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A LA RECHERCHE DES NOMADES DU GRAND ERG Notre itinéraire emprunte des zones que les nomades traversaient et traversent peut-être encore, mais nous n’avons aucune certitude de les trouver. Le gouvernement tunisien refoule ces gens qui viennent d’Algérie sans papier. Par Antoine Sigogneau M ardi matin, Belgacem, notre guide tunisien, fait viser l’autorisation de nos deux équipages à la caserne de Remada. Nous franchissons le poste de contrôle de Kambout et pénétrons dans la zone interdite. Les deux véhicules restent sur la piste principale en direction d’El Borma. Le ravitaillement à la station pétrolière n’est plus autorisé car il se trouve sur la frontière. Il faut donc partir avec des réserves en eau et en carburant plus importantes. Un barrage militaire oblige un arrêt au carrefour des pistes El Borma - Borj El Khadra. Nous continuons vers El Borma, puis nos deux véhicules quittent la piste et s’enfoncent dans les dunes à 30 km de la frontière. Le sable n’est pas porteur car les trois semaines précédentes, le vent a soufflé sans discontinuer. Nos premiers ensablements nous font peu fournir d’efforts grâce aux tractages avec la corde cinétique. Hélas, les anneaux d’accrochage de la Jeep ne résistent pas longtemps aux pressions de nos véhicules surchargés. Ce constat effectué, et refusant de s’arrimer sur les ponts, il ne reste plus qu’à faire usage de nos pelles et de nos plaques à chaque ensablement. Les véhicules franchissent malgré tout les cordons, traversent de nouvelles cuvettes sans rencontrer une âme en vie jusqu’au soir. Notre premier bivouac s’effectue dans l’une des cuvettes sous un ciel étoilé sans un souffle de vent. Le lendemain, la prospection continue d’une ligne de crête à l’autre à la découverte de nouvelles cuvettes. LES DERNIERS NOMADES DES DUNES Le soleil est au zénith lorsque nous apercevons une famille nomade avec quelques chèvres et moutons. Elle est constituée de quatre personnes : un homme âgé, une femme âgée, un homme adulte et un enfant. Le contact s’établit avec le vieux. Il explique que la partie la plus importante du groupe les devance en direction de l’Algérie. La vieille et lui, tous deux physiquement affaiblis, ferment la marche avec huit dromadaires bâtés et l’essentiel du troupeau. Le chibani nous montre que ses yeux mi-clos sont infectés. David s’empresse aussitôt d’aller chercher du collyre dans sa trousse à pharmacie. Nous ne pouvons pas hélas partir au devant du gros de la troupe qui s’enfonce vers l’Algérie car nous sommes déjà à la limite de la zone des 30 km, si notre cap vire à l’ouest et que les militaires nous repèrent, l’infraction pourrait coûter de lourdes sanctions à Belgacem. Nous devons les laisser continuer leur marche vers leurs semblables sans intervenir. Avant qu’ils repartent, nous leur offrons de l’eau, des oranges et du pain. Le vieux nous apprend à ce moment que l’eau z Rien de tel qu’un auvent pour casser la croute en plein midi. 40 41 4x4 Mondial N°120 4x4 Mondial N°120 CARNET DE VOYAGE L e nomadisme semble dépourvu de défenseurs dans les deux pays. Les dirigeants successifs (tous partis confondus) cherchent à sédentariser ces exclus. Chaque pays souhaite surtout montrer une frontière imperméable, sans faire exception de ces «renégats» qui transgressent les lois des hommes au pouvoir, tout simplement parce qu’ils ont toujours vécu ainsi depuis que les premiers hommes existent.

carnet de voyage RECHERCHE DES L DU GRAND ERG€¦ · plus proche de l’origine. La quête se prolonge, mais de bouches à oreilles, David finit par trouver les boulons, rondelles,

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Page 1: carnet de voyage RECHERCHE DES L DU GRAND ERG€¦ · plus proche de l’origine. La quête se prolonge, mais de bouches à oreilles, David finit par trouver les boulons, rondelles,

A LA RECHERCHE DES NOMADES DU GRAND ERG

Notre itinéraire emprunte des zones que les nomades traversaient et traversent peut-être encore, mais nous n’avons aucune certitude de les trouver. Le gouvernement tunisien refoule ces gens qui viennent d’Algérie sans papier. Par Antoine Sigogneau

Mardi matin, Belgacem, notre guide tunisien, fait viser l’autorisation de nos deux équipages à la

caserne de Remada. Nous franchissons le poste de contrôle de Kambout et pénétrons dans la zone interdite. Les deux véhicules restent sur la piste principale en direction d’El Borma. Le ravitaillement à la station pétrolière n’est plus autorisé car il se trouve sur la frontière. Il faut donc partir avec des réserves en eau et en carburant plus importantes. Un barrage militaire oblige un arrêt au carrefour des pistes El Borma - Borj El Khadra. Nous continuons vers El Borma, puis nos deux véhicules quittent la piste et s’enfoncent dans les dunes à 30 km de la frontière. Le sable n’est pas porteur car les trois semaines précédentes, le vent a soufflé sans discontinuer. Nos premiers ensablements nous font peu fournir d’efforts grâce aux tractages avec la corde cinétique. Hélas, les anneaux d’accrochage de la Jeep ne résistent pas longtemps aux pressions de nos véhicules surchargés. Ce constat effectué, et refusant de s’arrimer sur les ponts, il ne reste plus qu’à faire usage de nos pelles et de nos plaques à chaque ensablement. Les véhicules franchissent malgré tout les cordons, traversent de nouvelles cuvettes sans rencontrer une âme en vie jusqu’au soir. Notre premier bivouac s’effectue dans l’une des cuvettes sous un ciel étoilé sans un souffle de vent.

Le lendemain, la prospection continue d’une ligne de crête à l’autre à la découverte de nouvelles cuvettes.

LES DERNIERS NOMADES DES DUNES

Le soleil est au zénith lorsque nous apercevons une famille nomade avec quelques chèvres et moutons. Elle est constituée de quatre personnes : un homme âgé, une femme âgée, un homme adulte et un enfant. Le contact s’établit avec le vieux. Il explique que la partie la plus importante du groupe les devance en direction de l’Algérie. La vieille et lui, tous deux physiquement affaiblis, ferment la marche avec huit dromadaires bâtés et l’essentiel du troupeau. Le chibani nous montre que ses yeux mi-clos sont infectés. David s’empresse aussitôt d’aller chercher du collyre dans sa trousse à pharmacie. Nous ne pouvons pas hélas partir au devant du gros de la troupe qui s’enfonce vers l’Algérie car nous sommes déjà à la limite de la zone des 30 km, si notre cap vire à l’ouest et que les militaires nous repèrent, l’infraction pourrait coûter de lourdes sanctions à Belgacem. Nous devons les laisser continuer leur marche vers leurs semblables sans intervenir. Avant qu’ils repartent, nous leur offrons de l’eau, des oranges et du pain. Le vieux nous apprend à ce moment que l’eau

z Rien de tel qu’un auvent pour casser la croute en plein midi.

40 414x4 Mondial N°120 4x4 Mondial N°120

carnet de voyage

Le nomadisme semble dépourvu de défenseurs dans les deux pays. Les dirigeants successifs (tous partis confondus) cherchent à sédentariser ces exclus. Chaque

pays souhaite surtout montrer une frontière imperméable, sans faire exception de ces «renégats» qui transgressent les lois des hommes au pouvoir, tout simplement parce qu’ils ont toujours vécu ainsi depuis que les premiers hommes existent.

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plus proche de l’origine. La quête se prolonge, mais de bouches à oreilles, David finit par trouver les boulons, rondelles, tuyau et caoutchouc cylindrique convoités. Il effectue le montage chez Belgacem. Nous dînons et dormons chez lui.La journée suivante, le quatuor repart dans la zone interdite par le poste de Kambout, mais cette fois en empruntant de petites pistes dans le djebel, puis dans le reg (désert de cailloux) en direction de Bir Aouine. Le vent souffle, il emporte la poussière et le sable. Nous déjeunons protégés du vent et du soleil dans un abri de berger à proximité d’un réservoir d’eau. Nos deux véhicules reprennent la piste, mais jusqu’au poste de Bir Aouine puisqu’un militaire du campement précédant nous a demandé de pointer. L’accueil est aimable et très focalisé sur notre sécurité. Les deux personnes sorties du fort proposent gratuitement de l’eau minérale en bouteille que nous refusons et rajoutent aussitôt : “ Avez-vous besoin de quelque chose ?” David demande un boulon qu’il obtient. Nous repartons libres de nos obligations de pointage. Le cap est au nord. Nous visons une effusion d’eau près de laquelle le quatuor envisage de passer la nuit. Une piste y va. Nous atteignons une demi-heure après le point dénommé Aïn El Guelb Lahmar (la source du piton rouge). Le piton est insignifiant et se remarque à peine. L’eau jaillit en dessinant une flaque, puis s’écoule vers l’ouest dans la direction des dunes en décrivant des méandres sous forme d’un ruisseau. Il n’y a pas de végétation pour s’abriter et le vent souffle toujours, il gagne même en intensité.

L’EAU SE FAIT RARESamedi, le café du petit-déjeuner se prend aussi sous un abri de fortune. Belgacem récupère neuf barres métalliques qu’il enroule dans son matelas et que je sangle sur la galerie du Land entre les caisses, ceci en prévision de construire un nouvel abri si le vent ne régresse pas. Une piste mène à la principale ainsi qu’à Bir Aouine et les hautes dunes sont à proximité. Néanmoins, une question reste en suspens : l’effusion d’eau peut elle se tarir subitement dans cette région comme ce fut le

cas pour celles de la sphère d’El Borma ? En attendant, nous repassons par le fort, histoire de dire que tout va bien avant d’entrer dans les dunes. Les militaires se montrent toujours aussi disponibles et soucieux de notre sécurité. Nous les quittons vers 10 h. Le cap est au nord-ouest en direction du lac Er Reched. Les premiers cordons se franchissent sans grande difficulté dans la mesure où le sable accroche mieux le matin. Nos capacités physiques sont aussi plus importantes et la chaleur

moins élevée. Il faut dire que

notre groupe s’organise face aux difficultés. Belgacem et moi cherchons les passages avec le Land. Evidement, comme j’ouvre la voie au volant, mon véhicule s’ensable le plus souvent. Mais, dès le plantage détecté, Joan et David arrivent immédiatement prêter main-forte, et si nécessaire avec les plaques puisque c’est la Jeep qui les transporte.

• Mon Defender 110 TD4 avec le moteur boosté par un boîtier Kit Power, reconnaissable à la plaque de son adage «Ici, là-bas ou ailleurs» et à sa carrosserie décorée de stickers africains.• Le Grand Cherokee conduit par le bourguignon David Mangin. Moteur V8 essence 4,7 l. Caisse 

surhaussée avec un kit amortisseur de 6,5 pouces et des pneus de 33 pouces. Total : + 20 centimètres de garde au sol supplémentaires.Chaque conducteur est accompagné d’une personne : Belgacem, le meilleur guide du Sahara tunisien, et Joan, jeune pharmacien de 26 ans.

Nos deux véhicules

ne jaillit plus dans le dernier lac du secteur d’El Borma, la végétation aquatique a séché sur place comme dans les trois autres, les quatre effusions d’eau qui avaient constitué de beaux lacs avec de la verdure sont désormais toutes à sec. Ce constat devient dramatique pour cette famille puisque les points d’eau s’avèrent de plus en plus rares. J’ai vu autrefois ces lacs pleins, qui étaient tous magnifiques. Les nomades construisaient autour des huttes avec des branches et des hautes herbes aquatiques. J’ai observé ensuite chaque effusion d’eau se tarir les unes après les autres, la dernière vient de rendre sa dernière goutte, c’est la fin d’une époque, la fin d’une vie animale et végétale de proximité, et peut-être la fin d’une vie humaine sur ce parcours. Les nomades des dunes doivent à présent transporter des réserves en eau beaucoup plus importantes s’ils souhaitent que leur mode de vie ancestral perdure. Ils conditionnent le

précieux liquide dans de grosses chambres à air lestées sur les dromadaires.Nous déjeunons sous l’auvent du Defender, dans la cuvette de la rencontre, en regardant s’éloigner cette famille imperturbable, perpétuellement en marche vers sa destinée. Nous devons à ce moment prendre une décision. Rien ne sert de chercher d’autres nomades car nous savons qu’il n’y en a plus dans le secteur. De plus, la progression en véhicules s’avère très difficile dans ce milieu dû au franchissement de hautes dunes sur un sable peu porteur. Notre surcharge est aussi un handicap avec de surcroît les accroches de remorquage de la Jeep inutilisables et quelques soucis mécaniques qui viennent encore se greffer là-dessus. Nous décidons de rejoindre la piste d’El Borma afin de retourner à Remada s’alléger et effectuer quelques réparations sur la Jeep. Suivre le sillon de nos traces encore fraîches ne pose pas de soucis, mais il commence à faire chaud. Chaque ensablement se solde par de nombreux coups de pelle sous un soleil de plomb. Puis soudain, les arêtes d’une cuvette facilement franchissables à l’aller, paraissent

dans le sens actuel beaucoup plus difficiles. Le groupe la baptise «La cuvette des galères». Plusieurs tentatives de passage sur différents versants s’avèrent vaines. C’est à ce moment précis que j’éprouve de puissants spasmes intestinaux qui m’handicapent. Nous songeons à préparer le camp pour passer la nuit sur place lorsque David part à pied reconnaître une passe qui lui semble viable. Il revient confiant, puis décide de mettre les capacités tout-terrain de la Jeep à l’épreuve. Et, effectivement, il arrive après plusieurs manœuvres dans les principales phases de la trajectoire, à faire gravir son véhicule en suivant ses points repérés sur la grande montée, et à le hisser sur la crête. Bravo, pour une première sortie dans cet environnement, c’est une performance. Dans mon cas, je n’arrive à monter le Land avec de l’élan qu’aux trois quarts du dénivelé. Le quart restant ne peut être franchi qu’avec les quatre plaques qu’il faut repositionner tous

les 150 cm sous les quatre roues. Il fait nuit lorsque les deux véhicules reposent sur la surface de crête. Nous dormons sur place.

UN VENT À DÉCORNER LES GAZELLESJeudi, la piste d’El Borma est atteinte sans grosses difficultés vers midi. Le retour à Remada par la piste principale (trop chargés et à vitesse excessive) provoque le déchirement de mes pneus arrière réchappés, visible par l’apparition de petites coupures régulières sur toute leur circonférence. David ausculte la Jeep chez Belgacem. Il sort le pneu arrière droit. Des écrous ont dévissé et les boulons sont à changer, un tuyau de frein a été sectionné par les amortisseurs, le silentbloc des barres de suspensions est atrophié. Nous devons solliciter les commerçants de Remada pour bidouiller une réparation avec des pièces au

z Abri de fortune pour se protéger du vent.

z Les nomades souffrent beaucoup d’infections des yeux. Le collyre arrive à les traiter.

z Pneus larges au profil peu adapté au sable, la puissance du V8 a fait le reste pour franchir

les dunes. Mais sur les crêtes, c’est l’expérience

qui compte.

42 434x4 Mondial N°120 4x4 Mondial N°120

carnet de voyage

z Scéance de mécanique à Remada. Avec un peu

de patience, on trouve vraiment de tout sur place.

z Installation du bivouac à la tombée de la nuit.

Liaisons maritimes avec son véhicuLe

euromer : www.euromer.net • Tel : 04 67 65 67 30Au départ de Marseille avec la SNCM (grèves fréquentes) ou CTN (pas de grève dans la compagnie tunisienne de navigation et les formalités d’entrée en Tunisie se font à bord)Départ de Gènes (moins cher) avec la CTN et Grandinavi. Possibilités aussi au départ de Livourne, Naples, Cagliari en Sardaigne et Trapani en Sicile.

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En guise de rafraîchissement, chacun notre tour nous essayons la douche de la Jeep. La réserve sur la galerie envoie l’eau jusqu’au pommeau avec de la pression, celui qui se lave se tient debout le long de la carrosserie, les pieds sur une plaque de désensablement. Ce soir, nous préparons le repas en épluchant des légumes de Remada. David se charge de la cuisson. Il y a un peu de vent, sans toutefois nécessiter le montage d’un abri particulier. Tout se présente bien pour passer une bonne soirée.Dimanche, le vent s’est levé durant la nuit. Les ensablements dans les cordons nous font respirer et avaler du sable. La progression ralentit avec seulement quelques kilomètres parcourus dans la matinée. Lors du repas de midi, il faut tenir les pieds de l’auvent pour qu’il ne s’envole pas. Nous voulions arriver au lac ce soir, c’était sans compter sur Eole qui ne faiblit pas. L’après-midi nous fait malgré tout gagner encore quelques kilomètres. Nous devons cependant songer à établir le camp dans une cuvette à 18h30. Le vent souffle toujours, et pour préparer le repas du soir, il ne reste plus qu’à confectionner un abri avec les barres métalliques récupérées et les bâches. L’abri terminé offre un espace d’environ deux mètres carré. On y met la table, quatre chaises et le campingaz au sol, ça suffit pour préparer la popote.

DES OASIS TRÈS FRÉQUENTÉESLundi, heureusement cette fois-ci, le vent a faibli durant la nuit. Nous plions rapidement le camp afin de profiter d’un sable plus porteur en matinée. Et effectivement, les véhicules avancent. Quelques ensablements sont certes à signaler, mais à midi, nous nous arrêtons sur une crête avec vue sur le lac et son îlot de verdure à nos pieds. Bizarrement ici, de la roche affleure du sable, d’où le nom du lac : Hwedhat Erreched (les petites cuvettes de pierre). Nous descendons à l’oasis, émerveillés comme des marins éprouvés qui atteignent une île. J’avais rencontré ici, il y a huit ans, un groupe de nomades algériens avec six dromadaires qui remplissaient leurs outres (boudins de chambres à air de 50 à 60 kg chacun) avant de s’enfoncer dans les dunes à l’ouest, il n’y avait qu’eux sur les lieux. Aujourd’hui, je suis surpris de voir un café implanté de chaque côté de la source depuis déjà trois saisons. Chaque hiver, l’oasis devient durant chaque hiver le point de ralliement des groupes de raiders en 4x4 et en quad, ils viennent généralement du nord s’amuser dans le «grand

bac à sable», heureusement, rares sont les intrépides qui l’atteignent en venant du sud. Mardi 1er mai, le cap vise toujours le nord, par Timbaïne. Il reste encore quelques cordons à franchir. Désormais, une piste visible dans les cuvettes nous oriente vers les points de passage. Les difficultés s’amoindrissent, et pour preuve, aucun plantage à signaler sur ce parcours. Nous arrivons à 11h30 au camping de Timbaïne. Eh oui, un camping avec un grand chapiteau s’est implanté ici. Dès lors, cap au sud-est vers Ksar Ghilane. David a un souci mécanique, il démonte sur

la piste l’arbre de transmission avant, un caoutchouc s’est ouvert, il doit lubrifier les points de friction. Nous bivouaquons à côté d’une cabane déserte intitulée «café Rasstergui». Joan et Belgacem vont chercher du bois, je reste avec David observer la réparation de l’arbre. Le dîner se partage dans une pièce ouverte de la cabane et nous dormons sous tente devant l’entrée.

UN DERNIER PAIN, POUR LA ROUTEMercredi, Joan, à peine réveillé, pétrit déjà la pâte. Nous avions emporté une réserve de farine pour faire du pain tous les jours, le vent nous a souvent freiné, nous voulons lors des deux derniers confectionner notre propre pain. David remonte l’arbre de transmission avant du Cherokee. Nous repartons sur la piste. Je la quitte en apercevant le fort romain afin d’atteindre le site par les dunettes. C’est la construction antique la plus au sud du pays. Elle marquait la limite de la conquête latine, le fort fut d’ailleurs à l’époque régulièrement assailli par les attaques des Garamantes sur leurs chars attelés. Nous rallions la palmeraie et la source de Ksar Ghilane par les dunes. Cette oasis autrefois

tranquille fait désormais office de base touristique, la plus au sud du désert tunisien.Le monde s’entasse sur les terrasses situées autour du bassin d’eau chaude devenue la destination à la mode. Nous déjeunons à l’écart, en surplomb des jardins de la palmeraie. Je gonfle mes quatre pneus avec ma pompe à main avant de partir. Nous allons prendre un café sur la plus grande terrasse devant le bassin, puis reprendre la route. Hé oui, le goudron vient jusqu’ici, nous le suivons jusqu’à l’embranchement du pipeline et bifurquons à droite, cap plein sud. L’asphalte s’arrête quelques kilomètres après, l’axe redevient la principale piste qui s’étire jusqu’à Borj El Khadra, point de latitude le plus bas du pays. Nous croisons trois 4L, et juste après, des militaires stationnés en bordure de piste nous contrôlent avec un Hummer doté d’une tourelle. La descente vers le sud s’arrête à Kamour, station de pompage du pétrole algérien d’In Aménas acheminé par pipe jusqu’au

port tunisien de Gabès, et poste de contrôle militaire permanent régulant l’accès de toute la zone désertique soumise à autorisation. Notre dernier bivouac s’établit près d’une petite arête de sable dans le reg. Là, notre premier ouvrage consiste à chercher du bois puis, Belgacem allume un petit feu afin de faire bouillir le thé. Nous préparons le dîner dans la marmite calée sur trois cailloux. Il faut hélas encore se protéger du vent qui reprend vigueur avec une bâche attachée entre les deux véhicules. Jeudi, Joan et Belgacem utilisent la fin de la réserve de bois pour faire un nouveau pain des sables. Il est toujours aussi savoureux. Nous rallions de petites pistes jusqu’au petit village de Breguet, près duquel repose une forêt fossilisée. Les deux véhicules remontent sur le goudron à quelques kilomètres de Remada. Le quatuor regagne le domicile de Belgacem à l’Achouche. z

Elle devient beaucoup plus stricte qu’auparavant. Il est désormais nécessaire de faire la demande à une agence de tourisme tunisienne qui la transmet au commissaire au tourisme du gouvernorat. Les responsables militaires sont avisés du parcours qu’ils consultent au jour le jour, puis acquiescent ou non à la demande. Détenir un téléphone par satellite est obligatoire avec le numéro d’appel transmis sur le dossier. Un guide tunisien doit accompagner le groupe constitué d’au moins deux véhicules. Le responsable de l’équipe signe un document pour finaliser la transaction, où il s’engage à respecter la réglementation et surtout à ne pas dépasser les limites de la zone autorisée, notamment celle de trente kilomètres de la frontière algérienne. Sur l’autorisation figurent les types de véhicules et leurs plaques d’immatriculation, les noms des passagers et leurs numéros de passeports, les postes de contrôle militaire où il faut se faire pointer, cette formalité est facturée 150 €.

LA ZONE SOUMISE À AUTORISATION

z En milieu saharien, un pré-filtre cyclonique placé en haut du snorkel est indispensable.

z Partie de surf des sables dans le Grand Erg.

z Douche improvisée en pleine nature. Un grand

moment de bonheur.

454x4 Mondial N°120 4x4 Mondial N°120

carnet de voyage

44

z Vaisselle dans un ruisseau apparu subrepticement.

z Les croisements de ponts peuvent occasionner des déboitements de ressorts.