'est-à-dire les documents non diffusés et non diffusables au grand public. Elle remarque

également, et c‟est sur ce point que nous souhaitons nous attarder, qu‟il existe d‟autres écrits

qui circulent, qui, même s‟ils ne sont pas archivés, ont une grande importance dans le

déroulement des activités de travail. Il s‟agit des brouillons, post it, etc., tous ces petits bouts

de papiers qui marquent la progression des tâches et d‟une activité. Ces écrits qui s‟exécutent

pendant le travail, B. Fraenkel les nomme des « écrits d’action » : « les écrits d‟action qui se

font pendant le travail, qui l‟accompagnent, l‟organisent en assurent la traçabilité

immédiate. » (2005 [2001] : 114). Ces types d‟écrits sont particulièrement présents dans les

réunions internes (ou « séances », « groupe » de travail, selon les terminologies que donnent

les organisations pour désigner les réunions où les participants réalisent un écrit). Nous avons

repéré un certain nombre d‟écrits au travail répondant à des besoins et des buts divers et

variés. Nous pouvons les répertorier dans un tableau.

Page 368: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

368

Tableau 120 : La diversité des supports écrits dans notre corpus

Supports écrits au travail Caractéristiques

Bilan des activités de service

Ces documents sont réalisés individuellement avant la

réunion. Ils subiront des modifications lors de la réunion

avant d‟être envoyés ultérieurement au Bureau. Nous les

retrouvons lors des réunions CoDir.

« Documents trame »83

(comme les « fiches opération »

et « fiches action » utilisées au

sein d‟une réunion interne à la

CCI)

Ils sont présents lors des séances de travail dans le cadre

de l‟élaboration d‟un projet. Ils servent de modèle et

sont à compléter. Il s‟agit d‟écrits d‟actions.

Notes des participants Relève d‟une action individuelle. La prise de notes est

fréquente dans toutes les réunions.

Comptes-rendus de réunions Ces documents seront validés lors des réunions

suivantes, puis archivés.

Courriers

Ils peuvent servir de supports (être lus et discutés lors

des réunions). Ces supports ne sont pas retravaillés et

seront archivés.

Support informatique.

Documents projetés en réunions

à l‟aide d‟un vidéoprojecteur

Ces documents projetés sur le mur servent de supports

pour le suivi d‟une présentation. Ils sont le fruit d‟un

travail individuel, voire collectif dans le cas d‟une

présentation à plusieurs.

Support informatique. Travail de

documents sur ordinateur,

projetés à l‟aide d‟un

vidéoprojecteur.

L‟activité de travail dans les réunions internes peut se

dérouler à partir d‟un support informatique. Les tâches

sont effectuées sur informatique.

Les supports peuvent également être informatiques (comme les diapositives). Les

pratiques d‟écriture diffèrent selon les organisations et le type de leurs activités. Nous

remarquons que chaque support est identifié dans un type de réunion et correspond ainsi à un

type de discours. En effet, les bilans des activités de service, les comptes-rendus et parfois les

courriers sont récurrents dans les comités direction ou dans les premières séquences de

réunions internes pour servir d‟appuis aux réunions, alors que les documents que nous avons

nommés « documents trame » ainsi que les notes des participants sont plutôt présents dans les

réunions internes, où il y a d‟ailleurs peu de participants (moyenne de 4), ce qui permet de se

retrouver autour de documents à manipuler.

L‟existence du cadre écrit préforme le déroulement de l‟activité langagière. Dans le

langage en milieu professionnel, non seulement l‟oral et écrit sont liés, mais ils entretiennent

un lien de complétude :

83

Nous nommons « documents trame » les documents types à compléter qu‟utilisent les participants.

Page 369: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

369

Dans certains milieux professionnels où la communication (dans son acception la plus large) est l‟outil

de travail quasi-absolu, d‟autres formes d‟écrits jouent aussi un rôle fondamental en servant avant tout

de support à l‟oral pour mettre en mots, le plus efficacement possible et sans ambiguïté, les „pratiques

langagières‟ au travail (Boutet, 1995, 2001). (P. Vergely, 2009 : 117)

L‟écrit vient soutenir les interactions langagières. Écrit et oral sont des composants

presque indissociables du travail. Quelques exemples extraits de notre corpus mettent en

lumière cette part d‟écrit au travail :

Exemple 57.

{L5 distribue à chacun un document, celui-ci étant projeté sur le mur à l’aide du vidéo-projecteur.}

L3 […] alors je vous ai euh: remis euh au clair un petit peu les éléments qu‟on qu‟on avait vu hier +

avec euh:: + une première partie qui est qui serait la proposition initiale + telle qu’on pourrait

l’écrire au niveau de la réponse par fax + avec un rappel du prix proposé de 650 je vous rappelle

c‟est ce qu‟on avait mis dans l‟appel d‟offres au départ euh: un nombre d‟heure annuel total

travaillé donc j‟ai repris les différents éléments qui sont demandés au niveau des fax qu’on

retrouve là au niveau du mur (Extrait séquence 2, réunion de groupement 3, OF)

Cet exemple présente des éléments qui expliquent l‟omniprésence des supports écrits

dans la réunion. Tout d‟abord, « une première partie » justifie l‟organisation du texte ; « telle

qu‟on pourrait l‟écrire » prouve la proximité du document présenté avec un document plus

officiel à remettre à une institution supérieure ; « j‟ai repris les différents éléments qui sont

demandés au niveau des fax » montre l‟exigence, dans ce contexte précis (un fax est à

envoyer pour une première réponse aux appels d‟offres), d‟une architecture de document et le

fait que celui qui présenté en est proche. Enfin, « qu‟on retrouve là au niveau du mur » fait

expressément référence au document projeté sur le mur.

Exemple 58.

L5 alors tout ce qui est en vert ce sont des variables qu‟on peut bouger + on peut toucher 75 % les

les dix heures de face à face etc. ce qui est jaune c‟est plutôt des résultats

(Extrait séquence 3, réunion de groupement 3, OF)

Dans cet exemple, les éléments « ce qui est en vert » et « ce qui est en jaune » font

clairement référence à des parties de textes.

Page 370: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

370

Exemple 59.

1. L1 le deuxième point à améliorer concerne l‟urbanisme commercial alors moi j‟ai pas de

définition précise de l‟urbanisme commercial faudra qu‟on=

2. L3 alors

3. L1 =qu‟on redéveloppe ça euh ensemble

4. L3 hum hum

5. L1 euh il y a un manque dans certains types de commerces ainsi que des locaux non occupés

*** de faire l‟objet d‟une réflexion plus vaste sur l‟aide à l‟installation des commerçants

donc là ça nous renvoie à la trans- à la création reprise donc avec *Pp66* + plusieurs

solutions peuvent être envisagées comme cela se fait sur d‟autres territoires une solution et

l‟achat des murs par la collectivité qui relouerait par la suite à des commerçants souhaitant

s‟installer cette solution possède deux atouts elle offre une possibilité moins coûteuse pour

le commerçant souhaitant s‟implanter et cela permet également à la collectivité de gérer les

enseignes qu‟elle souhaite voir s‟implanter sur son territoire enfin la nécessité d‟animer le

centre-ville a été évoquée à travers des opérations commerciales et ludiques régulières /et,

0/ il faut travailler sur la qualité des commerces et donc avec les commerçants + diversifier

l‟offre commerciale une action peut être menée immédiatement action six du contrat de site

dédié aux renforcements des moyens d‟intervention de *Com1* donc euh *Com1* c‟est

euh la structure euh qui fait des prêts d‟honneur < pour l‟installation=

6. L3 hum hum >

7. L1 =des commerçants et donc effectivement il était question d‟augmenter le capital de

*Com1* dans le cadre du du contrat de site + le problème qui est soulevé sur la

communauté de communes *CC1* est le manque de diversité dans l‟offre commerciale

*Com1* a mis en place avec la ville de *V5* un prêt d‟honneur pour inciter plusieurs types

de commerçants à s‟installer la communauté de communes *CC1* devrait donc travailler

avec *Com1* pour envisager une solution adapter à notre territoire donc là on est vraiment

sur euh la la transmission OU la création d‟entreprise par rapport à la diversi- diversité de

l‟offre mais il y a certainement d‟autres pistes

8. L3 oui

9. L1 euh aujourd‟hui c‟est c‟est ça qu‟il faudrait qu‟on voit

10. L3 hum

11. L1 c‟est sans revenir sur ce qui a été dit

12. L2 hum

13. L1 comment est-ce qu‟on peut élargir des horizons pour donner plus de matières plus de <

corps

14. L3 hum >

15. L1 et plus de pertinence au final à au plan d‟action + l‟autre débat porte sur la transformation

de commerce en logements qui diminue ainsi les possibilités d‟installation *V3* la ville de

*V3* propose de vérifier son droit de préemption afin de prévoir un futur usage lors de

sessions de reprises de commerces lors des ateliers de juin une demande de grandes

enseignes avait été soulevée en réponse à cela il y est envisagé de participer au salon des <

de la franchise

16. L3 salon de la > franchise à *V13* non

17. L1 à *V13* en mars + la visite de la communauté de communes *CC1* à ce salon permettrait

de présenter le territoire aux investisseurs potentiels dans la même optique il faudra prendre

contact avec des promoteurs hein dans cette perspective la CCI mère devra réaliser un état

du foncier pour être vendeur de son territoire ainsi qu‟à l‟état des lieux des commerçants

enfin il faut poursuivre les contacts avec les associations de commerçants

18. L3 c‟est très intéressant alors maintenant en relisant tout ça je me dis on a énormément de

pistes un peu en vrac qu‟il faut maintenant remettre dans un bon ordre afin de définir un

véritable plan stratégique

(Extrait séquence 4, réunion interne 1, CCI)

Page 371: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

371

Dans cet extrait, nous avons une importante partie de transcription soulignée qui

correspond à de la lecture de la part d‟un locuteur : L1 reprend ce qui avait été rédigé lors de

la dernière réunion de travail. Il s‟agit pour les collaborateurs de reprendre ce qui avait été

réalisé la fois dernière afin de continuer le travail et éventuellement de corriger cette première

étape rédactionnelle. D‟ailleurs, le dernier énoncé de L3 introduit la prochaine phase de

travail « alors maintenant en relisant tout ça je me dis on a énormément de pistes un peu en

vrac qu‟il faut maintenant remettre dans un bon ordre afin de définir un véritable plan

stratégique ».

Exemple 60.

1. L4 sur donc: l‟aspect tourisme: donc un travail qui va être effectué cette année d‟édition euh de

plaquettes + alors euh première thématique les séminaires euh dans notre beau pays surtout avec une

vision tourisme d‟affaires euh les saveurs de *D1* et les camping-cars donc à chaque fois euh

l‟objectif c‟est de faire un ETAT des lieux de la disponibilité et le diffuser auprès des professionnels

d‟abord dans notre réseau interne bien évidemment et d‟aller les chercher à l‟EXTErieur euh donc

pour ça on s‟appuiera euh c‟est pas forcément euh noter mais c‟est l‟objet de la quatriunième

{sic}quatrième ligne

2. L1 hum hum

3. L4 on s‟appuiera effectivement sur une BASE de données pour définir des cibles de particuliers ou de

tourisme d‟affaires sachant que euh ceci fera l‟objet d‟un débat à l‟intérieur à l‟intérieur de la

commission de tourisme c‟est elle qui choisira quelles sont les cibles et quelle est la prospection que

l‟on pourra effectuer à ce sujet là

4. L1 d‟accord

5. L4 < donc

6. L3 tourisme > d‟affaires c‟est quoi c‟est visites d‟entreprise et cetera

7. L4 voilà tout à fait c‟est surtout euh l‟accueil d‟un certain nombre d‟entreprises ayant déjà un **

endogène < qui existe

8. L3 hum ouais >

9. L4 mais qui n‟ont pas < forcément de structures

10. L3 hum ouais >

11. L4 et donc on sera là pour les aider les orienter puis euh peut-être des entreprises plus périphériques qui

souhaitent également découvrir notre pays

12. L3 hum

13. L1 il a raison *Lp3* parce que quand on marque pour définir des cibles de particuliers aux tourismes

d‟affaires euh or les tourismes d‟affaires si on les intègre dans les adresses on n‟a pas de support

pour eux ah si séminaire(s) < tourisme

14. L3 si tu l- >

15. L1 ah ouais

16. L3 mais ça ça intègre également des délégations euh visiteurs étrangers des choses comme < ça

17. L4 oui oui > oui tout à fait tout à fait + l‟idée étant de démontrer que nous avons des infrastructures

18. L3 < oui

19. L4 qui > sont à même de les accueillir + mais pour ça il faut communiquer autour de ça

20. L3 /hum, oui/

21. L4 donc la démarche c‟est état des lieux

22. L3 hum

23. L4 mise en place de l‟outil diffusion de l‟outil

24. L3 je peux t‟aider moi sur ça

25. L4 ah avec plaisir avec plaisir euh: alors j‟ouvre une parenthèse on a on est allé récupérer ce qui se fait

en *R3* c‟est magnifique c‟est un instrument de travail euh absolument euh c‟est l‟idéal pour nous

c‟est notre objectif si on voulait s‟en inspirer fortement ce serait formidable

26. L1 c‟est c‟est le le le bouquin sur euh: l‟état de l‟offre: en matière de tourisme d‟affaires et cetera

27. L4 tout à fait

(Extrait séquence 6, CoDir 1, CCI)

Page 372: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

372

Chaque locuteur prépare préalablement un document écrit reprenant toutes les

informations qui constitueront leur discours lors de la réunion. Ce document est ensuite

diffusé à l‟ensemble des participants de la réunion qui peuvent ainsi suivre les discours de

chacun. Il constitue de ce fait un support pour tous les interlocuteurs. Deux exemples

illustrent la présence de ce document :

1) Dans tour de parole 11, L4 fait référence, dans son discours, à ce document :

11. L4 […] euh donc pour ça on s‟appuiera euh c’est pas forcément euh noté mais c’est l’objet

de la quatriunième {sic} quatrième ligne

12. L1 hum hum

13. L4 on s‟appuiera effectivement sur une BASE de données pour définir des cibles de particuliers

ou de tourisme d‟affaires sachant que euh ceci fera l‟objet d‟un débat à l‟intérieur à

l‟intérieur de la commission de tourisme c‟est elle qui choisira quelles sont les cibles et

quelle est la prospection que l‟on pourra effectuer à ce sujet là

L4 fait le lien entre son discours et le document que possèdent les participants pour

une parfaite compréhension et un parfait suivi de ce qui est énoncé.

2) Après que L4 a précisé le terme « tourisme d‟affaires » à la demande de L3 (tours de

parole 6 à 12), L1 soutient la remarque de L3 qu‟il met en relation avec ce qu‟a écrit et

dit L4 dans le tour de parole 3.

« on s‟appuiera effectivement sur une BASE de données pour définir des cibles de particuliers ou de

tourisme d‟affaires » (tour de parole 3)

Dans le tour de parole 13, « quand on marque » et la reprise textuelle « pour définir

des cibles de particuliers aux tourismes d‟affaires » font précisément référence à ce que L4 a

écrit sur son document.

« il a raison *Lp3* parce que quand on marque pour définir des cibles de particuliers aux tourismes

d‟affaires euh or les tourismes d‟affaires si on les intègre dans les adresses on n‟a pas de support pour

eux ah si séminaire(s) < tourisme » (tour de parole 13)

Les écrits professionnels occupent une place importante dans les activités de travail.

Les réunions de travail présentent un important enchevêtrement de l‟oral et de l‟écrit. Les

participants viennent avec leurs notes, qu‟ils sont ensuite amenés à lire et à expliquer. S. Pène

explique que l‟oral dans les réunions de travail comporte des règles de l‟écrit :

Quand on assiste à des réunions de travail, on observe en fonction de quels critères l‟expression orale

d‟un responsable d‟étude est louée : il faut parler brièvement, ne pas s‟attarder à des précautions

Page 373: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

373

oratoires, reprendre les éléments de synthèse de l‟étude qu‟on a rédigée, les orienter dans le sens d‟une

aide à la décision : quel problème se posait, quelle solution est préconisée, quelle action est à prévoir,

selon quel calendrier, avec quels moyens ? La démarche rend à manifester d‟abord des résultats massifs,

puis à les remettre en contexte, pour les nuancer, les expliquer. Cette structuration est bien différente de

celles que trouve le continuum verbal spontané. Par la préparation et par la recherche d‟une

ressemblance avec une composition de l‟écrit, elle traque les boucles, les incidences, les piétinements de

la parole. (1995 : 115)

Cet extrait de l‟article de S. Pène met en avant l‟existence d‟un support écrit dans le cadre des

discours expositifs et renforce l‟idée de différenciation entre la structure du discours et des

discours plus spontanés. Les discours des locuteurs semblent donc être influencés par les

écrits professionnels, et d‟une façon plus générale par l‟écrit. Nous avons observé que, dans

ces discours, les énoncés présentent davantage de constructions complexes comptant des

conjonctions, des pronoms relatifs, divers compléments. Les trois exemples suivants illustrent

ce phénomène linguistique :

Exemple 61.

« deuxième opération autour de la carte de fidélité euh et ce dans le prolongement des actions qui ont eu

lieu en n moins un sur *V2* et *V3* » (Séquence 4, CoDir 1, CCI)

Cet énoncé présente un groupe nominal accompagné d‟un complément et coordonné avec « et

ce » suivi d‟une forme bi-nominale introduisant une relative.

Exemple 62.

« puis euh deuxième AXE de travail qui va être important pour nous cette année c‟est euh la mise en

place de la charte de qualité avec un objectif départemental de quatre vingt /*, 0/ dossiers dont je vous

soumets la répartition » (Séquence 4, CoDir 1, CCI)

Cet exemple 62 présente un énoncé-titre articulé à une relative et suivi d‟un présentatif avec

« c‟est » introduisant deux compléments et une relative comprenant également un

complément.

Exemple 63.

« j‟ai mis comme résultat attendu soixante quinze tickets gagnants puisque en fait si on fait le budget à

l‟envers c‟est un peu que ce CE QUE cela nous coûte à travers un certain nombre de repas à gagner

pour *C11* euros » (Séquence 4, CoDir 1, CCI)

Ce troisième exemple présente un syntagme verbal suivi d‟un complément et d‟une

subordination comprenant une proposition conditionnelle.

Par ailleurs, la plupart des verbes ont pour sujet des groupes nominaux. Voici deux exemples :

Page 374: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

374

Exemple 64.

- « ces *C5* euros sont un rapport entre quatre vingt fois cent les *C6* euros sont en fait euh le

budget que la CCI met sur la table pour accompagner les dossiers des commerçants » (L4, séquence 4,

CoDir 1, CCI) ;

Cet exemple présente trois syntagmes nominaux sujets (en gras dans l‟exemple).

- « donc avec une REgle qui est liée euh je dirais à la à la DENSIté de l‟association c'est-à-dire les

GROSSES associations ont budget global de *C4* euros et les plus petites le budget oscille entre

*C9* et *C10* » (L4, séquence 4, CoDir 1, CCI)

Cet exemple présente quatre syntagmes nominaux sujets.

Ces énoncés complexes et organisés portent les caractéristiques d‟un discours qui, sur

les plans syntaxique et lexical, relèveraient plutôt de l‟écrit et sembleraient se rattacher à un

écrit oralisé. Les séquences dans lesquelles nous remarquons une utilisation de constructions

complexes offrant aux locuteurs-auditeurs beaucoup d‟éléments et de précisions, sont des

séquences qui portent l‟empreinte de l‟écrit.

Notre analyse quantitative portera sur l‟usage des supports de travail dans les

situations de travail de notre deuxième sous-corpus.

b. Analyse quantitative portant sur l’usage d’écrits professionnels

Nous avons observé, pour chaque séquence du deuxième sous-corpus, les

manipulations de documents dans les réunions, c'est-à-dire les lectures de documents de tous

types (lettre, rapport, compte-rendu, prise de notes, etc.) et de tous supports (papier ou

numérique), et autres manipulations comme la correction ou la rédaction de documents de

tous types. Dans certaines séquences des réunions, les documents sont présents mais ne sont

pas utilisés ou pointés. Dans les analyses quantitatives suivantes, nous portons notre attention

sur la proportion de séquences (par type) dans lesquelles nous repérons la manifestation

d‟écrits professionnels.

Page 375: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

375

CoDir 1, CCI

Tableau 121 : L’usage des écrits professionnels par type de séquence dans le CoDir 1 (CCI)

Types de séquence

dans le CoDir 1 (CCI)

Nombre de

séquences dans la

réunion

Nombre de séquences dans

lesquelles sont utilisés des écrits

professionnels

Séquences encadrantes 7 2 28,5 %

Séquences descriptives 31 12 38,7 %

Séquences prescriptives 14 8 57,1 %

Séquences opératives 4 3 75 %

Séquences explicatives 14 1 7,1 %

Séquences d‟échanges interstitiels 1 0 0

Séquences de conversation informelle 0 - -

Séquences ND 1 0 0

TOTAL 72 26 36,1 %

L‟analyse quantitative des manipulations de documents au sein de cette réunion

montre que les séquences qui en sont le plus caractéristique sont les séquences opératives. En

effet, 75 % d‟entre elles sont marquées par l‟utilisation d‟un écrit professionnel.

CoDir 2, entreprise de transport

Dans cette réunion, que nous avons découpée en 16 séquences (10 séquences

descriptives, 4 opératives, 1 opérative/prescriptive et 1 ND), seulement une séquence

descriptive est marquée par la manipulation d‟un écrit professionnel, soit 6,2 % des séquences

de la réunion et 10 % des séquences descriptives.

CoDir 2, GIS

Tableau 122 : L’usage des écrits professionnels dans les séquences dans le CoDir 2 (GIS)

Types de séquence

dans le CoDir 2 (GIS)

Nombre de

séquences type

dans la réunion

Nombre de séquences dans

lesquelles sont utilisés des écrits

professionnels

Séquences encadrantes 1 0 0

Séquences descriptives 9 2 22,2 %

Séquences prescriptives 2 1 50 %

Séquences opératives 1 0 0

Séquences explicatives 0 - -

Séquences d‟échanges interstitiels 0 - -

Séquences de conversation informelle 1 0 0

Séquences ND 1 0 0

Séquences opératives/prescriptives 5 0 0

TOTAL 20 3 15 %

Page 376: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

376

Les manipulations de documents au sein de cette réunion sont assez peu fréquentes

puisque 3 séquences seulement sont marquées par des manipulations de documents, ce qui

représente 15 % de la réunion. Nous remarquons que la séquence prescriptive est la plus

représentative de cette caractéristique.

Réunion interne 1, CCI

Tableau 123 : L’usage des écrits professionnels par type de séquence dans la réunion interne 1

(CCI)

Types de séquence

dans la réunion interne 1

(CCI)

Nombre de

séquences dans la

réunion

Nombre de séquences dans

lesquelles sont utilisés des écrits

professionnels

Séquences encadrantes 0 - -

Séquences descriptives 9 5 55,5 %

Séquences prescriptives 1 0 0

Séquences descriptives/ prescriptives 1 0 0

Séquences opératives 10 2 20 %

Séquences explicatives 3 1 33,3 %

Séquences d‟échanges interstitiels 0 - -

Séquences de conversation informelle 1 0 0

Séquences ND 1 0 0

TOTAL 26 8 30,7 %

L‟analyse quantitative des manipulations de documents au sein de cette réunion

montre que les séquences qui en sont le plus caractéristique sont les séquences descriptives

puisque plus de 55 % d‟entre elles sont marquées par la manipulation d‟un ou plusieurs

écrit(s) professionnel(s).

Réunion des responsables formateurs, OF

Tableau 124 : L’usage des écrits professionnels dans les séquences de la réunion des responsables

formateurs (OF)

Types de séquence

dans la réunion des responsables

formateurs (OF)

Nombre de

séquences dans la

réunion

Nombre de séquences dans

lesquelles sont utilisés des écrits

professionnels

Séquences encadrantes 1 0 0

Séquences descriptives 1 1 100 %

Séquences prescriptives 2 2 100 %

Séquences opératives 21 13 61,9 %

Séquences explicatives 1 1 100 %

Séquences opératives/explicatives 1 1 100 %

Séquences d‟échanges interstitiels 3 0 0

Séquences de conversation informelle 0 - -

Séquences ND 1 0 0

Séquences opératives/prescriptives 5 5 100 %

TOTAL 36 23 63,9 %

Page 377: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

377

La réunion est particulièrement marquée par des manipulations de documents, puisque

nous observons l‟usage de documents dans 63,9 % des séquences de la réunion, parmi

lesquelles 100 % des séquences descriptives, explicatives, prescriptives,

opératives/prescriptives et opératives/explicatives, mais également 61,9 % des séquences

opératives, type dominant dans la réunion.

Les écrits professionnels, nous remarquons qu‟ils sont davantage présents dans les

séquences du type linguistique ND (comprenant les séquences opératives/prescriptives), puis

le type linguistique « langage expositif ».

La séance de travail, OF

Tableau 125 : L’usage des écrits professionnels dans les séquences de la séance de travail (OF)

Types de séquence

dans la séance de travail (OF)

Nombre de

séquences dans la

réunion

Nombre de séquences dans

lesquelles sont utilisés des écrits

professionnels

Séquences encadrantes 0 - -

Séquences descriptives 2 1 50 %

Séquences prescriptives 0 - -

Séquences opératives 19 17 86,5 %

Séquences explicatives 0 - -

Séquences d‟échanges interstitiels 7 1 14,3 %

Séquences de conversation informelle 3 1 33,3 %

Séquences ND 2 0 0

Séquences opératives/prescriptives 3 3 100 %

Séquences NC 2 - -

TOTAL 38 23 60,5 %

La réunion est marquée par des manipulations de documents, puisque nous observons

l‟usage de documents dans plus de 60 % des séquences. Parmi ces séquences, 100 % des

séquences opératives/prescriptives sont marquées par l‟usage d‟écrits professionnels, suivies

de 86,5 % des séquences opératives. Nous pouvons considérer ces deux types de séquence

comme étant caractérisés par les écrits professionnels.

Page 378: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

378

Les activités langagières au sein du service RH, entreprise de transport

Tableau 126 : L’usage des écrits professionnels dans les interactions dans l’open space d’un service

RH (ets de transport)

Types de séquence

dans les interactions dans l’open

space d’un service RH (ets de

transport)

Nombre de

séquences dans la

réunion

Nombre de séquences dans

lesquelles sont utilisés des écrits

professionnels

Séquences encadrantes 0 - -

Séquences descriptives 1 1 100 %

Séquences prescriptives 1 0 0

Séquences opératives 7 4 57,1 %

Séquences explicatives 0 - -

Séquences d‟échanges interstitiels 1 0 0

Séquences de conversation informelle 2 0 0

Séquences ND 1 0 0

TOTAL 13 5 38,4 %

L‟analyse quantitative des manipulations de documents au sein des interactions dans

l‟open space d‟un service RH met en évidence les séquences descriptives et opératives. La

seule séquence descriptive est marquée par l‟usage d‟écrits professionnels ainsi que 57,1 %

des séquences opératives.

Les séquences de la première partie de la réunion entre deux organismes de formation

à l‟OF ainsi que les séquences de la conversation à l‟OF ne comportent aucun écrit

professionnel.

c. Conclusion des analyses quantitatives portant sur l’usage d’écrits

professionnels

Tableau 127 : L’usage des écrits professionnels par type de séquence dans le sous-corpus 2

Types de séquence

dans le sous-corpus 2

Nombre de

séquences dans le

sous-corpus 2

Nombre de séquences dans

lesquelles sont utilisés des écrits

professionnels

Séquences encadrantes 9 2 22,2 %

Séquences descriptives 64 23 35,9 %

Séquences prescriptives 22 11 50 %

Séquences descriptives/prescriptives 1 0 0

Séquences opératives 72 39 54,2 %

Séquences explicatives 18 3 16,7 %

Séquences opératives/explicatives 1 1 100 %

Séquences d'échanges interstitiels 12 1 8,3 %

Séquences de conversation

informelle 12 2 16,7 %

Séquences ND 10 0 0

Séquences opératives/prescriptives 14 8 57,1 %

Séquences NC 2 - -

TOTAL 237 90 38 %

Page 379: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

379

Les séquences les plus marquées par l‟usage d‟écrits professionnelles sont deux types

de séquence que nous avions identifiés après coup, lors des premières analyses quantitatives

du sous-corpus 2. Parmi les types de séquence déterminée lors de l‟analyse qualitative du

sous-corpus 1, les analyses confirment le fait que les écrits professionnels sont

caractéristiques des séquences opératives, puisque plus de 54 % d‟entre elles sont marquées

par l‟usage de ces écrits.

4.3.3.1.3.6. Un critère transversal : le fort degré d’interactivité

Nous présenterons dans un premier temps le degré d‟interactivité, puis nous

procéderons à l‟analyse quantitative de ce critère dans les diverses séquences de notre

deuxième sous-corpus.

a. Analyse qualitative du degré d’interactivité

Les séquences appartenant à des séquences relatives au type linguistique « langage de

co-action » peuvent laisser une impression de tours de parole chaotiques. Lors d‟un travail

d‟élaboration, les tours de parole ne sont pas toujours régulés. Chacun fait des propositions

dans le but de construire quelque chose et laisse place à des discours plus interactifs que dans

les séquences descriptives. Nous nous approchons ainsi des conversations et reprenons ce

qu‟explique E. A.Schegloff :

For the student of talk in interaction, discours (still minimally defined as a spate of talk composed of

more than one sentence or other fundamental unit) is more usefully treated as one type of production in

conevrsation (on other speech-exchange situation). (1982 : 71)

La nature des prises de parole et les chevauchements conduisent à un rapprochement

entre certains discours et la conversation, considérée comme une sorte de prototype en ce qui

concerne le degré élevé d‟interactivité. Quelques exemples extraits de notre corpus illustrent

ce fort degré d‟interactivité :

Page 380: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

380

Exemple 65.

22. L2 et et pourquoi on on > devrait marquer plus tu vois parce que là ça fait pas très technique <

accompagnement=

23. L3 ouais alors >

24. L2 =objectif projet objectif emploi

{Début : L3 écrit à l’ordinateur}

25. L2 accompagnement prestations ANPE objectif

26. L3 donc accompagnement de prestations

27. L2 ANPE

28. L3 objectif projet

29. L2 objectif emploi

30. L3 je suis un peu fâchée avec les majuscules

31. L2 toujours aussi moi on perd un temps fou avec ça

32. L3 objectif emploi voilà {Fin : L3 écrit à l’ordinateur} accompagnement de prestations

{L3 écrit à l’ordinateur} < ANPE

33. L2 ANPE >

34. L3 objectif projet objectif emploi responsable d‟une formation qualifiante dans les métiers de

*DA1* sur le bassin de *V34*

35. L2 et d‟une action organisation sur l‟emploi sur le secteur de *V36* suivi pédagogique

professionnel administratif

{Début : L3 écrit à l’ordinateur}

36. L2 < bon après

37. L3 faut le valoriser > attends attends attends faut réorganiser ça

(Extrait séquence 22, séance de travail, OF)

Cet extrait nous montre que, dans le cadre d‟un travail collaboratif, les énoncés sont

fréquemment chevauchés, mais ils sont aussi plus courts que dans les discours expositifs dans

les réunions CoDir par exemple.

Exemple 66.

36. L7 bon là on dirait que ça commence à coincer là

37. L1 on va décider quoi < de de

38. L7 oui alors > pourquoi il y a on (n‟)utilise pas le même < **

39. L3 parce que > les onglets c‟est vrai mais quand les gens sont pas rentrés faut repartir dans <

l‟onglet euh

40. L5 ben voilà tu vois >

41. L3 qui qui < correspond

42. L5 elle avait fait > un onglet en fait < par rapport

43. L1 est-ce qu‟il est simple < est-ce qu‟il est /simple, bien/ d‟utilisation

{Échanges entre L6 et L2} >

44. L3 celui-là il est simple > < celui-là il est simple

45. LX il est très < bien >

46. LX tout > sur la même page < c‟est bien

47. L5 et là > tu les mets à la suite et t‟as tout < ***

48. L2 moi je les mets à la < suite >

49. L3 voilà >

50. L2 je mets < la situation ça fait comme un tableau de bord quoi

51. L3 c‟est vrai que *P1* avait fait des onglets par info- >

52. LX < infos col.

53. L3 < par groupe >

54. LX voilà exactement > < ***

55. L3 par exemple > il y a un groupe de trente heures elle va mettre elle va dire celui-là il est

rentré ça fait qu‟il va rester un un nombre de gens et si on s‟en rappelle plus ne on va

décliquer dans < l‟onglet pour ***

56. L5 ben oui tu vois quoi >

(Extrait séquence 5, réunion des responsables formateurs, OF)

Page 381: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

381

Cet extrait présente un grand nombre de chevauchements : 14 chevauchements sur

21 tours de parole. Il nous est même parfois difficile de repérer quels sont les locuteurs (nous

avons dû nommer certains locuteurs non-identifiés « LX »).

Exemple 67.

1. L3 alors en matière > de bûchettes c‟est ce que je disais tout à l‟heure bon la bûchette quand

c‟est une bûchette complète c‟est une bûche là je dis ça c‟est anecdotique {Rires de L2} et

donc si ça foire c‟est une embûche et: si ça marche là /0, */

2. L2 exact

3. L3 et conclusion ça embûche un coin mais:

{Rires de L2}

+

(Séquence 2, CoDir 1, CCI)

Dans ces exemples, les tours de parole ne sont pas distribués par un leader. Il s‟agit de

conversations entre collègues, des échanges sans lien direct avec le travail. Les locuteurs

échangent sur des sujets plus personnels.

Il est important de signaler que nous retrouvons ce critère dans les séquences de type

« langage péri-professionnel »84

où s‟instaure une dynamique qui tend à l‟informel. Il s‟agit

de conversations se situant donc en dehors des tâches de travail. Les échanges, entre au moins

deux locuteurs, portent sur des sujets qui ne constituent pas une présentation formelle de leur

travail à leurs collègues et supérieur(s) hiérarchique(s), et qui ne partagent pas la fonction de

travail (élaboration de quelque chose). Ces séquences, telles que nous les avons repérées, sont

des conversations se situant en dehors des tâches de travail.

b. Analyse quantitative du degré d’interactivité

Afin d‟effectuer une analyse quantitative du degré d‟interactivité, nous analyserons la

quotité de chevauchements dans les séquences par rapport au nombre de tours de parole,

comme nous l‟avons fait pour l‟analyse quantitative des énonciations conjointes. Ainsi, les

calculs des prévalences s‟effectueront en fonction du nombre de tours de parole et non du

nombre de mots.

84

Voir analyses dans la partie 4.4.

Page 382: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

382

Tableau 128 : Les manifestations des chevauchements dans chaque type de séquence du sous-corpus 2

Type

linguistique

Types de

séquence

Nombre de

séquences dans

le sous-corpus 2

Nombre de séquences dans

lesquelles se réalisent des

chevauchements

Nombre de

chevauchements

Nombre total

de tours de

parole

Prévalences des

chevauchements

(%)

Langage

expositif

Descriptives 64 57 89 % 466 2 387 19,52

Prescriptives 22 21 95,4 % 261 1 157 22,56

Encadrantes 9 3 33,3 % 3 17 17,65

Descriptives/

Prescriptives 1 1 100 % 5 31 16,13

Langage de

co-action

Opératives 72 68 94,4 % 1 515 5 659 26,77

Explicatives 18 17 94,4 % 153 657 23,29

Opératives/

Explicatives 1 1 100 % 71 200 35,50

Langage péri-

professionnel

Conversation

Informelle 12 5 41,7 % 16 127 12,60

Échanges

Interstitiels 12 9 75 % 20 135 14,81

Type

linguistique

ND

Opératives/

Prescriptives 14 14 100 % 467 1 524 30,64

ND 10 7 70 % 76 355 21,41

Séquences NC 2 - - - - -

TOTAL 237 203 85,6 % 3 053 12 249 24,92

Page 383: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

383

Les prévalences les plus élevées sont celles des séquences opératives/explicatives

(35,50 ‰) et opérative/prescriptives (30,64 ‰), opératives (26,77 ‰) et explicatives

(23,29 ‰) dont la prévalence est tout de même inférieur à celle du sous-corpus 2. Ce sont ces

mêmes types de séquence, englobant avec elles les séquences prescriptives, qui ont le plus de

séquences comprenant des chevauchements.

Les analyses quantitatives des chevauchements confirment donc les analyses

qualitatives et nous permettent de dire que, dans notre sous-corpus 2, les séquences opératives

(comprenant les séquences opératives/prescriptives et opératives/explicatives) sont celles qui

portent le degré d‟interactivité le plus fort.

Trois degrés d‟interactivité se dégagent dans le deuxième sous-corpus :

- un degré faible dans les séquences du type linguistique « langage péri-

professionnel » ;

- un degré relatif dans les séquences du type linguistique « langage expositif » ;

- un degré élevé dans les séquences du type linguistique « langage de co-action ».

4.3.3.2. La séquence explicative

Nous procéderons à l‟analyse qualitative des phases de la séquence explicative qui se

présente comme le critère déterminant de ce type de séquence, nous poursuivrons par

l‟analyse de 3 séquences explicatives.

4.3.3.2.1. Critère principal de la séquence explicative : les phases

L‟objet de la séquence explicative est la recherche collective d‟une explication. Elle se

structure en plusieurs niveaux que nous nommons « phases ». L‟explication intervient lors

d‟un problème avant ou lors de l‟accomplissement de la tâche. Les collaborateurs s‟arrêtent

un moment pour dénouer une difficulté de compréhension. Les explications sont apportées

par un ou plusieurs locuteur(s) prenant la parole pour expliquer le calcul des prospectives

budgétaires. L‟explication est bien souvent construite collectivement.

Page 384: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

384

J.-B. Grize a démontré que l‟explication possédait une structure spécifique (1981,

1990). J.-M. Adam s‟est appuyé sur ces travaux (1992 : 132) :

Pour J.-B. Grize, « la structure générale d‟une séquence explicative » (1990 : 107) est la suivante : un

premier opérateur (POURQUOI) fait passer d‟une schématisation S-i, qui présente un objet complexe

(O-i), à une schématisation S-q, qui fait problème (objet problématique O-q), puis un second opérateur

(PARCE QUE) permet de passer de S-q à une schématisation explicative S-e (O-e). La séquence

explicative de Grize est la suivante :

S-i S-q S-e

(O-i) (O-q) (O-e)

Situation initiale Problématisation Situation Explicative85

Comme le précise D. Coltier, l‟explication se décompose en trois moments :

Une phase de questionnement, une phase résolutive et une phase conclusive. Bien entendu, ces trois

moments du T.E. (texte explicatif) n‟apparaissent pas nécessairement, ni dans cet ordre, et la phase de

questionnement ne contient pas obligatoirement une interrogative indirecte. (1986 : 8)

Nous utiliserons les terminologies et concepts de phases proposés par J.B. Grize

(1990) et D. Coltier (1986) pour effectuer l‟analyse de nos séquences explicatives.

Afin d‟exemplifier l‟organisation des phases dans une séquence, nous proposerons

d‟analyser la séquence 3 du C.A. au sein de l‟organisme de formation, où nous reprendrons

cette schématisation de J.-B. Grize, validée par J.-M. Adam, et nous nous appuyerons sur les

phases déterminées par D. Coltier.

85

Nous avons ajouté les éléments sous les schémas.

Page 385: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

385

Séquence 3, CA, Organisme de Formation

L5 parce que quand on atteignait ***

à l‟époque on était:

L3 hum hum

L5 c‟était déjà une bonne année

{Rires de L5}

L3 oh la vache c‟est impressionnant

L5 oui < c‟est plus ***

L5 c‟est pour ça se passe pas non

plus sans sans mailles hein

1. L1 bon on passe à autre

chose

2. L4 bon on peut passer aux

perspectives 2008 on va

passer aux perspectives

2008

3. L4 {s’adresse à L1} c‟est lié ? >

4. L1 en terme d‟activité < ouais

5. L4 en > terme d‟activité oui

+

6. L4 c‟est pour toi

7. L1 c‟est pour euh nous

8. L4 c‟est pour vous

9. L1 perspectives 2008

10. L4 perspectives 2008 + en terme d‟activités

+

11. L6 surtout pas le plein=N=emploi

+

12. L1 non on a un

{Rires de L2}

13. L1 toute toute l‟activité de de: bon

14. L2 c‟est pas < demain la veille

15. L3 non justement > c‟est ça que je te dis moi + ben si hein + parce qu‟avec

le: il va y avoir l‟ANPE

16. L1 là on va::

17. L3 tu peux hein

18. L1 perspectives 2008 on va essayer de jouer la prudence euh et de tabler

sur un:: comment sur une baisse < hein

19. L5 hum >

20. L1 on va essayer de l‟établir à *C18* ou *C19* je sais plus < ce qu‟on a

dit

21. L5 voilà ouais >

22. L3 ah ouais

23. L5 *C19* on va on on va oui on va tourner vers les eaux là quoi

24. L2 prudence

25. L5 prudence

26. L3 c‟est par prudence ou parce que c‟est

27. L5 c‟est c:‟est par prudence euh

28. L3 hum

29. L5 parce que:

30. L2 ben on sait pas ce qui va se passer avec < l‟ANPE ASSEDIC=

31. L5 voilà c‟est ça >

32. L2 =et tout ça < les décisions=

33. L5 c‟est ça >

34. L4 ouais les décisions ministérielles

35. L2 =ministérielles euh il faut

36. L4 ***

+

37. L2 < c‟est

38. L1 encore moi c‟est pas trop les > décisions < ministérielles sur les

39. L6 non c‟est pas ça >

40. L1 parce que les les < MONTANTS

41. L7 il s‟agit > bien des perspectives il s‟agit pas: d‟un objectif euh + je je je

comprends pas là

42. L2 non mais quand < {Début : échanges parallèles inaudibles} tu fais

quand tu fais un bud- un budget prévisionnel euh si tu le fais élevé

{Fin : échanges parallèles inaudibles} et puis que tu fonces < dans tes

dépenses comme ça

43. L5 ben voilà hein >

44. L2 à l‟arrivée de la fin de l‟année euh tu boucles pas ton budget

45. L5 voilà < donc euh

46. L2 c‟est ça le > problème tu comprends vaut mieux être prudent puis

réaliser plus

47. L1 puis les < éléments

48. L5 de toute façon les > les budgets on les a toujours faits avec prudence et

jusque maintenant ben: euh < on s‟est jamais planté sur ***

49. L2 tu comprends en limitant ton budget tu as le le premier point achat > tu

tu le freines en début d‟année + ça veut dire ça au lieu de le laisser

partir

50. L7 2006 on prévoit pour les perspectives 2007 un prévisionnel de *C8* et

quelques

51. L2 hum

52. L4 hum hum

53. L7 ça c‟est les faits

Page 386: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

394

54. L5 parce qu‟on avait les éléments pour le faire

55. LX hum

56. L5 dans ce sens-là on savait que de toute façon < on en serait pas loin

57. L2 aujourd‟hui on sait pas >

58. L5 aujourd‟hui on sait pas

+

59. L1 tu oublies l‟appel d‟offres ANPE dans ta *

60. L5 voilà

61. L1 on peut tout perdre hein

+

62. L1 < c‟est pas une euh:

63. L7 ah non mais > je sais moi c‟est c‟est c‟est des questions hein < c'est-à-

dire que LA

64. L1 c‟est::

65. L2 voilà >

66. L7 2007 /*, 0/ 2008 + bon on on prévoit euh *C19*

67. L1 par < prudence

68. L7 au lieu de: >

69. L2 voilà < par prudence

70. L7 de *C15* et > QUELQUES

71. L2 oui

72. L7 ça veut dire il y a il y a pour moi il y a il y a il y a un recul en arrière

quoi

73. LX ben

74. L7 et < qu‟est-ce qu‟on maîtrise

75. L2 non

76. LX non non >

77. L7 qu‟est-ce qu‟on maîtrise pas < ***

78. L1 l‟ANPE > ben c‟est c‟est < tu maîtrises la moitié du du

79. L5 l‟ANPE c‟est cin- c‟est cinquante > pourcent du: du chiffre d‟affaires <

quand même hein

80. L1 il y a plusieurs hypothèses > il y a un appel d‟offres qui est lancé là sur

< lequel on a bossé qui modifie complé-

81. L2 ouais + et ils vont les changer >

82. L1 voilà complètement la la donne actuelle tu sais ce qu‟on a maintenant

ce sera plus du tout on avait une habilitation régionale pour trois ans là

ça sera plus le cas ils vont faire des LOTS

83. L2 hum

84. L1 d‟accord des lots par bassins il y aura euh enfin bon plein de lots

d‟accord euh il y a moins de prestations elles sont regroupées euh et sur

UN LOT ils habiliteront UN organisme

85. L2 ouais

86. L1 peut-être deux peut-être trois d‟accord donc tu es pris ou tu es pas pris

et on connaît les critères d‟attribution c‟est le prix c‟est euh bon on va

se battre pour avoir les meilleurs dossiers possibles mais donc

IMAGInons euh: c‟est là qu‟il faut être bon ça rentrera en vigueur à

partir du premier mai 2008 ça donc on sait qu‟on a quasiment quatre

mois d‟acquis donc ça fait < partie

87. L5 voilà >

88. L1 de notre euh: de nos calculs

89. L6 admettons il y a: > il y a une dizaine de lots on est retenu sur deux < par

exemple

90. L2 et puis > ils vont obliger des organismes à travailler < ensemble

91. L1 ensemble >

92. L5 oui

93. L1 bon ça on l‟a déjà anticipé < *** vous en parler

94. L2 < mettre les compétences ensemble comme on a pu le faire sur *R4*

95. L5 *** >

96. L1 voilà ben ça voilà euh donc < euh: voilà

97. L2 je l‟ai vu sur internet tout ça > j‟ai été fouiller {sic} un peu

98. L1 voilà donc euh:

99. L2 et ben si

100. L1 prudence quand même on < alors

101. L3 oui mais > qui c‟est

102. L2 tu vas sur < le site de l‟ANPE hein ils t- ils t‟expliquent tout ça

{Échanges inaudibles} >

103. L1 donc + prudence parce que euh:: + il y a il y a *R4* aussi *R4* euh je

sincèrement moi je PENSE qu‟on aura euh qu‟on va décrocher des des

choses nouvelles en *R4* en *R3* il faut être réaliste on même si on

était habilité sur tout ce qu‟on devait avoir on pourra DIFFIcilement

faire mieux parce qu‟on a: on a beaucoup il faut être réaliste quoi on est

le premier opérateu- donc en *R3* on pourra difficilement faire mieux

euh on pourra faire mieux en *R4* ça j‟en suis convaincue bon < voilà

Page 387: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

387

De la séquence 3 issue du Conseil d‟Administration de l‟organisme de formation, nous

faisons l‟analyse suivante.

Dans cette séquence, L1 présente les perspectives de l‟année 2008. Pour cela, il utilise

de nombreuses formes du type « on va + infinitif » (« on va essayer de jouer la prudence euh

et de tabler sur un:: comment sur une baisse », énoncé 18 ; « on va essayer de l‟établir à

*C18* ou *C19* », énoncé 20). L‟usage du « on » ainsi que l‟emploi du futur donne une

tonalité d‟annonce sur la situation à venir.

Au fil de cette séquence, L7 (formateur et représentant syndical) fait part de son

incompréhension face aux perspectives annoncées pour l‟année à venir par le directeur L1, ce

qui entraîne plusieurs situations explicatives. Cette séquence présente donc une part

importante de justifications et d‟explications (par L1, L4 et L5) de la décision de la direction.

Les interactions de cette séquence se construisent à partir des remarques, des interrogations et

des questions de L7.

Un schéma reprend les trois problématisations de L7 suivies des situations explicatives

que nous détaillerons et analyserons par la suite :

Schéma 10 : Les problématisations et situations explicatives dans la séquence 3 du CA (organisme

de formation)

1) Première problématisation de L7 :

1) Première problématisation de L7

La première problématisation est constituée d‟une phase de questionnement (a), d‟une

phase résolutive (b) et d‟une phase conclusive (c).

a. Phase de questionnement :

L7 fait part de son incompréhension : « il s‟agit > bien des perspectives il s‟agit pas:

d‟un objectif euh + je je je comprends pas là » (tour de parole 41)

Page 388: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

388

L7 insiste sur la différence, l‟opposition des deux lexèmes « perspectives » et

« objectifs » qui sont au centre du point énoncé et qui lui posent un problème. Après une

pause, L7 verbalise alors son incompréhension dans « je je je comprends pas là » qui agit

comme l‟opérateur (POURQUOI) de J.-B. Grize (1981), indirecte dans ce cas précis. Il s‟agit

d‟une demande indirecte d‟explication.

b. Phase résolutive :

L2 et L5 initient ensemble une explication, ce qui engendre situation explicative

correspondant à la phase résolutive de D. Coltier (1986) :

50. L7 il s‟agit > bien des perspectives il s‟agit pas: d‟un objectif euh + je je je comprends pas là

51. L2 non mais quand < {Début : échanges parallèles inaudibles} tu fais quand tu fais un bud-

un budget prévisionnel euh si tu le fais élevé {Fin : échanges parallèles inaudibles} et

puis que tu fonces < dans tes dépenses comme ça

52. L5 ben voilà hein >

53. L2 à l‟arrivée de la fin de l‟année euh tu boucles pas ton budget

54. L5 voilà < donc euh

55. L2 c‟est ça le > problème tu comprends vaut mieux être prudent puis réaliser plus

56. L1 puis les < éléments

57. L5 de toute façon les > les budgets on les a toujours faits avec prudence et jusque maintenant

ben: euh < on s‟est jamais planté sur ***

58. L2 tu comprends en limitant ton budget tu as le le premier point achat > tu tu le freines en

début d‟année + ça veut dire ça au lieu de le laisser partir

Dans le tour de parole 47, « c‟est ça le problème » souligne l‟aspect problématique, et

la proposition « vaut mieux prudent puis réaliser plus » présente une sorte d‟injonction dans le

but de répondre à la problématique, de se justifier et de convaincre ainsi L7.

L2 éclaircit le point que L7 ne comprend pas et pour cela, il emploie le pronom sujet

« tu ». Dans le cadre d‟une explication, cet emploi porte une valeur spécifique ; ce « tu » porte

une valeur de « on » et peut renvoyer à l‟emploi du déictique « on ». Le fait d‟utiliser le « tu »

permet d‟interpeller davantage l‟interlocuteur. Le pronom « tu » (et parfois le pronom

« vous » de politesse) ne désigne pas l‟allocutaire. Il s‟agit d‟une stratégie de mise en place

opérant une séparation d‟avec la situation d‟énonciation. Cet emploi permet d‟établir une

complicité avec le collaborateur dans la construction d‟une situation imaginaire. C. Kerbrat-

Orecchioni parle d‟un « énallage de personne » (1980 : 71). Cet emploi est également justifié

par le fait que les locuteurs se connaissent bien et travaillent ensemble depuis plusieurs

années. Ce pronom-sujet accompagne des verbes d‟action tels que « faire », « foncer »,

« boucler », « freiner » :

Page 389: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

389

« tu fais quand tu fais un bud- un budget prévisionnel euh si tu le fais élevé […] et puis que tu fonces <

dans tes dépenses comme ça […] à l‟arrivée de la fin de l‟année euh tu boucles pas ton budget […] en

limitant ton budget tu as le le premier point achat > tu tu le freines en début d‟année » (tours de parole

42 à 49)

Le discours de L2 est marqué par la présence d‟ « organisateurs temporel » au sens de

J.-M. Adam et F. Revaz (1989). « Quand », « et puis », « à l‟arrivée » marquent une

succession d‟actions et aident le locuteur à structurer et ordonner le discours. J.-M. Adam et

F. Revaz considèrent ces organisateurs comme des caractéristiques du texte descriptif en

mettant en avant l‟hypothèse selon laquelle la ponctuation et les connecteurs jouent un rôle

essentiel dans l‟organisation sémantico-pragmatique du discours. Nos analyses montrent que

les organisateurs utilisés dans le discours d‟une séquence explicative jouent ce même rôle

d‟organisation sémantico-pragmatique du discours.

L‟explication de L2 est appuyée par L5 : « ben voilà hein » (tour de parole 44) et

« voilà donc euh » (tour de parole 46). L5 ajoute une constatation introduite par « de toute

façon » à valeur de conclusion :

« de toute façon les > les budgets on les a toujours faits avec prudence et jusque maintenant ben: euh <

on s‟est jamais planté » (tour de parole 48)

L5 justifie les choix qui ont été faits lors de la rédaction des prospectives en se référant à

l‟expérience collective à l‟aide de l‟adverbe « toujours » et de la proposition « on s‟est jamais

planté » où le pronom-sujet employé renvoie à l‟organisme.

Certains marqueurs soulignent les mouvements argumentatifs. Par exemple, L2

emploie à deux reprises le marqueur discursif « tu comprends » lorsqu‟il explique le calcul

des perspectives financières de l‟année 2008 à L7. Cette tournure sollicite l‟écoute et s‟assure

de son maintien. Comme le précise W. Settekorn, il s‟agit d‟une particule à fonction de

recherche d‟approbation discursive (RAD) (1977), terme qu‟il a repris à E. Gülich (selon

A. Auchlin, 1981 : 148).

c. Phase conclusive :

L2 synthétise son explication et l‟introduit par le marqueur discursif « tu

comprends » :

« tu comprends en limitant ton budget tu as le le premier point achat > tu tu le freines en début d‟année

+ ça veut dire ça au lieu de le laisser partir » (tour de parole 49).

Page 390: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

390

L2 synthétise l‟explication en apportant une justification présentée avec un rapport

causal : « en limitant ton budget tu as le le premier point achat > tu tu le freines en début

d‟année ».

2) Deuxième problématisation de L7 :

« 2006 on prévoit pour les perspectives 2007 un prévisionnel de *C8* et quelques […] ça c‟est les

faits » (tour de parole 50)

L7 constate un fait et demande une justification de façon implicite, car il exprime une

incohérence entre les prospectives annoncées et les chiffres dont il dispose. La phase

résolutive (tour de parole 54 et 56, en gras) est introduite par L5 à l‟aide de l‟emploi de

l‟opérateur « parce que » en tête d‟énoncé. L5 et L2 tentent de se justifier. La répétition du

commentaire de L2 par L5 (tours de parole 57 et 58) donne un effet d‟insistance.

50. L7 2006 on prévoit pour les perspectives 2007 un prévisionnel de *C8* et quelques

51. L2 hum

52. L4 hum hum

53. L7 ça c‟est les faits

54. L5 parce qu’on avait les éléments pour le faire

55. LX hum

56. L5 dans ce sens-là on savait que de toute façon < on en serait pas loin

57. L2 aujourd‟hui on sait pas >

58. L5 aujourd‟hui on sait pas

Pour l‟explication, L5 introduit une relation logique ; « on avait les éléments pour le

faire » sous-entend qu‟aujourd‟hui nous n‟avons pas/plus les éléments pour le faire. L‟énoncé

de L2 « aujourd‟hui on sait pas » est donc complémentaire à l‟explication de L5.

L1 intervient pour ajouter une information concernant les offres ANPE et les risques

pour l‟organisation de perdre tous les marchés :

50. L7 2006 on prévoit pour les perspectives 2007 un prévisionnel de *C8* et quelques

51. L2 hum

52. L4 hum hum

53. L7 ça c‟est les faits

54. L5 parce qu‟on avait les éléments pour le faire

55. LX hum

56. L5 dans ce sens-là on savait que de toute façon < on en serait pas loin

57. L2 aujourd‟hui on sait pas >

58. L5 aujourd‟hui on sait pas

+

59. L1 tu oublies l‟appel d‟offres ANPE dans ta *

60. L5 voilà

61. L1 on peut tout perdre hein

Page 391: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

391

L1 appuie son information avec le marqueur interactif « hein » permettant à L1 de

réclamer l‟attention des locuteurs.

3) Troisième problématisation de L7 :

Cette troisième problématisation de L7 se construit sur plusieurs tours de parole. L7

reprend les chiffres énoncés par la direction sous la forme d‟une constatation. Le marqueur de

reformulation « bon » qu‟il emploie lui permet d‟apporter une sorte de récapitulatif et une

conclusion introduite par « ça veut dire que ». Il pose de nouveau des questions et donne le

chiffre de l‟année précédente qu‟il compare à celui prévu pour l‟année suivante. Après cette

constatation L7 pose des questions sur les raisons et les justifications de ces précisions. Trois

de ses tours sont chevauchés par un locuteur qui justifie ces chiffres (en gras) :

66. L7 2007 /*, 0/ 2008 + bon on on prévoit euh *

67. L1 par < prudence

68. L7 au lieu de: >

69. L2 voilà < par prudence

70. L7 de *C8* et > QUELQUES

71. L2 oui

72. L7 ça veut dire il y a il y a pour moi il y a il y a il y a un recul en arrière quoi

73. LX ben

74. L7 et < qu‟est-ce qu‟on maîtrise

75. L2 non

76. LX non non >

77. L7 qu‟est-ce qu‟on maîtrise pas < ***

Nous repérons une phase de questionnement (a), une phase résolutive (b) et une phase

conclusive (c) :

a. Phase de questionnement :

Après la question directe, introduite par un marqueur interrogatif, (« qu‟est-ce qu‟on

maîtrise pas »), L1 donne une explication plus détaillée (en gras) :

77. L7 qu‟est-ce qu‟on maîtrise pas < ***

78. L1 l’ANPE > ben c’est c’est < tu maîtrises la moitié du du

79. L5 l‟ANPE c‟est cin- c‟est cinquante > pourcent du: du chiffre d‟affaires < quand même hein

80. L1 il y a plusieurs hypothèses > il y a un appel d’offres qui est lancé là sur < lequel on a

bossé qui modifie complé-

81. L2 ouais + et ils vont les changer >

82. L1 voilà complètement la la donne actuelle tu sais ce qu’on a maintenant ce sera plus du

tout on avait une habilitation régionale pour trois ans là ça sera plus le cas ils vont

faire des LOTS

83. L2 hum

84. L1 d’accord des lots par bassins il y aura euh enfin bon plein de lots d’accord euh il y a

moins de prestations elles sont regroupées euh et sur UN LOT ils habiliteront UN

organisme 85. L2 ouais

Page 392: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

392

86. L1 peut-être deux peut-être trois d’accord donc tu es pris ou tu es pas pris et on connaît

les critères d’attribution c’est le prix c’est euh bon on va se battre pour avoir les

meilleurs dossiers possibles mais donc IMAGInons euh: c’est là qu’il faut être bon ça

rentrera en vigueur à partir du premier mai 2008 ça donc on sait qu’on a quasiment

quatre mois d’acquis donc ça fait < partie

87. L5 voilà >

88. L1 de notre euh: de nos calculs

Cette partie en gras constitue la phase explicative. L1 répond à la problématisation de L7.

b. Phase résolutive :

L1 décline la façon dont va se déterminer les formations en 2008, faisant suite à la

réponse que l‟organisme aura de l‟appel d‟offres. Cette explication est marquée par des

marqueurs discursifs d‟appel :

- l‟emploi de « tu sais » engage des connaissances supposées partagées par le co-

énonciateur et implique que l‟autre devrait savoir sans que l‟on attire son attention

dessus ;

- les trois marqueurs d‟écoute « d‟accord » permettent à L1 de solliciter l‟écoute de L7.

Lors de cette explication, L1 emploie à trois reprises le pronom « tu » à valeur de « on » : « tu

maîtrises la moitié du du », « donc tu es pris ou tu es pas pris ». Le reste du temps, il emploie

le pronom sujet « on ».

Le discours explicatif de L1 pourrait sembler se confondre avec un discours expositif.

Mais, comme l‟expliquent B. Combettes et R. Tomassone :

Expliquer nous semble constituer une intention particulière qui ne se confond pas avec informer ; le

texte explicatif a sans doute une base informative, mais se caractérise, en plus, par la volonté de faire

comprendre les phénomènes : d‟où, implicite et explicite, l‟existence d‟une question comme point de

départ, que le texte s‟efforcera d‟élucider. Le texte informatif, en revanche, ne vise pas à établir une

conclusion : il transmet des données, certes organisées, hiérarchisées […]. (1988 : 6)

Il s‟agit bien dans cette séquence, et plus précisément dans cette problématisation,

d‟une situation explicative, car elle est particulièrement adressée à L7 suite à ces questions.

c. Phase conclusive :

Une fois que les locuteurs ont répondu aux problématisations de L7, L1 tente de

conclure le point :

« donc + prudence parce que euh:: + il y a il y a *R4* aussi *R4* euh je sincèrement moi je PENSE

qu‟on aura euh qu‟on va décrocher des des choses nouvelles en *R4* en *R3* il faut être réaliste on

même si on était habilité sur tout ce qu‟on devait avoir on pourra DIFFIcilement faire mieux parce qu‟on

a: on a beaucoup il faut réaliste quoi on est le premier opérateu- donc en *R3* on pourra difficilement

faire mieux euh on pourra faire mieux en *R4* ça j‟en suis convaincue bon < voilà » (tour de parole

103)

Page 393: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

393

La clôture est introduite par « donc » et est suivie du lexème « prudence », notion dont

il avait été question en début de séquence renvoyant à la façon dont il faut faire les

prospectives de l‟année à venir. Ce mot se présente donc comme le mot clef du point abordé

et donne à cette séquence un effet de bouclage.

L1 appuie la notion de « prudence » par l‟emploi de « je pense » et de deux « parce que ».

Dans cette explication, L1 emploie le pronom sujet « on », ce qui lui permet d‟inclure

l‟ensemble de l‟organisation, ce qui justifie une réelle implication de la part de celui qui

l‟énonce, reflète une collaboration dans le travail et donne l‟image d‟un travail collectif. Mais

L1 s‟implique aussi personnellement. En effet, il utilise la première personne du singulier,

« moi je pense », « j‟en suis convaincue » et emploie l‟adverbe « sincèrement », qui permet au

locuteur d‟engager sa franchise.

Cette séquence est caractérisée par un besoin d‟explications d‟un locuteur et par des

explications collectives : « chaque fois que des personnes se parlent, on peut entendre des

questions et des réponses. Ces deux types d‟énonciations se réalisent en des points différents

de la "séquence". » (E. Goffman, 1987 : 11). Dans cette séquence, l‟objectif principal est de

faire comprendre une idée, un concept ou un agissement, c‟est d‟ailleurs ce qu‟a précisé J.-B.

Grize : « Dans ce type de séquence, l‟énonciateur vise à faire comprendre un phénomène,

donc à modifier un état de connaissance. » (1981, cité par M.-J. Bessom, 1993 : 47).

L‟analyse quantitative des séquences explicatives du sous-corpus 2 confirme le fait

que cette organisation en phases caractérise le type de séquence explicative dans la mesure où

l‟ensemble des séquences explicatives du sous-corpus 2 sont organisées à partir de ces phases.

4.3.3.2.2. Analyses de séquences complètes

Nous allons maintenant présenter l‟analyse complète de trois séquences illustrant le

type linguistique « langage de co-action » : deux séquences issues du groupe de travail de

l‟organisme de formation (séquences 11 et 13) et une issue d‟une réunion interne 2 de la CCI

(séquence 10).

4.3.3.2.2.1. Première analyse : séquence n° 11 issue de la séance de travail, organisme

de formation (OF)

Page 394: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

394

Le contexte :

La première partie de cet enregistrement est une réunion entre deux formatrices et leur supérieure. Cette

dernière leur donne quelques informations quant à l‟état de l‟appel d‟offres auquel leur organisme est en train de

répondre. Jusqu‟à présent l‟organisme obtenait tous les trois ans une habilitation pour les formations de la

région. Dans la suite de cet enregistrement, L2 et L3 travaillent ensemble sur l‟harmonisation des CV des

formateurs du centre de formation pour les joindre à l‟appel d‟offres. Face à l‟ordinateur, elles apportent donc

ensemble des corrections sur les CV.

Séquence 11 :

8. L3 alors la première donc *Ppn42* + bon moi déjà euh: ben au niveau de la forme ça tient la route

sauf que je mettrais le nom de famille en lettres majuscules < comme tous les autres hein déjà

9. L2 oh oui oui oui > ouais

10. L3 moi je pense < que

{L1 entre dans le bureau}

11. L1 désolé > j‟ai rencontré *Pp30*

12. L3 tu crois pas qu‟on devrait faire les modifs tout de suite dessus

13. L2 oui

14. L1 sur le sur le < ben oui je pense que vous:

15. L3 on perdra moins de temps > hein

16. L2 alors tu sais ce qu‟on fait on les on fait < une première lecture=

17. L3 on fait les modifs >

18. L2 =et puis après on fait les modifs

19. L1 les personnes habilitées au 31 < janvier *

20. L3 parce que là > on pourrait faire d‟office direct hein

21. L1 donc à savoir pareil il y en a qui ne font plus partie de nos: {Le téléphone de L1 sonne}

22. L3 oui mais moi je sais pas qui qui ne fait plus partie qui fait partie

23. L2 après dans les {L1 répond au téléphone}

24. L3 ah ben oui ça d‟accord mais euh

25. L2 après dans les autres régions on va pas savoir

26. L3 sachant que il y en a que je connais pas

+

27. L2 ben oui

28. L3 ***

29. L2 ah oui

30. L3 il paraît qu‟elle est plus là

31. L2 oui elle est elle est conseiller ANPE

+

32. L2 < après je sais pas

33. L3 moi moi je serais d‟avis > de faire les modifs tout de suite parce que on va pas d‟abord les

marquer là et puis après les refaire là

34. L2 oh non non juste une première lecture rapide tu vois

35. L3 allez on y va alors moi je ferais ça déjà M E I L majuscule + donc tu vois il y en a qui ont des:

je suis pointilleuse mais 16 virgule ***

36. L2 d‟accord mais tu vois moi ce qui me gêne c‟est euh par exemple ici je trouve que ça devrait je

mettrais plus *OF* à la ligne

37. L3 hum

38. L2 parce que ça coupe

39. L3 c‟est pour ça moi je ferai d‟office on va passer un temps fou à relire le machin alors que le truc

y nous on on le voit tout de suite

40. L2 j‟utilise *** tu viens ici ?

41. L3 oh oui tu veux pas le faire ?

42. L2 oh non tu vas beaucoup plus vite que moi + tu veux ma place ?

43. L3 ah non non non

{L1 raccroche le téléphone}

Page 395: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

395

Nous faisons l‟analyse suivante de la séquence n° 11 issue du groupe de travail de

l‟organisme de formation.

Avant cette séquence, les formatrices ont imprimé les CV sur lesquels elles allaient

travailler. Puis, elles ont commencé à travailler sur l‟uniformisation des CV. L3 regarde dans

un premier temps la forme des CV et fait une première remarque qu‟elle introduit avec

l‟ouvreur « alors », introduisant une intervention qui initie un échange.

Cette séquence est marquée par l‟emploi du conditionnel d‟atténuation pour nuancer

les requêtes et propositions des méthodes de travail. Voici quelques exemples dans les tours

de paroles de L3 :

- « ça tient la route sauf que je mettrais le nom de famille en lettres majuscules » (premier tour de

parole) : énoncé à valeur suggestive

- « tu crois pas qu‟on devrait faire les modifs tout de suite dessus […] on perdra moins de temps >

hein » (tour de parole 5)

- « parce que là > on pourrait faire d‟office direct hein » (tour de parole 13) : énoncé à valeur

suggestive

- « moi moi je serais d‟avis > de faire les modifs tout de suite parce que on va pas d‟abord les

marquer là et puis après les refaire là » (tour de parole 26) : énoncé à valeur suggestive

- « allez on y va alors moi je ferais ça déjà M E I L majuscule + » (tour de parole 28)

- « c‟est pour ça moi je ferais d‟office on va passer un temps fou à relire le machin alors que le truc

y nous on on le voit tout de suite » (tour de parole 32) : énoncé à valeur suggestive.

Ces propositions de requêtes explicites, qui appellent à la collaboration, sont dotées

d‟une formulation syntaxique indirecte qui utilisent le conditionnel de politesse afin de rendre

compte d‟une modalisation dans l‟assertion. C‟est un moyen pour le locuteur d‟atténuer,

d‟adoucir les remarques, commentaires ou demandes ; il est possible de recourir aussi à la

négation :

« tu crois pas qu‟on devrait faire les modifs tout de suite dessus » (tour de parole 5)

L3 propose une méthode de travail : « tu » suivi de « on » avec conditionnel : L3

pense qu‟il serait plus efficace et plus rapide de faire les corrections directement sur

l‟ordinateur. L2 n‟accepte pas et propose de faire d‟abord une lecture des CV avec un travail

sur papier pour ensuite reporter les modifications sur fichier informatique :

- « alors tu sais ce qu‟on fait on les on fait < une première lecture= » (tour de parole 9)

- « d‟accord mais tu vois moi ce qui me gêne c‟est euh par exemple ici je trouve que ça devrait je

mettrais plus *OF* à la ligne » (tour de parole 29).

Page 396: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

396

L3 revient à sa première proposition en l‟introduisant par « parce que » pour marquer

son désaccord avec la proposition de L2 :

« parce que là > on pourrait faire d‟office direct hein » (tour de parole 13).

Après une rupture causée par L1 engendrant une discussion autour d‟un autre thème,

L3 revient sur la méthode de travail :

L3 : « moi moi je serais d‟avis > de faire les modifs tout de suite parce que on va pas d‟abord les

marquer là et puis après les refaire là » (tour de parole 26).

On remarque une dislocation (« moi je ») qui marque une insistance avec l‟emploi du

conditionnel pour modaliser la proposition qui est suivie par une justification amenée par

« parce que ». Mais la proposition de L3 est de nouveau refusée par L2 : « oh non non juste

une première lecture rapide tu vois » (tour de parole 27). Cet énoncé témoigne une réaction de

rejet.

L3 abandonne la négociation et accepte la méthode de L3 en employant une modalité

injonctive « allez on y va », puis elle propose aussitôt une modification du premier CV,

qu‟elle introduit par le marqueur d‟ouverture « alors » indiquant que le travail commence :

« alors moi je ferais ça déjà M E I L majuscule + donc tu vois il y en a qui ont des: je suis pointilleuse

mais 16 virgule *** » (tour de parole 28)

L3 fait donc une proposition et apporte la modification sur le document. Nous

observons une intrication entre le dire et le faire qui donne une valeur actionnelle à l‟énoncé.

La proposition et la mise en œuvre sont liées ; le langage accompagne l‟action.

L3 se sert d‟une remarque de L2 (tours de parole 29 et 31) pour suggérer de nouveau

sa méthode (tour de parole 32) :

29. L2 d‟accord mais tu vois moi ce qui me gêne c‟est euh par exemple ici je trouve que ça devrait

je mettrais plus *OF* à la ligne

30. L3 hum

31. L2 parce que ça coupe

32. L3 c‟est pour ça moi je ferais d‟office on va passer un temps fou à relire le machin alors que le

truc y nous on on le voit tout de suite

Dans le tour de parole 32, L3 explicite son désaccord, ce qui engendre une phase de

négociation dans laquelle L3 met en œuvre une stratégie afin d‟arriver à un accord. L2

accepte, mais demande à L3 de prendre en charge la tâche en prenant sa place devant

l‟ordinateur :

Page 397: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

397

22. L2 j‟utilise *** tu viens ici ?

23. L3 oh oui tu veux pas le faire ?

24. L2 oh non tu vas beaucoup plus vite que moi + tu veux ma place ?

25. L3 ah non non non

Les deux locutrices négocient la place du scripteur : L2 la propose à L3. Comme celle

qui écrit à l‟ordinateur doit se placer devant celui-ci, L2 propose alors sa place à L3 qui

refuse.

Dans cette séquence, domine la dynamique accord/désaccord, en œuvre au sein des

diverses propositions de méthodes de travail pour la modification et l‟uniformisation des CV.

L. Mondada explique ce phénomène :

La dynamique de l‟accord et du désaccord est constitutive des activités de co-conception, où le

désaccord fonctionne comme un moteur de recherche d‟alternatives et de critique ou de justification des

solutions proposées ou rejetées et l‟accord permet une stabilisation des solutions retenues. (2005 : 137)

Cette dynamique de l‟accord et du désaccord renvoie à un langage accompagnant

l‟activité. L‟emploi du conditionnel dans des propositions reflète un travail collectif ; on

suggère à l‟autre des façons de faire. Cette dynamique accord et recherche d‟accord nous

conduit à la notion de « négociation » au sens de C. Kerbrat-Orecchioni (2005a).

Il résulte de cette séquence la mise en place d‟un cadre de nature conjointe dans lequel

les deux collaboratrices font converger leurs engagements de sorte à pouvoir assumer les

actions collaboratives. Plus particulièrement, L2 et L3 déterminent le travail à réaliser et

coopèrent de ce fait à l‟harmonisation des CV. Le travail se trouve provisoirement suspendu

(tour de parole 4) lorsque L1 entre dans le bureau et fait une remarque.

Cette séquence est également marquée par l‟emploi des pronoms-sujets « je » et « on »

caractérisant le langage dans l‟action. Les emplois du pronom-sujet « je » sont suivis :

- soit de verbes d‟action au conditionnel présent :

L3 : « alors la première donc Aicha Raméis + bon moi déjà euh: ben au niveau de la forme ça tient la

route sauf que je mettrais le nom de famille en lettres majuscules < comme tous les autres hein

déjà » (tour de parole 1) ;

L3 : « moi moi je serais d’avis > de faire les modifs tout de suite » (tour de parole 26) ;

L2 : « d‟accord mais tu vois moi ce qui me gêne c‟est euh par exemple ici je trouve que ça devrait je

mettrais plus *OF* à la ligne » (tour de parole 29) ;

L3 : « allez on y va alors moi je ferais ça déjà M E I L majuscule » (tour de parole 28) ;

L3 : « c‟est pour ça moi je ferais d’office on va passer un temps fou à relire le machin alors que le truc

y nous on on le voit tout de suite » (tour de parole 32).

- soit de verbes d‟attitudes propositionnelles (exprimant un état) :

L3 : « moi je pense < que » (tour de parole 3) ;

L1 : « sur le sur le < ben oui je pense que vous: » (tour de parole 7) ;

Page 398: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

398

L3 : « oui mais moi je sais pas qui qui ne fait plus partie qui fait partie » (tour de parole 15) ;

L3 : « sachant que il y en a que je connais pas » (tour de parole 19) ;

L2 : « après je sais pas » (tour de parole 25) ;

L2 : « d‟accord mais tu vois moi ce qui me gêne c‟est euh par exemple ici je trouve que ça devrait je

mettrais plus *OF* à la ligne » (tour de parole 29).

- soit, plus rarement, pour narrer ou faire un commentaire :

L1 : « désolé > j’ai rencontré *Pp30* » (tour de parole 4) ;

L3 : « donc tu vois il y en a qui ont des: je suis pointilleuse mais 16 virgule *** » (tour de parole 28).

L‟emploi du pronom-sujet « on » renvoyant aux deux collègues (L2 et L3) est

principalement suivi de verbes d‟actions (11 occurrences) dont voici quelques exemples :

L3 : « tu crois pas qu‟on devrait faire les modifs tout de suite dessus » (tour de parole 5) ;

L3 : « on perdra moins de temps > hein » (tour de parole 8) ;

L3 : « on fait les modifs » (tour de parole 10) ;

L3 : « parce que là > on pourrait faire d‟office direct hein » (tour de parole 13) ;

L2 : « après dans les autres régions on va pas savoir » (tour de parole 18) ;

L3 : « moi moi je serais d‟avis > de faire les modifs tout de suite parce que on va pas d‟abord les

marquer là et puis après les refaire là » (tour de parole 26).

On observe l‟emploi, plus rare, du pronom-sujet « tu professionnel » (utilisé la plupart

du temps entre collègues) marquant un ancrage dans l‟interaction et dans l‟action. Ce « tu »

est accompagné des verbes d‟action « vouloir » et « venir » :

33. L2 j‟utilise *** tu viens ici ?

34. L3 oh oui tu veux pas le faire ?

35. L2 oh non tu vas beaucoup plus vite que moi + tu veux ma place

Ce « tu » est également accompagné de verbes à modalités propositionnelles et dans

des marqueurs discursifs :

L3 : « tu crois pas qu‟on devrait faire les modifs tout de suite dessus » (tour de parole 5) ;

L2 : « alors tu sais ce qu‟on fait on les on fait < une première lecture= » (tour de parole 9).

Dans cet énoncé, « tu sais », accompagné du connecteur discursif « alors » à valeur

consécutive, permet à L2 de négocier la façon de faire avec L3. Il s‟agit d‟annoncer une

proposition.

L2 : « oh non non juste une première lecture rapide tu vois » (tour de parole 27)

Dans cet énoncé, le marqueur « tu vois » permet de négocier un désaccord.

Nous remarquons une utilisation prédominante des pronoms-sujets « je » et « on »,

lequel peut être remplacé par « nous », « nous » dont nous ne relevons d‟ailleurs aucune

occurrence.

Page 399: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

399

La séquence est marquée par l‟emploi de déictiques référant aux objets présents lors

de l‟activité :

L3 : « moi moi je serais d‟avis > de faire les modifs tout de suite parce que on va pas d‟abord les

marquer là et puis après les refaire là » (tour de parole 26)

Le premier « là » renvoie aux CV, comme document papier et le second « là » renvoie

aux fichiers informatiques. Ces documents écrits et les objets sont des composants à part

entière de l‟interaction en milieu de travail ; ils sont manipulés et nommés tout au long des

échanges, comme l‟expliquent J. Boutet et B. Gardin : « force est de reconnaître qu‟on a

affaire à un enchevêtrement de pratiques sémiotiques, et en premier lieu de l‟oral et de l‟écrit,

ce qu‟on a proposé de nommer la "plurisémioticité" au travail (J. Boutet, 1993a). » (2001 :

105).

Cette analyse démontre que cette séquence regorge de critères linguistiques justifiant

une séquence opérative, et plus largement un type linguistique « langage de co-action » dans

la mesure où le langage est mêlé à l‟activité collaborative et où il s‟agit d‟une activité co-

constructive d‟un objet (correction, modification et uniformisation de CV).

4.3.3.2.2.2. Seconde analyse : séquence n° 13 issue de la séance de travail de

l’organisme de formation (OF)

Page 400: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

400

Séquence 13 issue de la séance de travail de l’organisme de formation

1. L1 je vous donne je vous donne euh: la liste des

personnes euh qui travaillent plus dans

l‟administratifs que dans l‟insertion < ou

dans la linguistique

2. L2 oui oui >

3. L1 comme ça ça vous aidera alors on y va on

reprend donc *Pn33* le numéro 9 *Ppn33*

4. L2 d‟accord

5. L1 numéro 27 monsieur *Pn30* + *Ppn34*

donc 387

6. L2 oui

7. L1 euh *Pnp35* + *Pnp36* < *Pnp37*-

8. L3 donne > moi les numéros

9. L1 58 64

10. L3 merci

11. L1 84

12. L2 {à voix basse} 84 ouais

13. L1 169

14. L2 ouais

15. L1 191

16. L2 ouais

17. L1 195 on change de feuille 220

18. L2 hum hum

+

19. L1 non: 236 + 274 c‟est tout à la fin en fait 274

74 en fait on voit plus le 2 + c‟est *Pp38*

*Lp3* et enfin *Pnp39* 276 voilà + toutes

ces personnes font partie du personnel

administratif

20. L2 d‟accord

21. L1 voilà

22. L3 *Pp40* euh: 48

23. L1 non

24. L3 non ?

25. L1 non ni moi ni *Pp40* ni *Pp40* ni moi

26. L3 d‟accord

27. L1 hum < bon ben

28. L3 ben voilà > c‟est ça c‟est *P35* que j‟ai

oublié

29. L1 nous restons présentes dans l‟appel d‟offres

30. L3 oh ben oui

+ +

31. L1 après euh *Pp30* a dit qu‟il verrait euh

comment faire si il in- si: il souligne le

fait qu‟il y a des coordinateu:rs des

responsa:bles

32. L3 ben ça serait peut-être bien de montrer

quand même qu‟il y a une organisation

euh administrative et=

33. L1 oh oui

34. L3 =pédagogique liées

35. L1 donc du coup ce qu‟il va faire c‟est

qu‟il va déjà euh travailler tous les CV

et après il va tout organiser donc pour

l‟instant il nous laisse dans < la liste

des CV

36. L2 donc on ne met euh > on ne met pas en

titre par exemple coordinatrice euh:

non ça on le met pas

37. L1 non: < non *** on en (n‟)a pas=

38. L3 pour l‟instant on reste >

39. L1 =tu vois *Pp37* on l‟a mise en dans

dans l‟administratif euh on verra après

comment comment < il va

40. L2 comment il va *** les: oui >

41. L1 voilà ouais ouais comment il va

structurer

42. L2 ouais

43. L1 hein parce qu‟il faut aussi que

44. L2 hum

45. L1 que ça soit euh de manière égale

46. L3 elle est quel numéro < *Pp37*

47. L1 parce que > tu vois si il met euh

responsable secteur *V1* coordinatrice

administratif *V1* et puis finalement

on se retrouve sans PERSONNE sur

*V2* euh en *R4* euh < et cetera

donc=

48. L2 ah oui oui oui >

49. L1 =il faut qu‟il < organis-

50. L2 donc ça on s‟en > occupe pas < du tout

51. L1 non > non non on travaille déjà sur les

CV euh et ce sera bien

52. L2 d‟accord

+ +

Page 401: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

401

Voici l‟analyse que nous faisons de la séquence n° 13 issue du groupe de travail de

l‟organisme de formation.

Dans cette séquence, se met en place un cadre conjoint dans lequel les participants

font converger leur engagement afin d‟assumer une action collaborative. L1 commence par

déterminer l‟action à réaliser : « je vous donne je vous donne euh: la liste des personnes euh

qui travaillent plus dans l‟administratifs que dans l‟insertion < ou dans la linguistique » (tour

de parole 1). Dans ce premier énoncé, le langage accompagne la parole, puisque L1 liste

aussitôt le nom des personnes. L1 se justifie ensuite brièvement : « comme ça ça vous aidera »

(tour de parole 3) :

1. L1 je vous donne je vous donne euh: la liste des personnes euh qui travaillent plus dans

l‟administratifs que dans l‟insertion < ou dans la linguistique

2. L2 oui oui >

3. L1 comme ça ça vous aidera alors on y va on reprend donc *Pp33* le numéro 9 *Ppn33*

4. L2 d‟accord

Les trois participantes coopèrent ensuite à la réalisation d‟une liste de personnes. L2

approuve cette activité (tour de parole 2, 4, 6), ce qui permet à L1 de se lancer dans la liste

des noms, tâche qu‟elle introduit par l‟emploi d‟un énoncé à valeur injonctive : « on y va on

reprend » (tour de parole 3). Chaque participant a en sa possession un document avec la liste

des formateurs. Nous avons d‟ailleurs relevé quelques références à ce document :

L1 : « + 274 c’est tout à la fin en fait 274 74 en fait on voit plus le 2 + » (tour de parole 20)

L2 donne le numéro correspondant à la personne, ainsi que son nom et son prénom.

Ses énoncés relèvent d‟un langage elliptique, sans verbe. Au début de l‟énumération, nous

avons un énoncé comportant une répétition du nom de la personne en début et en fin de

syntagme, le prénom de la personne ainsi que son numéro introduit par le numéro x » :

« *Pn33* le numéro 9 *Ppn33* » (tour de parole 3). Puis, nous avons le nom de la personne

et son numéro introduit par « numéro x » : « numéro 27 monsieur *Pn30* » (tour de parole 5),

puis le nom de la personne et son numéro : « *Ppn34* donc 387 » (tour de parole 5). Alors

que L1 décide de ne donner que les noms et prénoms des personnes : « euh *Pnp35* +

*Pnp36* < *Pnp37*- » (tour de parole 7), L3 utilise l‟impératif pour demander à L1 de ne pas

lui donner les noms des personnes et leurs numéros, mais uniquement leurs numéros : « donne

> moi les numéros » (tour de parole 8). L1 donne alors les numéros des personnes :

Page 402: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

402

17. L1 58 64

18. L3 merci

19. L1 84

20. L2 84 ouais {à voix basse}

21. L1 169

22. L2 ouais

23. L1 191

24. L2 ouais

25. L1 195 on change de feuille 220

[…]

23. L3 *Pp40* euh: 48

24. L1 non

Il s‟agit d‟un langage d‟action, comme en témoigne l‟utilisation d‟un langage opératif ne

pouvant être compris qu‟en contexte. Les énoncés sont composés de chiffres et ne sont pas

syntaxiquement structurés, seul le contexte et la connaissance de la tâche nous permettrait de

comprendre de quoi il s‟agit. Dans cet extrait, le langage accompagne l‟action et on comprend

que la parole ici ne peut être analysée indépendamment de l‟action. Il y a donc une inter-

dépendance entre l‟activité et la parole.

L‟emploi du temps du présent des verbes d‟action justifie le fait que les participants

sont dans l‟activité et qu‟ils „font en disant‟ :

L1 : « je vous donne je vous donne euh: la liste des personnes euh qui travaillent plus dans

l‟administratifs que dans l‟insertion < ou dans la linguistique » (tour de parole 1) ;

L1 : « comme ça ça vous aidera alors on y va on reprend donc *Pn33* le numéro 9 *Ppn33* » (tour de

parole 3) ;

L3 : « donne > moi les numéros » (tour de parole 8) ;

L1 : « 195 on change de feuille 220 » (tour de parole 17) ;

L1 : « non: 236 + 274 c‟est tout à la fin en fait 274 74 en fait on voit plus le 2 » (tour de parole 20).

L‟emploi du temps du présent, ainsi que les énoncés injonctifs (« donne > moi les

numéros », énoncé 8 ; « 195 on change de feuille 220 », énoncé 17) motivent un langage

d‟action, une parole se manifestant lors de l‟activité et démontrant l‟implication des

participants dans l‟action. On relève une parole qui accompagne l‟activité matérielle, « la

déclenche, la guide, la scande, l‟évalue », comme l‟explique J. Boutet. Cette dernière précise :

Il y a un enchaînement entre geste et parole, entre parole et acte, qui tous se répondent. Ce « langage

d‟action », souvent composé d‟ordres brefs (« vas-y »), d‟indications spatio-temporelles (« ici », « plus-

haut »), d‟évaluations (« c‟est bon »), est caractérisé par sa dépendance à la situation immédiate, son

lien direct à un implicite événementiel (ce qui se voit, ce qui se fait). (1995b : 25)

Par ailleurs, l‟emploi des « oui » et « ouais » de L2 montrent que les formatrices

suivent l‟énumération des personnes et permet à L1 d‟enchaîner/de continuer cette

énumération. La fin de l‟énumération de L1 et des prises de notes des autres participants (L2

et L3) sont marquées par l‟emploi du conclusif « voilà » formulé à deux reprises :

Page 403: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

403

20. L1 non: 236 + 274 c‟est tout à la fin en fait 274 74 en fait on voit plus le 2 + c‟est *Pp38* *Lp3*

et enfin *Pnp39* 276 voilà + toutes ces personnes font partie du personnel administratif

21. L2 d‟accord

22. L1 voilà

L3 demande ensuite si une certaine personne fait aussi partie de cette liste en usant du

même langage elliptique que précédemment. L1 lui répond et apporte un complément

d‟information dans un tout autre type de langage avec le pronom-sujet « nous » renvoyant à

L1 et à *Pp40* sur laquelle porte la question de L3, un verbe et deux compléments :

23. L3 *Pp40* euh: 48

24. L1 non

25. L3 non ?

26. L1 non ni moi ni *Pp40*- ni *Pp40* ni moi

27. L3 d‟accord

28. L1 hum < bon ben

29. L3 ben voilà > c‟est ça c‟est *Ppn35* que j‟ai oublié

30. L1 nous restons présentes dans l‟appel d‟offres

31. L3 oh ben oui

Cet emploi permet d‟établir une distinction nette entre les participants du groupe de

travail et les personnes dont il est question et qui ne sont pas présentes.

L‟emploi du langage elliptique, induit une faible proportion de pronoms-sujet. Seul

« je » est utilisé et accompagné de verbes d‟action :

L1 : « je vous donne je vous donne euh: la liste des personnes euh qui travaillent plus dans

l‟administratifs que dans l‟insertion < ou dans la linguistique » (tour de parole 1)

L3 : « ben voilà > c‟est ça c‟est *Ppn35* que j‟ai oublié » (tour de parole 29)

Nous repérons l‟emploi d‟un pronom-sujet « on » renvoyant aux trois participants qui

travaillent ensemble ; il est employé avec un verbe désignant une action. Ce syntagme verbal

appartient au langage d‟action que nous avons évoqué précédemment : « 195 on change de

feuille 220 » (L1, énoncé 17).

Cette séquence présente un langage d‟action en place dans un cadre conjoint où les

collaboratrices font avancer une tâche, ce qui nous permet de parler du type de séquence

opérative.

4.3.3.2.2.3. Troisième analyse : séquence n° 10 issue de la réunion interne 2 de la CCI

Nous allons analyser une séquence extraite de la réunion interne (réunion de trois

services) à la CCI.

Page 404: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

404

Séquence n° 10 issue de la réunion interne 2 de la CCI

+ 1. L2 alors comment on décrit le contexte ?

2. L1 ben le contexte c‟est euh le contexte comment que- *** on

avait dit

3. L2 euh par exemple on a mis euh intitulé de l‟opération réaliser

une étude d‟urbanisme c‟est rattacher à l‟action soutenir le

commerce de centre-ville

4. L1 oui ah ben le contexte c‟est euh alors je sais pas si c‟est la

bonne formulation mais dans l‟esprit vous allez me dire le

contexte c‟est redonner les moyens au centre-ville d‟assumer

ses fonctionnalités commerciales par une étude portant sur

l‟ENSEMble des points urbanistiques y référant

5. L2 ça c‟est la description de la de l‟action de l‟étude

6. L4 ouais mais là encore une fois tu resitues ça sur un enjeu

COMMERcial

7. L1 mais parce que quelque part on est quand même dans la: la

fiche action COMMERce

8. L4 OUI mais au préalable tu nous dis que c‟est un cabinet

d‟urbanisme < de le prendre en charge

9. L1 oui oui >

10. L4 donc euh je dirais euh que tu dois le redéfinir plus

GLObalement DONT le commerce

11. L1 hum

12. L4 on est d‟accord

13. L1 ah oui oui oui < tout à fait oui

14. L4 on est d‟accord > alors tu tu situes ça en expliquant qu‟il faut

que ça soit au niveau des FONCtionnalités commerciales

c‟est bien ce que tu as dit

15. L1 de l‟ensemble des fonctionnalités DONT le commerce

16. L4 des fonctionnalités DONT le commerce

17. L1 après c‟est une question de:

18. L4 d‟accord formulé comme ça je suis d‟accord

19. L1 on on ouais c‟est une question de formulation hein c‟est

+ +

20. L4 faut faire en sorte que le centre-ville redevienne un lieu de vie

?

21. L1 < ouais

22. L2 ça c‟est > l‟objectif

23. L1 ben

24. L4 le centre-ville doit redevenir un < lieu de vie un lieu de vie

euh:

25. L1 béné- bénéficiant d‟une: d‟une > d‟une réelle identité en fait

26. L4 voilà

27. L1 ou re- alors ça ça serait l‟objectif redonner une identité à au

centre-ville euh de *V3*

+ +

28. L4 euh redevienne un lieu de vie CENTRAL alors on on < peut

mettre

29. L2 le contexte > pour moi ça fait référence à ce qu‟on a

aujourd‟hui c'est-à-dire euh: la: le le fait qu‟il y a du

dysfonctionnement

30. L4 oui

31. L1 < hum

32. L2 hein > il y a du dysfonctionnement par rapport à la au sens de

circulation: voilà=

33. L1 hum

34. L2 =euh: pour moi le contexte c‟est euh=

35. L1 < ***

36. L2 =la situation > d‟aujourd‟hui

37. L1 le centre-ville

38. L2 mais mais nous nous c‟est peut-être une interprétation que je

fais < du mot hein

39. L4 non non non mais moi > je suis d‟accord

Page 405: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

405

40. L1 < ben en fait c‟est

41. L4 c‟est redonner > à au centre-ville euh: sa sa sa < son identité=

42. L1 ça c‟est l‟objectif >

43. L4 =d‟un lieu de vie fonctionnel

44. L1 ça c‟est l‟objectif

45. L4 c‟est c‟est pas une vie et c‟est pas fonctionnel

46. L1 le contexte c‟est ce constat en fait je suis d‟accord

47. L2 ouais c‟est < ça=

48. L1 ouais >

49. L2 =aussi pour toi hein < le contexte c‟est notre situation

50. L1 le contexte c‟est c‟est alors >

51. L4 actuelles

52. L1 < qu‟on voudrait

53. L2 voilà > qu‟on voudrait corriger quoi

54. L1 on pourrait même dire le diagnostic a fait émerger

55. L2 hum {Début : L2 prend en notes}

56. L1 le diagnostic territorial a fait émerger un certain < nombre de

57. L2 attends Ŕtends Ŕtends > va pas aussi vite < parce que

58. L1 non mais je > je me débrouille la bobine pour voir si c‟est

cohérent euh: le diagnostic territorial a fait apparaître ou

émerger un certain nombre de dysfonctionnements au sein du

centre-ville de *V3* de nature urbanistique + qui entravent

peut-être entraver c‟est le mot le mot qui est un peu fort qui

euh freine

59. L4 ralentie

60. L1 voilà qui freine l‟activité ou le le: le dynamisme euh:

61. L4 le développement

62. L1 le dynamisme ouais le développement euh ben déjà le

dynamisme de ce qui existe

63. L4 oui c‟est même pas le développement ça on en est au ***

64. L1 qui freine le dynamisme des activités économiques

65. L4 hum

66. L1 au sens large + je sais pas ce que vous en pensait ?

67. L4 hum

+ +

68. L1 pas de réponse tant pis

69. L2 attends j‟écris je peux pas

70. L4 ***

71. L1 < ***

{Fin : L2 prend en notes}

72. L2 alors je: > j‟ai mis le diagnostic territorial a fait apparaître des

dysfonctionnements dans l‟organisation urbaine du centre-

ville qui freine le dynamisme économique

73. L1 pas mal

74. L2 ouais c‟est ce que tu as dit < peut-être un petit=

75. L1 *** >

76. L2 =peu plus court mais

77. L1 c‟est bien non mais c‟est l‟esprit hein on est d‟accord

Page 406: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

406

Voici l‟analyse que nous faisons de la séquence n° 10 issue de la réunion interne 2 de

la CCI.

Pour l‟analyse de cette séquence, nous allons procéder à un découpage en extraits :

- Extrait 1 : analyse de tours de parole 1 à 3 ;

- Extrait 2 : analyse de tours de parole 4 à 19 ;

- Extrait 3 : analyse de tours de parole 54 à 65.

Extrait 1 : analyse de tours de parole 1 à 3

Après une courte pause servant de transition, la séquence s‟ouvre sur le premier point

de la fiche opération qui est « le contexte ». En tant que scripteur, L2 annonce le point suivant

en formulant une question ouverte avec l‟interrogatif « comment » : « alors comment on

décrit le contexte ? » (premier tour de parole). Elle emploie l‟ouvreur « alors » pour indiquer

que l‟on s‟apprête à aborder un nouveau point. Dans sa question, L2 utilise le pronom-sujet

collectif « on » référant à tous les participants de la réunion (elle et ses collègues),

accompagné d‟un verbe d‟action au présent, ce qui constitue un énoncé à valeur injonctive.

Cet emploi témoigne d‟une réelle implication de la part de L2 et illustre une demande de

collaboration dans le travail en incitant la participation de tous les locuteurs. Par son énoncé à

valeur injonctive, L2 mène les participants dans l‟action.

Après la question de L2, L1 essaie donc de répondre en proposant une idée en

quelques lignes à inscrire. Alors qu‟il commence son énoncé par le marqueur « ben »

indiquant une évidence, nous relevons une perturbation verbalisée avec « euh » suivi de la

répétition du thème « le contexte » et avec « comment que » qui indique une recherche de

mots. « On avait dit » renvoie à un discours antérieur et donc à un élément de la mémoire

discursive :

« ben le contexte c‟est euh le contexte comment que- *** on avait dit » (tour de parole 2)

Face à cette incertitude et ce manque de clarté, L2 réagit par un feed-back en décidant

de récapituler le titre de la « fiche opération » en cours de rédaction et ce qui a été

précédemment noté dans la « fiche action ». Son énoncé est amorcé par « par exemple », qui

n‟introduit pas une illustration, mais qui donne une information complémentaire : elle donne

le titre de la « fiche opération » et explique que cette fiche est rattachée à la « fiche action »

qu‟elle définit :

Page 407: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

407

« euh par exemple on a mis euh intitulé de l‟opération réaliser une étude d‟urbanisme c‟est rattacher à

l‟action soutenir le commerce de centre-ville » (tour de parole 3)

Ce récapitulatif aide L1 à formuler une proposition introduite par « ah ben »

intervenant comme une marque d‟évidence. Avant de formuler son idée, L1 introduit un

marqueur d‟ouverture « alors » qui annonce l‟introduction d‟une proposition de description du

contexte.

La question de L2 dans le premier tour de parole (« alors comment on décrit le

contexte ? ») instaure un cadre de nature conjointe dans lequel les participants vont faire

converger leurs engagements de sorte à pouvoir entreprendre une action collaborative. Les

participants vont collaborer afin de répondre à la question de la définition du contexte. Ce

premier travail s‟inscrit dans une activité plus large qui est celle des fiches à compléter pour

l‟élaboration d‟un projet d‟urbanisme.

Extrait 2 : analyse de tours de parole 4 à 19

Les énoncés 4 à 19 constituent une séquence imbriquée dans laquelle se déroule une

construction collective où les collaborateurs s‟attèlent à l‟élaboration d‟un projet d‟urbanisme.

Nous allons nous appuyer sur les travaux de D. Apothéloz (2005) pour l‟analyse de la

rédaction collaborative dans cette séquence qui, comme nous l‟avons expliqué en 1.2.1, se

réalise en quatre phases (l‟élaboration, la récapitulation, l‟inscription et la lecture).

L1 fait une proposition pour la description du contexte :

« oui ah ben le contexte c‟est euh alors je sais pas si c‟est la bonne formulation mais dans l‟esprit vous

allez me dire le contexte c‟est redonner les moyens au centre-ville d‟assumer ses fonctionnalités

commerciales par une étude portant sur l‟ENSEMble des points urbanistiques y référant » (tour de

parole 4)

Sa proposition est modalisée ; en effet, « je sais pas si c‟est la bonne formulation » comporte

un groupe verbal ayant pour effet de relativiser son point de vue.

Dans l‟énoncé « mais dans l‟esprit vous allez me dire », L1 demande à ses

collaborateurs de ne pas s‟attacher à la forme de la proposition, mais à son contenu. Cela

correspond à la phase d‟ « élaboration ». L2 et L4 formulent des critiques par rapport à cette

proposition. Ces critiques constituent une véritable réflexion qui conduira plus tard une

nouvelle élaboration de la part de L1 (dans le tour de parole 58).

Dans ces énoncés, L4 est en désaccord avec la proposition de L1 et il pointe ce qui lui

semble l‟incohérent :

Page 408: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

408

4. L1 oui ah ben le contexte c‟est euh alors je sais pas si c‟est la bonne formulation mais dans

l‟esprit vous allez me dire le contexte c‟est redonner les moyens au centre-ville d‟assumer

ses fonctionnalités commerciales par une étude portant sur l‟ENSEMble des points

urbanistiques y référant

5. L2 ça c‟est la description de la de l‟action de l‟étude

6. L4 ouais mais là encore une fois tu resitues ça sur un enjeu COMMERcial

7. L1 mais parce que quelque part on est quand même dans la: la fiche action COMMERce

8. L4 OUI mais au préalable tu nous dis que c‟est un cabinet d‟urbanisme < de le prendre en

charge

9. L1 oui oui >

10. L4 donc euh je dirais euh que tu dois le redéfinir plus GLObalement DONT le commerce

11. L1 hum

12. L4 on est d‟accord

13. L1 ah oui oui oui < tout à fait oui

14. L4 on est d‟accord > alors tu tu situes ça en expliquant qu‟il faut que ça soit au niveau des

FONCtionnalités commerciales c‟est bien ce que tu as dit

15. L1 de l‟ensemble des fonctionnalités DONT le commerce

16. L4 des fonctionnalités DONT le commerce

17. L1 après c‟est une question de:

18. L4 d‟accord formulé comme ça je suis d‟accord

19. L1 on on ouais c‟est une question de formulation hein c‟est

Les énoncés de L4 rejetant la proposition de L1 portent une valeur injonctive :

- « tu dois le redéfinir plus GLObalement » (tour de parole 10) ;

- « alors tu tu situes ça en expliquant qu‟il faut que ça soit au niveau des FONCtionnalités

commerciales » (tour de parole 14).

L‟emploi de verbes de modalité employés par L4 vise à faire changer la façon de

penser de L1 et l‟amener à formuler une autre proposition. M.-J. Bessom explique que les

séquences injonctives conduisent l‟interlocuteur vers un comportement attendu :

La séquence injonctive révèle une intention particulière de l‟énonciateur, qui répond à une question

implicite de l‟ordre du „comment faire‟, entraînant ainsi le destinataire vers un comportement

déterminé, vers un agir s‟imposant comme une nécessité pour atteindre un certain résultat, une certaine

efficacité. […] Il s‟agit de recommander, voire d‟imposer au destinataire, des modes de faire que celui-

ci doit connaître et mettre en pratique pour obtenir le résultat attendu. (1993 : 51-52)

En outre, la plupart des mots clefs dans les énoncés de L4 sont ponctués de fortes

intonations (signalées par les petites majuscules), ce qui semble renforcer la valeur injonctive

(tours de parole 6 et 10).

Lorsque L1 tente de se justifier, L4 lui présente un élément contradictoire qu‟il

introduit par un couple où deux éléments sont opposés : « ouais mais » (tour de parole 6 et 8).

Les deux locuteurs, L1 et L4, aboutissent finalement à un accord qui est marqué par la

répétition par L4 de l‟énoncé de L1 (tours de parole 15 et 16), puis par l‟accord explicite dans

le tour de parole 18 (« d‟accord formulé comme ça je suis d‟accord »).

Pour en revenir brièvement sur le couple « oui mais », nous pouvons citer C. Kerbrat-

Orecchioni qui a analysé les copules « oui non si » :

Page 409: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

409

En ce qui concerne la forme « oui », on rappellera qu‟elle reçoit le plus souvent dans le dialogue une

simple valeur d‟ « enregistrement » (ou de « régulation ») […] Il s‟agit là d‟une véritable polysémie du

morphème « oui » (polysémie qui affecte semblablement « d‟accord »). (2001 : 99)

Le « oui » est une apparente approbation et le « mais » permet au locuteur d‟apporter

une nuance. Cela se rapproche de l‟analyse que V. André (2006) a menée sur le couple « oui

non » dans des réunions de travail : « L‟actualisation de ce couple peut avoir des effets

particuliers dans les interactions verbales et notamment du point de vue de la mise en place de

la construction collective et collaborative du discours. » (2006 : 410). Elle s‟appuie sur les

analyses de P. Périn (1983) qui identifie le premier élément linguistique « oui » comme

portant d‟une ou plusieurs valeur(s) : une valeur systémique, identifiable à un feed-back, une

valeur relationnelle ou pragmatique destinée à indiquer son approbation à l‟autre, ainsi qu‟une

valeur référentielle indiquant que nous savons bien de quoi il s‟agit, de quoi nous sommes en

train de parler. V. André repend cette classification en démontrant que les effets pragmatiques

apportés par le couple oui non peuvent être différents :

- les éléments oui et non ont chacun leur propre valeur pragmatique ;

- seul l‟élément oui est significatif et non sert simplement de charnière ou de position intermédiaire

entre deux séquences ;

- le couple, dans son intégralité, a une valeur pragmatique particulière. (2006 : 411)

Les unités linguistiques « oui » et « non » peuvent donc être prises isolément ou

ensemble. Il nous semble possible d‟effectuer un parallèle avec le couple « oui mais » dans

notre corpus où « oui » permet d‟introduire une opinion divergente de façon adoucit et polie86

,

et « mais » permet d‟introduire ladite opinion.

Pour terminer l‟analyse de cet extrait de tours de parole, nous repérons, dans les

énoncés 5 à 19, une critique de la proposition de L1 par L4, où L4 exprime son désaccord au

sein d‟une séquence injonctive qui aboutira en fait à un accord entre les locuteurs.

Extrait 3 : analyse des tours de parole 54 à 65

Ayant été désignée comme scripteur au début de la réunion, L2 écrit pendant que L1

construit le texte :

86

Cette dimension de politesse est d‟ailleurs soulignée par V. André : « Nous pouvons donc supposer qu‟il est

moins agressif, plus respectueux et plus « poli » ou plus adapté à la situation de montrer, par exemple, son

désaccord à l‟aide d‟une intervention initiée par oui non plutôt que par une formule plus directe telle que pas du

tout ou certainement pas1 ou simplement non. » (2006 : 412)

Page 410: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

410

58. L1 non mais je > je me débrouille la bobine pour voir si c‟est cohérent euh: le diagnostic

territorial a fait apparaître ou émerger un certain nombre de dysfonctionnements au sein du

centre-ville de *V3* de nature urbanistique + qui entravent peut-être entraver c‟est le mot

le mot qui est un peu fort qui euh freine

59. L4 ralentie

60. L1 voilà qui freine l‟activité ou le le: le dynamisme euh:

61. L4 le développement

62. L1 le dynamisme ouais le développement euh ben déjà le dynamisme de ce qui existe

63. L4 oui c‟est même pas le développement ça on en est au ***

64. L1 qui freine le dynamisme des activités économiques

65. L4 hum

66. L1 au sens large + je sais pas ce que vous en pensait ?

67. L4 hum

L1 précise qu‟il est en train d‟élaborer une proposition et qu‟il ne faut prendre en

compte que le contenu et non la forme : « non mais je je me débrouille la bobine pour voir si

c‟est cohérent euh: ».

Une analyse en grille permet de visualiser (plus facilement) la construction du texte :

Schéma 11 : Construction collaborative du texte : analyse en grille

L‟axe syntagmatique permet de dégager la construction linéaire du texte. Quant à l‟axe

paradigmatique, il fait apparaître les différentes recherches de mots dans la construction du

discours.

Cet extrait est marqué par la construction collaborative des énoncés et par la rédaction

collaborative d‟un texte. Les énoncés sont parfois ponctués de recherches de mots signalées

par « euh » et/ou par des allongements vocaliques (tours de parole 58 et 60 par exemple). À la

suite de ces recherches de mots, se produisent des phénomènes d‟énonciation conjointe où les

locuteurs complètent le tour de parole de leur collaborateur. Un des collaborateurs complète le

tour en proposant un syntagme.

Par ailleurs, toujours dans le cadre de la construction d‟un objet textuel (rédaction sur

la fiche « opération »), ces énoncés constituent également ce que D. Apothéloz appelle un

« épisode autonymique » (2005 : 174), où les participants construisent interactivement une

Page 411: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

411

séquence du texte-cible. Le texte-cible ici est la rédaction du point « contexte » dans la « fiche

action ». Un épisode autonymique nomme « les phases conversationnelles au cours desquelles

les deux rédacteurs construisent interactivement une séquence du texte-cible, et où leurs

énonciations ne consistent pratiquement qu‟en reformulations de fragments de ce texte, que

ceux-ci soient proposés, répétés, amendés, annulés, etc. ».

Dans l‟extrait suivant tiré de notre séquence, voici deux exemples (en gras dans

l‟extrait) d‟énonciation conjointe permettant aux locuteurs de construire ensemble une

séquence de texte-cible :

58. L1 non mais je > je me débrouille la bobine pour voir si c‟est cohérent euh: le diagnostic

territorial a fait apparaître ou émerger un certain nombre de dysfonctionnements au sein du

centre-ville de *V3* de nature urbanistique + qui entravent peut-être entraver c‟est le mot le

mot qui est un peu fort qui euh freine

59. L4 ralentie

60. L1 voilà qui freine l‟activité ou le le: le dynamisme euh:

61. L4 le développement

62. L1 le dynamisme ouais le développement euh ben déjà le dynamisme de ce qui existe

63. L4 oui c‟est même pas le développement ça on en est au ***

64. L1 qui freine le dynamisme des activités économiques

65. L4 hum

66. L1 au sens large + je sais pas ce que vous en pensez

En observant ces recherches de formulation, ces tours de parole complétés, et d‟une

façon plus générale l‟alternance des tours de parole, nous remarquons que ces échanges

présentent des « énonciations conjointes » (ou « complétions »), dans la mesure où un tour de

parole vient compléter un tour de parole antérieur. Ce phénomène interactionnel

montrtémoigne d‟une collaboration entre deux locuteurs.

Du point de vue de la rédaction collaborative d‟un objet textuel (rédaction sur la

« fiche opération »), ces énoncés peuvent être qualifiés d‟ « énoncés collaboratifs ». De plus,

nous repérons des reformulations visant à préciser un terme : ainsi L4 propose « ralentie » au

lieu de « freine » (tour de parole 59) et « développement » au lieu de « dynamisme » (tour de

parole 61), mot qui sera repris par L1 afin de marquer son écoute.

Dans l‟énoncé 64, L1 répète la phrase qui sera inscrite dans le texte cible (« qui freine

le dynamisme des activités économiques »). Il s‟agit de répéter afin de poursuivre.

Ces phénomènes de reprises et de reformulations s‟inscrivent dans un processus de

construction collaborative du discours et de construction d‟un objet textuel.

Cet extrait de séquence ci-dessus constitue donc une phase d‟élaboration dans la rédaction

collaborative.

Page 412: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

412

Lors de ces constructions collaboratives, L2 prend des notes à partir des propositions

de L2 et L4. D‟ailleurs, lorsque L1 demande l‟avis à ses collaborateurs sur ce qu‟il vient de

proposer, L2, qui prend alors des notes, répond qu‟elle est occupée à écrire (tour de parole

69) :

64. L1 qui freine le dynamisme des activités économiques

65. L4 hum

66. L1 au sens large + je sais pas ce que vous en pensait ?

67. L4 hum

+ +

68. L1 pas de réponse tant pis

69. L2 attends j’écris je peux pas

L2 inscrit ce que les locuteurs proposent. Cela correspond à la phase d‟ « inscription »

déterminée D. Apothéloz, dans laquelle ce même auteur définit le statut « des objets inscrits

(OI), à savoir ceux qui sont matérialisés sur le papier, donc provisoirement stabilisés (par

exemple l‟inscription qui sert de support à la lecture » (2005 : 170).

Voici un autre exemple, issu notre corpus, de complétude interactionnelle :

60. L1 voilà qui freine l‟activité ou le le: le dynamisme euh:

61. L4 le développement

62. L1 le dynamisme ouais le développement euh ben déjà le dynamisme de ce qui existe

L4 propose un terme pour remplacer « dynamisme ». L1 répète le syntagme « le

développement » (tour de parole 62) afin de montrer à L4 qu‟il prend sa suggestion en

compte.

Les phénomènes de reformulation et de reprise interviennent dans le processus de

construction collaborative.

Quelques phénomènes de reprise corroborent ce processus collaboratif. En effet, dans

le cadre de l‟élaboration du texte, L1 répète souvent certains termes clefs dans le processus de

construction :

56. L1 voilà qui freine l’activité ou le le: le dynamisme euh:

57. L4 le développement

58. L1 le dynamisme ouais le développement euh ben déjà le dynamisme de ce qui existe

59. L4 oui c‟est même pas le développement ça on en est au ***

60. L1 qui freine le dynamisme des activités économiques

61. L4 hum

Cela démontre que la construction s‟opère progressivement. L‟analyse en grille des

énoncés des collaborateurs met en évidence ce phénomène :

Page 413: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

413

Tableau 129 : Construction collaborative : analyse en grille

L1 entreprend la construction d‟une relative dans laquelle le locuteur insère des

syntagmes, en collaboration avec un autre locuteur. Par ailleurs, les répétitions des divers

syntagmes sont importantes pour progresser dans la formulation. En effet, selon D. Apothéloz

ces répétitions « ont un rôle central » :

Elles [les répétitions] permettent au formulateur de montrer qu‟il s‟approprie tout ou partie d‟une

formulation proposée par son partenaire, autrement dit de « construire un discours monologique dans la

forme dialogale »87

, pour reprendre l‟heureuse expression de M.-M. Gaulmyn (1987). (2005 : 183)

L‟élaboration documentaire fait partie du travail rédactionnel. La rédaction des

différents points de ces fiches va donner naissance à plusieurs formulations et plusieurs

commentaires de la part de l‟ensemble des locuteurs.

Les reformulations et les relectures

Les reformulations et les relectures sont des phénomènes de coopération dans le

processus de rédaction d‟un texte-cible.

L2 reprend ce qu‟elle a écrit et s‟inscrit ainsi dans la phase de reformulation et relecture :

« alors je: > j‟ai mis le diagnostic territorial a fait apparaître des dysfonctionnements dans l‟organisation

urbaine du centre-ville qui freine le dynamisme économique » (tour de parole 72)

L‟emploi du connecteur discursif « alors » permet de relier deux énonciations : les

formulations et la relecture des prises de notes des formulations. Ensuite, L2 amorce sa

lecture par « j‟ai mis » qui renvoie à ce qu‟elle a pris comme notes. Il s‟agit ici du statut

« OIO » déterminé par D. Apothéloz : « les objets inscrits oralisés (OIO), à savoir ceux qui

sont produits dans les phases de lecture, qu‟il s‟agisse de lecture pour le corédacteur ou de

lecture pour soi » (2005 : 170). Cet énoncé fait partie de la dernière étape de la phase de

relecture.

87

Éléments mis en italique par D. Apothéloz.

Page 414: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

414

Cette relecture de L2 donne lieu à des marques d‟évaluation de la part de ses

collaborateurs :

72. L2 alors je: > j‟ai mis le diagnostic territorial a fait apparaître des dysfonctionnements dans

l‟organisation urbaine du centre-ville qui freine le dynamisme économique

73. L1 pas mal

74. L2 ouais c‟est ce que tu as dit < peut-être un petit=

75. L1 *** >

76. L2 =peu plus court mais

77. L1 c‟est bien non mais c‟est l‟esprit hein on est d‟accord

Ces marques d‟évaluations positives (tours de parole 73 et 77) sont suivies de l‟accord

explicite de L1 qui clôt la rédaction du point et conduisent les locuteurs à passer à la suite du

travail.

L‟ensemble de ces éléments de complétude interactionnelle, reprises, reformulations et

relecture sont autant de caractéristiques déterminant une séquence d‟élaboration coopérative

d‟un texte. Cette séquence présente une construction collaborative d‟une partie de document

de travail pour la mise en place d‟un projet et prend ainsi place dans l‟ensemble de la

construction collective.

Dans les énoncés 54 à 65, nous repérons des énoncés collaboratifs. En effet, les locuteurs

construisent collectivement le texte pourtant sur la case « contexte » de la fiche opération. Cet

extrait semble présenter un langage comme travail. Comme l‟explique L. Karsenty et

P. Falzon, « cette vision du dialogue comme activité collaborative peut être mise en rapport

avec la conception du langage-action. » (1993 : 3).

Dans cette séquence, nous repérons plusieurs constructions collaboratives, ainsi que

les phases de construction de l‟objet textuel déterminées par D. Apothéloz.

Nous repérons dans notre séquence les quatre types de statuts (OO, OI, OOI, OIO)88

:

88

Nous avons développées ces notions dans le point 4.3.3.

Page 415: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

415

Tableau 130 : Les phases de l'activité de rédaction

Page 416: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

416

Voici un tableau récapitulatif de la construction de notre séquence :

Tableau 131 : Constitution de la séquence

La place du métadiscursif

Cette séquence présente une part importante de mots spécifiques relatifs à l‟organisme

et à ses différents services, d‟où quelques confusions chez les locuteurs entre « contexte » et

« objectif », ce qui témoigne de l‟importance du choix des mots dans la construction

collective. L‟usage du métadiscursif permet aux locuteurs de construire leur texte, de les

commenter et les corriger, les modifier en travaillant sur l‟exactitude des mots. Voici

quelques exemples :

Dans le tour de parole 57, L1 recherche le mot adapté : « c‟est le mot le mot qui est un peu

fort ».

D‟autres énoncés portent sur la formulation même des mots. Par exemple, L1 corrige sa

proposition en l‟introduisant par une formulation de prise en charge énonciative portant sur

l‟action de dire :

« je sais pas si c’est la bonne formulation mais dans l‟esprit vous allez me dire » (tour de parole 4)

Nous repérons d‟autres exemples mettant en avant l‟emploi de formulations de prise en

charge énonciative :

- « donc euh je dirais euh que tu dois le redéfinir plus GLObalement DONT le commerce » (tour de

parole 10) ;

- « on pourrait même dire le diagnostic a fait émerger » (tour de parole 54).

Le métadiscursif aide à soulever les ambigüités. En effet, à la suite des redéfinitions,

nous relevons des énoncés tels que :

17. L1 après c‟est une question de:

18. L4 d‟accord formulé comme ça je suis d‟accord

19. L1 on on ouais c‟est une question de formulation hein c‟est

Ou :

« mais mais nous nous c’est peut-être une interprétation que je fais < du mot hein » (L2, énoncé 38).

Page 417: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

417

Ces moments de réflexion sur les mots employés et à employer sont importants dans la

construction d‟un objet textuel.

L’utilisation de nominalisations et de formes spécifiques : caractéristique d’un langage

professionnel :

La séquence présente de nombreuses nominalisations (28 occurrences), dont voici

quelques exemples : « fonctionnalités commerciales », « dysfonctionnement »,

« circulation », « interprétation », « urbanistique », « développement », « dynamisme »,

« organisation ». Ces nominalisations sont principalement employées pour préparer la

rédaction du texte et constituent un trait caractéristique souvent utilisé dans les discours

scientifiques89

, mais aussi dans divers documents de travail : elles reflètent un langage

professionnel.

Par ailleurs, notre séquence ne présente que très peu de formes bi-nominales ou

d‟énoncés-titres, comme c‟était le cas dans les séquences relevant du type linguistique

« langage expositif ». Cependant, nous relevons des syntagmes nom + adjectif tels que

« fonctionnalités commerciales », « points urbanistiques », « diagnostic territorial » (tour de

parole 56, 57, 72), « organisation urbaine » ou encore « dynamisme économique » (tour de

parole 72). Ces formes semblent proches des formes bi-nominales et semblent se présenter

comme une caractéristique des langues de spécialités.

Les emplois des pronoms-sujets

L1 emploie cinq occurrences du pronom-sujet « on ». Ce pronom, référant à

l‟ensemble des participants, accompagne des verbes d‟action au passé (« ben le contexte c‟est

euh le contexte comment que- *** on avait dit », tour de parole 2), des verbes au présent

(« mais parce que quelque part on est quand même dans la: la fiche action COMMERce »,

tour de parole 7 ; « c‟est bien non mais c‟est l‟esprit hein on est d‟accord », tour de parole 77),

ainsi que deux modaux au conditionnel s‟inscrivant dans l‟activité d‟élaboration de l‟objet

textuel (« < qu‟on voudrait », tour de parole 52 ; « on pourrait même dire le diagnostic a fait

émerger », tour de parole 54). Ces divers emplois marquent l‟action menée par l‟ensemble des

collaborateurs.

89

Cf point 4.2.2.2.

Page 418: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

418

L1 emploie par ailleurs quatre occurrences du pronom-sujet « je », dont trois de ces

pronoms sont suivis de verbes d‟attitudes propositionnelles qui traduisent son implication et

ses prises de position dans le travail en cours :

- « oui ah ben le contexte c‟est euh alors je sais pas si c‟est la bonne formulation mais dans l‟esprit vous

allez me dire le contexte c‟est redonner les moyens au centre-ville d‟assumer ses fonctionnalités

commerciales » (tour de parole 4) ;

- « le contexte c‟est ce constat en fait je suis d’accord » (tour de parole 46) ;

- « au sens large + je sais pas ce que vous en pensait ? » (tour de parole 66).

L‟une des occurrences du pronom-sujet « je » accompagne un verbe d‟action au

présent où L1 s‟explique sur ce qu‟il fait :

« non mais je > je me débrouille la bobine pour voir si c‟est cohérent euh: le diagnostic territorial a fait

apparaître ou émerger un certain nombre de dysfonctionnements au sein du centre-ville de *V3* de

nature urbanistique + qui entravent peut-être entraver c‟est le mot le mot qui est un peu fort qui euh

freine » (tour de parole 58)

Le discours de L1 présente une seule occurrence de « vous » qui renvoie à ses

collaborateurs et apportant un verbe à valeur injonctive :

L1 : « alors je sais pas si c‟est la bonne formulation mais dans l‟esprit vous allez me dire le contexte

c‟est redonner les moyens au centre-ville d‟assumer ses fonctionnalités commerciales » (tour de

parole 4).

Cette utilisation lui permet d‟introduire une proposition.

L4 emploie quant à lui cinq occurrences du pronom-sujet « tu » lorsqu‟il s‟adresse à

L1, dont quatre sont accompagnés de verbes d‟action :

- « OUI mais au préalable tu nous dis que c‟est un cabinet d‟urbanisme < de le prendre en charge »

(tour de parole 8) ;

- « on est d‟accord > alors tu tu situes ça en expliquant qu‟il faut que ça soit au niveau des

FONCtionnalités commerciales c‟est bien ce que tu as dit » (tour de parole 14)

et un est accompagné d‟un modal à valeur d‟obligation :

« donc euh je dirais euh que tu dois le redéfinir plus GLObalement DONT le commerce » (tour de

parole 10).

Ces emplois montrent que les locuteurs sont dans l‟action. Ils tentent de s‟accorder

pour avancer dans leur projet. Les temps des verbes sont au passé afin de relater ce qui vient

d‟être fait, mais aussi au présent car les locuteurs sont engagés dans l‟activité de travail.

Page 419: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

419

L4 utilise également trois occurrences du pronom-sujet « on » dont un seul suggère une action

et renvoie à l‟ensemble des participants : « euh redevienne un lieu de vie CENTRAL alors on

on < peut mettre » (tour de parole 28).

Les deux autres pronoms « on » avancent l‟explicitation de l‟accord des locuteurs L4

et L1 : « on est d‟accord » (tours de parole 12 et 14). Ces emplois de « on » par L4 marque le

travail collaboratif.

Pour ce qui est du discours de L3, il présente quatre occurrences du pronom-sujet

« on » ; il est accompagné de verbes d‟action et se référe à l‟ensemble des participants.

Certains verbes sont au passé, ce qui permet aux locuteurs de reprendre ce qui vient d‟être

fait. D‟autres verbes sont au présent, temps grammatical qui permet de désigner l‟activité de

travail.

L3 emploie également quatre occurrences du pronom-sujet « je » accompagné de

verbes d‟action dont deux concernent l‟activité de rédaction et le troisième concerne l‟activité

plutôt réflexive (« mais mais nous nous c‟est peut-être une interprétation que je fais < du mot

hein », tour de parole 38) et le dernier accompagne un verbe d‟attitude propositionnelle

(« attends j‟écris je peux pas », tour de parole 69).

Nous ne relevons qu‟une seule occurrence de « tu » adressé à L1 qui a fait une

proposition : « ouais c‟est ce que tu as dit < peut-être un petit= » (tour de parole 74).

Dans l‟activité de construction collective, les locuteurs emploient principalement le

pronom-sujet « on » dans la réflexion et dans les actes de rédaction et ils utilisent le pronom-

sujet « je » lorsqu‟il s‟agit de faire part de points de vue personnels.

Cette séquence est le lieu d‟une rédaction collaborative du paragraphe « contexte »

dans la fiche opération. L‟emploi d‟énoncés collaboratifs s‟explique par le fait que les

locuteurs travaillent collectivement sur la rédaction du texte. Cette séquence appartient au

type linguistique « langage de co-action », type qui met en avant l‟utilisation du langage pour

mener l‟activité. Le langage permet la construction d‟une activité de travail, qu‟il s‟agisse de

la rédaction d‟un projet ou d‟un quelconque document ou la réalisation collective d‟une tâche.

Pour conclure sur l‟ensemble des analyses et sur les études de séquences complètes,

nous pouvons dire que le type linguistique « langage co-action » est caractérisé par l‟action,

par la dynamique « faire », où l‟activité s‟accomplit au moyen de la parole. Il y a action dans

la construction collective d‟une tâche, dans la rédaction collaborative d‟un texte, mais aussi

dans la négociation, dans les prises de décision et dans les injonctions du supérieur

Page 420: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

420

hiérarchique. Le type linguistique « langage de co-action » se met en place lorsqu‟un

changement s‟opère au sein du travail : quelque chose se construit, un projet est en train de

naître, une personne est élue ou encore une règle est instaurée.

4.3.4. Synthèse des critères du type linguistique « langage de co-action »

Le tableau suivant présente l‟ensemble des caractéristiques du type linguistique

« langage de co-action » :

Page 421: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

421

Tableau 132 : Les critères du type linguistique « langage co-action »

Types linguistiques Langage de co-action

(Réalise l’activité)

Types de séquence Opérative

(langage-action) Explicative

(Recherche collective d’une explication)

Cara

ctér

isti

qu

es

1) Critère principal : les phases

- phase d‟élaboration

- phase autonymique

- phase d‟inscription

- phase de lecture/ reformulation

Phases métalinguistiques

- phase de questionnement

- phase résolutive

- phase conclusive

- phase d‟information(s)

complémentaire(s)

2) Critère secondaire : caractéristiques

linguistiques

Négociation du rôle du scripteur

Langage opératif

Emploi de formes d‟atténuation

Emploi des pronoms-sujets « je » et « on »

Les déictiques

Énonciations conjointes, reprises et

reformulations

Omniprésence des écrits professionnels

3) Critère transversal : le degré

d‟interactivité Élevé

4) Mode actionnel

Activité fortement engageante

Actions conjointes Finalité du cadre : enjeu commun

Soumis à peu de mécanisme de planification

Page 422: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

422

Ce tableau reprend l‟ensemble des critères que nous venons de présenter et d‟analyser

pour les deux types de séquence (opérative et explicative). Nous présentons également dans

ce tableau les éléments du cadre actionnel dans le chapitre 2 de la partie 1. Ces deux

séquences sont caractérisées par des activités fortement engageantes. Les collaborateurs

s‟engagent plus que dans les autres types d‟activités et s‟investissent ensemble avec l‟objectif

de parvenir à un but commun : la rédaction, voire la mise en place, d‟un projet si nous nous

référons à la réunion interne de la CCI ou un travail d‟uniformisation de CV dont le but

commun dominant est la réponse à un appel d‟offres. Ces réunions se mettent en place sans

que les discours de chacun ne soient planifiés.

4.4 Le type linguistique « langage péri-professionnel » : séquences et critères

À partir de l‟observation de notre corpus et du premier sous-corpus, nous avons pu

identifier un troisième type linguistique que nous nommons « le langage péri-professionnel »

pour désigner les échanges informels sur le lieu de travail et qui relèvent de la fonction

phatique du langage. Le type linguistique « langage péri-professionnel » est caractérisé par

des conversations plutôt informelles portant sur des thèmes ne concernant pas ou pas

directement le travail.

Dans ce « langage péri-professionnel », nous identifions deux types de séquence

caractéristiques : les séquences d‟échanges interstitiels et les séquences de conversations

informelles. Ces séquences ont en commun le trait de l‟informel. Nous proposerons ensuite

l‟analyse de trois séquences relevant du type linguistique « langage péri-professionnel » avant

de procéder à une synthèse.

4.4.1. Détermination de critères linguistiques dans les séquences

Nous présenterons les deux types de séquence et les critères qui les caractérisent.

Chaque critère fera l‟objet d‟une analyse qualitative et quantitative au sein des séquences de

notre deuxième sous-corpus.

Page 423: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

423

4.4.1.1 La séquence d’échanges interstitiels

Pour nommer les échanges informels au travail, M. Grosjean parle d‟ « échanges

interstitiels » :

Il y a des échanges purement conversationnels que nous avons appelés « interstitiels » parce qu‟ils se

glissent généralement dans les interstices d‟échanges opérationnels de coaction ou qu‟ils accompagnent

l‟action sans lien apparent avec elle : c‟est l‟infirmière qui parle de glaïeuls de son jardin à un malade

tout en lui faisant un pansement. (M. Grosjean, 2005 [2001] : 149)

Ces échanges s‟opposent aux types linguistiques opératif et expositif dans la mesure

où il s‟agit d‟une activité uniquement langagière, c‟est-à-dire sans activité de travail et sans

lien direct avec le travail. Dans les autres types de discours que nous avons développés, le

langage conduit des activités de travail : activité collective ou individuelle.

Les séquences d‟échanges interstitiels sont caractérisées par leur brièveté. L‟analyse

de ces séquences dans le sous-corpus 2 indique qu‟elles comptent en moyenne 107 mots, ce

qui est plus que la séquence encadrante qui en compte en moyenne 94 et moins que la

séquence de conversation informelle (en moyenne 166). Ces trois types de séquence sont les

plus brèves, les autres comptent au moins plus de 420 mots.

4.4.1.2 La séquence de conversation informelle

Avant, après les réunions, lors des pauses et parfois lors des réunions, les locuteurs

entreprennent des conversations informelles. Le temps passé au travail compte des moments

plus personnels/intimes entre les personnes.

Le temps passé au travail avec ses collègues tisse des liens entre les individus et les

conduit à échanger sur des sujets sans lien direct avec le travail. Il peut s‟agir des week-ends,

des vacances, des conjoints, etc., mais il peut s‟agir aussi de moments où l‟on plaisante, des

moments où les liens se nouent.

Nous proposons un exemple de conversation sur un thème informel lors de l‟ouverture

de réunion de travail au sein de l‟OF :

Page 424: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

424

Exemple 68.

1. L1 ben d’abord euh bon + faut quand même souligner les les trois points de *V1*

samedi +

2. L3 ah au foot au foot hum oui

3. L1 soulignons-le quand même hein

4. L3 ouais + ils gagnaient euh deux deux zéro à *V41* c‟est ça deux un

5. L1 CONTRE *V41*

6. L3 deux un CONTRE *V41*

7. L1 hum

8. L2 < c‟est important

9. L3 c‟est vrai > je suis hein

+

10. L1 donc à partir de là j‟ai plus grand-chose à dire

11. L3 oui *V42* aussi a fait **

12. L1 oui d‟accord < mais ils ont pas de points

13. L3 donc ils ont pas creusé > l‟écart

14. L2 on est à quatre points de *V43*

15. L3 c‟est vrai

16. L1 ouais exactement < tout reste ouvert

17. L2 on va aller chez > on va aller chez eux à la fin du mois

18. L1 ouais

19. L3 et *V44* hier trois un ?

20. L1 < quatre deux

21. L2 quatre deux >

22. L3 quatre deux ?

23. L1 ouais quatre deux

24. L3 je me suis endormie avant

25. L2 beau match hein

26. L1 {L1 s’adresse à L3} hein ?

27. L3 je me suis endormie au trois un

(Séquence 1, réunion de travail : réflexion et organisation des nouveaux appels d'offres, OF)

Cet extrait illustre une conversation informelle sur le thème du football entre trois locuteurs

avant le début de la réunion. Les énoncés des locuteurs sont courts et s‟enchaînent rapidement

entre seulement les seuls adeptes de football, c'est-à-dire L1 et L3. On constate une liberté de

parole plus importante par rapport aux discours au sein de la réunion, où les tours de parole et

les thèmes sont gérés par un leader et font partie d‟une activité professionnelle. Dans cette

conversation, les locuteurs ne se positionnent pas en tant que direction de l‟organisme de

formation et trésorier de l‟association, mais entre deux individus lambda partageant une

même passion, à savoir celle du football.

La séquence de conversation informelle est caractérisée par l‟apparition d‟une phase

narrative et par des ruptures humoristiques.

Page 425: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

425

4.4.1.2.1 Premier critère : les phases narratives

Les séquences de conversation informelle sont parfois caractérisées par des phases

narratives. Parfois, dans les réunions de travail, les interlocuteurs racontent une histoire ou

une anecdote. Dans ce type de phases, nous repérons principalement le temps du passé, la

première personne du singulier ainsi que des valeurs temporelles telles que « quand », « il

y a ».

Dans le cadre de l‟analyse du monologue narratif dans le théâtre classique, J.-M. Adam

explique qu‟il convient de décrire les « séquences monologales » et de porter une attention

particulière à leur insertion dans le dialogal :

Pour une linguistique textuelle, l‟étude du monologue narratif présente un double intérêt : permettre,

d‟une part, de poser concrètement la question de l‟insertion de séquences hétérogène du type :

[conversation [ récit ] conversation],

permettre, d‟autre part, de penser la nature profondément dialogique des échanges narratifs. (J.-M.

Adam, 1992 : 171-172)

Ce qui nous intéresse particulièrement est l‟hétérogénéité au sein d‟une séquence ; elle

permet de mettre en lumière le découpage séquentiel. Une réunion de travail comporte des

séquences de types divers : des séquences caractérisées par l‟activité de travail, et d‟autres par

des moments plus informels dans lesquels s‟intègrent des phases narratives d‟anecdotes ou

d‟histoires plus ou moins personnelles. Prenons un exemple de phase narrative dans une

séance de travail entre L2 et L3 au sein de l‟organisme de formation. Au cours de l‟activité, la

conversation entre les deux collaboratrices glissent vers des échanges informels de nature

personnelle. L3 parle de son beau-père alors que L2 rit et tente de recadrer assez vite le sujet

et l‟activité de travail afin de reprendre la tâche en cours (tour de parole 7).

Exemple 69.

1. L3 tu sais > mon beau-père il était alcoolique alors quand il voyait une bouteille quand il

voyait une bouteille si c‟était du onze degrés hum quand c‟était du douze il disait hu:m

c‟est du douze c‟est du bon {Rires de L2}

2. L2 regarde *Pp52* {L2 épèle le prénom}

3. L3 ouais

4. L2 le petit i il est pas paru

{L3 corrige}

5. L3 tu veux que je t- il est mort le pauvre homme à quatre vingt treize ans d‟une pleurésie c'est-

à-dire qu‟il avait de l‟eau dans les poumons mais alors le médecin lui a dit monsieur

*Pn53* vous avez de l‟eau dans vos poumons {L3 fait signe non avec son index} j’ai

jamais bu d‟eau

{Rires de L2}

6. L3 je t‟assure même une aspirine il les prenait dans un verre de vin

{Rires de L2 et L3}

Page 426: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

426

7. L2 là le le problème là j‟ai j‟ai l‟impression est-ce que tu veux faire euh est-ce que ça fait

partie d‟animation et accompagnement de prestation là objectif projet ou c‟est est-ce que tu

développes cette phrase < là

(Séquence 36, séance de travail, OF)

Cet extrait constitue en effet le récit d‟une anecdote réelle de L3 qui devient narrateur.

Nous repérons le temps du passé (en gras dans l‟extrait) qui se rapporte au récit. L3 se place à

l'intérieur de l'histoire ; elle reproduit les gestes de son beau-père et utilise le discours direct

(« il disait hu:m c‟est du douze c‟est du bon », tour 1 et « j‟ai jamais bu d‟eau », tour 5) pour

reproduire ses paroles.

Comme nous avons procédé à une délimitation des séquences à partir, entre autres,

d‟une cohérence thématique, les parties comprenant des échanges portant sur des thèmes

personnels, informels sont devenues des séquences. Elles sont caractérisées par leur brièveté

et elles sont souvent recadrées par les participants au travail.

Le sous-corpus 2 se compose de 12 séquences de conversations informelles, qui

comptent en moyenne 166 mots (contre une moyenne de 647 dans les autres types de

séquence). L‟analyse des séquences de conversation informelle nous montrent que certaines

séquences comportent des phases narratives et d‟autres sont caractérisées par des thèmes

annexes du travail comme le café trop fort ou des commentaires sur le nombre de réunions par

exemple. Dans le tableau ci-dessous, nous avons identifié les séquences de conversation

informelle du sous-corpus 2, et présenté l‟ensemble des thèmes conversationnels en précisant

s‟il se manifeste ou non des phases narratives :

Page 427: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

427

Tableau 133 : Thèmes conversationnels des séquences de conversation informelle du sous-corpus 2

Terrain de

recherche Réunion Séquence Sujet de la conversation

Phase

narrative

x oui

CCI Échanges

avant le

CoDir 1

Séquence 1

Échanges sur plusieurs points : le café qui a

l‟air fort, du nombre de réunions au

quotidien et du prochain CoDir.

Échanges

pendant la

pause du

CoDir 1

Séquence 2 Jeu de mots de L3.

Séquence 4 Commentaires sur les plateaux repas qui

arrivent en salle de réunion.

Réunion

interne 1 Séquence 16

Les locuteurs parlent des hommes et des

femmes. X

Entreprise

de

transport

Activités

langagières

au service

RH

Séquence 2 L2 recherche une personne de l‟entreprise

et demande à L3 s‟il sait où il est.

Séquence 5 L10 parle de l‟absence de sa chef et de la

dernière fois qu‟elle l‟a vu. X

OF

Séance de

travail

Séquence 25 Un formateur vient saluer les deux

formatrices en train de travailler.

Séquence 31 Commentaires de L3 sur son stress et son

intention d‟arrêter de fumer. X

Séquence 36 L3 parle de son beau-père qui était

alcoolique et mort d‟une pleurésie. X

Conversation

Séquence 2 Échanges entre les locuteurs au sujet du

café un peu trop fort de L3.

Séquence 3 Conversation au sujet d‟un manque de

formateurs sur un site.

GIS CoDir 2 Séquence 2

Échanges sur le mauvais temps des

vacances de L3. X

Parmi les 12 séquences de conversation informelle, seulement 5 (soit 41,7 % des

séquences) comportent des phases narratives, c‟est-à-dire le récit d‟une histoire ou d‟une

anecdote.

Les séquences de conversation informelle sont caractérisées par une dimension

phatique avec des thèmes de conversation qui se situent en-deça de l‟activité de travail.

4.4.1.2.2 Deuxième critère : la rupture humoristique

Nous présenterons tout d‟abord l‟analyse qualitative de la rupture humoristique, puis l‟analyse

quantitative de ce critère dans l‟ensemble des séquences des réunions de travail viendra

appuyer l‟analyse qualitative.

Page 428: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

428

a. L’analyse qualitative portant sur la rupture humoristique

L‟analyse du corpus a mis en lumière des ruptures humoristiques dans l‟ensemble des

réunions de travail, mais de façon plus récurrente dans les séquences de conversation

informelle. Ces cas de ruptures humoristiques se présentent comme une pause dans le travail.

Ce genre de "transgressions", qui sont récurrentes, donne une tonalité particulière aux

réunions. En effet, elles permettent d‟installer un climat plus détendu et favorisent le

rapprochement entre les participants :

Les ruptures humoristiques sont des initiatives „transgressives‟, hors du cadre proposé, mais qui

concernent tous les participants. L‟apparition de l‟humour, et quelquefois même de l‟ironie,

permettent de traiter ce qui est difficile à traiter et favorisent le renforcement du groupe. (M.-C. Perez

De Souza et E. Silva, 1999 : 144)

Les ruptures humoristiques sont à l‟initiative des locuteurs, et dans certains cas, il s‟en

faut de peu pour provoquer une rupture humoristique. Quelques exemples tirés de notre corpu

permettent d‟illustrer notre propos :

Exemple 1.

1. L1 allez *Lp4* c‟est *Lp4* qui démarre donc je vous invite à prendre son document <

euh=

2. L4 c’est > pour me réveiller

3. L1 =budget 2008 CCI *D1* donc ce que je vous avais dit dans un premier temps on va

parcourir les documents euh les projets euh de plan(s) d‟action qui vont être présentés

au bureau […]

(Extrait séquence 2, CoDir 1, CCI)

Le tour de parole 2 présente une rupture humoristique, la réunion ayant lieu à la première

heure ; premier à prendre la parole pour exposer le travail de son service, L4 se permet de

faire une petite remarque humoristique. Cela montre que la réunion se déroule dans un climat

plutôt serein, qui sera maintenu si certains locuteurs ponctuent de façon modérée la réunion

de quelques ruptures humoristiques.

Exemple 2.

L1 je suis en train d‟organiser de de faire des fiches de proposer une architecture de fichee

parce que on peut euh enfin je sais pas encore je raisonne vous dites si je dis une

connerie je suis hein comme Bartez {Début : L1 prend l’accent de Bartez} coach j’ai

dit une connerie {Fin : L1 prend l’accent de Bartez} vous me recadrez mais on

pourrait imaginer un système de CHAPEAU en disant voilà les arses {sic} on prend les

axes on les décrit

(Extrait séquence 4, réunion interne 2, CCI)

Page 429: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

429

Cette rupture humoristique (en gras dans l‟exemple) est notamment caractérisée par l‟accent

que L1 prend pour demander à ses collaborateurs de le corriger s‟il se trompe. Cette rupture

est encadrée par deux syntagmes verbaux à valeur injonctive « vous dites » et « vous me

recadrez » qui ouvrent puis clôt la rupture, ce qui montre la brièveté de ce type d‟interruption.

Exemple 3.

1. L1 bon on a une avocate qu‟on paie pour ça après est-ce qu‟on lui fait confiance ou pas - pas

tête baissée mais bon euh on essaie de de: de prendre le maximum d‟avis pour euh:

2. L3 hum hum hum >

3. L1 pour pas se faire avoir pour pas se faire euh + voilà hein je: < j‟espère

4. L3 elle est > bonne l’avocate ou quoi ou e:lle est

5. L2 j’en sais rien je te dirai ça

6. L4 elle est quoi

7. L3 elle est bonne: euh: + elle a travaillé déjà avant sur des trucs ou:

{Rires de L2 et d’autres locuteurs}

8. L3 ah: c‟est pas: vrai

9. L2 non mais tu l’as jamais vu c’est pour ça

10. L3 ouais non mais: > non

11. LX si

12. L3 non

13. L2 c’est une rouquine: tout euh:

14. L1 bien *Lp2* < ***

15. LX grande >

{Rires de L2}

(Séquence 4, CA 1, OF)

La rupture humoristique est provoquée de façon inconsciente par L3 dans le tour de

parole 4 alors qu‟il s‟interroge sur les compétences de l‟avocate en charge d‟une affaire sur

laquelle les locuteurs échangeaient. Le sens de « bonne » dans la question « elle est bonne

l‟avocate ou quoi » (tour de parole 4), est alors détourné par quelques autres locuteurs : le

sens de « bonne » n‟est pas pris dans le sens « compétente professionnellement », mais « bien

roulée », « jolie », etc. Ce détournement de sens provoque des rires chez ses collaborateurs et

une description de l‟avocate de la part de certains locuteurs : « c‟est une rouquine » (tour de

parole 13), « grande » (tour de parole 15).

Les ruptures humoristiques, marquant des micro-pauses dans le travail, permettent de

détendre l‟atmosphère de la réunion et de souder davantage le groupe.

Page 430: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

430

b. Analyse quantitative de la rupture humoristique

Dans les analyses quantitatives suivantes, nous présentons le nombre de ruptures

humoristiques au sein des séquences de réunions de travail. Nous ne pouvons calculer de

prévalence dans la mesure où il s‟agit de "moments" comprenant un ensemble variable de

mots. Ce qui est important dans l‟analyse de ce critère, c‟est la présence même de rupture(s)

humoristique(s).

CoDir 1, CCI

Tableau 134 : Les manifestations de ruptures humoristiques par type de séquence dans le CoDir 1

(CCI)

Types de séquence

dans le CoDir 1 (CCI)

Nombre de

séquences dans

la réunion

Nombre de séquences qui

présentent des ruptures

humoristiques

Nombre de

ruptures

humoristiques

Séquences encadrantes 7 3 42,8 % 3

Séquences prescriptives 14 2 14,3 % 2

Séquences descriptives 31 5 16,2 % 6

Séquences opératives 4 1 25 % 1

Séquences explicatives 14 3 21,4 % 5

Séquences d‟échanges

interstitiels 1 1 100 % 2

Séquences de

conversation informelle 0 - - -

Séquences ND 1 0 0 0

TOTAL 72 15 20,8 % 19

Les ruptures humoristiques sont plus importantes dans la séquence d‟échanges

interstitiels qui en compte deux. De plus, 42,8 % des séquences prescriptives comportent une

rupture humoristique. Les séquences descriptives comptent 6 ruptures humoristiques, mais

dans seulement 16,2 % des séquences de ce type. Ainsi, il semble que, pour cette réunion, les

ruptures humoristiques sont caractéristiques des séquences d‟échanges interstitiels.

Page 431: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

431

Réunion interne 1, CCI

Tableau 135 : Les manifestations de ruptures humoristiques par type de séquence dans la réunion

interne 1 (CCI)

Types de séquence

dans la réunion

interne 1 (CCI)

Nombre de

séquences dans

la réunion

Nombre de séquences qui

présentent des ruptures

humoristiques

Nombre de

ruptures

humoristiques

Séquences encadrantes 0 - - -

Séquences descriptives 9 0 0 0

Séquences prescriptives 1 0 0 0

Séquences descriptives/

prescriptives 1 0 0 0

Séquences opératives 10 3 30 % 3

Séquences explicatives 3 0 0 0

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - -

Séquences de

conversation informelle 1 1 100 % 1

Séquences ND 1 1 100 % 1

TOTAL 26 4 15,4 % 5

Les ruptures humoristiques sont peu présentes dans cette réunion, dans la mesure où

seulement 15,4 % des séquences comportent une rupture.

Nous observons que 100 % des séquences de conversation informelle et des séquences

ND présentent ce phénomène. Quant aux séquences opératives, elles ne sont que 30 % à

comporter des ruptures humoristiques.

Les analyses montrent que les ruptures humoristiques sont plutôt caractéristiques de la

séquence de conversation informelle et de la séquence que nous n‟avons pu classer dans un

type de séquence.

CoDir 2, GIS

Tableau 136 : Les manifestations de ruptures humoristiques dans les séquences du CoDir 2 (GIS)

Types de séquence

dans le CoDir 2 (GIS)

Nombre de

séquences dans

la réunion

Nombre de séquences qui

présentent des ruptures

humoristiques

Nombre de

ruptures

humoristiques

Séquences encadrantes 1 0 0 0

Séquences descriptives 9 1 11,1 % 1

Séquences prescriptives 2 0 0 0

Séquences opératives 1 0 0 0

Séquences explicatives 0 - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - -

Séquences de

conversation informelle 1 1 100 % 1

Séquences

opératives/prescriptives 5 1 20 % 1

Séquences ND 1 0 0 0

TOTAL 20 3 15 % 3

Page 432: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

432

La séquence caractéristique des ruptures humoristiques est la séquence de

conversation informelle. Les deux autres types de séquence comportent trop peu de séquences

et de ruptures humoristiques pour en être caractéristiques.

Réunion des responsables formateurs, OF

Tableau 137 : Les manifestations de ruptures humoristiques dans les séquences de la réunion des

responsables formateurs (OF)

Types de séquence

dans la réunion des

responsables formateurs

(OF)

Nombre de

séquences dans

la réunion

Nombre de séquences qui

présentent des ruptures

humoristiques

Nombre de

ruptures

humoristiques

Séquences encadrantes 1 0 0 0

Séquences descriptives 1 0 0 0

Séquences prescriptives 2 0 0 0

Séquences opératives 21 4 19 % 5

Séquences explicatives 1 0 0 0

Séquences

opératives/explicatives 1 0 0 0

Séquences d‟échanges

interstitiels 3 0 0 0

Séquences de

conversation informelle 0 - - -

Séquences

opératives/prescriptives 5 2 40 % 2

Séquences ND 1 0 0 0

TOTAL 36 6 16,7 % 7

Les séquences de cette réunion comportent assez peu de ruptures humoristiques.

Seulement 16,7 % de séquences de la réunion en comptent, dont 19 % de séquences

opératives et 40 % de séquences opératives/prescriptives.

Selon les analyses quantitatives, les ruptures humoristiques semblent plutôt

caractéristiques de ces types de séquence.

Page 433: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

433

Séance de travail, OF

Tableau 138 : Les manifestations de ruptures humoristiques dans les séquences de la séance de

travail (OF)

Types de séquence

dans la séance de travail

(OF)

Nombre de

séquences dans

la réunion

Nombre de séquences qui

présentent des ruptures

humoristiques

Nombre de

ruptures

humoristiques

Séquences encadrantes 0 - - -

Séquences descriptives 2 0 0 0

Séquences prescriptives 0 - - -

Séquences opératives 19 8 42,10 % 12

Séquences explicatives 0 - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 7 2 28,6 % 2

Séquences de

conversation informelle 3 0 0 0

Séquences

opératives/prescriptives 3 1 33,3 % 1

Séquences ND 2 0 0 0

Séquences NC 2 - - -

TOTAL 38 11 28,9 % 15

Dans cette séance de travail entre deux formatrices, les ruptures humoristiques sont

plus fréquentes dans les séquences opératives. En effet, 42,10 % de ces séquences comportent

au moins une rupture humoristique, ce qui fait de ce critère une des caractéristiques des

séquences opératives.

Partie 1 de la réunion de groupement 2, OF

Tableau 139 : Les manifestations de ruptures humoristiques dans la partie 1 de la réunion de

groupement 2 (OF)

Types de séquence

dans la partie 1 de la

réunion de groupement 2

(OF)

Nombre de

séquences

dans la

réunion

Nombre de séquences qui

présentent des ruptures

humoristiques

Nombre de

ruptures

humoristiques

Séquences encadrantes 0 - - -

Séquences descriptives 1 0 0 0

Séquences prescriptives 0 - - -

Séquences opératives 5 1 20 % 1

Séquences explicatives 0 - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - -

Séquences de conversation

informelle 0 - - -

Séquences ND 1 1 100 % 1

TOTAL 7 2 28,6 % 2

Page 434: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

434

Cette réunion ne comporte pas de séquences relevant du type linguistique « langage

péri-professionnel ». Les séquences dominantes sont les séquences opératives. 20 % d‟entre

elles comportent une rupture humoristique. La seule séquence ND comporte également une

rupture humoristique et se présente comme la séquence caractéristique de ce phénomène.

Échanges avant la réunion et pendant la pause du CoDir 1, CCI

Tableau 140 : Les manifestations de ruptures humoristiques dans les échanges avant la réunion et

pendant la pause du CoDir 1 (CCI)

Types de séquence

dans les échanges avant la

réunion et pendant la pause

(CCI)

Nombre de

séquences dans

la réunion

Nombre de séquences qui

présentent des ruptures

humoristiques

Nombre de

ruptures

humoristiques

Séquences encadrantes 0 - - -

Séquences descriptives 0 - - -

Séquences prescriptives 2 0 0 0

Séquences opératives 1 0 0 0

Séquences explicatives 0 - - -

Séquences d‟échanges

interstitiels 0 - - -

Séquences de conversation

informelle 3 2 66,7 % 2

TOTAL 6 2 2

Les ruptures humoristiques ne se présentent que dans des séquences de conversation

informelle, elles sont donc caractéristiques de ce type de séquence. 66,7 % de ce type de

séquence comptent une rupture humoristique.

Conversation, OF

La conversation a été découpée en trois séquences : deux séquences de conversation

informelle et une séquence ND. Les deux séquences de conversation informelle comportent

toutes deux une rupture humoristique. Ainsi, la rupture humoristique est caractéristique de ce

type de séquence.

Activités langagières au sein du service RH, entreprise de transport

Parmi les séquences des activités langagières au sein du service RH, une seule

séquence (sur 13) comporte une rupture humoristique. Il s‟agit d‟une séquence que nous

n‟avions pu déterminer.

Page 435: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

435

Pour le CoDir 2 qui a eu lieu au sein de l‟entreprise de transport, aucune séquence ne

comporte de ruptures humoristiques.

c. Synthèse sur les ruptures humoristiques

Tableau 141 : Les ruptures humoristiques dans les types de séquence dans le sous-corpus 2

Types de séquence

dans le sous-corpus 2

Nombre de

séquences dans

le sous-corpus 2

Nombre de séquences

qui présentent des

ruptures humoristiques

Nombre de

ruptures

humoristiques

Séquences encadrantes 9 3 33,3 % 3

Séquences descriptives 64 6 9,4 % 7

Séquences prescriptives 22 2 9 % 2

Séquences

descriptives/prescriptives 1 0 0 0

Séquences opératives 72 17 23,6 % 22

Séquences explicatives 18 3 16 % 5

Séquences

opératives/explicatives 1 0 0 0

Séquences d'échanges

interstitiels 12 3 25 % 4

Séquences de conversation

informelle 12 6 50 % 6

Séquences ND 10 3 30 % 3

Séquences

opératives/prescriptives 14 4 28,6 % 4

Séquences NC 2 - - -

TOTAL 237 47 19,8 % 56

Les ruptures humoristiques se présentent dans moins de 20 % des séquences du sous-

corpus 2 et de façon assez éparse. Toutefois, les séquences les plus marquées par ce critère

sont les séquences de conversations informelles, puisque 50 % d‟entre elles comportent une

rupture humoristique, ce qui confirme notre analyse qualitative de ce critère et le valide

comme étant caractéristique de ce type de séquence.

4.4.2. Analyse de séquences complètes

Afin d‟illustrer l‟ensemble des analyses des séquences du type linguistique « langage

péri-professionnel », nous proposons l‟analyse de trois séquences :

- Séquence n° 5 issue de la réunion interne 2 à la CCI ;

Page 436: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

436

- Séquence n° 5 issue des interactions qui ont eu lieu au sein du service des Ressources

Humaines de l‟entreprise de transport ;

- Séquence n° 6 issue du CoDir 2 de la CCI.

Pour analyser ces séquences, nous relèverons des critères qui ne figurent pas parmi les

critères caractéristiques de la séquence, car nos observations et analyses n‟ont pu les compter

parmi les critères récurrents et caractéristiques des séquences d‟échanges interstitiels ou de

conversation informelle.

4.4.2.1 Première analyse : séquence n° 5 issue de la réunion interne 2, CCI

Le contexte :

Il s‟agit d‟une conversation entre L1 et L4, en présence de L3, pendant que L2 est partie

faire des photocopies des fiches de travail (« fiches action » et « fiches opération »).

Séquence 5 :

1. L1 j‟ai j‟ai un rendez-vous le lundi trois

2. L4 par contre moi j‟ai un rendez-vous à: *V12* donc euh

3. L1 ah il faut que tu y ailles là

4. L4 non pas maintenant

5. L1 ouais

6. L4 mais euh à onze heure et demi

7. L1 ouais ok ok

8. L1 lundi trois neuf heures trente

+

9. L4 je vois ** cet après-midi ***

10. L1 non

11. L4 non /très bien, 0/

///

{L1 sort téléphoner}

Dans cette séquence, les interlocuteurs sont deux collègues de travail. L‟un des participants

est parti faire des photocopies des fiches de travail pour les collaborateurs de la réunion en

cours. Le temps d‟attente est alors marqué par des échanges informels entre L1 et L4 ayant

pour thème les rendez-vous des locuteurs car L4 en a un après cette réunion. Il s‟agit d‟une

conversation informelle menée sur le lieu de travail, lors d‟une interruption de la réunion, et

qui reste cependant en lien avec l‟activité professionnelle. Il ne s‟agit donc, ni d‟un langage

accompagnant l‟activité, ni d‟un langage pour exposer le travail.

Page 437: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

437

Par ailleurs, les seuls pronoms-sujets employés sont les « je » et « tu », ce qui

témoigne qu‟il s‟agit d‟une conversation plutôt familière.

L‟ensemble des déictiques spatio-temporel de la séquence indique que les échanges se

déroulent dans un « ici et maintenant » :

3. L1 ah il faut que tu y ailles là

4. L4 non pas maintenant

5. L1 ouais

6. L4 mais euh à onze heure et demi

7. L1 ouais ok ok

8. L1 lundi trois neuf heures trente

+

9. L4 je vois ** cet après-midi ***

Cette conversation informelle ne comporte pas de rituel d‟ouverture ou de fermeture,

mais se situe dans ce que nous pourrions nommer une « interruption » de la réunion où les

locuteurs attendent le retour de leur collaboratrice pour reprendre le cours de la réunion.

4.4.2.2 Seconde analyse : séquence n° 5 des interactions langagières dans l’open

space du service des Ressources Humaines au sein de l’entreprise de

transport

Page 438: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

438

Le contexte :

Nous sommes lundi matin. Aujourd‟hui, les employés de l‟entreprise doivent élire les

représentants syndicaux. L‟organisation de cette journée de vote devait être dirigée par la

responsable des Ressources Humaines. Cependant, celle-ci a appris le vendredi précédent

son licenciement et devait recevoir sa lettre recommandée quelques jours plus tard. Ses

collègues, avec qui elle ne s‟entendait pas, doivent s‟occuper des élections à sa place et

font quelques prédictions sur son absence de ce matin-là.

L9 Technicien de paie ;

L3 Employée qui enregistre les frais et les disques des chauffeurs routiers ;

L10 Assistante RH ;

L2 Élu secrétaire du CE et membre titulaire collège ouvrier/employé de délégué du

personnel et du comité d‟entreprise.

Séquence 5 :

1. L3 ça va mon petit *Lp9*

2. L9 ça va et toi

3. L3 ça va et elle est pas là hein

4. L10 ben non elle viendra pas

5. L9 elle viendra plus là c‟est fini

6. L10 eh j‟ai eu un doute je vais te dire quand et c‟est con hein des fois la vie

7. L3 {en riant} c‟est con des fois la vie

8. L10 quand je suis partie j‟ai fait au rev- jeudi soir quand j‟ai fait au revoir /comme

ça, 0/ elle m‟a entendue et là elle a fait ça

9. L9 qui ça

10. L3 qui ça

11. L10 elle

12. L9 /quand, que/ et quand tu as dit quoi

13. L10 jeudi soir quand je suis partie j‟ai dit au revoir je suis arrivée là < je lui ai dit

au revoir

14. L3 tiens on va arroser la copine >

15. L10 elle a tourné la tête elle m‟a pas répondu ben tient elle qui dit que je suis mal

polie euh ça m‟a surpris

16. L9 attends je vais appeler *Pp201* *** aujourd‟hui alors *** + {L9 s’adresse à

L3} je peux je peux l‟appeler là pour le

17. L3 ah ouais va y s‟il te plaît *Lp9* {Rires}

18. L10 ben oui

{L10 continue son discours en s’adressant à L2}

19. L10 elle va se mettre en arrêt maladie

{L9 téléphone}

20. L9 {Début : L9 parle pendant les tonalités du téléphone} tient la voilà alors là par

contre là par contre elle te colle son délire imagine elle arrive {Fin : L9 parle

pendant les pendant les tonalités}

21. L9 allô - bonjour - ça va bien - ah bah là elle la joue 22. L10 ben moi je lui

elle elle elle la joue mal là + ah bah pour le

moment elle est pas là hein elle la joue mal là de

toute façon par rapport à *Ln202* par rapport à

tout ça par rapport à *Ln202* j‟en étais sûr

qu‟elle serait pas là aujourd‟hui + enfin bon en

attendant il est que huit heure vingt trois mais euh

c‟est pas c‟est pas ses habitudes de de d‟arriver en

retard + comme elle a c‟est les élections et puis

indirectement elle pense que on va pas y arriver

comme c‟est elle qui a tout fait elle se *** + +

dirais ***

23. L3 regarde il est

huit heures et

demi il arrive

déjà l‟autre oh:

oh lalalala

24. L10 dépêche-toi faut

qu‟on aille

enlever les

urnes

{Échanges inaudibles}

25. L10 tu sais *Lp9* ce qu‟elle veut + c‟est qu‟elle soit annulée

26. L9 ouais

27. L10 c‟est qu‟elle soit annulée c‟est tout hein

28. L9 ce ce qu‟elle voudrait en fait c‟est c‟est que ça soit annulé mais de toute façon

euh

29. L9 elle nous a toujours mis en

de côté on a déjà on a déjà

fait ça hein de toute façon

faut le faire hein

+

30. L3 {L3 s’adresse à L10} pourquoi tu dis

qu‟on aurait une ** ou je sais pas quoi

31. L10 *** au bâtiment trois ou on le fait ici

32. L3 pourquoi on le fait pas là ?

33. L10 ou alors on le fera ici

34. L10 {L10 s’adresse à L9} *Lp9* ça se fera au bâtiment trois * sur place

35. L9 bah là on a besoin de quoi réellement on a besoin de rien parce que nous il faut

que je recherche juste là les listes et tout ça où elle a foutu ça

36. L10 {L10 s’adresse à L9} c‟est là

37. L9 euh apparemment c‟est à côté on va refaire le tri de tout tout ce qu‟il y a et puis

on va reprendre ça de toute façon euh on peut toujours euh non mais on va

{Entrée du secrétaire du CE, L2, dans le bureau qui se représente aux élections}

38. L9 {au téléphone} *** on fera

le point sur son par contre

ouais *** + ben je sais pas

le vote on le fait pas ici là

***

35. L2 bonjour bonjour bonjour

{Échanges inaudibles}

36. L10 {L10 s’adresse à L2} elle est pas là

notre chef

37. L2 elle m‟a dit qu‟elle serait pas là

38. L10 elle t‟a dit qu‟elle serait pas là

39. L2 elle m‟a dit je je ***

40. L10 d‟accord

{L9, toujours au téléphone, demande une info à L10}

Page 439: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

439

Voici l‟analyse que nous pouvons faire de la séquence 5 des échanges qui ont eu lieu

au sein du service des Ressources Humaines dans l‟entreprise de transport.

Au sein de cette séquence, dans les tours de parole 1 à 15, les locuteurs constatent que

leur responsable n‟est toujours pas arrivée pour travailler et font part de leurs impressions.

L‟assistante RH justifie par une narration l‟idée selon laquelle sa responsable ne se présentera

pas à l‟entreprise. Cette séquence présente en effet plusieurs indices relevant de la narration ;

L10 raconte à ses collègues ce qui s‟est passé la dernière fois qu‟elle a vu la responsable.

Ces énoncés constituent une phase narrative dans laquelle nous relevons des indices

temporels tels que « jeudi soir » (tours de parole 8 et 13) et 3 occurrences de la conjonction

« quand » (tours de parole 8 et 13). Nous repérons également des verbes d‟action au passé :

- « quand je suis partie j‟ai fait au rev- quand j‟ai fait au revoir /comme ça, 0/ elle m‟a entendue et là

elle a fait ça » (tour de parole 8)

- « quand je suis partie j‟ai dit au revoir je suis arrivée là je lui ai dit au revoir » (tour de parole 13)

- « elle a tourné la tête elle m‟a pas répondu » (tour de parole 15)

L‟utilisation de verbes d‟action, la dominance du temps du passé, mais aussi la

juxtaposition des événements permettent par ailleurs d‟identifier une phase narrative

juxtaposition que nous pouvons mettre en valeur à l‟aide de / :

- « quand je suis partie / j‟ai fait au rev- / jeudi soir quand j‟ai fait au revoir /comme ça, 0/ / elle m‟a

entendue et là elle a fait ça / » (tour de parole 8)

- « jeudi soir quand je suis partie / j‟ai dit au revoir / je suis arrivée là / < je lui ai dit […] au revoir /

elle a tourné la tête / elle m‟a pas répondu / ben tiens elle qui dit que je suis mal polie euh ça m‟a

surpris » (tours de parole 10-15)

La deuxième partie de la séquence est caractérisée par une interactivité plus

importante : L10 échange à la fois avec un interlocuteur au téléphone et sa collègue dans le

bureau. Les tours de parole ne sont pas réglés et nous repérons un certain nombre de

chevauchements (tours de parole 13 à 14, 25 à 29). Cette séquence n‟apporte pas

d‟informations nouvelles et ne permet pas d‟avancer dans l‟activité : le langage se situe au

sein de l‟activité, mais il ne permet ni de commenter les tâches, ni de les faire avancer. Il

s‟agit d‟échanges interstitiels, en lien avec la situation de travail, mais pas avec l‟activité de

travail.

Lors de cette conversation informelle, les locuteurs ont arrêté de travailler un instant

pour discuter de la situation et notamment de l‟absence de la responsable, celle-ci étant

nommée à vingt-trois reprises par « elle ». Voici quelques exemples : « elle est pas là » (tour

Page 440: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

440

de parole 3), « elle viendra pas » (tour de parole 4), « elle viendra plus là » (tour de parole 5),

« elle a tourné la tête elle m‟a pas répondu » (tour de parole 15), « elle la joue mal là » (tour

de parole 20), « elle nous a toujours mis de côté » (tour de parole 25).

L‟ensemble de cette séquence est caractérisé par l‟emploi d‟un registre familier et

l‟absence d‟un technolecte, c‟est-à-dire un langage professionnel comprenant un champ

lexical reflétant le milieu de travail. Nous pouvons relever un terme affectif « ça va mon petit

*Lp9* » (tour de parole 1), des rires, ainsi que des expressions familières : « c‟est con des fois

la vie » (tour de parole 6), « elle te colle son délire » (tour de parole 20), « elle la joue mal là »

(tour de parole 20). Les mots employés dans cette séquence ne permettent ni de déterminer un

technolecte, ni même un champ sémantique particulier.

Ainsi, cette séquence présente le type linguistique « langage péri-professionnel » dans

la mesure où le langage ne commente pas et ne constitue pas l‟activité de travail, mais

s‟immisce dans le contexte professionnel.

4.4.2.3 Troisième analyse : séquence n° 6 extraite du CoDir 2 de la CCI

Nous proposons d‟analyser la séquence n° 6 extraite du CoDir 2 qui s‟est déroulé au

sein de la CCI.

1. L6 voilà alors euh bon monsieur il m‟a même pas dit bonjour

{Rires de certains locuteurs}

2. L7 fallait lui faire la bise

3. L1 à votre réunion parce que c‟était à la Chambre des métiers

4. L6 oui en fait quand je suis arrivée son bureau était fermé {Rires de L6} puis après j‟ai

j‟ai reconnu son pas dans le couloir je lui tournais le dos je dis tiens ça c‟est mon père

*Pn61* je l‟ai revu après bonjour

+

5. L1 il a pas répondu

6. L6 si mais euh

7. L1 < ah

8. L6 il est > pas venu: euh on s‟est pas euh

9. L8 il t‟a pas touché

10. L6 non

{Rires des locuteurs}

11. L6 {en riant} je ne veux pas qu‟il me touche

12. L1 il ne vous a pas touché

13. L7 aucun contact physique

14. L1 c‟est épidermique

15. L6 {en riant} oui ça je le sens voilà donc

Page 441: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

441

Dans cette courte séquence extraite d‟un CoDir 2 qui s‟est déroulé à la CCI, nous

remarquons beaucoup de rires de la part des participants, ce qui laisse sous-entendre une

atmosphère plutôt décontractée et un thème éloigné de l‟activité.

Nous repérons 13 occurrences de verbes d‟action au passé ne portant pas sur le travail,

mais sur un fait divers : « il m‟a même pas dit bonjour » (tour de parole 1) ; « quand je suis

arrivée son bureau était fermé » (tour de parole 4) ; « il a pas répondu » (tour de parole 5). Ces

traits sont caractéristiques du récit.

De plus, la narration de L6 porte des repères temporels : « quand » et « puis après »

(tour de parole 4). Ainsi, nous qualifions cette séquence de séquence d‟échanges interstitiels.

Ces trois séquences sont marquées par des conversations sans lien direct avec le travail

et amenant plusieurs phases de rires de la part de l‟ensemble des participants. Elles ne

présentent pas d‟occurrences du pronom-sujet « nous ». Les locuteurs emploient un langage

plutôt naturel, proche de celui que nous employons au quotidien, s‟opposant à un langage de

spécialité des organisations. Les enjeux de ce type d‟échanges sont faiblement engageants

dans la mesure où les participants sont en-deçà de l‟activité de travail. Ainsi, ces séquences

viennent illustrer le langage péri-professionnel.

4.4.3. Le type linguistique « langage péri-professionnel » : synthèse sur les types de

séquence et de leurs caractéristiques linguistiques

L‟ensemble des analyses de nos corpus nous permet de proposer ce tableau

synthétique des types de séquence et de leurs critères dans le cadre du type linguistique

« langage péri-professionnel ».

Page 442: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

442

Tableau 142 : Les critères du type linguistique « langage péri-professionnel »

Types linguistiques Langage péri-professionnel

Types de séquence Séquence d’échanges

interstitiels

Séquence de conversation

informelle

Ca

ract

éris

tiq

ues

1) Critère principal : les phases Phase narrative

2) Critère secondaire :

caractéristiques linguistiques

Ruptures humoristiques

3) Les critères repérés lors de

l‟analyse illustrative de 3 séquences

Langage naturel

Pronom « je » et « tu »

4) Mode actionnel

Enjeux faiblement engageants

Réalisations moins contraintes, non soumises à des

mécanismes de plan

Page 443: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

443

CHAPITRE 5 :

La détermination des types de discours dans des situations de travail à partir de

la dominance des types de séquence et des types linguistiques

Les analyses des critères linguistiques des discours des deux sous-corpus nous ont

permis de déterminer des types de séquence afin de tenter de typologiser les discours en

situation de travail. Les analyses montrent des discours dirigés par des types d‟activité de

travail et d‟activités langagières différentes.

Dans ce chapitre, nous ferons la synthèse de l‟organisation des types de discours, des

types de séquence et des types linguistiques et déterminerons l‟ensemble des types de

séquence et des types linguistiques dominants pour l‟ensemble des activités langagières du

sous-corpus 2 dans le but de préciser le type discours. Nous préciserons ensuite le cadre

actionnel de chaque discours et proposerons une typologie des discours en situation de travail.

5.1. Synthèse des types de séquence et des types linguistiques déterminés dans

notre corpus

Les analyses qualitatives nous ont permis de déterminer sept types de séquence et trois

types linguistiques que les analyses quantitatives ont pu confirmer. Les séquences peuvent

donc être explicative, opérative, descriptive, encadrante ou séquence d‟échanges interstitiels

ou de conversation informelle. Ces séquences sont déterminées par certains critères que nous

avons détaillés et répertoriés. Ces types de séquence composent trois types linguistiques ;

chaque type linguistique comporte au moins deux types de séquence et reflète un type

particulier de réunion et d‟activité.

Page 444: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

444

Tableau 143 : Types linguistiques et types de séquence

Rapport

langage et

activité

Langage comme travail Langage sur le travail Langage dans le travail

Types

linguistiques

Langage de co-action

(Réalise l’activité)

Langage expositif

(Faire voir) Langage péri-professionnel

Types de

séquence Opérative Explicative Descriptive

Séquences

encadrantes Prescriptive

Séquences

d‟échanges

interstitiels

Séquence de

conversations

informelle

Les discours étant découpées en séquences, c‟est la récurrence d‟un type de ces

séquences qui nous permet de déterminer le type linguistique dominant des réunions de travail

et donc le type de discours. À partir des types de séquence repérés dans un discours et à partir

du type dominant de séquence, nous déterminons le type linguistique du discours.

Nos analyses ont montré que les échanges en situation de travail offrent trois grands

types linguistiques :

- Un type linguistique où le travail est en train de se faire. L‟objectif est alors de

produire du langage pour produire un travail (rédiger un texte, remplir des fiches,

constituer un dossier par exemple) : les participants font en disant. Nous parlerons de

« langage de co-action ». Ainsi, ce type linguistique est symbolisé par l‟action de

FAIRE.

Bien souvent, nous remarquons des échanges réflexifs autour du lexique à utiliser. Ces

séquences métalinguistiques semblent apparaître dans les discours lorsque les collaborateurs

structurent/construisent quelque chose, lorsqu‟ils recherchent les mots justes et qu‟ils tentent

de les redéfinir et se mettre d‟accord pour éviter toute ambiguïté.

- Un type linguistique où les participants parlent de leur travail : de ce qui a été réalisé,

de ce qui est en train de se faire et de ce qui se réalisera. Il s‟agit d‟une sorte

d‟exposé. Nous le nommons « langage expositif ». On utilise le langage pour dire ce

que l‟on a fait / ce que l‟on fait faire et proposer des actions. Ainsi, ce type

linguistique est symbolisé l‟action d‟EXPOSER.

- Un type linguistique « langage péri-professionnel », caractérisé par les échanges

conversationnels tendant vers l‟informel : conversations „à côté‟ du travail, en deçà de

l‟activité de travail. Il peut s‟agir des échanges interstitiels (entre les tâches), des

ruptures humoristiques pendant l‟activité de travail, mais aussi des conversations en

arrivant le matin, en allant déjeuner et en partant le soir, les conversations entre deux

Page 445: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

445

réunions, pendant les pauses ou à la machine à café. Ce type linguistique illustre la

fonction phatique du langage.

Les types linguistiques concordent avec les différents types de langage dans le travail

proposés par L. Karsenty et P. Falzon (1993) : « langage-action » (« langage opératif ») et

« langage-description » (« langage naturel ») et les types de paroles proposés par M. Lacoste

(1995 et 2005 [2001]) : « parole dans le travail », « parole sur le travail » et « parole comme

travail ».

5.2. Caractérisation des types de discours dans les activités langagières au travail

à partir des types de séquence et des types linguistiques dominants

Afin de déterminer le type de discours des réunions de travail, nous allons effectuer

l‟analyse quantitative des types de séquence et types linguistiques de l‟ensemble des discours

en situation de travail de notre sous-corpus 2.

Nous mentionnerons, pour chaque activité langagière, le type de séquence et le type

linguistique dominant. Nous avons réparti les réunions par type d‟activité : comités de

direction, séance de travail (réunion interne, séance de travail) et échanges en dehors d‟une

activité de travail (conversations et échanges lors des pauses).

5.2.1. Types de séquence et types linguistiques dominants dans les comités direction

(CoDir)

Nous proposons de déterminer les types de séquence et les types linguistiques

dominants dans les trois comités direction de notre sous-corpus 2 : CoDir 1 au sein de la CCI,

CoDir 2 de l‟entreprise de transport et CoDir 2 du Groupe immobilier social.

Page 446: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

446

5.2.1.1. Types de séquence et types linguistiques dominants dans le CoDir 1 de la CCI

La réunion CoDir de la CCI est dominée par des séquences descriptives (43,1 %),

suivies des séquences explicatives (19,4 %) et prescriptives (19,4 %). Les séquences

encadrantes (9,7 %) sont peu nombreuses, mais leur présence permet tout de même de

justifier le fait que le discours de ce type de réunion est organisé, structuré par les participants.

Graphique 16 : Répartition des types de séquence dans le CoDir 1 de la CCI

Le type linguistique dominant du CoDir se trouve donc être le langage expositif

(72,2 %). Les participants font état de leurs activités, de leurs résultats et de leurs objectifs.

Par ailleurs, cette réunion est marquée par 19,4 % de séquences explicatives et de quelques

séquences opératives (5,6 %) relevant toutes deux d‟un langage de co-action, type linguistique

repérsenté à 25 % dans cette réunion. Nous ne pouvons nier ces moments où le langage

réalise une tâche : les participants recherchent collectivement l‟explication d‟un terme, d‟un

projet, tentent de trouver une solution à un problème, jutifient leur travail (séquences

explicatives), ou bien, ils modifient leurs documents de travail (séquences opératives).

Page 447: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

447

Graphique 17 : Répartition des types linguistiques dans le CoDir 1 de la CCI

5.2.1.2. Types de séquence et types linguistiques dominants dans le CoDir 2 de

l’entreprise de transport

Tout comme le CoDir précédent, le type de séquence majoritairement présenté est le

type de séquence descriptive (62,5 %), appartenant au type linguistique du langage expositif.

En effet, ce type de réunion a pour but d‟exposer le travail réalisé, en cours et à faire.

Nous répérons toutefois quelques séquences opératives (25 %) justifiant le fait que les

collaborateurs emploient le langage afin de réaliser l‟activité : dans cette réunion, les

participants ont procédé à l‟élection d‟un secrétaire et d‟un trésorier au CE et ont modifié un

document de travail. Par ailleurs, cette analyse met en évidence un nouveau type de

séquence : une séquence opérative/prescripive (6,3 %) partageant, de manière égale, à la fois

les critères de la séquence opérative et ceux de la séquence prescriptive.

Page 448: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

448

Graphique 18 : Répartition des types de séquence dans le CoDir 2 de l'entreprise de transport

Le type linguistique dominant est le langage expositif (62,5 %) puisque nous repérons

une majorité de séquences descriptives, suivi du langage de co-action (25 %). Il ne nous est

pas possible de déterminer le type linguistique des séquences opératives/prescripives dans la

mesure où il est caratérisé par deux séquences appartenant à deux types linguistiques distincts

(langage co-action et langage expositif). Nous le notons ND (non déterminé).

Graphique 19 : Répartition des types linguistique dans le CoDir 2 de l'entreprise de transport

Page 449: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

449

5.2.1.3. Types de séquence et types linguistiques dominants dans le CoDir 2 du

Groupe Social Immobilier (GIS)

Cette réunion du CoDir est marquée par une importante hétérogénéité de types de

séquence bien que le type de séquence dominant est, comme dans les deux CoDir précédents,

la séquence descriptive (45 %).

Nous repérons également un type de séquence partageant à la fois les critères de la

séquence opérative et ceux de la séquence prescriptive. Ce type de séquence était déjà apparue

dans le CoDir de l‟entreprise de transport.

En outre, malgré une domiance de la séqunence descriptive, ce CoDir est marqué par

des séquences precriptives (10 %) et encadrantes (5 %) appartenant au type linguistique

« langage expositif », des séquences explicatives (5 %) appartenant au type linguistique

« langage co-action », ainsi que des séquences de conversations informelles et d‟échanges

interstiels (5 %) appartenant au type linguistique « langage péri-professionnel ».

Graphique 20 : Répartition des types de séquence dans la CoDir 2 du GIS

Bien que dominé par la séquence descriptive (45 %) et le langage expositif (60 %), ce

CoDir est marqué par un ensemble varié de types de séquence et donc de types linguistiques :

langage co-action (5 %) et langage péri-professionnel (5 %), sans compter les séquences pour

lesquelles nous ne pouvons clairement identifier le type linguistique (30 %).

Page 450: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

450

Graphique 21 : Répartition des types linguistiques dans le CoDir 2 du GIS

Comme le montre le graphique ci-dessus, cette réunion CoDir au sein du GIS est

dominée par le langage expositif.

L‟ensemble de CoDir de trois organisations compte une majorité de séquences

descritives et est dominé par le langage expositif. Les participants, qui sont chargés de

présenter et faire le point sur les travaux de leur service respectif et, de façon plus générale,

des activités ménées au sein de l‟organisation, laissent place à un langage expositif. Par

conséquent, nous pouvons avancer l‟idée selon laquelle les réunions CoDir semblent présenter

un type de discours spécifique : le « langage sur le travail ».

5.2.2. Types de séquence et types linguistiques dominants dans les réunions internes

(ou « groupe », « séances » de travail)

Nous avons analysé plusieurs réunions internes et groupes de travail dont le but

commun est la réalisation collective d‟une activité, la réalisation d‟un travail : rédaction d‟un

projet d‟urbanisme (CCI), correction et uniformisation de CV (OF), mise au point,

amélioration des aspects administratifs (OF), explicitation des souhaits à prendre en compte

dans la démarche de regroupement d‟organismes de formation (OF) et activités langagières

menées lors de l‟activité professionnelle au sein du service des Ressources Humaines

(entreprise de transport).

Page 451: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

451

Nous proposons de déterminer les types de séquence et les types linguistiques

dominants dans séances de travail.

5.2.2.1. Types de séquence et types linguistiques dominants dans la réunion interne 1

au sein de la CCI

Dans cette réunion, composée de 26 séquences, deux tendances se dégagent

concernant les types de séquence et les types linguistiques : les séquences descriptives

(34,6 %), relevant du langage expositif et les séquences explicatives (11,5 %) ainsi que des

séquences opératives (38,5 %), relevant toutes deux du langage co-action. Les collaborateurs

passent à la fois du temps dans l‟exposé de leur travail, dans la prise de notes et dans

l‟élaboration d‟un document de travail dans le cadre de la réalistion d‟un projet d‟urbanisme.

De plus, il émerge un nouveau type de séquence (1 séquence, soit 3,8 %), que nous

nommons « séquence descriptive/prescriptive », car il partage les critères de la séquence

descriptive et ceux de la séquence prescriptive, et appartientt au type linguistique du langage

expositif, tout comme les types de séquence dont elle se rapproche. Une séquence reste

indéterminée par manque de critères récurrents : nous la notons ND.

Graphique 22 : Répartition des types de séquence dans la réunion interne 1 de la CCI

Le type linguistique dominant est le langage co-action (50 %), suivi de près du

langage expositif (42,3 %).

Page 452: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

452

Graphique 23 : Répartition des types linguistiques dans la réunion interne 1 de la CCI

Cette réunion est ainsi dominée par les séquences opératives, et donc par un langage

de co-action.

5.2.2.2. Types de séquence et types linguistiques dominants dans la séance de travail

de l’organisme de formation

Ce groupe de travail débute entre trois personnes : deux formatrices et leur

responsable. Dans un premier temps, la responsable parle de l‟appel d‟offres auquel répond

leur organisme de formation. Elle explique qu‟il est nécessaire de reprendre tous les CV de

tous les formateurs de l‟organsime de formation, afin de les corriger, les mettre à jour et de les

uniformiser. Elle donne donc les instructions, les objectifs de travail, puis s‟en va, laissant les

deux formatrices travailler sur les CV. Les deux formatrices s‟emploient donc à cette tâche de

correction et d‟uniformisation des CV.

Cette séance de travail compte 38 séquences dont la moitié est composée de séquences

opératives (50 %), ce qui justifie l‟accomplissement d‟un travail, d‟une tâche par l‟activité

langagière.

D‟autre part, certaines séquences sont caractérisées à la fois, de manière quasi égale,

par les critères de la séquence opérative et ceux de la séquence prescriptive (7,9 %). Ce type

de séquence était déjà présentes dans le CoDir de l‟entreprise de transport et dans celui du

GIS. Les séquences opératives/prescriptives ne correspondent pas à l‟un des types

linguistiques que nous avons déterminés.

Page 453: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

453

Ce travail à deux, sur plus de deux heures, prend parfois un côté informel. En effet, les

collaboratrices s‟engagent parfois dans des conversations informelles, sans lien avec le travail

(26,3 % des séquences).

Certaines séquences n‟ont pas été comptabilisées (NC) (5,3 %), car elles

correspondent à des conversations téléphoniques.

Graphique 24 : Répartition des types de séquence dans la séance de travail de l'OF

Comme le montre le graphique ci-après, cette séance de travail est dominée par le

langage co-action (50 %), suivi du langage péri-professionnel (26,3 %).

Graphique 25 : Répartition des types linguistiques dans la séance de travail de l'OF

Le groupe de travail est donc caractérisé par un langage d‟action.

Page 454: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

454

5.2.2.3. Types de séquence et types linguistiques dominants dans la réunion des

responsables formateurs de l’organisme de formation

Cette réunion des responsables a pour but de faire le point sur les différents tableaux à

remplir et à fournir à la fin de chaque mois par les formateurs et les responsables, et de mettre

en place une nouvelle méthode de travail en revoyant les tableaux et la répartition des tâches.

Cette réunion est marquée par l‟hétérogénéité des types de séquence : en effet, tous les types

de séquence sont présents. De plus, nous relevons deux types nouveaux de séquence :

- des séquences opératives/prescriptives (13,9 %), caractérisées à la fois par les critères

de la séquence opérative et par ceux de la séquence prescriptive. Ce type de séquence

est déjà apparue dans le CoDir de l‟entreprise de transport et dans celui du GIS, ainsi

que dans le groupe de travail de l‟OF. Ce type de séquence ne dépend pas de l‟un de

nos types linguistiques défini ; il est difficile à déterminer puisque la séquence

opérative et la séquence prescriptive appartiennent à deux types linguistiques

différents. Leur type linguistique sera donc noté ND (non déterminé).

- des séquences opératives/explicatives (2,8 %), caractérisées à la fois par les critères de

la séquence opérative et par ceux de la séquence explicative. Ces séquences dépendent

du type linguistique « langage co-action ».

En dépit de cette hétérogénéité, cette réunion présente une majorité de séquences

opératives (58,3 %).

Page 455: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

455

Graphique 26 : Répartition des types de séquence dans la réunion des responsables des formateurs

à l'OF

Tous les types linguistiques sont présents dans cette réunion, mais comme le montre le

graphique ci-dessous, le type linguistique dominant est le langage co-action, représenté à

63,9 %.

Graphique 27 : Répartition des types linguistiques dans la réunion des responsables des formateurs à l'OF

Page 456: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

456

5.2.2.4. Types de séquence et types linguistiques dominants dans la première partie

de réunion de groupement 2 au sein de l’organisme de formation

Cette première partie de réunion comprend trois locuteurs (deux de l‟OF et un locuteur

d‟un autre organisme de formation) ; elle est composée de sept séquences lors desquelles, les

locuteurs ont des échanges au sujet du regroupement de plusieurs organismes dans le but de

répondre collectivement à un appel d‟offres. Les locuteurs parlent de leur travail et de leurs

souhaits pour ce groupement. La seconde partie de la réunion comprend en plus un membre

d‟un autre organisme de formation.

Cette première partie de réunion de travail est clairement dominée par des séquences

opératives (71,4 %) et donc par le type linguistique « langage co-action ». Le seul autre type

de séquence qui apparaît est la séquence descriptive (14,3 %). Quelques séquences (14,3 %)

n‟ont pu être déterminées à partir de nos critères et sont notées ND (non déterminées).

Graphique 28 : Répartition des types de séquence dans la partie 1 de la réunion de groupement 2 à

l'OF

Deux types linguistiques apparaissent dans cette réunion : le langage de co-action, qui

domine à 71,4 %, et le langage expositif (14,3 %).

Page 457: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

457

Graphique 29 : Répartition des types linguistiques dans la partie 1 de la réunion de groupement 2 à

l'OF

5.2.2.5. Types de séquence et types linguistiques dominants dans les interactions dans

l’open space d’un service des Ressources Humaines de l’entreprise de

transport

Nous avions effectué un enregistrement des activités langagières au sein du service des

Ressources Humaines de l‟entreprise de transport. Ce service est composé de quatre

personnes, chacune installées à son bureau ; elles reçoivent parfois la visite de chauffeurs

routier pour remettre les disques de la semaine, commander des chaussures de sécurité ou

pour saluer les collègues. Ces collaborateurs travaillent ensemble ou seuls, discutent,

téléphonent et organisent les élections qui ont lieu le matin de notre enregistrement, qui réunit

donc l‟ensemble de ces activités langagières. Comme nous l‟avions expliqué dans la partie

des analyses qualitatives, l‟enregistrement s‟effectue un jour où la directrice des Ressources

Humaines ne se présente pas au travail. En effet, celle-ci a appris son licenciement. Lors de

cette matinée, les locuteurs ont des échangent à ce sujet et tentent d‟organiser les élections à

la place de leur chef absente.

L‟analyse quantitative de cet enregistrement, qui comporte treize séquences, montre

une dominance des séquences opératives (53,8 %), puis des séquences de conversations

informelles (23,1 %).

Page 458: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

458

D‟autres types de séquence viennent toutefois caractériser ces discours au travail : les

séquences prescriptives (7,7 %) et descriptives (7,7 %) relevant du type de langage expositif,

ainsi que des séquences que nous n‟avons pas pu caractériser à partir de nos critères (7,7 %).

Graphique 30 : Répartition des types de séquence dans les interactions de l’open space d’un service

RH de l'entreprise de transport

Le type linguistique dominant dans ces activités langagières est le langage co-action.

Ainsi, ces activités, le langage est principalement employé pour réaliser l‟action.

Graphique 31 : Répartition des types linguistiques dans les interactions de l’open space d’un service

RH de l'entreprise de transport

Page 459: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

459

L‟ensemble des analyses quantitatives des diverses séances de travail et réunions

internes met en exergue la dominance de séquences opératives. Ces types d‟activités appellent

à un langage de co-action, langage à partir duquel les participants effectuent l‟action.

5.2.3. Types de séquence et types linguistiques dominants dans les échanges avant

ou après les réunions de travail et lors des pauses

Nous proposons de déterminer les types de séquence et les types linguistiques

dominants dans les échanges lors de la pause d‟un CoDir (CCI) et avant une réunion (OF).

5.2.3.1. Types de séquence et types linguistiques dominants dans la pause du CoDir 1

de la CCI

Les échanges entre deux locuteurs lors de la pause de la réunion CoDir au sein de la

CCI ont été découpés cinq séquences, dont trois des séquences sont des séquences de

conversations informelles. Lors de ces échanges, les locuteurs continuent à travailler puisque

nous remarquons la présence d‟une séquence opérative et d‟une séquence prescriptive.

Graphique 32 : Répartition des types de séquence dans les échanges avant la réunion CoDir et lors

de la pause, CCI

Comme le montre le graphique suivant, le type linguistique dominant de ces échanges

est le langage péri-professionnel (50 %).

Page 460: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

460

Graphique 33 : Répartition des types linguistiques dans les échanges avant la réunion CoDir et lors

de la pause, CCI

5.2.3.2. Types de séquence et types linguistiques dominants dans les échanges avant

une réunion de l’organisme de formation

Ces échanges ne sont composés que de trois séquences :

- deux séquences sont des séquences de conversations informelles où les locuteurs parlent

de leur travail et de la mauvaise qualité du café qu‟ils tentent de boire ;

- une séquence n‟a pas pu être déterminée à partir de nos critères dont aucun n‟a été repéré.

Graphique 34 : Répartition des types de séquence dans les échanges avant une réunion de l’OF

Le type de séquence dominant est la séquence de conversation informelle se rapportant

au type de langage péri-profesionnel.

Page 461: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

461

Graphique 35 : Répartition des types linguistiques dans les échanges avant une réunion de l’OF

L‟ensemble de ces analyses montrent que les CoDir, réunions où les locuteurs parlent

de leur travail (réalisé, en cours et à faire), des objectifs et des résultats, sont dominés par les

séquences descriptives et par le type linguistique « langage expositif ». Ainsi, nous pouvons

dire que ces réunions de travail, caractérisées par des activités à plusieurs, correspondent au

type de discours « langage sur le travail », dans la mesure où le langage qui sert à parler du

travail, à le commenter et/ou à l‟évaluer.

Quant aux séances de travail, telles que les réunions internes, elles sont principalement

caractérisées par des séquences opératives et par le type linguistique de langage de co-action.

Nous parlerons de type de discours « langage comme travail » où la réalisation d‟une tâche est

d‟ordre langagier. Le langage réalise l‟action ou aide à réaliser l‟action. Dans ces réunions, les

actions sont conjointes et l‟activité est fortement engageante pour les participants.

Pour ce qui est des échanges en dehors de l‟activité de travail, ils sont majoritairement

caractérisés par des séquences de conversations informelles et donc par le type linguistique

« langage péri-professionnel ». Ces échanges semblent correspondre au type de discours

« langage dans le travail », que nous définisions à partir de M. Lacoste (2005 [2001]). Ce type

de discours porte une dimension plus sociale, c‟est-à-dire une fonction plutôt communicative

et non une fonction principalement orientée vers l‟activité de travail. D‟ailleurs, ces

conversations ont des enjeux faiblement engageants pour les participants.

D‟autre part, le type d‟analyse que nous menons permet de rendre compte de la

composition des discours par les différents types de séquence et types linguistiques et de

mettre en lumière l‟hétérogénéité des discours en situation de travail. Même si le type

Page 462: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

462

dominant est ce qui détermine le type de discours, cette analyse ne gomme pas ce qui fait la

spécifité des discours, à savoir leur hétérogénéité.

Enfin, ce genre d‟analyse peut être un bon outil pour l‟analyse du travail prescrit et du

travail réel. En effet, il nous permet de rendre compte du temps, et plus précisément de

l‟espace discursif, réservé à l‟activité et aux tâches, et celui consacré aux conversations

informelles.

5.3. Les types d’action caractérisant les types de discours

Les travaux de D. Vernant et de L. Filliettaz ont constitué un appui pour notre analyse

des discours en situation de travail. À partir de leurs éléments typologiques, que nous

adaptons à notre étude, nous proposons une typologie des actions pour la caractérisation des

types de discours en situation de travail.

La définition des types d‟activités et de leur cadre actionnel des discours permettra, en

plus des critères linguistiques, de caractériser les types de discours.

Nos analyses nous ont conduits à proposer deux types de cadre actionnel :

- un cadre individuel : l‟agent mène seul une action. Cette action est donc isolée, le but

est individuel et l‟agent développe une stratégie personnelle.

- un cadre conjoint : l‟action est guidée par une intention conjointe et un objectif

commun. Ce cadre intègre des actions différentes : action particulière, action à

plusieurs, action collective, action collaborative que nous détaillons dans notre tableau

ci-après.

Le cadre actionnel tente de déterminer l‟ensemble des éléments qui déterminent l‟agir

et ainsi orientent le discours. Nous souhaitons ainsi mettre en relation le type linguistique et

les différentes formes de coordination entre les individus au travail. Pour cela, nous

distinguons le cadre individuel, caractérisé par les actions individuelles, et le cadre conjoint

dans lequel se réalisent plusieurs types d‟action (action particulière, action à plusieurs, action

collective et action collaborative).

Page 463: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

463

Les activités sont donc plus ou moins engageantes, les finalités sont différentes (enjeu

commun ou individuel) et les mécanismes de planification varient (les discours sont-ils

planifiés ?).

L‟analyse des activités et des caractéristiques linguistiques que nous avons menée

jusqu‟ici nous conduit à préciser le mode actionnel de chaque situation de travail. Nos

analyses ont montré que chaque type de discours était caractérisé par un cadre actionnel

précis. Nous avons observé les phénomènes suivants :

- Les discours « langage sur le travail » sont caractérisées par des activités engageantes

et des actions à plusieurs, c'est-à-dire que les actions résultent des conduites

interindividuelles qui influencent les autres participants. La communication est

unidirectionnelle, dans la mesure où les participants présentent leur travail, donnent

des instructions, des conseils ou ouvrent ou closent les réunions et distribuent la

parole. Ces discours sont préparés avant les réunions, donc soumis à des mécanismes

de planification.

- Les discours « langage comme travail » sont caractérisées par des activités fortement

engageantes. Les collaborateurs, qui travaillent collectivement (il y a coordination

entre les agents), partagent les mêmes enjeux. Dans ces séquences, les actions sont en

cours de construction, c‟est pourquoi les discours sont peu soumis à des mécanismes

de planification. Les situations d‟interaction de ces types de discours apparaissent

comme une activité conjointe où les interlocuteurs mettent en œuvre des procédures

communes. Ainsi, il y a une coordination entre les agents qui ont un même but, but

accepté par tous : leurs actes sont ajustés vers un enjeu commun (plus ou moins

engageant).

- Les discours « langage dans le travail » prennent une dimension phatique. Les actions

sont plutôt individuelles, moins contraintes et non soumises à des mécanismes de plan

puisqu‟elles sont spontanées et se glissent dans les moments creux du travail.

Page 464: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

464

Tableau 144: Typologie des actions dans l'étude des types de discours en situation de travail

Cadre actionnel Cadre

individuel

Cadre conjoint

Guidée par une intention conjointe et un objectif commun.

Types d‟actions Action

individuelle

Action

particulière Action à plusieurs Action collective Action collaborative

Caractéristiques

Action adoptée

de façon

autonome.

Actions isolées.

Stratégie

personnel.

But individuel.

Action

individuelle

exclue de notre

corpus.

Se réalise dans un

cadre conjoint ; se

réalise plus

précisément dans

une action à

plusieurs ou

enchâsse une action

collective.

Juxtaposition d‟actions

particulières.

Non soumis à des

mécanismes de

planification.

Enjeux faiblement

engageants.

Action qui résulte de

conduites individuelles

(exposition d‟un travail).

Juxtaposition d‟actions

particulières.

Soumis à des mécanismes

de planification.

Activité engageantes.

Ces actions collectives

peuvent, à certains

moments, se transposer en

une action collaborative.

Coordination entre les

agents.

Mode collectif de l‟agir.

Résulte d‟un commun accord.

Objectif commun.

Coordination entre les agents.

Peu de mécanismes de

planification.

Activité fortement

engageante.

Collaboration constructive.

Exemples de

types de

situations de

travail de notre

corpus

Travail

autonome

Séquence

d‟exposition de

travail lors d‟une

réunion de

direction

Suite d‟expositions du

travail par chaque agent

lors d‟une réunion de

direction

Échanges, régulations,

mises au point entre co-

agents sur des points

précis

Séances de travail proprement

dite :

- rédaction collaborative d‟un

document de travail.

- harmonisation de CV par

deux agents.

Page 465: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

465

Dans le cadre actionnel de nature conjointe, les agents sont contraints à un minimum

d‟engagement, c‟est ce que L. Filliettaz défnit par « engagement praxéologique », et c‟est à ce

niveau que se situe la propriété principale des actions conjointes. Toutes les activités ne

génèrent pas les mêmes obligations d‟engagement. Les séances de travail au sein de la CCI

(« réunion interne entre services ») et de l‟organisme de formation peuvent être définies

comme des actions collectives, et plus précisément des « actions conjointes » : selon

L. Filliettaz (2002), comme des actions participatives de co-agents, impliquant plusieurs

acteurs ayant un but commun et en commandant la coopération et la mise en œuvre la

coordination de leurs actions individuelles dans un but précis. Ces séances de travail se

présentent comme des lieux d‟activités fortement engageants. Il y a une obligation

d‟engagement plus importante chez les participants que dans les comités de direction par

exemple.

Ces comités de direction peuvent, quant à eux, être envisagés comme des « actions à

plusieurs ». L‟identification de plusieurs types d‟actions collectives s‟effectue en fonction de

l‟implication des individus qui y prennent part. Dans ces comités de direction, l‟obligation

d‟engagement d‟un locuteur est plus forte lorsque le leader lui donne la parole. À ce moment

précis, l‟engagement des autres participants est moins important dans la mesure où ils

écoutent et réagissent. Il est possible qu‟un (ou plusieurs) participant(s) se détachent de

l‟activité, c‟est ce qu‟E. Goffman nomme le « mésengagement » (1974), ce qui peut entraîner

une menace pour les faces des participants et qui peut mettre en péril le cadre conjoint de

l‟activité.

Dans les activités de travail en général, la capacité des acteurs à collaborer apparaît

comme élément majeure dans la progression du travail. La mise en place d‟action collective

renvoie à certains modes d‟actions entre individus. Le type d‟action collective, les

représentations que se fait chaque collaborateur de leur engagement collectif et leur degré

d‟implication orienteront la finalité d‟un projet.

5.4. Notre typologie des discours en situation de travail

Nos analyses, qui s‟appuient sur diverses théories, nous ont permis d‟établir une

typologie reprenant l‟ensemble des critères et autres caractéristiques issus de diverses

réunions de travail. Certaines séquences (séquences opérative, explicative et descriptive) se

Page 466: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

466

décomposent en « phases ». Pour ces séquences, les phases se présentent comme le critère

principal déterminant. Chaque type de séquence est caractérisé par des critères linguistiques et

par des éléments contextuels (type d‟activités, type d‟action, enjeu, degré de collaboration,

degré de planification des discours).

Nous proposons ainsi une typologie des discours en situations de travail :

Page 467: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

467

Tableau 145 : Langage au travail : types de discours, types linguistiques, types de séquence et leurs caractéristiques.

Types de discours LANGAGE COMME TRAVAIL LANGAGE SUR LE TRAVAIL LANGAGE DANS LE

TRAVAIL

Types linguistiques Langage de co-action

(Réalise l’activité)

Langage expositif

(Faire voir) Langage péri-professionnel

Situations

professionnelles typiques

« Séances de travail », « réunions

internes » « comités direction »

Pauses, échanges avant et après

les réunions, « conversation »

Types de séquence Opérative

(langage-action)

Explicative

(Recherche

collective d’une

explication)

Descriptive

Séquences

encadrantes (Séquences

d‟ouverture et

de clôture)

Prescriptive

Ordre de

l’AGIR

Échanges

interstitiels

Séquence de

conversation

informelle

Ca

ract

éris

tiq

ues

1) Critère principal :

les phases

- phase d‟élaboration

- phase autonymique

- phase d‟inscription

- phase de lecture/

reformulation

Phase métalinguistique

- phase de

questionnement

- phase résolutive

- phase conclusive

- phase

d‟information(s)

complémentaire(s)

- phase d‟ancrage

- phase

d‟aspectualisation

- phase de

questionnement et de

mise au point de ce qui a

été abordé lors de la

phase précédente

Séquences courtes

2) Critère

secondaire :

caractéristiques

linguistiques

Déictiques

Langage opératif

Énonciations

conjointes

Reprises et

reformulations

« parce que »

« pourquoi »

Enallage de

personne (tu à

valeur de on)

Énoncés-titres

Formes bi-nominales

Marqueurs de

structuration et

organisateurs

énumératifs

Pronom-sujet « nous »

Adverbes de cadre

Postures anticipatoires

« Hein »

Emploi du verbe

« falloir »

Emploi de

l‟impératif

Langage naturel

Narration

Ruptures humoristiques

3) Critère

transversal : le degré

d‟interactivité

Élevé Relatif Faible

4) Cadre actionnel

Activité fortement engageante Activité engageante Enjeux faiblement engageants

Actions conjointes Actions à plusieurs -

Finalité du cadre : enjeu commun Communication unidirectionnelle Communication phatique

Soumis à peu de mécanisme de planification Soumis à des mécanismes de planification Réalisations moins contraintes ; non

soumises à des mécanismes de plan

Page 468: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

468

Ce tableau synthétise l‟ensemble des principaux critères caractérisant les types de

discours que nous avons pu repérer et analyser dans notre sous-corpus de séquences de

réunions de travail. L‟analyse qualitative des données et de l‟élaboration de « types

linguistiques » met en lumière les caractéristiques des discours, et de types de discours

désigant à la fois les caractéristiques des discours et les caractéristiques extralingusitiques tels

que le degré d‟interactivité, de planification et de collaboration. Cette typologie nous a permis

d‟affirmer le lien entre les différents discours et les types d‟activité (activité individuelle,

activité collaborative ou coopérative et activité phatique). En effet :

- le langage de co-action prend plutôt place dans des séances de travail et donc dans

une activité collective où les locuteurs construisent ensemble un projet, autrement dit où le

langage fait l‟action. Nous avons vu qu‟un projet d‟urbanisme par exemple était le résultat

d‟une activité professionnelle collaborative voire coopérative entre différents acteurs de

l‟organisation ;

- le langage expositif prend plutôt place dans des comités direction et donc dans une

activité plutôt individuelle où le locuteur expose son travail à ses collaborateurs et tout en

faisant part de ses objectifs et résultats ;

- le langage péri-professionnel, quant à lui, entrecoupe par moment les activités et

prend place entre ces activités (lors des pauses, entre les réunions, etc.). Nous avons vu que ce

type de séquences permettait d‟instaurer un climat plus détendu et confiant et de tisser des

liens entre les individus (y compris en dehors de leur statut professionnel).

Page 469: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

469

Conclusion

Tout au long de cette étude, nous avons tenté de caractériser des types de discours.

Notre approche pluridisciplinaire nous a permis de saisir la dimension linguistique discursive

et sociale dans un corpus spécifique de langage au travail et nous a aidée dans le choix d‟une

méthodologie de recueil et d‟analyse de données adaptées à nos objectifs.

Notre méthodologie d‟analyse fondée sur les concepts de séquences et de types

linguistiques empruntés à J.-M. Adam (1992) et J.-P. Bronckart (1997), nous a permis de

mettre en lumière l‟hétérogénéité des discours et d‟identifier des types de discours dans des

situations de travail. À partir d‟analyses qualitatives et quantitatives de sous-corpus, nous

avons pu déterminer sept types de séquence (séquences opérative, explicative, descriptive,

encadrante, prescriptive, séquence d‟échanges interstitiels et séquence d‟échanges de

conversation informelle) regroupés en trois types linguistiques. Nous avons estimé que c‟était

la récurrence des types de séquence qui déterminait le type linguistique dominant et donc le

type de discours. Les types de séquence sont caractérisés par des critères linguistiques

récurrents et par des critères externes comme le degré de planification des discours et par un

cadre actionnel précis.

Chaque type linguistique a mis l‟accent sur les caractéristiques linguistiques majeures

d‟un type de discours. Ainsi, en nous appuyant sur les travaux de G. Johnson et C. D. Kaplan

(1980), L. Karsenty et P. Falzon (1993) et M. Lacoste (1995, 2005 [2001]), nous avons repéré

trois types linguistiques en lien avec trois types de discours :

1) le type linguistique « langage expositif » a déterminé le type de discours « langage

sur le travail ». Lors des débriefings, les personnes mettent en œuvre un langage sur le travail

qui leur permet de faire le point sur ce qui a été réalisé. Nous parlons d‟exposé (ou

d‟exposition) et de description des activités et d‟actions réalisées et à réaliser. Ces discours

sont soumis à des mécanismes de planification, car ils sont préparés à l‟avance par les

collaborateurs. Ces discours sont également marqués par des actions à plusieurs, c'est-à-dire

une juxtaposition d‟actions individuelles.

2) le « langage de co-action » a déterminé le « langage comme travail ». Lorsque les

personnes travaillent en collaboration pour la réalisation d‟un projet, elles utilisent un

discours qui leur permet la mise en œuvre d‟une activité et d‟une tâche spécifique. Nous

Page 470: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

470

parlons d‟élaboration, de construction. Dans ces discours, peu soumis à des mécanismes de

planification, nous relevons un degré d‟interactivité assez élevé, une activité fortement

engageante et des actions conjointes, les collaborateurs ayant un enjeu commun.

3) le « langage péri-professionnel » a déterminé le « langage dans le travail ». Dans le

cadre d‟une activité professionnelle, d‟autres activités langagières sont pas directement

centrées sur l‟activité de travail. Ces échanges portent une fonction phatique et des enjeux

faiblement engageants.

Dans une organisation, ces trois types de discours sont mis en œuvre de façon plus ou

moins consciente. Les locuteurs adaptent leur comportement (actionnel et langagier) en

fonction des types d‟activités de travail. Ainsi, la caractérisation des discours s‟effectue en

fonction du degré de planification des discours et du cadre actionnel déterminés par les

objectifs et les enjeux de l‟activité et des actions à réaliser.

Il semble important que, dans l‟organisation, chaque individu sache manipuler ces

trois types de discours. En effet, tantôt les personnes ont besoin du langage pour construire,

pour agir, tantôt ils en ont besoin pour montrer, décrire, et tantôt ils se servent du langage

pour informer ou échanger de façon plus informelle. Le mélange de ces types de discours est

non seulement déterminant pour rendre les relations entre les personnes efficaces, mais est

aussi important pour leur performance au sein de l‟organisation. Ce qui peut amoindrir ses

performances. La compétence d‟une personne se traduit par l‟équilibre dans sa manipulation

des types de discours. Ce qui influe inévitablement sur la performance de l‟organisation. Nous

pouvons faire l‟hypothèse que les problèmes de dysfonctionnement dans les organisations

peuvent être dus à une mauvaise répartition/utilisation de ces trois types de discours.

Cette notion de type de discours peut également paraître utile pour les recherches en

didactique. En effet, elle peut être une sorte d‟instrument intellectuel, par exemple pour

comprendre les difficultés de quelques travailleurs. Nous faisons l‟hypothèse que certains

problèmes de communication au travail ne relèvent pas seulement d'une maîtrise partielle de

la langue, mais d'une difficulté à s‟approprier et à mettre en œuvre les types du discours

auxquels se référent les situations de discours. Il importe de se poser la question des éléments

qui permettent de définir le type de discours afin d‟offrir un cadre de réflexion aux pratiques

langagières des personnes dont le français n‟est pas la langue première.

Page 471: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

471

Bibliographie

Adam J.-M., 1985. « Quels types de textes ? », revue Le français dans le monde n°192.

Pages 39 à 44.

Adam J.-M., 1987a. « Types de séquence textuelles élémentaires », revue Pratiques n°56.

Pages 54 à 79.

Adam J.-M., 1987b. « Textualité et séquentialité. L'exemple de la description », revue Langue

française, Vol. 74, n°1. Pages 51 à 72.

Adam J.-M., 1992. Les textes : types et prototypes. Lausanne : Nathan Université. 223 pages.

Adam J.-M., 1999. Linguistique textuelle. Des genres de discours aux textes. Paris : Nathan.

208 pages.

Adam J.-M., 2001. « Types de textes ou genres de discours ? Comment classer les textes qui

disent de et comment faire ? », revue Langages n°141. Pages 10 à 27.

Adam J.-M., 2001. « Entre conseil et consigne : les genres de l‟incitation à l‟action », revue

Pratiques n°111/112. Pages 7 à 38.

Adam J.-M., 2005. « L‟approche textuelle de l‟argumentation », In L’argumentation

aujourd’hui : position théorique en confrontation, texte réunis par Moirand S. et Doury

M. Pages 86 à 103.

Adam J.-M., 2005. La linguistique textuelle : introduction à l’analyse textuelle des discours.

Paris : Éditions Armand Colin. 234 pages.

Adam J.-M. et Heidmann U., 2006. Entretien avec Ute Heidmann et Jean-Michel Adam à

l’occasion de la sortie de l’ouvrage : Sciences du texte et analyse de discours. Revue

Vox Poetica. 11 pages

Adam J.-M. et Revaz F., 1989. « Aspects de la structuration du texte descriptif : les

marqueurs d‟énumération et de reformulation », revue Langue Française, n°81.

Pages 59 à 98.

Andor J., 2004. « The master and his performance : an interview with Noam Chomsky »,

revue Intercultural Pragmatics 1. Pages 93 à 111.

André V., 2001. Les réunions de travail en entreprise : Étude sociolinguistique. Nancy :

Université Nancy 2. Mémoire de maîtrise, sous la direction de Duda R. 166 pages.

Page 472: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

472

André V., 2002. Les interactions verbales au sein des réunions de travail en entreprise :

Étude sociolinguistique de l’influence du statut du locuteur. Nancy : Université Nancy

2. Mémoire de DEA, sous la direction de Canut E. 112 pages.

André V., 2005. « Oui non, une pratique discursive sous influence », revue Marges

Linguistiques, n°9. Pages 195 à 213.

André V., 2006. Construction collaborative du discours au sein de réunions de travail en

entreprise : de l’analyse micro-linguistique à l’analyse socio-interactionnelle. Le cas

d’un Parc départemental de l’Équipement. Nancy : Université Nancy 2. Doctorat en

Sciences du Langage, sous la direction de Riley P. 484 pages.

André V., 2010. « Éléments de construction collaborative du discours au sein de réunions de

travail : la reprise et le couple oui non. », revue Pratiques n°147-148. Pages 199 à 222.

André V. et Canut E., 2010. « Mise à disposition de corpus oraux interactifs : le projet TCOF

(Traitement de Corpus Oraux en Français) », Revue Pratiques n°147-148.

Pages 35 à 51.

Apothéloz D., 2005. « Progression du texte dans les rédactions conversationnelles : les

techniques de reformulation dans la fabrication collaborative du texte », In Les

processus de la rédaction collaborative de Bouchard R. et Mondada L. France :

l‟Harmattan. Pages 165 à 199.

Aristote, 1980 [384-322 avt J.-C.]. La poétique, (le texte grec avec une traduction et des notes

de lecture par Dupont-Roc R. et Lallot J.). Paris : Éditions du Seuil. 466 pages.

Auchlin A., 1981. « Mais heu, pis bon, ben alors, quoi ! Marqueurs de structuration de la

conversation et complétude », revue Cahiers de linguistique française, n°2.

Pages 141 à 160.

Auchlin A., Filliettaz L., Grobet A., Simon A.-C., 2004. « (En)action, expérienciation du

discours et prosodie », revue Cahier de linguistique française n°26. Pages 217 à 249.

Austin J. L., 1970. Quand dire, c’est faire. Paris : Éditions du Seuil. 203 pages.

Bakhtine M., 1970. La poétique de Dostoïevski. Traduction du russe par I. Kolitcheff. Paris :

Éditions du Seuil. 347 pages.

Page 473: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

473

Bakhtine M., 1977 [1929]. Le marxisme et la philosophie du langage. Essai d’application de

la méthode sociologique en linguistique. Traduction du russe par M. Yaguello. Paris :

Éditions de Minuit. 233 pages.

Bakhtine M., 1978. Esthétique et théorie du roman. Traduction du russe se par D. Olivier.

Paris : Gallimard. 488 pages.

Bakhtine M., 1984. Esthétique de la création verbale, traduit du russe par Aucouturier A.

Paris : Éditions Gallimard. 400 pages.

Bange P., 1992. Analyse conversationnelle et théorie de l’action. Paris : Éditions Didier.

223 pages.

Baude O. (coordonné par), 2006. Corpus oraux, guide des bonnes pratiques. Orléans : Presses

Universitaires d‟Orléans. 203 pages.

Benveniste E., 1966. Problème de linguistique générale. Vol. 1. Paris : Gallimard. 356 pages.

Benveniste E., 1974. Problème de linguistique générale. Vol. 2. Paris : Gallimard. 286 pages.

Berrendonner A., 1990. « Pour une macro-syntaxe », revue Cahiers de Linguistiques, n°21.

Pages 25 à 36.

Bessom M.-J., 1993. « Les valeurs du présent dans le discours expositif », revue Langue

Française, Vol. 97, n° 97. Pages 43 à 59.

Biber D., 1995. Dimensions of register variation, a cross-linguistic comparison. Cambridge:

Cambridge University Press. Pages 1 à 26.

Biber D., 2000 [1988]. Variation across speech and writing. Cambridge : University Press.

299 pages.

Biber D. et Finegan E., 1994. « Intra-textual variation within medical research articles », In

Corpus-based research into language, N. Oostdijk et P. de Haan. Amsterdam : Rodopi.

Pages 201 à 222.

Biber D., Conrad S. et Reppen R., 2004 [1998]. Corpus linguistics: investigating language

structure and use. Cambridge : Cambridge University Press. 311 pages.

Bilger M., 2000a. Corpus. Méthodologie et applications linguistiques. Paris : H. Champion ;

Perpignan : Presses universitaires de Perpignan : Genève, diff. Slatkine. 380 pages.

Bilger M., 2000b. « Petite typologie des conventions de transcription de l‟oral. Quelques

aspects pratiques et théoriques », In Linguistique sur corpus. Études et réflexions

Page 474: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

474

coordonnée par Bilger M., revue Cahiers de l’université de Perpignan, n°31.

Pages 77 à 92.

Bilger M. (coordonné par), 2000c. Linguistique sur corpus : études et réflexions. Cahiers de

l‟Université de Perpignan, n°31. Perpignan : Presses Universitaires de Perpignan.

238 pages.

Bilger M. (coordonné par), 2008. Données orales : les enjeux de la transcription, Cahiers de

l‟Université de Perpignan, n°37. Perpignan : Presses Universitaires de Perpignan.

296 pages.

Blanche-Benveniste C., 1983. « L‟importance du „français parlé‟ pour la description du

„français tout court‟ », revue Recherches sur le français parlé, n°5. Pages 23 à 45.

Blanche-Benveniste C. et Jeanjean C., 1987 [1986]. Le français parlé : transcription et

édition. Paris : INALF, Didier Erudition. 264 pages.

Blanche-Benveniste C., 1990a. Le français parlé. Études grammaticales. Paris : C.N.R.S.

292 pages.

Blanche-Benveniste C., 1990b. « Un modèle d'analyse syntaxique « en grilles » pour les

productions orales », revue Anuario de Psicologia, n°47. Pages 11 à 28.

Blanche-Benveniste C., 1997a. Approches de la langue parlée du français. Paris : Éditions

Ophrys. 164 pages.

Blanche-Benveniste C., 1997b. « La notion de variation syntaxique dans la langue parlée »,

revue Langue française, n°115. Pages 19 à 29.

Blanche-Benveniste C., 2000a. « Introduction : Corpus. Méthodologie et applications

linguistiques », In Corpus. Méthodologie et applications linguistiques de Bilger M.

Paris : H. Champion ; Perpignan : Presses universitaires de Perpignan ; Genève :

Slatkine. Pages 11 à 15.

Blanche-Benveniste C., 2000b. « Corpus de français parlé », In Corpus. Méthodologie et

applications linguistiques. Paris : H. Champion ; Perpignan : Presses universitaires de

Perpignan : Genève, diff. Slatkine. Pages 15 à 25.

Blanche-Benveniste C., 2008. « Les unités de langue écrite et de langue parlée », In Données

orales. Les enjeux de la transcription, Bilger M. (coordonné par). Pages 192 à 217.

Page 475: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

475

Blanche-Benveniste C., Bilger M., 1999. « Français parlé - oral spontané ; quelques

réflexions », Revue Française de Linguistique Appliquée, Dossier « L'oral spontané »,

vol. IV-2/déc. Pages 21 à 30.

Blumentahl P., 1990. « Classement des adverbes : Pas la Couleur, rien que la nuance ? ».

Langue française, n°88. Pages 41 à 50.

Bouacha A. A., 1981. « Alors » dans le discours pédagogique ; épiphénomène ou trace

d‟opérations discursives ? », revue Langue Française, n°50. Pages 39 à 52.

Bouchard R., 1995. « Des praxéogrammes aux discours écrits : analyse des interactions,

analyse de discours et pertinence », revue Cahiers de linguistique française, n°16.

Pages 9 à 51.

Bouchard R. et Mondada L., 2005. Les processus de la rédaction. France : l‟Harmattan.

344 pages.

Boutet J., 1995. Paroles au travail. Paris : l‟Harmattan. 267 pages.

Boutet J., 1998. « Quand le travail rationalise le langage », In Le monde du travail de Kergoat

J., Boutet J., Jacot H., Linhart D. Paris : Éditions la Découverte. Pages 153 à 164.

Boutet J., 2001. « La part langagière du travail : bilan et perspective », revue Langage et

société, n°98. Pages 17 à 42.

Boutet J., 2005 [2001]a. « La part langagière au travail », In Borzeix A. et Fraenkel B. :

Langage et travail, communication, cognition action. Paris : CNRS Éditions.

Pages 17 à 42.

Boutet J., 2005b. « Genres de discours et activités de travail », In L’analyse des actions et des

discours en situation de travail : concepts, méthodes et applications de L. Fillietaz et J.-

P. Bronckart. Pages 19 à 35.

Boutet J., 2008. La vie verbale au travail. Paris : Octarès Éditions. 198 pages.

Boutet J., Gardin B. et Lacoste M., 1995b. « Discours en situation de travail », revue

Langages, n°117. Pages 12 à 31.

Boutet J. et Kergoat D., 1989. « Dialogue interdisciplinaire », In Courants sociolinguistiques,

sous la direction de Drigeat G., Fiala P., Tournier M. Paris : Klincksieck. Pages 9 à 20.

Boutet J. et Gardin B., 2001. « Une linguistique du travail », In Langage et travail :

communication, cognition, action. Paris : CNRS éditions. Pages 89 à 111.

Page 476: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

476

Boutet J. et Maingueneau D, 2005. « Approche interdisciplinaire des pratiques langagières et

discursives », revue Langage et société, n°114. Pages 15 à 71.

Borzeix A. et Fraenkel B., 2005 [2001]. Langage et travail ; communication, cognition,

action. Paris : CNRS éditions. 379 pages.

Branca-Rosoff S., 1999a. « Types, modes et genres : entre langue et discours », revue

Langages et Sociétés, n°87. Paris : Maison des Sciences de l‟Homme. Pages 5 à 24.

Branca-Rosoff S., 1999b. « Des innovations et des fonctionnements de langues rapportés à

des genres », revue Langages et Sociétés, n°87. Paris : Maison des Sciences de

l‟Homme. Pages 115 à 129.

Bronckart J.-P., 1997. Activité langagière, textes et discours. Pour un interactionnisme socio-

discursif. Lausanne : Delachaux et Niestlé. 351 pages.

Brown P. et Levinson S., 1987 [1978]. Politeness. Some universals in language usage.

Cambridge : Cambridge University Press. 345 pages.

Brunetière F., 1914. L'évolution des genres dans l'histoire de la littérature : leçons professées

à l'École normale supérieure. Paris : Hachette. 288 pages.

Bruxelles S., Mondada L., Simon A.C., Traverso V., 2009 [2007]. Grands corpus de français

parlé : Bilan historique et perspectives de recherche, Cahiers de linguistique, 33/2.

268 pages.

Candéa M., 2000. « Les euh et les allongements dits « d‟hésitation » : deux phénomènes

soumis à certaines contraintes en français oral non lu. », XXIIIèmes

journées d‟Étude sur

la parole. Aussois : 19-23 juin 2000. 4 pages.

Canguilhen G., 1947. « Milieu et normes de l‟homme au travail », revue Cahiers

internationaux de sociologie, volume II. Pages 120 à 137.

Canon-Roger F., 2006. « La diversité des textes ». Revue Texto, vol.XI, n° 2.

Cappeau P., 2003. « L’ordre dans les recettes », In Ordre et distinctions dans la langue et le

discours, Actes du Colloque International de Metz (18, 19, 20 Mars 1999) publiés par

Combettes B., Schnedecker C. et Theissen A. Pages 87 à 99.

Cappeau P., 2008. « Ce que nous apprennent les transcriptions », revue Verbum T. XXX, n°4.

Pages 343 à 353.

Cappeau P., Sabio F., Bilger M., Chanet C., 2004. Autour du Corpus de référence du français

Page 477: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

477

parlé. Éditeur : Publications de l'Université de Provence. 268 pages

Charaudeau P., 1983. Langage et discours : éléments de sémiotique (théorie et pratique).

Paris : Éditions Hachette. 176 pages.

Cherrington E. C., 1981 [1958]. Men and their work. Westport, Connecticut : Greenwood

Press. 184 pages

Chomsky N., 1971. Aspects de la théorie syntaxique, traduit de l‟anglais par Milner J.-C.

Paris : Éditions du Seuil. 283 pages.

Clot Y., 1998. « Le sujet au travail », In Le monde du travail de Kergoat J., Boutet J.,

Jacot H., Linhart D. Paris : Éditions la Découverte. Pages 165 à 172.

Clot Y., 1999. La fonction psychologique du travail. Paris : Presses universitaires de France.

247 pages.

Clot Y. et Faïta D., 2000. « Genres et styles en analyse du travail. Concepts et méthodes »,

revue Travailler, n°4. Pages 7 à 42.

Coltier D., 1986. « Approches du texte explicatif », revue Pratiques, n°51. Pages 3 à 22.

Compagnon A., 2001. La notion de genre : cours d’Antoine COMPAGNON (Université de

Paris IV-Sorbonne UFR de Littérature française et comparée). Disponible sur internet :

http://www.fabula.org/compagnon/genre.php

Cori M. et David S., 2008. « Les corpus fondent-ils une nouvelle linguistique ? », revue

Langages, n°171. Pages 111 à 129.

Cosnier J., Brossard A. (sous la direction de), 1984. La communication non verbale. Paris :

Delachaux et Nestlé. 244 pages.

Debaisieux J.-M., 2005. « Les corpus oraux : situation, exploitation linguistique. Bilan et

perspective. », revue Scolia, n°18. Pages 9 à 40.

Debaisieux J.-M., Bertin T. et Husianycia M., 2008. « Introduction. Corpus oraux : recueil et

analyse de données », Revue Verbum n°4. Pages 245 à 259.

Delais-Roussarie E. et Durand J. (ed.), 2003. Corpus et variation en phonologie du français.

Méthodes et analyses. Presses Universitaires du Mirail. 372 pages

Delmotte H., 2002. « Centres d‟appel téléphoniques : les galériens du tertiaire », Le Monde du

20 mars 2002. Pages 27 à 33.

Page 478: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

478

Demerson G. (sous la direction de), 1984. La Notion de genre à la Renaissance. Genève :

Slatkine. 306 pages.

Deulofeu J., 2000. « Type d‟énoncés et „genre‟ ; le cas des commentaires sportifs », In

Corpus. Méthodologie et applications linguistiques, Bilger M. Paris : Édition Honoré

Champion et les presses universitaires de Perpignan. Pages 271 à 296.

Diane V., 1993. Les Ponctuants de la langue et autres mots du discours. Québec : Éditions

Nuit blanche. 145 pages.

Di Ruzza R., 2003. « La prescription du travail dans les centres d‟appels téléphoniques »,

revue de l’Ires n°43. Pages 1 à 29.

Drew P. et Heritage J., 1992. Talk at work. Cambridge : Cambridge University Press.

580 pages.

Dubois J., Giacomo M., Guespin L., Marcellesi C., Marcellesi J.-B. et Mevel J.-P., 1973.

Dictionnaire de linguistique. Paris : Larousse. 516 pages.

Ducrot O., 1980. Les mots du discours. Paris : éditions de Minuit. 241 pages.

Ducrot O., Schaeffer J.-M. et M. de Fornel, 1995. Nouveau dictionnaire encyclopédique des

sciences du langage. Paris : Édition du Seuil. 670 pages.

Dumas I., 2005. « L‟interdépendance actes de langage / gestes praxiques », In L’analyse des

actions et des discours en situation de travail : concepts, méthodes et applications,

Fillietaz L. et Bronckart J.-P. Pages 115 à 131.

Faïta D., 1989. « Mondes du travail et pratiques langagières », revue Langages, n°93.

Pages 110 à 123.

Fayol H., 1999 [1916]. Administration industrielle et générale. Paris : Dunod. 151 pages.

Fillietaz L., 2001. « Les types de discours », revue Círculo de Lingüística Aplicada a la

Comunicación, n°8. 8 pages.

Fillietaz L., 2001b. « La dimension référentielle », In Un modèle et un instrument d’analyse

de l’organisation du discours d‟E. Roulet, L. Filliettaz et A. Grobet. Berne : Lang.

Pages 97 à 137.

Filliettaz L., 2002. La parole en action. Québec : Éditions Nota bene. 395 pages.

Filliettaz L. et Bronckart J.-P., 2005. L’analyse des actions et des discours en situation de

travail : concepts, méthodes et applications. Louvain-la-neuve : Peeters. 261 pages.

Page 479: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

479

Finkelstein A. et Dowell J., 1995. Report of the Inquiry Into The London Ambulance Service.

Londres : University College London. 62 pages.

Fløttum K., 2005. « Les « personnes » dans le discours scientifique : le cas du pronom ON »,

Paper given at the XVIe Congrès des romanistes scandinaves, Copenhague 24-27 aout

2005. 14 pages.

Friedberg E. et M. Crozier, 1992 [1977]. L’acteur et le système : les contraintes de l’action

collective. Paris : Seuil. 500 pages.

Fraenkel B., 2005 [2001]. « La résistible ascension de l‟écrit au travail », In Langage et

travail, communication, cognition action. Paris : CNRS Éditions. Pages 113 à 142.

Gadet F., 1992. « Variation et hétérogénéité », revue Langages, n°108. Pages 5 à 15.

Gadet F., 1999. « Le français tel qu'on le parle », revue Sciances Humaines, n°27.

Pages 42 à 45.

Gadet F., 2000. « Derrière les problèmes méthodologiques de recueil de données », In

Linguistique sur corpus. Études et réflexions, coordonnée par Bilger M., revue Cahiers

de l’université de Perpignan, n°31. Pages 59-75.

Gadet, F., 2003. « Analyse du discours et/ou sociolinguistique confrontées à la langue.

Changements discursifs en français actuel », premier seminario de estudos em análisis

de discurso, Universidade Federal do Rio Grande do Sul, Porto Alegre. Disponible sur

internet http://spider.ufrgs.br/discurso/evento/conf_03/gadet.pdf

Gadet F., 2008. « L‟oreille et l‟œil à l‟écoute du social », In Données orales, les enjeux de la

transcription, coordonnée par Bilger M. Pages 35 à 48.

Golopentja, S., 1988. « Interaction et histoire conversationnelle », In Échanges sur la

conversation, Cosnier et al. (éds). Lyon : Éditions CNRS. Pages 69 à 81.

Goodwin C. et Goodwin M. H., 1997. « La coopération au travail dans un aéroport », revue

Réseaux, Vol. 15, n°85. Pages 129 à 162.

Genette G., 1977. Genres, « types », modes, Poétique VIII. Paris : Éd. du Seuil.

Pages 389 à 421.

Genette G., 1983. Nouveau discours du récit. Paris : Éditions du Seuil. 119 pages.

Genette G., 1991 [1930]. Fiction et diction, Paris : Éditions du Seuil. 89 pages.

Page 480: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

480

Genette G., Jauss H. R., Schaeffer J.- M., Scholes R., Stempel W. D., Viëtor K., 1986.

Théorie des genres. Paris : Seuil. 205 pages.

Goethe, 1940 [1819]. Divan occidental-oriental, traduit de l‟allemand par Lichetenberger H.,

Paris : Aubier. 492 pages.

Goffman E., 1967. Interaction ritual : essays in face-to-face behavior. New York :

Doubleday & Co. 271 pages.

Goffman E., 1974. Les rites d’interaction. Paris : éditions de Minuit. 230 pages.

Greimas A. J., 1976. « Pour une théorie des modalités », revue Langages, Vol. 10, n°43,

Pages 90 à 107.

Grice H. P., 1975. « Logic et conversation », revue Syntax and semantics, Vol.3. New York,

London : Seminar Press. Pages 41 à 58.

Grosjean M., 2005 [2001]. « Verbal et non-verbal dans le langage au travail », In Langage et

travail, communication, cognition action de Borzeix A. et Fraenkel B. Paris : CNRS

Éditions. Pages 143 à 166.

Grosjean M. et Mondada L. (sous la direction de), 2004. La négociation au travail. Lyon :

Presses Universitaires de Lyon. 344 pages.

Guespin L., 1984. « Dialogue et interaction verbale », revue Langages, n°74. Pages 6 à 22.

Gumperz J. J., 1989. Sociolinguistique interactionnelle : une approche interprétative. Paris :

l‟Harmattan. 243 pages.

Habert B., Nazarenko A. et Salem A., 1997. Les linguistiques de corpus. Paris : Armand

Colin. 240 pages.

Habert B., 2000. « Des corpus représentatifs : de quoi, pour quoi, comment ? », In

Linguistique sur corpus : études et réflexions de Bilger M. (coordonné par), Cahiers de

l’Université de Perpignan, n°31. Perpignan : Presses Universitaires de Perpignan.

Pages 11 à 58.

Habert B., 2001. Des corpus représentatifs : de quoi, pour quoi, comment ? Disponible sur

internet :http://atala.biomath.jussieu.fr/je/010428/Habert/Perpignan00/Perpignan00.html

Habert B., 2001. « Typologies inductives de textes ». 10 pages. Disponible sur internet :

http://atala.biomath.jussieu.fr/je/010428/Habert/Perpignan00/node5.html

Hamburger K., 1977. Logique des genres littéraires, traduit de l‟allemand par Cadiot P.

Page 481: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

481

Paris : Éditions du Seuil. 312 pages.

Harris R. A., 1993. The Linguistics Wars. Oxford University Press. 356 pages.

Harris Z. S., 1952. « Discours Analysis », In Papers in structural and transformational

lingusitics de H. Zellig. Pages 313 à 348.

Harris Z. S., 1966 [1951]. Structural linguistics. Chicago : The University of Chicago Press.

384 pages.

Heath C., Jirotka M., Luff P. et Hindmarsh J., 1995. « The Individual and the Collaborative:

the Interactional Organisation of Trading in a City Dealing Room », Journal of

Computer Supported Cooperative Work, Vol. 3, n°1. Pages 147 à165.

Heusch C., 2007. Théorie de la littérature I : la poésie. Cours de Master « Théorie de la

littérature ». Disponibles sur internet : http://heusch.chez-alice.fr/Th%8EoLitt%8E1-

1.htm

Hughes E. C., 1958. Men and their Work. Glencoe : Free Press. 184 pages.

Husianycia M., 2005. Productions verbales et positionnements hiérarchiques dans des

réunions de travail. Nancy : Université Nancy 2. Mémoire de Maîtrise, sous la direction

de Canut E. 163 pages.

Husianycia M., 2006. Situations de langage au travail : un ou des genre(s) de discours ?

Perspective théorique et méthodologique. Nancy : Université Nancy 2. Mémoire de

Master 2, sous la direction de Canut E. 112 pages.

Hymes D., 1972. « Models of the Interaction of Language and Social Life », In Directions on

Sociolinguistics de D. Hymes et J. Gumperz. New York : Holt, Rinehart and Winston.

Pages 35 à 72.

Hymes D., 1984. Vers une compétence de communication. Paris: Éditions Hatier. 219 pages.

Jauss H. R., 1986. « Littérature médiévale et théorie des genres », In Théorie des genres de

Genette G., Jauss H. R., Schaeffer J.- M., Scholes R., Stempel W. D., Viëtor K., Paris :

Seuil. Pages 37 à 76.

Jauss H. R., 1990. « The Theory of Reception: A Retrospective of its Unrecognized

Prehistory », Revue Literary Theory Today. New York : Cornell University Press.

Pages 53 à 73.

Page 482: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

482

Jeanjean C., 1985. « Un N sujet en français parlé », Revue Recherches sur le français parlé,

N°7. Pages 89 à 115.

: pertinence de la

notion de genre », revue Marges linguistiques. Pages 81 à 94.

Jenny L., 2003. « Les genres littéraires », Méthodes et problèmes. Genève : Cours

département de français moderne. Disponible sur internet :

http://www.unige.ch/lettres/framo/enseignements/methodes/genres/

Kaplan C. D. et Johnson G., 1980. « Talk-in-the-work : aspects of social organization of work

in a computer center », revue Journal of pragmatics, Vol.4, n°4. Pages 351 à 365.

Karsenty L. et Falzon P., 1993. « L‟analyse des dialogues orientés-tâches : introduction à des

modèles de la communication », In Les aspects collectifs du travail, F. Six & X.

Vaxevenoglou (Éds.). Toulouse : Octarès. 10 pages.

Kerbrat-Orecchioni C., 1980. L'énonciation de la subjectivité dans le langage. Paris : Éditions

Armand Colin. 290 pages.

Kerbrat-Orecchioni C., 1990. Les interactions verbales. Tome 1. Paris : Éditions Armand

Colin. 318 pages.

Kerbrat-Orecchioni C., 1992. Les interactions verbales. Tome 2. Paris : Éditions Armand

Colin. 368 pages.

Kerbrat-Orecchioni C., 1996. La conversation. Paris: Édition du Seuil. 92 pages.

Kerbrat-Orecchioni C., 2001. « Oui, Non, Si : un trio célèbre et méconnu », revue Marges

linguistiques, n°2. M.L.M.S. : Saint-Chamas. Pages 95 à 119.

Kerbrat-Orecchioni C., 2004. « Analyse des conversations et négociations

conversationnelles », In La négociation au travail. Lyon : Presses Universitaires de

Lyon. Pages 17 à 41.

Kerbrat-Orecchioni C., 2005. Le discours en interaction. Paris : Éditions Armand Colin.

365 pages.

Kerbrat-Orecchioni C. et Traverso V., 2004. « Les types d‟interactions et genres de l‟oral »,

revue Langage n°153. Pages 41 à 51.

Koester A., 2001. The language of work. London : Routledge. 124 pages.

Page 483: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

483

Krafft U. et Dausenschôn-Gay U., 1999. « Système écrivant et processus de mise en mots

dans les rédactions conversationnelles », revue Langage, Vol. 33, n°134. Pages 51 à 67.

Kroll B., 1977. « Combining ideas in written and spoken English: a look at subordination and

coordination », In Discourse across time and space de Ochs Keenan E. et Benett T. Los

Angeles : CA University of Southern California. Pages 69 à 108.

Labov W., 1976. Sociolinguistique. Paris : Éditions de Minuit. 459 pages.

Lacoste M., 1989. « Langage et situation de travail », In Courants sociolinguistiques, sous la

direction de Drigeat G., Fiala P., Tournier M. Paris : Klincksieck. Pages 207 à 224.

Lacoste M., 1995. « Paroles d‟action sur un chantier », In Des savoir-faire

communicationnels. Éditeurs : Véronique D. et Vion R. Publications de l‟Université de

Provence. Pages 451 à 461.

Lacoste M., 2005 [2001]. « Peut-on travailler sans communiquer ? », In Langage et travail,

communication, cognition action de Borzeix A. et Fraenkel B. Paris : CNRS Éditions.

Pages 21 à 54.

Lacoste M. et Grosjean M., 1999. Communication et intelligence collective. Le travail à

l’hôpital. Presses Universitaires de France. 225 pages.

Lederlin P., 1998. « Les constructions bi-nominales sans articles », In Discours professionnels

en français, Vol.16. Frankfurt : Peter Lang. Pages 187 à 200.

Levinson S., 1983. Pragmatics. Cambridge : Cambridge University Press. 420 pages

Levinson S., 1992. « Activity types and language », In talk at work, Drew P. et Heritage J.

Cambridge : Cambridge University Press. 580 pages Pages 66 à 100.

Livet P., 1994. La communication virtuelle : action et communication. Combas : Éditions de

l'éclat. 303 pages.

Malrieu D. et Rastier F., 2001. « Genres et variations morphosyntaxiques », revue Traitement

automatique des langues, vol.42, n°2/2001. Pages 548 à 577. Disponible sur :

http://www.revue-texto.net/Inedits/Malrieu_Rastier/Malrieu-Rastier_Genres1.html

Marx K., 1969 [1867]. Le capital, Livre 1.Traduit par Roy J. Paris : Garnier-Flammarion. 696

pages.

Mathieu-Castellani G., 1984. « La notion de genre », In La notion de genre à la Renaissance,

sous la dir. de G. Demerson. Genève, Slatkine. Pages 17-34.

Page 484: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

484

Mayo E., 1933. The human problems of an industrial civilisation. New York : MacMillan.

159 pages.

McEnery A. M., Xiao R., Tono Y., 2006. Corpus-based language Studies. An advanced

resource book. New York : Routledge Applied Linguistics. 386 pages.

McEnery T. et Wilson A., 2001 [1996]. Corpus linguistics. Edinburg : University Press.

224 pages.

McGregor D., 1957. The Human Side of Enterprise. New York : McGraw-Hill. 403 pages.

Miličková L., 1985. « Les verbes à modalité impérative dans le discours rapporté », revue

Sbornik Praci Filozofické Fakulty Brnenské Univerzity. ada Romanisticka, vol. 16.

Pages 29 à 33.

Moeschler J. et Spengler (de) N., 1981. « Quand même : de la concession à la réfutation »,

revue Cahiers de linguistique française, n°2. Pages 93 à 112.

Moeschler J. et Reboul A., 2001. « Conditionnel et assertion conditionnelle », In Le

conditionnel (en français) 1, Dendale, P. & Tasmowski, L. (eds). Paris : Klinsieck.

Pages 147 à 167.

Moirand S., 1975. « Le rôle anaphorique de la nominalisation dans la presse écrite », revue

Langue Française, vol. 28, n°1. Pages 60 à 78.

Moirand S., 2003. Quelles catégories descriptives pour la mise à jour des genres de discours.

Université Paris III Ŕ Sorbonne nouvelle. 23 pages.

Mondada L, 1999. « L‟organisation séquentielle des ressources linguistiques dans

l‟élaboration collective des descriptions », revue Langage et Société, n°89. Pages 9 à 36.

Mondada L., 2001. « La compétence comme dimension située et contingente, localement

évaluée par les participants », Bulletin Suisse de Linguistique Appliquée n°84.

Pages 83 à 119.

Mondada L., 2005. « L‟exploitation situées de ressources langagières et multimodales », In

L’analyse des actions et des discours en situation de travail : concepts, méthodes et

applications, Fillietaz L. et Bronckart J.-P. Pages 135 à 154.

Mondada L., 2008. « La transcription dans la transcription intercationnelle », In Données

orales, les enjeux de la transcription de Bilger M. Perpignan : Presses Universitaires de

Perpignan. Pages 78 à 109.

Page 485: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

485

Montmollin M., 2001. Discours sur l’organisation du travail. Paris : l‟harmattan. 138 pages.

Mucchielli A., 1991. Rôles et communication dans les organisations. Paris : Éditions ESF.

84 pages.

Mucchielli A., 1998. Approche systémique et communicationnelle des organisations. Paris :

Éditions Armand Colin. 159 pages.

Obin N., Lacheret-Dujour A., Veaux C., Rodet X., Simon A.-C., 2008. « A Method for

Automatic and Dynamic Estimation of Discourse Genre Typology with Prosodic

Features », Acte de colloque, Brisbane (Australie). 4 pages.

Ochs E., 1979a. « Planned and unplanned discourse », In Syntax and semantics, vol. 12, sous

la direction de Givon T. New York: Academic Press. Pages 51 à 80.

Ochs E., 1979b. « Transcription as theory », In Developpemental Pragmatics, Ochs E. et

Schieffelin B. B. New York : Academic Press. Pages 43 à 72.

Onu L., 2005. « Construction conversationnelle et construction de soi dans une réunion de

travail. Le cas du conseil municipal. », colloque franco-allemand au CEDITEC

L’analyse du discours en France et en Allemagne : tendances actuelles en sciences du

langage et sciences sociales. Paris : du 30 juin au 2 juillet 2005, Céditec. 13 pages.

Orr J., 1965. « Hein ! Essai d‟une étymologie », revue de linguistique romane, n°29.

Pages 275 à 288.

Pene S., 1994. Productions langagières écrites et ordre graphique en situation de travail.

Thèse de doctorat linguistique, Paris VII. 712 pages.

Pene S., 1995. « Traces de mains sur des écrits gris », In Paroles au travail, Boutet J.

Pages 105 à 122.

Perez De Souza E. et Silva M.-C., 1999. « „Maintenant on va parler … on va faire une

parenthèse… pour laver notre linge sale‟ : écarts entre travail prescrit et travail réel », In

Espaces de travail, espaces de paroles, sous la direction de Richard-Zappella J. Rouen :

Publications de l‟Université. Pages 140 à 150.

Périn P., 1983, « Communication interactive de groupe et médiation », revue Psychologie

française, Tome 28-3/4. Pages 289-296.

Pery-Woodley M.-P., 1995. « Quels corpus pour quels traitements automatiques ? », revue

Traitement Automatique des Langues. Paris : éditions Hermes, vol. 36, n° 1-2.

Page 486: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

486

Pages 213 à 233.

Peytard J., 1995. Mikhaïl Bakhtine : dialogisme et analyse du discours. Paris : Bertrand-

Lacoste. 128 pages.

Platon, 1995 [427?-348? avt J.-C.]. La République (traduction nouvelle, introduction, notices

et notes de Jacques Cazeaux). Paris : Librairie générale française. 500 pages.

Poudat C., 2006. Étude contrastive de l'article scientifique de revue linguistique dans une

perspective d'analyse des genres, Thèse sous la Direction de G. Bergounioux,

Université d‟Orléans. 477 pages.

Rastier F., 2001a. « Éléments de théories de genres » [en ligne], Revue électronique Texto !

Disponible sur : http://atala.biomath.jussieu.fr/je/010428/Rastier/Rastier280401.html

Rastier F., 2001b. Arts et sciences du texte. Paris : Presses Universitaires de France.

303 pages.

Rastier F., Cavazza M., Abeillé A., 1994. Sémantique pour l'analyse. De la linguistique à

l'informatique, Paris : Masson. 240 pages.

Rastier F. et Pincemin B., 1999. « Des genres à l‟intertexte », revue Cahiers de praxématique,

n°33. Montpellier : Publication de l‟Université de Paul Valéry. Pages 83 à111.

Reboul A. et Moeschler J., 1998a. La pragmatique aujourd’hui. Paris : Éditions du Seuil.

209 pages.

Reboul A. et Moeschler J., 1998b. Pragmatique du discours. Paris : Armand Colin.

220 pages.

Reboul A. et Moeschler J., 2000. « Pourquoi l‟analyse du discours a-t-elle besoin d‟une

théorie de l‟esprit ? », In Modèles du discours en confrontation, Berthoud A-C. et

Mondada L. (eds). Berne : Peter Lang. Pages 185 à 203.

Robert l'Argenton F., 1990 . Parler l'argot du

boucher », revue Langue française, n°90. Pages 113 à 125.

Rouget Ch., 2000. « Les nominalisations sont-elles réservées aux descriptions techniques ? »,

In Corpus. Méthodologie et applications linguistiques, Bilger M. (édité par). Paris : H.

Champion ; Perpignan : Presses Universitaires de Perpignan : Genève, diff. Slatkine.

Pages 296 à 305.

Page 487: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

487

Roulet E., 1980. « Stratégies d‟interaction, modes d‟implication et marqueurs illocutoires »,

revue Cahiers de linguistique française, n°1. Pages 80 à 103.

Roulet E. 1981. « Actes de langage, interaction en face à face et structure de la

conversation », In Logique argumentation conversation. Actes de colloques de

pragmatique, Bange P.et al. Paris : Peter Lang S.A. Pages 191 à 207.

Roulet E., 1989. « De la structure de la conversation à la structure d‟autres types de discours »

In Modèles de discours : recherches actuelles en Suisse romande : actes des rencontres

de linguistique française Crêt-Bérar, Rubattel. C. Paris : Peter Lang S.A. Pages 35 à 60.

Roulet E., Auchlin A., Moeschler J., Rubattel C. & Schelling M., 1985. L'articulation du

discours en français contemporain. Berne : Peter Lang. 272 pages.

Sacks H., 1995 [1992]. Lectures on conversation. Cambridge ; Oxford : Blackwell. 2 tomes

en 1 volume : 802 pages et 576 pages.

Sacks H., Schegloff E. A. and Jefferson G., 1974. « A Simplest Systematics for the

Organization of Turn-Taking for Conversation », revue Language, n°50, 4.

Pages 696 à 735.

Santelmann P., 2003. « L'« épopée » de la formation continue », Revue Sciences Humaines

Hors-série n°40. Pages 10 à 15.

Saint-Georges (de) I., 2005. « Discours, anticipation et action. Les constructions discursives

de l‟avenir dans une institution de formation par le travail », In L’analyse des actions et

des discours en situation de travail : concepts, méthodes et applications, Filliettaz L. et

Bronckart J.-P. Louvain-la-Neuve : Éditions Peeters. Pages 201 à 219.

Saussure F. de, 1916. Cours de linguistique générale. Paris : Payot. 317 pages.

Schneuwly B. et Dolz J., 2009. Des objets enseignés en classe de français, Schneuwly B. et

Dolz J. Rennes : Presses Universitaires de Rennes. 453 pages.

Scollon S., « Habitus, Consciousness, Agency ans the Problem on Intention. How we carry

and are Carried by Political Discourses », In Critical discourse analysis in postmodern

societies, Wodak R. Pages 97 à 129.

Searle J. R., 1972 [1969]. Les actes de langage. Essai de philosophie du langage. Traduction

de l‟anglais de H. Pauchard. Paris : Hermann. 261 pages.

Page 488: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

488

Simonin-Grumbach J., 1975. « Pour une typologie des discours », In Langue, discours,

société pour Emile Benveniste, sous la direction de dir. Kristeva J., Milner J C., Ruwet

N. Paris : Seuil. Pages 85 à 121.

Singy P., 1986. « Le vocabulaire médical : jargon ou argot ? », revue La Linguistique, n°22/2.

Pages 63 à 74.

Smith A., 1776 [Traduction française : 1949]. Recherches sur la nature et les causes de la

richesse des nations, les grands thèmes. : Chicoutimi. 237 pages.

Stubbs M. 1993. « British traditions in text analysis: From Firth to Sinclair », In Text and

Technology: In Honour of John Sinclair de Baker M., Francis F. et Tognini-Bonelli E.

Philadelphia : John Benjamins. Pages 1 à 46.

Suchman L. A., 1987a. « Plans », In Plans and situated actions. The problem of human-

machine communication. Cambridge : Cambridge University Press. Pages 27 à 48.

Suchman L. A., 1987b. « Situated actions », In Plans and situated actions. The problem of

human-machine communication. Cambridge: Cambridge University Press.

Pages 49 à 67.

Suchman L., 1996. « Constituting Shared Workspaces », In Cognition and communication at

work, Engeström Y. et Middleton D. Cambridge : Cambridge University Press.

Pages 35 à 60.

Swales M. J., 1990. Genre Analysis: English in academic and research settings. Cambridge:

Cambridge University Press. 260 pages.

Sylvère A., 1980. Toinou, le cri d’un enfant auvergnat. Evreux : Plon. 398 pages.

Taylor F. W., 1911. The principles scientific management. 17 pages.

Teiger C., 1995. « Parler quand même les fonctions des activités langagières non

fonctionnelles », In Langage au travail, Boutet J. Pages 45 à 72.

Tognini-Bonelli E., 2001. Corpus linguistics at work. Amsterdam : Philadelphia. 223 pages.

Traverso V., 2003. Les genres de l’oral : le cas de la conversation. Texte de la journée sur les

genres de l'oral organisée au laboratoire GRIC (UMR ICAR), Université Lumière Lyon

2 en octobre 2003, Kerbrat-Orecchioni C., Traverso V. 22 pages. Disponible sur le site

ICAR http://icar.univ-lyon2.fr (Rubrique Équipes → IFPS, Publications)

Traverso V., 2008. « Corpus de langue parlée en interaction », revue Verbum n°4,

Page 489: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

489

Tome XXX. Pages 313 à 328.

Vergely P., 2009. « Place et rôle de l‟écrit prescriptif dans les communications orales. »,

revue Semen n°28. Pages 117 à 131.

Vernant D., 1997. Du discours à l'action. Paris : Presses Universitaires de France. 197 pages.

Viëtor K., 1977. « L‟histoire des genres littéraires », Poétique VIII. Paris : Éd. du Seuil. Pages

490 à 506.

Viëtor K., 1986. « Histoire des genres littéraires », In Théorie des genres de Genette G., Jauss

H. R., Schaeffer J.- M., Scholes R., Stempel W.D., Viëtor K., Paris : Seuil.

Pages 9 à 35.

Vincent D., 1993. Les Ponctuants de la langue et autres mots du discours. Québec : Éditions

Nuit blanche. 145 pages.

Vion R., 2000. La communication verbale, analyse des interactions. Paris : Édition Hachette.

302 pages.

Von Cranach M. et Harré R., 1982 [1980]. The Analysis of action: recent theoretical and

empirical advances. Cambridge : Cambridge University Press. 405 pages.

Williams G. (sous la direction de), 2005. La linguistique de corpus. Rennes : Presses

Universitaires de Rennes. 418 pages.

Witko A., 2001. « Une réunion orchestrée par des écrits : le Conseil Municipal », In Le

langage dans les organisations. Une nouvelle donne, textes réunions par Pène S.,

Borzeix A. et Fraenkel B. Paris : l‟Harmattan. Pages 203 à 219.

Zarifian P., 1996. Travail et communication : essai sociologique sur le travail dans la grande

entreprise industrielle. Paris : Presses Universitaires de France. 213 pages.

Zarifian P., 1997. « Travail, langage et civilité », revue Futur Antérieur [en ligne], n°39-40.

Dossier : L‟espace public [réf. du 16 décembre 2003]. Disponible également sur

internet : http://multitudes.samizdat.net

Page 490: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

490

Index des auteurs

A

Abeillé A. · 32

Adam J.-M. · 30, 31, 134, 135, 136, 138,

139, 140, 145, 146, 148, 149, 170, 171,

188, 208, 260, 384, 389, 425

André V. · 120, 258, 261, 318, 319, 409,

471, 472, 502

Apothéloz D. · 330, 339, 410, 412, 413,

414, 472

Aristote · 20, 21, 22, 27, 472

Auchlin A. · 206, 207, 389, 472, 487

Austin J. L. · 72, 260, 308, 472

B

Bakhtine M. · 30, 31, 34, 35, 36, 49, 51,

138

Bange P. · 72

Benveniste E. · 28, 29, 357

Berrendonner A. · 243, 473

Bessom M.-J. · 162, 393, 408, 473

Biber D. · 41, 45, 88, 95, 136

Bilger M. · 41, 88, 97, 473, 474, 475, 476,

478, 479, 480, 486

Blanche-Benveniste C. · 40, 41, 93, 94,

118, 119, 121, 122, 130, 320, 321, 474,

475

Blumenthal P. · 227, 229

Borzeix A. · 66, 73, 74, 77, 162, 308

Boscolo P. · 162

Bouacha A. A. · 210, 475

Bouchard R. · 77, 259, 330

Boutet J. · 49, 57, 58, 59, 64, 66, 67, 73,

102, 331, 343, 369, 399, 402, 475, 476,

477, 485, 488

Branca-Rosoff S. · 51

Bronckart J.-P. · 36, 37, 51, 75, 81, 82,

135, 136, 137, 138, 139, 145, 146, 147,

148, 149, 170, 171, 475

Broth M. · 68

Brown P. · 99, 100, 101, 345

Brunot F. · 91

C

Candéa M. · 129

Cappeau P. · 122, 260, 476

Cavazza M. · 32

Cedergren H. · 93

Cherrington H. E. · 71

Chomsky N. · 38, 89, 90

Clark H. H. · 85, 86

Clot Y. · 49, 50, 56

Coltier D. · 139, 178, 384, 388, 477

Combettes B. · 392, 476

Compagnon A. · 21, 22, 24, 26

Cori M. · 89

Cranach M. von · 79

Croce B. · 26

Crozier M. · 63

D

David S. · 89

Debaisieux J.-M. · 93, 477

Delmotte H. · 65

Di Ruzza R. · 65, 66

Diomède · 20

Dolz J. · 140, 141, 487

Dubois J. · 28, 176

Ducrot O. · 101

Duranti A. · 43

F

Faïta D. · 49, 50, 477, 478

Falzon P. · 72, 78

Fayol H. · 60, 61, 62

Filliettaz · 75, 76, 77, 78, 80, 81, 84, 85,

86, 236, 312, 330, 465, 472, 478, 487,

502

Filliettaz · 79

Filliettaz · 83

Filliettaz · 85

Filliettaz · 85

Filliettaz · 86

Filliettaz L. · 52, 75, 76, 78, 462, 478, 501

Fornel M. de · 101, 478

Fraenkel B. · 74, 77, 330, 366, 367

Friendber E. · 63

G

Gadet F. · 53, 95, 104, 117, 118, 121, 479

Page 491: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

491

Galanter E. · 79

Gardin B. · 73, 331, 399

Garfinkel H. · 99

Gaulmyn M. M. de · 330, 413

Genette G. · 26, 27, 29

Giacomo M. · 28

Goethe J. W. · 24, 25, 480

Goffman E. · 58, 98, 99, 100, 345, 465

Golopentja S. · 243, 479

Goodwin C. · 68

Gougenheim G. · 92

Greimas A. J. · 272, 273, 480

Grevisse M. · 120

Grice H. P. · 100, 480

Grize J.-B. · 139, 146, 384, 388, 393

Grosjean M. · 66, 73, 74, 77, 308, 423

Guespin L. · 28

Guillaume G. · 176

Gülich E. · 207, 209, 319, 389

Gumperz J. J. · 38

H

Habert B. · 88, 95, 136

Hacker W. · 79

Haller S. · 137

Hamburger K. · 26, 27

Harness Goodwin M. · 68

Harris Z. S. · 28, 481

Heath C. · 69, 70

Hegel F. · 25

Heusch C. · 23

Hindmarsh J. · 69, 70

Horace · 22

Hymes D. · 38, 39, 481

I

Iser W. · 25, 26

J

Jacques M.-P. · 47, 90

Jakobson R. · 30

Jauss H. R. · 25, 26

Jeanjean C. · 119

Jeanneret T. · 319

Jefferson G. · 43, 319, 487

Jenny L. · 21, 24, 26

Jirotka M. · 69, 70

Johnson G. · 71, 73, 75, 77, 469, 482

K

Kant E. · 25

Kaplan C. D. · 71, 73, 75, 77, 469, 482

Karsenty L. · 72, 78, 308, 343, 414, 445,

469

Karsenty L. et Falzon P. · 308, 343, 469

Keenan R. · 43

Kerbrat-Orecchioni C. · 40, 95, 99, 101,

137, 141, 163, 309, 310, 311, 388, 397,

408

Koester A. · 48, 482

Krafft U. · 330, 483

Kroll B. · 43

L

Labov W. · 92, 101, 102

Lacheret A. · 485

Lacoste M. · 66, 73, 75, 77, 85, 157, 308,

331, 342, 343, 445, 461, 469, 475, 483,

486

Lagane R. · 177, 178

Levinson S. · 39, 99, 100, 101, 345

Levinson S. C. · 68

Livet P. · 85, 86

Luff P. · 69, 70

M

Maingueneau D. · 36

Malinowski B. · 103

Malrieu D. · 30, 32, 33, 483

Marcellesi C. · 28

Marcellesi J.-B. · 28

Maslow A. · 63

Mathieu-Castellani G. · 23, 483

Mayo E. · 62

McEnery T. · 89, 90, 91, 484

McGregor D. · 62, 63

Mevel J.-P. · 28

Michéa R. · 92

Miller G. · 79

Moeschler J. · 236, 345

Moirand S. · 177, 178, 188, 189, 471, 484

Mondada L. · 67, 95, 117, 319, 329

Page 492: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

492

Montmollin M. de · 367, 485

Morel M.-A. · 95

O

Ochs E. · 42, 43, 117, 133

P

Pène S. · 372, 373

Perez De Souza C. · 485

Périn P. · 409

Pincemin B. · 47

Platon · 19, 20, 21, 27, 486

Pribram K. H. · 79

Q

Quintilien · 22

R

Rastier F. · 32, 33, 47, 483, 486

Reboul A. · 484

Revaz F. · 188, 190, 208, 246, 255, 389,

471

Rivenc P. · 92

Rouget C. · 177, 178, 486

Roulet E. · 167, 258, 309, 311, 313, 316,

317, 487, 502

S

Sacks H. · 137, 319

Saint-Georges I. de · 234, 235

Sankoff D. · 93

Sauvageot A. · 92

Schaeffer J. M. · 50, 101, 478, 480, 481,

489

Schegloff E. A. · 43, 137, 379, 487

Schneuwly B. · 36, 140, 141, 487

Schütz A. · 99, 100

Schwartz O. · 103

Scollon R. · 234, 235, 248

Searle J. · 42, 72, 487

Settekorn W. · 389

Simon A.-C. · 130

Simonin-Grumbach J. · 29, 357, 358, 488

Sinclair J. · 88

Smith A. · 55, 488

Stubbs M. · 88

Suchman L. · 68

Swales J. · 48

Sylvère A. · 57

T

Taylor F. W. · 54, 56, 57, 61

Teiger C. · 77

Todorov T. · 27

Tognini-Bonelli E. · 88, 488

Tomassone R. · 392

Traverso V. · 39, 40, 51, 95, 310

Triper M. · 57

V

Vendryès J. · 121

Vernant D. · 82, 83, 84, 85, 462

Viëtor K. · 25, 480, 481, 489

W

Weber M. · 60

Werlich E. · 30

Williams G. · 89

Wilson A. · 89, 91, 484

X

Xiao R. · 89, 90, 484

Y

Yukio T. · 89, 90

Z

Zarifian P. · 56, 57, 489

Page 493: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

493

Liste des tableaux

Tableau 1 : Les architypes selon J.-P. Bronckart (1997 : 159) 37

Tableau 2 : Types de parole selon les approches 77

Tableau 3 : Résumé de l'analyse des transactions de D. Vernant (1997 : 160) 84

Tableau 4 : Récapitulatif des données recueillies et transcrites 109

Tableau 5: Synthèse des enregistrements 111

Tableau 6 : Classement des réunions de notre corpus 112

Tableau 7 : Sous-corpus 1 constitué pour l‟analyse qualitative 114

Tableau 8 : Les 28 séquences de base pour l'analyse qualitative 115

Tableau 9 : Sous-corpus 2 constitué pour l'analyse quantitative 116

Tableau 10 : Typologie des erreurs recensées (P. Cappeau, 2008 : 346) 122

Tableau 11 : Principales anonymisations dans notre corpus 124

Tableau 12 : Signes des conventions de transcriptions 128

Tableau 13 : Signes marquants les éléments prosodiques 129

Tableau 14 : Les prototypes de séquence de J.-M. Adam (1992) 146

Tableau 15 : Tableau des critères de J.-P. Bronckart caractérisant les différents

types de discours et de texte (1997). 147

Tableau 16 : Principes méthodologiques pour quatre critères particulier pour

l‟analyse quantitative 151

Tableau 17 : Répartition des types de séquence dans notre sous-corpus 2 159

Tableau 18 : Les séquences encadrantes de notre corpus 165

Tableau 19 : Synthèse des séquences descriptives organisées en phases 175

Tableau 20 : Les manifestations des nominalisations par type de séquence dans le

CoDir 1 (CCI) 180

Tableau 21 : Les manifestations des nominalisations par type de séquence dans la

réunion interne 1 (CCI) 181

Tableau 22 : Les manifestations des nominalisations par type de séquence dans le

CoDir 2 (ets de transport) 182

Page 494: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

494

Tableau 23 : Les manifestations des nominalisations par type de séquence dans le

CoDir 2 (GIS) 183

Tableau 24 : Les manifestations des nominalisations par type de séquence dans la

réunion de responsables formateurs (OF) 184

Tableau 25 : Les manifestations des nominalisations par type de séquence dans la

séance de travail (OF) 184

Tableau 26 : Les manifestations des nominalisations dans les séquences du sous-

corpus 2 186

Tableau 27 : Les manifestations des énoncés-titres dans les séquences du CoDir 1

(CCI) 191

Tableau 28 : Les manifestations des formes bi-nominales dans les séquences du

CoDir 1 (CCI) 192

Tableau 29 : Les manifestations des formes bi-nominales dans les séquences du

CoDir 2 (entreprise de transport) 193

Tableau 30 : Les manifestations des formes bi-nominales et les énoncés-titres

dans les séquences du CoDir 2 (GIS) 194

Tableau 31 : Les manifestations des formes bi-nominales dans les séquences dans

le CoDir 2 (GIS) 195

Tableau 32 : Les manifestations des énoncés-titres dans les séquences dans la

réunion interne 1 (CCI) 196

Tableau 33 : Les manifestations des formes bi-nominales dans les séquences dans

la réunion interne 1 (CCI) 197

Tableau 34 : Les manifestations des énoncés-titres dans les séquences dans la

réunion des responsables formateurs (OF) 198

Tableau 35 : Les manifestations des formes bi-nominales dans les séquences dans

la réunion des responsables formateurs (OF) 199

Tableau 36 : Les manifestations des formes bi-nominales dans les séquences dans

la séance de travail (OF) 200

Tableau 37 : Les manifestations des formes bi-nominales dans les séquences de la

partie 1 de la réunion de groupement 2 (OF) 201

Tableau 38 : Les manifestations des formes bi-nominales dans les séquences des

interactions dans l‟open space d‟un service RH (ets de transport) 202

Tableau 39 : Les manifestations des énoncés-titres dans les séquences du sous-

corpus 2 203

Page 495: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

495

Tableau 40 : Les manifestations des formes bi-nominales par type de séquence

dans le sous-corpus 2 205

Tableau 41 : Les manifestations des marqueurs de structuration et des

organisateurs énumératifs dans les séquences du CoDir 1 (CCI) 212

Tableau 42 : Les manifestations des marqueurs de structuration et des

organisateurs énumératifs dans les séquences du CoDir 2 (ets de transport) 213

Tableau 43 : Les manifestations des marqueurs de structuration et des

organisateurs énumératifs dans les séquences du CoDir 2 (GIS) 214

Tableau 44 : Les manifestations des marqueurs de structuration et des

organisateurs énumératifs dans les séquences de la réunion interne (CCI) 215

Tableau 45 : Les manifestations des marqueurs de structuration et des

organisateurs énumératifs dans les séquences de la réunion des responsables

formateurs (OF) 216

Tableau 46 : Les manifestations des marqueurs de structuration et des

organisateurs énumératifs dans les séquences de la séance de travail (OF) 217

Tableau 47 : Les manifestations des marqueurs de structuration et des

organisateurs énumératifs dans les séquences de la partie de la réunion de

groupement 2 (OF) 218

Tableau 48 : Les manifestations des marqueurs de structuration et des

organisateurs énumératifs dans les séquences des activités langagières au service

RH (entreprise de transport) 219

Tableau 49 : Les manifestations des marqueurs de structuration et des

organisateurs énumératifs par type de séquence dans le sous-corpus 2 221

Tableau 50 : Les manifestations du pronom-sujet « nous » dans les types de

séquence du CoDir 1 (CCI) 224

Tableau 51 : Les manifestations des adverbes de cadre dans chaque type de

séquence du CoDir 1 (CCI) 229

Tableau 52 : Les manifestations des adverbes de cadre dans les séquences du

CoDir 2 (entreprise de transport) 230

Tableau 53 : Les manifestations des adverbes de cadre par type de séquence dans

une réunion interne (CCI) 231

Tableau 54 : Les manifestations des adverbes de cadre dans chaque type de

séquence du sous-corpus 2 233

Tableau 55 : Les manifestations des postures anticipatoires par type de séquence

dans le CoDir 1 (CCI) 237

Page 496: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

496

Tableau 56 : Les manifestations des postures anticipatoires par types de séquence

dans le CoDir 2 (ets de transport) 238

Tableau 57 : Les manifestations des postures anticipatoires par type de séquence

dans la réunion interne 1 (CCI) 239

Tableau 58 : Les manifestations des postures anticipatoires par type de séquence

dans le sous-corpus 2 241

Tableau 59 : Organisation de la séquence descriptive : enchevêtrement des phases 247

Tableau 60 : Les manifestations des marqueurs « hein » par type de séquence du

CoDir 1 (CCI) 263

Tableau 61 : Les manifestations des marqueurs « hein » par type de séquence

dans le CoDir 2 (ets de transport) 264

Tableau 62 : Les manifestations des marqueurs « hein » par type de séquence

dans le CoDir 2 (GIS) 265

Tableau 63 : Les manifestations des marqueurs « hein » par type de séquence de

la réunion interne 1 (CCI) 265

Tableau 64 : Les manifestations des marqueurs « hein » par type de séquence de

la réunion des responsables formateurs (OF) 266

Tableau 65 : Les manifestations des marqueurs « hein » par type de séquence de

la séance de travail (OF) 267

Tableau 66 : Les manifestations des marqueurs « hein » par type de séquence de

la partie 1 de la réunion de groupement 2 (OF) 268

Tableau 67 : Les manifestations des marqueurs « hein » par type de séquence

dans les interactions dans l‟open space d‟un service RH (ets de transport) 269

Tableau 68 : Les manifestations des marqueurs « hein » par type de séquence

dans les échanges avant le CoDir 1 et lors de la pause (CCI) 269

Tableau 69 : Les manifestations du marqueur « hein » par type de séquence dans

le sous-corpus 2 270

Tableau 70 : Les manifestations du verbe « falloir » dans les séquences du CoDir

1 (CCI) 275

Tableau 71 : Les manifestations du verbe « falloir » par type de séquence du

CoDir 2 (ets de transport) 276

Tableau 72 : Les manifestations du verbe « falloir » par type de séquence d'un

CoDir (GIS) 277

Tableau 73 : Les manifestations de « falloir » par type de séquence de la réunion

interne 1 (CCI) 278

Page 497: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

497

Tableau 74 : Les manifestations du verbe « falloir » par type de séquence de la

réunion des responsables formateurs (OF) 279

Tableau 75 : Les manifestations du verbe « falloir » par type de séquence de la

séance de travail (OF) 280

Tableau 76 : Les manifestations du verbe « falloir » par type de séquence de la

partie de la réunion de groupement 2 (OF) 280

Tableau 77 : Les manifestations du verbe « falloir » par type de séquence dans les

interactions dans l‟open space d‟un service RH (ets de transport) 281

Tableau 78 : Les manifestations du verbe « falloir » par type de séquence dans les

échanges avant le CoDir et lors de la pause (CCI) 282

Tableau 79 : Les manifestations du verbe « falloir » par type de séquence dans le

sous-corpus 2 283

Tableau 80 : Les manifestations des formes impératives par type de séquence du

CoDir 1 (CCI) 287

Tableau 81 : Les manifestations des formes impératives par type de séquence du

CoDir 2 (GIS) 288

Tableau 82 : Les manifestations des formes impératives par type de séquence de

la réunion interne 1 (CCI) 289

Tableau 83 : Les manifestations des formes impératives par type de séquence de

la réunion des responsables formateurs (OF) 290

Tableau 84 : Les manifestations des formes impératives par type de séquence

d'une séance de travail (OF) 291

Tableau 85 : Les manifestations des formes impératives par type de séquence de

la partie de la réunion de groupement 2 (OF) 291

Tableau 86 : Les manifestations des formes impératives par type de séquence

dans les interactions dans l‟open space d‟un service RH (ets de transport) 292

Tableau 87 : Les manifestations des formes impératives dans les types de

séquence dans le sous-corpus 2 293

Tableau 88 : Les manifestations d‟énoncés injonctifs par type de séquence du

CoDir 1 (CCI) 297

Tableau 89 : Les manifestations d‟énoncés injonctifs par type de séquence du

CoDir 2 (GIS) 298

Tableau 90 : Les manifestations d‟énoncés injonctifs par type de séquence de la

réunion interne 1 (CCI) 299

Page 498: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

498

Tableau 91 : Les manifestations d‟énoncés injonctifs par type de séquence de la

réunion des responsables formateurs (OF) 299

Tableau 92 : Les manifestations d‟énoncés injonctifs par type de séquence de la

séance de travail (OF) 300

Tableau 93 : Les manifestations d‟énoncés injonctifs par type de séquence dans le

sous-corpus 2 302

Tableau 94 : les caractéristiques du type linguistique « langage expositif » 307

Tableau 95 : Les manifestations des énonciations conjointes par type de séquence

dans le CoDir 1 (CCI) 322

Tableau 96 : Les manifestations des énonciations conjointes par type de séquence

dans la réunion interne 1 (CCI) 323

Tableau 97 : Les manifestations des énonciations conjointes dans les séquences

de la réunion des responsables formateurs (OF) 324

Tableau 98 : Les manifestations des énonciations conjointes dans les séquences

de la séance de travail (OF) 325

Tableau 99 : Les manifestations des énonciations conjointes par type de séquence

dans le sous-corpus 2 326

Tableau 100 : Séquences opératives du sous-corpus 2 organisées en phases 332

Tableau 101 : Liste des séquences par réunion de travail comportant des phases

métalinguistiques 337

Tableau 102 : Manifestation des phases métalinguistiques par type linguistique et

type de séquence du sous-corpus 2 338

Tableau 103 : Séquences du sous-corpus 2 dans lesquelles se manifeste un

langage opératif 344

Tableau 104 : Les manifestations des formes d‟atténuation par type de séquence

dans le CoDir 1 (CCI) 348

Tableau 105 : Les manifestations des formes d‟atténuation par type de séquence

dans la réunion interne 1 (CCI) 349

Tableau 106 : Les manifestations des formes d‟atténuation par type de séquence

dans le CoDir 2 (ets de transport) 350

Tableau 107 : Les manifestations des formes d‟atténuation dans les séquences

dans le CoDir 2 (GIS) 351

Tableau 108 : Les manifestations des formes d‟atténuation dans les séquences de

la réunion des responsables formateurs (OF) 352

Page 499: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

499

Tableau 109 : Les manifestations des formes d‟atténuation dans les séquences de

la séance de travail (OF) 353

Tableau 110 : Les manifestations des formes d‟atténuation dans la partie de la

réunion de groupement 2 (OF) 354

Tableau 111 : Les manifestations des formes d‟atténuation dans les interactions

dans l‟open space d‟un service RH (ets de transport) 354

Tableau 112 : Les manifestations des formes d‟atténuation dans les échanges

avant la réunion et pendant la pause du CoDir 1 (CCI) 355

Tableau 113 : Les manifestations des formes d‟atténuation par type de séquence

dans le sous-corpus 2 356

Tableau 114 : Les manifestations des déictiques par type de séquence dans le

CoDir 1 (CCI) 360

Tableau 115 : Les manifestations des déictiques par type de séquence dans la

réunion interne 1 (CCI) 361

Tableau 116 : Les manifestations des déictiques dans les séquences de la réunion

des responsables formateurs (OF) 362

Tableau 117 : Les manifestations des déictiques dans les séquences de la séance

de travail (OF) 363

Tableau 118 : Les manifestations des déictiques dans les interactions dans l‟open

space d‟un service RH (ets de transport) 364

Tableau 119 : Les manifestations des déictiques par type de séquence dans le

sous-corpus 2 365

Tableau 120 : La diversité des supports écrits dans notre corpus 368

Tableau 121 : L‟usage des écrits professionnels par type de séquence dans le

CoDir 1 (CCI) 375

Tableau 122 : L‟usage des écrits professionnels dans les séquences dans le CoDir

2 (GIS) 375

Tableau 123 : L‟usage des écrits professionnels par type de séquence dans la

réunion interne 1 (CCI) 376

Tableau 124 : L‟usage des écrits professionnels dans les séquences de la réunion

des responsables formateurs (OF) 376

Tableau 125 : L‟usage des écrits professionnels dans les séquences de la séance

de travail (OF) 377

Tableau 126 : L‟usage des écrits professionnels dans les interactions dans l‟open

space d‟un service RH (ets de transport) 378

Page 500: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

500

Tableau 127 : L‟usage des écrits professionnels par type de séquence dans le

sous-corpus 2 378

Tableau 128 : Les manifestations des chevauchements dans chaque type de

séquence du sous-corpus 2 382

Tableau 129 : Construction collaborative : analyse en grille 413

Tableau 130 : Les phases de l'activité de rédaction 415

Tableau 131 : Constitution de la séquence 416

Tableau 132 : Les critères du type linguistique « langage co-action » 421

Tableau 133 : Thèmes conversationnels des séquences de conversation informelle

du sous-corpus 2 427

Tableau 134 : Les manifestations de ruptures humoristiques par type de séquence

dans le CoDir 1 (CCI) 430

Tableau 135 : Les manifestations de ruptures humoristiques par type de séquence

dans la réunion interne 1 (CCI) 431

Tableau 136 : Les manifestations de ruptures humoristiques dans les séquences

du CoDir 2 (GIS) 431

Tableau 137 : Les manifestations de ruptures humoristiques dans les séquences

de la réunion des responsables formateurs (OF) 432

Tableau 138 : Les manifestations de ruptures humoristiques dans les séquences

de la séance de travail (OF) 433

Tableau 139 : Les manifestations de ruptures humoristiques dans la partie 1 de la

réunion de groupement 2 (OF) 433

Tableau 140 : Les manifestations de ruptures humoristiques dans les échanges

avant la réunion et pendant la pause du CoDir 1 (CCI) 434

Tableau 141 : Les ruptures humoristiques dans les types de séquence dans le

sous-corpus 2 435

Tableau 142 : Les critères du type linguistique « langage péri-professionnel » 442

Tableau 143 : Types linguistiques et types de séquence 444

Tableau 144: Typologie des actions dans l'étude des types de discours en

situation de travail 464

Tableau 145 : Langage au travail : types de discours, types linguistiques, types de

séquence et leurs caractéristiques. 467

Page 501: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

501

Liste des figures

Figure 1 : Le système des genres littéraires au milieu du XIXe siècle selon

A. Compagnon (2001) 24

Figure 2 : Les niveaux d‟analyse des genres selon D. Malrieu et F. Rastier

(2001 : 549) 33

Figure 3 : Structure hiérarchique de l‟activité d‟après W. Hacker (1973) 79

Figure 4 : Découpage de l'activité 82

Figure 5 : Les instances de l'agentivité (L. Filliettaz, 2002 : 76) 83

Figure 6 : Typologie des modes actionnels selon L. Filliettaz (2002 : 61) 85

Figure 7 : E. Ochs : Numbered actions are explained in the nonverbal column 133

Figure 8 : Les éléments composant les types de discours 149

Figure 9 : Rapports entre langage et travail, les types linguistiques et les types de

séquence 158

Figure 10 : Répartition des types linguistiques dans le sous-corpus 2 161

Page 502: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

502

Liste des schémas

Schéma 1 : Macrostructure praxéologique selon L. Filliettaz ................................................. 80

Schéma 2 : Découpage de séquences dans un extrait de réunion de travail

(CoDir 1, CCI) ........................................................................................................................ 143

Schéma 3: Découpage de séquences dans un extrait de réunion de travail

(Réunion interne 1, CCI) ........................................................................................................ 143

Schéma 4 : Découpage de séquences dans un extrait d‟un groupe de travail (OF) ............... 144

Schéma 5 : Schéma de négociation langagière (Roulet et al., 1985) ..................................... 311

Schéma 6 : Schématisation 1 d'une séquence de négociation ............................................... 312

Schéma 7 : Schématisation 2 d'une séquence de négociation ............................................... 313

Schéma 8 : Schématisation de l'énonciation conjointe (V. André, 2006) ............................. 319

Schéma 9 : Analyse en grille d‟une énonciation conjointe ................................................... 320

Schéma 10 : Les problématisations et situations explicatives dans la séquence 3

du CA (organisme de formation) ........................................................................................... 387

Schéma 11 : Construction du texte : analyse en grille ........................................................... 410

Page 503: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

503

Listes des graphiques

Graphique 1 : Répartition des types de séquence dans le sous-corpus 2 .............................. 159

Graphique 2 : Répartition des types linguistiques dans le sous-corpus 2............................. 161

Graphique 3 : Prévalences des occurrences des nominalisations pour chaque type

de séquence du sous-corpus 2 ................................................................................................ 186

Graphique 4 : Nombres d‟occurrences des nominalisations pour chaque type de

séquence du sous-corpus 2 ..................................................................................................... 187

Graphique 5 : Prévalences des occurrences pour chaque type de séquences du

sous-corpus 2 .......................................................................................................................... 204

Graphique 6 : Prévalences pour chaque type séquence du sous-corpus 2 ............................ 205

Graphique 7 : Nombre d‟occurrences pour chaque type séquence du sous-

corpus 2 .................................................................................................................................. 206

Graphique 8 : Prévalences des occurrences (‰) des marqueurs de structuration et

des organisateurs énumératifs pour chaque type de séquence du sous-corpus 2 ................... 222

Graphique 9 : Nombres d'occurrences du marqueur "hein" par type de séquence

dans le sous-corpus 2 .............................................................................................................. 271

Graphique 10 : Prévalences des occurrences du marqueur "hein" par type de

séquence dans le sous-corpus 2 .............................................................................................. 271

Graphique 11 : Nombre de manifestations du verbe "falloir" pour chaque type de

séquence ................................................................................................................................. 283

Graphique 12 : Prévalences des manifestations du verbe "falloir" pour chaque

type de séquence ..................................................................................................................... 284

Graphique 13: Prévalences des occurrences des formes impératives pour chaque

type de séquence du sous-corpus 2 ........................................................................................ 294

Graphique 14 : Nombre d'occurrences des formes impératives pour chaque type

de séquence du sous-corpus 2 ................................................................................................ 294

Graphique 15 : Prévalences des occurrences (‰) des formes d'atténuation dans

chaque type de séquence du sous-corpus 2 ............................................................................ 356

Graphique 16 : Répartition des types de séquence dans le CoDir 1 de la CCI .................... 446

Graphique 17 : Répartition des types linguistiques dans le CoDir 1 de la CCI ................... 447

Graphique 18 : Répartition des types de séquence dans le CoDir 2 de l'entreprise

de transport ............................................................................................................................. 448

Graphique 19 : Répartition des types linguistiques dans le CoDir 2 de l'entreprise

de transport ............................................................................................................................. 448

Page 504: CARACTÉRISATION DE TYPES DE DISCOURS DANS DES …

504

Graphique 20 : Répartition des types de séquence dans la CoDir 2 du GIS ........................ 449

Graphique 21 : Répartition des types linguistiques dans le CoDir 2 du GIS ....................... 450

Graphique 22 : Répartition des types de séquence dans la réunion interne 1 de la

CCI ......................................................................................................................................... 451

Graphique 23 : Répartition des types linguistiques dans la réunion interne 1 de la

CCI ......................................................................................................................................... 452

Graphique 24 : Répartition des types de séquence dans la séance de travail de

l'OF ......................................................................................................................................... 453

Graphique 25 : Répartition des types linguistiques dans la séance de travail de

l'OF ......................................................................................................................................... 453

Graphique 26 : Répartition des types de séquence dans la réunion des

responsables des formateurs à l'OF ........................................................................................ 455

Graphique 27 : Répartition des types linguistiques dans la réunion des

responsables des formateurs à l'OF ........................................................................................ 455

Graphique 28 : Répartition des types de séquence dans la partie 1 de la réunion

de groupement 2 à l'OF .......................................................................................................... 456

Graphique 29 : Répartition des types linguistiques dans la partie 1 de la réunion

de groupement 2 à l'OF .......................................................................................................... 457

Graphique 30 : Répartition des types de séquence dans les interactions de l‟open

space d‟un service RH de l'entreprise de transport ................................................................ 458

Graphique 31 : Répartition des types linguistiques dans les interactions de l‟open

space d‟un service RH de l'entreprise de transport ................................................................ 458

Graphique 32 : Répartition des types de séquence dans les échanges avant la

réunion CoDir et lors de la pause, CCI .................................................................................. 459

Graphique 33 : Répartition des types linguistiques dans les échanges avant la

réunion CoDir et lors de la pause, CCI .................................................................................. 460

Graphique 34 : Répartition des types de séquence dans les échanges avant une

réunion de l‟OF ...................................................................................................................... 460

Graphique 35 : Répartition des types linguistiques dans les échanges avant une

réunion de l‟OF ...................................................................................................................... 461