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CARTOGRAPHIE DE LA CORROSION D’ARMATURES PAR GÉORADAR Alexander Tarussov, Marc Vandry Détection Radex inc., 91, ch. Vallée, Brome (Québec ) J0E 1K0 Jacques Blais IDS Amérique du Nord, 152 Notre-Dame E., Suite 500 Montréal (Québec) H2Y 3P6 La capacité du géoradar de détecter les zones de dégradation dans le béton armé est connue depuis les années 1980. Trente ans plus tard, cette méthode reste toujours expérimentale et peu utilisée malgré une panoplie d’essais. La principale source d’erreurs est ce que tout traitement numérique d’images radar, couramment favorisée, est inférieur à l’analyse visuelle de ces images. La méthode proposée est basée sur la détection d’anomalies de conductivité causées par la corrosion. Le traitement que l’on a utilise avec succès sur des structures au Québec, est l’interprétation visuelle assistée par ordinateur. La meilleure performance de l’analyse visuelle s’explique par l’analyse simultanée de plusieurs paramètres ainsi que par la suppression efficace du bruit et des interférences. L’obstacle principal qui reste à résoudre, est l’ombrage par les barres longitudinales. La solution proposée est d’utiliser les réseaux d’antennes multiples. Dans ce cas, l’implémentation de la technique de radar à double faisceau (double polarisation) aux tabliers de pont permettra une amélioration additionnelle des résultats. Introduction La technologie de géoradar existe de façon commerciale depuis le début des années 1970. Dès ses débuts, les opérateurs ont constaté des anomalies de l'image dans les zones où le béton paraissait endommagé. Malgré cela, l'usage principal de cette technologie a toujours été centrée sur la localisation d'objets dans le béton. Il faut comprendre cependant que le potentiel du radar comme moyen de détection de défauts dans les ouvrages de béton est clairement reconnu depuis au moins 30 ans (Ulriksen, 1982). Malgré la reconnaissance de ce potentiel, il n'existe toujours pas de procédure fonctionnelle et approuvée pour l'utilisation du géoradar permettant la détection des défauts du béton dus à la corrosion. De fait, le problème perdure puisqu’il n'y a eu presqu'aucun développement dans ce domaine depuis les années 1980. Lorsque l’on en parle c’est toujours associé à des termes tels que « futur » et « inconnus ». Ce document examine l'histoire du géoradar, explique les méthodes d'analyse de données dans le contexte des défauts causés par la corrosion et propose une méthodologie pour une analyse visuelle assistée par ordinateur pour produire des cartes de corrosion dans des structures de béton. L'histoire du géoradar comme outil de détection de défauts L'équipement de géoradar n'a pas changé énormément depuis son introduction. Les systèmes sont utilisés principalement pour la localisation d'objets dans le béton tels les barres d'armature, les conduits électriques et de plomberie et les éléments de structure (poutres, colonnes, etc.). Quelques compagnies ont toutefois essayé d'introduire des systèmes qui tentaient de cartographier les zones de défauts dans des grandes surfaces de béton (surtout les tabliers de pont). Ces systèmes n'ont malheureusement pas produits les succès escomptés et, par conséquent, l'utilisation du géoradar est reléguée en grande partie à son usage original. De plus, ces projets 11-1

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CARTOGRAPHIE DE LA CORROSION D’ARMATURES PAR GÉORADAR

Alexander Tarussov, Marc Vandry Détection Radex inc., 91, ch. Vallée, Brome (Québec ) J0E 1K0

Jacques Blais

IDS Amérique du Nord, 152 Notre-Dame E., Suite 500 Montréal (Québec) H2Y 3P6

La capacité du géoradar de détecter les zones de dégradation dans le béton armé est connue depuis les années 1980. Trente ans plus tard, cette méthode reste toujours expérimentale et peu utilisée malgré une panoplie d’essais. La principale source d’erreurs est ce que tout traitement numérique d’images radar, couramment favorisée, est inférieur à l’analyse visuelle de ces images. La méthode proposée est basée sur la détection d’anomalies de conductivité causées par la corrosion. Le traitement que l’on a utilise avec succès sur des structures au Québec, est l’interprétation visuelle assistée par ordinateur. La meilleure performance de l’analyse visuelle s’explique par l’analyse simultanée de plusieurs paramètres ainsi que par la suppression efficace du bruit et des interférences. L’obstacle principal qui reste à résoudre, est l’ombrage par les barres longitudinales. La solution proposée est d’utiliser les réseaux d’antennes multiples. Dans ce cas, l’implémentation de la technique de radar à double faisceau (double polarisation) aux tabliers de pont permettra une amélioration additionnelle des résultats. Introduction La technologie de géoradar existe de façon commerciale depuis le début des années 1970. Dès ses débuts, les opérateurs ont constaté des anomalies de l'image dans les zones où le béton paraissait endommagé. Malgré cela, l'usage principal de cette technologie a toujours été centrée sur la localisation d'objets dans le béton. Il faut comprendre cependant que le potentiel du radar comme moyen de détection de défauts dans les ouvrages de béton est clairement reconnu depuis au moins 30 ans (Ulriksen, 1982). Malgré la reconnaissance de ce potentiel, il n'existe toujours pas de procédure fonctionnelle et approuvée pour l'utilisation du géoradar permettant la détection des défauts du béton dus à la corrosion. De fait, le problème perdure puisqu’il n'y a eu presqu'aucun développement dans ce domaine depuis les années 1980. Lorsque l’on en parle c’est toujours associé à des termes tels que « futur » et « inconnus ». Ce document examine l'histoire du géoradar, explique les méthodes d'analyse de données dans le contexte des défauts causés par la corrosion et propose une méthodologie pour une analyse visuelle assistée par ordinateur pour produire des cartes de corrosion dans des structures de béton. L'histoire du géoradar comme outil de détection de défauts L'équipement de géoradar n'a pas changé énormément depuis son introduction. Les systèmes sont utilisés principalement pour la localisation d'objets dans le béton tels les barres d'armature, les conduits électriques et de plomberie et les éléments de structure (poutres, colonnes, etc.). Quelques compagnies ont toutefois essayé d'introduire des systèmes qui tentaient de cartographier les zones de défauts dans des grandes surfaces de béton (surtout les tabliers de pont). Ces systèmes n'ont malheureusement pas produits les succès escomptés et, par conséquent, l'utilisation du géoradar est reléguée en grande partie à son usage original. De plus, ces projets

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ont réussis à endommager la réputation du géoradar puisque les résultats obtenus n'avaient souvent aucune correspondance à l'état réel des structures étudiées. Un de ces projets est le système IRIS, développé par la compagnie américaine Penetradar au début des années 1990. Le système, qui comprenait plusieurs antennes surélevées et un ordinateur puissant, était monté sur un camion. L'intention était de traiter automatiquement les données et de produire une carte de delamination directement sur le site et immédiatement après que les données aient été collectées. Penetradar avait pourtant réussi à convaincre un grand nombre d’organismes gouvernementaux de transport aux États-Unis d'acquérir plusieurs de ses systèmes, qui coutaient chacun près d'un demi-million de dollars, sans jamais être en mesure de livrer les résultats annoncés. Le projet a alors été abandonné non sans avoir négativement affecté la notoriété des géoradars. Un autre échec marquant fût le système HERMES, conçu par le Lawrence Livermore National Laboratory. Celui-ci, développé au coût de plusieurs millions de dollars, comportait un réseau de 64 (8 x 8) antennes à haute fréquence. Les antennes étaient connectées à un ordinateur permettant le traitement par un algorithme de radar à ouverture synthétique tel qu’employé dans le traitement de données de radars aéroportés et satellitaires. HERMES permettait de relever une bande de données d’une largeur de 1.9m à une vitesse de 30 km/h. Pourtant, de la même façon que pour le IRIS, les résultats ont été considérés comme non-satisfaisants (Scott et al., 2001). D'autres projets de recherche et d'essai moins ambitieux mais plus rigoureux ont été effectués aux États-Unis et au Canada depuis 1990, y compris plusieurs projets-pilote du Ministère des Transports du Québec. Dans la plupart des cas, les résultats n’ont toujours pas comblé les attentes.

Fig. 1: Systèmes IRIS (gauche) et HERMES (droite)

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Réponse du géoradar aux anomalies dans le béton armé Le géoradar est essentiellement une technologie assez simple. L'antenne génère des éclats d'ondes radio (fréquence typiquement entre 1 et 2.5 GHz) qui pénètrent de façon non-destructive dans le matériau investigué. Ces ondes sont réfléchies sur des objets dans le béton ou des changements dans le matériel. L'image générée est en effet une coupe en section de la dalle sous la trajectoire de l'antenne. Le signal réagit principalement aux paramètres électriques du milieu, dont les deux plus importants sont:

La conductivité électrique La constante diélectrique

Le passage du signal dans un matériau dont la conductivité est élevée génère des courants électriques dans ce matériau. La perte d’énergie causée par ces courants a comme résultat l’atténuation importante de l’amplitude du signal. La conductivité augmente avec la présence de produits de corrosion (rouille) et du sel (ions chlorures). Les réflexions sur les objets dans la dalle (barres d’armature, fissures, vides etc.) causent une perte d’amplitude et peuvent avoir l’effet similaire à l’atténuation. La constante diélectrique contrôle la vitesse du signal. Dans les dalles de béton, la constante diélectrique varie presque uniquement en fonction du taux d’humidité. La teneur en eau élevée ralentit le signal et augmente l’épaisseur apparente de la dalle. L’eau comme telle influence très peu l’atténuation du signal. Les réflexions dans les dalles proviennent surtout des barres d’armature et de l’interface asphalte-béton. La plupart des fissures dans le béton sont trop minces pour générer une réflexion. L’atténuation du signal est utilisée comme critère principal de l’état du béton. Pourtant, l'analyse des publications révèle une grande confusion concernant les causes de l’atténuation du signal radar dans les zones de détérioration. Les fissures de delamination, la diminution du diamètre de barres et l’humidité sont souvent et incorrectement reliés aux anomalies d’amplitude. Pourtant, l’influence réelle de ces phénomènes sur cette même amplitude du signal est plutôt négligeable:

Les fissures sont généralement trop minces pour influencer l’image produite par le radar. Seules les fissures de très grandes ouvertures (2-3 mm et plus) peuvent produire des réflexions ou de l’atténuation dans les données.

Le diamètre des barres d'armature a peu d'influence sur l'amplitude des réflexions. En polarisation standard, la réflexion sur une barre de 10mm est identique à celle sur une barre de 25mm. L'atténuation du fond de la dalle ne s'explique pas non plus par la variation du diamètre des barres.

L'humidité, elle, influence la vitesse du signal plutôt que l'amplitude de la réponse. Toutes ces considérations nous amènent à la conclusion suivante: l'atténuation du signal dans les zones de détérioration est causée principalement par l'augmentation de la conductivité du béton entourant les barres corrodées. Le mécanisme du processus de détérioration du béton est démontré dans la Figure 2.

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L'eau et le sel pénètrent dans le béton par des petites fissures ouvertes; les barres d'armature sont exposées à la corrosion; d'autres fissures en sont engendrées et elles se remplissent de produits de la corrosion (rouille); et, des ''nuages'' de béton dont la conductivité est augmentée se forme alors autour des barres endommagées. Le signal faibli lorsqu'il rencontre ces ''nuages'' de conductivité élevée. L'atténuation des réflexions des barres supérieures et du fond de la dalle sont les indicateurs les plus visibles.

Figure 2: La détérioration du béton liée à la corrosion de barres d'armature

Afin de démontrer l'effet de ce processus, nous pouvons analyser les résultats d'un sondage de poutres à la Place Dominion à Montréal. Ce sondage a été effectué en 2009 par Détection Radex et a été commandé par la firme d'experts-conseils NCK (Nicolet, Chartrand, Knoll). Les poutres en question sont des poutres en acier enrobées de béton. Le sondage géoradar a été effectué sur la paroi longitudinale de la poutre. L'objectif de l'analyse était de cibler des zones ou l'acier de la poutre démontrait des signes de corrosion. On peut observer dans la Figure 3 la réflexion du signal à la surface corrodée, contrairement au passage du signal entre les barres corrodées dans les dalles de tablier. On remarque une atténuation importante dans l’enrobage de poutre qui ne contient pourtant aucune barre (quelques broches de treillis seulement). La seule source de cette atténuation est la pénétration de la rouille dans l’enrobage par les microfissures.

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Figure 3: La réflexion radar sur l'âme d'une poutre d'acier corrodée Analyse numérique de profils de géoradar Depuis 1996, les membres de l'équipe de Détection Radex ont participé dans plusieurs essais commandés par des organismes gouvernementaux de transport (MTQ, FHWA) ainsi que par des firmes de génie conseil (CIMA+, Inspec-Sol, etc.). L'expérience ainsi acquise nous a permis d'analyser les points forts et faibles des approches de traitement de données utilisées dans le milieu. Il existe une tendance dans le domaine du géoradar qui est axée sur l'analyse strictement numérique des images radar. Cette analyse assigne des mesures d'amplitude de réflexion sur des points dans les profils et tire des conclusions basées sur les résultats. Cette analyse numérique engendre souvent des résultats décevants. Après les relevés, une valeur d’amplitude est mesurée à l’aide d’un logiciel sur toute la surface de la structure en question. Cette valeur est par la suite cartographiée et ses variations relatives sont utilisées comme critère de l’état de la dalle. Selon la méthode choisie, la valeur en question peut être l’amplitude de réflexion sur les barres (Parillo et al., 2006) ou sur le fond de la dalle (ASTM 6087). L'analyse numérique est utilisée pour deux raisons principales: premièrement, l'accélération du traitement de données. Le géoradar collecte une quantité énorme d’information; en unités informatiques, les profils bruts représentent typiquement 10 Kb par mètre linéaire de profil. Le traitement de ces données est long et complexe, et l’extraction numérique d’une valeur réduit immédiatement ce travail. Malheureusement, cette opération supprime en même temps presque toute l’information contenue dans les profils originaux.

Deuxièmement, remplacer l'opinion de l'analyste par un paramètre numérique est considéré être plus précis et plus objectif. Cette idée vient des relevés du potentiel de corrosion,

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mais elle ignore complètement la nature des données de géoradar, qui est un instrument d'imagerie.

Un exemple de traitement numérique est démontré dans les figures qui suivent. Plusieurs profils ont été collectés au Cross-Bay Bridge à Queens, New York. L'amplitude à été mesurée sur plusieurs points et cartographiée.

Figure 4: Cross-Bay Bridge, Queens, NY. Profil typique démontrant des zones de corrosion - Mesures d'amplitude aux points colorés

Amplitude barres

78

80

82

84

86

88

90

92

116 118 120 122 124 126

X, m

Am

p.,

dB

Figure 5: La nature bruitée de données radar.

La figure précédente (fig. 5) démontre une carte d'amplitudes radar présentés en courbes de niveau colorées. L’utilisation de courbes de niveau est une autre ''tradition'' provenant de la cartographie du potentiel de corrosion, qui est plutôt mal ajustée aux données de radar. Les courbes de niveau sont idéales pour la représentation graphique d’un paramètre dont les

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variations spatiales sont graduelles. Pourtant, les limites de zones de corrosion dans les profils de radar (et en réalité) sont plutôt abruptes (fig. 4). Dans ce cas, il est plus précis de dessiner les limites de zones telles qu'elles apparaissent en réalité, sans interpolation entre les courbes de niveau. Plusieurs autres limitations de l’analyse numérique comprennent l’influence de l’ombrage par les barres, le besoin de corrections pour la profondeur, etc. Analyse visuelle de profils de géoradar Dans la plupart des cas, il est donc plus précis d'utiliser une approche visuelle pour analyser les profils géoradar. Dans le cas du Cross-Bay Bridge, les résultats d'une analyse visuelle est démontrée dans la figure suivante.

Figure 6: Cross-Bay Bridge (Queens, NY) - Cartographie des zones de corrosion avec analyse visuelle

La clarté de la carte du Cross Bay bridge ci-dessus illustre la suppression du bruit lors de l’analyse visuelle par rapport à la cartographie numérique. L’œil de l’analyste élimine facilement les petites variations d’amplitude à l’intérieur de zones de corrosion. L’analyste identifie également toute anomalie qui n'est pas reliée à l'état de la dalle.

Des atténuations peuvent être crées par des éléments de structure ou des obstacles (flaque d'eau à la surface, barres d'armatures rapprochées qui cachent le fond de la dalle, poutres ou colonnes sous la dalle, etc.). De plus, puisque l'amplitude des réflexions est forcément moins grande pour des éléments plus profonds, une analyse numérique peut générer des faux résultats s'il analyse seulement l'amplitude. L'identification visuelle de ces zones est assez rapide et fiable pour un analyste expérimenté, mais souvent trop complexe pour l'identification automatique (fig. 7).

Figure 7: Les similarités entre les zones de corrosion et les variations structurales.

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Exemples de projets – Analyse visuelle Dalle de stationnement souterrain, Montréal, Qc. L'inspection d'une dalle de stationnement souterrain autour d'une zone démolie a permis à Détection Radex de vérifier la précision de l’approche visuelle. L'analyse par géoradar a été faite après l'effondrement de la dalle et les résultats ont été comparés aux morceaux de la dalle après la démolition. Lors de la démolition, les limites des zones de corrosion étaient précises à la barre près. La dernière barre sans corrosion et la première barre corrodée étaient identifiées correctement. Un exemple de données radar de cette dalle et la carte résultante de corrosion sont présentés ci-dessous.

Pont Gédéon-Ouimet, Laval, Québec Les avantages de l'analyse visuelle sont encore plus évidents dans les cas difficiles. Nous avons utilisé cette approche pour les relevés du pont Gédéon-Ouimet (Laval, Québec) en 2007 pour la firme LVM-Technisol. Le tablier de pont dont la longueur dépasse 1000 m, est un défi majeur à cause de barres d’armature très serrées (espacement 10-15 cm). En plus, de

Figure 8: Profil radar typique - Corrosion dans une dalle de stationnement. Plusieurs zones de corrosion modérée et sévère sont visibles ainsi que les fissures de délamination au niveau des barres supérieures.

Figure 9: Carte de corrosion de la dalle de stationnement.

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nombreuses anomalies structurales sont présentes dans les données: poutres, anciennes réparations, joints, etc. (Fig.7, 10). Dans ce cas, l’amplitude de barres supérieures était l’indice le plus important à cause de l’ombrage complet du fond par les barres. Chaque ligne longitudinale contient les réflexions sur plus de 7000 barres. Un logiciel avancé pour l’identification de réflexions hyperboliques nous a permis d’extraire rapidement les valeurs d’amplitude avec un taux de réussite (identification correcte de barres) de 99.5%. L’analyse visuelle utilisant cette information, a générée les cartes de corrosion pour chaque de 52 travées du pont. Ces résultats ont été comparés avec les relevés du potentiel de corrosion.

Figure 10: Profil radar typique - Pont Gédéon-Ouimet, Laval, Québec

Quai de Matane, Matane, Québec Les relevés sur le quai de Matane pour la firme Inspec-Sol se sont avérés être un grand défi pour l’interprétation. Dans cette structure, le placement de barres est très varié – l’espacement et le recouvrement change, les barres supérieures sont absentes dans plusieurs sections du quai. Le plus grand problème, c’est que la corrosion est surtout présente dans le rang inférieur d’armatures, ombragé par le rang supérieur (Fig.11). Cette corrosion est causée par l'eau salée présente sous le quai plutôt que par des infiltrations par la surface supérieure. L’analyse visuelle est la seule approche possible dans cette situation, parce que le niveau de bruit est comparable aux variations d’amplitude.

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Figure 11: Quai de Matane, Matane, Québec. - Exemple de la zone de corrosion dans le rang inférieur (profil haut). En bas, le profil parallèle 2 pi. plus loin la démontre plus clairement (encerclé) grâce à l'absence de barres supérieures.

Même dans une structure si complexe, les résultats de l’interprétation visuelle sont satisfaisants. Ils sont présentés sous forme de cartes de zones de 6 x 6 m avec l’indication spécifique de la corrosion dans les barres inférieures, supérieures ainsi que des fissures de delamination.

Figure 12: Quai de Matane, Matane, Qc. Cartographie de corrosion (vert = bon, jaune = corrosion modérée, rouge = corrosion sévère, hachuré = corrosion dans le rang supérieur). Les flèches indiquent la position des profils radar.

Dans tous les cas mentionnés, l'analyse par géoradar a fourni des résultats plus détaillés et plus précis que le potentiel de corrosion et le carottage. Compte tenu des limites abruptes des zones de corrosion, il est possible d’avoir une carotte sans aucun signe de détérioration à 6 po. d’une zone de corrosion sévère. Seule la démolition ou l’enlèvement du béton sur une surface importante donnent des informations assez détaillées pour l’évaluation de la performance de

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géoradar. Dans les cas où cette vérification a été faite (5 structures à date), les résultats de l'analyse visuelle étaient précis à 85% et plus. Analyse numérique vs. analyse visuelle Pour tous les projets décrits dans la section précédente, l'analyse visuelle des fichiers radar s'est démontrée plus avantageuse que l'analyse numérique.

Les zones de corrosion peuvent être identifiées avec plus de certitude. Les anomalies structurales ou de surface ne sont pas faussement identifiées comme

des zones de corrosion. La correction pour la profondeur variable est facile. Le filtrage visuel par l'analyste réduit le bruit aléatoire. Les limites exactes des zones endommagées sont cartographiées au lieu des courbes

de niveau. La précision des résultats est plus grande avec une analyse visuelle et les cartes générées sont plus proches de la réalité des sites examinés. Ce phénomène n'est pas si surprenant. Le géoradar n'est pas un instrument de mesure, mais plutôt un instrument d'imagerie. Les systèmes n'ont pas de calibration interne pour la mesure précise de l'amplitude. Le géoradar est conçu pour générer l’image permettant l’analyste de voir les variations de propriétés diélectriques dans le matériau ausculté. Dans ce sens, il est similaire aux Rayons X ou aux caméras photo. Personne n’est surprise que les radiographies sont analysées visuellement. L’analyste expérimenté est capable d’interpréter dans quelques secondes une image très complexe. L’interprétation de ces images par logiciel serait évidemment impossible ou trop compliquée. C’est également vrai dans le cas du géoradar. L'analyste, contrairement aux logiciels de traitement de données, peut faire l'utilisation de plusieurs paramètres en même temps. Il peut tenir compte de toute anomalie visible – changement dans l'espacement des barres, plaque d'eau en surface, obstruction de l'image par un obstacle ou un élément de structure, atténuation de l'image, changement apparent de l'épaisseur de la dalle, etc. Un analyste peut aussi ignorer les petites variations à l'intérieur d'une zone uniforme et généraliser les résultats. Bref, une analyse numérique fait souvent des erreurs puisqu'elle elle ne peut pas faire des décisions basées sur l'entièreté de l'image. Plusieurs méthodes d'analyse employées par les ingénieurs et techniciens utilisent l’analyse visuelle ou auditive: l’inspection visuelle de structures, l’auscultation au marteau et à la chaine, la radiographie de pièces d’avion par Rayon X, etc. Ces évaluations ''subjectives'' sont souvent plus précises et efficaces que les mesures utilisant des dispositifs techniques. Ces méthodes sont standardisées et utilisées mondialement. Il n’y a pas de raison logique de rejeter l’approche visuelle à l’évaluation de structures au géoradar. Ce document propose que l'analyse visuelle est plus efficace que l'analyse numérique. Par contre, le traitement de données est beaucoup plus lent. Il est donc important de résoudre le problème de vitesse de traitement avec une approche visuelle assistée par ordinateur.

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Analyse visuelle assistée par ordinateur Le problème majeur de l'analyse visuelle d'images géoradar est la vitesse de traitement de données. Les analyses de structures peuvent souvent générer des centaines de profils radar qui doivent être examinées individuellement. Détection Radex à mis l'importance sur la création du logiciel qui devient un instrument qui assiste l'analyse visuelle plutôt que d'analyser les images directement (Fig. 13). Il permet à l'analyste de ''cliquer'' sur les limites de zones différentes (étapes 1 et 2) et d'appliquer une valeur à cette zone (étape 3). Les coordonnées du début et de la fin de chaque zone ainsi que le type de zone sont enregistrés dans une base de données (étape 4). Le logiciel mesure simultanément les amplitudes de réflexion sur les barres et sur le fond de la dalle et affiche les courbes d’amplitude devant l’analyste qui peut les utiliser pour confirmer ces conclusions. Le module d’identification automatique des hyperboles est employé dans cette opération.

Figure 13 - Fonctionnement du logiciel d'analyse visuelle assistée.

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Figure 14: Carte de corrosion générée à l'aide de logiciel d'analyse visuelle assistée

L'approche visuelle assistée par ordinateur permet d’interpréter un profil radar de 1 km de long dans moins de 10 min. Le traitement d’un jeu de données complet pour un pont de cette longueur prend quelques heures seulement. La livraison du rapport complet dans un délai de 48 heures est parfaitement réaliste. Réseaux d'antennes L'approche illustrée ci-dessus permet de générer une carte de corrosion dans un délai de quelques heures. Le plus grand obstacle à la qualité des résultats qui reste à résoudre, est l’ombrage par les barres longitudinales. C'est à dire, quand une ligne de collecte est directement par dessus une barre dans la même direction que cette ligne (Fig.15). Couramment, jusqu’à 50% des profils radar sont ombragés par les barres longitudinales.

Figure 15: Perte d’information causée par l’ombrage.

Dans les relevés de petites surfaces comme la détection de barres et de conduits avant les percements, les barres supérieures sont localisées en premier, ensuite les relevés sont effectués entre les barres afin d’assurer la meilleure qualité de données. Cette procédure est essentielle pour les relevés à double faisceaux (Tarussov et Tremblay, 2008) parce que les dipôles parallèles aux relevés sont extrêmement sensibles aux barres longitudinales. Pour cette raison, cette technique

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ne s’applique pas sur les grandes surfaces comme les tabliers de pont. Il n’y a actuellement aucune méthode permettant de garder l’antenne entre les barres longitudinales sur un long trajet. Détection Radex en collaboration avec IDS est en train d’expérimenter avec la solution très prometteuse utilisant les réseaux d’antennes rapprochées. L’équipement de ce genre est disponible depuis moins d’un an. Le réseau Hi-Bright que nous utilisons contient huit antennes de polarisation HH (dipôles perpendiculaires à la direction des relevés) et huit antennes VV (dipôles parallèles à la direction des relevés) (fig. 16).

Sur huit antennes espacées de 100 mm dans la direction transversale, trois ou quatre se trouvent toujours entre les barres (Fig.17). Il est donc possible de choisir des sections de bonne qualité sur la longueur totale et générer les profils ''parfaits'' (sans ombrage par les barres longitudinales). Cette procédure peut être automatisée: un logiciel sera capable d’éliminer les sections ombragées et de composer les profils propres.

Figure 17: Principe d’acquisition de profils libres d'ombrage (vert) à l'aide du réseau

Réseau Hi-Bright

Pavage Béton Barres longitudinales

Figure 16: Réseau de 16 antennes (système RIS Hi-Bright de IDS)

VV = polarization of the antenna modules

HH = polarization of the antenna modules

TX RX

TX

RX

HH (1Tx +

HH (1Tx +

HH (1Tx +

HH HH HH HH (1Tx +

HH (1Tx + (1Tx + (1Tx + (1Tx +

VV (1Tx +

VV (1Tx +

VV (1Tx +

VV (1Tx +

VV (1Tx +

VV (1Tx +

VV (1Tx +

VV (1Tx +

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Lorsque plusieurs profils sont collectés à l'aide d'un système de réseau d'antennes, chaque passe sur la structure génère un profil composé, complètement libre d’ombrage . La figure suivante (fig. 18) démontre trois profils parallèles provenant du réseau Hi-Bright. Un profil sur trois est parfaitement enregistré, deux autres sont ombragés. Le réseau de ces dimensions collecte deux profils espacés de 0.5 m simultanément.

Figure 18: Trois profils individuels espacés de 100mm. Les deux premiers profils sont ombragés. Le troisième ne l'est pas (notes les réflexions hyperboliques sur les deux rangées de barres).

Les réseaux d’antennes permettront, pour la première fois, l’acquisition de données en double faisceaux (double polarisation) sur les grandes structures. Cette technique apporte de

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grandes améliorations à la détection d’objets dans le béton depuis quelques années; un progrès similaire est possible en évaluation de l’état de structures si la technique de double faisceaux est employée. La polarisation VV (latérale, dipôles parallèles à la direction des relevés) permet une meilleure visualisation des barres et surtout du fond de la dalle qui est important pour l’identification de zones de corrosion. Conclusions Le géoradar est un instrument très efficace pour l'identification des zones de béton endommagé. Il réagit surtout à la conductivité du béton élevée à cause de la corrosion d’armature. Les fissures et l’humidité ont relativement peu d’influence sur les données de radar. Par contre, il est important de bien être capable d’extraire cette information. L’analyse numérique des images de radar ignore leur complexité et engendre souvent des erreurs. Les résultats obtenus par l’analyse visuelle de données le font plus rapidement et avec plus de précision. Cette approche met en valeur les qualités du géoradar comme dispositif d’imagerie. Le traitement peut être accéléré avec l'aide de logiciels, mais il reste important de se fier sur l'œil expérimenté d'un analyste plutôt qu'une analyse numérique. Le concept du traitement visuel assisté par ordinateur est donc proposé. Le futur développement est axé sur l’emploi de réseaux de multiples antennes, capables de collecter les données libres d’interférence, et ça, en double polarisation. La technique avancée de double faisceaux qui a déjà modernisé la détection, sera ainsi applicable aux inspections de l’état des structures. Références ASTM, 2008, Standard Test Method for Evaluating Asphalt-Covered Concrete Bridge Decks Using Ground Penetrating Radar, ASTM International D-6087-08. Parillo R., Roberts R. et Haggan A., 2006, Bridge Deck Condition Assessment Using GPR. ECNDT 2006. Tarussov A. et Tremblay S., 2008, Inspection du béton par radar à double faisceaux. Colloque annuel du MTQ. Ulriksen, C.P.F., 1982, Application of Impulse Radar to Civil Engineering: Ph.D. 14 Thesis, University of Technology, Lund, Sweden, 175p.

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