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Cession et nantissement de créances dans les marchés publics Le législateur a strictement encadré les modalités de cession de créances tant au niveau du champ d’application que des procédures envisageables. La cession de créance faisant apparaître un nouveau créancier, quelles sont les conséquences du recours à cette technique de financement ? R eprésentant près de 15 % du produit intérieur brut (PIB), la commande publique constitue sans conteste un puissant levier financier pour l’ensemble des entre- prises nationales. À cet égard, la volonté affichée dans le projet d’ordonnance transposant les directives européennes marchés publics de février 2014 (1) de faciliter l’accès à la commande publique confirme l’enjeu que représentent les marchés publics en termes de source de financement des entreprises. Ce constat est bien connu, et justifia l’intro- duction, dès 1935, d’un mécanisme ad hoc destiné à faciliter le nantissement des créances issues des marchés publics conclus avec l’État et les collectivités publiques (2) . En effet, la règle comptable dite « du service fait », obli- geant l’administration à ne payer qu’après réalisation de la prestation, et l’impossibilité pour les entreprises créancières de l’administration de tirer une lettre de change sur la personne publique débitrice, a rendu nécessaire la mise en place d’un mécanisme spécifique offrant aux entreprises un moyen de garantir le préfi- nancement bancaire de l’exécution des marchés publics ou l’obtention d’une trésorerie rapide par la valorisation financière des créances qui en résultent. Le nantisse- ment ou la cession de créance est en effet un mécanisme facilitant le financement de l’activité des entreprises, dont l’emploi est généralisé en matière de créances commer- ciales, et qui permet soit de garantir le remboursement d’un financement bancaire octroyé à une entreprise via un nantissement de créances, soit de vendre par antici- pation la valeur future de créances dans le cadre d’une cession de créances, apportant ainsi de manière immé- diate au vendeur une liquidité financière qu’il pourra mettre au service de son développement. D’un point de vue strictement juridique, la différence réside dans le fait qu’une cession de créance transfère la propriété de ladite créance dans le patrimoine du bénéficiaire, quand (1) Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics. (2) Décret-loi du 30 octobre 1935 relatif au financement des marchés de l’État et des collectivités publiques. Olivier Laffitte Avocat associé, Taylor Wessing Mots clés Acceptation Dailly • Certificat de cessibilité • Cession de créance • Loi Dailly Contrats Publics – n° 156 - juillet-août 2015 Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/ 39 Dossier Comment gérer les dettes et les créances ?

Cession et nantissement de créances dans les … · (7) CE 24 septembre 2003, Société Banca Intesa, req. n° 233084. (8) CAA Lyon 29 mai 2008, Ville de Lyon, req. n° 06LY01546

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Cession et nantissement de créances dans les marchés publicsLe législateur a strictement encadré les modalités de cession de créances tant au niveau du champ d’application que des procédures envisageables. La cession de créance faisant apparaître un nouveau créancier, quelles sont les conséquences du recours à cette technique de financement ?

R eprésentant près de 15 % du produit intérieur brut (PIB), la commande publique constitue sans conteste un puissant levier financier pour l’ensemble des entre-

prises nationales. À cet égard, la volonté affichée dans le projet d’ordonnance transposant les directives européennes marchés publics de février 2014(1) de faciliter l’accès à la commande publique confirme l’enjeu que représentent les marchés publics en termes de source de financement des entreprises. Ce constat est bien connu, et justifia l’intro-duction, dès 1935, d’un mécanisme ad hoc destiné à faciliter le nantissement des créances issues des marchés publics conclus avec l’État et les collectivités publiques(2).

En effet, la règle comptable dite « du service fait », obli-geant l’administration à ne payer qu’après réalisation de la prestation, et l’impossibilité pour les entreprises créancières de l’administration de tirer une lettre de change sur la personne publique débitrice, a rendu nécessaire la mise en place d’un mécanisme spécifique offrant aux entreprises un moyen de garantir le préfi-nancement bancaire de l’exécution des marchés publics ou l’obtention d’une trésorerie rapide par la valorisation financière des créances qui en résultent. Le nantisse-ment ou la cession de créance est en effet un mécanisme facilitant le financement de l’activité des entreprises, dont l’emploi est généralisé en matière de créances commer-ciales, et qui permet soit de garantir le remboursement d’un financement bancaire octroyé à une entreprise via un nantissement de créances, soit de vendre par antici-pation la valeur future de créances dans le cadre d’une cession de créances, apportant ainsi de manière immé-diate au vendeur une liquidité financière qu’il pourra mettre au service de son développement. D’un point de vue strictement juridique, la différence réside dans le fait qu’une cession de créance transfère la propriété de ladite créance dans le patrimoine du bénéficiaire, quand

(1) Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics.

(2) Décret-loi du 30 octobre 1935 relatif au financement des marchés de l’État et des collectivités publiques.

Olivier Laffitte Avocat associé, Taylor Wessing

Mots clés

Acceptation Dailly • Certificat de cessibilité • Cession de créance • Loi Dailly

Contrats Publics – n° 156 - juillet-août 2015 Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/ 39

DossierComment gérer les dettes et les créances ?

un nantissement ne joue qu’à titre de garantie sans effet translatif de propriété.

Cette technique de financement des entreprises a atteint son apogée avant la crise, où il était courant de recourir de manière massive et généralisée à cette technique au travers de ce que l’on appelle la « titrisation » de créances. Très en vogue dans les années 2000, les entre-prises les plus en pointe pratiquaient ainsi le « whole business securitization »(3) et l’État lui-même envisageait d’y recourir comme mode complémentaire de finance-ment, via la titrisation de ses propres créances. Malgré sa mauvaise réputation actuelle, liée à son implication directe dans la crise financière mondiale de 2007/2008, la cession de créance reste un outil fondamental de finan-cement des entreprises, et a ainsi été consacrée dans le Code des marchés publics dont les articles 106 à 110 encadrent la mise en œuvre, en coordination avec les dispositions correspondantes du Code civil, ou du Code monétaire et financier suite à l’adoption de la loi Dailly du 2 janvier 1981(4) et dont l’article 1er vise toute créance détenue sur « une personne morale de droit public ou de droit privé ». Alignant ainsi le régime des nantissements ou cessions des créances publiques et privées, le recours aux « cessions Dailly » s’est généralisé, non seulement dans les marchés publics, mais aussi dans le cadre des autres contrats publics, et notamment des délégations de service public (où font désormais l’objet d’une cession ou d’un nantissement les créances relatives aux indem-nités de résiliation ou à la TVA) ou encore des contrats de partenariat, qui bénéficient à cet égard d’un régime propre de cession de créances défini au Code monétaire et financier(5).

Compte tenu de la qualité de la « signature publique » et peut-être d’une méfiance persistante envers une tech-nique de financement provenant du monde des affaires, la cession ou le nantissement de créances dans le cadre des marchés publics reste soumis à un régime juridique spécifique caractérisé par un formalisme rigoureux, venant tempérer les risques liés à des conséquences potentiellement dangereuses pour les finances publiques.

Un formalisme rigoureux pour les bénéficiaires des cessions de créancesLa conception de plus en plus extensive des créances publiques pouvant potentiellement faire l’objet d’une cession a conduit le législateur à encadrer strictement les modalités pratiques de ces opérations afin d’en assurer la compatibilité avec les spécificités de la réglementation des marchés publics.

(3) Titrisation globale d’entreprise.

(4) Loi n° 81-2 du 2 février 1981 facilitant le crédit aux entreprises, dite loi « Dailly ».

(5) Articles L. 313-29-1 et L. 313-29-2 du Code monétaire et financier.

Le champ d’application des cessions ou nantissements de créances issues d’un marché public

● Les créances concernées

Aux termes des dispositions de l’article 106 du Code des marchés publics, le pouvoir adjudicateur remet une copie de l’original du marché ou un certificat de cessibilité « en vue de permettre au titulaire de céder ou nantir des créances résultant du marché », l’article 117 du même code étendant aux sous-traitants acceptés et agréés le bénéfice de ce dispositif « à concurrence du montant des prestations qui [leur] sont réglées directement ». Aucune limitation n’est donc édictée en ce qui concerne la nature de la créance pouvant faire l’objet d’une cession ou d’un nantissement. Si le prix à payer par le pouvoir adjudicateur est bien évidemment la créance principale, rien ne semble s’opposer à ce que d’autres catégories de créances puis-sent être cédées ou nanties, à condition toutefois qu’elles résultent d’un marché public et qu’elles obéissent aux critères généraux de définition des créances susceptibles d’être cédées ou nanties. À cet égard, nous rappellerons que toute créance même future ou seulement hypothé-tique, dès lors qu’elle existe bien potentiellement, peut être cédée ou nantie. La jurisprudence a ainsi confirmé que peuvent être cédées les créances relatives à une subvention publique(6), celles constatant un crédit de TVA(7), celles relatives aux indemnisations dues en cas de résiliation anticipée ou encore une créance de dommages à l’encontre d’un constructeur.

● Les typologies de cession envisageables

En la matière, les articles 106 et suivants du Code des marchés publics définissent les modalités pratiques devant être respectées afin de permettre au titulaire du marché d’identifier sa créance en vue de sa cession ou de son nantissement. Ce régime devra toutefois être articulé avec les deux modes de cession de créance existant, et relevant soit du Code civil (articles 1689 et suivants) soit du Code monétaire et financier (articles L. 313-23 et suivants) ayant intégré les dispositions de la loi Dailly. Si toutes les créances sont susceptibles d’être cédées ou nanties via l’une ou l’autre voie, c’est in fine le bénéficiaire de la cession qui permettra d’arbitrer entre les deux procédures ; en effet, le mécanisme Dailly est réservé au bénéfice des établissements de crédit et assi-milés, la cession « Code civil » étant utilisée quant à elle lorsque le bénéficiaire est par exemple une autre entre-prise à laquelle sera cédée une créance en paiement d’une dette antérieure ou à titre de règlement pour une prestation(8).

(6) CA Paris 4 janvier 1990, D. 1990, inf. rap., p. 44.

(7) CE 24 septembre 2003, Société Banca Intesa, req. n° 233084.

(8) CAA Lyon 29 mai 2008, Ville de Lyon, req. n° 06LY01546 ; CAA Nancy 9 janvier 2006, Sté Forbo Sarlino, req. n° 02NC00979.

Contrats Publics – n° 156 - juillet-août 201540 Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/

Comment gérer les dettes et les créances ?Dossier

cession ou du nantissement à la personne publique. Ainsi, et en cas d’erreur sur le comptable assignataire(9), sur les documents transmis à ce dernier(10) ou de manière géné-rale en cas de non-respect des formalités prévues tant par le Code des marchés publics que le Code civil et le CMF(11), le cessionnaire ne pourra prétendre au paiement de sa créance par le comptable public.

Des conséquences rigoureuses pour les finances publiquesLa cession de créance fait entrer en jeu un nouveau créan-cier, qui se substitue au précédent et peut, le cas échéant, faire naître un lien juridique nouveau et autonome entre la personne publique et le nouveau cessionnaire, dont les effets bénéfiques doivent être appréhendés avec discernement par la personne publique.

Les effets de la cession de créance : une « vrai-fausse » novation

● Nouveau créancier et opposabilité des exceptions

Si la cession valablement notifiée a pour effet principal de faire apparaître un nouveau créancier, au bénéfice exclusif duquel la personne publique débitrice devra payer sa créance, elle ne fait pas pour autant naître un lien juridique autonome par rapport au contrat support de la créance. En ce sens, la personne publique ne pourra plus se libérer de sa dette qu’en procédant au paie-ment du cessionnaire, au risque de payer deux fois si elle continuait à payer son ancien débiteur ayant cédé sa créance(12). D’autre part, le nouveau créancier ne saurait avoir plus de droits que le titulaire du marché(13), et se verra donc opposer, par la personne publique, dans le cadre de la détermination du montant de sa créance, l’ensemble des exceptions relatives aux marchés publics. Ainsi, seul le solde du décompte final et définitif identi-fiera le montant de la créance due, qui n’est jusqu’à cette date qu’une créance future dont le montant réel dépend de la bonne exécution du marché(14), et qui peut notam-ment se voir affecté par l’application de pénalités de retard(15) ou encore le décompte d’avances. À l’inverse, le cessionnaire pourra se prévaloir des droits du cédant, et

(9) CAA Bordeaux 15 novembre 2007, Compagnie générale d’affacturage, req. n° 05BX00069.

(10) CE 6 décembre 1999, Ville de Marseille, req. n° 189407.

(11) Cass. com. 4 décembre 2001, Banque française de crédit coopératif, n° 99-12.115.

(12) CE 19 mars 2001, Région PACA, req. n° 207626.

(13) CE 21 juin 1999, Banque populaire Bretagne-Atlantique, req. n° 151917 ; CE 22 juillet 2009, OPAC de la Sarthe, req. n° 300313 ; CE 18 mars 1959, Sté Banque de crédit, Rec. CE 1959, p. 188.

(14) CE 21 juin 1999, Banque populaire Bretagne-Atlantique, req. n° 151917.

(15) CAA Nantes 5 février 1998, Cne de Neuville-aux-Bois, req. n° 94NT00103.

Les modalités de cession ou nantissement de créances issues d’un marché public

● Le rôle fondamental de l’exemplaire unique du marché et du certificat de cessibilité

Le Code des marchés public prévoit un formalisme strict permettant d’identifier la créance susceptible de faire l’objet d’une cession et d’un nantissement, et ce afin d’éviter tout risque de confusion ou contestation entre des bénéficiaires différents ou successifs de telles cessions. Ainsi, l’article 106 dudit code oblige-t-il la personne publique à délivrer au titulaire qui en fait la demande, soit « une copie de l’original du marché revêtue d’une mention dûment signée indiquant que cette pièce est délivrée en unique exemplaire », soit un « certificat de cessibilité ». Dans le cas d’un marché exécuté par un groupement conjoint, il est délivré à chaque entreprise l’un de ces documents limité au montant des prestations qui lui sont confiées. En cas de groupement solidaire, le document susvisé est délivré au nom du groupement, dès lors que les prestations réalisées par les entreprises ne sont pas individualisées, sinon il est délivré à chaque membre du groupement à hauteur de sa propre prestation. Par ailleurs, ce document devra prendre en compte la part de prestations éventuellement sous-traitée à un sous-traitant bénéficiant du paiement direct, qui pourra à son tour devenir éligible au mécanisme de cession ou nantis-sement de sa créance. Enfin, et pour ce qui concerne les marchés à bons de commande ou à tranches, il peut être délivré, au choix du titulaire, soit un exemplaire unique ou certificat de cessibilité du marché dans son ensemble ou pour chaque bon de commande ou tranche.

● Les deux procédures envisageables : « cession Code civil » et « cession Dailly »

Outre le respect préalable des exigences du Code des marchés publics rappelées supra, le titulaire pourra choisir de céder sa créance selon les modalités de l’ar-ticle 1689 du Code civil ou de l’article L. 313-23 du Code monétaire et financier (CMF). D’une manière générale, la « cession Code civil » est considérée comme plus coûteuse et donc moins pratiquée que la « cession Dailly ». Ainsi, dans le premier cas, le cessionnaire, c’est-à-dire dire celui qui se fait céder ou nantir la créance par le cédant, devra signifier par huissier de justice au comptable assi-gnataire de la personne publique débitrice la cession de créance, sans qu’un formalisme particulier ne soit prévu en l’espèce, sous réserve de l’obligation de transmettre audit comptable assignataire l’acte de cession et l’exem-plaire unique de marché ou le certificat de cessibilité. En matière de « cession Dailly », le cessionnaire et le cédant devront établir un bordereau de cession contenant obli-gatoirement les mentions visées à l’article L. 313-23 du CMF ; le cessionnaire devra ensuite notifier au comptable assignataire par lettre recommandée avec accusé de réception ou tout autre moyen donnant date certaine, la cession en respectant le formalisme prévu par l’article R. 313-17 du CMF, accompagné de l’exemplaire unique ou du certificat de cessibilité. Le strict respect de ce forma-lisme est absolument nécessaire à l’opposabilité de la

41Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/Contrats Publics – n° 156 - juillet-août 2015

Comment gérer les dettes et les créances ?Dossier

de nantissement d’une créance professionnelle. Dans ce cas, le débiteur ne peut opposer à l’établissement de crédit les exceptions fondées sur ses rapports person-nels avec le signataire du bordereau (...) ». Ainsi, l’acte d’acceptation a pour effet d’obliger le débiteur-cédé - en l’espèce la personne publique - à payer le montant de la créance cédée sans pouvoir invoquer ses rapports avec le cédant ; la créance devient donc, du fait de cette accepta-tion, certaine et non plus seulement future comme dans le cas d’une cession simple. D’un point de vue juridique, on considère en effet qu’un nouveau lien de droit s’est établi entre le débiteur-cédé et le cessionnaire, autonome par rapport au lien initial débiteur-cédé/cédant. Bien que peu pratiquée initialement, l’acceptation Dailly a connu récemment un fort développement suite, en particulier, à sa validation formelle par le Conseil d’État en juin 2003(20) et à sa consécration législative, dans le cadre de l’ordon-nance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat qui introduisait un mécanisme spécifique à l’article L. 313-29-1 du CMF.

● Un levier financier à double tranchant

L’intérêt de ce mécanisme est bien évidemment d’of-frir une sécurité maximale à l’établissement de crédit cessionnaire, dans la mesure où sa créance devient certaine dans son montant, et que le débiteur dispose par nature d’une qualité de signature le mettant à l’abri du risque de contrepartie. En échange, l’établissement de crédit demandera un taux d’intérêt relativement faible à son emprunteur, qui pourra donc par ricochet proposer à la personne publique une offre financière particuliè-rement compétitive pour la réalisation des prestations objets du marché. Si la personne publique a donc égale-ment un intérêt direct à accepter une cession de créances Dailly (ce qui explique en grande partie le succès récent de cette pratique), il n’en demeure pas moins qu’une telle acceptation est potentiellement dangereuse ; dans ce contexte, tant le Conseil d’État dans son arrêt précité que le Code monétaire et financier ont posé des condi-tions encadrant strictement ces pratiques sans en déna-turer les effets bénéfiques. Il appartient désormais aux personnes publiques de se familiariser avec cet efficace levier financier, afin d’en faire un outil au service du déve-loppement de leurs activités, et non une dangereuse arme à double tranchant.

(20) CE 25 juin 2003, Caisse centrale de Crédit mutuel du Nord de la France, req. n° 240679.

notamment engager la responsabilité extracontractuelle de la personne publique en cas d’annulation conten-tieuse du marché ayant pour effet de faire disparaître sa créance(16).

Protection accrue des cessionnairesNouvel entrant dans la relation tripartite débiteur cédé, cédant et cessionnaire, ce dernier se voit également reconnaître des droits propres lui permettant de veiller à la sauvegarde de ses intérêts ; à ce titre, l’article 109 du Code des marchés publics lui octroie le droit de demander à la personne publique en cours d’exécution du marché « soit un état sommaire des prestations effectuées, accompagné d’une évaluation qui n’engage pas le pouvoir adjudicateur, soit le décompte des droits constatés au profit du titulaire du marché », de même qu’un « état des avances et des acomptes mis en paiement ». Cette obliga-tion d’information pesant sur la personne publique a ainsi conduit cette dernière à voir sa responsabilité délictuelle engagée en cas de fourniture d’informations erronées(17) ou d’établissement d’attestations inexactes(18). Enfin, il est également de la responsabilité de la personne publique de protéger le cessionnaire des réclamations ou préten-tions qui pourraient affecter le montant de sa créance et seraient le fait de sous-traitants agréés à tort ; le Conseil d’État a en particulier confirmé que les paiements effec-tués au profit d’un sous-traitant irrégulièrement agréé ne sont pas opposables au cessionnaire, qui peut donc réclamer le paiement de la totalité de sa créance(19).

Intérêt et risques de « l’acceptation Dailly »

● Le recours à « l’acceptation Dailly »

Dans le cadre d’une cession Dailly, l’article L. 313-29 du CMF précise que « sur la demande du bénéficiaire du bordereau, le débiteur peut s’engager à le payer direc-tement ; cet engagement est constaté à peine de nullité par un écrit intitulé acte d’acceptation de la cession ou

(16) CE 7 avril 2004, Cne de Cabourg, req. n° 239000.

(17) CAA Paris 31 mars 1992, Banque Socredo, req. n° 91PA00043.

(18) CAA Bordeaux 10 mars 2005, CEPME, req. n° 00BX02661.

(19) CE 6 décembre 1999, Ville de Marseille, req. n° 189407 ; CAA Marseille 4 février 2003, Synd. intercommunal de distribution d’eau de la corniche des Maures, req. n° 98MA01050.

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