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Impact de la nouvelle orientation du Carnaval de Québec
Par :
Marie-Eve Blackburn
et
Patrick Codère
Rapport Final
Présenté à :
Monsieur Luc Fournier
D.G. du Carnaval de Québec
Avril 1999
Rapport dirigé dans le cadre du cours Laboratoire de recherche du Département de sociologie del’Université Laval, sous la supervision de Andrée Fortin et Simon Langlois, professeurs
« Le carnaval est une fête populaire qui, à vrai dire, n’est pas
donnée au peuple mais que le peuple se donne à lui-même.
On donne seulement ici le signal que chacun peut être aussi
déraisonnable et fou qu’il le souhaite, et qu’en dehors des horions et des
coups de couteau, tout est permis.
La différence entre les grands et les petits semble abolie pendant
un instant : tout le monde se rapproche, chacun prend légèrement tout ce
qui lui arrive, l’impertinence et la liberté réciproques sont contre
balancées par une bonne humeur générale ».
Goethe
« Le carnaval de Rome 1788 »
Voyage en Italie
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION………………………………………………………….. 1
CHAPITRE 1 Le carnaval…………………………………………… 2
1.1 Première manifestation……………………………………. 2
1.2 Fonction……………………………………………………. 3
1.3 Caractéristiques…………………………………………… 4
1.4 Le carnaval et l’Église……………………………………. 5
1.5 Les morts du carnaval……………………………………. 6
1.6 Le carnaval aujourd’hui………………………………….. 6
1.7 Le carnaval au Québec…………………………………… 7
CHAPITRE 2 Historique du Carnaval de Québec………………… 8
2.1 Période 1894-1954…………………………………………. 8
2.1.1 Organisation du Carnaval en 1894……… 8
2.1.2 Buts et fonction en 1894………………….. 8
2.1.3 Les principales activités…………………., 9
2.1.4 Quelques années importantes……………. 9
2.1.5 Mort du Carnaval de Québec ? ………… 9
2.2 Période 1954-1995…………………………………………. 10
2.2.1 Buts et objectifs en 1954…………………. 10
2.2.2 Activités en 1955…………………………. 10
2.2.3 Costume du Carnaval…………………… 11
2.2.4 Palais du Bonhomme et effigie…………. 11
2.2.5 Duchés, duchesses et Reine…………….. 11
2.2.6 Les sports au Carnaval…………………. 12
2.2.7 La gastronomie au Carnaval…………… 12
2.2.8 La bougie………………………………… 12
2.2.9 Le Carnaval de 1968……………………. 13
2.2.10 Les Carnavals de 1973-1974…………….. 13
2.2.11 Le début des années 1980……………..… 13
2.2.12 Le début des années 1990……………….. 14
2.2.13 Le Carnaval de 1995…………………….. 14
2.2.14 Appropriation de la fête par la population 14
2.2.15 Réorientation du Carnaval……………… 15
2.2.16 Les critiques de la presse………………… 16
2.3 Période 1996-1998…………………………………………… 18
2.3.1 Buts et fonction en 1996-1998………………
18
2.3.2 La Carnaval de 1996……………………. 18
2.3.3 Atteinte des objectifs…………………… 19
2.3.4 Le Carnaval de 1997…………………… 19
2.3.5 Le Carnaval de 1998…………………… 20
2.4 La mission et les objectifs en 1999……………………… 21
CHAPITRE 3 L’orientation du Carnaval..……………………….. 22.
3.1 Discours effectif……………………..…………………… 22
3.2 Commerce organisé…………………………..………….. 23
3.3 Spectacles professionnels……………………………….. 23
CHAPITRE 4 La fête dans les sociétés……………………………. 25
4.1 Les concepts d’identité………………………………….. 25
4.2 Le concept d’altérité…………………………………….. 26
4.3 Communautés de culture primitive…………………….. 26
4.3.1 Les premières fêtes……………………… 26
4.4 Les Sociétés traditionnelle………………………………. 27
4.4.1 Sujet de droit…………………………….. 27
4.4.2 Carnaval…………………………………. 27
4.5 Les sociétés moderne…………………………………….. 28
4.5.1 L’individu et la personne………………. 28
4.5.2 La fête moderne………………………… 28
4.6 Transition vers une postmodernité……………………, 29
4.6.1 La fusion des identités………………….. 30
4.6.2 Une fête postmoderne ?……………….. 31
4.7 Tableau récapitulatif……………………………………... 31
4.8 Question spécifique de la recherche…………………….. 32
CHAPITRE 5 Méthodologie de recherche..……………………… 33
5.1 Justification de la grille d’entrevue…………………… 34
5.2 Résultat du pré-test…………………………………….. 35
CHAPITRE 6 Portrait de nos répondants……………………… 36
6.1 Sexe et âge des répondants……………………………… 36
6.2 Autres données socio-économiques……………………… 36
6.3 Tableau des caractéristiques des répondants……………. 37
CHAPITRE 7 Les identités………………………………………… 39
7.1 Les identités sont-elles postmodernes ?…………………. 39
7.1.1 Le sentiment d’appartenance………….………… 40
CHAPITRE 8 Les attentes envers la nouvelle orientation………. 43
8.1 Le discours…………………………………………………. 43
8.1.1 L’aspect familial…….……………………………. 43
8.1.2 La disparition des symboles………………………. 46
8.2 La fête commerciale………………………………………. 48
8.3 Les spectacles professionnels…………………………….. 51
8.4 La nouvelle orientation concorde avec les attentes…….. 52
8.5 La nouvelle mission du Carnaval en 1999……………… 53
8.5.1 La diversification de la programmation……….. 53
8.5.2 Consolidation de la participation de la
clientèle locale et régionale……………………… 54
8.6 Représentation des participants………………………….. 54
CONCLUSION…………………………………………………………… 56
BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………… 58
ANNEXE 1 : Grille d’entrevue…………………………………………… 61
ANNEXE 2 : Commentaires généraux recueillis……………………….. 65
INTRODUCTION
La fête a toujours tenu une place importante dans la vie collective. Elle renforce la
cohésion sociale tout en étant un moment de repos de la vie quotidienne. Au Québec, la fête
fait partie intégrante de notre culture, on n’a qu’à penser à la grande importance des fêtes de la
St-Jean-Baptiste, de Pâques, de l’Halloween et de Noël. Toute l’année la population québécoise
est conviée à participer à des festivités. Nous pourrions croire que durant la période froide de
l’hiver, l’esprit festif disparaît. Il en est tout autrement. Le Carnaval de Québec, qu’on considère
comme le troisième en importance au monde, illustre bien que le froid de janvier et de février
dans la ville de Québec ne limite pas l’esprit de fête des Québécois. Durant cette période, des
milliers de personnes quittent la chaleur de leur maison pour participer à une série d’activité qui
se déroulent dans la neige. Ces dernières années, le Carnaval a pris une nouvelle orientation,
dans le but d’inciter un plus grand nombre de gens à participer. La saveur familiale propre à
cette orientation n’est pas sans causer quelques remous. L’abolition des duchesses, un symbole
intégrant de ce Carnaval, et le nombre accru d’activités destinées aux enfants ont entraîné de
nombreuses critiques. Cependant, ces changements ne semblent pas avoir eu des effets négatifs
quant à la participation. On a même assisté à une recrudescence de l’achalandage sur les sites.
Dans cet esprit, les attentes de la population sont difficilement identifiables : on critique le
Carnaval mais on y participe en plus grand nombre !
Pour cerner ces attentes, nous décrirons les principales caractéristiques du carnaval, puis
celles du Carnaval de Québec plus particulièrement. Pour connaître la représentation, le
sentiment d’appartenance et les attentes de la population de Québec envers le Carnaval nous nous
interrogeons sur la signification du passage de la société traditionnelle à la société moderne puis
postmoderne et son effet sur la définition d’une fête par la population.
CHAPITRE 1
LE CARNAVAL
Tout d’abord, qu’est-ce qu’un carnaval ? Pour bien le saisir, il faut préciser l’origine du
mot. Carnaval semble venir du latin «carne» signifiant «chair» et «vale» qui signifie «adieu».
On peut donc dire que le carnaval serait «l’adieu à la chère» avant les privations alimentaires ou
autres du carême. En effet, «le carnaval par opposition au carême est une période de licence
joyeuse pendant laquelle les règles de la vie normale sont temporairement suspendues1». En fait,
il s’agit d’un moment de relâche et de festivité avant le long jeûne du carême. Celui-ci
commence le mercredi des cendres (généralement le dernier mercredi de février) pour se terminer
le jour de Pâques ; cette période dure 46 jours mais le dimanche n’étant pas un jour de jeûne
alors il y a, en réalité, 40 jours de jeûne effectifs. Les jours entre Noël et le mercredi des cendres
sont appelés les jours gras, étant donné que la période de l’Avent, les quatre semaines précédant
Noël, étaient aussi, autrefois, une période de jeûne. Le carnaval n’a pas une durée déterminée
mais est nécessairement célébré durant ces jours gras et se termine inévitablement le mardi gras
précédant le mercredi des cendres.
1.1 Première manifestation
Vouloir retracer le premier carnaval est une impasse. La complexité, l’ancienneté et la
variabilité de cette manifestation à travers le monde empêchent toute recherche valable sur
l’origine de cette fête. Les différents ouvrages sur le carnaval ne précisent pas quelle fut la
première manifestation carnavalesque. On sait, par contre, que le carnaval prend véritablement
forme au Moyen Âge, même si quelques célébrations antérieures pouvaient lui ressembler. Par
exemple, plusieurs siècles avant J.-C., au début de la nouvelle année, Babylone était le lieu d’un
cérémonial tout à fait particulier. Au Temple du dieu Marduk, le roi était humilié par le grand
prêtre devant ses sujets, la cité et les divinités. C’était également à ce moment que la servante
devenait l’égale de la maîtresse et que le puissant s’abaissait au niveau du peuple2.
1 Grand Larousse Universel, Éditions Larousse Diffusion, #3, Paris, 1989, P. 1800.2 FABRE, Daniel, Carnaval ou fête à l’envers, Gallimard, Collection Découverte, Paris, 1992, p.p. 14 à 16.
1.2 Fonction
Sans le carême, le carnaval n’existerait pas sous la forme qu’on lui connaît. Il est à
noter que le carnaval est inséparable de la religion dans le monde occidental, et ce depuis le
Moyen Âge. « Au début du deuxième millénaire, plus précisément en 1091, on fixe le début du
carême le mercredi des cendres et dès lors le carnaval commence à se développer comme une
explosion de joie et de licence, logique antithèse préalable des contraintes qui vont s’imposer
jusqu'à Pâques3».
Le carême représente une période d’abstinence du point de vue de la nourriture mais
aussi plus largement, car tous les divertissements sont bannis durant cette période. Le carnaval
prend alors tout son sens, les individus compensent la retenue dont ils font preuve le reste de
l’année. La fonction première du carnaval est, selon Michel Feuillet, «le rejet des passions, des
rancœurs, des souffrances accumulées et refoulées pendant toute l’année, il devient donc une
purgation salutaire4». L’idée de transgression des normes devient importante et on reproduit un
simulacre de la société. Il y a un retournement des normes de façon provisoire, c’est-à-dire qu’on
transgresse la hiérarchie sociale. « Ceux qui participent à la fête ne sont plus la mairesse ou la
femme du médecin mais des citoyens accessibles comme les autres. On ne pince pas la fesse de
la mairesse tous les jours mais dans un carnaval, dans une fête, il y a l’abolition justement du
quotidien, des rapports sociaux, de la hiérarchie qui sont mis en parenthèses, et il y a
transgression5 ». Le carnaval met ainsi en place un contre pouvoir parodique opposé par ironie
au véritable pouvoir.
La transgression apparaît aussi par le caractère d’exubérance et d’extravagance manifesté
à l’occasion de cette fête. Il s’agit en fait d’un défoulement collectif. Les règles de la vie
normale sont alors temporairement suspendues ce qui permet une réaffirmation de la norme pour
le reste de l’année. Par conséquent, le carnaval renforce la solidarité des membres d’une même
communauté en réaffirmant le rôle que chacun doit jouer. Les dernières cérémonies du carnaval,
celles du mardi gras, marquent une autocensure, car on détruit, le plus souvent par le feu, le
bonhomme Carnaval (la figure représentant le Carnaval). Cela confirme l’importance d’effectuer
3 FEUILLET, Michel, Le carnaval, Édition Cerf Fides, Paris, 1991, page 20.4 Idem no 3, page 99.5 RIOUX, Marcel, «La fête populaire : souvenir et espoir», dans Diane Pinard (dir.), Que la fêtecommence! , Actes du colloque national sur la fête populaire organisé par la Société des FestivalsPopulaires du Québec, Montréal, 1980, page 90.
une rupture entre le carnaval et le carême par la purification. Celle-ci étant une caractéristique
du carême.
1.3 Caractéristiques
Michel Feuillet identifie les principales caractéristiques du carnaval6.
- La nourriture et la boisson alcoolisée en abondance.
- Les jeux (mettre son corps à l’épreuve, se battre contre des animaux, des
baignades hivernales, etc.).
- La musique et la danse.
- Les batailles (souvent organisées).
- Les quêtes, les processions et les parades.
- Les compagnies folles et les royautés burlesques.
- Les drames et la mise en scène (la communauté joue sa propre histoire, à
l’aide du théâtre, où apparaissent ses craintes et ses espérances).
- Les masques et les déguisements (les mascarades sont directement reliées au
carnaval).
L’importance de la nourriture et de la boisson alcoolisée est bien sûr reliée directement
aux privations à venir du carême mais aussi au fait que manger devient un rite purgatoire.
D’ailleurs, la nourriture préconisée lors des carnavals sera de nature flatulente, car ces aliments
font ressortir les mauvais esprits ayant pu influencer la population durant l’année. Se vider de
son souffle interne aide à la purification. L’alcool favorise aussi la purgation, car sous son effet
et celle de l’euphorie collective, on connaît l’émerveillement, on est hors de soi.
La mascarade est aussi un élément qui revient très souvent dans le carnaval tout comme
l’abus de nourriture et de boisson. Le port du masque aide au renversement des normes et
facilite la revanche face aux autres membres de la société, car il crée l’anonymat. «Nous
considérons ici que la fonction spécifique remplie par le masque dans la fête est de la placer, de
manière explicite, dans un «ordre d’organisation» qui la définit par opposition à un autre ordre :
le masque est l’instrument par excellence de la rupture entre l’ordre de l’être (ordre social de la
vie quotidienne d’une société donnée) et l’ordre du paraître de la représentation7».
6 Idem no 3, pages 63 à 77.7 D’AYALA, Pierre Giovanni et Martine Boiteux, Carnavals et mascarades, Bordas spectacles, Paris, 1988,page 22.
1.4 Le carnaval et l’Église
En raison de son lien avec le carême, le carnaval est tout d’abord de nature chrétienne.
Pourtant, l’Église a toujours contesté ce rituel festif. Le carnaval est le produit du carême tout en
étant son ennemi (pré-carême mais aussi anti-carême). Il représente l’abondance et l’excès qui
sont des valeurs dénoncées par l’Église comme étant l’œuvre de Satan. Le christianisme est
tourné vers un ascétisme8 de l’esprit mais aussi du corps, pour accéder au Salut de l’âme.
«L’Église refusant de comprendre le caractère chrétien des jeux carnavalesques, a relégué dans le
paganisme9 ce qui désormais dépendait – certes d’une manière négative – de la logique
chrétienne. Le combat ainsi mené prolonge la grande tradition biblique de la lutte contre
l’idolâtrie10 ».
Lieu du spontané, du désordre et du déshonnête, la fête aux yeux des moralistes
chrétiens, est par excellence l’anti-civilité. La civilité étant d’agir de façon réfléchie, ordonnée et
de façon honnête. La dénonciation par l’Église a vu apparaître une triple condamnation de cette
fête11.
1- Elle est illicite (populaire).
2- La fête s’identifie à l’excès et à la démesure, à la dépense irraisonnée des
corps et des biens.
3- Elle signifie au plan moral indécence et licence. On oublie les règles qui
fondent la civilité chrétienne.
Le monde ecclésiastique a utilisé au cours de l’histoire trois différentes stratégies pour
reprendre le contrôle de ses ouailles : l’interdiction, le compromis et le tri. Au début, l’Église
condamne toute manifestation carnavalesque mais devant l’échec de cette tentative, elle tente de
se l’approprier et de l’intégrer aux grandes cérémonies officielles. Par la suite, elle décide de
8 Doctrine de perfectionnement dirigée vers l’objectif d’une vie austère.9 Religion polythéiste ou fétichiste, culte païen.10 Idem no 3, page 40.11 CHARTIER, Roger, «Des fêtes de l’Ancien Régime à la fête révolutionnaire :problèmes de lecture » dans Gürttler et Sarfati-Arnaud (dir.), La fête en question, Les presses del’université de Montréal, Montréal, 1979, Page 39.
réglementer les activités en leur donnant des modalités acceptables et ainsi trier les
divertissements. Mais toutes ces stratégies restent vaines. «Au contraire, à partir du XVIIIième
siècle dans certaines régions, plus tard dans d’autres, le Carnaval devient alors, comme il pouvait
apparaître au Moyen Âge dans un autre contexte, un lieu de résistances et de révoltes que lui seul
peut exprimer au grand jour12 ». Les gouvernants préfèrent se l’approprier plutôt que de prendre
le risque du soulèvement populaire.
1.5 Les morts du carnaval
Le carnaval, au cours des années, meurt mais réapparaît toujours par la suite. Ces morts
provisoires sont «l’expression de changements socio-économiques qui n'ont pas permis au
carnaval de se «re-créer»13». On remarque aussi que la fête est plus intense dans les moments où
la société est dans une situation sociale critique et dans laquelle on recherche la cohésion sociale.
Par exemple, le carnaval n’aura pas lieu lors de guerre ou de crises économiques mais, lorsqu’il
refera son apparition, la fête atteindra son apogée pour recréer une cohésion sociale et un
sentiment de solidarité. La communauté profite de la fête pour refaire son unité au moment où
elle semblait se briser sous la pression trop forte. « La convivialité des journées folles permet à
tous de se rencontrer, de communiquer hors des conventions du reste de l’année14».
1.6 Le carnaval aujourd’hui
On observe aujourd’hui la prise en charge du carnaval par les autorités et la mise en
place d’activités organisées et codées. « Les élus se sont aperçus que ces fêtes pouvaient être un
intéressant élément du patrimoine culturel et du dynamisme de la ville. Ils ont donc créé des
«Comités du Carnaval» ou des organismes similaires, dont le rôle fut d’organiser et de structurer
les animations carnavalesques existantes15». Le public paie pour tout (son entrée, ses
confettis,…) et va au spectacle, car les activités ne sont plus carnavalesques au sens strict mais
bien folkloriques. Le carnaval est devenu un produit de consommation dépourvu d’incidence sur
la société, il a même perdu son objectif de transgression des normes. «Assister à tel ou tel
carnaval s’inscrit dans un programme de loisirs, et ne se différencie pas radicalement d’une cure
de thalassothérapie ou d’un stage intensif de golf16». Ceci est dû au fait qu’il a perdu sa
12 WAGNE, Christian, Le Carnaval en Périgord, Collection Centaurée, PLB Éditeur, Périgord (France),1992, page 33.13 Idem no 11, page 34.14 Idem no 3, page 105.15 Idem no 11, page 100-101.16 Idem no 3, page 119.
signification profonde au moment où l’être humain cesse de croire que sa vie est régie par des
forces hors de lui. «Le rationalisme évacuant tout mystère et la science oubliant l’au-delà pour
analyser le seul fonctionnement de la réalité matérielle, le carnaval n’a plus de raison d’être dans
une société laïque qui ignore le sacré et efface donc le sacrilège : le jeu de la profanation n’a pas
de sens dans un monde où tout est devenu profane17».
1.7 Le carnaval au Québec
Le carnaval en Amérique du Nord semble remplacer les rites carnavalesques spontanés
au profit de spectacles professionnels, du commerce organisé, de la participation de masse et de
la supervision étatique.
Le Carnaval de Québec donne un bon exemple de ce qu’est devenu un carnaval
aujourd’hui. Au Québec, cette fête existe officiellement depuis 1894. En réalité, l’origine du
Carnaval remonte bien avant cette date, car les Canadiens français, c’est bien connu, ont toujours
eu l’esprit à la fête, en particulier durant les jours gras précédant le carême. Mais ces fêtes au
sein de la famille et de la communauté n’ont jamais été organisées par un comité, elles sont
restées spontanées. L’organisation officielle et la programmation du Carnaval depuis 1894 ont
beaucoup changé au cours du 20ième siècle. Regardons de plus près l’évolution de son orientation
qui semble aller de pair avec l’évolution de la société et des attentes de la population.
17 Idem, no 3, page 118.
CHAPITRE 2
HISTORIQUE DU CARNAVAL DE QUÉBEC18
2.1 Période 1894-1954
2.1.1 Organisation du Carnaval en 1894
Le Carnaval de Québec est présenté pour la toute première fois en 1894. Il dure alors 6
jours, du 29 janvier au 3 février 1894. Il fut organisé par la minorité anglophone de la ville de
Québec, minorité exerçant alors une influence prédominante sur le monde des affaires. «Cette
classe aisée était composée de professionnels, de commerçant ou de notables alors que les
Canadiens français de l'époque étaient pour la plupart manœuvres, ouvriers d'usine ou de
manufactures, hommes de métier ou travailleurs journaliers19».
2.1.2 Buts et fonctions en 1894
Le Carnaval, cette année-là, avait pour but premier d'attirer les touristes durant la période
creuse de l'hiver mais aussi d'égayer les longs hivers québécois. Dans les journaux de l'époque
on ne trouve aucune évocation du carême ; si un des buts des carnavals traditionnels est de se
rassasier et de boire une dernière fois avant le long jeûne du carême, en ce qui concerne celui de
Québec, cet aspect de la fête n'est pas mentionné. Par contre, sa vocation touristique était telle
qu'il y avait des rabais pour les billets de train en provenance des États-Unis et du reste du
Canada. Le Carnaval avait déjà, à sa toute première année d'existence, un programme officiel
distribué partout au Québec mais aussi, dans une version anglaise, aux États-Unis et au Canada
anglais.
D'après les journaux, la question de l'impact économique qu'aurait le Carnaval était très
importante. Les journalistes espèrent la venue de nombreux américains. Dans le Courrier du
Canada20, qui est un quotidien de l’époque, on peut lire que : «la question que se pose
18 Les informations qui suivent proviennent des archives municipales, provinciales et d’une revue de presse.19 LACROIX, Georgette, Le Carnaval de Québec : Une histoire d’amour, Édition Québécor, montréal,1984, pages 21-2220 Sans titre, Courrier du Canada, 27 janvier 1894, #194, page 2. P.S. Les fautes d’orthographes étaient dans l’article
actuellement à tous les esprits, est celle-ci : viendra-t-il beaucoup de monde ? On ne peut jamais
prédire cela, mais d'après le ton de la presse de toutes puissance et des États-Unis, il est permis
de croire qu'il en viendra beaucoup à condition que la température sera favorable. Et nos
visiteurs auront de quoi voir et à s'amuser». Dans cet article, l'impact touristique tient un rôle
plus important que la participation populaire. Était-ce le cas chez les organisateurs ? Il nous est
impossible de l’affirmer, mais cet article témoigne que l’information diffusée par l’organisation
insistait sur l’impact touristique.
L'idée de transgression des normes n'est pas un élément clé de cette fête comparativement
à d’autres carnavals. Par exemple, le même quotidien évoque la venue du Gouverneur général :
«en outre, il y a pour demain matin, l'arrivée du Gouverneur général. Leurs Excellences
descendront de leur char à dix heures pour se rendre de là au Château Frontenac. À cette heure
tout le monde peut et doit y aller. Les distingués personnages prouvent tout l'intérêt qu'ils portent
au Carnaval et aux citoyens de Québec, sachons nous en montrer reconnaissants». Les
organisateurs n’avaient certainement pas l’intention de parodier le pouvoir si une telle
information est diffusée dans les journaux.
2.1.3 Les principales activités
D'après le programme officiel, les activités principales étaient le curling, le patinage, la
course en canots, la course de traîneaux à chiens, la parade aux flambeaux à travers les rues de la
ville, la course en raquettes mais surtout le Bal au Parlement pour Lord et Lady d'Aberdeen, qui
étaient respectivement le Gouverneur général du Canada et sa femme. Il y avait déjà la
construction d'un palais de glace. Mais l'activité qui a le plus impressionné et qui fut la plus
appréciée par les citoyens fut la course en canots. Il s'agit d'un des clous du spectacle, il y avait
quatre canots en compétition, tous montés par d’anciens canotiers de métier. Il y avait aussi des
statues et des sculptures de glace vive dans les rues de la ville et sur les principaux sites. Elles
furent «d'abord exécutés à la bonne franquette, pour le plaisir de se dégourdir les doigts et
d'épater le voisin (...) pour le besoin de se défouler dans la neige et de stimuler une créativité
latente…21». La sculpture sur glace ne faisait pas encore l'objet d'un concours.
2.1.4 Quelques années importantes
21 Idem no 19, page 67.
Le Carnaval n'était pas, à cette époque, organisé à chaque année, il avait lieu
théoriquement aux deux ans, mais en réalité il a eu lieu de façon sporadique jusqu’en 1954. Il y a
des années où le Carnaval a été présenté, plus apprécié et particulièrement applaudi. Par
exemple, en 1896, le Carnaval fut une grande réussite malgré le fait que le Gouverneur général
n'a pu se présenter (par exemple, une foule de 50 000 à 75 000 personnes a assisté au défilé). En
1920, le Carnaval s'est tenu pendant 6 semaines, mais les véritables activités carnavalesques (le
bal, la parade, etc.) n'ont eu lieu que pendant 4 jours (du 14 au 18 février); le reste des 6
semaines, les seules activités étaient des compétitions sportives. D'après les journaux de l'époque
une grande importance était accordée aux clubs de raquetteurs et aux activités sportives.
2.1.5 Mort du Carnaval du Québec ?
Le Carnaval ne s'est pas tenu durant la première guerre mondiale, pendant la crise
économique de 1929 et pas non plus durant la deuxième guerre mondiale. Le Carnaval de
Québec a été irrégulier, sporadique, apprécié mais toujours menacé. Chaque année son existence
était remise en question même s'il répondait à l'attente des gens. Cette remise en question est due
au fait qu'il n'existait pas d'organisation stable et structurée qui lui aurait permis d'être
financièrement rentable.
2.2 Période 1954-1995
2.2.1 Buts et objectifs en 1954
En 1954, le Carnaval se renouvelle et s'ajuste à une réalité plus contemporaine. En fait, il
se dote d'un comité organisateur composé d'une poignée d'hommes d'affaire, qui tentait de
réanimer une période touristique creuse. Le Carnaval se donne comme principales fonctions de
susciter une activité commerciale au creux de l'hiver, qui est la saison touristique la plus calme,
et d'apporter une certaine féerie à la population confrontée au rude hiver québécois.
2.2.2 Activités en 1955
Le tout premier carnaval contemporain a lieu du 1er au 22 février 1955. Cette année-là,
le Bonhomme Carnaval fait son apparition, entouré de ses duchesses et de sa Reine. Le
Bonhomme deviendra, au fil des ans, l'image officielle du Carnaval de Québec. Le Bonhomme
est unique et il ne peut se trouver à deux endroits à la fois. Les quartiers de la Communauté
urbaine de Québec réunis sous forme de duchés compétitionnent entre eux pour faire élire leur
duchesse comme Reine du Carnaval. Le couronnement de la Reine est une des activités
principales de ce premier carnaval, les autres activités étant principalement la parade aux
flambeaux, divers bals, danses et mascarades, le festival des étudiants de l'Université Laval, la
course en canots et la grande parade-mascarade du Mardi-gras.
Le Carnaval continue sur cette lancée jusqu’en 1995, car aucune activité majeure n’est
vraiment modifiée ou ajoutée. Voici donc les principales activités et caractéristiques du
Carnaval de Québec.
2.2.3 Costume du Carnaval
C'est en 1954 qu'est apparu le costume officiel du Carnaval. Il s’agit essentiellement de la
ceinture fléchée. Celle-ci est toujours étroitement liée aux activités carnavalesques. Cette
ceinture était portée par nos ancêtres pour divers usages tels se protéger le dos en se serrant
solidement la taille ou encore pour se tenir au chaud. Elle était portée aussi par les canotiers de
Lévis durant leur traversée du Fleuve. L'atmosphère du Carnaval nous ramène dans la vie
d'autrefois par plusieurs éléments carnavalesques notamment les canots, les traîneaux à chiens,
les raquettes, les tuques et les ceintures fléchées, les carrioles, les danses populaires...
2.2.4 Palais du Bonhomme et effigie
Le Palais de glace est situé, la première fois, en 1955, au carré Jacques-Cartier, au site
actuel de la Bibliothèque centrale de Québec. Le palais était pourvu d'un donjon où le
Bonhomme enfermait les visiteurs qui n'avaient pas d'effigie. (L'effigie étant l'insigne officiel du
Carnaval, elle donne accès aux principaux sites carnavalesques. Elle est vendue partout sur les
sites et dans la plupart des dépanneurs ; dans les années 1960, on pouvait même la trouver dans le
métro de Montréal). Dans sa deuxième année d’existence, en 1956, le Palais du Bonhomme
change d'endroit pour être situé au carré d'Youville où il demeurera jusqu'en 1972. En 1973, il
déménagera sur l'esplanade du Parlement du Québec, où se situeront de nombreuses activités
carnavalesques.
2.2.5 Duchés, duchesses et Reine
On a vu précédemment que la communauté urbaine de Québec est séparée en duchés. Ils
sont au nombre de sept (Cartier, Champlain, Frontenac, Laval, Lévis, Montcalm et
Montmorency). Il existe des comités de duchés, chacun a pour fonction d’éveiller le sentiment
d'appartenance en faisant participer les citoyens et préparer diverses activités dans les quartiers.
Ces comités sont indépendants du comité du Carnaval, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas besoin de
rendre des comptes à l'organisation centrale. Pour chaque duché, il y a élection d'une duchesse.
Celles-ci sont généralement de jeunes étudiantes ou travailleuses qui jouent, pendant les mois
d'octobre à février, le rôle d'ambassadrice et de relationniste du Carnaval. «Par l'intermédiaire
des différentes réceptions et activités où elle est présente, la duchesse est appelée à prononcer
divers discours qui incitent les gens, d'une part, à participer au Carnaval et, d'autre part, à
contribuer à sa réputation et à son financement22». Le lendemain de la clôture du Carnaval les
duchesses prennent la route des vacances dans un pays chaud.
Le couronnement de la Reine se passe, de 1955 à 1971, soit au Colisée de Québec soit au
Pavillon de la jeunesse sur les terrains de l'Exposition provinciale de Québec (1963-1966).
Ensuite, à partir de 1972, le couronnement à lieu en plein-air au palais du Bonhomme.
2.2.6 Les sports au Carnaval
Les sports prennent une place particulièrement importante lors du déroulement du
Carnaval. Ils ont pour mission de montrer aux visiteurs la variété des activités se déroulant en
symbiose avec le froid et la neige. Les activités se déroulant à l'extérieur ou sur la glace sont
préférées telles : le hockey (le célèbre tournoi pee-wee depuis 1975 et même quelques tournois
canadiens), la populaire course en canots, le patinage sur la rivière St-Charles, la course de
traîneaux à chiens, les course de raquettes, des compétitions de ski, etc.
2.2.7 La gastronomie au Carnaval
La gastronomie prend une place très importante, surtout jusqu’en 1970, alors que
plusieurs restaurants offrent des menus spéciaux et des soirées carnavalesques. Les «lundis gras»
et les «mardis gras» étaient particulièrement à l'honneur.
2.2.8 La bougie
22 Idem no 19, page 85.
Depuis 1959, il y a une «journée de la bougie». Il s'agit d'une des principales sources de
financement du Carnaval. On fait un blitz d'une seule journée de vente et, ce, au début de
Carnaval. En 1983, la bougie de cire a été remplacée la vente d'un «gratteux» appelé aussi
bougie. Les raisons restent à déterminer mais la prévention des incendies est celle qui est la plus
probable : «toutefois, afin de prévenir ou d'éliminer tout danger d'incendie et surtout de rendre
plus facile le travail de nombreux bénévoles, la bougie a été remplacée par un billet de loterie
dont le tirage se fait le lendemain de la vente devant les caméras de Télé-Capitale23».
Dans ce qui suit nous évoquons l’évolution du Carnaval en prenant pour exemple ceux
qui ont été particulièrement importants.
2.2.9 Le Carnaval de 1968
Dans son rapport annuel, le comité organisateur nomme l’édition de 1968 le «carnaval
des innovations». Il y a eu création de jeux interduchés, et de nombreuses autres activités. De
plus, il y a eu la renaissance d'anciennes activités telles le bal de la régence, le défilé des chars
allégoriques fabriqués par les enfants, le feu de joie sur les Plaines, etc. Il y a eu aussi
l'élimination de la descente aux flambeaux et du défilé des travestis. On affirme la position
internationale du Carnaval, en présentant un char allégorique représentant le Carnaval de Nice.
Ce Carnaval fut une réussite à tous les points de vue c’est-à-dire, hausse record de la vente des
bougies, hausse des commandites et des subventions et augmentation de l'achalandage.
2.2.10 Les carnavals de 1973 et 1974
En 1973 et 1974, le Carnaval se renouvelle. De nombreuses activités apparurent et
réapparurent (soirées carnavalesques, Journée des enfants, la soirée des étoiles, le déjeuner
western, le concours des moustaches, etc.). À cette époque, près de 12 000 bénévoles travaillent
au Carnaval. «On réalise vraiment que le carnaval est une «grosse affaire» dont la santé
financière est excellente et la santé budgétaire est difficile24».
2.2.11 Le début des années 1980
23 Idem no 19, page 150.24 Parole du trésorier du carnaval en 1973 dans un communiqué des Archives du Carnaval de Québecdéposées aux archives Nationales.
Dans les années 1980, le Carnaval va très bien, malgré le fait qu’il y a quelques critiques.
Elles concernent principalement la sécurité sur les sites et le grand nombre de personnes ivres.
Les médias étrangers sont présents en très grand nombre. Disney fait d’ailleurs un documentaire
sur Québec et son Carnaval présenté en circle vision (écran de 360°). Le financement va bien et
la participation est excellente. La réussite du tournoi international Pee-Wee se réaffirme depuis
1975. Même la rue Ste-Thérèse est envahie par les visiteurs avant l’ouverture officielle du
Carnaval. Il s’agit «d’une grande période de réjouissance» pour les citoyens.
2.2.12 Le début des années 1990
Les principales activités des carnavals du début des années 90 sont les valeurs sûres des
années antérieures, c'est-à-dire, qu'il n'y a aucun changement majeur dans les activités à cette
époque. Mais une baisse de la participation est remarquée, sauf pour le Carnaval de 1994, où il y
a eu un surplus pour la première fois depuis le début de cette décennie.
2.2.13 Le Carnaval de 1995
Le Carnaval de 1995 fût un des pires «flops» de son existence. Les organisateurs avaient
pourtant mis le paquet en invitant la souris Mickey Mouse et ses compères. Le Carnaval de cette
année-là a été critiqué de tous les côtés et on a même remis en question sa légitimité dans la
presse. Pourtant, les activités n’avaient pas été modifiées, le seul changement était la présence
des personnages de Walt Disney.
Au cours de l’année suivante, la plupart des commanditaires majeurs se sont retirés, dont
Ultramar, Molson et Réno-Dépôt, laissant le Carnaval dans un trouble économique voire
existentiel.
2.2.14 Appropriation de la fête par la population
La plupart des activités carnavalesques étaient organisées à l’avance et inscrites au
programme mais quelquefois il est apparu des bals costumés et des danses indépendantes de ceux
et celles organisés par les comités du Carnaval. Dans le rapport annuel de 1962-63, le président
remercie les gens qui organisent ces soirées carnavalesques indépendantes durant la période du
Carnaval. Par la suite, dans les autres rapports annuels on n'en fait plus mention, probablement
parce que cette année-là les activités indépendantes du Carnaval furent plus nombreuses ou
qu’elles disparurent par la suite.
Mais, l'activité spontanée la plus remarquée est sans nul doute la participation des
résidents de la rue Ste-Thérèse. Ceux-ci ont spontanément construit des sculptures et des statues
de glace et de neige pour embellir leur rue. Celle-ci est devenue au fil des années «la rue du
Carnaval», surtout dans les années 1970 et 1980. La visite de cette rue était une activité
incontournable lors de la participation au Carnaval.
Nous pouvons aussi noter le nombre très important de travailleurs bénévoles dans ces
années. Il y en avait près de 7000 en 1970, jusqu’à 12 000 durant le Carnaval de 1974.
2.2.15 Réorientation du Carnaval
La première consultation populaire sur l’orientation du Carnaval a lieu, à notre
connaissance, en 1965. Cette année-là, eu lieu une journée d'étude où tous les citoyens furent
conviés. La participation a été remarquable, car plus d'une centaine de citoyens se sont présentés
alors que cette réunion se tenait en plein mois de mai. La commission mise en place avait pour
but d'analyser cinq principaux points : la bougie, les souscriptions des maisons d’affaires, les
autres revenus, les événements officiels, et finalement, la publicité et la valeur économique du
Carnaval. Les principales conclusions25 de cette journée furent d’une part, «que le Carnaval
devrait devenir beaucoup plus commercial, avec des normes et des restrictions bien établies»,
d’autre part, que le «mardi gras» devienne une journée civique, i.e. que tout le monde ait congé
lors de l'après-midi du mardi gras. Une autre suggestion est qu'il faudrait «essayer de ramener
le Carnaval au niveau de l'individu, si on veut être capable de le rendre à la population. Le
Carnaval ne démarre pas de façon assez spectaculaire. On voit dans ce fait l'une des raisons qui
empêchent la population de se sentir directement impliquée dans le Carnaval26». Ce fut, à notre
connaissance, la seule journée d'étude de ce type que le comité du Carnaval organisa.
Ensuite, plutôt que des journées d’études, l'organisation du Carnaval engagea des
groupes d'études qui devaient consulter la population, un peu à la manière de sondage, sur leur
appréciation de cette fête hivernale. Les principaux rapports ont été celui de 1973 et 1982.
Le rapport de 1982 recommande principalement que le Bonhomme devienne la
pierre angulaire de l'effort promotionnel du Carnaval. Que le Bonhomme travaille 12 mois par
25 Sans titre, Le Soleil, 14 mai 1965, page 26.
26 Idem no 25, page 26.
année à la promotion mais qu'il y ait un black out à l’intérieur d’un périmètre déterminé autour de
la ville de Québec durant le reste de l'année : le bonhomme ne devant pas se faire voir dans la
région en raison d’une «surreprésentation» pouvant importuner la population régionale. Le
rapport remet en question le rôle des duchés, des duchesses et de la reine mais pas leur présence.
Il recommande de mettre sur pied un palais permanent du Bonhomme et d'organiser lors des
défilés un concours de costumes dans la population y assistant. Il suggère aussi la mise en place
d'activités socioculturelles et sportives pour les divers groupes d'âges, ce qui contribuera à créer
un sentiment d'appartenance dans toute la population. «Pour le comité, le Carnaval doit
résolument être celui des Québécois avant d'être celui des visiteurs. À notre avis, la participation
de la population locale est tout à fait essentielle pour produire un effet d'entraînement sur les
visiteurs et créer cette atmosphère propice à la renommée mondiale de l'événement27». Il conclut
que «l'absence de renouveau, l'anémie du contenu participatif et du contenu culturel, constituent
passablement des menaces au support de la population régionale et des visiteurs28».
2.2.16 Les critiques de la presse
Durant la période 1954-1995, les souvenirs du Carnaval sont plutôt positifs ; pour la
plupart des gens il s’agit d’une réussite. Malgré tout, de nombreuses critiques sont apparues dès
le début. D'ailleurs dès 1957, on demande aux organisateurs, par l'entremise des journaux, de
conserver dans leur esprit quelques caractéristiques de cette «promotion touristique et
économique :
- Il faut en premier lieu se rappeler qu'il s'agit d'un carnaval. Par conséquent,
d'une fête populaire précédant le temps austère du carême. Le temps du carnaval
sera donc marqué par des réjouissances, de l'imagination, de la couleur, de l'irréel,
etc.
- C'est un carnaval d'hiver. Par conséquent, où l'on trouvera du froid, de la
neige, de la glace, des sports d'hiver et aussi les problèmes de climat ou de
température.
27 CLOUTIER, Jean-Marie, Pour une revalorisation du sens de la fête hivernale, «Rapport du grouped’études sur le Carnaval de Québec», Québec, 1982, page 22.28 Idem no 27, page 28.
- C'est un carnaval d'hiver de Québec, et de la région métropolitaine, région à
caractère français et historique. Toutes les fêtes devront autant que possible,
conserver ces caractéristiques si l'on veut que les étrangers continuent de venir
s'amuser chez nous à cette occasion29».
Pourtant, malgré ces recommandations, l'année suivante, durant les «carnavalades» qui
sont des spectacles de musique, de danses, etc., on a eu recours à des musiciens et danseurs
internationaux. Ces spectacles ont été des «flops» spectaculaires. Ils ont été très critiqués par les
participants et spectateurs de même que par les touristes. Les médias ont particulièrement
condamné le manque d'artistes régionaux.
En 1965, un éditorial du quotidien Le Soleil, commente la journée d'étude précédemment
évoquée, et il reproche au Carnaval le manque de participation populaire qui décourage les
citoyens à agir plutôt qu'à assister au carnaval.
«Les masses qui assistent par exemple aux deux défilés ne demandent pas mieux que
d'apporter une participation personnelle. C'est d'autant plus compréhensible que le froid
exige des spectateurs non passifs. Pourquoi les défilés ne comprendraient-ils pas des
groupes qui danseraient des danses de folklore, qui entraîneraient les spectateurs à
participer avec eux à des chansons folkloriques ? L'assistance ne demande pas mieux
que de le faire. Pourtant, on se montre extrêmement parcimonieux sur ce point. Le
Carnaval a besoin de renouvellement, essayons dans ce sens-là30».
La presse de la région de Québec a émis ses pires critiques à la suite du Carnaval de
1995. Elle remettait en cause sa légitimité.
«Le peu d'identité que le Carnaval conserve a été dilué au profit de celle d'une entreprise
de divertissement commercial américain (...) bref, le Carnaval de Québec n'est plus un
«carnaval» au sens d'une fête populaire réalisée par et pour la population locale, une
mascarade où tous et toutes sont conviés à s'éclater avec allégresse. Au contraire, la
population ne se déguise plus. Elle fuit. Certains cherchent parfois la fuite dans l'achat
29 Sans titre, L’appel, samedi 8 juin 1957, pages 6 et 8.30 Éditorial, Le Soleil, 14 mai 1965, page 3.31 BRETON, Érik, «Les boires et déboires du Carnaval de Québec», Temps Fou, no 10, février 1996,page 7.
d'un billet de 100$ pour un tirage qui promet cette année un condo, un winnebago, 75
000$ ou, fuite plus modeste, celle de la fameuse bougie de cire pouvant faire gagner 25
000$. D'autres pratiquent en gang, telle une initiation secrète dans une confrérie, la
consommation effrénée et bachique de boissons alcoolisées pour atteindre l'extase, le
nirvana éthylique, oubliant qu'ils existent momentanément31».
Pour d'autres journalistes, la venue de Disney représente le véritable positionnement de
l'organisation du Carnaval qui est d'attirer les touristes plutôt que d'amuser la population
régionale. «On tente désormais d'amuser les visiteurs sans trop les dépayser alors qu'ils
recherchent précisément le dépaysement32». Dans le même article, une ethnologue, Christiane
Noël, interrogée par le journaliste, suggère l'arrivée des ducs ou encore mieux le remplacement
des duchesses par des «petits bonhommes», car «le Carnaval, dit-elle en entrevue au Soleil,
évolue dans l'étouffante contradiction d'un Bonhomme qui veut symboliser le populisme et d'une
reine qui incarne l'aristocratie, c'est-à-dire le contraire».
2.3 Période 1996-1998
2.3.1 Buts et fonctions en 1996-1998
À la suite du désastre économique de 1995 et de la perte des commanditaires majeurs, les
dirigeants de l'organisation du Carnaval ont une nouvelle mission stratégique ayant pour objectif
d'augmenter la participation populaire. Cette nouvelle mission est composée de quatre volets :
une fête familiale, hivernale, populaire et accessible.
Les organisateurs tentent de trouver un moyen pour «redonner le Carnaval aux gens de
Québec» et ainsi augmenter leur participation ainsi que leur sentiment d'appartenance. Mais en
même temps que l’organisme désire redonner la fête à la population, il s'affirme paradoxalement
comme fête internationale. Les organisateurs essaient d'augmenter la fierté des citoyens envers
cette fête hivernale en se rappelant le fait que le Carnaval est le troisième en importance après
celui de Rio et celui de la Nouvelle-Orléans.
2.3.2 Le Carnaval de 1996
32 BOUCHARD, Alain, «Suggestion d’une ethnologue pour en finir avec une contradiction (des petitsbonhommes à la place des duchesses)» Le Soleil, lundi le 6 février 1995, page B8.
Pourtant, malgré cette nouvelle mission, aucun changement majeur ne s'est effectué au
niveau des activités en 1996. Si ce n'est qu'il n'y a eu qu'un seul défilé plutôt que les deux
habituels. Le couronnement de la Reine a eu lieu le dimanche après-midi plutôt que le jeudi soir
pour permettre la venue de tous les membres de la famille. Il y a eu un regroupement des
activités sur deux sites majeurs (esplanade du Parlement et Plaines d'Abraham). Le retrait des
activités de la Basse-ville vers la Haute-ville a eu pour principale conséquence la disparition de
l’animation de la rue Ste-Thérèse.
2.3.3 Atteinte des objectifs
On peut dire que les objectifs sont atteints, en 1996, dans le sens où l'achalandage a
augmenté sensiblement. Les organisateurs demandèrent à l'organisme Préambule
Communication inc33. d'effectuer un sondage sur les sites et une consultation auprès des résidents
de la région de Québec sur leur appréciation du Carnaval. Le rapport conclut que l'image du
Carnaval, en ce qui concerne tous les répondants (population régionale et touristes), est positive
que le répondant y participe ou non. Les appréciations, face aux changements apportés au
Carnaval de 1996, sont plutôt mitigées, car si une grande proportion n'a pas vu de changement ou
a trouvé cela pire que les années précédentes (46,63%), il y a tout de même 31,5% des
répondants qui ont trouvé cette édition meilleure. Presque unanimement, les personnes
interrogées ont signifié que les symboles du Carnaval (le Bonhomme (+ de 90% des répondants)
et les duchesses (+ de 80%)) ne devraient pas être remplacés. La plupart des répondants ont
exprimé l'intention de participer à l'édition de 1997 et, ce, dans une proportion de plus de 95%. À
la lumière de ce sondage, les dirigeants du Carnaval de 1997 n’étaient pas tenus d’apporter des
changements majeurs, mais ils le firent tout de même.
2.3.4 Le Carnaval de 1997
L’année 1997 est déterminante pour l’avenir du Carnaval et de sa nouvelle orientation.
La disparition des duchés, des duchesses, de la Reine et de toutes les activités reliées à ces trois
éléments a marqué ce Carnaval. Ce retrait marque le sérieux de la nouvelle orientation. Les
duchés ont été remplacés par les Bonhomries : «territoires du Bonhomme qui constituent les
regroupements géographiques de la grande région où l'on célèbre l'hiver dans un esprit
carnavalesque. La région de Québec en compte cinq (du chemin du Roy, de la côte, de la rive
sud, des bourgs et cantons et du Cap Diamant) et Bonhomme Carnaval en est le roi34».
Différentes activités s'y tiennent, tantôt des actions de financement pour le Carnaval, tantôt des
activités tenues en association avec le Carnaval de Québec. Le retour du deuxième défilé marque
aussi cette édition.
2.3.5 Le Carnaval de 1998
Le Carnaval de 1998 est marqué par l'arrivée d'un commanditaire en titre qui le
repositionne comme fête familiale. Il s'agit de Kellogg's Canada. Le carnaval se nommera
dorénavant «Carnaval de Québec Kellogg's». Les activités ont plus ou moins changé par rapport
à l’édition précédente. La population est invitée à participer à une mascarade populaire lors des
deux défilés de nuit, pour la première fois les spectateurs pourront prendre place à l’intérieur des
rangs des défilés.
Ce qui a le plus marqué ce carnaval est l’arrivée des Knuks. Dans le programme de
1998, on décrit les Knuks ainsi : «peuple habitant un petit village du cercle polaire, camouflé
sous une gigantesque coupole de glace. Taquins et espiègles, les habitants de ce village, les
Knuks, possèdent de multiples talents de magiciens, de danseurs et de joueurs de tours». Ces
nouveaux arrivants au Carnaval de Québec sont de toute évidence plus en harmonie avec le
Bonhomme carnaval que les duchesses. L’année 1998 a été une réussite sous tous les points de
vue. L’achalandage sur les sites constitue une année record. Les restaurants du Vieux-Québec
ont vu une hausse de leur recette allant de 10% à 45% durant la période carnavalesque.
Les organisateurs du Carnaval de 1998 sont heureux, car la réponse de la population par
rapport à leur participation est remarquable. «La barre sera haute à sauter l’an prochain. Les
gens de Québec se sont réconciliés avec leur carnaval. Les records de foule enregistrés pendant
les activités donnent raison au virage familial entrepris il y a deux ans. (…) «Nous avons ramené
33 Rapport final du sondage de la 42ième édition du Carnaval de Québec, Préambule Communicationmarketing, mars 1996, 133 pages.34 Programmation du Carnaval de 1998, page 30.
les gens au Carnaval. Ils ont retrouvé la fierté qu’ils avaient auparavant » a commenté le
directeur général, Luc Fournier35».
2.4 La mission et les objectifs en 1999
La nouvelle mission du Carnaval de Québec se représente en quatre axes majeurs. Ceux-
ci se retrouvent dans la planification stratégique (1999-2001) du Carnaval. Les voici :
1- Diversification de la programmation
• Mise en valeur des activités familiales,
populaires, hivernales et participative misant sur les spécificités
historiques, culturelle et patrimoniale de Québec.
• Bonification de l’offre d’activités sur 17
jours par une implication accrue des partenaires.
• Développement d’un volet nordique à saveur
internationale
2- Consolidation de la participation de la clientèle locale et régionale.
3- Meilleur encadrement des ressources bénévoles.
4- Ouverture de l’expertise pour les contrats externes.
La mission du Carnaval de Québec se définit comme suit en 1999 :
35 TREMBLAY, Diane, «les Québécois se sont réconciliés avec le Carnaval », Le Journal de Québec, Lundi16 février 1998.
«Organiser annuellement une fête populaire hivernale dans le but de gérer dans la région
de Québec une activité économique, touristique et sociale de première qualité dont les
gens seront fiers».
La hausse de la participation régionale au Carnaval, depuis la tenue de la nouvelle
mission à quatre volets (familiale, populaire, accessible et hivernale), a permis aux organisateurs
de croire que cette participation sera permanente dans les années à venir. Quant au sentiment
d’appartenance qui était en déclin au début des années 1990, l’organisme est intéressé à connaître
si, aujourd’hui, cette nouvelle orientation permettra de le raviver.
L’organisation du Carnaval voudrait savoir si la nouvelle orientation – et plus
particulièrement la saveur familiale et accessible - permettra de raviver le sentiment
d’appartenance des gens de Québec envers le Carnaval, sentiment qui était en déclin ces
dernières années.
CHAPITRE 3
L’ORIENTATION DU CARNAVAL
À la lumière de la nouvelle orientation, le Carnaval de Québec présente un paradoxe
quant à son discours. L’organisation veut «redonner le Carnaval aux gens de Québec» pour
augmenter le sentiment d’appartenance envers cette fête. Le sens traditionnel du mot carnaval se
rapporte à une fête qui vient du peuple. Elle est créée par la population qui se donne un moyen
de renforcer sa cohésion sociale. Cependant, la fête aujourd'hui est organisée, planifiée. Elle est
une organisation commerciale et devient un lieu de spectacle professionnel. Le Carnaval a donc
évacué la spontanéité due à la participation populaire présente dans une fête traditionnelle.
3.1 Discours effectif
La fonction principale du Carnaval de Québec contemporain est d’abord de susciter une
activité commerciale et touristique dans la région en incorporant des éléments du patrimoine
culturel. On voit apparaître les images officielles : le Bonhomme, les duchesses, la Reine, les
duchés, le costume, etc. L’organisation donne alors une image unique au Carnaval de Québec.
Cela toujours dans l’intention de reconnaître le Carnaval avec une identité propre qui saura
inciter les gens de la région et les touristes à y participer. Au cours des dernières années, le
discours de du Carnaval s’est quelque peu réorienté. L’objectif principal du Carnaval est
désormais d’être une activité commerciale régionale plutôt que touristique. On veut «redonner le
Carnaval aux gens de Québec». La mission du Carnaval en 1999 introduit l’idée d’une fête
familiale. L’identité du Carnaval est remise en cause par l’organisation. Les duchesses sont
abolies, on déplace le Carnaval à la Haute-ville, les activités diffèrent de plus en plus, etc.
L’organisation souhaite «redonner le Carnaval aux gens de Québec» mais aucun
changement majeur n’est apporté pour augmenter le sentiment d’appartenance au Carnaval.
Redonner aux gens de Québec la fête semble signifier pour les organisateurs redonner un produit
qui saura plaire à la population sans que celle-ci n’ait été consultée. Par exemple, l’enquête de
Préambule Communication et les critiques journalistiques en 1996 exprimaient clairement que
les symboles du Carnaval étaient appréciés par la population. À ce titre, on mentionne que plus
de 80% des gens ne désiraient pas la disparition des duchesses et plus de 90% avaient la même
opinion concernant le Bonhomme Carnaval. Cela fût confirmé dans les journaux régionaux par
la suite. Malgré cette position presque unanime contre l’abolition des symboles, l’organisation
en décida autrement. En 1997, les organisateurs supprimèrent les duchesses. Par ailleurs, ce
changement semble avoir profité aux dirigeants. En 1998, l’achalandage sur les sites et la hausse
des recettes commerciales démontra le bien fondé de cette nouvelle orientation.
3.2 Commerce organisé
Le Carnaval a toujours été dirigé par un comité organisateur. Le Carnaval
s’institutionnalise en 1954 et devient de plus en plus commercial parce que pris en charge par des
hommes d'affaires de la région. Au début, il était clair que le Carnaval devait attirer des
touristes dans le but de susciter une activité commerciale au milieu de l'hiver, une période qui est
normalement creuse dans le milieu des commerces. Toutefois, le Carnaval a réussi à faire
participer activement la population par l’entremise du bénévolat dans divers comités. Dans les
années 1970, le Carnaval est devenu une «grosse affaire». Le nombre de bénévoles, plus de 12
000 en 1973, atteint des records. Depuis, plusieurs éléments ont donné davantage un caractère
commercial à la fête. La vente du Caribou, alcool fétiche du Carnaval, la vente des bougies et du
costume officiel en témoignent. La vente des bougies a même pris des allures de loterie à partir
de 1983 jusqu'en 1995. Lors de ces années, à l'achat du «gratteux» qu'est devenu la bougie, on se
mérite la chance de gagner un voyage, un montant d'argent ou encore un Winnebago. En 1999,
les commerçants du Vieux-Québec s'associent officiellement, pour la première fois, avec le
Carnaval. Cette association démontre que la période du Carnaval leur rapporte un revenu
substantiellement important. L'aspect commercial du Carnaval, comme nous le verrons plus loin,
affecte directement la programmation des activités carnavalesques par une programmation
laissant de plus en plus de place aux spectacles professionnels. Aujourd’hui, le nombre de
bénévoles a énormément chuté, il se chiffre à 1 200.
3.3 Spectacles professionnels
Le Carnaval de Québec, depuis l’année 1954, a présenté des spectacles qui ont pris des
formes de types professionnels. Ceci est particulièrement notable dans les défilés, lors du
couronnement de la Reine ainsi qu’à l'ouverture et à la clôture du Carnaval. Les défilés ont su
apporter de l'animation et la féerie de l'hiver dans la rue. Les chars allégoriques multicolores et
l'animation musicale en font un spectacle incontournable et apprécié par la population lors du
Carnaval. Les dernières années illustrent l'enthousiasme à l'égard de cette activité. En 1993, plus
de 250 000 personnes ont assisté aux deux défilés du Carnaval et en 1998, ce chiffre augmentait
à 270 000 personnes. De plus, 665 000 (1998) personnes assistant aux défilés par l'entremise de
la télévision. Le couronnement de la Reine, qui à ses débuts se tenait au Colisée de Québec
devant des foules de plus de 10 000 spectateurs, l'ouverture et la fermeture du Carnaval sont aussi
de bons exemples de spectacles professionnels. Des chanteurs, des musiciens et des
animateurs stimulent les foules sans que ceux-ci participent vraiment. Le Carnaval a pris
l’allure d’un spectacle organisé où la population demeure passive face aux activités. Insistons sur
le nombre élevé de personnes assistant aux défilés par le médium de la télévision.
CHAPITRE 4
LA FÊTE DANS LES SOCIÉTÉS
Pour comprendre le paradoxe évoqué dans la section précédente, il nous semble
important de nous pencher sur les valeurs et leurs transformations. Le sens accordé à la fête et
les attentes par rapport à celle-ci se transforment en même temps que la société et l’identité
collective.
4.1 Le concept d’identité
L'identité réfère normalement à ce qui est identique. La racine latine du mot signifie
«même» et en psychologie, le terme est couramment utilisé lorsqu'on parle d'un caractère qui
demeure identique à lui-même (identité personnelle). L'identité se constitue, dans une certaine
mesure, avec une idée de permanence. Toutefois, cette permanence prend différentes formes au
cours de l'histoire. Michel Freitag (1992) rend bien compte de ce développement dans un bref
essai de reconstruction historique de la genèse de l'identité et de l'altérité.
D'après plusieurs théories (Hegel, G.H. Mead, Piaget et autres), les sujets se constituent
une identité en se reconnaissant par l'intermédiaire des autres. Cette situation implique que le
sujet reconnaisse autrui comme identique à lui-même. Dans ce phénomène de reconnaissance, un
double aspect de l'identité entre alors en jeu. L'identité est partagée, collective ou singulière.
L'identité collective est représentée dans l'acte de reconnaissance «donné» par autrui.
L'identité prend aussi une forme singulière puisque, sous la condition et dans l'attente d'une
reconnaissance des autres, elle est vécue par la personne et l’identité s'ouvre à autrui. En absence
de reconnaissance, le sujet ne peut véritablement accéder au statut de personne. La
reconnaissance réciproque est nécessaire à la structure de l'identité. C'est à l'intérieur d'un mode
de représentation commun de soi, d'autrui et du monde, que les sujets sociaux communiquent et
agissent significativement.
4.2 L'altérité
Le concept d'altérité, comme celui d’identité, doit aussi se dédoubler. De manière
générale, l'«altérité interne» désigne le sens commun sous lequel l'identité collective se reconnaît
(les actions se reconnaissent). Au sein de cette altérité interne de l'identité collective, le sujet
doit pouvoir être capable de se détacher (altérité de reconnaissance), de la même manière que
l'enfant demeure dans le cercle de la possession de sa mère dépourvu d'identité singulière s'il ne
s'en détache pas, afin de se pourvoir d'une identité singulière.
4.3 Communautés de culture primitive
Le premier mode de constitution de l'altérité se trouve dans le langage commun. Le
langage permet une symbolisation commune des expériences à un autre niveau. Ce partage de
langage et de sens appartient aux individus et régule les actions par la puissance du langage du
sens. Au sein des communautés primitives, la différenciation entre l'identité individuelle et
l'identité collective est pratiquement invisible. Les identités sont confondues en une seule où
chacun agit et participe dans l'action, déjà défini par un rôle ou un statut dans la communauté.
Ce rôle est consolidé dans le langage culturel de celle-ci. Il n'y existe pas d'individu ni de
personne au sens large du terme. Le sentiment d'identité collective s'évalue mieux dans des
participations dynamiques d’«émotions collectives» comme la fête.
4.3.1 Les premières fêtes
Les premières fêtes fournissent l'illustration d'un monde profane et d'un monde sacré. La
fête permet à l'individu de s'évader de son activité quotidienne — cueillette, chasse, pêche ou
élevage — pour un autre monde d'émotions intenses et de métamorphose de son être. Le passage
d'un monde à un autre offre la possibilité aux individus de contrer le doute qu'instaurent les
normes de «La grande Parole» dans la communauté. En effet, la fête est un moyen de se
«réapproprier» les règles qui apparaissent normalement hors de nous (cosmos, mythologie, etc.).
Une fois la fête terminée, les règles de «La grande parole» reviennent, le travail quotidien
réapparaît et la vie sociale suit son cours.
4.4 Les sociétés traditionnelles
Les sociétés traditionnelles sont caractérisées par la formation d'une instance de
domination (autorité) distincte et séparée du reste de la communauté. L’autorité se fait
reconnaître par le monopole du pouvoir parce qu'elle détient la puissance d'agir sur chacun (la
reconnaissance collective). Le pouvoir est désormais traduit dans une référence idéologique aux
dieux et à leurs volontés. L’altérité interne des sociétés traditionnelles s’incarne en des dieux
ordonnateurs et législateurs du monde. L’unité et l’identité de la collectivité apparaissent
maintenant dans des droits formels.
L'arrivée de droits ne fait toutefois pas disparaître le pouvoir des autorités vernaculaires,
mais le droit est subordonné au pouvoir des dieux célestes (qui sont au-dessus de tout). Cette
subordination n'est pas sans créer de tensions diverses (on n'a qu'a penser à la «chasse à la
sorcellerie»). D'un côté, se retrouve l’autorité venant des dieux ordonnateurs du monde, et de
l'autre, un peuple toujours imprégné et fragmenté par ses religions populaires (magie,
démonologie, etc.).
4.4.1 Le sujet de droit
L'individu de la société traditionnelle est un sujet de droit pour la communauté. La
domination religieuse permet aux individus de la collectivité de reconnaître des droits qui sont
particuliers à chacun, notamment par le statut. La transgression des normes lors du carnaval
réaffirme les droits et les statuts dès que la «vie normale» reprend son cours.
4.4.2 Le carnaval
Dans la société traditionnelle, l’autorité s'approprie des règles propre aux communautés
primitives pour les subordonner à la religion. Les abus de nourriture, de boissons, les danses et
les autres manifestations du carnaval sont alors condamnées par l’Église. Comme on l’a vu au
chapitre 1, la population refusant d’éliminer cette fête, l’Église décide plutôt de l'intégrer et de se
l'approprier. On préfère éviter le risque d'un soulèvement populaire. Cette subordination du
carnaval par la religion apparaît aujourd'hui dans l’association que nous en faisons avec le
carême.
4.5 Les sociétés modernes
La société moderne marque le résultat d'une mutation fondamentale dans le mode de
constitution du pouvoir. Alors que dans la société traditionnelle à chacun appartient des droits
particuliers, la société moderne peut être caractérisée par un processus de revendication et
d'institutionnalisation des droits. Les privilèges hiérarchisés propres aux sujets des sociétés
traditionnelles disparaissent dans un droit commun, lieu d'égalité et de liberté pour tous. Le droit
commun est alors justifié par la Raison universelle. L’autorité traditionnelle perd son monopole
de production de droit — il n'est plus seulement juridictionnel (droit formel) — puisqu’il s'ajoute
une autre forme : une production législative. C'est alors qu’apparaît pour la première fois un
corps politique qui remplace l’autorité traditionnelle (État national).
4.5.1 L'individu et la personne
Dans ce processus de changement historique, le sujet aussi se redéfinit. Le sujet
traditionnel se trouve maintenant divisé en trois statuts: le citoyen, le sujet de la société civile et
la personne privée. Pour simplifier le vocabulaire, le citoyen et le sujet civil désignent l'individu
dans son rapport tourné avec l’État et le sujet privé représente la personne vis-à-vis lui-même et
vis-à-vis les autres. La société moderne se caractérise donc par la présence de l'individu et de la
personne. La personne privée est celle dont l'individu reste déterminée par des affinités et des
affiliations particulières (la famille, le religieux, le personnel, etc.).
4.5.2 La fête moderne
Dans les sociétés modernes, le clergé a légué la planification de la fête à des
organisations. Les activités de nature plus spontanée ont été remplacées par des activités
organisées et codées. Par la mise en place d'un comité organisateur permanent, la fête prend alors
la forme d'une institution. Elle est organisée selon des objectifs bien établis.
L'institutionnalisation de la fête se fait au nom de la population. La fête devient thématique et les
thèmes représentent normalement la culture populaire. La fête n'est pas folklorique mais
introduit des «faits de folklores» dans la programmation. Par exemple, les repas traditionnels, les
élections de reine, de roi ou de «bonhommes», des danses, des jeux et même certaines messes36.
La fête moderne, qu'on a aussi appelé festival37, est une manifestation de quelques jours,
qui habituellement a lieu dans un endroit déterminé. Il semble aussi que l'organisation de la fête
se décompose en une multiplicité de comités. À l'aide de ces comités, l'organisation recherche
un apport économique, social ou culturel par un programme établi à l'avance, imprimé et
distribué à la population locale ou à un public plus large de touristes. Il existe deux ordres
d'activités dans les festivals :
1- Les événements sportifs, jeux et concours.
2- Les manifestations socioculturelles comme les repas, spectacles, soirées,
danses, expositions, défilés, couronnements, messes, etc.
Aussi, la fête ressemble à «une entreprise commerciale qui doit équilibrer son budget,
éviter les déficits, qui peut avoir des visées commerciales, touristiques ou autres, ce qui ne
l'empêche pas de promotionner l'image de sa région38».
Dans les fêtes modernes, l'individu universel est visé, car on se base sur un passé
commun et une identité collective pour déterminer les activités. Le sentiment d'appartenance est
à son plus haut niveau, les individus participent à l'organisation des activités, même si cela
s'effectue dans un encadrement déterminé (par exemple, les bénévoles). La population se
reconnaît dans la symbolisation collective que reflète la fête.
4.6 Transition vers une postmodernité
Le concept de postmodernité marque des transformations qui touchent profondément les
formes modernes d’altérité et d’identité. Premièrement, on assiste au réformisme social
démocratique de la société. L'orientation politique et universaliste se fractionne en une pluralité
de mouvements sociaux qui poursuivent des finalités expressives et identitaires particulières.
D'un autre côté, naît la personnalité corporative d'où apparaissent des organisations, des groupes
36 CHERUBINI, Bernard, «Localisme, Fêtes et Identités», Édition de l'Harmatthan, Paris, 1994, page 159.37 LABRIE, Vivian, «Le folklore et la fête au Québec : continuité et rupture», Ministère du Loisir de laChasse et de la Pêche, Montréal, 1980, page 20.38 MASSEY, G. «Les festivals populaires du Québec (monographie descriptive)», Université du Québec à
syndicaux et toutes sortes de regroupements particuliers. On parle alors d'une «nouvelle
démocratie». Des traits caractéristiques de la société postmoderne sont soulignés par Michel
Freitag.
Elle est :
- Corporative
- Organisationnelle
- Conventionnelle
- Décisionnelle
- Programmatique
- Informatique
- Opérationnelle
L'intervention publique, la résolution de problème (le problem solving), est aussi
caractéristique de la société postmoderne. À ce niveau, l’État politique, représenté à son plus
fort dans les sociétés modernes, se confond de plus en plus à l'organisation. Il se décompose en
une multitude de services, d'agences, d'organismes et de régies, qui ont tous des finalités
ponctuelles pragmatiques. Le lien entre l'organisation et les personnes sociales s'intensifie. Une
prolifération de partenaires sociaux, d'intervenants, d'interlocuteurs, de clientèles, de publics, de
représentants locaux sont mis à la disposition de la population.
4.6.1 La fusion des identités
Par rapport au moderne, l’identité collective se trouve aussi transformée. Auparavant,
l’identité collective était surtout représentée dans la forme de participation politique, par le biais
du citoyen. Dans la société postmoderne, les individus ont un sentiment d'appartenance à une
multitude de modalités et de degrés de participation organisationnelle et corporative. Au départ,
la participation aux organisations ou aux corporations suit la logique des «intérêts particuliers à
chacun». Mais cela est en voie de mutation rapide et il semble que ce soit le système qui contrôle
et produit de plus en plus les intérêts et les motivations du public. En même temps, les intérêts
des individus se retrouvent dans la participation aux organisations. La mutation entre le monde
moderne et le monde postmoderne est donc marquée par le passage d’une identité collective
politique et universaliste à des identités collectives particulières. Ces identités collectives se
Trois-Rivières, Centre d'Étude en Loisir, 1974.
rattachent donc, d'un côté au domaine de la vie privée et, de l'autre, à la participation
organisationnelle.
Étant donné le lien profond entre la vie privée et la participation à une organisation qui
représente nos «intérêts», les identités singulière et collective se sont embrouillées. On assiste à
une fusion entre le sentiment d'appartenance organisationnelle et celui de la vie privée.
4.6.2 Une fête postmoderne ?
La fête postmoderne est toujours une fête planifiée par un comité organisateur
permanent. Son institutionnalisation a eu effet de donner un certain pouvoir au comité.
L'organisation est davantage indépendante du milieu politique et de la symbolisation culturelle
rattachée à cette fête. Même si des faits folkloriques sont solidement ancrés dans la fête, les
thèmes et les objectifs sont moins précis. L'organisation tente de résoudre les problèmes d'image
et de participation par l'intervention immédiate (problem solving). Par exemple, lorsqu'une
activité n'attire pas de bénéfices suffisants ou cause un problème d'image, il suffit de l'abolir. On
recherche ainsi les résultats immédiats de ses actions.
La fête devient une entreprise commerciale ayant pour but d'obtenir les meilleurs
résultats possibles et ce même sans tenir compte de l'accord de la population. L'organisation
choisit les intérêts de la population par la tenue de ses activités et la population se retrouve dans
celle-ci. La programmation présentée a pour but de plaire et la diversification fait partie de la
fête, car on veut rejoindre le plus de personnes possibles.
4.7 Tableau récapitulatif
Tableau 1 : Évolution du concept d'identité
Identité etSociété(altérité)
CommunautéPrimitive(langage)
SociétéTraditionnelle
(Dieux)
Sociétémoderne
(corps politique)
Sociétépostmoderne(organisation)
Identité CollectiveIdentités
confondues
Individude droit
Individu • citoyen • civil fusion des
identités
Identité singulière Personne Personne
4.8 Question spécifique et objectifs de la recherche
Le Carnaval de Québec, comme on a pu le voir n’a jamais été de nature traditionnelle, il
s’agit en fait d’une fête moderne. La fête moderne, rappelons-le, est caractérisée par la présence
d’un comité organisateur et d’une planification (programme). Pour ce qui est de la fête
traditionnelle il faut qu’elle soit spontanée, elle doit venir de la population.
Ainsi, notre question de recherche se précise pour devenir : « Est-ce que la nouvelle
orientation du Carnaval concorde avec les attentes actuelles de la population de la région
de Québec à l’égard de cette fête hivernale ? Permettra-t-elle de raviver le sentiment
d’appartenance? »
Malgré le paradoxe du discours, redonner le Carnaval aux gens de Québec et en même
temps organiser des activités de plus en plus passives, la nouvelle orientation semble réussir à
augmenter la participation régionale aux diverses activités mais sans que la population
s’implique. La participation passive augmente tandis que l’active diminue.
En établissant une analogie entre l’évolution des valeurs sociales et les changements
survenus dans le Carnaval, il nous est possible de déterminer si le virage commencé ces dernières
années correspond bien aux valeurs du monde actuel. Étant donné le succès obtenu ces trois
dernières années, il semble que la population de la région de Québec ait été conquise par la
nouvelle formule du Carnaval. Dans ces circonstances, nous posons donc l’hypothèse suivante :
la nouvelle orientation stratégique du Carnaval concorde avec les attentes actuelles de la
population de la région de Québec envers une fête hivernale. Nous présupposons que ces
attentes seront de nature postmoderne.
Analyser les attentes de la population régionale, envers le Carnaval nous permet :
1) D’une part, de voir comment la population se représente cette fête et son évolution.
2) D’autre part, de connaître sa réaction face au virage familial entrepris depuis 1996.
3) Finalement, éclairer l’organisme sur la pertinence des stratégies prévues dans sa
planification des futurs Carnavals, tel l’ajout d’un volet international.
CHAPITRE 5
MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE39
La méthode la plus appropriée pour vérifier notre hypothèse est l’entrevue semi-dirigée.
En effet, ce type d’entrevue permet à l’individu enquêté de s’exprimer plus librement qu’à partir
d’un questionnaire. L’entrevue a permis d’obtenir un maximum d’informations concernant la
représentation du Carnaval et celle de son évolution au cours des dernières années. Elle a permis
également de caractériser la participation passée, présente ou à venir des personnes interrogées.
Nous avons cherché à mesurer chez nos interlocuteurs la représentation de l’évolution, le
sentiment d’appartenance et les attentes. Pour ce qui est de l’évolution, nous avons analysé si le
répondant a une opinion positive ou négative des changements effectués dans les dernières
années. Le sentiment d’appartenance est étudié d’après le niveau d’attachement de l’enquêté à la
fête et d’après la perception de son pouvoir au sein de l’organisation. Pour la dimension
« attentes », nous avons vérifié si l’organisation, par sa nouvelle orientation, répond mieux aux
attentes de la population en général. Nous avons aussi demandé aux répondants quels types
d’activités les feraient participer davantage. Cela s’est avéré très important pour saisir ce que les
gens s’attendent obtenir d’une fête hivernale.
Au cours de l’entrevue nous avons vérifié si le répondant croit détenir la même opinion
sur le Carnaval que le reste de la collectivité. Pour ce faire, nous avons cherché à savoir si les
identités individuelles et collectives sont différentes (société moderne ) ou se rejoignent (société
postmoderne).
TABLEAU 2 : mesure de l’identité
Concept dimensions Indicateurs
Identité
Représentationde l’évolution
Individuelle
Collective
39 La grille d'entrevue est présentée en annexe.
Sentimentd’appartenance
Individuelle
Collective
Attentes Individuelle
Collective
5.1 Justification de la grille d’entrevue
La grille d’entrevue se subdivise en cinq parties : le contexte général, les représentations de
l’évolution du Carnaval de Québec, le sentiment d’appartenance, les attentes et, finalement, les
caractéristiques socio-économiques du répondant.
Dans la première section, des questions d’ordre général sont abordées. Nous voulons
connaître le type de participation de l’enquêté et l’évolution de sa participation. Nous abordons
ensuite les souvenirs qu’il a du Carnaval et son point de vue sur les activités carnavalesques. À
titre d'exemple, nous avons demandé aux répondants qu'ils nous disent à qui s'adresse le Carnaval
(à la population régionale ou aux touristes ?).
La deuxième section touche le concept de représentation du Carnaval et son évolution. La
première question, qui concerne ce qu’est le Carnaval pour le répondant, nous permet d’analyser
sa représentation de cette fête et sa perception personnelle de la mission du Carnaval. Par la
suite, nous avons tenté de savoir ce qu’il croit de la représentation que se fait le reste de la
population du Carnaval. Nous l’avons interrogé, de plus, sur sa représentation de l’évolution de
cette fête et de son influence sur sa participation. Et, finalement, nous avons voulu connaître
l’influence de la nouvelle orientation sur la participation de la population en général.
La troisième série de questions concerne l’attachement du répondant envers le Carnaval et ses
symboles et comment il perçoit le sentiment d'appartenance de la population envers cette fête.
Également, nous avons souhaité connaître la représentation du répondant face à l’organisation et
sa perception du pouvoir possédé par la population en ce qui concerne la programmation des
activités.
Quant à la quatrième section, elle nous a permis de voir si l’organisation du Carnaval répond
aux attentes du répondant et si ce dernier croît que l’organisation répond aux attentes de la
population en général. Aussi, les questions posées nous ont permis de connaître la position du
répondant quant au futur de cette fête et les activités qui augmenteraient sa participation ou celle
de la population. Finalement, nous avons encouragé le répondant à émettre des commentaires
généraux ou des suggestions à l’organisation du Carnaval.
Nous avons terminé l’entrevue avec des questions concernant les caractéristiques socio-
économiques du répondant. Grâce à ces questions, il a été particulièrement possible de connaître
le groupe social auquel s’identifie le répondant (les étudiants, les personnes âgées, les baby-
boomers,...) et de déterminer si ses réponses concordent avec des valeurs postmodernes.
5.2 Résultats du pré-test
Trois personnes ont été interrogées dans le cadre du pré-test. Chacune d’elles appartenait à
une génération distincte et leur mode de participation au carnaval différait. Aucun des
répondants n’a eu de difficulté à saisir les questions et la grille d’entrevue nous est apparue
correctement orientée pour répondre aux objectifs. Les réponses des pré-enquêtés ont permis de
connaître, de façon générale la diversité des représentations du Carnaval. Le pré-test a aussi
permis de faire ressortir diverses opinions quant à l’évolution des dernières années. Les
entrevues qui ont eu lieu en janvier, février et mars ont été effectuées selon la même grille
d’entrevue que le pré-test.
CHAPITRE 6
PORTRAIT DE NOS RÉPONDANTS
Notre échantillon a été choisi de façon non-probabiliste, ce qui signifie une méthode
généralement «peu coûteuse, rapide, facile à appliquer, mais qui ne précise pas l’erreur
d’échantillonnage40». Notre échantillon peut être qualifié de typique, car ce qui nous intéresse
ce ne sont pas les variations à l’intérieur de la population mais plutôt quelques particularités de
celle-ci.
Les répondants ont été choisi de plusieurs façons. Quelques-uns faisaient partie de nos
connaissances (mais pas de nos proches) ou de nos voisins, d’autres sont des employés de
l’Université ou encore des gens abordés au centre commercial. Nous nous sommes assurés que
tous habitaient la CUQ depuis au moins 10 ans et avaient participé au Carnaval de Québec au
moins une fois.
6.1 Sexe et âge des répondants
L’échantillon est composé de 9 répondantes de sexe féminin et de 11 répondants
masculins. Nous avons essayé d’apparier leur âge avec celui des participants au Carnaval selon
l’enquête Préambule communication de 1998. Pour ce faire, sur 20 personnes interrogées, nous
devions avoir 4 répondants du groupe d’âge 18-24 ans, 5 répondants entre 25 et 34 ans, 5 autres
dans le groupe d’âge 35-44 ans, 3 répondants du groupe d’âge 45-54 ans et, finalement 3
personnes de 55 ans et plus. C’est ce qui a été fait dans notre recherche.
6.2 Autres données socio-économiques
Une seule répondante habite dans la CUQ depuis moins de 10 ans (soit 8 années) ce
qu’elle nous a révélé seulement à la fin de l’entrevue. Nous avons décidé de ne pas l’éliminer de
l’échantillon parce que ses réponses ne différaient pas de celles des autres. Les autres répondants
résident, dans la CUQ, depuis 11 ans ou plus. 10 des répondants y habitent depuis toujours.
40 BEAUD, Jean-Pierre, «L’échantillonnage», dans Benoît Gauthier (dir), Recherche sociale. De laproblématique à la collecte des données, Presses de l’université du Québec, Sainte-Foy, 1997, page 194.
Les autres informations socio-économiques n’étaient connues qu’à la fin de l’entrevue,
on ne pouvait donc les contrôler. Ainsi nous nous sommes retrouvés avec un nombre très élevé
de personnes possédant un niveau d’étude universitaire (même si non-terminé). 17 des
répondants ont atteint ce niveau. Ce phénomène pourrait biaiser les résultats.
Pour ce qui est de l’état civil des répondants, 11 personnes sont célibataires, 6 personnes
vivent en couple et, finalement 4 personnes sont divorcées. Sur les 20 répondants, 7 ont des
enfants, allant du nouveau né à l’âge adulte.
L’échantillon est assez représentatif de la population pour ce qui est des variables de
l’âge, du sexe, de l’état civil et du nombre d’enfants. Par contre, en ce qui concerne le niveau de
scolarité, nous vérifierons plus spécifiquement si des différences majeures existent entre la
perception des universitaires comparativement aux autres (2 ont un niveau secondaire et 1 a été
au cégep).
Nous demandions aux répondants de nous indiquer à quel groupe social ils se sentaient
appartenir. Ceci dans le but de consolider notre questionnement concernant l’identité du
répondant. Les réponses données serviront à voir si les conclusions de l’analyse concernant les
individus concordent avec celles des autres du même groupe. Les réponses ont été nombreuses
et surtout diversifiées. Les résultats par rapport à cette catégorie sont peu concluants.
Nous catégorisions aussi les répondants selon leur type de participation, 4 modalités
étaient possibles. Le type «traditionnel» est attribué à quelqu’un qui va au Carnaval
immanquablement à chaque année, il s’agit d’une habitude. Ensuite, il y a le type «régulier»; il
s’agit d’un individu se présentant au Carnaval de façon habituelle mais pas inéluctablement. Un
type «sporadique» est un individu se présentant au Carnaval de façon irrégulière. Finalement, les
gens ne participant «jamais» sont ceux qui ne vont pas du tout au Carnaval, qui n’y vont plus et
qui n’ont pas non plus l’intention de s’y présenter. Nous avons 3 répondants qui vont au
Carnaval de façon traditionnelle. 4 autres répondants s’y présentent de façon régulière, 6 ont une
participation de type sporadique et, finalement 7 individus n’y vont pas du tout.
6.3 Tableau des caractéristiques socio-économiques des répondants
TABLEAU 3 : Caractéristiques socio-économiques de nos répondants
ENTRE-VUE #
SEXE ÂGE GROUPESOCIALIDENTI-FIÉ
SCOLARITÉ (+hautniveauatteint)
NOMBRED’ANNÉEQUÉBEC
ÉTATCIVIL
NOMBRED’EN-FANTS
TYPE DEPARTICI-PATION
1 M 44 vieux jeune Université 19 Divorcé 1 Sporadique2 M 22 étudiant
rive-sudUniversité 22 Célibataire 0 Régulier
3 F 29 étudiant Université 27 Célibataire 0 Jamais
4 M 37 intellectuel Université 37 Célibataire 0 Jamais5 F 43 mère de
familleUniversité 16 Mariée 4 Sporadique
6 F 25 jeune couple Université 11 Conjoint defait
0 Régulier
7 F 84 Personnesâgées
Secondaire 84 Célibataire 0 Jamais
8 M 23 Étudiants Université 23 Célibataire 0 Traditionnel9 M 49 aucun en
particulierUniversité 19 Marié 3 Régulier
10 F 50 aucun enparticulier
Université 50 Divorcée 1 Jamais
11 F 29 Travailleuseétudiante
Université 23 Célibataire 0 Sporadique
12 F 27 Étudiants Université 8 Célibataire 0 Traditionnel13 M 26 jeune adulte Université 26 Célibataire 0 Jamais14 F 38 néo-
québécoiseprofession-nelle
Université 23 Divorcée 3 Jamais
15 M 21 Étudiants Université 20 Célibataire 0 Régulier16 F 35 aucun en
particulierUniversité 12 Conjoint de
fait0 Sporadique
17 M 19 aucun enparticulier
Université 12 Célibataire 0 Sporadique
18 M 52 Intellectuel Université 52 Marié 4 Sporadique19 M 76 Personnes
âgéesCollégial 76 Marié 6 Jamais
20 M 57 Retraités Secondaire 30 Célibataire 0 Traditionnel
CHAPITRE 7
LES IDENTITÉS
Notre question de recherche, rappelons-le, est la suivante : la nouvelle orientation du
Carnaval concorde-t-elle avec les attentes actuelles des gens de la région de Québec ? Nous
avons posé l’hypothèse que la nouvelle orientation concorde effectivement avec les attentes
actuelles de la population de la région de Québec. Nous présupposons que ces attentes sont
postmodernes.
Avant de vérifier la concordance des attentes avec la nouvelle orientation, voyons quelle
est la nature des attentes et si l’identité des répondants face au Carnaval est moderne ou
postmoderne.
7.1 Les identités sont-elles postmodernes ?
Dans la première partie, nous avions émis l’idée que la population de la région de
Québec était en transition d’une identité moderne à une identité postmoderne. Rappelons que
dans une société moderne, l’individu est séparé de la personne ; l’individu est caractérisé par son
lien avec l’État, tandis que la personne l’est par des affinités et des affiliations particulières (la
famille, le religieux, le personnel, etc.). Dans une société postmoderne, les identités sont
confondues. Le sentiment d’appartenance n’est plus dédoublé (État et affinités personnelles)
mais se forme à une multitude de modalités et de degrés de participation organisationnelle - à des
groupes.
Par rapport au Carnaval, comment mesurer si les répondants ont des identités modernes
ou postmodernes ? Pour ce faire, nous avons tenté, lors de nos entrevues, de distinguer l’opinion
du répondant et l’opinion que se fait le répondant de ce que la population de la région de Québec
pense. Cette distinction entre collectif et individuel devrait nous aider à situer le sentiment
d’appartenance des gens tout au long de l’entrevue. Si on est dans la modernité, le répondant
fera une distinction entre l’opinion collective et la sienne. Son sentiment d’appartenance
collectif – traduit par une symbolique commune - sera très élevé. Par contre, si on est dans la
postmodernité, la distinction entre l’individuel et le collectif est moins claire. Le sentiment
d’appartenance est représenté au sein de groupes particulier et non pas par une symbolique
collective.
Comme l’indique la figure ci-contre, dans la société moderne le collectif s’apparenterait
une somme d’individus, tandis que, dans la postmodernité, le collectif ressemblerait plutôt à une
superposition de groupes.
FIGURE 1 : La notion d’identité dans les sociétés modernes et postmodernes
Moderne Postmoderne
Identité à des groupes
Collectif
7.1.1 Le sentiment d’appartenance
Lors de nos entrevues, nous avons donc dégagé des éléments qui peuvent nous éclairer
sur la nature des identités des répondants. Les entrevues ont révélé à la fois des sentiments
d’appartenance modernes et postmodernes. Malgré tout, les identités sont plutôt modernes, car
les individus parlent surtout au «JE» lorsqu’il est question de leur opinion, tandis que lorsqu’il
est question de celle de la population ils font rarement la distinction entre les groupes sociaux, ils
parlent au nom d’une collectivité.
Dans le monde moderne, les gens s’identifient à des symboles collectifs et participent à
l’organisation des activités. La fête moderne est basée sur un passé commun et utilise des «faits
de folklore» pour symboliser la culture populaire. L’individu participe parce qu’il s’identifie à la
collectivité qui est représentée dans la fête et c'est ce que nous avons retrouvé dans nos
entrevues.
Lorsqu'on posait la question «pour vous qu'est-ce que représente le Carnaval ? »
Quelques individus ont répondu :
«Ça représente nous autres, le Québec (#11)».
Identité Collective
Le Carnaval est perçu comme source de fierté collective non seulement à cause de sa
réputation internationale mais aussi par son caractère folklorique (dans la signification des
activités comme la course de canots, de chien de traîneau…). Le «NOUS» signifie que les
individus s’identifient à l’histoire commune des Québécois, aux autres membres de la société.
«Je pense que le Carnaval de Québec est le deuxième ou troisième plus important au
monde. (…) Les gens sont fiers de ça et ça nous représente bien (#8)»
Le «Nous» est collectif. On note cependant une certaine ambiguïté entre la ville de
Québec et la province. Par conséquent, nous ne pouvons clairement affirmer que les répondants
parlent de la culture québécoise ou du «Nous» ville de Québec.
Le Carnaval représente la ville de Québec et il doit lui apporter une certaine notoriété.
Les répondants semblent trouver important que le Carnaval soit relié à la ville de Québec.
«(Le Carnaval fait) qu’on est important, Québec(#2)»
«Le Carnaval ça représente Québec (#17)»
Le Carnaval doit demeurer à Québec et ceci est affirmé de façon quasi-unanime par nos
répondants. Le Carnaval est une fête québécoise qui reflète notre identité par l’utilisation des
thèmes reliés à nos valeurs et à nos coutumes. Comme nous le savons, l’hiver est un élément
caractérisant de manière importante notre culture. Dans la programmation du Carnaval de
nombreuses activités sont liées à ce thème. Les répondants associent bien souvent le Carnaval à
la thématique hivernale.
«On est un pays du Nord et c'est (le Carnaval) un peu la célébration de ce fait là (#2)»
«C'est une série d’activités pour souligner l’hiver (#13)»
L’association Carnaval/Culture québécoise devient d’autant plus un élément
incontestable de cette fête. Elle se reflète d’ailleurs dans le discours des répondants.
«Le Carnaval ça reste la tradition québécoise (#9)»
«Le Carnaval c’est comme dans nos gènes ! (#20)»
Tous les éléments vus précédemment tendent à affirmer que les identités des répondants
sont modernes. Quelques réponses réfèrent cependant à une identité postmoderne. Certains
individus remarquent effectivement que plusieurs types d’attachement existent dans la
population. Ils posent des critères comme le lieu de résidence, l’âge ou encore le niveau de
participation.
«Je pense qu’il y a des gens qui n’ont jamais vu l’importance de ça (…) tandis que pour
d’autres c’est comme une tradition et ils y sont attachés (#3)».
«Peut-être que les gens de la Rive-Sud sont moins attachés (#7)»
«Le sentiment d’appartenance est fort mais ça dépend du groupe d’âges (#20)»
Le fait que certains individus parlent de tradition et de culture québécoise relève
d’identités plutôt modernes. Leur conception de la fête est une représentation de l’histoire
commune. Les gens s’identifient à une entité plus importante qu’un groupe social
d’appartenance. Notons par ailleurs qu’aucun individu s’est identifié comme Québécois dans la
question sur l’identification à un groupe social. Cela pourrait être dû au fait que la question
concernant les groupes sociaux était précédée d’une autre question où nous restreignions ces
groupes des entités moins importantes comme les groupes d’âges.
Pourtant, en ce qui concerne l’attachement au Carnaval, d’autres répondants établissent
des distinctions basées sur l’âge ou le lieu de résidence. Ce qui est plutôt postmoderne.
L’identité collective, telle que conçue dans une société moderne, existe mais elle est influencée
par certains éléments de postmodernité.
Contrairement à notre présupposition, les attentes des individus semblent, si on se fie à la
nature des identités, modernes plutôt que postmodernes. Mais cela ne signifie pas qu’elles ne
concordent pas avec la nouvelle orientation. Nous allons, par conséquent, analyser dans la
prochaine partie la concordance des attentes de la population envers l’orientation familiale.
CHAPITRE 8
LES ATTENTES ENVERS LA NOUVELLE ORIENTATION
Penchons-nous maintenant sur notre question centrale : la nouvelle orientation du
Carnaval concorde-t-elle avec les attentes actuelles de la population de la région de Québec.
L’hypothèse que nous avions soulevée au départ admettait l’existence de cette relation et qu’il y
avait effectivement concordance. Afin de mieux contextualiser, rappelons les points importants
de la nouvelle orientation du Carnaval. Trois points sont importants lorsqu’il est question de
l’orientation du Carnaval : le discours effectif, le commerce et les spectacles professionnels.
Dans la nouvelle orientation voici les changements effectifs dans chacun de ces points :
Tableau 4 : Orientation du Carnaval
Discours Fête commercial Spectacles professionnels
→ Aspect familial
→ l’identité est remise encause : abolition des duchesses
→ de plus en plus commercial
→ introduction de concours
→ augmentation d’activitéspassives (spectacles, etc.)
8.1 Le discours
Le nouveau discours du Carnaval peut se résumer en deux points. D’une part, le
Carnaval propose l’instauration d’activités davantage destinées à la population régionale. Cela
se reflète dans l’aspect familial de la nouvelle orientation. D’autre part, l’organisation remet de
plus en plus en question ses symboles traditionnels. L’abolition des duchesses fut sans doute le
point marquant de ce virage. Comment cela affecte-t-il la population de la région de Québec ?
8.1.1 La nouvelle orientation du Carnaval
Au cours de nos entrevues, le volet familial est ressorti à plusieurs reprises chez les
répondants. La plupart des individus conçoivent cette fête comme étant tout d’abord de nature
familiale. Les termes rattachés à ce thème se sont retrouvés à plus de 15 reprises dans la
représentation personnelle des répondants, et à 13 reprises dans la représentation que se fait le
répondant sur le plan collectif.
« Je pense que pour les familles c’est ça, une fête d’hiver le fun (#1)».
«C’est une période de réjouissance familiale (#3)».
«Avec des enfants on participe plus, c’est un motif (…) Le Carnaval, c’est vraiment une
fête de famille (#4)».
«C’est une fête gaie pour les enfants. (…) Moi je pense que le Carnaval c’est jeune, pour
les enfants et leurs parents (#10)».
«Je pense que c’est des activités à faire en famille (#13)».
«Les enfants c’est un motif pour participer. Je crois que c’est une fête surtout familiale,
et pour les jeunes de 15 à 25 ans pour qui c’est une occasion de sortir en groupe (#18)».
Le volet familial du Carnaval est donc bien implanté dans l’esprit de la population. De
plus, les réponses ne diffèrent pas selon les caractéristiques socio-économiques des gens. Le
sexe, l’âge, le groupe social auquel s’identifie le répondant ou le type de participation n’ont pas
d’influence sur la représentation familiale du Carnaval.
La mission du Carnaval en 1999, rappelons-le, se résume dans les quatre volets suivants :
famille, hiver, accessibilité et popularité. Les répondants sont presque tous au courant de
l’existence de ce nouvel aspect de la nouvelle orientation (18/20). Comme nous l’avons
souligné, le volet familial est celui qui est le plus reconnu (15/20). Il est apprécié par la plupart.
«Les enfants ont adoré la nouvelle orientation et les invités aussi. Donc, c'est mieux
(#5)».
«Dans la nouvelle orientation, il y a beaucoup de jeunes et de familles, ça peut pas faire
autrement que de bien fonctionner (#8)».
Ceux qui trouvent que la nouvelle orientation est trop familiale croient cependant
qu'avoir des enfants les feraient participer davantage. Par contre, malgré l’appréciation générale
de l’aspect familial, certains répondants nous ont dit ne pas avoir remarqué de véritables
changements au sein des activités au programme. Le seul changement remarqué par tous est
l’abolition des duchesses.
«Je n'ai pas remarqué beaucoup de changements (#2)».
«Je ne vois pas de différences avec avant, à part l'abolition des duchesses, (…), Je ne vois
pas comment les activités actuelles peuvent être plus familiales qu'avant (#6)».
«Il n'y a pas eu encore beaucoup de changements (#9)».
«Dans la nouvelle orientation je sais pas mal juste l'abolition des duchesses (#13)».
«Le seul changement que j'ai vu avec la nouvelle orientation c'est qu'ils ont décidé qu'il
n'y aurait plus de duchesses (#18)».
Nos répondants acceptent l’aspect familial du Carnaval mais ne se sentent pas tout à fait
concernés lorsqu’ils n’ont pas d’enfants. Par ailleurs, ces changements n’ont aucun effet sur la
participation semblent dire les répondants (14/20). Six individus ont mentionné une variation
dans la provenance des participants. Trois ont parlé d'une augmentation de la proportion des
participants de la région et les trois autres une augmentation de la proportion de touristes.
Dans un autre ordre d’idées, les répondants ont mentionné le grabuge et la boisson à six
reprises. Mais, ce n'était pas nécessairement une perception négative. Trois étudiants
universitaires âgés entre 21 et 27 ans (entrevue #2, #12 et #15) nous disent regretter cette
époque. Paradoxalement, malgré que ces trois répondants s’ennuient du grabuge et de la
beuverie, ils sont d’avis que l'arrivée d'enfants dans leur vie augmenterait leur participation.
L’aspect familial semble donc s’être bien implantée dans l’esprit des individus au détriment de la
représentation de beuverie qu’a eu la fête pendant longtemps. Aucun répondant n’a mentionné
qu'il croyait que les autres avaient une représentation de beuverie et de grabuge du Carnaval.
C’est un élément important qui marque le succès des efforts de l’organisation à faire disparaître
cette perception de la fête.
Même si l’aspect familial n'est pas vu comme positif par la majorité, car un grand
nombre d’entre eux ne se sentent pas rejoint par cet aspect. Seulement 9 répondants sur 20 s’en
disent satisfaits. Il est important de noter que 16 des répondants croient que le reste de la
population voit l’aspect familial comme positif. C'est-à-dire que même si les gens n'apprécient
pas et qu'ils ne se sentent pas rejoints par les activités liées à ce thème, ils croient que le reste de
la population préfère ce type de fête.
Une partie des répondants, presque équivalente, a un sentiment d’appartenance au
Carnaval plutôt faible. C’est-à-dire que 8 individus se disent peu attachés au Carnaval. Il semble
cependant que ce sentiment d’appartenance ait surtout diminué avec le temps pour un certain
nombre de raisons. Les plus importantes sont l’abolition des symboles traditionnels du Carnaval
et le nouvel aspect familial pris il y a quelques années.
«(...) quand j’étais plus jeune (j’avais un sentiment d’appartenance) (#7)»
«(au sujet des duchesses) Je m’identifiais à cette personne, j’avais l’impression qu’il y
avait quelqu’un qui me représentait et je voulais vraiment qu’elle gagne (#3)»
Seulement quelques répondants nous ont clairement indiqué que l’aspect familial de la
nouvelle orientation avait une incidence sur leur attachement au Carnaval.
«Moi, j’ai un attachement parce que j’ai un enfant (#10)»
«Pour l’instant, si ça reste comme présentement, mon sentiment d’appartenance va rester
pas mal comme ça (...) Si j’avais des enfants probablement que je participerais (#13)»
Bref, on voit que le discours officiel de l’organisation a réussi à inculquer l’idée de fête
familiale de façon plus prononcée qu’auparavant. La présence d’enfants influence grandement la
participation. Par contre, les individus manifestent un sentiment d’appartenance ambigu face au
Carnaval. Les changements dans la nouvelle orientation agissent sur leur attachement de façon
habituellement négative.
8.1.2 La disparition des symboles
Au sujet du nouvel aspect familial, nous avons souligné que l’abolition des duchesses est
le seul changement remarqué par tous. La disparition des duchesses est vue comme une erreur
pour la majorité des répondants. 15 individus sur 20 trouvent que l'abolition de ce symbole
n'était pas une bonne idée. La rupture avec la tradition n'est pas une bonne manière de cultiver
un sentiment d'appartenance envers la fête semblent-ils affirmer. Les duchesses créaient ce
sentiment d'appartenance.
«C'était notre duchesse et on voulait qu'elle gagne (#2).»
«Un certain niveau d'identification était accordé aux duchesses ce qui augmentait
l'importance accordée à la fête. Je m'identifiais à cette personne. J'avais l'impression
qu'il avait quelqu'un qui me représentait et je voulais qu'elle gagne (#3)».
«Les duchesses du Carnaval ça nous représente, elle représente mon comté. C'est nous
(#15)».
Pour les répondants, l'abolition de ce symbole est perçue comme un geste irréfléchi de la
part de l'organisation. Une certaine incompréhension est mentionnée dans plusieurs entrevues.
«Je ne comprends pas pourquoi ils ont aboli les duchesses, pourtant le couronnement
était une activité familiale (#5)»
«Je vois pas comment le fait qu'il n'y ait plus de duchesses fait que le Carnaval est plus
familial qu'avant (#6)»
Beaucoup d'activités étaient reliées aux duchesses et certains parlent d'une rupture avec
la tradition ce «qui affaiblit beaucoup la fête (#7)». Ce changement contribue à l’effritement de
l’identité collective. Il s’agit d’une rupture avec la fête moderne.
«La disparition des duchesses ça enlève un cachet à la fête. Elles ont toujours été selon
moi un point tournant de la fête (#15)»
«Les duchesses c'est une perte, leur abolition est regrettable, car ça faisait partie d'un tout
(#20)».
Les cinq répondants qui étaient heureux de la disparition des duchesses ont indiqué que
c'était une activité obsolète ou encore sexiste.
«L'abolition des duchesses ne m'a pas dérangé du tout. Je trouvais que c'était correct
parce que c'était dépassé. Puis ça a changé la mentalité et c'est bien.(#8)»
«L'abolition c'est parfait parce que ça faisait de la discrimination (#11)».
Finalement, quelques individus ont souhaité un retour aux traditions, avec les activités
tournant autour des duchesses.
« Pourquoi l’abolition des duchesses ? Il faudrait laisser la chance aux jeunes de les faire
(#5) »
« (Je voudrais) peut-être qu’ils remettent les duchesses (#7) »
« Je leur dirais peut-être de retourner à la tradition. (au sujet des duchesses) Je pense que
ça devrait revenir (#15) »
Comme nous le disions précédemment, le nouvel aspect familial a provoqué une
diminution de l’attachement au Carnaval. Cet effritement est principalement dû à la disparition
des duchesses. Une bonne partie de nos répondants souhaitent même un retour de celles-ci dans
les activités.
8.2 Fête Commerciale
L’orientation du Carnaval comporte aussi un aspect commercial. Notons le nombre de
plus en plus élevé de commanditaires, l’arrivée d’un commanditaire en titre et de plusieurs
majeurs. Ce phénomène entraîne une réaction de la part de nos répondants, car nous avons aussi
entendu, lors de nos entrevues, des propos liés à l’aspect commercial de l’orientation de la fête (4
fois).
«Pour moi, c'est (le carnaval) quelque chose de commercial(#1)».
«J’ai pu l’impression que c'est pas le Carnaval de Québec mais bien le Carnaval Loto-
Québec, Kelloggs,…(#3)».
«Le Carnaval c'est un gros show commercial (#4)».
Cela dit, le commerce n’est pas nécessairement vu de façon négative. Le côté
commercial attire les touristes, ce qui apporte des retombées économiques à la ville de Québec.
La fête qui attire les touristes dans la ville de Québec et la renommée internationale du Carnaval
entraînent un certain sentiment de fierté chez les répondants. Le fait que le Carnaval de Québec
soit le troisième plus gros au monde et le seul d’hiver amène un sentiment de satisfaction vis-à-
vis de cette fête. Même que certains exagèrent sa notoriété.
«Tout le monde sait que le Carnaval de Québec est le plus gros carnaval en Amérique du
Nord (#15)».
En ce qui a trait aux activités qui, selon les individus, feront augmenter la participation
de la population de la région de Québec au Carnaval, les deux mêmes idées sont répétées chez la
plupart des répondants : le Carnaval doit proposer des activités économiquement accessibles à
tous et on devrait organiser des concours, des tirages, afin d’augmenter la participation des gens
de la région.
L’idée que le Carnaval doit être accessible d’un point de vue économique a été soulignée
par plusieurs répondants. On souhaite notamment qu’une majorité des activités proposées soient
moins dispendieuses ou totalement gratuites.
« Mais à mon avis ça pourrait être plus populaire. Par exemple, durant le Carnaval on
baisse les tarifs de ski, ça pourrait être une possibilité (#4) »
«C’est sûr que la plupart des gens veulent des affaires gratuites, ça c’est sûr. Peut-être
qu’avec l’achat du macaron, ce serait au moins bon d’avoir une réduction sur des affaires
(#10)»
«(…) c’est le prix des choses; le stationnement pis ci et puis ça, ça leur coûte cher, bien
ils y vont juste une fois en quinze jours (#14)».
On évoque aussi l’idée que la population augmenterait sa participation aux activités avec
la création de prix et de concours liés aux activités.
«Ce qui attire les gens à participer ce sont des prix, des concours et je crois qu’il y en a
pas assez autour du Carnaval (#6)»
«(…) comme on disait tantôt, c’est ça que je vois, les concours, les châteaux de neige
(#9)».
D’un point de vue individuel, la plupart des répondants croient que l’organisation du
Carnaval ne tient pas assez compte de ce qu’ils veulent. L’organisation semble trop loin pour
écouter les attentes de la population.
« Bien moi j’ai jamais vu de référendum sur le Carnaval. Puis on m’a jamais demandé
mon avis (#6)»
« (...) ils ne m’ont jamais consulté (#9)»
« Moi y a jamais personne qui m’a demandé ce que je voulais (#12)»
«(...) j’ai jamais eu connaissance qu’ils faisaient des sondages (#16)»
Certaines personnes ont aussi tendance à nous affirmer que leur manque d’implication
dans le Carnaval diminue leur sentiment d’appartenance à cet événement. L’inverse est possible
aussi, c’est-à-dire que un sentiment d’appartenance plutôt faible peut entraîner une diminution de
la participation.
«Je pourrais avoir en avoir une (influence) plus grande, ça c’est certain, car il manque
toujours de bénévoles (#3)»
«(...) je ne me sens pas du tout impliqué là-dedans (#14)»
D’un point de vue collectif, les individus sont plus partagés quant à savoir si
l’organisation tient compte des attentes de la population de la région de Québec. Moins de la
moitié des répondants (7) trouvent que l’organisation ne tient pas compte de la population.
Certains vont même jusqu’à douter de la crédibilité des organisateurs.
«(...) ils veulent plus de personnes possibles, trouver les meilleures combinaisons
possibles mais sans écouter les gens de la région de Québec (#17)»
«Je crois qu’ils font des «à croire» (#1)»
L’autre partie (13) cependant est d’avis que l’organisation est assez proche de la
population et qu’elle est en contact avec les gens, par exemple au moyen de consultations.
«(...) il y a quand même eu des sondages pour supprimer les duchesses, y a eu quand
même des consultations populaires (#9)»
«l’organisation tient compte car ils ont la bonne recette (#19)»
L’aspect commercial de la fête est généralement apprécié pour la renommée qu’elle
entraîne du point de vue international. Ceci crée un sentiment de fierté qui peut augmenter le
sentiment d’appartenance. Par contre, ce sentiment peut être altéré par le fait que les répondants
ne se sentent pas suffisamment consultés lorsqu’il est question des changements majeurs.
L’organisation ne semble pas suffisamment près de la population.
8.3 Spectacles professionnels
Un dernier aspect de l’orientation du Carnaval concerne le nombre de plus en plus élevé
de spectacles organisés (participation passive). Au cours de nos entrevues, une dernière série de
questions concernait le type d’activités souhaitées par les répondants dans le futur. Lorsque nous
avons demandé aux individus quelles activités augmenteraient leur participation au Carnaval
(indépendamment du fait qu’il participe déjà ou pas) il semble que la plupart privilégient des
activités à caractère passif. Ainsi, une bonne part des répondants ont souhaité voir apparaître des
spectacles culturels – on fait souvent allusion au Festival d’été - pendant le Carnaval.
« Un show, un vrai show, pas un show de mascottes (…) Peut-être que s’il y aurait des
gros noms associés au Carnaval (#2) »
« (…) un spectacle de musique (#14) »
« (…) des spectacles, des chanteurs. Je trouve que cet aspect est pas vraiment développé,
des chansonniers (#16)»
« L’aspect culturel aussi me semble que ce serait intéressant, ce que fait un peu le
Festival d’été (#18) »
Un autre type d’activités souhaitées par les répondants – en moins grand nombre par
contre - réfère davantage à des activités actives. Une participation active donne la chance aux
participants d’être, en quelque sorte, au centre même du déroulement de l’activité. Sans cette
participation, l’activité en tant que tel n’existerait pas. Conséquemment on souhaite l’apparition
de bals, de mascarades, de bars extérieurs, etc.
« Moi j’aimerais ça amener mes enfants et qu’à chaque année je les déguise puis qu’il y
ait un concours avec tous les enfants de la région (#6) »
« (…) un immense bal, quelque chose pour tout le monde (#10)»
« Une sorte d’endroit où les gens iraient danser. Admettons que dans le château il
pourrait y avoir une discothèque (#13) »
Les activités à caractère passif font donc partie intégrante du Carnaval. Les gens veulent
ce type d’activités. Par contre, il est important de noter que peu de nos répondants ont des
enfants en bas âge, ce qui signifie que ce ne sont pas le type de participants visés par la nouvelle
orientation. Les activités familiales sont plutôt de type actif, car avec l’animation dédiée aux
enfants est plutôt dynamique et requiert une implication accrue. Il semble donc que les gens
souhaitent des activités diversifiées pouvant réunir le plus de monde possible. D’ailleurs ce point
est revenu à quelques reprises. Le Carnaval doit tenter de réunir par sa programmation tous les
groupes sociaux.
8.4 La nouvelle orientation concorde avec les attentes
En résumé, la plupart des points de la nouvelle orientation sont appréciés. En ce qui a
trait au discours effectif, la nouvelle orientation semble concorder avec la majorité des attentes
de la population envers le Carnaval. Presque tout le monde conçoit cette fête comme de nature
familiale, ce volet est bien implanté dans l’esprit des gens. La plupart des répondants sont au
courant de la nouvelle orientation prise par le Carnaval. Certains croient que le fait d’avoir des
enfants les ferait participer davantage.
Le caractère commercial ne leur déplaît pas non plus, car il attire les touristes et a une
incidence sur la notoriété internationale du Carnaval. De plus, les répondants nous disent que
l’introduction de concours serait appréciée par le reste de la population. Aussi, ils ne sentent pas
le besoin de se sentir impliqués envers le Carnaval, ce qui se traduit par une baisse du nombre de
bénévoles. Mais les gens sont satisfaits de la fête, elle est organisée pour eux et c’est ce dont ils
ont envie.
En ce qui concerne les spectacles professionnels, presque tous les répondants demandent
des activités de type passif, c’est-à-dire des activités préparées d’avance et qui demandent une
faible implication de la part du participant. Dans la nouvelle orientation les activités passives
sont de plus ne plus nombreuses ce qui correspond aux attentes de la majorité de nos répondants.
Par contre, nous devons noter que les activités dédiées aux enfants sont actives et demandent une
implication de la part des participants. Notre échantillon était composé de peu de jeunes
familles, alors ce type d’activités est peu ressorti lors de nos entrevues. Étant donné la
popularité de ces activités lors des dernières éditions du Carnaval nous pouvons conclure que
diverses attentes existent dans la population. Les gens sans enfant préfèrent les spectacles
organisés plutôt que les activités de participation active.
Par contre, certains points négatifs au sujet de la nouvelle orientation du Carnaval ont été
soulevés chez nos répondants. Dans le discours effectif du Carnaval, l’abolition des symboles,
tels que les duchesses, ne satisfait pas les attentes d’une majorité de répondants. Ils ne se sont
pas sentis consulté à ce sujet. Ce changement a quelques incidences négatives sur le sentiment
d’appartenance.
8.5 La nouvelle mission du Carnaval en 1999
Comme nous l’avons déjà souligné, la mission du Carnaval en 1999 est définit comme
suit : «organiser annuellement une fête populaire hivernale dans le but de gérer dans la région de
Québec une activité économique, touristique et sociale de première qualité dont les gens seront
fiers». Les 4 axes majeurs se retrouvant dans la planification stratégique de 1999-2001
confirment la tendance à la nouvelle orientation du Carnaval.
8.5.1 La diversification de la programmation
L’organisation souhaite premièrement diversifier sa programmation. Les thèmes
suggérés par le Carnaval sont plus ou moins diffus. La diversification des activités vise à «mettre
en valeur les activités familiales, populaires, hivernales et participatives misant sur les
spécificités historiques, culturelles et patrimoniales de Québec». Au sujet des activités
familiales, populaires et hivernales, l’organisation semble être dans la bonne direction puisqu’on
a remarqué qu’une part considérable des répondants souhaite ce type d’orientation. Les activités
participatives sont par ailleurs – bien qu’en demande – moins privilégiées que les activités à
caractère passif dans la plupart de nos entrevues. L’idée même d’ajouter un volet musical et
culturel identique au Festival d’été, qui pourra rejoindre un plus grand nombre de personnes, a
été pointée par certains de nos répondants.
Les activités doivent refléter le patrimoine québécois. Ce discours renferme deux
paradoxes. D’une part, la remise en cause de l’identité du Carnaval - le nouvel aspect familial et
l’abolition des anciens symboles du Carnaval - n’a pas véritablement donné lieu des changements
se rapprochant du patrimoine collectif. C’est tout le contraire. D’autre part, l’ajout d’un volet
international confirme à un certain point l’ambiguïté du discours de la nouvelle orientation. La
fête est familiale, elle représente notre patrimoine et elle est internationale. Non pas qu’il existe
clairement des oppositions entre ces termes, mais on dénote que l’organisation a comme principal
fin d’augmenter la participation au moyen d’une diversification d’activités sans thématique
précise. Cela ne semble toutefois pas déranger les répondants qui ont des avis tout aussi
diversifiés. Malgré qu’une majorité soit contre l’abolition des duchesses, une autre majorité est
ravie du nouvel aspect familial de la fête. Les répondants croient aussi que le volet international,
ou la représentation au niveau international du Carnaval, apporte une notoriété perçue comme
positive en générale.
8.5.2 Consolidation de la participation de la clientèle locale et régionale
Dans la nouvelle mission du Carnaval, l’organisation veut consolider la
participation de la clientèle locale. La phrase clé du discours est la suivante : «on veut redonner
le Carnaval aux gens de Québec» pour raviver le sentiment d’appartenance. Il existe un paradoxe
entre ce discours et les changements effectués au cours des dernières années. Premièrement,
l’organisation ne consulte pas vraiment la population et, si elle le fait, elle n’en tient pas
véritablement compte. Deuxièmement, les activités sont de plus en plus passives ce qui diminue
la part d’implication des participants. Lors des entrevues, ces changements ne semblent pas
avoir affecté le sentiment d’appartenance comparativement à l’abolition des symboles. Les
répondants croient que l’organisation du Carnaval consulte suffisamment la population afin de
mieux répondre aux attentes. Il faut de plus souligner que les répondants qui participent
passivement possèdent un attachement au Carnaval aussi élevé que ceux qui participent
activement.
8.6 Représentation des participants
Nous devons, avant de conclure, souligner un autre élément important qui risque
d’intéresser l’organisation du Carnaval. Il s’agit de la perception de la provenance des
participants du Carnaval. Les individus interrogés ont une perception assez partagée des
participants au Carnaval. Près de la moitié des répondants (9) croient que les participants
proviennent majoritairement de la région. Ce qui est étonnant, c’est qu’un nombre semblable (8)
croit qu’ils proviennent en majorité de l’extérieur. Pour les trois autres répondants, les
participants sont partagés entre la région et l’extérieur dans une proportion 50-50.
La représentation n’est pas claire dans l’esprit des individus. Or, selon une enquête, une
majorité des participants proviennent de la région (58,7%), 34,1% provient du reste de la
province et seulement 7,2% viennent d’ailleurs41. La représentation des participants est donc
plus touristique que ne l’est la provenance effective des carnavaleux, car un grand nombre de
répondant surestime la proportion des touristes de l’extérieur. D’autant plus que les gens du
reste de la province sont en grande partie francophones et il est difficile de les reconnaître à
travers une foule contrairement aux touristes de l’extérieur qu’on reconnaît à la langue, à
l’accent, voire à l’habillement.
Que la moitié des répondants croient que la majorité des participants proviennent de
l’extérieur de la région de Québec est inattendu, d’autant plus que l’organisme tente par sa
nouvelle vocation de faire du Carnaval une fête régionale à laquelle sont conviés les touristes.
41 Ces résultats proviennent de l’enquête de Préambule Communication 1998. Ces chiffres sont ceuxrecueillis sur les principaux sites lors du Carnaval de 1998 (Q 21 : 600 répondants).
La représentation semble, pour pratiquement la moitié des individus, plutôt tendre vers l’opposé :
une fête touristique à laquelle sont conviés les gens de la région.
CONCLUSION
Le nouveau virage du Carnaval semble être globalement un succès. Les attentes des
individus concordent généralement avec l’orientation prise par le Carnaval. Les trois points de la
nouvelle orientation – plus particulièrement la mission de 1999 – regroupent l’essentiel des
attentes de la population régionale. La population est au courant du volet familial de la fête. Ce
nouvel aspect est apprécié, car la population désire voir davantage ce genre d’activités. Le fait
que la fête soit de plus en plus commerciale est vu sans inquiétudes. L’introduction de concours
est même souhaitée. Concernant les spectacles professionnels de type passif, la population
semble aussi satisfaite. L’idée d’organiser des spectacles avec des artistes de renommée est vue
positivement. Le Carnaval est ainsi souvent comparé avec le Festival d’été.
Certains changements ne font cependant pas l’unanimité au sein de la population.
L’abolition des symboles – tels que les duchesses – pose le problème de la proximité entre
l’organisation et la population. La majorité des répondants désapprouve cette décision. Certains
vont même jusqu’à souhaiter un retour de celles-ci. L’organisation n’a pas tenu compte du désir
des gens lors de ce changement malgré une consultation qui démontrait clairement que la
population était contre leur abolition. La disparition des symboles effrite le sentiment
d’appartenance des gens. Une partie des répondants remet en cause son identification à la fête.
Cet aspect de la fête est le seul qui ne concorde véritablement pas avec les attentes de la
population régionale. Le discours de l’organisation reflète aussi un paradoxe au niveau de sa
nouvelle orientation. La fête veut être familiale, refléter le patrimoine culturel tout en étant
internationale. Il n’existe pas vraiment d’opposition entre ces thèmes mais plutôt une ambiguïté
au niveau de la thématique qui n’est pas claire. Il est important de rappeler que plus de la moitié
des répondants perçoit la fête comme une fête touristique à laquelle les gens de la région sont
conviés, et ce, malgré l’effort de l’organisation, par sa nouvelle vocation, à vouloir l’opposé soit;
une fête régionale qui attirera les touristes.
La nature des attentes a été mesurée à partir du concept d’identité. Deux types
d’identités peuvent être perçus chez les répondants : modernes ou postmodernes. Nous en
arrivons à la conclusion qu’elles sont plutôt modernes mais que certains éléments de
postmodernité viennent les influencer. Les gens s’identifient à une culture commune - NOUS :
Québécois - en même temps qu’ils découpent la population en des entités plus petites –
notamment selon les groupes d’âges. Ces constatations nous permettent de croire que nous
sommes en transition vers la postmodernité.
En guise de conclusion, les changements apportés ces dernières années au
Carnaval renforcent la tendance postmoderne. L’abolition des symboles – les duchesses et le
retrait des activités de la rue Ste-Thérèse - est effectivement en rupture avec les éléments
modernes de la fête. Les activités se diversifient afin de plaire à différents publics. La fête
devient, par ces éléments, de type postmoderne. L’identité de la population n’étant pas
clairement postmoderne, une série de tensions persiste entre l’orientation effective du Carnaval et
les attentes encore mal définies de la population.
Finalement, l’arrivée des Knuks n’a pas été mentionné chez les répondants. Il semblerait
donc que ces nouveaux symboles ne réussissent pas à raviver le sentiment d’appartenance. Sans
effectuer un retour aux duchesses, l’organisation pourrait étudier l’impact d’un nouveau type de
symboles permettant aux gens de s’impliquer directement et de se sentir représentés. Ces
symboles devraient refléter davantage le patrimoine culturel auquel pourrait mieux s’identifier la
population.
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Montréal, 1979, 195 pages.
ANNEXE 1 :
GRILLE D’ENTREVUE
GRILLE D’ENTREVUE
CONTEXTE GÉNÉRAL42
Identité individuelle et personnelle
→ Sa participation antérieure et actuelle (Participez-vous au Carnaval de Québec, si oui
depuis quand et quels sont ses meilleurs et moins bons souvenirs ? , si non pourquoi?,…)
Identité collective
→ Selon lui, les participants au Carnaval proviennent-ils davantage de la région de Québec ,
de la province ou d’ailleurs ?(Avant comparativement à aujourd’hui)
REPRÉSENTATION ET ÉVOLUTION
Représentation
Identité individuelle
→ Pour lui, qu’est-ce que le Carnaval ?
Identité collective
→ Pour la population, que représente le Carnaval ?
Évolution
Identité individuelle et personnelle
→ Nouvelle orientation (connaissance, participation et représentation par exemple, la
disparition des duchesses)
42 Le répondant doit habiter CUQ depuis au moins 10 ans
Identité collective
→ Nouvelle orientation (+/- de participation, qui participera selon lui, par exemple, famille,
touriste, …)
SENTIMENT D’APPARTENANCE
Identité individuelle
→ Quel est son attachement au Carnaval ? (disparition, changements majeurs, duchés et
bonhommries,…)
→ Croyez-vous que l’organisation tient compte de ce que vous voulez ? (pouvoir au sein de
l’organisation, …)
Identité collective
→ Attachement des gens de la région de Québec au Carnaval ?
→ Sentez-vous que l’organisation tient compte de ce que veut la population de la région de
Québec?
ATTENTES
Identité individuelle
→ Croyez-vous que le Carnaval va mieux répondre à vos attentes dans le futur ? (évolution
du sentiment d’appartenance individuel)
→ Qu’est-ce que vous souhaiteriez voir apparaître en ce qui à trait aux différentes activités
qui vous ferait participer davantage?
Identité collective
→ Croyez-vous qu’il va représenter les différents groupes sociaux (personnes âgées,
étudiants, adolescent,…) ? (évolution du sentiment d’appartenance collectif)
→ Quels activités feraient augmenter la participation des gens de Québec au Carnaval ?
Avez-vous des commentaires généraux à faire à l’organisme du Carnaval de Québec?
QUESTIONS D’ORDRE GÉNÉRAL
- âge
- sexe
- scolarité
- nombre d’année qu’il vit à Québec (CUQ)
- à quel groupe social s’identifie-t-il ?
- lieu de résidence
- état civil
- nombre d’enfants
- type de participation (traditionnelle, régulière, sporadique ou jamais)
ANNEXE 2 :
Commentaires généraux recueillis
Voici les commentaires recueillis à la fin de nos entrevues. La question était celle-ci :
«Avez-vous des commentaires généraux à faire à l’organisation du Carnaval de Québec ?» Nous
informions préalablement les répondants que la version intégrale de ces commentaires allait être
émit à l’organisme.
Entrevue #1 : homme de 44 ans avec un enfant
«C’est sûr que ce n’est pas drôle que les gens boivent et tout ça. Mais c'est sûr que ce n’est pas
de la faute à l’organisme. C’est sûr que par un comité de sécurité, de contrôle, des permis
d’alcool et tout ça, il devrait organiser ça. Moi personnellement ça me dérange»
Entrevue #2 : homme 22 ans sans enfant
«Dans chaque famille il faudrait qu’ils essaient de «pogner» tout le monde. Puis de garder tout
le monde. Parce que s’ils prennent juste la petite famille ça marchera pas trop leur affaire. En
gros c’est ça»
Entrevue #3 : femme 29 ans sans enfant
«Je n’ai pas de commentaires»
Entrevue #4 : homme 37 ans sans enfant
«Il faudrait faire des études de marché, puis les appliquer. C’est bien qu’il y ait une activité
l’hiver mais il faudrait que ce soit pour les gens de la région d’abord et si ça attire les touristes
tant mieux».
Entrevue #5 : femme 43 ans avec 4 enfants
«Pourquoi l’abolition des duchesses ? Il faudrait laisser la chance aux jeunes de la faire».
Entrevue #6 : femme de 25 ans sans enfant
«Bien moi je voudrais quand même les féliciter, car ils font quand même du bon travail et ils
réussissent à le garder (le Carnaval). Mais je voudrais qu’ils axent plus sur les gens de la région
et leur demander ce qu’ils veulent. Il ne faut pas toujours se concentrer sur les touristes».
Entrevue #7 : femme de 84 ans sans enfant
«Non je n’ai pas de commentaires. Peut-être qu’ils remettent les duchesses mais à part ça non».
Entrevue #8 : homme de 23 ans sans enfant
«Félicitations ! Il faudrait qu’ils continuent leur beau travail et qu’ils ne soient pas hermétiques
aux commentaires de la population. Une belle façon de la faire ce sont les recherches étudiantes.
Je leur dirais d’élargir leur rayonnement international et aussi leur clientèle encore plus».
Entrevue #9 : homme de 49 ans avec 3 enfants
«Non, je n’ai pas de commentaires, sauf ce que j’ai glissé par-ci et par-là dans les différentes
questions. Le souhait c’est que ça reste traditionnel, culturel, une fête dans le sens populaire».
Entrevue #10 : femme 50 ans avec 1 enfant
«Peut-être rendre les activités moins chères, surtout ça. Peut-être mettre les choses plus, comme
on disait, un bal pour tout le monde. En dedans aussi parce que c'est sûr que dehors tu ne restes
pas longtemps. Avec tous les étrangers qui viennent ici et qui ne sont pas tellement chaussés, au
bout d’une demi-heure ils sont gelés. Ils ne vont pas rester une heure à piétiner après le
Carnaval».
Entrevue #11 : femme 29 ans sans enfant
«sans commentaires»
Entrevue #12 : femme 27 ans sans enfant
«Rendre Bonhomme plus accessible. Plus de Bonhomme. Parce que tout mes amis voulaient
voir Bonhomme puis ils ne l’ont jamais vu. Personne ne savait où il était. Ils voulaient qu’on
aille le voir comme le Père-Noël. Je veux bien croire qu’il est unique sauf qu’ils n’ont pas pu
voir Bonhomme pendant le Carnaval. Il a fallu qu’ils attendent jusqu’à parade. Le Bonhomme
est tellement populaire qu’il ne te sert pas la main ou te laisse prendre une photo à moins que tu
sautes devant lui et que tu lui dises : «Hé!» très fort. Sinon, il va seulement voir les petits enfants
puis : «salut et comment ça va ?» Il devrait faire des activités de rencontre de Bonhomme. C'est
pas mon idée mais celle de mes amis.»
Entrevue #13 : homme de 26 ans sans enfant
«C'est une tradition et il faudrait que ça reste-là. Même si, comme je te disais, ça ne me dérange
pas plus que ça et ça ne me dérangera pas de vivre sans. Étant donné que c'est une tradition, une
fête, je pense qu’il faudrait qu’ils fassent quelque chose pour que ceux qui participent soient
encore là, puis surtout que ça fasse connaître Québec. Donc, c'est un aspect qu’il ne faut pas
négliger. Ça ramène sûrement des retombées commerciales durant cette période-là.»
Entrevue #14 : Femme de 38 ans avec 3 enfants
«Je n’ai pas vraiment de commentaires. Je trouve qu’ils font ça bien. Je trouve que de plus en
plus ils réussissent à embarquer les gens, il y a beaucoup de participants. Je me dis qu’au niveau
international ça doit quand même être reconnu parce qu’il y a beaucoup de gens qui viennent
exprès pour le Carnaval. Moi je connais des gens qui ont des restaurants et des boutiques en ville
et ils me disent que c’est toujours plein. Ça fait qu’ils doivent faire une bonne «job». Moi c'est
personnel, peut-être que si j’étais née ici ça ne me ferait rien d’avoir froid mais c'est pas mon cas.
Ils pourraient faire des pieds et des mains moi s’il fait –15oC, moi j’y vais pas. Moumoune !
Mais c'est comme ça.»
Entrevue #15 : homme 21 ans sans enfant
«Je leur dirais peut-être de retourner à la tradition. Malgré le fait que les duchesses aient un petit
côté sourd et muet. Un côté genre sexiste ou peu importe. Je crois que ça l’a beaucoup contribué
à la popularité du Carnaval. Je pense que ça devrait revenir. Puis également, que ça ressemble à
une fête de la tradition. Que la parade soit toujours aussi grosse qu’avant. Je trouve que le volet
familial ça fait trop «télé-tubbies» et que ce n’est pas trop le bon moyen.»
Entrevue #16 : femme 35 ans sans enfant
«Que ça continue. Ils font du bon travail, c'est quand même beaucoup de bénévoles là-dedans.»
Entrevue #17 : homme 19 ans sans enfant
«Je dirais qu’en ce moment c'est plutôt passif, c'est observer quelque chose de beau à regarder.
Les activités se résument pas mal à ça, mais orienter ça du côté actif attirerait peut-être plus de
personnes.»
Entrevue #18 : homme 52 ans avec 4 enfants
«Aucun commentaires»
Entrevue #19 : homme de 76 ans avec 6 enfants
«Je trouve qu’ils ne font pas part de leur bilan. Il n’y a pas assez de transparence, l’argent qu’ils
ont retiré et dépensé. Je suis pas mal convaincu qu’il y a du coulage là-dedans.»
Entrevue #20 : homme de 57 ans sans enfant
«Les activités sont assez diversifiées pour tout le monde.»